[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 avril 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Si les membres du comité tardent, c'est que le soleil brille à Ottawa pour la première fois depuis six mois au moins. On n'en revient pas. C'est peut-être l'événement le plus important de toute l'année en matière de développement international: un peu de soleil à Ottawa.
C'est avec plaisir que je vous accueille tous ici à nouveau. Désolé du retard.
Nous recevons cet après-midi un groupe fort intéressant avec qui nous discuterons de nouvelles façons d'amener les citoyens à appuyer les efforts de développement international. Nous recevons M. Sanger de l'Institut Nord-Sud, Mme Betty Plewes, à qui nous devons l'idée de la rencontre d'aujourd'hui, ainsi que M. Jean-Marc Fleury, du CRDI. Malheureusement, M. François Lagarde est indisposé et ne pourra pas se joindre à nous. Toutefois, nous avons son mémoire.
Nous entendrons les témoins dans l'ordre dans lequel je les ai présentés. Comme d'habitude, nous vous invitons à limiter votre intervention à une dizaine de minutes, ce qui nous laissera du temps pour vous poser des questions.
Vers 16h30, M. Fishkin de l'Université du Texas à Austin se joindra à nous et pourra peut-être dire brièvement quelques mots devant le comité.
Je vous remercie à nouveau d'être venus. Monsieur Sanger, auriez-vous l'amabilité de commencer.
M. Clyde Sanger (directeur des communications, Institut Nord-Sud): Merci beaucoup, monsieur le président. D'entrée de jeu je tiens moi aussi à remercier Betty Plewes à qui nous devons l'idée de la rencontre de cet après-midi.
C'est autant à titre de journaliste en exercice, puisque je pratique toujours ce métier, donc en offrant le point de vue des médias, que comme représentant du milieu du développement international et employé de l'Institut Nord-Sud que je vais prendre la parole.
Je vous ai fait parvenir un mémoire il y a quelque temps déjà. Je crois qu'il a été traduit et remis aux membres du comité. Pour cette raison, je ne vais pas en faire le résumé. C'était un document un peu irrévérencieux. J'y parlais de tout, de la résurrection jusqu'à la banane goldfinger mise au point par le CRDI avec des chercheurs du Honduras.
Le thème du document, c'était la confiance. Si François Lagarde avait été ici, je crois qu'il aurait abordé la question sous l'angle de la crédibilité, lui qui préconise l'emploi de termes simples pour transmettre un message, mais si le message lui-même n'est pas simple.
Notre groupe est censé discuter de nouvelles méthodes de sensibilisation de la population. Cela évoque les nouvelles technologies, comme l'Internet et la télévision. Dans mon mémoire, je laisse pointer mon scepticisme. Ce matin, Carole Beaulieu nous a dit en quoi elle trouvait l'Internet utile. À l'heure du déjeuner, elle m'a parlé des programmes.
Aucun d'entre nous ne connaît ce sujet à fond, n'est-ce pas? Elle m'a appris des choses sur les émissions de télévision au Québec, comme La Course Destination Monde, financée par le secteur privé et l'ACDI et qui permet à des jeunes d'aller à l'étranger pour tourner des films. Je pense qu'il y a beaucoup de possibilités. J'essaye d'être aussi radieux que le temps qu'il fait à l'extérieur.
Nazeer Ladhani, quant à lui, parlait de convaincre les sceptiques. Moi, je pense qu'il faut employer la méthode du face-à-face. Dans le document de Gerry Schmitz, il est question d'un film très intéressant réalisé par la Société asiatique des partenaires et d'autres, je crois, qui porte le titre The Skeptic's Journey qui relate le voyage que des déshérités ont fait en Inde. Ça, c'était un face-à-face. Quelles que soient les qualités de la technologie actuelle, c'est surtout une façon pour ceux que cela intéresse déjà de s'informer mieux. Comme je le dis dans mon texte, on peut être victime d'une surabondance d'information.
Dans le temps qui m'est accordé, je voudrais revenir sur cinq points abordés ce matin. Le premier, c'est la lassitude des donateurs. Dans le premier groupe de discussion, il y a eu je crois une certaine divergence de vues entre M. Adams et Ian Smillie quant à savoir si cette lassitude existe vraiment. Moi, je pense comme Ian Smillie: je pense que cela tient au fait que les organisations plus petites ont vu leurs dons baisser et que les administrateurs ont ressenti une certaine lassitude. Nous avons bien vu que la cote de l'ACDI a connu des périodes de déclin. Il est certain que dans l'esprit des Canadiens, on la croit inefficace.
J'aimerais maintenant dire quelques mots à propos des évaluations. J'ai brièvement travaillé à l'ACDI à titre de conseiller spécial pour Paul Gérin-Lajoie. Le mont «évaluation» n'était pas vraiment un mot grossier, mais il nous mettait un peu mal à l'aise lorsqu'on l'entendait parce qu'on était trop occupé à grossir nos programmes et que personne n'avait le temps de revenir en arrière pour les évaluer.
Puis, je suis passé au CRDI. J'ai roulé ma bosse - où les évaluations donnaient vraiment du mal. Faut-il évaluer un programme de recherche scientifique en fonction des objectifs scientifiques fixés au début même s'ils peuvent avoir évolué sur une période échelonnée sur plusieurs années? Qui doit faire l'évaluation: vous et le donateur ou ceux qui sont sur le terrain? Les évaluations de ce genre sont vraiment très difficiles à faire. Évaluer l'efficacité, c'est vraiment très difficile, surtout si la période visée est courte.
J'ai rédigé un ouvrage sur le Unitarian Service Committee. J'ai pu me rendre en Grèce 30 ans après un projet pour voir ce qui en restait et 10 ans après en Inde. Je pense que c'est le genre de recul qu'il nous faut.
Je veux aussi parler des sondages et des réserves qu'ils ont inspirées ici. Mme Debien et d'autres ont exprimé certaines réserves. J'en ai moi aussi. Sur une note facétieuse, Michael Adams a dit que les sondages d'opinion, c'est comme le réverbère pour l'ivrogne: ça sert plus à soutenir qu'à éclairer. Je sais aussi que John Diefenbaker avait sa propre définition lorsqu'il faisait faire la promenade à son chien le soir à Rockcliffe.
J'ai été bien étonné quand Michael Adams a dit que nous avions posé une excellente question. Nous avions demandé si la mondialisation est une chance ou une menace pour les Canadiens. Pour moi, c'est une question ridicule. On n'explique pas ce qu'est la mondialisation et c'est beaucoup trop vaste et trop vague. Pour moi, cela illustre ce qui laisse à désirer dans certains sondages, qui ne sont vraiment qu'un point de départ pour nous tous et auxquels il faut ajouter. On dirait que pour lui, c'est un résultat et j'imagine que dans son métier, c'est le cas.
Ce qu'il nous a dit de vraiment utile, c'est que les Canadiens s'impliquent et ne tiennent rien pour acquis. M. Wulff a ensuite parlé de la société canadienne comme d'une société atomisée et qu'il faut dans les diverses régions du pays tenir un langage différent. Je suis d'accord là-dessus.
Nazeer Ladhani a renchéri en disant qu'il est possible d'atteindre tous les secteurs. Il a ensuite utilisé l'expression «apprentissage systématique».
Cela semblait nous mener, même s'il n'a pas dit son nom... Il l'avait dans son mémoire, etIan Smillie aussi dans le sien. Je ne sais pas pourquoi ils n'ont pas donné son nom, à moins que ce soit parce que personne ne sait comment le prononcer. Je vais essayer: Daniel Yankelovich. C'est bien ça? Son livre, Coming to Public Judgement, voilà une véritable nouvelle formule. Je pense qu'il a vraiment inspiré une toute nouvelle réflexion ici, l'apprentissage systématique ou le sondage délibératif. Nous allons en apprendre davantage lorsque le professeur Jim Fishkin prendra la parole.
Vous avez un article de Maureen O'Neil sur la méthode Fishkin... Ce qui m'inquiète dans la formule Fishkin, le sondage délibératif, c'est de savoir comment on peut reproduire l'expérience tentée auprès de 493 personnes qui se sont rassemblées à Austin en janvier.
Troisièmement, je voudrais parler des médias. Et je parle comme un praticien. Comme Carole Beaulieu, je pense que les médias ne sont pas là pour sensibiliser davantage la population aux questions planétaires. Je pense quand même qu'ils le font très bien. Nous, à l'Institut Nord-Sud, nous avons jugé que cela valait la peine de consacrer pas mal d'énergie à produire une publication - permettez-moi de vous la mettre sous le nez. C'est une anthologie de textes venant de 54 journalistes et rédigés dans les deux langues. On y retrouve le récit de voyage de Carole Beaulieu au Viêt-nam. C'est un exemple de la qualité du journalisme et de la perspicacité de gens comme John Stackhouse qui nous parle de la qualité de vie, des problèmes et des possibilités qu'offrent les pays du Sud.
Dans son document, Janet Zukowsky mentionne, je pense, que 21 journalistes ont été aidés par l'ACDI. C'est bien, mais il y a 20 autres organismes ou 20 autres sources d'aide au Canada auxquels les journalistes qui veulent aller dans le sud peuvent s'adresser.
Je signale que les médias devancent la coalition Mines Action pour ce qui est des mines anti-personnel. Il y a deux articles dans ceci, qui a été publié il y a 18 mois, au sujet du problème des mines anti-personnel en Angola et en Somalie.
Ce qui est important à cet égard, et il en a été question quelque peu, ce sont les récits de survie. John Godfrey le laissait sentir lorsqu'il parlait de son village éthiopien. Il est retourné après la famine et a constaté que les gens se reprenaient en main.
Il est malheureux que M. Morrison ait reflété une image de l'Afrique qu'il a tirée directement, selon moi, d'un article du Atlantic Monthly, intitulé «The Coming Anarchy». Il a utilisé le terme «Anarchy».
Cela n'est pas une image véridique de l'Afrique. À la direction ACDI-Afrique de l'Institut Nord-Sud, nous venons de terminer une table ronde sur l'Afrique. Ce que l'on constate, c'est à quel point les Africains sont maintenant compétents, évolués. Il prétend que les gens de cette catégorie ont tous été tués. En réalité, le perfectionnement des ressources humaines en Afrique depuis 20 ans est ce qu'il y a de plus encourageant pour l'avenir.
Ian Smillie nous a parlé de la Sierra Leone. Ce qui ressort de ses propos, je pense, c'est que la Sierra Leone se rétablit, après avoir tenu des élections, après avoir renvoyé ses soldats à leurs baraques; même s'il y a 2 millions de personnes déplacées, l'espoir renaît. Je pense que c'est le genre de message qu'il faut communiquer.
Nazeer Ladhani a insisté sur l'importance de la dignité. Le couple de Vision mondiale a parlé de développement durable plutôt que de secours. C'est également un message qui doit être véhiculé.
Ma dernière observation a trait au commerce et au secteur privé. C'est une session pour les ONG, et le secteur privé en fait partie d'une certaine manière. Au fur et à mesure que l'aide gouvernementale diminue, le secteur privé, grâce au commerce et aux investissements, fait plus que combler le vide, il occupe une place importante dans ce domaine.
J'ai noté ce que Nazeer Ladhani a dit au sujet des gens qui se sont joints à Équipe Canada à l'étranger. Je pense que le dialogue entre les ONG et le secteur privé dans ce domaine, le fait de pouvoir constater quelle image est projetée à l'étranger sont très importants.
Je remarque que dans le document de Mme Labelle, à la page six - je ne pense pas qu'elle ait pu en parler - il est question, relativement au secteur privé, des suggestions faites à l'ACDI portant que les contrats reliés à l'aide étrangère exigent que les fournisseurs fassent un effort vérifiable pour informer leurs travailleurs de la source de leur emploi. Je pense que des compagnies peuvent et doivent transmettre le message.
Il est important que le secteur privé joue ce rôle au Canada. Il doit également, dans le sud, projeter l'image d'un secteur privé qui n'est pas uniquement intéressé à obtenir des contrats. La question lien entre le commerce et les droits de la personne préoccupe beaucoup de membres des ONG, on a pu le constater lors du dernier d'Équipe Canada en Asie. Elle s'est posée dans le contexte du travail des enfants grâce aux efforts remarquables d'un garçon de 13 ans de Mississauga. Mais cette question du commerce et des droits de la personne survient à d'autres égards; il y a aussi répression militaire dans certains pays où les sociétés canadiennes ont des investissements. L'exemple que je connais le mieux, parce que ma femme travaille pour le groupe des droits de la personne qui essaie d'intervenir, est la Birmanie. Je connais des sociétés qui exploitent les ressources minières de ce pays alors que son gouvernement militaire n'a d'autre souci que de s'octroyer une part des profits exactement comme cela se faisait en Namibie il y a dix ou quinze ans.
Je pense qu'un sujet de débat qui pourrait intéresser les Canadiens à ce moment-ci est le commerce. Cependant, le commerce et les droits de la personne doivent être considérés comme reliés. Comme Pierre Sané le disait l'autre jour, ce n'est pas un choix entre les deux; ce n'est pas le commerce aujourd'hui et les droits de la personne plus tard; l'important, ce sont les droits de la personne; le commerce vient après. Je termine sur cette note. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sanger.
Madame Plewes.
Mme Betty Plewes (présidente et chef de la direction, Conseil canadien pour la coopération internationale): Je remercie le comité de prendre le temps d'examiner cette question tout à fait d'actualité. Après les exposés de ce matin, je me demande s'il y a encore quelqu'un dans cette pièce qui n'est pas convaincu de l'importance pour les Canadiens d'être plus sensibilisés à ce qui se passe dans le reste du monde. Nous pouvons ne pas nous entendre sur la question de savoir qui doit payer la note, quelle est la façon la plus efficace de procéder et qui doit prendre l'initiative, mais nous devons partir du principe qu'en 1996 nous ne pouvons ignorer le reste du monde. Beaucoup de choses qui nous touchent de près ont une dimension mondiale, que ce soit la musique, les arts, l'environnement, ou le commerce ou le tourisme.
Les gens sentent une sorte de solidarité mondiale, même si ce n'est pas toujours le terme qu'ils utilisent. Là où c'est le plus évident, c'est dans le domaine de l'environnement. Les Canadiens comprennent que l'avenir de leur environnement dépend en partie de ce que font les gens des autres régions du monde. Il est clair, par exemple, que nous avons déjà franchi trois seuils relativement à l'écosystème mondial: la capacité de la planète de remplacer la couche d'ozone; la capacité de la végétation d'absorber le dioxyde de carbone et la capacité des océans de reproduire la biomasse marine en déclin. Les gens commencent à en voir les effets dans leur vie quotidienne, à comprendre ce que cela signifie pour eux.
La présente étude est donc opportune. C'est le bon moment pour le gouvernement et l'ACDI de voir comment ils peuvent - non pas continuer d'éduquer le public, mais, comme Clyde l'a suggéré, de profiter du fait que le public est déjà sensibilisé et d'étendre ses connaissances, de l'aider à faire le lien entre les nombreuses questions qui se posent actuellement.
L'exposé de Michael Adams, ce matin... Clyde a également mentionné le travail deDaniel Yankelovich... notre propre réseau de recherche publique au Canada révèle le désir des Canadiens de participer au dialogue sur les politiques publiques. Les politiciens, les élites, les universitaires ne peuvent plus prendre les décisions seuls. Les Canadiens veulent participer de façon novatrice à l'élaboration des politiques.
Trois des intervenants de ce matin ont expliqué comment les ONG incluent l'élément éducation en matière de développement dans leur travail. La mobilisation du public est un élément essentiel de la coopération dans le domaine du développement. Nous parlons beaucoup de l'aide, mais nous savons que les montants d'argent et les ressources relativement minimes et en décroissance offerts dans ce cadre ne peuvent résoudre à eux seuls le problème de la pauvreté, le problème de la dégradation de l'environnement.
L'aide, si importante soit-elle, doit faire partie d'une politique cohérente et à multiples facettes en vue de promouvoir le développement durable. Les ONG et le gouvernement réalisent que le transfert de faibles montants d'argent n'est pas la vraie solution aux problèmes mondiaux. Les gens des pays en développement, nos partenaires des ONG du Sud proposent des rapports différents avec le Nord, des rapports qui supposent que tous acceptent la responsabilité de ce qui se passe dans le monde et travaillent ensemble à trouver des solutions mondiales aux problèmes de la pauvreté, de l'environnement, du trafic de la drogue et aux nombreux autres problèmes évoqués ce matin. Ils proposent des rapports plus égalitaires. Il ne s'agit pas pour le Nord de donner quoi que ce soit au Sud, de dicter sa conduite au Sud; ce qui est souhaité, c'est une responsabilité partagée pour tout ce qui se passe sur la planète.
À cet égard, les ONG du Sud nous disent qu'ils subissent au plus haut point l'impact des politiques gouvernementales du Nord, non pas seulement en matière d'aide, mais également en matière de commerce, d'activités militaires, d'environnement. Ils nous demandent, à nous, les ONG canadiens, d'influencer les politiques canadiennes.
Ces gens nous demandent également de travailler en collaboration avec eux pour infléchir les politiques des institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et d'autres encore, pour qu'il y ait plus de réciprocité et plus de partage de responsabilités. Cela pose d'ailleurs un certain nombre de problèmes intéressants pour les ONG du Nord.
Nous avons réussi assez bien à cultiver les donateurs: les Canadiens sont généreux et donnent généreusement aux ONG canadiennes. Dès lors qu'ils croient que leur don ira aux nécessiteux, les Canadiens ouvrent volontiers leur portefeuille, autant les particuliers que les organisations.
Mais les ONG ne sont pas nécessairement les mieux équipées pour faire le travail nécessaire outre-mer. Il existe beaucoup d'ONG du Sud qui peuvent aujourd'hui faire ce travail, de sorte qu'on nous demande à nous, en Amérique du Nord et en Europe, d'engager le dialogue et de nous occuper des changements au niveau des politiques, de même que d'informer la population canadienne. D'après nos collègues du Sud, cette tâche est tout aussi importante que celle d'appuyer les projets du sud.
Les ONG se rendent compte de plus en plus à quel point il est nécessaire de trouver de nouvelles façons pour aller chercher les gens. Il ne suffit plus de se déculpabiliser en faisant un don, et d'ailleurs, une grande partie des messages sont très désarmants: la pauvreté et les inégalités sont à la hausse, l'environnement est menacé, ce sont les grandes forces qui jouent, et la dette gouvernementale croît. Comme quelqu'un l'a dit ce matin, cette menace parvient à mobiliser la population dans une certaine mesure, mais seulement si la population sait comment réagir devant elle. Si elle ne sait pas comment réagir devant la menace, celle-ci les désarme. Pour nous, le défi, c'est de trouver des moyens concrets d'agir.
Les ONG ont néanmoins une victoire à leur actif: ils ont réussi à mettre directement en contact des syndiqués canadiens, tels que les enseignants, pêcheurs et travailleurs sociaux, et les groupes outre-mer. En fait, il y a plusieurs façons de parvenir à ce résultat, sans nécessairement qu'il faille pour cela faire la navette d'un pays à l'autre.
Notre espoir, c'est de parvenir à démontrer que ce sont les gens qui font la différence. C'est une victoire que peuvent revendiquer les environnementalistes, les féministes et les ténors de la lutte contre le tabagisme. L'être humain agit dès qu'il est convaincu que son action aura des résultats.
Au cours de la dernière année, notre conseil s'est engagé à revoir la façon dont nos membres fonctionnent avec le public. Nous avons organisé des dizaines de groupes de réflexion d'un bout à l'autre du pays avec les médias, les groupes ethnoculturels, nos membres et les donateurs, et nous constatons que l'image de la citoyenneté globale trouve beaucoup d'écho chez les Canadiens. Les gens veulent être rattachés à leur propre collectivité, mais ils veulent également y ajouter une dimension globale. Il faut donc trouver des façons d'aider la population à trouver cette allégeance, allégeance non seulement à l'égard de ses propres enfants et sa propre collectivité, mais aussi allégeance à l'égard de la planète tout entière et de ses habitants.
Il y a une façon d'y parvenir qui me semble de plus en plus intéressante: Même si nos vies se définissent énormément en termes économiques, on pourrait peut-être mobiliser les gens en tant que citoyens, consommateurs et investisseurs. On s'intéresse de plus en plus au commerce de rechange, aux investissements déontologiques et au consumérisme.
À preuve, on voit émerger une nouvelle organisation qui s'appelle «Fair TradeMark Canada». Cette organisation essaie de convaincre les chaînes de supermarchés de stocker des gammes d'articles produits dans des conditions de travail sûres et démocratiques et produits à des prix équitables qui rapportent aux producteurs un salaire raisonnable. Ces articles seraient identifiés par le sceau «commerce loyal». Les Canadiens, en faisant leur épicerie, se sensibiliseraient donc ainsi à la situation des populations du Sud et pourraient leur exprimer leur solidarité. Il en va de même pour les investissements déontologiques.
Nous, dans les ONG, nous rendons compte que nous devons évoluer à bien des égards et trouver de nouvelles façons de faire. Mais notre rôle nous impose aussi de faire certaines recommandations au gouvernement.
Premièrement, afin d'aller chercher l'appui de la population, vous devez lui présenter des projets intéressants, et le programme d'aide lui-même doit cibler la pauvreté et répondre aux besoins de base de la population. Lorsque l'aide sert à des fins politiques et commerciales, les donateurs deviennent sceptiques, car ils croient au contraire que les programmes d'aide doivent aider les populations démunies du Tiers monde à prendre leur vie en main et à répondre à leurs besoins les plus fondamentaux.
J'aborderai en second lieu un sujet qui devrait faire l'objet d'une recherche plus poussée: le gouvernement doit trouver des façons d'aller chercher une plus grande participation de la population dans l'élaboration de sa politique étrangère. On a beaucoup discuté de l'examen de la politique étrangère, mais il ne suffit pas d'en parler tous les quatre ou cinq ans. Les Canadiens veulent avoir voix au chapitre de façon soutenue dans l'élaboration de la politique étrangère et de la politique d'aide au développement du Canada.
Il ne suffit pas que l'ACDI, par le truchement de son service ministériel des communications, explique aux Canadiens ce qu'ils font à l'étranger. Il faut toute une gamme de stratégies qui incluent des programmes d'éducation globale, de la recherche, et des forums de dialogue sur la politique publique. Gouvernements comme ONG doivent trouver un nouvel équilibre entre les communications centrées sur eux-mêmes et les communications diffusant des points de vue dissidents. Nos communications doivent être franches et honnêtes, doivent refléter plusieurs versions d'une même histoire et doivent éviter de faire des revendications extravagantes.
Je crois que la politique de l'ACDI comporte une lacune en ce qui concerne l'éducation de la population. Janet Zukowsky a décrit ce matin les critères sur lesquels avaient été fondées les décisions l'an dernier. Nous sommes d'avis que ces trois critères ne conviennent plus et n'aideront pas l'ACDI à atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés.
Le gouvernement devrait continuer à collaborer avec toute une gamme de partenaires pour mobiliser l'opinion publique. Églises, syndicats, coopératives, organisations communautaires, associations professionnelles et écoles sont tous des institutions regroupant ceux qui veulent remettre en question des idées, en discuter, les mettre à l'essai et se conforter dans leur opinion.
Lorsque l'on interroge les Canadiens sur la part qu'ils veulent prendre dans les discussions politiques, ils signalent qu'ils souhaitent trouver des tribunes où ils peuvent réfléchir aux grands enjeux, où ils peuvent exprimer leur ambivalence, où ils peuvent mettre à l'essai leurs idées et les comparer à celles des autres et où ils peuvent entendre d'autres points de vue. Une idée ne se développe et ne croît que si elle est confrontée à d'autres. Il ne s'agit pas uniquement de pouvoir représenter son point de vue, il s'agit plutôt de pouvoir dialoguer.
Ces institutions, que la Fondation Kettering appelle des institutions de médiation, sont la tribune qui permet aux Canadiens de peaufiner leurs idées sur la politique publique et les développer.
Pour que cela donne des résultats dans un pays aussi vaste et diversifié que le Canada, il faut faire en sorte que ces organisations et tribunes puissent fonctionner partout au pays, et pas seulement au Québec ou en Ontario, mais partout au pays de l'Atlantique à la Colombie-Britannique. Si vous regardez ce qui s'est passé dans d'autres grands pays tels que les États-Unis ou l'Australie, on constate que le Canada a réussi assez bien à se garder un noyau de partisans de la coopération en vue du développement, un peu partout au pays. Mais ce noyau de partisans risque de s'éroder depuis les décisions budgétaires qui nous ont été imposées l'an dernier.
Il faut aller chercher l'amalgame de compétences nécessaires nous permettant de définir un objectif commun auquel les Canadiens peuvent contribuer dans leur quotidien. Il faut trouver un lieu qui nous permette de rassembler les meilleures pratiques et d'aller chercher les théories en communication les plus poussées, de façon à les mettre au service de l'éducation en matière de développement.
En matière d'information publique, il nous faut trouver l'équivalent de ce Suédois de 60 ans qui, dans la publicité de ParticipAction, a galvanisé les Canadiens et a réussi à les faire bouger, et l'équivalent des boîtes de recyclage qui offrent aux Canadiens une façon pratique et concrète de contribuer au mieux-être de l'environnement dans leur quotidien. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Plewes.
[Français]
Monsieur Fleury, vous avez la parole.
M. Jean-Marc Fleury (chef des affaires publiques, Centre de recherches pour le développement international): Le CRDI assume sa responsabilité de tenir le public au courant de ses activités en publiant des documents de vulgarisation, en organisant des forums et en participant à des conférences et à des expositions. La taille relativement petite de nos moyens nous a amenés à concentrer nos efforts auprès de groupes particuliers. Néanmoins, nous avons à plusieurs reprises diffusé largement nos succès, contribuant ainsi à promouvoir une image positive du développant.
Au CRDI, notre business est la création des connaissances nécessaires au développement. En pratique, nous donnons aux scientifiques et aux décideurs des moyens d'inventer des solutions aux problèmes de leur pays. Par exemple, juste avant Pâques, vous avez sans doute entendu parler d'une moustiquaire imprégnée d'insecticide susceptible de sauver la vie de millions de personnes, surtout des enfants, en Afrique.
En la trempant dans un insecticide, l'insecticide utilisé dans la fabrication des shampooings que les parents prennent pour débarrasser leurs enfants des poux attrapés à l'école, on a transformé l'antique moustiquaire en une redoutable arme antimoustiques. À en juger par les appels reçus, cette moustiquaire a suscité pas mal d'intérêt au Canada aussi.
Après 25 années d'investissement dans la mise en place de réseaux mondiaux d'expertise dans les techniques et les politiques du développement, le Canada, par l'entremise du CRDI, a créé une sorte d'Internet du développement. Ce réseau pourrait sans doute être un outil privilégié pour intéresser le public au développement.
Depuis 25 ans que nous les appuyons, les experts des pays en développement ont inventé toutes sortes de techniques, de politiques et de nouvelles façons de s'attaquer aux problèmes des populations défavorisées. En investissant dans leurs idées et leurs façons de faire, nous avons eu l'occasion de voir concrètement l'extraordinaire potentiel de ceux qui prennent leur avenir en main.
Chaque fois que nous avons eu l'occasion de montrer les idées, les nouvelles approches et les inventions des pays en développement, les Canadiens ont été séduits et emballés. Ce n'est pas par hasard que la première Minute du Patrimoine à traiter de développement international présente un projet du CRDI. Je fais allusion à la Minute récemment diffusée à la télé et dans les salles de cinéma qui montre comment des Canadiens ont inventé une pompe à eau manuelle, qui a ensuite été perfectionnée et est maintenant fabriquée dans des pays en développement. La Minute a été réalisée en collaboration avec l'ACDI.
Nous avons aussi constaté que les journalistes étaient prêts à diffuser des informations positives sur les efforts des pays en développement. Il s'agit de confronter leurs préjugés en les exposant aux idées et aux réalisations des personnalités innovatrices des pays en développement.
Nous avons organisé, avec la Canadian Science Writers Association, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et la Canadian Association of Journalists, des ateliers où les journalistes avaient l'occasion d'écouter des experts des pays en développement.
Notre personnel à Ottawa et dans nos bureaux régionaux est devenu une source d'information utile aux journalistes canadiens qui voyagent dans les pays du Sud. L'exemple le plus spectaculaire est celui de la populaire Course destination monde diffusée à la télévision française de Radio-Canada et dont plusieurs participants obtiennent de nous des noms et des adresses de personnes contacts dans les pays qu'ils visitent. Il arrive de temps en temps que les chercheurs que nous appuyons fassent l'objet de reportages et que ces reportages rapportent des prix à leurs auteurs.
Le CRDI est devenu pour le Canada un moyen privilégié d'échanges avec les scientifiques d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie. La contribution de ces chercheurs à la science mondiale ira en augmentant. La collaboration scientifique avec le Sud apporte même des bénéfices au Canada. À quelques reprises, nous avons présenté à des parlementaires et à des journalistes des résultats tout aussi utiles au Canada qu'aux pays du Sud. Par exemple, les agriculteurs de l'Ouest canadien bénéficient de variétés de canola améliorées grâce à une collaboration avec la Chine, et les consommateurs devraient bientôt déguster des bananes Goldfinger cultivées sans pesticide. Alors que les connaissances deviennent le principal outil de progrès, la collaboration Nord-Sud s'effectuera de plus en plus dans les deux sens.
Je n'ai donné que quelques exemples montrant l'efficacité de l'aide et indiquant comment elle pouvait aussi bénéficier aux donateurs. Nous en avons bien d'autres à offrir aux politiciens et aux autres personnes qui tentent d'expliquer la pertinence du développement international. Parce que nous offrons un accès aux idées et aux réalisations originales des pays du Sud, nous mettons à la disposition des enseignants une façon stimulante de présenter les pays du Sud. Les enseignants utilisent nos documents et notre magazine, maintenant disponible sur Internet.
Pendant plusieurs années, nous avons aussi organisé des voyages à l'intention des enseignants canadiens intéressés à découvrir les pays en développement à travers le travail de leurs scientifiques. L'institut d'été du CRDI a attiré des enseignants enthousiastes et dynamiques qui défrayaient eux-mêmes les coûts de ces voyages d'une quinzaine de jours. À chaque fois, ils revenaient au Canada enthousiasmés par le potentiel des chercheurs rencontrés. Nous n'organisons plus nous-mêmes ces voyages, mais bientôt, toutes les informations nécessaires seront disponibles sur Schoolnet.
Le CRDI offre aussi annuellement une douzaine de bourses à de jeunes étudiants canadiens diplômés afin de les aider à parfaire leurs connaissances dans des pays en développement. Le Canada compte maintenant 300 de ces jeunes qui ont ajouté une composante internationale à leur diplôme en médecine, en agriculture, en économie ou en journalisme. Ce sont autant de compagnies et d'universités canadiennes qui bénéficient de ces nouvelles compétences. Ces jeunes ont eu l'occasion d'établir des contacts avec des chercheurs et des penseurs de pays qui pèseront de plus en plus lourd dans les affaires mondiales.
Grâce à l'expansion foudroyante des moyens de communication électroniques et en particulier du réseau Internet, les idées et les connaissances des pays du Sud deviennent accessibles aux jeunes Canadiens, à leurs parents et à leurs éducateurs.
Ces informations peuvent ouvrir les horizons de nos jeunes et servir de tremplin pour l'avènement d'une relation dynamique entre jeunes du Canada et des pays en développement.
Déjà, par exemple, des écoliers canadiens ont travaillé avec enthousiasme dans le cadre des expos-sciences à trouver des solutions à des problèmes auxquels sont confrontées les populations du Sud. La liaison des écoliers canadiens avec les écoliers d'autres pays via Internet permettrait de transformer l'enseignement de matières comme la géographie, l'écologie, la biologie, l'histoire, l'économie et même la philosophie. En échangeant avec des écoliers d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, les jeunes Canadiens acquerraient une authentique formation de citoyens du monde, formation essentielle à l'humanité du prochain millénaire.
En fait, les jeunes Canadiens peuvent très bien établir avec les jeunes des pays du Sud le même type de collaboration créatrice que le CRDI a permis aux chercheurs canadiens d'établir avec les scientifiques et les décideurs du monde en développement. J'ai mis l'accent sur les jeunes, mais dans son activité quotidienne, le CRDI met en contact des scientifiques des universités et des entreprises canadiennes avec leurs homologues des pays en développement. Ces échanges enrichissent le bagage de nos universitaires et de nos chercheurs.
Nous offrons aussi nos contacts aux entrepreneurs canadiens, en particulier à ceux du secteur agroalimentaire qui envisagent d'internationaliser leurs activités. En le faisant bénéficier de notre expertise et de notre réseau, nous comptons bien faire du secteur privé l'un des défenseurs du développement.
En conclusion, en aidant les pays du Sud à générer les nouvelles connaissances nécessaires au développement, le CRDI a doté le Canada d'un réseau de contacts unique, une sorte d'Internet du développement. Depuis de nombreuses années, les scientifiques et les planificateurs canadiens l'utilisent pour enrichir leur travail, dans certains cas pour trouver des solutions à des problèmes d'ici. De leur côté, les gens d'affaires canadiens commencent à le découvrir. Nous sommes convaincus que notre réseau représente une grande ressource pour faire des Canadiens des citoyens du monde et leur montrer comment s'effectue un développement durable.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fleury.
[Traduction]
Nous accueillons maintenant le professeur Fishkin. Étant donné l'heure tardive, je lui demanderais de se joindre dès maintenant aux autres témoins.
Votre exposé aborde une question un peu différente de celle qu'ont choisie nos autres invités, mais je vous donne tout de suite la parole pour que nous puissions ensuite passer aux questions. Nous voudrions terminer vers 17 heures.
Monsieur Fishkin, je vous souhaite la bienvenue.
M. James Fishkin, (professeur à la Faculté de déontologie et de la société américaine, Université du Texas à Austin): Merci. J'ai élaboré une nouvelle forme de recherche de l'opinion publique, qui constitue, je l'espère, une façon constructive d'utiliser la télévision et les sondages d'opinion publique en vue de favoriser la réflexion dans le dialogue public. C'est ce que j'ai appelé le «sondage délibératif».
Le sondage ordinaire présente ce que pense la population, même si celle-ci ne pense pas grand chose d'un sujet ou n'y prête pas une grande attention. Ce que les sondages appellent trop souvent «opinion publique», ce ne sont en fait que des murmures vagues de trames sonores ou de manchettes reproduites par un public qui n'est pas branché ou que rien ne pousse à s'intéresser à une question.
Le sondage délibératif tente au contraire de présenter ce que la population penserait d'une question, si elle avait la chance de s'y attarder plus longtemps. J'ai fait l'expérience trois fois. J'ai tenté l'expérience deux fois en Grande-Bretagne, à la quatrième chaîne du réseau de télévision britannique, c'est-à-dire à la télévision nationale. La première fois, en mai 1994, la réflexion portait sur le crime. La deuxième fois, la réflexion portait sur l'avenir de la Grande-Bretagne au sein de l'Europe, en mai 1995. Dans les deux cas, il y a eu radiodiffusion pendant deux heures à une heure de grande écoute, et on diffusait chaque fois des résultats qui étaient, comme je l'expliquerai, représentatifs et délibératifs.
J'ai ensuite tenté l'expérience sur le réseau PBS de la télévision américaine, de concert avec l'équipe de l'émission «The NewsHour with Jim Lehrer», des productions MacNeil-Lehrer. L'émission s'est faite à mon université, l'Université du Texas à Austin, avec l'aide des 11 bibliothèques présidentielles américaines et de tous les principaux candidats à la présidence. Le résultat fut neuf heures et demie de diffusion en janvier 1996.
Dans chacun des cas, nous avons regroupé tout un pays dans une seule pièce, dans des conditions permettant ample réflexion sur les grands thèmes. Lors du congrès sur les grands enjeux nationaux, l'un des trois grands thèmes portait sur le rôle des États-Unis dans le monde, soit sa politique étrangère d'après la Guerre froide. Les résultats ont été très intéressants.
Laissez-moi vous expliquer brièvement comment le tout fonctionne. D'abord, nous effectuons un sondage de référence du même type que celui que l'on utilise pour n'importe quel autre sondage d'opinion publique, soit un échantillonnage aléatoire à l'échelle du pays. Nous invitons ensuite à nos frais tous les sondés à venir participer à un grand événement national. Nous les payons et les défrayons de toutes leurs dépenses.
Plus important encore, nous leur disons que leur voix sera entendue et qu'ils pourront s'exprimer sur une tribune qui accordera toute l'attention voulue à leur opinion. Nous leur disons qu'ils auront la possibilité de dialoguer sérieusement avec des experts et des politiciens dont les points de vue divergent et qu'ils pourront se former une opinion réfléchie.
Dans chacun des cas, nous avons réussi à recruter un échantillon extrêmement représentatif de personnes choisies au hasard partout au pays, échantillon très différent de celui qui aurait été formé si les gens s'étaient proposés d'eux-mêmes et très différent de celui que l'on trouve lors des réunions municipales télévisées ou des réunions de consultations publiques qui se tiennent ailleurs dans le monde. Nous savions dans chaque cas à quel point le microcosme était représentatif, car nous pouvions le comparer avec notre sondage de référence dont le taux de réponse était extrêmement élevé. Or, il y avait correspondance parfaite dans chaque cas, pour toutes les questions d'attitude et de démographie.
Afin de se préparer à participer à cet événement national d'une grande visibilité, les personnes choisies devaient consacrer beaucoup de leurs réflexions aux grands thèmes, lire avec soin la documentation, qui était publique et qui avait été préparée minutieusement.
Avant l'une de nos diffusions en Grande-Bretagne, une femme, qui accompagnait son mari, est venue me remercier; elle m'a dit qu'en 30 ans de mariage, son mari n'avait jamais lu un seul journal, mais que dès lors qu'il avait été invité à participer à cette tribune, il s'était mis à lire le journal quotidiennement et qu'il serait sans doute un compagnon beaucoup plus intéressant à sa retraite.
Le président: Peut-être pas.
M. Fishkin: Ça dépend quel journal il lisait. L'important, toutefois, c'est que nous avons transformé cette personne en citoyen engagé et l'avons poussé à réfléchir.
À la fin du week-end, après des discussions en petits groupes, et un dialogue avec des experts et des politiques dont les opinions divergeaient, nous leur avons demandé de remplir le même questionnaire qu'ils avaient rempli à l'origine chez eux, avant d'être recrutés. Dans tous les cas, nous avons constaté un changement d'opinion radical et significatif au plan statistique.
À mon avis, ce résultat débouche sur une nouvelle forme de communication politique. En effet, c'est ce que j'appelle un sondage à visage humain. Il allie la représentativité statistique d'un échantillon aléatoire national à l'aspect concret et immédiat d'une discussion entre de véritables personnes s'intéressant à de véritables questions comme elles le feraient au sein d'un groupe d'étude ou d'un groupe de discussion. Dans tous les cas, cela semble avoir donné lieu à de la bonne télévision.
Chose très intéressante, l'information a eu un effet indéniable. Dans le groupe américain,24 p. 100 de notre échantillon, soit précisément le même pourcentage à la suite d'un sondage effectué quelques mois auparavant à l'Université du Maryland, croyaient - chose incroyable - que la majeure partie du budget des États-Unis était consacré à l'aide étrangère. En fait, en lisant leur document d'information, ils auraient appris que selon l'interprétation que l'on fait de l'expression «aide étrangère», cela représente 1 p. 100 ou moins du budget. À leur arrivée, ils souhaitaient massivement abandonner l'aide étrangère, comme l'avait montré le sondage initial, mais à la fin, après avoir reçu une information de qualité, ils ont tous dit souhaiter maintenir l'aide étrangère au moins à son niveau actuel. Nous pensons que cela est directement lié à l'information reçue.
En outre, étant donné que la discussion, les documents d'information, ainsi que les occasions de s'entretenir avec des hommes politiques et des experts leur ont permis de se pencher sur le rôle de l'Amérique dans le monde, ils sont sortis de l'expérience beaucoup plus disposés à s'engager dans une coopération militaire avec d'autres pays, à essayer de régler les problèmes dans les points chauds dans d'autres régions du monde. Ils étaient davantage disposés à appuyer l'aide étrangère, à la fois économique et militaire et un pourcentage très important d'entre eux étaient fortement en désaccord avec l'idée que le pays se porterait mieux si les Américains restaient chez eux et ne se préoccupaient pas de ce qui se passait ailleurs. Le pourcentage de ceux qui étaient fortement en désaccord avec cette idée a grimpé en flèche pour atteindre la moitié de l'échantillon à la fin.
Le processus de délibération et de discussions sérieuses a donc provoqué un revirement complet par rapport aux opinions énoncées au début. Qu'est-ce que cela signifie? Nous pensons que cela illustre ce qui arriverait à l'échelle du pays si l'on s'engageait dans une discussion sérieuse des enjeux. En outre, nous avons constaté, relativement à d'autres questions, que cela permettait de prédire d'assez près le déroulement des primaires et de la campagne électorale.
Nous n'avions pas présenté cela comme un instrument de prédiction, mais dans les faits, il nous a permis de prédire le déroulement des primaires en ce qui concerne les questions économiques au coeur de la campagne. Il est donc fort possible que le sondage délibératif comporte un potentiel prédictif, car l'ADWEEK l'a décrit, en quatre pages, comme le premier groupe de discussion national du monde entier. De la même manière qu'un groupe de discussion fait parfois ressortir des choses que ne montre pas un sondage d'opinion ordinaire, il s'agit d'un groupe de discussion national au sens où il est statistiquement représentatif de l'ensemble du pays. Chaque citoyen des États-Unis avait la même chance d'être choisi au hasard, mais ce qui est bien, c'est qu'il réunissait des personnes ordinaires qui pouvaient discuter des enjeux pendant une période assez longue. Cela leur permettait de porter un jugement réfléchi, au lieu d'exprimer une opinion superficielle ou de ne pas se commettre.
S'il y a des questions, j'y répondrai volontiers.
Le président: C'était un dix minutes très intéressant. Vous avez prononcé trois mots difficiles qui, en fait, nous ont amenés au stade où nous en sommes dans notre travail, et qui sont: «à nos frais». À l'heure actuelle, le hic est de trouver des bailleurs de fonds prêts à assumer ces dépenses. Mais c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes réunis ici aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de venir nous parler, professeur. Nous allons maintenant donner aux panélistes l'occasion de poser des questions.
M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Je voudrais relier ce qui vient d'être dit à un sujet plus vaste. De nombreuses personnes ont dit que le corps politique n'était pas aussi sensibilisé aux questions de développement qu'aux questions environnementales ou aux questions touchant les femmes. Il s'agit là de dossiers où nous avons progressé jusqu'à un certain point et je doute que nous revenions en arrière.
Je me demande s'il est possible de recourir à ces nouvelles techniques ou approches pour produire cet état permanent de sensibilisation que nous souhaitons tous. J'ai cru comprendre que Clyde Sanger approuvait la démarche Yankelovich. Pendant que j'écoutais le professeur Fishkin, les questions suivantes me sont venues à l'esprit et j'aimerais que vous m'aidiez à apporter une conclusion à tout cela.
Êtes-vous retournés évaluer le groupe d'origine? Les participants étaient-ils demeurés dans le même état d'esprit? Voilà ma première question.
Deuxièmement, avez-vous évalué les téléspectateurs qui écoutaient l'émission? Avaient-ils changé? Y avait-il un échantillon représentatif de téléspectateurs et leur opinion avait-elle évolué?
Troisièmement, selon votre réponse à la deuxième question, comment vous y prendriez-vous pour grossir l'échantillon et faire participer tout le pays à un genre d'exercice, évidemment pas à vos frais? Vous avez dit que cela s'était produit de façon fortuite au cours des primaires, mais peut-on envisager une approche plus délibérée? Je signale à M. Morrison, qui était absent et qui ne l'a peut-être pas vu dans le document de M. Sanger, qu'il y a une mention positive de la démarche du Parti réformiste pour ce qui est des sondages et de la participation des citoyens. Cela pourrait-être instructif.
Mais je laisse le professeur Fishkin répondre.
M. Fishkin: Nous sommes retournés auprès du groupe britannique neuf mois plus tard, pour constater que les opinions du groupe lui-même s'étaient maintenues. Nous n'avions pas les ressources nécessaires pour commander des sondages avant et après, de sorte que nous ignorons l'influence que cela a eue sur le public. Par contre, ce qui est intéressant dans ce que nous avons fait, c'est que tout le processus était entièrement transparent. Nous avons invité les médias à couvrir l'expérience. En fait, deux instituts ont organisé des colloques pour informer les journalistes sur la façon de couvrir l'événement et, d'après ma recherche lexis nexus, 466 articles de journaux ont paru au sujet de la National Issues Convention et des discussions. Par conséquent, nous pensons que cela a eu un effet considérable, mais nous ne pouvons pas vraiment le savoir.
PBS n'a pas une tellement bonne cote d'écoute et l'émission a eu la même cote que n'importe quelle autre émission de MacNeil-Lehrer ou, plus précisément, NewsHour with Jim Lehrer. L'émission britannique a eu une bien meilleure cote d'écoute. Je pense que Channel 4 rejoint un auditoire plus vaste. À nos yeux, il s'agissait d'un prototype pour une tribune de consultation publique différente. En outre, nous avions communiqué les documents d'information aux journaux, dont certains les ont publiés, ainsi qu'à des groupes de citoyens qui, coordonnés par les tribunes d'examen des enjeux nationaux aux États-unis, ont eu des discussions et ont écouté l'émission depuis divers endroits au pays, armés des mêmes documents. Cela s'est donc fait à un niveau modeste. Je pense qu'une centaine d'assemblées ont été organisées. Cela pourrait devenir un instrument légitime de consultations publiques... quelque chose qui se poursuivrait et, ensuite, la bande de l'émission pourrait servir à stimuler d'autres discussions. On pourrait coordonner cela de façon à élargir davantage la consultation auprès des groupes de citoyens, des écoles, etc.
À mon avis, cette méthode a un certain potentiel, précisément parce qu'il s'agit d'un sondage à visage humain. Ce ne sont pas des experts ou des politiques qui s'expriment comme s'expriment habituellement les experts et les politiques; c'est la voix du public, mais d'un public mieux informé... sans vouloir manquer de respect à qui que ce soit.
M. Godfrey: Au cours de la Seconde Guerre mondiale, quelqu'un a inventé ici un processus appelé le Forum des citoyens, qui a survécu jusque dans les années 1960 et qui comportait bon nombre de caractéristiques que vous décrivez.
Le président: Madame Plewes, voulez-vous ajouter quelque chose à cette observation?
Mme Plewes: Oui. L'un des défis qui se pose aux ONG est de trouver des images et des messages qui sont aussi puissants que ceux véhiculés par ces enfants qui meurent de faim. Je pense que diverses techniques nous aident à comprendre quels sont les messages susceptibles de transmettre des concepts très complexes aux Canadiens ou aux Américains, quels sont ceux que l'on peut utiliser dans d'autres programmes, dans d'autres campagnes de sensibilisation, dans d'autres contextes de communication.
Même si nous ne pouvons nécessairement reproduire cette expérience à l'échelle du pays, cela nous permet d'essayer de trouver de nouvelles images, de nouveaux messages qui sont aussi parlants que certains de ceux que nous essayons de remplacer.
Le président: Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré (Louis-Hébert): Ma première question s'adressera à M. Sanger. À la fin de votre exposé, vous avez réuni en quatre ou cinq points ce que vous jugez important. Je voudrais revenir sur le point 4, c'est-à-dire le lien que vous faites entre le commerce et le secteur privé. Vous dites qu'avec la baisse de l'aide publique au développement, le commerce pourra devenir un moyen de véhiculer l'aide publique canadienne.
J'avoue que je suis passablement sceptique devant cette croyance presque magique voulant que le fait de faire du commerce avec un pays transforme les moeurs. Je vais donner deux exemples précis pour montrer que ce n'est pas aussi vrai que vous le dites.
Cette semaine ou la semaine passée, nous avons reçu un monsieur qui venait de la Société financière internationale. Essentiellement, cet organisme-là finance l'entreprise privée dans les pays en voie de développement sur une base ne dépassant jamais 25 p. 100. Il avait dit que le développement durable était devenu une chose importante vers laquelle il se dirigeait.
Je lui ai posé les questions suivantes. Tenez-vous compte du développement humain durable? Pouvez-vous être des intervenants privilégiés dans les pays en développement pour favoriser le développement humain durable? Vous préoccupez-vous de la protection des droits de la personne dans les pays où vous investissez? Vous souciez-vous du développement démocratique? Vous souciez-vous de l'émergence d'une société civile dans ces pays-là?
Avec une certaine hésitation, le représentant de la Société financière internationale nous a dit: «Nous, nous ne faisons pas de politique». Je résume, mais je pense que c'est conforme à la réalité.
Donc, si nous pensons pouvoir nous fier à l'entreprise privée pour prendre la relève de l'aide publique au développement, détrompons-nous. Nous avons reçu des témoins représentant des entreprises canadiennes, et lorsqu'on leur a demandé si elles étaient prêtes à accepter cette nouvelle mission de changer les habitudes en faisant du commerce, elles ont répondu: «Absolument pas. Nous faisons des affaires et non du développement international».
Si nous voulons, comme le souhaite le gouvernement canadien, que le commerce devienne un élément important pour prendre la relève de l'aide publique, comment faudra-t-il encadrer ces gens du secteur privé qui interviennent sur la scène internationale?
[Traduction]
M. Sanger: Monsieur Paré, je pense n'avoir pas réussi à bien me faire comprendre dans les deux minutes que j'ai consacrées à ce sujet.
Je ne voulais pas laisser entendre que des amis Canadiens, Américains ou autres se rendent dans un pays d'Asie pour y transformer les moeurs. Loin de moi cette pensée. Cela serait paternaliste, impérialiste, et tout ce qui s'ensuit. Ce serait aussi irréaliste.
Ce que j'ai essayé d'expliquer, c'est que dans les rapports avec les pays du Sud, à l'heure actuelle, pour une raison ou une autre, les praticiens de l'aide ont la part congrue et les hommes d'affaires ont la belle part. En l'occurrence, je citais la présidente de l'ACDI pour qui les grandes sociétés ont la responsabilité de parler, ici au Canada, de ces pays et du rôle qu'ils jouent à titre d'employeur là-bas et ici. J'ajouterai qu'il leur incombe de ne pas penser uniquement au commerce, mais à voir le commerce en terme de droits de la personne. Ce sont des arguments différents que je présentais.
J'aimerais aller un peu plus loin et dire que ces hommes d'affaires ont un rôle très important. D'ailleurs, ce n'est pas d'hier. L'ex-ambassadeur de la Guyane n'hésiterait pas à vous dire qu'une compagnie de sucre appelée Bookers a joué un rôle très important dans le développement et la mission civilisatrice - si je peux me permettre d'utiliser ce terme cher aux missionnaires - en Guyane. De même, Harry Oppenheimer, le PDG de cette société anglo-américaine, a joué un rôle très important dans la transition vers la démocratie en Afrique du Sud.
De façon générale, il y a une dichotomie entre les ONG et les milieux d'affaires. J'essaie de jeter un pont entre les deux de cette façon mais aussi de souligner les responsabilités des hommes d'affaires Canadiens qui tentent de conclure des contrats en Afrique.
La dernière chose que je croirais, c'est que le fait que M. Friedland ou la société Ivanhoe s'implante en Birmanie puisse changer la mentalité des dirigeants militaires là-bas.
Pour répondre à votre question plus directement, je pense qu'il est possible d'avoir des codes d'éthique et que le gouvernement devrait dialoguer avec les milieux d'affaires pour les formuler. On a réussi ce pari en Afrique du Sud et le gouvernement a nommé des administrateurs pour veiller à l'application du Code d'éthique. John Small a été le dernier et il a été efficace. Dans ce dernier cas, il s'agissait plutôt de promouvoir le désengagement. En l'occurrence, il s'agit d'un processus d'engagement, d'un engagement envers la justice sociale.
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Morrison.
M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Je vous souhaite la bienvenue au Canada, monsieur Fishkin.
Je vais commencer par une question anodine qui m'est venue à l'esprit pendant que vous décriviez votre méthode de sondage délibératif.
On a largement cité ici et là vos travaux sur le crime. J'ai passablement lu à ce sujet, mais on ne mentionnait nulle part que vous aviez eu recours à cette méthode de sondage inhabituelle. Cela est escamoté. Pour ma part, je voudrais m'assurer que vous avez bel et bien eu recours au sondage délibératif, tel que vous nous l'avez décrit.
M. Fishkin: En mai 1994, sur le crime, absolument. Il s'agissait d'un sondage délibératif mondial.
M. Morrison: Je vois. Lorsqu'il y a des articles dans les journaux ou, devrais-je dire dans les chroniques d'opinion, pourquoi ne mentionne-t-on pas cela?
M. Fishkin: J'en suis désolé.
M. Morrison: Ce n'est pas votre faute.
J'ai certaines inquiétudes au sujet de la méthode de sondage délibératif. Cela a l'air intéressant, mais cette méthode ne comporte-t-elle pas énormément de risques? Elle pourrait être employée à mauvais escient par des gens qui veulent faire la promotion d'intérêts politiques précis. Vous réunissez un groupe et vous pouvez obtenir les résultats que vous souhaitez en leur fournissant une information tendancieuse. C'est une possibilité, n'est-ce pas?
M. Fishkin: Il y a matière à s'inquiéter et voilà pourquoi nous avons veillé à ce que tout soit transparent. Pour assurer la crédibilité de l'exercice, il faut présenter toute une gamme de partenaires et de points de vue politiques. Ces intervenants auront contresigné les documents d'information et surveillé tous les aspects de l'expérience.
À la National Issues Convention, 350 journalistes étaient présents pour écouter les discussions. Nous avons publié les documents d'information. Non seulement avons-nous eu un comité d'examen bipartisan composé de personnalités éminentes pour lire les documents et attester qu'ils étaient exacts et qu'ils constituaient une base raisonnable de discussion, nous avons aussi demandé aux journalistes d'être présents, d'assister aux sessions et de prendre des notes et cela, pas uniquement pour les grandes sessions, mais pour les discussions en petits groupes également.
Tout s'est passé de façon transparente et la couverture a été excellente parce que le processus a conservé sa crédibilité. Cela dit, si quelqu'un d'autre voulait organiser un prétendu sondage délibératif en fournissant aux participants de l'information tendancieuse ou trompeuse ou en ayant des animateurs qui leur imposent leur propre point de vue, ce serait tout autre chose. Mais ce n'est pas ma façon de procéder.
Nous avons fait trois expériences et le processus a conservé toute sa crédibilité. Quant à savoir si on peut faire mauvaise usage de la méthode, oui, mais la même chose est vraie pour les sondages conventionnels. On peut jouer avec les questions; l'échantillon peut-être un mauvais échantillon. On peut aussi manipuler la réponse à un sondage conventionnel selon l'ordre des questions. Tous ce que nous faisons est public et nous avons essayé de conserver au processus sa crédibilité. Cela dit, je suis d'accord avec vous sur le plan théorique.
M. Morrison: Au sujet de l'échantillon, c'est autre chose qui me préoccupe. L'échantillon perd un peu de son caractère aléatoire si vous accueillez uniquement les personnes qui ont le temps et la possibilité de venir participer à l'une de vos assemblées.
Dans la même veine - et je me fais l'écho des propos de mon président - , réunir toutes ces personnes m'apparaît horriblement cher. Combien de participants sont nécessaires pour assurer un degré raisonnable de validité statistique?
M. Fishkin: On parle d'une fourchette de 300, 400 ou 500 personnes. Avec 300, nous obtenons des changements statistiques considérables. Étant donné qu'il s'agissait d'un événement télévisé fort publicisé et étant donné que nous avons convaincu gens que leur opinion serait prise en compte, ils ont fait beaucoup d'efforts pour venir.
Nous avons écrit des lettres à leurs employeurs pour qu'ils soient libérés, nous avons payé à chacun d'eux une somme modeste et nous avons payé leurs dépenses. Il est possible de comparer les caractéristiques démographiques et les attitudes des participants à notre sondage de référence à celles du recensement, et c'est extrêmement représentatif. Nous en étions très surpris, presque stupéfaits.
Les gens n'aiment pas l'admettre, mais ils sont fortement attirés par la télévision. Et pas seulement la télévision. Les gens souhaitent ardemment avoir l'occasion de s'exprimer lorsqu'ils pensent que leur voix peut être entendue. Cet exercice répondait à ce désir. Étant donné que le sondage de référence avait reçu un taux de réponses très élevé et étant donné que nous pouvions le comparer au microcosme de la fin de semaine, nous sommes en mesure de défendre la représentativité de l'échantillon.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les gens ont fait beaucoup d'efforts pour participer. Je songe, entre autres, à un homme d'Eau Claire, au Wisconsin, qui était chargé du déneigement. Il faisait parti de l'échantillon. Le jour où il devait prendre l'avion pour venir, une forte tempête de neige s'est abattue sur le nord-est du Wisconsin. Nous avons cru l'avoir perdu. Il ne pourrait pas venir. Il le savait. On l'a appelé pour faire parti d'une équipe d'urgence pour déblayer la piste à l'aéroport. Mais il nous a appelés et il a laissé un message plus tard dans la journée nous avertissant qu'il était en chemin. Il a fini par se rendre. Il n'a donc pas ménagé sa peine, et bien d'autres ont fait de même.
Je dirais que le groupe initial est représentatif. Je dirais que la documentation est neutre et publique. Il s'agit d'un processus qui a fini par prendre tout mon temps, mais le mérite de ce processus, c'est qu'il a permis un débat public sérieux et réfléchi.
M. Morrison: Peut-on consulter quelque part les résultats de votre étude sur l'aide publique au développement?
M. Fishkin: Oui, certains des résultats sont du domaine public. En fait, nous avons émis un communiqué. Nous pouvons certainement mettre tout cela à votre disposition.
M. Morrison: Pourriez-vous faire parvenir tout cela à la greffière du comité? J'aimerais bien en prendre connaissance. Rien de très volumineux, mais au moins un...
M. Fishkin: Absolument. Nous serons ravis de vous les faire parvenir.
M. Morrison: Merci.
Le président: Monsieur Pagtakhan.
M. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): J'ai quelques questions. Avez-vous eu l'occasion de refaire le même sondage auprès du même groupe plus tard à un moment donné? Quels sont les résultats?
M. Fishkin: En ce qui concerne la question du crime chez les Britanniques, nous sommes revenus à la charge neuf mois plus tard. Nous ne les avons pas réunis de nouveau, mais neuf mois plus tard nous leur avons envoyé le même questionnaire avec des questions supplémentaires. Nous voulions savoir si, neuf mois plus tard, leur opinion ressemblait davantage à laquelle ils étaient arrivés après avoir longuement réfléchi ou à celle qu'ils avaient donnée spontanément au départ.
Il y avait un peu des deux. Peut-être leur point de vue se rapprochait un peu plus de leur opinion réfléchie, mais nous les avons renvoyés dans leur environnement normal avec les gens auxquels ils parlent habituellement. Ce qui n'avait pas changé, c'était leur sentiment d'habilitation, l'attention et l'importance qu'ils accordaient aux affaires publiques.
Je suis heureux de pouvoir vous dire que nous avons maintenant reçu, du Pew Charitable Trust, les fonds nécessaires pour retourner interviewer les répondants américains tout de suite après les élections. C'est donc ce que nous allons faire, et nous aurons encore davantage de données.
M. Pagtakhan: Quel est le degré de confiance dans les résultats que vous obtenez?
M. Fishkin: Selon l'étude, ça varie entre 4,5 et 5 p. 100. Les changements que nous avons publiés étaient tous statistiquement significatifs au niveau .01.
M. Pagtakhan: Comme mes collègues d'en face, quel point de vue avez-vous déterminé comme étant celui qui devait être présenté à cette étape de la discussion? Est-ce que ce point de vue a été adopté à la fin?
M. Fishkin: Je suis désolé, je n'ai pas compris votre question.
M. Pagtakhan: Avez-vous réussi à faire accepter le point de vue que vous vouliez faire accepter?
M. Fishkin: Nous ne tentions pas de faire accepter un point de vue. Nous avons pris soin de faire en sorte que toute une gamme de points de vue soient représentés. Lorsque nous avons fait appel à des experts, il y avait toujours des experts concurrents, car nous ne voulions pas que les citoyens s'en remettent tout simplement au point de vue d'un seul expert. Dans le cas américain, nous avons invité toute une série de candidats. En Grande-Bretagne, tous les grands partis politiques étaient représentés. Nous avions des experts concurrents sur les diverses questions.
Nous voulions un dialogue sérieux qui permettrait aux citoyens de cerner les questions-clés qu'ils voulaient poser. Ils pouvaient ensuite poser ces questions aux divers experts et hommes et femmes politiques, et dialoguer avec eux. Ensuite, il y avait une discussion en petits groupes.
Donc, nous n'avons pas essayé de faire accepter un point de vue en particulier. Nous voulions plutôt faciliter une discussion plus éclairée et équilibrée. Nous voulions avoir un microcosme qui puisse faire des recommandations à tout le pays à la télévision nationale.
M. Pagtakhan: Combien vous a-t-il fallu payer chaque bénévole?
M. Fishkin: Dans le cas de la Grande-Bretagne, nous les avons payés 50 livres et nous leur avons payé le transport. Dans le cas américain, nous les avons payés 300$.
M. Pagtakhan: Aviez-vous prévu que la moitié des gens que vous aviez payés et invités ne participeraient pas à une discussion de groupe?
M. Fishkin: Non.
M. Pagtakhan: Est-ce que cela n'aurait pas pu être un bon groupe témoin?
M. Fishkin: Et bien, si nous avions eu les fonds pour un groupe-témoin séparé, cela aurait été très bien. Nous avions des fonds pour faire un sondage téléphonique par échantillonnage au hasard en plus du sondage au moment de l'émission pour voir si les opinions avaient tout simplement changé naturellement depuis les premières discussions.
M. Pagtakhan: Est-il possible que les voyages et le paiement, et non pas uniquement la discussion, aient fait en sorte que les gens aient changé d'avis?
M. Fishkin: Nous nous sommes assurés de préciser clairement que nous ne voulions pas promouvoir un point de vue en particulier.
M. Pagtakhan: Non, ce n'est pas ce que je veux insinuer; je parle tout simplement du plan expérimental. En d'autres termes, le contrôle de la qualité est extrêmement important lorsque vous interprétez les résultats, et jusqu'à présent, je ne vois pas de bon contrôle de la qualité. Il y a l'élément paiement et un bon voyage. Vous vous rendez dans un studio, mais ils ont tous participé à cet exercice. Il n'y a pas de groupe qui aurait voyagé et qui aurait été payé mais qui n'aurait pas participé à une discussion de groupe.
M. Fishkin: Quelle est l'importance du paiement?
M. Pagtakhan: C'est ce que je voudrais savoir. Cela aurait-il pu jouer un rôle dans un sens ou dans l'autre?
Je m'arrête ici pour le moment. J'aimerais poser quelques questions aux autres membres du panel.
Le président: Vous avez plus que dépassé le temps qui vous était alloué. Il est maintenant17 heures, et nous commençons à manquer de temps. Une dernière question, et il faudra passer à quelqu'un d'autre.
M. Pagtakhan: Une dernière question, au sujet de la nécessité de collaboration entre le gouvernement et les divers organismes - je pense que la dame a soulevé la question - comme les organismes de charité, les associations professionnelles et les organismes communautaires.
D'après mon expérience au sein d'autres comités, j'ai remarqué que lorsqu'un groupe confessionnel ou un syndicat comparaissait, il y avait toujours un autre groupe qui venait comparaître devant notre comité sur la même question. Si on comparait les mémoires écrits, on s'apercevait qu'ils étaient presque identiques sur de nombreux points. Ces groupes s'étaient-ils consultés auparavant? Pourquoi étaient-il essentiel de les entendre séparément? Je pose la question par rapport à l'efficacité du processus.
Mme Plewes: Prenez ce qu'a fait le Conseil canadien pour la coopération internationale par rapport à l'examen de la politique étrangère. Nous avons organisé une série de quatre grandes conférences sur les questions clés sur lesquelles le comité s'était penché lors de l'examen de la politique. Ces conférences réunissaient des représentants des églises, des syndicats et certains groupes environnementaux.
C'était le genre d'occasion dont on nous avait parlé, c'est-à-dire de permettre aux gens d'examiner des questions sous plusieurs points de vue. Nous avons donc joué un rôle pour aider les gens à aller au-delà de la réaction initiale afin de mieux comprendre les enjeux. C'est pourquoi, lorsque cela arrive devant le comité, tout cela a déjà été examiné dans une certaine mesure.
À notre avis, cela est positif pour vous. Vous ne commencez pas avec des points de vue spontanés, mais plutôt avec des points de vue longuement réfléchis. Je sais que pour vous cela peut sembler parfois un peu trop répétitif, mais en fait, je pense que nous, les ONG, avons un rôle très utile à jouer pour ce qui est de permettre aux gens de tenir de tels débats.
M. Pagtakhan: Merci.
Le président: M. Bergeron.
[Français]
M. Bergeron (Verchères): À regarder agir le gouvernement depuis un certain nombre de mois, nous sommes arrivés à la conviction que les coupures que le gouvernement a effectuées dans les programmes d'information publique concernant l'aide internationale étaient tout à fait intentionnelles et délibérées. Depuis le début de la 35e Législature, on a entendu un certain nombre de députés, particulièrement des collègues réformistes, dire à quelques reprises que, pour leurs électeurs et leurs électrices, la priorité n'était pas l'aide au développement, mais une meilleure gestion des finances publiques, etc.
Conséquemment, le gouvernement a sans doute compris que moins les citoyens et citoyennes s'intéressaient la question du développement international, moins ils exerceraient de pression sur leurs députés et moins ils s'intéresseraient aux coupures que le gouvernement effectuerait dans le domaine de l'aide internationale.
On a en quelque sorte créé un cercle vicieux: si on informe moins la population, la pression sera moins grande lorsqu'on coupera dans les programmes d'aide internationale.
On entendait ce matin M. Michael Adams nous dire qu'il devenait de plus en plus difficile pour les gouvernements de mettre davantage de fonds dans l'aide internationale puisque les citoyens et les citoyennes se sentaient de moins en moins directement concernés par la question de l'aide internationale étant donné qu'ils n'y voyaient pas d'impact direct dans leur vie quotidienne. En coupant les programmes d'information à la population, on ajoute à cette mauvaise perception des gens de l'impact direct de l'aide internationale sur leur vie quotidienne. Nous avons l'intime conviction que l'aide internationale a un impact sur la vie quotidienne des Canadiens et Canadiennes et des Québécoises et Québécois.
D'abord, il faut dire qu'il y a un emploi sur quatre au Canada qui dépend des exportations. Donc, notre propre prospérité dépend en grande partie de nos relations économiques avec l'étranger.
D'autre part, il faut dire que le fait de ne pas entretenir un niveau de vie décent à l'extérieur de nos frontières peut avoir un certain nombre d'impacts dont nous allons inévitablement, a posteriori, devoir supporter les conséquences. Je pense par exemple aux déplacements de populations et à l'arrivée possible chez nous d'un très grand nombre de réfugiés.
Donc, il faut faire comprendre aux gens les impacts directs des lacunes de l'aide canadienne au développement dans leur vie quotidienne.
On peut utiliser un certain nombre d'images très simples à comprendre. J'ai ici des chiffres qui m'ont été remis par mon collègue de Louis-Hébert, des chiffres qui ont été fournis par l'UNICEF et publiés dans une publication appelée A Woman's Peace Platform for the 21st Century. Les chiffres sont les suivants, et je vais les donner en anglais parce qu'ils sont en anglais:
[Traduction]
ce dont le monde a besoin pour aider et nourrir les enfants, 13 milliards de dollars par année; pour l'enseignement primaire, 6 milliards de dollars par année; pour des systèmes sanitaires et de l'eau potable, 9 milliards de dollars par an, pour la planification familiale, 6 milliards de dollars par an, pour un total de 34 milliards de dollars par an.
À l'heure actuelle, le monde dépense 40 milliards de dollars par an pour le golf; 85 milliards de dollars par an pour du vin; 160 milliards de dollars par an pour de la bière; 400 milliards de dollars par an pour des cigarettes; 250 milliards de dollars par an pour la publicité et 800 milliards de dollars par an pour les dépenses militaires.
[Français]
J'ai fait un calcul très rapide. En additionnant tout ce que le monde dépense actuellement, on arrive à un total de 1,735 billion de dollars. On dépense plus pour le golf que pour tous les besoins réunis ensemble.
Je vous rappelle qu'il faudrait 34 milliards de dollars par année pour tous les besoins réunis alors que les dépenses relatives uniquement au golf s'élèvent à 40 milliards de dollars par année. On peut, bien sûr, utiliser un certain nombre d'images très simples qui frappent l'imagination et qui démontrent à quel point l'effort est très faible pour des résultats très concluants.
Je vous en prie, je vous en conjure, essayez de défaire les convictions que nous avons acquises au cours de ces deux dernières années et demie à regarder aller ce gouvernement. Premièrement, avez-vous senti, de la part du gouvernement et de l'Agence canadienne de développement international, une tentative de compenser les investissements financiers pour l'information du public par diverses stratégies ou programmes qui auraient été mis en place et ne comporteraient pas de dépenses?
Deuxièmement, sachant que le gouvernement semble ne pas vouloir reculer au niveau des dépenses pour l'information du public, pourrait-il poser certains gestes pour contribuer à mieux informer le public sans dépenser davantage d'argent?
Le président: Monsieur Sanger, voulez-vous commencer?
[Traduction]
M. Sanger: J'aime votre passion, monsieur Bergeron. Vous êtes extrêmement passionné et c'est ce dont on a besoin. Les gens parlent de l'épuisement de l'aide, et à la fin d'une journée fatigante, vous n'avez certainement pas perdu votre énergie. Vous n'avez pas mentionné les dépenses d'armement. Vous avez parlé du golf. Le golf est peut-être...
Le président: Le montant mentionné était 800 milliards de dollars.
M. Bergeron: J'ai mentionné 800 milliards de dollars.
M. Sanger: Effectivement, 800 milliards de dollars. Je suis désolé. Au tout début, lorsqu'on faisait de la sensibilisation au développement, je me rappelle que Pat Mooney, qui s'occupe maintenant de biodiversité, était un expert des émissions multimédias au cours desquelles il juxtaposait ces déséquilibres consternants. Janet Zukowsky a parlé de revenir aux éléments de base. Elle n'a pas donné de détails, mais il y a eu des façons de présenter des questions comme celle-ci qu'il serait nécessaire de réexaminer. Il était très efficace à l'époque.
Est-ce qu'il faut faire appel au sentiment de culpabilité des gens? Lorsque je vois des jeunes femmes debout à l'extérieur de notre immeuble, l'Institut Nord-Sud, en train de fumer à 11 heures du matin, devrais-je m'approcher et leur dire qu'elles font partie de ces gens qui dépensent400 milliards de dollars? Vous voulez avoir les gens de votre côté, n'est-ce pas? Vous devez les accompagner dans leur cheminement et les aider à se faire une opinion, pour utiliser les expressions des experts à côté de moi.
Je dirai tout simplement que j'ai toujours admiré votre passion pour cette question, et jamais autant qu'actuellement.
Le président: Mme Plewes.
Mme Plewes: Oui, de toute évidence, il y a des choses que le gouvernement peut faire. L'ACDI a un budget de deux milliards de dollars. Nous pourrions donner suite à la recommandation du PNUD, c'est-à-dire allouer 2 p. 100 pour éduquer le public canadien et que cette somme soit utilisée efficacement comme on en a parlé aujourd'hui. Je pense que votre comité a fait preuve d'un leadership considérable en organisant cette journée, mais en tant que parlementaires, vous avez un rôle extrêmement important à jouer pour encourager les diverses parties à s'exprimer sur la question.
Nous aimerions que le premier ministre prononce une allocution importante sur la question de la coopération pour le développement et du rôle du Canada sur la scène internationale, question qui semble malheureusement avoir perdu énormément de priorité en faveur du problème très urgent de l'économie et de l'unité nationale. Nous comprenons cependant que l'impératif économique est très important.
Équipe Canada comptait 300 gens d'affaires et une ONG. Nous avons été très heureux de constater qu'il y avait une ONG, mais peut-être y aurait-il pu y en avoir davantage. Équipe Canada, ce n'est pas seulement les entreprises canadiennes. Équipe Canada, c'est aussi les environnementalistes, les artistes, etc. Il y a beaucoup d'activité en permanence. Si nous pouvions avoir une plus grande sensibilisation et une plus grande participation de la population, nous pourrions profiter de ces choses qui existent déjà.
Le président: Merci.
Mme Plewes: Par ailleurs, nous rencontrons M. Pettigrew lundi. Nous soulèverons bon nombre de ces questions avec lui pour connaître son point de vue.
Le président: Je pense que nous devrions vraiment conclure. Nous avons considérablement dépassé l'heure à laquelle nous devions lever la séance.
Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Bergeron: Je voudrais simplement faire une remarque.
Le président: Une remarque passionnée, comme l'a dit M. Sanger.
M. Bergeron: Non, je vais essayer de faire cela de façon très froide. Je voudrais simplement dire à M. Sanger que je suis tout à fait d'accord avec lui que le but de cette présentation n'était pas de culpabiliser les gens d'aller jouer au golf, de boire du vin, de boire de la bière ou de fumer des cigarettes.
Bien sûr, on doit se sentir coupables de dépenser 800 milliards de dollars par année à des fins militaires, mais pour le reste, je voulais simplement montrer aux gens que le bon vin ne leur coûte pas si cher, mais qu'on dépense pourtant 85 milliards de dollars par année pour le vin. Je voulais simplement indiquer qu'il n'en coûterait pas très cher de venir en aide aux pays en développement et qu'on risquerait d'en retirer énormément.
Le président: Vous pourriez peut-être partager ces chiffres avec les autres membres du comité. Quant à moi, je suis sceptique en ce qui a trait à votre chiffre de 6 milliards de dollars pour l'éducation. J'imagine que ce devrait être beaucoup plus que cela.
M. Bergeron: Ce sont des chiffres fournis par l'UNICEF, monsieur le président.
Le président: D'accord. On les regardera ensemble plus tard.
[Traduction]
Au nom des membres du comité, j'aimerais remercier les participants.
Madame Plewes, encore une fois, je reviens au fait que c'est vous qui avez eu l'idée de cette journée. Vous avez dit que les Canadiens voulaient participer. Je pense que les membres de notre comité qui ont participé à l'examen de la politique étrangère et qui ont voyagé un peu partout au pays ont pu constater que les Canadiens - nos ONG, nos églises, nos entreprises et les particuliers - s'intéressent de très près à la politique étrangère et à l'aide au développement, en particulier. Cet intérêt s'est manifesté partout où nous sommes allés.
Je pense que nous tentons de faire ici ce que M. Axworthy nous a demandé de faire lorsqu'il a comparu devant notre comité l'autre jour. Il a dit que nous devions aider les Canadiens à comprendre ces questions tout en nous informant et en créant un processus permanent de démocratisation de la politique étrangère, si vous voulez que l'on présente les choses sous cet angle. De façon beaucoup plus générale, c'est ce que M. Adams nous a dit, c'est-à-dire que les Canadiens veulent participer à ce processus. Je pense que les membres de notre comité sont impatients de le faire.
Il a été décidé de tenir cette séance en raison de nos préoccupations concernant les compressions budgétaires et leur impact sur l'aide au développement. Je pense que cela va maintenant au-delà de cette préoccupation car notre comité se rend compte qu'il faut être conscient de la nécessité de trouver d'autres moyens de faire participer les gens à notre processus. Cela ne sera pas facile.
Je pense que tous les membres qui sont ici présents comprennent la difficulté d'utiliser ce que j'appellerais presque des techniques du 19e siècle - vous êtes là comme témoins, nous sommes assis de l'autre côté de la table - pour essayer de comprendre des problèmes sociaux extrêmement complexes d'importance mondiale. Nous, de notre côté, voulons mieux comprendre et mieux participer. Je sais que vous, de votre côté, êtes impatients de nous éduquer, et au nom du comité, je tiens à vous remercier de nous avoir aidés à avoir une compréhension plus holistique de nos problèmes.
Nous remercions tous les participants, tous ceux qui sont ici avec nous aujourd'hui, d'avoir pris le temps de venir ici. Croyez-moi, nous avons l'intention de travailler très fort à ces problèmes et nous espérons que nous pourrons en arriver à des techniques encore meilleures. Je ne suis pas tout à fait à l'aise avec le système du professeur Fishkin, mais peut-être que s'il est prêt à payer, nous pourrons tous aller quelque part en hiver, participer à l'une de ses expériences.
Sur cette note, je vous remercie encore une fois de votre participation.
La séance est levée jusqu'à mardi, 9 heures. Merci beaucoup.