[Enregistrement électronique]
Le jeudi 3 octobre 1996
[Traduction]
Le vice-président (M. English): Je déclare la séance ouverte.
Je souhaite la bienvenue aux témoins qui comparaissent aujourd'hui et je remercie les membres du comité d'être présents.
Avant de commencer, le greffier m'a demandé de dire aux membres qui ne l'ont pas encore fait de lui indiquer dans les plus brefs délais s'ils feront partie du groupe un ou du groupe deux pour le voyage en Europe. Cela lui est nécessaire pour prendre les arrangements voulus. Ils doivent également indiquer quels sont leurs plans de voyage, c'est-à-dire s'ils doivent partir plus tôt ou plus tard et quel est leur point de départ.
Nous en discuterons mardi matin et je vous demanderais donc de communiquer ces renseignements au greffier avant mardi matin, ce qui nous permettra d'établir le budget du voyage. Y a-t-il des questions à ce sujet?
[Français]
M. Bergeron (Verchères): Il serait important de préciser les heures de départ et de retour et d'autres détails relatifs au voyage du sous-groupe qui se rendra en Allemagne.
[Traduction]
Le vice-président (M. English): Nous devons par ailleurs savoir quels sont ceux qui se rendront en Allemagne. Il y a cinq places de disponibles. Le gouvernement allemand a eu l'amabilité d'offrir de défrayer les dépenses de ces personnes et nous devons donc savoir le plus tôt possible qui ira en Allemagne et qui désire y aller. Pourriez-vous nous le faire savoir?
Nous recevons aujourd'hui les représentants du Grand Conseil des Cris: le grand chef Matthew Coon Come; Ted Moses, ambassadeur des relations étrangères; et Bill Namagoose, qui est directeur exécutif. Ils nous feront aujourd'hui un exposé sur le Canada et la coopération circumpolaire.
Je vous demanderais d'essayer de limiter la durée de votre exposé, afin de nous laisser le temps de poser des questions. Je remarque que le texte de votre mémoire est assez long et nous aurons l'occasion de le lire. Il serait donc utile que vous limitiez la durée de votre intervention.
Grand chef Coon Come, voulez-vous commencer?
Le Grand chef Matthew Coon Come (Grand Conseil des Cris du Québec): [Le témoin s'exprime en langue autochtone].
Monsieur le président, je tiens à vous remercier, ainsi que les membres du comité, de nous avoir invités à participer à cette séance et à vous faire part de notre expérience en ce qui a trait à la communauté internationale.
Je voudrais déposer officiellement notre mémoire et notre déclaration. J'essaierai d'être bref. Nous l'avons passé en revue et avons rayé certains passages. Non pas qu'ils ne soient pas importants, mais nous allons passer par-dessus. Nous tenons assurément à mettre en relief certains des points qui sont abordés. Ted Moses, qui est notre ambassadeur, me viendra en aide, de même que notre directeur exécutif, Bill Namagoose.
Nous travaillons sur la scène internationale depuis 1981. Nous vous présentons le fruit de notre expérience, ce que nous avons vu du comportement du gouvernement fédéral, les politiques qui nous touchent et les décisions qui sont prises et qui ont une influence énorme non seulement sur nos vies, mais sur nos propres économies d'échelle. Nous présentons donc cela au comité.
Nous avons un document de ce genre depuis 1981. On pourrait croire que nous nous plaignons, mais nous nous contentons d'énoncer les faits, de consigner ce que nous voyons au sujet du traitement des peuples autochtones dans la communauté internationale et du comportement du gouvernement fédéral qui a élaboré ces politiques.
Cela dit, monsieur le président, je passe maintenant à notre texte. Au fur et à mesure, je vous dirai à quelle page j'en suis afin que vous puissiez suivre.
Le territoire cri de Eeyou Astchee est un trait d'union entre la région circumpolaire à l'est de la baie James et de la baie d'Hudson et la zone boréale plus au sud. Mon peuple, les Cris, habite dans les deux territoires. Notre localité la plus au nord est bien à l'intérieur de la région circumpolaire et, comme vous le savez tous, nous chassons, nous pêchons et nous faisons le piégeage très loin dans la zone subarctique. Ainsi, les questions qui touchent la région circumpolaire sont d'une importance vitale pour nous. À nos yeux, les droits des peuples autochtones qui ont toujours vécu dans la région circumpolaire sont d'une importance primordiale.
À une époque plus récente, notre territoire a été sous le contrôle d'autres personnes vivant loin au Sud. Les conséquences de cet état de fait n'ont pas été bonnes. Notre territoire a été contaminé, nos forêts, coupées, nos rivières, endiguées et nos terres, inondées et creusées sans qu'on s'inquiète le moins du monde des peuples qui vivent dans l'Eeyou Astchee.
Si nous commençons par expliquer brièvement notre travail au plan international, vous pourrez sans doute mieux comprendre l'importance de notre comparution aujourd'hui. Nous voulons discuter de bien des choses.
Notre organisme, le Grand Conseil des Cris, s'est d'abord adressé aux Nations Unies en 1981. Nous nous sommes tournés vers la communauté internationale parce nous nous étions malheureusement rendu compte qu'il nous serait difficilement possible de régler nos problèmes, de régler nos griefs et nos différends en nous adressant nous-mêmes exclusivement au gouvernement du Canada ou à la province de Québec, c'est-à-dire en soulevant ces questions à l'intérieur du pays.
Au début de 1980, nos collectivités ont été touchées par des épidémies de gastro-entérite, de tuberculose et de rougeole; huit nourrissons sont décédés cette année-là de maladies qu'on aurait tout à fait pu prévenir. C'est à cette époque que nous avons lancé des études sur les collectivités cris et inuit et que nous avons constaté que l'épidémie ne se serait probablement pas produite si les services et les infrastructures sanitaires prévus dans la convention de la Baie James et du Nord québécois, le traité de 1975 entre les Cris, les Inuit, le Québec et le Canada, avaient été mis en oeuvre en temps voulu.
En fait, malgré des demandes répétées, les gouvernements n'ont pas respecté les obligations solennelles prises dans le cadre du traité, et n'ont pas assumé les responsabilités relatives aux programmes normaux à l'intention des Cris de la Baie James. Ce n'est qu'après cinq ans de vaines tentatives pour faire respecter nos droits que nous nous sommes tournés vers la communauté internationale.
Avant cette toute première visite à l'Organisation mondiale de la santé et aux bureaux des Nations Unies à Genève, en Suisse, un fonctionnaire fédéral a conseillé aux Cris de ne pas y aller. Il nous a dit que notre visite aux Nations Unies auraient des «répercussions négatives» pour le règlement de nos problèmes, ici, au Canada. Nous y sommes allés quand même. Nous sommes allés aux Nations Unies pour obtenir ce que nous ne pouvions obtenir au Canada et nous n'aurions pas dû avoir à le faire.
Les circonstances qui nous ont forcés à agir ainsi en 1981 perdurent malheureusement - les gouvernements n'examinent pas adéquatement nos préoccupations et ne respectent pas nos droits au Canada, dans le contexte canadien. De plus en plus, nous jugeons nécessaire d'aller à l'extérieur du Canada pour que les questions canadiennes d'importance soient réglées.
Au cours des dernières années, le ministère des Affaires étrangères a envoyé d'importantes délégations gouvernementales à toutes les réunions des Nations Unies portant sur les questions autochtones. Même la province de Québec envoie régulièrement des fonctionnaires provinciaux avec les délégations fédérales à ces rencontres. C'est la seule province qui le fait.
Passons à la page 4 de notre mémoire, où il est question de la campagne du Canada contre la reconnaissance internationale des droits des peuples autochtones. Dès le début, lorsqu'un fonctionnaire fédéral a donné un avertissement aux Cris au sujet de leur visite aux Nations Unies, le gouvernement du Canada s'est efforcé de freiner la reconnaissance des droits des peuples autochtones par la communauté internationale.
Je tiens à déclarer au comité qu'il ne s'agit pas là de l'opinion du seul Grand Conseil des Cris. Elle est en effet partagée par l'Assemblée des premières nations et par la plupart sinon toutes les organisations autochtones représentant les peuples autochtones du Canada. C'est également la conclusion à laquelle sont arrivées la plupart sinon toutes les organisations représentant les peuples autochtones dans le reste du monde.
Le Canada est reconnu internationalement par les peuples autochtones comme le pays qui fait le plus d'efforts pour limiter la reconnaissance internationale des droits des peuples autochtones du monde. Cela n'appuie en rien les efforts que nous faisons pour limiter les activités de développement sur notre propre territoire, pour protéger l'environnement dans le Nord ou pour contribuer au développement social et économique des peuples de la région circumpolaire.
Un exemple frappant est celui de la discrimination contre les femmes autochtones. Jusqu'à sa modification en 1985, la Loi sur les Indiens contenait des dispositions qui enlevaient leur statut d'Indiennes aux femmes autochtones épousant des non-Autochtones. Les femmes indiennes qui se mariaient avec des non-Autochtones voyaient leur statut révoqué, mais pas les hommes autochtones qui épousaient des femmes non autochtones. Les descendants de la femme autochtone à qui on révoquait son statut ne pouvaient jamais eux-mêmes avoir le statut d'Indien.
Ce cas de discrimination sexuelle flagrante a fait l'objet de discussions jusqu'en Cour suprême. Le gouvernement du Canada prétendait que la Loi sur les Indiens était valable et on lui a donné raison. La discrimination fondée sur le sexe en vertu de la Loi sur les Indiens était donc protégée.
Normalement, comme toute autre affaire relative aux droits des Autochtones au Canada, on s'en serait tenu là. Mais en 1977, une Autochtone courageuse, Mme Sandra Lovelace, a décidé d'en appeler au Comité des droits de la personne des Nations Unies en vertu du protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le gouvernement du Canada a allégué avec force devant le comité qu'il devait rejeter la cause, qu'il s'agissait d'une question autochtone nationale et non une question de droit international.
Le Comité des droits de la personne des Nations Unies a tout de même accepté d'entendre la cause. Le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Justice et le ministère des Affaires indiennes se sont rencontrés pour préparer leur cause contre Mme Lovelace devant les Nations Unies. Il n'y a pas si longtemps de cela. Les arguments présentés par le Canada sont encore une cause de honte et d'embarras.
Le Comité des droits de la personne des Nations Unies a décidé que la Loi sur les Indiens était discriminatoire à l'endroit des femmes autochtones et a demandé que la loi canadienne soit changée. Le projet de loi C-31 a alors modifié la Loi sur les Indiens pour éliminer les dispositions en cause et y substituer d'autres dispositions, qui faisaient peser la discrimination sur les enfants de la deuxième génération. La nouvelle loi comportait pour la première fois les principes racistes de «sang pur et de sang mêlé».
Lorsque le projet de loi C-31 a été déposé, le Canada n'a pas claironné qu'il y avait été forcé par une décision des Nations Unies. Il n'a dit mot sur le fait qu'il avait violé le Pacte international interdisant la discrimination fondée sur le sexe contre les femmes autochtones.
Parlons maintenant du mot «peuples». On a beaucoup discuté de ce «s», et c'est très pertinent de nos jours étant donné le climat politique et l'incertitude découlant au Québec du programme du Parti québécois et du Bloc québécois. C'est tout à fait pertinent, de nos jours. C'est peut-être la plus grande menace qui soit faite aux peuples autochtones du Québec.
Les Nations Unies sont actuellement en train d'examiner un projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, résultat d'environ 12 ans de travail par une sous-commission de la Commission des Nations Unies sur les droits de la personne.
Quelques pays ont emboîté le pas au Canada, qui s'est le premier lancé dans la bataille aux Nations Unies pour refuser d'employer l'expression «peuples autochtones» en parlant du sujet de cette déclaration. Le Canada avait proposé d'autres appellations: «populations», «communautés», «sociétés», et finalement «peuple» au singulier, sans le «s». C'est ce qu'on a appelé aux Nations Unies la bataille du «s».
Quel est le problème du Canada? La Constitution du Canada nous désigne comme les «peuples» autochtones, comme tous les manuels et documents scientifiques et juridiques, y compris le mémoire préparé par la Bibliothèque du Parlement pour la séance d'aujourd'hui. C'est la terminologie habituelle au Canada, en Australie et, d'ailleurs, dans le monde entier.
Le vice-président (M. English): Excusez-nous un instant, chef Coon Come.
[Français]
M. Sauvageau (Terrebonne): Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Coon Come.
Je ne sais pas s'il est à propos, à ce moment-ci, de vous faire part de ce rappel au Règlement, mais notre ordre du jour précise que nous ferons un examen de la coopération circumpolaire. Je voudrais savoir si la discussion portera sur la coopération circumpolaire ou si nous parlerons de façon globale des problèmes des autochtones.
Est-ce qu'on va venir à la question de la coopération circumpolaire ou si nous parlerons des autochtones?
[Traduction]
Le vice-président (M. English): Chef Coon Come, comme le signalait M. Sauvageau, le sujet d'aujourd'hui est la coopération circumpolaire. Nous avons très peu de temps. Vous serait-il donc possible de passer aux sujets qui se rapportent à la coopération circumpolaire? Nous reconnaissons l'importance des questions que vous avez soulevées. Nous avons en main votre mémoire où elles sont présentées. Mais nous avons peu de temps ce matin puisse que d'autres témoins vous suivront. Je me demande si vous ne pourriez pas passer plus rapidement aux autres questions.
Grand chef Coon Come: Monsieur le président, pourriez-vous me donner une idée du temps dont nous disposons?
Le vice-président (M. English): Environ 10 à 15 minutes, pour que nous ayons le temps de vous poser des questions. Nous avons ici 12 députés et chacun aimerait avoir l'occasion de poser des questions. On prévoit habituellement 10 minutes pour chaque parti. Nous pouvons donc vous laisser environ 10 minutes encore.
Grand chef Coon Come: Monsieur le président, lorsque nous examinons la déclaration relativement à l'établissement du Conseil de l'Arctique, nous parlons des références faites au droit à l'autodétermination et à l'utilisation du mot «peuples» dans la déclaration de l'Arctique. Nos commentaires cadrent donc très certainement avec le mandat de votre comité.
Le vice-président (M. English): Il y a certainement du vrai dans ce que vous dites. En feuilletant votre document, j'ai vu que certains sujets pertinents viennent plus tard: le Parlement européen, la fourrure, l'exploitation forestière, les forums internationaux, l'OIT. Mais il nous reste peu de temps. Si vous pouvez parler tout de suite de ces sujets, dont nous avons déjà discutés avec nos autres témoins, nous sommes prêts à recevoir votre témoignage. De toute façon, nous avons votre mémoire.
Vous pouvez donc continuer pendant 10 ou 15 minutes, puis nous vous poserons des questions pour mieux comprendre vos propos. Dans la mesure du possible, concentrez-vous sur les questions circumpolaires, s'il vous plaît.
Grand chef Coon Come: Je vais céder la parole à Tel Moses. Il a participé à des comités et sous-comités internationaux. Je vais lui demander de résumer les questions qui vous intéressent.
Le vice-président (M. English): Merci beaucoup. Monsieur Moses.
M. Ted Moses (Ambassadeur aux Nations Unies, Grand Conseil des Cris du Québec): Merci, grand chef.
Monsieur le président, j'aimerais formuler un commentaire avant de faire le résumé que vous demandez. Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que la présentation du Grand Conseil des Cris traduit notre expérience d'au moins quinze années d'interventions auprès de la communauté internationale et d'au moins 20 ans de relations avec le gouvernement du Canada. Par conséquent, toutes les questions que nous avons soulevées devant les membres du comité sont tout à fait pertinentes, étant donné le travail du comité et l'établissement du Conseil de l'Arctique.
Il ne s'agit pas simplement de questions autochtones que l'on peut isoler et étiqueter comme étant des questions autochtones pour ensuite les négliger dans le contexte de la création du Conseil de l'Arctique, dont feront nécessairement partie les peuples autochtones de l'Arctique canadien. Cela aura un effet sur les peuples autochtones ainsi que sur leur rôle, leur participation. Vous avez soulevé la question du rôle du Canada dans d'autres forums internationaux, ainsi que celle de la relation du Canada et du gouvernement du Canada avec les Cris, par le passé.
Nous sommes ici pour vous faire part de notre expérience, pour vous dire ce qui nous est arrivé. Lorsque nous nous présentons devant un forum international, que ce soit les Nations Unies ou l'Organisation des États américains, ou d'autres, et même au Canada, nous savons qu'on peut tirer des leçons de l'expérience passée et c'est pourquoi nous voulons partager notre expérience. Il est dommage que nous n'ayons pu lire tout notre texte afin qu'il soit au compte rendu des délibérations du comité, mais nous essaierons de satisfaire votre demande.
Le Grand chef a déjà parlé de la question du mot «peuple» et de la bataille du «s». C'est une question importante, qui touche non seulement les peuples autochtones mais également d'autres peuples du Canada. C'est certainement une question fondamentale dont les Nations Unies sont tout à fait conscientes. Aux yeux des Cris et des autres peuples autochtones, nous sommes des peuples, peuples au pluriel, ayant le droit à l'autodétermination. Je voulais que cela soit clair.
Il y a aussi la question de l'intérêt national et du rôle que le gouvernement du Canada a joué, à ce sujet. Pour ce qui est du rôle du Canada, il y a un fil conducteur pour toutes les questions que nous soulevons. Malgré la responsabilité du représentant fiduciaire qui a fait l'objet d'une décision de la Cour suprême il y a quelques années, un précédent respecté par d'autres gouvernements dans le reste du monde, le Canada n'a pas assumé son rôle de représentant fiduciaire.
Dans bien des forums internationaux, le Canada s'est présenté comme un adversaire. Il a déployé tous les efforts nécessaires pour freiner le progrès. Il a adopté diverses positions. Nous avons eu toute une lutte au sujet de l'utilisation du mot «peuples». Le Canada formule souvent les mêmes arguments selon lesquels nous avons le droit d'exprimer certaines choses au sujet de nos droits, mais qu'il a des politiques et qu'il doit donc agir en fonction de l'intérêt national du Canada. Nous avons deux ou trois pages, au moins, là-dessus.
Il y a aussi toute la question de Grande Baleine et d'Hydro-Québec. Encore une fois, nous avons des questions. Nous soulignons dans notre mémoire que le rôle du Canada a été surtout celui d'un adversaire. Le Canada n'a pas assumé son rôle de fiduciaire. Il ne s'est pas conformé à ses obligations en vertu de la Convention de la Baie James, un traité moderne, datant de 1975. Des systèmes ont été mis en place pour protéger l'environnement dans le nord du Québec, où certains travaux devraient être soumis à une évaluation environnementale. Le Canada devait y jouer un rôle. Malheureusement, le Canada semble s'être croisé les bras en regardant les Cris se battre tout seuls pour veiller à ce que ces dispositions de la convention soient respectées. Le Canada et Hydro-Québec ont cherché en cachette des solutions qui leur permettraient d'éviter de se conformer à la convention. C'est particulièrement le cas du Québec, qui utilise ses propres lois pour en contourner d'autres, découlant de la Convention de la Baie James.
De toute façon, c'était une lutte importante pour les Cris, comme nous nous y attendions. Il aurait fallu l'intervention du Canada, dans bien des cas, mais nous avons reçu très peu d'aide. Je pense que c'est important lorsque l'on considère le Conseil de l'Arctique. Quel rôle le Canada s'attend-il à jouer, étant donné ses relations avec les peuples autochtones intéressés, lorsqu'il s'agira de respecter l'environnement et de veiller à ce que les peuples autochtones participent notamment à la protection de l'environnement? Les peuples autochtones auront-ils le droit de vote? Pourront-ils participer pleinement à la prise des décisions qui toucheront de près l'Arctique et ses peuples?
Le Canada a consacré tout son pouvoir et sa richesse à sa collaboration avec les grandes entreprises du pays, ainsi qu'avec la province de Québec, pour lutter contre les bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du nord québécois, dans l'affaire du projet de Grande Baleine.
Nous vous signalons également qu'en vertu de certaines conventions, le Canada a l'obligation de présenter des rapports périodiques aux Nations Unies. Encore une fois, je tiens à mentionner que le Canada s'est donné le beau rôle, en démontrant au reste du monde qu'il prenait bien soin des Amérindiens, que le reste du monde n'avaient pas à s'inquiéter pour eux, que le ministère des Affaires indiennes dépensait un milliard de dollars en programmes et en services destinés aux Autochtones. Dans son rapport, le Canada a délibérément omis certains renseignements, certains faits. Nous pouvons le prouver, puisque nous annexons à notre mémoire des copies du rapport du Canada. On y trouve de la désinformation au sujet de la situation des peuples autochtones. On n'y reconnaît pas que certaines choses sont mauvaises, que le gouvernement du Canada ne fait pas ce qu'il doit faire.
Nous avons dû faire des démarches auprès de nombreux organismes des Nations Unies, ainsi qu'auprès de membres du comité en leur demandant de poser certaines questions au sujet du rapport du Canada. Il faut pour cela du temps et de l'énergie. Nous sommes une petite organisation, disposant de peu de ressources. C'est le Québec et le Canada qui profitent du gros des avantages tirés de l'exploitation des ressources dans le nord du Québec, et non les Cris.
On pourrait continuer et parler des documents sur les politiques canadiennes et de Habitat II. Encore une fois, il est flagrant que le gouvernement a exclu les peuples autochtones dans le document exprimant sa position. Il y a eu très peu de participation, lorsqu'elle n'a pas été rejetée dès le départ. Le rapport ne décrivait pas exactement la situation du logement des peuples autochtones au Canada, même si un rapport du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord parle d'un arriéré dans l'attribution de logements et la création d'infrastructures dans nos collectivités.
Nous avons vécu récemment une expérience de ce genre avec le sommet mondial sur la sécurité alimentaire qui aura lieu bientôt. Encore une fois, le Canada n'a pas consulté les peuples autochtones. Il nous a fallu écrire de nombreuses lettres et le jour avant l'achèvement du rapport final, on nous a demandé de présenter nos commentaires ou de modifier le document exprimant la position du Canada le soir même. Nous ne parlons pas d'un petit document d'une dizaine de pages mais d'un ensemble de documents. Il faut les lire avec sérieux et savoir exactement où l'on peut exprimer ces commentaires. Même maintenant, rien ne garantit que nos commentaires seront intégrés au rapport.
D'après la position adoptée par le Canada, l'agriculture est la seule source d'alimentation. Les peuples autochtones, qui pendant 5 000 ans ont réussi à survivre avec leur économie traditionnelle, ont pu subsister en tirant leurs aliments de ce que leur donnait la terre, les eaux et les mers. On n'en tient pas compte dans le document du Canada.
Le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, dont vous a parlé plus tôt en deux mots le Grand chef, renferme le mot «peuples». Encore une fois, le Canada a été le premier pays à s'y opposer et à demander des changements au projet de déclaration, qui résultait du travail de cinq experts, sur une période de 12 ou 13 ans. Le projet de déclaration découle de nombreuses années de discussion. Je n'ai pas l'intention de m'attarder sur les dispositions du projet de déclaration, mais je dirai simplement que le rôle du Canada est à notre avis douteux. Il n'a pas joué son rôle de fiduciaire. Nous n'avons pas obtenu du Canada, qui doit protéger nos droits, la confiance et la responsabilité à laquelle on pouvait s'attendre. D'ailleurs, dans ces discussions, le Canada cherchait le plus souvent à contrecarrer nos efforts.
Nous ne savons pas qui décide des politiques. Nous n'avons pas eu l'occasion de rencontrer des ministres qui pouvaient influencer l'élaboration des politiques. La participation à l'élaboration des politiques nous a été refusée. Il y a, paraît-il, des consultations annuelles auprès de nombreuses organisations non gouvernementales; à notre avis, il ne s'agit pas vraiment de consultations. Il s'agit plutôt de séances d'information. Personne n'est consulté.
On a également proposé la création d'un forum permanent pour les peuples autochtones aux Nations Unies. Encore une fois, le Canada s'est opposé à nous, en disant qu'il y a déjà un groupe de travail sur les peuples autochtones aux Nations Unies et que cela devrait suffire à régler les problèmes des peuples autochtones.
Dans la communauté internationale, nous avons des liens avec d'autres forums internationaux. Je ne les décrirai pas en détail. Il y a notamment le groupe BIT-169, du Bureau international du travail, qui a été modifié en 1989. Il s'agissait du 107, à l'époque, adopté en 1957 et devant être réexaminé. Là encore, le Canada a joué un rôle de premier plan à la conférence, dont n'ont résulté que les instruments internationaux existants, exécutoires et applicables au sujet de la race des peuples autochtones. Le Canada s'est encore une fois opposé à nous. Il s'est efforcé d'affaiblir les dispositions importantes aux yeux des peuples autochtones et de rendre les décisions du BIT moins exécutoire. Il a joué un rôle prépondérant en essayant d'amoindrir la portée du mot «peuples», même si ce mot existe dans la Constitution canadienne. La convention n'a toutefois pas été approuvée. Le Canada prétendait qu'il fallait le consentement des provinces pour qu'elle soit approuvée.
Il y a d'autres instruments. Il y a l'instrument juridique de l'Organisation des États américains sur les droits des peuples autochtones. Cet instrument, je le signale, lierait tous les États américains et porterait sur les droits des peuples autochtones. Encore une fois, le Canada a décidé de diluer nombre de provisions qui pourraient mener à la reconnaissance des droits des peuples autochtones.
Nous avons participé. Il nous a fallu présenter certaines questions à la communauté internationale, comme au Parlement européen. Prenons la fourrure ou l'exploitation forestière. Je ne m'y attarderai pas trop. Mais là encore, il nous a fallu quitter le Canada et aller présenter notre cause en Europe. Pourtant, lorsque nous sommes là, le gouvernement du Canada ne nous encourage pas, de manière que nous puissions collaborer ou travailler en partenariat, comme on aurait dû le faire dans le cadre de l'Année internationale des Nations Unies... Il a fallu aller là-bas défendre nos droits. Le Canada était encore une fois contre nous.
L'exploitation forestière est une question qui touche actuellement les Cris. Le Canada n'assume pas son rôle et ne respecte pas ses obligations en vertu de la convention de la Baie James. Les Cris sont confrontés à des coupes à blanc. Toute une façon de vivre est menacée.
La Décennie internationale des populations autochtones a été déclarée par les Nations Unies, et le Canada a prétendu être en faveur de cette déclaration. Toutefois, au pays, il n'y a pas de soutien ni d'argent pour donner un sens à cette décennie internationale. L'objectif de cette décennie était de sensibiliser les gens à la question des droits des peuples autochtones. Malheureusement, le Canada n'a pas jugé bon d'y consacrer de l'argent.
Nous avons également une expérience pratique de la Commission des Nations Unies sur le développement durable, mais je ne m'y attarderai pas.
Nous avons d'autres commentaires pertinents au sujet du travail de ce comité et de la création du Conseil de l'Arctique, notamment toute la question du financement des activités internationales des Autochtones. Le conseil de bande n'a reçu aucun financement. Il nous a fallu tout faire avec nos propres fonds.
Très peu d'organisations autochtones ont pu participer aux forums internationaux pour y exprimer leurs points de vue, décrire leur situation et défendre leurs droits, parce que le Canada n'a pas décidé de leur donner de l'argent pour qu'ils puissent y participer de manière efficace.
La semaine dernière, nous sommes également allés assister aux délibérations sur la séparation du Québec, à la Chambre des représentants des États-Unis. Nous savons que ces discussions ne font que commencer, mais le Canada y est allé, et le gouvernement du Québec, mais les Cris n'ont pas été avisés de ce genre d'événement et ils ne peuvent certainement pas espérer recevoir de l'aide financière pour y aller.
La Chambre des Lords s'est beaucoup intéressée à la question des droits et du statut des Cris dans le contexte d'une séparation du Québec. Encore une fois, le Canada a adopté des positions au sujet de l'étude en cours.
Toutes ces expériences ont été négatives. Nous avons dû lutter contre le Canada. Nous ne pouvons nous fier au gouvernement du Canada pour présenter de manière juste, exacte et raisonnable la situation des peuples autochtones.
Au Canada même, nous ne pouvons nous attendre à ce que le gouvernement du Canada défende nos droits, parce que dans bien des forums, le Canada a décidé que certaines de ses politiques ont déterminé... Nous ne savons pas qui décide de ces politiques.
En gros, le Canada a décidé d'être l'adversaire des peuples autochtones, pour nombre de ces questions, et de ne pas s'acquitter de ses responsabilités de fiduciaire des peuples autochtones du Canada.
J'aurais aimé faire plus court, j'ai essayé de me limiter.
Le vice-président (M. English): Merci beaucoup.
Je suis désolé pour nos limites de temps, mais les membres du comité sont occupés et ont d'autres responsabilités. Nous avons une autre séance qui a dû être reportée et qui aura lieu après celle-ci.
Merci beaucoup. Je pense que vous avez fort bien su présenter vos arguments d'une manière très efficace.
M. Bachand sera le premier à poser des questions.
[Français]
M. Bachand (Saint-Jean): Je suis un peu surpris de votre présentation. Tout d'abord, nous sommes ici pour discuter de la coopération circumpolaire. J'admets qu'il est important que vous nous brossiez un tableau plus large des enjeux qui vous conduisent à une position sur la question circumpolaire, mais j'ai été surpris de vous entendre dire tout au long de votre présentation, si je vous ai bien compris, que le Canada est pour vous un adversaire en termes de reconnaissance, non seulement à l'interne ici au Canada, mais aussi sur le plan international. J'aimerais savoir si c'est un changement de tangente pour vous autres.
Je suis conscient que vous avez toujours été critiques à l'égard des gouvernements, mais jamais n'ai-je entendu de critique aussi virulente contre le Canada. Vos propos semblent dépasser tous ceux que avec vous tenus depuis quelques années. Vous allez plus loin que ce que je connaissais de vous, les Cris.
J'aimerais que votre réponse fasse un lien avec la situation du Québec qui a quand même reconnu 10 ou 12 nations sur son territoire, ce que le Canada n'a pas fait.
J'aimerais également que vous commentiez les propos de l'ancien adjoint du ministre Irwin, Brad Morse, qui affirmait que les nations du Québec, dont les Cris qui venaient probablement en tête, étaient beaucoup plus avancés en matière de développement économique, de maîtrise de leur langue et de protection de leur culture que n'importe où ailleurs au Canada.
Donc, vous êtes des adversaires du Canada. Dois-je comprendre que vous êtes des amis du Québec maintenant?
[Traduction]
Le vice-président (M. English): Qui aimerait répondre à cette question?
Le grand chef Coon Come: Seul un membre du parti de l'opposition profiterait de l'occasion...
Des voix: Oh, oh!
Le grand chef Coon Come: Nous espérions que la création du Conseil de l'Arctique représenterait une coupure par rapport au passé et établirait de nouveaux rapports avec les peuples autochtones. C'est le message que nous tentions de faire comprendre aux membres.
Dans l'exposé que nous avons préparé pour notre comparution devant ce comité, nous critiquons en effet beaucoup le Canada, et le Québec n'a certainement pas appuyé les opinions des peuples autochtones au sein de la communauté internationale. Le Québec est tout aussi coupable que le Canada, pour des raisons que je n'ai pas besoin de vous rappeler.
Nous n'avons pas changé notre position. Nous énonçons des faits devant le comité, qui veut, nous l'espérons, essayer d'établir de nouveaux rapports avec les peuples autochtones. Vous créez le Conseil de l'Arctique, au sein duquel vous discuterez de questions concernant l'environnement et la salubrité des écosystèmes de l'Arctique. Vous y discuterez de la biodiversité de la région arctique, de même que de la conservation et du développement durable. Or, tout cela concerne les peuples autochtones.
Au Canada, comme vous le savez tous, le développement s'effectuera sur des terres indiennes. Au Québec, lorsque vous voudrez abattre des arbres et construire des barrages, ce sera sur des terres indiennes. Pensez-vous que le Québec dira: «Nous reconnaissons vos droits; nous reconnaissons que vous avez droit à l'autodétermination. Nous reconnaissons que vous devriez participer à ces tribunes»? Je ne le pense pas. Le Québec est tout aussi coupable.
Le Québec dit qu'il a reconnu par une résolution les 12 nations qui existent au Québec. Qu'a fait le gouvernement? Ses actions étaient plus éloquentes lorsqu'il a adopté son projet de loi dans lequel il refusait d'admettre les droits des Autochtones et assujettissait tous les droits autochtones, les droits issus des traités et les droits de la personne aux droits que le Québec a proclamés pour lui-même. Cette mesure législative était plus éloquente que la résolution qu'on entend toujours soulever à des comités comme celui-ci et selon laquelle le Québec traite mieux ses peuples autochtones. Le Québec est tout aussi coupable que l'Ontario, l'Alberta et les autres provinces, bien qu'il dise mieux traiter ses Indiens.
Pourquoi disons-nous cela? Parce que nous estimons que ce n'est pas la province de Québec, ni la province de l'Ontario, ni la province de l'Alberta, qui peut parler au nom des peuples autochtones. Nous sommes assez sûrs de nous pour faire valoir notre propre cause. Nous avons l'expérience voulue. C'est nous qui vivons dans ces conditions.
Nous avons des solutions. Nous ne nous opposons pas systématiquement au développement. Nous avons vécu dans ces conditions à cause des projets que vos gouvernements ont mis en oeuvre, et nous estimons certainement avoir quelque chose à offrir. Or, on nous tient à l'écart. Quelqu'un qui est à l'écart peut mieux voir que les gens qui ont une vision étroite des choses parce qu'ils sont trop concentrés sur ce qu'ils font. C'est pourquoi nous sommes déjà venus ici vous dire que nous appuyons ce Conseil de l'Arctique.
Ferez-vous participer les peuples autochtones? Le Canada, en vertu de sa Constitution actuelle, la loi fondamentale du pays, qui reconnaît les droits autochtones - et j'espère que le Québec le fait également, parce que c'est encore dans la Constitution - les fera-t-il participer? Dira-t-il que c'est chose du passé, qu'il redressera les torts commis au cours de l'histoire et qu'il cherchera à établir de nouveaux rapports, qu'il fera participer les peuples autochtones?
Serons-nous membres de ce Conseil de l'Arctique? Participerons-nous? Ou allons-nous assumer un rôle d'observateur et regarder le Danemark, la Finlande et le Canada prendre des décisions qui nous concernent? Serons-nous seulement des observateurs assis à l'arrière de la salle pendant qu'on prendra des décisions qui nous toucheront directement? Ne pourrions-nous pas participer? Votre comité tiendra-t-il compte de notre opinion? Oublierez-vous le passé et direz-vous que vous êtes bons et que vous traitez bien vos Indiens?
Que faites-vous de l'avenir? Ne me rappelez pas les résolutions que vous avez adoptées et les lois que vous avez modifiées. Nous avons vécu tout cela. Dites-moi ce que vous allez faire demain. Que ferez-vous au cercle arctique? Dites-moi comment vous ferez participer les peuples autochtones aux décisions que vous prendrez et qui nous toucheront.
Vous avez ici une occasion avec le cercle arctique. Il y aura du développement dans le Nord, et les peuples autochtones seront là. Nous ferez-vous participer?
Le vice-président (M. English): Merci, grand chef Coon Come.
Je pense que nous devrons donner cinq minutes à chaque parti; autrement, nous aurons seulement trois députés qui poseront des questions. Je donne maintenant la parole à M. Duncan, ensuite à M. Assadourian et enfin à M. Sauvageau.
M. Duncan (North Island - Powell River): Merci, monsieur le président. Si j'ai droit seulement à cinq minutes, je serai aussi bref que possible afin que vous ayez le temps de me répondre. J'avais trois questions à poser, mais je me contenterai de deux pour commencer.
La première concerne la création du Conseil de l'Arctique. Vous sembliez être en faveur de ce conseil. J'ai eu la même impression lorsque j'ai passé une semaine dans la région ouest de l'Arctique. Les dirigeants autochtones avec qui j'ai parlé là-bas semblaient aussi avoir plus confiance dans le Conseil de l'Arctique que dans tout autre organisme existant. Le gouvernement fédéral a déjà prévu un million de dollars par année pour le financement des activités de la Commission canadienne des affaires polaires, au sujet de laquelle ils ont beaucoup de doute. Comme aucun financement n'est pour l'instant affecté au Conseil de l'Arctique, ils pensent qu'il serait préférable d'y affecter ce million de dollars. Je voudrais donc entendre vos commentaires à ce sujet.
Deuxièmement, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord discutera d'une motion mardi. Je vais simplement la lire aux fins du compte rendu et demander au grand chef de commenter la motion. C'est moi qui ai proposé cette motion.
- Je propose que le comité exhorte le gouvernement à garantir les droits des peuples autochtones
du Canada en protégeant leur citoyenneté canadienne et leur droit de continuer à faire partie du
Canada s'ils le désirent dans le cas d'une déclaration unilatérale d'indépendance par le
gouvernement du Parti québécois.
Le vice-président (M. English): Monsieur Bergeron.
[Français]
M. Bergeron: Dans le même esprit que tout à l'heure, j'aimerais que les témoins et les membres du comité s'en tiennent à l'objet de l'étude qui est le nôtre, à savoir la coopération circumpolaire. Nous ne sommes ici pour régler les affaires internes du Canada ni les affaires constitutionnelles; ces questions peuvent être étudiées par un autre comité et ne devraient certainement pas faire l'objet d'une étude de notre comité.
On peut s'éparpiller dans toutes les directions, mais je ne crois pas que ce puisse nous être utile dans l'étude qui est la nôtre actuellement.
M. Sauvageau: Donc la question est...
[Traduction]
M. Mills (Red Deer): Monsieur le président, je pense qu'il demande essentiellement l'opinion de ces messieurs sur cette question, qui est tout à fait pertinente au sujet dont nous sommes saisis.
[Français]
M. Bergeron: Monsieur le président, si vous me le permettez, ces témoins auront certainement l'occasion de faire valoir leur point de vue devant des comités parlementaires adéquats ou à l'extérieur, comme ils le font amplement depuis de nombreuses années.
Je ne crois pas que nous devions leur accorder les quelques minutes qui nous restent sur ce thème, puisque nous devons nous en tenir aux affaires circumpolaires. J'en appelle à votre jugement, monsieur le président. Je vous demande de juger irrecevable la deuxième question du député.
[Traduction]
M. Flis (Parkdale - High Park): Au sujet du même rappel au Règlement, monsieur le président, sauf le respect que je vous dois, nous avons la liberté de parole ici. Comme le Bloc a soulevé cette question lorsque l'un de ses propres membres a abordé le sujet, je pense que le député réformiste pose une question recevable, et nous devrions entendre la réponse.
Le vice-président (M. English): Quiconque parmi nos témoins veut répondre devrait se concentrer le plus possible sur les questions liées au Conseil de l'Arctique. La première partie de cette question s'y rapportait certainement.
En ce qui concerne la deuxième partie de la question, c'est un sujet que le comité examinera, mais si les témoins pensent que c'est pertinent à notre étude, qu'ils s'estiment libres de la commenter.
Le grand chef Coon Come: Le comité qui sera formé, le Conseil de l'Arctique, est un comité international. Il existe des pactes internationaux que le Canada a signés et ratifiés. C'est dans le contexte de ces pactes internationaux ratifiés par le Canada que nous faisons valoir dans notre exposé le fait que tous les peuples ont droit à l'autodétermination.
C'est en vertu du droit à l'autodétermination que nous avons le droit de pouvoir assurer notre propre subsistance, au moyen des ressources naturelles, et nous tenons à faire valoir ce droit parce qu'au Conseil de l'Arctique vous prendrez des décisions en matière d'environnement et de développement durable pour la région arctique.
Nous jouissons certainement des mêmes droits de la personne. Ces droits sont reconnus dans des instruments internationaux dont le Canada est signataire et qu'il a ratifiés. Nous utilisons ces instruments pour faire valoir nos arguments, afin d'avoir voix au chapitre, de pouvoir participer à ce qui se passera là-bas. C'est pourquoi nous présentons nos arguments.
M. Moses: Le grand chef s'est certainement prononcé en faveur de l'établissement d'un Conseil de l'Arctique, et un tel organisme est appuyé par les Cris.
Nous signalons essentiellement ce que nous avons vécu dans le passé. La création du Conseil de l'Arctique fournit au Canada et aux peuples autochtones l'occasion d'amorcer de nouveaux rapports. Nous ne pensons donc pas que vous puissiez dire qu'il faudrait oublier le passé, oublier ce que le Canada fait actuellement. Ce n'est pas possible. Nous avons vécu ces expériences, et le gouvernement du Canada apportera au Conseil de l'Arctique exactement les mêmes points de vue que dans le passé, espérant que les peuples autochtones ne diront mot.
Il faut en tenir compte. Voici une occasion d'amorcer de nouveaux rapports. Ne nous contentons pas seulement de dire que le passé est le passé et qu'il faut l'oublier. Tirons des leçons de nos expériences. Prenons un nouveau départ.
En ce qui concerne le financement, si le gouvernement du Canada n'a pas de meilleur endroit pour «garer» ce million de dollars que le Conseil de l'Arctique... Je ne dis pas que le Conseil de l'Arctique ne doit pas recevoir de financement. Je pense qu'il faut lui accorder toutes les ressources appropriées et suffisantes, sur le plan financier et humain. Mais s'il ne trouve pas de meilleure place pour «garer» cet argent, pourquoi ne pas l'affecter aux organisations autochtones du Canada? Vous nous permettrez au moins de nous rendre à Genève ou à New York, pour faire valoir et défendre nos droits.
Le vice-président (M. English): Merci.
Pour d'autres conseils sur le stationnement, monsieur Assadourian.
Des voix: Oh, oh!
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Il faut une vignette de stationnement; autrement, on vous enlève votre voiture... et votre argent.
Premièrement, j'ignore si vous êtes au courant, mais le comité se rendra dans certains pays d'Europe pour discuter de la situation dans l'Arctique. Je voudrais que vous nous donniez une idée de ce que nous devrions chercher à savoir, de quoi nous devrions parler, lorsque nous serons en Russie, en Scandinavie ou dans d'autres pays du Nord de l'Europe.
Mon autre question concerne vos rapports avec les sept autres nations autochtones de l'Arctique. Pouvez-vous nous dire quelque chose qui nous permette d'avoir des discussions constructives lors de ces réunions? Le comité se rendra dans ces pays, et nous aimerions savoir ce que vous avez à dire à cet égard; nous aimerions avoir votre point de vue.
M. Moses: J'essaierai de répondre à la question.
Tout d'abord, vous nous avez entendus, et je suis persuadé que vous entendrez des représentants d'autres peuples autochtones - ou du moins, j'espère que vous en entendrez - au Canada. Ne soyez pas surpris d'entendre constamment parler des mêmes questions. Je ne pense pas que vous puissiez isoler ces questions de la création du Conseil de l'Arctique. Je tiens à le dire bien clairement.
Lorsque vous irez dans ces autres pays qui s'intéressent à la création du Conseil de l'Arctique, je pense qu'il faudrait inviter les Autochtones qui vivent dans cette partie du monde, comme par exemple les Lapons, des peuples autochtones de la région arctique de l'ex-Union soviétique et d'autres parties de l'Arctique. Je suis persuadé qu'ils parleront des mêmes sujets, des mêmes préoccupations, concernant toute la question de nouveaux rapports.
Créons quelque chose avec lequel nous pouvons tous travailler et qui sera réalisable. Ne prenons pas un vieux concept que nous n'aimions pas et qui ne fonctionne pas, pour essayer de l'appliquer à une situation qui prévaut à la fin du 20e siècle.
Les questions que nous avons abordées sont de nature pratique et ne concernent pas seulement les Cris. Ce sont des questions qui préoccupent les peuples autochtones, qui sont communes à d'autres peuples autochtones, et elles ne sont pas exclusives aux peuples de la région arctique, mais elles concernent aussi d'autres régions du monde.
Les questions dont nous vous avons parlé aujourd'hui méritent certainement plus d'attention de la part du comité permanent, peut-être plus tard. Il faut corriger certaines choses, avant qu'on puisse amorcer de nouveaux rapports. Vous ne pouvez pas continuer de refaire sans cesse les mêmes choses et vous attendre à ce que les peuples autochtones disent que c'est le début de nouveaux rapports. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que le Conseil de l'Arctique devienne la solution à tous les problèmes que nous avons vécus. Vous créeriez alors simplement un autre organisme sous un autre nom et peut-être avec un nouveau budget, un organisme qui continuera de fonctionner comme dans le passé, à répéter toutes les expériences qu'ont vécues les peuples autochtones.
M. Assadourian: Si vous le permettez, au sujet de la deuxième partie de ma question, j'aurais préféré que les peuples autochtones représentant toutes les nations se réunissent pour présenter un front commun. Il serait ainsi plus facile à chaque nation de discuter de cette question, au lieu de... Ici au Canada, nous avons trois ou quatre points de vue sur le même sujet. Si vous multipliez cela par six, on obtient ainsi 24 ou 25 points de vue différents. Si vous vous rencontriez préalablement pour former un conseil présentant un point de vue ferme sur les préoccupations des Autochtones, il serait beaucoup plus facile d'aborder ces questions. C'est pourquoi je demande si vous avez des rapports avec d'autres peuples autochtones dans d'autres pays.
M. Moses: Nous avons des rapports avec plusieurs peuples autochtones dans de nombreuses régions du monde. Nos préoccupations sont très semblables aux leurs. Si vous parlez toutefois de réunir les peuples autochtones, je pense que les peuples autochtones en ont le désir, mais il y a certaines restrictions qui nous en empêchent.
M. Assadourian: Lesquelles?
M. Moses: Les ressources. Nous provenons de différentes parties du monde et nous n'avons pas nécessairement les ressources nécessaires pour nous réunir pendant une longue période, afin de travailler ensemble à la présentation d'une position commune. Si le gouvernement du Canada prenait l'initiative à cet égard, je pense que les Cris et d'autres peuples autochtones le verraient certainement d'un oeil favorable.
M. Assadourian: J'ai encore une très brève question. Vous avez mentionné tantôt que cela représentait 20 ans de frustrations. Je pense qu'une période de 20 ans est suffisante pour permettre aux peuples autochtones de six ou sept pays de se réunir pour présenter un point de vue qu'on pourrait vendre aux Canadiens et aux autres pays, un point de vue qui nous ferait connaître les questions les plus importantes en ce qui vous concerne, les questions dont vous voulez discuter afin d'y trouver des solutions. Si 20 ans ont passé, vous pourriez dire au gouvernement que c'est à lui de s'en occuper, mais j'aurais pensé que vous auriez pu prendre des mesures positives pour rassembler les points de vue de tous, afin de pouvoir nous les soumettre. Je dis donc qu'il faut être positif.
Le vice-président (M. English): C'était probablement un commentaire plutôt qu'une question, mais si vous voulez y répondre très brièvement, n'hésitez pas.
Le grand chef Coon Come: Il me semble que vous nous demandez de faire quelque chose que vos gouvernements n'ont pas réussi à faire parce que vous avez vous-mêmes des partis différents - le Bloc, les Réformistes, les Libéraux et les Conservateurs - et je veux dire arriver à un seul point de vue.
Tous les amendements qui ont été apportés, que ce soit dans les déclarations faites avec des États membres sur le traitement des peuples autochtones, dans les recommandations de l'Organisation internationale du travail, ou dans les recommandations qui concernent directement la conservation et le développement durable des ressources naturelles, découlaient de positions sur lesquelles nous étions parvenus à rédiger un document commun, au sein de sous-comités ou de groupes d'étude. Nous avons toujours réussi à présenter des positions concrètes sur lesquelles nous nous étions tous entendus, parce qu'on nous avait tous empêchés d'exercer nos droits. On nous avait refusé à tous la possibilité de bénéficier des ressources naturelles, et il était donc plus facile pour nous de formuler des recommandations.
Cependant, nous ne parlons pas au nom des autres peuples indigènes que vous allez rencontrer, qu'il s'agisse des Lapons de la Finlande, des peuples indigènes de Russie, ou de la Conférence circumpolaire inuit. Nous ne parlons pas au nom de ces gens, mais nous espérons être en mesure de partager nos opinions et nos expériences de manière à jouer un rôle déterminant dans la création du Conseil de l'Arctique.
Le vice-président (M. English): Monsieur Bachand.
[Français]
M. Bachand: Selon ce que vous venez de dire, monsieur Coon Come, et selon les notes que j'ai en main, le Conseil de l'Arctique regrouperait huit pays siégeant autour d'une même table et trois groupes autochtones, soit les Inuits, les Samis et les populations autochtones de Russie.
Est-ce que vous demandez à vous joindre aux groupes autochtones qui sont autour de la table? Est-ce que vous réclamez que les groupes autochtones présents, les Inuits, les Samis, la population de Russie et éventuellement les Cris, non seulement aient leur mot à dire, mais puissent aussi prendre part aux décisions? Ils ne peuvent pas actuellement prendre part aux décisions; ils ne peuvent prendre part qu'aux discussions.
Alors, désirez-vous être inclus avec ces groupes autochtones et est-ce que vous voulez que les groupes autochtones aient un pouvoir décisionnel au même titre que les huit autres pays?
[Traduction]
Le grand chef Coon Come: Le travail du Conseil de l'Arctique se répercutera certainement sur les peuples indigènes, comme on les appelle dans les milieux internationaux, ou les peuples autochtones du Canada. Il est certainement grand temps que nous ayons notre mot à dire. Nous avons toujours été à l'écart; nous avons été exclus. Il ne serait certainement pas mauvais de changer le cours de l'histoire, de faire en sorte que ceux qui sont directement touchés aient leur mot à dire dans l'orientation du développement et puissent s'asseoir autour de la table où des décisions sont prises.
[Français]
M. Bachand: J'ai ici la carte du Québec et j'ai regardé hier sur ma grande carte dans mon bureau où se trouve le cercle circumpolaire. Se situe-t-il au nord du 60e parallèle ou au nord du 55e parallèle? Votre participation serait-elle justifiée par le fait que vos activités traditionnelles, dont la chasse, la pêche et la trappe, vous amènent jusqu'aux limites du cercle circumpolaire?
Je sais que vous aimez moins cette notion de frontières, n'est-ce pas? Je comprends aussi que vos activités traditionnelles vous ont amenés à aller jusque-là. Je croyais toutefois que les travaux effectués ici sur le circumpolaire l'étaient au nord du 50e ou du 60e parallèle où vous n'êtes pas. J'imagine que vous me répondrez que vos activités traditionnelles vous y ont amenés.
Alors, comment justifier votre présence? Je suis d'accord avec vous, car je pense que vous devriez y être, mais donnez-moi un argument supplémentaire pour nous fournir plus d'outils pour que nous puissions vous donner un coup de main pour justifier votre présence au niveau du conseil.
[Traduction]
Le grand chef Coon Come: Merci beaucoup. Je ne sais pas au juste si vous regardez la carte qui donne l'interprétation du Québec ou celle du Canada.
Pour ce qui est des définitions, lorsqu'on parle de nous, on parle toujours de la région subarctique, de la région de la toundra. Ne sont-ce pas là les termes qu'on emploie pour définir la région que vous avez appelée l'Arctique? De plus, la baie d'Hudson, la baie James, ne font pas partie de l'Arctique. Alors, que faites-vous là au juste? Si vous découvrez des ressources pétrolières qui seraient avantageuses pour le Canada, alors il y aurait certainement des répercussions sur les peuples autochtones. Mais ce n'est pas tout. Au Canada, les Cris sont au nombre de 300 000 environ. Ils seront touchés, et ils ont le même mode de vie que le nôtre, qu'il s'agisse de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, et même de la Colombie-Britannique. Il y a même des Cris dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Nous serons donc touchés.
Donc, en effet, nous nous présentons comme étant le Grand Conseil des Cris. Nous avons l'expérience voulue. Nous voulons participer. Nous voulons faire partie du comité. Cependant, nous vous invitons à vous pencher sur l'ensemble du Canada, sur toute la région de la forêt boréale. Il suffit de voir une carte pour constater que le développement aura lieu dans l'ensemble de la région du Nord. Il touchera les Cris dans tout le Canada.
M. Moses: Je n'ai qu'un bref commentaire à adresser au député, mais il a son importance.
Je vois que cette carte provient de la province de Québec. Elle ne reflète pas l'importance des droits des peuples autochtones ou du territoire traditionnel des Cris ou des Inuit, nos amis du Nord. Cette carte reflète le territoire défini par le projet de loi 50 à l'époque, que l'on doit au regretté premier ministre Robert Bourassa. Malheureusement, le projet de loi n'allait pas plus loin que le 55e parallèle.
Traditionnellement, les Cris ne se sont jamais laissé limiter par les parallèles. Lorsqu'ils veulent chasser, ils suivent le gibier. Nos droits vont au-delà du 55e parallèle. Sur le plan administratif, l'entente prévoyait que, pour départager le territoire inuit, le territoire cri, etc. - toutes les entités et les complexités qui allaient de pair avec l'entente de la baie James - le 55e parallèle pourrait tout au moins servir de ligne de démarcation. Cependant, cela n'a jamais voulu dire que les Cris n'avaient aucun droit au-delà du 55e parallèle.
En réalité, nos droits se prolongent au-delà de cette limite. Nous avons des droits dans les régions extra-côtières du Québec, qui font certainement partie des Territoires du Nord-Ouest et qui, de toute évidence, vont intéresser le Conseil de l'Arctique. Par conséquent, nous sommes touchés d'une manière ou d'une autre, même si nous ne faisons pas directement partie du cercle arctique.
Le vice-président (M. English): Merci beaucoup.
Monsieur Dupuy.
M. Dupuy (Laval-Ouest): Grand chef, j'aimerais avoir une idée encore plus précise du statut que vous souhaitez pour les Cris par rapport au Conseil de l'Arctique.
Je crois que nous reconnaissons tous que ce conseil - qui n'est encore qu'une institution internationale au stade embryonnaire - risque un jour de prendre des décisions qui toucheront effectivement les intérêts de votre peuple. Il est donc légitime, selon moi, que vous fassiez valoir la nécessité de votre participation à de telles décisions. Mais il s'agit d'un conseil inter-États. Ceux qui y siègent représentent les gouvernements d'entités internationales, d'entités étatiques.
Par ailleurs, vous vous déclarez insatisfaits d'une participation à titre consultatif. Dois-je en conclure que vous souhaitez obtenir un siège qui vous mettrait sur un pied d'égalité avec les représentants d'États? Si tel est le cas, voilà qui ouvre une perspective fort intéressante.
Si ce n'est pas cela que vous souhaitez, alors vous dites essentiellement que la constitution du Conseil de l'Arctique n'est pas la bonne, que ce conseil ne doit pas être composé seulement d'États, mais aussi d'autres entités qui ne sont pas des États.
Pourriez-vous nous dire clairement quel est votre objectif?
Le grand chef Coon Come: Merci beaucoup.
Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, nous croyons que les peuples autochtones doivent être des membres à part entière, avec droit de vote, du Conseil de l'Arctique, et non pas de simples observateurs. Cela dit, il s'agit pour vous, les membres, de faire les recommandations opportunes concernant le nombre de sièges. Il n'en reste pas moins que nous sommes certainement convaincus que les peuples autochtones doivent être des membres à part entière avec droit de vote et doivent occuper un siège.
M. Dupuy: Vous êtes donc en train de nous dire que la structure prévue pour le conseil n'est pas la bonne, qu'il ne devrait pas s'agir d'un organisme intergouvernemental comme c'est le cas à l'heure actuelle, mais d'un organisme mixte composé de gouvernements, et également de représentants des parties intéressés - ce qui veut évidemment dire qu'il faut repenser la formule.
Le grand chef Coon Come: Nous ne voulons certainement pas en faire un enjeu relatif à la souveraineté, même si mes amis du Bloc québécois le souhaiteraient peut-être. Mais nous souhaitons certainement participer, et il s'agit donc de le faire soit par l'intermédiaire du Canada - si le Canada souhaite revoir la question et la traiter comme il l'a déjà fait par le passé - en assurant la participation des peuples autochtones, ce qui vous donnerait l'occasion de vous racheter, soit en prévoyant un siège autochtone avec plein droit de vote. Voilà tout ce que je puis dire pour le moment.
M. Dupuy: Il s'agit d'un aspect important pour nous, puisque, si vous souhaitez avoir un siège en étant sur un pied d'égalité avec le Danemark ou la Russie, c'est une chose. Par contre, si vous voulez être certains d'être écoutés, il y a d'autres moyens d'y arriver. Essentiellement, il s'agirait d'un rapport entre les Cris et le gouvernement du Canada, qui, lui, siégera comme membre à part entière.
Donc, selon le degré de collaboration que vous souhaitez avoir avec le Canada, une approche vous est ouverte. Par contre, si vous souhaitez un siège à part entière comme décideur, alors il est évident que la structure du Conseil de l'Arctique est à repenser complètement.
Le grand chef Coon Come: Je comprends.
Le vice-président (M. English): Vous abordez cet aspect dans votre mémoire d'une certaine façon lorsque vous y parlez d'autres organisations au sein desquelles vous voulez être représentés. La question est importante. Nous pourrons peut-être vous parler...
Trois autres personnes veulent poser des questions, mais je crois que nous n'aurons le temps que pour deux d'entre elles. Je choisirai donc une personne du Parti réformiste et une personne du Bloc. Monsieur Duncan ou monsieur Mills, à vous de décider qui posera la question.
M. Duncan: Merci. Je comprends que le temps presse.
Je vais m'attarder à la question de la fourrure. Nous en sommes, je crois, à une étape critique. Je crois comprendre ce que vous faites valoir dans votre document, mais je cherche autre chose... Ma visite auprès de collectivités autochtones de l'Arctique de l'Ouest m'a fait comprendre qu'elles ont entrepris certaines démarches précises cette année. Ces démarches se font sans la participation du gouvernement canadien, étant donné que les intéressés ont l'impression d'avoir été très mal servis par la stratégie auprès de la Communauté européenne. Vous êtes du même avis, si j'ai bien compris. Êtes-vous donc en mesure de formuler une recommandation précise et pratique que le gouvernement canadien pourrait dès maintenant mettre en oeuvre auprès de la Communauté européenne sur cette question?
Le grand chef Coon Come: Je vais poser la question à l'un de nos conseillers, qui arrive justement d'Europe où on a discuté de cette question. Il est au fait des prises de position les plus récentes de la Communauté européenne au sujet du secteur de la fourrure. Il y était la semaine dernière et pourra vous répondre brièvement. Il s'appelle Brian Craik.
M. Brian Craik (conseiller auprès du Grand conseil des Cris du Québec): Merci, grand chef et à vous également, monsieur le président.
Le rôle qu'ont eu à jouer les peuples autochtones en Europe au sujet de la question de la fourrure a été plutôt difficile. Bon nombre des autochtones visés n'ont pas apprécié les rapports qu'ils ont eus avec le Canada puisqu'ils ont eu l'impression que le Canada profitait d'eux dans une certaine mesure.
Par le passé, les interventions des Autochtones, avec l'appui du Canada, ont consisté essentiellement à manifester leur vive opposition auprès du Parlement européen sur la question de l'interdiction du piège à ressort, et rien de plus. Les Autochtones n'ont pas poussé plus loin la discussion et le gouvernement canadien n'a pas non plus élaboré sa stratégie de collaboration avec les peuples autochtones.
Au départ, les peuples autochtones - et les Cris ont présenté ce point de vue là-bas - souhaitaient être exclus du boycott de la fourrure proposé par l'Europe, mais ils ne souhaitaient pas nécessairement être exemptés de l'interdiction du piège à ressort. D'ailleurs, les trappeurs cris ont déjà pour l'essentiel abandonné l'utilisation du piège à ressort depuis un certain nombre d'années, sauf exception. Ils ont dit ne pas y voir un obstacle à la vente de fourrures en Europe. Or, on estime que le Canada a assombri les perspectives du secteur de la fourrure en adoptant comme position celle de défendre le piège à ressort et de contrer le boycott de la fourrure.
Par ailleurs, le Canada a participé à l'élaboration de normes de piégeage. Si nous contestons une telle approche à deux volets, c'est que le Canada n'a fait participer les Autochtones qu'au volet publicitaire et non pas au processus de normalisation du piégeage. Le Canada devrait maintenant dissiper le nuage qui plane sur le secteur de la trappe en commençant à donner l'impression qu'il ne s'agit pas simplement d'une question commerciale mais que le Canada souhaite également améliorer les normes de piégeage.
Le Canada a déplacé des sommes qu'il destinait aux programmes de formation des Autochtones dans le domaine du piégeage pour les affecter à un fonds de financement des Autochtones qui se sont rendus en Europe pour faire du lobbying et pour exprimer leur mécontentement aux parlementaires européens. Les efforts concrets sur le terrain au Canada ont été réduits à cause de l'effort de relations publiques en Europe.
Concrètement, le Canada doit maintenant collaborer avec les Autochtones pour mettre sur pied ici, au Canada, des programmes de formation des trappeurs, de remplacement des trappes et de mise au point de nouvelles trappes. Cela doit se faire en collaboration avec les Autochtones.
Le Canada doit faire connaître l'importance de la participation des Autochtones à la nouvelle entente qu'il négocie avec l'Europe en matière de normes de piégeage. On n'a pas parlé des Autochtones dans ce contexte. Jusqu'à maintenant, le comité de direction lié à l'accord ne fait aucune place aux Autochtones et ne parle même pas d'eux. Dans le nouvel accord sur les normes de piégeage, qui n'est pas signé mais qui est en voie de négociation, on ne parle des peuples autochtones que pour dire qu'ils sont exemptés des nouvelles normes. Il s'agit d'une erreur. Les Autochtones doivent participer à la mise au point de nouvelles trappes, aux programmes de formation et aux programmes de remplacement des pièges. Il faut faire des choses concrètes et constructives... et il faut cesser d'exploiter les Autochtones à des fins de relations publiques en Europe.
Le vice-président (M. English): Merci beaucoup de ces commentaires fort utiles.
[Français]
Monsieur Sauvageau, s'il vous plaît.
M. Sauvageau: Le Conseil de l'Arctique comprendrait trois nations autochtones, ou peut-être quatre si votre peuple y est accepté, et huit pays membres. Selon vous, de quelle façon devraient être prises les décisions sur les sujets prioritaires à l'ordre du jour, qu'il s'agisse de développement durable ou d'un secteur précis de l'environnement?
Ma deuxième question s'adresse plus personnellement à M. Coon Come. J'aimerais vous demander si vous conservez toujours la même opinion. Je citerai des propos que vous teniez, monsieur Coone Come:
En tant que peuple, nous avons gagné l'assurance de pouvoir préserver notre mode de vie en ce qui concerne la chasse, la pêche et le piégeage, ainsi que notre langue et notre culture.
Grâce à la Convention, nous avons obtenu ce que nous n'avions jamais eu: l'autorité complète sur l'éducation, par la Commission scolaire crie, sur les services sociaux et les services de santé, sur la gestion de nos terres ainsi qu'une voix forte dans l'approbation des nouveaux aménagements sur notre territoire, des droits qui respectent les ressources de la terre, des droits qui garantissent une protection policière et un système judiciaire adaptés, et des garanties que nous pourrons participer pleinement à l'exploitation du Québec subarctique.
Cette déclaration est de vous. Est-ce que vous la maintenez toujours? Ma première question reste la même.
[Traduction]
Le grand chef Coon Come: Monsieur le président, ce commentaire a été fait dans l'esprit de la perception que nous avons de l'entente et de ses résultats escomptés. Voilà 20 ans que nous participons à des négociations avec les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, que nous les traînons devant les tribunaux. Dans un contexte de compressions budgétaires - pour des raisons que je comprends, en matière de santé, d'éducation et de services policiers - et d'attaques constantes -
[Français]
M. Sauvageau: J'ai oublié quelque chose. Cette déclaration a été faite...
[Traduction]
Le grand chef Coon Come: Vous devriez me laisser terminer. Vous ne cessez de m'interrompre. Comment puis-je répondre à votre question si vous n'arrêtez pas de me couper la parole?
M. Sauvageau: Excusez-moi, j'ai oublié quelque chose.
Le grand chef Coon Come: C'est la deuxième fois que vous m'interrompez.
M. Sauvageau: J'ai oublié quelque chose.
Le grand chef Coon Come: Vous m'avez posé une question. Je souhaite y répondre.
[Français]
M. Sauvageau: J'ai oublié quelque chose. C'est en 1989 que vous livriez ces propos. Je voulais juste les mettre dans le contexte. Je vous remercie.
[Traduction]
Le grand chef Coon Come: Cela a été rédigé en tenant compte de l'esprit de l'accord. C'était dans cet esprit, et c'était ce à quoi nous pensions aboutir. Nous nous efforçons d'être très francs. Nous estimons avoir respecté nos engagements. Pourquoi sommes-nous ceux qui s'efforcent constamment de maintenir l'accord?
Nous y avons cru. Nous avons cru qu'il avait été signé par des hommes honorables, y compris le regretté premier ministre Bourassa. Nous avons signé l'accord avec des gouvernements. Nous croyions qu'ils allaient respecter leurs engagements. L'esprit et les intentions de l'accord étaient valables, tout comme ses principes.
Cependant, que se passe-t-il? Vous rognez les droits. Vous excluez les Autochtones. Vous nous refusez nos droits. Vous dites que nous n'avons pas ces droits. Dans nos rapports, il existe deux poids, deux mesures. Vous avez le droit à l'autodétermination, mais nous ne l'aurions pas? Vous avez le droit à un référendum, et pas nous? Vous ne nous reconnaissez pas ce droit? Et ainsi de suite. Cependant, nous ne sommes pas ici pour parler de ça.
Pour ce qui est de la première question, je ne suis pas certain de l'avoir bien comprise, mais il sera certainement nécessaire d'élaborer une politique par rapport à certaines questions. Un organisme décisionnel international indépendant doit être en mesure de tenir compte des intérêts des peuples autochtones. Le conseil dont nous parlons sera en mesure d'élaborer ce genre de politique, nous l'espérons.
Je ne me fie pas nécessairement tout à fait à la politique environnementale du gouvernement fédéral. Je connais le comportement du fédéral. Il en va de même de la politique environnementale du Québec. Il nous faut une sorte de norme nationale. Les peuples autochtones aimeraient certainement participer à...
Vous parlez de l'environnement. Vous parlez de développement. Le développement de quoi, au juste - des ressources naturelles? Nous souhaitons certainement participer à la prise de décisions. Les principes directeurs et paramètres établis serviraient par la suite à baliser la prise de décisions.
Ainsi, si nous constatons qu'on limite nos droits et qu'on nous enlève ce que nous considérons acquis, nous aurons accès à un autre palier d'intervention. Cela ne veut pas dire que nous aurons notre planche de salut par rapport au comportement éventuel des gouvernements fédéral et provinciaux, mais nous aurons accès à une autre norme, à un autre palier décisionnel.
Voilà pourquoi nous avons comparu devant le Tribunal international de l'eau. Il s'agissait d'une instance internationale à laquelle tous les peuples et toutes les personnes avaient accès. Nous devrions certainement avoir ce genre de possibilité. Cependant, avant d'en arriver là, pourquoi ne participons-nous pas à l'élaboration de la politique en matière d'environnement et de ressources naturelles, des domaines qui nous concernent?
Le vice-président (M. English): Merci beaucoup, grand chef Coon Come.
Je constate que nos prochains témoins sont ici. J'aimerais vous remercier de votre exposé. Nous avons votre mémoire complet. Je crois que les questions posées nous ont permis de mieux cerner vos opinions sur les diverses questions. Ainsi, au nom de tous les membres du comité, permettez-moi de vous remercier de votre comparution d'aujourd'hui.
Le grand chef Coon Come: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. English): Nous allons maintenant faire une pause de cinq minutes.