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I. Introduction


(I) Le processus de la LMSI

La Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI) est le principal texte régissant l'utilisation des droits antidumping et compensateurs(1). Le ministère des Finances est responsable de l'élaboration de la politique et de la législation relatives à la LMSI. Revenu Canada et le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) sont responsables de l'administration du système créé par la loi.


(1) Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C., 1985, chap. S-15.

Le système canadien de recours commerciaux prévu par la LMSI est partiellement «bifurqué». Le sous-ministre du Revenu national ouvre les enquêtes et rend les décisions provisoires et définitives en matière de dumping ou de subventionnement et les décisions provisoires en matière de dommage. Le TCCE rend les décisions finales en matière de dommage. La LMSI exige que, dans des circonstances normales, le processus d'enquête, depuis l'ouverture jusqu'à l'ordonnance définitive, ne dure pas plus de 210 jours.

En vertu de la LMSI, une industrie canadienne a droit à des recours commerciaux si une enquête officielle prouve que les importations sont sous-évaluées ou subventionnées et que le dumping ou le subventionnement a causé ou menace de causer un dommage. Les producteurs canadiens adressent leurs plaintes à Revenu Canada qui détermine si le dossier est complet. Une fois que le dossier de la plainte est complet, le ministère a habituellement 30 jours pour décider s'il doit ouvrir une enquête (voir le graphique 1). Pour ouvrir une enquête, Revenu Canada doit disposer d'éléments de preuve indiquant de façon raisonnable qu'il y a, d'une part, dommage et, d'autre part, subventionnement ou dumping.

Normalement, dans les 90 jours qui suivent l'ouverture de l'enquête, Revenu Canada y met fin s'il constate que la marge de dumping ou le montant de subventionnement ne sont pas significatifs ou qu'il n'y a pas de preuve de dommage. Ou bien il rend une décision provisoire de dumping ou de subventionnement et donne une indication raisonnable du dommage. Si une décision provisoire est rendue, des droits provisoires frappent les importations sous-évaluées ou subventionnées afin de protéger l'industrie nationale en attendant la fin de l'enquête.

Après une décision provisoire, les exportateurs ou les gouvernements étrangers peuvent offrir des engagements visant à éliminer le dumping ou le subventionnement ou le dommage causé à l'industrie nationale. Lorsque Revenu Canada accepte cet engagement, l'enquête est généralement suspendue et aucun droit provisoire n'est prélevé pendant que l'engagement est en vigueur.

S'il n'y a pas d'engagement, Revenu Canada poursuit son enquête sur le dumping ou le subventionnement et rend une décision finale dans les 90 jours suivant la décision provisoire. Cette décision précise alors la marge de dumping ou le montant de la subvention et est fondée sur les données reçues des parties et sur les observations provenant de tiers. La décision finale confirmant le dumping ou le subventionnement ou la décision de clore une enquête constitue la dernière étape du processus de la LMSI qui implique le ministère du Revenu.

Le TCCE est un organisme quasi judiciaire indépendant qui prend la décision finale en matière de dommage. S'il estime qu'un dommage a été causé à l'industrie nationale, des droits antidumping ou compensateurs définitifs sont habituellement prélevés sur tous les produits importés à partir de la date de la décision provisoire. Si, de l'avis du Tribunal, l'importation des produits sous-évalués ou subventionnés n'a pas causé de dommage mais menace de le faire, des droits antidumping ou compensateurs frappent les marchandises importées après la date de la décision du Tribunal et les droits (provisoires) prélevés jusque-là sont remboursés.

Les ordonnances de droits antidumping et compensateurs prennent fin au bout de cinq ans, à moins que le Tribunal ne conclue, au terme d'un réexamen, à la possibilité que le dumping ou le subventionnement, et le dommage se poursuivent ou reprennent. La LMSI autorise également le Tribunal à mener des enquêtes d'intérêt public lorsqu'il conclut au dommage.

(II) Le mécanisme des droits antidumping et compensateurs

Comme bon nombre de pays industrialisés, le Canada emploie les mesures antidumping plus souvent que tout autre recours commercial. Entre 1992 et 1995, Revenu Canada a reçu quelque 170 plaintes et ouvert 31 enquêtes. Il a rendu une décision provisoire de préjudice dans 30 cas tandis que quatre furent résolus par la prise d'engagements sur les prix. Vingt-six de ces cas ont fait l'objet d'une enquête de dommage; le TCCE a jugé qu'il y avait dommage dans 18 cas et qu'il n'y en avait pas dans 8 cas.

C'est ainsi que 90 droits antidumping étaient en vigueur au Canada à la fin de 1995, ce qui nous place au troisième rang parmi les membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)(2). Précisons, à des fins de comparaison, qu'en 1995, 305 mesures antidumping étaient en vigueur aux États-Unis, 178 dans l'Union européenne, 86 en Australie et 42 au Mexique.


(2) À la limite, une ordonnance de droits antidumping peut s'appliquer à un exportateur dans un pays, ou à une combinaison d'exportateurs et de pays. Le chiffre 90 est tiré des 37 ordonnances en vigueur actuellement, et qui sont réparties entre plusieurs exportateurs et pays.

Bien qu'assujettis au même cadre que les mesures antidumping, les recours en matière de subventionnement sont relativement rares au Canada. À la fin de 1995, il y en avait six qui visaient principalement les exportations agricoles de l'Union européenne ou de ses États membres. Quatre d'entre eux remontent au milieu des années 80 et ont été renouvelés depuis. Les enquêtes ouvertes depuis janvier 1994 ont établi notamment que le sucre subventionné provenant de l'Union européenne causait un dommage tandis qu'une enquête sur le sucre subventionné provenant des États-Unis a pris fin parce que les subventions étaient négligeables. Toutefois, une action antidumping concernant le sucre a été prise contre les États-Unis.

Il est à noter que les recours commerciaux ont eu très peu d'impact sur l'économie canadienne. De 1991 à 1994, les mesures antidumping ont touché en moyenne chaque année des importations d'une valeur d'environ 1 milliard de dollars, soit 1 p. 100 du total. Les marges de dumping cependant variaient beaucoup, soit entre 5,5 p. 100 et 64,29 p. 100, la moyenne se situant à 37 p. 100. Ces droits ont une grande incidence sur les industries touchées.

Les recours commerciaux découlant de la LMSI ont tendance à diminuer depuis le milieu des années 80 à l'exception d'une grappe de cas en 1994. Par exemple, de juillet 1994 à juin 1995, les organismes canadiens ont ouvert neuf enquêtes antidumping (exception faite des réexamens), puis six autres pendant cette période, jusqu'en juin 1996. Parallèlement, les États-Unis n'ont pas ouvert d'enquête à l'égard du Canada depuis la conclusion des accords du Cycle d'Uruguay en décembre 1993. Il est encore trop tôt pour dire si cette tendance se poursuivra.

(III) Le cadre international

En gros, les circonstances où les recours commerciaux sont permis et les règles concernant la conduite des enquêtes sont régies par les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de 1994. Il y en a deux en particulier qui sont importants pour la LMSI, l'Accord sur les subventions de l'OMC(3) et l'Accord antidumping de l'OMC(4). Les principales dispositions de ces accords définissent la façon de déterminer l'existence de dumping ou de subventionnement préjudiciable, les conditions d'ouverture d'une enquête, l'obligation d'impartialité de la procédure, la durée des ordonnances et la transparence de la prise de décision. En outre, ces accords définissent les facteurs économiques à prendre en considération pour déterminer s'il y a dommage et si ce dommage est causé par des importations sous-évaluées ou subventionnées.


(3) L'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, (étant partie de) l'Annexe 1A de l'Acte final reprenant les résultats des négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay, Marrakech, 15 avril 1994, (publié dans) Résultats des négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay, Secrétariat du GATT, Genève, 1994, (ci-après Accord sur les subventions de l'OMC).
(4) L'Accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, 1994, (étant partie de) l'Annexe 1A de l'Acte final reprenant les résultats des négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay, Marrakech, 15 avril 1994, (publié dans) Résultats des négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay, Secrétariat du GATT, Genève, 1994, (ci-après Accord antidumping de l'OMC).

En modifiant la LMSI, le Canada est obligé de respecter les conditions déjà négociées dans le cadre des accords de l'OMC. Autrement, il s'expose à des décisions défavorables de la part d'un groupe spécial de règlement des différends, voire à des sanctions par ses partenaires commerciaux.

Depuis l'adoption de la LMSI, d'importantes mesures ont été prises pour libéraliser le commerce canadien par des accords régionaux de libre-échange, bien que ces accords n'aient pas abouti à des changements fondamentaux du système de recours commerciaux. L'utilisation de recours commerciaux dans les zones de libre-échange hémisphériques préoccupe de plus en plus le Canada étant donné l'importance pour les exportateurs canadiens d'avoir accès au marché des États-Unis et la forte intégration économique des marchés canadiens et américains. Comme bien des entreprises fonctionnent sur une base continentale, les produits franchissent souvent plusieurs fois la frontière canado-américaine avant d'être incorporés dans un produit final. Aussi, les droits antidumping ou compensateurs imposés par les États-Unis sur les exportations canadiennes peuvent limiter leur accès au vaste marché américain et annuler les bienfaits économiques de l'ALÉNA.

Malgré le fait que le Canada aimerait éliminer les recours antidumping au sein des zones de libre-échange (comme il l'a fait dans l'accord de libre-échange avec le Chili), les sous-comités sont d'avis, après avoir entendu différents témoins sur le sujet, que l'élimination des droits antidumping, même si elle pouvait être souhaitable, est irréalisable à court et moyen terme sans mettre en danger les industries canadiennes. Jusqu'ici, le gouvernement et les industries américaines ont fait la sourde oreille aux tentatives du Canada pour trouver des formules de rechange ou faire modifier en profondeur les législations en matière de recours commerciaux.

(IV) L'examen de la LMSI

Entrée en vigueur en 1984, la LMSI a pour but de renforcer et de moderniser notre régime de recours commerciaux. Cette loi a comme point de départ un document de travail du ministère des Finances de juillet 1980, Propositions relatives à la politique d'importation, et le rapport de 1982 du sous-comité parlementaire présidé par l'honorable Bryce Mackasey, c.p. Ce rapport renfermait d'importants principes et recommandations destinés à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de notre régime de recours commerciaux tout en assurant une transparence et une équité accrues pour toutes les parties intéressées.

En 1988, Revenu Canada a entrepris une évaluation de l'application de la LMSI. Cette étude portait sur des aspects opérationnels comme les raisons décourageant le recours à la loi, le degré d'observation de la loi par les importateurs, les méthodes organisationnelles et les ressources humaines.

En 1991, le ministère des Finances a entrepris un examen des principes de la LMSI, mais il a été suspendu en attendant les résultats des Négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay. Par la suite, d'importants changements ont été apportés à la loi en 1994, afin de respecter les obligations du Canada aux termes des accords du Cycle d'Uruguay. Ces changements portaient sur des points importants comme la définition d'une subvention, la détermination du dommage et les façons d'établir les marges de dumping.

Dans son rapport de 1992, le vérificateur général du Canada a noté que depuis 1984, date de l'entrée en vigueur de la LMSI, le ministère des Finances n'avait pas terminé son examen des incidences positives et négatives de la loi. Voici ce qu'il notait :


(5) Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes 1992, chapitre 19 - ministère du Revenu national - Douanes et Accise, Loi sur les mesures spéciales d'importation, p. 524.

Le vérificateur a conclu que les pouvoirs publics, les industries en quête de recours commerciaux et tous ceux qui sont touchés par ces mesures avaient acquis assez d'expérience avec ces mécanismes pour qu'une évaluation de l'efficacité de la loi soit possible.

Mis sur pied en mai et juin 1996, deux Sous-comités ont été chargés conjointement de recueillir des témoignages et de soumettre un rapport au Parlement en décembre 1996. À cette fin, les Sous-comités ont tenu neuf audiences, entendu 32 particuliers et associations et reçu 8 mémoires de particuliers ou d'associations. Les Sous-comités ont également profité des commentaires des organismes gouvernementaux responsables de l'application de la loi.

(V) Évaluation globale des Sous-comités

À la lumière des témoignages reçus au cours des audiences, les Sous-comités en arrivent à la conclusion que la LMSI fonctionne bien et qu'elle demeure un mécanisme valable pour les besoins de l'ensemble du monde des affaires au Canada en matière de concurrence. Tout en protégeant adéquatement les entreprises affectées par des importations sous-évaluées ou subventionnées, la loi tient compte de l'impact négatif éventuel des droits antidumping ou compensateurs sur les consommateurs et les industries en aval. C'est pourquoi, les Sous-comités recommandent que la LMSI et ses procédures d'application soient maintenues sous réserve des changements proposés dans le présent rapport. (1)

Cette recommandation s'appuie sur de nombreux témoignages. La plupart ont dit appuyer la loi. Voici, par exemple, ce qu'a dit l'Institut canadien du sucre : «D'après notre expérience, nous sommes d'avis que la loi existante est généralement efficace et bien appliquée(6)». Pour sa part, l'Institut canadien du tapis «estime que la Loi sur les mesures spéciales d'importation est à la fois efficace et nécessaire(7)». Même l'Association canadienne des producteurs d'acier et l'Association des fabricants de pièces d'automobile du Canada, qui se sont montrées critiques, ont dit appuyer la loi. L'Association canadienne des producteurs d'acier a déclaré : «Dans l'ensemble, le régime canadien a bien servi le Canada. Le présent mémoire propose donc, non pas une transformation radicale du régime mais de simples modifications(8)». Et l'Association des fabricants de pièces d'automobile a affirmé que «la majorité des entreprises membres qui ont répondu à un sondage ont dit que la loi leur avait été utile(9)».


(6) Mémoire de l'Institut canadien du sucre, 30 octobre 1996.
(7) Mémoire de l'Institut canadien du tapis.
(8) Mémoire de l'Association canadienne des producteurs d'acier, 30 octobre 1996.
(9) Mémoire de l'Association des fabricants des pièces d'automobile, 30 octobre 1996, Annexe A.

Ces vues sont corroborées par bien d'autres déclarations et par divers mémoires, qui ne proposaient aucun changement ou seulement des modifications mineures.

Plusieurs intervenants ont proposé des changements à la LMSI. Les Sous-comités sont d'avis que ces propositions ne sont pas des objections à la loi; il s'agit plutôt de tentatives de modifier l'équilibre entre les producteurs et les utilisateurs en aval des produits importés et les consommateurs. En outre, elles abordent la question des écarts entre les mécanismes de recours commerciaux du Canada et des États-Unis ou tentent d'améliorer les procédures d'application de la loi. Ces propositions sont examinées ci-après.

Le présent rapport s'articule autour des diverses étapes de la procédure prévue à la LMSI, à savoir : ouverture de l'enquête jusqu'à la décision provisoire, décision finale, procédure d'exécution, réexamen, intérêt public et autres.


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