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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 30 avril 1996

.1109

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

Je suis très heureuse que nous tenions aujourd'hui la première de nos trois tables rondes sur l'impact que les nouvelles technologies de l'information et des communications pourraient avoir sur les droits de la personne.

.1110

C'est une question d'une grande complexité. Elle touche à de nombreux aspects de la vie de tout le monde dans notre société. Je sais qu'avec l'aide des experts qui seront parmi nous aux trois tables rondes que nous avons prévues, nous aurons une meilleure idée de cette question lorsque nous commencerons à examiner en détail les répercussions des nouvelles technologies sur les lois, les législateurs et la législation sur les droits de la personne.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'être venus nous apporter votre aide aujourd'hui pour attirer plus précisément notre attention sur les nouvelles technologies et le respect de la vie privée, les droits des travailleurs, les questions se rapportant à l'égalité d'accès pour les personnes handicapées, certains des aspects de la biotechnologie, les renseignements personnels, la discrimination, toute la question de l'utilisation du nouvel Internet et d'autres aspects des technologies nouvelles, la propagande haineuse, le racisme, l'antisémitisme et la pornographie.

Ce sont là les questions que certaines personnes voudraient que nous examinions. Certains sont tout à fait en faveur du laissez-faire. Quelles devraient être les mesures de contrôle? Sommes-nous capables dans le monde d'aujourd'hui d'appliquer des mesures de contrôle? Devrions-nous avoir des codes de pratiques équitables?

Je peux vous dire que ce sont les judicieux conseils de ceux qui viendront se joindre à nous au cours de nos trois prochaines séances qui détermineront l'étendue des travaux du comité.

Les deux premières séances porteront précisément sur les questions que je viens de mentionner. Je pense que nous aborderons, au cours de la troisième, l'aspect technologique de ces questions. Je suis moi-même très intéressée par toute la question des techniques de reproduction qui, comme vous le savez, a fait l'objet d'un rapport que le gouvernement a maintenant entre les mains.

Permettez-moi, sans plus tarder, de souhaiter la bienvenue à nos invités. Je leur demanderais de bien vouloir se présenter eux-mêmes. Nous allons tous nous présenter, parce qu'il ne s'agit pas d'une séance du genre de celles que tient habituellement un comité permanent. Il s'agit en quelque sorte d'une réunion informelle.

Après quoi, j'aimerais que vous nous fassiez un exposé de trois à cinq minutes. Je sais que c'est loin d'être suffisant pour partager avec nous toute l'information dont vous disposez. Nous pourrions ensuite passer aux questions en commençant par notre représentant du Bloc québécois. Si cela vous convient, nous allons avoir un échange très informel.

Je demanderais tout d'abord à Ann Cavoukian de bien vouloir se présenter. Nous allons ensuite passer à nos autres invités et nous saurons qui vous êtes.

Mme Ann Cavoukian (commissaire adjointe à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario): Merci. Mon nom est Ann Cavoukian et je suis commissaire adjointe à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario.

M. Arthur Cordell (conseiller spécial, Planification et analyse à long terme, Direction générale du spectre, des technologies de l'information et des télécommunications, ministère de l'Industrie): Mon nom est Arthur Cordell et je suis conseiller spécial du gouvernement fédéral sur la politique en matière de technologie de l'information.

Mme Jutta Treviranus (directrice, Adaptive Technology Resource Centre, Information Commons, Université de Toronto): Mon nom est Jutta Treviranus et je suis directrice de l'Adaptive Technology Resource Centre de l'Information Commons à l'Université de Toronto.

[Français]

M. Pierre MacKay (professeur, Département des sciences juridiques, Université du Québec à Montréal): Je m'appelle Pierre MacKay et je suis professeur au Département des sciences juridiques de l'Université du Québec à Montréal et membre d'un groupe de recherche qui s'appelle le Centre de recherche sur le droit, les sciences et la société.

[Traduction]

M. Ken McVay (directeur, The Nizkor Project): Je suis Ken McVay, directeur du Nizkor Project, de l'île de Vancouver. Je m'intéresse à la propagande haineuse et au déni de l'holocauste sur Internet.

La présidente: C'est bien. Merci beaucoup.

Ann, seriez-vous assez gentille pour partager certaines idées avec nous, officieusement ou officiellement, comme vous le voudrez, au cours des trois à cinq prochaines minutes? Puis, peut-être qu'Arthur... je devrais vous appeler par vos noms de famille. Je suis une personne très simple. La parole sera ensuite à vous, Monsieur Cordell.

Madame Cavoukian.

Mme Cavoukian: Merci beaucoup. Je suis heureuse d'être ici.

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Nous considérons la protection de la vie privée comme un droit fondamental de la personne. C'est une façon de voir la vie privée surtout dans les pays européens, et que nous partageons ici au Canada. Si vous me le permettez, je vais vous lire une brève citation puisqu'il s'agit d'une réunion informelle. Elle est tirée de la revue The Economist. J'ai pensé que ce serait une bonne façon de planter le décor aujourd'hui:

Je dirais que tout cela est exact, à une exception près. Nous sommes en 1996. Tout ce qui est dit là est possible, et cela se fait déjà aujourd'hui.

La menace pour la vie privée que comportent les nouvelles technologies de l'information est attribuable au fait qu'elles permettent que des données recueillies par diverses organisations pour toutes sortes de raisons différentes soient reliées de façons qui n'auraient jamais été possibles auparavant.

Nous avons maintenant des réseaux de télécommunications. Vous avez tous entendu parler de l'autoroute de l'information. Nous allons parler d'Internet. Ces réseaux facilitent le couplage d'informations qui par le passé, même si elles étaient recueillies, étaient conservées dans des bases de données différentes ici et là. L'information avait tendance à être fragmentée. Il n'était pas aussi facile, dans le passé, de relier ces données pour arriver à faire des choses comme dresser des profils personnels détaillés.

Tout cela a changé. Il est extrêmement facile aujourd'hui d'établir des liens entre diverses données à propos de vous et moi, de nos habitudes d'achat, de nos préférences de lecture, de ce que nous aimons ou n'aimons pas, de nos activités. C'est là que réside l'une des pires menaces à la vie privée. Le couplage électronique des données et l'utilisation de cette information à des fins auxquelles personne n'aurait songé au moment où elle a été recueillie, posent une menace énorme.

Vous n'êtes ainsi plus à même de décider comment vous voulez que l'information à votre sujet soit utilisée. Une fois que vous avez perdu tout contrôle, ces données sont utilisées autrement que dans votre intérêt, et de plus en plus. Lorsqu'on a le choix, tout est différent.

Je ne veux pas trop prendre de votre temps à ce moment-ci. Je terminerai en disant que les technologies que je viens de décrire et qui permettent ce genre de couplage de données peuvent être appelées des technologies de poursuite, puisqu'elles facilitent la surveillance. Elles reposent sur une chose. Elles vous identifient positivement comme étant le sujet d'information.

Votre identité est reliée à l'information qui est recueillie à votre sujet - ce que vous avez acheté, ce que vous buvez, où vous allez en voyage, quelles sont vos lectures, à quels magazines vous êtes abonné et de quelles organisations vous êtes membre. Tout cela, parce que cette information est reliée à votre identité. Une fois que ce lien est supprimé, que votre nom n'apparaît plus nulle part, le débat est transformé.

Plus tard, s'il nous reste quelques minutes, je vais vous parler d'un autre type de technologies nouvelles, qui permettent de protéger la vie privée. Nous les appelons les technologies de protection de la confidentialité. Elles protègent l'anonymat d'un individu tout en permettant que des transactions s'effectuent.

L'argent, par exemple, vous permet d'effectuer des transactions sans laisser de trace, sans que qui que ce soit sache ce que vous avez acheté, où vous êtes allé ou ce que vous avez fait. Pour reprendre la même analogie, les technologies de protection de la confidentialité, auxquelles nous reviendrons plus tard si nous en avons le temps, rendront possible la même chose, électroniquement.

Merci beaucoup.

La présidente: C'était fascinant. Maintenant, je sais pourquoi nous devrions nous en tenir à l'argent.

Monsieur Cordell, s'il vous plaît.

M. Cordell: Merci beaucoup. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité ici pour vous aider. J'ai quelques courtes notes que je vais passer en revue rapidement.

Nous parlons de la façon dont la technologie de l'information est en train de changer le monde du travail. Pourquoi cette question a-t-elle tant d'importance? Le travail fait partie des liens sociaux qui nous unissent comme nation et à l'intérieur également de nos collectivités. Le travail est le véhicule traditionnel de la répartition du revenu. Il offre l'occasion de contribuer et de se sentir nécessaire. Le travail structure notre temps et contribue à l'estime de soi.

Donc, tout changement dans nos habitudes de travail a de graves répercussions à tous les niveaux de la société. En examinant de près les problèmes maintenant, nous pourrions mieux préparer les Canadiens aux bouleversements qui les attendent et créer une société forte et en santé.

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La société de l'information, la nouvelle économie ou la technologie de l'information, peu importe le nom qu'on lui donne, entraîne avec elle de nouvelles réalités auxquelles nous devons faire face. Étant donné le peu de temps dont je dispose, je vais vous les exposer en m'en tenant aux points essentiels.

Parmi les nouvelles réalités figure le fait que nous assistons à une transformation en profondeur qui crée des gagnants et des perdants. Parmi ces gagnants et ces perdants, il y a les industries. Des industries tout entières voient le jour; d'autres sont en perte de vitesse. Les individus gagnent et perdent eux aussi, de même que les collectivités.

Il y a un livre qui a été publié qui porte le titre The «Winner Take All» Society. C'est une autre réalité. Nous assistons à la naissance de grandes vedettes, de grands créateurs de logiciels. Mais il y a aussi des gens qui sont perdants et qui perdent beaucoup - les travailleurs qui sont déplacés, les collectivités qui cessent leurs activités.

La technologie de l'information est une technologie qui entraîne des transformations profondes parce qu'elle est synonyme d'économies d'énergie, d'argent et de main-d'oeuvre. Sans entrer dans des détails technologiques, je dirais qu'elle change la fonction de production de base de l'économie. Cela veut dire qu'elle change tout.

La technologie de l'information remplace les gens dans de très nombreuses fonctions. Nous pensions tous que le secteur des services était celui qui allait créer le plus d'emplois, mais c'est une cible de choix pour les technologies de l'automatisation. On n'a qu'à aller dans n'importe quelle banque ou n'importe quel supermarché pour s'en apercevoir.

La technologie de l'information change la façon dont nous vivons, apprenons et gouvernons. Nous vivons dans des maisons intelligentes, nous avons l'enseignement par télévision et nous parlons toujours de rationaliser les services gouvernementaux. Tout cela suppose des changements radicaux d'emploi et une certaine turbulence sur le marché du travail.

Parce que les technologies de l'information et de la communication entraînent des transformations, nous assistons à des transformations sociales et culturelles profondes. Elles se font sentir partout. Peu importe ce qui se passe dans le monde, nous le savons tous à cause de la radiodiffusion par satellite.

La planification de carrière est chose du passé. Lorsque j'ai commencé à travailler, j'avais une idée de ce qui m'attendait. Les jeunes d'aujourd'hui ne peuvent plus rien planifier. Les professions actuelles sont soit précaires, soit désuètes. Mais personne ne peut prédire ce qui nous attend demain. Personne ne sait vraiment à quoi s'attendre. Donc, les gens ne savent pas comment se préparer.

Nous sommes en train de passer d'une économie de biens tangibles à une économie de biens intangibles. Nous sommes en train de passer d'une économie axée sur le matériel à une économie axée sur les logiciels. Les mesures traditionnelles de la richesse et du bien-être fondées sur l'ancienne économie ne nous aident pas vraiment à orienter nos politiques.

La présidente: Je suis désolée. Qu'avez-vous dit, monsieur Cordell? Cela m'a échappé. J'écoute très attentivement. Je ne veux rien manquer de ce que vous dites.

M. Cordell: Les indicateurs de politique que nous utilisons sont basés sur l'ancienne économie, une économie de matériel, une économie de chargement de wagons, de chargement de navires, de voitures. La nouvelle économie est une économie numérique qui n'existe vraiment que sur les réseaux mondiaux. Nous ne savons pas si les choses s'améliorent ou empirent, parce que nous ne savons pas comment les mesurer.

Les thèmes d'aujourd'hui sont la compétitivité, la productivité, l'efficacité et la reconception, autant de facteurs qui mènent à une main-d'oeuvre souple, à la naissance d'une main-d'oeuvre occasionnelle.

La mondialisation s'accentue. La mondialisation se fait d'elle-même, mais elle est aidée et encouragée aussi par la technologie de l'information et les réseaux mondiaux. Les grandes sociétés produisent à l'étranger, elles menacent de s'approvisionner à l'étranger, et la main-d'oeuvre nationale en souffre.

Avec la technologie de l'information, nous constatons que nous pouvons réduire la taille des sociétés. Les cadres intermédiaires ne sont plus nécessaires parce qu'on s'en servait habituellement pour transmettre de l'information du sommet à la base et vice versa. L'automatisation des grandes sociétés permet d'éliminer des niveaux de gestion au complet.

Nous semblons nous orienter vers une main-d'oeuvre à deux paliers, celui des travailleurs qualifiés et celui des ouvriers qui ne le sont pas, à laquelle correspond une répartition bimodale des revenus. Cela comporte de graves menaces pour la classe moyenne.

Je vais maintenant tout vous résumer en cinq points. Nous pourrons en reparler plus tard.

.1125

La planification de carrière est quasiment impossible à une époque aussi turbulente. Les gens sont poussés à accepter la possibilité d'avoir au moins deux ou trois carrières durant leur vie. L'envers de l'éducation permanente peut être l'incertitude permanente, une vie d'anxiété, l'angoisse de se trouver un travail et de le garder.

Deuxièmement, la menace de la mondialisation veut dire que ceux qui ont un travail auront peur de perdre ce qu'ils ont au moment de la prochaine vague de compression des effectifs et d'approvisionnement à l'étranger.

Troisièmement, nous assistons à un effritement de notre cohésion sociale. Les collectivités et les nations reposent sur des attentes communes, et celles-ci semblent être en train de se fragmenter. La planification de carrière devenant chose impossible, les gens ne se sentent plus aucun lien avec le monde du travail local, avec la collectivité locale.

Quatrièmement, la disparition éventuelle ou apparente de la classe moyenne présente un problème urgent pour les Canadiens. La mobilité ascendante n'étant plus possible, un groupe frustré et furieux de Canadiens pourraient se comporter de manière imprévisible et passer en partie leur colère sur leurs concitoyens.

Cinquièmement, un contrat social s'est créé entre l'employeur et l'employé. Au fil des ans, cela a voulu dire que si les employés travaillaient fort et apportaient leur contribution, ce dur labeur se traduirait par une certaine sécurité d'emploi et la mobilité ascendante au travail. Ce contrat semble avoir été détruit. Les entreprises réduisent leurs effectifs, déménagent la production à l'étranger et récompensent les dirigeants lorsque le prix des actions monte.

Sixièmement et finalement, la mort du contrat social contribue encore davantage à l'érosion de la cohésion sociale qui est nécessaire à l'édification des collectivités et des nations et à la promotion du sentiment d'appartenance qui est tellement vital à une citoyenneté robuste. Au bout du compte, la réduction des effectifs et l'approvisionnement à l'étranger entraînent une diminution de l'assiette fiscale, ce qui crée plus d'incertitude encore parce que l'universalité apparaît comme un bien remplaçable et comme une chose du passé.

Quoi qu'il en soit, j'espère ne pas avoir été trop déprimant, mais c'est la façon dont je vois les choses pour le moment. On m'a demandé de vous parler des inconvénients de ces technologies. Elles comportent aussi de nombreux avantages et je pourrais vous raconter l'histoire de réussites.

La présidente: J'espère que vous en aurez à nous raconter dans le cadre de la discussion, parce que pour le moment j'ai l'impression d'avoir besoin d'une valium ou d'autre chose du genre. C'est une façon de voir très déprimante. Il n'est pas surprenant qu'il y ait un malaise social et que les gens soient d'humeur grincheuse.

Je pense que notre prochain témoin est

[Français]

Monsieur Pierre MacKay, s'il vous plaît.

M. MacKay: Merci de cette invitation, madame la présidente. Je voudrais d'abord définir très brièvement les nouvelles technologies en regardant le côté positif des promesses de ces nouvelles technologies.

Dans un deuxième temps, j'aimerais parler des enjeux et des dangers en général.

Les nouvelles technologies sont un concept très général dans lequel on peut inclure au moins deux grands secteurs: les nouvelles technologies de l'information et de la communication, dont on a essentiellement parlé dans les deux interventions précédentes, ainsi que les biotechnologies, c'est-à-dire les technologies qui incluent toutes les nouvelles techniques de la génétique et toutes les technologies de la vie et de la reproduction, qui sont en soi des champs de développement considérables.

Les deux champs, la biotechnologie et les nouvelles technologies de l'information et de la communication, sont également interreliés dans les flux d'information qui peuvent circuler au sujet des personnes.

Dans un premier temps, les promesses des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qu'on confond avec les concepts d'Internet, d'autoroute de l'information, sont des technologies de la convergence de l'information et des communications, dont il faut parler.

Leurs promesses sont, bien sûr, un accès universel, instantané, sans frontière et sans distance, à toute l'information, qu'elle ait trait à la culture, à la musique, à la vidéo, à la formation, à l'enseignement ou à la recherche; on va jusqu'au télé-achat et à toutes les informations traditionnellement accessibles sur d'autres supports.

Cet accès universel est le pendant des possibilités de diffusion universelle que donnent, à des coûts très très bas, ces technologies. Pour 20 $, 30 $ ou 50 $ par mois, toute personne peut être diffuseur d'information sur l'Internet.

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Il est évident qu'on va retrouver là l'image de la société, du meilleur au pire. Tous les goûts sont dans la nature, nous dit-on. Eh bien, on va y retrouver de tout, à l'image de la société. Ce qui est différent, c'est que l'accès et la diffusion sont maintenant universels.

On promet que l'accès à l'éducation et à la formation continue sera grandement amélioré, transformé et modifié très considérablement. On n'a qu'à penser à l'accès que ces technologies peuvent donner à toutes les régions, y compris les régions les plus éloignées, à toutes les grandes découvertes, tous les grands textes, toutes les grandes bibliothèques, toutes les grandes images, etc., en temps réel et en même temps. On n'a qu'à penser à ce que cela représente comme potentiel pour ces communautés. C'est exceptionnel.

Du côté des biotechnologies, je ne mentionnerai que le projet de cartographie du génome humain, qui laisse entrevoir des avances absolument sans précédent dans la connaissance de la biologie humaine et qui, à terme, laisse entrevoir des promesses considérables pour la prévention et le traitement des maladies.

Il y a évidemment des dangers dans ces enjeux. Il n'y a pas de changements qui soient sans danger dans la société. Ces enjeux, je les vois aux niveaux des personnes, de la société, et ils sont d'ordres économique et culturel.

Quant aux personnes, Mme Cavoukian a bien mentionné que la protection de la vie privée était l'enjeu central. Je pense que c'est tout à fait vrai. Le couplage des informations et des ordinateurs, la mise en commun des banques de données, le recoupement via les identifiants universels, qu'il s'agisse du numéro d'assurance sociale ou d'autres identifiants universels, permettent d'établir depuis déjà pas mal de temps les profils dont elle nous parle. Le danger est dans l'utilisation de ces informations à des fins tout à fait différentes et parfois tout à fait contraires aux intérêts de la personne.

Il y a malheureusement une différence entre les lois canadiennes ou provinciales, qui protègent en principe relativement bien ces usages, et les pratiques qui sont extrêmement difficiles à contrôler. Donc, il y a une différence entre la loi et la pratique, et il faudra penser à cette question-là.

C'est ici que peut se faire un lien avec les informations à caractère génétique ou fichiers d'information génétique. Si on ajoute l'information à caractère génétique sur les personnes à des fichiers comme ceux-là, on a non seulement des informations sur les opinions des personnes, mais aussi des informations considérables sur leur état de santé et leur susceptibilité à toutes sortes de risques. Cela a des conséquences majeures sur leur assurabilité, leur employabilité, etc. Quant à ces nouvelles technologies, ce sont les principaux enjeux pour les personnes.

En fait, il y a deux grands enjeux, mais le principal, à mon avis, est le danger de la création d'une société à deux vitesses, où certaines personnes n'auront pas d'accès aux technologies tandis que d'autres auront tout l'accès qu'il leur faut.

Cet accès n'est pas seulement physique. On nous dira que les bibliothèques publiques, les collèges et les universités sont des lieux dans lesquels les personnes pourront consulter ces banques de données. Chacun n'a pas à avoir chez lui un ordinateur, etc. C'est probablement quelque chose qui va venir, mais le danger est surtout ce que j'appelle l'«analphabétisme technologique».

La présidente: Je regrette, mais vous avez fait une description de moi, monsieur MacKay.

Des voix: Ah, ah!

M. MacKay: L'analphabétisme technologique rend impossible l'utilisation de ces technologies et la personne n'est plus qu'un sujet d'information. Elle n'a pas d'accès direct ou aucun accès. Cet analphabétisme technologique est aussi menaçant pour une société que l'analphabétisme traditionnel.

.1135

Les gens qui ne savent ni lire ni écrire dans notre société posent, aux plans économique et social, toute une problématique qui va se multiplier et se répercuter encore plus en matière de technologies, même si les technologies seront de plus en plus faciles à utiliser. On sent encore qu'il y a un très net clivage. On le sent chez des étudiants, même chez ceux qui entrent à l'université.

Je reviens à la société. Il y a un second enjeu qui, à mon sens, est réel au plan politique, mais qui n'est pas l'enjeu principal. C'est ce qu'on a appelé la diffusion des informations à caractère illicite sur les réseaux, qu'il s'agisse de propagande haineuse ou de toute autre espèce d'information dite à caractère illicite à laquelle on peut s'opposer.

Par contre, la liberté d'expression, qui est une valeur fondamentale, devrait, en dehors de certaines limites, être le moins restreinte possible, d'autant qu'en réalité, il me semble que c'est par le débat politique et l'échange de ces idées, bien plus que par des moyens de censure, qu'on peut en démontrer la fausseté ou le caractère diffamatoire. Mais cela est une position personnelle.

Quant aux dimensions économiques, je pense que M. Cordell a bien fait allusion aux implications sur le marché du travail. Donc, je n'en parlerai pas beaucoup.

Dans l'âge de l'information, les entreprises n'ont plus de frontières. Le traitement des informations, qui devient le coeur des entreprises, peut se faire à distance. On voit maintenant des entreprises manufacturières faire leur design en Italie, leur gestion aux États-Unis et leur production en Asie. Les entreprises sont complètement éclatées et sans frontières, et on doit trouver au Canada les gens qui ont la formation et la préparation nécessaires pour assumer ces tâches dans des entreprises de cette nature-là. Je pense que c'est très important.

Finalement, sur le plan culturel, la domination des industries culturelles, avec les échanges sans frontières, menace la culture d'une façon peut-être plus forte encore que toutes les autres.

Merci.

La présidente: Il y a des pour et des contre pour tout. Merci beaucoup, professeur. Monsieur Ken McVay.

[Traduction]

M. McVay: Bonjour. J'ai ici un exposé de John Barlow, qui est bien connu sur Internet. Je vais vous le lire plus tard en me contentant pour le moment de vous citer une partie de la préface.John Barlow est l'un des cofondateurs de l'Electronic Freedom Foundation et l'un de ceux qui répètent souvent que l'information doit être libre. Soit dit en passant, je suis d'accord avec lui.

Il parle dans la préface de cet exposé du format de télécommunication signé aux États-Unis il y a à peu près un mois. Il y dit ceci:

Internet est conçu de telle manière que la censure est considérée comme dommageable. Il est conçu de telle manière que la législation est considérée comme dommageable, et il les contourne. Nous avons pu le constater récemment lorsque le gouvernement allemand a essayé de nier l'accès au site W3 d'Ernst Zundel dans le sud de la Californie. Cela s'est soldé par une défaite monumentale pour l'Allemagne et par une grande victoire pour M. Zundel, qui, de toute évidence, s'est fait beaucoup d'argent entre-temps et a pu jouer au martyr dans les médias. C'est ce qui lui ont valu les efforts de réglementation d'Internet. Il est ironique que ce soit le gouvernement allemand qui soit à l'origine de tout cela.

.1140

Il y a une chose qui a déjà été signalée, mais dont les législateurs doivent se souvenir partout dans le monde, et c'est qu'Internet n'a pas de frontières. Cet exposé est beaucoup plus éloquent que tout ce que je pourrais dire, mais je vais le garder pour la fin.

Parce qu'il n'existe aucune frontière, vous devez reconnaître, en vous mettant à ma place comme internaute, que vous n'avez absolument aucun pouvoir sur ce que je peux dire, sur le moment où je le dis ni sur la façon dont je le dis. Si vous vous organisez pour qu'il soit difficile pour moi de dire certaines choses au Canada, je ferai ce que M. Zundel a fait et je déménagerai mon ordinateur en Californie où je continuerai à les dire - ou encore en Irak ou en Afrique du Sud. Peu m'importe où l'ordinateur se trouve, même si cela fait une différence pour ce qui est des lois nationales.

Il y a une chose que je trouve importante à dire en ce qui concerne la propagande haineuse, et c'est que les médias ont exagéré, tout comme ils ont exagéré le problème de la pornographie sur Internet. Le dernier rapport du gouvernement que j'ai vu - je pense que c'était du ministère de l'Industrie - sur l'autoroute électronique disait que 95 p. 100 de la prétendue pornographie sur Internet est légale au Canada. Nous n'avons pas de problème de pornographie sur Internet, merci beaucoup, et je vous demanderais donc de cesser de vous inquiéter.

Dans le même ordre d'idées, la propagande haineuse ne pose pas de problème, quoique j'admette qu'elle existe. La propagande haineuse fait couler beaucoup d'encre, mais, en réalité - et j'ai une vue étroite des choses; c'est tout ce qui m'intéresse - il y a à peine une centaine de racistes sur Internet. J'englobe parmi eux M. Zundel, Joe Lockhart de Winnipeg et un dénommé Les Griswold, qui représente l'Alliance nationale. Je parle d'une centaine de personnes. D'après les derniers chiffres que j'ai vus au salon d'Internet tenu à Toronto le mois dernier, le nombre total de personnes utilisant Internet s'élèverait à 75 millions.

Qu'on évalue à 30 millions ou à 75 millions le nombre des usagers d'Internet, ils sont moins de 100 en réalité à y faire activement de la propagande haineuse. Nous sommes de 100 à 200 à nous employer énergiquement à réfuter leurs dires, mais tout ce trafic - ceux qui font de la propagande haineuse et ceux qui, comme moi, s'en occupent - représente probablement moins de un millième de 1 p. 100 de tout le trafic sur Internet. Je vous conseillerais de vous demander sérieusement si vous tenez ou non à consacrer votre temps à une question qui peut être réglée avec plus de succès de différentes autres façons.

Dans un rapport antérieur, Industrie Canada a indiqué que nous n'avons probablement besoin d'aucune nouvelle loi. Je suis déjà restreint par des lois sur la diffamation et les choses que je peux dire sur Internet.

La présidente: Monsieur McVay, je vois ce que vous voulez dire, mais y a-t-il moyen de savoir combien de gens lisent la centaine d'arguments que vous invoquez contre eux, ce que dit cette centaine de racistes et tous les autres documents que nous n'aimons pas? Pouvez-vous compter le nombre de fois que ces 75 millions d'usagers s'arrêtent à ces articles ou combien de temps ils consacrent à leur lecture? J'aimerais que vous répondiez à cette question.

M. McVay: Je ne peux pas y répondre avec précision, mais nous pouvons vous donner certains éléments de piste.

Il y a deux endroits sur Internet que je fréquente surtout. Il y en a trois où il se fait de la propagande haineuse. L'un d'eux est ce que nous appelons Usenet. Il s'agit de groupes de discussion sur un sujet commun.

À mesure que la technologie évolue et fait davantage appel à des graphiques, Usenet disparaît lentement, mais ceux d'entre nous qui sont de vieux habitués le préfèrent parce qu'il est interactif. Nous pouvons argumenter les uns contre les autres. Nous pouvons discuter, comme nous le faisons ici.

Il y a 16 000 groupes de discussion dans Usenet. C'est ce qu'on appelle les nouvelles Usenet. Nous ne travaillons qu'à l'intérieur de cinq, six ou sept d'entre eux. Un réseau sert au déni de l'holocauste. Statistiquement, nous savons qu'à peu près 30 000 personnes ont, à un moment ou à un autre, jeté un coup d'oeil pour voir ce qui s'y trouvait. Personne ne sait combien d'entre elles s'attardent ni quelle est au juste leur participation. Il n'y a absolument aucun moyen de le savoir.

.1145

Par contre, sur le World Wide Web, où nous avons des comptes très exacts... Dans mon système, par exemple, nous savons exactement combien de gens viennent chercher de l'information. Nous savons d'où ils viennent. Nous ne savons pas nécessairement qui ils sont - nous ne voulons pas le savoir, d'ailleurs - mais nous savons d'où ils viennent, de France, du Canada ou d'ailleurs, et nous savons quels documents ils recherchent.

Le mois dernier, soit en mars 1996, mon site a remis 150 000 documents portant sur le fascisme et l'holocauste. Comparez ce chiffre aux 3 000 documents transférés il y a un an, c'est-à-dire en juin dernier, et vous verrez que les gens veulent en connaître plus long sur les milices aux États-Unis et sur l'histoire de la propagande haineuse dans le droit canadien - mon système offre les jugements rendus par la Cour suprême dans Zundel et Keegstra - parce que bien des gens veulent voir ces documents.

C'est le genre de chiffres que nous pouvons vous donner à titre indicatif. Il n'y a aucun moyen de dire si... même si 150 000 documents représentent à mes yeux une hausse énorme, ce n'est rien lorsqu'on sait qu'il y a 75 millions d'usagers. Ce n'est qu'une petite parcelle du trafic.

Je vais terminer en répétant ce que j'ai dit au début, que l'information doit être libre. J'ai quelques documents pour vous, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure. Ceux qui en veulent une copie pourront se la procurer après la réunion.

La présidente: Merci.

Jutta Treviranus, s'il vous plaît.

Mme Treviranus: Je veux parler de l'impact de la technologie de l'information sur les personnes handicapées. J'ai de bonnes nouvelles, de mauvaises nouvelles et certaines mises en garde à faire.

La technologie de l'information est dans sa prime enfance, mais elle est destinée à connaître un essor très rapide et à toucher tous les aspects de nos vies, y compris l'enseignement, l'emploi et les loisirs. Comme d'autres technologies, elle viendra d'abord s'ajouter aux autres moyens d'obtenir de l'information ou d'effectuer des transactions, pour ensuite les supplanter jusqu'à un certain point. Ce faisant, elle sera source d'une plus grande efficacité pour ceux qui peuvent utiliser les techniques et les services nouveaux, mais ceux qui en sont incapables seront doublement désavantagés. Ce faisant, elle assurera aussi aux personnes handicapées l'égalité d'accès aux nouvelles technologies nécessaires pour quiconque souhaite jouir d'un accès égal à l'éducation, à l'emploi et aux services d'information publique.

Les nouvelles technologies peuvent constituer soit un nouvel outil et un facteur d'égalisation ou encore un nouvel obstacle important. Pourquoi ces nouvelles technologies peuvent-elles constituer un outil ou un facteur d'égalisation pour les personnes handicapées? La principale raison, c'est que l'information et les services auxquels nous avons accès grâce à ces technologies sont assistés par ordinateur, et l'ordinateur est un excellent traducteur de l'information. Il traduit les données d'entrée et de sortie.

Quelqu'un qui n'utilise pas un ordinateur de la même manière que nous - à l'aide d'un clavier - peut avoir recours à une autre méthode - lever une paupière, émettre un son, bouger un pied - et l'ordinateur traduira ce geste de la même manière qu'une clé du clavier. Pour quelqu'un qui ne peut pas utiliser ses sens de la même manière que tout le monde pour capter l'information - quelqu'un par exemple qui ne peut lire l'image écran - l'ordinateur traduira les données en une sortie vocale ou peut-être même en un affichage braille pouvant être régénéré.

L'accès est le facteur qui décidera si les nouvelles technologies auront un impact positif ou négatif, et je veux vous parler ici de quatre facteurs qui influent sur l'accès.

Le premier est que nous devons adopter une approche proactive. Il faut tenir compte de l'accès au moment de la mise au point de ces nouvelles technologies, et ce dès le départ. Les technologies doivent être conçues de manière à être accessibles car, sinon, elles ne le seront jamais étant donné qu'elles évoluent tellement rapidement. Aussi, il en coûtera beaucoup plus cher par la suite et cela sèmera davantage la confusion si ce n'est pas fait dès le départ.

Il y a un autre argument en faveur d'une approche proactive, et c'est que les sommes d'argent et les ressources nécessaires à la mise au point d'autres moyens d'accès sont minimes lorsqu'on les compare aux ressources affectées à la mise au point de ces nouvelles technologies.

.1150

Un autre argument veut que l'accès aux technologies se soit avéré profitable pour tous, pas seulement pour les personnes handicapées - et c'est ce qu'on appelle l'avantage du bateau de trottoir. Le bateau de trottoir a en effet été conçu au départ pour ceux qui se promènent en fauteuil roulant, mais il est utilisé par des gens qui circulent en patins à roues alignées, qui ont une poussette de bébé et ainsi de suite. C'est la même chose pour le sous-titrage qui peut être utilisé par quelqu'un qui baisse le volume de la télévision, mais qui veut quand même suivre une émission en parlant au téléphone.

Un exemple sur Internet est celui des références utilisées pour les images, qui sont là en partie pour fournir à ceux qui ne peuvent pas voir les images une description textuelle de celles-ci sur le site 3W. Elles sont également utilisées par ceux qui veulent faire une recherche textuelle d'images sur le web.

Donc, une approche proactive n'est pas profitable uniquement aux personnes handicapées; elle s'impose également, sinon nous aurons toujours du retard.

Le deuxième facteur est celui des normes. Si le progrès technologique ne suit pas certaines normes, il faudra trouver une solution d'accès pour chacune des nouvelles technologies. Des personnes handicapées doivent se procurer un système d'accès différent pour chaque technologie utilisée dans leur vie quotidienne, ce qui est impossible financièrement et à peu près infaisable.

Une fois de plus, les normes profitent à tous les usagers et à l'industrie en général, et il y a des normes qui ont été élaborées. Il y en a qui sont positives et d'autres qui sont négatives, certaines qui ont été conçues à l'intention des personnes handicapées et d'autres pas. Le HTML et le SGML, entre autres, sont des exemples de normes qui s'appliquent à tous. Parmi celles dont ce n'est pas le cas, il y a la norme qui veut que certaines informations sur le web soient présentées sous la forme d'images uniquement et qui ne tient pas compte de ceux qui ne peuvent pas voir les images.

Le troisième facteur, c'est que les nouvelles technologies doivent être assorties de méthodes de contrôle et d'affichage flexibles, dès le départ. Les technologies doivent être contrôlables non seulement à l'aide d'une interface unique, comme un clavier, une souris ou une manette de Nintendo ou de Sega, mais nous devons pouvoir y avoir accès grâce à l'une de nombreuses méthodes. Par ailleurs, l'information sur ces technologies ne doit pas être donnée à l'aide uniquement d'un écran de visualisation; il faudrait également pouvoir brancher un appareil quelconque pour que l'information soit donnée vocalement, qu'il y ait adaptation tactile ou qu'il y ait interface pour un affichage auquel personne n'a encore jamais songé ou qui n'a pas encore été mis au point.

Cela est utile aussi pour tous les utilisateurs. Pensons au cadre qui veut avoir accès à son courrier électronique à partir de chez elle, de sa voiture et de son bureau. À la maison, elle peut avoir une bande très basse avec un modem et devoir s'occuper de son bébé pendant qu'elle répond à un message; il lui faut l'avoir sous la forme d'un texte. Dans sa voiture, elle pourrait vouloir parler à son ordinateur et écouter ce qu'il lui répond alors qu'à son bureau elle pourrait vouloir avoir la représentation graphique au complet. Donc, cette flexibilité serait profitable non seulement aux personnes handicapées, mais à tous les utilisateurs.

Le quatrième point que je veux faire ressortir, c'est que nous devons nous assurer de disposer de l'argent et des ressources nécessaires pour agir. Il ne suffit pas d'avoir des normes, il ne suffit pas d'avoir la flexibilité; l'industrie a besoin d'aide pour mettre au point les systèmes d'accès qui seront branchés sur ces interfaces flexibles.

Cela peut se faire de plusieurs façons: grâce aux fonds du gouvernement, par le biais de lois qui obligeront l'industrie à concevoir et à englober des moyens d'accès, par l'intermédiaire de partenariats entre le gouvernement et l'industrie pour mettre au point ces systèmes d'accès et grâce à la promotion de produits accessibles, comme ceux qui auraient été homologués, par exemple.

Pour terminer, je tiens à reprendre ici les propos de Gregg Vanderheiden qui a dit que les nouvelles technologies auraient un impact considérable sur les personnes handicapées. Elles auront une incidence positive ou négative selon certaines des mesures que nous prendrons aujourd'hui.

.1155

La présidente: Merci beaucoup. Ces cinq exposés nous montrent à quel point le comité a pris une grosse bouchée. J'espère que nous arriverons à digérer la somme incroyable d'informations que nous avons reçues aujourd'hui. Nous aurons deux autres tables rondes et j'espère que nous saurons répondre à certaines des attentes ou adopter une approche éclairée après avoir écouté vos observations très réfléchies et puisé à votre expérience.

[Français]

Monsieur Paré.

M. Paré (Louis-Hébert): Pour vous consoler, je veux vous assurer qu'il y a au moins deux analphabètes technologiques dans la salle.

La présidente: Tant mieux. Je vous remercie.

M. Paré: Mon commentaire découlera peut-être de mon ignorance, mais j'essaie de lutter contre cette ignorance et de ne pas refuser le progrès.

Cependant, les propos de M. Cordell m'atteignent beaucoup et je suis extrêmement inquiet quant aux éléments qu'il a mis de l'avant.

Je voudrais fonder cela sur des réalités. Depuis un certain nombre d'années, on parle beaucoup de mondialisation et de compétitivité. On se rappelle qu'au départ, lorsqu'on avait signé le traité de l'ALENA, c'était soi-disant pour permettre au Mexique de nous rattraper. Or, on peut se demander si ce n'est pas exactement l'inverse qui est en air de se produire. Compte tenu de la compétitivité et du fait que les frontières n'existent plus, même les entreprises d'ici sont obligées d'appliquer des règles tiers-mondistes. On refuse d'intervenir. Comme on l'a vu, l'Organisation mondiale du travail, qui devait intervenir au niveau de l'environnement et des clauses sociales, est de plus en plus discrète sur ces questions-là. Lors de leur récente réunion, les ministres des Finances des pays de l'OCDE ont eux aussi été à peu près muets sur ces questions-là.

On sait, d'autre part, que l'informatique, que j'ignore totalement, rend possible une spéculation financière jamais vue auparavant. On sait qu'à chaque jour il se spécule pour 1 000 milliards de dollars. L'informatique et les communications sont en mesure maintenant de faire chuter la monnaie, comme on l'a vu au Mexique avec la crise du peso. Bien sûr, il y avait des éléments de mauvaise gestion, mais l'informatique vient accentuer ces problèmes.

Est-il correct de laisser une technologie s'emparer du monde et appliquer ses propres règles? Les hommes et les femmes politiques, qui sont élus par des populations, ont-ils encore leur mot à dire dans cela?

Ne devrait-on pas, avant qu'il ne soit trop tard... J'essaie de ne pas m'opposer au principe deM. McVay, qui dit que l'information doit être libre. Je suis capable d'accepter que l'information doit être libre, mais n'y a-t-il pas moyen, sans limiter le contenu de l'information ou l'accès à l'information, de domestiquer toute cette grande question avant que les plus pauvres deviennent plus pauvres et que les plus riches deviennent plus riches, avant que les pays en voie de développement régressent? Autrefois, les pays en voie de développement occupaient 5 ou 6 p. 100 du marché. Ils n'en occupent plus que 1 p. 100.

Il me semble qu'on a des responsabilités humaines à caractère un peu philosophique dans cette question que je formule avec des mots un peu malhabiles.

La présidente: C'est extrêmement intéressant. N'importe lequel d'entre vous pourrait répondre, mais la question a certainement été adressée à M. Cordell. Avant que je ne demande aux témoins de répondre, d'autres députés pourraient poser des questions sur la manipulation des stocks, l'argent, les bourses et toute la question du contrôle de l'information.

[Traduction]

Est-ce que quelqu'un a quelque chose à dire? Oui, Dianne.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, madame la présidente. J'ai bien aimé les exposés de ce matin. Je siège habituellement au comité des finances et je me suis dépêchée à la dernière minute de venir remplacer un autre député, mais j'ai beaucoup appris.

.1200

Ayant moi-même une formation scientifique, je sais que la science n'a jamais eu de frontières. Elle est universelle et c'est pourquoi nous avons réalisé d'énormes progrès qui ont pris la forme de hautes technologies, de médicaments, de découvertes scientifiques, de thérapies laser et ainsi de suite. C'est parce que la science ne connaît aucune frontière. Maintenant, l'information n'a elle non plus aucune frontière. Je trouve que c'est très positif. Je dois dire que les observations de M. Cordell m'ont un peu déprimée, mais je sais qu'il a été choisi pour nous présenter plutôt l'aspect négatif des choses.

La présidente: Non, M. Cordell a été choisi parce que c'est un expert dans bien des domaines, pas pour nous faire voir le bon ou le mauvais côté des choses. Je crois qu'il a été assez clair lorsqu'il a dit qu'il y a du pour et du contre.

Mme Brushett: Mais il a parlé des aspects négatifs. N'est-ce pas? Vous l'avez choisi pour cela.

M. Cordell: Oui.

Mme Brushett: Nous pourrions peut-être prendre quelques minutes de plus pour écouter ce qu'il a à nous dire de positif, car je pense que ce serait très intéressant. Si on regarde certains des chiffres pour l'Inde, par exemple, on s'aperçoit qu'en deux décennies des pas énormes ont été faits grâce à l'information, à la technologie et aux efforts d'alphabétisation. Il y a vingt ans, 60 p. 100 des enfants étaient scolarisés. Aujourd'hui, deux décennies plus tard, 80 p. 100 de ces enfants le sont. Certains progrès ont été phénoménaux, et ils sont en bonne partie attribuables à l'éducation. Nous avons fait en sorte que cette information soit offerte dans nos écoles ici au Canada. Je pense que c'est plus positif que ce qui est ressorti jusqu'à maintenant aujourd'hui.

Mme Cavoukian: Puis-je répondre?

La présidente: Oui, madame Cavoukian.

Mme Cavoukian: J'allais dire, très brièvement, pour défendre M. Cordell... mais il n'a pas besoin qu'on le défende.

M. Cordell: Je suis prêt n'importe quand.

Mme Cavoukian: Vous avez tout à fait raison, les avantages de ces technologies sont sans bornes, mais si vous examinez la couverture que les médias en font, vous verrez que, généralement, on n'entend constamment parler que des aspects positifs - de l'aspect technologique des derniers progrès qui frise le génie. On entend très rarement parler de l'aspect négatif de ces technologies, des dangers et des risques qui pourraient y être associés et qui pourraient avoir un impact énorme sur nos vies. Ceux d'entre nous qui sont bien placés pour en entendre parler concrètement peuvent constater l'impact énorme sans précédent qu'elles ont déjà eu sur la vie des gens.

J'aimerais pouvoir convenir avec vous que les avantages qui en découlent sont remarquables et que nous devrions y consacrer autant de temps qu'aux inconvénients rattachés à ces technologies, mais si les gens ne sont pas sensibilisés aux dangers qu'elles présentent et s'ils ne savent pas comment se protéger, ils pourraient en souffrir. Ils ne pourront pas alors profiter des avantages de la technologie.

La présidente: C'est au tour d'Andy, après quoi nous allons demander à M. Cordell de prendre la parole.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Je tiens à dire à quel point j'ai aimé tous les exposés. Vous nous avez vraiment donné matière à réflexion. Nous devons aussi reconnaître quel est au juste notre mandat ici - il s'agit d'un comité responsable des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. La bouchée est déjà assez énorme pour que nous ne nous compliquions pas la tâche en essayant de définir très précisément dans quoi nous avons l'intention de nous engager et quelle est l'incidence sur les droits de la personne, peu importe comment on les décrit.

J'ai été particulièrement intéressé par ce qui m'a semblé être un débat évident autour de la notion de la restriction de l'information par opposition à l'atteinte à la vie privée à cause de cette même information. Je pense que dans la mesure où nous garderons l'esprit ouvert, nous sortirons probablement de la discussion mieux informés que nous l'étions - ce sera du moins mon cas. J'en sais déjà probablement dix fois plus que j'en savais, parce qu'il y a des questions qui... CommeM. McVay l'a si bien dit, c'est comme si des gens qui ne savent pas lire essayaient de dire à d'autres, qui savent lire, ce qu'ils doivent lire.

Je crois aussi comprendre que nous avons l'obligation d'essayer d'interpréter un monde qui nous entoure. Ce n'est pas la seule chose au sujet de laquelle je ne connais pas grand-chose. On nous a confié un travail et nous devons par conséquent faire ce que tous pensent être la bonne chose, pas seulement les gens qui vivent à l'intérieur de ce monde, mais aussi ceux sur qui tout cela a un impact à l'extérieur d'un monde où ils n'ont pas choisi de vivre. Très souvent, c'est un choix qui a été fait pour eux.

.1205

La présidente: Andy, je pense que ces remarques vont grandement nous aider à définir les paramètres de la discussion. Je crois cependant que M. Paré a posé une question très précise, mais vous avez remis l'accent sur le lien entre les remarques de M. Cordell et les observations deM. McVay.

J'aimerais avoir vos conseils, parce que je sais que Jean Augustine veut la parole et queM. Bernier la veut lui aussi. Étant donné que ce n'est pas le genre de réunion habituelle où l'on s'en tient strictement à «cinq minutes pour vous, trois minutes pour moi», et étant donné aussi que c'est notre première expérience dans un domaine très complexe, je me demandais si nous ne devrions pas accorder à M. Cordell le droit d'au moins répondre à la question de M. Paré. Pourrions-nous nous en tenir à la question de la manipulation de l'argent et de son impact sur les pays du tiers monde et nous-mêmes? Nous pourrions ensuite passer à d'autres questions, plus vastes. Êtes-vous d'accord?

Madame Augustine, est-ce que ça vous va si...

Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): C'est parfait. Allez-y.

[Français]

La présidente: Ça va?

M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): Je comprends très bien. J'interviendrai sur autre chose.

La présidente: Je vous remercie.

[Traduction]

Monsieur Cordell, s'il vous plaît, et peut-être M. McVay.

M. Cordell: Merci beaucoup. Étant donné que nous y allons tous de citations, je vais vous répondre par une citation de mon idole, Albert Einstein: «Les produits de notre imagination devraient être une bénédiction et pas une malédiction pour l'humanité.» Bien sûr, il a dit cela avant l'époque politiquement correcte. Je pense que c'est vrai.

Je suis un véritable technophile, et je trouve cette technologie stupéfiante. C'est une merveille et j'aimerais qu'elle soit adoptée de manière ordonnée pour profiter le plus possible aux gens.

Je pense que l'une des choses que nous pouvons faire, au lieu de toujours applaudir - je pense qu'Ann a raison de dire que nous ne parlons toujours que des aspects positifs des choses - c'est d'admettre ou de reconnaître qu'il s'agit d'une question à facettes multiples, que la technologie de l'information a des répercussions dans tous les secteurs de la société et qu'elle influe sur tout ce que nous faisons.

Comme individus responsables et comme gouvernement responsable, je pense qu'il faudrait envisager un certain nombre de scénarios. Autrement dit, qu'arrivera-t-il dans ce cas-ci? Qu'arrivera-t-il dans ce cas-là? Comment réagir dans chaque cas? C'est ce que nous faisons dans nos vies personnelles. En d'autres mots, j'ai une police d'assurance pour ma maison. J'ai une assurance-incendie, mais je ne vais pas l'annuler si ma maison ne passe pas au feu. J'ai une assurance-automobile. J'ai un certain nombre de polices d'assurance pour m'aider à répondre à la question suivante: «Et si cela arrivait?»

Mais notre société ne prend pas de police d'assurance contre cette technologie. Elle se contente de dire qu'elle est formidable, qu'elle a du bon, qu'il faut l'adopter le plus rapidement possible et que nous verrons ensuite ce qui arrivera. Je ne trouve pas que ce soit très responsable. Nous devrions envisager différents scénarios: Que se passera-t-il s'il y a des conséquences inattendues? Qu'arrivera-t-il s'il y a des surprises? Comment réagir? Donc, je pense qu'un gouvernement responsable et des individus responsables devraient essayer d'envisager ce qui pourrait arriver. Je crois que nous pourrions faire des plans et nous demander comment faire pour procéder méthodiquement.

Pour répondre plus directement à votre question, j'avoue que je suis moi aussi préoccupé par la mondialisation. J'ai bien peur que la main-d'oeuvre canadienne, les travailleurs canadiens soient appelés malgré eux à soutenir la concurrence de travailleurs étrangers de régions où les normes environnementales laissent à désirer ou de régions où on emploie des enfants et des prisonniers. Nous assistons à une harmonisation à la baisse et nous renonçons à bon nombre des avantages pour lesquels les travailleurs se sont battus longtemps et avec acharnement.

Qu'est-ce que le développement économique? Le développement économique veut dire qu'on est protégé par toute une série... on a droit à toute une série d'avantages - soins de santé, santé et sécurité au travail, universalité - dans toute une gamme de secteurs. Mais parce qu'il faut soutenir la concurrence, nous semblons prêts à accepter l'harmonisation à la baisse. Parce qu'il nous faut être concurrentiels, nous devons nous mondialiser, nous devons concurrencer n'importe quel pays. Donc, au lieu d'essayer d'harmoniser à la hausse, au lieu d'essayer d'amener d'autres pays à relever leurs normes, nous acceptons, pour être concurrentiels, d'abaisser les nôtres.

Je pense que c'est une erreur monumentale. Nous devrions collaborer avec nos partenaires de l'OCDE, nous devrions collaborer avec nos partenaires commerciaux du G7 pour trouver avec eux des façons de relever les normes un peu partout dans le monde au lieu d'y renoncer.

Les travailleurs canadiens ont travaillé très fort pour en arriver où ils sont, et je suis donc tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit.

.1210

La présidente: Monsieur McVay.

M. McVay: Je n'ai qu'une brève observation à faire. Je passe mon temps à me dire qu'il faudrait lire tout cela.

La présidente: Je veux savoir si l'on devrait pouvoir spéculer ou non sur le marché monétaire sans restriction. C'était là l'essentiel de la question de M. Paré.

M. McVay: La question n'est pas de savoir si vous devriez ou non envisager d'imposer des restrictions, mais si oui ou non il serait bon pour vous non seulement d'envisager de le faire, mais de le faire, effectivement. C'est là la question, à mes yeux, parce que je ne connais rien des manipulations financières, mais je sais comment Internet fonctionne. Je sais que si vous dites à un négociateur qu'il ne peut pas faire telle chose de telle façon et que s'il souhaite contourner vos restrictions, il va le faire et il va le faire en dehors de toutes les contraintes juridiques qui pourraient exister au Canada. Je ne sais pas comment vous allez vous y prendre. Je ne vous envie pas.

Il y a un problème qui se pose pour vous et il faut que vous compreniez bien ceci: lorsque vous parlez de réglementer un réseau, non seulement la propagande haineuse, mais aussi toute question financière ou autre, vous devez composer avec 75 millions d'usagers récalcitrants qui se disputent férocement les uns avec les autres régulièrement, mais dès l'instant où le gouvernement s'en mêle et leur dit qu'il va leur indiquer comment faire ceci ou cela, vous allez vous retrouver avec 75 millions de personnes en colère contre vous. Et ces gens savent comment le système fonctionne; ils feront tout ce qu'il faut pour contourner votre ingérence. Donc, peu importe ce que vous choisirez de faire, c'est une chose que vous devrez vous rappeler.

La présidente: Je pense que Mme Cavoukian et M. Cordell - et maintenant je voisM. MacKay - ont quelque chose à répondre à ce que vous aviez à dire.

[Français]

Monsieur MacKay, nous ne vous avons pas encore entendu à cet égard.

M. MacKay: Nous avons très peu de modèles dans l'histoire pour faire face à une révolution de cette ampleur. On pourrait se référer à une analogie, une seule. C'est l'invention de l'imprimerie par Gutenberg, au début du XVe siècle, qui a amené une révolution aussi importante.

Il est important d'y repenser un peu. Comment a-t-on réagi? Cela a créé des mouvements - surprises did happen - et permis l'impression de la Bible de Luther, une révolution de l'information. Cela a mené à la mise à l'index des livres. Il ne fallait surtout pas que certaines personnes lisent certaines informations.

En 1789, lors de la prise de la Bastille, jusqu'à 400 éditeurs, auteurs et libraires s'y trouvaient emprisonnés pour délit d'information et d'opinion. C'est le genre d'erreur qu'il faut éviter de reproduire face à une nouvelle révolution de l'information. C'est un vieux réflexe que de se dire que si on n'aime pas l'information qui circule, il faut la taire.

Ce n'est pas l'information qu'il faut arrêter, mais les personnes qui la véhiculent. C'est plus vers un nouvel ensemble de valeurs au plan international, la valeur de ces informations, qu'il faut s'acheminer. Je m'arrête là, mais il y a énormément d'autres choses.

[Traduction]

La présidente: Écoutez, pour le moment, je préférerais que nous discutions librement au lieu de diriger la circulation. J'ai pu constater la réaction viscérale de M. Cordell à ce que M. McVay a dit. J'ai aussi deux collègues qui n'ont pas encore dit un seul mot - Jean, qui a été très patiente, et Russell, qui lève la main.

[Français]

Vous voyez ce que vous avez commencé, messieurs Paré et Bernier.

[Traduction]

Jean, il y a assez longtemps que vous avez la main levée. Nous reviendrons à nos experts ensuite.

Mme Augustine: Merci, madame la présidente. Je dois dire combien je suis sensible aux observations initiales et aux exposés de nos témoins.

J'ai été très troublée par un certain nombre de choses que j'ai entendues. L'information doit être libre - cela me trouble lorsque je me mets à penser à différents scénarios, comme on l'a proposé.

Dans notre propre pays, nous devons nous occuper d'alphabétisation - de problèmes d'alphabétisation et du niveau d'alphabétisation des Canadiens - et de l'accès équitable aux nouvelles technologies. Je sais qu'il n'existe aucun accès dans bien des foyers et des familles qui n'ont pas l'équipement nécessaire et que ces technologies ont un impact sur chaque aspect de leur vie.

.1215

Je veux poser deux questions. Premièrement, que pensez-vous des politiques et du cadre législatif sur lesquels nous comptons actuellement pour nous protéger? Deuxièmement, quelles sont les principales questions concernant les droits de la personne sur lesquelles, selon vous, nous devrions nous pencher en tant que comité?

La présidente: Eh bien, Jean...

Ann - pardonnez-moi, mais nous allons nous appeler par nos petits noms, parce que le sujet est tellement profond que je ne peux pas penser plus loin.

Mme Cavoukian: Si vous me permettez d'ajouter une seule chose avant de répondre précisément à la question de Mme Augustine, je dirais que cela a à voir avec les observations faites par...

La présidente: Le vice-président de notre comité, Andy Scott, et M. Bernier.

Mme Cavoukian: M. Scott a exprimé un point de vue qui n'est pas rare, à savoir comment nous pouvons arriver à trouver le juste équilibre entre ce qui semble être des valeurs qui entrent en contradiction avec la protection de certains types d'information et les vues exposées par M. McVay lorsqu'il dit que l'information doit être libre, qu'il ne doit y avoir aucune censure. Je pense que ces vues ne sont pas contradictoires, et j'aimerais expliquer pourquoi je ne pense pas qu'elles le soient.

La censure impose des restrictions à la liberté de parole, à la liberté d'expression. La liberté d'expression a trait au choix en ce sens que vous devriez pouvoir exprimer ce que vous avez envie d'exprimer. La protection des renseignements personnels est très similaire. Vous devriez pouvoir choisir quelles informations à votre sujet sont divulguées et comment elles sont utilisées.

La notion de choix intervient dans les deux cas. La liberté de choix est essentielle. Elle repose sur les principes reliés au respect de la vie privée et, je dirais, à la liberté d'expression également. La censure impose des restrictions à la liberté d'expression et à la liberté de parole, ce à quoi nous nous opposons. Mais ces restrictions n'intéressent en rien la divulgation, la diffusion d'informations, d'informations à votre sujet, d'informations vous concernant personnellement.

Je le répète, vous devriez être libre de divulguer cette information et de la diffuser aux gens à qui vous choisissez de la diffuser. C'est pourquoi je ne pense pas que les questions de censure s'appliquent en quoi que ce soit à cela. Il y va du libre arbitre.

Pour en revenir aux questions de Mme Augustine qui se demande si les lois et les politiques qui existent actuellement sont suffisantes, je dirais que nous avons au Canada des mesures de protection plus que suffisantes dans le secteur public. Nous avons la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui protège les renseignements personnels au sein des organismes fédéraux, et nous avons dans la plupart des provinces des lois ou des mesures autres qui protègent l'information.

Exception faite du Québec, toutes ces mesures législatives ne s'appliquent qu'au gouvernement, qu'à l'État, qu'au secteur public. Exception faite du Québec, il n'y a aucune mesure de protection qui s'applique dans le secteur privé. C'est pourquoi vous allez vous heurter à d'énormes problèmes lorsque vous allez aborder la question de la protection de la vie privée.

Le secteur privé est très curieux de savoir ce que sont vos habitudes personnelles. C'est la raison d'être même des industries de la publicité et du marketing direct. Elles veulent obtenir des renseignements à votre sujet, et elles préféreraient les obtenir sans avoir à vous consulter. Nous n'aimons pas cela, parce que vous n'êtes plus aux commandes à ce moment-là.

Je le répète, si vous vous en tenez au principe qui veut que la décision de diffuser l'information vous revienne, vous devriez avoir le choix. Ce principe devrait s'appliquer de la même manière dans le secteur privé que dans le secteur public.

L'Union européenne vient d'adopter des directives sur la protection des données qui imposent ces types de restrictions quant aux personnes qui sont autorisées à utiliser différentes informations sans votre consentement. C'est très important.

La présidente: C'est comme l'option négative par laquelle un abonné peut avertir le télédistributeur qu'il ne veut pas de son offre.

Mme Cavoukian: Exactement, mais il devrait y avoir une option positive au lieu d'une option négative, que la plupart des gens oublient ou ne pensent pas à examiner. Laissez-moi vous décrire l'option négative très brièvement.

Supposons que vous remplissiez un formulaire et que vous donniez certains renseignements au moment d'un achat. L'entreprise devrait-elle pouvoir utiliser l'information que vous donnez à d'autres fins qui n'ont rien à voir avec la transaction? S'il y a une option négative, il y aura une petite case sur le formulaire, une clause de renonciation, et vous pourriez dire que non, vous ne voulez pas que cette information soit utilisée à des fins autres.

.1220

Le problème, c'est que, premièrement, il arrive souvent qu'il n'y ait même pas de case sur le formulaire et que, deuxièmement, même s'il y en a une, il se pourrait que vous ne la voyiezpas - l'option peut être imprimée en très petits caractères - de sorte qu'il est très facile d'oublier, de ne pas cocher cette case accidentellement.

Le modèle de consentement, l'option positive, serait le contraire. On vous y dirait que l'entreprise n'est pas autorisée à donner l'information que vous fournissez à n'importe quelle fin autre que la transaction, à moins que vous consentiez précisément à lui donner la permission de le faire. C'est une différence subtile, mais très importante. J'aimerais donc que soient adoptées au Canada à l'intention du secteur privé des lois qui réglementeraient certaines utilisations des renseignements personnels qui n'existent nulle part ailleurs qu'au Québec.

Votre deuxième question avait trait aux droits de la personne. Je me contenterai de mentionner brièvement qu'il y a longtemps, en 1980, l'OCDE a adopté ce qu'on appelle communément un code de pratiques équitables en matière de renseignements. Il s'agit d'un ensemble de principes qui concernent la gestion et l'utilisation des renseignements personnels. Il s'agit encore une fois de principes qui confèrent des droits aux particuliers et des responsabilités aux organisations, ainsi qu'aux utilisateurs de données.

Si une organisation veut des renseignements à votre sujet, elle a la garde de ceux que vous lui confiez. Ces renseignements sont sous sa garde. Elle en est la gardienne. Elle est tenue de protéger cette information et d'assumer certaines responsabilités, de vous permettre certaines choses. Par exemple, vous jouissez d'un droit d'accès à vos renseignements. Vous devez être autorisé à apporter les corrections voulues si des erreurs se sont glissées, et pouvoir demander que d'autres en soient avisés. Vous devez pouvoir donner votre consentement si on envisage d'utiliser les renseignements vous concernant à des fins autres que celle pour laquelle ils ont été recueillis. Vous devez avoir votre mot à dire sur toute divulgation subséquente de cette information, et il devrait exister des mesures de sauvegarde destinées à protéger cette information.

La présidente: Madame Cavoukian, je trouve cela fascinant. Vous venez de répondre à un grand nombre de questions qui vous ont été posées. Le problème, c'est que s'il existe dix ensembles de règles et de règlements différents dans dix provinces différentes, les entreprises vont-elles s'y retrouver?

Mme Cavoukian: Laissez-moi dire une chose avant de terminer. Parlons de tout cela dans le contexte d'Internet, puisqu'Internet n'a aucune frontière. Il est partout. Même s'il y a 10 ou 15 pays qui ont des règlements différents, comment concilier tout cela?

Il y a deux choses. Les lois ne suffiront pas, mais j'aime bien qu'il y ait des lois. Qu'on puisse l'appliquer ou non - et je suis d'accord avec M. McVay pour dire que sur Internet chacun joue le jeu à sa façon - une loi envoie un certain message à la société. Elle fait état des valeurs que nous respectons. Si vous avez une loi qui protège les renseignements personnels, le message, c'est que cette information appartient à l'individu et qu'une entreprise n'a pas le droit de l'utiliser contrairement à ses voeux. Le message est très clair.

Bon, revenons à Internet. Vous avez ce message, mais personne ne l'écoute. Que faire?

L'une des choses à faire, c'est d'ajouter aux lois des mesures de protection du genre de celles que j'ai mentionnée tout à l'heure lorsque j'ai parlé des nouvelles technologies destinées à protéger la confidentialité. Elles peuvent prendre la forme de différents types de cryptage. Le cryptage est tout simplement une méthode qui consiste à coder l'information électroniquement de sorte qu'elle soit transmise de manière à ne pas pouvoir être déchiffrée, sous la forme de ce qu'on appelle un cryptogramme ou texte chiffré. Le texte est codé et serait inintelligible pour quiconque intercepterait le message accidentellement ou intentionnellement.

Il y a diverses méthodes différentes de protection électronique de l'information rendues possibles par la technologie sur Internet et ailleurs dans des bases de données. Nous devrons nous en servir pour compléter les lois. Comme M. McVay l'a dit, si vous imposez un règlement, les utilisateurs d'Internet vont trouver un moyen de le contourner. Cela ne fait aucun doute. J'adore Internet et n'allez surtout pas croire que je m'oppose à cette technologie.

La présidente: Je sais que M. McVay veut dire quelque chose.

Monsieur McVay, pourriez-vous attendre un instant? MM. Bernier et MacLellan ont tous les deux quelque chose à dire. Vous pourrez prendre la parole ensuite, si cela vous convient.

[Français]

Monsieur Bernier, c'est à vous.

.1225

M. Bernier: J'ai un commentaire qui va probablement permettre à M. MacKay de revenir à la question de la vie privée.

Personnellement, ce qui me préoccupe davantage en ce qui a trait aux droits de la personne par rapport aux nouvelles technologies, c'est précisément ce que Mme Cavoukian vient de nous expliquer avec beaucoup de détails, à savoir la protection de la vie privée.

Personnellement, au risque d'être diagnostiqué paranoïaque, j'ai l'impression qu'il y a énormément de gens - mais pas tous - qui peuvent obtenir des informations sur moi, que ce soit au niveau médical, financier ou... Parfois, quand je regarde mon gérant de banque, j'ai l'impression qu'il en connaît plus sur moi que moi-même. Ce doit être la réalité.

Toute cette question de la protection de la vie privée est un domaine qu'il nous faut examiner de très près. C'est la même chose au niveau médical. À la blague, mes amis me disaient: «Le secret professionnel concernant ton dossier médical, ils le définissaient de la façon suivante: tout le monde à l'hôpital est au courant de ton dossier, excepté toi». Dans le fond, je me demande si, plus souvent qu'autrement, ce n'est pas la réalité.

M. MacKay a dit qu'il y avait des lois provinciales et fédérales dans ce domaine et qu'on constatait une différence entre la pratique et ce qui est souhaité ou voulu dans ces lois.

J'aimerais vous entendre là-dessus. Cela va un peu dans le sens de ce que Mme Cavoukian disait. Existe-t-il des lois qui sont efficaces dans le domaine de la protection de la vie privée? Sinon, quelle orientation devrait-on prendre dans ce domaine?

[Traduction]

La présidente: Russell, voulez-vous continuer dans le même ordre d'idées ou ajouter une nouvelle dimension? Voulez-vous attendre la réponse de nos invités?

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Je vais attendre une réponse.

La présidente: Allez-y, monsieur MacKay.

[Français]

M. MacKay: Plusieurs questions sont soulevées au sujet de la protection des renseignements personnels. Ce que Mme Cavoukian a énoncé est entièrement juste. L'extension des protections au secteur privé, tant au niveau fédéral qu'au niveau des provinces, pourrait être harmonisée de façon relativement précise autour de lignes directrices qui existent déjà et qui sont appliquées tant dans la loi québécoise que dans les lois du fédéral et des autres provinces pour le secteur public, et au niveau des organisations internationales et européennes.

Les principes sont relativement bien connus. Il s'agit de prendre la décision d'étendre ces protections au secteur privé. Le gouvernement fédéral peut avoir un effet d'entraînement sur l'ensemble des autres juridictions. Cet effet d'entraînement pourrait être d'autant plus grand qu'au niveau économique, il est fort possible qu'on voie des barrières non tarifaires s'élever dans un certain nombre de juridictions. Cela a été l'un des arguments présentés au moment où la loi québécoise a été adoptée.

Par exemple, les pays européens qui voudraient empêcher certaines entreprises d'avoir accès au territoire européen pourraient très bien invoquer qu'elles n'offrent pas les garanties de protection des renseignements personnels requises par la législation européenne. C'est une barrière qui pourrait guetter les entreprises canadiennes.

Les entreprises canadiennes, les banques en particulier, veulent avoir, au-delà des codes de conduite qu'elles se donnent, un level playing field, un terrain égal, et je pense que ce serait une excellente occasion de faire une intervention dans ce sens-là. Les principes sont clairement établis. Les gens s'entendent sur les principes et sur la plupart des mécaniques.

Cela ne règle pas tous les problèmes d'application dont j'ai parlé mais au moins, au plan des principes, c'est suffisant. Il y a un consensus clair là-dessus.

[Traduction]

La présidente: Vous voudrez peut-être savoir, Russell, s'il s'agit d'une loi qui touche les droits de la personne ou l'industrie.

.1230

M. MacLellan: J'aurais une ou deux choses à dire au sujet de la protection de la vie privée. Ce n'est pas seulement qu'il y a de plus en plus souvent atteinte à la vie privée à mesure que les années passent et que les technologies se multiplient. L'autre aspect de la question, c'est que cela se fait à notre insu. Les choses seraient différentes si cela se faisait et que nous le sachions, mais lorsque cela se fait sans que nous le sachions, nous nous en trouvons tous très grandement menacés, et cela devient plus dangereux tout le temps.

M. McKay a dit tout à l'heure que le monde évolue et que l'imprimerie a entraîné d'importants bouleversements dans notre société. Je suis d'accord. On nous a dit aussi qu'il se produit tous les cinq ans un changement qui a une incidence majeure sur notre société. En l'an 1000, c'était l'avènement de l'étrier qui a permis aux chevaliers de se battre à dos de cheval. Cela a changé le cours de la guerre. En l'an 1500, la poudre à canon a été inventée et cela a changé considérablement la société. Et aujourd'hui 500 ans plus tard, nous avons la micropuce.

Je dois vous avouer franchement que rien n'a jamais entraîné de changements aussi importants dans notre société. La micropuce n'a pas uniquement changé les règles du jeu, elle a changé la société au complet. Elle a modifié les éléments de la société. Elle a modifié les rapports entre les nations et entre les gens à l'intérieur d'une société.

Monsieur Cordell, vous avez dit bien des choses au sujet de la transformation de la société. Le problème, bien sûr, c'est la dimension du changement. Le problème, c'est qu'il y a toute une partie de la société qui ne gagnera aucun terrain, qui sera complètement laissée de côté.

Vous avez dit que nous ne savons pas où les emplois seront créés. Y a-t-il un droit plus fondamental que celui de gagner sa vie et de subvenir aux besoins d'une famille, d'avoir des enfants qui pourront s'attendre à la même chose un jour et de savoir vers quoi nous nous dirigeons? D'où proviendront les emplois?

Vous avez parlé d'aspects plus heureux. Pourriez-vous nous donner des détails? Ce n'est pas que je ne sois pas d'accord avec vous. C'est juste que je pense qu'on ne peut pas laisser aller les choses. Il y a trop de vies en jeu.

La présidente: Lorsque vous répondrez à cette question très réfléchie, une question... il y a un nouveau rapport sur la pauvreté extrême comme facteur de discrimination qui est censé avoir été déposé auprès du sous-comité des Nations Unies. C'est une question qui touche aux droits de la personne.

Je me demandais si vous ne pouviez pas répondre à la question dans ce contexte, monsieur Cordell.

M. Cordell: Tout à l'heure, vous avez demandé quelles étaient les questions qui intéressent les droits de la personne. Je pense que le problème des droits de la personne qui se pose dans le cas de cette technologie, y compris la protection de la vie privée, a trait à un sentiment d'impuissance, de perte de contrôle, à une anxiété croissante à propos de l'avenir.

La question de la protection de la vie privée est très intéressante, parce que nous choisissons tous de nous présenter en société d'une certaine façon chaque jour. J'ai décidé de venir ici aujourd'hui, j'ai mis une cravate, je me suis habillé d'une certaine manière... ou encore si je me présente à une entrevue pour un emploi, je m'amène avec mon curriculum vitae, tout ce que j'ai publié et ainsi de suite.

Si vous disposez de tout autre renseignement à mon sujet, je suis démasqué. Vous m'avez volé l'image préférée que j'avais de moi-même. Vous m'avez dérobé ma capacité de bâtir mon identité, ce qui est le droit le plus fondamental pour une personne. Le droit le plus fondamental d'une personne est celui de pouvoir dire voici qui je suis. Et vous pouvez me répondre que non, ce n'est pas qui je suis, que tous le savent. Donc, il me semble que la protection de la vie privée se situe vraiment au coeur du problème.

Il y a un tas de très bonnes nouvelles à propos des emplois. Il y a de nouvelles carrières qui s'ouvrent et de nouvelles industries qui se créent, et c'est excitant pour les travailleurs qualifiés. Il y a par ailleurs des travailleurs qui sont déplacés par suite de la compression des effectifs et qui ne peuvent pas se recycler, et je pense que la première chose à faire est de reconnaître ce qui se passe au lieu de leur dire de se remuer, qu'ils finiront bien un jour par se trouver du travail. Nous devons reconnaître ce qui se passe.

.1235

Nous devons également admettre que pour bien des gens, un travail n'est pas vraiment une façon de s'exprimer ou un acte créatif; c'est une façon d'aller chercher un revenu. Il faudra bien se rendre à l'évidence à un moment donné et admettre que c'est le revenu et non les emplois qui pose un problème. Nous pourrions devoir trouver des moyens de procurer un revenu aux gens qui ne sont plus capables de travailler, de leur offrir une certaine sécurité du revenu, une espèce de revenu annuel garanti ou d'avoir un impôt négatif sur le revenu quelconque, une sorte d'impôt uniforme.

Cette technologie est tout à fait nouvelle et elle est en train de changer tout ce que nous faisons. Nous devons songer à de nouvelles façons de gérer l'économie. C'est une nouvelle économie et il nous faut la considérer avec des yeux neufs.

Nous avons parlé tout à l'heure de la spéculation sur les marchés monétaires internationaux. Plusieurs modèles ont été présentés, dont un par l'économiste qui a remporté le prix Nobel,James Tobin, appelé l'impôt Tobin. Tobin a dit il y a vingt ans, et ses vues commencement maintenant à gagner en popularité, qu'il y a des façons non pas tant de contrôler la circulation, mais de la ralentir et d'imposer une taxe spéciale. Cette taxe produirait des revenus énormes avec lesquels nous pourrions venir en aide à bien des gens qui sont déplacés par cette technologie. D'autres réclament une taxe sur le trafic numérique lui-même, une taxe sur le chiffre d'affaires de l'autoroute de l'information, une taxe sur chaque bit d'information.

Je suppose que nous devons commencer à faire preuve d'un plus grand esprit d'innovation. La technologie est très innovatrice, elle est fantastique, elle est en train de tout bouleverser et, pourtant, nous semblons considérer l'économie avec les mêmes yeux. Nous devons nous poser la question suivante: qu'est-ce que cette nouvelle économie a de nouveau? Comment l'aborder d'une manière nouvelle pour qu'elle profite à tous au lieu d'exclure certains? Nous devrions promouvoir l'inclusion plutôt que l'exclusion. J'espère que cela répond à votre question.

La présidente: Andy, je pense que vous étiez le suivant.

M. Scott: Monsieur McVay, voulez-vous parler...

La présidente: Je suis désolée. Allez-y s'il vous plaît, monsieur McVay.

M. McVay: Pour revenir à la question de tout à l'heure à propos des lois existantes applicables à la propagande haineuse sur Internet, il est très évident que la Commission des droits de la personne a compétence pour agir parce que les lignes téléphoniques sont en cause.

Cela dit, à mes yeux, les lois sont tout à fait inutiles. Je ne vois pas comment la Commission des droits de la personne pourrait un jour arriver à poursuivre Ernst Zundel avec succès, par exemple, pour violation des lois canadiennes, car l'ordinateur dont il se sert n'est pas au Canada et qu'il n'y a aucun moyen de prouver que M. Zundel utilise les lignes téléphoniques pour obtenir son information. Il n'y a pas de lois efficaces qui régissent Internet à cet égard.

Quant aux questions concernant les droits de la personne, l'un des problèmes est le cryptage. Il est intéressant de voir à quel point le gouvernement américain est paranoïaque à l'idée d'exporter la technologie de cryptage. Mais là encore, quelques minutes après qu'un produit que les Américains auraient considéré comme une arme et gardé chez eux fait son entrée sur Internet, il est utilisé partout dans le monde. C'est ce que je voulais dire quand je parlais des 75 millions d'ennemis.

En ce qui concerne les droits de la personne toujours, il est pour la première fois possible pour les racistes, les nazis de ce pays - et j'utilise ce terme délibérément - de communiquer instantanément avec l'île de Vancouver, la Colombie-Britannique, l'Alberta, Toronto et n'importe quel autre endroit. Nous allons à coup sûr ressentir l'impact que cela peut avoir sur la coordination des actes de terrorisme ou des attaques contre des institutions juives. En fait, à certains égards, il se fait probablement déjà sentir.

J'ai aussi vu le bon côté de la médaille, c'est-à-dire que le mouvement de lutte contre le racisme a tiré profit de cette technologie et a su beaucoup mieux l'utiliser que les racistes.

Enfin, j'ai passé en revue ce que je fais et je me suis demandé quelle importance la question de la protection de la vie privée avait pour moi. J'ai deux commentaires à faire.

Le premier, c'est que je n'ai entendu personne dire qui va protéger ma vie privée contre vous.

Mme Cavoukian: Nous.

M. McVay: Cela me préoccupe plus que le fait pour IBM de savoir combien d'argent j'ai gagné l'an dernier. Je crains beaucoup plus de voir le gouvernement s'immiscer dans mes affaires personnelles.

.1240

Le deuxième commentaire que j'ai à faire a trait à l'observation fascinante que vous avez faite à propos de l'image que chacun a de soi. Je ne sais pas si je veux que vous commenciez à protéger cela. L'une des armes les plus puissantes que j'ai à ma disposition contre des gens comme M. Griswold, ici à Ottawa, ce sont trois années de ses écrits sur mon ordinateur, ce qu'il ne peut nier.

La tactique habituelle des racistes est de parler d'une chose qui n'a rien à voir avec la race. Mon exemple préféré est la couture. Ils vont aller à la rubrique couture et se mettre à discuter de machines à coudre. Peu de temps après, ils vont commencer à faire des remarques racistes gratuites. Puis, deux d'entre eux vont jouer un jeu et soulever différentes questions.

C'est à ce moment-là que j'aime intervenir pour leur présenter un homme. Voici ce qu'il a dit à propos du mariage interracial. Voici ce qu'il a dit à propos de ceci. Voici ce qu'il avait à dire au sujet des Juifs. Il pense que vous devriez tuer des Juifs au lieu de les écouter.

Donc, j'aime bien détruire l'image préférée qu'ils ont d'eux-mêmes, parce que je pense qu'il est important de savoir qui ils sont vraiment.

La présidente: Merci beaucoup.

Russell.

M. MacLellan: M. McVay a dit qu'il y avait de meilleures façons de s'y prendre que d'imposer des restrictions sur Internet. Est-ce ce qu'il a voulu dire - qu'il serait préférable de mettre en doute ce qu'il y a sur Internet au lieu d'imposer des restrictions?

M. McVay: Ce serait une façon de s'y prendre. On dit souvent que je pense que le gouvernement n'a rien à voir avec Internet. Ce n'est pas vrai. Le gouvernement peut faire beaucoup.

Par exemple, j'ai rencontré ce matin un jeune homme qui va faire des recherches pour moi aux Archives nationales à cause d'une certaine somme d'argent qu'un groupe privé a débloquée pour cela ici à Ottawa. Il a signalé une des choses que le gouvernement pourrait faire.

À mes yeux, les Archives nationales sont tout à fait inutiles. Je ne peux pas me permettre de venir à Ottawa en avion. Le comité a dépensé 2 000 $ juste pour écouter pendant deux heures. Je ne peux pas me permettre de dépenser une telle somme et de louer une chambre d'hôtel pour pouvoir consulter les documents dont j'ai besoin pour m'occuper du déni de l'holocauste sur Internet. Le gouvernement, qui dispose déjà des ordinateurs voulus - et la seule dépense supplémentaire dans ce cas-ci serait la main-d'oeuvre - devrait numériser les données et les introduire sur Internet. Ce faisant, il donnerait plus de maux de tête à M. Zundel que n'importe quelle loi qu'il pourrait adopter à l'égard de la propagande haineuse, parce que ce dernier ne pourrait plus mentir à propos du contenu des Archives nationales. Il ne serait plus possible aux gens comme lui de dénaturer l'information qui s'y trouve.

Il n'est pas du tout inhabituel que quelqu'un fasse une déclaration sur Internet du genre: c'est une tasse à café bleu foncé et elle est pleine de vin rouge. La seule façon de prouver que c'est faux est de venir jusqu'ici à Ottawa, de trouver son chemin jusqu'à l'immeuble en question, de trouver la fameuse tasse, de la prendre dans ses mains et de dire ce qu'il en est vraiment, qu'on se le tienne pour dit.

Donc, lorsqu'on pense aux choses positives que le gouvernement peut faire, on pense à à peu près tous les ministères gouvernementaux - Patrimoine, les Archives nationales - qui ont des connaissances qu'ils ne partagent pas avec la population canadienne. Ils disposent de toutes les données; ils ne nous les communiquent tout simplement pas. Nous ne pouvons pas les obtenir de Statistique Canada. Nous ne pouvons pas non plus les obtenir du ministère de l'Immigration. Chaque jour, on nous raconte des mensonges à propos de l'immigration au Canada. Pourtant, le gouvernement qui a les données en main et qui sait ce qui se passe garde le silence et se croise les bras.

Qui plus est, si je veux obtenir les données, je dois aller de système d'audio-messagerie en système d'audio-messagerie. Ensuite, je dois expliquer qui je suis et pourquoi je veux cette information. À ce moment-là, je raccroche et je commence à fouiller dans les journaux.

Si l'information était disponible sur Internet, je n'aurais pas à déranger personne au gouvernement. Le gouvernement pourrait porter un dur coup aux racistes qui se servent de la question de l'immigration ou qui faussent l'histoire.

Donc, il y a plein de choses que le gouvernement peut faire. Je ne pense pas que la réglementation de ce que je peux faire figure parmi ces choses.

M. Scott: Je suis tout à fait fasciné, parce que jamais une personne de votre expérience ne m'a exposé avec autant de détails un si grand nombre de ces questions.

L'une des questions que nous n'avons pas examinée, même si nous en parlons, c'est l'impact de la technologie sur les droits de la personne, sans entrer nécessairement dans les détails à propos des aspects négatifs et positifs. Nous n'avons pas parlé beaucoup de la démocratie dans le contexte que M. McVay vient de décrire et qui veut qu'un jour nous pourrions en quelque sorte être devenus inutiles à cause de cette technologie, qui m'apparaît beaucoup plus attrayante aujourd'hui qu'il y a deux ans.

.1245

Il reste que je pense que nous avons l'obligation de surveiller ce qui se passe au plan des droits de la personne, ce qui est essentiellement ce que nous essayons de faire. Si j'ai bien compris monsieur McVay, plutôt que d'imposer des restrictions, comme le gouvernement a instinctivement l'habitude de le faire, nous devrions nous efforcer d'utiliser la technologie qui existe pour faire le bien au lieu d'essayer d'empêcher tout le monde de l'utiliser pour faire le mal.

Je ne veux pas répéter ce que d'autres ont dit ni faire dire quoi que ce soit à qui que ce soit, mais je tiens à préciser que c'est bien ce que je disais, même si je reconnais qu'il y a certaines questions concernant la vie privée, qu'on parle du gouvernement ou d'IBM, sur lesquelles il faudra se pencher. Tout le monde semble être d'accord là-dessus.

Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Cavoukian: Personne ne semble être en désaccord. Je pourrais ajouter une observation qui, je l'espère, vous montrera que nos vues ne divergent pas tellement.

Je suis tout à fait d'accord avec M. McVay lorsqu'il dit qu'il faudrait encourager le gouvernement à numériser ses documents et ses banques d'information. C'est ce qu'on appelle, dans notre langage, des dossiers généraux. Ce sont des documents publics. Ce sont des documents qui sont censés être du domaine public, facilement accessibles à tous, de sorte qu'il faudrait y encourager l'accès à plus grande échelle par tous les moyens possibles. Cela ne pose aucun problème pour moi.

Ce qui est complémentaire à cela pour moi, c'est la protection des renseignements personnels. C'est là que se situe la distinction. L'information qui est censée être publique - les dossiers généraux, les documents publics - devrait être accessible. L'information qui s'apparente à des renseignements personnels - qui donne le nom de particuliers et qui les décrit d'une certaine façon - devrait être contrôlée par ces derniers. C'est là la différence entre l'information publique et l'information personnelle.

Donc, si on part du principe qu'il s'agit là de deux banques d'information différentes... certains documents devraient être diffusés parce qu'ils appartiennent au public. Ils devraient être accessibles au public et diffusés à grande échelle. Les autres renseignements n'appartiennent pas au public. Ils vous appartiennent à vous, le particulier. Vous les donnez au gouvernement pour une raison en particulier: pour payer vos impôts, pour acheter des biens immobiliers et ainsi de suite.

Il y a des raisons bien précises pour lesquelles vous transmettez vos renseignements personnels au gouvernement. Il doit les utiliser à la seule fin à laquelle ils étaient destinés et, sans votre consentement, il ne peut pas en autoriser la divulgation, parce que ce n'est pas à lui de décider s'ils peuvent être mis à la disposition du public. C'est là la distinction.

Si vous me suivez bien, vous verrez qu'il n'y a guère de conflit entre la diffusion à grande échelle de l'information publique et la protection des renseignements personnels, qui n'appartiennent pas au gouvernement.

[Français]

M. MacKay: Je suis entièrement d'accord sur les interventions précédentes.

Je voudrais simplement souligner que lorsqu'on parle du modèle québécois sur la protection des renseignements personnels, il faut en parler entièrement.

La loi québécoise s'appelle la Loi sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels. Le principe de base est que toute personne devrait avoir l'accès le plus complet possible à toute l'information détenue par le gouvernement, et la protection des renseignements personnels est une exception à ce principe général.

En termes de renseignements publics, la disponibilité de l'ensemble des archives nationales canadiennes sur Internet est une idée exceptionnelle en termes de richesse culturelle, politique, sociale, économique, etc. La protection des renseignements personnels est l'exception quand il s'agit de renseignements qui concernent strictement les individus.

On parle parfois du modèle québécois de gestion en disant qu'une seule commission gère les deux aspects de la question: les demandes d'accès à l'information et les demandes de protection des renseignements personnels. C'est un des modèles dont on discute le plus à travers le monde quand on rédige de nouvelles lois.

C'est sur des questions de ce genre qu'un comité comme celui-ci devrait se pencher.

D'autre part, quant à la protection des renseignements personnels, c'est un droit fondamental en démocratie. Pour que le débat démocratique s'exerce librement, il est nécessaire qu'on ne soit pas exposé à se faire reprocher toutes ses opinions ou que les gens avec qui on discute ne sachent pas nécessairement tout ce qu'on a publié au cours de sa vie, tout ce qu'on a dit, tout ce qu'on a fait, tout ce à quoi on pense, tout ce à quoi on est abonné. Cela bloque le processus de discussion démocratique plutôt que de l'aider.

.1250

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup.

Nous avons un attaché de recherche avec nous qui fait vraiment partie intégrante de notre équipe. M. Young aimerait poser une question.

Je sais que vous avez quelque chose à dire, Jutta. Pourriez-vous attendre que M. Young ait posé sa question? Puis, je pense qu'il faudra récapituler. Nous devons tous quitter la salle. Les caméras vont s'éteindre, le comité va lever la séance et, à 13 heures, nous serons tous partis.

Allez-y, monsieur Young.

M. Bill Young (attaché de recherche du Comité): Je suis historien et j'ai fait des recherches pendant 15 ans aux Archives nationales. J'ai donc une très bonne idée de l'information qui s'y trouve. Le coût de la diffusion de toute cette information serait exorbitant. Étant donné qu'elle ne pourrait pas nécessairement être toute rendue publique, comment décideriez-vous quelle information doit l'être?

La présidente: Si vous avez une deuxième question, vous pourriez peut-être la poser tout de suite.

M. Young: Ma deuxième question est la suivante: où se situe le Canada par rapport à d'autres pays en ce qui concerne la législation relative à la protection de la vie privée? Y a-t-il d'autres modèles qu'on pourrait suivre, et d'autres encore à éviter?

La présidente: Le modèle québécois est-il un modèle idéal?

M. McVay: Je ne connais rien des questions relatives à la protection de la vie privée et je vais donc passer mon tour. Je suis désolé, mais c'est un domaine dont je ne m'occupe pas.

Je dois vous avouer que je suis d'un naturel cynique. Je suppose automatiquement qu'une mauvaise utilisation sera faite des renseignements s'ils ont un caractère particulier. Vous avez probablement détecté ce cynisme chez moi. Je ne pense pas qu'il vous soit possible de protéger ma vie privée non plus, mais c'est une toute autre question.

Pour ce qui est de l'information des Archives, je peux vous dire que cette attitude - et je dis cela avec beaucoup de respect - est la raison pour laquelle le Nizkor Project aux États-Unis a acheté6 500 microfilms des Archives nationales américaines. Nous allons diffuser cette information nous-mêmes au lieu d'attendre pendant des années et des années que le gouvernement se décide à le faire après avoir longtemps réfléchi à ce qu'il lui en coûterait.

Nous n'avons pas trouvé qu'il était coûteux de mettre le matériel lui-même à la disposition du public. Ce qui est coûteux, c'est la reconnaissance optique de caractères, la traduction du matériel en un texte brut. C'est cela qui coûte cher.

La présidente: Voulez-vous parler de l'index ou du contenu...

M. McVay: Je veux parler de chaque pièce d'information des Archives nationales.

La présidente: Parfait, c'est ce que je pensais.

M. Young: Ce n'est peut-être pas mon attitude à moi, mais je sais que quelqu'un va poser la question. J'ai pensé qu'il serait bon aussi que nous connaissions vos vues à ce sujet.

M. McVay: C'est une question qui a son importance. Dans notre cas, j'ai été chanceux parce que la personne qui finance ce projet est riche et a la technologie. J'ai été étonné de découvrir que je peux faire automatiquement passer ces documents du microfilm au CD-ROM à l'aide d'une caméra de télévision, d'un simple appareil et d'un ordinateur. Cela prend en tout cinq minutes par rouleau.

Donc, cette partie du travail est simple. Si le gouvernement faisait sa part, nous serions heureux de convertir ce dont nous avons besoin quand nous en avons besoin.

La présidente: Nous pourrions peut-être inviter les Archives nationales à un moment donné pour en discuter.

Monsieur Bernier, puis Jutta.

[Français]

M. Bernier: Je voudrais faire un bref commentaire.

Mon commentaire à trait aux personnes handicapées. Madame Treviranus a souligné, avec beaucoup d'à-propos, les avantages des nouvelles technologies pour les personnes handicapées dans les domaines des communications et de l'industrie.

Récemment, à l'émission Enjeux de Radio-Canada, j'ai vu un reportage ayant trait aux nouvelles technologies médicales et, en particulier, aux interventions chirurgicales qu'on peut faire sur un foetus. On donnait l'exemple d'enfants handicapés. Cela a des conséquences épouvantables. Cela peut conduire à la mort de l'enfant. Cette question d'éthique entourant le domaine biomédical est très fondamentale en ce qui a trait aux droits de la personne. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus et surtout que vous nous donniez vos conseils par rapport à ce que le gouvernement doit faire ou ne pas faire dans ce domaine.

.1255

[Traduction]

Mme Treviranus: Je crois savoir que c'est une question qui fera l'objet elle aussi d'une autre table ronde. C'est une question très vaste. Je ne suis pas certaine si...

La présidente: Peut-être que nous pourrions y revenir à la prochaine table ronde et qu'elle pourrait se joindre à nous pendant une partie de la réunion pour répondre à cette question.

Est-ce que cela serait acceptable?

[Français]

M. Bernier: Oui.

[Traduction]

La présidente: C'est bien, vous allez de nouveau être invitée. En réalité, vous allez tous l'être. Nous allons avoir une grande table ronde où nous pourrons tous discuter.

Madame Cavoukian, vous avez mentionné aujourd'hui le modèle du Québec, mais est-ce le modèle mondial? Où se situent les Canadiens par rapport à la législation relative à la protection de la vie privée dans d'autres pays? Nos résultats sont-ils meilleurs que les leurs? Avons-nous fait pire? Avez-vous des modèles que vous jugeriez utiles pour nous d'étudier pour nous en inspirer?

Je pense que le comité aimerait que vous lui donniez une idée de ce que nous devrions laisser de côté et de ce que nous pourrions considérer comme efficace. Si vous n'avez pas le temps de répondre à cette question parce que nous devons lever la séance, alors vous pourrez m'écrire ou revenir nous voir.

Mme Cavoukian: Je vais répondre à cette question avec plaisir.

Nous ne nous en tirons pas trop mal au Canada, mais permettez-moi de nuancer cette remarque. Comme je l'ai dit tout à l'heure, exception faite du Québec, nous n'avons pas compétence sur ce qui se fait dans le secteur privé. Le Québec a une législation relative à la protection de la vie privée qui est considérée comme très bonne. Il a deux lois, une pour le secteur privé et une pour le secteur public.

Si le reste du pays adoptait un modèle semblable à celui du Québec, alors nous serions très heureux. Cependant, c'est très peu probable. On parle beaucoup de la possibilité qu'une loi fédérale soit présentée pour le secteur privé, et nous sommes très optimistes. Je vous encourage à appuyer toute loi fédérale qui pourrait être présentée.

La Nouvelle-Zélande a ce que je considère comme la meilleure législation relative à la protection de la vie privée au monde. Elle a une loi sur la vie privée qui s'applique aux secteurs public et privé, mais les codes de déontologie que des secteurs particuliers d'une industrie adaptent à leurs propres besoins viennent la compléter. Par exemple, des besoins spéciaux sont rattachés aux dossiers médicaux, besoins qui n'existent pas dans le cas des dossiers de crédit.

C'est un modèle idéal. Je pourrai y revenir plus tard.

Laissez-moi vous dire une chose très importante en terminant. Si vous avez une loi sur la protection de la vie privée, peu importe qu'elle s'applique au secteur public ou au secteur privé, si un organisme indépendant, une espèce de chien de garde, comme un commissaire aux données ou à la protection de la vie privée, n'est pas là pour surveiller son application, alors je dirais que la loi est d'une utilité très limitée, parce qu'il n'y aura personne pour la faire respecter.

C'est ce qui se passe aux États-Unis. Ils étaient des chefs de file en 1974 lorsqu'ils ont adopté une loi fédérale sur la protection de la vie privée. Ils ont omis de nommer un commissaire à la protection de la vie privée ou un conseil de protection des données. La protection de la vie privée y est épouvantable et laisse énormément à désirer, dans les secteurs public et privé. On attribue essentiellement cela à l'absence de tout organisme indépendant de surveillance.

La présidente: Notre commissaire à la protection de la vie privée ferait-il l'affaire, ou le modèle de la Nouvelle-Zélande?

Mme Cavoukian: Le Canada se tire très bien d'affaires. Nous avons un commissaire fédéral à la protection de la vie privée, M. Bruce Phillips, qui surveille l'exécution de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Chacune des provinces a des commissaires indépendants à l'accès et à la protection de la vie privée ou encore, dans certaines provinces, l'ombudsman joue ce rôle. Mais la plupart des provinces qui ont adopté des lois sur la protection des renseignements personnels en ont confié l'application à des commissaires. C'est un modèle dont nous devrions essayer de nous inspirer.

La présidente: Le modèle de l'Association canadienne de normalisation est-il celui auquel vous faisiez allusion? Et le ministère de l'Industrie là-dedans?

Mme Cavoukian: Le modèle de l'Association canadienne de normalisation, qui est un code concernant la protection de la vie privée, est un excellent modèle. Il ne fait l'objet d'aucun règlement. Ce n'est pas une loi, mais c'est un code d'application volontaire concernant la protection de la vie privée qui a été élaboré au cours des trois dernières années par des organismes du secteur privé.

Pour régler le problème de l'absence de toute protection de la vie privée dans le secteur privé, des entreprises commerciales se sont réunies, avec notre aide, et nous avons élaboré un -

La présidente: Et des consommateurs, j'espère.

Mme Cavoukian: Absolument. Les consommateurs étaient représentés eux aussi - tous ceux à qui vous pourriez penser. C'est pourquoi il a fallu trois ans.

C'est un excellent code qui mérite notre appui et si une loi fédérale voit le jour, ce serait parallèlement à ce code.

.1300

La présidente: Andy Scott, vous avez le dernier mot, avec Jutta.

M. Scott: En fait, madame la présidente, ma question s'adresse à Jutta. Tout est donc parfait. Mais nous ne pourrons pas régler cela en si peu de temps.

Je me demandais s'il y avait eu des travaux ou des recherches qui pourraient nous donner une idée en tant que comité des évaluations qui ont été faites de la technologie et des personnes handicapées - de ce qui existe et des obligations qui nous reviennent en ce qui concerne la question des droits de la personne.

Mme Treviranus: Il y a tout un tas de données que vous pourrez trouver sur le web. Je vais vous donner quelques adresses URL après la réunion et vous dire comment vous y prendre.

Les efforts internationaux portent actuellement sur les normes internationales d'accès. Il y a présentement des groupes au Canada, aux États-Unis et en Europe également qui se penchent précisément sur cette question. Il existe beaucoup d'informations.

L'observation que je tenais à faire, c'est que nous avons beaucoup parlé du fait que l'information est libre et que nous ne pouvons pas la réglementer. L'une des choses sur laquelle le gouvernement peut influer est la technologie que nous utilisons pour avoir accès à cette information. Nous pouvons avoir dans ce cas un impact beaucoup plus grand, parce que nous pouvons influer sur les sociétés qui mettent cette technologie au point, nous pouvons influer sur la technologie dont on ferait la promotion et ainsi de suite. Je pense que cela devrait être un autre sujet de discussion.

La présidente: Nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir nous faire part de toute information ou donnée qui, selon vous, pourrait faire avancer nos travaux, ou de tout renseignement concernant la loi de la Nouvelle-Zélande sur la protection de la vie privée, la loi du Québec...

[Français]

Nous ferons venir tous les documents auxquels nous avons fait allusion pendant ces deux heures d'échange.

J'aimerais remercier nos panélistes et les députés. Vous avez tous beaucoup contribué à l'épanouissement de notre pensée, alors qu'on s'engage sur un chemin inconnu.

[Traduction]

Je tiens à remercier sincèrement tous les députés, de tous les partis à la Chambre, qui étaient parmi nous aujourd'hui. Je sais que tout ce que vous avez partagé avec nous aujourd'hui va contribuer à augmenter notre bagage de connaissances. J'espère que vous pourrez répondre à l'invitation que nous pourrions vous lancer en d'autres occasions. Nous vous remercions infiniment.

La séance est levée.

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