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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 avril 1996

.1125

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Bonjour, chers collègues. Je suis désolé du retard, mais il y a eu des votes à la Chambre des communes.

Je voudrais commencer cette séance en réglant une question qui est restée en suspens à la fin de notre dernière réunion. Vers la fin de la séance de mardi, M. Hart a fait allusion à une note qu'il avait reçue du président de la Chambre. M. Bellehumeur a alors demandé à M. Hart de produire cette note.

M. Hart a d'abord indiqué qu'il n'y voyait pas d'objection, mais M. Speaker, son collègue du Parti réformiste, a invoqué le Règlement et précisé qu'il s'agissait d'une communication privée entre le président de la Chambre et M. Hart et que, par conséquent, il fallait d'abord obtenir l'autorisation du président de la Chambre.

J'ai pris la question en délibéré et me suis engagé à vous faire rapport aujourd'hui. Tout membre du comité peut demander à un témoin de produire un document. Le témoin peut alors accéder à la demande ou non et consulter qui il souhaite avant de prendre une décision.

Si le témoin produit le document de son propre gré, la question est réglée. Toutefois, si le témoin refuse, on peut proposer une motion selon laquelle le comité ordonne la production du document. Le refus d'obtempérer peut faire l'objet d'un rapport à la Chambre, qui détermine alors si elle devra prendre des mesures. Aux termes du paragraphe 108(1)a) du Règlement de la Chambre, le comité a le droit d'exiger la production de documents et de dossiers et de citer des témoins à comparaître.

Chers collègues, comme vous le savez, le paragraphe 848 de la sixième édition de Beauchesne dit ceci:

(1) Il est loisible au comité d'exiger la production de tout document qui relève de son mandat. À cette réserve près, il semblerait que ses attributions à cet égard soient sans limites.

(2) Pour le comité qui désire obtenir communication de documents, la façon de procéder consiste à adopter une motion ordonnant à la personne ou à l'institution intéressée de les produire. En cas de défaut, le comité peut saisir la Chambre des difficultés qu'il éprouve. La Chambre seule décide des mesures à prendre.

(3) On ne saurait pourtant parler ici d'exigence absolue, ni en ce qui concerne les ministères, ni en ce qui concerne les institutions publiques ou privées. Il n'existe pas, en effet, de cas où l'on ait insisté pour obtenir le respect d'un ordre de communication de documents.

En 1991, une question de privilège a mené à un rapport du Comité permanent des privilèges et élections dans lequel le droit des comités parlementaires d'exiger la production de documents a été réaffirmé sans équivoque. Par conséquent, s'ils sont appelés à se prononcer sur une motion exigeant la production de documents, les membres du comité voudront certainement tenir compte de l'importance et de la pertinence du document, du fait qu'il s'agissait ou non d'une communication privée et d'autres facteurs semblables.

Avant d'inviter mes collègues à commenter ma déclaration, je m'adresse à vous, monsieur Hart, pour savoir si vous êtes disposé à produire la note en question, compte tenu de ce que je viens de dire.

M. Jim Hart, député (Okanagan - Similkameen - Merritt): Je n'y vois pas d'objection.

Le président: Merveilleux! J'aurais peut-être dû vous poser la question avant de lire ma décision. Quoi qu'il en soit, il est bon pour tous de connaître les paramètres et les lignes directrices qui guident votre président.

Monsieur Ringma, avez-vous une observation à faire au sujet de ce rappel au Règlement?

M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Cela ne concerne pas ce rappel au Règlement, mais cela m'apparaît néanmoins d'un certain intérêt général.

Pourrions-nous rappeler ce que nous tentons de réaliser aujourd'hui et pourquoi M. Hart témoigne de nouveau? Je présume que c'est pour permettre à ceux qui n'ont pas eu l'occasion de poser leurs questions de le faire aujourd'hui, et peut-être aussi pour permettre à M. Hart de répondre à certaines questions restées sans réponse à notre dernière séance.

.1130

Le président: Je crois savoir que plusieurs d'entre vous, chers collègues, ont d'autres questions à poser à la suite du témoignage de M. Hart. Par suite du témoignage de M. Hart, des membres du comité avaient demandé la parole. En conséquence, nous nous étions entendus pour remettre le témoignage de M. Jacob à jeudi prochain. N'est-ce pas, madame la greffière?

La greffière a vérifié l'emploi du temps de M. Jacob, et c'est jeudi prochain qu'il comparaîtra. Si je ne m'abuse, aujourd'hui on poursuit avec le témoignage de M. Hart ou toute intervention qu'il souhaite faire, ou toute question ou remarque découlant de sa déclaration de la semaine dernière.

M. Ringma: Essentiellement, nous sommes ici pour régler certaines questions encore en suspens.

Le président: Oui, on pourrait l'exprimer ainsi.

Madame la greffière, corrigez-moi si je me trompe. À la dernière séance, nous avions terminé avec M. Godfrey et...

M. Hart: Monsieur le président, à la dernière séance, on m'a posé certaines questions particulières auxquelles j'aimerais maintenant répondre.

Le président: C'est très bien. Vous aurez la parole dans un moment.

Nous commencerons la période de questions avec M. Bellehumeur. Auparavant, monsieur Hart, vous voulez répondre à certaines questions qui vous ont été posées à la dernière réunion.

M. Hart: Monsieur le président, des questions ont été soulevées. Je sais que je suis ici comme témoin, mais j'espère qu'on ne me demandera pas de faire toutes les recherches pour le comité. J'espère que vous convoquerez tous les témoins qu'il vous faudra entendre pour aller au fond de cette affaire. Mais deux ou trois questions ont été soulevées auxquelles j'aimerais répondre.

Premièrement, M. Pagtakhan a demandé quels auraient pu être les effets du communiqué sur les membres des Forces armées canadiennes. J'ai ici un article de journal que je voudrais déposer pour la gouverne du comité. Il contient plusieurs remarques du major-général MacKenzie, qui est maintenant à la retraite. Une de ses remarques est la suivante, et je cite:

Je considère le major-général MacKenzie comme un ancien membre estimé des Forces armées canadiennes qui détient le rang de général et qui pourrait faire des remarques pertinentes au travail du comité. Je remets donc ces documents à la greffière du comité afin que les députés puissent les lire et y réfléchir.

Deuxièmement, M. Pagtakhan s'est demandé comment ont réagi les membres des Forces armées canadiennes lorsqu'ils ont reçu ce communiqué. J'aimerais maintenant lire un extrait d'un manuel des Forces armées canadienne sur la discipline, plus particulièrement en ce qui a trait au moral. Il est dit que lorsque le moral est au plus bas... Et je prétends, monsieur le président, que le moral était probablement au plus bas pendant la campagne référendaire, lorsque l'on a reçu ce communiqué:

.1135

Cela est important, parce que je crois avoir dit clairement dans mon témoignage qu'il n'y a pas, au sein des Forces armées canadiennes, des politiques, des règles ou des règlements concernant un communiqué de cette nature. Je dépose donc ce document, un extrait du manuel intitulé L'officier: Un manuel de formation sur la discipline.

Par ailleurs, monsieur le président, M. Boudria m'a posé la question suivante:

Je renvoie le comité à l'article paru le 11 novembre 1995 dans le Toronto Star, où le major-général Roméo Dallaire, commandant des forces terrestres au Québec, confirme avoir reçu le communiqué du Bloc. Un autre officier ajoute que le communiqué s'est rendu jusqu'aux plus bas échelons dans les bases militaires. Je dépose donc cet article devant le comité.

Sur le même sujet, M. Boudria a ensuite demandé où le communiqué avait été envoyé. J'ai alors répondu qu'il avait été envoyé à la base des Forces canadiennes de Valcartier. J'avais raison. Mais j'ai fait d'autres recherches et j'ai trouvé un autre article du Toronto Star, en date du mercredi13 mars 1996, qui dit que le 26 octobre 1995 le communiqué de M. Jacob a été envoyé par télécopieur à toutes les installations militaires au Québec. Je dépose donc aussi cet article.

Mme Catterall a soulevé une question concernant la séparation des pouvoirs au sein du gouvernement. Elle a dit ceci, et je cite:

Monsieur le président, j'estime que tout le concept du gouvernement responsable est fondé sur l'absence de séparation entre l'exécutif et la Chambre des communes.

Je dépose donc le document suivant. Il s'agit d'un extrait d'un livre intitulé Constitutional Law, volume 1, de Peter W. Hogg, professeur de droit à Osgoode Hall, Université York, Toronto. Au paragraphe 73(1), intitulé «Conséquences de la compétence constitutionnelle», alinéa a), on lit ceci:

Je dépose donc ce document devant le comité, monsieur le président. Au cas où il y aurait d'autres questions à ce sujet, je suggère que le comité convoque de nouveau Diane Davidson, la principale conseillère juridique, qui m'a communiqué cette information.

Un bon exemple de cet état de choses, monsieur le président, c'est la période de questions qui se tient tous les jours à la Chambre des communes. Les députés ont alors l'occasion de poser des questions à l'organe exécutif du gouvernement. Cela prouve qu'il fait partie de la Chambre des communes.

Par ailleurs, M. Milliken a indiqué dans ses questions qu'on ne l'avait pas mis au courant de situations particulières au Collège militaire royal de Kingston. Je produis en preuve un autre article de journal, provenant celui-ci du Financial Post du 5 mars 1996. On y dit que la moitié des cadets du Collège militaire de Kingston avaient fait leurs bagages et étaient prêts à retourner au Québec pour se joindre à une nouvelle armée si le oui l'avait emporté au référendum. Je dépose donc aussi ces documents.

Monsieur le président, je dépose enfin un dernier document. Dans mon témoignage, j'ai parlé de plusieurs manuels, de règles et de règlements des Forces armées canadiennes traitant de différents sujets, y compris l'équité en matière d'emploi, le racisme et le harcèlement. J'en ai apporté quelques-uns. Je veux aussi montrer que les Forces armées canadiennes n'ont aucune politique ou règlement traitant de communiqués comme celui qui nous intéresse, qui demande aux membres des Forces armées canadiennes de remettre en question leur serment d'allégeance et leur engagement à l'égard du gouvernement canadien. Par conséquent, je dépose ces documents devant le comité, qui voudra peut-être ensuite formuler des recommandations aux Forces armées canadiennes. Ainsi, le comité pourrait leur suggérer d'adopter des politiques ou des règlements pour faire face à ce genre de situations. Je dépose donc ces documents.

.1140

En dernier lieu, il y a la Loi sur la défense nationale, qui démontre clairement que des règles distinctes, c'est-à-dire la législation contenue dans la Loi sur la défense nationale, s'appliquent aux membres des Forces armées canadiennes. Dans cette loi, il est évident que la peine la plus grave pour une infraction à la Loi sur la défense nationale est la mort. On y trouve une liste de dispositions qui n'existent qu'au Canada. On y voit que le serment d'allégeance est un outil particulièrement important pour maintenir l'ordre et la discipline dans les Forces armées canadiennes.

Merci, monsieur le président.

Le président: Chers collègues, M. Hart nous a apporté plusieurs documents; les membres du comité souhaitent-ils recevoir ces documents?

Des voix: D'accord.

Le président: D'accord.

Monsieur Bellehumeur, vous êtes le premier sur ma liste. Mais auparavant, je crois comprendre que vous avez une liste de témoins à soumettre à l'attention du président; l'avez-vous préparée?

[Français]

M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Non, monsieur le président, je n'ai pas encore soumis ma liste parce que je voulais en finir avec M. Hart. Je voulais qu'on entende M. Jacob, puis, en temps et lieu, vous faire connaître nos couleurs. Nous déposerons la liste à ce moment-là. Je peux cependant vous dire qu'on a de quoi s'amuser amplement avec la liste que vient de déposer le Parti réformiste.

[Traduction]

Le président: Non, je ne veux pas discuter des noms qui figurent sur la liste. Je veux simplement la liste.

[Français]

M. Bellehumeur: Nous vous soumettrons la liste jeudi prochain à 11 heures, après le témoignage de M. Jacob.

[Traduction]

Le président: Non. Excusez-moi, mais en ma qualité de président, j'essaie de mettre un peu d'ordre dans tout cela. Vendredi, j'ai écrit à tous les membres du comité pour leur demander leur projet de liste. Cette liste n'est pas définitive. Cela ne signifie pas non plus que tous les gens qui figurent sur la liste seront convoqués, parce qu'en fin de compte, c'est votre comité, et c'est à vous de vous mettre d'accord sur les témoins que vous voulez entendre.

Cela dit, j'ai demandé qu'on me soumette une liste. En l'absence d'une liste, je dois supposer que vous n'avez aucun témoin à convoquer.

[Français]

M. Bellehumeur: C'est ce que vous présumez, monsieur le président. Le Parti réformiste vient de déposer une liste de 16 noms. Je pense qu'on aura suffisamment de matière en interrogeant les personnes sur cette liste. Nous déposerons notre liste en temps et lieu. Ce serait la première fois dans toute l'histoire qu'on n'attendrait pas de connaître la preuve de ceux qui accusent le député avant de déposer la liste de nos propres témoins. Vous les connaîtrez en temps et lieu.

Je pense qu'à l'heure actuelle, on a suffisamment de matière pour entendre des témoins et procéder avec ce dossier. De plus, vous verrez bien ce que nous présenterons. Je n'ai pas l'impression que nous veillerons très tard sur une question aussi ridicule, à la suite de ce que j'ai entendu de la part de M. Hart. Si vous avez du temps à perdre, moi je n'en ai pas. Vous verrez en temps et lieu ce que nous présenterons.

[Traduction]

Le président: Permettez-moi de faire une intervention pour m'assurer que je comprends bien.

Monsieur Bellehumeur, vous nous dites que parce que M. Hart et le Parti réformiste nous ont soumis une liste de témoins à ce moment-là, vous seriez prêt à soumettre votre propre liste après que M. Jacob aura comparu, ou au même moment; c'est bien ça?

[Français]

M. Bellehumeur: La liste de M. Jacob sera la même que celle du Bloc québécois.

[Traduction]

Le président: Vous demandez au président qu'on attende la liste?

[Français]

M. Bellehumeur: Nous avons eu une liste du Parti réformiste. J'ai, moi aussi, une liste provisoire. Mais avant de vous faire connaître mes témoins, j'aimerais savoir exactement quelle est la preuve que j'ai entendue. Je veux la purifier moi-même, cette liste. Je ne veux pas embarrasser qui que ce soit dans l'Armée canadienne. Je ne veux pas embarrasser de politiciens.

M. Hart a ri. Je rirais moins si j'étais à votre place, monsieur Hart. Je veux voir si ces accusations sont véritablement fondées ou pas.

.1145

À l'heure actuelle, c'est un gros zéro. Il a induit la Chambre en erreur, et je veux réentendre...

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, s'il vous plaît, écoutez.

Chers collègues, si j'ai soulevé cette question, c'est pour tenter de régler cela du point de vue de la procédure. Je vais permettre aux députés libéraux de poser une question, après quoi nous reprendrons les questions normales. Excusez-moi. Si j'ai soulevé la question, c'était pour tenter d'avoir l'unanimité.

M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Ce que je viens d'entendre me préoccupe. Il me semble avoir entendu M. Bellehumeur dire - et j'aimerais que le président me le confirme - que la liste de témoins proposée par le Parti réformiste constituait «leur liste de témoins.» Monsieur le président, je tiens à préciser que c'est à notre comité directeur de prendre la décision sur la base des propositions qui lui sont faites. Ce comité-ci n'est pas un tribunal, et les gens ne peuvent pas dresser leur propre liste. C'est l'ensemble du comité qui doit décider quelles suggestions seront retenues.

Je tiens à ce que le président précise cela pour que mes collègues ne quittent pas cette salle en pensant qu'une liste a été imposée et que tous les gens qui figurent sur cette liste seront convoqués. Il ne faut pas non plus qu'ils pensent que l'autre groupe pourra automatiquement faire accepter une liste équivalente.

Le président: Le whip du gouvernement a parfaitement raison. Dans ma note, je l'ai clairement expliqué. J'ai demandé des suggestions qui seraient plus tard prises en considération. Ces listes n'ont rien de définitif; ce sont des propositions ou suggestions. Je n'ai reçu qu'une seule série de propositions, et elle figure dans la liste que j'ai reçue mardi. Je tenais simplement à vous avertir de cet état de choses.

M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Sans vouloir vous manquer de respect, monsieur le président, je suis en train de me demander si nous n'avons pas changé de président. Vous nous avez demandé de vous fournir une liste. Nous avons accédé à votre demande dans les délais prévus.Ces gens-là ont décidé de ne pas le faire. Que se passe-t-il maintenant?

[Français]

M. Bellehumeur: Vous êtes des accusateurs! Faites donc la preuve!

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, chers collègues, mais au nom du comité le président a envoyé une note vendredi dernier pour vous demander si vous pourriez, en temps voulu...

[Français]

M. Bellehumeur: [Inaudible - Éditeur]

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, monsieur Bellehumeur, mais j'aimerais rétablir un peu d'ordre.

Le président a demandé une liste de témoins possibles. J'attire votre attention sur le fait que jusqu'à présent je n'ai reçu qu'une seule liste. J'ai demandé aux députés du Bloc s'ils souhaitaient proposer une liste et je vais demander également au Parti libéral s'ils ont des listes à proposer. Cela étant dit, le whip du gouvernement a parfaitement raison: tout cela sera soumis au comité directeur ou à l'ensemble du comité, et, après discussion, c'est eux qui décideront des noms à retenir.

Voilà la décision que je vous annonce, une décision à laquelle j'ai l'intention de me tenir.Je n'essaye pas de surprendre les gens.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Monsieur le président, je crois qu'il était tout à fait prématuré que vous envoyiez une note, que j'ai d'ailleurs reçue, demandant de fournir une liste de témoins. Nous devons d'abord entendre la preuve; jusqu'à présent, M. Hart ne m'a convaincu de rien. Il a reculé sur presque tous les énoncés qu'il avait faits en Chambre le 12 mars dernier et les jours suivants.

Pourquoi fournir des listes? Nous allons entendre M. Jacob, et on va entendre la fin de la preuve. Ensuite, on verra.

[Traduction]

Le président: Écoutez, je ne veux pas faire de cette liste une affaire d'État. Si j'ai demandé une liste, c'est simplement pour nous aider à organiser notre travail. Si nos collègues ne veulent pas nous soumettre de liste, c'est parfait. Cela dit, nous ne laisserons pas un groupe commander aux dépens d'un autre groupe. C'est moi qui suis votre président. Si vous me confiez l'organisation du travail et si vous me faites confiance, je vais organiser le travail de notre comité et son calendrier.

Monsieur Paradis.

.1150

[Français]

M. Paradis (Brome - Missisquoi): J'aimerais avoir un éclaircissement. Sommes-nous ici pour faire un procès? J'écoute la discussion et on croit entendre l'accusateur, la défense, la liste des témoins, etc. Je n'ai pas l'impression que nous sommes au milieu d'un procès. Ce n'est pas la place pour faire un procès. Éclairez-moi là-dessus.

Nous sommes ici, je crois, pour étudier le texte d'un communiqué qui a été émis par le député de Charlesbourg. Nous ne sommes pas à un procès.

Nous en sommes à dresser des listes de part et d'autre, des listes de témoins, etc. Auriez-vous l'obligeance, monsieur le président, de clarifier ce point?

[Traduction]

Le président: Chers collègues, je retire la demande que je vous ai faite de me soumettre une liste de témoins possibles.

[Français]

M. Bellehumeur: Je vous soumettrai l'article 122 du Règlement qui nous dit qu'on peut vous soumettre une liste quand on le juge à propos. Nous vous la remettrons, mais en temps et lieu, monsieur le président. J'ai du respect pour le comité et je ne veux pas l'induire en erreur et vous faire croire que nous allons être ici jusqu'au mois de juin, alors qu'avec le témoignage de M. Hart, nous n'aurons peut-être même pas besoin de témoins. C'est seulement ce que je veux faire valoir aujourd'hui, monsieur le président.

En vertu de l'article 122, j'ai le droit de procéder ainsi et je procède ainsi, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: La greffière du comité me dit que le Règlement que vous avez cité n'a pas de rapport direct avec la question qui nous occupe. Par conséquent, nous mettons de côté la question des listes. J'essayais de mettre tout le monde d'accord sur l'organisation de notre travail, mais maintenant je vais donner la parole à M. Bellehumeur, qui pourra poser des questions à M. Hart.

M. Ringma invoque le Règlement.

M. Ringma: Monsieur le président, j'essaye d'être poli, d'attendre mon tour, maisM. Bellehumeur ne cesse de s'imposer et d'insister pour parler. J'avais une observation à faire et je trouve injuste...

Le président: Je suis prêt à l'écouter. Allez-y.

M. Ringma: Voilà pour une chose. À mon avis, il faudrait donner la parole aux gens dans un certain ordre.

Deuxièmement, j'aimerais revenir sur ce que M. Langlois a dit. Il a dit que nous devons entendre des témoignages avant de pouvoir prendre une décision sur les témoins à entendre. À mon avis, ce sont justement ces témoins-là qui pourront nous apporter les témoignages qui nous permettront de prendre une décision.

Ce sont les témoins qui vont nous donner des opinions, et ce sont ces opinions qui constituent des témoignages. À mon avis, ce comité doit décider par un oui ou un non comment nous allons traiter cette affaire.

Le président: J'apprécie votre intervention, qui n'est pas contraire à ce que j'ai entendu jusqu'à présent. J'ai décidé de faire abstraction de la liste, et je regrette d'en avoir même parlé.

Monsieur Bellehumeur, vous pouvez commencer à poser des questions à M. Hart.

[Français]

M. Bellehumeur: Monsieur Hart, nous allons commencer par le commencement. À la date du 21 novembre 1995 qui est, selon votre dernier témoignage, une date extrêmement importante pour vous, j'avais cru comprendre que vous aviez reçu une note du Président pendant votre discours. À la lecture de la note, je comprends que vous l'avez reçue à la toute fin de votre discours. Est-ce bien cela?

[Traduction]

M. Hart: Je crois que c'était le cas, je ne m'en souviens pas exactement. Je crois que c'était à la fin de mon intervention.

[Français]

M. Bellehumeur: Donc, à l'époque, le président qui siégeait, M. Kilger, vous met en garde en vous disant que vous feriez mieux de consulter les experts en cette matière. L'avez-vous fait?

[Traduction]

M. Hart: Je n'ai pas pris cela pour un avertissement. En sa qualité de collègue parlementaire, et ayant été le premier à me féliciter pour mon discours devant la Chambre, je crois qu'il me donnait un conseil.

[Français]

M. Bellehumeur: Donc, le 21 novembre, vous portez une accusation, puisque vous invoquez l'article 62 du Code criminel, qui traite de sédition, l'encouragement à la rébellion de l'armée, etc.

[Traduction]

Le président: On invoque le Règlement.

.1155

M. Frazer: Monsieur le président, je ne vois vraiment pas où tout cela nous mène. À propos de ce communiqué, étant forcé de le faire, M. Hart a porté une accusation conformément au Règlement de la Chambre. Le président de la Chambre, ayant entendu cette intervention, a établi qu'il y avait une présomption suffisante. Un débat a alors du lieu à la Chambre des communes et, le 18,158 députés ont décidé que l'affaire devait être renvoyée à ce comité. Trente-six députés ont voté contre cette idée.

Par conséquent, la question du communiqué que le député de Charlesbourg a envoyé le26 octobre 1995 concernant les membres des Forces armées canadiennes a été renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Les questions de M. Bellehumeur, où nous mènent-elles? M. Hart s'est conformé au Règlement de la Chambre. La question a fait l'objet d'un débat à la Chambre et a été renvoyée à ce comité. Pourquoi revenir en arrière et s'interroger au sujet de M. Hart? Il est un député parmi les 295 qui siègent à la Chambre des communes. Pourquoi le poursuivons-nous?

Le président: Monsieur Frazer, j'ai écouté votre rappel au Règlement. À mon avis, vous ne pouvez pas... À moins qu'il n'y ait aucun rapport entre les questions de M. Bellehumeur et le communiqué...

M. Frazer: Mais quel rapport y a-t-il? Expliquez-moi où est le rapport.

Le président: Si vous invoquez le Règlement, c'est que vous ne jugez pas ces questions recevables ou appropriées.

M. Frazer: Exactement.

Le président: Autrement dit, vous considérez que ces questions au sujet de la note du président de la Chambre ne sont pas appropriées parce que la Chambre a décidé qu'il existait une présomption suffisante.

M. Frazer: Si j'ai bien compris, on se demande dans quelle mesure l'accusation de M. Hart était justifiée. C'est de cela qu'il s'agit. Cela a déjà été établi. Cent cinquante-huit députés ont décidé de renvoyer l'affaire en comité pour étude. Pourquoi poursuivre M. Hart pour déterminer si...

Le président: Mais il faut considérer que nous sommes en comité.

M. Frazer: Exactement, mais pourquoi poursuivre M. Hart pour déterminer quel est son état d'esprit? Cela n'a pas d'importance. On nous a demandé d'étudier la question.

[Français]

M. Bellehumeur: Monsieur le président, sur cette question...

[Traduction]

Le président: Voilà le sujet du rappel au Règlement de M. Frazer.

[Français]

M. Bellehumeur: Oui. Premièrement, c'est le témoin qui est présentement devant nous,M. Hart, qui a fait état de cette note du Président pour, entre autres, expliquer les délais. Je pense que les délais entre le communiqué et la question de privilège sont extrêmement importants et font partie de notre mandat. S'il ne sait pas où je m'en vais, il n'a qu'à me suivre, parce que moi je sais où je m'en vais. Vous verrez, monsieur le président, que les délais sont inexplicables et résultent de la mauvaise foi du député qui a volontairement induit la Chambre en erreur. C'est la preuve que je veux faire ce matin et il ne m'empêchera pas de faire cette preuve parce que ça fait partie du mandat. À cet égard, la question que soulève présentement le député est complètement inacceptable.

[Traduction]

Le président: Monsieur Frazer, sur le même sujet.

M. Frazer: Le président de la Chambre a déjà établi que la chronologie n'avait pas d'importance. Pourquoi y revenir?

[Français]

M. Bellehumeur: Prima facie...

[Traduction]

Le président: Chers collègues, chers collègues.

M. Frazer: Il a complètement écarté cet aspect-là. Dans ces conditions, faisons le travail qu'on nous a demandé de faire.

Le président: Excusez-moi, mais essayons de rester calmes et de travailler dans l'ordre.

Monsieur Langlois, sur la même question.

[Français]

M. Langlois: Le Président a rendu une décision disant qu'il y avait prima facie une question de privilège. Nous ne sommes plus à la considération prima facie, nous débattons le mérite de la question. C'est le moment de faire la preuve. La Chambre a reconnu qu'il y avait prima facie matière à question de privilège à la suite des représentations de M. Hart.

Nous sommes en train de l'interroger sur 78(1) du code de procédure pour voir s'il y a vraiment quelque chose. Il est à deux doigts d'être déclaré témoin hostile et on voudrait nous empêcher de continuer. Un instant. Nous ferons notre preuve au mérite. Me Bellehumeur a très bien débuté et je pense que la meilleure façon, c'est de laisser le témoin, qui est en boîte actuellement, continuer dans la boîte pour qu'il réponde aux questions que Me Bellehumeur veut lui poser sur le mérite de la question. La preuve est de toute évidence directement reliée à toute la question du communiqué. Mais nous, on étudie au mérite.

[Traduction]

Le président: Monsieur Frazer, je vous ai déjà écouté à deux reprises.

M. Frazer: J'invoque toujours le Règlement, monsieur le président.

Le président: Je comprends, mais les députés de la majorité n'ont pas encore donné leur opinion sur ce rappel au Règlement. Nous avons eu l'opinion du Parti réformiste, celle, à deux reprises, du Bloc, et maintenant j'aimerais entendre l'opinion du parti de la majorité.

.1200

M. Boudria: Je le répète, monsieur le président, nous assistons ici à un échange qui ne devrait pas avoir lieu dans ce comité. Nous entendons des questions qui vont assez loin, je suis le premier à le reconnaître, mais d'un autre côté, quand M. Langlois dit que M. Hart est à la barre des témoins, je ne pense pas que ce soit justifié dans le cadre des travaux d'un comité. Il faut trouver un juste milieu. Le président de la Chambre a établi que la question de privilège était fondée sur une présomption suffisante.

Lorsque nous avons voté à la Chambre, ce n'était pas pour déterminer s'il existait ou non une question de privilège. Si nous avons voté, c'est pour renvoyer cette affaire à ce comité pour étude. Une fois le comité saisi de l'affaire, c'est à nous de déterminer si la nature de l'accusation - quand je parle d'«accusation», c'est dans le sens parlementaire du mot, parce que cela s'est fait à la Chambre des communes - était valide, et nous devrons ensuite faire un rapport à la Chambre.

Notre tâche à tous est donc de recueillir des informations auprès d'un témoin comparaissant devant un comité parlementaire, et non pas auprès d'un témoin témoignant à la barre. D'autre part, nous devons recueillir le plus d'informations possible pour déterminer si la question de privilège qui a été renvoyée à ce comité par un vote de la Chambre était appropriée. Je le répète, la Chambre n'a pas voté sur la validité de la question, mais uniquement pour confirmer la décision du président de renvoyer l'affaire à ce comité. Il est donc peut-être nécessaire de poser des questions qui vont loin, mais nous pouvons très bien faire notre travail sans aller jusqu'à une interaction entre accusateur et accusé.

Ces questions me semblent donc justifiées, d'autant plus que la même personne a déclaré il y a peu de temps que c'est à cause d'une note de la personne qui présidait qu'elle avait attendu pour prendre certaines mesures. Ce sont ces mesures qui ont finalement porté la question à l'attention de la Chambre. Peut-être pourrions-nous nous calmer tous quelque peu et essayer d'obtenir ces informations.

Le président: Le président juge que ces questions sont acceptables. Nous sommes ici pour discuter au moins des informations qui ont fait surface, et je considère que les questions deM. Bellehumeur sont justifiées et qu'il peut continuer.

Chers collègues, j'espère que nous réussirons à éviter les écueils de la procédure pour nous intéresser au fond de cette affaire, du moins avec M. Hart et M. Jacob. J'essaie d'appliquer les règles dont nous avons convenu tous ensemble. Je pense que cela est acceptable. Cela a un rapport direct avec le communiqué, et le comité a tout intérêt à savoir ce qui a poussé M. Hart à amener les choses jusqu'à ce point.

Le président de la Chambre a décidé qu'il y avait une présomption suffisante, mais il revient à ce comité de prendre une décision définitive en ce qui concerne la violation de privilège.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Bellehumeur: Je vous ferai remarquer, monsieur le président, que je n'ai utilisé que 30 secondes. Le reste du temps a servi à des commentaires de part et d'autre. Je n'aimerais pas qu'on m'impute ce temps-là.

Monsieur Hart, vous n'avez pas répondu à ma question. À partir du 21 novembre, et à la suite de l'invitation du Président de la Chambre à consulter des experts, avez-vous consulté des experts, des avocats, des procureurs, tous ceux que vous vouliez consulter?

[Traduction]

M. Hart: Monsieur le président, dans mon discours du 21 novembre, j'ai simplement dit que M. Jacob, le député de Charlesbourg, devrait réfléchir à l'article 62. Mon discours ne portait ni surM. Jacob, ni sur cette affaire. Il s'agissait d'une tout autre chose, et j'ai parlé ensuite du sujet dont nous discutions à la Chambre ce jour-là.

Je n'ai pas pris la note du président de la Chambre pour un ordre. Je suis certain que le président me l'a envoyée avec de très bonnes intentions, et on ne me donnait pas l'ordre de consulter quelqu'un. Pendant que j'attendais que le gouvernement du Canada prenne des mesures - et j'y ai déjà fait allusion - il s'est écoulé un certain temps parce que le ministre de la Défense nationale s'était déclaré choqué, ajoutant qu'il attendait un rapport du juge-avocat général, et qu'il consulterait le ministre de la Justice. C'est ce que nous attendions. Par conséquent, non, le président de la Chambre ne m'a jamais ordonné d'aller consulter qui que ce soit, et, à l'époque, je ne l'ai pas fait non plus.

.1205

[Français]

M. Bellehumeur: Ce que je comprends, c'est que vous avez porté des accusations le21 novembre, malgré les avertissements du Président.

[Traduction]

M. Hart: Non.

[Français]

M. Bellehumeur: Malgré les avertissements du Président, vous n'avez consulté aucun expert. C'est ce que vous venez de dire.

[Traduction]

M. Hart: Non, monsieur le président. Ce que j'ai dit, c'est que j'avais soulevé la question à la Chambre des communes, et, à l'époque, il ne s'agissait pas d'une accusation. Je suggérais au député de Charlesbourg de réfléchir à l'article 62 du Code criminel. Je ne portais pas la moindre accusation. C'était un discours dont le président de la Chambre m'a félicité ensuite dans une note personnelle.

[Français]

M. Bellehumeur: Le 21 novembre vous disiez, et je cite:

[Traduction]

M. Frazer: Rappel au Règlement, monsieur le président.

[Français]

M. Bellehumeur: J'aimerais qu'on me laisse finir, monsieur le président. Ça fait mal.

[Traduction]

Le président: Rappel au Règlement.

M. Frazer: Monsieur le président, je ne désire pas contester votre dernière décision. J'aimerais que vous demandiez à notre expert, M. Maingot, de considérer ce que je vais dire et d'aviser le comité de sa réaction.

Nous connaissons la position de M. Hart. Il a porté une accusation à la Chambre des communes, il a établi qu'il y avait une présomption suffisante, qu'à première vue la question était bien fondée, et la Chambre a été d'accord et a donc renvoyé la question à ce comité. Ses relations avec M. Jacob ou toute autre personne n'ont aucune pertinence ici. Nous, les membres du comité, avons le mandat de considérer si les propos de M. Jacob dans son communiqué constituent un affront au Parlement ou non. Ce que dit M. Hart maintenant n'a pas vraiment d'importance; il a présenté son argument. Il est un des 295 députés à la Chambre des communes, et il lui a présenté une opinion. Les 294 autres députés doivent maintenant décider s'il a raison ou s'il a tort. Donc, allons-y.

Le président: Merci, monsieur Frazer.

Je ne veux pas discuter de notre collègue ici, mais M. Maingot...

[Français]

M. Bellehumeur: Sur ce rappel au Règlement, monsieur le président, avant de donner la parole à l'expert...

[Traduction]

Le président: Un instant, un instant.

[Français]

M. Bellehumeur: C'est une question de délais, et les délais sont importants, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Pardon, monsieur Bellehumeur. C'est la greffière qui tient la liste, et je sais, chers collègues, que je vois...

Michel, s'il vous plaît attendez votre tour. Nous essayons de tenir une liste.

Monsieur Milliken, vous avez la parole pour ce rappel au Règlement.

M. Milliken (Kingston et les Îles): Permettez-moi d'abord de dire que ces interruptions deM. Frazer sont tout à fait injustes. Vous avez déjà déclaré que les questions posées au comité parM. Bellehumeur sont recevables. Nous devons donc permettre que ces questions soient posées de façon méthodique. Ces interruptions sont injustes.

Il se peut que les réponses ne soient pas pertinentes, mais le comité pourrait décider cela après avoir entendu le témoignage.

M. Frazer: Mais cela pourrait prendre toute la semaine.

M. Milliken: Oui, cela pourrait prendre un peu de temps, mais c'est mieux que de gaspiller du temps pour ces questions de procédure.

Deuxièmement, le témoin a dit lui-même dans son témoignage de mardi que le gouvernement aurait fait traîner la question, que la question était très importante, et que le gouvernement ne faisait rien. M. Bellehumeur souligne donc que si la question était tellement importante...

M. Frazer: Monsieur le président, tout cela n'a aucun rapport avec la question. Nous avons l'accusation devant nous.

M. Milliken: À l'ordre!

Le président: Pardon. À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Milliken: M. Bellehumeur souligne - et je crois qu'il a le droit de le faire - que si la question était tellement importante, pourquoi M. Hart n'a-t-il pas fait quelque chose plus tôt? D'après moi, son témoignage contredit ses propos d'aujourd'hui.

Je comprends pourquoi on pose ces questions, et j'aimerais bien entendre les réponses.Le président a déjà tranché. Franchement, j'estime que ces interruptions ne font que déranger les travaux du comité, et sont tout à fait injustes et incorrectes.

Monsieur le président, j'aimerais que vous déclariez les questions recevables et qu'on entende le témoignage. Plus tard, nous pourrons décider ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas.

.1210

Le président: Je ne suis pas tout à fait sûr que cela est un nouveau rappel au Règlement. Mais par politesse envers vous, monsieur Frazer... Vous avez demandé un commentaire de M. Maingot. M. Maingot indique qu'il est prêt à nous faire un bref commentaire, après quoi nous reviendrons àM. Bellehumeur.

M. Joseph Maingot (expert-conseil auprès du comité): Monsieur le président, pour ce qui est de la question soulevée par M. Frazer, qui porte en un certain sens sur le rôle du comité, il est vrai que le président de la Chambre a déclaré qu'à première vue la question était bien fondée. Mais à première vue veut dire exactement cela - à première vue. C'est au comité de décider. Même si à première vue la question est bien fondée, c'est à vous, les membres du comité, de décider si on parle réellement d'une question de privilège. Voilà le but des questions.

M. Frazer: Est-ce que je peux quand même vous demander ce que cela a à voir avec la raison de cette décision de M. Hart? L'essentiel, c'est qu'il a porté l'accusation, et la Chambre était d'accord et nous a renvoyé la balle. Quelle est la pertinence du raisonnement de M. Hart dans toute cette question?

M. Maingot: Ce n'est pas à moi de répondre à cette question.

M. Frazer: Non, mais c'est pour cela que je vous demande si c'est pertinent, parce qu'à mon avis, ce ne l'est pas.

Le président: En ma qualité de président, je décrète que M. Bellehumeur peut continuer de poser ses questions. À mon avis, il ne s'agit pas d'un nouveau rappel au Règlement.

[Français]

M. Bellehumeur: Encore une fois, monsieur le président, j'espère que vous tenez compte de mon temps et m'en accorderez un peu plus que d'habitude parce qu'on me coupe.

[Traduction]

Le président: D'accord.

[Français]

M. Bellehumeur: Monsieur Hart, confirmerez-vous que vous assistiez aux séances du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, aux côtés de M. Jacob, le 28 novembre et les 5, 6, 12 et 13 décembre 1995, comme l'indiquent les procès-verbaux, et que ces rencontres ont duré en moyenne une heure ou une heure et demie? Est-ce vrai ou y a-t-il des erreurs dans les procès-verbaux?

[Traduction]

M. Hart: Est-ce que je pourrais voir ces documents?

[Français]

M. Bellehumeur: Avez-vous siégé au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants le 28 novembre et au mois de décembre? Vous devriez le savoir sans vérifier les procès-verbaux.

[Traduction]

M. Hart: Monsieur le président, cette question que j'ai soulevée, qui était la première deM. Bellehumeur, le 21 novembre me prouve, et c'est d'ailleurs dans mon témoignage, que j'avais cette histoire à l'esprit et qu'elle me préoccupait. J'attendais que le gouvernement fasse quelque chose. Le gouvernement a bien dit qu'il ferait quelque chose.

M. Bellehumeur: D'accord.

M. Hart: Nous avons attendu. Jusqu'à ce jour, les Canadiens n'ont toujours pas entendu parler leur gouvernement.

Monsieur le président, si je puis poursuivre...

[Français]

M. Bellehumeur: Ce n'est pas la question. En novembre et décembre, vous avez siégé avecM. Jacob; c'est inscrit dans les procès-verbaux. Et vous n'avez pas cru assez important de saisir le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants des accusations que vous vouliez porter contre M. Jacob. Est-ce vrai?

[Traduction]

M. Hart: Je ne vois pas à quoi il veut en venir. J'ai participé aux travaux du comité. J'avais du travail à faire pour mes commettants.

[Français]

M. Bellehumeur: Eh, bien!

[Traduction]

Le président: Permettez au témoin de répondre à cette question.

M. Hart: Je participais au comité à titre de porte-parole en matière de défense pour le Parti réformiste du Canada. Le cas de M. Jacob, le député de Charlesbourg, ne se trouvait pas à l'ordre du jour. Absolument pas. Non, je n'ai pas saisi le comité de cette question à ce moment-là. J'attendais que le gouvernement agisse.

[Français]

M. Bellehumeur: Je vais vous rafraîchir la mémoire concernant le 12 mars 1996, 134 jours après le communiqué du 26 octobre, afin de démontrer prima facie que vous aviez raison. Vous disiez, en parlant de M. Jacob et de l'honorable chef de l'Opposition de l'époque,M. Lucien Bouchard:

Si le 12 mars vous vous demandiez si cela était prudent, pourquoi ne pas avoir soulevé, lors des cinq ou six séances de novembre et décembre, cette importante question, alors que vous siégiez avec M. Jacob?

[Traduction]

M. Hart: Monsieur le président, cette question était très importante. Cette histoire me trottait dans la tête. Elle préoccupait aussi beaucoup de Canadiens, y compris M. Boudria, le whip du gouvernement, dont les journaux ont cité les propos et qui disait que c'était une question très sérieuse, frisant la mutinerie.

.1215

Le ministre de la Défense et les médias ont même renchéri, disant combien c'était bouleversant et urgent.

Étant membre du troisième parti en importance à la Chambre des communes, je ne pensais pas, à l'époque, qu'il me revenait de poser des gestes. J'espérais que le gouvernement du Canada, au nom du peuple canadien, s'attaquerait à cette question extrêmement sérieuse.

[Français]

M. Bellehumeur: Je comprends que vous laissiez faire parce que vous ne jugiez pas que c'était assez important à l'époque. Pourtant, monsieur Hart, lorsqu'il y a urgence, une urgence nationale comme vous dites présentement, quand on accuse quelqu'un de sédition, comme vous le faisiezle 12 mars, on n'attend pas après le gouvernement. On prend les devants comme vous l'avez faitle 12 mars. Pourquoi avez-vous attendu au 12 mars?

[Traduction]

M. Hart: J'attendais le gouvernement. J'attendais que le gouvernement agisse.

[Français]

M. Bellehumeur: Ou vous attendiez la venue des élections partielles du 25 mars.

[Traduction]

M. Hart: Ridicule!

[Français]

M. Bellehumeur: Une autre question, monsieur Hart. Avez-vous pris connaissance de la question référendaire du Québec?

[Traduction]

M. Hart: Monsieur le président, qu'est-ce que cela peut bien avoir à voir avec ce dont nous sommes saisis?

Le président: C'est son temps de parole. C'est lui qui pose les questions. Je suis ici pour décider de l'à-propos des questions.

M. Hart: Tous les Canadiens connaissaient la question référendaire.

[Français]

M. Bellehumeur: En avez-vous pris connaissance?

M. Hart: Oui.

M. Bellehumeur: Je vais vous la lire parce que je pense que vous ne l'avez pas comprise.

Est-ce la même question que celle dont vous aviez été saisi?

[Traduction]

M. Hart: Monsieur le président, je ne suis pas un témoin expert dans les domaines de la question référendaire, du référendum ou du projet de loi no I, et tout le reste. Je ne peux pas répondre aux questions touchant ces sujets, et je ne vois pas pourquoi j'aurais à le faire. Cela n'a rien à voir avec la question dont nous sommes saisis.

[Français]

M. Bellehumeur: Avez-vous pris...

[Traduction]

M. Ringma: Un rappel au Règlement, monsieur le président.

[Français]

M. Bellehumeur: Veuillez arrêter mon temps, monsieur le président.

[Traduction]

M. Ringma: J'ai fait preuve d'une patience d'ange jusqu'ici, monsieur le président, mais voici mon rappel au règlement. Ce discours que l'on nous fait subir sous prétexte de poser une question au témoin est contraire au règlement. Soulever des questions comme l'élection partielle et le libellé de la question du référendum du 30 octobre est tout simplement une ruse dont use le Bloc pour saisir le comité de ces questions. Ces gens devraient trouver une autre arène pour faire valoir ces questions plutôt que d'essayer de se servir du témoin pour nous rappeler quelle était la question poséele 30 octobre. Cela n'a rien à voir avec notre témoin à ce moment-ci. Peut-être tout cela serait-il pertinent plus tard. Le Bloc est tout à fait libre de faire comparaître un autre témoin pour lui poser toutes ces questions.

Le président: Les membres du comité auraient peut-être des conseils à me donner, mais au risque d'infléchir un peu les règles de procédure du comité...

Monsieur Ringma, je pense que le comité, si jamais il arrive à l'étape du rapport, pourra déterminer la pertinence ou le manque de pertinence de certaines questions qui ont été posées.

Je ne veux pas préjuger de vos questions, monsieur Bellehumeur, mais je suppose que vous allez établir un lien avec le communiqué. Sinon, je pense que vous conviendrez que cela dépasse votre terrain d'entente avec M. Ringma.

[Français]

M. Bellehumeur: S'il me donne la chance de finir, j'arrive au communiqué. Ça ne prendra pas de temps. Puis-je continuer?

[Traduction]

Le président: S'il n'y a pas d'autres interventions sur ce rappel au Règlement, je vais décider, monsieur Ringma, que M. Bellehumeur pourra terminer les quelques questions qui restent.Si M. Hart ne veut pas y répondre, s'il estime qu'il n'y a pas de rapport avec le sujet, le comité pourra en tenir compte au moment où il soupèsera le témoignage.

Veuillez continuer.

[Français]

M. Bellehumeur: C'était là la question référendaire. Si vous l'aviez lue, vous auriez vu qu'on faisait référence à la Loi sur l'avenir du Québec et à l'entente du 12 juin 1995. Avez-vous pris connaissance, avant de porter vos accusations, du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin?

[Traduction]

M. Hart: Je ne m'en souviens pas.

[Français]

M. Bellehumeur: Vous ne vous en souvenez pas. Vous ne vous souvenez pas d'avoir lu le projet de loi sur l'avenir du Québec? L'avez-vous déjà lu?

[Traduction]

M. Hart: J'y ai peut-être jeté un coup d'oeil.

.1220

[Français]

M. Bellehumeur: Avez-vous vu, en jetant votre coup d'oeil, une référence directe à l'Armée québécoise ou à la défense, à l'article 17 du projet de loi sur l'avenir du Québec? Vous en souvenez-vous?

[Traduction]

M. Hart: Pourriez-vous me le lire?

[Français]

M. Bellehumeur: Avez-vous vu:

Est-ce que votre coup d'oeil a porté sur cet article-là?

[Traduction]

M. Hart: J'ai l'impression qu'à l'époque je pensais que c'était anticonstitutionnel. Je ne crois pas qu'il existe une province canadienne qui soit habilitée à prendre cette décision.

[Français]

M. Bellehumeur: À quelle époque? Quand avez-vous dit cela?

[Traduction]

M. Hart: Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas. Je ne crois pas... Voyez-vous, le communiqué disait: «Au lendemain d'un oui.»

[Français]

M. Bellehumeur: Dans l'entente du 12 juin, monsieur Hart, à laquelle la question référendaire fait également référence, on dit et je cite, parce que je suis assuré que votre coup d'oeil ne vous a pas amené à ce paragraphe:

[Traduction]

M. Hart: Je vous réponds que je crois l'avoir lu.

[Français]

M. Bellehumeur: Vous aviez vu cela.

[Traduction]

M. Hart: Je ne sais pas quand exactement.

[Français]

M. Bellehumeur: Le communiqué, d'après vous, en votre âme et conscience, devait-il être interprété dans le contexte de tout ce qui se passait au niveau du référendum, de la loi, de la question référendaire et de l'entente du 12 juin 1995?

Selon vous, devait-on lire ce communiqué dans le contexte de ces documents?

[Traduction]

M. Hart: Monsieur le président, ma responsabilité en tant que parlementaire et représentant de mes électeurs d'Okanagan - Similkameen - Merritt est de rester à l'écoute de leurs préoccupations et des préoccupations des citoyens canadiens et de m'en faire le porte-parole.

Monsieur le président, il est bien clair que la motion que j'ai présentée à la Chambre des communes exprime l'opinion de la Chambre. Je demande encore que la motion exprime l'avis de la Chambre.

J'estime effectivement que c'était offensant et que cela se rapprochait d'une infraction prévue au Code criminel. C'était très près de la sédition. C'est l'opinion de bien des Canadiens.

Alors je ne comprends pas où l'on veut en venir. Je suis tout à fait disposé à répondre aux questions du comité, mais si vous voulez aborder le droit constitutionnel, je ne suis pas un spécialiste; je suis un simple Canadien et je ne peux pas répondre à ces questions.

[Français]

M. Bellehumeur: Selon vous, monsieur Hart, les membres de l'Armée canadienne, les militaires québécois auxquels fait référence le communiqué, non seulement les francophones comme vous le disiez à l'époque, mais les militaires québécois, ces citoyens à part entière qui ont le droit de vote, le droit de s'exprimer lors d'un référendum et d'une élection, qui lisaient la question référendaire...

Pensez-vous qu'un homme raisonnable, un citoyen à part entière, qui prend le temps de lire le projet de loi sur l'avenir du Québec, l'entente du 12 juin 1995 et le communiqué, accuserait M. Jacob de sédition, l'accuserait de ne pas faire son devoir de parlementaire? Selon vous, un homme raisonnable ferait-il ces accusations?

[Traduction]

Le président: Monsieur Hart, vous pouvez répondre à ces questions comme vous le voulez.

M. Hart: Eh bien, monsieur le président, je répéterai simplement que des personnes raisonnables dans tous les coins du Canada ont fait exactement cela.

Prenons le personnel des Forces armées du Canada. Ce serait bien intéressant, je suppose, de savoir s'ils ont tous lu le projet de loi no l, la question et le communiqué et comment ils situaient cela dans le contexte. Mais peut-être qu'ils ne l'ont pas fait. Et comment ces gens ont-ils interprété le communiqué?

.1225

Si un membre des Forces armées du Canada qui est également séparatiste recevait le communiqué, il devrait le comparer avec le serment d'allégeance qu'il a prêté à son pays. C'est la position que j'ai adoptée.

Un membre des Forces armées du Canada qui n'est pas séparatiste écarterait probablement le communiqué tout de suite. Mais en même temps il se poserait sans doute des questions au sujet de la dignité de la Chambre des communes, qui est associée à deux messages tout à fait opposés, le serment d'allégeance prêté en vertu de la Loi sur la défense nationale du Canada, et le communiqué à l'en-tête de l'Opposition officielle à la Chambre des communes - je reconnais que ce n'était pas autorisé, mais cela vient quand même de la Chambre des communes. Voilà ce que j'ai dit.

Or, les séparatistes qui font partie des Forces armées du Canada sont vulnérables - je répète, vulnérables - s'ils reçoivent un communiqué semblable. C'est cela qui m'inquiète. C'est pour cette raison que j'ai soulevé la question et que je continue de le faire au nom de millions de Canadiens de tout le pays.

Le président: Merci, monsieur Hart.

M. Frazer: Merci, monsieur le président.

M. Bellehumeur a demandé si M. Hart avait lu la question référendaire et le projet de loi qui l'a précédée. On pourrait se poser cette question au sujet de tous les membres des Forces armées, et se demander s'ils connaissaient la situation aussi bien que M. Bellehumeur pense qu'ils auraient dû.

Je voudrais demander à M. Hart de répondre à certaines citations. La première provient deM. Collenette, ministre de la Défense nationale, qui disait dans le Toronto Sun le 4 novembre:

Connaissez-vous cette remarque, monsieur Hart?

M. Hart: Oui.

M. Frazer: Le ministre a dit par la suite dans le Toronto Sun du 8 novembre:

Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur Hart?

M. Hart: Oui.

M. Frazer: Ensuite, dans le Toronto Star du 11 novembre 1995, on lit:

Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur Hart?

M. Hart: Oui.

M. Frazer: M. Boudria a dit dans le Toronto Sun du 4 novembre:

Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur Hart?

M. Hart: Oui.

M. Frazer: Dans le même article du Toronto Sun du 4 novembre, M. Boudria disait:

Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur Hart?

M. Hart: Oui.

M. Frazer: D'après le hansard du 12 mars 1996, M. Derek Lee a dit:

Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur Hart?

M. Hart: Oui.

M. Frazer: M. Lee disait plus tard le même jour:

Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur Hart?

M. Hart: Oui.

M. Frazer: Enfin, le Manuel libéral sur la politique étrangère de 1993 dit:

Êtes-vous au courant de cette affirmation?

M. Hart: Oui.

M. Frazer: Monsieur le président, j'ai terminé mes questions.

Le président: Merci.

Monsieur Bellehumeur, vous invoquez le Règlement?

[Français]

M. Bellehumeur: Oui, un rappel au Règlement. Je viens d'entendre le député réformiste poser des questions à M. Hart et je me demande qui témoigne. Là c'est une narration, et l'autre ne fait que dire oui ou non. On n'est pas ici pour entendre une narration. S'il veut déposer des documents, il les déposera. Je suis capable de les lire. J'aimerais que le témoin s'exprime lui-même et qu'on ne lui mette pas les réponses dans la bouche. De toute façon, ça ne vaut à peu près rien et on a autre chose à faire. Oui et non, ça ne vaut rien. Qu'il explique clairement ce qu'il veut dire.

[Traduction]

Le président: Votre rappel au Règlement est irrecevable.

Monsieur Frazer, il vous reste encore du temps. Voulez-vous vous en servir, ou aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Frazer: Non.

Le président: D'accord. Le suivant sur ma liste est M. Milliken.

M. Milliken: Monsieur Hart, vous avez déclaré dans votre témoignage que vous avez déjà été membre des Forces armées canadiennes.

M. Hart: C'est exact.

M. Milliken: Qu'est-ce que vous y faisiez?

.1230

M. Hart: Monsieur le président, je me suis enrôlé dans les Forces armées canadiennes en 1973. J'étais électricien marin. J'ai servi à bord de trois destroyers d'escorte, le navire canadien de Sa Majesté Gatineau, le navire canadien de Sa Majesté Yukon et le navire canadien de Sa Majesté Qu'Appelle.

M. Milliken: Pendant combien d'années avez-vous servi dans les Forces armées?

M. Hart: J'ai servi pendant cinq ans dans la force régulière. J'ai servi aussi dans la force de réserve des Forces armées canadiennes. En 1988, j'ai reçu ma commission d'officier. J'ai servi dans la force de réserve pendant cinq ans. J'étais commandant de l'escadron 902 des cadets de l'Aviation royale du Canada, stationné à Summerland, en Colombie-Britannique. Au total, j'ai donc servi pendant 10 ans.

M. Milliken: Merci beaucoup.

Dans votre témoignage de mardi, vous avez dit, et je vous ai déjà cité, mais je n'avais pas alors le texte exact devant moi, que le communiqué obligeait les membres des Forces armées canadiennes à décider en faveur d'un côté ou de l'autre dans le débat sur la sécession. Dans votre témoignage d'aujourd'hui, je pense que vous avez apporté des précisions à ce sujet. Est-ce exact?

Je ne voudrais pas faire ce qui déplaît tellement à M. Bellehumeur et vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais pensez-vous que les membres des Forces armées canadiennes qui ne sont pas souverainistes auraient tout simplement rejeté ce communiqué comme étant du charabia?

M. Hart: Je pense qu'ils auraient été moins vulnérables au message du communiqué. Mais je crois qu'il a eu quand même un effet sur les membres des Forces armées canadiennes qui ne sont pas souverainistes, en raison du message qu'il transmettait.

Dans un contexte militaire, le moral et la discipline sont d'importance primordiale, et ce message aurait créé de l'incertitude et de la confusion dans l'esprit des membres des Forces armées canadiennes. Il ne faut pas oublier que beaucoup de ces...

M. Milliken: Vous dites donc que cela a créé de la confusion dans l'esprit des gens, et non pas dans les Forces armées elles-mêmes.

M. Hart: Non, je parle du personnel lui-même. Il ne faut pas oublier que beaucoup des gens concernés sont très jeunes, n'ayant que 17, 18 ou 19 ans. C'est cela qui m'inquiète.

M. Milliken: Vous vous inquiétez qu'ils se sentent obligés de prendre parti dans le débat sur la sécession. Ne pensez-vous pas que la position de presque tous les membres des Forces armées canadiennes sur la sécession est tout à fait claire, car ce sont des gens qui ont prêté serment d'allégeance?

M. Hart: Monsieur le président, c'est une question très importante. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles j'ai décidé d'en saisir la Chambre des communes.

Le problème, c'est que les membres des Forces armées canadiennes prêtent serment d'allégeance au Canada, ce qui est tout à fait normal. Mais c'est le seul groupe de gens qui s'engagent aussi à sacrifier leur vie pour le Canada, ce que les onze Casques bleus canadiens ont fait en Bosnie et en Croatie dans le cadre de la mission de la FORPRONU. Quand ils entendent un message contradictoire de la Chambre des communes, ils le remettent en question.

M. Milliken: Qu'est-ce qu'ils remettent en question?

M. Hart: Ils remettent en question le message venant de la Chambre des communes, et cela jette le discrédit sur la Chambre.

M. Milliken: Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que les membres des Forces armées canadiennes ne savent pas que le chef de l'opposition à l'époque était séparatiste?

M. Hart: Oui, et cela créerait encore plus d'instabilité au sein des Forces armées canadiennes.

M. Milliken: Si l'on suit votre raisonnement, il faut conclure que le fait que le chef de l'opposition soit séparatiste crée de l'instabilité partout. Je crois qu'on ne nierait pas cela. Mais le fait est qu'il est là. Je sais que cela crée de l'instabilité pour M. Bellehumeur aussi, mais les membres des Forces armées n'en seraient sûrement pas plus surpris que les autres Canadiens.

Certains d'entre nous sont très surpris de voir que les séparatistes sont toujours là, mais nous vivons avec cette réalité depuis déjà deux ans et demi. Cette situation ne plaît pas à certains d'entre nous. Je suis sûr qu'elle ne vous plaît pas, et votre parti ainsi que le mien ont exprimé leur mécontentement à la Chambre. Mais c'est la réalité. Ces gens ont été élus.

Ne pensez-vous pas que les membres des Forces armées canadiennes soient capables de distinguer entre un message qu'envoie quelqu'un qui est évidemment séparatiste et quelqu'un qui ne l'est pas? Ne pensez-vous pas qu'ils soient capables de comprendre qu'il s'agit d'un message d'un séparatiste, avec lequel ils sont profondément en désaccord et qu'ils considèrent absurde.

M. Hart: Monsieur le président, des témoins nous ont déjà dit, et d'autres le répéteront probablement, qu'il y a des séparatistes dans les Forces armées canadiennes. Ils ont tout à fait le droit d'en faire partie. Il faut être clair là-dessus. On peut être séparatiste et membre des Forces armées. Cela ne crée aucun problème pour moi. Cependant, une telle position est diamétralement opposée au serment d'allégeance qu'ils ont prêté au Canada.

.1235

M. Milliken: Vous dites donc qu'il y a un problème.

M. Hart: Permettez-moi de continuer, s'il vous plaît.

Si vous considérez les membres des Forces armées selon les mêmes critères que tous les autres Canadiens, votre argument est peut-être valable. Mais ce n'est pas le cas. Ils ne sont pas dans la même situation que tous les autres Canadiens, car ils doivent se conformer aussi à la Loi sur la défense nationale du Canada. Ce sont les seuls Canadiens qui un jour pourraient être obligés de sacrifier leur vie pour leur pays. Lors de la rédaction de l'article 62, les législateurs de la Chambre des communes en étaient très conscients. Tous les pays occidentaux démocratiques sont conscients d'ailleurs la nécessité de mettre leurs militaires à l'abri de ces influences.

Permettez-moi de continuer, car cette question est très importante.

M. Milliken: Non, un instant. Je dois vous interrompre, parce que c'est moi qui pose les questions, et je crois que vous me donnez la même réponse que j'ai déjà entendue.

N'oubliez pas qu'il y a une présence militaire importante dans ma circonscription. De temps en temps, j'ai visité la base au cours des événements que nous examinons ici.

Même si presque tout le monde était contre la décision que quelqu'un avait prise d'envoyer le communiqué, le fait est que, contrairement à ce que vous prétendez, aucun de ceux que j'ai rencontrés ne se sentait obligé de prendre parti dans le débat sur la sécession. Leur position était très claire: ils étaient Canadiens; ils avaient prêté un serment d'allégeance; ils avaient un devoir envers le gouvernement du Canada. C'était clair qu'ils savaient quel était leur devoir. Il va sans dire qu'ils n'appréciaient guère de recevoir un communiqué d'un député séparatiste, mais cela ne les a pas amenés à remettre en question leur loyauté au Canada. Ils ne se sentaient pas pour autant obligés de prendre parti dans ce débat sur la sécession, parce qu'ils le considéraient comme tout à fait absurde.

N'auriez-vous pas réagi de la même façon à ce communiqué si vous aviez été militaire à l'époque?

M. Hart: Monsieur le président, je ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit le député. Je tiens à dire tout d'abord que j'ai présenté des preuves que j'ai exhorté le comité à examiner. Il s'agit d'un reportage publié dans les médias selon lequel jusqu'à la moitié des cadets du Collège militaire royal de Kingston, qui se trouve d'ailleurs dans le comté de M. Milliken, avaient fait leurs bagages et étaient prêts à partir le lendemain d'une victoire du oui au référendum.

M. Milliken: Avez-vous lu cet article? Il dit qu'il y avait eu un reportage en ce sens. Quelqu'un aurait très bien pu téléphoner au journal pour dire que la moitié des cadets étaient prêts à partir, et le journal l'aurait publié. Après tout, les journaux publient n'importe quoi.

M. Hart: Je demande instamment au comité de saisir l'occasion de convoquer des témoins pour nous parler justement de cela.

M. Milliken: Monsieur Hart, si je téléphonais aux médias pour leur annoncer la fin du monde, et s'ils écrivaient un article en ce sens, pensez-vous qu'il faudrait qu'un comité parlementaire fasse enquête? La seule preuve que nous avons, c'est que cela a fait l'objet d'un reportage. J'aimerais savoir qui a fait ce reportage, car il n'est pas attribué à quelqu'un du collège qui pouvait savoir. Je peux assurer à l'honorable député que si la moitié des cadets avaient fait leurs bagages et étaient sur le point de partir, je l'aurais su.

Je suis en communication avec mes commettants. Ce n'est peut-être pas votre cas, monsieur Ringma, mais je me rends au CMR de temps en temps. Je pense que quelqu'un du collège m'aurait téléphoné pour m'avertir que la moitié des cadets étaient prêts à partir.

M. Hart: Monsieur le président, le député n'a jamais vu l'article avant aujourd'hui.

M. Milliken: Bien sûr que non. Il s'agit d'un journal peu connu.

M. Hart: Le Financial Post?

M. Milliken: Oui.

Le président: Avez-vous terminé, monsieur Milliken?

M. Milliken: Je vais terminer sur ce point.

Le président: D'accord. Chers collègues, il reste deux noms sur ma liste. Ensuite, nous en aurons terminé avec ce témoin. J'essaie de terminer la réunion à l'heure. Je donne la parole àMme Catterall, qui sera suivie par M. Langlois, et ce sera tout.

Mme Catterall (Ottawa-Ouest): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

M. Laurin (Joliette): Est-ce que vous déclarez de façon unilatérale et définitive que nous devrons en avoir fini avec le témoin après les deux prochains interrogatoires?

[Traduction]

Le président: Oui, car ce sont les deux seuls noms qui restent sur ma liste. Personne d'autre n'a demandé à intervenir. Ce sera Mme Catterall, suivie de M. Langlois.

[Français]

M. Laurin: Habituellement, chacun demande le droit de parole à son tour. Je ne pensais pas qu'il fallait le demander au début de l'assemblée. Moi aussi, j'aimerais intervenir. Dans les autres comités, on ne dit pas au président au début de la rencontre qu'on va peut-être parler à un moment donné. Je suis poli. Quand c'est mon tour, je lève la main.

.1240

[Traduction]

Le président: Je demande à Mme Catterall de bien vouloir prendre la parole. Si vous avez des questions, nous vous permettrons de les poser par la suite. Allez-y, madame Catterall.

Mme Catterall: Je veux commencer par revenir à la décision du président de la Chambre, car j'estime qu'il est important qu'elle soit consignée au compte rendu. Il y a une partie de la décision qui m'intéresse tout particulièrement.

Le président a fait allusion à une décision rendue par le président Michener, selon laquelle «la conduite d'un député ne devrait faire l'objet d'aucune enquête à moins qu'une accusation précise ne soit portée. Cette accusation précise doit être portée au moyen d'une motion de fond.» Plus loin, le président a cité la décision de M. Michener comme suit: «Je pense que les accusations portées contre un des nôtres sont tellement graves que la Chambre devrait se pencher sur celles-ci immédiatement.» Ensuite, il a invité le député, M. Hart, à présenter sa motion.

Je tenais à ce que ce passage soit consigné au compte rendu, car je trouve qu'il justifie l'étendue des questions qui sont posées au témoin. Il semble que cela n'était pas très clair.

La question dont nous sommes saisis porte sur deux députés au départ. L'un d'eux est M. Jacob, qui a publié un communiqué qui, il faut l'avouer, inquiète énormément presque tous les députés. L'autre, c'est M. Hart, qui a porté une accusation contre M. Jacob. Le comité examine donc les gestes posés par ces deux députés. Il se peut que notre rapport au Parlement porte sur les mesures prises par les deux députés.

Nous sommes saisis de l'accusation portée par M. Hart, et je veux examiner cela de nouveau. Il a déposé de nouveaux documents aujourd'hui, que malheureusement je n'ai pas ici. Cependant, lors de la dernière réunion, M. Hart a dit que les Forces armées canadiennes reçoivent leurs ordres du Parlement. Est-ce qu'il maintient toujours sa position?

M. Hart: Oui, je l'ai soutenue à nouveau aujourd'hui.

Mme Catterall: Très bien. Autrement dit, si les Forces armées doivent aller faire la guerre ou sont envoyées en mission de maintien de la paix, c'est le Parlement qui doit leur en donner l'ordre?

M. Hart: Non. Ce que je dis dans le témoignage que j'ai présenté aujourd'hui - et, si vous voulez, je peux reprendre le document et vous le lire - c'est qu'il est bien clair qu'il n'existe pas de séparation entre les pouvoirs exécutifs du gouvernement. Par conséquent, un gouvernement responsable - et j'ose espérer que c'est ce que nous avons bel et bien au Canada; c'est du reste l'impression que j'ai - fait partie du Parlement du Canada et ne sera donc pas séparé. La preuve en est la période des questions quotidienne: la Chambre des communes questionne le gouvernement.

Mme Catterall: La Chambre des communes questionne le gouvernement. La Chambre des communes ne profite pas de la période des questions pour donner des ordres au gouvernement ni aux Forces armées.

Je cite un extrait de votre témoignage où vous dites que «les Forces armées canadiennes reçoivent des ordres du Parlement». Le maintenez-vous toujours, malgré...

M. Hart: Le premier ministre du pays fait partie de la Chambre des communes. Permettez-moi d'apporter une autre explication. Le communiqué, à mon avis...

Mme Catterall: Je vous demande simplement de répondre par oui ou non. M. Hart maintient-il cette affirmation, bien que les Forces armées canadiennes soient allées en guerre au Moyen Orient, aient accompli d'importantes missions de maintien de la paix en ex-Yougoslavie, aient accompli d'autres missions de ce genre en Haïti sans en avoir reçu l'ordre du Parlement? Malgré cela, maintient-il cette affirmation? Oui ou non?

M. Hart: C'est l'exécutif qui envoie les troupes. En fait, le commandant en chef des Forces armées canadiennes est le gouverneur général du Canada. Le communiqué conteste l'autorité de l'exécutif du gouvernement fédéral sur les forces militaires canadiennes. Le communiqué a contesté l'autorité de la Chambre sur les forces militaires canadiennes. Le communiqué a contesté l'autorité de la Couronne sur les forces militaires canadiennes.

La Chambre des communes compte 295 députés, et il se peut qu'ils concluent qu'ils ne peuvent souscrire à ce communiqué ni à ce qu'il propose. Il se peut qu'ils concluent que l'intégrité de la Chambre a été bafouée.

.1245

Je vais maintenant citer les lois constitutionnelles de 1867 à 1982. La Couronne, en effet, contrôle tout:

À la Reine continuera d'être et est par la présente attribué le commandement en chef des milices de terre et de mer et de toutes les forces militaires et navales en Canada - par l'intermédiaire du gouverneur général au Canada...

J'ai une autre citation:

Mme Catterall: Monsieur le président, si vous le permettez...

M. Hart: Il n'y a pas de séparation selon la Constitution. C'est ce que j'ai dit dans mon témoignage.

Mme Catterall: Je crois comprendre que le témoin essaye de faire passer le temps dont je dispose en répétant des réponses sans répondre à la question. Bien sûr, c'est formidable d'avoir enfin l'occasion de poser une question, car les membres du parti gouvernemental n'en ont pas très souvent l'occasion à la Chambre des communes.

Pourrait-on me répondre par oui ou non? Maintenez-vous l'affirmation que vous avez faite dans votre témoignage devant le comité?

M. Hart: Oui.

Mme Catterall: Très bien, merci.

Eh bien, ce serait très intéressant pour les gens qui ont risqué leur vie pour le Canada sans la moindre direction du Parlement à différentes époques de l'histoire de notre pays, monsieur le président.

J'aimerais toucher un autre point. Dans votre document, vous disiez aussi - et vous l'avez également dit à la Chambre - que le communiqué a obligé les membres des Forces canadiennes «à prendre parti dans le débat sur la séparation». Vous avez aussi parlé de l'accusation que vous portez, selon laquelle le communiqué visait à amener les membres des Forces canadiennes à prendre parti dans le débat sur la séparation. Pouvez-vous m'indiquer le passage du communiqué où l'on demande de prendre parti dans le débat sur la séparation qui avait alors lieu?

M. Hart: C'est ce qu'on dit après le oui.

Mme Catterall: Pardon?

M. Hart: On dit qu'après un oui, ils pourront se rallier aux forces armées du Québec.

Mme Catterall: Où leur demande-t-on de prendre parti dans le débat? Rappelez-vous, c'était trois jours avant le référendum. On leur demandait soi-disant de prendre parti - pour reprendre vos propos - dans le débat.

M. Hart: Avez-vous pris parti?

Mme Catterall: C'est sans intérêt. Ce que je demande, c'est quel passage du communiqué vous a amené à porter cette accusation?

M. Hart: Il me semble bien évident que tout le monde au Canada a pris parti au cours du débat sur la séparation. Ne l'avez-vous pas fait? Moi je l'ai fait.

Mme Catterall: Monsieur le président, le témoin a porté une importante accusation devant la Chambre et devant le comité. J'ai la responsabilité à titre de membre de ce comité d'essayer d'établir si cette accusation est fondée ou non, et sur quoi.

Je reviens à la décision du président de la Chambre. C'est pourquoi cette affaire nous est soumise. Parce qu'une accusation est portée par un député contre un autre, j'ai l'obligation d'essayer d'établir si cette accusation est justifiée ou non et s'il y avait lieu ou non de porter cette accusation.

Je demande au député de bien vouloir m'aider, parce qu'en tant que membre du comité j'ai une grave responsabilité, et de m'indiquer où dans le communiqué on demande aux membres des Forces armées de prendre parti dans le débat. La question est simple.

M. Hart: Monsieur le président, je dirais que tout le communiqué invite les membres des Forces armées canadiennes à prendre parti - tout le communiqué.

Mme Catterall: On les invite à faire un choix dans le débat, à choisir entre le oui et le non.

M. Hart: C'est bien certain. Tout le monde au Canada devait faire ce choix. L'erreur a été d'envoyer le communiqué...

Mme Catterall: Tout le monde au Canada devait faire ce choix, et je n'avais pas besoin de recevoir un communiqué pour m'y aider. Je demande précisément comment ce communiqué, à votre avis, invitait-il les membres des Forces armées à «prendre parti dans le débat sur la séparation».

M. Hart: Monsieur le président, j'ai dit dans mon témoignage, et je le maintiens, que le communiqué envoyait un message direct et contradictoire aux membres des Forces armées canadiennes. D'une part - et je vais le répéter - il y a ce document, le serment d'allégeance au Canada, en vertu duquel les membres des Forces armées canadiennes prêtent serment d'allégeance au Canada. Ils le font conformément à la Loi sur la défense nationale, qui relève du Parlement du Canada. Le communiqué, qui portait l'en-tête de l'Opposition officielle de Sa Majesté au Canada - je l'ai ici - contenait un message totalement opposé à l'esprit de la Loi sur la défense nationale et au serment d'allégeance que ces soldats, ces marins et ces aviateurs ont prêté. C'est tout le communiqué qui m'apparaît être un affront. Je demande à la Chambre - à vous et aux autres membres de la Chambre des communes - d'en juger. C'est aussi simple que cela.

.1250

Est-ce pour vous un affront, madame Catterall?

Mme Catterall: Monsieur le président, j'ai déjà fait connaître mes vues de fervente Canadienne au sujet de ce communiqué. Quant à savoir si cela constitue pour moi un affront, ce n'est pas ce dont le comité a à traiter.

Manifestement, je ne vais pas obtenir de réponse à cette question, et c'est pourquoi je demanderais...

M. Hart: C'est pour moi un affront.

Mme Catterall: ... que les délibérations du comité montrent que M. Hart n'a pas fourni de renseignements qui justifient cet aspect particulier de l'accusation qu'il a faite devant le Parlement.

M. Hart: C'est pour moi un affront.

Mme Catterall: C'est la seule conclusion que je puisse tirer.

M. Hart: Monsieur le président, j'aimerais mettre de l'avant- et cela me semble important, et je l'ai devant moi - la motion qui est venue de la Chambre des communes. Il a été ordonné,le 18 mars 1996, que la question suivante soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre:

Je ne vois pas l'à-propos de bon nombre de vos questions.

Mme Catterall: C'est simplement que le communiqué et les questions y ayant trait sont renvoyés au comité, et que conformément à la décision du président de la Chambre une grave accusation a été portée, et le comité doit se pencher sur cette accusation.

J'essaye de comprendre la nature de l'accusation et le bien-fondé de cette accusation que vous avez faite à la Chambre.

M. Hart: C'est bien clair. Il est dit: «de l'avis de la Chambre». Pour moi, c'était un affront.Et qu'est-ce que les autres députés...? C'était ce que vous aviez à faire, convoquer des témoins et voir ce que d'autres personnes en pensaient.

Mme Catterall: Monsieur le président, je ne veux pas susciter une controverse au comité. J'essaye de donner à mon collègue l'occasion de faire connaître publiquement ses vues et de m'aider en ma qualité de membre du comité. Mais ce n'est pas en fait ce qui nous occupe: mon opinion ou celle des autres membres. Ce dont il est ici question, c'est d'une accusation qui a été faite à la Chambre des communes et du communiqué à partir duquel cette accusation a été portée. Voilà ce dont il est question; il n'est pas question de mon opinion ni de celle de la Chambre. La Chambre n'a fait état d'aucune opinion, si ce n'est sa décision de renvoyer la question au comité.

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le président, j'invoque le Règlement pour demander une clarification au sujet de notre mandat et des questions qu'on est en train de poser, la question tendant à faire ressortir si le communiqué a encouragé, motivé ou incité de quelque manière un membre des Forces armées à prendre une décision en faveur du «oui» ou du «non»... quant à la façon dont il ou elle voterait au référendum, et cela semble être une des implications de la question. Je demande si cela a vraiment trait à la discussion.

Deuxièmement, je crois que nous essayons de voir si le communiqué est de nature à susciter un geste chez un membre des Forces armées ou à le lui imposer.

Le président: Je vais prendre la parole. Il ne s'agit pas d'invoquer le Règlement; on traite d'un aspect du débat.

M. Speaker: J'essaye de clarifier notre mandat.

Le président: Je pense que notre mandat est bien compris. Il y a un consensus, et je décide au cas par cas. Il ne s'agit pas ici d'invoquer le Règlement, sans vouloir vous contredire, cher collègue.

Madame Catterall, si vous avez une dernière question, je vous prie de la poser, et je demanderais au témoin d'être aussi très bref. Nous devons quitter la salle dans moins de huit minutes.

Mme Catterall: Je pense avoir déjà dépassé mon temps de parole, et je dirai simplement que pour ce qui est de la pertinence de la question, elle a trait tout au moins à la page 5 du témoignage de M. Hart, et s'il n'est pas pertinent de poser au témoin des questions sur son propre témoignage, je me demande ce qui est pertinent. Merci.

Le président: Merci.

Si les députés du Bloc veulent partager leur temps de parole...les collègues sont prêts à le faire. Si vous voulez partager votre temps de parole, vous disposez de cinq ou six minutes, après quoi nous terminerons.

Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: Commençons par ce résumé. C'est la deuxième fois que le témoin comparaît. Aux questions de Mme Catterall, il a été évasif; à celles de M. Milliken et de M. Bellehumeur, il n'a pas répondu. C'est son collègue de Saanich - Les Îles-du-Golfe qui a dû lui souffler les réponses et lui faire dire oui on non.

Imaginez la qualité du témoignage! Nous aurons à en traiter ultérieurement.

.1255

Monsieur Hart, saviez-vous que votre collègue de Saanich - Les Îles-du-Golfe, M. Frazer, colonel dans l'armée de l'air canadienne, avait déclaré dans le Toronto Sun du 4 novembre 1995:

[Traduction]

[Français]

Étiez-vous au courant de cette déclaration du député de Saanich - Les Îles-du-Golfe?

[Traduction]

M. Hart: Est-ce que vous me posez la question?

[Français]

M. Langlois: Oui.

[Traduction]

M. Hart: Eh bien, M. Frazer est ici si vous voulez poser des questions...

[Français]

M. Langlois: Je vous demande à vous, comme témoin, si vous étiez au courant que M. Frazer avait déclaré que des militaires auraient eu à prendre une décision, un jour ou l'autre, s'il y avait eu un vote favorable le 30 octobre 1995?

[Traduction]

M. Hart: J'ai déjà entendu cette citation. Je l'ai déjà entendue.

[Français]

M. Langlois: Partagez-vous ce point de vue-là?

[Traduction]

M. Hart: Reconnaissez-vous, comme l'a dit M. Frazer, que parfois les gens doivent décider? Je pense que tout le monde au Canada doit décider à un moment ou l'autre. J'accepterais donc en partie cette affirmation.

[Français]

M. Langlois: Alors vous êtes d'accord lorsque M. Frazer dit que les militaires auront, un jour ou l'autre, un choix à faire. Disons qu'il n'y avait rien d'imposé par le communiqué. Merci de votre réponse.

[Traduction]

M. Hart: Le communiqué dit «immédiatement».

[Français]

M. Langlois: Monsieur Hart, vous nous avez dit tout à l'heure que vous aviez eu le temps de jeter un coup d'oeil sur le projet de loi. Je vous inviterais, en tant que parlementaire, à lire tous les projets de loi, surtout les projets de loi qui traitent d'un cadre constitutionnel important. Je vous réfère à l'article 18 du projet de loi sur l'avenir du Québec qui se lit comme suit:

Monsieur Hart, le Québec, à l'article 18 de son projet de loi, ne soumettait-il pas l'accession du Québec à la souveraineté, et donc le sort des militaires et les serments éventuels qui suivraient, à la règle fondamentale dans notre pays du respect de la rule of law? Comprenez-vous l'article 18? Comprenez-vous que personne ne parle de coup d'État, que personne ne parle de renverser le gouvernement, qu'on propose tout simplement un processus de modification constitutionnelle qui durerait au moins le temps d'une négociation d'un an? Vous avez compris ça du projet de loi?

[Traduction]

M. Hart: Ce n'est pas ce que dit le communiqué.

[Français]

M. Langlois: Alors, comme Me Bellehumeur, je vais prendre la question, le projet de loi et le communiqué. Est-ce qu'on peut dissocier ces trois documents, monsieur Hart? Est-ce qu'un électeur québécois membre des Forces armées canadiennes qui a le droit de vote... Vous semblez contester le droit de vote des membres des Forces armées. Vous pensez qu'ils sont toujours habitués d'obéir aux ordres, qu'ils n'ont pas le droit de prendre des décisions face à l'avenir démocratique de leur pays? C'est ça, dans le fond, que vous contestez.

Le militaire québécois qui est à Valcartier ou à Bagotville, qui voit le communiqué du Dr Jacob, qui sait qu'un projet de loi est devant l'Assemblée nationale de sa propre province, qui voit la question référendaire sur laquelle il aura un «X» à faire, oui ou non, ne doit-il pas être renseigné et comprendre ces trois documents, comme tous les autres Québécois ayant le droit de vote?

Vous essayez de dissocier ces choses. Je vais faire un retour en arrière. Je ne vous citerai pas votre collègue de Saanich - Les Îles-du-Golfe, mais Thomas Moore en Angleterre, sous Henri VIII, qui disait: «Sortez-moi une phrase de son contexte et je vais vous faire exécuter un homme». C'est comme ça qu'a été exécuté Thomas Moore, à cause d'une petite phrase isolée. L'histoire semble correspondre à votre parti en tout cas.

On l'a fait avec Thomas Moore, on l'a fait sous Oliver Cromwell et vous tentez de le refaire.Je trouve extrêmement dangereuse votre façon de procéder.

Est-ce que vous êtes d'accord que ces trois documents sont indissociables?

.1300

[Traduction]

Le président: Je vais intervenir. Il vous reste moins d'une minute et demie pour poser des questions. Qu'elles aient directement trait au sujet à l'ordre du jour.

[Français]

M. Langlois: Comme tous les militaires ont reçu ces trois documents, est-ce que vous maintenez toujours qu'on peut dissocier le communiqué et le traiter comme s'il avait été émis par Wolfgang Droege ou par Grant Bristow?

Est-ce que c'est un communiqué sérieux, émanant d'un membre du Parlement et ayant trait à un projet de loi qui était soumis à l'Assemblée nationale et qui concernait tous les Québécois qui avaient le droit de vote à ce moment-là, et même ceux qui ne l'avaient pas? Si oui, expliquez-moi pourquoi.

[Traduction]

M. Hart: Monsieur le président, je ne conteste pas du tout le droit des membres des Forces armées canadiennes de voter. En fait, j'insiste pour qu'ils aient ce droit, et à l'époque où j'étais dans la marine et aussi...

[Français]

M. Langlois: Mais pas à ce qu'ils soient informés, par exemple.

[Traduction]

M. Hart: ... dans la réserve des forces aériennes, j'ai été très fier de voter chaque fois qu'une question provinciale ou fédérale a été portée à mon attention.

Ce qui m'inquiète, c'est ce qui s'est passé dans l'esprit du personnel des Forces armées canadiennes et ce qui s'est passé sur place quand le communiqué est sorti du télécopieur. Ils doivent décider quoi faire. Ils ont une décision à prendre. Cette décision va directement à l'encontre du message qui est déjà venu de la Chambre des communes. Elle y est diamétralement opposée, puisque c'était sur le papier à en-tête de la loyale opposition de Sa Majesté. On disait aux membres des Forces armées canadiennes de faire quelque chose qui est diamétralement opposé à leur serment d'office, à leur serment d'allégeance, à ce qu'ils se sont engagés à faire, au contrat qu'ils ont conclu, à l'engagement qu'ils ont pris à l'égard du Canada.

Le président: Très bien; merci, monsieur Hart.

C'est la dernière question. Entendons encore une brève question et une brève réponse.

[Français]

M. Langlois: Étiez-vous au courant, monsieur Hart, que le chef d'état-major, le général John de Chastelain, le 6 décembre 1991, avait dit que le rôle des Forces armées n'était pas de se battre pour l'unité du pays mais d'obéir aux forces démocratiquement constituées et, advenant la souveraineté du Québec, d'obéir au gouvernement légitimement formé au Québec? Ceci est une citation du général de Chastelain, dans l'Ouest canadien et rapportée par The Calgary Herald du 9 novembre 1995, que le major Joe Lund expliquait.

[Traduction]

Lund a dit que si des soldats canadiens décidaient de se joindre à l'armée du Québec, si la province se séparait un jour, les forces avaient établi un mécanisme de dispense.

[Français]

Finalement, le général Ronald Michaud, devant la Commission nationale sur l'avenir du Québec qui a siégé durant tout le printemps 1995, a dit substantiellement la même chose. Trois gradés au plus haut niveau contredisent ce que vous dites. Vous dites que vous n'avez pas la compétence pour vous prononcer là-dessus, vous vous proclamez incompétent à souhait. Reconnaissez-vous la compétence de ces trois généraux de l'Armée canadienne qui ont déclaré que le rôle des soldats était de servir le gouvernement démocratiquement élu?

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Langlois. Monsieur Hart.

M. Hart: Oui, pour répondre à la question, dans mon témoignage, si vous relisez attentivement les bleus, vous verrez que j'ai dit qu'il existait un mécanisme de dispense pour les membres des Forces armées canadiennes. Il faut jusqu'à six mois pour que quelqu'un obtienne une dispense des Forces armées canadiennes.

C'est un des problèmes que j'ai. Le communiqué disait «immédiatement», et «au lendemain d'un oui». Encore là, c'est tout à fait contraire à la procédure établie dans les Forces armées canadiennes.

Le président: Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Je vous remercie pour votre patience, votre tolérance et votre respect à l'égard de la présidence.

La séance est levée.

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