Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 avril 1996

.1538

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Monsieur le président.

Le président: Monsieur Frazer, je vais vous céder la parole dans un instant. Je voudrais demander aimablement aux journalistes avec cameras de se retirer. C'est une séance publique, mais malheureusement, vous ne pouvez utiliser vos caméras. Merci.

Monsieur Frazer.

M. Frazer: Monsieur le président, la question dont nous allons traiter intéresse beaucoup les Canadiens. Ceci étant dit, vous vous souvenez peut-être que j'avais proposé que notre étude en comité soit télévisée.

Par conséquent, avec votre permission, j'aimerais présenter une motion à l'effet que le comité télévise ses délibérations sur l'ordre de renvoi de la Chambre des communes, daté du 18 mars 1996, relatif à la question du communiqué du député de Charlesbourg, publié le 26 octobre 1995, concernant les membres des Forces armées canadiennes, sous réserve, bien sûr, de la disponibilité de la salle 253, la Salle des chemins de fer.

Le président: Merci. Nous avons une motion qui est appuyée. Au sujet de la question, monsieur Boudria.

M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Je me demande simplement si la greffière est au courant des disponibilités de cette salle. Je ne suis pas contre une telle suggestion, mais je sais que d'autres comités occupent souvent cette salle. Je sais que le Comité des affaires étrangères l'occupait assez fréquemment pour plusieurs questions et que le Comité des finances l'a beaucoup utilisée dernièrement. Je me demande simplement si nous sommes au courant de l'utilisation prévue de cette salle pour les semaines qui viennent.

.1540

Le président: Elle me dit qu'elle n'en sait rien.

M. Boudria: Je n'ai pas copie de la motion, mais si je comprends bien, elle précise «sous réserve de la disponibilité».

M. Frazer: C'est exact.

M. Boudria: Je vois.

Le président: Y a-t-il d'autres observations au sujet de la motion? Êtes-vous prêts à vous prononcer?

La motion est adoptée

Le président: Monsieur Ringma.

M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): J'aimerais avoir des éclaircissements. Les cameramen qui étaient là et dont j'ai autorisé la présence ce matin, travaillent strictement pour des chaînes commerciales, lesquelles veulent présenter rapidement les travaux du comité. Est-ce exact? La couverture que nous demandons est une couverture parlementaire.

Le président: Il s'agit du circuit standard, du circuit fermé, de la télévision parlementaire.

Chers collègues, un ordre du jour est proposé et, à votre demande, j'ai reporté en quelque sorte l'ordre des travaux d'une demi-heure pour recevoir certains avis de motion proposés hier. J'imagine que ces propositions vous ont été distribuées et que les motions y sont jointes.

Monsieur Boudria, voulez-vous prendre la parole?

M. Boudria: Oui. Monsieur le président, j'ai proposé une motion hier - je crois que c'était en fait par suite de la proposition de M. Bellehumeur - à l'effet que les instructions ou opinions que le président a données au comité à une séance préalable soient formalisées. J'aimerais avoir les mots exacts qui figurent dans les bleus. Si je comprends bien, nous allons les recevoir sous peu.

Dans tous les cas, je pense que telle était l'intention de M. Bellehumeur à ce moment-là. Par la suite, j'ai proposé une motion après la tenue d'un débat, bien sûr. La motion se lirait comme suit: Que les règles de conduite proposées par le président du comité à la séance du 28 mars soient adoptées. Telle est la motion que je propose maintenant officiellement.

Le président: Nous avons donc un motionnaire. Y a-t-il un comotionnaire? Madame Catterall.

M. Boudria: J'ai parlé de façon informelle et très brièvement avec M. Bellehumeur qui m'a indiqué que si nous adoptions ces règles, il aurait peut-être besoin de plus amples explications quant à leur sens. Néanmoins, monsieur le président, c'était une proposition, et je crois que c'étaitM. Bellehumeur... Je vais faire une recherche et si le président est d'accord, je la lirai aux fins du compte rendu.

Le président: C'est entendu.

Monsieur Bellehumeur, s'il vous plaît, passons à la motion.

[Français]

M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Rappelons les faits. Le whip m'écoute attentivement, j'en suis sûr. Les choses se sont passées en deux étapes. J'ai d'abord voulu que vous adoptiez une résolution pour délimiter l'ordre de renvoi. M. Boudria a fait une proposition et a déposé un avis de motion que nous avons devant nous ce matin.

Par la suite, vous avez fait des commentaires dans votre préambule du 18 mars 1996, monsieur le président, et ces commentaires contenaient certaines choses sur lesquelles nous n'étions pas d'accord. Je dois dire, avec tout le respect que je vous dois, que ce préambule était plutôt confus et semblait contenir des contradictions par rapport à des remarques de M. Boudria, entre autres.

Donc, dans un deuxième temps, j'ai déposé moi-même un avis de motion auquel j'aimerais bien qu'on s'attarde. Je souhaiterais également qu'on prenne le vote sur la motion que je veux présenter.

Afin de régler le problème une fois pour toutes, ce que je souhaite, je serais prêt à accepter la proposition que M. Boudria vient de faire, mais à certaines conditions: qu'on modifie ou qu'on éclaircisse les passages de votre préambule du 18 mars qui semblent être en contradiction.

.1545

J'ai un amendement à la proposition présentée par M. Boudria afin de la rendre conforme, plus explicite, plus claire. Le Bloc québécois est ouvert et prêt à collaborer, comme il l'a toujours été.

Des voix: Ah! Ah!

M. Bellehumeur: Exactement. C'est parce que vous ne nous compreniez pas. Nous sommes tout à fait prêts à collaborer avec vous, monsieur le président, à collaborer avec le gouvernement, à accepter la motion de M. Boudria, à la condition qu'on y apporte des modifications par un amendement afin de la rendre à peu près conforme à celle que je voulais présenter, parce qu'en fin de compte, elles ne sont pas très éloignées l'une de l'autre. Ce que je veux, c'est qu'on ait des balises très claires pour qu'on puisse, au besoin, apporter les objections qui s'imposent.

Puisque vous me le demandez, monsieur Boudria, ce que je veux modifier à votre avis de motion est le passage suivant:

Je voudrais que ce passage se lise ainsi:

[Traduction]

Le président: Si je comprends bien, monsieur Bellehumeur, vous dites qu'au lieu de dire «soient adoptées», vous ajouteriez «guident les travaux du comité». Ai-je bien entendu la traduction? Est-ce que vous...?

[Français]

M. Bellehumeur: Guider, c'est ça.

[Traduction]

Le président: Pouvons-nous en obtenir copie?

[Français]

M. Bellehumeur: Ceci est un premier pas, monsieur le président. Une deuxième étape porterait sur votre préambule du 28 mars, que la Chambre nous a fait parvenir en identifiant très clairement six paragraphes, six souhaits que vous aviez formulés. J'aimerais qu'on examine ces souhaits avant d'adopter de façon définitive la motion de M. Boudria telle que je propose de l'amender. Je pense, entre autres, que le paragraphe 3 de ce préambule est contradictoire.

[Traduction]

Le président: Voyons si votre amendement convient, car je ne l'ai pas vu. Votre président aimerait pouvoir lire rapidement l'amendement.

En avez-vous fait part au Parti réformiste?

Vous n'avez pas vu l'amendement.

M. Ringma: Non.

Le président: Chers collègues, pendant que nous réglons cette question, je veux juste m'assurer que tous les membres du comité ont reçu l'ordre de renvoi qui va faire partie intégrante de tout cela. Je veux simplement m'assurer que...

La greffière m'indique qu'elle a reçu confirmation de vos bureaux.

J'essaie de passer le temps. Monsieur Milliken, est-ce que vous chantiez pendant ces pauses?

M. Milliken (Kingston et les Îles): Non, je lisais d'autres documents préparés par la greffière.

Le président: Je profite de l'occasion pour dire que j'ai appris que le président de la Chambre, qui, comme vous le savez, a annulé sa comparution plus tôt cette semaine à propos du budget principal, sera disponible le 30 avril. Si vous voulez bien en prendre note, nous aurons, le 30 avril, une séance sur le budget.

.1550

Chers collègues, pourrions-nous avoir...?

M. Boudria: Nous sommes saisis de cette question à la dernière minute et...

Le président: Je le sais bien, mais d'autres collègues représentent ici un autre parti et essaient de comprendre...

M. Milliken: Pourrais-je faire une suggestion?

Le président: Certainement, monsieur Milliken.

M. Milliken: Nous avons un témoin aujourd'hui et je ne crois pas que ces règles vont avoir un effet sur son témoignage d'une façon ou d'une autre, indépendamment de ce que nous adoptons ou de ce que nous demandons à ce témoin particulier. Peut-être que pendant les discussions à propos du libellé d'éventuels amendements - d'après ce que je vois, il s'agit simplement d'un brouillon de toute façon, il y aura probablement beaucoup de discussions à ce sujet - nous pourrions céder la parole au témoin et revenir là dessus un peu plus tard au cours de la séance. Je me demande si les membres du comité sont d'accord.

Le président: C'est une bonne idée, mais un problème mineur se pose. Nous avons également un avis de la part de M. Langlois...

M. Milliken: Oui, mais il n'est pas nécessaire de régler ce point avant d'entendre le témoin.

Le président: Non, mais j'aimerais que M. Langlois soit d'accord de le mettre de côté, avant de passer au témoin.

Monsieur Frazer.

M. Frazer: Monsieur le président, je serais d'accord avec M. Milliken et vous ferais en outre remarquer que même si ce dont il est question peut ne pas avoir d'effet sur le témoin, ce que le témoin va nous dire peut fort bien avoir un effet sur ce dont il est question.

M. Milliken: C'est exactement ce que je voulais dire.

Le président: Cela me semble parfaitement sensé.

Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Est-ce que je peux demander au whip du gouvernement s'il y a une probabilité d'entente dans les négociations sur la motion relativement aux règles ou paramètres qui doivent nous guider ainsi que sur le fait qu'on invite le professeur McWhinney à se joindre à notre charmante équipe pour nous éclairer sur le débat beaucoup plus large de la liberté de parole?

M. Boudria: Au sujet du professeur McWhinney, je voudrais mentionner qu'il ne serait pas disponible pour être constamment présent, mais qu'il a indiqué qu'il accepterait de venir nous prêter main forte.

M. Langlois: Vous ne voyez pas d'objections à ce qu'on vote sur la motion?

M. Boudria: Non, non, non.

M. Langlois: Alors, dans un plus grand esprit de collaboration, on pourrait probablement entendre Mme...

M. Boudria: Il n'est pas disponible tout le temps, mais il peut venir nous conseiller.

Une voix: Éclairer notre lanterne.

[Traduction]

Le président: À titre d'information, monsieur Langlois, je vous dirais que j'ai parlé directement à M. McWhinney et qu'il a indiqué qu'il serait heureux de venir devant le comité à titre de témoin invité. Il est donc prêt à venir devant le comité pour nous donner des conseils en tant que témoin-expert. Il a émis toutefois une petite réserve, à savoir que comme tous les membres du comité, il ne dispose que de peu de temps à consacrer à ce sujet, mais il est prêt à accepter gracieusement votre invitation. Ce serait légèrement différent de la motion que vous avez proposée, mais il est prêt à le faire. C'est toute l'information dont nous disposons pour l'instant.

[Français]

M. Langlois: D'accord.

M. Milliken: Peut-être pourrait-il remplacer M. Bellehumeur quand il est malade.

[Traduction]

Le président: C'est entendu, chers collègues, nous convenons de reporter la discussion sur ce point particulier. Nous reportons la motion (b) et la question de M. McWhinney.

Est-ce d'accord, monsieur Langlois? Mes explications au sujet de M. McWhinney vous semblent-elles acceptables?

[Français]

M. Langlois: C'est-à-dire qu'on va l'entendre comme témoin-expert sur la question du communiqué, et sur le communiqué seulement et non pas sur l'ordre de renvoi.

Le président: D'accord.

M. Langlois: On va y revenir tout à l'heure, je crois, avec M. Boudria.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous en arrivons au point 3 de l'ordre du jour, «Témoins»; en votre nom, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Robert Marleau, Greffier de la Chambre, et à Mme Diane Davidson, avocate générale aux Services juridiques de la Chambre des communes.

Je vous invite à faire vos déclarations liminaires, le cas échéant.

M. Robert Marleau (Greffier de la Chambre des communes): Monsieur le président, je n'ai pas préparé de déclaration liminaire. J'avais compris que je devais répondre à vos questions et que l'avocate générale vous avait envoyé une note d'information. Je crois qu'elle voudrait vous la résumer brièvement.

Le président: Merci, monsieur Marleau.

.1555

Le président: Merci, monsieur Marleau.

Je vous cède la parole, madame Davidson.

Mme Diane Davidson (avocate générale, Services juridiques, Chambre des communes): Monsieur le président, membres du comité, suite à la demande formulée lors de votre dernière séance, je vous ai envoyé une note d'information décrivant dans les grandes lignes les privilèges de la Chambre des communes et de ses députés, en mettant particulièrement l'accent sur les pouvoirs de la Chambre en cas d'outrage. Je n'ai pas l'intention aujourd'hui de reprendre en détail le contenu de ma note d'information. Je propose par contre d'en faire ressortir brièvement les principaux points que j'ai soulevés dans mon analyse afin de vous laisser le temps de poser des questions.

D'après mon examen du privilège parlementaire et des autorités pertinentes en la matière - Erskine May, Joseph Maingot, Beauchesne, Bourinot, pour n'en nommer que quelques-unes - permettez-moi de dire sans équivoque que le comité est à juste titre saisi de la question de privilège que lui envoie la Chambre. Il ne fait aucun doute d'un point de vue juridique que la Chambre a tout le pouvoir juridique d'agir à propos de questions d'outrage dont elle fait l'objet à l'intérieur et à l'extérieur de son enceinte. La Chambre a le pouvoir exclusif d'agir en pareils cas et possède les pouvoirs prévus dans le domaine pénal pour punir quiconque transgresse son autorité. Pas même les tribunaux ne mettraient en doute l'existence ou l'exercice d'un tel pouvoir. Dans mon analyse, je fais mention de nombreux cas où la Chambre a exercé son pouvoir de sanction à l'égard de ses députés, cas que les tribunaux ont refusé d'examiner.

[Français]

Dans ce contexte, le rôle du comité est d'enquêter afin de déterminer s'il y a preuve suffisante pour conclure à outrage. Le comité n'est pas là pour déterminer s'il y a eu une infraction au Code criminel. Ce n'est pas son rôle; il n'est pas un tribunal habilité à décider de cette question. La Constitution est claire là-dessus: la question de la violation du Code criminel relève des instances judiciaires qui sont assujetties à des règles de fonctionnement différentes encadrées par le droit.

Cela étant dit, les pouvoirs de ce comité, dans l'exécution de son mandat, sont vastes et impressionnants. Il s'agit de pouvoirs de nature constitutionnelle. C'est pourquoi, eu égard au caractère extraordinaire que leur confère la loi, j'ai pris le soin de porter une attention particulière, dans mon analyse, à l'exercice de ces pouvoirs. J'ai pu constater dans ma revue des précédents que, de manière générale, les comités se sont montrés prudents et très sensibles à la nature extraordinaire de leurs pouvoirs.

Règle générale, avant de s'engager dans leurs travaux, ils ont pris le soin, comme aujourd'hui, de déterminer les règles spéciales de fonctionnement qu'ils entendraient suivre, surtout lorsque leurs travaux avaient trait à la conduite d'une personne et risquaient de porter atteinte à sa réputation.

[Traduction]

En ce qui concerne le mandat du comité, le droit parlementaire stipule qu'il est contenu dans son ordre de renvoi. D'un point de vue pratique, cela veut dire, juridiquement parlant, que si le comité outrepasse son mandat, la Chambre aurait toujours le loisir d'intervenir pour limiter l'étendue de son étude et pour lui donner une instruction sur la question.

À mon avis, dans ce cas précis, le comité doit examiner la teneur du communiqué publié par un député pour déterminer si sa publication constitue un outrage à la Chambre. En d'autres termes, offense-t-il sa dignité et son autorité? En dernière analyse, le comité devra arriver à une conclusion à propos de la question qui lui est renvoyée par la Chambre: il devra conclure s'il y a eu outrage ou s'il n'y a pas eu outrage. Dans un cas comme dans l'autre, il devra faire rapport à la Chambre. Si le comité conclut qu'il y a eu outrage, il devra également proposer à la Chambre une façon de remédier à la situation ou une mesure disciplinaire.

J'ai souligné certaines des mesures utilisées dans le passé en cas d'outrage. Pour les infractions les plus graves, la Chambre a eu recours à l'expulsion et à l'emprisonnement. Pour les infractions moins graves, elle a eu recours à des sanctions comme la réprimande, les excuses publiques, la rétraction.

Monsieur le président, ainsi se termine mon exposé.

[Français]

Je me propose maintenant de céder la parole aux membres du comité et je tenterai de répondre à leurs questions. Merci.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, conformément à nos usages, nous allons commencer parM. Bellehumeur et passer ensuite aux autres membres du comité, en respectant le temps prévu pour les questions, comme nous le ferions normalement pour chaque témoin.

Monsieur Bellehumeur, s'il vous plaît.

.1600

[Français]

M. Bellehumeur: Merci beaucoup, madame Davidson, pour le document que vous avez préparé. Je pense qu'il constitue un point de départ. J'ai beaucoup de questions, mais je vais me limiter au temps dont je dispose.

La première chose qui m'a frappé, c'est lorsque vous avez dit que pour qu'il y ait outrage, il n'est pas nécessaire que l'inconduite ait eu lieu pendant les délibérations de la Chambre ou dans son enceinte. Cela veut-il dire que des commentaires faits complètement à l'extérieur, par exemple par un député dans son comté, pourraient être considérés comme un outrage à la Chambre?

Mme Davidson: Tout à fait. L'outrage à la Chambre n'est pas limité à ce qui se produit dans le cadre des travaux de la Chambre. Un outrage peut se produire à l'extérieur de l'enceinte. Comme vous le dites, ce peut être dans le comté.

M. Bellehumeur: Pour appuyer vos dires, vous citez May. J'ai beau lire cette citation, je ne vois pas qu'elle inclut nécessairement les gestes posés et les paroles prononcées par un député dans son comté.

Mme Davidson: Cela ne signifie pas nécessairement cela, mais je peux vous assurer que la jurisprudence démontre très clairement que cela peut être inclus.

M. Bellehumeur: Justement, s'il y a des cas de jurisprudence très clairs, ce sont ceux que j'aimerais qu'on cite, si vous pouvez en soumettre au comité.

Mme Davidson: Tout à fait. Je le ferai avec plaisir.

M. Bellehumeur: Une autre chose m'a surpris à la lecture de votre texte, et je vais formuler mon commentaire sous forme de question, madame Davidson. Si un dossier qu'on a à étudier ne relève pas du domaine pénal, est-ce que la Chambre peut se donner des pouvoirs de surveillance? Et là, je fais référence à la page 4 de votre document, où vous dites:

Donc, a contrario, si ce n'est pas pénal, la Chambre n'a pas ces pouvoirs-là.

Mme Davidson: On dit qu'il s'agit de pouvoirs de nature pénale parce que ce sont des pouvoirs de punir pour outrage. Le pouvoir de punir pour outrage peut se manifester par une expulsion, une réprimande ou un emprisonnement. Donc, ce sont des pouvoirs de nature pénale. C'est dans ce sens-là que c'est employé.

M. Bellehumeur: Ce n'est pas pour qualifier les gestes ou les reproches qu'on peut adresser au député.

Mme Davidson: Tout à fait. Ce n'est pas pour qualifier les gestes, mais pour qualifier la nature des pouvoirs que la Chambre exerce lorsqu'elle punit.

M. Bellehumeur: Par ailleurs, le texte continue en faisant référence aux articles 96 à 101 de la Constitution:

Il me semble que plusieurs critères s'additionnent alors qu'on en est toujours au cas très précis où le communiqué qu'on étudie a été émis à l'extérieur de la Chambre.

Donc, vous dites que la jurisprudence reconnaît que même les paroles émises ou les gestes faits à l'extérieur de la Chambre sont couverts. La matière n'est pas du domaine pénal, comme vous l'avez dit très clairement au début de votre allocution, mais votre interprétation de ce que dit le juge de la Cour suprême du Canada, en parlant de pouvoirs en matière pénale, est qu'il s'agit des sanctions. Le terme «pénal» n'a pas le sens d'infraction relevant du Code criminel ou des tribunaux de droit commun.

On parle ici des délibérations de la Chambre ou des paroles que des personnes peuvent avoir prononcées à l'extérieur de la Chambre et, là encore, on est juste à la frontière. Où est-ce que ça s'arrête?

Ma dernière question est la suivante: ne trouvez-vous pas qu'il peut être dangereux, si on regarde les choses en fonction du droit d'expression reconnu dans la Charte canadienne... En ce qui concerne à peu près n'importe quoi, ce que nous allons décider aujourd'hui et qui sera quand même très clair - le rapport que nous allons remettre, ce sur quoi on va se prononcer, va être extrêmement clair - , va guider les délibérations dans l'avenir. Le Bloc québécois ne sera peut-être plus là, mais vous aurez à vivre avec ces décisions.

.1605

Ne trouvez-vous pas dangereux que cela puisse toucher tout ce qui peut être fait ou dit par un député à l'extérieur de la Chambre sur à peu près n'importe quel sujet?

Si un député facile à «outrager» soulève une question de privilège en Chambre en accusant un de ses collègues d'un outrage et que le président décide que ces accusations sont extrêmement graves, sans préciser laquelle des deux est la plus grave, soit le geste du député qu'on accuse ou l'accusation qui est lancée en Chambre, tout cela sera accueilli en fonction de la décision que nous aurons prise de tenter de bâillonner les députés qui poseraient des gestes ou feraient des déclarations de nature politique.

Dans tout ce que vous avez dit, on est à la limite. Il n'y a pas véritablement de cas types, de cas identiques à celui qu'on étudie. Nous sommes toujours à la limite et si on tire des conclusions par rapport à ceci, on ne sera plus sur la limite dans l'avenir. Nous aurons créé un drôle de précédent en ce qui a trait à la liberté d'expression.

Mme Davidson: Je vais tenter de répondre à votre question du mieux que je le peux.

Je peux vous dire que le contrôle exercé par la Chambre sur ses députés a été très clairement reconnu par les tribunaux. La Chambre a le droit de régler la conduite de ses députés dans le cadre de ses travaux. Il y a aussi une jurisprudence abondante qui démontre que la Chambre a également le droit d'intervenir sur des questions touchant à la conduite des députés, même à l'extérieur de la Chambre. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Là où la Cour suprême a pu faire une mise en garde, c'est en ce qui concerne des personnes qui ne sont pas des députés ou des personnes qui ne font pas partie de cette Chambre. La Cour suprême a dit qu'à ce moment-là, elle serait peut-être tentée d'examiner les questions d'exercice d'un privilège si la question était portée devant elle.

Mais ici, il s'agit clairement d'un député et de sa conduite. Là-dessus je peux vous dire qu'il y a beaucoup de précédents qui démontrent que la Chambre a le droit d'agir pour contrôler la conduite de ses députés.

M. Bellehumeur: Vous donnez des exemples d'outrage. J'ai vérifié dans Maingot et dans différents auteurs, et voici à peu près les exemples que tout le monde donne: «atteinte aux privilèges reconnus, inconduite devant la Chambre ou un comité, désobéissance aux règles et aux ordres de la Chambre ou d'un comité, affront à l'autorité de la Chambre et tout comportement ayant tendance à miner l'institution du Parlement ou ses membres et à jeter le discrédit sur eux».

Dans quelle catégorie de ces cas d'outrage le communiqué de M. Jacob, daté du 25 octobre 1995, se classe-t-il?

Mme Davidson: Je ne pense pas qu'il entre dans la catégorie numéro 2. C'est clair. Ce n'est pas un cas d'inconduite en présence de la Chambre ou d'un comité.

M. Bellehumeur: Oui.

Mme Davidson: C'est une question d'interprétation. Il pourrait se retrouver dans le cadre de la catégorie numéro 4, ou peut-être...

M. Bellehumeur: «Tout comportement ayant tendance à miner l'institution du Parlement ou ses membres et à jeter le discrédit sur eux»: c'est la catégorie la plus proche, selon votre interprétation.

Mme Davidson: C'est une question d'interprétation. Peut-être que les membres du comité ont d'autres points de vue là-dessus.

M. Bellehumeur: Monsieur Marleau.

M. Marleau: Moi, j'ai plutôt tendance à vous répondre, monsieur Bellehumeur, qu'il appartiendra au comité de décider dans quelle catégorie le communiqué se classe et même, s'il le veut, de recommander à la Chambre de créer une nouvelle catégorie.

M. Bellehumeur: Très bien.

M. Marleau: Si la Chambre décide de créer cette nouvelle catégorie d'outrage, elle pourra l'accepter ou la refuser.

M. Bellehumeur: Très bien. Mais j'en déduis qu'à l'heure actuelle, avec les catégories existantes, on serait hors normes, c'est-à-dire que ce geste n'entre pas carrément dans une catégorie existante.

Avec l'expérience que vous avez, monsieur Marleau...

.1610

M. Marleau: Selon l'expérience que j'ai par rapport aux outrages et les connaissances que j'ai des autres parlements du Commonwealth, ce qui est considéré outrage aujourd'hui n'est pas nécessairement ce qui le sera demain. Se servir d'une liste de cas de jurisprudence de façon absolue serait risqué, étant donné l'évolution des us et coutumes.

Il y a des choses qui, au cours de la période victorienne, auraient été considérés des outrages graves et qu'il serait farfelu de soulever aujourd'hui.

M. Bellehumeur: Selon l'interprétation que vous en faites, dans quelle catégorie doit-on classer cette action? Nous donnerons notre propre interprétation aussi. Vous personnellement...

M. Marleau: Je trouve que par votre question, vous me demandez de porter un jugement sur le communiqué. Jusqu'ici, je n'ai pas eu, en offrant mes conseils à la présidence...

M. Bellehumeur: Oui, mais si c'était évident, cela sauterait aux yeux de tout le monde et nous déciderions dans quelle catégorie cette action tombe.

M. Marleau: Il est évident que certaines des catégories mentionnées dans le document ne s'appliquent pas.

M. Bellehumeur: Lesquelles ne s'appliquent pas?

M. Marleau: L'inconduite devant la Chambre ou devant un comité, par exemple.

M. Bellehumeur: «Atteinte au privilège reconnu», je pense que cela ne s'applique pas non plus.

M. Marleau: Je ne le sais pas. Dans le cadre de votre enquête, on pourrait découvrir des faits et des témoignages qui pourraient peut-être soulever la question. Ou bien, il y aurait la possibilité de...

M. Bellehumeur: «Désobéissance aux règles et aux ordres de la Chambre ou d'un comité»,je ne pense que ça s'applique.

M. Marleau: Je ne le pense pas non plus, à moins qu'il y ait des faits pour...

M. Bellehumeur: «Affront à l'autorité de la Chambre», est-ce que ce pourrait être la bonne catégorie?

M. Marleau: C'est-à-dire que le comité devra déterminer si les gestes posés par un député offensent la dignité de la Chambre, et donc constituent un affront à la Chambre, et affectent sa qualité de siéger comme député. Si je peux vous donner...

M. Bellehumeur: Mais est-ce là l'interprétation de «affront à l'autorité de la Chambre»?

M. Marleau: Ce pourrait l'être.

M. Bellehumeur: Ce pourrait l'être, mais ce n'est pas ainsi que c'est interprété.

M. Marleau: Pour ma part, je pense qu'il est beaucoup trop tôt, avec les faits que je connais, pour donner une interprétation qui permette de caser le communiqué, l'acte de l'avoir émis ou la façon dont il a été émis, de même que son destinataire, les intentions et les motifs qui ont poussé à l'émettre, dans une catégorie ou une autre.

Je n'essaie pas d'éviter de vous donner mon opinion personnelle, mais je ne suis pas habilité à...

M. Bellehumeur: Non, mais pour les choses évidentes, vous m'aviez répondu immédiatement que cela entrait dans cette catégorie, qu'il existait une jurisprudence et que c'était clair.

M. Marleau: Je n'ai pas trop de difficulté avec les catégories 2 et 3.

M. Bellehumeur: Deux et trois. Cela ne nous aide pas tellement, monsieur Marleau, surtout que vous dites que la catégorie «affront à l'autorité de la Chambre» n'est pas nécessairement interprétée de cette façon, mais qu'elle pourrait l'être.

Quant à la quatrième, «tout comportement ayant tendance à miner l'institution du Parlement ou ses membres ou à jeter le discrédit sur eux», il faudra qu'on me fournisse certains exemples et qu'on me démontre la logique du lien qu'on pourrait faire.

M. Marleau: Je vais vous donner un exemple. Un député renommé, Réal Caouette, avait dit à l'extérieur de la Chambre que plusieurs députés acceptaient de payer des membres de la tribune de la presse pour obtenir une en-tête dans les journaux.

M. Bellehumeur: C'est clair, c'est 4.

M. Marleau: Lorsque que cela a été soulevé en Chambre, il a dit: «Oui, et j'en connais qui le font». Bingo! Vous tombez dans 4.

M. Bellehumeur: C'est clair.

M. Marleau: C'est un exemple.

M. Bellehumeur: Mais c'est clair.

M. Marleau: La Chambre aurait pu décider autrement. Elle aurait pu décider que dans le contexte du jour, ce n'était pas offensant et que ce n'était pas un outrage à la dignité de la Chambre et de son membership.

M. Bellehumeur: Avez-vous pris connaissance tous les deux du communiqué de M. Jacob?

Mme Davidson: Oui.

M. Marleau: Oui.

M. Bellehumeur: Quelle partie, selon vous, est la plus outrageante ou la plus susceptible de discréditer la Chambre ou est un affront à l'autorité de la Chambre?

Mme Davidson: Je pense que c'est là toute la question que le comité doit examiner.

[Traduction]

Le président: Il s'agit ici d'un rappel au Règlement.

[Français]

M. Bellehumeur: Qu'est-ce qu'il a dit, M. Milliken? «Quelle question stupide».

M. Milliken: Quelle question stupide!

M. Bellehumeur: Si on s'engage dans une discussion sur l'appréciation que le gouvernement fait des questions posées par l'opposition, on va bien s'amuser. Je demande à M. Milliken de retirer ses paroles. Monsieur le président, je lui demande de retirer ses paroles.

[Traduction]

Le président: À l'ordre!

[Français]

M. Bellehumeur: Je lui demande de retirer ses paroles et de s'excuser.

.1615

[Traduction]

Le président: Il faudra vérifier les bleus pour voir si ce commentaire particulier y figure ou non.

[Français]

M. Bellehumeur: Il l'a dit. Il l'a même répété, monsieur le président, en votre présence.

M. Langlois: On va prendre sa parole; il a dit que c'était stupide.

M. Bellehumeur: Ah, il dit oui encore. Il dit oui. Il est honnête. C'est un homme honnête.

[Traduction]

Le président: J'imagine que je ne l'ai pas entendu, mais votre président n'a pas une bonne ouïe.

Monsieur Milliken, voulez-vous dire quelque chose?

M. Milliken: Non. J'ai dit ce que je voulais dire et c'est vrai.

Le président: D'accord.

[Français]

M. Bellehumeur: Monsieur le président, vous allez avoir du plaisir avec nous, croyez-moi. On va en présenter des arguments. On va en faire des remarques d'appréciation des questions du gouvernement.

[Traduction]

Le président: Je vais demander à mes collègues de bien vouloir essayer de respecter les questions des uns et des autres. Ce qui peut passer pour une sottise pour l'un peut être preuve d'intelligence pour l'autre.

J'aimerais également attirer votre attention sur le fait qu'en lisant la note de Mme Davidson... dans la version anglaise, vous avez «instances» d'outrage, et dans la version française, exemples d'outrage.

Je pense que vous essayez de donner des catégories ou des exemples - c'est ainsi que je l'interprète. Il ne s'agissait pas nécessairement de catégories précises, mais d'exemples. Dans la version française, c'est très clair. On y parle d'exemples. Dans la version anglaise toutefois, exemples a été traduit par «instances», ce qui, à mon avis, a une connotation différente.

J'imagine que cela témoigne simplement de la difficulté que nous avons à nous prononcer sur ce qui éventuellement est une catégorie en français, et un exemple en anglais, ou l'inverse.

Mme Catterall (Ottawa-Ouest): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je peux ne pas être d'accord avec la façon dont M. Milliken a exprimé son avis, mais en même temps, je pense qu'il est important de reconnaître que les personnes ici présentes sont nos témoins. Elles ne sont pas là pour faire le travail du comité.

Si M. Milliken a réagi de cette façon, c'est peut-être parce qu'il lui semble que l'on dépasse ici une certaine limite, puisque l'on demande aux représentants officiels qui sont en face de nous de porter les genres de jugements que doit porter le comité. Je vous demanderais donc d'essayer de faire en sorte que personne autour de cette table ne dépasse cette limite.

Le président: D'accord.

Franchement, monsieur Bellehumeur, je suis d'avis que vous... J'ai été assez généreux ou indulgent à votre égard, mais par respect pour ces deux témoins, je crois qu'ils nous font part de l'information ou essaient de le faire, alors que notre travail consiste à nous prononcer sur certains points, ainsi que nous tentons de le faire.

[Français]

M. Bellehumeur: Je n'ai pas blâmé les témoins. J'ai posé une question. Si les témoins m'avaient répondu: «Écoutez, je pense que c'est votre emploi, c'est ce que vous avez à faire, et je ne vais pas me substituer à votre analyse», parfait, j'aurais accepté la réponse. Mais quant quelqu'un vient me dire que mes questions sont imbéciles, je ne l'accepte pas. S'il ne veut pas retirer ses paroles, qu'il ne les retire pas. Je ne vais pas non plus retirer les miennes quand je ferai une appréciation de son travail.

[Traduction]

Le président: Ce n'est pas pareil, je suis d'accord.

Monsieur Ringma, c'est votre tour.

M. Ringma: Merci, monsieur le président. J'aimerais tout d'abord une précision. Avez-vous l'intention, en tant que président, de limiter le temps de parole...

Le président: J'essaie d'être juste en ce qui concerne le temps accordé à chacun. Vous me direz si je l'ai été. J'ai prévu 13 minutes. M. Bellehumeur a parlé uniquement 13 minutes.

M. Ringma: Pas de problème. Tant que vous y veillez...

Le président: Je suis connu pour veiller là dessus. C'est ainsi que j'ai gagné ma vie.

M. Ringma: La question que je veux poser ou ce qui en tiendra lieu, c'est en fait que je veux examiner - et j'espère que Mme Davidson et M. Marleau ont devant eux les paramètres proposés par le président - le premier paramètre. On peut y lire:

D'après ce qu'a dit Mme Davidson, j'ai compris que peut-être tel était le cas, mais je peux lire à la page 4, au deuxième paragraphe ce qui suit:

.1620

De là découle la question de savoir si nous pouvons remplacer... Ce serait en fait au président, de remplacer, mais pourrions-nous avoir ici un énoncé qui dise que même si le comité n'est pas un tribunal, il est en fait l'organe chargé d'examiner toute atteinte aux privilèges de la Chambre ou outrage au Parlement? Si tel est le cas, j'aimerais que cela y figure, ou qu'à tout le moins, cela soit ajouté au paramètre numéro 6 en bas de la page, lequel se lirait comme suit «s'il y a atteinte aux privilèges de la Chambre ou outrage au Parlement».

J'aimerais simplement que les choses soient claires: d'après l'avocate générale, ce comité est constitué correctement et comme il se doit et il a le pouvoir d'examiner à fond la question d'outrage au Parlement ou d'atteinte aux privilèges parlementaires, dans le cadre du droit criminel canadien.

Mme Davidson: Pour répondre à votre question, je suis entièrement d'accord avec ce qui figure au point 1 des paramètres, à savoir que le comité n'est pas un tribunal. Je pense l'avoir indiqué dans mon introduction.

M. Ringma: C'est ce que j'ai compris.

Mme Davidson: Le comité n'est pas là pour interpréter le droit criminel canadien. Toutefois, il a le pouvoir de déterminer si une affaire représente une atteinte aux privilèges de la Chambre ou un outrage à la Chambre. C'est un pouvoir spécial. Le comité n'a pas les pouvoirs d'un tribunal. Votre proposition d'amendement du paramètre serait donc juridiquement acceptable.

Le président: J'accepte ce que vous proposez, mais j'aimerais une précision. Au point 4, je déclare, en ma qualité de président, qu'il s'agit de déterminer «si le comportement de M. Jacob a porté atteinte aux privilèges de la Chambre»; cela n'est-il pas relatif à la question de privilège?

Je ne cherche pas à ergoter, j'essaie simplement de comprendre ce qui pourrait représenter une liste raisonnablement exhaustive de critères.

Mme Davidson: Souvent l'expression «privilèges» représente ou englobe le pouvoir de sanction de la Chambre en cas d'outrage. Dans ce sens-là, si l'on voulait ici inclure et englober les pouvoirs de sanction de la Chambre en cas d'outrage dans les privilèges de la Chambre au point 4, je pense que ce serait acceptable. Pour plus de certitude, vous pouvez l'ajouter; cela n'enlève rien.

Le président: Nous pourrions l'ajouter où vous l'avez proposé, monsieur Ringma, de manière que le point 6 inclue la notion d'atteinte aux privilèges, ou d'outrage.

M. Ringma: C'est au point 6, effectivement.

Le président: D'accord. Nous pensons tout haut, nous pourrions peut-être poursuivre. Je suis désolé d'avoir pris un peu de votre temps, monsieur Ringma.

M. Ringma: Cela ne fait rien, je vais le céder à Jack. Nous faisons équipe.

M. Frazer: Madame Davidson, je comprends que vous n'allez pas prendre de décision à notre place, mais en réponse à une question de M. Bellehumeur, vous avez dit qu'à votre avis, le cas que nous examinons ne tomberait pas dans la catégorie 2 de votre liste d'exemples d'outrage. On peut lire dans votre note:

Deuxièmement, pouvez-vous me donner la définition de «outrage par déduction»? Qu'est-ce que c'est exactement?

Mme Davidson: Je pense l'avoir défini au point 2. C'est une inconduite indirecte. Ce n'est pas quelque chose qui s'est produit à la Chambre ou dans un comité. C'est quelque chose qui s'est produit à l'extérieur. C'est une réflexion ou un discours. Habituellement, c'est ce que font peut-être les médias, lorsqu'ils critiquent les députés ou la Chambre. Cela ne représente pas nécessairement un outrage qui se serait produit au cours d'actes de procédure. Un outrage par déduction est un outrage qui se produit à l'extérieur.

.1625

M. Frazer: C'est entendu. Qu'en est-il de mon premier point?

Mme Davidson: En ce qui concerne la question de publication, au point 2, j'examine l'inconduite devant la Chambre ou un comité. Je voulais dire que le cas qui vous occupe ne semble pas être un cas d'inconduite devant la Chambre ou un comité. C'est à vous de voir s'il s'agit d'un outrage par déduction ou...

M. Frazer: Nous parlons ici toutefois de la publication d'un document.

Mme Davidson: Oui.

M. Frazer: C'est la raison pour laquelle je me demande pourquoi vous pouvez aussi facilement dire que ce cas ne tombe pas dans la catégorie 2. Y a-t-il quelque chose que je ne comprenne pas?

M. Marleau: Oui, je crois. Puis-je intervenir? Par «publier des écrits qui discréditent la Chambre», on veut parler d'un document qui attaquerait la Chambre en la discréditant ou en portant atteinte à sa dignité.

M. Frazer: N'est-ce pas ce dont il s'agit ici?

Une voix: Non.

M. Marleau: Ce serait à vous de décider, j'imagine, mais à la lecture du document envoyé par M. Jacob, je ne pense pas y avoir décelé de critiques à l'égard de la Chambre.

M. Frazer: C'est entendu, mais est-il convenable qu'un député publie un tel document? Telle est la question que nous devons régler.

M. Marleau: C'est autre chose que la publication d'écrits...la Chambre. C'est un document qui émane de...

M. Frazer: Cet écrit ne risque-t-il pas de discréditer la Chambre et n'est-ce pas la question que nous devons régler?

M. Marleau: La nature, le contenu et l'intention du document, ainsi que les motifs de sa rédaction, pourraient en fin de compte, pris ensemble ou séparément, discréditer la Chambre. Il est question ici de publier des écrits qui visent la Chambre ou l'un de ses comités.

M. Frazer: Je ne vois pas le mot «viser».

M. Marleau: Non, mais cela a toujours été considéré comme la publication d'écrits qui discréditent la Chambre et ses députés. Si un député écrivait dans son bulletin parlementaire qu'un débat particulier n'était qu'une imposture, on pourrait en arriver à la conclusion après examen, qu'il s'agit de la publication d'un écrit qui discrédite la Chambre.

M. Abbott (Kootenay-Est): Peut-être ai-je le temps de poser une question.

J'ai pris note de votre commentaire; reste à savoir s'il s'agit d'un document qui porte atteinte à la dignité et à l'autorité de la Chambre des communes. La situation est suffisamment difficile et je n'ai pas l'intention ici de jeter de l'huile sur le feu, mais je crains personnellement que le gouvernement ne tente le plus possible de noyer le poisson.

Lorsque j'en suis arrivé aux «Avis de motion», j'ai remarqué les points A et C proposés parM. Bellehumeur. Au point A, on peut lire:

Imaginons qu'à l'avenir, dans le cadre d'une procédure ou d'une autre, le Bloc ou les Libéraux décident de présenter de nouveau des clauses ou des motions comme A et C. Convenez-vous avec moi que beaucoup d'aspects de cette affaire - par exemple, les commentaires de M. Jacob sur le nombre de membres des Forces armées qu'il a contactés, parmi les officiers, etc., etc., publiés dans la presse - qui se rapportent directement au communiqué, ne s'y rapportent pas d'une manière aussi exclusive que celle décrite aux points A et C?

Voyez-vous où je veux en venir? Si nous devons en fait répondre à la question que vous avez posée, à savoir si cet écrit porte atteinte à la dignité et à l'autorité de la Chambre, ne pensez-vous pas que le fait de restreindre discussions ou témoignages de manière qu'ils se rapportent «exclusivement au dit communiqué» ne représente pas une approche trop restrictive.

.1630

Le président: Madame Davidson, nous sommes tous intéressés par la réponse que vous allez maintenant nous donner.

Mme Davidson: Je dois vous redire que le comité est maître de ses propres travaux. C'est au comité d'interpréter son mandat. Dans ma note d'information, je vous ai indiqué comment vous pourriez interpréter la portée de votre mandat. J'ai indiqué que c'est à votre comité de décider.Ce n'est pas à moi de vous dire ce qui fait partie de votre mandat, en fonction de ce que vous voulez réaliser.

Vous devez en fait déterminer s'il y a eu outrage. C'est véritablement au comité de décider de la façon de procéder.

M. Abbott: D'accord. Je cherche en fait à connaître votre point de vue au sujet de... Cela fait déjà trois fois que nous tombons là dessus. Je suis entièrement d'accord avec tous mes collègues de ce comité: nous ne vous demandons pas de régler la question. Ce n'est pas ce que je demande.

La question que je pose est la suivante: Si à un certain moment, peut-être après votre présent témoignage devant le comité ou plus tard au cours d'une audience ultérieure, des dispositions ou des restrictions comme celles-ci étaient présentées, conviendriez-vous que, en présentant ces restrictions qui établiraient que la présidence aurait le droit de ne s'occuper que du communiqué, ces restrictions limiteraient sérieusement la capacité d'examiner tous les points pertinents à cette question?

M. Marleau: Il est très difficile pour moi, particulièrement, de répondre à cette question: en ce qui concerne le résultat final plusieurs réunions plus tard, à savoir si l'adoption de telles restrictions, comme vous le dites, pourrait nuire à votre étude. Cela dépendrait du contexte.

En tant qu'agent supérieur de la Chambre, monsieur, avec tout le respect que je vous dois, - je n'esquive pas votre question - j'ai appris il y a longtemps à respecter le gouvernement par la majorité et à ne pas exprimer de réserves à l'égard d'une décision qui a été prise. Mais sachez que si le comité de la Chambre rendait une décision dans un contexte de gouvernement minoritaire, il faudrait que cette dernière soit justifiée. Mais à ce moment-ci, je crois qu'il serait non approprié d'essayer même de répondre à cette question.

Le président: Est-ce la dernière intervention? Est-ce tout pour l'instant?

M. Abbott: C'est tout.

Le président: Monsieur Boudria, vous avez la parole.

[Français]

M. Boudria: Monsieur le président, je voudrais retourner au document que nous a si bien préparé Me Davidson.

Je voudrais que l'on se réfère à la page 3 du document, concernant la distinction entre les privilèges et la matière d'outrage. Le dernier paragraphe se lit comme suit:

Je voudrais que vous nous donniez quelques explications à ce sujet, en rapport avec la raison pour laquelle nous sommes devant ce comité. Cela veut-il dire que le dossier de l'outrage ne peut être traité que par la Chambre ou bien que notre rapport consiste à faire une recommandation à la Chambre qui prendra la décision finale?

Mme Davidson: Pour répondre à votre question, ce comité doit effectivement faire savoir à la Chambre, à la lumière de la preuve qui lui sera présentée, s'il y a outrage ou non. De plus, s'il y a outrage, le comité devra normalement recommander les sanctions qu'il considère appropriées.

M. Boudria: En conclusion, on peut faire toutes les recommandations en matière d'outrage, mais la décision finale appartient à la Chambre. Nous faisons une recommandation à la Chambre, mais la décision lui appartient, n'est-ce pas?

Mme Davidson: Tout à fait. Le pouvoir appartient à la Chambre.

.1635

M. Boudria: Vous vous référez, dans votre document, à Erskine May et au Haut Tribunal du Parlement, the High Court of Parliament. Cela nous intéresse beaucoup, surtout par rapport à la motion qui a été présentée à la Chambre au début.

Cette motion a été modifiée par la suite, comme on le sait, parce qu'il y avait des mots qui auraient pu faire l'objet d'une accusation au criminel. Si on parle de sédition, c'est certainement une définition qui existe dans le Code criminel.

Cela m'amène à poser la question de savoir si nous excluons de nos délibérations aujourd'hui et de notre rapport à la Chambre par la suite les dossiers qui relèvent du droit criminel pour laisser à la Chambre la pleine décision finale. Est-ce que c'est cela?

Mme Davidson: C'est effectivement le conseil que je vous ai donné. Ces questions-là, à mon avis, appartiennent aux tribunaux et aux cours de justice qui, en vertu de notre Constitution, sont seuls habilités à trancher les questions de contravention au Code criminel.

M. Boudria: Ça veut donc dire que si la Chambre avait adopté la motion telle qu'elle a été présentée initialement, avec le mot «sédition» et tout le reste, ce comité n'aurait même pas été habilité à trancher sur cette partie de la motion, si je peux m'exprimer ainsi?

Mme Davidson: Je n'ai pas la motion devant moi, mais le mot «sédition» est un mot qu'on retrouve dans le dictionnaire également. Il y aurait peut-être eu possibilité de l'interpréter dans le sens ordinaire et non dans le sens que lui donne le Code criminel.

M. Boudria: En d'autres termes, on aurait pu seulement traiter de sédition si ça avait été une sédition non criminelle, n'est-ce pas?

Mme Davidson: C'est parce que c'est un mot...

M. Boudria: D'après ce que vous venez de nous dire, je pense que de toute façon, ce comité-ci n'aurait pas pas été compétent pour traiter du dossier de sédition si on avait laissé ce mot dans la motion initiale. On a donc enlevé le mot et on n'a rien perdu parce qu'on ne pouvait pas le faire.

La raison pour laquelle je parle de tout cela, c'est parce que nos amis d'en face ont accusé le gouvernement de toutes sortes de choses parce qu'il avait fait enlever ces mots et que le Comité n'a même pas eu la possibilité de les entendre.

J'ai terminé. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Madame Davidson, avez-vous quelque chose à dire pour répondre à M. Boudria?

Mme Davidson: Non.

Le président: Vous feriez un très bon criminaliste.

Monsieur Milliken, M. Boudria m'a informé qu'il partageait son temps. Ainsi, si vous êtes d'accord, je préférerais...

Une voix: Que l'on définisse la sédition non criminelle.

M. Milliken: Je ne m'aventurerai pas sur ce terrain.

Madame Davidson, à la page 9 du mémoire que vous nous avez soumis, vous dites:

Connaissez-vous des précédents qui indiquent que les tribunaux considéreraient que le Parlement a outrepassé sa compétence s'il avait conclu que certaines choses qui se sont produites sembleraient contrevenir au droit pénal?

Mme Davidson: Je n'ai pas de précédent que je pourrais vous citer aujourd'hui.

M. Milliken: Alors pourquoi avez-vous fait cette déclaration?

Mme Davidson: Je l'ai fait parce que notre Constitution établit très clairement que les tribunaux ont compétence. Les articles 91 et 92 de la Constitution disposent que l'administration du droit pénal relève des tribunaux. J'ai formulé ici un énoncé de droit fondamental.

M. Milliken: Vous dites que les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle stipulent cela?

.1640

Mme Davidson: Je suis désolée. La compétence des tribunaux est prévue dans la Constitution. J'ai peut-être cité le mauvais article.

M. Milliken: Je vois. Je serais intéressé à voir votre autorité si vous pouviez nous la fournir. Ce n'est pas que je laisse entendre que le comité assume de quelque manière le rôle...

Mme Davidson: Je suis désolée, il s'agit de l'article 96.

Le président: Je crois que Mme Davidson veut dire l'article 96. Vous avez dit les articles 91 et 92, là où il est question de la répartition des pouvoirs, je crois.

Mme Davidson: Les articles 96 à 104 seraient...

M. Milliken: Il est juste de dire que ce que vous avez aussi voulu dire par là c'est que le comité ne pourrait reconnaître quelqu'un coupable de sédition. La seule infraction dont il peut vraiment reconnaître quelqu'un coupable - si l'expression «reconnaître coupable» convient, mais ce n'est pas le cas - c'est d'outrage au Parlement.

Mme Davidson: C'est exact.

M. Milliken: Ainsi le comité a compétence exclusive, du moins la Chambre a compétence exclusive, en matière d'outrage au Parlement. Les tribunaux n'ont pas compétence à cet égard.

Mme Davidson: C'est exact. Les tribunaux n'examineraient pas la décision de la Chambre à cet égard.

M. Milliken: Ainsi, si la Chambre concluait que la conduite dont la plainte fait l'objet était intrinsèquement séditieuse, que l'infraction de sédition ait été reconnue ou non, elle pourrait décider que cet acte en soi pourrait constituer un outrage au Parlement. Celui-ci serait donc punissable à ce titre.

Mme Davidson: Oui.

M. Milliken: À la page 4,

[Français]

M. Bellehumeur, dans ses questions, s'est référé aux mêmes citations.

[Traduction]

Vous avez dit que:

Il s'agit d'une question qui revêt peut-être un intérêt pratique, mais aux simples fins d'éclaircissement, vous dites que la Cour suprême du Canada a expliqué que ces vastes pouvoirs pénaux ont été conférés au Parlement britannique en grande partie pour faire contre-poids au contrôle despotique qu'exerçaient les souverains. Ce pouvoir pénal a-t-il été conféré par rapport aux souverains ou quel pouvoir pénal prétend-on que le Parlement britannique avait et que nos tribunaux n'ont pas?

Mme Davidson: Ce que j'expliquais ici c'était un certain contexte historique. Le Parlement britannique exerçait, à un certain moment, un contrôle sur les souverains qui ont essayé d'influencer les juges dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires. Quelqu'un pouvait présenter une pétition à la Chambre pour qu'elle intervienne en son nom afin d'empêcher que les souverains essaient d'influencer les tribunaux.

M. Marleau: Je dirais que cette observation s'appliquait davantage à la Chambre des lords qu'à la Chambre des communes à l'époque. La Chambre des lords est encore aujourd'hui un tribunal.

[Français]

M. Bellehumeur: Maintenant, on entend du français.

M. Milliken: Je vais parler en français après ça. C'est plus facile. Est-ce que la question concerne seulement les pouvoirs du House of Lords? Je ne connais pas le mot en droit français.

[Traduction]

On trouve bien sûr dans le droit britannique la notion voulant qu'une personne doive être jugée par ses pairs. Le pair peut choisir d'être jugé par les membres de la Chambre des lords qui siègent alors en tant que tribunal à cet égard. Je crois que ce droit a peut-être été aboli au cours du présent siècle - je ne suis pas sûr mais il a existé à coup sûr jusqu'au XIXe siècle ou presque.

Est-ce que c'est ce que vous avez voulu dire ici ou y a-t-il quelque autre pouvoir que notre Chambre n'a pas comparativement à ceux que détient ou détenait la Chambre des communes britannique?

M. Marleau: Je ne crois pas. Je crois que cela renvoie à... La Chambre des communes dans les îles britanniques a le même pouvoir - ou nous avons hérité du même pouvoir - de punir pour des infractions contre sa dignité ou pour outrage. Mais je ne suis au courant d'aucun autre pouvoir judiciaire que détient la Chambre des communes britanniques. En fait, je suis presque sûr qu'elle n'en a aucun.

.1645

M. Milliken: Pourriez-vous nous fournir la citation en ce qui a trait à la décision de la Cour suprême dans cette affaire laquelle vous faites référence?

Mme Davidson: L'affaire Donahoe.

M. Milliken: S'agit-il de cela?

Mme Davidson: Oui, à la page 2.

M. Milliken: C'est donc une affaire très récente.

Le président: Merci. Tandis que vous rassemblez d'autres documents, auriez-vous aussi l'obligeance de fournir aux membres de ce comité un exemplaire de la publication à laquelle vous faites référence à la 3e note en bas de la page 3, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je crois que les membres du comité aimeraient en avoir un exemplaire.

[Français]

Monsieur Langlois, s'il vous plaît.

M. Langlois: Je vais revenir un petit peu en arrière, si vous me le permettez, monsieur le président. Si vous ne me le permettez pas, on pourra en débattre.

Je voudrais m'adresser à M. Marleau sur la nature même de la question de privilèges qui est devant nous.

Monsieur Marleau, comme je l'ai dit aux membres du comité, j'ai un peu de mal à comprendre quel privilège aurait été brisé ou attaqué, et je m'explique.

Dans Beauchesne, sixième édition, le commentaire 115 nous dit que - je vais le citer dans le texte français puisque j'ai le droit d'utiliser ma langue - :

Passons au communiqué du Dr Jacob du 26 octobre 1995. La Chambre siégeait ce jour-là, elle a siégé le lendemain, elle a siégé le jour du référendum, et elle a siégé encore pendant quatre semaines jusqu'à l'ajournement de Noël. Le député d'Okanagan - Similkameen - Merritt soulève, en mars, une question de privilège. Pourriez-vous m'expliquer comment on peut rendre compatibles et le principe énoncé au commentaire 115 de Beauchesne et la question de privilège soulevée par M. Hart au mois de mars suivant, près de quatre mois après l'émission du communiqué? Connaissez-vous aussi des précédents, dans le Commonwealth, qui pourraient se rapprocher d'une situation semblable?

M. Marleau: Tout d'abord, j'aurais de la difficulté à citer des précédents concernant une situation semblable dans le Commonwealth sans consulter mes collègues des autres assemblées.

Essentiellement, il y a trois conditions préalables qui permettent à un député d'intervenir en Chambre sur une question de privilège. La question de privilège est un terme qui s'applique à des gestes posés par des personnes qui vont à l'encontre des privilèges personnels des députés ou par les députés eux-mêmes qui se conduisent d'une façon jugée outrageante par la Chambre, et ne fait pas nécessairement référence au privilège décrit dans le document de Mme Davidson ou à des privilèges spécifiques tels que le droit de parole, le droit d'accès aux édifices, ou des privilèges personnels des députés. Lorsqu'on parle de privilèges ou d'offense aux privilèges, c'est un terme générique qui englobe les outrages aussi bien que les bris spécifiques de privilèges spécifiques.

Les préconditions sont d'abord un préavis à la présidence, ce qui apparaît clairement dans le Règlement, et une action à un moment opportun, tel que cela a été défini dans les années 1960, à savoir à la première occasion.

Troisièmement, dans le cas spécifique dont vous êtes saisis, lorsqu'on traite de la conduite d'un député - et surtout quand elle est soulevée par un autre député - , il doit y avoir eu une accusation claire, nette et spécifique. C'est un geste qui est rarement posé et qui peut être lourd de conséquences. Le Président Lemieux avait statué il y a très longtemps, comme le Président Michener dans sa décision du 19 février 1959, que l'accusation devait être claire, nette et spécifique.

.1650

Le critère exprimé au commentaire 115 de la sixième édition du Beauchesne et dans l'article 48 du Règlement, où c'est moins spécifique, reste à déterminer par la présidence dans le contexte où il est soulevé. Il appartient au Président de décider ce qu'on entend par la première occasion, le moment opportun et le sérieux de l'affaire.

Je ne peux que répéter ce que le Président a dit en Chambre. Il était très sérieux et je crois qu'il l'a dit en anglais. Je ne me souviens pas de la traduction française, mais il a dit en anglais que

[Traduction]

La question de la première occasion était discutable.

[Français]

M. Langlois: Monsieur Marleau, je vais reprendre la version anglaise du commentaire 115 pour être sûr qu'il n'y ait pas de distorsion entre les deux textes.

[Traduction]

[Français]

À votre avis, entre le 26 octobre, date de publication du communiqué, et l'ajournement de Noël...

[Traduction]

M. Frazer: J'en appelle au Règlement. Nous avons déjà discuté de cette question à un certain nombre de reprises, monsieur le président. Nous débattons d'une décision du président que je croyais finale.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le président...

[Traduction]

Le président: Au sujet de l'objection présentée...

[Français]

M. Langlois: J'en suis à peine à ma première question et demie, et déjà on soulève un appel au Règlement!

Je voudrais demander à M. Marleau, grand expert en la matière et originaire de Cornwall, circonscription du Président Lamoureux qui a été un des grands présidents de l'histoire canadienne, de me préciser son interprétation de l'article 115.

Je n'ai pas parlé une seule fois de la décision de M. Parent et je n'en parlerai probablement pas. J'ai l'impression que l'on cherche des raisons, de l'autre côté, pour m'empêcher de poser une question.

Qu'on me laisse donc poser ma question et ensuite M. Marleau me donnera une réponse, s'il le veut bien. Cette façon de vouloir m'empêcher de poser ma question et de me juger hors d'ordre à l'avance...

[Traduction]

M. Frazer: Monsieur le président, à quelle fin? À quelle fin?

Mme Catterall: Au sujet du même rappel au Règlement, je m'intéresse franchement aux questions que pose M. Langlois. Je ne considère pas encore qu'il s'agit d'une remise en question de la décision du président. Si c'est le cas, je formulerai moi-même l'objection. Mais je crois qu'il est important pour le comité d'examiner cette question dans ses grandes lignes comme M. Frazer et ses collègues l'ont demandé instamment.

Deux députés sont en cause dans cette affaire. Je crois qu'il est important pour nous, comme l'a dit Mme Davidson, de revoir peut-être même le compte rendu du débat et la discussion dont a fait l'objet la motion. Il est important pour nous, si nous devons examiner la question dans son ensemble, de tenir compte du contexte qui a entouré son renvoi à notre comité. J'espère que vous permettrez à M. Langlois poursuivre sur sa lancée tant qu'il ne dépasse pas la limite permise.

M. Abbott: Sur ce point, je suis d'accord avec M. Frazer, parce que cette question n'a absolument rien à voir avec celles qui ont été soumises à l'attention de ce comité. Cette question qu'a soulevée M. Langlois porte exclusivement sur le fait que le Président a préféré renvoyer la question au Parlement qui l'a ensuite renvoyée au comité. C'est vraiment un point discutable. Celui-ci n'a absolument rien à voir avec les questions que doit examiner le comité

Le président: Chers collègues, j'autorise la question. J'ai écouté attentivement l'objection.

Monsieur Langlois, je vais permettre la question mais je vous préviens seulement de tenir compte du point qu'a soulevé M. Frazer. Je ne crois pas que vous aviez l'intention d'être irrévérencieux envers le Président, mais à ce que j'ai compris la prudence est de rigueur. Je permets la question, mais soyez prudent.

[Français]

M. Langlois: Je croyais, monsieur le président,...

[Traduction]

Le président: D'une façon tout à fait libérale...

M. Marleau: Vous voulez que je réponde?

Le président: Pourquoi pas? On vous paie largement pour cela.

.1655

[Français]

M. Langlois: Je croyais, monsieur le président, qu'on était ici pour s'éclairer mutuellement sur le droit parlementaire. C'est un aspect du droit parlementaire qui m'apparaît important. Il est aussi important d'établir les paramètres procéduraux que d'établir la substance même de ce que l'on reproche à quelqu'un. Comme je le disais l'autre jour, il ne faut pas dresser l'échafaud avant d'avoir établi les règles de procédure.

Ma question à M. Marleau était la suivante: lorsque Beauchesne, au commentaire 115, dit qu'une question de privilège doit être soulevée... Je vais reprendre le texte en anglais, car je l'ai cité en français tout à l'heure.

[Traduction]

[Français]

Étant donné que nous avions à peu près 30 jours de séance à compter de la date de publication du communiqué du Dr Jacob, avant l'ajournement de Noël, est-ce que dans cette période il y aurait eu assez de temps pour satisfaire au critère de la toute première occasion?

[Traduction]

Le président: Maintenant je vais intervenir et, monsieur Langlois, je vais dire, pour essayer d'aider un peu ici, que la difficulté dans laquelle vous placez, je crois, le témoin c'est qu'il est un agent supérieur de la Chambre. Vous ne m'avez pas demandé de conseils, mais vous voudrez peut-être reformuler votre question sous une forme plus hypothétique, vu que s'il devait répondre oui, il s'agirait alors de toute évidence d'un défi à la présidence. Je sais que M. Marleau sait cela.

Votre point est recevable en ce sens que vous essayez d'obtenir de l'information qui nous permettrait de procéder à une évaluation valable - et, madame Catterall, vous pouvez m'aider - mais en tant que président j'essaie d'établir certains paramètres.

[Français]

M. Langlois: Monsieur le président, avant que vous ne laissiez le témoin répondre, je vais préciser le but de mon propos. C'est important quand on a une question dans un procès. Vous avez dit que nous n'étions pas une cour, mais je me demande ce que nous sommes. Un comité sans doute. Enfin...

Le but de ma question est d'obtenir une réponse de M. Marleau sur le fait que ce problème aurait pu être soulevé rapidement dans les jours qui suivaient la séance du comité et que, par conséquent, on se serait trouvés exactement dans le cadre du commentaire 115 de Beauchesne. À ce moment-là, le mandat du comité serait différent; c'est-à-dire que l'on ne traiterait plus seulement de la question du communiqué du Dr Jacob mais aussi de la conduite du député d'Okanagan - Similkameen - Merritt, qui a porté une accusation très grave à l'endroit du député de Charlesbourg.

Cela changerait donc la perspective de l'audition que nous avons entreprise et c'est dans ce sens-là que je pose ma question à M. Marleau. Si la question avait été soulevée dans les jours qui ont suivi le 26 octobre, date à partir de laquelle la Chambre a siégé tous les jours, est-ce qu'on aurait satisfait strictement au critère 115?

M. Marleau: Si cela avait été soulevé dans les jours ou les quelques semaines suivant l'émission du communiqué, cela aurait peut-être répondu aux trois critères que je viens d'énoncer et à la citation 115.

Au moment où la question à été soulevée, la décision du Président a été de mettre de côté ce critère. La réponse à votre question est donc oui. Si cela avait été soulevé rapidement, cela aurait répondu aux trois critères que j'ai énoncés, mais le Président a décidé, dans l'exercice de ses fonctions, de mettre de côté ce critère.

M. Langlois: Madame Davidson, vous parlez, dans les notes que vous nous avez remises, de l'équité procédurale. En matière d'équité procédurale, est-ce que vous incluez ou excluez la notion du waiver en droit public britannique?

Mme Davidson: Est-ce que vous pourriez expliquer ce que vous entendez par là?

M. Langlois: Oui. Lorsqu'on est dans une situation où un point de droit est soulevé, si on ne le fait pas à la première occasion possible, le fait d'attendre, le waiver fait disparaître le droit de soulever ce point ultérieurement. Ce comité, agissant pour le moins sur une base quasi judiciaire, puisqu'il y a des droits à protéger et des témoins à entendre, étant donné l'état tardif de la situation, devrait tout simplement conclure ses travaux pour la simple raison qu'il serait beaucoup trop tard pour agir sur cette question.

.1700

Donc, écartez-vous la notion de droit britannique du waiver?

Mme Davidson: Vous avez dit que c'était une notion qui s'appliquait devant les tribunaux quasi judiciaires?

M. Langlois: Aussi.

Mme Davidson: À cela je vous répondrai, comme je l'ai dit à maintes reprises dans mon document, que ce comité n'est pas assujetti aux règles de fonctionnement d'une cour. Ce n'est pas une cour ou un tribunal; les concepts de droit qui s'appliquent à la conduite des travaux d'une cour ne s'appliquent pas automatiquement au comité. Si le comité veut adopter de tels principes, il peut le faire. J'ai dit que les comités, dans le passé, avaient respecté certaines règles de procedural fairness, d'équité procédurale; c'est-à-dire qu'ils ont donné un préavis au témoin et l'ont renseigné, avant sa comparution, sur la nature de sa comparution. Ce genre de choses correspond à ce que j'appellerais une procedural fairness.

Mais le concept auquel vous faites allusion ne s'appliquerait pas automatiquement au comité.

M. Langlois: Madame Davidson, pour exclure la compétence du Parlement ou de la Chambre...

[Traduction]

Le président: Ce sera votre dernière question, cher collègue.

[Français]

M. Langlois: Je reviendrai au prochain tour pour la suite. Dans l'appréciation que vous avez donnée sur le pouvoir de la Chambre ou du comité de se prononcer en matière criminelle, vous avez fait référence aux articles 96 à 101 de la Constitution canadienne pour dire, et c'était assez clair dans votre document, qu'elle n'avait pas de compétence à cet égard.

Vous avez subordonné la Chambre des communes, dans son exercice procédural, à des articles de la Constitution canadienne, et ma question est donc la suivante. Est-ce que vous appliquez également au fonctionnement de la Chambre des communes la Charte de 1982, qui a été constitutionnalisée par la Loi du Parlement impérial de 1982?

Mme Davidson: La Charte des droits et des libertés et la Loi constitutionnelle de 1982 ne s'appliquent pas à la conduite des travaux de la Chambre.

M. Langlois: En aucun cas.

Mme Davidson: La Cour suprême a dit que la Chambre n'y était pas assujettie. La Chambre peut toujours décider, de son propre gré, de suivre les principes ou l'esprit de la Charte, mais elle n'y est pas automatiquement assujettie. C'est ce que la Cour suprême nous a dit dans le jugement Donahoe auquel M. Milliken faisait allusion.

M. Langlois: Et votre inclusion des articles 96 à 101 n'a pas été suggérée par la Cour suprême mais par vous.

Mme Davidson: Les articles 96 à 101...

M. Langlois: La Constitution prévoit l'existence d'un pouvoir judiciaire et la Chambre n'a plus compétence. C'est une affirmation qui est appuyée par la jurisprudence de quel niveau?

Mme Davidson: De la Cour suprême du Canada.

M. Langlois: Merci, madame.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Langlois.

Madame Catterall, s'il vous plaît.

Mme Catterall: J'ai deux ou trois questions. Je veux tout d'abord que nous allions à la page 5. Puis-je demander au témoin de nous fournir le document dont il est question à la 6e note au bas de la page 3?

Le président: Nous l'avons déjà fait lorsque vous vous êtes excusée.

Mme Catterall: Je vous offre mes excuses alors.

Je veux mieux comprendre le point numéro 4 à la page 5:

Je reviens un moment au numéro 3:

Vous sembliez laisser entendre que s'il s'agissait d'un cas possible d'outrage ici, il s'agirait plus vraisemblablement d'une des formes dont il est question au numéro 4. J'aimerais que nous parlions des possibilités que regroupe le numéro 3.

Que constitue «des règles et des ordres de la Chambre» ou «l'autorité de la Chambre»?

Mme Davidson: En ce qui a trait au numéro 3, j'ai vu davantage comme une décision de la Chambre: une règle, un ordre ou peut-être...

Mme Catterall: Pouvez-vous me donner des exemples au lieu de reprendre les mêmes mots?

.1705

Mme Davidson: Je vous ai donné un exemple ici. Lorsqu'un témoin refuse de répondre à une question ou de produire un document, la question est renvoyée à la Chambre et le témoin se voit ordonné de produire un document ou de témoigner; il s'agit d'une forme d'outrage de la troisième catégorie.

Mme Catterall: Est-ce que l'utilisation du bureau parlementaire d'un député, du matériel et des fournitures du Parlement est assujettie aux règles de la Chambre?

Mme Davidson: Non, parce que l'utilisation du matériel et des ressources dans l'exercice des fonctions parlementaires est réglementée par le Bureau de régie interne, qui est créé en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada. Le Bureau établit les règlements administratifs qui régissent l'utilisation des fonds, des biens et des services. Ceux-ci ne sont pas visés par le point 3. Ce dernier se limite plutôt aux ordres de la Chambre et non aux décisions et aux règlements du Bureau.

Mme Catterall: Qu'entendez-vous alors par «autorité de la Chambre»? Vous ajoutez bien les mots «ou affront à l'autorité de la Chambre».

Mme Davidson: On pourrait entendre par cela l'autorité qu'exerce le président en vue de maintenir l'ordre à la Chambre. Pour moi, cela engloberait toute forme de désobéissance à l'autorité de la Chambre qui est exercée par le président pendant les délibérations.

Mme Catterall: Donc, à votre avis, l'autorité de la Chambre s'entend uniquement de l'autorité du président.

Mme Davidson: Oui.

Mme Catterall: Monsieur Marleau, avez-vous...?

M. Marleau: Lorsque le président exerce son autorité, il le fait au nom de la Chambre. Donc, quelle que soit la décision prise par le président, conformément à cette définition, je crois... Prenons, par exemple, la décision d'exclure quelqu'un de l'enceinte, notre rôle dans les enquêtes policières menées à l'intérieur de l'enceinte si les enquêteurs entrent sans l'autorisation du président. Des questions de privilège à cet effet ont été soulevées dans les années soixante-dix. Il s'agissait d'affronts à l'autorité de la Chambre.

Mme Catterall: Madame Davidson, vous avez donné plusieurs exemples de cas où des députés ont été expulsés de la Chambre. Ces expulsions découlaient parfois d'activités criminelles. Est-ce que, dans tous ces cas, le Parlement s'est inspiré des jugements rendus par les tribunaux pour déterminer qu'il y avait eu outrage?

Mme Davidson: Dans la plupart des cas, lorsqu'un député était condamné au criminel, la Chambre l'expulsait. C'est ce qui s'est produit dans la plupart des cas que j'ai énumérés.

Mme Catterall: Est-il déjà arrivé qu'un député soit expulsé en raison d'une infraction quelconque, mais sans qu'il y ait eu condamnation par un tribunal?

Mme Davidson: L'affaire McGreevy est probablement la seule qui me vient à l'esprit. Le député a été inculpé et la Chambre a agi avant qu'il ne soit condamné. La Chambre a expulsé le député avant qu'il ne soit condamné par un tribunal.

Mme Catterall: Très bien. Maintenant, existe-t-il un lien entre le privilège et l'outrage? S'il y en a un, j'aimerais que vous me l'expliquiez.

Mme Davidson: Souvent, les privilèges sont assimilés aux pouvoirs en matière d'outrage. Dans ma note d'information, le pouvoir de punir un outrage fait partie des pouvoirs et des privilèges de la Chambre des communes et non des privilèges des députés pris individuellement. Donc, le pouvoir de punir un outrage ne constitue qu'un pouvoir et privilège parmi d'autres de la Chambre. Les autres comprennent le droit de réglementer ses propres affaires internes, le pouvoir d'entreprendre des enquêtes et d'exiger la comparution des témoins, le droit d'assermenter les témoins et le droit de publier des documents contenant des éléments diffamatoires. Ce sont tous des pouvoirs qui sont conférés à la Chambre. À cela vous pouvez ajouter le pouvoir de punir un outrage.

.1710

Mme Catterall: Vous n'avez mentionné que les cas où la Chambre a ordonné l'expulsion d'un député. Pouvez-vous nous donner des exemples d'autres cas où la Chambre a pris des sanctions, sans aller jusqu'à l'expulsion, et pour quel genre d'infraction?

M. Marleau: Le cas le plus récent qui me vient à l'esprit s'est produit au cours de la dernière législature. On pourrait dire qu'il s'agissait d'un affront à l'autorité de la Chambre. Un député a voulu empêcher la Chambre d'ajourner en saisissant la masse alors qu'on transportait celle-ci à l'extérieur de la Chambre. Le député a été appelé à la barre de la Chambre et réprimandé par le président, sur décision de la Chambre. Un affront à l'autorité de la Chambre avait été commis, mais le député n'a pas été expulsé. Il a été réprimandé.

Mme Catterall: Mme Davidson a évoqué quelques principes de justice naturelle; elle a parlé de l'équité procédurale. Il serait utile pour le comité d'avoir cela par écrit.

Mme Davidson: D'accord.

Le président: C'est une bonne suggestion.

M. Ringma souhaite apporter une précision au point soulevé par Mme Catterall.

M. Ringma: Mme Catterall a posé une question au sujet de l'autorité de la Chambre et dans la réponse, il a été question du président. J'espère que l'autorité de la Chambre englobe quelque chose d'aussi fondamental que l'adoption de lois.

M. Marleau: C'est précisé dans la Constitution.

Mme Davidson: Oui.

M. Ringma: La Chambre a le pouvoir d'adopter des lois.

M. Marleau: Et de voter des crédits.

M. Ringma: C'est exact. Merci. C'est tout.

Le président: Monsieur Pagtakhan.

M. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): À la page 4 de votre note d'information, vous dites que s'il n'existe pas de précédent sur un sujet, la Chambre peut en créer un. Est-ce exact? La note en bas de page numéro 9 précise que s'il n'existe aucun précédent sur un sujet, nous pouvons en créer un nouveau. Est-ce exact?

M. Marleau: Dans le cas d'un outrage, oui, mais la Chambre ne peut elle-même créer un nouveau privilège ou un nouveau pouvoir. Elle peut toutefois déterminer qu'un acte particulier qui n'a jamais été commis dans le passé...

M. Pagtakhan: Constitue.

M. Marleau: ...constitue un outrage.

M. Pagtakhan: Le deuxième point que je voudrais aborder figure à la page 12, soit la nature du témoignage en vertu des règles de justice naturelle. Pouvez-vous dire au comité quelle est la nature du témoignage qu'il doit rechercher conformément à son ordre de renvoi? Puisque cela fait partie intégrante des règles de justice naturelle, pouvez-vous nous dire quelle est la nature du témoignage que nous devons rechercher?

Mme Davidson: L'équité procédurale, dont il est question à la page 12, laisse entendre que le témoin doit être informé à l'avance de la nature du témoignage que recherche le comité.

M. Pagtakhan: L'informer à l'avance. C'est nous qui décidons de la nature du témoignage?

.1715

Mme Davidson: Oui, pourvu que cela concorde avec votre mandat.

M. Pagtakhan: Oui. Il est question, à la page 3, de la comparution de témoins. Un député peut, en vertu des privilèges dont il bénéficie, refuser de témoigner. Pourtant, plus loin, à la page 10, on précise qu'un député ne peut refuser de comparaître devant un comité. Ai-je bien compris?

Mme Davidson: À la page 3, il est question des privilèges des députés; l'immunité contre l'assignation comme témoin ne vaut que pour les procédures judiciaires.

M. Pagtakhan: Oh, je vois. Cela ne s'applique pas à un comité ou à la Chambre.

À la page 5, la note de bas de page numéro 10 précise ce qui suit:

Que doit-on faire pour que ces paroles et ces actes soient considérés comme un outrage?

Mme Davidson: Vous parlez de la loi australienne?

M. Pagtakhan: Oui.

Mme Davidson: Cette loi a été adoptée en 1987. Je ne crois pas que ces dispositions aient fait l'objet d'une interprétation.

M. Pagtakhan: Je comprends. Donc, autrement dit, en ce qui nous concerne, comme nous n'avons pas de loi précise... Ai-je raison de dire qu'il n'y a pas de loi précise?

Mme Davidson: Oui.

M. Pagtakhan: Par conséquent, les paroles ou les actes peuvent être assimilés à un outrage même s'ils sont uniquement diffamatoires ou critiques envers le Parlement.

Mme Davidson: C'est exact.

M. Marleau: Puis-je ajouter quelque chose, monsieur Pagtakhan?

M. Pagtakhan: Je vous en prie.

M. Marleau: Sans vouloir m'écarter du sujet, parce qu'il s'agit à mon avis d'un point important, j'aimerais vous dire quelques mots au sujet de l'Australie. Après avoir connu quelques difficultés dans les années quatre-vingt, l'Australie a décidé de codifier les privilèges et les outrages.

Lorsqu'il y a codification, la loi est automatiquement assujettie à l'examen des tribunaux. Par conséquent, la personne qui est reconnue coupable d'outrage en vertu de cette loi peut s'adresser aux tribunaux et ces derniers peuvent casser le jugement qui a été rendu. Je peux dire, sans juger trop sévèrement mes collègues australiens, que l'expérience jusqu'ici n'a pas permis de cerner les questions, surtout les cas d'outrage, qui devraient être examinées par la Chambre et qui peuvent maintenant être portées devant les tribunaux.

M. Pagtakhan: Ma dernière question porte sur les lignes directrices proposées par le président aux fins d'étude en comité. Est-ce qu'en vertu des points 3 et 6, les témoins seraient en mesure de nous aider à définir la «question du communiqué»?

M. Marleau: Vous parlez des lignes directrices proposées par le président?

M. Pagtakhan: Oui.

M. Marleau: Encore une fois, il m'est difficile, en tant que témoin, de vous donner une réponse précise. Il est sans doute prématuré pour le comité d'essayer de définir cette question. La marche à suivre que vous adopterez vous permettra peut-être de définir la portée de l'interprétation que vous voulez donner aux points 3 et 6. Comme l'a dit Mme Davidson, il revient au comité d'établir les paramètres.

M. Pagtakhan: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Pagtakhan.

Que souhaite faire le comité? Je vois que l'heure avance. Madame Dalphond-Guiral, vous êtes la suivante. Nous terminerons ensuite avec MM. Bellehumeur, Ringma et Loney.

.1720

M. Ringma: Vous pouvez rayer mon nom de la liste. On a déjà répondu à ma question.

Le président: D'accord, nous mettrons fin ensuite à la réunion, si vous êtes d'accord. J'aimerais qu'il y ait consensus là-dessus. Êtes-vous d'accord?

Des voix: Oui.

Le président: Parfait.

Madame.

[Français]

Mme Dalphond-Guiral (Laval-Centre): J'ai une question tout à fait simple qui vient de quelqu'un qui n'a pas une formation juridique; je sais que c'est presque un malheur, mais enfin.

Le président: C'est bon.

Mme Dalphond-Guiral: Je suis sûre que c'est très bon.

On se retrouve ici parce que l'un de nos collègues a déposé devant la Chambre une question de privilège et, dans cette question-là, il y avait des accusations extrêmement graves. La Chambre ne l'a pas reçue telle qu'elle était formulée initialement. Elle a dit que la sédition, ce n'était pas de ses affaires. Mais il reste que ce qui a amorcé tout ce grand débat existe.

Si l'un de nos collègues disait des choses assez énormes, extrêmement graves, y aurait-il moyen de lui dire très clairement que nous ne cautionnons pas ce comportement? Autrement dit, si un député disait à peu près n'importe, quelles en seraient les conséquences pour lui? Je pose ma question à Mme Davidson et à M. Marleau.

M. Marleau: Je crois qu'il est important de faire une distinction, madame Dalphond-Guiral. En passant, je partage le même malheur que vous sur la question.

Mme Dalphond-Guiral: Eh bien, on va mettre notre malheur ensemble.

M. Marleau: Un député ne peut pas soulever une accusation de la sorte en la formulant à haute voix, car ce serait alors du langage non parlementaire. Dire, dans un préambule à une question, que le ministre ou la députée est complice de sédition est du langage non parlementaire. La seule façon permise par notre tradition parlementaire est de le faire par la voie d'une motion de substance, après en avoir donné avis. D'ailleurs, si on veut critiquer la présidence, c'est par la voie d'une motion de substance qu'il faut le faire, et non pas par un rappel au Règlement.

Lorsqu'une motion de substance contenant cette accusation spécifique est proposée, elle peut figurer au Feuilleton, sous la rubrique Affaires émanant des députés, ou, s'il y a matière à privilège, le député peut choisir de soulever la question de privilège, que le Président peut accepter ou refuser. C'est le choix du député.

Donc, je pense que le danger que vous essayez de cerner est que les députés pourraient se lever en Chambre et s'accuser les uns les autres d'une façon très indigne. Il faut que cela soit fait dans le cadre d'une motion de substance dont la Chambre peut être saisie, soit par une motion inscrite au Feuilleton, soit par le biais d'une question de privilège. Si le Président décide que la Chambre doit en être saisie, la question aura alors préséance sur tous les autres travaux de la Chambre.

Mme Dalphond-Guiral: Si ce comité - qui va travailler de façon exceptionnelle - décidait qu'il n'y a pas eu d'outrage, quels recours pourrait-on avoir? Pourrait-on faire des recommandations à la Chambre? Pourrait-on faire quelque chose ou dirait-on simplement: «Écoutez, il n'y a rien là, ce n'est pas plus grave que cela; on retourne en Chambre et, la prochaine fois, on reviendra avec une autre motion de substance», la substance étant très à la mode de ce temps-ci?

M. Marleau: Lorsqu'il aura tiré ses conclusions, et si l'une de ces conclusions est celle que vous venez de décrire, le comité pourra faire la recommandation qu'il jugera ou souhaitera pertinente au contexte qui s'est développé. Par exemple, le comité pourrait conclure qu'il y avait là une raison très valable, qui a semé la confusion, et que ce n'était qu'un grand malentendu. À la limite, le comité pourrait étendre ses recommandations aux motifs du député qui a soulevé la question.

.1725

Plus tôt, j'ai dit que c'était lourd de conséquences, et je m'explique. Dans le passé, lorsqu'un député en accusait un autre, la convention voulait qu'il mette son siège en jeu. La dernière démission de ce genre remonte à 1923. Depuis, il y a eu d'autres accusations du même genre, mais le député n'a pas démissionné de son siège lorsque la question a été déclarée non fondée.

[Traduction]

Mme Dalphond-Guiral: Merci.

Le président: Je crois que M. Bellehumeur est dans le couloir, mais nous allons donner la parole à M. Loney.

[Français]

M. Langlois: Monsieur Marleau,...

[Traduction]

Le président: J'essaie tout simplement de couper court à la discussion. Vous pouvez poser votre question si elle est très courte.

[Français]

M. Langlois: ...je crois que c'était en 1964. À l'Assemblée législative du Québec, dans l'affaire Gabias-Hamel, le député de Trois-Rivières, M. Gabias, avait porté une accusation contre le député de Saint-Maurice, M. René Hamel. Le Comité des privilèges et élections avait alors jugé que l'accusation était non fondée et avait recommandé, dans son rapport, que M. Gabias soit expulsé de la Chambre. Une motion de fond avait par la suite été présentée et M. Gabias avait été expulsé pour trois ans.

Par la suite, il y a eu des rappels au Règlement invoquant que la motion n'était valide que pour la durée d'une session.

Êtes-vous d'accord que la même chose pourrait arriver ici, que l'arroseur pourrait se retrouver arrosé et subir les conséquences des accusations très graves qui ont été soulevées par le biais de la motion de fond qu'il a soumise, que l'accusateur devra maintenant vivre avec l'accusation qu'il a portée et qu'à la fin de nos délibérations, si nous jugeons qu'il n'y a pas matière à faire quelque recommandation négative que ce soit à l'endroit du député de Charlesbourg, nous pourrions nous occuper du cas du député d'Okanagan - Similkameen - Merritt et suggérer les sanctions appropriées?

M. Marleau: Ce que vous décrivez là est possible; il n'y a pas de limite à ce que la Chambre pourrait décider ultimement suite à la recommandation de ce comité. Est-ce qu'une recommandation de la sorte sera jugée par la Chambre comme allant au-delà des paramètres qu'elle a définis pour cette étude? C'est une autre histoire. Mais ce que vous venez de décrire est possible.

M. Langlois: Merci.

M. Milliken: En ce qui a trait au cas de 1923 que vous avez mentionné, à la suite de la décision du comité, le député a-t-il démissionné à la requête de la Chambre ou de son propre chef?

M. Marleau: Si j'ai bonne mémoire, le député avait démissionné de son propre chef, s'était représenté aux élections suivantes et avait été défait.

[Traduction]

Le président: Monsieur Loney.

M. Loney (Edmonton-Nord): Merci, monsieur le président.

Concernant la page 9, est-ce que les commentaires au bas de la page signifient que le comité ne peut se prononcer sur cette question de sédition sans courir le risque de voir l'affaire portée devant les tribunaux et faire l'objet de procédures longues et coûteuses?

Mme Davidson: Le comité ne pourrait traiter cette affaire au sens du Code criminel et se substituer aux tribunaux.

M. Loney: Merci.

Le président: Nous avons une motion.

Mme Catterall: J'ai une question très courte.

Le président: Allez-y.

Mme Catterall: Vous avez dit que le comité ne peut traiter cette affaire au sens du Code criminel. Or, dans votre réponse à une question posée plus tôt, vous avez dit en fait qu'un député avait déjà été reconnu coupable d'outrage et expulsé par suite d'une accusation qui avait été portée contre lui, mais non pas tranchée par les tribunaux.

Mme Davidson: Vous avez peut-être lu quelque chose à cet effet dans ma note d'information. J'ai parlé d'un cas survenu en Australie où un député a été expulsé parce qu'il avait tenu des propos séditieux en dehors de la Chambre. Oui, la Chambre l'a reconnu coupable d'outrage et l'a ensuite expulsé.

.1730

Mme Catterall: Donc, la Chambre des représentants d'Australie s'est penchée sur la question de sédition, n'est-ce pas?

Mme Davidson: La motion parlait de «propos séditieux». Je n'ai pas examiné... Il s'agit d'un cas qui s'est produit il y a longtemps. Depuis, la Chambre des représentants d'Australie a abandonné son pouvoir d'expulser des députés.

Mme Catterall: Mais, néanmoins, elle a conclu que les propos séditieux constituaient un outrage?

Mme Davidson: Oui, mais pas au point de vue pénal.

Mme Catterall: Non.

J'ai une dernière question. Vous dites dans votre note d'information que le comité pourrait avoir avantage à revoir les délibérations - les motions qui ont été présentées à la Chambre et la façon dont elles ont été traitées. En quoi cela nous serait-il utile?

Mme Davidson: Ce que je voulais dire, c'est que le comité pourrait envisager de revoir les votes et les délibérations à la Chambre pour tenter de cerner le sens du mandat qui lui a été confié. J'estimais que cela pourrait lui être utile.

Mme Catterall: Merci.

Le président: Je tiens à dire aux membres du comité que nous sommes pressés par le temps. Nous devons ajourner et, le problème, c'est que je n'ai pas la version anglaise de la motion et le whip, lui, est occupé à négocier avec nos collègues. Pouvons-nous suspendre...? Non, nous ne pouvons pas le faire, parce que tout le monde a d'autres engagements. Je m'en remets au comité.

M. Milliken: Ne pouvons-nous pas l'examiner demain, à 11 heures, lors de notre réunion habituelle?

Le président: Cela me conviendrait parfaitement. Nous devons de toute façon nous réunir.

Demain, nous passons aux prévisions budgétaires?

M. Milliken: C'est ce que nous allons examiner?

Le président: Oui, nous allons accueillir le directeur général des élections, et nous devons informer...

M. Milliken: S'il y a consensus, nous pourrions l'examiner très rapidement.

Le président: Oui, s'il y a consensus. Mais pour être juste envers le troisième parti, ils ont entendu la motion, mais n'ont pas eu l'occasion de l'examiner.

M. Ringma: Nous n'avons pas vu le libellé.

Le président: Moi non plus. Je n'ai que la version française devant moi, pas la version anglaise. C'est pourquoi je ne l'ai pas encore fait circuler.

M. Milliken: Pourrions-nous alors nous réunir à 10h30, monsieur le président?

Le président: Est-ce que 10h30 vous convient? Pouvons-nous nous réunir à ce moment-là? D'accord.

J'ai une dernière petite question à poser aux témoins, parce que ce sera la dernière fois que nous les rencontrerons, n'est-ce pas? Nous nous sommes entendus là-dessus.

Madame Davidson, j'aimerais avoir une précision. À la page 5, sous la rubrique «Inconduite devant la Chambre», vous parlez des écrits qui sont publiés. Mon collègue, M. Frazer, en a parlé plus tôt. À votre avis, qu'elles sont les restrictions qui s'appliquent à l'utilisation du papier à en-tête de la Chambre? J'essaie d'avoir...

Monsieur Marleau.

M. Marleau: Je ne sais plus très bien quand cela s'est passé, mais il y a eu, récemment, un cas où une personne qui n'était pas un parlementaire s'est servie du papier à en-tête d'un député. Elle a envoyé une lettre qui a été distribuée aux États-Unis et qui donnait à penser qu'elle reflétait la position du gouvernement du Canada. La question a été soulevée à la Chambre. Tout abus en ce sens commis par une personne de l'extérieur qui se fait passer pour un député serait considéré comme...

Une autre personne a récemment fait paraître une annonce au sujet de son bureau de circonscription dans un journal ethnique - j'oublie dans quelle langue, mais je pense que c'était une publication grecque - , alors qu'elle n'était plus députée. Si je ne m'abuse, le journal avait tout simplement continué de publier l'annonce après les élections, mais cela ferait partie de cette catégorie d'écrits.

Le président: D'accord, nous ajournerons jusqu'à demain, 10h30.

Monsieur Boudria, nous n'avons pas la version anglaise de la motion, donc, nous attendrons jusqu'à demain matin. Est-ce que cela vous convient?

.1735

M. Boudria: Puis-je faire un bref commentaire? M. Bellehumeur et moi avons préparé une ébauche. Je la distribuerai à mes collègues dès qu'elle sera prête.

Le président: Pouvez-vous en envoyer une copie aux membres du troisième parti?

M. Boudria: La greffière le fera dès qu'elle recevra la traduction, et demain, à 10h30,j'espère que...

Le président: D'accord. La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;