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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 novembre 1996

.1106

[Traduction]

Le président: Bonjour, chers collègues. Bienvenue à notre comité.

Ce matin, conformément à l'article 32(5) du Règlement, nous étudierons le rapport du conseiller en éthique pour l'exercice terminé le 31 mars 1996, conformément à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Nous allons étudier aujourd'hui le code de déontologie des lobbyistes.

Je connais assez bien ce projet de loi. J'ai eu l'honneur de présider le comité chargé d'étudier cette question il y a plusieurs années - j'ai l'impression que cela remonte à plusieurs années mais je crois que ça ne fait que deux ans - et j'ignorais que j'aurais l'honneur d'accueillir à nouveau ce projet de loi au sein du présent comité.

Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, monsieur Wilson, et je vous remercie de vous être joint à nous aujourd'hui. Je crois comprendre que vous avez une présentation.

Chers collègues, je vous demanderais de faire vos interventions par l'entremise de la présidence. Nous tâcherons de limiter chaque intervention à cinq minutes pour que vous ayez tous la possibilité de poser un certain nombre de questions. J'aimerais qu'il y ait plus d'une série de questions.

Monsieur Wilson, vous avez la parole.

M. Howard R. Wilson (conseiller en éthique du Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis accompagné d'un collègue du ministère de la Justice, M. Pierre Legault.

Je suis ravi de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter du projet de code de déontologie des lobbyistes. La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, modifiée en 1995 et adoptée le 31 janvier 1996, précise à l'article 10, que le conseiller en éthique doit élaborer un code de déontologie à l'intention des lobbyistes. Cette loi prévoit également la tenue de consultations avec les parties intéressées et l'examen du code par un comité de la Chambre des communes avant sa publication dans la Gazette du Canada.

[Français]

Nous avons eu de nombreuses consultations. En premier lieu, nous avons distribué un document de consultation le 31 janvier dernier à tous les lobbyistes, sénateurs, députés, universitaires, représentants des médias et autres intéressés. Le document de consultation n'était toutefois pas une ébauche du code, mais plutôt une façon de présenter les éléments clés contenus dans d'autres codes, soit les codes américain, canadien et européen.

Ce que le majorité des codes ont en commun, c'est qu'ils débutent par un préambule énonçant un certain nombre de principes, qui est suivi de règles détaillées. Nous étions à la recherche de commentaires sur la structure du code et d'une liste d'éléments clés qui devraient y figurer. Nous avons reçu un grand nombre de mémoires et organisé plusieurs rencontres avec divers groupes. Ces consultations nous ont permis d'élaborer une version préliminaire du code et de la distribuer le 6 août dernier à un grand nombre d'individus et d'organisations. Le document de consultation ainsi que cette ébauche étaient disponibles sur Internet via le site d'Industrie Canada.

.1110

Encore une fois, nous avons reçu un grand nombre de commentaires de la part d'organisations et d'individus et avons organisé plusieurs rencontres. Cette deuxième ébauche que je vous présente aujourd'hui en est le résultat. La présentation au comité constitue la dernière étape du processus de consultation. Les commentaires que nous recevrons ce matin feront partie de la version finale du code que nous publierons dans la Gazette du Canada.

[Traduction]

J'aimerais prendre quelques instants pour vous décrire la structure et la teneur du code. Le préambule présente l'objet du code et le situe dans son contexte général qui est d'accroître la confiance du public en l'intégrité du processus décisionnel de l'État.

Le code s'appuie sur quatre notions énoncées dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Je crois qu'elles méritent d'être répétées à des fins de débat public. Le préambule de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes renferme quatre notions: la première, que la liberté d'accès aux institutions de l'État est une importante question d'intérêt public; la deuxième, que le lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique est une activité légitime; la troisième, qu'il est souhaitable de donner aux titulaires d'une charge publique et au public la possibilité de savoir qui cherche à exercer une influence auprès de ces institutions; et enfin, que l'enregistrement des lobbyistes rémunérés ne doit pas faire obstacle à cette liberté d'accès aux institutions de l'État.

[Français]

Les trois principes, l'intégrité et l'honnêteté, la franchise et le professionnalisme, sont source d'inspiration et représentent une obligation morale plutôt qu'une obligation légale. On trouve ces mêmes principes dans plusieurs autres codes.

Lors de nos consultations, nous avons souligné le fait que seule une allégation de dérogation à une règle pourrait déclencher une enquête. Le principe est clair; d'une façon positive, les buts et objectifs à atteindre sont d'établir des normes précises qui serviront de guide dans la prise de décisions, puisqu'il n'est pas réaliste d'avoir des règles pour chaque situation qui pourrait survenir. Les règles fourniront donc des lignes directrices détaillées pour guider les comportements dans des situations spécifiques.

[Traduction]

Les règles en sont l'élément principal. Elles énoncent des obligations précises. Nous les avons regroupées en trois catégories: la transparence, la confidentialité et les conflits d'intérêts.

Il est vite devenu évident, suite à notre examen des autres codes et aux commentaires reçus lors de nos consultations, que les règles les plus importantes sont celles qui traitent de l'exactitude des renseignements, de la confidentialité et de la nécessité d'éviter les conflits.

L'un des éléments qui a été le plus contesté par un certain nombre de lobbyistes - particulièrement certains lobbyistes- conseils - est la présence, dans un code élaboré par le gouvernement, de règles sur les intérêts opposés et la divulgation, soit les règles 7 et 8. Ils estimaient que le code même ne devait régir que les relations entre les lobbyistes et les titulaires d'une charge publique. Autrement dit, ils estimaient que ce code ne devait absolument pas traiter de la relation lobbyiste-client. Nous ne sommes pas d'accord.

Nous estimons que la question des conflits d'intérêts est extrêmement importante pour les fonctionnaires. Permettez-moi d'utiliser l'exemple d'un avocat. Lorsqu'un avocat téléphone à un fonctionnaire et dit qu'il ou qu'elle représente un client, cela est généralement accepté par le fonctionnaire. Pourquoi? Parce que nous savons qu'un avocat est passible d'importantes sanctions s'il fait de fausses représentations. Nous estimons que la crédibilité ou la bonne foi des lobbyistes-conseils sont tout aussi importantes.

.1115

On se demande alors qui est cette personne assise devant un titulaire d'une charge publique? Quels sont ses titres de compétences?

Nous estimons que si un lobbyiste est dans une situation de conflit d'intérêt, cela influe fortement sur sa relation avec le titulaire d'une charge publique et sur la façon dont ce titulaire peut traiter avec lui. Nous estimons également que ce n'est pas au titulaire d'une charge publique de décider de ce qui constitue un conflit d'intérêt mais bien aux clients du lobbyiste.

Après avoir examiné de nombreux codes, nous avons constaté que la divulgation est le seul moyen d'éviter les conflits d'intérêts. Cela vaut autant pour les codes de déontologie des avocats que pour ceux d'autres professions. Par conséquent, bien qu'un certain nombre de lobbyistes se soient fortement opposés à la règle 8 du code, nous l'avons conservée comme élément central du code.

[Français]

Une autre règle importante est celle de la protection des renseignements confidentiels. Nous avons abordé cette question de la même façon que les avocats l'ont abordée dans leur code de déontologie.

En dernier lieu figure un paragraphe sur les frais et honoraires que perçoivent les lobbyistes. Plusieurs ont indiqué un certain malaise face à cette règle. Il est question autant de la nécessité de cette règle que du droit juridique du gouvernement de l'inclure. J'apprécierais entendre les commentaires du comité à ce sujet. Il n'est guère certain que ceci soit important pour un fonctionnaire.

[Traduction]

Permettez-moi de conclure en disant que le code vise à rassurer le public sur l'intégrité des activités des lobbyistes. Il vise à mieux sensibiliser le public aux activités des lobbyistes et à compléter les dispositions sur la transparence, prévues par la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Plus précisément, ce code, qui fait valoir la légitimité du lobbyisme, sert de guide aux lobbyistes dans leurs relations avec les titulaires d'une charge publique.

[Français]

Quant à la prochaine étape, le Bureau du conseiller en éthique prendra des mesures pour promouvoir le code et fournir des conseils sur son application. Nous mettrons en place des procédures pour traiter des plaintes et conduire des enquêtes de manière équitable. En dernier lieu, nous utiliserons le rapport annuel au Parlement que la loi exige pour communiquer nos décisions et nos conseils.

[Traduction]

Je vous remercie, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur Wilson.

Il y a eu plusieurs ébauches de ce code. Puis-je vous demander, monsieur Wilson, pour la gouverne de mes collègues, si l'ébauche du 14 novembre est la plus récente?

M. Wilson: Oui.

Le président: Et il s'agit de la deuxième ébauche. Il y a donc eu deux ébauches. Je voulais simplement m'en assurer.

Monsieur Pagtakhan, vous avez la parole.

M. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Je vous remercie, monsieur le président, et je vous remercie, monsieur Wilson.

Pouvez-vous m'indiquer qu'elle est la différence fondamentale dans la version anglaise entre les mots «must» et «shall», car j'ai constaté que dans la deuxième version, on est passé de l'un à l'autre. Quand avez-vous décidé de remplacer «must» par «shall»?

M. Wilson: La raison n'est pas vraiment compliquée. On voulait au départ que ces règles soient obligatoires. Pour certaines dispositions, on a utilisé le mot «must» et pour d'autres, on a utilisé le mot «shall». Ces deux mots devaient avoir le même sens.

Pendant que nous rédigions la version que vous avez devant vous, nous avons décidé d'uniformiser la terminologie et donc d'utiliser le mot «shall» partout dans le code.

M. Pagtakhan: Dans la partie qui traite de la confidentialité, on a éliminé une disposition dans la deuxième version. Cette disposition se lit comme suit «ou que le Bureau du conseiller en éthique le demande afin d'appliquer ce code». Pourquoi a-t-on éliminé cette disposition dans la deuxième version?

M. Wilson: Nous avons jugé qu'elle était redondante.

La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes accorde au conseiller en éthique des pouvoirs considérables en matière d'enquête. Elle prévoit que s'il y a raison de croire que le code a été violé, il doit y avoir enquête. La loi lui confère les pleins pouvoirs d'assignation et ils sont très importants. En ce qui concerne cette règle, nous avons estimé ne pouvoir envisager que deux situations, le consentement du client ou la divulgation de renseignements, comme la loi l'exige.

.1120

M. Pagtakhan: En ce qui concerne la règle 6 sous la rubrique traitant de la confidentialité, on a supprimé le bout de phrase suivant «pour en tirer un avantage financier ou autre». Je trouve que c'était important. Même si je conviens que dans la version anglaise les deux expressions «shall» et «must» sont synonymes, et même si j'accepte votre explication selon laquelle l'élimination de l'autre disposition n'a pas nui à l'efficacité du Bureau du conseiller en éthique, pourquoi a-t-on supprimé ce bout de phrase de la règle concernant les renseignements d'initiés?

M. Wilson: C'est une question qui a été soulevée par un certain nombre de personnes que nous avons consultées. Elles ont soulevé cette question pour faire la distinction avec l'utilisation de renseignements d'initiés au désavantage d'un client, ce qui est une question d'ordre moral en ce sens que si vous avez une relation avec un client, soit à titre de lobbyiste-conseil engagé dans un certain but, soit à titre d'employé d'une société ou d'une organisation, on s'attend à ce que vous protégiez des renseignements confidentiels. Vous ne voudriez certainement pas utiliser ces renseignements au désavantage de votre client ou de votre employeur. Nous avons estimé que cette exigence morale était importante.

En ce qui concerne cette autre question de «se servir de renseignements d'initiés pour en tirer un avantage financier ou autre», cela ne devait pas être nécessairement considéré comme au désavantage d'un client ou d'un employeur. Nous ne voulions pas, je crois, en rédigeant le code en août, nous aventurer sur un terrain où, à mon avis, un tel code n'avait pas sa place. Autrement dit, si un lobbyiste trouve que son client a un produit ou un avenir très intéressant, on se trouverait à l'empêcher par inadvertance d'investir dans cette entreprise en achetant ses actions à la bourse. Nous n'avons réussi à trouver aucun parallèle dans aucun code régissant les avocats, qui les empêche d'agir ainsi.

Donc, nous nous sommes dit qu'effectivement il existe des lois dans notre pays qui interdisent l'utilisation de renseignements d'initiés dans certains cas. Cela s'applique particulièrement aux administrateurs et cadres supérieurs d'entreprises et peut s'appliquer à d'autres groupes. Cependant, nous avons jugé que cet aspect ne devait pas relever du code.

M. Pagtakhan: Vous avez consulté environ 3 000 personnes. Y a-t-il des groupes ou des particuliers qui avaient demandé à participer aux consultations mais dont vous avez dû refuser la demande?

M. Wilson: Pas à ma connaissance. Nous avons très largement diffusé la documentation. Nous avons accepté les communications et les commentaires sur Internet ainsi que par écrit. Je ne crois pas que nous ayons exclu qui que ce soit.

M. Pagtakhan: Je vous remercie, monsieur Wilson.

Le président: Je vous remercie, monsieur Pagtakhan.

[Français]

Monsieur Laurin, s'il vous plaît.

M. Laurin (Joliette): Monsieur Wilson, dans un récent article du Hill Times, on critiquait l'ébauche du code puisque ses règles n'empêcheraient pas les lobbyistes de conseiller à la fois le gouvernement et un client du secteur privé sur la même question ni, pense-t-on, de transmettre des renseignements privilégiés à d'autres clients.

Je prends l'exemple des fiducies familiales. On reprochait en Chambre au gouvernement de nommer des spécialistes qui conseillaient à la fois le gouvernement et certaines personnes qui utilisaient les fiducies familiales pour économiser de l'impôt. Qu'avez-vous à répondre à ces critiques?

M. Wilson: D'une part, les lobbyistes ne doivent pas divulguer de renseignements confidentiels à moins d'en avoir obtenu le consentement de leurs clients.

D'autre part, nous traitons des intérêts opposés à la règle 7 sous la rubrique des conflits d'intérêts. Les lobbyistes ne doivent pas représenter des intérêts opposés sans le consentement éclairé des personnes dont les intérêts sont en cause. C'est une question très importante. Il faut que les lobbyistes prennent des mesures pour éviter ces conflits. C'est une obligation.

M. Laurin: Comment les articles du code peuvent-ils prévenir ces conflits?

.1125

M. Wilson: Comme je viens de le dire, le code établit des règles en vue de la protection des renseignements confidentiels et précise:

M. Laurin: Qu'entendez-vous par «intérêts opposés»? Pourriez-vous m'en donner un exemple? L'exemple que je vous donnais relativement à une firme d'experts-conseils qui conseillerait à la fois le gouvernement et des clients sur la question des fiducies familiales illustrerait-il ces intérêts opposés auxquels vous faites allusion?

M. Wilson: Je ne connais pas actuellement de situation où une firme donnerait des conseils au gouvernement et à un client privé sur le même sujet sans l'approbation des deux parties en cause. La question des conflits ne consiste pas en une détermination précise, mais elle vient décrire le contexte. Si le gouvernement accepte que les consultations et les avis qu'il reçoit des lobbyistes ne créent pas de conflit avec les autres clients et que ces derniers acceptent que le gouvernement soit aussi un client, il n'y a pas de problème.

M. Laurin: Monsieur Wilson, à votre avis, ne devrait-on pas aller jusqu'à interdire qu'une même personne conseille à la fois deux clients sur un même sujet? Comment pouvons-nous nous assurer que les recommandations que formule cette personne soient tout à fait objectives, même si elle dispose du consentement des deux clients? Nous sommes des êtres humains. Les experts-conseils sont des êtres humains qui conseilleraient à la fois deux clients. Comment peuvent-ils les conseiller tous les deux en faisant abstraction de leurs intérêts de part et d'autre? Est-ce que le Code de déontologie ne devrait pas aller jusqu'à interdire à un lobbyiste de conseiller à la fois deux personnes dont les intérêts sont opposés sur le même sujet?

M. Wilson: Le problème se situe au niveau de la définition d'un conflit. Dans une Chambre comme celle-ci, j'imagine que tout le monde est d'accord pour qualifier une situation précise de conflit. J'ai examiné les procédures auxquelles d'autres codes ont eu recours pour déterminer si un conflit existait ou pas. Dans chaque cas, les codes ont abordé le problème par une dérogation. Si le client accepte que les personnes donnent des avis adéquats, c'est à mon avis la limite d'un code. Votre question est pertinente, mais c'est aux clients qu'il appartient de trancher.

M. Laurin: J'aurais souhaité discuter davantage de cette question, mais puisque je crains que nous n'ayons pas le temps de faire un deuxième tour, je poserai tout de suite la question suivante.

Le paragraphe 10.3(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes précise que les personnes obligées de s'inscrire sont tenues de se conformer au code. Par contre, l'alinéa 10.3(2) stipule que le Code criminel ne s'applique pas aux infractions au Code de déontologie. Quelle est donc la portée de ces deux dispositions? Qu'est-ce qui arrive? Quelles sanctions sont prévues? Si le Code criminel ne s'applique pas aux infractions au Code de déontologie, comment peut-on sanctionner une personne qui aurait manqué au code?

.1130

Je me reporte aux paragraphes 10.3(1) et 10.3(2).

M. Wilson: Le Parlement a décidé que le Code ne serait pas un texte réglementaire pour l'application de la Loi sur les textes réglementaires, comme le précise le paragraphe 10.2(4). L'article 10.3, que vous citiez, précise que les lobbyistes sont tenus de se conformer au code et que le Code criminel ne s'y applique pas. On ne parle pas de proposition criminelle. Le Parlement a décidé que le seul résultat de l'enquête serait la publication d'un rapport qui lui serait présenté. C'est le seul autre aspect de la loi qui prévoit des pénalités criminelles pour l'enregistrement des lobbyistes. Le Parlement a statué qu'aux termes du code, seul un rapport public serait présenté au Parlement. C'est la décision du comité.

M. Laurin: Il ne prévoit donc aucune sanction?

M. Wilson: Aucune autre sanction.

Le président: D'accord. Merci.

[Traduction]

Monsieur Strahl, vous avez la parole.

M. Strahl (Fraser Valley-Est): Je vous remercie.

Monsieur Wilson, qui est votre patron? De qui relevez-vous? Qui paye votre salaire?

Le président: Ce sont les contribuables, les mêmes qui payent notre salaire.

M. Strahl: De qui relevez-vous? Qui est votre patron?

M. Wilson: Je suis un fonctionnaire du Bureau du conseiller d'éthique qui est financé par le ministère de l'Industrie. En ce qui concerne le code régissant les conflits d'intérêt à l'intention des titulaires d'une charge publique, qui s'applique aux ministres, je relève du Premier ministre par l'intermédiaire du greffier du Conseil privé.

Ce texte de loi prévoit des pouvoirs indépendants considérables, ce qui était l'intention du Parlement. J'ai donc l'obligation d'élaborer un code, puis d'offrir des conseils sur le code, et également le pouvoir de faire enquête.

Je suis payé par le gouvernement du Canada.

M. Strahl: Par conséquent, en ce qui concerne ce code de déontologie des lobbyistes, vous faites rapport au Parlement. Vous déposerez un rapport au Parlement?

M. Wilson: Je suis tenu de le faire chaque année, effectivement.

M. Strahl: Nous avons la deuxième version du code de déontologie des lobbyistes, et je pars du principe que vous êtes également responsable de l'application du code régissant les conflits d'intérêts dans le cas des titulaires d'une charge publique.

M. Wilson: C'est exact.

M. Strahl: Je me demandais simplement comment cela se recoupe. N'y a-t-il pas un conflit entre les deux? Par exemple, ce que vous prescrivez pour les titulaires d'une charge publique ne va pas du tout à l'encontre du code de déontologie des lobbyistes?

M. Wilson: Non. Le code de déontologie à l'intention des titulaires d'une charge publique vise les ministres, les secrétaires d'État, les secrétaires parlementaires, le personnel politique des Cabinets des ministres et, essentiellement, toutes les personnes nommées par le gouverneur en conseil. Cela inclut les sous-ministres, les dirigeants et les membres de divers organismes et tribunaux ainsi que les dirigeants des sociétés d'État. Mais, en fait, il traite uniquement des obligations des titulaires d'une charge publique à cet égard.

Ce code-ci s'appliquera donc aux lobbyistes, c'est-à-dire à ceux qui font du lobbyisme. Dans l'avant-dernier paragraphe de notre préambule, nous avons formulé une disposition visant à placer les deux dans le même contexte. Elle se lit comme suit:

M. Strahl: J'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet, parce que cela m'intéresse beaucoup.

J'ai une copie du code de déontologie qui s'applique aux titulaires de charges publiques. Lorsque Neil McDonald vous a interviewé sur le réseau CBC, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'autre code de déontologie.

.1135

Existe-t-il un code de déontologie pour les ministres du Cabinet, et un autre pour les titulaires de charges publiques? Le premier ministre soutient que le code de déontologie qui s'applique à ces ministres est très strict. Vous savez ce qui s'est passé à la Chambre. Nous avons essayé de savoir du premier ministre s'il existe un autre code.

Le président: Excusez-moi. Chers collègues, je vous ai écoutés attentivement et je vous ai laissés poser des questions au sujet de cette ébauche-ci du code. Le témoin peut répondre, mais je vous demanderais, si possible, de vous en tenir au code que nous examinons. Je sais...

M. Strahl: Ce paragraphe dit bien, monsieur le président, qu'ils doivent observer les normes qui les concernent dans leurs codes de déontologie respectifs. Je connais ce code-ci parce que je l'ai vu et qu'on l'a montré à la télévision. Donc, je sais que ce code existe et qu'ils sont tenus de s'y conformer. Y a-t-il un autre code de déontologie, mis à part le «code régissant la conduite des titulaires de charges publiques en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat», qui s'adresse aux ministres du Cabinet?

M. Wilson: D'abord, il est question, dans l'ébauche, d'un autre code qui, lui, est public et s'applique aux fonctionnaires. Nous avons un code qui s'adresse aux ministres, et vous en avez une copie en main, et un autre code similaire, mais pas identique, qui s'adresse aux fonctionnaires. Ce sont les deux seuls codes qui existent.

M. Strahl: Pouvez-vous me dire tout simplement s'il y a un autre code, mis à part celui-ci, qui s'applique aux ministres du Cabinet? Je sais que ce code-ci existe. Y en a-t-il un autre?

Le président: Monsieur Strahl, je ne veux pas vous interrompre, mais je vais être obligé de le faire. Je m'interroge sur la pertinence de votre question. Si vous voulez discuter d'un autre sujet qui n'a rien à voir avec le code de déontologie des lobbyistes, vous pouvez le faire à un autre moment. Vous voulez savoir s'il existe un autre code. Nous examinons actuellement le code de déontologie des lobbyistes. Le témoin a dit qu'il y a deux codes. Vous lui avez posé la question de deux ou trois façons différentes.

Vos cinq minutes sont écoulées. Je vais vous permettre de poser une autre question et le témoin pourra y répondre. Je ne veux pas que nous nous écartions du sujet. Nous examinons aujourd'hui le code de déontologie des lobbyistes.

M. Strahl: Monsieur le président, le code qui s'adresse aux titulaires de charges publiques renferme des lignes directrices sur la façon de traiter avec les lobbyistes. Les deux sont reliés. On ne peut les dissocier. Je veux savoir s'il y a plus d'un code qui s'applique aux ministres du Cabinet, parce qu'il y a manifestement ...

Le président: Le témoin a déjà répondu à la question. Mais allez-y, posez-lui une autre question et il y répondra encore une fois.

M. Strahl: Je veux savoir s'il existe un autre code de déontologie que les ministres du Cabinet sont tenus d'observer et que vous êtes chargé d'administrer.

M. Wilson: Monsieur le président, pour éviter toute confusion, le premier ministre a répondu à cette question jeudi dernier, à la Chambre. Il a déclaré qu'il y a un code qui régit la conduite des titulaires de charges publiques en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, un code qui s'adresse aux lobbyistes ainsi que des dispositions législatives.

En ce qui concerne les instructions que donne le Premier ministre aux ministres, cela intéresse uniquement le Conseil privé. Je ne peux pas les rendre publiques, mais il n'y a rien de compliqué. J'ai dit aux ministres qu'ils doivent observer des normes déontologiques très strictes.

On a soulevé à un moment donné la question des rapports avec les tribunaux quasi-judiciaires. Il n'existe pas de code précis à ce sujet, mais il y a des lignes directrices qui existent depuis longtemps et qui concernent les rapports avec les tribunaux quasi-judiciaires.

Il y a quelques années, h'ai été saisi d'un cas concernant un ministre et je me suis rendu compte, comme plusieurs autres personnes, que ces lignes directrices n'étaient pas adéquates. Par la suit, les ministres, comme nous le savons tous, se sont penchés là-dessus. Ces lignes directrices n'ont pas été rendues publiques, mais tout le monde sait que j'ai un document que j'utilise lorsque j'organise des séances d'information pour les ministres et leur personne, et qui balise les rapports qu'entretiennent les ministres avec les tribunaux quasi-judiciaires.

.1140

Donc, en résumé, le Premier ministre a dit que les ministres doivent observer les normes déontologiques les plus strictes. Il y a des règles et des principes, qu'il a décrits et qui figurent dans le code régissant les conflits d'intérêts. Il y a aussi des règles non publiées qui régissent les rapports avec les tribunaux quasi-judiciaires.

Le président: Merci.

Madame Dalphond-Guiral.

[Français]

Mme Dalphond-Guiral (Laval-Centre): Mes commentaires et les questions que je vais vous poser sont reliés à votre deuxième ébauche.

Je me serais attendue, comme quelqu'un d'un peu naïf et, finalement, comme un peu tout le monde, à ce qu'on ait une définition claire de ce qu'est un lobbyiste. J'aimerais aussi savoir à qui ce code de déontologie s'applique. C'est une suggestion que je formule. Vous en ferez ce que vous voudrez.

Mon deuxième commentaire porte sur une phrase qui figure à la page 2 et dans laquelle vous faites allusion aux titulaires de charges publiques. Je suis un petit peu surprise que dans un code de déontologie qui s'adresse à des lobbyistes, on dise que les titulaires d'une charge publique sont tenus, dans les rapports qu'ils entretiennent, d'observer les normes de leur propre code de déontologie qui les concernent. C'est un petit peu comme si dans un code de déontologie, des médecins trouvaient des références à ce que les avocats doivent faire. Ça ne m'apparaît pas utile.

Quant à ma première question, j'ai très bien compris dans votre exposé que le Code de déontologie visait une obligation morale, mais non juridique, ce qui pour moi est très clair. Puisque ce n'est qu'une obligation morale qui, quant à moi, devrait transcender l'obligation juridique, dois-je comprendre qu'il n'y a pas de mécanisme pour s'assurer que les lobbyistes, donc ceux qu'on aura définis ci-haut, s'engagent sur leur honneur à respecter ce code?

Lorsque je me suis retrouvée whip de l'opposition, j'ai dû aller rencontrer le greffier et prêter un serment pour dire que dans l'exécution de mon travail au Bureau de la régie interne, je respecterais les règles de la confidentialité. Je me demande si vous avez prévu quelque chose d'équivalent. Un code, c'est bien joli. On a une obligation morale, mais c'est tout. Voici une question à laquelle vous aimeriez peut-être répondre tout de suite.

M. Wilson: Merci, madame. Premièrement, vous avez demandé qu'on définisse ce qu'est un lobbyiste. Aux termes de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, il y en a trois catégories. C'est une bonne idée de confirmer dans le texte actuel ce qu'est un lobbyiste.

Deuxièmement, nous avons noté dans le préambule que des codes s'appliquent aux fonctionnaires et aux ministres. Il y a donc une relation avec les lobbyistes. Il y a les deux côtés, celui des fonctionnaires et du ministre et celui des lobbyistes. Ainsi, deux codes s'appliquent pour nous assurer que les normes déontologiques soient respectées.

Troisièmement, je traiterai de la question de l'obligation morale et de l'obligation juridique. J'ai indiqué dans mes commentaires que les principes sont des obligations morales, des aspirations qui nous guident pour trancher certaines questions. Mais les règles sont des obligations juridiques. Les lobbyistes ne doivent pas divulguer des renseignements confidentiels. C'est une obligation claire. Les neuf règles sont des obligations juridiques.

.1145

Les principes sont davantage énoncés dans le contexte d'une obligation morale. Les principes ne feront pas l'objet d'enquêtes, mais ce sera le cas des règles.

Mme Dalphond-Guiral: Si je comprends bien, les règles sont une obligation juridique, ce qui sous-entend que des sanctions peuvent être prises.

Je continue. Le document n'est pas trop long et donc ça va bien.

Au sujet du point 6, sous la rubrique de la confidentialité, je vais vous poser une question qui va peut-être vous paraître innocente. J'y lis:

Alors, est-ce qu'ils peuvent s'en servir à l'avantage de leurs clients, de leurs employeurs et de leurs organisations?

M. Wilson: Oui, je l'espère.

Mme Dalphond-Guiral: Oui, vous l'espérez. Quant à moi, des renseignements d'initiés...

M. Wilson: La cinquième règle régit l'utilisation des renseignements confidentiels. Elle précise qu'on ne peut divulguer des renseignements confidentiels sans avoir obtenu le consentement des clients, employeurs ou organisations. La loi l'exige. Il y a une obligation de protéger les renseignements confidentiels.

Mme Dalphond-Guiral: J'achève. Ce sera ma dernière question.

Le président: Oui, s'il vous plaît.

Mme Dalphond-Guiral: La neuvième règle porte sur l'influence répréhensible. J'avoue que j'ai trouvé ça très sympathique de lire que les lobbyistes doivent être gentils. Évidemment, ils ne doivent pas tendre une pomme bien rouge à leurs vis-à-vis. À la lecture de cette règle, je me demande si par exemple un élu, un député, un ministre ou je ne sais trop qui, pourrait dire: «Écoutez, je ne suis vraiment pas responsable parce ce lobbyiste a été tellement habile que je suis tombé dans le piège». On lit:

[Traduction]

Le président: Je ne sais pas si cela mérite une réponse. Est- ce une question ou un commentaire?

[Français]

Mme Dalphond-Guiral: J'aimerais avoir un exemple d'une telle situation. En avez-vous?

[Traduction]

Le président: Monsieur Wilson, avez-vous un exemple à donner?

[Français]

M. Wilson: Les ministres et les fonctionnaires doivent respecter des obligations qui figurent dans leur propre code, relativement entre autres à l'hospitalité, et qui sont soumises aux dispositions du Code criminel. Cette règle vient préciser que les lobbyistes ne peuvent mettre les fonctionnaires dans une situation de conflit. En fin de compte, cette obligation vise toutes les personnes, tant les fonctionnaires et ministres d'une part que les lobbyistes d'autre part.

[Traduction]

Le président: Monsieur Speaker.

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur Wilson, je constate, dans l'ébauche du code de déontologie des lobbyistes qui date du 6 août 1996 - et je présume qu'on trouve la même chose dans le projet de loi - , que vous êtes chargé, en tant que conseiller en éthique, d'administrer la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Vous devez également indiquer à la Chambre des communes, après avoir fait enquête, si un lobbyiste a enfreint le code. Vous devez donc émettre un jugement.

Nous devons, aujourd'hui... Je me demande si vous avez la crédibilité voulue pour administrer cette loi, et si vous pouvez en être responsable. C'est ce que nous devons déterminer aujourd'hui.

.1150

Je jette un coup d'oeil sur ce que vous avez fait jusqu'à maintenant, et j'ai l'impression que vous agissez comme le petit chien du Premier ministre.

M. Harb (Ottawa-Centre): Ce commentaire est antiréglementaire.

M. Speaker: Vous faites rapport au Premier ministre sans vous conformer à des règles.

M. Harb: Monsieur le président, j'invoque le règlement.

Le président: Quelqu'un fait un rappel au Règlement.

M. Harb: Nous n'avons pas le droit de faire des commentaires de ce genre ici, d'attaquer la réputation de quelqu'un de cette façon. Je voudrais que ces commentaires soient radiés du compte rendu et qu'on présente des excuses au témoin.

Monsieur le président, ces propos et commentaires sont fort déplacés.

M. Speaker: Je devrais être en mesure...

M. Harb: Monsieur le président, si on a l'intention de poursuivre cette discussion, je propose alors qu'on se réunisse à huis clos. Je ne tolérerai pas ce genre de commentaires. Nous étions en train de discuter d'un sujet bien précis, et nous devrions nous en tenir au point à l'étude. Si les membres du comité souhaitent aborder d'autres sujets, ils peuvent le faire à l'autre endroit, c'est-à-dire à la Chambre des communes.

M. Speaker: Monsieur le président, j'aimerais prendre la parole au sujet du rappel au Règlement.

Le président: Sur le même sujet, madame Catterall.

Mme Catterall (Ottawa-Ouest): Merci beaucoup. Je suis bien heureuse que mon collègue d'Ottawa-Centre ait fait cette intervention.

En principe, nous ne devons pas critiquer les titulaires de charges publiques qui exécutent le mandat qui leur a été confié, en vertu d'une loi, par le Parlement, le Cabinet ou le Premier ministre. Si nous ne sommes pas satisfaits du mandat que nous avons confié à M. Wilson, c'est alors à nous, en tant que parlementaires, de le changer. Nous n'avons pas le droit de critiquer la personne qui exécute le mandat qui lui a été confié par le Parlement, de remettre ses compétences et son intégrité en question. Je trouve cela offensant, et je n'assisterai pas à une réunion où l'on autorise ce genre de chose, monsieur le président.

Le président: Vous avez la parole pour faire un rappel au Règlement, monsieur Speaker.

M. Speaker: Monsieur le président, sur ce point, est-ce que je peux clarifier mes propos? Nous allons demander au conseiller en éthique d'administrer cette loi. Nous devons savoir s'il aura les outils nécessaires pour le faire. La loi dispose qu'il doit soumettre un rapport au Parlement, et je suis d'accord avec cela, mais il y a une autre étape qui doit être franchie avant d'arriver à celle-là.

Le conseiller en éthique, que ce soit M. Wilson ou une autre personne nommée par le gouvernement, est placé dans une situation difficile en ce sens qu'il ne sera peut-être pas en mesure d'exécuter le mandat que nous voulons lui confier. Nous devons examiner la loi pour voir s'il y a lieu de la modifier ou non.

Le conseiller en éthique devra traiter avec des gens très bien connus, et que nous connaissons tous, comme Marc Lalonde, au nom de l'industrie du tabac, Michael Kirby, Ross Parker, l'ex-député...

Le président: Sur le rappel au Règlement, monsieur Speaker.

M. Speaker: C'est ce que je fais. Ce que je dis, monsieur le président, c'est que nous demandons au conseiller en éthique de traiter avec des gens très bien connus.

Là où je veux en venir, monsieur le président, c'est que tous les autres conseillers en éthique au Canada... Je connais très bien le conseiller en éthique de l'Alberta; je l'ai côtoyé pendant des années à l'assemblée législative. Il a le pouvoir de faire rapport au Parlement sans l'intervention aucune du premier ministre, d'un ministre du Cabinet ou d'une autre entité du gouvernement.

Si nous comptons donner au conseiller en éthique la responsabilité d'administrer cette loi, nous devons savoir s'il en mesure ou non de remplir le mandat.

Le président: Monsieur Speaker, j'ai écouté attentivement les objections qui ont été formulées, et franchement, je dois dire que j'ai trouvé vos propos offensants. Peut-être vous êtes-vous mal exprimé, mais le décorum à cette table pendant mes trois années - ce n'est peut-être pas très long, et je sais que vous avez une longue expérience des affaires publiques... Franchement, je trouve que vos propos à l'égard du témoin étaient insultants.

Vous avez sans doute des questions très légitimes à poser au témoin.

M. Speaker: Ma question, monsieur le président, est très claire et simple.

.1155

Le président: En tant que président, je dois essayer de maintenir le décorum à cette table. Vous devez tenir compte du fait que le Parlement a des règles. Il adopte des lois, et les fonctionnaires sont chargés de les administrer. Je suis tout à fait disposé, en tant que président du comité, à vous laisser discuter du code, mais je tiens à vous rappeler que M. Wilson est le premier conseiller en éthique du Canada. Il a été désigné après consultation avec le chef de l'opposition de l'époque et le chef du Parti réformiste. M. Wilson n'a pas été choisi au hasard. Des consultations ont eu lieu en juin 1994.

Le gouvernement a franchi un très grand pas lorsqu'il a désigné un conseiller en éthique. Nous essayons de lui donner les outils dont il a besoin pour remplir son mandat.

Comme vous le savez, j'ai présidé le premier comité chargé d'examiner la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et le fait de parvenir à proposer ce code aujourd'hui a été une tâche ardue et difficile. Je sais que votre collègue, M. Epp, a été très actif à cet égard.

Je ne veux pas prendre trop de votre temps, mais je pense qu'il importe de souligner qu'il y a eu consultation au sujet de ce code de déontologie.

Si vous souhaitez continuer à poser des questions portant sur le code de déontologie, vous pouvez le faire. Je vous demanderais en fait de vous abstenir de faire d'autres remarques personnelles désobligeantes à propos du témoin.

M. Speaker: La question que je pose à M. Wilson est très directe. Compte tenu de la situation, pensez-vous pouvoir remplir votre mandat en tant que responsable de l'application de cette loi sans aucune intervention ou ingérence d'un premier ministre, d'un ministre ou d'un parlementaire? Estimez-vous pouvoir présenter un rapport intègre aux législateurs de la Chambre des communes que nous sommes, l'intégrité étant l'un des principes fondamentaux du code? Êtes-vous convaincu de pouvoir le faire compte tenu des circonstances?

M. Wilson: Merci beaucoup, monsieur Speaker. Permettez-moi d'aller au fond du problème. Lorsque l'on m'a demandé si je pouvais prendre ces responsabilités, cette question me paraissait fondamentale. J'ai tout un éventail de responsabilités - nous avons parlé de certaines - qui portent sur le code régissant les conflits d'intérêts.

Cette loi confère des pouvoirs considérables et complètement indépendants à la personne qui occupe la fonction de conseiller en éthique en ce qui concerne le code de déontologie des lobbyistes. Ces pouvoirs sont considérables. Je pense que dans l'exercice de ces pouvoirs, il faut prendre tous les moyens pour assurer l'équité envers ceux qui pourraient faire l'objet d'allégations.

Je suis en train de mettre en place des procédures qui nous permettront d'examiner avec équité les plaintes reçues à propos des activités des lobbyistes. Je m'attends à un nombre assez important de ces plaintes. J'aimerais avoir un processus où une enquête ne serait menée que lorsque j'ai des motifs raisonnables de croire qu'il y a infraction au code.

La loi est très claire à ce sujet. Elle stipule que c'est au conseiller en éthique que revient cette responsabilité. Lorsque le conseiller en éthique décide qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il y a infraction au code, il lance une enquête. En vertu de la loi, cette enquête doit aboutir à un rapport déposé au Parlement. Rien dans cette loi n'exige l'approbation de qui que ce soit d'autre.

Ce sont des pouvoirs très importants. Je pense que dans l'exercice de ces pouvoirs, il faut avoir le souci de l'équité. Toute enquête lancée aboutit à un rapport présenté au registraire général, lequel est tenu de le déposer, en vertu de la loi. Il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire à partir du moment où l'enquête est lancée.

Nous n'avons pas encore de code. J'espère que nous serons en mesure d'assurer l'équité dans l'intérêt public. C'est, à mon avis, un instrument fort important qui permet de garder la confiance du public en ce qui concerne le caractère intègre de la prise de décisions du gouvernement. Il s'agit de très grandes responsabilités. Je suis parfaitement conscient de l'étendue de ces pouvoirs. Je veux avoir conscience de l'immense responsabilité qui pèse sur mes épaules une fois que ce code sera publié dans la Gazette du Canada, par souci d'équité envers tous ceux qui inévitablement vont être accusés.

.1200

Je me rends parfaitement compte de ces responsabilités, lorsqu'on me pose des questions à ce sujet. Il s'agit de pouvoirs distincts par rapport à mes responsabilités relatives au code régissant les conflits d'intérêts. Ils sont nouveaux et différents, mais j'ai une responsabilité envers le Parlement. En outre, en ce qui concerne ces fonctions, je dois présenter chaque année un rapport au Parlement. Je l'ai déjà fait, mais ces rapports n'étaient pas très substantiels, puisque nous étions encore en train d'élaborer le code.

Merci.

Le président: Merci. Monsieur Harb, je vous cède la parole.

M. Harb: Monsieur Wilson, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie beaucoup pour la qualité de votre exposé. Je tiens à souligner que non seulement au Canada, mais aussi dans le monde entier, vous jouissez d'une excellente réputation en raison de votre crédibilité. J'ai entendu dire que l'on vous a déjà demandé de partager votre expérience, ce qui me réjouit. Je tiens à vous remercier pour votre clarté et votre sincérité dans votre exposé d'aujourd'hui.

D'autres industries et d'autres professions, comme l'Association médicale canadienne, ont leur propre organisation nationale, leur propre code de déontologie, etc.. Connaissez-vous un groupe de lobbyistes qui a déjà élaboré quelque chose du genre ou s'apprête à le faire? En pareil cas, comment envisagez-vous de travailler avec cet organisme en question?

M. Wilson: Il existe plusieurs codes applicables aux lobbyistes. La Société canadienne des directeurs d'association qui regroupe plusieurs associations, comme la chambre de commerce et d'autres, a mis au point son propre code.

Il faut également citer le Government Relations Institute of Canada, organisme créé l'an passé, qui a également mis au point son propre code. Nous avons eu de nombreuses consultations avec cet organisme dont le nombre d'adhérents augmente, je crois. Il me semble que ses intérêts concordent avec les objets de ce code. Je prévois continuer à entretenir d'étroites relations de travail avec cet organisme.

M. Harb: Je pense qu'il est prévu dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes de mettre à jour cette loi tous les quatre ans. Le code renferme-t-il également ce genre de disposition?

M. Wilson: Autant que je sache, lorsque le Parlement examinera la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes dans cinq ans, il pourra également examiner à ce moment-là le code de déontologie, ce qui, à mon avis, est très important. Je ne pense pas que l'on puisse créer un code parfait d'un coup de baguette magique. Je ne le crois tout simplement pas. Des codes de déontologie des avocats existent depuis de nombreuses années et certains membres de la profession ne sont toujours pas convaincus qu'ils sont parfaits.

Deux questions se posent. Je pense qu'après deux ou trois années de fonctionnement, nous aurons sans aucun doute des idées sur la façon de l'améliorer. La deuxième question qu'il serait juste de se poser au moment de l'examen parlementaire est la suivante: serait-il pertinent pour le gouvernement de ne plus s'occuper d'un tel code et de le confier à la responsabilité du lobbying lui-même? C'est ce qui est arrivé dans d'autres professions et je ne pense pas qu'il faudrait exclure une telle possibilité.

À mon avis, il s'agit d'un document qui ne pourra qu'évoluer. Dans mon préambule, je dis espérer que le rapport annuel présenté au Parlement nous permettra de tirer profit de l'expérience de ceux qui auront demandé des conseils, des décisions qui auront été prises et que cela sera exposé au grand jour. C'est ce que font les commissaires provinciaux en matière de conflits d'intérêts et cela porte fruit; sans révéler l'identité de qui que ce soit, les cas sont exposés au grand jour.

.1205

M. Harb: Je tiens à vous remercier, monsieur Wilson, ainsi que votre personnel, pour un travail bien fait.

Le président: Merci, monsieur Harb.

Madame Catterall, je vous cède la parole.

Mme Catterall: J'ai deux questions à poser.

La transparence, c'est-à-dire savoir qui influence le gouvernement, est l'un des principes fondamentaux de ce code et de la loi. J'aimerais vous demander qui vous a influencé. Certains changements ont été apportés à la version préliminaire du code. J'aimerais savoir qui vous avez consulté, qui vous a contacté et j'aimerais aussi connaître le résultat de ces consultations en ce qui concerne les changements apportés au code. Le processus de consultation a-t-il été équilibré?

M. Wilson: C'est en tout cas ce que l'on visait, puisque le code publié en août a été envoyé aux personnes qui avaient reçu le document de travail. Nous parlons ici de quelque 3 000 organismes et particuliers. Il s'agit de tous les sénateurs et députés et de tous les lobbyistes enregistrés. Il s'agit également d'un nombre assez important de journalistes qui s'intéressent à ce sujet. L'organisme Démocratie en surveillance, par exemple, avait un point de vue à donner.

Je crois que les changements reflètent le genre de commentaires que nous avons reçus. Divers points de vue ont été exprimés au sujet de la version préliminaire du code.

Mme Catterall: Avant de poursuivre, j'aimerais savoir si la plupart des commentaires ont été faits par les lobbyistes, par ce que l'on pourrait appeler des groupes d'intérêt plus généraux, ou par des députés et des sénateurs. S'ils proviennent essentiellement des lobbyistes, vous êtes-vous arrangé pour recueillir d'autres points de vue?

M. Wilson: Beaucoup de points de vue ont été exprimés. Je pense qu'il est juste de dire que la plupart des changements découlent de commentaires internes. Nous avons cru dans certains cas que nous allions sur une mauvaise voie. Dans certains cas, ils découlent des recommandations des lobbyistes. Aucun consensus ne s'est dégagé parmi ce groupe. Plusieurs avocats qui appuyaient le concept nous ont beaucoup aidé au chapitre de la rédaction. Ils nous ont aidé à trouver des expressions que l'on peut facilement comprendre.

Il reste que plusieurs propositions faites par certains lobbyistes, y compris celles du Government Relations Institute of Canada, dont j'ai parlé plus tôt, ont été rejetées. Ils prétendaient que les règles devraient s'appliquer uniquement et exclusivement aux relations entre le titulaire d'une charge publique et le lobbyiste. Nous n'étions par prêts à l'accepter.

Mme Catterall: Pouvez-vous me préciser le statut de ce code? Lorsque vous avez répondu à Mme Dalphond-Guiral, vous avez semblé dire que le code a force de loi mais, autant que je sache, il ne va pas paraître dans la Gazette à titre de texte réglementaire pour justement qu'il n'ait pas force de loi. S'il doit avoir force de loi, pourquoi ne paraît-il pas dans la Gazette sous forme de texte réglementaire?

M. Wilson: Je ne suis pas avocat si bien que je vais laisser M. Legault répondre à cette question.

M. Pierre Legault (conseiller juridique, Industrie Canada): Vous avez raison de dire que les règles elles-mêmes ne constituent pas un texte réglementaire. La loi le stipule clairement. En même temps, la loi prévoit clairement le respect obligatoire du code lui-même de la part des lobbyistes; le code est donc exécutoire en vertu de la loi et il s'agit d'une obligation imposée aux lobbyistes.

Mme Catterall: Je ne comprends pas toujours très bien pourquoi ce n'est donc pas un texte réglementaire. Habituellement, lorsque l'on prévoit dans une loi le droit de fixer d'autres règles à respecter en vertu de cette loi, on en fait un texte réglementaire.

M. Legault: Je préfère ne pas me prononcer sur la décision du Parlement et sur la raison pour laquelle il a décidé que cela ne devait pas être un texte réglementaire; mais je le répète, la loi le prévoit.

Mme Catterall: D'accord. J'aimerais passer maintenant à la façon de procéder. Le code doit être présenté à ce comité. Allons- nous donc faire d'autres observations qui pourraient entraîner d'autres changements ou allons-nous simplement dire que le travail est bien fait et que vous n'avez qu'à poursuivre, monsieur Wilson?

.1210

M. Wilson: Nous en sommes à la dernière étape de la consultation. Après cette séance, j'espère mettre la dernière main au texte et le publier dans la Gazette du Canada.

Mme Catterall: Permettez-moi donc de soulever deux points qui me préoccupent: tout d'abord au sujet du libellé et ensuite, au sujet des changements par rapport à la version préliminaire.

Je remarque que partout où il est question de consentement, vous avez supprimé le mot «éclairé». Il me semble que c'est un mot important. Les lobbyistes doivent obtenir le consentement éclairé de leurs clients pour partager les renseignements confidentiels, pour agir au nom de deux clients dont les intérêts semblent être contradictoires, par exemple.

Ce n'est pas une expression inhabituelle. L'expression «consentement éclairé» sous-entend une obligation de la part du professionnel de fournir l'information au client ou au patient - comme dans le cas d'un médecin et de son patient - information à partir de laquelle le patient - ou le client, dans ce cas particulier - , peut prendre une bonne décision. Pourquoi ce mot a- t-il été supprimé?

M. Legault: On a pensé que dans ce cas particulier, les clients des lobbyistes sont normalement avertis, c'est-à-dire qu'ils doivent évidemment donner leur accord pour le travail effectué pour eux par les lobbyistes et qu'ils doivent aussi donner leur accord en ce qui a trait à la divulgation de renseignements confidentiels, par exemple. Par conséquent, nous avons pensé qu'ils comprendraient ce qui se passait, qu'ils auraient déjà toute l'information nécessaire et qu'ils seraient parfaitement prêts à donner ce consentement sans que l'on ait à le qualifier dans le code lui-même.

Mme Catterall: C'est à mon avis une supposition quelque peu naïve et permettez-moi de vous dire pourquoi. Certainement, les clients importants des lobbyistes sont dans cette position. Ils disposent de leurs propres avocats qui les conseillent. Les petites entreprises et les organismes à but non lucratif qui embauchent des lobbyistes pour les aider ne sont pas nécessairement aussi avertis.

Reconnaissons-le, il n'est pas nécessaire d'avoir une loi et un code de déontologie pour des gens qui respectent déjà les principes de l'éthique. C'est plutôt pour ceux qui peut-être ne respectent pas toujours les principes de l'éthique. Pouvez-vous me donner une raison impérieuse expliquant pourquoi «éclairé» ne devrait pas qualifier «consentement»?

M. Wilson: Nous allons examiner de nouveau ce point.

Mme Catterall: Je veux parler enfin de l'expression: «influence répréhensible». Cette expression donne lieu à toutes sortes d'interprétations et sans définition, elle ne semble avoir aucun sens.

M. Wilson: Je dois reconnaître que nous avons eu quelques difficultés à ce sujet.

La version préliminaire du mois d'août comportait une phrase supplémentaire: «ou qui pourrait raisonnablement être perçue comme telle». Un nombre assez important d'avocats de société s'en sont inquiété. Ils acceptent parfaitement le libellé qui figure maintenant au numéro 9, contrairement à celui renfermant la phrase «ou qui pourrait raisonnablement être perçue comme telle».

Nous en revenons là encore au point que vous soulevez. Cela devient très ouvert. À leur avis, le fait d'éliminer cette phrase: «ou qui pourrait raisonnablement être perçue comme telle», permet de diminuer l'incertitude, ce qui les satisfait pleinement.

Mme Catterall: Il s'agit d'avocats de société, mais qu'en est-il du petit lobbyiste moyen, des petits clients? Comme je le disais, nous ne rédigeons pas la loi pour les avocats de société; ils savent ce qu'ils font. Peut-on dire qu'il s'agit véritablement d'une directive si vous ne définissez pas l'expression «influence répréhensible»? C'est ce qui m'inquiète.

M. Wilson: Ce que vous dites peut être très important. Permettez-moi d'ajouter mes propres commentaires. Nous avons examiné d'autres expressions relatives à l'hospitalité raisonnable. On s'est également demandé au sujet de l'influence répréhensible s'il n'y avait pas là une obligation de la part du titulaire d'une charge publique de connaître les limites. En d'autres termes, il y a des obligations que l'on retrouve dans le Code criminel, mais aussi des obligations que l'on retrouve dans le code des titulaires de charge publique, dans le code des fonctionnaires et dans toute directive supplémentaire émanant des divers ministères.

.1215

Je me suis demandé à ce sujet comment parvenir à un bon équilibre. Le fait d'offrir l'hospitalité, ce qui peut paraître tout à fait normal, peut sembler tout à fait déplacé, si vous travaillez dans le domaine de la réglementation au sein d'un ministère. Si par contre, vous travaillez dans le domaine de la politique, cette hospitalité peut passer pour le prolongement normal des discussions que vous avez eues et ainsi, sembler tout à fait convenable.

Certains lobbyistes se sont posé des questions à ce sujet. Le titulaire d'une charge publique n'est-il pas tenu de refuser?

Mme Catterall: J'ai une dernière observation à faire. Comme je siège maintenant depuis quelque temps au sein d'un comité mixte qui tente d'élaborer un code de déontologie pour les députés et les sénateurs, je dois dire que ce n'est pas clair pour bon nombre des titulaires d'une charge publique, mis à part ceux qui sont assujettis au code dont vous parlez et qui sont peu nombreux.

Personnellement, lorsque je suis dans l'incertitude, je m'abstiens. Mais il est évident que les députés aimeraient avoir un code de déontologie qui leur donne ce genre d'indication. Je ne me sens pas très à l'aise en raison du manque de précision.

Le président: Notre séance tire à sa fin, mais je vais essayer de donner à tout le monde la possibilité de faire une dernière observation. Je vais céder la parole à M. Frazer avant de conclure par trois interventions.

M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Monsieur Wilson, bienvenue et merci pour vos réponses directes.

D'après l'information que nous a remise M. O'Neal, notre attaché de recherche, le conseiller en éthique aurait le pouvoir discrétionnaire de décider s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu infraction au code et ensuite, de décider si une enquête s'impose ou non. En fait, tout relève de votre compétence et, comme vous l'avez dit plus tôt, c'est une énorme responsabilité.

D'après moi, en votre qualité de conseiller en éthique, vous jouez deux rôles, puisque vous relevez directement du Premier ministre et aussi du Parlement. Sans vouloir manquer de respect, quelle est votre priorité à ce chapitre? Quand accordez-vous la priorité au Premier ministre et quand l'accordez-vous au Parlement?

M. Wilson: Lorsque vous avez ces genres de responsabilités, surtout des responsabilités énoncées dans la loi, cela représente une obligation fort importante pour moi-même et pour mon bureau.

J'ai indiqué plus tôt qu'il nous faudrait avoir un système très clair sur la manière de traiter les plaintes. Des allégations vont être faites à propos de certains lobbyistes qui ont commis une infraction au code. Il faut prévoir un processus permettant à mon bureau de les examiner, afin de déterminer s'il existe des preuves raisonnables à cet égard. Cela va être prioritaire pour moi. Par contre, lorsqu'une loi établit un processus, comme c'est le cas de celle-ci, cela ne peut passer au second plan.

M. Frazer: Puis-je aller plus loin? Pensez-vous que le code des lobbyistes pourrait s'appliquer également aux députés et aux ministres d'État?

M. Wilson: Non. Ce code va s'appliquer aux lobbyistes-conseils qui sont engagés pour présenter des instances et faire du lobbying auprès de personnes comme vous-même, auprès de ministères, de ministres ou de hauts responsables d'associations. Telle est la définition de lobbyiste. C'est à ces personnes que s'applique ce code.

.1220

M. Frazer: L'interprétation que vous faites du lobbying diffère-t-elle selon qu'il s'agit d'activités de lobbying auprès d'un simple député ou auprès d'un ministre d'État?

M. Wilson: Lorsqu'ils s'enregistrent, les lobbyistes doivent indiquer les ministères auprès desquels ils vont faire du lobbying. Il y a le Parlement... Les lobbyistes choisissent de mener leur action auprès de ceux qui vont leur permettre d'atteindre leurs objectifs. Ils doivent s'enregistrer. Ce code s'applique à leurs activités en tant que lobbyistes.

M. Frazer: Quand le fait que vous menez une enquête est-il rendu public? Comment et quand le Parlement sait-il que le conseiller en éthique, assujetti au code de déontologie des lobbyistes, mène en fait une enquête sur un lobbyiste?

M. Wilson: Il y a une distinction à faire. La loi stipule que l'enquête doit être secrète, mais j'imagine que le fait qu'une enquête a lieu serait rendu public.

M. Frazer: Quand?

M. Wilson: Au moment où l'enquête est lancée.

M. Frazer: Comment feriez-vous pour que cela soit rendu public? Feriez-vous une annonce?

M. Wilson: Je crois qu'il faudrait indiquer qu'une enquête est en cours.

Le président: Je croyais que vous deviez préparer un rapport de l'enquête.

M. Frazer: Le fait qu'une enquête soit en cours devrait sûrement être indiqué au Parlement.

Le président: Peut-être votre avocat, monsieur Wilson... Nous sommes des avocats campagnards ici.

M. Frazer: Cela nous ramène à ma première question au sujet de la loyauté envers le Premier ministre et le Parlement. Le fait est que si une enquête est menée en vertu du code des lobbyistes, le Parlement doit en être informé d'autant plus que le rapport va lui être présenté. Si cela n'est pas rendu public, le conseiller en éthique, dans sa sagesse ou son jugement, peut décider d'en saisir le premier ministre et non le Parlement.

Le président: Votre question est pertinente. Si je comprends bien, vous demandez quand vos activités vont être assujetties à ce code?

M. Frazer: Non, je demande quand le Parlement va être mis au courant...

Le président: Les activités sont assujetties à ce...

Monsieur Wilson, pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?

M. Wilson: J'imagine que nous allons recevoir des plaintes. Je voudrais pouvoir m'en occuper en privé. Je voudrais m'assurer que toute enquête lancée repose sur des faits très solides. Ce travail préliminaire se ferait donc avec beaucoup de discrétion par souci d'équité envers toutes les parties.

La loi stipule que toute enquête doit faire l'objet d'un rapport au Parlement. C'est donc ce que la loi exige. À mon avis, si en fait vous... Nous parlons ici de situations hypothétiques, par conséquent...

M. Frazer: Non; ce n'est pas une question hypothétique, mais une question très précise. Je veux savoir quand vous en informez le Parlement. Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites. Vous voulez la réalité brute et non déguisée. Par contre, est-ce au moment où vous décidez qu'il vaut la peine de mener une enquête que vous en informez le Parlement?

M. Wilson: Permettez-moi de commencer par la fin. Ce qui est sûr, c'est que s'il y a enquête, il faut présenter un rapport.

M. Frazer: À qui adressez-vous le rapport?

M. Wilson: Au Parlement.

Le président: C'est stipulé à l'article 10.

.1225

M. Frazer: J'ai indiqué que ce monsieur joue deux rôles et relève donc de deux entités. Il a donc le pouvoir discrétionnaire de décider à qui il adresse le rapport, au Premier ministre, ou au Parlement.

Le président: Non. Si une enquête est lancée, elle déclenche immédiatement la nécessité d'un rapport en vertu de ce code. Ce rapport est automatiquement adressé au Parlement. Il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire.

M. Frazer: Tout cela se passe dans un seul bureau, monsieur le président. Il n'y a personne d'autre. Un seul homme fait marcher toute l'affaire.

Le président: Je risque ici de témoigner moi-même en disant que j'ai présidé le comité. Tout à fait par hasard, notre attaché de recherche, absent aujourd'hui pour cause de maladie, travaillait avec nous à ce moment-là avec un autre de ses collègues. J'essayais de voir qui, parmi les personnes présentes aujourd'hui, était au comité au moment de cette étude.

La question qui s'est en fait posée au moment où nous avons examiné la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, se rapportait au fait que le Parlement a conféré cette responsabilité à M. Wilson. Cela créait évidemment un problème, parmi d'autres. Nous nous sommes réunis pendant de nombreuses semaines en tant que sous- comité du Comité de l'industrie à l'époque. Il ne fait aucun doute que cela était un problème.

En ce qui concerne cette responsabilité particulière toutefois, dès qu'une plainte d'infraction ou d'infraction présumée au code des lobbyistes est présentée, il est obligé, si je comprends bien, de mener immédiatement une enquête.

Je pense, monsieur Wilson, que vous vous attendez à recevoir des centaines de plaintes peut-être. Il pourrait s'agir de plaintes sans fondement, mais vous devez toujours examiner ces plaintes et mener une enquête. Il pourrait donc s'agir d'une plainte fondée ou non; toutefois, en vertu de la loi, vous devez en faire rapport directement au Parlement. Il n'y a pas d'autre choix; vous en saisissez le Parlement.

M. Frazer: Je suis d'accord sur ce point, mais il a dit lui- même...

Le président: Il joue également un second rôle.

M. Frazer: ...que jusqu'à un certain point, cela doit être secret; je suis d'accord sur ce point. Il est facile d'accuser une personne, mais prouver qu'elle est dans son tort est une autre paire de manches.

Si nous considérons le rapport comme étant le résultat final, nous conférons à M. Wilson des pouvoirs encore plus discrétionnaires en ce qui concerne l'entité à laquelle ce rapport est présenté. Est-il présenté au premier ministre?

Le président: La loi est claire à cet égard.

M. Frazer: Qu'arrive-t-il lorsque le ministre est en jeu?

Le président: Il est intéressant de noter que le paragraphe 10(5) a fait l'objet d'un grand débat à notre comité. M. Epp et M. Bellehumeur, ainsi que M. Boudria, qui a siégé au sein de trois... le comité Holtmann dans les années 80... Nous avons examiné ce point.

Monsieur Wilson, vous pouvez me rafraîchir la mémoire; n'avons-nous pas à notre comité, à l'étape de la première lecture, ajouté que le conseiller en éthique doit motiver ses conclusions pour justement renforcer son pouvoir? Il ne s'agit donc pas uniquement de présenter un rapport - par exemple, j'ai mené l'enquête sur Frazer and Associates - mais aussi de motiver les conclusions. Cela donnait au conseiller en éthique la responsabilité, l'obligation juridique et statutaire d'en faire rapport. C'était un changement par rapport au projet de loi du gouvernement.

Je ne cherche pas à être sectaire. J'essaye de vous informer de l'évolution historique de cette disposition.

M. Frazer: Monsieur Wilson, ai-je raison de supposer que si vous recevez une plainte et concluez qu'elle n'est pas fondée, aucun rapport ne serait présenté au Parlement; il s'agirait d'une question tenue au secret?

M. Wilson: C'est exact.

M. Frazer: Ce que vous dites donc, monsieur le président, ne correspond pas à la réalité. La présentation du rapport est laissée à la discrétion du conseiller.

Tout ce que j'aimerais savoir en fait, monsieur Wilson, c'est quand le Parlement apprendrait-il que vous menez une enquête de bonne foi?

M. Wilson: D'accord. Vous voulez savoir si d'autres personnes vont intervenir.

Je pense que la loi est très claire sous son libellé actuel. J'ai dit que je veux m'assurer que mon bureau dispose d'un processus qui lui permette de traiter des plaintes en toute équité. Ces plaintes peuvent reposer sur de la désinformation, peuvent être mesquines, mais nous devons les traiter en toute équité.

En vertu de la loi, si j'ai des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction au code, il doit y avoir enquête. Une chose donc est certaine: lorsque l'on arrive à ce point, le processus prévoit la présentation d'un rapport. Rien ne peut permettre de l'éviter. Une fois cette décision prise, un rapport doit être présenté.

.1230

Essayer de prévoir l'avenir et de dire le moment précis où le Parlement pourrait être mis au courant d'une enquête en cours, représente une situation un peu hypothétique, comme je le disais plus tôt.

M. Frazer: Faudrait-il une disposition à cet égard?

M. Wilson: Comme je le disais, une fois qu'il est décidé de mener une enquête, il y a obligation de présenter un rapport par la suite.

M. Frazer: Faudrait-il prévoir dans ce code une disposition stipulant qu'à un moment donné, lorsque vous avez décidé qu'il y a de bonnes raisons de mener une enquête, un rapport...

Le président: C'est déjà prévu. Monsieur Frazer, je crois savoir ce que vous voulez dire. Il doit le présenter à la Chambre dans les 15 jours suivant sa réception. C'est donc son enquête. À partir du moment où il la déclenche, à partir du moment où c'est une enquête et non pas simplement une plainte, à partir du moment où il décide que c'est une enquête, il a l'obligation de présenter un rapport.

Ce point précis est l'un de ceux qui ont été soulevés à notre comité. Il ne s'agit pas simplement de dire dans le rapport: «oui, j'ai mené une enquête sur Frazer», le rapport doit motiver les conclusions de manière qu'il ne serve pas uniquement à blanchir la personne, si vous voulez. Ce pouvoir a été conféré à son bureau et cela doit se faire dans les 15 jours.

Mis à part ce rapport, il doit présenter un rapport annuel. À l'époque de notre comité, votre sous-comité, si je peux utiliser cette expression, nous étions d'avis qu'il était très important qu'il puisse présenter un rapport au Parlement de manière à ôter toute impression d'ingérence politique, situation à laquelle vous faites allusion, je crois.

Mis à part ces responsabilités, il joue un second rôle effectivement, ce qui peut expliquer une partie de votre plainte, d'après mon interprétation; je veux parler du rôle par rapport au Premier ministre, qui vise des questions qui ne sont pas reliées à cette loi en particulier.

M. Frazer: Monsieur Wilson, il semble que certains soient intéressés par votre poste.

Le président: Monsieur Laurin.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le président, j'hésite entre poser ma question et vous demander s'il n'y aurait pas lieu de convoquer à nouveau M. Wilson. J'aimerais lui poser plusieurs autres questions et j'ai l'impression qu'on n'a pas épuisé l'intérêt pour ce sujet puisque mes collègues semblent aussi vouloir lui poser d'autres questions.

Je voudrais qu'on insiste davantage sur le degré d'indépendance. Je voudrais que M. Wilson nous parle davantage du degré d'indépendance dont il dispose vis-à-vis du gouvernement pour bien faire son travail. C'est loin d'être clair et précis pour moi. Je voudrais qu'on revienne sur la question des pouvoirs qui lui sont accordés. J'aurais plusieurs autres questions.

Je souhaite que nous invitions à nouveau M. Wilson, peut-être cette semaine si c'est possible, et que nous poursuivions le débat sur ce sujet.

[Traduction]

Le président: Pour dissiper toute confusion, ce code... Je suis désolé si je parle trop, monsieur Frazer, mais j'ai l'impression de bien connaître la question. Je n'étais pas responsable du projet de loi, mais j'étais certainement président du comité qui s'en est occupé. M. Bellehumeur, M. Epp et nos propres collègues y ont également participé.

Après avoir dit à M. Wilson, d'accord, vous avez le projet de loi sur les lobbyistes, maintenant rédigez le code et consultez, on espérait qu'il le ferait. C'est chose faite. Pour parachever le tout, nous lui avons demandé de revenir devant un comité parlementaire pour nous parler du code. Cela n'a rien à voir avec l'indépendance, avec certaines des autres questions qui, sans aucun doute, sont discutables et intéressantes. En tant que comité, nous lui avons demandé de nous prouver la pertinence de ce code et de faire en sorte qu'il soit mis en oeuvre. Nous voulions qu'il comparaisse devant nous pour débattre de questions relatives au code des lobbyistes, comme l'ont fait Mme Catterall et M. Strahl.

Si vous me dites que vous voulez plus de temps pour le code, je n'ai pas de problème à ce sujet. Je crois que M. Wilson pourrait être disponible. Il avait demandé depuis début septembre de venir devant ce comité; nous avions un problème de calendrier. Nous avons eu la loi. Je ne pense pas que cela poserait un problème.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le président, je regrette, mais je ne suis pas d'accord avec vous. Quand on parle de l'application du code, il est important que nous sachions qui sera responsable de sa mise en oeuvre et qui le fera respecter. De quels moyens cette personne disposera-t-elle pour exécuter tout ce travail? À mon avis, rien ne touche de plus près le code. Nous sommes au coeur même du sujet, et non pas à côté. C'est à cet égard que nous devons poser davantage de questions à M. Wilson. Il devrait nous dire s'il pense avoir les instruments nécessaires pour mener à bien l'application et la mise en oeuvre de ce code.

.1235

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Pagtakhan.

M. Pagtakhan: Merci, monsieur le président.

En fait, M. Wilson a dit qu'il a envisagé d'autres mesures à prendre, notamment à propos de la manière dont les enquêtes se dérouleront. Je pense qu'il est essentiel que le comité examine cette série de mesures que le conseiller en éthique se propose de prendre.

Si l'on prend le code de déontologie des avocats, des médecins ou de n'importe quel professionnel, on s'aperçoit que des mesures de discipline, de réprimande, de radiation du tableau de l'ordre ou de retrait d'une licence sont prévues. Pourquoi n'est-ce pas le cas dans ce code de déontologie?

M. Wilson: C'est une décision que le Parlement a prise sciemment: dans ce code de déontologie, la seule sanction qui soit prévue, si vous voulez, c'est le rapport présenté au Parlement, indiquant si un lobbyiste a commis une infraction au code ou non. Il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet et on a pensé qu'en fait, tout rapport indiquant un comportement non éthique équivaudrait à une sanction suffisante en ce qui concerne l'avenir du lobbyiste en question.

Cela a fait l'objet d'un débat délibéré. Si j'ai bonne mémoire, on a fini par s'entendre sur ce point au sein du comité. Autrement dit, à l'heure actuelle, vous ne pouvez rayer un lobbyiste de la liste. Le barreau peut rayer de son ordre les avocats, mais êtes-vous en mesure de dire à quelqu'un qu'il ne peut faire des démarches auprès du gouvernement. Il existe une charte qui donne aux gens le droit de communiquer et d'exercer une influence.

Ce que nous disons, par l'entremise de ce code, c'est que, si vous exercez des pressions contre rémunération, vous devez vous enregistrer et que vous serez assujetti à ces règles. Si vous commettez une infraction au code, un rapport vous critiquant pourrait être déposé au Parlement.

M. Pagtakhan: D'après la disposition concernant la divulgation, il est question d'informer les clients et d'obtenir un consentement éclairé. Dans la version initiale, cela devait se faire par écrit. Dans la pratique médicale, lorsque l'on essaie d'obtenir un consentement pour un traitement, je sais que cela doit se faire par écrit pour éviter toute méprise entre les deux parties. Pourquoi a-t-on laissé tomber l'expression «par écrit» entre la première et la deuxième ébauche? Je crois que, pour une plus grande clarté, il est très important en fait de retenir cette expression. Le conseiller en éthique pourrait-il nous donner une explication?

M. Wilson: Quelqu'un a demandé s'il était vraiment sage de supprimer l'adjectif «éclairé» et nous allons y réfléchir.

Quant à l'expression «par écrit», d'aucuns ont fait valoir que tout se fait souvent par téléphone. Ils ne s'opposaient pas à l'utilisation de l'adjectif «éclairé», mais ils estimaient qu'il ne serait pas toujours possible que la communication se fasse obligatoirement par écrit. Ils acceptaient au moins cette obligation. Un certain nombre n'acceptait pas l'obligation et n'aimait pas non plus que cela se fasse par écrit.

Nous avons examiné la question attentivement et nous avons jugé que ce ne serait pas vraiment facile d'acquiescer dans tous les cas à notre demande - c'est-à-dire, informer par écrit. Par exemple, si la question se posait pour vous de représenter un nouveau client et que vous vérifiiez auprès des autres clients pour savoir s'ils s'opposent à ce que vous, en tant que lobbyiste, preniez ce nouveau client... c'est la raison pour laquelle nous avons supprimé l'expression.

M. Pagtakhan: Merci, monsieur le président.

Le président: Chers collègues, nous avons dépassé le temps qui nous était imparti. Monsieur Strahl, vous avez un air sombre.

M. Strahl: J'ai une ou deux questions.

Le président: Je vais vous permettre d'en poser une courte.

M. Strahl: Bon, j'aimerais bien.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le président, je fais appel au Règlement. Je voulais poser une question tout à l'heure. Je n'ai pas posé de questions relatives au contenu, espérant que vous accepteriez que nous convoquions à nouveau M. Wilson. J'attends toujours votre réponse. J'aurais posé mes questions si j'avais su que... Si nous sommes en mesure de faire revenir M. Wilson, je réserverai mes questions pour la prochaine rencontre.

[Traduction]

Le président: Je m'en remets à vous, chers collègues. Je ne suis que président.

[Français]

M. Laurin: Nous aurions le temps cette semaine, monsieur le président.

[Traduction]

M. Kilger (Stormont - Dundas): Je me demande alors s'il n'est pas possible de permettre à M. Strahl et à M. Laurin de poser leurs questions aujourd'hui. À ce que je vois, il ne serait alors peut-être pas nécessaire que M. Wilson revienne.

.1240

En ce qui concerne le point soulevé

[Français]

par M. Laurin, si nous nous en tenons aux questions relatives à la version préliminaire du Code de déontologie des lobbyistes, je crois qu'il ne sera pas nécessaire de convoquer à nouveau le témoin comme le suggérait M. Laurin si nous lui permettons de répondre aux questions de ce dernier aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Ça va.

Monsieur Strahl. Nous reviendrons ensuite aux questions de M. Laurin.

M. Strahl: Êtes-vous nommé par décret? Est-ce que vous occupez le poste selon le bon plaisir du premier ministre ou l'occupez-vous pour une période déterminée?

M. Wilson: Il s'agit d'une nomination par décret.

M. Strahl: Est-ce que vous êtes alors désigné pour une période déterminée?

M. Wilson: Non, il s'agit simplement d'une nomination.

M. Strahl: La nomination est selon le bon plaisir du gouvernement ou du premier ministre?

M. Wilson: Oui.

M. Strahl: D'accord. Les conditions ne ressemblent pas à celles du vérificateur général; il s'agit de modalités d'emploi différentes.

Lorsque vous faites enquête sur une affaire qui met en cause un lobbyiste et un ministre du cabinet, ce qui risque d'être le cas, il se trouvera quelqu'un pour dire, je crois, que le lobbyiste compromet ce premier ministre par ses activités; il faudra que vous fassiez enquête sur deux fronts: d'une part sur le lobbyiste au sujet duquel vous devrez vous demander s'il a commis une infraction au code de déontologie, et d'autre part, sur le ministre du cabinet afin de vous déterminer s'il n'a pas manqué à l'éthique. Vous ferez ensuite rapport au premier ministre.

Est-ce que vous soumettez alors les deux à une enquête? Comment décidez-vous de l'objet de l'enquête? Si quelqu'un vient vous voir pour vous dire qu'il pense que l'industrie du tabac a Dingwall dans sa manche et vous fait part de quelque chose, vous lui répondez alors que vous allez vérifier. Mais vous devrez vérifier à l'égard du cabinet de même qu'à l'égard du lobbyiste. Comment prenez-vous la décision en ce qui concerne la vérification?

Je crains que le premier ministre vous ait placé dans une position intenable. Il faudra que vous disiez que vous faites enquête...

Le président: Vous voulez dire le Parlement. Le Parlement l'a placé dans cette position si c'est votre question.

M. Strahl: D'accord.

Le président: Monsieur Wilson, votre réponse s'il vous plaît.

M. Wilson: Je crois que, dès qu'il a été décidé qu'une personne a commis une infraction au code, il faut alors faire enquête. Le pouvoir est considérable à cet égard; on parle de tous les pouvoirs détenus par un tribunal supérieur d'archives. C'est une question dont j'ai parlé plus tôt de l'importance. Il s'agit d'une loi. Il ne faudra pas oublier que le rapport final doit satisfaire le grand public en matière d'équité et de complétude.

M. Strahl: Merci. Je ne suis pas sûr que cela règle vraiment la question dans mon esprit, mais je vais examiner à la réponse. Il s'agit probablement d'une bonne réponse.

En dernier lieu, j'aimerais savoir ce que vous ferez si vous vous trouvez dans une situation compromettante? Je songe à l'article publié dans le Ottawa Citizen au sujet de tous les liens qu'a l'industrie du tabac - avec tous les anciens chefs de cabinet et le Cabinet, des sénateurs et tous ceux qui sont liés de très près à notre passé politique. Que ferez-vous...

M. Harb: Monsieur Strahl...

M. Strahl: Non, c'est connexe.

M. Harb: Avant que vous continuiez, monsieur Strahl, je veux comprendre la pertinence de tout ceci, étant donné que cela s'applique à tout autre fonctionnaire du pays.

Le président: Posez votre question, monsieur Strahl.

M. Strahl: Il ne s'agit pas d'une accusation. Il s'agit d'une situation qui pourrait se présenter. Vous avez un cercle d'amis et quelque chose se présente. Quelle est la disposition dans la loi ou que feriez-vous pour dire quelque chose du genre: «Je dois rester à distance parce que ce type est l'entraîneur de l'équipe de baseball de mon fils?» Que faites-vous alors?

M. Wilson: Je crois qu'il faut reconnaître que ce genre de situation s'est peut-être produit. Je crois que c'est quelque chose qui peut se produire ou non. Si l'objectivité de quelqu'un doit être mise en doute, c'est une question très sérieuse. Je peux seulement me guider sur ce qui s'est passé au niveau provincial alors que Bob Clark, par exemple, le commissaire des conflits d'intérêt en Alberta, s'est retiré lui-même dans le cas d'une certaine enquête, parce qu'il avait eu un lien avec une partie de l'organisation qui était en cause.

Je crois qu'il faudra faire face à la situation lorsque celle-ci se présentera.

.1245

M. Strahl: Avez-vous un adjoint ou quelqu'un qui...

M. Wilson: Il faudra que nous réfléchissions à la façon dont nous agirons dans à une situation de ce genre.

M. Strahl: Je m'intéresse à la façon dont on agirait parce que la situation risque de se présenter. C'est toujours possible.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Laurin, s'il vous plaît.

M. Laurin: Merci, monsieur le président. J'aimerais que M. Wilson nous dise pourquoi il n'a pas jugé utile de demander au gouvernement d'accorder au conseiller en éthique des pouvoirs parallèles ou semblables à ceux que possède le vérificateur général dans l'exécution de ses fonctions. Comment pensez-vous être capable de remplir un rôle semblable à celui du vérificateur en n'ayant pas les mêmes pouvoirs que lui?

M. Wilson: Premièrement, cette loi m'accorde tous les pouvoirs nécessaires. Je suis tout à fait indépendant. En réalité, je dois rendre compte au Parlement par un processus de rapport. Mais j'ai d'autres responsabilités. Le conseiller en éthique a des responsabilités supplémentaires relatives au code de conflits d'intérêt qui s'applique aux ministres.

M. Laurin: Excusez-moi, monsieur Wilson, je voudrais compléter ma question pour que vous y répondiez adéquatement. Vous dites que cette loi-ci vous accorde tous les pouvoirs nécessaires.

M. Wilson: Oui.

M. Laurin: Mais puisque cette loi est confiée au conseiller en éthique qui, lui, relève de la discrétion du premier ministre, il est assez simple de faire en sorte que...

M. Wilson: [Inaudible - Éditeur]

M. Laurin: Les chefs des partis de l'opposition en ce sens ont été consultés. J'aimerais faire ressortir que...

[Traduction]

Le président: Avez-vous des questions? Je vous prierais de poser vos questions au témoin sans faire de débat.

[Français]

M. Laurin: Monsieur Wilson, vous dites que la loi vous donne des pouvoirs, sauf que le rôle que vous avez pour appliquer cette loi est sans pouvoirs. Ce rôle vous a été accordé de façon un peu discrétionnaire, selon la bonne volonté du premier ministre. Si le premier ministre désirait que vous ne fassiez pas enquête dans un cas particulier, il n'aurait qu'à vous enlever le titre de conseiller en éthique...

[Traduction]

Le président: Non, non.

[Français]

M. Laurin: Je pose la question à M. Wilson. Est-ce exact qu'à partir du moment où vous n'avez plus le rôle ou le titre de conseiller en éthique, vous ne pouvez plus appliquer cette loi?

M. Wilson: Je suis nommé par le gouverneur en conseil à titre de conseiller en éthique et de personne responsable d'appliquer cette loi. Le gouverneur en conseil peut changer ceci.

M. Laurin: On ne pourrait pas, par exemple, changer le vérificateur général.

M. Wilson: Le texte de la loi m'accorde ici une indépendance absolue. J'ai d'autres responsabilités, y compris celle de conseiller en éthique pour l'administration du code des conflits d'intérêts qui s'applique aux ministres. Je m'oppose fondamentalement à la notion qu'une personne à qui on accorderait cette responsabilité détienne une poste parlementaire. Pourquoi? Parce que dans notre système parlementaire, les performances du gouvernement relèvent de la responsabilité du gouvernement et du premier ministre. Je ne crois pas qu'il serait acceptable, dans notre système parlementaire, de confier à une autre personne, une personne non élue, la question des conflits d'intérêt. C'est une responsabilité du premier ministre. C'est absolument clair dans notre système parlementaire. Mais je serai tout à fait indépendant relativement aux codes tant que je devrai assumer mes responsabilités.

M. Laurin: Monsieur Wilson, est-ce que vous vous sentez suffisamment indépendant, au moment où on se parle, pour prétendre autre chose que ce que vous dites?

M. Wilson: Je suis tout à fait indépendant en ce qui concerne cette loi.

M. Laurin: Que feriez-vous dans le cas suivant? Supposons que l'Association des banquiers canadiens retienne les services d'un expert-conseil au moment où elle élabore un projet en vue de demander une réforme de la Loi sur les banques. Un bon matin, le ministre des Finances, M. Martin, demande au même expert-conseil de le conseiller sur les modifications à la Loi sur les banques à accepter ou à rejeter. Le même expert-conseil oeuvre auprès des deux parties. Il suffit alors que l'expert-conseil obtienne le consentement des deux parties, donc des banquiers et du ministre des Finances, pour agir pour le compte des deux.

.1250

Il pourrait être dans l'intérêt des deux parties que le même expert-conseil soit retenu puisqu'il ne va pas consulter une partie en lui demandant de prévoir une disposition de la loi qui serait contraire aux intérêts de l'autre. Ce serait dans l'intérêt des deux.

Comment pouvez-vous prétendre que vous avez un degré d'indépendance suffisant pour pouvoir juger que ce genre de lobbying contreviendrait au code d'éthique qui nous est proposé?

M. Wilson: À mon avis, le texte actuel de cette loi énonce des pouvoirs précis. Si le conseiller en éthique a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction au code, il fait enquête. C'est tout à fait clair.

M. Laurin: Oui, si vous jugez avoir des motifs suffisants. Je vous demande précisément si vous avez l'indépendance politique nécessaire pour pouvoir juger sans pression qu'il y a motif à faire enquête. Avez-vous ce degré d'indépendance? Je pense que le vérificateur général peut décider de faire enquête sur ce qu'il désire dans tous les ministères. Est-ce que vous avez un degré d'autonomie, de liberté ou d'indépendance suffisant pour pouvoir juger que dans tel cas, il y a lieu ou pas de faire enquête? C'est là mon inquiétude.

M. Wilson: Je suis tout à fait convaincu que je dispose de toute l'indépendance nécessaire pour accomplir mes responsabilités conformément à cette loi ou au code qui régit les conflits d'intérêts.

[Traduction]

M. Pagtakhan: Monsieur le président, j'aimerais faire une observation. L'assurance avec laquelle le témoin répond aux questions sérieuses des membres du comité et affirme l'indépendance du conseiller témoigne de son indépendance.

Une voix: Bravo. Je crois que vous devriez être médecin.

[Français]

M. Laurin: Je ne suis pas d'accord, monsieur le président, et je le regrette. C'est justement à cause de la façon dont le témoin me répond. Je me demande s'il plairait au premier ministre, de qui il reçoit ses ordres, qu'il formule une autre réponse. Bien sûr, je ne le demande pas, mais je me dis que tel pourrait être le cas. Ce n'est pas la preuve. Je le regrette...

Il nous faudrait quelqu'un qui, en toute transparence, aurait les pouvoirs du vérificateur général et qui ne devrait pas sa it*job au gouvernement.

[Traduction]

Le président: Désolé, j'autorise une dernière question de la part de votre collègue.

Monsieur Langlois, je vous en prie.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Monsieur Wilson, j'ai cru comprendre que vous disiez tout à l'heure que vos pouvoirs étaient semblables à ceux d'un juge de la Cour supérieure, donc un juge de 1996, de la Constitution de 1867. Cependant, continuons le raisonnement. Les pouvoirs du juge d'une Cour supérieure, en vertu de notre Constitution, sont d'autant plus importants que le juge jouit d'une immunité absolue ou relative suivant les circonstances. Son immunité est tellement grande que seule une résolution de la Chambre des communes et du Sénat peut amener sa révocation.

On dit souvent que l'immunité judiciaire a été conçue de façon telle que lorsque le juge rend une décision ou une opinion, sa main ne doit pas trembler de crainte de déplaire au prince. Dans votre cas, ce n'est pas la même situation. Vous êtes nommé par une décision du gouverneur en conseil, laquelle est révocable n'importe quand. Qu'est-ce qui nous assure que votre main ne tremblera pas ou que vos épaules ne sursauteront pas lorsque vous saurez qui est derrière vous dans le cours d'une enquête que vous mènerez sur quelqu'un? C'est ce qui m'inquiète, monsieur Wilson, et non pas votre personnalité. Je ne questionne pas votre personne; je m'interroge sur le statut juridique que vous détenez.

M. Wilson: Actuellement, au moment où nous travaillons sur cette ébauche, dans toutes mes relations avec le gouvernement, je suis confiant de pouvoir mettre en oeuvre les pouvoirs qui me sont donnés ici.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, je veux remercier M. Wilson en votre nom.

.1255

Monsieur Wilson, cela me rappelle nos réunions précédentes sur la question.

Je veux vous dire que M. Wilson se tire merveilleusement bien d'affaire dans des circonstances difficiles en portant deux chapeaux et je sais que c'est le mandat que le Parlement lui a confié. Je veux le féliciter et le remercier du code. Je suis impatient de le lire dans la Gazette.

Nous serons de vous accueillir de nouveau un jour.

M. Wilson: Merci.

Le président: La séance est levée.

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