[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 juin 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Avant de souhaiter la bienvenue au ministre en votre nom, j'aimerais que nous réglions certaines questions d'intendance. M. Mills veut proposer deux motions, et comme il doit nous quitter tôt, monsieur le ministre, j'espérais que vous nous permettriez de régler ces questions. Cela ne devrait pas prendre trop de temps.
M. Mills (Red Deer): Vous avez reçu la première ce matin. Je propose que l'on réduise de64,5 millions de dollars le crédit 10 des prévisions budgétaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Cette réduction résulte de l'allégement de la mission de la FORPRONU. La FORPRONU n'existe plus, et son budget est établi à 86 millions de dollars; l'IFOR a pris le relais le 1er avril 1996. Cela semble donc être un poste budgétaire inutile. Cela ne change pas beaucoup de choses, mais pour moi ce poste ne devrait pas figurer au budget. Voilà donc pourquoi je propose la motion.
Le président: Peut-être le secrétaire parlementaire pourrait-il nous dire comment il consacre 84 millions de dollars à quelque chose qui n'existe plus.
M. LeBlanc (Cap-Breton - Highlands - Canso): Elle existait jusqu'en avril.
Le député a raison de dire que, comme la FORPRONU n'existe plus, les dépenses seront sans doute inférieures aux 86 millions de dollars prévus. Par contre, nous ignorons de combien. Il ne serait donc pas approprié d'accepter la motion du député, parce que nous ne savons pas quelle partie de cette somme sera nécessaire. Il y aura peut-être aussi d'autres opérations de maintien de la paix. Dans cette hypothèse, les fonds pourraient être prélevés sur ce poste.
Même si je sais où M. Mills veut en venir, je ne pense pas qu'on puisse appuyer sa motion, parce que l'on ignore encore de combien ces dépenses seront réduites. Je suis donc contre la motion.
Le président: Cette explication vous satisfait-elle, monsieur Mills?
M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Ce que M. LeBlanc vient de dire, c'est qu'il ne s'agit plus du budget de la FORPRONU, mais bien d'une caisse noire.
M. LeBlanc: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le président: Non, c'est le budget de l'IFOR.
M. Mills: Il y a aussi un budget pour l'IFOR.
M. LeBlanc: Deux choses pourraient arriver à ces fonds si les 86 millions de dollars ne sont pas dépensés, et ils n'iront sans doute pas à la FORPRONU. Ou bien l'argent ne sera pas dépensé, ou bien il sera gardé en réserve pour l'exercice suivant au cas où le Canada serait appelé à participer à d'autres opérations de maintien de la paix.
Par le passé, il a fallu voter un budget supplémentaire pour parer à cette éventualité, parfois pour des sommes importantes. La prudence nous commande ici d'autoriser l'affectation des 86 millions de dollars à cette fin, de voir de quoi il s'agira l'année prochaine et de voir quelle partie de la somme sera effectivement consacrée au maintien de la paix, soit à la FORPRONU, soit aux missions qui lui succéderont, ce qui évidemment fera l'objet d'un débat approfondi au Parlement.
Le président: Monsieur Mills, je crois savoir que vous souhaitez toujours...
M. Mills: Je préférerais que l'argent ne soit pas dépensé et qu'on prépare un budget supplémentaire pour les nouvelles opérations de maintien de la paix. De cette façon, ce serait clair et net, au lieu de faire ces transferts sans avoir à donner de justification.
M. LeBlanc: Dans ce cas, nous ne sommes pas d'accord. Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit d'autre à dire.
Le président: Il n'y a pas lieu de débattre de cette question plus longtemps. Pourrait-on la mettre aux voix, monsieur Mills?
M. Mills: Volontiers.
La motion est rejetée
Le président: Nous allons vous donner une autre chance, monsieur Mills.
M. Mills: Je propose que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, sans plus attendre, fasse parvenir une lettre à l'ambassadeur de la République populaire de Chine pour lui exprimer notre déception devant la décision de la Chine de procéder à d'autres essais nucléaires, et invite le gouvernement chinois à mettre fin à ces essais immédiatement et à se joindre à un moratoire international.
Le président: J'aimerais connaître l'avis des membres du comité. Si vous estimez qu'il s'agit d'une question à débattre, je jugerai que la motion a été déposée, et nous pourrons en discuter après avoir entendu le ministre. Si elle reçoit toutefois l'assentiment général des membres et s'ils veulent se prononcer immédiatement, nous pouvons la mettre aux voix.
Monsieur LeBlanc.
M. LeBlanc: Je pense que l'idée de réserver la motion est bonne.
Le président: C'est ce que nous allons faire. Je décide qu'il s'agit d'une motion dont le but est de réserver la motion, monsieur Mills. Si vous ne pouvez pas être des nôtres cet après-midi, nous statuerons sur la motion avant la fin de l'après-midi. Merci beaucoup.
Monsieur le ministre, désolé de vous faire attendre. Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue au comité. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir. Je crois savoir que vous êtes accompagné par le sous-ministre adjoint pour l'Asie-Pacifique, M. Edwards, ainsi que parM. Garson, de l'ACDI. Bienvenue.
L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique)): Merci beaucoup, monsieur le président et chers collègues de la Chambre des communes. Je suis honoré d'être invité à comparaître devant le comité.
Comme le président l'a dit, je suis accompagné par M. Len Edwards, sous-ministre adjoint, Asie-Pacifique, et M. Ron Garson, de l'ACDI. Au fond se trouvent Pat Malikail, directeur adjoint chargé de la Chine; Bryan Burton, chargé de la région de l'Asie du Sud, et Ron MacIntosh, mon agent de liaison avec le ministère.
Monsieur le président, à l'occasion de mon témoignage, je voudrais m'attarder sur les politiques et l'application de notre politique dans cette région. Je ne discuterai pas des budgets, puisque c'est le ministre, M. Lloyd Axworthy, qui en discutera, ainsi peut-être que le ministre du Commerce international, M. Art Eggleton.
Monsieur le président, chers collègues, la région Asie-Pacifique constitue l'un des principaux défis de la politique étrangère canadienne. Les économies de la région vivent de profondes transformations sociales, économiques et politiques. Les revenus sont en hausse, les gens migrent vers les villes et voyagent à l'étranger. Par voie de conséquence, la classe moyenne qui émerge en Asie s'intéresse davantage à la liberté politique, à l'amélioration des infrastructures et des conditions de vie ainsi qu'au développement économique durable. La région Asie-Pacifique a encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine, mais la volonté de sa classe moyenne naissante ne peut être ignorée.
Depuis deux ans et demi, je sillonne la région pour y promouvoir les intérêts du Canada, qui se reflètent dans notre politique globale à l'égard de l'Asie. Cette politique est basée sur trois piliers: la prospérité économique, la sécurité régionale ainsi que les droits de la personne et la primauté du droit. J'aimerais m'arrêter un moment sur chacun de ces trois piliers.
Notre gouvernement a été élu en 1993 en promettant un programme d'action pour favoriser l'emploi et la croissance, dont l'un des objectifs clés est d'accroître sensiblement l'activité commerciale du Canada dans la région Asie-Pacifique, une région à expansion rapide. Je suis heureux de dire que le Canada connaît de bons résultats dans cette région, des résultats meilleurs qu'ils ne l'ont jamais été. Après s'être accrues de 20 p. 100 en 1994, les exportations ont progressé de 30 p. 100 de plus en 1995, pour atteindre 26,5 milliards de dollars, soit plus de la moitié de nos exportations hors États-Unis. L'an dernier, nos ventes au Japon ont connu une progression remarquable de 24 p. 100, pour dépasser les 12 milliards de dollars en 1995. Les ventes à Hong Kong se sont accrues de 50 p. 100, celles à la Malaisie de 96 p. 100, les ventes à l'Inde de 64 p. 100 et celles au Pakistan de plus de 100 p. 100.
La région Asie-Pacifique renferme certains des marchés les plus dynamiques du monde. Ces marchés sont aussi diversifiés que les économies. Ils offrent des débouchés dans presque chaque secteur de l'activité commerciale canadienne. Ces marchés nous posent un défi. La langue, la société et la culture commerciale y sont très différentes des nôtres. Mais le dynamisme des marchés et l'ampleur des débouchés font que le défi vaut la peine d'être relevé.
Les missions Équipe Canada qui ont visité la Chine en 1994 ainsi que l'Inde, le Pakistan, l'Indonésie et la Malaisie en janvier de cette année ont généré plus de 17 milliards de dollars en nouvelles ententes commerciales complémentaires. D'autres missions dirigées par d'autres ministres canadiens et moi-même ont aussi fait progresser nos intérêts commerciaux et ont ainsi stimulé l'emploi et la croissance au pays. On estime que chaque milliard de dollars d'exportations crée 11 000 emplois au Canada. Ces missions démontrent aussi aux dirigeants asiatiques que le Canada entend devenir un grand partenaire dans la région, et le rester pendant longtemps.
La Chambre de commerce du Canada a sondé les dirigeants d'entreprises qui ont participé à la mission de janvier 1996. Elle a découvert que 94 p. 100 des répondants étaient d'avis que l'Équipe Canada leur avait ouvert des portes sur des marchés clés et que ces initiatives devraient se poursuivre. De plus, 90 p. 100 des répondants voyaient la mission comme ayant stimulé la réalisation de leurs objectifs en matière d'expansion commerciale.
Le deuxième pilier est celui de la sécurité régionale. La protection de notre sécurité est un élément clé de notre politique étrangère. Nos objectifs économiques et commerciaux pour l'Asie-Pacifique supposent le maintien de la paix et de la stabilité. La fin de la guerre froide a changé beaucoup de choses dans le monde; mais la région a encore des problèmes, dont certains intéressent directement le Canada.
Nous surveillons de près le processus menant à la rétrocession de Hong Kong en 1997. Il faudra aussi surveiller la recrudescence possible des tensions entre la Chine et Taïwan. Il y aura lieu de suivre de près les progrès réalisés dans les pourparlers sur le commerce, sur la coopération économique ainsi que sur les liaisons aériennes et maritimes directes. Nous sommes confrontés à un conflit potentiellement dangereux entre l'Inde et le Pakistan sur le Cachemire, surtout dans le contexte d'une rivalité nucléaire toujours active. Nous sommes préoccupés par la situation dans la péninsule de Corée. Et il semble y avoir peu d'espoir de régler en permanence le conflit ethnique brutal qui fait rage au Sri Lanka depuis 13 ans.
Le développement durable en Asie est crucial pour la sécurité de l'environnement mondial; il doit aussi clairement faire partie intégrante de notre politique à l'égard de l'Asie. On estime que, en l'an 2000, 30 villes asiatiques auront plus de 5 millions d'habitants. En l'an 2015, 17 des 27 mégalopoles du monde se trouveront en Asie.
Enfin, quelques mots sur le troisième pilier, celui des droits de la personne, qui est la principale raison de ma décision de faire de la politique. Sur la base de mon expérience en matière de droits de la personne, j'ai décidé de contribuer à la démocratie de mon pays, le Canada. Aujourd'hui, je suis fier d'être le député de Richmond, en Colombie-Britannique. Je suis fier du fait que le respect des droits de la personne forme une partie essentielle de la politique étrangère du gouvernement.
Depuis deux ans et demi, je m'efforce de promouvoir les droits de la personne dans la région Asie-Pacifique, tout en faisant clairement comprendre que notre relation avec les économies de la région ne peut être réduite ou ramenée à une dichotomie entre commerce et droits de la personne. Nous croyons que le maintien des contacts systématiques et diversifiés encouragera la société chinoise à réclamer plus d'ouverture et de liberté.
Nous sommes certainement amenés à croire que la libéralisation économique favorise la flexibilité politique, et que les gouvernements qui ont ouvert leurs marchés au commerce international sont plus sensibles aux vues et aux réactions des autres pays. Une société repliée sur elle-même, faiblement tributaire du commerce et de l'investissement international, est moins susceptible de réagir aux préoccupations étrangères. Le commerce diminue l'isolationnisme. Il élargit également la portée du droit international et génère la croissance économique essentielle à l'évolution et au développement de la société. La libéralisation économique mène également à la pluralisation au sein des groupes d'intérêts d'une société.
Néanmoins, nous nous devons, en tant que gouvernement, de saisir toutes les occasions d'aborder le sujet des droits de la personne avec les dirigeants de pays qui, à notre avis, se rendent coupables de violations à cet égard. Bien que respectueux des traditions et des cultures millénaires, nous avons toujours maintenu que la meilleure façon pour l'État de garantir la stabilité et la prospérité, c'est d'être à l'écoute de la population. Fidèle à sa politique, notre gouvernement continuera de travailler avec les autres pays pour que la Chine honore ses engagements en vertu de la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies.
Bilatéralement, nous avons également fait part de nos préoccupations au chapitre des droits de la personne aux dirigeants de plusieurs pays de la région. En fait, lors de ma récente visite en Chine, j'ai personnellement fait part de mes préoccupations au sujet de la situation des droits de la personne aux divers représentants que j'ai rencontrés, en particulier au ministre des Affaires étrangères,M. Qian Qichen. C'est une démarche que j'ai adoptée dans bien d'autres pays de la région, y compris le Viêt-nam et l'Indonésie. J'ai aussi rencontré en Inde des représentants chargés des droits de la personne et des groupes de militants pour discuter de sujets comme les troubles qui déchirent le Panjab; je me suis également entretenu avec les représentants pakistanais et indiens des problèmes qui persistent au Cachemire. En fait, dans tous les cas où il sera opportun de le faire, je mentionnerai les préoccupations du Canada au chapitre des droits de la personne chaque fois que je rencontrerai mes homologues asiatiques.
Par ailleurs, notre gouvernement participe à des projets constructifs dans le domaine des droits de la personne avec la collaboration de ses partenaires asiatiques. L'ACDI continue de se distinguer dans la promotion des droits de la personne, de la saine gestion des affaires publiques et de la primauté du droit. Par exemple, comme je l'ai moi-même constaté le mois dernier en Chine, le programme de l'ACDI pour ce pays a contribué à ses réformes économiques et à son ouverture progressive sur le monde, surtout en créant des liens entre les gens et les institutions, en transférant des compétences, des connaissances et des technologies, et en faisant connaître à des milliers de Chinois le Canada, ses valeurs et sa gestion des affaires publiques.
Il y en a, en Asie, qui prétendent que la démocratie ne sied pas à ce continent, parce qu'elle est étrangère aux valeurs asiatiques comme le confucianisme. Je ne suis pas du tout de cet avis. Comme je l'ai affirmé en Chine le mois dernier, la classe dirigeante tient toujours ce discours lorsqu'il y va de son propre intérêt. Elle manipule le confucianisme pour appuyer sa cause. Je suis d'avis quant à moi que la démocratie et la liberté de penser sont bien ancrées dans la doctrine de Confucius.
Pour conclure, je suis convaincu de l'importance que notre gouvernement accorde à la région Asie-Pacifique - outre les motifs que nous communiquons aux Canadiens pour justifier cette stratégie - est sans doute le meilleur exemple que nous puissions donner aux Canadiens de l'application des principes énoncés dans notre Livre rouge. En bref, les exportations créent des emplois, et les emplois créent de la richesse pour les Canadiens, ce qui contribue à la réduction du déficit et au maintien d'un grand nombre de programmes, tels ceux des soins de santé, qui ont fait de notre pays l'envie du monde.
L'accroissement des liens commerciaux par-delà le Pacifique et Dans toute l'Asie nécessitera de notre part des efforts constants, qui, j'en suis sûr, porteront fruit. Je crois que nous sommes à même de profiter de l'amélioration de l'accès aux marchés, un acquis des négociations d'Uruguay, ainsi que de l'amélioration de nos rapports bilatéraux avec nombre de pays. Nous devrons bien cibler nos efforts de promotion du commerce, de l'investissement et du tourisme. Nous aurons tout intérêt également à participer avec enthousiasme aux institutions régionales, et en premier lieu à l'APEC, mécanisme de coopération économique Asie-Pacifique.
À cet égard, j'ai eu l'honneur d'annoncer en novembre dernier que le sommet et la réunion ministérielle de l'APEC auront lieu à Vancouver en 1997. Nous aurons là une excellente occasion de faire découvrir le Canada à nos partenaires de l'Asie-Pacifique et de leur révéler les aspects de notre pays qui en font une nation du Pacifique et un partenaire actif dans la région.
Le succès dans la région Asie-Pacifique suppose non seulement un engagement de longue haleine, mais aussi un engagement quant à de nombreux aspects des activités humaines, dont la création de liens personnels entre les dirigeants, l'acceptation de certaines responsabilités dans des domaines tels que la paix, les droits de la personne et le développement démocratique, la reconnaissance de la valeur des liens éducationnels et culturels, et enfin la mise en commun des expériences dans des domaines particuliers tels que la recherche et le développement, la protection de l'environnement et d'autres enjeux appelant une action publique.
Pour moi, notre engagement a un sens particulier. Il s'agit de mobiliser les Canadiens d'origine asiatique dans l'édification de nos partenariats de la région Asie-Pacifique. Les Canadiens d'origine asiatique, qu'ils soient représentants de grandes sociétés ou dirigeants de PME dynamiques, peuvent contribuer à l'effort national dont nous avons besoin. Ils ajouteront de l'empathie à nos liens avec la région Asie-Pacifique, une complicité culturelle comme celle qui contribue tellement à nos liens nord-américains et européens. Notre succès dans la réalisation de nos aspirations commerciales dépendra largement de notre aptitude à rattacher nos peuples.
J'ai tenté d'apporter ma contribution, et je continuerai. Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je demanderais aux membres du comité si nous pouvons déroger à notre procédure habituelle et laisser M. Bélair commencer, car il doit être à la Chambre à 16 h 15.
M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Merci, monsieur le président. Je viens de recevoir une note m'informant que le débat a été retardé et que je ne prendrai pas la parole à la Chambre. Vous pouvez donc continuer.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Sauvageau.
M. Sauvageau (Terrebonne): C'est un plaisir de vous rencontrer, monsieur le ministre Chan.
Avant de commencer, je voudrais souligner qu'il y a peut-être eu une omission dans une des versions de votre document. À la page 4 de la version française, on dit:
- Fidèle à sa politique, notre gouvernement continuera de travailler avec les autres pays pour que
la Chine honore ses engagements...
- Par contre, dans la version anglaise, on oublie de faire mention de la Chine et on parle plutôt des
pays d'Asie. Il est peut-être utile de souligner ce fait pour qu'une correction soit apportée au
document; c'est sûrement une omission involontaire.
[Traduction]
M. Chan: Merci pour la question.
Ce n'est pas seulement une philosophie; dans les faits, nous constatons une amélioration. Prenons par exemple le cas de la Chine, que je connais le mieux. Si l'on compare la Chine d'aujourd'hui à ce qu'elle était il y a cinq ans, et si l'on tient compte de son évolution depuis 20 ans, on se rend compte qu'il y a 20 ans, sa situation était semblable à celle de la Corée du Nord. Le massacre de 1989 a été un recul, mais après deux ans, vers la fin de 1991 et le début de 1992, le gouvernement chinois a commencé à ouvrir le pays. Avant le massacre, il y avait seulement 14 villes côtières qui étaient ouvertes à la réforme; aujourd'hui, le pays tout entier s'est engagé dans cette voie, sauf peut-être des endroits comme le Tibet, où l'instabilité politique est encore grande. C'est un fait.
De plus, en ce qui concerne les libertés civiles individuelles, les choses se sont nettement améliorées pour le Chinois moyen. Nous avons souligné le fait que le traitement des dissidents et des défenseurs des droits de la personne est encore très dur. Le gouvernement n'hésite pas à les mater. Cependant, les citoyens moyens qui ne réclament pas de changements politiques sont devenus beaucoup plus libres depuis trois ou quatre ans. Je vais vous citer trois exemples.
Avant 1991, pour se déplacer entre les villages ou d'un village vers la ville, on avait besoin d'un visa. Il fallait obtenir la permission des autorités locales, sinon on n'avait pas le droit de sortir du village. Cette exigence a disparu. Les gens sont beaucoup plus libres de se déplacer à l'intérieur de la Chine d'un village à l'autre et d'un village vers la ville. La liberté de déplacement s'est nettement améliorée depuis quatre ans.
Deuxièmement, le rationnement alimentaire a disparu. Il y a seulement trois ans, on avait besoin d'un coupon pour acheter des céréales, à moins de recourir au marché noir. Grâce à la libéralisation de l'économie, l'exigence du rationnement alimentaire qui visait à contrôler la population a disparu. On n'a plus besoin d'un coupon pour aller au marché acheter des céréales. C'est donc une amélioration.
Troisièmement, auparavant, quand on terminait ses études universitaires, secondaires ou autres, on obtenait un emploi qu'on n'avait pas le droit de refuser. Maintenant, grâce à l'économie de marché, on peut embrasser la carrière de son choix en Chine.
Voilà les améliorations découlant de la réforme économique en Chine. Je pourrais citer des exemples semblables dans d'autres pays.
Le président: J'étais heureux, monsieur le ministre, de vous entendre parler de la réforme économique. Quand vous avez utilisé le terme «réforme» tout à l'heure, M. Morrison salivait à l'idée d'un milliard de suffrages.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Sauvageau: Puis-je me permettre de vous répondre, même si je n'aurai peut-être pas le temps de poser autant de questions? J'ai oublié d'apporter l'article de Claude Picher, dans La Presse de la semaine dernière, qui soulignait le cinquième anniversaire de la Place Tiananmen et qui parlait de l'accroissement des investissements canadiens et du maintien d'une certaine instabilité politique au niveau des droits de la personne, des enfants dans les orphelinats, etc.
Son discours n'était pas tout à fait le même que le vôtre. Si jamais vous pouviez mettre la main sur cet article et me faire quelques commentaires, je l'apprécierais grandement. Cependant, je constate que dans les pays identifiés dans votre document, la stabilité politique n'est pas une prémisse aux investissements du gouvernement canadien.
On entend souvent parler d'une corrélation entre l'instabilité politique et les problèmes de croissance économique. Ce n'est pas nécessairement le cas à Hong Kong, au Pakistan ou en Inde. Les chiffres que vous nous donnez nous prouvent le contraire et j'en suis très satisfait.
Dans un autre document de votre ministère intitulé Stratégie canadienne pour le commerce international, à la page 43, on souligne que le Canada veut accroître sa part de marché en Asie de l'Est. Le gouvernement a-t-il un plan précis pour accroître cette part de marché et, si oui, de quelle façon entend-t-il s'y prendre?
[Traduction]
M. Chan: Oui. Maintenant, nous ciblons davantage les pays. Par exemple, au Japon, nous avons un plan en 10 points visant des secteurs qui disposent d'un avantage concurrentiel. Nous avons publié des documents portant sur l'Inde et fournissant beaucoup de détails sur les possibilités d'affaires dans ce pays.
En plus d'adopter des politiques visant précisément certains pays, nous avons aussi mis au point le concept de l'Équipe Canada pour appuyer politiquement nos gens d'affaires. D'après les normes internationales, le concept de l'Équipe Canada est l'une des plus importantes initiatives internationales. Cela nous a vraiment permis de nous positionner au centre du marché international.
Je me souviens encore qu'au moment où j'ai été nommé à ce portefeuille, lors de mes premiers voyages dans cette région, on m'a souvent demandé où nous étions - ce qui veut dire que le Canada n'était pas présent dans la région et que nos visites ministérielles étaient rares. Grâce à la démarche d'Équipe Canada, nous indiquons vraiment aux pays asiatiques que nous sommes et voulons être un pays du Pacifique, et que nous sommes très sérieux dans notre intention de commercer avec eux.
[Français]
M. Sauvageau: Vous avez peut-être oublié ma première prémisse. Peut-on dire que la stabilité politique n'est pas une condition sine qua non à l'accroissement des investissements ou à la croissance de l'économie?
[Traduction]
M. Chan: Elle l'est, mais quand nous parlons d'instabilité politique nous devons comparer la situation actuelle à la situation antérieure, et tenir compte de l'ouverture adoptée par la plupart de ces pays - par exemple, l'Indonésie et l'Inde. Grâce à leur politique d'ouverture et de réforme économiques, ils ont créé un environnement relativement stable par rapport au passé. C'est ainsi que l'on a stimulé la croissance économique dans ces régions.
[Français]
M. Sauvageau: Je ne voudrais pas faire de débat, mais l'ouverture économique n'est pas nécessairement synonyme de stabilité politique; je parle ici des gouvernements. On voit les problèmes du Tibet en Chine, de Hong Kong avec Taïwan, de l'Inde et du Pakistan. Est-ce que d'après vos chiffres, la stabilité politique est une condition sine qua non à l'accroissement des échanges avec le Canada ou d'autres pays?
Il ne s'agit pas nécessairement de pays qui méritent la palme dans le fameux livre où le Canada est cité comme le meilleur pays du monde, surtout au niveau de la stabilité politique, n'est-ce pas?
Nous entendons souvent dire qu'une stabilité politique est absolument nécessaire pour qu'il y ait de l'investissement et une croissance économique. Est-ce que ces chiffres ne nous démontrent pas le contraire?
[Traduction]
M. Chan: Je conteste votre position selon laquelle la croissance économique n'a rien à voir avec la stabilité politique. Le fait est que la croissance économique a contribué à améliorer le niveau de vie des habitants de ces pays, et il y a moins de troubles sociaux. De plus, les risques de conflits politiques sont moindres, ce qui crée de la stabilité dans la région.
La stabilité est importante pour la croissance économique. Par exemple, au plus fort des tensions entre la Chine et Taïwan, les investisseurs ont commencé à se détourner de ces deux pays, ce qui a causé des problèmes. De plus, s'il n'y a pas un gouvernement stable en Inde, cela aura une incidence sur les possibilités économiques dans la région. L'émergence d'une classe moyenne importante dans ces pays devient également un facteur de stabilisation.
Le président: Merci. Nous devons passer à M. Morrison.
M. Morrison: Merci, monsieur le président. Vous devez vous rendre compte que la quête de réforme est un phénomène international.
Le président: Mais ce n'était pas une marque de commerce auparavant.
M. Morrison: Monsieur le ministre, vous avez abordé en quelque sorte une question que je voulais vous poser. Mais cela ne touchait pas à l'essentiel de mon intervention. Vous avez dit que l'on était en train d'établir des liaisons aériennes et maritimes directs entre Taïwan et la République populaire de Chine. Comment se font les échanges entre les deux pays actuellement?
M. Chan: Le contact a été rétabli. L'un des principaux conseillers du gouvernement de Taïwan était à Beijing il y a trois mois afin de dialoguer avec le président de la Chine. Ils essaient d'établir des mécanismes de télécommunication, de poste et de voyage reliant directement les deux parties. Pour nous, c'est le présage d'une certaine harmonie.
M. Morrison: Je pense que vous n'avez pas compris ma question, monsieur le ministre. Je sais que les gens voyagent actuellement entre Taïwan et Fuching. Mais comment le font-ils s'il n'y a pas de liaison maritime? Ils ne suivent pas leur armée. Ils ne nagent pas.
M. Chan: Habituellement, ils passent par Hong Kong ou par le Japon. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles ils veulent établir des liaisons directes. Ils ne veulent pas que leurs citoyens paient plus cher pour aller de l'autre côté, et les activités commerciales entre eux sont énormes.
M. Morrison: Très bien, c'était tout simplement une question secondaire.
Pour en venir à l'essentiel de votre exposé, vous avez établi un parallèle entre la stabilité politique et les droits de la personne. Les deux ne sont pas nécessairement synonymes. Dans certaines des régions les plus stables, les droits de la personne sont bafoués - la pax Romana, si vous voulez.
Pour continuer dans la même veine que M. Sauvageau, je ne pense pas que quiconque, au moins dans mon parti, propose que l'on utilise le commerce comme moyen d'imposer notre conception des droits de la personne à d'autres. Il est peu probable que cela fonctionne, car si nous réduisons nos activités commerciales, d'autres pays seront plus que ravis de nous remplacer. Qu'en est-il de l'Inde? Si nous cessons d'aider les pays qui violent les droits de la personne, d'autres pays ne vont pas se bousculer pour fournir de l'aide à notre place. À nous de décider.
J'ai du mal à accepter que nous continuions d'utiliser notre programme d'aide étrangère comme outil d'influence, si vous voulez, du MAECI. Je voudrais savoir pourquoi nous continuons à aider, par exemple, l'Indonésie et la Chine. Comment pouvez-vous le justifier si vous considérez que cela est de l'aide, et non pas un moyen de pression politique?
M. Chan: Tout d'abord, monsieur Morrison, je n'ai jamais établi de parallèle entre la stabilité et les droits de la personne. J'établis un parallèle entre la réforme économique et l'amélioration des droits de la personne, et entre la réforme économique et la stabilité. Je conviens avec vous que, parfois, les pays qui violent le plus les droits de la personne semblent au moins avoir cette stabilité dès le départ.
En ce qui concerne l'aide, je crois que M. Pettigrew, le ministre responsable de l'ACDI, était ici ce matin et qu'il vous en a peut-être parlé. Disons que notre politique d'aide vise deux domaines très importants. Premièrement, le développement durable, c'est-à-dire des questions environnementales, comme la pollution, qui ont une incidence mondiale. En continuant d'aider ces pays à régler ce genre de problèmes, le Canada travaille aussi bien dans son propre intérêt que dans l'intérêt du reste de la planète.
En deuxième lieu, notre aide vise l'établissement des institutions et le développement des ressources humaines, ainsi que la défense de la primauté du droit et l'amélioration des systèmes judiciaires, etc. Il est facile pour nous de demander à la Chine d'établir la primauté du droit, mais ce pays n'a pas assez de juges, d'avocats ou de personnes qui savent ce que c'est un gouvernement moderne. Ainsi donc, nous aidons la Chine à parachever la mise en place d'un institut de la magistrature qui pourra former de 200 à 300 juges à la fois. Nous pouvons également apporter aux Chinois notre expertise en matière judiciaire et les inviter à nous consulter.
Pour ce qui est de l'Indonésie, 70 p. 100 ou un pourcentage élevé de notre aide est destinée au Timor oriental, où nous essayons de renforcer les structures économiques et le niveau d'instruction de la population afin qu'elle soit moins tributaire du gouvernement.
L'aide que nous accordons à ces pays permet de promouvoir le développement durable et de protéger l'environnement; elle permet aussi de promouvoir la sécurité, car nous essayons de réduire les différences entre les pays. Elle permet enfin de promouvoir les droits de la personne et la bonne gestion des affaires publiques, ce qui contribue également à régler les problèmes de sécurité qui pourraient avoir une incidence considérable sur le Canada.
M. Morrison: Merci pour cette réponse. C'est la toute première fois que j'obtiens une réponse pertinente à cette question, que j'ai déjà posée maintes fois.
Vous avez parlé de l'initiative Équipe Canada. J'ai communiqué avec des gens qui ont participé à ce safari. J'ai appris que la plupart des accords dont on a parlé n'étaient que des ententes visant à entamer les négociations. Autrement dit, il s'agissait d'ententes visant à conclure des ententes. Par exemple, en ce qui concerne la prétendue vente de réacteurs CANDU, si j'ai bien compris, on ne s'est entendu que sur la volonté de négocier la vente de ces réacteurs.
Cette interprétation est-elle exacte? Dans l'affirmative, quel pourcentage de ces centaines de millions de dollars de contrats prétendument ramenés au Canada par le safari Équipe Canada correspond à la réalité, c'est-à-dire les contrats qui ont été effectivement signés et dont les modalités financières ont été réellement remplies? Quel pourcentage de ces accords est réel?
M. Chan: Monsieur Morrison, je serais ravi de vous parler de la mission d'Équipe Canada en Chine. Sur les neuf milliards de dollars de contrats que nous avons signés, les contrats réels représentent près de trois milliards. Ce sont des contrats effectifs. L'achat des réacteurs CANDU représente quatre milliards de dollars environ, et nous en sommes maintenant à la négociation du contrat commercial. Nous avons encore quelques différences à aplanir, et c'est le dernier obstacle que nous devons surmonter. La conclusion de l'accord est très imminente. À cet égard, nous bénéficions de l'appui du monde des affaires et des autres industries. Je suis sûr que l'accord sera conclu très bientôt.
Quant aux autres contrats, nous suivons leur évolution, et 90 p. 100 d'entre eux sont encore actifs. Je suis sûr que le taux de réussite de ces contrats sera très élevé.
En ce qui concerne la mission en Inde, près de 30 p. 100 des contrats que nous avons signés sont réels. Les autres sont des protocoles d'entente et des lettres d'intention.
En ce qui concerne Équipe Canada, l'important n'est pas le nombre de contrats que nous signons au cours d'une mission. Certes, ils sont importants dans la mesure où ils permettent de se faire une idée de la mission, mais, en même temps, je pense que les relations que nous avons aidé les entreprises à établir avec les différents pays sont encore plus importantes. En outre, il est important que nous ayons donné au Canada une visibilité telle que les pays asiatiques commencent à savoir que nos technologies sont compétitives, que nous pouvons rivaliser avec les meilleures industries des autres pays et gagner.
Il existe une autre retombée qui a vraiment dépassé nos attentes. Quand j'étais dans l'avion avec tous ces gens d'affaires canadiens, ils m'ont dit à maintes reprises qu'ils commençaient à conclure des ententes entre eux. Ils ont fait connaissance et ont commencé à s'allier pour explorer les marchés étrangers. Ces autres avantages sont inestimables.
M. Morrison: Y avait-il un bar dans l'avion?
Le président: Merci. Monsieur Bélair.
[Français]
M. Bélair: Tout d'abord, je remercie le ministre d'être ici présent aujourd'hui.
Dans votre discours d'ouverture, vous avez fait allusion à l'APEC,
[Traduction]
le mécanisme de coopération économique Asie-Pacifique,
[Français]
qui tenait en 1992 une première conférence. Pour nous, Canadiens, cette conférence faisait suite à l'entente du libre-échange conclue avec les Américains. Il était alors question qu'après la signature de l'ALENA en 1993, le Canada entretienne des relations beaucoup plus étroites au niveau économique, étendant les tentacules de l'ALENA jusque dans le Pacifique.
Monsieur le ministre, pourriez-vous dire au comité si des discussions ont été engagées, si des résultats concrets sont survenus ou si des négociations sont présentement en cours dans le but de conclure un tel échange?
[Traduction]
M. Chan: Les Américains hésitent beaucoup à accepter des partenaires asiatiques au sein de l'ALENA. Je ne pense pas que nous ayons progressé dans ce dossier.
Compte tenu de notre participation à l'APEC et du fait qu'en 1994 et 1995 cette organisation a décidé de promouvoir le libre-échange entre ses membres... en 1994, à Bogor, en Indonésie, les dirigeants ont convenu d'établir le libre-échange d'ici à 2010 entre les membres de l'APEC, les pays développés de l'APEC, et d'ici 2020 avec les pays en développement de l'organisation.
Telle était l'entente. Par la suite, en 1995, lors du sommet d'Osaka, bon nombre de pays membres de l'APEC ont volontairement proposé leur liste des tarifs douaniers qui seraient réduits. Par exemple, la Chine a réduit de 30 à 40 p. 100 les tarifs douaniers sur 4 000 articles. La Malaisie en a fait autant. La Malaisie est l'un des pays qui résistent le plus à l'APEC, car il veut promouvoir davantage le bloc commercial asiatique, mais même les Malaisiens ont proposé leur liste de produits sur lesquels les tarifs seraient réduits. Je dirais donc que les obstacles au commerce sont en train de diminuer considérablement.
M. Bélair: En effet, mais le progrès est très lent.
M. Chan: Vous avez raison.
M. Bélair: En somme, il est très lent.
M. Chan: Oui, parce que l'APEC ne fonctionne pas d'après des règles. Elle fonctionne par consensus. Elle croit davantage aux mesures volontaires qu'à l'imposition de règles à d'autres pays.
M. Bélair: Ma deuxième question, monsieur le président, concerne Hong Kong.
Nous savons tous que le 1er janvier, Hong Kong deviendra une province chinoise. Sur la liste de nos partenaires commerciaux, il vient au dixième rang - avec 1,7 milliard de dollars. Comment protège-t-on les intérêts canadiens? Le Royaume-Uni fait également partie du Commonwealth; par conséquent, par l'intermédiaire du Royaume-Uni, avons-nous veillé à ce que les produits que nous vendons aujourd'hui et nos échanges économiques avec Hong Kong demeurent stables?
M. Chan: Oui. Je pense que le plus important est de s'assurer que les Canadiens continueront de travailler librement et ouvertement à Hong Kong. Près de 100 000 Canadiens travaillent à Hong Kong, où ils font la promotion de nos intérêts. Plus de 150 sociétés ont leur siège régional à Hong Kong. Pour les entreprises canadiennes, Hong Kong est une plaque tournante qui permet d'accéder non seulement à la Chine, mais aussi à toute la région. C'est pour cela que Hong Kong est si important pour nous, en plus des rapports humains que nous y avons. Bon nombre de Canadiens ont des parents et des amis à Hong Kong. Du point de vue humanitaire, c'est très important pour nous. Du point de vue commercial, il importe aussi de continuer à travailler et d'avoir le statut de résident permanent à Hong Kong - ce qui nous permet d'aller et de venir à notre guise.
M. Bélair: En avez-vous discuté avec le gouvernement de la Chine?
M. Chan: Oui, c'était l'un de mes principaux objectifs quand j'ai visité la Chine le mois dernier. Depuis longtemps, nous discutons de la double citoyenneté, mais ce pays ne reconnaît pas la double citoyenneté. Il considère toujours les Chinois de l'étranger comme des citoyens chinois.
M. Bélair: Je parle uniquement de Hong Kong, du point de vue commercial.
M. Chan: Le problème, c'est que, après le 1er juillet 1997, Hong Kong fera partie intégrante de la Chine. C'est cette dernière qui décidera de la citoyenneté des habitants de Hong Kong. Auparavant, le problème résidait dans le fait que les Canadiens d'origine chinoise qui retournaient à Hong Kong étaient considérés comme Chinois, et non pas comme Canadiens. Ils ne bénéficiaient pas de l'aide consulaire quand ils avaient des problèmes, ce qui préoccupait les Canadiens à l'époque. Le ministère des Affaires étrangères a donc réfléchi sur la question et proposé une solution au gouvernement chinois.
M. Bélair: Ont-ils accepté?
M. Chan: Verbalement. Nous avons demandé que les Canadiens puissent entrer à Hong Kong comme citoyens canadiens; ils abandonneraient leur citoyenneté chinoise et bénéficieraient ensuite de la protection consulaire. Ils ont accepté verbalement. Cependant, nous ne voulons pas entrer dans des négociations détaillées avec les Chinois, car ce serait saper l'autorité du gouvernement régional de Hong Kong sur les questions d'immigration. Nous respectons sa compétence. Le détail des modalités futures dépendra des négociations entre le gouvernement de Hong Kong et le gouvernement chinois.
Nous avons soulevé la question tant auprès du gouvernement de Hong Kong que du gouvernement chinois. Les deux gouvernements ont accepté notre point de vue, et il sera inclus dans les négociations entre leurs experts respectifs.
M. Bélair: Les investissements canadiens seront-ils protégés?
M. Chan: Nous essayons actuellement de négocier un accord de protection des investissements avec les Chinois. Nous espérons qu'il finira par inclure Hong Kong.
M. Bélair: C'est à espérer.
M. Chan: Oui.
M. Bélair: Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bélair.
[Français]
Monsieur Paré.
M. Paré (Louis-Hébert): Monsieur le ministre, j'aimerais vous entretenir de la politique étrangère canadienne et tout particulièrement du troisième pilier de la politique étrangère.
Je suis un peu inquiet de la façon dont vous semblez penser que, parce que la politique étrangère canadienne comporte une certaine volonté de projeter les valeurs canadiennes à l'étranger, cela va se faire un peu mécaniquement. Je pense que c'est se leurrer.
Dernièrement, on disait que la mondialisation avait augmenté, entre autres, le travail des enfants. Des récipiendaires de prix Nobel se réunissaient récemment et se disaient extrêmement préoccupés par les conséquences de la mondialisation et du néo-libéralisme qui augmentent l'écart entre les riches et les pauvres et, à toutes fins pratiques, font disparaître la classe moyenne.
On vous a amené à parler quelque peu de l'Indonésie et du Timor oriental. Je ne puis m'empêcher, quand on dit qu'on entretient des relations commerciales avec l'Indonésie et qu'on fournit de l'aide au Timor oriental, de penser à l'image de la main droite qui donne des épinards à un tortionnaire alors que la main gauche tente de panser les plaies de la victime.
J'ai l'impression que c'est un peu ce qu'on fait lorsqu'on entretient des relations commerciales avec l'Indonésie et que, d'autre part, on tente de fournir de l'aide au Timor oriental.
Je termine mon intervention en revenant aux propos que vous teniez à la fin de votre exposé, lorsque vous disiez souhaiter que les Canadiens d'origine asiatique soient davantage mis à contribution pour lancer les relations commerciales avec les pays asiatiques. Or, je ne puis m'empêcher de vous parler du cas de Tran Trieu Quan, qui a fait exactement cela. Tous reconnaissent que ce Canadien de ma circonscription, intervenu en tant qu'intermédiaire dans le cadre d'un échange commercial, est innocent. Il est emprisonné depuis deux ans et même enchaîné par les pieds depuis quelques mois.
La ministre de la Culture vietnamien ne trouve pas autre chose à dire que dans son pays, lorsque les gens sont condamnés à l'emprisonnement à vie, ça fait partie de la culture que de les enchaîner. C'est un citoyen canadien. Je pense que c'est absolument scandaleux que le Canada entretienne des relations commerciales et les pousse autant.
Je comprends que c'est votre mandat de faire ainsi, mais il y a là un drame humain dont il faudra tenir compte. J'aimerais que le ministre responsable de l'Asie-Pacifique soit sensible à ce drame.
[Traduction]
M. Chan: Je vous remercie infiniment de votre question, mais je serais vraiment désolé que vous pensiez que pour moi la question des droits de la personne est secondaire. Je précise ma position dans ma déclaration, mais je n'ai pas tout lu.
J'ai décidé de faire de la politique à cause des droits de la personne. Lors de chacun de mes déplacements en Asie, quel que soit le pays, j'essaie chaque fois que je le peux de rencontrer des militants des droits de la personne. Je le fais pour leur donner un appui politique, même si cela dérange parfois les gouvernements locaux.
Il y a de très nombreuses questions qui relèvent des droits de la personne: le travail des enfants, les droits des femmes, les prisonniers politiques, les libertés civiles. Toutes ces questions relèvent des droits de la personne. Même si parfois il est impossible de progresser sur tous les fronts, cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille renoncer.
Vous avez cité le modèle indonésien. Oui, nous continuons à commercer avec l'Indonésie - pas vraiment avec le gouvernement, mais surtout avec les entreprises indonésiennes. Grâce au commerce, l'Indonésie se dote d'une classe moyenne qui est moins dépendante du gouvernement. Elle est moins contrôlée par le gouvernement.
Si vous allez à Jakarta, vous verrez que la ville est en pleine expansion. Vous constaterez que de plus en plus d'Indonésiens bénéficient d'une meilleure éducation. Ils commencent à comprendre leurs droits. Grâce au commerce, nous sommes également arrivés à imposer au gouvernement l'établissement d'une commission des droits de la personne. Pour la première fois, tout récemment, ils ont autorisé l'envoi de délégués par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Il est possible qu'elle soit autorisée à ouvrir un bureau à Jakarta. Il y a donc des améliorations à ce niveau.
En Indonésie j'ai rencontré les représentants d'un réseau d'avocats, qui est presque comme un groupe révolutionnaire, pour leur demander comment les aider à renforcer leur réseau informatique dans le combat qu'ils mènent en Indonésie même.
Donc, ce n'est pas vrai. Nous leur disons que nous sommes prêts à commercer avec eux dans l'espoir d'une amélioration des conditions des droits de la personne. Nous agissons beaucoup et nous n'en avons absolument pas honte.
Pour ce qui est du Viêt-nam, de l'affaire de M. Quan, c'est le dossier prioritaire du gouvernement canadien, qui n'a jamais autant fait pour un Canadien à l'étranger. Depuis que l'affaire a commencé, le dossier a pris au moins deux pieds d'épaisseur. Nous ne cessons d'intervenir.
Nous pilotons le dossier. Vous savez que ce n'est que tout dernièrement que nous sommes arrivés à retrouver M. Morgan, qui est mêlé de très près à ce procès. Notre ministère les aide à préparer le dossier pour que toutes les chances soient du côté de M. Quan. Mais nous ne pouvons intervenir directement dans le processus judiciaire de ce pays. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour représenter M. Quan, vraiment.
Pour ce qui est du Viêt-nam, je suis en contact avec des Vietnamiens qui y sont retournés pour travailler. Ils me disent - et je suis d'accord avec eux - que la situation des libertés civiles individuelles s'est améliorée... au point même d'être supérieure à ce qui existait du temps du régime du Viêt-nam du Sud.
Les dirigeants respectaient beaucoup moins les droits des individus que ne les respecte le gouvernement actuel. Il y a également constitution d'une classe moyenne au Viêt-nam. Si le Viêt-nam maintient sa politique de porte ouverte et poursuit sa réforme économique, avec le temps les choses changeront à l'intérieur.
Je ne pense pas qu'un gouvernement puisse faire plus. Parfois, en tant que gouvernement... Je suis tout autant frustré que vous, tout autant frustré que le sont les militants des droits de la personne. Nous pouvons faire plus sur le plan des échanges commerciaux, mais moins sur le plan des droits de la personne. Ce n'est pas parce que ces gouvernements de manière générale sont plus réceptifs sur le plan des échanges commerciaux que sur le plan des droits de la personne que notre gouvernement n'essaie pas de faire tout ce qu'il peut.
Je peux vous assurer encore une fois que nous faisons de notre mieux et que nous continuerons à faire de notre mieux pour M. Quan comme pour tous les autres cas de droits de la personne du même genre dans le monde entier.
Le président: Merci.
Monsieur Assadourian.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je suis content de vous voir. Je sais que j'ai déjà discuté avec vous de la question des droits de la personne, en privé dans l'antichambre du gouvernement. Comme vous l'avez dit, une des raisons pour lesquelles je suis ici, ce sont les atteintes aux droits de la personne, question qui me tient énormément à coeur.
Monsieur le ministre, j'aimerais vous demander de faire la comparaison, si c'est possible, entre la fin de la période communiste de l'URSS - maintenant les pays de la CEI - avant l'effondrement du communisme et le commencement de leur nouveau système d'économie de marché, et la Chine d'aujourd'hui.
Tout le monde sait que si la Russie, l'URSS, s'est effondrée dans le désordre, pour ainsi dire, c'est parce que, entre autres, une évolution très rapide des droits de la personne ou de la liberté politique a accompagné la nouvelle liberté économique. Le déséquilibre était complet.
Je crois que d'une certaine manière la Chine essaie d'éviter ce déséquilibre, car il y a quand même là 1,3 milliard d'habitants. Si un chaos analogue se déclenchait en Chine, je crois que les conséquences seraient beaucoup plus désastreuses pour la civilisation, pas seulement pour la région, que ce qui s'est passé en Russie, la guerre en Tchétchénie, ou que sais-je encore. C'est simplement une conséquence de l'effondrement soudain du régime communiste.
Quelle comparaison feriez-vous entre l'évolution de la situation politique en Chine et celle de la Russie? C'est mon premier point.
Monsieur le président, avec votre permission, j'aimerais également proposer une motion. Je pourrais peut-être le faire après la réponse à ma question. C'est une motion concernant le Viêt-nam.
Le président: Monsieur Assadourian, permettez-moi de vous faire la suggestion suivante. La greffière m'informe qu'elle a parlé au greffier du Comité des droits de la personne, qui lui a dit avoir une traduction de cette résolution. Nous pourrions peut-être attendre d'avoir la version française, et ainsi nous aurons les deux versions. Nous devrions l'avoir dans dix minutes. Nous allons attendre.
M. Assadourian: D'ici là il aura probablement répondu à ma question.
Le président: Nous pourrions peut-être la réserver et en disposer juste avant 17 heures.
M. Assadourian: D'accord.
Le président: Merci beaucoup.
M. Chan: Je vous remercie infiniment de votre question.
La situation en Chine est très différente de la situation en Russie. Vous avez tout à fait raison. Cependant, il ne faut pas oublier qu'en 1989, lorsque les réformateurs et les conservateurs se sont affrontés parallèlement aux manifestations des étudiants, la Chine avait déjà vécu 15 années de réforme économique.
Ce qui est arrivé, c'est que la lenteur de l'évolution du régime politique a limité la croissance économique du pays. L'autorité omniprésente du gouvernement était la source d'une corruption généralisée et d'abus de pouvoir qui ont limité la croissance économique. C'est ce qui a provoqué cet affrontement.
Une période de deux ans de repli a suivi l'envoi des chars par Deng Xiaoping et le «rétablissement de la stabilité». Ils ont bouclé les frontières. Ils ont pourchassé les partisans de la réforme. Pendant deux ans l'économie s'est détériorée. Ils ont compris qu'il leur fallait changer de cap. C'est la raison pour laquelle à la fin de 1991 Deng Xiaoping s'est rendu dans le Sud et a annoncé l'ouverture du pays. C'est ce qu'ils ont fait et continuent à faire aujourd'hui.
Simultanément, je crois, il ne faut pas oublier les débats politiques à l'intérieur même du gouvernement. Un point important, c'est qu'il est impossible de considérer l'équipe dirigeante de la Chine comme un tout. Ils sont comme nous. Nous avons dans nos partis des libéraux et des Libéraux; eux aussi.
Les durs préconisent ce qu'ils appellent une économie en cage, une croissance économique limitée à la dimension de la cage. Beaucoup pensent que c'est un retour à la planification centrale et que c'est mauvais pour la réforme économique. Mais ils ne comprennent pas que l'économie en cage n'empêche pas la cage de grandir. Si la réforme économique exige plus de liberté, si elle nécessite plus de réformes politiques, la cage doit grandir, et les libertés politiques aussi.
À l'heure actuelle je suis prêt à accorder au gouvernement chinois un certain satisfecit. Ces deux dernières années ils ont réussi à juguler l'inflation. Ils ont réussi à régler le problème des institutions financières. Auparavant, ils avaient une banque centrale qui non seulement fixait les politiques, mais se livrait aussi à des activités commerciales. Une grande partie des pouvoirs étaient délégués aux gouvernements locaux, qui vidaient les coffres de l'État. La réforme qu'ils ont entamée est une réussite. Ils essaient de faire flotter leur dollar et ils se sont constitué une réserve. Depuis un an et demi ils sont sur la bonne voie. Il faut leur en accorder le crédit.
L'équilibre visé est tout à fait approprié, mais en même temps il reste le problème des militants des droits de la personne. Ils servent à exposer les problèmes internes. En Russie, c'est l'absence de réforme économique à la chinoise créant des conditions de vie meilleures pour les individus et les carences de l'approvisionnement alimentaire qui ont provoqué l'instabilité sociale. En Chine, la maîtrise de ces problèmes leur a permis de poursuivre la réforme.
M. Assadourian: J'ai encore une question à poser, si vous me le permettez.
Le président: Malheureusement, nous n'avons pas le temps, mais merci, monsieur Assadourian.
Monsieur Morrison.
M. Morrison: Monsieur le ministre, dans votre discours vous n'avez pas beaucoup évoqué la géopolitique. J'aimerais connaître votre opinion sur un point particulier.
Pendant des siècles, la Chine n'a pas été un acteur important sur la scène mondiale, et voici que tout d'un coup c'est une des économies qui se développent le plus rapidement. C'est l'explosion qui donnera naissance à un géant inimaginable. Jusqu'à présent, la Chine n'a jamais eu de visées impérialistes, si ce n'est à l'égard du Tibet et dans une plus petite mesure à l'égard du Viêt-nam. Et, bien entendu, je n'oublie pas la menace en gestation de Taïwan.
Ce qui m'inquiète le plus, et j'aimerais avoir votre avis là-dessus, c'est la possibilité qu'à un certain moment ils aient des visées au nord sur la Mongolie, voire, ce qui serait encore plus cauchemardesque, sur la Mandchourie. Est-ce une possibilité sur une décennie peut-être, surtout si l'ex-Union soviétique continue à se décomposer? Y a-t-il un risque, à votre avis, que la Chine essaie de profiter de la faiblesse de ses voisins et s'étende?
M. Chan: Je ne pense pas pouvoir vraiment faire de prédictions informées en la matière, mais il importe que nous fassions tout pour prévenir cette possibilité ou pour empêcher le développement d'un tel scénario.
Tant que la Chine continuera à s'intégrer dans l'économie mondiale toute aventure militaire ne pourra que freiner sa progression et sa course au bien-être. Je crois que si nous continuons à communiquer avec eux, non seulement avec les dirigeants, mais aussi avec le peuple chinois, à leur faire comprendre que la sécurité mondiale et la coexistence pacifique sont importantes pour la croissance économique et aussi pour des raisons humanitaires, à leur faire mieux prendre conscience de la mondialisation, à leur faire comprendre le multiculturalisme, l'égalité des droits pour tous, etc., et aussi à leur faire mieux comprendre les affaires mondiales, nous multiplierons nos chances d'éviter cette possibilité.
Il est important de comprendre que ce ne sont pas les dirigeants qui créent le problème en Chine. Prenez Mao Zedong, Deng Xiaoping et Zhou Enlai, tous ces dirigeants communistes, avant de devenir dirigeants, lorsqu'ils étaient militants et révolutionnaires, s'étaient engagés à défendre la démocratie, les droits de la personne et la liberté. C'est la culture politique qui leur fait croire qu'ils sont la seule solution pour la Chine une fois arrivés au pouvoir. Il importe de travailler avec l'ensemble de la population chinoise pour s'assurer qu'ils pensent comme nous, qu'ils pensent comme une nation pacifique.
Le président: Monsieur Dupuy.
M. Dupuy (Laval-Ouest): Ma question concerne aussi la sécurité. Vous avez de manière tout à fait opportune parlé de la sécurité de la région Asie-Pacifique dans votre déclaration préliminaire. Il n'y a pas de guerre majeure à l'heure actuelle dans la région, région qui a connu des guerres majeures au cours des dernières décennies. Mais il semble qu'il manque quelque chose, et c'est un système de sécurité.
Il y a tant de points de conflit. Vous en avez mentionné quelques-uns, mais si on prenait simplement en compte les conflits territoriaux, il y en a beaucoup. Bien que la sécurité dans le passé ait eu tendance à reposer largement entre les mains de puissances qui étaient soit extérieures à la région, comme les Britanniques au bon vieux temps et les Américains, soit dans le voisinage du coeur de la région, comme l'Union soviétique, aujourd'hui ces facteurs ont diminué. En conséquence, de plus en plus la sécurité devra venir de la région elle-même.
Bien entendu, la question de la Chine est tout à fait pertinente en l'occurrence, et vous y avez répondu d'une manière très intéressante. Mais ce manque de système de sécurité aboutit actuellement à une course aux armements presque partout. La Chine augmente sa capacité militaire. L'Inde aussi, le Pakistan aussi. Tous les petits pays qui ne sentent pas la sécurité d'un système de sécurité s'arment, et la conséquence est une très forte distorsion au niveau de la répartition des ressources qui ne sont justement plus consacrées à ce progrès économique que vous vantez.
Comment percevez-vous l'évolution de la situation? Est-ce que ce manque de système de sécurité finira par mener à une reprise de guerres locales d'une certaine ampleur? Ou y a-t-il moyen de s'assurer que de la région elle-même vienne un système de sécurité, un équilibre des pouvoirs ou une autre forme de système de sécurité pour permettre une atténuation de ce recours aux armes et le progrès vers le développement économique?
M. Chan: Monsieur Dupuy, vous êtes un très fin observateur. Je crois que la question de la sécurité est le point le plus faible de la région à l'heure actuelle. Vous avez tout à fait mis le doigt dessus en disant que c'est le manque d'un système de sécurité ou d'une tribune ou d'une institution dans la région qui freine le progrès économique.
Je crois que c'est exactement la raison pour laquelle le Canada joue un rôle actif dans la région sur le plan de la sécurité. Nous sommes membres de la tribune régionale de l'ANASE, seule tribune permettant aux habitants de la région de parler de ces problèmes de sécurité. Nous croyons que, mises à part les relations économiques, il faut établir des relations de sécurité entre les joueurs de cette région.
Par exemple, dans la région septentrionale de l'Asie nous proposons des dialogues, pas forcément entre les gouvernements pour le moment, mais au moins entre les scientifiques, les universitaires et les principaux acteurs de la région. Dans l'Asie du Sud, nous encourageons la constitution d'une tribune de sécurité de l'Asie du Sud pour poursuivre le dialogue sur la question du Cachemire. L'ACDI apporte ses ressources financières et autres à cet effort. Sur l'île Spratly nous participons à l'établissement d'une tribune entre ces intéressés pour qu'ils parlent de ces questions.
Du côté de la sécurité je dois dire que nous en sommes au stade des balbutiements, mais le Canada poursuit activement la question. Grâce à nos bonnes relations avec ces pays, grâce à la confiance qu'ils nous prêtent, nous espérons pouvoir les maintenir sur la bonne voie.
Le président: Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Sauvageau: En raison de l'ordre des interventions, mes propos paraîtront peut-être inopportuns, mais avant de vous poser mes deux questions, je tiens à vous souligner qu'une fois de plus, vous m'avez quelque peu surpris plus tôt lorsque vous avez dit, si j'ai bien compris, que lors des visites de l'Équipe Canada, les contrats ou les sommes des contrats n'étaient pas ce qui était important; c'était plutôt les contacts que l'on faisait.
Je tiens à vous dire que le service de communication du premier ministre ainsi que les photographes qui y étaient présents laissaient présupposer que c'était autre chose que les contrats qui était important.
Peut-être est-ce un problème de communication. Leurs communiqués de presse faisaient état de tant et tant de milliards, et le message laissait supposer que c'était le nombre de contrats ainsi que leur montant qui importaient. Si vous nous dites que c'était davantage les contacts, c'est merveilleux.
Vous avez aussi expliqué que les États-Unis étaient peu enclins à aller rapidement vers une zone de libre échange avec l'Asie-Pacifique. D'ici ce temps-là, est-ce que votre gouvernement, par votre entremise, monsieur le secrétaire d'État, a l'intention de signer des accords bilatéraux avec certains pays d'Asie-Pacifique, un peu comme on l'a fait avec le Chili, puisqu'on ne peut pas adhérer dès maintenant à l'ALENA?
Est-ce que le Canada a l'intention, vu la lenteur démontrée par les États-Unis à adhérer à ce genre de marché, de signer lui-même des accords de libre-échange avec certains pays de l'Asie-Pacifique ou des accords de partenariat comme avec la Corée? C'est ma première question.
Ma deuxième question est toute simple: quelles sont les priorités qui, en principe, devraient être à l'ordre du jour du Sommet de l'APEC à Vancouver en 1997? Ont-elles été définies?
[Traduction]
M. Chan: Premièrement, en réponse à votre question concernant l'impact de l'Équipe Canada, les contrats et les contacts sont tout aussi importants. Considérez que l'augmentation de nos exportations de 30 p. 100 s'est traduite par un chiffre d'affaires d'environ 6 milliards de dollars par an. Ce n'est pas dû à la simple présence du premier ministre et de l'Équipe Canada. C'est dû aux contacts établis au cours des années. La mission de l'Équipe Canada a apporté un plus important à ces contacts. Les contrats sont eux aussi importants, car chaque milliard de dollars d'exportations crée 11 000 emplois.
L'ordre du jour de l'APEC en 1997 sera consacré au développement durable. Nous essaierons également de promouvoir une plus grande libéralisation des échanges commerciaux entre les pays de l'APEC, sur la lancée du sommet d'Osaka... et du sommet des Philippines un peu plus tard cette année. Je crois que ce sont les deux principaux points à l'ordre du jour.
Quant aux accords commerciaux bilatéraux avec les autres pays asiatiques, cela dépend en réalité des pays. Par exemple, à l'heure actuelle nous négocions avec Singapour, mais Singapour n'impose pratiquement aucun tarif douanier aux importations, alors que nous en imposons. Si nous négocions un accord de libre-échange avec eux, il faudra bien mesurer quels sont les avantages pour nous.
Nous avons constaté que le secteur financier à Singapour n'est pas ouvert, et il y a donc peut-être des possibilités à explorer de ce côté-là. Si nous y arrivons, nous nous intéresserons de plus près à un accord de libre-échange avec eux.
Il faut étudier ces possibilités individuellement, pays par pays. Je crois que la Corée offre un très bon potentiel de ce côté-là. Le Canada n'hésiterait pas à signer des accords bilatéraux de libre-échange avec eux, à condition qu'ils contribuent à la libéralisation mondiale des échanges et que la philosophie du GATT ou de l'Organisation mondiale du commerce soit compatible.
M. Sauvageau: Merci.
Le président: Monsieur le ministre, nous avons un peu dépassé l'heure, mais pourriez-vous rester une ou deux minutes de plus avec nous pour que M. Loney puisse vous poser sa question? Pouvez-vous nous accorder quelques minutes de plus?
M. Chan: Oui. Je crois qu'il faut que je parte au plus tard à 17 h 10.
Le président: Cela ne prendra que deux minutes.
Monsieur Loney.
M. Loney (Edmonton-Nord): Merci, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, vu le succès de la première mission commerciale de l'Équipe Canada, je crois comprendre qu'une deuxième mission est prévue pour le mois de janvier. Pouvez-vous nous dire quels seraient les pays visités et quel genre de chefs d'entreprises seront invités à accompagner le premier ministre?
M. Chan: Monsieur Loney, en fait il y a déjà eu deux missions de l'Équipe Canada. La première en Chine, la deuxième en Inde, au Pakistan, en Malaisie et en Indonésie. Les deux ont été couronnées de succès. Les chefs d'entreprises et certains pays étrangers nous ont demandé d'organiser une troisième mission pour l'Équipe Canada.
Malheureusement, avant toute annonce publique, il faut que nous décidions quels pays nous voudrons cibler. Faire une annonce prématurée pourrait nous créer des difficultés, si bien que je ne peux pas vraiment vous dire quels pays nous avons ciblés, mais nous pensons à certains pays asiatiques et à certains pays dans le nord de l'Asie.
M. Loney: Votre itinéraire n'est donc pas encore arrêté.
M. Chan: Nous visons le mois de janvier. La date est exacte, mais nous ne pouvons pas encore vous dire quels pays. Nous nous concentrerons sur les points forts de notre industrie, à savoir l'environnement ou l'énergie. Quand je dis énergie, je veux dire production d'électricité, lignes de transmission, technologies pétrolières et gazières, télécommunications, et transports. Notre technologie ferroviaire est bonne; nos locomotives sont parmi les meilleures du monde. Le système de transport léger et rapide que nous avons à Vancouver est tout à fait commercialisable en Asie. Ce sont des secteurs sur lesquels nous nous concentrerons.
M. Loney: Pouvez-vous nous donner une idée de la date à laquelle ces renseignements seront rendus publics?
M. Chan: Je suppose qu'il faudra avoir tous ces renseignements deux mois avant le voyage. Ils seront largement diffusés. Je suis certain que nous pourrons fournir un dossier complet aux députés que cela intéresse.
M. Loney: Merci.
Le président: Merci, monsieur le ministre. C'est simplement une dernière question.
Je vous signale que notre comité a terminé hier la rédaction d'un rapport sur les petites et moyennes entreprises sur le marché des exportations. Un des chapitres est consacré à la communauté multiculturelle. Les témoignages que nous avons entendus nous ont amenés à croire que les petites et moyennes entreprises qui souhaitent pénétrer des marchés étrangers qui présentent des obstacles culturels ou linguistiques sont pratiquement le pré carré de notre communauté multiculturelle, qui a les compétences linguistiques et culturelles voulues pour ces marchés.
Dans ma propre circonscription il y a des immigrants chinois qui sont capables d'introduire en Chine de petits fournisseurs de services, alors que moi-même ou d'autres personnes ordinaires ne possédant pas ces compétences en serions totalement incapables.
Un des problèmes que nous avons eus en préparant notre rapport, c'est que cette question est fort peu documentée. C'est une intuition, c'est ce que croient les gens, et on nous a rapporté diverses anecdotes, mais il n'y a pas vraiment de documentation concrète.
Je me demandais simplement si votre ministère travaillait à cette question, tout particulièrement dans le domaine des échanges de services avec les nouveaux marchés asiatiques. C'est aussi un domaine au sujet duquel il est très difficile d'obtenir des statistiques sérieuses à cause de la complexité et du fonctionnement de ce marché de services.
Il est déjà très difficile de comprendre nos échanges avec les États-Unis dans ce domaine, alors vous pouvez imaginer ce qu'il en est avec les marchés asiatiques. Je sais que ce sont deux domaines qui intéressent les membres de notre comité. Si vos fonctionnaires pouvaient nous aider à comprendre ces deux phénomènes, nous vous saurions gré de tout renseignement que vous pourriez nous donner.
M. Chan: Je crois qu'il serait difficile d'assembler des statistiques permettant de dessiner le profil de ces intermédiaires, mais les preuves se trouvent pour l'essentiel en Chine et en Inde. En Chine, à la cérémonie de signature, 80 p. 100 des participants étaient d'origine chinoise. Qu'il y en ait eu 50 p. 100 serait compréhensible, puisque nous étions en Chine, mais les autres 25 ou 30 p. 100 étaient des Sino-Canadiens jouant les intermédiaires entre les entreprises.
C'est la même chose en Inde. Même si les gens en Inde parlent anglais et que l'anglais est une des langues officielles les plus utilisées, lors de la cérémonie de signature il y avait beaucoup d'Indo-Canadiens.
La preuve est là, et je ne vois pas vraiment comment on pourrait la qualifier ou la quantifier. On pourrait peut-être demander aux gens de répondre volontairement à un questionnaire.
Je crois que les petites et moyennes entreprises font vraiment du bon travail. Actuellement il y a beaucoup d'associations bilatérales d'entreprises. Par exemple, en Malaisie il y a une association d'entreprises Malaisie-Canada qui nous donne un très bon coup de main. Pour pratiquement chaque pays asiatique, il existe une telle association au Canada.
Quelle était votre dernière question?
Le président: À propos des services.
M. Chan: Cette question des services, j'en conviens avec vous, est très complexe.
Lorsque nous étions à Shanghai, j'ai été surpris de constater qu'il y avait près de 40 ou 50 cabinets d'ingénieurs ou d'architectes qui offraient des services.
Le président: C'est avec plaisir que je vous ai entendu dire que vous formiez tous ces juges. Il faudra encore plus d'avocats, ce qui est merveilleux, monsieur le ministre. Merci beaucoup.
Monsieur le ministre, vous aviez dit qu'il vous fallait partir à 17 h 10. Nous vous remercions infiniment d'être venu nous voir. Nous avons apprécié vos réponses à la fois franches et utiles à nos questions.
[Français]
M. Paré: Dans un des documents qui nous ont été remis, on apprend que nos importations de la Chine sont de l'ordre de 4,5 milliards de dollars alors que nos exportations se chiffrent à 3,9 milliards de dollars, ce qui donne un solde négatif de 1,1 milliard de dollars. Est-ce que cette tendance va s'accentuer ou si elle va s'inverser?
[Traduction]
M. Chan: En fait, l'écart s'est réduit. Le pourcentage de notre part de marché a également cessé de diminuer, car depuis dix ans l'économie globale de l'Asie connaît une expansion très rapide. Même si notre performance économique s'améliorait, notre part de marché en Asie diminuait d'une année à l'autre, mais grâce à nos efforts elle s'est désormais stabilisée. Étant donné l'augmentation de nos exportations, qui plus est, nos importations augmentent plus rapidement. Nos importations augmentaient très lentement par rapport à nos exportations. C'est pourquoi l'écart se rétrécit. Dans certains des pays d'Asie, comme la Chine, notre balance commerciale est plus ou moins équilibrée à l'heure actuelle.
Le président: Monsieur le ministre, merci beaucoup de votre témoignage utile.
M. Chan: Merci beaucoup.
Le président: Vos réponses nous ont été extrêmement utiles.
Je demande à mes collègues du comité de ne pas partir tout de suite. M. Assadourian a donné avis de son intention de proposer une motion au sujet de l'affaire de M. Tran Trieu Quan.
Monsieur Assadourian.
M. Assadourian: Merci beaucoup.
Monsieur le président, comme vous pouvez le constater à la lecture de cette ébauche de motion - nous en avons distribué la traduction - j'ai biffé la dernière partie qui s'applique à tout le préambule.
Le président: Vous voulez donc supprimer le préambule et maintenir uniquement le texte de la motion.
M. Assadourian: Voici le texte de la motion que j'aimerais proposer:
- Que le président du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
écrive au ministre des Affaires étrangères et à l'ambassadeur du Viêt-nam pour leur exprimer
les craintes du comité relativement à la violation des droits humains fondamentaux par le
gouvernement vietnamien, notamment son mépris des droits de M. Tran Trieu Quan (un
homme d'affaires canadien), et que le président, au nom du comité, presse le ministre de
poursuivre ses mesures rigoureuses pour faire pression sur le gouvernement vietnamien afin
qu'il respecte les droits des Canadiens et de tous les autres.
M. Assadourian: Il y a quelques petits changements dans le texte. J'espère que vous en avez pris note, car cette motion a été rédigée par le Comité des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées.
Le président: Si j'ai bien compris, cette motion vise à me demander d'écrire à l'ambassadeur ainsi qu'au ministre des Affaires étrangères...
M. Assadourian: C'est exact.
Le président: ...et étant donné ce que le ministre nous a dit au sujet de ce qu'on fait à l'heure actuelle, vous avez modifié le libellé de la dernière partie de la phrase de façon à demander que nous pressions le ministre de poursuivre les mesures rigoureuses qu'il prend actuellement.
M. Assadourian: Il est évident à mes yeux et à ceux de tout le monde, certainement, que le gouvernement a pris et continue de prendre des mesures énergiques.
Le président: Cela ne nuirait pas de l'exhorter à poursuivre dans cette voie.
Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose? Monsieur Morrison.
M. Morrison: J'aime mieux le libellé initial. Lorsqu'on dit «prendre des mesures plus rigoureuses», cela ne sous-entend pas que rien n'a été fait. On recommande simplement de prendre des mesures plus rigoureuses.
Si j'ai bien compris l'objet de votre motion, monsieur Assadourian, je pense qu'il vaut mieux conserver le libellé initial.
M. Assadourian: J'ai dit cela avant l'intervention du ministre. Je pense que nous devrions continuer de prendre des mesures rigoureuses. C'est mon interprétation.
Le président: Pour prendre des mesures plus rigoureuses, il faudra peut-être y aller à la canonnière.
M. Assadourian: Nous ne croyons pas en la diplomatie de la canonnière.
M. LeBlanc: M. Morrison pourrait peut-être nous dire quel genre de mesures plus rigoureuses il recommanderait.
Le président: Et qui ne coûteraient rien.
M. LeBlanc: Qui lui paraîtraient acceptables.
Le président: Des observations? Que ceux qui sont pour la motion veuillent bien lever la main.
[Voir Procès-verbaux]
Le président: Merci beaucoup. Merci de votre collaboration, messieurs.
Je suppose que nous avons réservé la motion sur la question des essais nucléaires. Voulez-vous en traiter maintenant? Devrions-nous en discuter sur-le-champ?
M. Morrison: Je souhaite qu'on règle la question aujourd'hui.
Le président: Voici le texte de la motion:
- Je propose que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, sans
plus attendre, fasse parvenir une lettre à l'ambassadeur de la République populaire de Chine
pour lui exprimer notre déception devant la décision de la Chine de procéder à d'autres essais
nucléaires, et invite le gouvernement chinois à mettre fin à ces essais immédiatement et à se
joindre à un moratoire international.
Monsieur Assadourian, puis-je vous demander de ne pas quitter la pièce tant que vous n'aurez pas appuyé la motion.
[Français]
Vous appuyez cette motion?
M. Bergeron (Verchères): Pour la Chine?
Le président: Oui.
M. Bergeron: Bien sûr!
La motion est adoptée
[Traduction]
Le président: La séance est levée jusqu'à lundi, à 11 h 15. Je vous demanderais d'arriver quelques minutes à l'avance pour accueillir le prince héritier de la Jordanie.