[Enregistrement électronique]
Le jeudi 20 juin 1996
[Traduction]
Le président: J'ouvre la séance afin de discuter du rôle du Canada en Haïti.
Pour ce qui est de la façon dont nous allons procéder, je me permets de vous rappeler comment nous avons convenu de tenir cette réunion.
Nous recevons aujourd'hui quatre témoins du ministère: Kathryn McCallion, sous-ministre adjointe responsable du secteur de l'Amérique latine et des Antilles; Michel Duval, qui l'accompagne en Haïti; Denis Beaudoin, de l'Agence canadienne de développement international et le contre-amiral James King, sous-ministre adjoint, Politique et communication, ministère de la Défense nationale.
Mme McCallion m'a signalé qu'elle n'avait pas de longue déclaration à faire. Les témoins vont sans doute nous présenter un très bref exposé, après quoi nous passerons immédiatement aux questions. Cette réunion aura lieu jusqu'à 10 heures et nous tiendrons ensuite un débat.
Comme vous vous en souviendrez, nous avons convenu que, pour ce débat, chacun aurait l'occasion de parler pendant cinq minutes et qu'il y aurait ensuite une période de questions de cinq minutes. Nous procéderons donc de la même façon qu'à la Chambre. Ne vous croyez pas obligés de parler pendant cinq minutes. Ce n'est pas obligatoire.
[Français]
À la fin de cette séance, qui se terminera à 11 h 30, nous prendrons un moment pour discuter des résolutions, une qui porte sur Haïti, une sur le Nigeria que nous n'avions pas terminée la dernière fois, et une toute brève au sujet des Nations unies et de la protection des droits de la personne, à la suite de la comparution de M. Walter McLean l'autre jour.
Je propose qu'au début de la période de débat, soit à 10 h, M. LeBlanc présente sa résolution et que nous en discutions. Tout le monde a-t-il compris ce que nous allons faire?
Monsieur Bergeron.
M. Bergeron (Verchères): Monsieur le président, j'aurais une question avant que nous ne commencions. Quand avons-nous été informés de la liste des témoins qui comparaissent ce matin? Quand a-t-elle été rendue disponible? Hier, vers 16 h, nous avons téléphoné à l'adjoint deMme Hilchie pour obtenir la liste des intervenants et n'avons pas pu l'obtenir. J'aimerais savoir à quel moment nous avons su qui devait comparaître ce matin.
Le président: Tout comme vous, j'ai pris connaissance de la liste lorsque je suis arrivé ce matin. M. LeBlanc et Mme Hilchie pourraient peut-être répondre à cette question, mais je crois comprendre que le ministère des Affaires étrangères tentait d'identifier quels seraient les meilleurs témoins que nous pouvions convoquer.
M. Mills avait demandé que nous convoquions un représentant du secteur privé, mais nous n'avons pu trouver aucune personne qui était disponible. Nous étions déterminés à trouver des personnes qualifiées et avons essayé jusqu'au dernier moment. À ma connaissance, nous n'avons reçu des confirmations que tard hier soir. Je m'en excuse.
Monsieur LeBlanc.
M. Francis LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Permettez-moi d'ajouter quelques brefs commentaires. Au terme de notre discussion de la semaine dernière, je m'étais engagé à trouver des témoins. Je devais d'abord identifier un représentant du ministère capable d'expliquer la politique du gouvernement en la matière, puis un représentant du ministère de la Défense nationale et enfin un représentant de l'ACDI. Nous avions demandé à notre ambassadeur en Haïti de venir comparaître devant nous, mais ce n'était pas possible. Nous avions aussi demandé à un représentant sur place en Haïti de venir comparaître devant nous, mais sans succès en raison du court délai d'avis. Nous avons donc plutôt décidé de convoquer un représentant de l'ACDI et un représentant du ministère de la Défense nationale, tous deux d'ici, à Ottawa. C'était la façon la plus pratique de satisfaire à cette demande.
Dans les circonstances actuelles, il n'a pas été possible d'élargir l'éventail des témoins, du secteur privé ou d'ailleurs.
Le président: On nous a aussi dit qu'il n'était pas possible de faire venir un représentant de la GRC qui était au courant de la situation en Haïti. Je crois que Mme McCallion et M. Duval sont parfaitement qualifiés pour répondre à toutes les questions relatives au rôle de la GRC en Haïti.
[Traduction]
Madame McCallion, auriez-vous l'amabilité de commencer. Si d'autres membres de votre groupe désirent faire une brève déclaration, nous les entendrons et nous passerons ensuite aux questions. Merci beaucoup d'être venus.
Mme Kathryn E. McCallion (sous-ministre adjointe, Secteur de l'Amérique latine et des Antilles, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président et je remercie les membres du comité de nous recevoir ce matin.
Je n'ai pas préparé de déclaration. Je voudrais vous donner un bref aperçu général de la situation et de la position du gouvernement jusqu'à maintenant. Comme votre président l'a expliqué, nous sommes ici pour répondre à vos questions au mieux de nos connaissances.
D'abord et avant tout, il faut concevoir Haïti comme un projet en cours de réalisation. Nous avons tout lieu d'être fiers de ce que nous avons accompli jusqu'ici. Le Canada a joué un rôle important en essayant d'apporter la démocratie et la stabilité en Haïti depuis cinq à dix ans, mais surtout depuis trois ans.
La présence canadienne en Haïti présente davantage d'aspects que la presse ne vous a sans doute incités à le croire. D'abord et avant tout, nous avons eu un programme d'aide à long terme. Nous avons toujours un excellent programme de l'ACDI en Haïti. La GRC accomplit un travail magnifique en aidant à former une toute nouvelle force policière en Haïti. Les ONG sont en Haïti depuis longtemps et continuent à travailler très fort pour améliorer la situation d'un des pays les plus pauvres et les plus sous-développés de l'hémisphère. Enfin, les militaires canadiens assurent le maintien de la paix et soutiennent le travail de la police.
Je dois souligner qu'une fois retourné au pouvoir dont il avait été chassé par un coup d'État après avoir été élu de façon démocratique, Aristide a fait quelque chose de très novateur. Cela avait déjà été tenté, mais c'était risqué. Il a congédié l'armée haïtienne qui avait causé un tas de problèmes depuis 20 ans. Il a donc fallu commencer à former une nouvelle force policière.
Si vous croyez qu'on peut former des policiers en trois ou quatre mois, ce n'est tout simplement pas possible. La communauté internationale a donc offert son aide tant pour assurer la formation de la police que pour soutenir les policiers sur le terrain. Nos agents de la GRC assurent cette formation avec l'appui des militaires canadiens. Ils accompagnent la police haïtienne dans ses patrouilles.
Haïti compte deux très grandes villes, de grandes régions métropolitaines où il y a beaucoup de criminalité, des crimes économiques et une tendance à la violence urbaine qui est propre aux villes où qu'elles soient. C'est là que les efforts sont surtout concentrés.
Préval, le président actuel d'Haïti, qui est venu en visite au Canada, a demandé que l'ONU maintienne sa présence - et nous faisons partie de cette présence onusienne en Haïti. On estime que le pays n'est pas suffisamment stable ou la police suffisamment sûre d'elle pour prendre la relève. Les efforts que le gouvernement canadien déploie à l'heure actuelle visent donc à faire en sorte que l'ONU soit mandatée pour maintenir une présence internationale en Haïti, à continuer de soutenir la police, à apporter une assistance militaire pour appuyer la police et à assurer la sécurité.
Je crois que votre comité a posé des questions au sujet de l'ONU et de son rôle à ter Horst lorsqu'il est venu de Haïti, il y a deux semaines, pour vous faire un exposé de la situation.
L'une de nos difficultés c'est que la dernière fois que la résolution a été soumise aux Nations Unies qui sont, comme vous le savez, une institution multilatérale... Vous n'y obtenez pas nécessairement ce que vous voulez. Vous devez négocier avec les pays membres pour qu'ils prennent position collectivement. La dernière fois, les Chinois et les Russes ont fait des difficultés pour accepter la prolongation de six mois demandée par le secrétaire général.
Le secrétaire général a publié son dernier rapport dans lequel il demande le maintien de la présence internationale. Cette résolution sera examinée cette semaine. Le délai est le 30 juin. La décision devra donc être prise au courant de la semaine prochaine.
Les Nations Unies devront s'entendre sur ce qu'il est possible de faire, après quoi le gouvernement canadien devra décider de ce qui sera réalisable pour le Canada.
Le président: Merci.
Madame McCallion, je sais que vous allez céder la parole aux autres membres de votre groupe, mais comme il n'y aura pas de débat sur ce sujet à la Chambre, nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter de la question. Les membres du comité voudront sans doute savoir combien notre présence en Haïti nous a coûté jusqu'ici. Pourriez-vous également nous dire quelles dépenses il faudrait envisager si notre présence était prolongée?
Je ne vous demande pas de faire des prédictions inexactes, mais vous devriez pouvoir nous préciser combien cela a coûté jusqu'ici. C'est certainement une chose que les membres du comité voudraient savoir pour décider s'il y a lieu de poursuivre la mission.
Mme McCallion: Pour ce qui est de la GRC, l'un des éléments de notre participation, le coût est d'environ un million de dollars par mois pour à peu près une centaine d'agents de la GRC.
L'amiral King va vous parler du coût de l'élément militaire.
Le président: Merci beaucoup. C'est un renseignement utile.
Amiral King.
Le contre-amiral James King (sous-ministre adjoint, Politique et communication, ministère de la Défense nationale): Merci, monsieur le président.
Je peux vous dire quels sont les coûts supplémentaires, c'est- à-dire ceux qui s'ajoutent à la solde et aux autres frais que nous aurions dû normalement payer pour notre personnel sur le terrain. Depuis deux mois et demi que nous sommes là-bas, nous avons dépensé 13 millions de dollars, plus 5 millions en immobilisations qui ont été engagés, mais pas encore dépensés. Autrement dit, de l'argent a été réservé pour des dépenses que nous comptions faire, mais que nous n'avons pas encore faites.
La réponse est donc 13 millions.
Le président: Pourriez-vous nous dire quelle a été l'efficacité de cette présence ou est-ce un renseignement que nous obtiendrons plutôt de l'ACDI? L'ACDI nous en parlera sans doute, mais vous pourriez nous en dire quelques mots.
Le contre-amiral King: Je peux vous donner la ventilation de ces coûts. Il y a environ8 millions de dollars pour la préparation. Le déploiement a coûté 2 millions. L'emploi, les dépenses d'opération sur le terrain représentent 8 millions de dollars de plus. Comme je l'ai dit, nous avons également prévu 5 millions pour l'achat d'équipement. En fait, nous avons mis de côté environ un million de dollars qui sont plus ou moins engagés, mais pas encore déboursés.
Nos dépenses ont été légèrement inférieures au montant prévu ou c'est du moins ce que m'ont laissé entendre les responsables du budget. Ils ont bien su gérer les contrats pour les opérations sur le terrain. Les dépenses sont donc légèrement inférieures à celles qui étaient prévues, mais la mission n'a été entamée que depuis deux mois et demi. Les responsables du budget ne s'attendent pas nécessairement à de meilleurs résultats.
Le président: Pourriez-vous nous dire quel effectif participe à cette mission?
Le contre-amiral King: Il y a en tout 750 militaires.
Le président: Si j'ai bien compris, il y a également 1 100 soldats des Nations Unies sous le commandement des Canadiens. Est- ce exact?
Le contre-amiral King: À peu près ce nombre, en effet.
Le président: Mais nous ne payons pas pour ces 1 100 soldats.
Le contre-amiral King: Non, nous payons seulement pour les nôtres.
Le président: Mais je suppose que nous payons quelque chose pour ces 1 100 soldats dans le cadre de nos contributions habituelles aux opérations de l'ONU, n'est-ce pas?
Le contre-amiral King: Je crois que oui, mais en raison de notre participation l'ONU nous rembourse une partie de ces frais. Quand nous avons accepté ce mandat, nous avons convenu qu'il nous fallait 1 900 soldats et pas un de moins. Comme l'a dit Mme McCallion, le mandat prévoyait un maximum de 1 200 soldats. Nous avons accepté d'envoyer du personnel supplémentaire à nos frais.
Par conséquent, sur les 750 militaires - leur nombre a parfois été légèrement inférieur, mais je ne pense pas qu'il ait jamais dépassé 750 - un petit nombre seront payés par les Nations Unies et non pas par nous. Néanmoins, nous finançons totalement le coût du personnel supplémentaire.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Beaudoin, peut-être pourriez-vous nous donner le point de vue de l'ACDI, nous dire si vous jugez que la mission atteint ses objectifs et nous faire part tant des problèmes que des perspectives optimistes qui ont caractérisé cette opération?
M. Denis Beaudoin (coordonnateur du programme Haïti, Agence canadienne de développement international): Merci beaucoup.
[Traduction]
Premièrement, parlons du coût puisque vous avez posé des questions à ce sujet. L'ACDI dépense environ 40 millions de dollars par an en Haïti. Cela comprend l'élément policier qui coûte environ 10 millions de dollars par an à raison d'un million par mois en moyenne et l'aide alimentaire qui se chiffre à peu près à 10 millions de dollars par mois et qui est vendue là-bas. Nous nous servons de cet argent pour entreprendre des projets locaux. Les 20 millions restants sont surtout dépensés par l'entremise de partenaires canadiens.
Avant la réunion, nous avons remis à la greffière un document intitulé «Le programme canadien de coopération avec Haïti» ainsi que la liste de nos principaux partenaires qui assurent la mise en oeuvre de notre programme d'aide.
Maintenant, comment cela fonctionne-t-il?
Le président: Excusez-moi, mais peut-on supposer que ces 40 millions de dollars s'inscrivent dans la contribution de l'ACDI à Haïti et seraient dépensés de toute façon, qu'ils ne sont pas nécessairement reliés à cette mission?
M. Beaudoin: En partie. Il y a à peu près 10 millions pour la participation de la police sous la direction de la GRC à laquelle se sont joints des policiers de Montréal, Ottawa, Aylmer et Gatineau. Il y a environ 45 agents de la GRC plus 55 autres policiers municipaux qui se sont portés volontaires.
Oui, l'aide alimentaire serait quand même là. S'il n'y avait pas l'élément policier, l'ACDI dépenserait en Haïti un montant maximum de 30 millions de dollars. Mais c'est le pays le plus pauvre de l'hémisphère. Notre mission consiste à cibler l'aide vers ces pauvres gens. Tel est notre programme.
Notre programme poursuit deux objectifs précis. Le premier est de combattre la pauvreté et le deuxième de renforcer la démocratie. Le deuxième objectif, qui constitue sans doute la principale priorité pour le moment, représente le travail que nous accomplissons au niveau de la justice et de la police.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Mills.
M. Mills (Red Deer): Ma question s'adresse à l'amiral. Je pense que nous avons là-bas sept hélicoptères. Nous avons dû les louer aux Américains, n'est-ce pas?
Le contre-amiral King: Non, monsieur Mills. Ces sept hélicoptères appartiennent aux Forces canadiennes. Ils font partie de la mission. Ceux qui les pilotent et qui les entretiennent font partie des 750 militaires. Ce sont des hélicoptères légers polyvalents. Ils permettent de transporter du personnel, mais leur rayon d'action est limité. Pour pouvoir transporter davantage de personnel vers les diverses régions du pays nous avons besoin d'hélicoptères à portance moyenne.
Quand les Américains étaient là ils se servaient d'hélicoptères chinook. Ils restaient sur le théâtre des opérations et ils ont été retirés dans le cadre de l'entente conclue avec les États-Unis. Quand nous avons accepté notre mandat, l'entente prévoyait que nous avions besoin d'hélicoptères à portance moyenne.
Après avoir fait vainement le tour des pays qui contribuent à la mission, les Nations Unies ont lancé un appel d'offres et le contrat a été adjugé à une entreprise russe. Elle a envoyé deux hélicoptères à portance moyenne. Ils sont actuellement en Haïti, mais ils sont toujours en cours d'homologation. Je crois que le premier l'a obtenu et qu'on attend toujours pour le deuxième. Une fois que nous disposerons de ces appareils, nous aurons la capacité totale requise.
Le président: Madame Beaumier.
Mme Beaumier (Brampton): Je m'intéresse à la participation de l'ACDI en Haïti. J'ignore combien de temps nous devrons rester là- bas pour former les policiers et faire nous-mêmes la police, mais la seule façon de préserver la démocratie est certainement de contribuer au développement et à l'éducation.
L'ACDI entreprend-elle des projets directement? Vous financez des organisations qui jouent un rôle très utile. Je reviens tout juste du Bangladesh et j'ai été vivement impressionnée par les petits projets d'éducation et d'auto-assistance que le gouvernement canadien y réalise. Pourriez-vous me dire quel genre de projets nous accomplissons en Haïti?
[Français]
M. Beaudoin: Il faut d'abord préciser que le programme de l'ACDI en Haïti demeure un programme de cette institution, bien qu'il soit mis en oeuvre par les organismes non gouvernementaux. Les organismes qui figurent sur cette liste ont conclu des contrats avec l'ACDI pour acheminer l'argent du gouvernement du Canada en exerçant leur expertise sur le terrain.
Je pourrais vous donner plusieurs exemples de petits projets que nous mettons en oeuvre. Entre autres, dans le cadre des projets visant à réduire la pauvreté, nous exécutons des travaux à haute intensité de main-d'oeuvre, un peu comme ce que vous avez certainement vu au Bangladesh, où nous menons des travaux de canalisation, reconstruisons des écoles et instaurons des centres de santé. Ce sont les habitants du village qui travaillent à la pelle; de notre côté, nous fournissons un peu de matériel et de l'expertise technique. Nous travaillons ainsi de village en village. Je crois que nous avons installé, au cours des derniers 18 mois, plus de 200 écoles et centres de santé.
Plusieurs de nos programmes portent sur la justice et le respect des droits de la personne en Haïti. Par exemple, en passant par le CCCI, le Conseil canadien pour la coopération internationale, nous avons un projet de l'ordre de 3 millions de dollars - ces chiffres sont approximatifs et pourraient être confirmés - qui emploie une trentaine d'ONG nationaux d'Haïti, qui reçoivent l'appui d'ONG canadiens qui aident les gens à mener à bien des initiatives dans leur milieu.
Nous parlons vraiment de projets au plus bas niveau. Nous ne construisons pas de grandes routes ni de systèmes de télécommunication. Haïti est un pays où la priorité doit être d'aider les gens les plus pauvres. Il y existe des problèmes de malnutrition, 20 p. 100 des gens savent lire et écrire et l'espérance de vie n'est que de 57 ans.
Je pourrais donner une foule d'autres exemples de projets dans un domaine ou l'autre qui sont presque entièrement réalisés par des ONG canadiens, directement sur le terrain.
Pourquoi sont-ils réalisés par des ONG canadiens et non pas par le gouvernement d'Haïti? C'est parce que nous avons commencé en octobre 1994, alors qu'il n'y avait pas de gouvernement. Quand le président Aristide est arrivé, le gouvernement était encore trop faible pour gérer l'argent des contribuables canadiens en Haïti. C'est pourquoi, à la demande du président Aristide, nous avons mis en place un programme pour utiliser les
[Traduction]
partenaires, les partenaires canadiens qui connaissent le pays et qui peuvent changer les choses avec leurs homologues locaux, dans leurs propres villages.
Merci.
Mme McCallion: Monsieur le président, je pourrais peut-être compléter cette réponse. Nous savons parfaitement que l'ACDI ne peut pas ressusciter à elle seule un pays. Le gouvernement travaille en collaboration avec nos partenaires des institutions internationales pour favoriser l'apport d'aide et d'appuis financiers, par l'entremise du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque de développement des Caraïbes, toutes les institutions qui ont besoin d'argent pour financer les grands projets d'infrastructure qui apporteront la prospérité économique et la croissance et qui permettront au gouvernement haïtien de prendre sa destinée en main.
À l'autre extrémité, nous avons le Fonds canadien d'initiatives locales, qui est généralement remis à l'ambassade pour qu'elle l'utilise de son mieux. Les militaires nous ont demandé de l'aide pour les projets locaux. Lorsqu'ils finissent leur journée, ils veulent pouvoir nettoyer les prisons, repeindre les écoles et aider les gens. La plupart des militaires sont francophones et ils se révèlent être d'excellents ambassadeurs auprès des collectivités locales. En effet, les Haïtiens sont très surpris de voir quelqu'un en uniforme qui veut les aider et qui parle leur langue. C'est une autre façon de rejoindre les gens.
Un autre élément qui nous préoccupe beaucoup à plus long terme c'est l'appareil judiciaire. Il ne sert à rien d'avoir une force policière si, une fois que vous êtes arrêté, il n'y a pas de justice ou de perception de justice. Au lieu de chercher à réparer la plus haute instance judiciaire, les Canadiens contribuent avec leurs partenaires du premier niveau...
[Français]
M. Beaudoin: Les tribunaux de première instance.
[Traduction]
le premier échelon du système.
Mme McCallion: Oui, merci.
[Français]
Le président: M. Bergeron, vous invoquez le Règlement?
M. Bergeron: Monsieur le président, je me permettrai d'exprimer ma surprise. On avait convenu au départ qu'il devait y avoir une heure de présentation de la part des témoins. D'après ce que nous disait M. LeBlanc il y a quelques minutes, on a travaillé très fort jusqu'à très tard hier soir pour trouver les meilleurs témoins. Je ne doute pas du fait que les gens qui sont là sont tout à fait compétents et bien informés de la situation en Haïti, mais je suis un peu surpris du fait que les présentations ont été relativement courtes et que ce ne sont pas tous les témoins qui ont pris la parole. Dois-je comprendre qu'ils ont préféré raccourcir leur présentation pour nous permettre de poser d'autres questions?
Le président: Si j'ai bien compris, l'idée était de nous permettre de poser le plus de questions possible. On a mis les témoins à notre disposition en présumant que nous connaissions déjà le dossier et que nous voulions épuiser les questions qui nous concernaient et pas seulement la version du ministère. Cela dit, madame McCallion,
[Traduction]
J'espère que dans le cadre des questions...
Aujourd'hui, nous allons devoir nous demander s'il y a lieu de poursuivre nos opérations en Haïti. J'espère qu'en tant que représentants du gouvernement vous nous donnerez votre opinion quant à savoir si nous devrions rester là-bas et si notre présence est efficace ou non. Si vous ne pouvez pas vous prononcer, nous aurons beaucoup de mal à prendre une décision. Je dirais que, jusqu'ici, vous ne vous êtes pas vraiment engagés. Mais j'espère que nos questions vous amèneront à le faire.
Madame Debien.
[Français]
Mme Debien (Laval-Est): J'aimerais poser une question à M. King.
M. King, plus tôt, vous avez donné une évaluation des effectifs et des coûts des opérations de la GRC. Êtes-vous en mesure de donner une évaluation de l'efficacité de la présence de la GRC en Haïti?
Vam King: Je ne pourrais répondre pour la GRC, mais peut-être que M. Duval ouMme McCallion le pourrait.
Le président: Monsieur Duval.
M. Michel Duval (coordonnateur pour Haïti, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Je dois dire que la présence canadienne fait une différence énorme en Haïti. Dans sa présentation, Mme McCallion s'est attachée au caractère technique et politique de notre présence. Mais nous n'avons pas beaucoup parlé de l'efficacité, et je sens, de par votre question et les remarques de M. Bergeron, qu'il est nécessaire de revenir sur l'efficacité de la présence canadienne. Il faut dire que la présence canadienne s'inscrit dans le cadre des Nations unies, dans le domaine de la police et dans le domaine militaire.
On a parlé de notre présence au plan de l'aide au développement, qui est très importante en Haïti depuis de nombreuses années. On peut parler d'une présence de 50 ans à titre volontaire, au niveau des organisations non gouvernementales, et aussi d'une présence très marquée de l'ACDI, qui s'attache à tous les aspects du développement.
M. Beaudoin a parlé de petits projets et de projets un peu plus gros, et Mme McCallion a souligné, avec une très grande justesse, la coopération avec les organismes internationaux. Mais la présence des Nations unies vise à permettre à la démocratie en Haïti de prendre en quelque sorte un vaccin.
Le 7 février, lorsque le président Préval a pris ses fonctions comme président de Haïti, c'était, en 200 ans d'histoire, la première fois qu'un président élu démocratiquement était remplacé par un autre président élu démocratiquement. Le sentiment général était donc que, sans la présence des Nations unies et des forces internationales, Haïti serait retombée victime de ses vieux démons et qu'on aurait eu des coups d'état fomentés par l'armée. D'ailleurs, le coup d'état des généraux, le gouvernement de facto qui a chassé l'ex-président Aristide, montrait bien la fragilité de la démocratie en Haïti.
Avec la disparition de l'armée, il fallait créer une force de police pour stabiliser l'État. Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies vous l'a dit lors de sa visite: sans la présence des Nations unies, on n'arriverait pas à stabiliser la situation, à contrôler la criminalité et à créer une force de police communautaire qui soit proche de la population.
On a une très longue route à faire parce que la police est toujours perçue en Haïti, même aujourd'hui, après presque deux ans de présence internationale, comme une menace. Il y a une longue tradition. La police a toujours été là pour contrôler les écarts de la population. Sous les régimes précédents, elle utilisait la terreur comme méthode d'action.
Le sentiment général est que, si les Nations unies quittaient Haïti actuellement, le niveau de formation de la police et le niveau de contrôle du gouvernement ne seraient pas suffisant pour assurer la continuité. On perdrait deux années d'investissements considérables dans la formation de la police.
Le rôle de la GRC est capital parce qu'on apporte une philosophie de formation de la police qui est la formation d'une police communautaire. Nous, Canadiens, sommes tellement habitués à vivre dans ce genre d'environnement que nous ne le percevons pas. La police, au Canada, fait partie de la communauté. Ce qu'il est important de développer en Haïti, c'est une police qui soit proche de la population, qui soit recrutée au sein de la population et près de la population. Cela demande un effort considérable.
La GRC fournit à la fois cette approche, cette philosophie de la formation et l'encadrement sur le terrain. Elle est appuyée par les militaires canadiens. Certains d'entre vous, autour de cette table, ont participé à un tour by night de Port-au-Prince, avec une patrouille de police, qui montre bien le type d'engagement efficace sur le terrain.
Si on arrêtait cette action maintenant, à un niveau de formation très bas de la police, il se pourrait très bien que la police, que les Nations unies et le Canada ont contribué à former, se transforme en menace pour le gouvernement haïtien si on l'abandonnait à son sort, parce qu'elle serait mal encadrée et mal formée.
Je pense donc, et je le dis avec beaucoup de conviction, que la présence du Canada en Haïti fait une différence considérable. Comme le soulignait Mme McCallion, les troupes canadiennes, tant chez les francophones que chez les anglophones canadiens, apportent une façon différente de transiger avec la population. Cela montre à la population que les forces de l'ordre, tant militaires que policières, peuvent être avec elle.
[Traduction]
M. Flis (Parkdale - High Park): Monsieur le président, pour répondre à mon collègue,M. Bergeron... Il sait sans doute que si nous voulons entendre d'excellents témoins, les meilleurs viennent généralement de l'ACDI et du ministère de la Défense. Je me réjouis donc de leur présence ici aujourd'hui.
J'ai vu, de mes propres yeux, certains des projets dont on nous a parlé ce matin. J'ai visité deux cliniques de santé. J'ai visité une école que l'ACDI a aidé à construire. J'ai assisté à une séance de tribunal. J'ai vu les Mennonites aider les Haïtiens et leur montrer à construire des routes secondaires. Je voudrais savoir si tous ces projets ne seraient pas poursuivis si le mandat de l'ONU n'était pas renouvelé?
Une chose qui manque, selon moi, dans nos résolutions et nos discussions, c'est un délai pour cette prolongation. La résolution parle d'une période au-delà du 30 juin 1996. Cela laisse la porte grande ouverte. Est-ce pour les 12 ou 24 prochains mois? Lors de nos discussions précédentes, je pensais que nous parlions d'une prolongation de six mois. J'aimerais que nos témoins nous disent quelle durée ils envisagent... car nous servons un pays qui est le plus pauvre parmi les pauvres. Nous servons une population qui vit dans l'extrême pauvreté. Tel doit être le but de notre aide extérieure.
De combien de temps faudrait-il prolonger la mission de la police et de la force de maintien de la paix afin que nous puissions poursuivre cet excellent travail?
Mme McCallion: Merci, monsieur Flis.
D'abord et avant tout, je voudrais répondre un peu plus clairement à la question du président. Je suis toujours prête à relever un défi.
Le Canada a été extrêmement efficace en Haïti. On a besoin de nous et nous devons rester. Nous pourrions discuter des divers éléments de notre présence, mais je n'ai pas peur de dire les choses comme elles sont. Je peux vous dire que nous avons été extrêmement efficaces.
Comme l'a dit mon collègue, M. Duval, les Haïtiens sont pauvres et ils luttent. Si vous connaissez l'histoire d'Haïti, la plupart des gens sont analphabètes. Ils sont aux prises avec une conception de la démocratie qui poserait de grosses difficultés à la plupart des Canadiens et ils essaient d'instaurer la démocratie en une période d'environ six mois, ce qui est très court.
Ils sont dans notre hémisphère, dans les Antilles. C'est un des endroits oubliés des Antilles. Nous entretenons des relations de longue date avec cette région. Les Antillais s'attendent à ce que nous jouions un rôle de chef de file en Haïti. Ils veulent que nous soyons présents dans leur région. On peut certainement dire quelle est dans notre cour. Nous devons passer par-dessus les États-Unis pour nous y rendre, mais c'est quand même dans notre cour.
Cet hémisphère est important pour nous. Sa déstabilisation, qui est parfaitement possible si cette région sombre dans l'anarchie... car c'est certainement une question d'anarchie. Ce n'est pas tant un nouveau coup d'État militaire organisé que la désintégration d'une société qu'il faut craindre. L'argent de l'ACDI sert à leur donner les instruments voulus pour que les Haïtiens grandissent comme société, dans leur propre contexte.
Pour répondre à la question directe du député, la duré normale des mandats de l'ONU est de six mois. Ce que nous avons accepté la dernière fois... Ce qui tracassait beaucoup les Chinois, c'est que ce n'était plus une question de sécurité mondiale, mais un problème régional; le monde n'allait pas se retrouver au bord d'une guerre nucléaire à cause d'Haïti. Ce que nous voudrions demander aux Nations Unies cette semaine, c'est une prolongation de six mois, un point c'est tout. C'est ce que nous souhaitons.
Quant à savoir si nous devrons rester dans cette île éternellement, c'est une question idéologique. À quel moment laissez-vous les gens prendre leur destinée en main, après les avoir mis sur la bonne voie?
M. Flis: J'ai une autre brève question à poser à l'amiral King, monsieur le président. Dans son rapport du 5 juin 1996 sur la mission des Nations Unies en Haïti, le secrétaire général, dont on connaît bien les recommandations, déclarait ceci:
- La Police nationale haïtienne demeure néanmoins très sous-équipée, en dépit de dons
importants de la communauté internationale. Même à son quartier général, elle ne dispose pas
de moyens de communiquer directement avec les directions départementales et manque d'un
système fiable de distribution courante des documents. Un certain nombre de postes de police
n'ont ni véhicules, ni électricité, ni eau, ni installations de détention sûres.
Le contre-amiral King: À ma connaissance, cet argent est réservé à d'autres achats pour soutenir les opérations.
Je crois que les États-Unis ont fourni une bonne partie de l'équipement pendant le dernier mandat. Les diverses forces policières qui ont été sur place ont fourni du matériel pour appuyer les opérations. C'est surtout un problème de gestion.
Il n'y a que 24 postes de police dont aucun n'est équipé adéquatement. Certains n'ont pas de mobilier. Comme vous l'avez dit, ils n'ont pas de radios, de téléphones et de choses de ce genre, mais on leur a pourtant fourni beaucoup de matériel et de nombreux véhicules. Ils n'ont pas de système en place pour gérer l'infrastructure, ne serait-ce qu'un programme d'entretien, des méthodes, des règles, des règlements, le genre d'éléments qui étaient inclus dans leur formation policière, d'après ce que j'ai compris. Il s'agit pour eux de mettre cet enseignement en pratique sous la direction de leurs cadres qui ne possèdent pas eux-mêmes d'expérience de ce genre. Il y a un gaspillage assez important.
Je crois qu'un programme a été mis sur pied pour leur fournir graduellement le matériel dont ils ont besoin. Il s'agit seulement qu'ils s'habituent à le gérer, à l'entretenir et à l'utiliser.
Le président: Monsieur Morrison.
M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Madame McCallion, vous avez dit que la présence des Canadiens en Haïti aidait à empêcher que le pays ne retombe dans l'anarchie.
J'espère et je suppose que l'ordre a été établi, dans une certaine mesure, dans des villes comme Port-au-Prince et Cap-Haïtien, mais qu'en est-il de l'arrière-pays où vivent la majorité des gens? Les policiers ou les militaires s'y aventurent-ils? Font-ils quelque chose pour maintenir l'ordre là où les gens vivent et sont sans défense contre les bandes de voyous? Faisons-nous quelque chose de bon ailleurs que dans la capitale?
Mme McCallion: La réponse est oui. Des patrouilles de police se rendent là-bas. Malheureusement, comme il n'y a pas d'autoroute, il faut un certain temps pour y arriver, mais les agents de la GRC qui sont allés dans l'arrière-pays disent que les gens ont accepté la présence de la police. Cela apporte une certaine stabilité. Il ne s'agit pas d'empêcher le moindre crime partout au pays. Il s'agit seulement de faire la police dans l'arrière-pays. Je crois que cela a été efficace. La GRC estime qu'elle doit centrer son attention sur les bandes urbaines qui commencent à se manifester dans les rues de Port-au-Prince et de Cap-Haïtien.
Nous pouvons dire que les experts sur le terrain estiment avoir été efficaces, même si les communications et les déplacements sont toujours difficiles. Personnellement, j'ai essayé d'obtenir de l'ACDI quelques bicyclettes tout terrain. Au lieu de leur envoyer de coûteuses jeeps qui quittent la route parce qu'il n'y a pas de route, pourquoi ne pas leur envoyer quelques bicyclettes tout terrain?
Pour revenir sur la question de M. Flis, nos militaires nous ont aidés à réparer des motocyclettes qui avaient été accidentées. Ils ont constitué un petit atelier où ils ont profité de leurs moments de loisir pour remonter dix motocyclettes avec les pièces de 20 d'entre elles qui étaient démolies.
D'autre part, pour ce qui est de la disponibilité du matériel et sa gestion, comme l'a dit l'amiral King... La dernière demande qui a été faite aux Canadiens par l'entremise de l'ONU porte sur la mise en place d'un cadre de 15 administrateurs. M. Denizé, le chef de la police, ne cache pas qu'il a besoin de gens pour gérer le matériel et la police. Il a demandé l'aide du Canada pour l'acquisition du matériel et son entretien.
Notre amiral voudrait...
M. Morrison: J'allais poser directement une question à l'amiral. On nous a expliqué un peu ce que font les policiers. Cela paraît très bien même s'ils sont très peu nombreux. Qu'en est-il des militaires, tant les Canadiens que ceux des autres pays? Par exemple, font-ils régulièrement des patrouilles dans les campagnes ou se planquent-ils dans les grandes villes?
Le contre-amiral King: Comprenez bien que la présence militaire comprend deux éléments qui sont tous deux jugés essentiels pour soutenir le travail de la police. Il y a d'abord la dissuasion. C'est difficile à évaluer, mais il est certain que la présence d'une force militaire capable d'intervenir rapidement en cas d'urgence ou de crise et qui est là pour soutenir la police a un effet dissuasif sur la criminalité et ce genre d'activité.
Pour ce qui est du contingent qu'il faudrait envoyer pour remplacer celui qui est là-bas actuellement, il pourrait être plus limité du fait que nous avons pu retirer des militaires et des policiers de certains des districts périphériques.
Comme l'a dit Mme McCallion, c'est davantage un problème urbain mais, par exemple, nous avions à un moment donné une présence dans la troisième ville par ordre d'importance, Gonaïves. Nous nous sommes retirés de cette ville. Nous étions très inquiets, mais nous avons pu nous retirer et cette décision s'est révélée bonne.
L'effet dissuasif est très important et nous croyons qu'au fur et à mesure que la police va mieux s'organiser, cet effet dissuasif, le fait que les gens verront autour d'eux des soldats armés, sera moins important.
Le deuxième élément est la sécurité. Il est important d'avoir des militaires qui savent comment faire une patrouille, surtout la nuit dans un milieu urbain et qui peuvent protéger les policiers, leur montrer les ficelles du métier et comment se sortir de situations particulièrement difficiles.
Là encore, avec le temps, au fur et à mesure que les policiers apprendront à se servir de leurs armes, à faire face aux situations délicates et à reconnaître les problèmes qui se présentent, la présence des forces de sécurité pourra également diminuer.
Les forces de sécurité assurent également la protection du président et des secteurs clés. En cas de besoin, les militaires peuvent certainement offrir ce genre de soutien. Ils ne sont pas du tout planqués; ils vont faire des patrouilles et comme l'a dit M. Duval, le fait que tous nos militaires soient francophones contribue énormément à l'efficacité avec laquelle ils peuvent parler aux gens dans la rue et obtenir leur coopération et leur confiance.
Le président: Je pense que M. Beaudoin souhaite ajouter quelque chose.
M. Beaudoin: Il y a deux choses, monsieur Morrison.
Premièrement, environ 70 des policiers sont répartis dans l'ensemble du pays, par groupes de deux et de trois, à 19 endroits différents et c'est pourquoi ils ont besoin de l'armée. S'il y a un problème aux Cayes, ils ne pourraient pas intervenir sans l'armée. L'armée est nécessaire pour assurer leur sécurité, pour les protéger. Ils ne sont pas là-bas armés de fusils; ils font de la police communautaire, et comme ils n'ont pas d'automobiles, ils marchent et ils travaillent avec les policiers locaux.
Deuxièmement, M. Flis a demandé ce qui se passerait en l'absence de l'armée. Y aurait-il quand même un programme de l'ACDI? Oui, il y aurait un programme de l'ACDI, comme avant, mais seulement pour l'aide humanitaire. Notre travail consiste à assurer un développement viable. Nous cherchons à achever notre mission le plus tôt possible. S'il n'y a pas de bonne police, s'il n'y a pas de système judiciaire, s'il n'y a pas de réformes économiques, notre argent ne sera pas bien dépensé, parce que nous devrons rester là-bas éternellement. S'il y a la démocratie, un parlement, un système judiciaire, une police, peut-être que d'ici 20 ans, nous importerons des bananes et d'autres marchandises de ce pays et nous pourrons lui vendre nos systèmes de télécommunications, nos systèmes énergétiques, etc.
Personnellement, je pense que si nous ne restons pas sur place jusqu'en décembre, nous courons un gros risque. Cela nous coûtera beaucoup plus cher au cours des années à venir et, deuxièmement, nous ne viendrons pas en aide aux Haïtiens. Nous en avons assez de nourrir les gens; nous voudrions les mettre sur la voie pour qu'ils bâtissent eux-mêmes leur pays. Ils ont besoin de nous pour cela.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Beaudoin.
Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré (Louis-Hébert): Plus tôt, M. Beaudoin a rappelé les deux objectifs poursuivis par l'ACDI en Haïti. Je les rappelle parce qu'ils sont importants et que j'y adhère totalement. Il s'agit de combattre la pauvreté et de consolider la démocratie.
D'autre part, je comprends que le fait de procéder à une élection ne garantit pas des racines très profondes à la démocratie. Serait-il possible que vous nous décriviez très rapidement l'état de la société civile, les syndicats, les chambres de commerce, les ONG - vous en avez parlé un peu plus tôt - , les groupes de citoyens, et que vous nous disiez, dans un deuxième temps, comment s'articule l'aide de l'ACDI pour mettre en place et soutenir la société civile?
M. Beaudoin: C'est une grande question, mais je vais tenter d'être précis. Nous travaillons, par le biais de tous les programmes que vous avez vus, avec les organisations locales. Par exemple, il n'y a pas de barreau en Haïti. Avec le ministère de la Justice du Canada et des collègues du Québec, on essaie de construire un barreau. En Haïti, on aide les membres des organisations de défense des droits de la personne, pour ceux qui n'avaient pas été assassinés avant l'arrivée d'Aristide, à se coordonner pour défendre les droits des gens. Il y a des endroits où les gens qui ont des problèmes, qui ont été battus ou qui se sont fait voler peuvent se présenter. On a des avocats locaux, appuyés par des Canadiens là-bas, pour les aider à se battre.
On a financé ce qu'on a appelé la Commission de la vérité, avec d'autres bailleurs de fond. Une enquête exhaustive et un rapport ont été faits sur toutes les choses insensées qui ont été faites contre les petites gens et leurs biens. Ce rapport a été déposé au mois de février dernier, et nous croyons que le gouvernement haïtien, en se basant sur ce rapport, va pouvoir bouger et ramener des gens dans leurs droits.
Comment va la société civile? Elle se bâtit doucement.
Comment vont les syndicats? Il y a beaucoup de syndicalistes qui avaient quitté pour aller aux États-Unis, au Canada et en France. Depuis un an ou un an et demi, ils reviennent chez eux. D'ailleurs, la plupart des ministres que nous avons actuellement n'étaient pas en Haïti dans les années de la crise, dans les années Cédras. Ils reviennent doucement et on les aide via le CCCI, le CECI et les mennonites, village par village, à essayer de se reconstruire. On n'arrive pas là avec des partenaires qui déjà fonctionnent bien. On doit les aider du début à la fin.
Comment s'arrime-t-on dans cela? On s'arrime parce qu'on est présents au niveau des petits, des gens qui forment la base de la société civile qui est en train de se construire depuis octobre 1994. On vient tout juste de commencer et les gens ne font que revenir. Mais je peux vous dire qu'on voit du changement. We see real change, sir.
Deuxièmement, il est peut-être important pour le Parlement, et je sais que vous en avez discuté en comité, de savoir que nous avons entrepris des discussions très intéressantes avec le Parlement d'Haïti, avec les deux Chambres pour essayer de faire de ce parlement-là un parlement plus efficace. Ce sont tous évidemment de nouveaux députés. La majorité sont de nouveaux sénateurs. Je sais qu'il y a des échanges de délégations. Il y en a plusieurs ici qui y sont allés et il y en a de là-bas qui vont venir ici pour essayer de faire de ce parlement-là un parlement beaucoup plus efficace qui puisse vraiment répondre aux aspirations des gens d'où ils viennent.
[Traduction]
Le président: Voilà des renseignements très utiles, monsieur Beaudoin.
Si le comité est d'accord, je suggère de continuer encore un peu à poser des questions aux témoins. Nous obtenons des renseignements très importants et quelques autres personnes désirent poser des questions.
Je signale au comité que nous allons voter à 10 h 30. Nous serons donc interrompus, mais si nous prolongeons un peu la séance, nous pourrons passer au débat.
Monsieur English.
M. English (Kitchener): Merci, monsieur le président.
Le projet de résolution que nous avons sous les yeux parle de notre engagement dans l'hémisphère et de nos liens privilégiés d'amitié avec la population d'Haïti. Le document que le Ministère des affaires étrangères et du commerce international dont les représentants, que M. Flis a oubliés, nous aident également beaucoup à comprendre ces questions, indique qu'Haïti est un pays dont le PIB se chiffrait à 1,7 milliard de dollars en 1994. Le montant de l'aide canadienne apportée à Haïti par l'entremise de l'ACDI est de 42,2 millions de dollars. J'ignore quel est le chiffre pour notre présence militaire et les autres dépenses et vous pouvez inclure les dépenses que font là-bas les militaires canadiens et qui contribuent à l'économie, mais doublons ce chiffre. Si vous le doublez, 4,5 p. 100 à 5 p. 100 du PIB total d'Haïti provient du Canada. Si vous prenez l'aide proprement dite, c'est près de 3 p. 100. C'est donc un engagement très important.
À la page suivante, si vous prenez les principaux marchés d'exportation d'Haïti, les États-Unis reçoivent 76,7 p. 100 de ces exportations totales; pour ce qui est de ses principaux marchés d'importation, les États-Unis en accaparent 56,3 p. 100 tandis que le Canada ne figure dans aucun de ces tableaux. En 1992, l'Allemagne, l'Italie et la France étaient des marchés d'exportation importants pour Haïti tandis que pour les importations, l'Union européenne et les Antilles néerlandaises occupaient également une place de choix.
Ma question porte sur les intérêts du Canada, car cela retient notre attention à titre de parlementaires. C'est certainement un pays dans lequel nous sommes fortement engagés ce qui, comme le dit la résolution, reflète nos liens d'amitié privilégiés avec la population d'Haïti. Nos intérêts ne semblent certainement pas être de nature commerciale, mais est-ce un des pays auxquels le Canada porte un intérêt particulier et où il a un rôle spécial à jouer comme agent de changement? Quand nous avons examiné notre politique étrangère, nous avons parlé de la possibilité de concentrer nos efforts sur les pays où nous pouvons jouer un rôle particulier, mais il ne semble pas - et ma question s'adresse à vous tous - que dans ce cas, l'aide et la présence canadiennes sous la forme d'une force de maintien de la paix soient liées à certains avantages que nous avons par rapport à d'autres pays qui ne sont pas engagés.
Mme McCallion: Tout d'abord, vous n'êtes pas le premier à faire ce constat. Nous avons un délégué commercial, M. Roy, qui n'est pas en Haïti mais au Canada. Il travaille dans ma direction et s'occupe particulièrement du commerce avec Haïti, de l'accroissement de nos relations commerciales. S'il n'a pas été affecté à Port-au-Prince, pour la première partie de sa mission, c'est notamment pour qu'il puisse accéder aux fonds disponibles par l'entremise des institutions internationales afin que les entreprises canadiennes obtiennent ces contrats qui sont très importants.
Nous avons eu plusieurs discussions avec Préval, avec le gouvernement, au sujet de la privatisation de certaines institutions publiques qui va accroître l'investissement surtout dans les secteurs où nous excellons, tels que l'exploitation énergétique et les télécommunications. Nous sommes donc conscients du problème. Oui, nous nous efforçons d'améliorer notre avantage, si vous voulez.
Certaines des importations incluses dans ces chiffres sont des importations de ressources énergétiques. Haïti ne produit pas d'énergie; elle l'importe, surtout du Venezuela. C'est plus près et c'est moins cher. Les États-Unis sont plus près et moins chers. Haïti n'a pas beaucoup d'argent. Les très riches en ont beaucoup et ils ont l'habitude d'acheter des produits français. Nous savons que nous devons améliorer nos relations commerciales.
M. English: La question présente également un autre aspect. Les États-Unis sont allés là-bas et ils sont repartis. C'était un aspect important de la politique étrangère américaine pendant un certain temps. On reproche notamment au Canada d'être allé faire le travail que les Américains ne pouvaient pas faire à cause de leurs préoccupations politiques internes. Que pouvons-nous répondre à nos concitoyens qui posent cette question?
Mme McCallion: Nous étions là avec les Américains et même avant eux pour ce qui est de l'ACDI. Du temps du ministre des Affaires étrangères précédent, nous avons décidé de ne pas faire partie de la force multilatérale, de réserver notre argent et notre appui pour la formation des policiers et la reconstruction de la société et c'est ce que nous avons fait. Et nous sommes allés là-bas immédiatement après.
Pendant le premier mandat de l'ONU, les Canadiens étaient chargés de la police. C'était du temps de Neil Pouliot. Il a fait la couverture de Maclean's. Notre engagement était très important. Nous avions là-bas un très gros contingent de policiers. Nous avons formé certaines des nouvelles recrues à Regina.
Nous sommes venus en aide à d'autres pays parce qu'on jugeait que les Canadiens étaient les mieux placés pour se charger de la deuxième phase de la composante militaire. Nous secondons les Français qui sont responsables de la police. On peut dire que nous sommes là-bas depuis le début, mais c'était à nos propres conditions.
M. English: Merci beaucoup.
Le président: Si j'ai bien compris la question de M. English, il voulait savoir si nous avions des avantages par rapport à d'autres pays. D'après ce que les autres témoins nous ont dit, il y a eu, depuis près de 100 ans, une présence religieuse du Québec dans les communautés haïtiennes et cela nous a valu des liens très étroits avec Haïti. Est-ce un facteur qui nous rend plus compétents que les autres pays? Je crois que c'était le sens de la question de M. English.
Mme McCallion: La réponse est oui.
Le président: Merci.
Monsieur Mills, pourriez-vous être assez bref? Nous manquons de temps.
M. Mills: Je ferai seulement quelques observations et je vous demanderai ensuite votre opinion. Je suis certain que nos militaires, les ONG et la police améliorent la situation et font un bon travail. Mais c'est un pays dont le taux de chômage atteint 70 p. 100. C'est un pays où il y a 85 p. 100 d'analphabètes. Il y a une classe moyenne et une haute bourgeoisie, une classe de riches qui n'investit pas dans le pays, qui ne participe pas à tout ce processus. Il y a l'ancien président Aristide qui est originaire de Cité Soleil et qui réside maintenant dans une superbe villa avec des allées pavées, des serviteurs, etc.
La moitié des policiers ont reçu leur paye d'avril, mais pas les autres. Comme je l'ai dit, un bon nombre des véhicules de la police ont été détruits. J'ai vu arriver un camion de pompier. Il y avait cinq camions, mais l'un d'eux n'avait pas d'eau et un autre pas d'essence. Quand un camion est arrivé, les pompiers ont dû déballer leurs casques. Ils les ont mis à l'envers et ils sont restés assis à regarder l'incendie. Il y a beaucoup de problèmes là-bas.
Le président: Cela fait penser à la Chambre des communes certains jours.
Des voix: Oh, oh!
M. Mills: Ce que je demande, au nom des contribuables... Nous voulons que ce pays puisse prospérer, mais il me semble que c'est là un objectif à très très long terme. Nous devons contribuer à l'éducation des gens. Toutes ces choses sont nécessaires. Je ne dis pas que nous n'avons pas un rôle à jouer. Je me demande pourquoi nous n'établissons pas ce plan à long terme et nous n'avons pas l'honnêteté de dire qu'il faudra 20 ou 30 ans. D'après ce que j'ai constaté, telle est la réalité. Quelqu'un peut-il répondre à cela?
Mme McCallion: D'abord et avant tout, vous avez raison tant pour ce qui est de votre évaluation que de la nécessité d'un plan à long terme. Pour ce qui est des détails, nous avons exercé des pressions auprès du gouvernement haïtien et il a commencé à payer les policiers. Nous abordons ce genre de questions. Nous disons au gouvernement qu'il ne pourra pas avoir de police s'il ne paye pas. Nous lui demandons quel est le problème, si c'est qu'il manque d'argent, etc. Nous cherchons activement à résoudre les problèmes quotidiens que nous pensons possible de régler pour maintenir les policiers en place dans les rues.
Pour ce qui est de transformer une société et de l'amener à changer sa façon de vivre, il faut deux ou trois générations. Je peux seulement vous dire qu'il faut procéder étape par étape. Notre gouvernement a des contraintes budgétaires. Le plan de l'ACDI est établi pour cinq ans. Nous le changeons en fonction des décisions prises par le Parlement et le gouvernement.
Nous ne nous attendons évidemment pas à ce que les forces des Nations Unies restent là beaucoup plus que six mois. Je pense que nous avons atteint la limite. Ce qui s'est passé en Haïti tient pratiquement du miracle.
À notre avis, s'ils ont suffisamment confiance en eux pour prendre les choses en main, nous pourrons continuer dans le cadre du budget de l'ACDI à assurer l'éducation du public et à aider les ONG à faire du développement communautaire. Néanmoins, il y a de nombreux pays pauvres où nous devons en faire autant et pour lesquels nous avons besoin d'un plan à long terme.
[Français]
Le président: Monsieur Bergeron.
M. Bergeron: À la demande du président et contrairement à certains de mes collègues, je vais m'en tenir à des questions d'éclaircissement. J'éviterai d'entreprendre tout de suite le débat. J'ai deux questions très précises à poser.
La première a trait au financement de la mission. Si nous devions prolonger cela au-delà des six mois qu'on nous demande actuellement, ne pourrait-on pas envisager, dans l'éventualité où il y aurait encore une opposition de la part de certains pays aux Nations unies au financement de cette mission par les Nations unies, un financement par l'Organisation des États américains ou en partie par l'Organisation des États américains et en partie par le groupe des pays amis de Haïti?
La deuxième question a trait à la confiance des Haïtiens et Haïtiennes dans le système de justice. Je sais qu'il y énormément d'efforts qui sont faits par la communauté internationale pour faire en sorte que les Haïtiens et Haïtiennes en viennent à avoir confiance dans le système de justice, compte tenu du fait que, par le passé, le système de justice n'en était pas un et qu'il n'y avait aucune raison d'avoir confiance en lui.
Un des éléments qui pourraient permettre aux Haïtiens et aux Haïtiennes d'avoir confiance dans le système de justice ne serait-il pas que le système de justice puisse efficacement amener devant les tribunaux les personnes qui ont été responsables des exactions commises contre le peuple haïtien par le passé et, si oui, comment peut-on réaliser cela dans les faits? Lors d'une visite que j'ai pu effectuer en Haïti, j'ai vu qu'on avait énormément de difficulté à faire cela. Comment pourrait-on en arriver à le faire?
[Traduction]
Mme McCallion: Pour ce qui est de votre première question, à l'assemblée générale qui a eu lieu, il y a deux semaines, à Panama, l'OEA a adopté une résolution appuyant le maintien de la présence internationale en Haïti. Malheureusement, l'OEA ne dispose pas des mêmes mécanismes de financement que les Nations Unies. Nous avons demandé l'aide d'un grand nombre de nos collègues, des Amis de Haïti... Si nous devons obtenir des contributions volontaires, nous avons certainement l'intention d'exercer des pressions intensives dans ce sens. Nous sommes au courant du problème et nous n'épargnerons aucun effort.
Quant à votre deuxième question, M. Broadbent et son centre à Montréal ont déjà établi une Commission de la vérité. Elle est financée à la fois par des intérêts privés et par le gouvernement. Ses activités sont plus ou moins en suspens parce que cela s'inscrivait dans une entente conclue avecM. Aristide. À ma connaissance, cette commission existe toujours officiellement, mais elle n'a pas été très active.
[Français]
M. Beaudoin: La commission a déposé son rapport le 7 février, la journée où M. Préval est devenu président. M. Préval a reçu le rapport, qu'il a transmis au ministre de la Justice, lequel est en train de l'analyser.
Le rapport est en trois parties. Je vous dis cela de mémoire. La première partie du rapport traite des exactions et de ce qui s'est passé au cours des années de Cédras, la deuxième traite d'une réforme de la justice, de ce qu'on pourrait faire pour l'améliorer, et la troisième traite de financement et de souveraineté.
Il est très compliqué pour les étrangers que nous sommes, les invités que nous sommes, de s'immiscer directement dans des poursuites basées sur des allégations sur ce qui s'est passé entre ces gens lorsqu'ils y étaient.
En ce qui concerne la première partie, le Canada a délégué un conseiller technique auprès du ministre de la Justice, qui est là depuis le mois de février et qui, en notre nom à tous, appuie le ministre de la Justice dans ses efforts. Ce conseiller travaille aussi avec le ministre de la Justice.
Si vous désirez un résumé du rapport, nous en avons des copies à notre bureau de Port-au-Prince. Il nous fera plaisir de vous l'envoyer. Il existe un résumé d'environ 100 pages. C'est un travail extraordinaire qui a été fait.
Cependant, ce sera long, très long, parce qu'il n'y a pas de structures, parce qu'il n'y a pas de tribunaux, parce qu'il n'y a pas de code civil, parce que plusieurs juges sont en train de changer pour des raisons que vous comprendrez. Ce serait très compliqué. Mais oui, nous serons là.
S'il n'y a pas de justice, il n'y aura pas d'État de droit et s'il n'y a pas d'État de droit, ce que nous faisons là ne sera pas vraiment utile.
Le président: Le travail des juristes est toujours long et parfois, étant donné ces délais, les honoraires sont importants, n'est-ce pas?
M. Beaudoin: Nous avons une entente à forfait avec eux, monsieur le président.
Le président: Étant moi-même juriste, je connais le système.
C'est la fin de la période de questions. Je n'ai plus de noms sur la liste. J'aimerais remercier les témoins au nom des membres du comité. Merci beaucoup d'être venus ce matin. Vous nous avez beaucoup aidés à mieux comprendre les problèmes en Haïti.
Nous passons maintenant à la deuxième phase de nos délibérations, c'est-à-dire un débat sur l'opportunité de maintenir notre présence en Haïti et à quelles conditions. Je demande à M. LeBlanc de commencer en présentant sa résolution au nom du gouvernement.
Avant qu'on commence, puis-je avoir une indication quant à ceux ou celles qui aimeraient poser des questions en bonne et due forme?
[Traduction]
M. LeBlanc va commencer. M. Dupuy, M. Flis, Mme Debien, M. Bergeron et M. Mills ont indiqué qu'ils souhaitaient poser des questions. Cela nous donne une bonne idée du temps dont nous aurons besoin. Nous n'avons pas encore de nouvelles du vote et je vous tiendrai donc au courant.
Monsieur LeBlanc.
[Français]
M. LeBlanc: J'ai fait distribuer l'ébauche d'une résolution sur Haïti et sur notre engagement dans ce pays à tous les membres du comité. J'aimerais parler tout de suite de cette résolution.
Quand je l'ai distribuée, j'ai indiqué à certains députés que je le faisais surtout pour la forme. J'aimerais maintenant parler du contenu de la résolution et de chacun de ses éléments. Je la dépose devant le comité pour qu'on en débatte.
La résolution traite directement de la poursuite d'une mission multinationale financée par les Nations unies et mandatée par le Conseil de sécurité de l'ONU, particulièrement orientée vers l'assistance à la police après le 30 juin afin d'assurer que la démocratie continue de s'établir dans ce pays.
C'est le contexte dans lequel le gouvernement doit considérer si, oui ou non, le Canada doit continuer son engagement en Haïti. Ce serait dans le contexte d'une mission mandatée par le Conseil de sécurité, approuvée par ce dernier et financée par les Nations unies dans le cadre d'une présence internationale.
Les raisons d'envisager cette prolongation de la mission canadienne en Haïti ou le renouvellement de cette mission sont énumérées dans les quatre premiers paragraphes de la résolution qui se lit comme suit:
- Attendu que le Président d'Haïti, qui travaille activement au développement de la démocratie
en Haïti, a demandé au Secrétaire général des Nations Unies de maintenir une présence
onusienne en Haïti après le 30 juin 1996,
- Je pourrais déposer devant le comité une lettre en date du 31 mai du président de la République
d'Haïti, M. Préval, dans laquelle il fait la demande auprès du secrétaire général des Nations
unies, et je cite:
- En effet, le contexte actuel du climat social en Haïti requiert que le Gouvernement dispose
d'une force publique adéquate pour maintenir l'ordre et la sécurité. Notre jeune Police
Nationale n'est malheureusement pas tout à fait en mesure d'assumer une telle responsabilité.
- Je m'adresse donc à vous pour solliciter que le Conseil de Sécurité veuille bien autoriser la
présence d'une force multinationale en Haïti pour une période supplémentaire de six (6) mois.
Cette prolongation aurait une double vertu: l'appui au maintien de l'ordre public ainsi que le
renforcement de la Police Nationale.
- Cela est tiré d'une lettre du président d'Haïti à Son Excellence M. Boutros Boutros-Ghali,
secrétaire général de l'ONU. Donc, la demande a été faite au secrétaire général par le président
d'Haïti.
- Attendu que le Canada est fortement engagé dans l'hémisphère et a des liens privilégiés
d'amitié avec la population d'Haïti,
- Cela va de soi, compte tenu du témoignage qu'on a entendu ce matin de la part de nos témoins du
ministère des Affaires étrangères, de l'ACDI et du ministère de la Défense nationale.
- Attendu que la force policière et de maintien de la paix du Canada joue un rôle extraordinaire
dans le maintien de la paix, l'établissement d'une société civile et la restauration de la dignité
humaine pour la population d'Haïti,
Nous avons constaté aujourd'hui que le maintien de la démocratie allait de pair avec le progrès économique et social en Haïti. Ce sont deux choses intimement liées. Le travail du Canada, dans cette mission en Haïti, se joue sur le plan du développement des conditions pour la restructuration économique et sociale d'Haïti.
Avant de terminer, j'aurais un dernier petit commentaire, monsieur le président.
Je pense que le gouvernement devrait prendre une décision concernant l'envoi d'une nouvelle mission dans le cadre des Nations unies.
Je dois dire que cette décision n'a pas encore été prise par le gouvernement parce que nous n'avons pas encore reçu de demande formelle du secrétaire général, le Conseil de sécurité étant toujours en train de considérer la chose. Si le Conseil de sécurité décide de prolonger sa présence en Haïti, il demandera alors à ses amis canadiens s'ils désirent participer à cette mission. Il y a de grandes chances qu'on nous demande d'y participer étant donné notre engagement, mais cela n'a pas encore été fait. Donc, le débat actuel concerne la participation du Canada dans le cas d'une éventuelle demande du secrétaire général mandaté par le Conseil de sécurité de l'ONU.
Dans le cas où le Conseil de sécurité refuserait d'autoriser la prolongation de cette mission, on tomberait à ce moment-là dans une autre série d'éventualités. Je pense que nous ne sommes pas en mesure de considérer cette éventualité dans le cadre de notre résolution, bien que ce soit un sujet qu'il serait utile de débattre avec les membres du comité.
Il faudrait, et je parle en tant que secrétaire parlementaire, tenir compte du fait que, présentement, nous voulons que la prochaine mission en Haïti soit une mission du Conseil de sécurité et qu'elle soit financée par les Nations unies.
Actuellement, le gouvernement ne considère pas la possibilité de s'embarquer dans un contexte autre que celui du Conseil de sécurité. C'est la raison pour laquelle la résolution que nous avons devant nous est présentée dans le contexte d'une demande éventuelle du Conseil de sécurité de l'ONU. Je pense donc qu'il est important que le débat ait lieu dans ce contexte parce que nous ne voulons pas donner l'impression que le Canada, même s'il est très engagé en Haïti, considère que ce problème n'est pas celui des Nations unies. C'est pourquoi il faut que le Conseil de sécurité prenne la responsabilité de se prononcer sur ce point.
Après ces commentaires, j'aimerais présenter formellement la résolution que je demanderais au comité d'examiner et d'adopter.
Le président: Merci, monsieur LeBlanc. M. Bergeron et M. Mills peuvent poser leurs questions.
M. Bergeron: Je voudrais tout d'abord remercier le secrétaire parlementaire pour son excellente résolution. Je dois dire que je souscris entièrement à l'esprit de la résolution, et j'aurai l'occasion tout à l'heure d'en donner les raisons.
Je veux tout de suite dire au secrétaire parlementaire que, même si les Nations unies devaient se retirer et ne pas accepter, les quatre attendus demeureraient vrais et, par conséquent, nous devrions quand même poursuivre sous d'autres auspices la participation canadienne à cette mission des Nations unies.
Cela dit, j'aimerais demander à celui qui a proposé la résolution s'il accepterait d'y apporter un amendement. L'amendement s'explique tout simplement du fait qu'on doit discuter aujourd'hui non pas de la pertinence ou non d'une mission des Nations unies, mais de la pertinence de la participation canadienne à cette mission.
En conséquence, je ferais la modification suivante: je remplacerais le terme «appuie» par «recommande», et j'ajouterais après «fortement»: «la poursuite de la participation canadienne au sein d'une mission multinationale».
Le paragraphe modifié se lirait ainsi:
- Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international recommande
fortement la poursuite de la participation canadienne au sein d'une mission multinationale,
financée par les Nations unies et mandatée par le Conseil de sécurité de l'ONU...
Le président: Je laisse quelques minutes de réflexion à M. LeBlanc.
M. LeBlanc: On peut relire le texte de M. Bergeron?
M. Bergeron: Avec plaisir.
Le président: On passe maintenant aux questions destinées à M. LeBlanc.
[Traduction]
Je suggérerais que nous n'en discutions pas immédiatement, mais que nous laissions M. Mills poser sa question. Ce sera ensuite à quelqu'un d'autre de prendre la parole et vous pourrez en discuter.
M. LeBlanc: Monsieur le président, je voudrais étudier le texte exact de l'amendement deM. Bergeron.
Le président: D'accord, je comprends.
M. LeBlanc: Je crois que c'est un amendement tout à fait légitime qui cadre dans la résolution...
Le président: Il est certainement conforme à l'esprit de la résolution.
M. LeBlanc: ...et à l'esprit du débat. Je pense que nous devrions accepter cet amendement et passer au débat. Quand je l'aurai examiné en détail, j'aurai peut-être quelques petites modifications à suggérer plus tard.
Qu'en pensez-vous?
Le président: Vous parlez comme un avocat. Nous pourrions le montrer à M. Morrison et àM. Mills. M. Mills voulait poser une question alors pourquoi ne pas l'entendre?
M. LeBlanc: Il se peut que nous votions sur une série de modifications.
Le président: Il est très possible que nous n'ayons pas à voter sur les amendements si nous pouvons nous entendre.
M. LeBlanc: Oui, nous pourrions nous entendre.
Le président: D'accord.
Monsieur Mills.
M. Mills: Francis, dans un monde idéal avec des Nations Unies fortes, un soutien multinational, tout cela serait merveilleux. Mais si vous le permettez, examinons les faits dans le contexte de votre motion.
Tout d'abord, nous disons que nous voulons une mission financée par l'ONU. L'ONU est en faillite. Pour ce qui est des États-Unis, à cause d'un engagement politique, des prochaines élections et de l'opinion publique, Clinton s'est retiré d'Haïti le 29 février et il n'est pas prêt à s'y engager de nouveau du moins d'ici les élections. L'OEA dit qu'elle appuie cette mission, mais elle n'a pas de financement ou de troupes à offrir. Nous avons la situation entre la Chine et Taïwan qui pourrait très bien bloquer l'intervention de l'ONU; que pourrait-il se passer? Les riches et la classe moyenne d'Haïti n'investissent pas dans leur propre pays. Le financement pose donc un problème.
Deuxièmement, pour ce qui est d'une intervention multinationale, ce serait l'idéal, mais l'OEA ne fournit pas de troupes. Il y a les Amis d'Haïti. Les États-Unis ne fournissent pas de troupes, et le problème se trouve à leur porte.
Le paragraphe 34 du rapport du secrétaire général ne précise pas vraiment quelle est la nature du mandat.
Pour ce qui est de la démocratie, nous faisons affaire à des gens illettrés. Nous nous trouvons devant un Parlement inexpérimenté, qui n'a pas de personnel, pas de bureaux; il a un taux d'absentéisme élevé et une histoire dans laquelle le mot «démocratie» n'a aucune signification.
Nous avons une force policière, mais comme vous l'avez constaté vous et moi, sur 60 policiers, deux seulement ont accepté de participer à la patrouille de nuit. Les gens ne sont même pas prêts à s'administrer eux-mêmes.
Il s'agit donc de se demander ce qui se passera au bout de six mois. Je demande à nos témoins où se trouve le plan à long terme? Nous nous contentons d'une autre solution de fortune.
Les contribuables canadiens veulent savoir où est votre plan. Je ne vois pas de plan dans cette motion. Je vois là une solution de fortune qui préconise d'obtenir le soutien de l'ONU, une intervention multinationale pour renforcer la démocratie, mais cela ne correspond pas à la réalité, car rien de tout cela n'est possible. Voilà le problème.
M. LeBlanc: Nous avons tous entendu dire ce matin que la reconstruction d'Haïti comporte deux éléments.
Le premier est la reconstruction de l'économie haïtienne et de la société civile. Le Canada y participe et cela depuis un certain temps. Il continuera sans doute d'y participer d'une façon ou d'une autre, que nous disposions ou non d'une structure démocratique pour le faire.
Le but de cette résolution et de la participation canadienne à la formation de la police haïtienne, de notre soutien aux institutions démocratiques et à l'établissement d'institutions en Haïti est d'avoir ainsi l'occasion de réussir à reconstruire l'économie et la société du pays.
Si nous considérons les choses à long terme, il n'existe pas de solution gratuite pour tout pays qui s'intéresse à Haïti. Ou bien nous jouons un rôle à Haïti sous un régime militaire ou dans une situation d'anarchie, ce qui risque de coûter cher tant à Haïti qu'au Canada et au reste du monde ou nous y jouerons un rôle d'une façon ou d'une autre dans le cadre de la communauté internationale, dans un pays qui essaie de combattre l'adversité - et nous savons vous et moi quelle est l'ampleur des problèmes - pour créer des institutions civiles qui permettront un jour à l'économie et à la société haïtienne de ressembler à celles des pays industrialisés. Nous savons que ce n'est pas pour demain ou pour la semaine prochaine.
Le but de cette résolution est de faire un pas très petit, mais très important et très fondamental vers la création des conditions favorables au genre de développement que nous espérons tous voir se produire en Haïti. Nous ne nous penchons pas ici sur la façon de développer le pays; nous essayons de mettre en place, si possible dans le cadre de la communauté internationale, avec le soutien international que nous pourrons obtenir, dans le contexte du Conseil de sécurité, les conditions nécessaires à la paix et à la sécurité ainsi que les éléments permettant de faire régner la loi et l'ordre afin que tout le reste puisse se réaliser.
C'est la seule façon dont je peux répondre à cette question.
M. Mills: Mais nous n'avons qu'une semaine devant nous et nous ne semblons pas avoir pu intéresser qui que ce soit d'autre.
Le président: Monsieur Mills, pourquoi ne pas réserver cette question pour le débat étant donné que nous avons largement dépassé le temps qui était prévu.
Je propose que nous passions à M. Bergeron puis ce sera à vous.
[Français]
Monsieur Bergeron, je passe d'abord la parole à M. Mills, puis ce sera votre tour. Vos êtes d'accord?
M. Bergeron: D'accord.
[Traduction]
M. Mills: La plupart de ces questions vont être abordées, monsieur le président, mais je voudrais répéter certaines choses.
Je dirai d'abord qu'à mon avis nos militaires et nos policiers contribuent à améliorer la situation. Tant qu'ils seront là-bas, ils amélioreront la situation, mais la question n'est pas là.
Il s'agit de voir quelles sont les raisons pour lesquelles nous devrions rester et celles pour lesquelles nous devrions songer à partir puis quelles sont les autres options que nous pourrions envisager et ce que nous devrions proposer.
Parmi les raisons de rester figurent évidemment les raisons humanitaires. Il y a là une énorme population de jeunes. Nous devons préserver le prestige de l'ONU. Notre présence en Haïti rehausse le prestige de notre pays. Haïti se trouve dans notre hémisphère. Il y a également des liens étroits entre Haïti et le Québec, qui remontent à un siècle. Il y a là une certaine forme de démocratie. Haïti pourrait devenir une menace pour nous sur le plan de l'immigration, du facteur CNN, etc. Ce sont des choses dont il faudrait parler à propos de ces pays.
Nous pouvons leur donner une chance. Il y a la force policière, la justice et le réseau électrique. Une entreprise du Québec a mis sur pied un projet fantastique pour la reconstruction du réseau électrique du pays. Sur le plan de l'agriculture, Haïti pourrait reprendre la culture de la canne à sucre. Il y a donc des tas de raisons pour que nous restions sur place.
Quant à nos raisons de partir, ce sont les chances de succès limitées et le risque d'une nouvelle dictature, qui est certainement une réalité. Certains diront même que l'ancien président se prépare à occuper ce poste. D'autre part, notre présence là-bas pendant 20 ans ou plus pour essayer de préserver ou de développer cette démocratie risque de nous coûter très cher. N'oublions pas que les Américains ont essayé pendant 20 ans sans succès.
Il est nécessaire de prendre des engagements et d'établir un plan à long terme. Il est vraiment regrettable que l'ONU ne soit pas en mesure de le faire. À mon avis, l'ONU n'est pas capable de fonctionner. Nous en avons déjà discuté. C'est un échec tant sur le plan de l'organisation que sur le plan financier.
Ce genre de mission n'est pas aussi populaire que nous le souhaiterions au Canada. Le nombre de lettres et de commentaires que j'ai reçus... Je ne peux pas oublier l'assemblée publique où sur 300 personnes, deux seulement se sont prononcées pour cette mission. Les antécédents historiques augurent mal de l'avenir.
Par conséquent, que faudrait-il inclure dans la motion? J'y intégrerais quatre facteurs. Je vais essayer de les résumer. Il y aurait toutes sortes de détails. Je proposerai également un plan à long terme, mais nous n'avons pas le temps d'en parler et c'est en dehors de notre discussion d'aujourd'hui. Mais monsieur LeBlanc, si vous voulez discuter d'un plan à long terme pour Haïti...
M. LeBlanc: Peut-être pourriez-vous déposer votre plan à long terme.
M. Mills: Certainement. J'ai un plan dont je me ferai un plaisir de discuter. J'en ai également parlé avec le ministre et on ne peut pas dire que nous n'essayons pas de présenter quelque chose de positif.
Mais il y a quatre facteurs. Le premier est le coût de notre participation. Je ne crois pas que le Canada puisse financer entièrement ce projet pendant six mois de plus ou encore un an ou même 20 ans. Ce ne serait pas acceptable. Les Canadiens ne seraient pas d'accord pour financer cette mission à 100 p. 100. Il nous faut la participation d'autres pays. Nous devrions peut-être même forcer la main aux Américains en leur disant qu'Haïti se trouve à leur frontière et qu'ils ont tout intérêt à financer cette intervention.
Deuxièmement, je crois qu'il faudrait envisager uniquement une force multinationale. Il est inacceptable que le Canada prenne entièrement les choses en main. C'est très bien que nous prenions la direction des opérations, nous avons toutes sortes de raisons de le faire, mais nous avons besoin de la participation d'autres pays. Cela témoignerait d'un appui à ce que nous essayons de réaliser en Haïti.
Troisièmement, le mandat doit être plus clair que celui que nous avons sous les yeux. Nous devons déterminer quelle est exactement sa portée.
Quatrièmement, l'une des conditions de notre participation doit être que l'ONU doit déposer un plan à long terme en collaboration avec nous, les Amis d'Haïti et l'OEA. En l'absence de plan à long terme, vous n'irez nulle part. Vous vous contenterez de jeter l'argent par les fenêtres et de tourner en rond.
Il y a donc quatre éléments: le coût, une force multinationale, un mandat précis et un plan à long terme. Ces quatre éléments devraient être en place pour que les Canadiens poursuivent leur participation au-delà du 30 juin de cette année.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Mills. Très bien fait et dans les temps impartis.
M. Mills: Merci.
Le président: Nous avons maintenant cinq minutes pour les questions ou observations. Avez-vous des questions ou des remarques à formuler?
Monsieur English.
M. English: C'est un simple commentaire sur l'exposé de M. Mills que j'ai trouvé excellent. Bien entendu, un amendement pourrait être apporté, mais d'après ce que je peux lire, la motion énumère quatre points en ce qui concerne les coûts. Elle dit que la mission doit être financée par l'ONU et cela semble donc répondre à ce que vous avez dit. Vous avez demandé une force multinationale et c'est ce qui est prévu ici également.
Pour ce qui est du troisième point soit un mandat plus clair, nous parlons de mettre l'accent sur la police ce qui, dans un certain sens, définit un mandat. Néanmoins, d'après ce que M. LeBlanc a dit, ce sera surtout le produit de ce dont il est question ici à savoir le mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. Le Canada ne peut pas décider cela à lui seul et bien entendu nous ne siégeons pas au Conseil de sécurité.
Enfin, je suis d'accord avec vous sur le quatrième point. La question que j'ai posée tout à l'heure à Mme McCallion en témoigne. Si je lis les observations du secrétaire général Boutros Boutros- Ghali, il semble également d'accord. Je ne sais pas si c'est possible en ce qui concerne le Conseil de sécurité, surtout compte tenu de l'attitude des Chinois et des Russes. Vos suggestions ne me semblent donc pas beaucoup s'écarter de ce qui est proposé ici.
M. Mills: Ce que je demande, en fait, c'est que M. LeBlanc décrive clairement quelles sont les possibilités de financement de l'ONU. Je ne connais pas la réponse, si ce n'est que, d'après ce que j'ai compris, la Chine a refusé jusqu'ici. Elle a réduit la durée à quatre mois au lieu de six. Elle a réduit le nombre de soldats et rien n'a été réglé en ce qui concerne la reconnaissance de Taïwan par Haïti. Par conséquent, je dirais que nous en sommes au même point qu'il y a quatre mois pour ce qui est des négociations avec les Nations Unies.
Quant à la question multinationale, personne ne s'est porté volontaire jusqu'ici pour participer au niveau multinational.
Nous proposons au gouvernement une résolution qui, pour le moment, ne semble même pas représenter une possibilité. Dans une semaine, que fera le gouvernement de cette résolution? Je suppose qu'il n'en tiendra pas compte et qu'il renouvellera le mandat pour six mois. Il faudrait bien souligner que l'ONU devrait être à la recherche de partenaires, à la recherche de financement et veiller à ce que le 30 juin nous ne soyons pas de nouveau pris au piège. Voilà ce qui m'inquiète.
Par conséquent, monsieur English, je conviens avec vous que ces suggestions se rejoignent, mais pour ce qui est de la réalité, je ne pense pas que ce soit possible.
Le président: Pourriez-vous répondre rapidement à cela?
M. LeBlanc: Tout d'abord, M. Mills ne doit pas oublier que nous ne sommes pas le Conseil de sécurité. Nous sommes un comité qui conseille le gouvernement canadien quant aux conditions qu'il devrait accepter pour poursuivre sa participation au processus en Haïti.
Deuxièmement, le Conseil de sécurité a été saisi de la question comme il se doit. Le secrétaire général a soumis au Conseil de sécurité un rapport dont nous avons tous la copie. Dans ce rapport, il recommande une forme de mission bien précise pour remplacer celle qui prend fin à la fin juin. Cette mission a des paramètres très détaillés et ils sont précisés dans son rapport.
Avant d'envisager quoi que ce soit d'autre, nous devons laisser ce processus suivre son cours. Le gouvernement demande principalement au comité d'appuyer une résolution qui engage le gouvernement dans la mesure spécifiée dans la résolution ou de toute autre façon sur laquelle nous nous mettrons d'accord afin que nous concentrions notre attention...
M. Mills: Francis, j'ai peut-être mal posé ma question. Si ces choses ne se réalisent pas, allons-nous nous abstenir d'aller en Haïti? Voilà quelle devrait être la question.
Le président: Oui, et c'est le noeud du problème.
Je pourrais peut-être passer la parole à Mme Debien.
[Français]
Madame Debien, est-ce que vous voulez faire un commentaire?
Mme Debien: Monsieur Mills, j'aurais juste une observation concernant les trois points que vous avez soulevés quant au plan à long terme, quant au mandat clair et quant à l'insertion du Canada dans une force multinationale.
Au sujet du plan à long terme, je suis bien d'accord avec vous qu'il va falloir que les Nations unies élaborent un plan de développement à long terme en ce qui concerne la problématique haïtienne. Par contre, je voudrais vous faire comprendre ma position. Par exemple, quand le feu prend à ma cuisinière, je me sers d'abord d'un extincteur chimique avant d'appeler les pompiers. Voilà une image qui illustre ma position. On pense donc à développer des éléments sécuritaires dans la maison.
Quant au mandat clair, je pense que M. LeBlanc y a fait allusion. Je crois en effet que c'est le Conseil de sécurité qui doit définir ce mandat. D'ailleurs, à la page 10 du Rapport du secrétaire général sur la mission des Nations unies, vous avez, au paragraphe 34, aux alinéas a), b) et c), une définition très claire de ce que devrait être le mandat du Conseil de sécurité. Je pense que le Canada va y participer comme il l'a toujours fait jusqu'à présent.
Quant à la présence du Canada au sein d'une force multinationale, nous en avons parlé plus tôt et la résolution qui est présentement devant nous le dit clairement: le Canada doit s'insérer au sein d'une présence multinationale.
Quant à la participation éventuelle et hypothétique du Canada seul à une mission, je pense que cela ferait l'objet d'un autre débat si jamais la situation se présentait.
Ce sont les trois observations que je voulais faire à la suite des trois points que vous avez soulevés dans votre énoncé.
[Traduction]
Le président: Je crois que Mme Debien a bien formulé le problème. Ce sont trois observations plutôt que des questions. Par conséquent, au lieu de demander une réponse, qui viendra sans doute au cours du débat...
[Français]
Mme Debien: Je ne vois pas d'inconvénients à ce que M. Mills réponde à mes observations.
[Traduction]
Le président: À moins que vous n'ayez une question précise à poser, comme votre temps de parole est écoulé, nous devrions passer au suivant.
M. Mills: Je dirais seulement qu'à mon avis la situation se résume à ceci. Si d'ici une semaine nous n'obtenons ce que nous demandons dans notre résolution, allons-nous dire non? Telle est la question à laquelle nous devrions répondre aujourd'hui, car elle est vraiment primordiale.
[Français]
Le président: Monsieur Bergeron.
M. Bergeron: Avant de commencer, je vais répondre tout de suite à la question que vient de poser M. Mills.
Si les conditions prévues dans la résolution et dans les attendus devaient être modifiées, est-ce qu'on devrait continuer notre participation? Si on devait absolument répondre à cette question, je pense que la réponse que je donnerais serait «oui». Je pense qu'on doit, quelles que soient les conditions, continuer notre participation en Haïti.
Mme Debien suggérait que cela fasse l'objet d'un autre débat. Il serait évidemment souhaitable, si les conditions devaient être modifiées, que nous procédions à un autre débat. Mais pour l'instant, je pense qu'il est important d'établir clairement que la participation du Canada et la solidarité que manifeste le Canada au peuple haïtien sont trop importantes pour que nous puissions, sur la base de considérations tout à fait futiles, tenter de trouver un moyen de retirer nos billes et de nous retirer d'Haïti.
Dans un premier temps, on pourrait demander la raison d'une telle insistance à participer à une mission en Haïti. Il y a plusieurs raisons qui militent en faveur de notre participation à une mission en Haïti. D'abord, il faut dire qu'Haïti fait partie du même hémisphère que nous. De plus, nous avons depuis de très nombreuses années des liens privilégiés avec Haïti.
M. le président soulignait à juste titre tout à l'heure la présence très ancienne des missions religieuses québécoises en Haïti. Il y a aussi, bien sûr, une langue commune qui nous unit: le français. Il y a également le fait que nous avons au Canada et particulièrement au Québec, à Montréal, la présence d'une très importante communauté haïtienne.
J'ai décrit les principales raisons qui nous amènent à être sensibles à la situation qui prévaut actuellement en Haïti.
D'autres raisons peuvent nous amener à être sensibles à la situation qui prévaut en Haïti et celles-ci découlent directement des choix et des conclusions auxquelles en est arrivé le Comité mixte spécial chargé de la révision de la politique étrangère concernant la nouvelle conception de la sécurité.
Il ne faut pas que cette nouvelle conception de la sécurité que nous avons définie dans le rapport du Comité mixte spécial chargé de la révision de la politique étrangère soit une espèce de terme creux. Nous avons défini la sécurité dans des termes beaucoup plus larges. On parlait de mouvements de population et également de trafic de drogues.
Il faut comprendre que si nous devions laisser le peuple haïtien à lui-même, dans l'état de totale anarchie dans lequel il se trouvait il y a quelques mois et dont il tente de se sortir avec l'aide de la communauté internationale, Haïti deviendrait, à n'en pas douter, une plaque tournante du commerce de la drogue dans l'hémisphère américain, et nous subirions directement les contrecoups de cette anarchie qui prévaudrait alors en Haïti.
Il faut donc absolument maintenir notre participation en Haïti à n'importe quelle condition. On peut bien sûr souhaiter la participation de la communauté internationale non seulement parce que le Canada et le Québec sont directement touchés ou directement concernés par la situation qui prévaut en Haïti, mais également parce que l'ensemble de la communauté internationale et particulièrement les États américains devraient se considérer concernés par la situation qui prévaut en Haïti.
On a un certain nombre de préoccupations en termes de coûts, et ces préoccupations sont légitimes. À cela je répondrai tout simplement que nous avons également écrit, dans le rapport du Comité mixte spécial chargé de la révision de la politique étrangère du Canada, que nous devions cesser de saupoudrer nos interventions à travers le monde et mettre davantage l'accent sur les missions à caractère régional.
Là on a un cas bien clair et bien évident d'une intervention régionale, dans notre hémisphère, où notre participation est absolument essentielle. L'intervention directe du Canada dans certaines missions de paix ailleurs dans le monde devient non pas moins importante, mais peut-être moins pertinente. Peut-être devrions-nous penser à mieux orienter, mieux centrer et mieux prioriser nos participations aux missions de paix et, par conséquent, envisager notre retrait de certaines missions au profit de certaines autres, dont la première devrait être la mission en Haïti. C'est mon avis.
On a aussi parlé du fait que les Américains avaient plutôt choisi de se retirer. Bien sûr, mais il faut comprendre que les Américains participent d'une autre façon à cette mission, que ce soit au niveau de la formation des magistrats ou au niveau de la formation des policiers. Les États-Unis continuent leur participation à cette mission et il ne faut pas croire ceux qui prétendent que les États-Unis se sont retirés.
Ils ont, bien sûr, retiré leurs troupes, et cela tient à plusieurs facteurs. D'abord, la participation à des missions de paix ne fait pas vraiment partie de la philosophie militaire des États-Unis. Par conséquent, il ne faut pas être surpris que les États-Unis aient agi comme ils l'ont fait en Somalie. Ils ont fait une intervention-choc pour rétablir des conditions de base qui pouvaient d'abord permettre l'intervention d'une mission des Nations unies et ensuite permettre à des pays plus habitués à ce genre de mission, dont le Canada, de prendre la relève et d'effectuer leur travail en tant que Casques bleus sur place.
Il y a également la question de la langue. Les États-Unis n'ont pas cette facilité à communiquer avec les Haïtiens qu'ont les soldats canadiens qui sont sur place en Haïti et qui sont, pour la plupart, des soldats québécois. Cela explique, à mon sens, le succès des troupes canadiennes en Haïti.
M. Mills faisait un souhait bien légitime lorsqu'il disait qu'il faudrait que d'autres pays participent et envoient des troupes en Haïti. Il faut toutefois souligner que parmi les contingents bangladeshi, pakistanais et canadien qui sont présentement en Haïti, ce sont les troupes canadiennes qui remportent le plus de succès sur le terrain et qui sont le mieux perçues par la population haïtienne. Pourquoi? C'est parce que nous avons une philosophie très ouverte. Nous parlions tout à l'heure de philosophie de police communautaire. C'est presque de cela qu'il s'agit jusqu'à un certain point en Haïti, puisqu'en dehors de leurs heures régulières de travail, nos troupes vont sur le terrain pour aider les populations haïtiennes à des projets très concrets, lesquels sont souvent administrés ou coordonnés par l'ACDI.
J'en viens rapidement à ma conclusion, monsieur le président. Le facteur de la langue est également très important et permet à nos troupes d'être très près de la population sur le terrain.
Je souscris d'emblée aux quatre principes évoqués par M. Mills et, tout comme M. English, je considère que ces quatre principes ne font pas ombrage à la résolution qui est devant nous. Je tiens cependant à préciser que, lorsqu'on parle d'un mandat clair des Nations unies, quant à moi, je pense bien humblement qu'il est très clair. Le problème, c'est que les conditions qui prévalent sur le terrain se modifient continuellement. On ne peut dire qu'elles rendent la participation des Nations unies difficile, mais je dirais que c'est un processus en pleine évolution. Il y a toujours des modifications à apporter à la participation et c'est à la lumière de la situation qui prévaut actuellement en Haïti et à la suite de notre participation à cette mission depuis déjà six mois que nous devons conclure qu'il est impérieux de la poursuivre.
Nous parlions de choix judicieux qui devaient être faits dans l'intérêt des contribuables canadiens. C'est dans leur intérêt que je fais cette recommandation, puisque si nous devions maintenant retirer nos billes d'Haïti, tout l'argent, tous les efforts et toutes les énergies que les Canadiens y ont investis jusqu'ici l'auraient été en pure perte; l'argent des contribuables aurait été carrément gaspillé.
Je plaide donc avec force et insistance en faveur de la poursuite de la participation canadienne à la mission des Nations unies en Haïti.
Le président: Merci, monsieur Bergeron.
[Traduction]
Monsieur Mills.
M. Mills: Nous sommes d'accord sur un tas de choses et Stéphane en conviendra sans doute.
Le premier ministre a dit que nous ne participerons pas s'il ne s'agit pas d'un effort multinational, si ce n'est pas financé par l'ONU. Il a été assez clair. Je me demande si cela pourrait être ajouté sous la forme d'une modification. Nous nous pencherons sur des détails qui pourraient être ajoutés à l'amendement. Je voudrais savoir ce que Stéphane en pense.
Deuxièmement, il dit que nous avons investi beaucoup d'argent. L'ACDI nous a laissé entendre que nous devrions poursuivre la mission quelle que soit la structure en place. Nous sommes intervenus sous une dictature. Vous savez quels problèmes nous avons eus avec Cédras et quel est le marché qui a été conclu. L'entente concocté pour accorder à Cédras un cadeau d'adieu a suscité beaucoup d'amertume. Si nous poursuivons la mission pendant seulement six mois, nous risquons d'avoir à dépenser encore plus d'argent si nous n'essayons pas de bâtir quelque chose à plus long terme. Cela pose un problème.
Le président: Me permettez-vous de clarifier votre question pour la gouverne du comité? La résolution porte actuellement que le comité permanent recommande fortement - même avec la modification de M. Bergeron - «la poursuite de la participation canadienne au sein d'une mission multinationale, financée par les Nations Unies et mandatée par le Conseil de sécurité de l'ONU...». Quelle meilleure garantie voulez-vous? Que pourrions-nous ajouter de plus?
M. Mills: Je ne suggère pas d'allonger cette motion. Laissons-la telle quelle et précisons que nous n'agirons pas unilatéralement. Je prépare cette modification et je vous la donnerai dans un instant pour que vous la remettiez à M. LeBlanc.
Le président: D'accord, merci.
Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Bergeron: Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi le dernier argument de M. Mills.
Le président: Si j'ai bien compris, M. Mills suggérait que nous complétions le texte en disant que si ces conditions ne sont pas remplies, nous ne serons pas là non plus.
M. Bergeron: Je dirais d'emblée que je suis plutôt d'accord sur ce que vous dites; c'est-à-dire que la résolution parle d'elle-même.
Si les conditions devaient être modifiées, comme je le signalais tout à l'heure, elles feraient certainement l'objet d'un autre débat. Je ne crois toutefois pas que nous puissions actuellement aller jusqu'à dire que si les conditions définies dans les attendus de cette résolution et dans la résolution elle-même n'étaient pas remplies, nous ne participerions pas à une mission donnée. Je crois que nous ne pouvons pas aller aussi loin.
Par contre, sans l'inclure dans la résolution, je crois que nous pouvons dire que si les conditions n'étaient pas remplies, nous devrions très certainement nous interroger sur la participation canadienne et tenir alors un autre débat. J'y participerai avec plaisir et réitérerai que nous devons maintenir notre présence en Haïti, quelles que soient les conditions. Je pense en avoir expliqué les raisons.
Quelle était l'autre question posée par M. Mills?
[Traduction]
M. Mills: Non, je disais plus ou moins qu'il fallait aligner tous ses pions et avoir un plan à long terme. Vous serez sans doute d'accord avec moi. Nous avons besoin d'un plan à long terme au lieu de viser seulement une période de six mois. Nous risquons de jeter simplement l'argent par les fenêtres.
Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais M. Morrison a une question ou une observation à formuler. Peut-être pourriez-vous répondre aux deux en même temps.
Nous allons donc passer au suivant.
M. Morrison: Stéphane ne semble pas comprendre que si vous approuvez une certaine façon de faire, comme nous le ferions en adoptant cette motion, c'est une chose, mais que si vous précisez que vous n'approuverez pas une façon de faire entièrement différente, c'est une toute autre histoire. C'est fréquent en droit contractuel. Les avocats le savent. Vous dites non seulement ce que vous ferez, mais également ce que vous ne ferez pas.
Ce sont peut-être deux concepts distincts, mais il faudrait préciser au gouvernement que même si notre comité est prêt à aller de l'avant et à appuyer une présence multinationale, il n'approuve absolument pas une action canadienne unilatérale. Il faudrait le préciser.
[Français]
M. Bergeron: Je réitère que je suis prêt à définir ce que nous sommes prêts à faire à l'intérieur des paramètres définis dans la résolution. Je ne suis toutefois pas prêt à aller jusqu'à dire que nous n'allons rien faire si les paramètres ne sont pas respectés. Voilà ma position sur ce point.
Quant au point soulevé par M. Mills sur la planification à long terme, je pense avoir abordé cette question lors de ma présentation lorsque je disais que nous avions affaire à un processus en pleine évolution. Nous ne sommes pas en mesure de dire où en sera la démocratie ou la justice en Haïti dans six mois. Nous pourrions essayer de prévoir ou de prendre des mesures en vue d'atteindre un certain objectif à un certain moment. Nous sommes dès maintenant en mesure de voir ce qu'on a accompli en six mois et qui, à mon avis, est tout à fait considérable. Je ne crois pas que nous puissions dire que jusqu'ici, nous ayons investi de l'argent en pure perte.
Je ferai un commentaire sur une autre question soulevée par M. Mills dans sa présentation. Il ne s'agit pas simplement des sommes que l'ACDI investit et qu'elle investirait de toute façon, quel que soit le régime en place. Il s'agit de sommes que nous investissons en plus des sommes versées par l'ACDI afin que les conditions nécessaires au rétablissement de la démocratie et de la justice en Haïti puissent être mises en oeuvre.
L'investissement que nous faisons depuis un certain nombre de mois se solderait par une pure perte si nous devions nous retirer maintenant. Je suis d'accord que nous nous assurions de ne pas continuer à investir inutilement, sans savoir si tout cet argent aura ou non un effet positif dans ce pays. J'ai discuté avec des gens du pays, tout comme vous l'avez fait, monsieur Mills, notamment avec des religieuses québécoises qui étaient sur le terrain depuis déjà 30 ou 40 ans et qui me disaient que pour la première fois, elles sentaient que quelque chose se passait et qu'il y avait là un embryon de conditions nécessaires au rétablissement d'une véritable démocratie et d'un véritable développement.
Si nous devions nous retirer, nous mettrions un terme à cet embryon d'espoir qui existe actuellement en Haïti.
Merci.
Le président: Je passe maintenant la parole à M. Dupuy.
Votre temps est expiré, monsieur Bergeron, mais je suis certain qu'on aura l'occasion de réexaminer les répliques sur les répliques aux répliques. Monsieur Dupuy.
M. Dupuy (Laval-Ouest): Merci beaucoup. Nous avons un problème assez bien défini sur le tapis. Nous devons faire des recommandations quant à la prolongation d'un certain mandat de la mission des Nations unies à Haïti. C'est la première question.
La deuxième question, c'est la participation du Canada à cette mission. Ce sont les deux sujets dont nous traitons aujourd'hui.
Si je commence par dire ces choses, c'est qu'on peut parler d'Haïti en général, de son avenir, de son passé, de son développement économique, de toutes sortes de circonstances qui pourraient se produire. Mais là n'est pas l'objet de notre débat. L'objet de notre débat, c'est la mission des Nations unies en Haïti et la participation du Canada à cette mission.
Je crois que nous nous entendons tous pour reconnaître que le Canada a une responsabilité en Haïti. Je n'ai pas besoin de faire allusion à beaucoup des aspects qui nous lient à l'histoire d'Haïti. Nous avons bien sûr envoyé des missionnaires en Haïti. Il y a une immigration haïtienne au Canada qui est fort importante. Nous avons soutenu le développement économique d'Haïti par le biais des programmes bilatéraux et multilatéraux. Et plus récemment, nous avons soutenu vigoureusement le retour de la démocratie en Haïti.
C'est une politique multipartite. Elle n'a jamais divisé les partis du Parlement canadien au cours des dernières années. Je voudrais le mentionner; il y a la fraternité linguistique que nous avons avec le peuple haïtien. Nous sommes francophones. Il est donc naturel que nous essayions d'aider Haïti. C'est le premier point. Nous sommes d'accord qu'il y a une responsabilité du Canada vis-à-vis d'Haïti.
Je comprends très bien les observations que M. Mills et M. Morrison ont faites sur le partage des responsabilités. Nous ne sommes pas seuls à être responsables en Haïti. Ce qui est intéressant, c'est que le gouvernement d'Haïti ne veut pas avoir un seul partenaire international. C'est ce qu'ils ont connu dans le passé et ils en ont souffert. Donc, du côté même de leur gouvernement, les Haïtiens ne veulent pas avoir un seul pays chez eux. Ils veulent avoir la communauté internationale.
Quelle est la situation actuelle à Haïti? C'est un autre point dont on a débattu. Est-elle tellement désespérée qu'on doive lever les bras au ciel et se dire qu'il n'y a plus rien à faire là? Ou doit-on se dire, au contraire, qu'après y avoir fait des investissements considérables, il y a maintenant une chance, la première dans l'histoire de ce pays qui a connu bien des vicissitudes, d'y implanter la démocratie. Il y a un bon départ.
Je dirais que, dans cette conjoncture, à ce moment-ci, oui, nous devons aider Haïti à permettre l'implantation, l'enracinement de la démocratie. Y a-t-il des plans? Oui, il y a des plans. Si vous regardez le côté économique des choses, il y a des politiques économiques, sociales et financières qui sont en train d'être mises en place et auxquelles concourent la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les amis d'Haïti. Il y a une vision et un plan de développement pour Haïti qui est difficile à appliquer, bien sûr, mais qui existe.
Si vous pensez à la politique interne, oui, il y a un plan. C'est la réconciliation nationale. Ce n'est pas une tension que l'on cherche à maintenir en Haïti. Il y a plus qu'une intention; il existe des politiques et un plan. En ce qui concerne la sécurité, oui, il y a un plan et il est en voie d'exécution. Non seulement est-il en voie d'exécution, mais l'étape la plus importante a été faite, soit la dissolution de l'armée et son remplacement par des forces policières.
Donc, je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il n'y a pas de plan pour Haïti et que le pays est en pleine anarchie. Oui, il y a des circonstances extrêmement difficiles, qui peuvent parfois sembler anarchiques, mais il y a une orientation, des politiques et un plan.
Je crois que la mission des Nations unies doit être maintenue, car la situation demeure très critique et très fragile en Haïti. Donc, je n'hésiterai pas à soutenir cette résolution qu'on nous demande d'approuver et qui propose le maintien d'une présence des Nations unies.
Je souhaiterais proposer un amendement qui reflète, je crois, la pensée de M. Flis. Je crois que nous devons, conformément à ce qui se passe aux Nations unies, indiquer que ce renouvellement est pour six mois. C'est cela qui sera devant le Conseil de sécurité. Je suis tout à fait d'accord avec ceux qui disent qu'on ne peut pas recommander un mandat sans y assortir une période définie. Donc, je me propose de présenter un amendement incluant l'idée que le renouvellement de la présence des forces des Nations unies doit être pour six mois.
L'autre élément que j'aimerais ajouter pour renforcer la résolution...
[Traduction]
Cela va, je crois, dans le sens des commentaires de M. Morrison et de M. Mills... Nous pouvons renforcer l'idée selon laquelle il s'agit là d'une responsabilité multinationale. Le fait que nous nous en remettions aux Nations Unies et que nous fassions nos recommandations au gouvernement pour traiter avec le Conseil de sécurité - c'est le but que nous poursuivons - montre que nous voulons rester dans le cadre d'un effort multinational.
C'est mentionné dans le dernier paragraphe de l'introduction, avant la résolution, et je voudrais ajouter un libellé qui précisera encore mieux que nous voulons une action multilatérale.
[Français]
Aimeriez-vous que je présente ces amendements maintenant?
Le président: Oui, à moins que vous ne préfériez discuter avec M. LeBlanc pour voir s'il y a consensus.
M. Dupuy: J'ai déjà eu l'occasion de parler à M. LeBlanc.
Le président: D'accord. Donnez-nous le texte afin que les autres membres du comité puissent faire leurs commentaires. Cela pourrait nous aider.
M. Dupuy: Essentiellement, je suis de très près le projet de résolution de M. LeBlanc, mais j'y incorpore des propositions que M. Bergeron nous a faites. La résolution se lirait comme suit:
- Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international recommande
fortement le renouvellement pour six mois d'une mission multinationale à Haïti...
C'est la première question que nous devons régler. Il s'agit de prolonger la mission des Nations Unies et de préciser une durée.
[Français]
Le reste de la résolution se lit comme elle est présentement rédigée par M. LeBlanc, et j'ajouterais un élément sur la participation du Canada, compte tenu de ce que d'autres pays doivent partager cette responsabilité.
[Traduction]
Nous répétons simplement dans la résolution ce qui figure dans le dernier paragraphe d'introduction. Il est dit qu'à notre avis d'autres pays doivent partager cette responsabilité.
Pour conclure, si cela peut aider mes collègues réformistes, je dirais simplement que j'ai dû faire face à ce genre de situation lorsque j'étais ambassadeur du Canada aux Nations Unies et que j'ai participé au débat sur le renouvellement d'une mission à Chypre.
Il est extrêmement difficile de dire au Conseil de sécurité que s'il fait quelque chose de déraisonnable, nous n'agirons pas unilatéralement. Vous devez préciser ce que vous allez faire et dans quelles circonstances vous le ferez, mais pas émettre ce genre d'avertissement, car ce n'est pas la même chose.
Si le Conseil de sécurité décidait de ne pas renouveler la mission et si personne aux Nations Unies ne voulait discuter davantage d'Haïti, le gouvernement canadien devrait alors réexaminer la situation. C'est dans ce contexte que les arguments tout à fait pertinents de nos collègues devraient être considérés.
Mais je les exhorterais à ne pas inclure cela dans une résolution officielle. Nous avons encore un peu de temps devant nous et je suis certain que le gouvernement canadien ne décidera pas de se lancer unilatéralement dans une opération en Haïti sans consulter les parlementaires.
Le président: Nous disposons de très peu de temps pour les questions et observations.
Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Bergeron: Je ferai un court commentaire. Simplement pour une question de compréhension et de qualité du français, je modifierais la fin de la première partie de la résolution, telle que modifiée par M. Dupuy si, bien sûr, cette modification plaît à celui qui a proposé la résolution. Quant à moi, je suis prêt à laisser tomber ma proposition d'amendement pour adopter celle de M. Dupuy.
Toutefois, j'apporterais la correction suivante. La fin de la phrase initiale se lit: «afin d'assurer que la démocratie va continuer de se développer dans ce pays», ce qui me paraît un peu boiteux en termes de français. On remplacerait donc ceci par: «afin d'assurer la consolidation de la démocratie dans ce pays».
Le président: Une brève question, monsieur Dupuy. M. Bergeron a fait référence, et vous aussi, à la place de la communauté haïtienne au Canada et donc à l'importance de notre rôle au sein de cette mission. Est-ce qu'à votre avis, nous exploitons de façon appropriée la présence de notre communauté haïtienne et est-ce que nous l'aidons par notre action à Haïti?
M. Dupuy: J'ai des contacts très chaleureux avec la communauté haïtienne, particulièrement montréalaise, et je crois que cette communauté a toujours appuyé la politique du gouvernement, quelle que soit la couleur de ce gouvernement, puisque les conservateurs ont eu la même politique d'appui à la démocratie. Cet appui à la démocratie prend maintenant la forme d'un maintien de la sûreté et de l'ordre à Haïti d'une façon qui est chaleureuse, discrète et efficace.
Je pense que si nous avions parmi nous des représentants de la communauté haïtienne, ils seraient très heureux de voir que, par notre résolution, nous confirmons notre désir de continuer à contribuer au bon ordre et à l'enracinement de la démocratie dans leur pays tout entier.
Le président: Merci beaucoup. Madame Debien.
Mme Debien: L'aide du Canada en Haïti est significative, comme on l'a dit plus tôt, parce que la différence entre la situation qui prévalait autrefois et celle de maintenant est vérifiable. C'est d'ailleurs l'un des aspects fondamentaux de l'énoncé de la politique étrangère du Canada, c'est-à-dire intervenir dans des pays où la présence du Canada peut constituer une différence.
Quant au sentiment de sécurité que la population haïtienne ressent maintenant, j'ai pu le constater et le partager alors que, pendant les élections législatives et sénatoriales de juin 1995, j'étais affectée dans la région de Hinche, sur le haut plateau de Lascahobas, pendant 10 jours.
Je peux peut-être répondre à une des interrogations soulevées plus tôt par M. Morrison sur la situation dans l'arrière-pays.
Lascahobas-Hinche est une région montagneuse située à six heures de Port-au-Prince, donc très éloignée des grands centres. Comme je viens de le mentionner, j'ai pu constater sur place comment ce sentiment de sécurité que ressentait la population était important, cela grâce à la présence, bien qu'alors très peu nombreuse, de forces policières et militaires dans ce pays.
Ce sentiment de sécurité a aussi en quelque sorte favorisé une prise en charge par ces petites communautés locales et ces petits villages de leur propre sécurité. Il y avait comme des réseaux informels de citoyens, des réseaux non organisés de transmission de l'information au sujet de ce qui se passait et de ce qui allait se passer pendant l'élection.
Ici au Canada, et particulièrement au Québec que je connais davantage, nous disposons d'un réseau communautaire de police. Là-bas, des réseaux communautaires de citoyens informels véhiculaient déjà cette attitude de responsabilisation personnelle face au maintien de la sécurité dans les toutes petites communautés. Cela se faisait parce qu'on savait que dans un village donné, il y avait un petit poste militaire ou un petit poste de police.
J'ai vécu une expérience très concrète qui s'est poursuivie par la suite. C'est une des réponses que je voulais apporter à la suite de l'interrogation de M. Morrison afin de le rassurer.
Une forte communauté haïtienne habite dans ma circonscription de Laval-Est et je rencontre souvent ses membres. Depuis un an et demi ou deux, beaucoup d'Haïtiens de la diaspora retournent dans leur pays pour voir ce qui se passe, ce qu'ils avaient peur de faire autrefois.
La semaine dernière, une grand-mère tout heureuse est venue me montrer son billet d'avion. Elle partait pour aller voir ses petits-enfants cette semaine, et cela sans crainte parce qu'elle était certaine que là-bas, tant sa propre sécurité que celle de ses petits-enfants serait assurée.
C'est ce que font actuellement en Haïti les forces policières canadiennes et québécoises. Le peuple haïtien peut maintenant sortir sans crainte, s'exprimer librement, chanter, danser et reprendre une vie normale. Je pense qu'il faut lui donner toutes les chances de continuer à le faire. Je crois que la résolution qui est devant nous comble cette nécessité et je souhaite vivement que le comité l'adopte en vue de consolider la démocratie en Haïti.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. English): Monsieur Flis, puis M. Mills.
M. Flis: Est-ce pour mon exposé ou pour les questions?
Le vice-président (M. English): Les questions d'abord.
M. Flis: J'ai une question à propos de ce qu'a dit Mme Debien. Je me demande si elle ne pourrait pas nous fournir certains faits et certains chiffres. Depuis 1994, les Haïtiens résidant au Canada ont-ils été plus nombreux à se rendre en Haïti? Quel était le but de leur visite? Font-ils des investissements en Haïti? Est-ce seulement pour visiter des membres de leurs familles? Tout à l'heure, quelqu'un a dit que nous n'avions peut-être pas fait suffisamment de promotion auprès de la communauté haïtienne du Canada et je pense que la députée compte davantage de Canadiens d'origine haïtienne dans sa circonscription que moi à Toronto. Peut-être pourrait-elle nous en parler.
[Français]
Mme Debien: Je n'ai pas compilé de statistiques à cet effet, mais je me base sur ma perception des faits. Les gens de la diaspora haïtienne actuelle semblent d'abord aller voir ce qui se passe et vérifier si la situation s'est vraiment améliorée et est plus sécuritaire qu'elle ne l'était. En ce sens, je trouve que la grand-maman qui part cette semaine pour aller voir ses petits-enfants et qui veut s'assurer qu'ils sont bien en sécurité est très courageuse. C'est la première fois qu'elle peut le faire depuis de nombreuses années.
C'est sur le plan des perceptions et de l'observation de petits faits concrets comme ceux-ci que je puis personnellement vérifier s'il y a eu des progrès.
D'autres membres de la communauté haïtienne qui sont allés vérifier sur place me disent vouloir retourner dans leur pays pour quelques années afin de donner un coup de main. Je connais un médecin et quelques avocats qui, devant la conjoncture haïtienne, ont le goût de donner un coup de main. Il reste à déterminer de quelle façon ils pourront le faire. On sent une effervescence face à ce qui se passe dans leur pays.
Je ne dis pas pour autant que ces gens sont prêts à quitter le Québec et le Canada demain matin. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais il existe actuellement une attirance réelle. Les gens veulent aller vérifier si les choses ont vraiment changé, ne serait-ce que pour s'assurer que les membres de leur famille, qu'ils n'ont pas vus depuis de nombreuses années, sont en sécurité et se portent bien.
C'est ce que je constate et ce que je perçois actuellement. Le ministère, par le biais de l'ACDI et des ONG qui sont sur place, pourrait peut-être nous donner des comptes rendus ou des précisions sur le flux de la communauté haïtienne vers Haïti et vice-versa.
Le président: Merci, madame Debien.
[Traduction]
Monsieur Mills.
M. Mills: J'ai une ou deux questions à poser au sujet de votre exposé.
Premièrement, l'un des témoins que j'espérais voir ici était quelqu'un du milieu des affaires en Haïti qui emploie du personnel. Ceux qui emploient de la main-d'oeuvre là-bas... Si les gens ont un emploi, ils font partie de la classe moyenne. On m'a dit que bien des Haïtiens ne peuvent pas voter, parce que pour s'inscrire - et je sais que vous y avez participé - il faut sacrifier une ou deux journées de travail. Par conséquent, si vous êtes en chômage, vous ne voyez pas d'objection à consacrer un jour ou deux à vous inscrire, mais si vous travaillez, comme vous n'avez pas le temps de le faire, vous êtes privé du droit de vote.
Deuxièmement, il y a 75 familles riches et un grand nombre d'expatriés. Vous avez parlé de certaines personnes de votre circonscription. Là encore, d'après ce qu'on m'a dit - et je ne peux pas le vérifier, mais j'aimerais que ce soit possible - ces personnes n'investissent pas en Haïti. Elles vont peut-être là-bas pour visiter leur famille, mais elles n'y investissent pas leur argent. Elles ont la garantie d'un meilleur rendement si elles investissent au Canada, en France, aux États-Unis ou ailleurs.
Cela pose un sérieux problème. Si ces gens n'investissent pas dans leur propre pays alors que leur famille y vit, cela pose un problème. Il y a bien sûr le fait que la classe moyenne ne puisse pas voter.
[Français]
Le président: Madame Debien.
Mme Debien: Si j'ai bien compris votre question, vous parlez de l'enregistrement des élections, un processus qui exige beaucoup de temps de la part des travailleurs.
Vous avez pu voir, à la lecture des dossiers qui nous ont été remis, combien le processus électoral haïtien était compliqué.
En 1995, cette population analphabète à 75 p. 100 devait voter pour des députés, des sénateurs, des maires et des vice-maires lors d'un même scrutin. Je trouve personnellement que ce processus électoral est d'une complexité incroyable.
Malgré tout, malgré la complexité de ce système et malgré les problèmes survenus dans certaines régions, une très grande partie de la population a réussi à voter lors de ces élections législatives, sénatoriales et municipales.
En l'absence de moyens de communication et de soutien technique, le processus d'enregistrement s'est aussi révélé très compliqué.
La préparation que les officiers d'élection ont reçue de la MICIVIH avant les élections de 1995 fut vraiment très élémentaire. Le processus d'enregistrement a donc été très long et, dans certains cas, la composition de la liste électorale plutôt compliquée. Mais malgré tout, des élections démocratiques furent tenues en 1995.
Des améliorations devront sûrement être apportées au processus d'enregistrement pour les prochaines élections parlementaires. C'est par ailleurs une des recommandations que nous avons faites à titre d'observateurs à la suite de l'élection de 1995.
Quant aux expatriés de la diaspora haïtienne et aux investissements qu'ils pourraient faire dans le pays, il faut admettre qu'avant d'investir dans quelque pays que ce soit, tout investisseur s'assure de la sécurité de ses investissements dans le pays concerné. Cette sécurité n'est pas actuellement fermement implantée en Haïti et c'est pourquoi les investisseurs de la diaspora haïtienne n'y n'investissent pas. C'est justement la raison pour laquelle nous discutons ici ce matin de consolider la démocratie et d'assurer la sécurité dans ce pays.
Nous devons d'abord franchir cette étape avant d'inciter les investisseurs de la communauté haïtienne à investir. Cette étape préalable est à la base de notre résolution de ce matin au comité; il nous faut assurer cette sécurité et cette consolidation de la démocratie avant de dire aux investisseurs de procéder. Ceci est vrai pour n'importe quel pays, et non pas seulement pour Haïti. Je ne vois vraiment pas pourquoi nous demanderions aux investisseurs de la diaspora haïtienne de réagir autrement que ceux d'autres pays; peu importe le pays vers lequel il s'oriente, un investisseur demeure un investisseur.
Rétablissons la démocratie et assurons le maintien de la sécurité. Des gens de la diaspora haïtienne décideront peut-être alors de retourner dans leur pays et les investisseurs retourneront peut-être aussi y investir. Je pense qu'il y a un préalable qu'il nous faut franchir, et c'est ce matin qu'il faut le faire.
[Traduction]
Le président: Avant de céder la parole à M. Flis, nous avons là plusieurs résolutions qui modifient le libellé de la résolution principale. Quand ce sera au tour de M. Flis, peut-être pourrait-on en discuter. Si nous devons prendre une brève pause, nous le ferons; autrement, nous allons essayer de passer au vote immédiatement. Mais il serait utile que nous n'ayons pas à voter sur six amendements. Cela prendrait beaucoup de temps.
M. Flis: Si j'ai bien compris, pendant que je vais faire mon exposé, les autres membres du comité n'auront pas besoin de m'écouter. Ils pourront étudier les autres résolutions.
Le président: Non, monsieur Flis. Bien entendu, intelligents comme ils sont, les membres du comité pourront à la fois vous écouter et préparer leurs résolutions.
M. Flis: Ce ne sera pas long, monsieur le président.
Pour ce qui est du débat d'aujourd'hui... je me réjouis que nous tenions ce débat publiquement, en même temps que la Chambre des communes siège. Cela montre que les députés peuvent tirer profit au maximum de leur temps en tenant des débats publics sur des questions aussi importantes que celle-ci.
Le macaron que je porte m'a été offert à l'occasion du premier anniversaire du retour au pouvoir de l'ancien président Aristide. Il porte la devise «Rebâtir Haïti - Rebuild Haïti» et tel est, selon moi, le sens de la résolution sur laquelle nous allons voter.
Le Canada participe à cette reconstruction depuis de nombreuses années, non pas seul, mais avec d'autres pays.
Ce débat porte également sur la nature même du Canada qui possède de riches ressources et tout le reste. Les Canadiens sont bien connus pour leur idéologie, leur identité et pour leur désir d'aider ceux qui sont dans le besoin. C'est ce que prévoit notre politique étrangère, nous apportons de l'aide aux plus pauvres. C'est ce que nous faisons en Haïti.
Voilà donc un excellent exemple de l'aide non seulement à court terme, mais à long terme du Canada.
M. Mills se demandait où était notre plan à long terme pour Haïti. Je demanderais à M. Mills et à tous les membres du comité de se reporter au document qui nous a été envoyé par la greffière et qui porte sur le programme de l'ACDI en Haïti. Les deux principaux objectifs qui y sont énoncés sont d'abord la réduction de la pauvreté et ensuite le renforcement de la démocratie. Tels sont les deux objectifs.
Puis, l'ACDI énumère neuf secteurs en indiquant comment ces objectifs sont atteints, comment on s'attaque à la pauvreté grâce à la création d'emplois dans les régions rurales et pauvres, en renforçant la société civile, en procédant à une réforme de la police et des tribunaux, en apportant une aide technique, sous la forme d'énergie, d'aide alimentaire, de coopération industrielle, de coopération avec les ONG - à raison de 3 millions par an et 20 ONG reçoivent maintenant une aide financière de l'ACDI pour travailler en Haïti - de même que dans le cadre de programmes multilatéraux financés par l'aide humanitaire d'une valeur de 3,2 millions de dollars que l'UNICEF apporte à Haïti.
L'ACDI a annoncé son intention de réviser ce programme afin de mettre en place un plan à long terme après juin 1996. Cela inclura des activités de développement à long terme qui s'accompagneront d'une aide d'urgence réduite.
De nouvelles initiatives, orientées davantage vers la protection de l'environnement et la promotion des femmes seront lancées. La stratégie continuera de mettre l'accent sur les priorités telles que le système judiciaire, la formation des policiers et des magistrats, la réforme économique, la réforme de l'emploi, l'énergie et l'assistance technique.
Voilà le plan à long terme, mais il ne peut pas être mis en oeuvre sans la sécurité qu'offre la police. L'investissement fait depuis deux ans par les contribuables canadiens risque d'être perdu si nous ne le protégeons pas. La meilleure protection, selon moi, consiste à prolonger de six mois les services de nos casques bleus et la formation des policiers.
Voilà pourquoi j'insiste pour que cette clause de six mois soit incluse dans notre résolution, car il est normal que les Nations Unies révisent leurs programmes au bout de six mois. Je me réjouis que M. Dupuy l'ait incluse sous forme d'amendement.
Cet amendement répond également aux préoccupations du Parti réformiste qui ne veut pas que le Canada agisse seul. Nous voulons que d'autres pays participent à cette mission.
J'avais quelques objections au sujet de la résolution de départ, mais avec les modifications proposées par le Bloc et M. Dupuy, qui tiennent compte des inquiétudes du Parti réformiste, je pense que nous avons là une excellente résolution que nous pouvons être fiers d'appuyer.
Le président: Par conséquent, monsieur Flis, pour ce qui est des aspects positifs et négatifs, vous estimez que si nous apportons ces modifications à la résolution, il sera parfaitement clair que telles sont les conditions auxquelles nous appuyons cette initiative et nous n'aurons pas à nous perdre en conjectures quant aux autres conditions que nous n'accepterions pas.
M. Flis: Nous faisons une recommandation au gouvernement. C'est à lui qu'il revient de décider. S'il décide de ne pas prolonger la mission au-delà du 30 juin, il doit proposer un plan. Mais s'il accepte notre résolution de prolonger le mandat, il négociera au niveau multilatéral et avec les Nations Unies.
Le président: Merci. J'ai compris.
Voilà qui termine les discussions et le débat. La sonnerie a commencé à retentir à 11 h 40. Cela veut dire que le vote aura lieu à 11 h 55. C'est une sonnerie de 15 minutes.
Nous avons une autre question à soulever, celle du Nigeria. Nous devons également examiner cette résolution.
Pendant que nous en discutons, j'ai ici une résolution très courte qui fait suite à la comparution de M. Walter McLean avant- hier. Je pourrais peut-être vous la lire pour voir si nous sommes tous d'accord.
[Français]
Je n'ai pas la traduction de cette résolution et je demanderai donc aux interprètes de la traduire au fur et à mesure que je la lirai.
[Traduction]
Voici la résolution que l'on nous suggère d'adopter:
- Attendu que le Canada a joué un rôle important dans la rédaction de la Déclaration universelle
des droits de l'Homme de 1948 et que cette Déclaration demeure pertinente comme en
témoignent les résolutions du comité sur le Nigeria et Haïti, le comité appuie l'initiative de
l'Association pour les Nations Unies au Canada visant à célébrer le 50e anniversaire de la
Déclaration, en 1998, d'une façon très visible et économique.
Monsieur English.
M. English: Je voudrais seulement dire quelques mots, car j'étais là quand vous avez fait l'exposé sur cette question. Nous n'étions pas très nombreux au comité à ce moment-là.
M. McLean a formulé une série de recommandations assez détaillées voulant que le Canada célèbre le 50e anniversaire de la Déclaration universelle. Il a rencontré les représentants de tous les gouvernements provinciaux ainsi que les ministères compétents du gouvernement fédéral. Plusieurs des activités qu'il a prévues n'exigent aucun financement. Il s'agit de simples déclarations qu'il demande à certains groupes de faire.
La deuxième chose qu'il a demandée concernait certaines activités particulières qui seraient financées en partie par le secteur privé et en partie par d'autres gouvernements. Il a surtout fait valoir que le Canada avait joué un rôle très important dans la rédaction de la Déclaration universelle, il y a 49 ans, et qu'il faudrait le souligner.
Le 50e anniversaire des Nations Unies a été célébré l'année dernière et il semblait souhaitable de marquer cet autre anniversaire. De nombreux Canadiens ont participé aux célébrations de l'année dernière et cet événement soulignera l'importance d'un élément primordial de la politique étrangère du Canada et des fondements de nombreuses déclarations des droits de la personne que le Canada a faites en tant que pays et que les provinces ont faites de leur côté.
Le président: Dois-je en conclure que vous venez de proposer la résolution que j'ai lue?
M. English: Certainement.
Le président: Merci beaucoup.
M. Dupuy: Je suis prêt à l'appuyer.
Le président: Voulez-vous en discuter davantage?
Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré: Monsieur le président, j'appuie cette motion, mais puisque j'étais absent lors de la comparution de M. McLean mardi, je souhaiterais que les rencontres ne se limitent pas à des félicitations, mais que nous profitions de ce moment important pour poursuivre la promotion des droits de la personne, démontrer l'attachement des Canadiens à cette valeur et sensibiliser le public.
Le président: M. McLean nous a présenté un large éventail de propositions relevant de l'Organisation des Nations unies; le rôle de notre comité consistait à donner un appui moral au travail de cette dernière. Je suis évidemment d'accord avec vous que la question des droits de la personne nous est primordiale et c'est pourquoi j'ai proposé notre appui.
[Traduction]
Monsieur Morrison, vous aviez quelque chose à dire.
M. Morrison: Oui, je voudrais savoir ce que l'on entend par une participation «économique». À quoi allons-nous participer et qu'entend-on par «économique»?
Le président: Nous suggérons que l'Association pour les Nations Unies célèbre ce50e anniversaire d'une façon à la fois très visible et rentable. Ce sera à elle d'en décider. Cette résolution ne suggère pas que le gouvernement doit dépenser de l'argent. Elle vise seulement à soutenir l'Association pour les Nations Unies à l'égard de la proposition formulée par M. McLean.
Si nous avons inclus le mot «économique», c'est parce que les rédacteurs tenaient à bien préciser que c'est une activité pour laquelle on ne dispose que de fonds limités même si elle est tout à fait méritoire. C'est dans cette intention que cette expression a été utilisée. Ce sera à l'Association pour les Nations Unies de trouver l'argent nécessaire.
M. Morrison: D'accord, du moment que cela n'exige pas de subvention du gouvernement fédéral, je n'y vois pas d'objection.
Le président: C'est à l'Association pour les Nations Unies de s'en occuper. J'ignore ce qu'elle compte faire exactement. Elle recueille de l'argent de diverses sources.
Dois-je en conclure que cette résolution a l'appui de tout le monde?
Des voix: D'accord.
Le président: Sommes-nous prêts à nous prononcer sur la résolution concernant Haïti ou préférez-vous que nous passions au Nigeria et que nous revenions ensuite à Haïti?
M. LeBlanc: Je pense que nous sommes sur le point de nous entendre sur un texte de résolution. M. Mills en discute avec son collègue. S'ils sont prêts à examiner la résolution sur le Nigeria en même temps, nous pourrons peut-être régler cela pendant qu'ils discutent de la résolution sur Haïti. C'est à vous de leur poser la question.
Le président: Je rappelle aux membres du comité qu'il s'agit d'une sonnerie de 30 minutes et que nous avons donc jusqu'à 12 h 10. Je m'excuse de procéder ainsi, mais nous manquons de temps et j'apprécierais la coopération de tous.
Comme vous vous en souviendrez, mardi, nous avons entendu les témoignages concernant le Nigeria. Il est très important, je crois, que nous adoptions une résolution et que nous ne suspendions pas nos travaux sans régler cette question. M. LeBlanc a soumis une résolution qui recommande d'aller à peu près dans le sens suggéré par le ministre c'est-à-dire que nous examinions toutes les options et que nous en revenions à un embargo pétrolier si c'est la seule possibilité. Cela résume-t-il bien votre résolution, monsieur LeBlanc?
M. LeBlanc: En fait, c'est un libellé un peu plus énergique, monsieur le président. Nous réaffirmons notre appui à un embargo pétrolier international contre le Nigeria tant que cet embargo restera efficace et réaliste. Par conséquent, nous appuyons toujours un embargo pétrolier international à cette condition. C'est une chose que le groupe d'action ministériel du Commonwealth et les autres groupes internationaux chercheront à déterminer.
Le président: Je crois également que le comité appuie les autres sanctions mentionnées par le ministre et qui consistent à bloquer les fonds des dirigeants, à supprimer les visas et, de façon générale, à empêcher les dirigeants du pays d'avoir accès à des fonds qui leur permettent de poursuivre leurs activités.
M. LeBlanc: C'est exact. Cela figure à l'antépénultième paragraphe.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Bergeron.
M. Bergeron: J'aimerais simplement apporter une observation de forme, monsieur le président. On m'a signalé que l'on ne devait pas parler du régime Abache, mais plutôt du régime Abacha.
Le président: Oui, je suis d'accord; vous avez raison. Nous avons déjà apporté la correction à la version anglaise.
M. Bergeron: C'est tout.
Le président: Merci.
[Traduction]
M. LeBlanc: Il y a une petite correction à apporter à l'avant- dernier paragraphe de l'anglais. On vient de me signaler qu'il y a un «and» inutile après «April 18, 1996». Il faudrait le supprimer.
[Français]
En français, c'est «et».
Le président: Au moins, on a bien traduit cela. Heureusement que vous êtes ici, monsieur LeBlanc. Notre secrétaire parlementaire a plusieurs chapeaux à porter devant ce comité, n'est-ce pas?
[Traduction]
Je vais mettre aux voix la résolution sur le Nigeria.
Monsieur Morrison.
M. Morrison: Pour ce qui est de la résolution sur le Nigeria, sauf à l'avant-dernier paragraphe où nous appuyons un embargo pétrolier international. Étant donné que nous avons récemment constaté le coût humain terrible de l'embargo pétrolier contre l'Irak ainsi que l'inefficacité et le coût humain d'un embargo total des Nations Unies contre Haïti, ce n'est pas du tout la direction dans laquelle le comité devrait s'orienter. Nous sommes là pour recommander non pas qu'on fasse souffrir les gens, mais qu'on les aide.
Nous savons tous ce qui s'est passé sur la scène irakienne. Les personnes qui sont venues en discuter avec nous, même celles qui se sont prononcées pour un embargo pétrolier, ont dit très clairement que l'économie nigériane est devenue dépendante du pétrole. Autrement dit, si vous imposez cet embargo pétrolier, vous vous retrouvez avec la même situation qu'en Irak, avec des gens qui ne pourront plus se nourrir. Les vies humaines ne doivent pas servir de pions politiques.
Pour cette raison, j'exhorte vivement le comité à reconsidérer cette clause prévoyant un embargo pétrolier international.
Le président: Bien entendu, tel était l'objet du débat qui a eu lieu devant nous. Le professeur Nossal partageait cette position ainsi que plusieurs autres personnes. Les Nigérians qui sont venus ont exprimé le point de vue opposé, celui que nous préconisons.
Comme vous avez clairement exprimé votre désaccord, voulez- vous proposer officiellement de modifier la résolution en supprimant ce paragraphe? Nous pourrions alors voter sur cet amendement pour régler la question, puis ensuite voter sur l'ensemble de l'amendement. Cela répondrait-il à votre objection, monsieur Morrison?
M. Morrison: Oui. Je propose officiellement - et même s'il est occupé, je suppose queM. Mills m'appuiera - que nous supprimions l'avant-dernier paragraphe de la résolution.
Comme je l'ai dit, les gens qui sont venus ici se prononcer pour l'embargo ont déclaré - et ils connaissent mieux la question que nous - que l'économie est devenue dépendante du pétrole. Ils ont été très clairs sur ce point. Si l'économie dépend du pétrole, cela veut dire que tout embargo ne se répercutera pas seulement sur l'élite ou sur l'armée - en fait, ces derniers n'en ressentiront probablement pas les effets. Ils peuvent très bien se débrouiller parce qu'ils ont des réserves. Ils trouveront des moyens de contourner un embargo pétrolier, tout comme les Irakiens l'ont fait. Par conséquent, l'armée n'en souffrira pas, le gouvernement non plus, mais les gens au bas de la pyramide souffriront certainement si vous imposez un embargo pétrolier total. Je propose donc que nous supprimions ce paragraphe.
Le président: Nous avons entendu les arguments en faveur des embargos. Comme vous vous en souviendrez, c'est une mesure de dernier recours et non pas la première à prendre d'après ce qu'a dit le ministre.
Dans ce contexte, je vais mettre la question aux voix. Ceux qui sont en faveur de l'amendement modifiant la résolution en supprimant la mention qui est faite de l'embargo... Si j'ai bien compris, monsieur Morrison et monsieur Mills, vous êtes pour. Je dirais donc que deux personnes sont pour. Ceux qui sont contre?
La motion et rejetée
M. Morrison: Au nom de tous les bébés morts, je vous remercie beaucoup.
Le président: Ceux qui sont pour la résolution sous sa forme initiale?
Des voix: D'accord.
Le président: Vouliez-vous un vote nominal?
M. Morrison: Absolument.
Le président: Ce vote sera nominal. [Voir Procès-verbaux]
Pourquoi ne pas suspendre la séance pendant, disons, trois minutes. Nous n'avons que deux minutes pour adopter la résolution et aller voter.
Nous allons faire une petite pause de trois minutes, alors veuillez ne pas quitter la salle.M. LeBlanc a promis que la résolution serait prête. Nous allons l'adopter d'ici deux minutes, après quoi nous irons voter. Merci de votre patience.
Le président: Nous disposons d'environ six minutes et demie avant le vote. Si nous pouvons régler cette question maintenant, nous n'aurons pas à revenir. Sinon, nous devrons revenir après le vote.
Monsieur LeBlanc, veuillez nous lire rapidement la résolution révisée.
M. LeBlanc: Je vais la lire en anglais. Telle est l'entente conclue par les trois parties, mais si j'ai bien compris, le Parti réformiste pourrait proposer une résolution ultérieure.
M. Bergeron: Sommes-nous d'accord là-dessus?
M. LeBlanc: Nous ne sommes pas d'accord au sujet de la résolution ultérieure, mais nous sommes d'accord sur certains aspects de la résolution en ce qui concerne le Parti réformiste, je crois.
Cette résolution, que je présente de nouveau en anglais, ne comporte pas de changement au premier paragraphe, au deuxième paragraphe ou au troisième paragraphe. Le quatrième paragraphe est ainsi libellé:
- Attendu que le développement de la démocratie, pour être efficace, doit recevoir l'appui le plus
large possible de la communauté internationale...
- Je n'ai pas le texte exact, mais nous compléterions cette phrase de façon à exprimer l'opinion
émise par Bob Mills en faisant valoir la nécessité d'avoir un plan à long terme pour les réformes
démocratiques et la consolidation des institutions en Haïti. Après le vote nous pourrions
peut-être mettre au point un libellé précis pour exprimer cette idée.
Le principal paragraphe resterait en ces termes:
- Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international recommande
fortement
- ...«recommande fortement» remplace «appuie».
- (1) Une mission multinationale suffisamment financée par les Nations Unies
- ...«suffisamment» est ajouté ici pour satisfaire M. Mills...
- et mandatée par le Conseil de sécurité de l'ONU...
- ...recommande fortement (1) le renouvellement pour six mois d'une mission multinationale en
Haïti, financée suffisamment par les Nations Unies et mandatée par le Conseil de sécurité de
l'ONU, suivant la recommandation du secrétaire général dans son rapport du 5 juin 1996,
c'est-à-dire avec une orientation particulière sur l'assistance à la police, après le 30 juin 1996...
L'alinéa (2) est la traduction de la proposition de M. Dupuy:
- (2) La participation du Canada à cette mission, en tenant compte du fait que d'autres pays
doivent partager cette responsabilité.
Le président: Êtes-vous prêts à voter sur cette résolution telle qu'elle se présente? Nous avons une minute pour nous décider. Autrement, nous pouvons partir voter et revenir ici après. Le libellé exact pourra être formulé pendant le vote. Mais si vous êtes satisfaits du texte, nous pouvons voter et partir.
[Français]
Est-ce que vous êtes...?
M. Bergeron: Non, ce n'est pas clair du tout.
[Traduction]
Le président: On ne semble pas d'accord. Je pense que nous allons devoir lever la séance. Nous avons fait de notre mieux. Nous allons suspendre la séance et nous la reprendrons immédiatement après le vote.
M. Mills: J'ai un rendez-vous de midi à 13 h 15.
Le président: Je ne serai pas là... Je pense que nous allons devoir suspendre la séance pour la reprendre après le vote.
M. Morrison peut-il vous représenter?
M. Mills: Oui.
M. Morrison: Certainement.
Le président: Nous allons suspendre la séance. Veuillez revenir aussitôt après le vote. Cela ne devrait pas être très long et nous pourrons préciser le libellé d'ici là. Merci beaucoup.
Le président: Nous reprenons la séance.
Pendant que M. LeBlanc discute, vous aviez quelque chose à dire, monsieur Morrison.
M. Morrison: Oui, mais ça s'adresse à M. LeBlanc qui est occupé. J'attendrai donc qu'il soit prêt.
Le président: Désolé. Je pensais que nous pourrions...
[Français]
M. Bergeron: Monsieur le président, il me semble que l'ajout du mot «suffisamment» avant le mot «financée», à la suite de la suggestion de M. Mills, va carrément à l'encontre de ce qu'il recherche. Le mot «financée» tout court, sans être accompagné de «suffisamment», laisse présumer que les Nations unies pourraient peut-être assumer le financement de l'ensemble de la mission.
En le faisant précéder de «suffisamment», je pense qu'on donne une connotation plus restreinte au terme «financée», puisqu'il est alors clair que les Nations unies ne financeraient pas l'ensemble de la mission selon l'esprit de la résolution.
En vue de respecter le point de vue de M. Mills, je suggérerais fortement que nous supprimions le terme «suffisamment», d'autant plus que c'est du très mauvais français. J'ignore de quoi cela a l'air en anglais, mais l'expression «suffisamment financée» ne veut pas dire grand-chose.
Le président: Nous verrons si le Parti réformiste prendra la perche qui lui est tendue, monsieur Bergeron.
[Traduction]
Monsieur Morrison.
M. Morrison: Oui, je suis d'accord avec l'interprétation de M. Bergeron. Il a raison.
Quand je voulais parler à M. LeBlanc tout à l'heure, c'était pour savoir s'il avait terminé la rédaction du dernier paragraphe du préambule afin que, si nous votons sur cette motion, nous sachions vraiment sur quoi nous votons. Avez-vous terminé?
M. LeBlanc: J'ai un texte à proposer pour le dernier paragraphe du préambule en anglais que je vais vous lire maintenant si vous êtes d'accord.
M. Morrison: Je voudrais également l'avoir par écrit même si c'est seulement à la main.
M. LeBlanc: Je peux vous montrer le texte écrit à la main, si vous le désirez.
M. Morrison: D'accord, donnez-le-moi.
M. LeBlanc: Je vais lire le dernier paragraphe du préambule que j'ai modifié pour tenir compte des objections de M. Mills.
- Attendu que le développement de la démocratie, pour être efficace, doit recevoir l'appui le plus
large possible de la communauté internationale et être mis en oeuvre dans le contexte d'un plan
à long terme...
M. Bergeron: Non, je n'ai pas encore traduit ce texte.
[Traduction]
M. Morrison: Il doit être efficace dans le contexte d'un plan à long terme, est-ce bien ce que vous voulez dire?
M. LeBlanc: C'est cela. J'ai déplacé l'expression «pour être efficace» et j'ai changé de cette façon le reste du paragraphe.
M. Morrison: Je ne vois pas pourquoi nous insistons autant sur les traductions. Nous avons siégé, vous et moi, à des réunions où tous les mémoires étaient présentés en français sans que personne ne demande qu'on les traduise. Pourquoi faire une exception dans ce cas-ci?
M. Bergeron: Ce n'est pas ce que j'ai demandé. Je lui ai seulement demandé s'il avait la traduction. Je n'ai pas demandé...
M. Morrison: Non, mais il ne veut pas me donner le texte.
M. LeBlanc: Vous pouvez l'avoir si vous le voulez. Voici, mais c'est seulement écrit à la main.
Le président: À titre de président, je vais lire de nouveau le texte proposé.
[Français]
Nous en ferons la traduction maintenant, n'est-ce pas?
[Traduction]
- Attendu que, pour être efficace, le développement de la démocratie doit recevoir l'appui le plus
large possible de la communauté internationale et être mis en oeuvre dans le contexte d'un plan
à long terme...
Afin que nous puissions avancer rapidement, puis-je vous suggérer que nous votions d'abord sur le préambule et ensuite sur la résolution principale? Voyez-vous des objections au préambule? Dois-je en conclure que le comité l'accepte à l'unanimité?
Des voix: D'accord.
Le président: Très bien. Le préambule est accepté tel que modifié.
[Français]
M. LeBlanc: Je pourrais lire la version française de la résolution que j'ai reformulée. Je troquerai mon chapeau de Shakespeare pour celui de Molière, un Molière acadien.
- Le Comité permanent des affaires étrangères et du Commerce international recommande
fortement:
- 1) le renouvellement pour six mois, après le 30 juin, d'une mission multinationale financée par
les Nations unies et mandatée par le Conseil de sécurité de l'ONU, suivant la recommandation
du secrétaire général dans son rapport du 5 juin 1996, c'est-à-dire avec une orientation
particulière sur l'assistance à la police afin d'assurer la consolidation de la démocratie dans ce
pays;
M. Bergeron: C'est cela.
[Français]
M. LeBlanc:
- 2) la participation du Canada à cette mission, tenant compte de ce que d'autres pays doivent
partager cette responsabilité.
M. Bergeron: «Tenant compte du fait que d'autres pays doivent...»
Le président: «Tenant compte du fait...»
M. Bergeron: «Tenant compte du fait que d'autres pays doivent partager cette responsabilité».
Le président: C'est ça.
[Traduction]
M. LeBlanc: Est-ce clair en anglais? Nous appuyons la participation du Canada à une mission de ce genre, en tenant compte du fait que d'autres pays doivent partager cette responsabilité.
Le président: Telle est certainement la portée de la résolution.
[Français]
Monsieur Bergeron, vous aviez un commentaire?
M. Bergeron: Pourrions-nous remplacer l'expression «l'assistance à la police» par «l'assistance aux forces de police» ou «l'assistance aux forces policières»?
M. LeBlanc: Les «forces policières».
Le président: Les «forces policières», oui, c'est mieux.
M. Dupuy: C'est du meilleur français.
[Traduction]
Le président: Dans la version anglaise on parlera de «police forces».
[Français]
Une voix: Aux forces, au pluriel.
M. Bergeron: Aux forces policières.
Une voix: Oui, mais aux forces, au pluriel.
M. Bergeron: Oui, bien sûr.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Morrison.
M. Morrison: Nous risquons de nous trouver devant un obstacle sur ce point. M. LeBlanc n'ignore pas que nous voulons ajouter, après le mot «responsabilité», que la participation canadienne ne devra pas dépasser 25 p. 100. Autrement dit, il faudrait indiquer une limite. Fixons-nous certains paramètres afin de ne pas remettre un chèque en blanc à la communauté mondiale.
Le président: C'est une bonne idée.
Comme vous proposez d'apporter un amendement au deuxième paragraphe, je suggère que nous examinions d'abord le premier alinéa de la résolution. Si j'ai bien compris, on s'est entendu sur la terminologie du premier alinéa. M. Morrison, M. Bergeron et M. LeBlanc sont d'accord. Quelqu'un a-t-il des objections?
Nous avons adopté le premier alinéa alors passons au deuxième.
Monsieur Morrison, si je peux me permettre de parler à votre place, ce que j'hésite à faire, vous proposez d'ajouter que la participation canadienne ne doit pas dépasser 25 p. 100.
M. Morrison: C'est exact.
Le président: Je propose que nous discutions de l'amendement proposé par M. Morrison et que nous décidions ensuite s'il y a lieu de l'adopter ou non. Nous pourrons en revenir au libellé initial si ce n'est pas adopté.
Monsieur Flis.
M. Flis: La résolution se divise maintenant en deux parties. Je propose que l'amendement deM. Morrison constitue la troisième partie afin que nous puissions voter séparément sur chaque élément. Au lieu d'essayer de modifier le libellé de la partie deux, pourrait-on en faire une partie trois?
M. Morrison: Cela me paraît difficile, car si nous adoptons la partie deux, mais pas la partie trois, j'aurai approuvé malgré moi une chose dont nous ne voulons pas.
M. Flis: C'est ce que nous voulons.
M. Morrison: Je ne peux pas appuyer le paragraphe deux si cette mention n'est pas ajoutée.
M. Flis: D'accord.
Le président: Vous avez donc proposé votre amendement.
Avez-vous des remarques à faire au sujet de cet amendement? Monsieur Dupuy.
M. Dupuy: Ce n'est qu'un bref commentaire. Ce chiffre de 25 p. 100 a été lancé au hasard. Comment établir une limite quand nous ignorons quelle sera la contribution des autres pays et si ce pourcentage est raisonnable ou non? Si je siégeais au Conseil de sécurité, ce genre de proposition m'embarrasserait beaucoup. Ces précisions découlent généralement des débats du Conseil de sécurité. Un gouvernement doit prendre ses propres décisions, mais citer un chiffre en l'air ne me semble pas la bonne façon de déterminer le degré de participation du Canada.
Les principes généraux sont bien énoncés dans la résolution. Si nous apportons des précisions, au lieu de renforcer la résolution, cela va plutôt la diluer.
M. Morrison: Monsieur Dupuy, je pense que vous avez mal compris. Je n'ai pas dit que notre participation serait de 25 p. 100, mais qu'elle ne devrait pas dépasser 25 p. 100. Autrement dit, ce sont les Canadiens et non pas les Nations Unies qui devraient établir la politique canadienne. Si nous établissons un plafond, cette participation peut être de 1 à 25 p. 100. C'est ce que je voulais dire.
Le président: Si vous le permettez, M. Dupuy demande ce qui se passera si nous avons besoin de 27,5 p. 100? Tout risque de s'écrouler. Je pense qu'il comprend la nature de la discussion et le but de votre amendement à moins que, monsieur Bergeron avez-vous...
[Français]
M. Bergeron: D'autre part, monsieur le président, j'aimerais ajouter aux propos de M. Dupuy et donner suite aux commentaires dont mes collègues m'ont fait part. Tout d'abord, nous parlons de 25 p. 100 de quoi? De 25 p. 100 des coûts? De 25 p. 100 des troupes? C'est une première chose.
Deuxièmement, si nous annonçons d'avance que nous sommes prêts à faire une contribution pouvant aller jusqu'à 25 p. 100, il est clair que lorsque le Conseil de sécurité aura atteint le quota de 75 p. 100, il n'aura pas à chercher plus loin; il exigera que nous assumions 25 p. 100 de la participation. Je pense qu'il n'est pas tout à fait approprié de préciser ce taux dans la résolution.
[Traduction]
Le président: Avez-vous d'autres observations à faire au sujet de l'amendement proposé?
Tous ceux qui sont pour l'amendement de M. Morrison?
Monsieur Morrison, voudriez-vous un vote par appel nominal?
M. Morrison: Je voudrais que ma propre position soit bien enregistrée.
Le président: Certainement. C'est tout à fait légitime.
L'amendement est rejeté
Le président: Tous ceux qui sont pour le paragraphe initial qui a été lu et qui a été modifié par M. LeBlanc?
Des voix: D'accord.
Le président: Je voudrais mettre un terme à cette séance. Nous avons adopté les trois résolutions que nous devions adopter.
Je tiens à remercier tous les membres du comité de leur coopération. En guise de conclusion, je dirais qu'à mon avis - j'ignore ce qu'en pensent les autres membres du comité - en tenant ce genre de débat en comité plutôt qu'à la Chambre, même si nous avons peut-être perdu certains aspects du formalisme des débats à la Chambre, nous avons eu l'occasion de faire un meilleur échange de vues.
Les membres du comité conviendront avec moi, je l'espère, que c'était là une bonne façon d'aborder ce genre de questions. Peut- être devrions-nous recommencer à d'autres occasions. Cela nous permet d'avoir un échange d'opinions franc et sincère. En écoutant les témoignages et en menant immédiatement après notre débat, nous sommes en mesure de mieux comprendre la situation.
En ce qui me concerne - et je le dis pour la gouverne de ceux qui nous regardent à la télévision - il faut bien comprendre que nous sommes un comité et que nous devons travailler en tant que comité. Nous devons négocier entre nous et prendre des décisions.
Je tiens à remercier tous les membres du comité d'avoir travaillé très fort pour présenter au gouvernement des recommandations qui lui permettront de mener à bien cette importante initiative concernant la politique étrangère.
Merci beaucoup à tous.
Oui, monsieur Morrison.
M. Morrison: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Vous m'avez perdu. Je ne vous ai pas entendu mettre aux voix l'ensemble de la résolution.
Le président: Je pensais que nous avions adopté...
M. Morrison: Vous l'avez seulement mise aux voix bribe par bribe.
Le président: En effet... mais si vous y voyez une objection... Je croyais que tous les éléments avaient été adoptés.
M. Morrison: Autrement dit, quiconque a voté contre un des éléments a voté contre l'ensemble de la résolution.
Le président: Absolument. Oui, vos objections...
M. Morrison: C'est vraiment dommage vu que je l'aurais appuyée.
Le président: Est-ce contraire au Règlement?
Je regrette. La greffière me dit que l'objection de M. Morrison est parfaitement légitime.
Monsieur LeBlanc.
M. LeBlanc: Pour répondre à M. Morrison, s'il désire appuyer une partie de la résolution qui a été adoptée, même s'il n'en approuve pas tous les éléments, nous devrions lui permettre de le faire. S'il est prêt à appuyer la résolution, cela renforce le consensus.
Par conséquent, si vous pouviez préciser quels sont les éléments de la résolution que vous appuyez, nous serions prêts...
M. Morrison: J'appuie la résolution sauf la deuxième partie en ce qui concerne l'ampleur de cette participation que j'ai proposé de plafonner.
Le président: Voilà qui est satisfaisant.
Par conséquent, l'ensemble de la motion est adopté et M. Morrison a fait clairement savoir qu'il l'appuyait en totalité sauf le dernier paragraphe qu'il aurait appuyé si le plafond avait été fixé à25 p. 100.
M. Morrison: S'il y avait eu un plafond, j'aurais appuyé la résolution en totalité.
Le président: Merci encore à tous de votre coopération.
Nous nous ajournons jusqu'en septembre.