[Enregistrement électronique]
Le mardi 23 avril 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Bonjour, chers collègues. Soyez les bienvenus au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Mesdames et messieurs, comme vous le savez, le 18 mars 1996, la Chambre des communes a adopté une motion portant que le communiqué du député de Charlesbourg publié le 26 octobre 1995 et ayant trait aux membres des Forces armées canadiennes soit renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Le comité est donc saisi de cette question en raison d'un ordre de renvoi de la Chambre. Celui-ci découle d'une question de privilège soulevé par l'honorable député d'Okanagan - Similkameen - Merritt, M. Jim Hart. Le président de la Chambre a jugé le 12 mars 1996 qu'on pouvait à première vue invoquer la question de privilège.
Mesdames et messieurs, comme vous le savez, le privilège parlementaire fait partie intégrante de la Constitution canadienne. En outre, c'est un élément fondamental de notre régime parlementaire et de notre gouvernement démocratique. Tous les parlementaires ont le devoir et la responsabilité de préserver les privilèges de la Chambre.
Nous, du comité, nous sommes vu confier par nos collègues la responsabilité d'examiner la question et d'en faire rapport à la Chambre des communes. C'est une responsabilité très grave, et notre tâche consiste à présenter à la Chambre nos conclusions et recommandations. La décision finale incombera à la Chambre des communes.
La question qui est soumise au comité est de savoir si l'on a porté atteinte aux privilèges de la Chambre ou si l'on peut considérer qu'il y a eu outrage à la Chambre. Plus particulièrement, nos audiences viseront à établir si le comportement du député de Charlesbourg, soit l'envoi d'un communiqué le 26 octobre 1995 au sujet des Forces armées canadiennes, constitue un outrage à la Chambre ou une atteinte à ses privilèges.
Comme je l'ai dit au cours de notre première réunion sur cette question le 28 mars, le comité n'est pas un tribunal, mais mène plutôt une enquête parlementaire. Nous ne sommes pas ici pour relancer de vieilles batailles politiques ni pour débattre d'idéologies politiques ou des actions d'un parti politique quelconque. À la séance du 28 mars, j'ai fait une déclaration au cours de laquelle j'ai établi les paramètres qui, à mon avis, devraient guider l'examen que le comité fera de cette question.
Après un ample débat mercredi et jeudi derniers, les membres du comité ont apporté certains amendements, certaines modifications, aux directives proposées, et nous avons convenu que celles-ci guideront notre travail.
J'aimerais citer un extrait des directives approuvées par le comité. D'abord:
- Le comité n'est pas un tribunal; donc il ne lui appartient pas de se prononcer sur la portée et
l'interprétation à donner au droit criminel canadien.
Les questions directement liées au communiqué relèvent du mandat conféré au comité. Il s'agit d'établir si le comportement de M. Jacob a porté atteinte aux privilèges de la Chambre ou s'il peut être considéré comme un outrage à la Chambre, et de déterminer ce à quoi on doit s'attendre d'un député.
[Traduction]
Le devoir du comité est d'identifier les faits de la question et de déterminer si, à son avis, il y a eu atteinte aux privilèges ou outrage à la Chambre. Le comité, chers collègues, m'a demandé d'agir conformément à la déclaration que j'ai faite le 28 mars, et c'est ce que je tenterai de faire.
Il s'agit d'une question politique et éminemment sensible. Elle porte sur des questions très délicates. Un député a fait des allégations sérieuses au sujet d'un autre député. Il importe donc tout particulièrement qu'on use de réserve, étant donné que ces délibérations sont télévisées.
En terminant, je saisis cette occasion pour remercier les membres du comité pour leur coopération et leur patience. J'espère que nous pourrons continuer de travailler ensemble, dans le respect mutuel des opinions des uns et des autres, afin que nous puissions remplir avec équité et diligence la mission qui nous est confiée.
En votre nom, mesdames et messieurs, j'invite M. Hart à faire une brève déclaration s'il le désire.
M. Jim Hart, député (Okanagan - Similkameen - Merritt): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je suis ici aujourd'hui afin de témoigner sur une question qui préoccupe sérieusement les députés, les Forces armées canadiennes et la population canadienne. Il s'agit du communiqué que le député de Charlesbourg a envoyé aux membres des Forces armées canadiennes le 26 octobre 1995, dans lequel il écrivait:
- Au lendemain d'un OUI, le Québec devra créer immédiatement un ministère de la Défense, un
embryon d'état-major, et offrir à tous les militaires québécois servant dans les Forces
canadiennes la possibilité d'intégrer les Forces québécoises.
J'ai posé une question de privilège aux Communes le 12 mars 1996, car j'estimais qu'il fallait enquêter sur ce communiqué afin de déterminer s'il faisait outrage au Parlement. Je n'ai pas besoin d'expliquer en détail le concept d'outrage.
La semaine dernière, Diane Davidson, principale conseillère juridique de la Chambre des communes, a fait le tour de la question. Elle a défini l'outrage comme étant notamment un acte tendant à faire honte aux Communes, à les tourner en ridicule, directement ou indirectement, tout affront à l'autorité des Communes ou tout comportement tendant à nuire à l'institution qu'est le Parlement ou à ses députés et à les faire tomber dans le discrédit.
Compte tenu des vastes répercussions de cette question et du fait que le président des Communes lui-même a dit qu'il s'agissait de l'une des questions les plus graves auxquelles le 35e Parlement a été confronté, je crois que le comité doit mener une enquête approfondie sur toutes les circonstances entourant le communiqué. Cela semblait être l'intention de la Chambre des communes.
Je rappelle aux membres du comité que le président a déclaré que ma motion était un cas de privilège prima facie. Elle a été soumise au comité par un vote de 158 contre 36. Il est clair que les députés estiment que cette question est très préoccupante, et ils ont exprimé le désir qu'une enquête approfondie soit menée par le comité.
Lors de votre discours aux Communes, monsieur le président, vous avez promis que le comité ferait une enquête approfondie et entendrait des témoignages exacts et exhaustifs sur les événements en question.
Je suis ici aujourd'hui afin d'expliquer au comité pourquoi, d'après moi, ce communiqué fait sérieusement outrage au Parlement, et afin de donner des directives sur la façon dont le comité pourrait respecter la promesse du gouvernement de mener une enquête approfondie.
Je suis ici non seulement à titre de parlementaire, mais à titre d'ancien membre des Forces armées canadiennes de Sa Majesté. En tant que personne en mesure de combler le vide entre ces deux mondes - entre les militaires et les législateurs - j'affirme que ce communiqué représente un outrage au Parlement, car il risque de miner l'intégrité de l'armée canadienne de la façon la plus insouciante qui soit.
De plus, comme les Forces armées sont l'outil ultime dont dispose le Parlement pour défendre la population canadienne, toute manoeuvre abusive à leur égard représente un affront direct à l'autorité du Parlement. L'honneur et la dignité de la Chambre des communes exigent que les députés respectent une norme de conduite plus sévère.
Le serment d'allégeance des membres des Forces armées canadiennes a été compromis dans le communiqué. Ce dernier entre en contradiction avec le serment d'allégeance des militaires canadiens. J'ai prêté serment d'allégeance aux Forces armées canadiennes. Le 12 avril 1973, j'ai juré:
- Fidélité et loyauté à Sa Majesté la Reine Elizabeth II, à ses héritiers et à ses successeurs, en vertu
de la loi.
J'aimerais aborder rapidement la question du délai qui a précédé le moment où j'ai présenté mon point de privilège. Le président a déclaré que le délai était un sujet de controverse sans intérêt pratique en raison de la nature sérieuse de la question. J'ai soulevé ce point aux Communes le 21 novembre. Depuis, j'estime avoir agi de façon responsable en laissant le gouvernement libéral exercer le pouvoir des Communes et s'occuper du communiqué.
Après avoir entendu parler du communiqué, comme le Parti réformiste est celui qui pourrait remplacer le gouvernement, j'ai attendu que le gouvernement défende la dignité et l'intégrité des Forces canadiennes, de même que l'intégrité et la dignité de la Chambre des communes.
Au départ, le ministre de la Défense nationale semblait prêt à assumer ses responsabilités. Il a alors qualifié le communiqué de choquant et a promis de consulter le ministre de la Justice et le juge-avocat général, affirmant que c'était une question qu'il fallait examiner sérieusement, et qu'on ne pouvait tout simplement pas laisser les députés dire de telles choses.
Toutefois, à la fin de la session, en décembre, le ministre de la Défense avait adouci sa position et se contentait de dire qu'il était surpris qu'aucun de ses collègues aux Communes n'ait soulevé ce problème, car il était plus approprié de l'aborder de cette façon.
Lorsque la Chambre des communes a repris ses activités après le congé de Noël de 10 semaines, il était clair que le gouvernement espérait que toute l'histoire avait été oubliée. C'est à ce moment que nous avons décidé de présenter notre motion. Laissez-moi dire que je crois que nous avons agi de façon responsable et que les Libéraux ont fait preuve d'un désolant manque de volonté de défendre les intérêts du Canada, de notre armée et des Communes.
Les lettres et les télécopies que j'ai apportées avec moi aujourd'hui illustrent bien comment les Canadiens ont réagi à ce communiqué. Par exemple, j'ai une lettre envoyée par Michael Anderson, de Vancouver, qui se demande pourquoi des accusations n'ont pas été portées plus tôt. J'ai également une lettre provenant de London, en Ontario, dont l'auteur dit être frustré parce que le gouvernement ne fait rien pour demander à «la loyale opposition» où est sa loyauté.
Le bureau du ministre de la Défense a répondu à ces lettres en précisant que ces actes représentent une infraction vraiment malheureuse à la pratique de longue date consistant à tenir les FC à l'écart de la politique partisane. Ces Canadiens s'attendaient à ce que le gouvernement gouverne. Ces Canadiens ont été déçus.
La réponse du ministre soulève les questions suivantes: quelle est la pratique de longue date dont parle le ministre, et pourquoi n'a-t-elle pas été respectée dans ce cas? Et quelles mesures a-t-on prises pour éviter d'autres infractions malheureuses à la pratique de longue date?
Nous voilà au coeur du sujet. De quelle façon le communiqué fait-il outrage au Parlement et porte-t-il atteinte à l'autorité de la Chambre des communes? Est-ce qu'il n'est qu'une «offre d'emploi» inoffensive? Ou a-t-on raisonnablement pensé qu'il aurait de graves conséquences perturbatrices - comme le précise le communiqué lui-même - «au lendemain d'un OUI»?
J'aimerais soulever quatre points directement liés aux conséquences possibles du communiqué. D'abord, la vulnérabilité politique des Forces armées sur des questions aussi importantes pour la vie de notre nation; deuxièmement, le risque d'instabilité; troisièmement, l'importance de respecter les limites démocratiques; et quatrièmement, la protection de la souveraineté parlementaire.
Commençons par la vulnérabilité politique des Forces armées. Les Forces armées canadiennes sont, comme tout groupe militaire, vulnérables aux problèmes internes et aux attaques externes. C'est sûrement pour cette raison que le Code criminel se préoccupe tant de protéger l'armée contre tout élément risquant de miner ou d'influencer la loyauté et la discipline des militaires. Si des hommes et des femmes sont prêts à donner leur vie pour leur pays en prêtant un serment d'allégeance, ils doivent avoir parfaitement confiance dans la chaîne de commandement, et l'état-major doit avoir un contrôle absolu et être obéi instantanément.
Quel est le lien direct avec le communiqué? Il est clair que le communiqué demande aux militaires de prendre une décision individuelle quant à leur loyauté. La vie des militaires est réglementée sous pratiquement tous les aspects. Il existe des règlements sur toutes les facettes de la vie militaire, y compris la tenue vestimentaire. Il existe des politiques précisant comment réagir au harcèlement. Mais il semble que les Forces armées canadiennes n'ont absolument AUCUN moyen de réagir au communiqué en raison des lacunes des règlements et des politiques militaires.
Le communiqué a obligé les membres des Forces canadiennes à prendre parti dans le débat sur la séparation. Voilà qui porte atteinte à l'autorité des Forces armées canadiennes et à la majorité des Canadiens.
Fait plus important encore pour le comité, j'insiste de nouveau sur les liens étroits qui existent entre le Parlement et l'armée. Le communiqué était un affront au Parlement et, par conséquent, un affront aux Forces canadiennes. Voilà pourquoi il faisait outrage au Parlement.
Deuxièmement, le comité doit tenir compte de la possibilité que le communiqué déstabilise l'autorité au sein des Forces armées. Ce n'est pas une préoccupation futile. Qui donnerait des ordres sur les bases «au lendemain d'un OUI»? L'allégeance serait remise en question. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il risquerait d'y avoir confusion et division. Nous avons tous entendu les rumeurs voulant que certains étudiants du Collège militaire royal avaient fait leurs bagages et étaient prêts à s'en aller «au lendemain d'un OUI». Quels autres problèmes pourraient survenir?
Ce communiqué aurait compromis le processus de négociation et de discussion en semant la confusion et en renversant l'autorité. Ainsi, il aurait miné la stabilité et empêché une transition paisible en cas de Oui. C'est là une chose qu'aucun député ne devrait accepter, et encore moins encourager. Le comité doit entendre des témoins à ce sujet.
Le troisième point découle de ce qui précède. Il s'agit de la nécessité de respecter les limites démocratiques. Rares sont les pays qui seraient aussi tolérants envers un mouvement séparatiste. Mais il faut respecter certaines limites. Il est dans le meilleur intérêt de chacun - fédéralistes et séparatistes - de considérer les militaires comme étant «intouchables» et d'assurer qu'ils restent neutres, bien loin de la manipulation politique. Ainsi, on évitera la confusion au sein du seul groupe de notre société qui possède le matériel et le pouvoir nécessaires pour protéger la souveraineté et les intérêts du Canada à l'étranger.
Quatrièmement, la protection de la souveraineté parlementaire. Les Forces armées canadiennes reçoivent des ordres du Parlement - la Couronne conseillée par le Conseil privé et les deux chambres. Laissez-moi expliquer pourquoi cela est important, car - heureusement - nous ne sommes pas obligés d'y réfléchir souvent dans notre société pacifique. Les Forces armées sont le moyen ultime par lequel le Parlement protège la population canadienne et maintient sa souveraineté et la primauté du droit, que ce soit contre des agresseurs extérieurs ou en cas de conflit interne.
Il devrait être évident que tout ce qui nuit au bon ordre des Forces armées, tout ce qui compromet la discipline et l'obéissance, attaque le pouvoir et l'autorité du Parlement, ce qui est à la fois un outrage et un manque de respect.
Qu'est-ce que tout cela signifie pour le comité? Nous savons tous que ce comité n'est pas un tribunal. Voilà pourquoi nous ne demandons pas si le communiqué a violé les dispositions du Code criminel.
Toutefois, j'ai constaté que de nombreuses personnes - y compris un certain nombre de membres du gouvernement, pendant le débat sur la motion aux Communes - ont affirmé que le député de Charlesbourg avait joué dangereusement avec la loi. Je crois que les délibérations du comité devraient notamment être axées sur la norme de conduite que doivent respecter les députés à la Chambre des communes.
Je crois que le Code criminel définit la norme de comportement la moins élevée acceptable dans notre société, mais que les députés doivent respecter une norme bien supérieure. Les députés ont la responsabilité de préserver l'autorité et la dignité des Communes, au nom de la population canadienne. Et je crois que c'est ce dont le comité devrait tenir compte pour juger le communiqué.
De façon similaire, je crois que le comité devra prendre garde lorsqu'il entendra des témoignages exhaustifs sur les événements en question, comme l'a promis le président. J'ai tenté de donner certaines directives et de démontrer que les conséquences directes du communiqué sont étroitement liées à la discipline au sein des Forces armées, de même qu'à la discipline à la Chambre des communes.
Dans le but d'examiner la question de façon approfondie, le comité doit entendre des témoins occupant un poste de commandement au sein de l'armée afin de discuter des conséquences possibles du communiqué et des moyens - ou de l'absence de moyens - dont disposent les commandants et tous ceux qui détiennent un poste d'autorité pour réagir. En conséquence, les membres réformiste du comité ont remis une liste de témoins au greffier du comité aujourd'hui.
Finalement, je crois que le comité doit non seulement considérer les événements passés, mais envisager l'avenir afin de déterminer dans quelle mesure ce communiqué servira à établir des lignes directrices pour les militaires au moment des débats sur la séparation. Le Parti réformiste veut protéger les intérêts du Canada, et, à notre avis, rien n'est plus important que d'assurer que le serment d'allégeance des militaires n'est pas contredit par un communiqué émanant de cette Chambre, portant l'en-tête de la loyale opposition de Sa Majesté.
À cette fin, nous encourageons le gouvernement du Canada à élaborer un plan de négociation en cas de Oui. Le comité serait très avisé d'utiliser le communiqué d'octobre afin de définir - à tout le moins - le genre de conduite que doivent adopter les députés en cas de crise sur l'unité nationale. De plus, encore une fois, il faut que le comité entende des témoins afin d'examiner la question des normes de conduite.
Monsieur le président, comme je l'ai dit plus tôt, j'ai pris la parole aujourd'hui en tant que parlementaire et en tant qu'ancien membre des Forces armées. Je comprends l'importance de mon serment d'allégeance. Je comprends le type de crise de conscience qu'une invitation telle que le communiqué a créée dans l'esprit de milliers de militaires.
Le communiqué a mis les militaires dans une position difficile. J'estime que ce communiqué est tout à fait indigne des Communes, et j'encourage le comité à examiner la question le plus ouvertement possible, de façon à évaluer la pertinence directe du communiqué pour les Forces armées, l'autorité de la Chambre des communes, les parlementaires et tous les Canadiens.
Monsieur le président, comme l'a dit Winston Churchill en 1905:
- L'armée n'est pas une compagnie à responsabilité limitée, qui peut être reconstruite,
remodelée, liquidée et renflouée de semaine en semaine, selon les fluctuations du marché. Ce
n'est pas une chose inanimée, comme une maison, que l'on peut démolir, agrandir ou modifier
selon les caprices du locataire ou du propriétaire.
Le président: Merci, monsieur Hart.
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): J'invoque le Règlement concernant le témoin.
Monsieur Hart, je tiens à ce que vous sachiez que j'ai autorisé la distribution de votre discours à tous les membres du comité. J'espère que vous n'y voyez pas d'objection.
M. Hart: Pas du tout.
M. Ringma: Il y a peut-être toutefois eu des différences entre le texte et votre déclaration.
[Français]
M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Je ne sais pas si les députés libéraux ont reçu ce communiqué, mais moi je ne l'ai pas reçu. Je trouve bizarre que le député en fasse un rappel au Règlement disant qu'il a donné l'autorisation de distribuer son communiqué alors qu'on ne l'a pas.
[Traduction]
Le président: Je préside la séance, et j'ai moi-même eu les mêmes problèmes que d'autres membres du comité à suivre le discours de M. Hart. J'ai tenté d'obtenir son discours, mais je ne l'ai eu qu'après qu'il en a lu la moitié.
Merci, monsieur Hart. Nous passons maintenant aux questions.
Étant donné que notre temps est limité et que les membres du comité ont certainement de nombreuses questions à poser, je compte procéder comme à l'habitude et céder d'abord la parole à l'Opposition officielle, puis au Parti réformiste, et enfin aux députés ministériels. Les députés peuvent partager leur temps de parole avec leurs collègues s'ils le souhaitent. J'espère que nous pourrons assurer la rotation et ainsi permettre à tous ceux qui sont présents de poser au moins une question. La greffière vous chronométrera, de façon à ce que le temps qu'il nous reste soit partagé également.
Monsieur Bellehumeur, voulez-vous commencer?
[Français]
M. Bellehumeur: Après avoir entendu la déclaration du député, je me rends compte qu'ils n'ont encore une fois absolument rien compris. Ils n'ont rien compris au communiqué, ni à tout le débat en Chambre, ni aux 20 heures de délibérations de ce comité.
Pour faciliter le débat et nous aider à nous comprendre, j'inviterais la greffière à bien vouloir distribuer, dans les deux langues officielles, la question référendaire du 30 octobre, le projet de loino 1 de l'Assemblée nationale, l'entente tripartite datée du 12 juin, ainsi que le communiqué. Afin de ne pas perdre de temps, j'aimerais commencer à interroger M. Hart.
Votre déclaration d'aujourd'hui est pratiquement la même que votre discours du 12 mars dans lequel vous étayiez et appuyiez la question de privilège dont vous vouliez saisir la Chambre.
Votre discours, encore aujourd'hui, me laisse comprendre que vous avez beaucoup étudié et consulté un grand nombre d'individus et d'ouvrages, avant d'en saisir la Chambre.
Ce que je retiens surtout du 12 mars 1996 - et c'est peut-être moins évident aujourd'hui - , c'est ce que vous avez dit pour influencer le Président de la Chambre. Je cite:
- Monsieur le Président, j'ai une accusation précise à formuler.
[Traduction]
M. Hart: Merci beaucoup.
Monsieur le président, le député s'attaque un peu à moi dans sa question; il prétend que je n'ai rien compris aux délibérations du comité. Je crois savoir que le comité a pour mandat d'explorer les événements entourant la diffusion du communiqué. C'est peut-être le député qui comprend mal de quoi il s'agit.
Quant aux activités concernant le député de Charlesbourg, j'invite le député à passer en revue lui-même les accusations que j'ai portées le 12 mars. J'ai simplement alors indiqué que je jugeais les propos du député de Charlesbourg très offensants.
La motion, comme vous le savez, a été modifiée; à l'origine, j'ai posé une question très précise à la Chambre. Je suis maintenant d'accord avec ce que la Chambre a fait par la suite. Elle a élargi le sujet de la motion et, du coup, du débat, débat qui vise maintenant à déterminer si les privilèges de la Chambre ont été violés. La Chambre a ainsi élargi la portée du débat.
En réponse à la question, je dirais donc que nous sommes allés au-delà de la motion originale présentée à la Chambre. Nous avons repoussé les paramètres du débat, et c'est maintenant le mandat du comité.
[Français]
M. Bellehumeur: Quelle est votre accusation? Vous n'avez pas répondu à ma question. Il faut avoir une accusation précise. Quelle est-elle? Est-ce une atteinte au privilège de la Chambre, à vos privilèges ou un outrage au tribunal? Quelle est votre accusation à la suite de la déclaration et du communiqué?
[Traduction]
M. Hart: Le mandat du comité est très simple. Il a trois fonctions: premièrement, il lui faut déterminer s'il y a eu outrage au Parlement.
[Français]
M. Bellehumeur: Répondez à la question. Quelles sont les accusations que vous portez?
[Traduction]
M. Hart: Je tente de répondre à la question.
[Français]
M. Bellehumeur: Dites vos accusations au comité. Ne répondez pas ce que vous avez déjà dit. Quelles sont vos accusations précises à l'égard de mon collègue Jean-Marc Jacob? C'est ma question pour l'instant; d'autres suivront.
[Traduction]
M. Hart: Le comité doit déterminer si le député de Charlesbourg s'est rendu coupable d'outrage au Parlement.
[Français]
M. Bellehumeur: Si je vous comprends bien, monsieur Hart, vous vous mettez en porte-à-faux et contredisez votre chef, M. Manning, qui disait le 12 mars 1996, à la page 653 du hansard:
- Si le fait de commettre un acte insensé et mal avisé de temps à autre devait constituer un outrage
au Parlement, la plupart d'entre nous finiraient par être coupables d'un tel outrage.
[Traduction]
M. Hart: Absolument pas.
Nous devrions examiner attentivement les propos de Diane Davidson, principale conseillère juridique, qui a été la première à témoigner devant ce comité. Elle a dit très précisément que votre comité doit déterminer - et j'espère que c'est ce que votre comité fera - si le communiqué a porté atteinte à la dignité et à l'autorité de la Chambre des communes. Pour ma part, je prétends que oui. C'est là l'essentiel du témoignage que vous venez d'entendre.
Le communiqué a-t-il porté atteinte à l'intégrité de la Chambre des communes? Oui. Le communiqué a-t-il déshonoré, ridiculisé et humilié la Chambre des communes? J'estime que oui. Il a déshonoré, ridiculisé et humilié la Chambre des communes, et voici pourquoi.
Dans ma circonscription d'Okanagan - Similkameen - Merritt, il y a beaucoup de militaires à la retraite. Je suis certain que tous les députés de la Chambre et tous ceux qui sont ici aujourd'hui ont reçu de nombreuses lettres de la part de leurs commettants et se sont entretenus avec bon nombre de leurs électeurs qui voulaient savoir comment on pouvait faire une telle chose à nos Forces armées canadiennes.
M. Bellehumeur: D'accord, monsieur Hart.
M. Hart: Comment a-t-on pu envoyer une lettre portant l'en-tête de la loyale opposition de Sa Majesté aux Forces armées canadiennes...
[Français]
M. Bellehumeur: Écoutez, vous vous répétez.
[Traduction]
M. Hart: ... qui va tout à fait à l'encontre...
[Français]
M. Bellehumeur: Vous vous répétez.
[Traduction]
M. Hart: ... du serment d'allégeance et de la Loi sur la défense nationale du Canada?
Non, monsieur, je ne me répète pas.
[Français]
M. Bellehumeur: Vous vous répétez. Je ne sais pas pourquoi vous dites ça.
[Traduction]
M. Hart: Lorsqu'une telle chose se produit, comment ne pas comprendre qu'on remet en question l'autorité de la Chambre, puisqu'on porte atteinte à son intégrité?
[Français]
M. Bellehumeur: Monsieur Hart, veuillez prendre le communiqué du 26 octobre qui se trouve devant vous. Je vais vous poser des questions à ce sujet. Puisque c'est le communiqué qui est à l'étude, ce que j'ai bien compris contrairement à vous, regardons-le bien. Vous disiez le 12 mars, lors du dépôt de votre question de privilège à la Chambre, que vous aviez étayé votre preuve puis convaincu le Président qu'il y avait de prime abord question de privilège. Vous avez dit que ce communiqué-là invitait tous les membres francophones des Forces canadiennes à se joindre aux forces militaires du Québec.
Je vous adresse une question très simple qui invite une courte réponse. Pourriez-vous indiquer où, dans son communiqué du 26 octobre, M. Jacob invitait les membres francophones des Forces canadiennes à se joindre à l'armée. Où?
[Traduction]
M. Hart: Je concède avoir commis une erreur à l'époque; cette erreur a depuis été corrigée. J'aurais dû parler des militaires nés au Québec.
[Français]
M. Bellehumeur: Ah! Première erreur.
Deuxièmement, afin de convaincre le Président de la Chambre qu'il y avait de prime abord question de privilège, vous prononciez le discours que l'on retrouve à la page 563 du hansard du 12 mars 1996. Je vous demande de me dire clairement où dans son communiqué M. Jacob fait appel aux armes. La réponse devrait être facile.
Vous faites de telles affirmations et des accusations dès le début contre M. Jacob qui est ici, disant qu'il a demandé aux gens de se lever et de prendre les armes. Où?
[Traduction]
M. Hart: Monsieur le président, si vous lisez le communiqué, vous verrez que le texte que j'ai sous les yeux dit ceci:
- ... a souligné le député de Charlesbourgh qui estime que le gouvernement d'un Québec
souverain devra utiliser et rationaliser les ressources déjà déployées sur son territoire «pour
permettre que l'ensemble des responsabilités militaires se fassent à moindre coût».
[Français]
M. Bellehumeur: Où, dans le communiqué?
[Traduction]
M. Hart: Le communiqué dit: «les ressources déjà déployées» sur le territoire du Québec.
[Français]
M. Bellehumeur: Mais voyons, monsieur Hart, est-ce votre interprétation? Vous basez votre accusation là-dessus?
[Traduction]
M. Hart: Je m'excuse, mais c'est là l'interprétation que vous-même m'avez offerte aujourd'hui. C'est votre traduction.
[Français]
M. Bellehumeur: Monsieur Hart, où dans son communiqué M. Jacob demande-t-il aux femmes et aux hommes de déserter les Forces armées canadiennes avec leurs armes? Ceci fait partie du discours que vous prononciez le 12 mars pour convaincre le Président que M. Jacob avait commis des fautes, que M. Jacob avait même fait de la sédition, pour reprendre les termes que vous utilisiez.
Où dit-il cela dans le communiqué, monsieur Hart? Est-ce encore une interprétation de votre part?
[Traduction]
M. Hart: À la page deux, le communiqué dit: «Au lendemain d'un OUI, dit-il, le Québec devra créer immédiatement un ministère de la Défense (...)», et il y a ici une erreur de traduction. La version anglaise parle de «embryo of a major state» alors qu'il s'agit plutôt de «military staff».
[Français]
M. Bellehumeur: Selon vous, cette phrase de M. Jacob référait, le lendemain d'un «oui», à une désertion de l'Armée canadienne; ce sont les termes que vous avez utilisés.
[Traduction]
M. Hart: Monsieur le président...
[Français]
M. Bellehumeur: Ma question n'est pas terminée, monsieur Hart.
[Traduction]
M. Hart: Monsieur le président, est-ce qu'on fait mon procès? Est-ce à moi qu'on fait subir l'interrogatoire? À mon avis, c'est plutôt celui qui a rédigé ce communiqué qui devrait subir un interrogatoire. Quelle était son intention? Ces questions sont pertinentes au mandat du comité. Je m'intéresse plutôt à l'intention de M. Jacob, de l'ancien chef du Bloc québécois, M. Bouchard, et des députés du Bloc québécois. Qu'entendaient-ils lorsqu'ils ont dit que «Au lendemain d'un OUI» (...)?
Le président: Chers collègues...
Monsieur Bellehumeur, voulez-vous mettre fin à cette série de questions?
[Français]
M. Bellehumeur: Oui. Monsieur Hart, si je vous comprends bien, quand vous parlez d'outrage, vous parlez d'outrage au Parlement. Votre chef vous contredit de façon évidente sur ce point. Quant aux arguments que vous avez avancés pour faire recevoir la question de privilège au niveau des francophones, vous avouez que c'est une erreur de votre part.
Quant à l'appel aux armes et à la désertion de l'Armée canadienne des femmes et des hommes avec leurs armes qu'aurait demandés M. Jacob, il s'agit de votre propre interprétation. Rien n'est clair dans ce communiqué. Pensez-vous que ces accusations gratuites n'ont pas causé un préjudice à M. Jacob et à tous les parlementaires?
Si cela vous était si évident, pourquoi avez-vous attendu jusqu'au 12 mars? N'y aurait-il pas un lien avec les élections partielles qui avaient lieu moins de deux semaines plus tard, le 25 mars?
[Traduction]
M. Hart: Monsieur le président, ce ne sont pas des extraits ou quelques mots du communiqué qui sont ici remis en question. C'est le communiqué dans son intégralité et son intention. Ce n'est pas mon interprétation, mais l'interprétation de ceux qui ont reçu ce communiqué et...
[Français]
M. Bellehumeur: Vous faites des accusations...
[Traduction]
M. Hart: ... leur impression. Et je peux vous dire...
[Français]
M. Bellehumeur: Ce sont vos accusations...
[Traduction]
M. Hart: ... monsieur le président, en fait, la Chambre des communes a donné deux indications distinctes et contradictoires.
D'une part, il y a ce document, le serment d'allégeance que prêtent les membres des Forces armées canadiennes qui sont prêts à donner leur vie pour leur pays. Ce sont les seuls employés de la fonction publique du Canada à qui on demande de se sacrifier s'il le faut, et ils prêtent ce serment par obéissance à un ordre que leur a donné leur gouvernement, autrement dit, la Chambre des communes.
D'autre part, il y a ce document distinct et contradictoire, ce communiqué qui a été diffusé par le chef de l'Opposition officielle, autrement dit, par la Chambre des communes. Il porte l'en-tête officiel de l'opposition et a été distribué au personnel des Forces armées canadiennes.
Ces deux documents se contredisent directement...
Une voix: Et alors?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bellehumeur. Monsieur Ringma, vous avez la parole.
M. Ringma: Monsieur Hart, j'ai écouté la question du député bloquiste sur le contenu du communiqué et votre interprétation de ce communiqué lorsque le Parlement en a pris connaissance le 12 mars. Vous reconnaissez qu'on n'y parle pas des militaires francophones, mais plutôt des Québécois.
Peut-être pourriez-vous nous citer l'extrait du communiqué qui vous a incité à croire qu'on s'adressait, sinon aux francophones, du moins aux Québécois.
On a aussi soulevé la question de l'appel aux armes. Quel passage du communiqué incite à la désertion?
Pour ma part, je peux lire le communiqué et me mettre à la place d'un militaire francophone ou québécois, peu importe. Ce faisant, je peux déceler ces sous-entendus, comme vous l'avez fait vous-même, je présume.
Vous aimerez mettre en relief certains passages du communiqué qui vous ont mené à votre interprétation.
M. Hart: Comme je l'ai indiqué à l'intervenant précédent... Je répète que c'est le communiqué en entier que je juge offensant pour moi et le Parlement.
Mais si vous voulez qu'on s'attarde sur quelques phrases clé, nous pouvons le faire.
Le premier paragraphe dit qu'on ne pourrait pas maintenir ou créer une capacité militaire coûteuse, comprenant l'armée, la marine et l'aviation, similaire à la structure canadienne dans le contexte économique actuel. Cela laisse entendre que, dans un Québec souverain, on utiliserait certainement les ressources qui y sont déjà disponibles. Cela m'apparaît offensant.
On constate aujourd'hui que certains membres de ce comité ne comprennent pas qu'il y a un conflit direct entre le serment d'allégeance que prêtent les membres des Forces armées canadiennes et ce communiqué. Les deux documents ont émané de la Chambre des communes, bien que le communiqué n'ait pas été distribué avec l'autorisation de la Chambre, et c'est pourquoi l'intégrité de la Chambre est remise en question.
Ils peuvent se comporter de façon non parlementaire s'ils le souhaitent, mais je suis ici pour témoigner que j'estime, à titre de militaire et de parlementaire, que le communiqué dans son intégralité est offensant.
M. Ringma: Monsieur Hart, dans vos propres mots et sans nous renvoyer à quelque discours que ce soit, quel devrait être notre objectif? Que peut faire notre comité en convoquant des témoins? Que pouvons-nous faire pour l'avenir et pour la Chambre?
M. Hart: Avec tout le respect que je dois aux membres du comité, j'espère que vous réaliserez trois choses.
Premièrement, vous constaterez que les agissements du député de Charlesbourg ont fait outrage au Parlement pour les motifs que j'ai invoqués aujourd'hui.
Deuxièmement, j'espère qu'on établira de nouvelles règles de comportement pour les députés des Communes, règles qui guideront les députés lorsqu'ils se trouveront dans un nouveau débat sur la sécession et qui leur indiqueront ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire à l'égard des Forces armées canadiennes, lesquelles devraient être à l'abri de tout débat politique sectaire.
Troisièmement, j'espère que votre comité chargera les Forces armées canadiennes d'élaborer des règles et politiques qui guideront les militaires lorsqu'ils se trouveront de nouveau confrontés à un communiqué de cette nature, un communiqué qui, je le répète, va à l'encontre du serment d'allégeance et de la Loi sur la défense nationale du Canada.
Dans les Forces armées canadiennes, il y a, comme je l'ai déjà indiqué, une politique sur le code vestimentaire des militaires, par exemple. Il y a des manuels de formation pour les officiers. Il y a des politiques et des règlements sur l'équité en matière d'emploi. Il y a des politiques, des manuels et des programmes de formation pour le personnel des Forces armées concernant, entre autres, le harcèlement, etc. Il y a aussi des politiques et des programmes de formation sur le racisme. Pourtant, monsieur le président, il n'y a pas de politique ni de règlement sur la façon dont on doit traiter un communiqué qui porte l'en-tête de la loyale opposition de Sa Majesté et qui demande aux membres des Forces armées canadiennes d'oublier leur serment d'allégeance.
M. Speaker (Lethbridge): Monsieur Hart, j'aimerais que vous exploriez l'importance du rôle de l'Opposition officielle, la loyale opposition qui est en fait un gouvernement en instance. Pourriez-vous explorer l'importance de l'Opposition officielle relativement à cette question? Dans votre témoignage, vous avez insisté sur le fait que le communiqué a été émis, par l'entremise d'un député bloquiste, par le chef de l'Opposition officielle, qui est constituée par le Bloc québécois. En quoi cela est-il important s'agissant d'une directive s'adressant à nos Forces armées? Ces renseignements m'apparaissent significatifs pour le comité, qui doit déterminer la gravité de l'affaire.
M. Hart: L'Opposition officielle est sanctionnée par la Chambre des communes. Elle occupe une place particulière au Parlement du Canada, et sa tâche est de surveiller le gouvernement - certains diraient de s'assurer que le gouvernement reste sur le qui-vive - pour qu'il respecte ses politiques.
Pour moi qui suis parlementaire, il me semble étrange qu'on permette, au Canada, une situation où le parti d'opposition, qui est sanctionné par la Chambre des communes, envoie des communiqués aux Forces armées canadiennes, lesquelles sont toutes sanctionnées aussi par la Chambre des communes et le gouvernement du Canada dans ses lois et le serment d'allégeance. Par conséquent, je trouve cela insultant, et, d'après les lettres que j'ai reçues de tout le pays, il semble que bien des électeurs d'un océan à l'autre jugent aussi insultant que le cabinet du chef de l'opposition approuve la rédaction et l'envoi de communiqués de ce genre aux militaires.
Le président: Je cède la parole à Mme Catterall.
Mme Catterall (Ottawa-Ouest): J'aurais besoin d'une autre précision. On vous a demandé pourquoi vous aviez fait allusion aux Québécois francophones, et vous avez dit avoir commis une erreur. S'il s'agissait d'une erreur, pourquoi le chef du Parti réformiste a-t-il, le lendemain, fait la même erreur et parlé d'un communiqué invitant les membres des Forces armées qui sont des francophones du Québec à se joindre à une armée du Québec?
M. Hart: J'assume la responsabilité de cette erreur. En fait, je crois qu'il s'agissait d'une erreur de traduction. Nous n'avions pas encore la traduction anglaise lorsque j'ai reçu le communiqué. C'est une source indépendante qui l'a traduit, et, je le répète, j'en assume la responsabilité. J'estime néanmoins que s'adresser aux militaires québécois est tout aussi grave que s'adresser aux militaires francophones et...
Mme Catterall: Je vois mal où vous voulez en venir.
M. Hart: Pourriez-vous reformuler la question? Je n'ai peut-être pas compris.
Mme Catterall: Ma question était claire: pourquoi, si c'était une erreur que de dire que le communiqué faisait allusion aux seuls membres francophones des Forces armées, votre chef a-t-il répété cette erreur?
M. Hart: Honnêtement, je l'ignore. Je peux seulement présumer qu'il s'agissait d'une erreur dans la traduction du document, et je n'ai pas d'autre explication.
Mme Catterall: Avez-vous le texte traduit qui aurait pu vous mener à cette erreur?
M. Hart: Honnêtement, je vois mal en quoi cela est pertinent à la discussion, mais, de toute façon, je ne suis pas certain qu'il s'agissait d'une erreur dans la seule traduction que nous avons reçue; c'était incorrect. Je le répète, je suis disposé à en assumer la responsabilité, et je n'ai pas d'autre explication à vous offrir.
Mme Catterall: J'aimerais revenir à la première déclaration à ce sujet que vous avez faite à la Chambre. Vous avez dit: «J'ai une accusation précise à formuler (...). La question est de savoir si le député a commis un outrage au Parlement.»
La phrase suivante est celle que j'aimerais explorer un peu avec vous: «De l'avis de la Chambre, le député de Charlesbourg est-il coupable de sédition?» J'ai l'impression que vous dites que, si le député est coupable de sédition, il est aussi coupable d'outrage au Parlement. En lisant ces deux phrases, j'en arrive à cette conclusion. Est là ce que vous voulez dire?
M. Hart: Non. Dans la motion originale - qui n'est pas remise en question aujourd'hui, je ne crois pas, mais dont on peut parler si vous le souhaitez - je disais bien: «De l'avis de cette Chambre». Je demandais donc aux parlementaires de décider si, d'après eux, il y avait eu sédition ou des agissements qui auraient été offensants pour eux. Je n'ai pas porté d'accusation, comme on l'a laissé croire au cours du débat par la suite. Avec cette motion, je demandais à la Chambre des communes, aux députés des Communes, de déterminer si, à leur avis, on allait discuter de cela. Mais, comme nous le savons tous, la motion a été modifiée, et tous les mots avant et après le mot «que» ont été remplacés par ce dont nous discutons aujourd'hui.
Mme Catterall: Néanmoins, vous semblez redire essentiellement aujourd'hui ce que vous avez déclaré à la Chambre, en dépit des changements qui ont été apportés à la motion. Lorsque vous avez dit: «J'ai une accusation précise à formuler et une motion de fond à présenter», de quelle accusation parliez-vous?
M. Hart: Il s'agissait d'une accusation relative à l'article 62 du Code criminel. Je le signale aux membres du comité aujourd'hui parce qu'on m'a posé la question, et c'est cette disposition qui traite des infractions concernant les forces militaires.
Monsieur le président, je tiens à faire remarquer qu'aucun autre organisme fédéral, aucun autre fonctionnaire fédéral, ne jouit de la protection que confère un article du Code criminel, excepté les forces militaires. Le paragraphe 62(1) du Code criminel dit ceci:
- 62(1) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans
quiconque, volontairement:
b) soit publie, rédige, émet, fait circuler ou distribue un écrit qui conseille, recommande ou encourage, chez un membre d'une force, l'insubordination, la déloyauté, la mutinerie ou le refus de servir;
M. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Le témoin lit un article du Code criminel. Devons-nous donc en conclure que nous traitons ici d'un acte criminel? Dans l'affirmative, cela irait à l'encontre des règles de conduite régissant nos délibérations.
M. Hart: Je répondais à une question, monsieur le président.
Le président: En toute justice, je comprends l'inquiétude du député, mais je vais permettre au témoin de poursuivre sa réponse à la question de Mme Catterall.
Si ma mémoire est bonne, Mme Catterall a demandé quelle accusation le témoin avait portée, et c'est ce qu'il nous explique, n'est-ce pas?
Mme Catterall: Je crois qu'on pourrait régler cela tout de suite en disant que le témoin a porté à la Chambre, comme il l'a fait ici aujourd'hui, une accusation criminelle de sédition, ce qui, bien sûr, ne relève pas de notre compétence.
M. Hart: Non, pas du tout. Ce n'est pas ce que je dis. Je demande à la Chambre de déterminer si, à son avis, c'est de cela qu'il s'agit.
J'aimerais souligner une chose, monsieur le président. La motion originale a été modifiée; nous ne traitons plus de la motion originale. Au départ, j'avais adopté un point de vue très étroit concernant la sédition, et je remercie les députés qui, dans leur grande sagesse... des députés du Parti libéral, le président lui-même, et des députés du Bloc québécois ont déclaré qu'il s'agissait d'un enjeu beaucoup plus vaste et que le comité devrait être chargé d'examiner tout ce qui concerne les affronts faits au Parlement, les privilèges de la Chambre et l'outrage au Parlement.
Je remercie la députée de sa question, mais je lui rappelle que la motion a été modifiée. Nous traitons maintenant d'une autre motion, dont la portée est beaucoup plus vaste que celle de la motion originale.
Mme Catterall: Monsieur le président, je reviendrai probablement sur cette question, parce qu'elle m'apparaît essentielle à nos délibérations.
Mais j'aimerais clarifier une chose qu'a dite le député de Charlesbourg. Selon son raisonnement, et pour reprendre ses propres termes, le Parlement dirige les forces armées, et, par conséquent, toute entrave aux forces armées, comme le prétend le communiqué, est un affront au Parlement.
J'aimerais que le député nous indique qui lui a dit que le Parlement dirige les forces armées. Pour autant que je sache, c'est le gouvernement qui dirige les forces armées.
M. Ringma: Avant que le témoin ne réponde, j'invoque le Règlement. Je crois que Mme Catterall s'est trompée lorsqu'elle a parlé du député de Charlesbourg.
Mme Catterall: Excusez-moi.
M. Ringma: C'est pour le compte rendu.
Mme Catterall: Je parlais du communiqué.
Le président: Le témoin souhaite-t-il répondre à la question?
M. Hart: Tout à fait. Monsieur le président, le gouvernement fait certainement partie de la Chambre du Parlement. Les ministériels siègent à la Chambre des communes. Le gouverneur général du Canada est le commandant en chef des Forces armées.
C'est le gouvernement du Canada qui dépêche nos troupes en Bosnie, à Haïti et dans d'autres pays du monde pour qu'elles y exécutent les tâches qui leur sont confiées. La Loi sur la défense nationale, une loi que doivent respecter les Forces armées et dont elles tirent leurs lignes directrices et règlements... relève de l'autorité de la Chambre des communes. Voilà le lien, d'après moi.
Mme Catterall: Monsieur le président, j'ai demandé au député de dire plus précisément d'où provient cette interprétation, puisque l'ordre constitutionnel canadien établit justement une distinction très nette entre l'exécutif, à savoir le gouvernement, et le Parlement. Le Parlement a des pouvoirs que le gouvernement n'a pas.
M. Hart: Les ministériels sont des députés de la Chambre des communes. Ils y siègent; ils votent.
Mme Catterall: Non, ce n'est pas le cas du gouvernement. C'est le cas de chaque député.
M. Hart: C'est le cas de chaque député. En effet.
Mme Catterall: Je tiens à ce que ce soit très clair. Le député a déclaré que le Parlement dirige les Forces armées et que, par conséquent, toute tentative d'ingérence visant les Forces armées constitue un affront au Parlement. C'est un des arguments qu'il a invoqués comme preuve d'outrage. Il nous est donc important de bien préciser que le Parlement ne dirige pas les Forces armées et que le député doit donc étayer son argument autrement, s'il en est capable. Il ne peut le fonder sur le fait que le Parlement dirige les Forces armées. Il pourrait peut-être l'étoffer ou le préciser...
M. Hart: Nous avons au Canada une loi sur la défense, dont les pouvoirs proviennent de la Chambre des communes... il convient d'étudier cette loi attentivement. J'exhorte le comité à convoquer des témoins experts à ce sujet. La loi sur la défense a été confiée au gouvernement par la Chambre des communes, par le Sénat, par le gouverneur général, par la Couronne. Il y a donc un lien direct.
Mme Catterall: Le témoin conviendra-t-il tout de même du fait que ce n'est pas le Parlement qui dirige les Forces armées canadiennes?
M. Hart: Il est fondamental dans tout système démocratique que ce soit la société civile qui donne aux militaires leurs instructions. Les Forces armées ne constituent pas un pouvoir indépendant.
Mme Catterall: Je n'ai rien à ajouter pour le moment. Cependant, monsieur le président, je crois bien que nous devrions obtenir certains avis d'experts. Mes connaissances de la question ne sont pas exhaustives.
Le président: J'en prends bonne note.
Monsieur Milliken.
M. Milliken (Kingston et les Îles): Merci, monsieur le président.
Monsieur Hart, dans votre déclaration au comité, vous avez dit que le communiqué obligeait les militaires à choisir. «Il est clair, avez-vous dit, que le communiqué demande aux militaires de prendre une décision individuelle quant à leur loyauté.» Sur quelle partie du texte du communiqué vous appuyez-vous pour faire cette affirmation?
M. Hart: Comme je l'ai déjà dit, monsieur le président, c'est l'ensemble du communiqué, la signification qui s'en dégage, qui fonde les inquiétudes... et je crois bien que nous savons tous que la chose a inquiété bon nombre des membres des Forces armées canadiennes. Selon les rapports, des gens du CMR avaient fait leurs bagages et s'apprêtaient à retourner au Québec au lendemain d'un oui.
M. Milliken: Pouvez-vous nous fournir copies de ces rapports? Je ne les ai jamais vus. J'habite Kingston, et il y a un journal à Kingston. Je ne me souviens pas d'avoir vu de tels rapports. Je serais cependant très heureux de les voir, si vous les avez.
M. Hart: Nous allons vous les fournir. Il y a, à ce sujet, des articles de journaux, et nous avons une bibliothèque bien garnie de commentaires de ce genre.
M. Milliken: Vous laissez entendre, je suppose, qu'ils faisaient leurs bagages pour aller au Québec, et non pas aux États-Unis ou ailleurs. Je savais que certains militaires songeaient à quitter le pays en cas de rupture. C'est peut-être ce qu'ils prévoyaient faire.
M. Hart: De toute manière, je soutiens que le communiqué a eu exactement l'effet que j'ai prétendu qu'il avait eu. Peu importe la destination de ceux qui partent. Le communiqué a causé de la division et de la confusion au sein des Forces armées canadiennes, et c'est là l'essentiel. Voilà qui va à l'encontre de la loi sur la défense et du serment d'allégeance que prêtent les membres des Forces armées.
M. Milliken: Vous reconnaîtrez volontiers, monsieur Hart, que le référendum a semé la confusion parmi la population d'une façon générale. Bon nombre de Canadiens se sont inquiétés de l'avenir de leur pays durant la période référendaire, sans que cela ait rien à voir avec ce communiqué. N'est-ce pas vrai?
M. Hart: Je rappelle que, dans le cas des membres des Forces armées canadiennes, ces derniers prêtent serment d'allégeance au Canada. Ils prêtent serment d'allégeance, et ce sont les seuls au Canada qui sont disposés à donner leur vie - je dis bien donner leur vie - pour leur gouvernement si ce dernier leur demande de le faire. Je vous prie de bien réfléchir au cas des 11 soldats canadiens faisant partie de la force de protection des Nations Unies qui sont morts en ex-Yougoslavie. Ils étaient sous la direction du gouvernement canadien.
M. Milliken: J'en suis bien conscient, monsieur Hart, mais je vous demande à vous de bien réfléchir. Ces gens ont prêté serment. Qu'est-ce qui leur aurait fait croire - et je vais vous citer pour éviter d'altérer vos propos - «qu'il était clair... qu'on leur demandait... de prendre une décision individuelle quant à leur loyauté»? La décision quant à leur loyauté, ils l'ont prise, monsieur Hart. Ils ont prêté serment d'allégeance à Sa Majesté la Reine.
Je n'avais pas lu ce communiqué aussi attentivement avant de lire certaines de vos déclarations de ce matin. Je cite le texte du communiqué:
- le Québec devra créer immédiatement un ministère de la Défense, un embryon d'état-major et
offrir
- ...je tiens à souligner ce mot «offrir»...
- à tous les militaires québécois servant dans les Forces canadiennes la possibilité d'intégrer les
Forces québécoises «en conservant leur grade, ancienneté, solde et fonds de retraite de façon à
assurer une meilleure transition».
Certains verront peut-être dans ce communiqué les divagations d'un original. Certains pourront le considérer avec le plus grand sérieux - et je suppose que c'est votre cas. Pour ma part, je préfère la première interprétation, sans vouloir être trop sévère à l'endroit du député de Charlesbourg. Il est député.
Mais, dans un cas comme dans l'autre, nous sommes devant des gens qui ont prêté serment d'allégeance. Qu'est-ce qui peut vous faire croire que le communiqué les met dans la situation de devoir prendre une décision individuelle quant à leur loyauté, puisqu'ils ont pris une telle décision au moment de prêter serment?
M. Hart: Tout simplement, monsieur le président, parce que le communiqué leur proposait de le faire alors qu'ils ne le peuvent pas.
Voyons cela étape par étape.
M. Milliken: Mais, d'après le communiqué, ils pouvaient le faire après une victoire du oui...
M. Hart: Je m'efforce de répondre à la question, monsieur le président.
M. Milliken: ... et seulement après une victoire du oui.
M. Hart: Les membres des Forces armées canadiennes prêtent serment d'allégeance à leur pays. Ensuite, ils signent des contrats, d'une durée de cinq ans dans la plupart des cas. Les membres des Forces armées canadiennes ne sont pas en mesure, au lendemain d'un oui, de tout simplement faire leurs bagages et de partir. Ils se sont engagés par écrit à servir leur pays pour une période de cinq ans.
Monsieur le président, le comité doit également savoir que les militaires pourraient demander d'être libérés des Forces armées canadiennes, mais cela prendrait six mois, compte tenu des délais administratifs. Cela ne se ferait pas du jour au lendemain. Ils ne pourraient partir du jour au lendemain.
Par ce communiqué, l'Opposition officielle disait aux militaires - à tort - qu'ils pouvaient agir d'une manière qui allait à l'encontre de ce à quoi ils s'étaient engagés en prêtant serment, en signant un contrat.
M. Milliken: Mais était-elle en mesure de le leur offrir?
M. Hart: Il ne s'agit pas d'une simple offre d'emploi. Me demandez-vous s'il s'agissait d'une offre d'emploi? Je prétends que non.
M. Milliken: Il faut examiner le libellé. J'invite fortement le député à le faire. On peut bien lire: «Au lendemain d'un OUI... le Québec devra...»
M. Hart: Ils n'ont aucun pouvoir. Personne n'a le...
M. Milliken: Ce n'est pas ce qui a été écrit. Il est écrit: «devra». Si quelqu'un estime que c'est ce qui devra arriver dans l'avenir, nous pouvons ne pas être d'accord. Pour ma part, je trouve cela insensé, et, évidemment, rien de tout cela n'est arrivé. L'honorable député a formulé la chose en parlant d'une possibilité. Il n'a pas dit qu'ils pourraient, qu'ils devraient, ou qu'une offre serait faite et qu'ils auraient à faire un choix. Les termes sont beaucoup moins forts que je ne l'aurais cru. Je me demande donc si l'honorable député les a lus dernièrement, puisqu'ils me semblent quelque peu différents.
M. Hart: Monsieur le président, les démocraties occidentales veillent jalousement sur leurs forces armées et s'inquiètent de ce genre de possibilité. J'en veux pour preuve l'article 62 du Code criminel, formulé en 1934, ou à peu près. Cet article ne vise que les membres des Forces armées canadiennes - et non pas les postiers, ni ceux qui font partie de sociétés d'État, mais les membres des Forces armées canadiennes. Les membres du comité doivent se demander pourquoi le législateur a cru bon, à l'époque, de n'accorder ce privilège spécial qu'aux membres des Forces armées canadiennes. Quelle était donc l'intention du législateur?
Le président: Une dernière question, monsieur Milliken.
M. Milliken: Je serai bref, et je suppose que le témoin le sera tout autant dans sa réponse.
Où est votre liste de témoins proposés? Pouvons-nous la voir? Je suppose qu'elle contient une énumération de certaines de leurs qualités et compétences qui pourront être utiles au comité et une description de la nature des témoignages qu'ils pourront fournir.
M. Hart: Monsieur le président, comme vous le savez, je ne suis pas membre du comité. Ce sont les membres du comité qui ont proposé la liste. Je n'ai fait que des commentaires, mais j'estime en effet que tous ces aspects seraient visés dans la liste.
M. Ringma: Une liste a été déposée.
Le président: Une liste a été déposée avant le début de la réunion, monsieur Milliken. Je veillerai à ce que les membres du comité en obtiennent copie.
Je tiens à rappeler à tous mes collègues la note de service dans laquelle je précisais que, selon la procédure, ceux qui veulent soumettre des noms à l'attention du comité doivent les remettre à la greffière. Avant le début de la réunion, j'ai effectivement reçu une liste et j'ai appris du Bloc que sa liste serait prête demain. C'est ce que je crois avoir compris.
M. Milliken: Le témoin en a parlé dans sa déclaration. Voilà pourquoi je posais la question.
Le président: D'accord. Je veillerai à ce que vous l'ayez avant la fin de la période de questions aujourd'hui.
Monsieur Langlois.
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): Le ballon est passablement dégonflé; il en reste assez peu finalement. Les grandes lignes que je retiens du témoignage de M. Hart, à la suite des questions de M. Bellehumeur, M. Milliken et Mme Catterall, c'est que le témoin a lui-même inventé ces propos disant que c'était un appel aux francophones de l'armée et qu'il est incapable de citer le texte référant à un appel aux armes qu'aurait lancé le député de Charlesbourg et à un appel à la désertion. Le témoin a failli ces trois tests.
Il ne reste plus rien de son interprétation du communiqué. Par ailleurs, le témoin disait que le communiqué ne devait pas être interprété article par article, ou paragraphe par paragraphe, mais que c'est l'esprit du communiqué qui devait prévaloir.
La question est maintenant beaucoup plus sérieuse que d'examiner un simple communiqué qui prévoyait ce qui arriverait dans la succession de l'État au Québec, advenant un résultat positif lors du référendum du mois d'octobre.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est que nous en sommes à traiter de délit d'opinion au Canada. On se plaint bien souvent du gouvernement actuel; on veut le comparer à une poêle à frire. On peut se plaindre que notre poêle à frire n'est pas en téflon et que ça colle de temps en temps, qu'on a de la misère à tourner nos oeufs. Mais l'alternative - et ils se disent l'alternative - à cette poêle à frire, c'est directement sur le rond. Ils nous offrent d'aller nous faire brûler en limitant notre liberté d'expression. Ils se prononcent en faveur du rappel des députés et des référendums qui doivent rallier toute la population et s'en remettent à la population. Ils veulent aujourd'hui sanctionner, par leur appel lancé le 12 mars dernier par le député d'Okanagan - Similkameen - -Merritt, les députés qui ne font que ce pourquoi ils ont été élus à la Chambre des communes, soit défendre les intérêts du Québec et faire la promotion de la souveraineté du Québec.
Ma question sera beaucoup plus large à la lumière de tout ce que le témoin a dit. Il semble ne pas apprécier ce que les 53 députés du Bloc Québécois font.
L'article 128 et la cinquième annexe de la Constitution de 1867 prévoient un serment que nous avons prêté en notre qualité de parlementaires. Le député d'Okanagan - Similkameen - Merritt est-il d'avis que les députés du Bloc québécois, en agissant comme ils le font depuis le début de la 35e législature, respectent leur serment en tant que membres du Parlement du Canada?
[Traduction]
M. Hart: Voilà un aspect que le comité voudra peut-être étudier. Vraiment, je ne saurais le dire. Ce que je sais cependant, c'est que, à titre de député élu au Parlement, il me semble que je dois parler des moyens d'assurer l'unité du pays. En cas de sécession, de séparation - et il n'y a pas de quoi... il ne s'agit pas ici de séparatistes, etc. - mon travail comme député élu au Parlement consisterait à veiller à l'intégrité des Forces armées canadiennes. Je ne devrais pas à ce moment-là être en train de proposer des façons d'arracher au Canada l'une de ses institutions.
Chacun doit décider de sa conduite. Moi, je sais ce que je ferais.
[Français]
M. Langlois: Monsieur Hart, votre collègue, la députée de Beaver River, se tournant vers nous, du Bloc québécois, nous a traités d'ennemis de l'intérieur. Est-ce que vous partagez son point de vue?
[Traduction]
M. Hart: Comme je l'ai dit, il ne s'agit pas ici de... de faire un procès aux séparatistes. D'ailleurs, je crois que M. Bellehumeur a très bien fait valoir cet aspect à la Chambre.
[Français]
M. Langlois: Ah, non.
[Traduction]
M. Hart: Nous avons dit à la Chambre des communes et nous disons encore ici aujourd'hui qu'il s'agit pour nous de faire enquête au sujet de ce communiqué et des événements qui l'entourent. Franchement, je ne comprends pas le sens de votre question. Je n'en veux à personne au Canada.
[Français]
M. Langlois: Vous dites ne pas avoir de problèmes. Peut-on vous rafraîchir la mémoire, monsieur Hart? La traduction française du hansard, page 689, rapporte vos propos comme suit:
Ce débat est bien plus qu'un débat sur la conduite du député de Charlesbourg. C'est bien plus qu'un débat sur l'ancien chef de l'opposition officielle. C'est bien plus qu'un débat sur le caucus séparatiste à la Chambre. C'est un débat sur le Canada.
Foncièrement, en disant «c'est un débat sur le Canada», vous voulez que le débat sur le Canada soit fait dans votre perspective. Nous avons une autre vision, les libéraux ont la leur et les gens de l'autre parti en ont également une.
Cette tendance, cette manie de vouloir imposer votre vision des choses comme vision unique de la vérité me fait peur, monsieur Hart. Dans la tradition démocratique canadienne, il y a toujours eu de la place pour des solutions de rechange, pour les bémols, pour les dièses quand on en avait besoin. Mais fondamentalement, vous n'acceptez qu'une vérité et j'ai peur qu'un jour, sous un gouvernement réformiste - comme cela s'est produit dans d'autres démocraties occidentales - , les députés de l'opposition ne se trouvent muselés. Cela m'inquiète.
Bien que vous disiez que c'est un débat sur le Canada, au fond vous voulez, en faisant peur à des députés de l'opposition, faire taire des personnes qui n'ont pas la même opinion politique que vous.
J'aimerais vous entendre parler du délit d'opinion, monsieur Hart. Selon vous, jusqu'où s'étend la liberté de parole au Canada? Lorsqu'ils prônaient la souveraineté des provinces de l'Ouest, les gens du Western Canada Concept Party commettaient-ils le même genre de délit d'opinion que ceux du Québec?
La question devant nous est une question sur laquelle se prononceront les électeurs du Canada et du Québec, non pas une question de privilège, mais une question de débat de force politique, une question exclusivement politique. De fait, si nous continuons d'aller dans cette voie, tout parti minoritaire à la Chambre des communes risque de se faire mettre de côté et de se faire imposer les vues de la majorité.
Vous empruntez un sentier extrêmement dangereux. Puisqu'il n'y avait strictement rien et que vous n'aviez pas compris, je suis prêt à vous accorder le bénéfice de la bonne foi pour le mot francophone.
Monsieur Hart, pourriez-vous me situer à nouveau sur le contexte démocratique et la liberté d'expression? Jusqu'où acceptez-vous que des députés souverainistes au Parlement fédéral puissent s'exprimer?
[Traduction]
M. Hart: Si je vous ai bien compris, vous me demandez s'il s'agit d'un débat au sujet de la liberté d'expression. Je répondrai par la négative. Il ne s'agit pas de limiter la liberté de parole.
Comme nous le savons tous, la liberté de parole des députés est limitée de diverses façons. Certaines procédures visent aussi bien la Chambre des communes que les comités à cet égard. Un député ne peut pas nécessairement dire ailleurs ce qu'il peut dire à la Chambre des communes. Il existe des règles limitatives à cet égard, et elles ne s'appliquent pas seulement au Bloc, mais à tous les députés du Parlement.
Dans notre société, la liberté de parole est également limitée de diverses façons. Pensons par exemple au Code criminel du Canada, ou encore au secret ministériel. Pensons également au cas du SCRS, aux règles d'accès à l'information, à la GRC, à la Loi sur la défense nationale, et à l'attribution à certains documents de la cote secret ou confidentiel. Ainsi, les députés voient leur droit de parole limité de diverses façons par la Chambre des communes ou par les lois du Canada.
Dans le cas qui nous intéresse, le comité doit se pencher sur la conduite d'un député. Aucun député du Parlement ne doit prendre d'initiative allant à l'encontre de l'autorité de la Chambre. Il faut protéger l'autorité qu'a la Chambre de diriger les Forces armées canadiennes. La question qui intéresse le comité concerne donc le manquement à son devoir du député de Charlesbourg, et non pas la liberté de parole.
Le président: D'accord, monsieur Langlois, très rapidement.
[Français]
M. Langlois: Monsieur Hart, l'esprit dans lequel vous faisiez vos accusations tout à l'heure est très clair. Vous avez demandé au comité de trouver le député de Charlesbourg coupable d'outrage au Parlement et de définir par la suite les règles régissant la conduite des députés. On trouve donc M. Jacob coupable alors qu'il n'y a pas de règles. Vous admettez vous-même qu'il n'y en a absolument aucune.
Vous voulez limiter sa liberté de parole parce que vous jugez qu'il va trop loin et vous nous demandez ensuite d'établir les règles.
Au fond, qu'est-ce qui est le véritable outrage au Parlement? N'est-ce pas celui de tenter de limiter la liberté d'expression de tous les députés, y compris le député de Charlesbourg?
[Traduction]
M. Hart: Non, pas du tout. Notre premier témoin a été Diane Davidson, la conseillère juridique de la Chambre des communes. Nous devons revoir ses déclarations, et j'invite le député à le faire.
Elle a demandé au comité d'étudier un certain nombre de questions. Tout d'abord, le communiqué a-t-il représenté un affront à la dignité et à l'autorité de la Chambre des communes? À mon avis, c'est le cas. En effet, il a fait en sorte que la Chambre des communes envoyait deux signaux contradictoires: d'une part, celui de la Loi sur la défense nationale et du serment d'allégeance et, d'autre part, celui du communiqué de l'Opposition officielle. Il s'agissait de deux signaux tout à fait opposés, de nature à semer la confusion chez les militaires. Voilà une question qu'il faut régler. Je réponds donc par l'affirmative.
Le communiqué a-t-il fait honte à la Chambre des communes et l'a-t-il tournée en ridicule? Je prétends que oui. À titre d'ancien membre des Forces armées canadiennes, j'ai honte de ce qu'a fait l'Opposition officielle en attaquant l'intégrité des Forces armées canadiennes.
L'un de mes électeurs, le colonel Don Deeprose, a terminé sa carrière dans les Forces armées canadiennes comme pilote de la Reine. J'ai dû lui expliquer pourquoi l'Opposition officielle du Canada était allée jusqu'à semer la confusion parmi les Forces armées canadiennes.
J'estime que ce communiqué est honteux et qu'il a tourné en ridicule la Chambre des communes. Nous avons tous eu à donner des explications à nos électeurs à ce sujet. Je serais étonné qu'un seul député n'ait pas eu à le faire.
Le président: Je vais me permettre d'intervenir, puisque le temps file et que plusieurs personnes souhaitent interroger M. Hart.
Monsieur Pagtakhan.
M. Pagtakhan: Merci, monsieur le président.
Vous avez reconnu au cours de votre témoignage avoir fait une erreur, et vous avez accepté d'en assumer la responsabilité. Si le comité arrive à une autre conclusion, serez-vous disposé à vous excuser devant le comité?
M. Hart: Je crois que nous brûlons les étapes, monsieur le président. Le comité a un défi à relever. On lui a confié la tâche d'étudier les renseignements qui seront portés à son attention. La motion présentée n'a rien à voir avec ce dont parle le député.
Évidemment, je m'excuserai d'avoir fait une erreur. J'ai fait une erreur.
M. Pagtakhan: Merci.
J'aurais une deuxième question à poser, au sujet du communiqué. Vous avez évidemment déclaré que le communiqué compromettait les membres des Forces armées. Vous aurez certainement des preuves à soumettre au comité à cet égard. Nous souhaiterions, ou tout au moins c'est mon cas, que soient soumis à titre de preuve les résultats d'une enquête auprès des Forces armées visant à déterminer si le communiqué a compromis leur serment d'allégeance. À votre avis, une telle enquête a-t-elle eu lieu?
M. Hart: Non, mais le Parti réformiste a demandé que des témoins experts comparaissent pour expliquer les effets qu'aurait le communiqué sur les membres des Forces armées canadiennes.
M. Pagtakhan: Laissez-vous donc entendre que les commandants des divers régiments et escadrons qui figurent sur cette liste que vous avez soumise aux membres du comité ont communiqué avec vous ou que vous avez communiqué avec eux?
M. Hart: Non, pas du tout.
M. Pagtakhan: Il n'y a pas eu de communications?
M. Hart: Non.
M. Pagtakhan: Ils ne vous ont donc fourni aucune preuve.
M. Hart: Non. Voilà pourquoi je vous demande de faire enquête.
M. Pagtakhan: Dans votre déclaration, à la page 5, vous avez dit: «Il est clair que le communiqué demande aux militaires de prendre une décision individuelle quant à leur loyauté.» Êtes-vous disposé à reconnaître maintenant que vous avez certains doutes?
M. Hart: Non. Je n'ai aucun doute.
M. Pagtakhan: Sur quoi vous fondez-vous pour dire: «Il est clair...»?
M. Hart: Je l'affirme tout simplement parce que, comme je l'ai dit plus tôt, je suis en mesure de faire le pont entre l'expérience au sein des Forces armées canadiennes et celle du législateur. En effet, j'ai de l'expérience et des connaissances aussi bien comme parlementaire que comme ancien membre des Forces armées.
À titre d'ancien membre des Forces armées, je sais très bien que le communiqué va directement à l'encontre du serment d'allégeance que j'ai prêté à l'endroit de mon pays. Voilà pourquoi je suis en mesure de dire qu'il est clair que le communiqué a semé la confusion dans l'esprit des militaires.
M. Pagtakhan: Ne puis-je pas supposer, monsieur Hart, que les membres des Forces armées sont tout aussi loyaux, sinon davantage, que vous l'étiez lorsque vous étiez membre des forces? Seriez-vous d'accord?
M. Hart: Non je ne le suis pas, parce que le communiqué bénéficiait de l'autorité de la Chambre et avait donc pour effet de semer la confusion.
M. Pagtakhan: Êtes-vous donc en train de me dire que votre loyauté est beaucoup plus forte que celle d'autres membres des forces?
M. Hart: Je dis que le communiqué lui-même...
M. Pagtakhan: Non, je vous pose la question. Votre loyauté à l'égard des forces était-elle plus forte que ne l'est celle des membres actuels des Forces armées?
M. Hart: Non, je ne dirais pas cela.
M. Pagtakhan: D'accord. Leur loyauté est-elle moindre?
M. Hart: Je ne dirais pas cela non plus.
M. Pagtakhan: Comment pouvez-vous donc conclure, alors, que des milliers de membres des forces verraient leur loyauté compromise? Où en est la preuve?
M. Hart: Nous parlons de l'élément de preuve qui est devant nous - le communiqué. Il provient, comme on peut le voir en haut de la première page, du cabinet du chef de l'opposition. Je tiens à expliquer cet aspect au député, et je n'ai jamais été plus sérieux.
M. Pagtakhan: En effet, j'aimerais avoir des explications. Votre collègue, M. Ringma, vous a demandé d'étayer les graves allégations que vous avez faites. Je ne vous ai pas entendu répondre à la question que votre propre collègue vous a posée. Je vous invite donc à énumérer succinctement, pour que le comité puisse être guidé par vos réponses, les divers aspects de votre allégation.
M. Hart: C'est fort simple. Le comité doit examiner ce communiqué.
M. Pagtakhan: Pouvez-vous nous en dire davantage?
M. Hart: Je tiens à vous dire à titre d'ancien militaire, de personne qui a prêté serment d'allégeance, de personne qui a servi dans la force régulière et la force de réserve, que lorsqu'un militaire prête serment d'allégeance, ce serment, dont je vous ai parlé...
M. Milliken: C'est le même que celui que nous prêtons.
M. Hart: En effet, mais il y a une différence. C'est ce que les députés du Bloc ne semblent pas comprendre, et c'est justement ce que certains membres du comité doivent finir par comprendre. Les membres des Forces armées canadiennes, eux, sont prêts à donner leur vie pour leur pays.
Et il y a un autre aspect que je m'empresse de souligner. Dans la Loi sur la défense nationale, un système de justice distinct est prévu pour les membres des Forces armées canadiennes. J'ai ici quelque part des extraits de cette loi. Il y est question de certains crimes dont peuvent être passibles les membres des Forces armées canadiennes.
Les membres du comité ne le savent peut-être pas, mais, de tous les Canadiens, seuls les membres des Forces armées canadiennes risquent encore la peine de mort s'ils violent certaines dispositions de la loi. Les militaires s'exposent à diverses peines. La peine de mort...
M. Pagtakhan: Monsieur le président...
M. Hart: ...puis des peines d'emprisonnement et d'autres types de peines.
M. Pagtakhan: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je ne trouve pas cette réponse utile. Le député pose des questions directes et cherche donc à obtenir des réponses tout aussi directes. J'aimerais connaître, dans leurs grandes lignes, les aspects pertinents.
M. Hart: Je vous les ai donnés. Pour les membres des Forces armées canadiennes, vous ai-je dit, le serment d'allégeance ne veut pas dire la même chose. Ils sont régis par d'autres règles et d'autres circonstances. Ils ne sont pas en mesure de partir du jour au lendemain, comme on peut le supposer à la lecture du communiqué.
M. Pagtakhan: Êtes-vous en train de nous dire, monsieur Hart, qu'un simple communiqué suffit à ébranler la loyauté des membres des Forces armées?
M. Hart: C'est ce que je crains, en effet, et j'invite le comité à étudier la question et à convoquer des témoins pour que lumière soit faite. Étudier la question - voilà ce que vous avez à faire.
M. Pagtakhan: Vous n'avez donc aucun élément de preuve. Vous exprimez une crainte, une appréhension.
Êtes-vous en train de nous proposer une nouvelle notion parlementaire: celle de violation appréhendée de privilège?
M. Hart: Nous sommes en mesure de fournir des rapports de médias. Il y a des articles, des éditoriaux. Il existe des éléments de preuve de ce genre, que le comité pourrait souhaiter étudier.
Selon moi, vous devriez convoquer les témoins. Voilà le défi, la tâche qui vous attend. Le Parlement du Canada vous a mandatés pour étudier cette question, et je vous exhorte à le faire.
M. Pagtakhan: Au cours de votre exposé, vous avez dit souhaiter que le comité conclue que le communiqué constitue un outrage à la Chambre ou à ses membres, ou aux deux. Vous avez ajouté qu'il fallait formuler de nouvelles règles pour établir ce que peuvent faire et ne pas faire les députés.
Êtes-vous convaincu que ces nouvelles règles éventuelles que vous envisagez aborderont ce sujet en particulier?
M. Hart: J'espère que les règles établiront des balises à l'intention des députés, de sorte qu'ils sachent quelle conduite est acceptable ou non lorsqu'il s'agit des Forces armées canadiennes.
Le ministre dit dans sa lettre - d'ailleurs, c'était une lettre type que j'ai vue à plusieurs reprises et qui a eu une large diffusion - , que les Forces armées canadiennes doivent être protégées du sectarisme politique. En l'occurrence, elles ne l'ont pas été. C'est cette indépendance qui a été violée.
M. Pagtakhan: Si j'ai bien compris, vous estimez que les règles actuelles ne nous permettent pas de déterminer si l'affaire dont nous sommes saisis constitue ou non une violation?
M. Hart: Si de telles règles existent, il faut se demander pourquoi on ne les a pas appliquées. S'il y a des règles qui s'appliquent au personnel des Forces armées - comme les directives concernant le code vestimentaire, le harcèlement...
Les militaires disposent de ce genre d'instruments. Lorsqu'un problème survient, ils constituent un manuel. Ils donnent au personnel des Forces armées des directives sur la façon de traiter certains problèmes.
La sécession d'une province, c'est une question très importante, qui devrait faire l'objet d'un manuel et de directives au sein des Forces armées canadiennes. Je pense qu'il faudrait s'attacher à formuler des directives à l'intention de ces soldats qui sont prêts à donner leur vie pour leur pays.
M. Pagtakhan: Merci, monsieur Hart.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
M. Bellehumeur: Un rappel au Règlement. M. Hart a dit quelque chose d'assez important.
Je voudrais qu'on note que l'accusateur a été incapable de fournir une seule preuve sur les accusations qu'il porte, à la suite des questions que vient de soulever le député libéral.
[Traduction]
Le président: Je ne pense pas que cela constitue un rappel au Règlement.
[Français]
M. Laurin (Joliette): J'aimerais demander au témoin à quelle forme d'outrage à la Chambre il fait référence dans l'avis juridique qu'a reçu notre comité parlementaire.
Le témoignage de nos experts comprenait des exemples des quatre formes d'outrage à la Chambre. À quelle forme d'outrage à la Chambre le témoin fait-il référence? S'agit-il d'atteinte aux privilèges reconnus, d'inconduite devant la Chambre ou un comité, de désobéissance aux règles et aux ordres de la Chambre ou d'un comité, ou d'un comportement ayant tendance à miner l'institution du Parlement?
J'aimerais savoir à quelle forme d'outrage le témoin se réfère pour porter ses accusations.
[Traduction]
M. Hart: La conseillère juridique principale de la Chambre des communes a dressé la liste de dix raisons qui pourraient amener le comité à juger que le député de Charlesbourg a commis un outrage au Parlement.
À mon avis, le comité pourrait conclure que huit d'entre elles s'appliquent dans ce cas. Je les ai d'ailleurs mentionnées dans mes observations. Le communiqué lui-même a jeté le déshonneur sur la Chambre, la couvrant de honte et de ridicule. Il a empêché la Chambre des communes de s'acquitter de ses fonctions. Cela constitue un affront et une insulte à la Chambre des communes et la discrédite entièrement.
[Français]
M. Laurin: Je ne crois pas que notre experte devant ce comité ait dit que le communiqué s'approchait ou s'éloignait de telle forme d'outrage au tribunal.
Notre experte a tout simplement cité des exemples et c'est M. Hart qui témoigne devant nous qui doit nous dire à quel point il fait référence pour prouver que le communiqué constitue vraiment un outrage. Auquel de ces quatre points le communiqué peut-il être rattaché?
[Traduction]
M. Hart: Monsieur le président, j'estime avoir répondu à cette question.
J'ajouterais de plus que ce n'est pas à moi à trancher. Je suis ici pour témoigner et pour offrir des conseils, dans la mesure du possible. Mais il va de soi que c'est au comité qu'il incombe de décider si la conduite de M. Jacob et le communiqué en question entrent dans les catégories que Mme Davidson a soumises à l'examen du comité. J'invite instamment le comité à convoquer des témoins pour examiner cela.
[Français]
M. Laurin: Je suis étonné que le témoin qui a porté des accusations dise maintenant au comité: J'ai dit quelque chose, regardez maintenant si ce que j'ai dit pouvait être accusateur et causer préjudice à la Chambre. Il est bizarre que le témoin ne puisse définir de façon plus précise ce à quoi il pensait lorsqu'il a porté ces accusations, parce que c'est extrêmement grave.
Je voudrais comparer les accusations de M. Hart aux propos d'un de ses collègues, M. Jack Frazer, qui disait que le communiqué avait été mal interprété. M. Frazer disait que les propos deM. Jacob avaient été mal interprétés. Je cite The Toronto Sun du 4 novembre 1995:
[Traduction]
- «Je ne pense pas que l'on puisse considérer que c'était une incitation à la mutinerie, a ditM. Frazer. Il nous faut accepter qu'il y a à l'heure actuelle dans les Forces canadiennes des
personnes qui sont en faveur de la séparation. Dans les perspectives du Canada, il faudrait
qu'elles renoncent à leurs engagements envers nous et prêtent allégeance au Québec. Si la
séparation avait eu lieu, c'est ce qui se serait passé.»
Ne partagez-vous pas l'opinion de M. Frazer? Croyez-vous que M. Frazer a mal compris le communiqué tandis que vous en avez bien saisi le sens?
[Traduction]
M. Hart: Je ne suis pas un expert pour ce qui est des propos tenus par M. Frazer dans les médias. Je voudrais aussi signaler qu'au cours des débats à la Chambre des communes la plupart des députés ont sans doute été informés des événements entourant toute cette affaire. Le député pourrait demander que l'on convoque M. Frazer pour voir s'il souhaite commenter... M. Frazer serait peut-être intéressé à commenter ce témoignage; je n'en sais rien.
[Français]
M. Laurin: J'aimerais rappeler à M. Hart que M. Jack Frazer est colonel et membre de l'armée. Pourquoi un membre de l'armée n'a-t-il pas été alerté de tels propos, supposément séditieux, tenus par un membre du Bloc québécois? N'a-t-on pas la preuve que tout s'est passé dans la tête du témoin, et uniquement dans sa tête à lui, puisqu'un membre de l'armée ne réagit pas de la même façon devant le même communiqué et l'interprète de tout autre façon?
On n'a donc rien trouvé. Les questions de mes collègues prouvent bien que le témoin n'a rien pu trouver de précis au texte du communiqué, n'a rien pu trouver correspondant exactement à la teneur des accusations qu'il porte. On prête tout simplement des intentions.
M. Hart nous dit aujourd'hui que selon lui, M. Jacob a sans doute voulu dire telle chose, qu'il a sans doute pensé... On peut bien se passer de M. Hart pour connaître les pensées de M. Jacob. M. Jacob comparaîtra devant le comité et c'est à lui qu'on demandera ce qu'il pensait et quelle est son opinion.
On est ici pour juger des faits et M. Hart n'a rien pu démontrer qui corresponde à l'accusation qu'il porte aujourd'hui.
[Traduction]
Le président: Voulez-vous répondre à cela?
M. Hart: Je ne pense pas que c'était une question. Je suggère que le député pose la question à M. Jacob, et j'espère que le comité convoquera des témoins experts qui connaissent intimement les Forces armées canadiennes. C'est d'ailleurs ce que nous avons suggéré.
Le président: Merci.
Nous allons entendre ensuite M. Boudria et M. Godfrey, ce qui met fin à ma liste.
M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Monsieur le président, la déclaration de ce matin, le témoignage de M. Hart, dont nous avons un exemplaire, constitue indéniablement une critique très dure. À cet égard, j'estime qu'il incombe au comité de s'assurer que la teneur de cette déclaration, dont copie a été distribuée aux médias, est vraiment juste et fidèle.
Je voudrais que le témoin me dise si, à sa connaissance, ce communiqué a été distribué sur les bases militaires et à d'autres installations.
M. Hart: Oui. C'est l'information dont nous disposons.
Monsieur le président, je tiens aussi à signaler qu'au cours des débats le Bloc québécois a déclaré que ce communiqué avait aussi été distribué aux médias. Nous avons effectué une vérification auprès de la tribune de la presse du Parlement pour la période allant du 26 au 31 octobre. En effet, on garde un registre de tous les communiqués de presse, et nous avons constaté que le registre ne renfermait aucune mention d'un communiqué à ce moment-là.
M. Boudria: Ainsi, à votre connaissance, cela n'a pas été distribué à la tribune de la presse. Cependant, vous dites que le communiqué a été distribué sur les bases militaires. Pouvez-vous nous en nommer quelques-unes, s'il vous plaît?
M. Hart: D'après nos renseignements, il a été distribué au Commandement de la Force terrestre de Valcartier.
M. Boudria: D'après vos renseignements, il a été distribué à Valcartier. Merci. A-t-il été distribué ailleurs, à votre connaissance?
M. Hart: Non. Je suppose, si j'en crois ce qu'ont dit les députés du Bloc, qu'il a été distribué dans toutes les autres bases militaires de la province de Québec.
M. Boudria: Je ne me souviens pas d'avoir entendu dire cela, mais...
M. Hart: Je pense que c'est M. Jacob qui a dit cela.
M. Boudria: ...nous allons vérifier cela lorsque M. Jacob comparaîtra.
Je voudrais vous interroger au sujet du communiqué lui-même, car il pose un problème de langue. Je l'ai lu dans les deux langues, et j'ai constaté une différence. Aux fins de ma question, je vais supposer que l'original a été rédigé en français et traduit en anglais. Je pense que c'est une hypothèse raisonnable.
J'attire votre attention sur le deuxième paragraphe de la page 2, qui se lit comme suit en français:
[Français]
- Au lendemain d'un OUI, le Québec devra créer immédiatement un ministère de la Défense,...
et ainsi de suite.
Selon moi, cela se traduit en anglais par «following a yes vote». En français, «au lendemain» a une nuance différente que «le lendemain», d'après ma connaissance de ce qui est ma langue maternelle et de la façon dont cette expression se traduit en anglais.
Sans vouloir critiquer le traducteur, je crois que nous sommes en présence d'une traduction inexacte. Le communiqué dit, en anglais: «the day after a YES win». Cela n'est pas la même chose. À votre avis, cela fait-il une différence? Selon notre interprétation, il faudrait dire «in the aftermath» ou «following», alors que l'on dit «the day after». À votre avis, cela fait-il une différence?
M. Hart: Je pense que «the day after» fait une différence, mais encore une fois j'aimerais rappeler que les membres des Forces armées canadiennes ne sont pas en mesure de prendre une décision comme celle-là dans un laps de temps aussi court.
M. Boudria: Je ne vous demande pas s'ils sont en mesure de prendre une telle décision. Je veux savoir si cela fait une différence. Je pense que vous avez répondu oui. Lequel considérez-vous comme le plus sérieux, le texte qui dit «following» ou celui qui dit «the day after»?
M. Hart: À mon avis, celui qui dit «the day after», étant donné l'incapacité des militaires de réagir dès le lendemain.
M. Boudria: Monsieur le président, aux fins du compte rendu, je précise que c'est le texte anglais qui, d'après ce témoignage, est considéré comme plus sérieux que le texte français.
J'ai les deux textes en face de moi, la version anglaise et la version française.
M. Hart: L'autre demeure quand même sérieux.
M. Boudria: Je ne le nie pas.
M. Hart: L'autre version demeure sérieuse.
M. Boudria: D'accord, mais, d'après vos renseignements, c'est le texte anglais, ou en tout cas les termes que je vous ai cités comme étant du texte anglais, qui vous apparaît plus sérieux.
Je vais poursuivre, parce que je pense qu'au bout du compte, cela peut faire une différence, particulièrement à la suite du témoignage original du chef du Parti réformiste. Ce dernier a dit à la Chambre que cela concernait les Québécois francophones membres des Forces armées. Ai-je raison de croire que le texte français était considéré comme celui qui était destiné au premier chef à cet auditoire?
M. Hart: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la seule explication que je puisse avancer, c'est qu'il y a eu une erreur de traduction. Honnêtement, je ne peux pas expliquer cela.
M. Boudria: Merci.
M. Hart nous a dit tout à l'heure que ce communiqué avait l'autorisation de la Chambre. C'est ce qu'il nous a dit. Peut-il nous expliquer comment un communiqué de presse d'un député de l'opposition peut avoir l'autorisation de la Chambre?
M. Hart: J'apporterai une nuance en disant que c'est une autorisation non officielle, étant donné que le communiqué n'a pas fait l'objet d'un vote à la Chambre et que cette dernière ne l'a pas approuvé. Tout ce que je dis, c'est qu'étant donné qu'il a été rédigé sur du papier à en-tête officiel du cabinet du chef de l'opposition et que ce dernier dispose d'un certain pouvoir à la Chambre des communes, le communiqué relevait de l'autorité de la Chambre des communes, sans pourtant avoir été autorisé officiellement par elle.
M. Boudria: Je pense que vous voulez dire de l'autorisation du chef de l'opposition, je suppose.
M. Hart: C'est exact, du chef de l'Opposition officielle.
M. Boudria: Mais, à votre avis, le chef de l'opposition parle-t-il normalement au nom de la Chambre?
M. Hart: Il parle au nom du parti de l'opposition, mais j'affirme que ce communiqué, qu'ont reçu les militaires des Forces armées canadiennes, est un document officiel de la Chambre des communes, puisqu'il émane du cabinet de l'Opposition officielle, laquelle est sanctionnée par la Chambre des communes.
M. Boudria: Sans vouloir vous manquer de respect, c'est une nuance importante.
Je voudrais revenir sur votre témoignage de ce matin. À la page 7 de votre texte, à l'avant-dernière phrase du deuxième paragraphe, on peut lire:
- Les députés ont la responsabilité de préserver l'autorité et la dignité des Communes, au nom de
la population canadienne.
- Lorsque vous parlez de préserver la dignité des Communes, pensez-vous que cela s'applique
aux propos d'un député qui a dit qu'on ne devrait pas autoriser l'honorable député de
Sherbrooke à prendre la parole?
M. Boudria: C'est simplement qu'hier, un député, M. Randy White, a dit précisément cela.
M. Hart: Je vous exhorte à convoquer des témoins. Je ne suis pas un expert en procédure parlementaire, et c'est pour cela que Mme Diane Davidson est venue ici. Si le comité a besoin des lumières d'experts pour examiner le libellé du communiqué ou la procédure de la Chambre et les déclarations qui y ont été faites, je l'invite instamment à les convoquer à comparaître.
M. Boudria: J'ai une dernière question, si vous me le permettez. Lorsque vous avez proposé votre motion à la Chambre, à l'origine vous avez parlé de «sédition» et, par la suite, vous avez critiqué le fait qu'on ait supprimé ce mot du texte de votre motion. Vous avez entendu le témoignage de notre conseillère juridique, maître Diane Davidson, qui a dit:
- Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, un comité ne serait pas habilité, dans l'exécution de
son mandat, à traiter une affaire qui, en vertu de la loi, est du ressort d'une cour de justice.
- Tout en sachant cela, continuez-vous de penser que la Chambre a eu tort de supprimer ce terme?
M. Hart: Ce n'est pas ce dont il s'agit maintenant, mais si vous voulez une réponse directe, ma motion précisait: «de l'avis de la Chambre». Je n'accusais personne de quoi que ce soit. Je demandais simplement à la Chambre de rendre un jugement. Quant à Diane Davidson, elle a aussi dit que nous pouvions examiner la question de la sédition. C'est du ressort du comité, sauf qu'il ne peut l'examiner dans le contexte du Code criminel. C'est en tout cas ce que j'ai compris.
Le président: Chers collègues, M. Godfrey posera la dernière question, mais je sais que plusieurs d'entre vous souhaitent poser des questions supplémentaires. Voici ce que je propose. Pour l'instant, en raison de l'heure, nous allons laisser M. Godfrey terminer l'interrogatoire de M. Hart. Quant à M. Hart, je suppose qu'il acceptera de revenir une autre fois si le comité souhaite le convoquer de nouveau.
M. Hart: Bien sûr.
[Français]
M. Bellehumeur: Avant M. Jacob.
[Traduction]
Le président: D'accord.
Mme Catterall: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je sais que des personnes attendent, mais plusieurs d'entre nous doivent se préparer à la Période des questions. Je me demande si nous ne pourrions pas ajourner maintenant, si M. Godfrey acceptait de remettre ses questions à plus tard.
M. Godfrey (Don Valley-Ouest): J'ai une brève question. Compte tenu du caractère urgent de la situation que vous avez décrite - sédition, abus de privilège, outrage, document offensant, poussé par votre conscience, etc. - ce qui me chicote, c'est le temps qui s'est écoulé entre le 26 octobre et le 12 mars. Vous expliquez cela en disant que vous avez soulevé la question à la Chambre le 21 novembre et qu'en suite, vous avez attendu que le gouvernement réponde à votre cri d'alarme.
Ma question est la suivante. J'ai consulté le compte rendu des délibérations du 21 novembre, pour constater que vous aviez en fait pris la parole pendant 25 minutes ce jour-là, 18 pour votre intervention originale, suivies de cinq et ensuite de deux. Or, tout ce que vous avez dit au sujet de cette affaire dangereuse et choquante, tient à ceci:
- Monsieur le Président, j'allais dire que je trouve étrange que le député de Charlesbourg qui, il y
a quelques semaines à peine, invitait les membres des Forces armées canadiennes à joindre les
rangs des nouvelles forces armées du Québec, veut aujourd'hui nous faire croire qu'il
s'inquiète du sort des Forces armées canadiennes. C'est effrayant de voir une motion de ce
genre. J'exhorte le député à lire attentivement l'article 62 du Code criminel et à réfléchir à ce
qu'il a fait il y a quelques semaines à peine.
- Voilà la seule allusion à cette affaire dans le discours de 25 minutes rapporté dans le hansard et
au cours duquel vous avez consacré plus de temps à parler de plumes plaquées or d'une valeur
de 2 000 $.
M. Hart: Monsieur le président, je vous dirai tout d'abord que le Président de la Chambre, dans une décision, a dit que l'élément temps était discutable. Autrement dit, le comité n'a pas l'autorité pour renverser la décision rendue par le Président à la Chambre des communes.
Le président: C'est une tout autre question.
M. Hart: Je sais, et je suis prêt à en dire plus long là-dessus, parce que c'est important.
Le 21 novembre, j'ai fait la déclaration que le député vient de rapporter au comité. À ce moment-là - et à juste titre - le Président de la Chambre m'a donné un avertissement. Il m'a mis en garde.
À ce moment-là, j'avais aussi le sentiment, à la suite de rapports médiatiques que le comité pourra consulter, que le ministre de la Défense nationale était aussi scandalisé que moi par l'affaire du communiqué. Ce dernier a annoncé qu'il allait demander au juge-avocat général de lui faire rapport. Il a dit qu'il allait demander au ministre de la Justice de lui communiquer ce rapport. Je croyais - et je pense que les Canadiens aussi croyaient que cette information allait être communiquée à la Chambre des communes, que le document allait être soit renvoyé ou déposé aux Communes pour y être examiné.
Autrement dit, monsieur le président, j'espérais que le gouvernement du Canada protégerait la dignité de la Chambre des communes en prenant certaines mesures à l'égard de ce communiqué. Pour être franc, j'ai été stupéfait de constater qu'après une interruption de 10 semaines, le gouvernement ne bougeait pas. Il n'y a eu aucune réaction de la part du gouvernement.
À ce moment-là, j'ai communiqué avec le bureau du juge-avocat général, par l'entremise de mon bureau, pour demander un exemplaire du rapport de ce dernier car j'estimais que le comité devait en prendre connaissance. Cependant, on m'a dit qu'il n'était pas disponible.
On m'a expliqué que le juge-avocat général est le principal conseiller juridique du ministre de la Défense nationale et que le rapport était confidentiel.
Je ne pense pas qu'un rapport d'une telle importance devrait rester confidentiel.
J'ignore d'ailleurs ce qu'il renferme.
Autrement dit - pour vous répondre très brièvement - j'ai attendu, espérant que le gouvernement s'acquitterait de ses responsabilités et gouvernerait.
M. Godfrey: Voilà où je veux en venir. Vous dites que le Président vous a conseillé de changer de sujet. L'a-t-il fait avant que vous ne prononciez votre discours? Il ne semble pas l'avoir fait pendant votre intervention.
J'aurais cru que si vos propos avaient été inopportuns, le Président se serait levé pour vous dire: «Vous allez trop loin». Au lieu de cela, j'ai plutôt l'impression que vous abordiez le sujet simplement en passant. Ce n'est pas l'objet principal de votre critique, et pourtant, vous aviez 25 minutes à votre disposition.
Comment étions-nous censé deviner que l'affaire était aussi alarmante si vous ne nous l'avez pas dit et que nous n'avons aucune preuve que le Président ait freiné vos ardeurs lorsque vous auriez pu nous communiquer le fond de votre pensée?
M. Hart: J'ai reçu une note du Président qui, avec raison, disait que je ne devais pas poursuivre dans cette veine.
Le président: Le Président vous a écrit une note?
M. Hart: Oui.
[Français]
M. Bellehumeur: On va demander au témoin qu'il dépose cette note, étant donné qu'il vient de mentionner que le président lui a écrit pendant un discours. La note est datée du 21 novembre 1995, et j'invite le témoin à déposer cette note au comité.
[Traduction]
Le président: Avez-vous la note en question, monsieur Hart?
M. Hart: Je ne l'ai pas apportée avec moi aujourd'hui, mais je l'ai effectivement en ma possession.
Le président: Êtes-vous prêt à vous plier à cette requête?
M. Hart: Je ne vois pas pourquoi. À mon avis, le Président m'a communiqué cette mise en garde dans un esprit de collaboration avec un autre parlementaire. C'est ainsi que j'ai interprété son geste. C'est un peu comme s'il me rendait service en disant: «Vous y allez un peu fort, n'insistez pas». C'est ainsi que j'ai pris la chose.
M. Godfrey: Mais vous avez changé de sujet.
Le président: Monsieur Godfrey, votre temps de parole est écoulé.
Monsieur Bellehumeur, vous avez demandé la note.
Monsieur Hart, aux fins du compte rendu, refusez-vous de fournir la note?
M. Speaker: J'invoque le Règlement. Je pense que la note en question est une note qui ne regarde que le Président et le destinataire de la note. Chose certaine, le président adjoint ou le Président lui-même devrait donner son assentiment à ce genre de chose. Il s'agit là d'un message très informel.
Le président: Je prends la parole au sujet du rappel au Règlement de M. Speaker.
[Français]
M. Bellehumeur: Le comité a le pouvoir de demander au témoin de déposer les documents qui sont utiles à l'analyse et, comme le témoin nous a lui-même parlé de cette note, il n'a d'autre choix, si le comité le lui demande, que de déposer cette note. C'est nécessaire à la compréhension de l'importance de la question du député du gouvernement. C'est même inclus dans les avis juridiques que Mme Davidson et M. Marleau nous ont donnés lorsqu'ils sont venus témoigner.
[Traduction]
M. Hart: Si je me souviens bien, la note comportait la mention «personnel et confidentiel», de sorte que je n'ai pas l'intention de...
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je vais prendre en délibéré la question faisant l'objet du rappel au Règlement et je rendrai une décision à la prochaine séance.
Je suppose que cela met fin à la séance d'aujourd'hui.
Monsieur Bellehumeur, je crois avoir fait une erreur. M. Hart ne reviendra pas avant... M. Jacob doit comparaître jeudi. Nous avons un problème de temps. M. Jacob est le prochain sur la liste des témoins. Souhaitez-vous changer cela?
[Français]
M. Bellehumeur: Il faut au moins suivre les règles les plus élémentaires; vous allez me comprendre lorsque je dis qu'il faut au moins entendre l'accusateur avant d'entendre l'accusé.
[Traduction]
Le président: C'est exact.
[Français]
M. Bellehumeur: Sur celui de jeudi, 15 h 30, on n'a qu'à écrire 11 h. M. Hart continuerait alors son témoignage, ce qui ne changerait rien au calendrier, et le témoignage de M. Jacob serait reporté à la semaine prochaine.
[Traduction]
Le président: Je vous ai écouté et cela ne me pose aucun problème. En est-il de même pour tout le monde?
Le prochain témoin, M. Jacob, a en fait demandé au greffier de prendre des arrangements pour sa comparution à un moment qui lui convienne. Nous avons encore des questions à poser à M. Hart.
[Français]
M. Laurin: J'invoque le Règlement avant de terminer. J'aimerais vous rappeler que, dans les avis juridiques que nous avons reçus, il est indiqué à la page 11 qu'un témoin n'a aucun motif, en droit, de refuser de répondre à une question. Il est littéralement à la merci du comité et de son jugement. Ainsi, un témoin ne peut pas refuser de répondre...
[Traduction]
Le président: J'ai déjà entendu un rappel au Règlement à ce sujet. Je vais rendre une décision sur la question de la note. Je l'ai pris en délibéré et ferai rapport au comité au début de la séance de jeudi.
Merci. La séance est levée.