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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er octobre 1996

.0938

[Traduction]

Le président: À l'ordre.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de l'Arctique.

Nous avons la chance d'avoir avec nous aujourd'hui le professeur Oran Young du collège Dartmouth, auteur et conférencier bien connu. Les membres du comité se souviendront peut-être que lors de nos déplacements dans l'Arctique, M. Young était constamment cité comme la personne faisant autorité en la matière. Je lui ai dit avant la séance que sa présence constante me rappelait un peu le lichen de l'Arctique et il a répondu qu'il espérait bouger plus vite que pousse le lichen. C'est ce que nous verrons ce matin.

[Français]

Monsieur Bergeron.

M. Bergeron (Verchères): Avant de commencer, j'aurais une petite question à poser concernant le projet de loi sur les mesures extraterritoriales étrangères. Certains amendements devaient être déposés par le gouvernement en prévision du débat à l'étape du rapport en Chambre et on nous avait indiqué que ces amendements nous seraient envoyés 24 heures à l'avance. Est-ce que vous savez à quel moment le gouvernement doit nous remettre les amendements?

Le président: Je n'ai pas eu de nouvelles à ce sujet, mais je dépose le projet de loi moi-même ce matin à 10 h à la Chambre. Je vais donc essayer de me renseigner à ce moment-là.

M. Bergeron: Vous déposez le rapport du comité ce matin?

Le président: Le rapport du comité, exactement. C'est donc la loi non modifiée.

M. Bergeron: Et est-ce que le débat à l'étape du rapport doit avoir lieu demain ou mercredi? Est-ce que vous le savez au moment où on se parle?

Le président: Je crois qu'il faut un délai de 48 heures, n'est-ce pas?

M. Bergeron: Quarante-huit heures?

Le président: Non, vingt-quatre.

M. Bergeron: Vingt-quatre heures.

Le président: C'est le problème des leaders à la Chambre et l'organisation de la Chambre. J'aimerais prendre moi-même la parole à ce sujet, mais on ne m'a pas encore informé. Je pense que ce sera vendredi, probablement.

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M. Bergeron: Vendredi? Dans tant de temps?

Le président: C'est ce qu'on m'a dit. J'aimerais le savoir mais, franchement, ce sont les mystères de l'administration de la Chambre.

M. Bergeron: On vérifiera de toute façon auprès de nos leaders.

Le président: D'accord.

[Traduction]

Sans plus tarder, professeur Young, auriez-vous l'amabilité de nous présenter votre rapport que vous avez eu la bonté de nous remettre? Je sais que mes collègues auront ensuite des questions à vous poser.

Je vous souhaite la bienvenue au comité et je vous remercie de vous être joint à nous.

M. Oran Young (témoigne à titre personnel): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais faire une présentation relativement courte de 15 ou 20 minutes, puis voir si nous pouvons débattre de certaines questions.

Le thème que j'aborderai se rattache en fait au mandat du comité en ce qui concerne les questions relatives à l'Arctique. Ce mandat, d'après ce que je crois comprendre, porte sur les perspectives de plus en plus nombreuses qu'offre l'Arctique et sur la coopération circumpolaire et met l'accent sur les possibilités et les enjeux que cela représente sur le plan de la politique étrangère du Canada. Comme il s'agit à mon avis d'un événement particulièrement important dans ce contexte et si récent que nous essayons encore de le comprendre, j'aimerais concentrer mes remarques préliminaires, au moins, sur le Conseil de l'Arctique qui a représenté une telle priorité pour le Canada ces dernières années.

J'aimerais donc présenter une évaluation prudente du Conseil de l'Arctique, c'est-à-dire une évaluation sévère par certains côtés sans pour autant être pessimiste.

J'aimerais simplement préciser, avant d'entrer dans le vif du sujet, que je parlerai bien entendu en anglais. Je m'en excuse auprès des députés francophones mais je me ferai un plaisir d'essayer de répondre à vos questions au cours de la période de discussion.

J'ai apporté avec moi une série de transparents qui nous aideront à suivre cette courte présentation.

Permettez-moi de commencer par l'évaluation prudente du Conseil de l'Arctique. Je dois avouer qu'il y a tout à fait lieu d'être sceptique à propos du Conseil de l'Arctique et de se demander s'il représente une nouvelle orientation vraiment importante ou une nette évolution sur le plan de la coopération internationale dans l'Arctique. J'ai indiqué certaines des raisons qui expliquent ce scepticisme.

On a l'impression que le Conseil de l'Arctique, c'est un peu comme du vieux vin présenté dans des bouteilles neuves. À bien des égards, c'est une nouvelle appellation de la Stratégie de protection de l'environnement arctique. Par rapport à cette stratégie, on peut considérer que le conseil maintient, essentiellement, pour l'instant, le statu quo.

On a également l'impression que la création du Conseil de l'Arctique constitue une initiative descendante. Les cyniques parmi nous ont souvent considéré qu'il s'agissait en fait d'un effort de la part des ministères des Affaires étrangères des huit pays de l'Arctique de se réapproprier certaines initiatives. En 1991, la mise sur pied de la Stratégie de protection de l'environnement arctique n'avait pas vraiment suscité l'intérêt des ministères des Affaires étrangères. Il s'agissait d'une initiative assez discrète, relativement peu importante et pas très intéressante. Or, un nombre remarquable de mesures ont été prises dans le cadre de cette stratégie et maintenant les ministères des Affaires étrangères veulent revenir dans le tableau pour se réapproprier certaines de ces initiatives.

Notre crainte, c'est que cela risque de politiser les projets concrets établis dans le cadre de la Stratégie de protection de l'environnement arctique.

Comme la plupart d'entre vous le savent, la déclaration constituant le Conseil de l'Arctique ne prévoit aucun engagement ferme ou contraignant. Il s'agit en partie de faire la distinction entre des dispositions d'application souple et des dispositions d'application rigide. Cependant, à mon avis, le plus important, c'est que cette déclaration renferme très peu d'engagements concrets, pour ne pas dire aucun, de la part des signataires.

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Enfin, en ce qui concerne la création du Conseil de l'Arctique, on semble avoir de la difficulté à voir comment la forme suit la fonction. Je crois que la plupart d'entre nous considérons qu'au niveau des organisations, la forme doit suivre la fonction.

La fonction n'est pas énoncée très clairement dans la déclaration. Il s'agit en fait d'une organisation, d'une institution en quête d'un rôle.

J'aborderai maintenant la partie cruciale de ma présentation, avant de passer aux possibilités.

En ce qui concerne la pratique internationale actuelle - c'est-à-dire l'institutionnalisation de la coopération internationale dans d'autres régions ou parties du monde - le Conseil de l'Arctique est en fait une initiative très conservatrice. Le conseil possède une structure assez conventionnelle si vous le comparez à ce qui se fait à l'heure actuelle en Europe, par exemple, où l'on crée des organisations capables de se réunir à différents moments et à différents endroits avec différents ministres. Donc, un jour il pourrait y avoir une réunion des ministres de la Santé, le lendemain, une réunion des ministres de l'Environnement et un autre jour, une réunion des ministres des Transports et seulement à l'occasion une réunion des ministres des Affaires étrangères. Ces arrangements de type européen permettent une souplesse qui n'a pas été prévue explicitement dans le cadre du Conseil de l'Arctique.

Prenons par exemple une initiative récente comme celle du Barents Council de la région euro-arctique de la mer de Barents dont vous entendrez peut-être parler un peu plus longuement lors de vos déplacements. Il s'agit d'une organisation à deux paliers. Le palier supérieur se compose des ministres des affaires étrangères des différents États et le palier inférieur se compose de représentants régionaux qui peuvent se réunir entre eux de même qu'avec les membres du palier supérieur.

Le Conseil de l'Arctique a également une règle de décision assez restrictive qui prévoit que les décisions doivent être prises par consensus. Bien des gens croient qu'à l'échelle internationale, le consensus est la norme au niveau de la prise de décision, et que pratiquement toutes les organisations internationales fonctionnent par consensus. Or, cela est faux. Beaucoup d'organisations peuvent prendre des décisions selon différentes règles de la majorité, y compris des organisations comme la Commission internationale de la pêche à la baleine, par exemple - une organisation très controversée mais qui n'exige pas le consensus. La Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction fonctionne de la même façon.

De plus, le Conseil de l'Arctique n'a aucun mécanisme défini de financement. Il ne possède pas par exemple de fonds de fiducie comme ceux établis en vertu d'autres ententes internationales telle que la Convention du patrimoine mondial. Il ne dispose d'aucun fonds comme le Fonds mondial pour l'environnement qui permet de subventionner des projets dans les domaines du changement climatique et de la biodiversité.

Par ailleurs, le Conseil de l'Arctique ne possède pas de secrétariat permanent, ce qui en fait un organisme très traditionnel par rapport aux organisations actuelles. D'autres organisations, y compris la région euro-arctique de la mer de Barents ou la North Atlantic Marine Mammals Commission ont des secrétariats permanents qui jouent des rôles assez importants.

Le Conseil de l'Arctique, dans la déclaration qu'il a signée, ne prévoit aucun mécanisme précis d'examen de la mise en oeuvre. Il existe des procédures qui établissent un processus type pour l'évaluation et le contrôle des initiatives prises dans le cadre de cette forme de coopération.

Ce sont à mon avis des lacunes assez graves qui limitent cette initiative et ne représentent qu'un pas modeste vers la coopération internationale de l'Arctique.

Voilà en ce qui concerne les critiques. Il s'agit d'une évaluation prudente. J'aborderai maintenant les possibilités.

Malgré toutes les critiques et les lacunes que je viens de présenter, je considère que le Conseil de l'Arctique nous offre une occasion de faire progresser la coopération internationale dans l'Arctique, qu'il ne faut pas rater. En d'autres mots, nous devons adopter cette première initiative relativement restreinte, prudente et conservatrice et en tirer le meilleur parti. C'est là bien entendu où le Canada aura probablement à jouer un rôle très important en tant que premier pays à assumer la présidence du conseil.

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J'aimerais aborder trois aspects en ce qui concerne ces possibilités. Le premier porte sur la définition exacte du rôle du conseil: c'est-à-dire tâcher de définir clairement ce que le conseil peut et ne peut pas faire, devrait ou ne devrait pas faire.

Lorsque nous examinons les régimes internationaux, les institutions de coopération internationale, nous avons en général tendance à considérer qu'elles peuvent jouer quatre grands rôles. Elles peuvent jouer un rôle de réglementation en établissant une série de règles de comportement que doivent suivre leurs membres. Elles peuvent jouer ce que nous appelons un rôle «procédural», c'est-à-dire établir des processus ou des procédures de prise de décision pour traiter d'une catégorie bien définie de questions qui relèvent de leur compétence. Elles peuvent jouer un rôle de programmation, c'est-à-dire mettre sur pied et gérer des projets conjoints ou coordonnés. Elles peuvent jouer ce que nous, les sociologues, appelons souvent un rôle «génératif», qui consiste à définir un discours commun ou à articuler une vision et une façon de parler de cette vision qui devient un vocabulaire commun, une façon commune de discuter d'une question.

Donc, parmi ces rôles, quel est celui ou quels sont ceux que le Conseil de l'Arctique peut le mieux jouer? Il ne s'agit pas d'un régime de réglementation. Il n'a pas pour objet d'établir une série de règles. Il possède une capacité procédurale ou de prise de décision très limitée. On ne lui a pas confié le pouvoir de prendre des décisions particulières. Il peut sûrement jouer un rôle en matière de programmation, c'est-à-dire surveiller le déroulement de projets conjoints déjà mis sur pied dans le cadre de la Stratégie de la protection de l'environnement arctique et mettre sur pied de nouveaux projets conjoints, dans le cadre du «programme de développement durable», comme on l'appelle.

Mais surtout, j'estime que la contribution la plus fondamentale du Conseil de l'Arctique consiste à favoriser la sensibilisation, développer un vocabulaire, articuler une vision pour que l'Arctique devienne une région circumpolaire visible, bien définie et bien comprise et que nous ayons le sentiment de participer à une entreprise commune, dont nous connaissons l'objet, le vocabulaire, et que nous comprenions comment traiter ces questions et établir un programme de mesures plus concrètes concernant l'Arctique. C'est à mon avis l'un des rôles les plus importants que le Conseil de l'Arctique peut et doit jouer.

Il faut également réaliser des progrès au niveau du développement durable. J'aimerais aborder deux ou trois points concernant le développement durable. Le premier, c'est que je crois qu'en matière de coopération arctique, le développement durable est la question prédominante. Le développement durable ne doit pas être considéré comme un objectif parmi tant d'autres. À mon avis, il s'agit de l'objectif fondamental. C'est la question fondamentale à laquelle tous les autres aspects devraient être subordonnés. Donc, il ne s'agit pas simplement de greffer un programme de développement durable aux activités en cours dans le cadre de la Stratégie de protection de l'environnement arctique. Nous devons mettre au point une structure axée sur le développement durable à laquelle tout le reste doit être lié ou subordonné. Donc, contrairement à que certains ont indiqué au début de ce processus, on ne doit pas envisager la création de «deux piliers» distincts, à savoir la protection de l'environnement et le développement durable; nous devons envisager une structure axée sur le développement durable qui doit inclure la protection de l'environnement tout en tenant compte des questions de durabilité économique, de culture, de santé et ainsi de suite.

Que faut-il faire par conséquent pour atteindre cet objectif prédominant de développement durable? J'estime que deux mesures s'imposent immédiatement. L'une consiste à énoncer une série de principes en matière de développement durable pour l'Arctique.

À cet égard, il ne faut pas qu'il s'agisse de politiques au sens traditionnel mais plutôt de principes directeurs généraux comme l'égalité des chances, pas d'impôt sans représentation ou les pollueurs-payeurs, dont on doit tenir compte. Parmi certains principes qui pourraient être intéressants dans le contexte arctique, il y a entre autres celui de la préférence accordée à la subsistance: lorsque les stocks de ressources fauniques ne suffisent pas à satisfaire à la demande de ceux qui les utilisent à des commerciales, récréatives ou de subsistance, il faudrait accorder la préférence à ceux qui les utilisent à des fins de subsistance.

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Il pourrait aussi y avoir le principe de la cogestion. En ce qui concerne la prise de décisions touchant les ressources biologiques, les groupes d'utilisateurs ou les collectivités devraient avoir voix au chapitre à cet égard.

Il pourrait aussi y avoir le principe de la subsidiarité. Je veux dire par là que les décisions relatives aux problèmes de l'Arctique devraient se prendre au plus bas niveau habilité à le faire; il s'agit d'un principe comme nombre d'entre vous le savent, qui a été largement élaboré et articulé dans le contexte de l'Union européenne.

Nous pourrions concevoir un certain nombre d'autres principes. Nous pourrions peut-être revenir là-dessus ce matin à la période des questions et des échanges, mais je crois qu'il nous faudrait dégager une série intégrée de principes relatifs au développement durable de l'Arctique.

Je crois qu'il nous faut également commencer à entreprendre des projets concrets. Nous devons poser des gestes tangibles, bien ciblés, identifiables et utiles qui feront en sorte que le Conseil de l'Arctique ne soit pas une tribune où l'on parlera simplement boutique, où il n'y aura que des discussions très générales, mais qui sera en fait considéré comme faisant oeuvre utile.

Permettez-moi de proposer, très rapidement, quelques exemples de projets concrets de développement durable. Nous pourrions revenir également là-dessus au cours de la discussion.

Nous pourrions songer à mettre en place un programme d'aide technique dans l'Arctique qui permettrait de mettre à la disposition des collectivités de l'Arctique dans toute la région circumpolaire des connaissances appliquées dans des domaines comme le génie et les affaires par exemple.

Nous pourrions lancer un programme de mise en valeur du potentiel de l'Arctique pour améliorer, dans les domaines administratifs, les capacités des populations locales, surtout des peuples autochtones.

Nous pourrions lancer une Banque de développement de l'Arctique afin de mettre de petites sommes à la disposition des collectivités qui veulent mettre en place des programmes d'action ou de développement communautaire.

Nous pourrions songer à adapter pour l'Arctique certains régimes et mesures institutionnels internationaux. Par exemple, nous pourrions examiner la possibilité de développer l'idée de MARPOL, une partie ou la totalité de l'Arctique comme zone spéciale en ce qui a trait aux déchets produits par les navires.

Nous pourrions déterminer s'il est intéressant de donner suite à l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer - un article bien connu en milieu canadien - où il est question des eaux prises dans les glaces afin de voir s'il convient de concevoir une série de règles et de règlements circumpolaires qui régiraient la navigation dans ces régions.

Nous pourrions dégager un certain nombre d'autres exemples de ces projets concrets, mais ce que je veux faire ressortir c'est qu'il nous faut vraiment mettre en place très bientôt une première série de projets concrets pour donner un sens à cette initiative.

Permettez-moi aussi de dire qu'en ce qui concerne les possibilités, je crois qu'il nous faut songer sérieusement à encourager le dialogue entre les milieux de la recherche et ceux de la politique de même qu'entre les scientifiques et les praticiens. Je crois qu'il nous faut réfléchir sérieusement, dans le contexte du Conseil de l'Arctique, à la façon d'établir des liens qui sauront profiter tant à la communauté scientifique ou aux milieux de la recherche, y compris ceux qui s'intéressent à la connaissance écologique traditionnelle, qu'au monde de la politique. Je crois qu'il s'agit là de possibilités très intéressantes. Le temps est venu, à bien des égards, de s'atteler à cette tâche.

Permettez-moi de terminer en ramenant cela précisément aux possibilités qui s'offrent pour le Canada. Si vous suivez l'argument que je fais valoir depuis quatre ou cinq minutes, qu'est-ce que cela laisse entendre quant au rôle que le Canada pourrait jouer? J'ai essayé de faire ici, sur ce transparent, trois ou quatre suggestions très concrètes auxquelles pourrait réfléchir le Canada qui assumera le premier la présidence du Conseil de l'Arctique.

Il nous faut rédiger un mémoire sur les rôles du conseil. Revenant à ces questions portant sur les rôles en matière de réglementation, de procédure, de programme et de conception, il nous faut déterminer avec précision quel est le rôle ou l'ensemble de rôles qui convient le mieux au Conseil de l'Arctique. Nous devons être concrets et précis à ce sujet. Il nous faut ramener l'exercice au niveau pratique de l'action liée à la politique.

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Il me semble que, après la signature de la déclaration, le Canada se trouve alors dans une position unique pour dégager une proposition bien définie quant aux rôles que devrait jouer le conseil.

Je propose également d'établir une série de principes relatifs au développement durable de l'Arctique. Le Canada pourrait prendre l'initiative du processus que j'ai proposé, c'est-à-dire déterminer et négocier avec des homologues d'autres pays, un cadre de principes relatifs au développement durable de l'Arctique.

Je propose en troisième lieu la mise en place de projets concrets de développement durable. Le Canada devrait prendre l'initiative et essayer de formuler deux ou trois projets concrets du genre de ceux que j'ai suggérés et prendre des mesures. Il devrait en faire part, par l'entremise des hauts fonctionnaires des affaires arctiques, à ses homologues d'autres pays et proposer un programme, certaines mesures concrètes.

Enfin, je propose de mettre en place un processus consultatif mettant en cause tous les intervenants de l'Arctique. Dans le cadre du Conseil de l'Arctique, pour éviter les dangers d'une approche exclusivement descendante, je crois qu'il est essentiel que les représentants du conseil soient régulièrement en contact avec d'autres genres d'intervenants.

Je reviens dans ce contexte à un document que nombre d'entre vous connaissent. Celui-ci a été publié au Canada en 1991 et s'intitulait To Establish an International Arctic Council: A Framework Report. Il me semble que ce document articulait une vision très humaine et, à bien des égards, satisfaisante d'un Conseil de l'Arctique qui serait très participatif et donnerait l'occasion aux représentants de divers intervenants d'avoir régulièrement voix au chapitre. J'aimerais que l'on revienne à cette vision.

On m'a dit que ce comité, ou certains de ses membres, se rendra sous peu dans d'autres régions de l'Arctique; je crois qu'il s'agit là d'une excellente initiative. J'aimerais vous féliciter de penser en ces termes, c'est-à-dire de vous rendre dans diverses régions de l'Arctique pour rencontrer les divers intervenants, pour apprendre de première main quelque chose au sujet de leurs perspectives, de leurs aspirations, de leurs craintes et de leurs angoisses et pour apprendre comment le Conseil de l'Arctique pourrait se développer et s'articuler sur cette base.

Même si j'ai essayé de donner une idée sobre et dure en commençant par faire des critiques pour qu'il soit bien clair que le Conseil de l'Arctique est à bien des égards une initiative limitée et, dans un certain sens, imparfaite, j'ai aussi tenté de laisser entendre que l'occasion est trop bonne pour qu'on la laisse passer. J'ai aussi essayé de proposer d'autres façons qui pourraient nous permettre de saisir cette occasion et de l'exploiter - d'agir sans tarder - et de façons qui pourraient permettre au Canada, qui assumera le premier la présidence du Conseil de l'Arctique dont il est le défenseur le plus important, d'insuffler la vie à cette structure assez simple à laquelle donne naissance la déclaration signée ici la semaine dernière.

Là-dessus, permettez-moi de terminer mon exposé liminaire. Je serais plus qu'heureux de passer maintenant à une période de questions et d'échange.

Le vice-président (M. Bergeron): Merci, monsieur Young.

Y a-t-il des questions? Monsieur Paré.

[Français]

M. Paré (Louis-Hébert): Bienvenue au Comité des affaires étrangères, monsieur Young.

Dans ma première question, j'aurai tendance à mettre un peu en opposition deux parties de votre présentation. Dans la première partie, vous nous avez démontré que le mandat du Conseil était plutôt flou, qu'il ne contenait pas beaucoup de règles coercitives. Je me demande si c'est à cause des intérêts divergents des huit pays concernés qu'on n'est pas arrivé à se donner une structure plus favorable.

Dans la dernière partie, vous nous avez montré que, comme le Canada présidera les destinées du Conseil pendant les deux premières années, il pourrait jouer un rôle un peu plus actif dans l'élaboration de ce mandat.

Mais comme au départ on ne s'est pas entendu sur grand-chose, est-ce qu'on ne risque pas de devoir tout recommencer dès qu'un autre pays assumera la présidence? Est-ce que ce pays n'essaiera pas de faire en sorte que le Conseil poursuive ses objectifs à lui?

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[Traduction]

M. Young: Je vous remercie de cette très bonne question qui comporte je crois deux parties.

Vous me demandez d'abord si les conflits d'intérêts ont empêché de rendre la déclaration plus substantielle. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Je crois qu'une partie du problème en ce qui a trait à l'Arctique réside dans le fait que l'histoire n'y est pas longue en matière de collaboration internationale, pour des raisons évidentes ayant trait à la Guerre froide, etc. Ainsi, nous en sommes à nos premières armes. Nous faisons encore nos classes en la matière. Je crois que nous sommes au mode exploratoire; nous n'avons pas d'intérêts très articulés qui soient en conflit direct.

Je crois aussi que dans un grand nombre de nos pays - c'est certes vrai dans mon pays et je crois qu'il en va de même en Russie - au niveau politique, les questions de l'Arctique n'ont pas une très grande priorité. Elles n'ont pas été soulevées à un niveau assez élevé dans le processus politique pour qu'on s'y attarde. En ce qui a trait à la déclaration du Conseil de l'Arctique, une partie du problème est attribuable selon moi à un manque de volonté à des niveaux assez élevés du processus politique qui nous empêche de faire des progrès significatifs.

Pour ce qui est de la question de savoir si un nouveau président n'imposera pas tout simplement ses propres objectifs, je conviens avec vous qu'il s'agit-là d'un danger réel. Cela pourrait fort bien se produire. Toutefois, pour réduire ce risque au minimum, il faut que le conseil se dote d'un plan d'action bien structuré et dynamique, ce qu'il a déjà fait, dans une certaine mesure, dans le domaine de la protection de l'environnement, avec la Stratégie de protection du milieu arctique. Plusieurs groupes de travail ont établi des plans d'action, de sorte qu'il est de plus en plus difficile pour les pays qui assument la présidence de réorienter les activités du conseil.

Il faudrait qu'un programme structuré soit mis sur pied le plus tôt possible afin d'éviter la situation que vous avez évoquée.

Le vice-président (M. Bergeron): Monsieur Mills.

M. Mills (Red Deer): Vous avez parlé de projets concrets et, notamment, de la banque de développement. À votre avis, est-ce que le manque de fonds est plus aigu dans l'Arctique que dans les autres régions du Canada?

Deuxièmement, croyez-vous que le Conseil de l'Arctique possède l'infrastructure, la volonté, les compétences, les ressources voulues pour s'attaquer aux problèmes environnementaux graves qui touchent cette région, surtout en ce qui concerne la Russie?

M. Young: Voilà, encore une fois, deux questions fort intéressantes.

En ce qui concerne la disponibilité de capitaux, il y a dans l'Arctique des collectivités qui ont connu de grands bouleversements sociaux, économiques et politiques. Depuis des dizaines d'années, soit depuis la fin de la guerre, elles survivent grâce à divers types de paiements de transfert. Elles ne sont plus en mesure d'assurer leur propre subsistance comme c'était le cas il y a 50 ou 100 ans, et ne disposent d'aucun autre moyen pour subvenir à leurs besoins.

Nous devrons donc, au cours des prochaines décennies, essayer de trouver des moyens de permettre à ces collectivités d'être plus autonomes. Leurs circonstances sont assez exceptionnelles lorsqu'on les compare, par exemple, à celles des autres collectivités du Canada ou même de la Russie, où la situation est encore plus grave. Il faut donc fournir une aide spéciale à ces collectivités.

.1010

Pour ce qui est de votre deuxième question, à savoir s'il existe une volonté politique de s'attaquer aux problèmes environnementaux, je vais vous répondre en deux temps.

L'Arctique, comme vous le savez tous, est sensible aux problèmes environnementaux qui trouvent leur origine à l'extérieur de cette région. Mentionnons, par exemple, le trou d'ozone au- dessus du bassin arctique, le transport à grande distance des polluants que dégagent les métaux lourds, la brume arctique, ainsi de suite. Il faut voir si cette volonté politique existe au Sud. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas.

En ce qui concerne les nombreux autres problèmes environnementaux qui sont propres à l'Arctique, je ne peux pas dire qu'il existe une volonté politique de s'y attaquer, que nous sommes sur la bonne voie et qu'il suffit tout simplement de poursuivre nos efforts en ce sens. Toutefois, il existe des signes qui donnent à penser que l'on veut s'attaquer de façon concrète à plusieurs de ces problèmes. Ce qu'il faut faire, à mon avis, c'est de prendre les devants, de définir le problème plus clairement, de sensibiliser les pays à ces problèmes, d'élaborer des mécanismes ou des outils qui favoriseront la mise en oeuvre de nouveaux plans d'action. Je m'intéresse beaucoup, par exemple, à l'orientation que suivra le Programme de contrôle et d'évaluation de l'Arctique, à la façon dont les pays et les organismes de décision participeront à ce processus.

Il est vrai que certains problèmes environnementaux sont jugés plus importants sur le plan politique que d'autres. Par exemple, les groupes de réflexion en Amérique du Nord accordent plus d'attention à la contamination nucléaire des zones maritimes situées au large de la côte nord de la Russie qu'à d'autres questions tout aussi importantes à certains égards, mais qui ne bénéficient tout simplement pas de la même transparence.

Il s'agit ici d'un point de vue qui, bien que modeste, devrait nous permettre de trouver des réponses plus concrètes à ces questions.

M. Mills: La volonté, c'est une chose, mais avons-nous les ressources pour le faire? Par exemple, nous avons une centaine de sous-marins qui ont des problèmes de rouille et de fuites. Il faudrait, pour les réparer, leur consacrer énormément de ressources. Les avons-nous?

M. Young: Il faudrait sans doute bien les choisir. Nous savons tous que les ressources, aujourd'hui, sont plutôt rares, alors que nous devons composer avec des déficits budgétaires, ainsi de suite. Par ailleurs, certains problèmes peuvent être réglés sans que cela ne coûte trop cher. D'autres nécessiteront des solutions nouvelles, différentes et efficaces. En ce qui concerne les ressources, on ne peut absolument pas régler tous les problèmes d'un seul coup. Toutefois, je crois qu'on peut le faire progressivement, en procédant par étapes et en espérant que nous parviendrons à solutionner certains d'entre eux, à trouver des réponses plus globales aux problèmes qui subsistent.

Mais vous avez mis le doigt sur ce qui constitue, à mon avis, un obstacle majeur à la réalisation de toutes ces initiatives dans l'Arctique: où allons-nous trouver les ressources nécessaires pour financer les projets qui semblent réalisables sur papier? Il n'est pas garanti que nous allons pouvoir régler cette question de manière efficace.

Le vice-président (M. Bergeron): Monsieur Dupuy.

M. Dupuy (Laval-Ouest): Monsieur Young, vous avez donné une description très fascinante de l'orientation que pourrait prendre le Conseil de l'Arctique. Le conseil, comme vous l'avez indiqué, est un organisme intergouvernemental qui remplira le mandat que les États membres voudront bien lui confier. Il évoluera en fonction des politiques établies par les États membres. Que pensent les principaux États membres - en fait, tous les États membres, si possible - de l'orientation que vous proposez? Ou est-ce que ces pays sont si peu sensibilisés aux problèmes de l'Arctique qu'ils ne le savent pas eux-mêmes? Certains pays, comme le Canada, seraient obligés d'assumer un rôle de chef de file et d'indiquer aux autres la voie à suivre.

.1015

M. Young: Je ne suis pas sûr qu'on pourrait leur indiquer la voie à suivre, mais votre dernier commentaire mérite qu'on s'y attarde. Dans la plupart des pays, les problèmes touchant l'Arctique soit ne constituent pas une priorité et, partant, ne font pas l'objet de politiques nationales bien définies, soit sont considérés comme une préoccupation purement nationale. Par exemple, l'exploitation des ressources non renouvelables comme le pétrole, le gaz et le nickel dans la partie septentrionale de la Russie a toujours été considérée comme une priorité, mais une priorité purement nationale. Ce n'est que tout récemment qu'on a commencé à lui donner une dimension internationale.

La même chose vaut pour le Canada et les États-Unis, où les questions touchant les Autochtones, les revendications territoriales, les revendications politiques, ainsi de suite, ont fait l'objet d'études approfondies. Encore une fois, nous ne sommes pas habitués à donner à ces questions une dimension internationale. Il est très difficile de répondre à la première partie de votre question concernant les pays qui assumeraient un rôle de chef de file et les visions qu'ils imprimeraient, tout simplement parce qu'ils n'ont pas accordé à ces questions l'attention qu'elles méritent.

M. Dupuy: Êtes-vous d'accord pour dire que le Conseil de l'Arctique devrait surtout s'attacher, au cours de ses premières années, à sensibiliser les gouvernements aux problèmes de l'Arctique?

M. Young: Absolument, oui. C'est à cela que je pensais quand j'ai dit que le conseil devrait exécuter des tâches génératives. Il pourrait en quelque sorte remplir un rôle de formateur. Parfois, les institutions internationales connaissent du succès non pas seulement parce qu'elles prennent des mesures bien concrètes, mais aussi parce qu'elles aident à faire ressortir les questions qui présentent un intérêt public, à les rendre plus transparentes, à encourager le débat - non pas tellement pour trouver des solutions à ces problèmes, mais plutôt pour définir les préoccupations de politique générale.

Il s'agit là, à certains égards, d'un rôle plutôt modeste par rapport à celui qu'on attend des grandes organisations internationales. Dans un sens, c'est le rôle le plus réaliste et le plus utile, à court terme, que l'on puisse confier au Conseil de l'Arctique, puisque cela lui permettrait de faire ressortir l'importance de ces questions, et surtout d'amener les organes de décision à en discuter. Certaines sont vaguement considérées comme étant importantes sur le plan politique, mais s'il n'y a pas de cadre pour débattre de ces questions ou pour structurer le débat, elles ont tendance à disparaître. On finit par les reléguer au second plan parce qu'elles sont jugées trop compliquées.

On pourrait confier au conseil ce rôle modeste, quoique important, vu que les contraintes très réelles qui existent au niveau des institutions et des ressources nous empêchent de lui donner un rôle plus vaste.

[Français]

Le vice-président (M. Bergeron): Monsieur Sauvageau.

M. Sauvageau (Terrebonne): Monsieur Young, j'ai une question toute simple. Je vais commencer par un constat et vous me direz s'il est juste. Cela déterminera le sens de ma question.

.1020

Vous avez dit dans votre présentation que le Conseil de l'Arctique était une institution qui se cherchait un rôle, qui se cherchait une mission. On a constaté tout le monde ensemble que ce Conseil aura des ressources financières limitées et qu'il fonctionnera par consensus des huit pays membres. Il va se réunir une fois tous les deux ans. Ces conditions démontrent qu'il s'agit d'une institution qui n'a pas beaucoup de dents, qui n'a pas beaucoup de pouvoir, mais tout de même...

Vous avez ensuite dit dans votre intervention qu'on devait, malgré ces lacunes assez importantes, tirer des grandes lignes pour définir des priorités et proposer des projets concrets à faire réaliser par ce Conseil, sur le plan environnemental ou du développement durable ou sur d'autres plans.

Étant donné que toutes ces belles choses ont été faites à l'intention de la population locale, est-ce que ces projets concrets vont être proposés par le comité du gouvernement canadien? Quelle sera l'implication des gens de la base, des autochtones du Nord, de la population locale? Étant donné qu'on a cri ce Conseil pour eux d'abord et avant tout, d'où vont venir ces priorités que nous, autour de cette table, allons essayer de dégager? C'est ma première question.

Comme un intervenant précédent le faisait remarquer, supposons que notre priorité numéro 1, pour nous qui occupons la présidence pendant les deux premières années et pour les populations locales, je l'espère, soit le développement durable. Qu'est-ce qui nous garantit que dans deux ans, le pays qui nous succédera à la présidence, la Finlande par exemple, n'aura pas pour priorité le droit social à l'éducation? Comment peut-on arriver à définir des priorités et à réaliser des projets concrets valables pour une durée de deux ans? D'abord, on ne sait pas qui va définir ces priorités et, deuxièmement, qu'est-ce qui nous assure la mise en oeuvre de ces priorités?

[Traduction]

M. Young: Encore une fois, vous me posez deux questions fort importantes. L'une porte sur le rôle et la participation des intervenants au niveau local, et l'autre sur les priorités du conseil.

Comme je l'ai dit plus tôt, un des principaux dangers qui guette le Conseil de l'Arctique, c'est sa structure pyramidale, puisqu'on a l'impression qu'il est essentiellement composé des ministres des affaires étrangères. Même si on prévoit donner le statut de participant permanent à certains intervenants, si j'étais membre d'une petite collectivité dans l'Arctique, je serais, en toute honnêteté, fort inquiet, car je me demanderais si le conseil chercherait vraiment à répondre aux préoccupations que je juge importantes.

Il s'agit là d'un danger réel. C'est pourquoi j'ai parlé du rapport To Establish an Arctic Council, publié en 1991, qui proposait la création d'un Conseil de l'Arctique qui s'attacherait à répondre aux préoccupations des collectivités locales ou des résidents permanents de l'Arctique.

Donc, je considère qu'il faut chercher à réduire le danger que pose cette structure pyramidale, du fait qu'elle ne semble pas être suffisamment sensible aux préoccupations des collectivités locales.

Pour ce qui est des priorités - qu'arrive-t-il si la Finlande assure la présidence et souhaite accorder la priorité au droit à l'éducation? - bien entendu, dans une certaine mesure, il est tout à fait normal que les priorités changent. On ne veut pas qu'elles soient immuables. Toutefois, il faut assurer une certaine continuité; il faut que certaines grandes priorités continuent de figurer à l'ordre du jour.

.1025

Donc, comme je l'ai laissé entendre dans ma déclaration, le Conseil de l'Arctique pourrait faire de la promotion du développement durable son principal défi, et s'attacher à élaborer une série de principes sur le développement durable. Il s'agirait de principes généraux qui n'imposeraient pas nécessairement un code de conduite aux participants, mais qui porteraient, par exemple, sur les moyens de subsistance, la subsidiarité, l'intégrité culturelle, la cogestion, ainsi de suite.

Je dirais que si les deux premières années au cours desquelles le Canada assure la présidence, on pouvait arriver à une définition du développement durable que l'on arrêterait dans le cadre d'une série de principes, on pourrait alors fixer des limites. On ne pourrait pas dire que d'ici cinq ans, on ne se concentrerait pas davantage sur un point ou un autre, mais on pourrait fixer de véritables limites à l'intérieur desquelles s'inscrirait cette initiative.

Je pense que c'est un risque, surtout parce que dans le cas du développement durable, même s'il s'agit maintenant d'une expression universellement adoptée au plan politique, on n'a jamais clairement défini ce que représente ce concept. Il faut s'efforcer de définir le concept de développement durable dans le contexte de l'Arctique afin d'orienter clairement les principaux points à l'ordre du jour du Conseil.

[Français]

M. Sauvageau: Je vais profiter du changement de président pour prolonger le temps qui m'est alloué. J'ai une deuxième question pour vous, monsieur. Je suis sauvé par la cloche. Donc, j'ai 10 minutes monsieur le président?

Le président: Non.

M. Sauvageau: Sérieusement, monsieur Young, vous avez parlé longuement de développement durable et une chose m'inquiète un peu. J'aimerais que vous me disiez que j'ai tort.

Le Canada a signé, avec plusieurs autres pays, la Convention de Rio qui comportait des objectifs clairs, des horaires fixes, l'Agenda 21, etc. dans lesquels il n'était pas question du sud du soixantième parallèle mais de tout le territoire canadien et d'autres pays. Il est arrivé ce qui est arrivé. Ces gouvernements étaient relativement sérieux; ils se réunissaient tous les jours et non pas tous les deux ans, et étaient dotés de pouvoirs décisionnels.

Devant ce manque de volonté, de sens des responsabilités et l'absence de résultats concrets chez des gouvernements dûment élus, alors qu'il y avait eu tout plein de pétage de bretelles quand cette convention avait été signée par l'ensemble des pays, comment peut-on aujourd'hui espérer que des gens se réunissent de façon consensuelle une fois tous les deux ans, pour essayer de se donner d'abord des objectifs et une définition du développement durable - qui sera, je l'espère, la même que celle de Rio - et ensuite des objectifs concrets avec l'intention d'atteindre des résultats?

Comment peut-on espérer que ce groupe...? Là où je voudrais avoir tort, c'est par rapport à l'impression que j'ai qu'on opère une fuite par en avant. Nous prenons nos responsabilités et nous les refilons à un autre groupe qui aura dix fois moins de pouvoirs que nous en lui disant de s'arranger avec le problème. À partir de maintenant, si ça ne va pas, ce ne sera pas notre faute, mais la leur. Est-ce que je me trompe?

[Traduction]

M. Young: J'aimerais pouvoir vous dire que vous vous trompez, mais bien sûr, vous avez mis le doigt sur une question fondamentale. C'est une question qui, comme vous l'indiquez, s'applique non seulement à l'Arctique, mais à une échelle beaucoup plus universelle, découlant d'Action 21, etc.

Parfois, on se demande si le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Dans ce cas précis, il faut plutôt se demander si le verre est plein à 10 ou 20 p. 100 ou vide à 80 ou 90 p. 100. Je tiens à souligner que par rapport aux plus vastes problèmes, les progrès réalisés à l'échelle universelle grâce à Action 21 ou dans l'Arctique sont très modestes, très limités. Il suffit d'évaluer ces initiatives par rapport à des normes plus complètes ou plus sévères pour s'apercevoir qu'indubitablement, peu de progrès ont été réalisés.

.1030

Par contre, comme nous le savons tous, les choses ne se passent pas du jour au lendemain dans le processus ou le monde politiques. Les questions nous occupent pendant de longues périodes. Dans une perspective que je qualifie de décennale, on s'aperçoit que les choses changent sur des périodes de dix ou vingt ans.

Pour revenir à ce que je disais plus tôt, on est en train de lentement modifier l'ordre du jour, de lentement redéfinir les questions, de lentement poser de nouvelles questions, lesquelles deviendront de plus en plus essentielles au processus politique. C'est un exploit très modeste dont on ne peut pas vraiment se féliciter. Par contre, je crois que les genres de problèmes, ainsi que notre manière de penser, de définir les problèmes, d'aborder l'ordre du jour, se modifient et ces changements se feront sentir sur les dix ou vingt prochaines années. Il suffira de regarder en arrière pour s'apercevoir que cette époque était importante, qu'il s'agissait de véritables faits nouveaux.

Pour ceux qui veulent des actes tout de suite, qui sont impatients face à la lenteur des progrès, c'est très décevant. Je comprends parfaitement pourquoi on peut être dgu. Toutefois, j'observe le verre qui est plein à 10 ou 20 p. 100 et je me dis que quelque chose a été fait.

Le président: Merci, monsieur.

[Français]

M. Sauvageau: En conclusion, monsieur le président, j'ai raison à 10 p. 100 et j'ai tort à 90 p. 100, n'est-ce pas? C'est bien, merci.

[Traduction]

M. Young: L'objectif a été atteint à 10 p. 100, il reste 90 p. 100 du chemin à parcourir.

Le président: Une étape à la fois, comme pour tout.

Monsieur Flis.

M. Flis (Parkdale - High Park): Ai-je droit à deux fois plus de temps comme mon collègue?

Le président: Absolument, monsieur Flis.

M. Flis: Monsieur Young, vous nous avez présenté un exposé très novateur. Vous demandez au Canada de faire preuve de créativité dans l'établissement de l'ordre du jour du Conseil de l'Arctique; je dois cependant vous remercier d'être créatif et de laisser à notre comité quelque chose de concret quant au rôle du Canada.

J'ai quelques questions. Nous commençons par le développement durable comme plate-forme globale, mais cette question entraîne aussi les questions de sécurité. Les États-Unis s'opposent-ils toujours à ce que l'on discute des questions de sécurité au Conseil de l'Arctique?

M. Young: Oui. Officiellement au moins, les États-Unis disent clairement que les questions de sécurité ne devraient pas être inscrites à l'ordre du jour du Conseil de l'Arctique. Je ne pousserais pas plus qu'il ne le faut l'interprétation d'une telle déclaration. Il n'est pas facile de séparer définitivement les questions les unes des autres. Il suffit de commencer à parler de questions concrètes, de questions de fond, pour que souvent surgisse l'élément de sécurité qui s'y rattache. J'imagine qu'il y a des façons d'attirer les États-Unis dans des discussions portant sur des questions de sécurité, sans pour autant dire officiellement que tel est le cas.

Par exemple, dans le cas de la région de Barents dans le nord de l'Europe, la Norvège a dit de façon explicite en 1993, au moment de la signature de la Déclaration de Kirkenes, que les questions maritimes ne seraient pas abordées par le Conseil Euro-Arctique de Barents. Que s'est-il passé? Nous parlons de questions de pêche et d'exploitation gazière et devinez où cela se passe?

Officiellement donc, les États-Unis continueront à dire qu'aucune discussion ne sera tenue sur les questions de sécurité, mais il se peut fort bien...

M. Flis: Entre-temps, les activités maritimes se poursuivent, si l'on pense aux sous-marins américains, etc.

.1035

M. Young: Il se peut fort bien que les questions portant sur certains de ces problèmes puissent surgir dans les discussions.

M. Flis: Nous avons des conventions pour la prévention du déversement et de la pollution des eaux de l'Arctique par les navires, mais de plus en plus d'avions empruntent la route de l'Arctique pour la liaison Europe-Amérique. Est-ce une question sur laquelle devrait se pencher le Conseil de l'Arctique, pour peut- être obtenir une convention pour la prévention de la pollution par les avions au-dessus de l'Arctique?

M. Young: Je n'ai pas beaucoup réfléchi à la question. On pourrait toutefois commencer à se demander s'il serait avantageux d'essayer de faire valoir quelques éléments caractéristiques de l'Arctique dans le cadre d'une entente internationale plus vaste. Par exemple, dans le cadre de la convention de Chicago de 1944 ou dans celui des règles de l'Organisation de l'aviation civile internationale, règles qui se veulent universelles, on pourrait demander si les caractéristiques de l'Arctique, en tant que région internationale, sont suffisamment distinctes pour justifier un traitement particulier dans un cadre universel, de la même façon que l'on pourrait poser des questions au sujet de la pollution maritime. Serait-il souhaitable de désigner l'Arctique comme une région spécifique dans le cadre de la Convention MARPOL?

Par conséquent, même si je n'ai pas trop réfléchi à la question, ma première réaction serait de me demander si, à cause des caractéristiques environnementales, l'Arctique pourrait passer pour un cas particulier nécessitant des règles supplémentaires, s'imbriquant dans l'accord international plus universel sur l'aviation civile.

M. Flis: Nos deux pays ont aidé les anciens pays de l'Union soviétique par le truchement de divers programmes d'aide technique. Vous proposez que l'on envisage un programme d'aide technique pour l'Arctique, ce qui ne me déplaît pas. Toutefois, les ressortissants de nos deux pays pourraient penser que nous apportons le plus gros du financement et que c'est la Russie qui en bénéficiera. Si, comme vous le proposez, nous pouvons faire preuve de créativité, ne pourrait-on pas adopter un système d'échange avec la Russie? La Russie ne dispose pas des ressources financières nécessaires, mais je suis sûr qu'elle dispose de compétences, de matériaux, de savoir technologie, etc., si bien qu'elle pourrait participer à sa manière dans le cadre d'un système d'échange, ce qui permettrait de créer un genre de fonds de l'Arctique.

M. Young: Votre proposition est très intéressante. Lorsque je parle d'un programme d'aide technique, je pense à une opération très peu coûteuse; bien sûr, il faut prévoir un budget, mais un budget aussi minime que possible. Je pense en fait au partage de l'expérience et des connaissances dans des domaines comme la construction de l'infrastructure, les initiatives d'ingénierie, la construction des routes, des pipelines, des terrains d'aviation, des réseaux de distribution aériens sous coffrage, d'habitations assez grandes, etc., dans l'Arctique. Dans un certain sens, comme vous le proposez, il s'agirait d'échanger les expériences, bien ou mal vécues.

Au sujet de la Russie, de l'ancienne Union soviétique, il est intéressant de voir que bien qu'elle ait commis beaucoup d'erreurs dans l'Arctique, elle compte beaucoup plus d'établissements humains dans le nord du pays que ceux que l'on peut retrouver au Groenland ou en Amérique du Nord. Elle dispose d'une vaste expérience en matière d'infrastructure, ce qui a permis d'acquérir des connaissances et de mieux comprendre la réalisation de tels projets. Par conséquent, même si les problèmes sont nombreux et que la Russie, comme vous le dites, dispose de très peu de ressources, il se peut fort bien qu'elle dispose des connaissances et de l'expérience qui pourraient se révéler utiles pour les divers projets de construction prévus en Amérique du Nord également.

Je pense à une mise en commun d'expérience à petit budget. Avant de se lancer dans un nouveau projet dans un pays, on devrait se renseigner auprès de tous les pays de l'Arctique pour savoir si des projets du même genre ont été réalisés et, le cas échéant, s'il est possible de recevoir des conseils, des suggestions et des critiques, en fonction des problèmes rencontrés.

.1040

M. Flis: Ai-je le temps de poser une autre question?

Le président: Oui. Je craignais que M. Young ne dise que la Russie pourrait proposer de partager ses déchets nucléaires ou quelque chose du genre. Il est fort probable que certaines offres ne nous sourient pas.

M. Young: Il ne faut pas voir l'Arctique comme un nouveau site de l'évacuation à long terme des déchets nucléaires. On pense parfois - les zones urbaines du sud - que l'Arctique est loin des yeux et donc loin du coeur. On se dit alors que l'on peut agir en toute impunité, puisque l'Arctique est suffisamment éloigné des centres de population et que cela ne pose donc aucun problème. Peu importe dans la mesure où nous conservons l'image des ours polaires de l'Arctique, etc.

M. Flis: Vous avez souligné à plusieurs reprises vos craintes à propos de la structure pyramidale de l'élaboration des politiques et de la prise de décisions. Pour que les politiques, suggestions et idées créatives viennent directement des intervenants, j'inverserais cette pyramide, plaçant les intervenants et la masse au sommet...

Nous devons cependant offrir une meilleure éducation aux Autochtones de toute la région de l'Arctique. Une solution consisterait probablement à créer une faculté de l'éducation pour l'Arctique où des enseignants autochtones seraient formés pour enseigner les populations autochtones, car malheureusement, nous leur imposons notre échelle de valeurs, même dans leur système d'éducation. Est-ce que les autres pays prennent des mesures susceptibles d'aboutir à un genre de faculté de l'éducation pour l'Arctique?

M. Young: Tout d'abord, permettez-moi de dire que cette notion d'acquisition de capacités - c'est-à-dire améliorer les connaissances et les compétences et enseigner aux habitants de l'Arctique les processus qui leur permettront d'évoluer efficacement dans les milieux politiques - est une question fort importante.

Soit dit en passant, elle est importante, comme vous le dites, pour les peuples autochtones tout d'abord, mais il ne faut pas non plus oublier d'autres résidents permanents de l'Arctique qui sont également importants et qui doivent être écoutés. Cela s'applique particulièrement - peut-être même plus particulièrement - au nord de la Scandinavie et en Russie, beaucoup plus qu'en Amérique du Nord.

En ce qui concerne votre principale question, je ne pense pas qu'il existe de modèles complets qu'il suffirait d'adopter en bloc. Je crois que des expériences ont été réalisées et que l'on pourrait s'en inspirer. Par exemple, en Alaska et au Canada, j'imagine, on dispose d'une vaste expérience en matière de technologie audiovisuelle, laquelle permet d'offrir des services éducatifs aux étudiants éloignés. Par conséquent, au lieu d'opter pour la centralisation, en quelque sorte, et de faire venir les gens dans la collectivité où se trouveraient les établissements d'éducation, nous essayons d'offrir à ceux qui vivent dans des régions éloignées des cours de manière plus décentralisée, au moyen de vidéoconférences interactives, etc.

Je crois que l'Arctique est également une région où les gens ne vont pas tarder à tirer profit - ils le font déjà - des possibilités qu'offre par exemple le World Wide Web. Ces technologies de communication offrent beaucoup de possibilités aux gens qui ne sont pas nombreux et qui sont dispersés dans de vastes régions où les déplacements sont assez coûteux. J'entrevois beaucoup de possibilités à propos des technologies de pointe, qui permettront d'atteindre des objectifs assez simples en matière d'acquisition de capacités.

Je pense qu'il serait très intéressant, dans un sens, de faire l'inventaire, l'examen ou l'évaluation de ce qui se passe dans le domaine de l'éducation dans l'Arctique afin d'identifier les initiatives les plus fructueuses que l'on pourrait adopter ailleurs.

Le président: Je vous remercie, monsieur Flis.

[Français]

Madame Debien.

Mme Debien (Laval-Est): Bonjour, monsieur Young.

.1045

J'ai trois questions. La première va un peu dans le même sens que celle de M. Flis. Vous disiez que la structure pyramidale du Conseil de l'Arctique était une structure de type conservateur. La façon dont M. Flis a abordé sa réponse par le biais de l'éducation m'a plu personnellement. Auriez-vous une proposition ou des idées sur la façon de modifier cette structure pyramidale? Idéalement, quelle devrait être cette structure?

Ma deuxième question concerne le développement durable. Vous avez dit que les questions relatives au développement durable devaient être l'ossature des préoccupations du Conseil de l'Arctique. Vous avez suggéré un certain nombre de principes de développement durable. Vous avez parlé d'égalité des chances, du principe du pollueur-payeur, de la préférence de subsistance, de la protection des espèces, du principe de la subsidiarité. En fin de compte, il y en a plusieurs autres dont on pourrait parler également.

Ma préoccupation, quant au développement durable, concerne plutôt l'environnement. On sait que le développement durable ne se limite pas aux questions environnementales, bien sûr, mais puisque vous sembliez l'aborder un peu et même beaucoup dans cette optique, j'aimerais que vous nous donniez votre opinion sur le point suivant. On sait qu'à cause de l'extrême fragilité de l'Arctique, les questions environnementales sont très importantes. On sait qu'il existe d'anciens sites miniers qui sont contaminés et qui ont contaminé une partie de l'Arctique. Actuellement, au moment où on se parle, il y a des projets de prospection, des projets miniers qui sont en route.

On nous a dit que les autochtones, par exemple dans le cas de la Falconbridge Limited, avaient réussi à imposer un certain nombre de mesures environnementales. Par contre, je m'interroge à savoir si, dans le cadre de la déréglementation des gouvernements en ce qui a trait aux questions environnementales, il faut favoriser ou permettre l'exploitation et le développement miniers en sachant très bien que certains sites sont déjà très contaminés dans l'Arctique.

L'autre question, sous-jacente à celle-là, c'est qu'on dit toujours qu'il faut que les peuples autochtones réussissent à prendre leur développement économique en main et, évidemment, participent aux grands projets de développement, que ce soit de développement minier ou de développement touristique. Il semble y avoir une contradiction entre ces deux aspects et j'aimerais que vous nous donniez votre avis là-dessus.

La troisième chose porte sur ce que vous nous avez dit, à savoir que les questions de sécurité ne doivent pas faire partie des discussions du Conseil, si j'ai bien compris. Je pense qu'on a maintenant un concept de sécurité qui est beaucoup plus large que les questions de frontières ou les questions militaires. La question de l'environnement s'inscrit dans une conception plus large de la sécurité de la planète. En tout cas, c'est une simple précision que j'apporte. J'espère que ce n'est pas dans ce sens que vous en aviez parlé. Avec cela se terminent pour le moment mes remarques et mes questions.

[Traduction]

M. Young: Voilà d'excellentes questions. Je commencerai par répondre à la dernière, parce que ce sera court.

Élargir la définition de la sécurité pour y inclure des principes de sécurité environnementale est probablement la meilleure façon de surmonter la résistance des États-Unis qui ne veulent pas, par exemple, permettre que des questions de sécurité soient discutées au sein du Conseil de l'Arctique. Si, par sécurité, on entendait le déploiement d'avions militaires au-dessus de l'Arctique, les États-Unis refuseraient catégoriquement d'en discuter. Cependant, j'espère qu'en redéfinissant le cadre des questions de sécurité et en discutant, comme vous le proposez, de questions plus générales, nous pourrons peut-être aborder des questions de sécurité au sein du Conseil de l'Arctique sans que les États-Unis rejettent la discussion ou s'y opposent.

.1050

Quant à votre première question au sujet de la structure pyramidale, une éventuelle solution, à un niveau du moins, serait d'adopter des règles de procédure concernant la participation des présumés membres permanents et des divers observateurs. C'est toutefois une réponse très formaliste. Selon moi, les règles de procédure sont importantes, mais la pratique est déterminante.

Je me demande, entre autres, si le Conseil de l'Arctique ne sera pas dominé par des ministères des Affaires étrangères si coupés de la base que celle-ci finira par ne plus y participer. Il s'agit-là d'une très grave préoccupation. La seule réponse consiste à mettre en place un processus ingénieux et à adopter une politique de portes ouvertes afin de bien faire comprendre au conseil, dès le début, que les vues, préoccupations, questions et opinions des membres de la base ne sont pas seulement les bienvenues, mais aussi prioritaires.

Je ne suis pas en train de dire que c'est ce qui se passera forcément. La question est très importante, et il nous faudra travailler fort à la résoudre.

Vient ensuite la question plus générale que vous avez posée au sujet du développement durable. Vos observations à cet égard sont fort intéressantes. J'aurais quelques remarques à faire à ce stade-ci au sujet du développement durable.

Pour ce qui est de sa définition, nous savons, je crois, qu'il faut que le développement durable concilie d'une certaine façon la protection environnementale et le progrès économique, social et culturel. La protection de l'environnement ne sera probablement pas une réalité en l'absence de collectivités stables, durables et vivantes. L'objectif réel du développement durable consiste à trouver des moyens d'établir des liens entre ces deux agendas.

Cela étant dit, toutefois, j'ai l'impression que nous ne ferons probablement pas beaucoup de progrès si nous nous contentons de parler définition, d'essayer de bien définir le développement durable. Selon moi, c'est la pratique qui déterminera probablement le sens à donner au développement durable. Si nous faisons comme je l'ai proposé, c'est-à-dire que nous tentons d'articuler une série de principes réciproquement acceptables, puis que, au fil des ans, nous nous mettons à élaborer des projets en vue d'obtenir des résultats nettement liés au développement durable, nous constaterons peut-être, dans 10 ou 20 ans, que l'expérience nous a donné une idée plus nette de ce qu'est réellement le développement durable. Ainsi, nous apprendrions sur le tas ce qu'est le développement durable.

Enfin, au sujet de ce que vous avez dit à propos des projets miniers et des répercussions environnementales qu'ont diverses activités, j'estime que l'exploitation des ressources est inévitable dans l'Arctique. Je n'en suis pas forcément heureux, mais il faut composer avec la réalité. Il est vrai aussi que les peuples autochtones ou indigènes appuient parfois la mise en valeur des ressources, y compris des ressources non renouvelables. La question à se poser, c'est comment ces projets sont exécutés. Quelles sont les règles et les règlements qui s'appliquent à ce genre d'initiative? Quel genre de processus d'évaluation environnementale faut-il mettre sur pied?

Par exemple, on tente actuellement de voir si l'on peut s'entendre sur une série de lignes directrices relatives à l'évaluation environnementale dans l'Arctique, série à laquelle souscriraient tous les membres du Conseil de l'Arctique. L'initiative est intéressante non seulement parce qu'elle porte sur les effets transfrontaliers et cumulatifs, mais aussi parce qu'elle permet de partager le genre d'expérience qui semble avoir donné de bons résultats ailleurs.

.1055

J'ai donc l'impression que la véritable question à se poser est comment procéder au développement plutôt que de savoir s'il faut le faire ou pas. Il faut travailler d'arrache-pied à la définition de procédures qui réduisent au minimum le risque d'un développement économique ou d'une mise en valeur des ressources qui soit vraiment destructeur comme ce que nous avons pu voir en Union soviétique au cours de ses 20 dernières années d'existence.

Je ne vous ai communiqué que quelques réflexions en réponse à vos questions très intéressantes et très variées. Cependant, j'espère qu'elles vous seront utiles.

Le président: Monsieur Young, je vous remercie beaucoup. Elles sont effectivement utiles.

Je me demande si je puis ajouter une question à celle qu'a posée Mme Debiens, parce que j'ai été, moi aussi, étonné de vous entendre qualifier la structure de très pyramidale, plutôt rigide et traditionnelle. On nous a dit que la participation de la Conférence circumpolaire inuit était prévue et que les peuples autochtones seraient officiellement représentés au sein du conseil, que son mode de fonctionnement... en fait, il s'agissait-là d'une des caractéristiques du conseil qui le distinguaient des autres organes de droit international. Vous n'en êtes pas très convaincu, n'est-ce-pas?

M. Young: D'emblée, j'affirme que le concept de permanence des membres et l'acceptation initiale de ces trois grands organismes à titre de membres permanents sont certes l'élément le plus nouveau de ce projet de création d'un organe international. Je ne souhaite pas, par mes propos, laisser entendre que ce n'est pas une bonne idée ou que la réalisation n'est pas valable. Cependant, ces trois organismes qui sont les premiers membres permanents sont eux-mêmes des structures pyramidales de haut niveau qui représentent d'immenses territoires. Leur personnel est souvent basé dans des capitales nationales. Il n'est pas très clair dans quelle mesure ils sont capables de bien refléter et représenter les préoccupations de la base.

Je ne dis pas cela pour critiquer. Cependant, l'une des difficultés de ce genre d'organisme, c'est que les dirigeants passent leur temps à voyager d'un pays à l'autre, à passer d'une salle d'audience à une autre et à rencontrer des fonctionnaires des Affaires étrangères. Ils perdent assez vite le contact avec les habitants d'Old Crow ou de Pond Inlet, par exemple, dont ils n'ont plus la confiance.

Le problème est encore plus grave en Russie, par exemple, où le principal organisme de la fédération russe - l'association des minorités indigènes du Nord, de la Sibérie et de l'Extrême-Orient - n'a presque aucun moyen en place pour périodiquement consulter ses membres nominaux. Dans les petites collectivités de l'Extrême- Nord de la Russie, on se sent très peu écouté par les représentants de l'association et on leur fait peu confiance, ce qui n'est pas très réconfortant.

Par ailleurs - c'est vrai partout dans tout l'Arctique, mais particulièrement dans l'Arctique européen et asiatique - , la région ne compte pas que des indigènes ou des autochtones. Bien que je sois un ferme partisan des droits des peuples indigènes, je crois aussi que, pour pouvoir agir avec efficacité auprès de tous ceux qui ont un enjeu, auprès de la base, auprès des personnes qui habitent dans cette région et qui y gagnent leur vie, il faut avoir en place des mécanismes pour demeurer en contact avec...

.1100

Il faut un mécanisme - je ne parle pas d'un mécanisme juridique comme de prévoir des sièges à une table quelconque pour ces organismes - , un processus de consultation par exemple dans le cadre duquel les utilisateurs, ceux qui ont un enjeu, les collectivités et groupes discernables qui ont des intérêts et des enjeux à long terme estiment avoir facilement accès à des réseaux leur permettant de s'exprimer d'une manière qui leur inspire confiance. Étant donné la structure qui ressort de la déclaration, je vois cela comme un défi de très grande taille.

Lorsqu'on étudie ce genre d'ententes internationales, on dit souvent que l'on s'apprête à passer de la théorie à la pratique. Il existe une entente sur papier, ce qui en soi est une réalisation très importante. Cependant, la façon de passer de la théorie à la pratique aura vraisemblablement beaucoup d'influence sur la signification, l'incidence et les résultats à long terme de cette initiative. La façon d'établir des liens entre les gouvernements nationaux et la base est l'un des facteurs les plus déterminants du succès de toute l'initiative.

Le président: Ces commentaires sont très utiles à certains égards et profondément troublants à d'autres. En tant que membres du comité parlementaire, nous sommes consciemment sensibilisés au problème d'une société mondiale de plus en plus interdépendante, exigeant de plus en plus d'organes internationaux qui, par conséquent, se trouvent éloignés de leur clientèle.

Le comité s'est déplacé dans l'Arctique précisément parce qu'il voulait essayer d'établir un lien direct avec les peuples arctiques. Toutefois, nous sommes tristement limités, en termes de temps et d'énergie que nous pouvons y consacrer. Nous espérons pouvoir nous rendre en Europe.

Ce que vous avez dit soulève tant de questions. Existe-t-il d'autres modèles qui nous permettraient de faire ce que vous proposez? Comment composer avec le fait que nous avons huit partenaires? Vous avez mentionné la Russie et le modèle européen dans le cadre duquel les ministres se rencontrent au sein de la Communauté européenne. S'il s'agit d'un dossier agricole, les ministres de l'Agriculture se rencontrent, plutôt que les ministres des Affaires étrangères. Par contre, s'il s'agit d'une question sociale, ce sont les ministres chargés du portefeuille social qui s'en chargent. De toute évidence, c'est un moyen très efficace de régler les questions. Mais comment inciter nos autres partenaires à le faire? Comment attirer la Russie dans ce genre d'arrangement si les Russes eux-mêmes n'y sont pas prêts?

Avant de conclure, j'aimerais simplement vous souligner un autre problème auquel je suis confronté: Comment faire participer nos collègues américains, que vous connaissez mieux que nous, à ce processus quand, après avoir parlé de certains dossiers avec Washington, on se rend compte que Juneau a peut-être une autre approche?

Par exemple, quand il est question de la harde de la Porcupine qui préoccupe au plus haut point ceux qui habitent nos propres régions du Nord, nous découvrons que Washington ne nous tient peut-être pas le même langage que le gouvernement de l'Alaska lorsque la prospection pétrolière et gazière et d'autres formes de prospection sont en jeu. Qui exerce le contrôle à ce moment-là?

Il s'agit peut-être davantage de réflexions que de questions. Je suis d'accord avec vous que la question est terriblement importante. Si vous pouviez nous aider, nous vous en serions très reconnaissants.

M. Young: Vous touchez-là à l'un des plus grands obstacles de notre fin de siècle. Le phénomène de la mondialisation exige l'élaboration d'initiatives de plus en plus inclusives en réponse à des problèmes mondiaux. Par contre, il est de plus en plus difficile de garder le contact avec la base. Cet obstacle est l'un des plus grands de notre époque, dans tous les domaines.

Certains aspects du contact avec la clientèle méritent une réflexion. Parfois, le Canada a fait figure de pionnier en adoptant des procédures du genre. Ainsi, durant les années 70, le juge Berger a adopté cette approche dans le cadre de son enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie lorsqu'il s'est rendu dans les collectivités pour entendre leurs témoignages. Il a pris le temps d'écouter leurs doléances, en un certain sens. Le processus a été plutôt long. Par contre, sur le plan global, les ressources n'étaient pas... Il s'agissait d'une seule personne se déplaçant dans la campagne et entendant des témoignages. Ce n'était pas tant la nature de ce qui s'est dit que la manifestation d'un intérêt réel pour ce qu'avait à dire la base.

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Il est remarquable de voir quel genre de décisions on accepte si l'on estime avoir contribué au processus, alors qu'on les rejetterait si elles étaient imposées. Plus tard, durant les années 80, j'ai été intrigué de voir que le juge Berger avait pu se rendre en Alaska pour créer ce qu'on a appelé l'Alaska Native Review Commission, en dépit du fait qu'il était Canadien. Il s'est servi de la même méthode avec beaucoup d'effet. L'expérience était intéressante.

De plus, il n'a pas encore été question, ce matin, d'un organe fort intéressant appelé le Forum nordique. Bon nombre d'entre vous savent qu'il s'agit d'un organisme international regroupant des unités infranationales de gouvernement - les comtés, les provinces, les territoires, les États, etc. Comment s'insère cet organe dans le tableau général? Il ne s'agit pas d'un mouvement de la base, ni d'un organe de haut niveau, mais il représente quand même les intérêts de Juneau, d'Hokkaido et de diverses régions du Canada et du nord de la Scandinavie, et ainsi de suite. Il faudra aussi trouver un moyen d'inclure cette voix dans le choeur.

Comme vous l'avez dit, il y a beaucoup de pain sur la planche. Il y a tant à faire qu'on se décourage et qu'on ne sait pas par quel bout commencer. Toutefois, nous pourrions, entre autres, examiner attentivement l'expérience des 10 ou 20 dernières années, voir ce que des personnes comme le juge Berger ont fait, en vue de faire une espèce de bilan des résultats obtenus.

Nous avons aussi accumulé suffisamment d'expérience, surtout au Canada et aux États-Unis - ainsi qu'en Europe septentrionale, jusqu'à un certain point - , des divers genres d'autonomie gouvernementale régionale, des règlements des revendications territoriales, des arrangements corporatifs qui ont été pris en vue de céder des pouvoirs ou des ressources au niveau local. Il serait extrêmement intéressant, à la phase de démarrage du Conseil de l'Arctique, de surveiller et d'évaluer non pas les polluants, mais les modes de fonctionnement d'organes cris dans l'Arctique et dans divers pays. Il faudrait voir ce qui a donné des résultats et ce qui n'en a pas donné, la raison pour laquelle... Nous avons fait l'essai d'une importante gamme d'approches et d'innovations organisationnelles. Il serait peut-être fort utile de les évaluer afin de voir comment les diverses clientèles peuvent jouer un rôle utile et permanent dans ce processus mondial.

Le président: Pour en revenir à mon exemple de la harde de la Porcupine, ainsi qu'aux questions de Mme Debien au sujet de l'environnement et du développement durable, croyez-vous que le Conseil de l'Arctique peut jouer...? Si la discussion de ces questions se fait en présence de nos partenaires russes et scandinaves, le règlement de ces questions bilatérales sera-t-il plus facile, étant donné la complexité de nos régimes fédéraux? Croyez-vous plutôt que l'on rêve en couleur?

M. Young: Cette méthode me laisse très sceptique. Quand on passe à des questions intéressant davantage le fond ou se rapportant à un sujet précis comme cela, on court le risque très réel de politiser le processus, ce qui n'est pas productif.

.1110

Il faudrait donner au Conseil de l'Arctique un droit de regard comme celui que vous exercez sur ce que font certains organismes gouvernementaux. Par conséquent, il serait actif sur le plan de la politique; toutefois, je serais très inquiet s'il intervenait trop dans le fond et la gestion quotidienne des projets. Cette façon de faire ne nous a parfois pas beaucoup réussi - la harde de caribous de la Porcupine en est, en toute franchise, un bon exemple.

Si vous regardez ce qui se fait en termes de protection de l'habitat ou d'aires naturelles protégées dans le cadre de la Stratégie de protection de l'environnement arctique, par contre, des mesures plutôt constructives et précises sont parfois prises. Elles s'expliquent, en partie, par le fait que des représentants d'organismes hiérarchiques de différents pays au programme très chargé sont capables de se réunir pour régler des problèmes communs. Intervenir au quotidien dans l'élaboration de la politique à cet égard ne serait pas bon. Il faudrait que le conseil ait un droit de regard sur la politique à l'occasion, cependant, pour s'assurer que l'on emprunte la bonne voie.

Le président: Je vous remercie. Vos réponses me sont très utiles.

[Français]

Monsieur Bergeron.

M. Sauvageau: J'ai lu votre document en diagonale parce qu'on ne l'a eu que ce matin et non pas parce que je ne m'y intéressais pas. À la page 35, il y a une phrase que vous écrivez qui me...

Une voix: Version anglaise ou française?

M. Sauvageau: À la page 35 de la version française. Il y a un passage qui me fait m'interroger par rapport à un autre de la page 10, qui n'est pas contradictoire. À la page 35, on peut lire:

Selon la vision qu'on en a aujourd'hui,...

et aujourd'hui même c'est encore plus vrai,

Pour donner un exemple à votre phrase de la page 35, vous parlez, à la page 10 de la version française, du Forum nordique qui a été établi officiellement en novembre 1991:

Ma question est la suivante: le Conseil de l'Arctique va-t-il influencer les autres organisations et institutions? Doit-on prendre en considération dans notre étude ce qui existe déjà, et de quelle façon la création du Conseil de l'Arctique va-t-elle influencer ces organisations ou ces institutions?

[Traduction]

M. Young: Étant donné le peu de temps dont vous avez disposé pour en prendre connaissance, je tiens à vous remercier d'avoir pris la peine de lire le texte et de soulever un point aussi intéressant. Votre question comporte deux parties. Je commencerai par répondre au point que vous soulevez au sujet de la page 35 concernant les institutions et organismes.

Lorsqu'il est question de coopération internationale, nous établissons souvent une distinction entre une institution - soit une série de droits, de règles et de pratiques sociales - et un organisme. L'organisme a une connotation plus concrète; on voit un bureau, du personnel, un budget, de la technologie, etc. Bien souvent, nous créons des organismes pour administrer des institutions, c'est-à-dire qu'ils ont pour fonction ou objet de gérer, de mettre en oeuvre ou d'administrer les règles, les droits ou la structure des rôles et liens de l'institution.

.1115

Il y a ambiguïté au sujet du Conseil de l'Arctique. Celui-ci est-il destiné à se transformer en organisme? Sera-t-il abrité par un immeuble, avec de vrais bureaux et des employés? Je n'en suis pas sûr. Il est difficile d'en juger. Toutefois, si c'était le cas, en fonction de quelles règles ou de quel code de conduite ou droit administrerait-il ou gérerait-il? Voilà où réside l'ambiguïté. Quand on lit la déclaration et qu'on a suivi les négociations qui l'ont précédée, il est difficile à ce stade-ci de prévoir quelle orientation prendra exactement cette nouvelle entité. C'est l'une des grandes questions qu'il faut régler au cours des deux à quatre prochaines années.

Quant à votre dernier point au sujet des autres initiatives qui sont déjà en place et du rôle joué par le Conseil de l'Arctique dans celles-ci, j'ai l'impression que le conseil n'ira nulle part s'il tente de s'établir comme une entité tout à fait distincte et sans rapport avec les autres initiatives. Sa seule chance de succès est de trouver un moyen d'intégrer ces diverses initiatives en un tout cohérent, dont le cadre obligatoire serait peut-être le Conseil de l'Arctique qui lui donnerait alors sa cohérence ou contribuerait à l'intégration de toutes les composantes. Cependant, s'il tente de s'établir en parallèle, il n'aboutira à rien.

[Français]

M. Sauvageau: Donc, pour faire une étude pertinente des rôles et objectifs du Conseil de l'Arctique, le comité devrait étudier les rôles ainsi que les tenants et aboutissants des autres institutions ou organismes nordiques pour créer un ensemble et non pas une autre structure. C'est bien ce que vous nous dites?

[Traduction]

M. Young: Tout à fait. Ce qu'il faut ici, c'est une sorte de division des tâches telle que les parties du tout ont toutes un rôle relativement bien défini au sein de la structure globale de coopération internationale. C'est le seul espoir. Vous avez donc tout à fait raison: en tant que comité, il vous faudrait étudier toutes ces autres activités ou ces autres organismes afin de voir comment ils pourraient former un tout cohérent.

[Français]

Le président: Les recherchistes me disent qu'il y a des choses qui s'en viennent, monsieur Sauvageau. Je restreins un peu votre curiosité parce qu'on a déjà énormément de retard.

M. Sauvageau: Non, mais il faut faire un travail efficace.

Le président: Absolument.

M. Sauvageau: Il est peut-être un peu trop tôt pour en préjuger, mais advenant le cas où le comité se rendrait compte, en étudiant le Conseil de l'Arctique en relation avec les autres institutions et organismes existants, qu'il n'y a pas de liaison possible, que cette alchimie ne peut pas vraiment fonctionner, proposeriez-vous quand même le maintien du Conseil de l'Arctique?

[Traduction]

M. Young: Nous avons conclu que cette alchimie ne se produirait pas. Par conséquent, si cela se produisait, le Conseil de l'Arctique demeurerait probablement lettre morte. Il continuerait vraisemblablement d'exister sur papier, mais il serait de plus en plus ignoré et ne jouerait simplement pas de rôle influent dans l'Arctique - ce qui arrive occasionnellement.

Il n'est pas du tout inusité qu'on prenne des initiatives et qu'elles n'aboutissent à rien. Bien souvent, elles ne disparaissent pas. Elles continuent de figurer sur l'organigramme. Il y a peut- être quelqu'un, quelque part, à qui l'on a délégué la tâche de suivre la documentation qui est produite. Cependant, en réalité, l'initiative est dépassée par les événements et n'a pas d'importance soutenue. C'est certes ce qui se produirait dans le cas du Conseil de l'Arctique. Pour l'instant, rien ne garantit que cela n'arrivera pas.

Le président: Je vous remercie. C'est un pensez-y bien.

Monsieur Dupuy.

.1120

M. Dupuy: Pour en revenir à ce que vous disiez au sujet d'accorder une plus grande priorité aux questions arctiques dans le programme mondial et à la représentation des peuples de l'Arctique, quel rôle y voyez-vous pour les parlementaires? Je sais qu'il existe une association de parlementaires de l'Arctique et, naturellement, nous consacrons nous-mêmes beaucoup de temps à examiner les questions circumpolaires. Nous avons accumulé beaucoup de connaissances à leur sujet et nous continuons de le faire, mais, en fin de compte, nous produirons un rapport et passerons à autre chose. Ensuite, il y aura des élections générales, et certains d'entre nous ne seront peut-être plus là pour contribuer à ce savoir.

Comment, selon vous, les parlementaires peuvent-ils contribuer à mettre en valeur les priorités et la représentation de l'Arctique? Que vaut, selon vous, l'Association des parlementaires de l'Arctique?

M. Young: Comme vous le savez peut-être, j'ai participé à la réunion des parlementaires de l'Arctique qui a eu lieu plus tôt cette année, à Yellowknife. Ce fut pour moi une bonne occasion de réfléchir à ce genre de questions.

Les parlementaires représentent un morceau très important du casse-tête à cet égard, et je ne le dis pas simplement pour vous flatter. Les organismes gouvernementaux, les ministères des Affaires étrangères et d'autres ministères, peuvent prendre certaines initiatives, mais je crois que leur portée est très limitée. Je ne sais pas si elles peuvent vraiment avoir une influence, que ce soit en termes de politique ou en termes de ressources plus matérielles, si les élus du peuple ne sont pas partis à l'élaboration des activités et à leur orientation.

Comme je l'ai dit déjà, ces initiatives ou ententes internationales signées par des ministres des Affaires étrangères ou quiconque les signe sont probablement vouées à l'échec ou condamnées à demeurer lettre morte si le public, lors d'élections, ne leur manifeste pas un appui réel.

Par ailleurs, les parlementaires peuvent aussi jouer un rôle utile, lorsqu'il faut faire en sorte que ceux qui ont un enjeu ou les diverses clientèles soient écoutés, faire en sorte que certains qui n'ont parfois pas beaucoup de voix au chapitre dans la hiérarchie plus administrative soient entendus. Cela varie, dans une certaine mesure, d'un pays à l'autre, mais c'est souvent le cas.

À la fin de cette réunion, j'estimais que c'était une fort bonne idée de reconnaître les parlementaires de l'Arctique comme un intervenant, comme un participant au processus du Conseil de l'Arctique. En dépit de son libellé très général, la déclaration reconnaît l'importance des parlementaires de l'Arctique, ce qui m'a réjoui. Cet ajout a nettement amélioré le texte que l'on avait fait circuler auparavant.

Le président: Il ne semble pas y avoir d'autres questions. Par conséquent, j'aimerais, au nom de tous, remercier M. Young d'avoir répondu à notre invitation. Habituellement, nous entendons plusieurs témoins experts, mais votre témoignage de ce matin a été tout aussi utile. Il est bon d'élargir notre expérience en dialoguant avec vous, et nous sommes certes conscients de votre grande compétence dans ce domaine. Nous vous sommes reconnaissants de vous être déplacé de Dartmouth pour être des nôtres aujourd'hui. Nous vous remercions beaucoup, monsieur.

M. Young: C'est moi qui vous remercie beaucoup de m'avoir accueilli. Vous savez, j'en suis convaincu, que je m'intéresse depuis longtemps à ces questions et que rien ne me plairait davantage que de répondre aux autres questions que vous pourriez avoir plus tard.

Le président: Vous pouvez peut-être répondre à la question de M. Dupuy, qui voulait savoir ce qui se produira après les prochaines élections. Nous nous retrouverons peut-être tous à Dartmouth à la recherche d'un emploi. Vous pourrez alors nous offrir le déjeuner.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Bergeron.

[Français]

M. Bergeron: J'ai une question concernant la prochaine séance du jeudi 3 octobre, de 10 h à 12 h 30. D'après les indications qu'on a dans l'horaire des travaux des différents comités, on semble indiquer que la rencontre sur l'Iraq ne durerait qu'une demi-heure, c'est-à-dire de 11 h 30 à 12 h.

.1125

Le président: Une heure, soit de 11 h 30 à 12 h 30.

M. Bergeron: Serait-il possible que nous commencions un peu plus tôt le matin, de façon à disposer d'un peu plus de temps avec les fonctionnaires?

Le président: Le problème, c'est que nous avons d'abord une réunion avec les Cris. Donc, si nous voulons avoir plus de temps pour l'Iraq...

M. Bergeron: Est-ce qu'on peut rencontrer les Cris plus tôt le matin?

Le président: On verra. Si on siégeait ne serait-ce qu'une demi-heure plus tôt, on aurait 90 minutes pour l'Iraq. Vous croyez que ce serait souhaitable? D'accord.

M. Bergeron: Monsieur le président, j'ai une autre question concernant les travaux futurs du comité. J'aimerais reparler d'une espèce de calendrier synoptique des travaux à la fois des comités et des sous-comités.

Je voulais poser une question concernant la rencontre qu'on doit avoir avec les gens de l'Université Laval. Est-il prévu qu'à cette occasion on ne rencontre que des gens de l'Université Laval ou doit-on rencontrer également d'autres témoins?

M. Gerald Schmitz (attaché de recherche auprès du comité): Je pense qu'on pourrait ajouter quelques témoins, si c'était acceptable au comité.

Le président: Vous préféreriez ajouter quelques témoins?

M. Bergeron: Je préférerais qu'on s'en tienne aux gens de l'Université Laval.

Le président: Pour le moment, c'est ainsi. Nous allons donc en rester là. D'accord?

M. Bergeron: Parfait. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: A-t-on d'autres questions à poser ou d'autres observations à faire au sujet du calendrier?

Il faudra bientôt essayer d'adopter notre budget. La greffière y travaille, mais j'ai hâte d'amorcer le processus à la Chambre. Nous l'examinerons donc à la première occasion. Nous avons réussi à le réduire sensiblement, soit d'environ 60 000 $. Je crois donc que nous sommes sur le point d'avoir un budget beaucoup plus acceptable. J'aimerais le faire approuver par tous les membres du comité au plus tôt, après quoi je pourrai le présenter au sous-comité de liaison.

[Français]

M. Bergeron: On pourra s'en reparler formellement avant, monsieur le président?

Le président: D'accord.

[Traduction]

Le comité s'ajourne jusqu'à 9 h 30, jeudi prochain. Vous serez avisés si l'heure de la séance est changée. Je vous remercie beaucoup.

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