[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 mai 1996
La présidente: La séance est ouverte. Tous ceux qui devaient être ici pour la deuxième table ronde à 15h30 sont-il arrivés?
Cet après-midi, nous regroupons les première et deuxième tables ensemble.
[Français]
Certaines personnes ont dû quitter. Nous poursuivrons nos discussions avec vous ici présents.
Je vous remercie une fois de plus. Les démarches du gouvernement nous ont toutefois encore empêchés de finir d'entendre les autres interventions qui étaient fort impressionnantes et bien exprimées.
[Traduction]
Je demanderais à ceux qui sont à la table de se présenter afin que nous puissions commencer la séance.
M. Laurie Beachell (directeur administratif, Conseil des Canadiens avec déficiences): Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Laurie Beachell et je représente le Conseil des Canadiens avec déficiences. Comme nous n'avons pu terminer notre exposé, je vais tout simplement tenter de le résumer.
Malheureusement, plusieurs de nos représentants, Francine Arseneault, ma présidente, et Allan Simpson ont dû partir, ainsi que les représentants de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Je crois qu'Allan doit prendre le même vol que moi pour rentrer ce soir à Winnipeg, mais le seul véhicule qu'il pouvait prendre pour se rendre à l'aéroport partait à 15h30. Notre vol n'est qu'à 18h40. Cela vous donne une idée de ce que les personnes handicapées doivent supporter tous les jours, car il n'y a pas d'autre moyen de transport pour lui ici à Ottawa. Tout était réservé. S'il avait manqué son autobus à 15h30, il n'aurait pas pu se rendre à l'aéroport ce soir. Il doit donc se rendre à l'aéroport maintenant, trois heures avant l'heure de départ de son vol.
Cela est un exemple du genre de situations que nous devons supporter constamment, et vous pouvez comprendre notre sentiment de frustration en ce qui trait aux rapports et aux rôles entre les gouvernements. Il m'incombe donc d'essayer de vous donner, madame Finestone, notre liste de trois choses, et je vous dirais que cette liste comprend beaucoup plus que trois éléments.
Habituellement, nos organismes continuent de demander la création d'un poste de secrétaire d'État responsable de la condition des personnes handicapées, comme l'avait recommandé le comité. Nous avons également demandé la création d'un mécanisme de coordination interministériel à un haut niveau qui s'occupait des problèmes des personnes handicapées. À l'heure actuelle, Développement des ressources humaines n'a aucun pouvoir à cet égard. Le pouvoir est à un niveau très subalterne, et à moins que l'on ne transfère le pouvoir à un niveau supérieur dans le système, franchement, nous pensons qu'il n'y aura aucun progrès dans ce dossier.
Nous sommes d'accord avec la recommandation du comité selon laquelle le ministre devrait faire rapport chaque année à la Chambre et à votre comité sur la condition des personnes handicapées. Nous exhortons donc le gouvernement du Canada - et ce, avant l'annonce de ce matin - à mettre immédiatement en place une initiative d'emploi ciblée pour répondre aux besoins des personnes handicapées en matière de formation sur le marché du travail.
Les amendements récents au régime d'assurance-chômage ont effectivement exclu les personnes handicapées des programmes de formation ici au Canada. En ce qui a trait à la proposition de ce matin visant à transférer la responsabilité ou à offrir aux provinces d'assumer la responsabilité en matière de formation de la main-d'oeuvre touchant le marché du travail, ce que nous souhaitons, c'est un libellé contractuel clair qui assurerait l'imputabilité et l'accessibilité pour toutes les personnes handicapées. Si le gouvernement fédéral se retire de la formation de la main-d'oeuvre touchant le marché du travail, et si cette responsabilité est transférée aux provinces, on doit alors nous assurer qu'il y aura des normes d'équité, d'égalité et d'accès pour tous les citoyens dans ces programmes.
Cependant, notre principale préoccupation demeure toujours le fait que la seule chose que l'on transfère, ce sont les fonds du régime d'assurance-chômage. Encore une fois, un petit nombre de nos membres retirent actuellement des prestations d'assurance-emploi ou seraient admissibles à une formation de la main-d'oeuvre touchant le marché du travail. Donc, franchement, à moins qu'il n'y ait une exemption dans le règlement pour faire en sorte que les personnes handicapées soient admissibles à ce programme de formation, la majorité des Canadiens handicapés seraient exclus de la formation de la main-d'oeuvre touchant le marché du travail.
C'est ce que nous avons dit dans l'exposé que nous avons présenté au Comité des ressources humaines, qui examinait le projet de loi C-12. C'est toujours notre position, et nous exhortons le comité à l'appuyer.
La présidente: Puis-je vous demander à qui vous avez fait cet exposé?
M. Beachell: Au Comité du développement des ressources humaines, le comité qui a examiné... Est-ce que je me trompe - le projet de loi C-12, DRH?
Nous exhortons par ailleurs le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à mettre en place un mécanisme pour l'examen du Programme sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées. Je dirais que ce programme est en quelque sorte tombé dans l'oubli, car c'est le seul programme à frais partagés qui existe aujourd'hui. Il s'agit d'un programme à frais partagés semblable au régime d'assistance publique du Canada. Par suite des transferts qui ont été effectués ailleurs en matière de politique sociale dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, ainsi que des changements relatifs au marché du travail, nous avons certaines craintes quant à l'avenir de ce programme. Nous sommes d'avis qu'un examen du Programme sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées s'impose.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en ce sens qu'il doit examiner les questions relatives au soutien du revenu et porter à l'attention du comité le fait que le groupe de travail ministériel sur la politique sociale, dont le rapport sera examiné à la conférence des premiers ministres en juin, recommande que le gouvernement fédéral joue un rôle dans le domaine du soutien du revenu pour les personnes handicapées. Je pense que dans les recommandations on parle d'un programme «géré de façon conjointe, mais exécuté par le gouvernement fédéral».
Nous recommandons la création d'un groupe de travail fédéral-provincial-territorial qui se pencherait sur les questions de soutien du revenu pour les personnes handicapées dans le contexte plus large de la politique sociale. Ce groupe de travail pourrait peut-être également examiner les mesures fiscales annoncées par le ministre des Finances dans son discours du budget en février dernier.
Encore une fois, nous vous demandons aujourd'hui de mettre en place des programmes de formation ciblés allouant 15 p. 100 des places et 20 p. 100 des fonds aux initiatives du gouvernement fédéral et au marché du travail. Cependant, si ces responsabilités sont transférées aux provinces, encore une fois nous sommes d'avis qu'il devrait y avoir un libellé contractuel pour assurer une représentation équitable au sein de ces programmes.
Notre conseil demande que l'on appuie davantage la mise en place de modèles et de principes de vie autonome. En outre, nous vous exhortons à examiner, comme le gouvernement fédéral l'a fait par le passé, des modèles de soutien pour la désinstitutionnalisation. Par le passé, le gouvernement fédéral a appuyé des initiatives stratégiques uniques et continue de les appuyer, et nous espérons qu'il continuera de le faire au-delà de la dévolution actuelle de ces responsabilités.
Par ailleurs, dans le cadre des discussions entourant le TCSPS, nous aimerions voir une norme afin que tout refus de service ou d'aide sociale puisse être porté en appel et qu'il y ait un mécanisme d'appel garanti au niveau provincial.
Nous exhortons le comité à appuyer l'exploration du concept de la vérification sociale, un mécanisme pour vérifier combien de dollars fédéraux sont dépensés et comparer l'exécution des services dans tout le pays.
À la lumière de la dévolution actuelle, nous exhortons le gouvernement fédéral à élargir le mandat du Programme de contestation judiciaire afin de permettre la contestation de lois provinciales. Si on doit confier une plus grande responsabilité au gouvernement provincial, et s'il n'y a aucun mécanisme d'appel, aucune norme nationale, alors il faudrait pouvoir poursuivre ces salauds.
Nous recommandons que l'on continue d'appuyer et de reconnaître la valeur des organisations de personnes handicapées dans un rôle de consultation avec les gouvernements, et ce, à tous les paliers de gouvernement. Nous croyons qu'il faut un appui. Il semble qu'on nous colle l'étiquette «groupes d'intérêts spéciaux», et on donne ainsi l'impression de recevoir davantage que les autres parce que nous sommes un petit groupe choisi. Ce n'est pas le but ou l'objectif de notre association. Notre but ou notre objectif consiste à pouvoir identifier les obstacles qui nous empêchent de pleinement participer à la vie de la collectivité, à travailler avec d'autres pour trouver des solutions afin de les éliminer, de façon à ce que nous ayons en fin de compte les mêmes droits que tous les autres citoyens.
Nous recommandons également au gouvernement fédéral d'envisager un mandat plus large que l'employabilité. Il nous semble qu'à ce moment-ci le mandat en matière de politique sociale du gouvernement fédéral diminue considérablement. Le gouvernement fédéral, comme M. Simpson l'a si éloquemment expliqué tout à l'heure, a un rôle à jouer pour assurer les droits des citoyens, un rôle à jouer pour assurer l'égalité des services sociaux et de l'aide sociale au pays, et pour cela il faut un engagement du gouvernement fédéral à l'égard d'initiatives en matière de politique sociale.
Actuellement, cela ne semble pas être une priorité du gouvernement. Lorsque nous présentons des propositions d'étude sur l'accès à l'information et les médias substituts, par exemple, on nous répond que cela ne s'inscrit pas dans le programme de l'employabilité. Or, l'obtention d'un emploi pour les handicapés... Tant qu'ils n'auront pas accès à l'information et tant que nous ne créerons pas des façons de mettre à profit les nouvelles technologies pour garantir à tous l'accès à l'information, les handicapés ne trouveront pas d'emploi.
Ce sont là essentiellement nos revendications.
La présidente: C'est un bon aperçu.
M. Beachell: Nous sommes heureux de pouvoir témoigner devant votre comité aujourd'hui. Avant de partir, vous avez posé trois questions sur les consultations, les relations fédérales-provinciales et la reconnaissance de la diversité dans la Charte.
Au sujet des relations fédérales-provinciales, je dirai simplement que nous sommes d'avis que les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces sont comme celles des membres d'une famille. Il faut discuter. Il faut s'assurer que tous participent aux discussions. Il faut que chacun puisse exprimer son point de vue librement et participer à la prise de décisions. Dans ma famille, lorsque j'étais enfant, il incombait tout de même à une seule personne de prendre une décision au bout du compte. On tenait compte de mon point de vue, mais pas toujours, et ce n'était certainement pas mes souhaits qui dominaient.
Les relations fédérales-provinciales s'apparentent à celles qui existent au sein d'une famille. Oui, les provinces ont des compétences. Oui, les provinces ont des devoirs à l'égard des membres des différentes collectivités. Mais c'est le gouvernement fédéral qui a la compétence ultime en matière de citoyenneté et qui doit donc assurer l'égalité à l'échelle du pays, ouvrir la voie, donner au pays une vision de ce que nous souhaitons pour notre société. C'est là le rôle du gouvernement fédéral. Cela signifie tracer le chemin et prendre des décisions, pas seulement consulter les intéressés.
Cela dit, en matière de consultation, toutes les voix doivent être entendues. Tous les intéressés doivent être présents à la table des négociations, lesquelles ne doivent pas se transformer en une série de discussions sans importance. Nos organisations estiment que nous avons apporté une contribution valable au cours des dernières années: nous avons été consultés au sujet de la Loi sur les transports nationaux, de l'équité en matière d'emploi, et nous participons actuellement à des discussions sur les prestations d'invalidité prévues par le Régime de pensions du Canada, ainsi que sur la cession de pouvoirs et d'autres mesures législatives, telles que celle touchant le TCSPS.
Nous estimons que la question de la vérification sociale, que nous avons été les premiers à soulever dans notre mémoire au Comité permanent des finances en réponse au budget de 1995, mérite de faire l'objet de recherches et de discussions. Nous ignorons où cela nous mènera, mais nous jugeons que notre contribution est très précieuse pour le gouvernement fédéral, qui doit donc nous appuyer et s'assurer que tous les intéressés ont voix au chapitre.
Madame la présidente, je ne suis pas certain de ce que vous entendez par la diversité garantie par la Charte, mais...
La présidente: L'article 15 porte sur la diversité du pays; nous allons y ajouter l'orientation sexuelle, avec certaines conditions et sur une certaine base, ce qui était peut-être le dernier motif de discrimination. C'est ce que j'entends par diversité. L'inclusion pleine et entière des divers membres de notre collectivité, quels que soient leur race, leur langue, leur religion, leur handicap physique ou mental, etc. Je ne vous lirai pas toute la liste.
M. Beachell: Nous souscrivons pleinement à ce principe. La Charte est la loi suprême du pays. Nous avons mené une lutte longue et ardue pour être protégés, pour nous assurer que nous ne ferions pas l'objet de discrimination en raison de notre handicap physique ou mental. Comme vous le savez, nous avons témoigné récemment devant ce comité pour appuyer l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la liste des motifs de discrimination. Nous attendons maintenant la deuxième série de modifications, qui, nous l'espérons, seront déposées par le ministre dans les semaines qui viennent. Elles devraient comprendre l'inclusion dans la Loi canadienne sur les droits de la personne de l'obligation de tenir compte de la situation des handicapés. Nous espérons que cette modification rehaussera la protection dont nous jouissons et obligera les employeurs et d'autres à supprimer les obstacles à notre participation à la vie de la société.
Je sais qu'on a eu des problèmes d'horaire aujourd'hui, et j'aurais bien aimé que d'autres membres de nos associations se joignent à nous. M. Smith, de l'Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire, n'a pas encore eu l'occasion de s'adresser à vous. Nous avons coordonné nos exposés ce matin, mais je lui cède maintenant la parole. Si vous avez des questions, Traci, Frank ou moi-même serons heureux d'y répondre.
La présidente: J'ai une foule de questions à vous poser, tout comme mes collègues. J'estime que nous sommes des partenaires et que nous devons dialoguer. Mais le temps presse, et j'aimerais entendre vos remarques, particulièrement celles de Frank Smith, et, d'ailleurs, de tous les autres témoins. Si vous n'y voyez pas d'objection, nous sommes prêts à rester un peu plus tard pour vous entendre.
J'ai une question à vous poser au sujet de la consultation, si vous voulez bien revenir à ce sujet pour un moment. Vous avez parlé des consultations fédérales-provinciales-territoriales. En réponse à ma question, vous avez parlé des relations entre le gouvernement fédéral et les provinces et des relations au sein d'une famille, du rôle que joue le père et la mère. Ma question est plus générale - vous voudrez peut-être y réfléchir - car la consultation avec les ministres comporte d'autres aspects: si vous souhaitez la tenue d'une table ronde avec le ministre de la Justice et le ministre du Développement des ressources humaines, si vous souhaitez faire quelque chose de précis avec les fonctionnaires... D'après ce que nous avons entendu, il semble qu'il faille de nouveau sensibiliser les gens à ce qu'est une société véritablement inclusive dans son sens le plus large.
Nous y reviendrons pendant la période de questions. Nous entendrons d'abord les remarques de Frank.
M. Frank Smith (directeur général, Association nationale des étudiants handicapés au niveau postsecondaire): Merci beaucoup.
J'aimerais d'abord remercier les membres du comité d'avoir invité notre association à participer à cette discussion de la réponse du gouvernement au rapport du comité, Le Plan d'ensemble: concrétiser la vision «portes ouvertes».
Notre association représente les étudiants de niveau collégial et universitaire - y compris les étudiants diplômés - handicapés du Canada. Plus de 112 000 étudiants handicapés fréquentent des établissements d'enseignement postsecondaire au pays; manifestement, ceux que nous représentons veulent contribuer à l'avenir du pays dans tous ses aspects. Nous estimons que le gouvernement fédéral a un rôle crucial à jouer et peut le mieux s'assurer que tous les membres de la société ont pleinement accès à l'enseignement supérieur, aux perspectives d'emploi et aux services sociaux.
Lorsque le comité a déposé son rapport unanime, à titre de membre du Conseil des Canadiens avec déficiences, nous avons, comme cette organisation, très bien accueilli les recommandations du comité au gouvernement fédéral. Votre comité a transmis un message sans équivoque. Le rapport comprenait de nombreuses recommandations clés qui visaient à donner au gouvernement national un rôle continu même après la disparition de la stratégie nationale. Le rapport du comité a prouvé que ses membres avaient écouté les représentants de la communauté des handicapés et avaient apprécié à sa juste valeur la contribution des principaux partenaires au processus.
Il importe de noter que votre comité a recommandé le maintien de normes nationales pour le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux grâce à des négociations avec les provinces. Nous avons soulevé la nécessité d'une vérification sociale pour assurer la reddition de comptes. En outre, vous avez recommandé avec vigueur que le gouvernement fédéral finance des mesures d'employabilité pour les personnes handicapées. Du début à la fin du rapport, le comité a réitéré à quel point le rôle que jouent les personnes handicapées et leurs organisations est important, car ce sont elles qui sont le mieux en mesure d'établir les priorités et d'évaluer le succès des diverses initiatives.
Le comité a mis l'accent sur l'importance d'une stratégie nationale continue pour le renouvellement des programmes pour les handicapés dans tous les ministères. Vous avez souligné qu'il fallait qu'un ministre, un secrétaire d'État, assume la responsabilité et la coordination de toutes les questions touchant les personnes handicapées au niveau fédéral.
Dans son rapport, le comité a très bien articulé les besoins de personnes handicapées et donné au gouvernement une vision d'avenir. Il est d'autant plus décourageant de lire le document très vague qu'est la réponse du gouvernement. Une maison aux portes ouvertes: une responsabilité partagée est un titre qui donne le ton, puisqu'il indique clairement que le ministère du Développement des ressources humaines abandonne son rôle de pionnier en laissant entendre dès le départ que cette compétence est partagée. C'est bien beau pour le gouvernement de dire qu'il s'engage à faire respecter les objectifs de l'égalité, de la participation pleine et entière et de l'intégration des personnes handicapées, mais quand joindra-t-il le geste à la parole?
Le rapport décrit avec éloquence le succès du processus de consultation Pleine participation 92, de l'élaboration de la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour l'intégration des personnes avec un handicap et de l'examen des programmes sociaux du gouvernement, y compris les services et programmes pour les handicapés. Dans sa réponse, le gouvernement dit s'engager à mettre en oeuvre la vision «portes ouvertes» et prétend bien connaître les préoccupations des collectivités handicapées, mais il ne semble pas vouloir prendre des mesures comme celles qui ont fait de la stratégie nationale un succès mitigé. Plutôt, on nous offre un document dans lequel toutes les questions d'importance pour les handicapés du pays sont considérées du point de vue du nouvel environnement de compressions budgétaires et de rationalisation dans lequel le gouvernement fédéral redéfinit son rôle dans ce contexte. Dans ce monde nouveau, c'est aux provinces qu'incombe la responsabilité des personnes handicapées.
Il ne suffit pas d'indiquer que le budget de 1996 prévoit que l'élément en espèces du TCSPS se maintiendra pendant encore quelques années. Rien n'est prévu pour garantir les normes nationales dans l'enseignement et les services sociaux. Auparavant, à tout le moins, le gouvernement fédéral jouait un rôle par le biais du FPE et du RAPC.
C'est encore au ministre du Développement des ressources humaines qu'incombe la responsabilité des questions touchant les handicapés, même si votre comité a recommandé que le gouvernement se donne un secrétaire d'État responsable de ces questions, ce qu'a aussi réclamé notre collectivité.
Développement des ressources humaines Canada et son ministre ne peuvent régler nos préoccupations. La vie des personnes handicapées ne se définit pas strictement en fonction de l'employabilité. Nous avons besoin de programmes d'éducation, de logement, de transport public, de soins auxiliaires, de documents gouvernementaux en formats accessibles, etc.
Pour les étudiants handicapés, il est encourageant de voir que le gouvernement fédéral semble vouloir prolonger le Programme sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées au-delà de mars 1996. En 1993, une étude sur l'aide financière aux étudiants a indiqué que 44 p. 100 de près de 400 étudiants de niveau postsecondaire du Canada ont dit compter sur les services et les fonds du programme de réadaptation professionnelle pour pouvoir fréquenter le collège ou l'université. Ce programme sera probablement prolongé d'un an, mais que se passera-t-il ensuite?
Nous espérons que le gouvernement, lorsqu'il évaluera le programme, sollicitera les vues des diverses communautés de handicapés et en tiendra compte. Le pays a besoin d'un bon programme de prêts étudiants et d'un bon programme sur la réadaptation professionnelle des handicapés pour s'assurer que rien ne fait obstacle à l'instruction postsecondaire des handicapés. C'est d'autant plus crucial que l'on augmente les frais de scolarité et qu'on supprime des programmes et des services dans les universités un peu partout au pays.
Il est aussi décourageant de constater que le gouvernement semble vouloir minimiser le rôle des intervenants clés, des personnes handicapées. Comme vous le savez, depuis mars dernier, DRHC a réduit le financement accordé aux organisations de personnes handicapées, qui est passé de12 millions à 3,5 millions de dollars. Cela représente une compression de deux tiers. De plus, le volet régional de ce qui était le Programme de participation des personnes handicapées a été entièrement éliminé. Le Conseil des Canadiens avec déficiences et ses membres provinciaux devront trouver une façon de survivre malgré la réduction de leurs subventions de 10 p. 100 cette année, 30 p. 100 l'an prochain et 50 p. 100 l'année suivante. Le financement de ces groupes sera entièrement éliminé en 1999-2000.
Une maison aux portes ouvertes ne comporte aucun engagement à l'égard des personnes handicapées et de leurs organisations. Plutôt, le gouvernement fédéral semble croire qu'il peut assurer l'égalité, la pleine participation et l'intégration des personnes handicapées au sein de la société canadienne tout en minimisant le rôle des handicapés et en s'adressant plutôt à d'autres secteurs de la société.
Les handicapés veulent être des citoyens canadiens à part entière. Ils veulent vivre dans un pays qui leur donne la possibilité de participer pleinement à la vie de la société. Les statistiques montrent que lorsque les handicapés ont le même accès que les autres à l'enseignement postsecondaire et aux perspectives d'emploi, ils peuvent exceller et réussir.
Il faut encore supprimer de nombreux obstacles si nous voulons que les handicapés participent également à la vie de notre société. Le gouvernement fédéral doit prendre des engagements à l'égard des citoyens handicapés. Il doit leur indiquer clairement qu'ils sont des citoyens estimés.
En dépit de la réponse vague et évasive du gouvernement à votre rapport, nous vous demandons de veiller à ce que le gouvernement et le ministre compétent, Doug Young, assument leurs responsabilités.
Nous remercions les membres de votre comité de nous avoir entendus aujourd'hui.
La présidente: Merci beaucoup.
J'ai une question à poser avant de céder la parole à un témoin qui n'a pas eu l'occasion d'intervenir ce matin.
Vous nous avez donné un aperçu très instructif de votre situation. Vous avez fait allusion au Programme canadien de prêts aux étudiants. Ce programme prévoit des subventions pour initiatives spéciales, pour lesquelles le budget est passé de 3,2 à 9,9 millions de dollars. Que pensez-vous de ce changement?
M. Smith: Je n'ai pas entendu la dernière partie de votre remarque.
La présidente: Le budget des subventions pour initiatives spéciales a presque triplé. Croyez-vous qu'on a apporté ces changements en raison du nombre de demandes qu'on a reçues, qui ont prouvé que c'était un bon programme, ou parce que ces subventions en remplaceront d'autres? Pourquoi, à votre avis, ce budget est-il passé de trois à neuf millions de dollars?
M. Smith: Il y a environ trois ou quatre ans, lorsque nous avons mené notre étude, nous avons recommandé au gouvernement qu'il envisage l'octroi de subventions dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants, qui n'en prévoyait pas auparavant. En fait, le programme national d'aide aux étudiants ne tenait pas compte du fait que les étudiants handicapés ont souvent besoin de plus de temps pour mener à bien leurs études, et donc besoin de plus d'aide.
Si le niveau de financement du programme est de cinq millions de dollars, la distribution des fonds à l'échelle du pays indique que seulement 2 000 à 3 000 étudiants reçoivent une subvention pour initiative spéciale. Or, il y a actuellement plus de 100 000 étudiants handicapés qui font des études postsecondaires. Il est donc évident que le volet des subventions pour initiatives spéciales du Programme canadien de prêts aux étudiants est très important.
Le budget du programme n'est certainement pas très élevé si on le compare aux besoins et au nombre d'étudiants qui ont besoin d'une subvention ou d'une autre et qui, souvent, ne pourraient poursuivre leurs études sans un prêt, et si on tient compte aussi du niveau d'endettement des étudiants diplômés et de leurs perspectives d'emploi à la sortie de l'université. Nous appuyons ce programme, mais nous estimons aussi qu'on devrait augmenter ses fonds afin de mieux répondre aux besoins de nos membres.
La présidente: Merci beaucoup. Qui d'autre n'a pas eu l'occasion de faire ses remarques ce matin et aimerait le faire maintenant? Il y aura ensuite une période de questions.
M. Beachell: Je crois que tous ceux qui étaient ici ce matin ont pu...
La présidente: Laurie, pourriez-vous m'aider un peu? Les membres du comité sont un peu frustrés de n'avoir pu répondre aux remarques réfléchies qu'ils ont entendues. Néanmoins, d'autres gens se sont joints à vous. Préféreriez-vous que nous les entendions, particulièrement ceux qui doivent partir tôt? Peut-être préféreriez-vous que nous passions dès maintenant à la période de questions pour ceux qui veulent partir, ou qui doivent partir?
Mme Traci Walters (directrice nationale, Association canadienne des centres de vie autonome): Je suis tout à fait prête à répondre dès maintenant aux questions, mais si Laurie peut rester, il pourra répondre au nom du Conseil des Canadiens avec déficiences.
La présidente: C'est à vous de voir. La journée a été longue pour tout le monde.
M. Beachell: Je peux rester pour les questions jusqu'à la fin, si vous le désirez. Je sais que Traci doit nous quitter sous peu, car elle doit s'occuper de ses enfants.
La présidente: Nous pourrions avoir un dialogue avec Traci, et nous poursuivrons ensuite. Est-ce que cela vous convient ainsi qu'à M. Smith?
Maurice.
[Français]
M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): J'aimerais d'abord faire un commentaire quant à la réponse, ou ce qu'il est convenu d'appeler une réponse, du ministre au rapport du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. J'adresserai ensuite quelques questions à nos invités. Je voudrais les remercier d'être venus nous rencontrer et surtout de la patience angélique dont ils ont fait preuve jusqu'à maintenant aujourd'hui relativement aux retards du comité qui, soit dit en passant, n'ont pas été causés par l'Opposition officielle, qui a apporté la plus grande collaboration possible.
Je voudrais d'abord dire, tout comme le mentionnaient tous les groupes aujourd'hui, que l'Opposition officielle considère que la réponse du ministre au rapport que nous déposions auprès de la Chambre en décembre dernier n'est en rien une réponse. Je crois que vous le mentionniez lors de votre présentation et que d'autres intervenants autour de cette table en ont parlé à plusieurs reprises.
Notre comité a fait un travail sérieux, qui allait au-delà de la partisanerie politique. Le Bloc québécois avait inscrit au rapport une remarque relative aux normes nationales. Toutefois, nous avions dans l'ensemble tenu à présenter un rapport unanime et, je le répète, au-dessus de la partisanerie politique. Nous considérons que le dossier de la condition des personnes handicapées doit absolument faire abstraction de toute couleur ou orientation politique.
La réponse du ministre ne constitue pas une réponse. J'espère que notre comité aura l'occasion d'entendre le ministre prochainement et que mes collègues de tous les partis seront unanimes à faire remarquer au ministre que ce n'est pas la réponse que nous attendions au terme de notre rapport.
Nous considérons que le travail a été bâclé et ne constitue pas une réponse. C'est presque une insulte face au travail sérieux accompli par les personnes handicapées qui sont venues comparaître et notre comité qui a rédigé le rapport. C'est une remarque générale que je tenais à faire et que je répéterai lorsque le ministre viendra devant nous. Nous aurons alors l'occasion de lui poser des questions précises.
Quant au point que vous avez soulevé, à juste titre, à maintes reprises, j'aimerais apporter une précision relativement aux normes nationales. Je veux expliquer très brièvement la position du Bloc; je ne parlerai pas au nom du Parti réformiste qui avait également fait une remarque en ce sens.
Ces normes nationales n'ont rien à voir avec l'option de la souveraineté du Québec que défend le Bloc québécois. Nous nous sommes penchés sur la Constitution actuelle et voudrions que le gouvernement fédéral sorte des champs de compétence qui sont reconnus aux provinces. C'est clair: nous voulons que la compétence provinciale soit respectée.
Il est important de noter, même si cela ne fait pas partie du document puisque ce n'était pas l'objet de nos discussions, que le gouvernement fédéral, qui a le pouvoir de dépenser depuis de nombreuses années et qui a pour ainsi dire envahi ce champ de compétence - on parle des services sociaux, de la sécurité du revenu, de la formation de la main-d'oeuvre, etc. - , devrait, s'il se retire et cède cette responsabilité aux provinces, leur remettre les impôts versés par nos concitoyens. Il faudra que l'argent suive et que le gouvernement fédéral et les provinces s'entendent sur des transferts d'impôts, d'argent sonnant ou toute autre forme de transfert.
Le ministre disait aujourd'hui que des transferts pour la formation de la main-d'oeuvre seraient effectués pendant un certain nombre d'années et cesseraient éventuellement.
C'est un problème dont vous et Lucie de la COPHAN faisiez état ce matin. Il est évident que nous aurions de sérieux problèmes dans toutes les provinces si l'argent ne suivait pas. Si nous désirons maintenir des services équivalents aux services actuels, qui ne sont pas extraordinaires, les contribuables devront continuer de payer le même montant au niveau fédéral et les provinces devront imposer des impôts supplémentaires à leurs contribuables en vue de fournir des services équivalents à ceux que nous connaissons aujourd'hui.
C'est un problème sérieux que nous devrons clarifier une fois pour toutes.
Quant aux normes, le Bloc québécois reconnaît - et je le mentionnais lors de nos discussions sur notre document - que le gouvernement fédéral a l'obligation de coordonner l'ensemble des politiques. Certaines politiques relèvent de sa compétence et ceci ne pose aucun problème. Nous reconnaissons que le gouvernement a la possibilité de coordonner dans un domaine de compétence provinciale. Cette coordination ne doit pas se traduire par l'imposition de normes, mais par des discussions et des négociations avec l'ensemble des provinces pour atteindre l'objectif que nous poursuivons tous, soit des services qui soient sensiblement les mêmes partout.
Lorsque nous parlons de champs de compétence provinciale, nous ne nous opposons pas à des normes nationales, mais - et c'est la nuance que nous voulons faire - nous insistons pour négocier ces normes et pour qu'elles ne ne nous soient pas imposées par le gouvernement fédéral.
Je reviens aux propos que tenait le ministre en Chambre en réponse à une question que je lui posais relativement à votre financement à titre d'association.
Je prêterai des intentions au ministre, mais je suis convaincu qu'il sera en mesure de les clarifier quand il viendra devant le comité.
On constate que le ministre considère actuellement le dossier des personnes handicapées comme un dossier exclusivement de compétence provinciale. Ainsi, lorsque j'ai posé ma question sur le financement des associations, il m'a répondu être surpris qu'un député du Bloc québécois lui dise d'intervenir dans un domaine de compétence provinciale.
Certaines responsabilités relèvent clairement du gouvernement fédéral: il en est présentement ainsi pour la formation de la main-d'oeuvre, où c'est encore le fédéral qui intervient bien que des propositions soient à l'étude en vue de la transférer aux provinces. M. Smith disait plus tôt que tous les programmes d'adaptation au marché du travail, de formation et de transport relevaient clairement du fédéral. Une grande partie de la sécurité du revenu, du moins si nous parlons de l'assurance-chômage, relève clairement du fédéral.
Il existe une série de champs qui sont ainsi. Le ministre et le gouvernement ne pourront pas du jour au lendemain dire ne plus vouloir s'occuper du dossier des personnes handicapées et le céder aux provinces.
J'aimerais avoir votre commentaire à ce sujet et votre réponse relativement au financement de vos associations.
Je souhaite que notre comité prenne éventuellement position relativement au financement des associations. Où le gouvernement fédéral ira-t-il chercher de l'information et avec qui échangera-t-il si des associations comme la vôtre n'existent plus parce que vous n'avez plus de financement, parce que le gouvernement fédéral a pris le risque de compromettre votre survie?
Puisque le ministre m'a répondu que ce sont les provinces qui devraient s'occuper de ce dossier, j'aimerais que vous me disiez quelle province s'occupera du CCD ou de l'Association pour... Les associations seront-elles réparties entre Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard et le Québec? J'essaie de m'imaginer comment cela pourrait fonctionner. Ça n'a aucun sens.
Il est clair pour tous que le gouvernement fédéral a des responsabilités et qu'il devra maintenir ses services aux personnes handicapées et son soutien aux organismes.
J'aimerais entendre vos commentaires. Mes collègues et moi appuyons le principe de votre démarche, qui n'est pas nécessairement celle de l'opposition, mais nous devons convaincre le ministre que le gouvernement fédéral doit continuer d'assumer des responsabilités relativement au dossier des personnes handicapées et qu'il faut vraiment agir dans ce domaine.
Une de nos principales recommandations portait précisément sur la coordination. Nous souhaitions qu'un secrétaire soit désigné; cette recommandation a été mise de côté, mais je suis convaincu que le comité posera cette question au ministre puisque c'était une de nos principales recommandations.
[Traduction]
La présidente: Quelqu'un a-t-il une question précise à poser avant que Frank ne parte?
Merci beaucoup de votre présence, Frank.
Traci.
Mme Walters: Laurie pourra ajouter quelque chose après moi.
En ce qui concerne notre rôle dans le financement de nos associations, nos budgets ont été considérablement réduits récemment.
La présidente: Pourriez-vous avoir l'obligeance de nous dire ce que vous entendez exactement par «considérablement réduits»?
Mme Walters: Nous avons trois ans pour devenir entièrement autonomes. Notre budget est réduit de 10 p. 100, puis de 30 p. 100, de 50 p. 100, et ensuite, c'est terminé.
Tout le monde effectue des compressions de personnel. Nous ne sommes plus que trois, deux autres personnes et moi-même, et nous passons la plupart de notre temps à répondre au gouvernement et à participer à ce genre de discussions. À l'heure actuelle, je n'ai le temps de rien faire, si ce n'est répondre à ces demandes.
Je ne comprends pas où ils espèrent trouver des gens qui viendront consulter le gouvernement fédéral ou un autre palier de gouvernement. Quel est l'avenir de ces associations d'après eux?
M. Young a déclaré à la Chambre des communes qu'il appuie les personnes handicapées. Leurs intérêts lui tiennent à coeur, mais il ne se préoccupe guère de leurs associations. Il est facile de se préoccuper des gens lorsque l'on n'est pas obligé d'écouter leurs doléances. Qui sera là pour les représenter à l'avenir?
À l'heure actuelle, il y a des discussions et des consultations en cours sur le RPC. J'ai assisté à une de ces discussions il y a une semaine et demie. J'ai été écoeurée par ce que j'ai entendu. Les personnes handicapées n'étaient pas représentées. Il n'y avait que des porte-parole d'un ou deux groupes. J'ai été informée de cette réunion le jour même. À l'heure actuelle, nous avons...
La présidente: Est-ce que vous parlez du groupe de David Walker?
Mme Walters: C'est exact. Il doit se rendre à Waterloo d'ici deux ou trois jours, mais aucune des associations de personnes handicapées n'a été informée. Les discussions portent sur les pensions d'invalidité aux termes du RPC, mais c'est tout juste si nous participons à ce processus de consultation, surtout si personne n'est là pour nous représenter et que nos associations sont vouées à disparaître.
C'est pourquoi j'ai beaucoup de mal à comprendre comment les responsables du gouvernement peuvent prétendre se préoccuper des personnes handicapées et nous dire que nous faisons un excellent travail et que toutes ces discussions sont essentielles à la création de la société que nous voulons, tout en nous coupant l'herbe sous le pied d'autre part. Je ne comprends pas.
M. Beachell: Je comprends votre problème au sujet de la coordination. C'est ce que nous recherchons. Il faut qu'il existe des partenariats entre le gouvernement fédéral et les provinces et que la collectivité participe à l'établissement de ces partenariats. Il faut bien avouer qu'il est difficile d'établir des partenariats lorsqu'on annonce de but en blanc la mise en place du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux sans discuter au préalable des principes ou des lignes directrices relatifs à cette initiative. Le TCSPS est entré en vigueur le 1er avril, et pourtant, jusqu'ici, il n'y a eu aucune discussion avec les provinces.
Lorsque nous nous adressons aux responsables provinciaux en leur demandant ce qu'il advient de la politique sociale dans ce domaine et de leurs pourparlers avec le gouvernement fédéral, ils nous répondent qu'ils n'en savent rien. Ils ne savent pas ce qui se passe. Personne ne leur parle.
Nous venons d'écrire encore une fois à tous les premiers ministres: le premier ministre du Canada et ses homologues provinciaux. Les prochaines discussions sur la politique sociale se dérouleront à huis clos lors de la conférence des premiers ministres, où la population n'est pas consultée et n'a pas la moindre idée de ce qui se passe. Cette question n'est plus débattue au Parlement. Elle fait l'objet de discussions dans les coulisses dans le cadre de négociations fédérales-provinciales dont le public est exclu.
Qu'allons-nous faire? Nous allons disparaître. Nous avons demandé à participer aux consultations. Nous savons que ce ne sera pas possible. Si Ovide Mercredi n'est pas invité, je suppose que nous ne le serons pas non plus. Il nous faudra rester à l'extérieur pour essayer de faire passer notre message. Il est écoeurant de voir comment les choses vont se passer.
Vous remarquerez qu'à la fin de notre mémoire j'ai joint en annexe la lettre adressée au premier ministre. Nous avons demandé à le rencontrer pour discuter des coupures dont nous avons fait l'objet. Son cabinet nous a répondu que son emploi du temps était extrêmement chargé, ce que nous comprenons. Il nous a dit de nous adresser à Doug Young. Le cabinet de ce dernier nous a répondu que le ministre avait également un calendrier très chargé et nous a conseillé de rencontrer Cathy Chapman. Cette dernière est la directrice du secrétariat, lequel, en toute franchise, étouffe sous la paperasserie.
Nous avons fait quatre demandes distinctes pour rencontrer Doug Young depuis sa nomination, mais chaque fois notre requête a été vaine.
Quant aux consultations, il n'y en a pas eu. Quant à la création de partenariats pour élaborer ensemble une vision, s'il n'y a pas de dialogue il ne peut y avoir de vision commune.
L'opération portes ouvertes dont il est question dans la réponse du gouvernement fédéral est en fait une porte ouverte sur une maison sans toit, sans protection. C'est une maison sans murs. C'est une maison où l'on vous invite à entrer, mais où il n'y a pas de sanitaires. Il n'y a peut-être rien d'autre que l'entrée. C'est une porte ouverte sur du vide. Si c'est là la vision de l'opération portes ouvertes, ce n'est pas celle que nous partageons.
La présidente: Par curiosité, j'ai jeté un coup d'oeil sur votre lettre. Avez-vous rappelé àM. Chrétien à quel point cette question lui tenait à coeur lorsqu'il était responsable de la Charte et le fait qu'il y a inclus le handicap? En faites-vous état dans votre lettre?
M. Beachell: Pas dans cette lettre en particulier, mais nous l'avons fait dans des lettres précédentes, et nous pouvons sans nul doute le faire. En 1981, M. Chrétien a pris une mesure très utile en faisant inclure cette notion dans la Charte. Pendant la campagne électorale, il a également fait des déclarations très précises au sujet des personnes handicapées et de son expérience personnelle à l'égard des handicaps, et ce qu'il connaît du dossier. Le premier ministre est en page couverture de l'édition de 1993 de la revue Abilities, que bon nombre d'entre vous ont vue, et il y parle de son engagement envers la cause des personnes handicapées.
Nous témoignons devant le comité pour rappeler à tous les partis et tous les députés que les Canadiens avec déficiences sont des citoyens à part entière qui méritent l'égalité des chances. Nous espérons qu'il y aura une suite.
La présidente: Andy.
M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci, madame la présidente.
Je pense qu'il est inutile de dire à tous ceux qui nous ont fait des exposés que ces derniers sont très importants. J'attire encore une fois l'attention sur notre document et ce qui s'y trouve.
La présidente: Nous sommes tous du même avis.
M. Scott: C'est d'autant plus important, à mon avis.
J'aimerais aborder un ou deux points, car si nous convenons que même ce document... Ce n'est pas comme s'il nous avait fallu faire un gros effort moral pour trouver l'inspiration avant de rédiger ce document, si vous voyez ce que je veux dire. Si nous voulons nous orienter dans cette voie, si c'est ce que nous souhaitons, il importe pour nous d'y trouver les valeurs qui nous tiennent à coeur et de faire en sorte que notre position à cet égard soit bien claire. J'aimerais faire quelques remarques avant que certains ne soient obligés de nous quitter.
La recommandation relative au secrétaire d'État qui se trouvait dans notre rapport... est-ce que je me trompe en partant du principe que ce qui importe en l'occurrence, c'est qu'il existe un centre de responsabilité précis pour représenter les personnes handicapées? Est-ce bien l'objectif poursuivi? Qu'il s'agisse d'un secrétaire d'État ou d'une autre instance, le problème, c'est qu'il faut un centre de responsabilité clairement défini, et non perdu au beau milieu d'autres services. Est-ce bien là le problème?
M. Beachell: C'est bien là la question; et elle s'applique à un certain nombre de ministères; elle ne relève pas simplement du mandat de DRHC.
M. Scott: Ce qui se passe entre autres choses, par exemple, c'est que bien des gens font la distinction entre la compétence provinciale et fédérale. Je peux comprendre lorsqu'il s'agit de travail, de main-d'oeuvre et de formation, etc., mais c'est différent. Je ne sais où cette idée profonde que les handicaps, si je peux utiliser ce terme... Ne nous préoccupons pas trop de la terminologie que j'utilise. C'est la bonne volonté qui compte. Nous nous sommes mis dans l'idée que cette question relève de la compétence des provinces. Je ne sais pas d'où vient cette idée. Elle se fonde sur l'ancien modèle du bien-être social, ou peut-être de la santé, je n'en sais rien. Je ne sais pas où se trouve la justification que ce dossier relève de la compétence des provinces.
Quant à la formation, je comprends. Pour ce qui est de l'éducation, je comprends également. Pour les questions de santé, c'est la même chose. Toutefois, lorsque nous, Canadiens, reconnaissons que les personnes handicapées ont des besoins spéciaux, pourquoi partons-nous du principe que cela relève des provinces? Je ne comprends pas. Je voulais simplement le déclarer officiellement. Je ne comprends pas. Il y a peut-être une réponse, et j'aimerais la connaître. M. Bernier pourra peut-être me le dire.
Le fait est que, pour ma part, cela m'échappe. Nous ne devrions pas nous laisser prendre dans la rhétorique politique qui entoure les événements actuels. On parle à mon avis de délégation de toutes sortes de responsabilités. Certains programmes relatifs à la formation seront délégués aux provinces, et nous pensons donc que la responsabilité à l'égard de ce groupe est déléguée également. Je ne pense pas que ce soit le cas. Ce qui se passe, c'est que les responsabilités en matière de travail et de formation de la main-d'oeuvre sont déléguées. À mon avis, cela crée une nouvelle responsabilité pour le gouvernement fédéral, lequel doit s'assurer que les intérêts de ce groupe précis, à l'intérieur de ce secteur de compétence provinciale, si nous admettons que c'est bien le cas, sont dûment protégés, comme vous l'avez dit plus tôt.
Il faut que les énoncés de principes soient très clairs, car il faut bien avouer que l'on se laisse souvent emporter par le discours politique au niveau interprovincial ou fédéral-provincial et que personne ne pense vraiment à la teneur de ses propos. Je ne veux pas dire que ce soit fait de propos délibérés, mais je veux dire simplement que les événements évoluent très rapidement. Il n'y a de malveillance de la part de personne, à mon avis. Je crois que parfois les choses évoluent très rapidement et que les gens n'ont pas le temps d'y réfléchir autant qu'ils le devraient.
Cela dit, que quelqu'un me dise d'où vient cette idée que la protection des personnes handicapées est du ressort des provinces. Je sais que la santé, les services sociaux, l'éducation et depuis peu le travail, etc., sont des secteurs de compétence provinciale. Je ne vois pas où il est dit qu'il en va de même pour les personnes avec déficiences. Il se trouve que certains des domaines mentionnés ci-dessus concernent également des personnes qui font partie de ce groupe, et c'est pourquoi il nous faut faire en sorte de contrôler la situation. Si nous nous lançons dans une sorte de mission pendant les mois à venir, il importe que nous nous comprenions mutuellement.
M. Beachell: Je crois comprendre où vous voulez en venir. Je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure. Si certains - et nous les premiers à l'occasion - semblent croire que les personnes handicapées relèvent de la compétence des provinces, c'est parce que la majorité de nos membres ont été pris au piège dans ce réseau de l'aide sociale. Si nous n'avions pas été aussi défavorisés et coincés dans ce modèle, nous ne serions peut-être pas aussi paranoïaques face à la question de la délégation de pouvoirs.
Par exemple, on constate que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux prévoit un financement global pour l'éducation, la santé, les services sociaux et l'aide sociale. On constate que le gouvernement fédéral offre uniquement une protection relativement à la prestation des services de santé par le biais de la Loi canadienne sur la santé. Il n'existe aucune disposition, aucune protection, aucune norme, aucune garantie, rien d'autre qu'une interdiction visant les non-résidents en ce qui a trait à toutes les mesures liées à l'aide sociale, aux services sociaux ou à l'éducation. On voit tout cela et on commence à se demander si le gouvernement fédéral se sent le moindrement responsable du maintien des principes d'équité de tous les Canadiens visés par ces programmes.
Le gouvernement a protégé les principes d'équité dans le cadre du modèle de la santé: la transférabilité, l'universalité et tous les services gérés par le secteur public sans frais d'utilisation, etc. Il l'a peut-être fait pour des raisons de visibilité politique. Cela lui retombe maintenant sur le nez. Les provinces prétendent qu'elles réduisent les services sociaux parce que le gouvernement fédéral leur a coupé les vivres, et le gouvernement actuel a donc la visibilité politique qu'il recherchait, mais peut-être pas pour les bonnes raisons.
À mon avis, nous avons protégé un élément, mais au détriment de l'autre. Pour notre groupe, si tout n'était pas mis dans le même panier, si le transfert ne s'appliquait qu'aux services de santé et était assujetti aux normes en matière de santé aux termes de la Loi canadienne sur la santé, nous ne serions pas aussi inquiets. Lorsqu'on réduit les budgets et qu'on passe au système du financement global et que l'on met la santé en concurrence avec l'aide sociale, les services sociaux et l'éducation, nous savons qui va y perdre. Nous savons que les seuls éléments essentiels à notre collectivité sont l'aide sociale, les services sociaux et l'éducation, lesquels finiront par déboucher sur les emplois recherchés.
Vous avez donc fait deux choses: vous avez adopté le principe du financement global et réduit le financement en même temps, créant ainsi une concurrence en protégeant un secteur sans protéger l'autre, si ce n'est en promettant des discussions futures sur les questions de principe et les lignes directrices, discussions qui n'ont jamais eu lieu. Nous ne pensons même pas que des lettres ont été envoyées à cette fin aux premiers ministres ou aux ministres des Services sociaux des provinces. Comment pourrions-nous ne pas nous sentir menacés?
M. Scott: Je suppose que vous n'avez pas compris ce que j'ai dit, à savoir que votre inquiétude est injustifiée selon moi.
La présidente: Quelqu'un d'autre autour de la table voudra peut-être répondre. Nous pourrions peut-être procéder en trois étapes. Vous avez dit que vous vouliez obtenir des explications sur trois ou quatre points, n'est-ce pas?
M. Scott: C'était le premier. J'ai essayé de déterminer les responsabilités, mais ne n'en dirai pas plus pour le moment. Il nous reste du temps.
La présidente: Quelqu'un d'autre peut-il répondre à cette question précise?
Mme Walters: Ce que dit Laurie, en un mot, c'est qu'il faut un secteur de responsabilité précis pour protéger les droits de tous les Canadiens et de participer à tous les aspects de la société. En l'absence de cette protection fondamentale qui nous garantisse une participation de base, il y a un problème.
Je vois ce qui se passe au niveau local, d'après mon expérience personnelle d'utilisatrice des services de santé et de soins à domicile, des services des Infirmières de l'Ordre de Victoria, etc. C'est déplorable ce qui se passe au niveau local. Il n'existe absolument aucune protection. Je m'écarte un peu du sujet de notre discussion, mais aujourd'hui encore, lorsque je suis allée avec l'équipe de Radio-Canada visiter l'association locale d'entraide, les journalistes ont demandé aux personnes quelles incidences cela allait avoir sur leur vie, et ce qui allait se passer. Ils s'attendaient à ce que ces personnes aient assimilé toute l'information, alors que la plupart des gens, même ceux qui n'ont aucun problème à lire et à écrire, n'ont pas réussi à comprendre toutes les répercussions.
Nos associations, qui devraient aider les gens à comprendre ce qui se passe dans le pays, sont tellement occupées à venir défendre leur point de vue devant des représentants du gouvernement qu'il leur est impossible de communiquer ces renseignements aux consommateurs au niveau local pour leur permettre de se tenir informés. Si ces derniers comprenaient la situation actuelle et avaient en main cette information, ils seraient scandalisés, morts de peur, à l'idée que notre avenir dépend des caprices d'une personne qui, au niveau local, décidera de ce à quoi ont droit les personnes handicapées. Il pourrait s'agir d'une personne comme Robert Latimer, qui prendrait des décisions quant aux droits des personnes avec déficiences.
La présidente: Poursuivez, Andy.
M. Scott: Je voulais simplement savoir si quelqu'un... Non?
La présidente: Linda? David? Vous n'êtes pas obligés de répondre. Nous avons modifié notre façon de procéder, mais nous pouvons également contourner nos règlements; en conséquence, si vous jugez bon de répondre à cette question fondamentale posée par Andy - et qui a rapport à ce qu'a dit M. Bernier - n'hésitez pas à le faire même si vous n'avez pas fait d'exposé en bonne et due forme. C'est tout ce que je voulais dire.
Y a-t-il une intervention? Allez-y, Steve.
M. Steve Mantis (secrétaire, Réseau des groupes de travailleurs blessés de l'Ontario): Comme vous, monsieur Scott, je suis un peu désarçonné par cette question de la compétence en matière de handicaps. Qu'entend-on au juste par handicaps? De quoi parlons-nous? Nous ne parlons pas de handicaps, nous parlons de gens. Va-t-on prétendre maintenant que les personnes handicapées ne sont plus canadiennes? Est-ce cela que nous voulons dire?
Si c'est vraiment ce que nous disons, je me sens profondément blessé, car je suis Canadien et fier de l'être. Je l'étais tout au moins, mais ma foi commence à s'effriter, car ce à quoi j'assiste - sans m'y connaître en politique - c'est que tout le monde coupe à qui mieux mieux, et tant pis pour les malheureux que l'on abandonne en cours de route. Si l'on peut pour cela invoquer la compétence - c'est un argument bien commode - servons-nous en.
Ce qui m'indigne profondément, c'est le manque de respect pour des êtres humains. Que sommes-nous au juste? Ne sommes-nous pas un pays fait d'êtres humains? Excusez-moi de me laisser aller, mais c'en est trop.
La présidente: Je crois que Russ voudrait également répondre, Andy.
M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Ce qui me préoccupe dans cette affaire, c'est que nous avions réalisé tant de progrès; qu'il nous suffise d'évoquer le rapport Obstacles, deDavid Smith. Nous avions fait de grands pas en avant, et nous étions parvenus à mobiliser tant de gens de bonne volonté, de ceux qui compatissent vraiment, qui n'exigent pas de récompense. Et que voyons-nous maintenant? Quelqu'un tire un fil, et tout le vêtement s'effiloche. Que sommes-nous en train de faire? Nous essayons de lésiner sur le moindre sou, et nous perdons des centaines de milliers, voire des millions, de dollars d'aide pour les handicapés. Cette action m'épouvante, mais ce qui me fait encore plus peur, c'est l'inconscience avec laquelle nous la commettons.
La présidente: Vous avez mis le doigt dessus.
M. MacLellan: Nous devrions nous reprendre avant qu'il ne soit trop tard, faire tout ce qui est en notre pouvoir pour montrer l'étendue de notre perte et l'immense tragédie que cela représentera pour notre pays.
Il me fallait décharger mon coeur, mais je ne veux pas prendre trop de votre temps; je sais que nous avons d'autres témoins à entendre.
La présidente: Effectivement. Excusez-moi, mais je ne vois pas vos noms.
M. Jim Sanders (directeur national associé, Service des relations gouvernementales et internationales, Institut national canadien pour les aveugles): Je suis Jim Sanders, de l'Institut national canadien pour les aveugles.
Nombreux sont ceux, ici présents, qui sont le produit du système dont nous parlons. Si nous sommes ici, c'est dans une grande mesure à cause des initiatives que nous avons prises, mais dès le début nous l'avons fait dans un environnement qui nous était secourable. Je suis né aveugle, c'est aveugle que j'ai reçu mon éducation, que j'ai été formé et que je travaille, mais avant tout je suis un être humain. Ce que nous vous apportons aujourd'hui, dans ces discussions, émane de gens qui font partie intégrante d'un système qui fonctionne, de gens qui ont des familles, qui font preuve d'initiative, qui ont pu s'appuyer sur la société et sur les gouvernements, à tous les niveaux.
Pour la première fois dans l'histoire de l'après-guerre - et aucun d'entre nous ne sait si c'est la réalité, ou seulement l'idée que nous nous en faisons - nous assistons au démantèlement d'un système qui, chaque année, progressait, même si certains d'entre nous en déploraient parfois la lenteur. Ceux qui le démantèlent ne sont pas clairement conscients des conséquences de leurs actes. Nous tous, en tant que contribuables et citoyens, comprenons ce qu'est un déficit sans nécessairement en comprendre l'ampleur, mais nous en comprenons la nature. Faut-il pour autant se donner la réduction du déficit comme fin, alors qu'elle ne constitue qu'un moyen pour atteindre une fin? Cette réduction des déficits s'est avérée être ce à quoi visent tous les gouvernements, pas simplement celui-ci, mais la fin ne nous apparaît pas clairement, et nous redoutons l'inconnu. Des milliers d'entre nous qui pourraient se trouver présents aujourd'hui et parler de ces questions ne seront peut-être plus parmi nous dans dix ans. Nous ne le savons pas.
La présidente: Puis-je vous poser une question? C'est une question que je connais mieux maintenant et qui me préoccupe.
Vous êtes visuellement handicapé. Qu'advient-il quand vous cherchez à avoir accès à l'information? En effet, l'information est essentielle. En vous écoutant je me remémorais le nombre de gens que nous avons vus arriver en fauteuil roulant, et toutes les innovations de notre époque, tous ces merveilleux moyens de communication où il suffit d'appuyer sur un bouton pour avoir accès à l'information de Développement des ressources humaines, trouver un emploi, etc. Que font ceux qui sont privés de la vue pour avoir cet accès?
M. Sanders: Je suis bien placé, en ce sens que je dispose des ressources de notre organisation, mais on m'a souvent demandé de me mettre à la place de ceux qui n'y ont pas accès.
Qu'arrive-t-il si vous ne travaillez pas pour l'Institut national canadien pour les aveugles, qui met ces moyens à votre disposition? J'ai parlé à des gens qui avaient travaillé pour notre organisation et l'ont quittée, et la situation est lamentable. C'est un bon exemple, madame la présidente, de solution passe-partout pour répondre aux problèmes des handicapés visuels sans tenir compte des besoins individuels. Une solution passe-partout se traduit par une tentative pour avoir un système à guichet unique. La cécité étant un handicap de faible incidence par rapport à de nombreux autres, elle engendre souvent des coûts, comme la production de documents en braille, coûts qui effraient les gens...
La présidente: Lisez-vous le braille?
M. Sanders: Oui. Quand vous avez un enfant aveugle à l'école...
La présidente: Excusez-moi, je ne veux pas vous interrompre, mais qu'arrive-t-il à celui qui ne lit pas le braille? Est-ce que tous les handicapés visuels lisent le braille?
M. Sanders: Non, en particulier les personnes âgées qui dépendent de la voix humaine, ou de cassettes enregistrées, sans compter tous ceux, de plus en plus nombreux, qui utilisent des ordinateurs auto-adaptatifs. Mais comme dans un système comme celui de l'éducation vous avez un budget unique pour tous les handicapés, vous raisonnez en vous disant qu'avec une certaine somme vous pouvez aider une dizaine de personnes, tandis qu'un livre en braille pourrait, selon sa complexité, revenir à 40 000$, et vous êtes donc placé devant des choix difficiles. La conséquence, c'est que vous pesez les besoins d'un handicapé au regard de ceux d'un autre dans un système qui ne reconnaît pas que les besoins individuels diffèrent. C'est alors à qui, parmi les handicapés, l'emportera sur les autres dans la lutte pour la survie, et nous assistons actuellement à cela dans le système d'éducation.
Vous me demandez si je lis le braille. Je l'ai appris comme adulte; j'aurais dû l'apprendre comme enfant. La plupart des enfants, à l'exception de ceux des grands centres qui sont pourvus de leur propre école, n'apprennent pas le braille. Nous avons à présent deux générations d'enfants aveugles et analphabètes, qui ont recours à l'ordinateur plutôt que d'apprendre le braille, et c'est parce que dans le système un budget est prévu pour les handicapés plutôt que pour des individus. Je ne voudrais pas empiéter sur le temps des autres, car c'est là une difficulté en soi, mais chaque groupe de handicapés s'efforce de tirer la couverture à soi, au détriment des autres.
Aujourd'hui vous entendez les témoignages de groupes de consommateurs qui, de par leur nature même, ont le droit de parler au nom de ceux qu'ils représentent. Vous avez comme témoins des organisations comme la nôtre, qui ne peuvent et ne devraient pas parler au nom des aveugles, mais qui ont leur mot à dire parce que c'est nous qui sommes censés participer aux solutions. Nous n'assurons pas toujours nécessairement des services, mais les gouvernements, la société et les aveugles mêmes se tournent vers nous pour trouver des solutions. Nous devons collaborer en tant que groupes de consommateurs et organisations qui assurent des services, ce qui devient de plus en plus difficile quand, pour assurer votre mandat et faire ce que vous considérez comme votre mission, vous ne disposez que de fonds limités.
La présidente: Je vous remercie. Monsieur Bernier.
[Français]
M. Bernier: Je vais revenir sur ce que M. MacLellan disait tantôt et poser une question, parce que je veux que la réponse soit consignée au compte rendu pour qu'on puisse s'y reporter éventuellement.
M. MacLellan disait tantôt que le problème, quand on parle de restrictions budgétaires, c'est qu'à un moment donné, comme parlementaires de l'Opposition ou du parti au pouvoir, on risque de ne pas voir des événements qui surviennent. Des décisions se prennent et on ne se rend compte de leurs conséquences qu'une fois qu'elles ont été prises.
Je veux donner le meilleur exemple, à mon avis, celui des subventions accordées aux organismes. Je veux que ce soit consigné au compte rendu en vue de nos discussions futures avec le ministre.
Lorsque j'ai rencontré les représentants des organismes concernant les coupures, ils m'ont signifié que, l'an passé, au moment où M. Axworthy était responsable du ministère de Développement des ressources humaines, on avait déjà procédé à une coupure de 15 p. 100, mais qu'on avait compris que c'était l'effort ultime exigé des associations et qu'il n'y aurait pas d'autres coupures à l'avenir.
M. Young arrive au ministère en mars et, sans que cela ait été annoncé publiquement - il n'y a pas eu de communiqué du ministère - , décide de couper complètement les subventions aux associations, immédiatement pour certaines, au cours de l'année à venir pour d'autres, et sur trois ans pour certaines autres. Ces associations m'ont dit qu'elles ne mourront pas dans trois ans, mais lorsqu'elles n'auront plus que 50 p. 100 de leur budget. À ce moment-là, elles ne pourront plus fonctionner.
Voilà mon exemple. Je voudrais que les représentants des associations confirment au comité ce que je dis ou disent le contraire, si j'ai mal compris, parce que je ne veux pas que ce soit une question partisane.
Je ne dis pas que M. Young l'a fait de façon malicieuse, mais à un moment donné, on voit un budget, mais sans prendre conscience de ses conséquences.
J'aimerais que vous me disiez si je me trompe.
[Traduction]
La présidente: Je crois que Traci Walters a répondu à cette question.
[Français]
Je crois que Mme Walters a répondu à votre question dans un certain sens. Elle a dit que le jour où les associations seraient coupées de 50 p. 100, elles disparaîtraient dans la brume.
M. Bernier: Ce que je veux faire ressortir, madame la présidente, c'est que l'an passé, ce n'était pas prévu. C'est arrivé...
La présidente: Comme un cheveu sur la soupe.
M. Bernier: Oui, exactement.
[Traduction]
La présidente: Quelqu'un veut-il répondre à cela?
Mme Walters: À l'heure actuelle nous ne pouvons pas même faire notre travail, parce qu'on a taillé dans le vif. Nous n'avons jamais reçu suffisamment de fonds, sans compter ces coupures budgétaires, qui étaient de 15 p. 100 l'an dernier, et l'obligation où nous sommes maintenant d'être autosuffisants. J'ai à peine les moyens de communiquer avec nos propres membres. Quand vous êtes une organisation nationale... Nous essayons de communiquer avec nos membres francophones, mais à l'heure actuelle nous n'avons plus assez d'argent pour la traduction, nous ne pouvons rester en contact les uns avec les autres dans ce pays. C'est cela qui est si effrayant.
Nos fonds étaient insuffisants, mais l'an prochain nous serons paralysés. D'ici à trois ans la plupart d'entre nous ne serons même plus là.
La présidente: Laurie.
M. Beachell: Je voudrais vous parler des effets fortuits, qui sont très nets. Ce n'est pas que le gouvernement ait l'intention malveillante de nuire aux personnes handicapées, mais si l'on ne tient pas compte des recommandations de votre rapport et si l'on n'agit pas en conséquence, nous sommes persuadés que les effets fortuits continueront à s'accumuler.
Rien ne sera acquis jusqu'à ce que nous ayons un ministre ou un secrétaire d'État responsable - tout en haut de la hiérarchie - des politiques nous concernant et capable d'examiner et d'atténuer les effets de ces décisions politiques sur les personnes handicapées. C'est au sein du gouvernement qu'il faut mettre sur pied l'organisme capable de dire, par exemple, que si l'on accorde un financement global pour l'assistance sociale à tel ou tel secteur de la population, le résultat anticipé est le suivant, et qu'il est peut-être nécessaire de prendre une autre décision, afin de protéger ce groupe, ou un autre.
C'est un mécanisme politique au rang le plus élevé du gouvernement qui peut permettre cela. Certes, un comité parlementaire comme le vôtre est également très important, mais c'est au sein du gouvernement qu'il doit y avoir un mécanisme à cet effet.
Certes, aucune voix ne s'élève pour dire: débarrassons-nous des handicapés, ce sont des importuns, mais c'est exactement ce qui résulte de ces coupures budgétaires qui visent certains groupes d'intérêts.
La présidente: Steve, vous avez la parole.
M. Mantis: Je voudrais pouvoir faire preuve d'autant de confiance que Laurie, mais d'après moi les gens soit sont inconscients des décisions qu'ils prennent, soit ont une arrière-pensée en les prenant. Si les handicapés ont vu leurs conditions s'améliorer, c'est parce qu'ils ont osé protester et s'élever contre la façon dont le système fonctionnait, ils ont osé dire qu'ils ne voulaient pas continuer d'être traités comme des citoyens de troisième ordre, qu'ils voulaient que les choses changent. Or, ces changements ne se sont pas produits parce que le gouvernement et le monde des affaires ont trouvé que c'était une bonne idée, mais parce que les handicapés eux-mêmes ont pris leur propre défense en demandant que les choses changent, parce qu'elles ne donnaient pas satisfaction.
La présidente: Vous avez raison, Steve.
M. Mantis: Ce sont les handicapés qui ont amené ces changements.
Si on décide maintenant de retirer à ces organisations le soutien qui leur avait été accordé, qu'est-ce que cela veut dire? Pour moi le message est clair: votre sort ne nous importe plus. Telle n'est pas l'intention peut-être, mais il est difficile d'interpréter autrement cette décision.
La présidente: David Pollock, c'est la première fois que nous vous entendons.
M. David Pollock (directeur administratif, Conseil canadien de la réadaptation et du travail): Je vous remercie. Je représente le Conseil canadien de la réadaptation et du travail.
Je voulais simplement établir un lien entre ce que disait tout à l'heure M. Scott et le dernier commentaire de Laurie. Ce qui est à redouter - et je partage vos craintes - c'est que les droits du citoyen canadien sont si vagues et si abstraits, et une part si importante des besoins concrets passe par ce qu'on appelle les responsabilités des provinces, que même si l'on accepte votre définition et s'efforce de l'appliquer, de s'en servir comme guide et comme objectif, on ne parviendra pas à empêcher cet idéal d'être laminé par le budget et par les programmes concrets.
Où je vois le lien avec l'observation que faisait Laurie? C'est qu'il me semble voir là une petite chance. Si le ministre peut être convaincu de mettre en place, à un échelon élevé, un mécanisme politique comme celui que préconise Laurie, je m'empresserais d'insister pour que soit constitué un organisme permanent à un échelon élevé du gouvernement fédéral et au niveau interprovincial, et je demanderais aux organisations de consommateurs d'évaluer certains de ces effets fortuits, afin qu'on cesse de nous retirer désormais ces appuis, comme on est en train de le faire.
Nous avons vu que certains des programmes sont prolongés jusqu'à l'an prochain, et qu'à l'heure actuelle on nous a donné trois ans de délai de grâce avant que ne disparaisse complètement l'aide financière aux organisations.
Nous avons donc ce délai de grâce, mais il ne faudrait pas, à mon avis, songer à mettre en vigueur ces politiques avant d'avoir négocié au plan fédéral, provincial, et avec les organisations de consommateurs, pour que nous puissions quitter la table de négociation avec une entente et dire: «Compte tenu des contraintes budgétaires actuelles qui s'appliquent à tout le pays, et du fait que le sort d'êtres humains, de Canadiens, est en jeu, voici une stratégie qui nous a paru acceptable et qui représente notre effort maximum pour les cinq ou dix prochaines années».
Ce que nous vous demandons, c'est l'engagement de ne pas retirer ces fonds et réduire ces budgets sans aucune coordination jusqu'à ce que vous ayez atteint cet objectif.
Si j'étais maintenant devant M. Young, c'est cela que je voudrais lui demander en priorité absolue.
M. Scott: Voilà qui est très utile. Je n'entendais pas parler «d'effets fortuits» comme excuse, mais de problème stratégique.
Nous devons avant tout préciser notre rôle et partir de là. Nous allons rester vulnérables tant que la responsabilité sera assez large pour pouvoir être contestée par les provinces, ou par ceux qui voudraient utiliser cet argument pour faire quelque chose d'autre, tant que la responsabilité sera assez large pour pouvoir être contestée sur les bords.
Mais si vous partez du noyau central, si vous prouvez ce qui est essentiel... Je crois que c'est la citoyenneté, au sens le plus large, qui constitue notre obligation, qui entraîne également l'obligation en matière d'éducation, de marché du travail, d'accès aux emplois, de sorte que le gouvernement fédéral pourrait, en fait...
Nul ne conteste le fait que le sida constitue un problème de santé, et qu'il incombe au gouvernement national d'intervenir en raison de la nature unique de ce problème. Il existe toutes sortes de cas où le gouvernement fédéral peut jouer un rôle qui relèverait normalement des provinces, mais pour lequel l'intervention du gouvernement fédéral s'impose.
Nous avons un secrétariat pour l'alphabétisation, qui relève pourtant de l'éducation. Personnellement, je pense qu'il s'agit dans notre cas d'un problème de citoyenneté, mais la plupart des gens y voient, je crois, un problème d'éducation.
Je ne voudrais pas vous prendre trop de temps.
La présidente: Voilà des réflexions intéressantes.
M. Scott: Je vous remercie, madame la présidente, de m'aider à tirer au clair ces réflexions que j'ai parfois du mal à exprimer.
Quant à la vision et au mécanisme qu'il faut pour la concrétiser, je pense effectivement que nous avons besoin d'organisations - je ne sais pas de qui cette proposition émanait, peut-être de Russell - pour comprendre ce que disait M. Mantis, quelles sont les conséquences de nos décisions. Nous devons savoir que quelqu'un tient les choses en main, mais nous avons également l'obligation de ne pas les laisser aller à la dérive.
Nous devons concevoir ce mécanisme avec précision, mais pour cela il nous faut votre expérience. Nous devons, dans toute la mesure du possible, établir la distinction entre ce vaste cercle, qui englobe l'éducation, la santé et toutes sortes d'autres questions, et sur lequel nous rencontrons constamment des contestations, et le cercle plus étroit de nos préoccupations, sans que cela nous serve d'excuse pour nous cantonner dans les questions qui sont strictement de notre ressort et fuir nos obligations dans d'autres domaines.
La présidente: Cela correspond-il à votre vision qui a été exposée auparavant, monsieur Pollock, sur la politique? Est-ce bien ce que vous en pensez?
M. Pollock: Je ne suis pas sûr qu'on commence à y répondre. Il m'a semblé en grande partie que vous avez dit à propos de la recommandation que j'ai faite que si nous pouvons créer quelque chose comme cela, vous l'appuieriez entièrement. C'est ce que j'ai compris de ce qu'il a dit. Est-ce ce que vous aviez l'intention de le faire?
M. Scott: [Inaudible - La rédaction] ...J'ai dit oui. Vous devez comprendre que je vis dans un monde où nous avons tendance à...
M. Pollock: Je me suis couché tard, mais j'ai les idées bien claires.
La présidente: Lynda White, vous avez la parole en premier.
Mme Lynda White (présidente sortante, Conseil canadien de la réadaptation et du travail): D'abord, merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître. Je fais partie du CCRT et je me réjouis de comparaître ici à titre de Canadienne.
En m'exprimant personnellement à titre de Canadienne, j'estime que cette réponse du gouvernement fait ressortir un désolant manque d'engagement. Je félicite le comité permanent pour certaines des recommandations mises de l'avant, mais pour ce qui est de l'évaluation et de la reddition de comptes, il n'y a rien à surveiller, étant donné que la réponse gouvernementale ne contient aucune proposition d'actions spécifiques ni aucun calendrier de réalisation.
Je gagne ma vie dans le secteur privé, et si nous remettions une réponse comme celle-là, notre conseil d'administration et nos actionnaires la jugeraient inacceptable. On nous renverrait faire nos devoirs. Je pense que c'est ce que vous donnent à entendre vos actionnaires, les Canadiens, et plus particulièrement les Canadiens handicapés.
Nous aimerions faire quelques observations sur certains points précis de la réponse, après quoi mon collègue, David Pollock, ajoutera quelques observations.
On dit que les attitudes ont changé. Il me semble que cette formulation est largement exagérée. Si je pense au nombre de personnes handicapées qui travaillent au gouvernement et dans le secteur privé, je dirais que les nombres ont peu changé. Des rapports de Développement des ressources humaines et des rapports de la Commission canadienne des droits de la personne démontrent que la situation a relativement peu évolué en matière d'emploi. La faible évolution dans le secteur de l'emploi correspond à la faible évolution constatée eu égard à l'objectif de pleine participation à l'économie du Canada des personnes handicapées.
Le manque d'accès à l'information entrave la communication et gène l'intégration. Je pense qu'il faut se doter d'une politique de communication pour s'assurer que les gens ont un accès minimal à l'information portant sur les choses qui ont une incidence sur leur vie quotidienne.
On avait l'habitude de considérer le gouvernement comme un modèle à suivre en ce qui a trait à l'équité en matière d'emploi et au soutien accordé aux groupes cibles. En fait, il y avait des comités consultatifs pour les femmes, pour les membres des minorités visibles ainsi que pour les personnes handicapées. J'ai à une époque présidé le comité des femmes. Ces comités n'existent plus. Au sein du gouvernement, qui demeure le plus grand employeur au Canada, le leadership est maintenant absent de son propre effectif et de son propre système de soutien.
Si l'on pense au transfert des responsabilités auquel on procède dans plusieurs secteurs en ce moment, je dirais qu'il faudrait assurer une protection minimale pour ce qui est du financement de tous les secteurs dont on se désengage. Si 15 p. 100 des Canadiens ont une forme quelconque de handicap, cela signifie-t-il que 15 p. 100 de notre budget devrait de quelque manière tenir compte des questions liées aux handicaps, ou que tout au moins le transfert des responsabilités vise à l'intégration?
Je pense qu'il existe un précédent à cela dans les questions de soins de santé qui se sont posées il y a quelques années, quand les provinces qui se sont dissociées des directives fédérales ont été menacées de perdre leur financement. On pourrait faire la même chose à propos des questions de handicap qui nous intéressent et de transfert des responsabilités aux provinces.
Nous avons parlé un peu aujourd'hui de la formation et de la nécessité de faire en sorte que les gens aient les qualifications voulues pour affronter le marché du travail. Sur le nombre de nouveaux emplois qu'on crée, les deux tiers le sont dans le secteur de la petite entreprise. Dans le secteur où je travaille, on n'est généralement pas régi par le gouvernement fédéral.
Ce secteur, de plus, n'investit pas beaucoup dans la formation. Parfois, en raison de la nature même de l'organisation, ils ont du mal à financer ce genre de dépenses. Par conséquent, il faut que le gouvernement apporte son concours et fasse en sorte que le perfectionnement soit accessible à tous les Canadiens, et plus particulièrement aux Canadiens handicapés, pour qu'ils aient les qualifications voulues pour prendre leur place sur le marché du travail et participer pleinement à l'économie.
En outre, compte tenu du rapport et de la réponse, il est question que le gouvernement travaille avec les provinces, les personnes handicapées, et d'autres intéressés pour que l'on garde le cap sur une vision de portes ouvertes. Je reprendrai ce qu'a dit Laurie au sujet de la vision des portes ouvertes. Il semble que la structure permette une assez bonne ouverture pour l'environnement.
Le secteur privé, de nos jours, est touché par les compressions budgétaires gouvernementales, par le nombre d'ONG qui en souffrent et les tiraillements internes dont on a discuté, et non pas simplement en ce qui concerne les personnes handicapées et cette communauté. Je viens de la Banque Royale du Canada; notre société est la plus généreuse des entreprises du pays. L'année dernière nous avons donné 15 millions de dollars aux communautés où nous vivons et travaillons, et c'est ce que nous devons faire. Nous enregistrons des profits; nos actionnaires veulent que nous fassions encore mieux. Ils ne sont toujours pas satisfaits. Toutefois, c'est la façon responsable d'agir.
Tous les jours nous recevons des appels et nous nous trouvons dans une position où nous ne pouvons pas du tout accepter toutes les demandes de financement que nous présentent des ONG. Je reçois plusieurs lettres par jour à mon bureau où l'on me demande de participer à des rencontres et d'expliquer aux organisations comment elles peuvent finir par assurer leur autosuffisance. On me demande aussi de parler bénévolement des levées de fonds dans le secteur des ONG, étant donné que j'ai pas mal d'expérience dans ce domaine. Le niveau d'inquiétude dans toutes les organisations du secteur des ONG est phénoménal de nos jours. Il est phénoménal. C'est la structure même qui nous permet en tant que Canadiens de participer et d'accomplir certaines des choses que nous essayons de faire.
Je pense que nous ne pouvons pas le minimiser, et dans la mesure où cette réponse l'indique nous allons envisager des partenariats et travailler ensemble; c'est une responsabilité partagée. Le gouvernement demeure le plus gros employeur au Canada. Si l'on tient compte des directives et des objectifs d'équité en matière d'emploi qui sont fixés pour le gouvernement et le secteur régi par le gouvernement fédéral seulement, il doit y avoir un certain leadership pour accomplir certaines des choses qui doivent être réalisées, compte tenu de l'appui des ONG et des partenariats qui doivent voir le jour.
La recommandation du comité permanent portait que tout mémoire au Cabinet devrait inclure obligatoirement un passage où l'on évalue l'impact que toutes les mesures proposées pourraient avoir sur les handicapés. Une fois de plus, il semble qu'on en fasse un cas spécial. On ne procède pas à l'intégration, et pourtant il faut bel et bien le faire. S'il faut créer une entité à un niveau supérieur du gouvernement pour s'assurer qu'on va faire intégrer cela dans tout ce que nous tentons de réaliser dans ce pays, c'est ce qui doit se produire. On en fait encore un cas d'exception, au lieu de l'intégrer à ce que nous faisons tous les jours.
Je pense que dans l'ensemble, tout comme dans le cas de la stratégie nationale, au point où en sont les choses, nous faisons à nouveau face à un manque de stratégie, à un manque de coordination, à un manque de responsabilité et à un manque total d'intégration.
Je pense que nous devons aussi nous tourner vers ceux qui fournissent les réponses et leur demander quel genre de mesures concrètes et d'échéanciers de réalisation ils sont disposés à adopter. Quelles mesures prennent-ils pour s'assurer que le gouvernement et ceux du secteur régi par le gouvernement fédéral atteignent les objectifs d'équité en matière d'emploi, atteignent l'objectif d'intégration que nous visons?
Je rappellerai la nécessité de mesures et d'échéanciers bien définis ainsi que de plans d'intégration et de coordination à l'échelle de tous les ministères. Comme je l'ai dit, s'il faut procéder à une nomination à un niveau supérieur, qu'on le fasse.
Dans tout le document, il est question de divers travaux effectués dans différents ministères, de divers éléments qui seront maintenus dans le cadre de la stratégie. Je n'y trouve aucune reddition de comptes; je n'y trouve aucune coordination ni intégration.
Sans ces éléments, nous n'y parviendrons jamais. Dans le secteur privé, aujourd'hui, tout le monde insiste sur la reddition de comptes et l'évaluation. Il en est question au gouvernement aussi, mais je ne vois rien à ce sujet dans ce document.
David a quelques autres commentaires à faire à l'appui d'un partenariat national et d'éléments nationaux.
M. Pollock: D'une certaine façon, je suppose qu'on vous a probablement répété les mêmes choses toute la journée, mais cela ne vous ennuie peut-être pas, car vous êtes nombreux à partager les sentiments exprimés par les participants.
Depuis 1973, d'une façon ou d'une autre, j'ai examiné et expliqué différents documents de politique publique et les réponses à ceux-ci. Or, ce document est à peine adéquat,ce que d'ailleurs tous autour de la table vous ont dit.
Si vous voulez bien vous reporter un instant au paragraphe 2c), pour vous donner rapidement une idée, une comparaison rapide, le gouvernement y répond que le budget de 1996 prévoit des dispositions de financement à long terme durables, stables et prévisibles pour le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Etc.
Si je passe maintenant à un document tout récent publié par l'Institut Caledon, une source des plus fiables, comme vous le savez, on y trouve ce qui suit:
- En supposant que le TCSPS ne soit que partiellement indexé, c'est-à-dire au niveau du PNB
moins 3 p. 100, rajusté pour tenir compte des changements dans les populations provinciales,
l'Institut Caledon prévoit que les transferts monétaires du gouvernement fédéral disparaîtront
d'ici à l'an 2011 ou 2012. Ces transferts prendraient fin deux ans plus tôt, soit en 2009 ou 2010,
s'il n'y avait pas rajustement du TCSPS en fonction du taux de croissance de la population.
M. Pollock: Consigné au procès-verbal.
La présidente: Au procès-verbal. La base est gelée. Puisque nous avons ici des experts...
Russell, qu'en est-il au juste du TCSPS? Le transfert ne disparaîtra pas, ça je le sais.
M. Scott: Dans le dernier budget, on a fixé le seuil à 11 milliards de dollars en espèces.
M. Pollock: Ce n'est que pour les cinq prochaines années, n'est-ce pas? Je parle de la période suivante.
M. Bernier: C'est pour cinq ans.
La présidente: Au moins nous avons 11 milliards de dollars pour cinq ans. Vous regardez plus loin.
M. Pollock: En effet. J'essaie tout simplement de faire une critique de la réponse à ce document.
La présidente: Très bien. Nous défaisons au fur et à mesure, mais je ne voudrais pas qu'il se glisse des inexactitudes dans nos propos.
M. Pollock: Non, sûrement pas. Je regardais au-delà de la période de cinq ans.
La présidente: Merci.
M. Pollock: Je tentais simplement de souligner que la première phrase de la réponse est une affirmation catégorique sur le caractère durable, mais selon l'Institut Caledon, le programme disparaîtra à long terme.
Ensuite, si vous passez dans la réponse du gouvernement au paragraphe 2d)... et je le signale brièvement en guise d'introduction, mais c'est tout à fait caractéristique de l'accueil que ce rapport a reçu de façon générale:
- Les gouvernements fédéral et provinciaux voudront peut-être examiner expressément les
moyens de traiter équitablement les personnes les plus vulnérables.
En réalité, je voulais parler d'une seule question. Nous sommes un des seuls organismes fixés sur l'objectif, si prioritaire, paraît-il, pour le gouvernement, de la promotion de l'emploi; pourtant, nous allons nous aussi faire l'objet de réductions de diverses subventions, etc. Il y a lieu de s'interroger sur ce que l'on entend par partenariat.
Au sens strict, les provinces et le gouvernement fédéral ne sont pas vraiment nos associés. Ils facilitent notre travail, mais ce sont les sociétés et les gens d'affaires, qui embauchent, qui sont nos principaux associés. Or, ces sociétés établissent des stratégies internationales et nationales, et si nous voulons travailler avec elles au sujet de problèmes d'employabilité, il nous est très difficile de le faire si ce n'est à l'échelle nationale. Si nous voulons être à la fine pointe de projets innovateurs, on ne veut pas devoir le faire d'abord à l'Île-du-Prince-Édouard et ensuite recommencer à Vancouver.
Je suis très inquiet de constater que nous n'avons pas d'infrastructure massive d'un bout à l'autre du pays. Ce n'est pas ce que je préconise, mais afin de pouvoir intervenir de façon significative là où il y a dévolution, il nous faut l'aide du gouvernement fédéral au niveau des mécanismes de coordination pour réunir les intervenants autour de la table. Même si les décisions sur le financement se prennent ailleurs, il nous faut un lieu central si nous voulons la synergie, la clarté et l'efficience.
Le monde des affaires partage ce point de vue. On ne veut pas tenir 20 conversations semblables ici et là au pays.
L'autre aspect, c'est que le partenariat devient irréel et se prête à des manipulations de tous genres, à des intérêts divergents, si votre dépendance set trop unidimensionnelle. Selon moi, pour les organisations non gouvernementales dans les pays en voie de développement, une bonne stratégie de développement économique, c'est de diversifier votre dépendance dans toute la mesure du possible. Il est impossible d'éliminer cette dépendance; donc il faut diversifier. Si vous avez très peu de financement du gouvernement fédéral et si vous cherchez au sein d'un partenariat tout votre financement dans le secteur des entreprises, qui va mener la barque? Est-ce que cela favorise des intérêts communs entre ces entreprises et les organismes bénévoles et le secteur du bénévolat?
Plusieurs raisons expliquent donc pourquoi nous insistons tant sur la nécessité de maintenir des mécanismes qui permettent ce genre d'efficience et de coordination et pourquoi il faut reconnaître que le manque d'appui du gouvernement fédéral affaiblit et entrave réellement le travail bien au-delà de la simple question de la survie économique de l'organisme. En effet, pour l'organisme, les pertes représentent peut-être six fois les contributions.
D'après une évaluation du Centre for Philanthropy, les dons de charité vont pouvoir combler le vide. Mais lorsque nous parlons de partenariat et de transmettre le fardeau à d'autres secteurs de la société, il est tout à fait irréaliste de s'attendre à ce que soit le secteur privé, soit les dons privés comblent ce manque à gagner, même si l'on apporte des modifications au droit fiscal.
Incontestablement, en termes absolus, il y aura une diminution des programmes.
Nous abordons donc encore une fois les aspects du rapport qui ne tiennent pas vraiment compte de toutes les conséquences et qui n'acceptent pas l'idée d'un partenariat digne de ce nom. Nous aimerions que soit maintenu le partenariat avec le gouvernement fédéral afin de nous permettre de nous acquitter du genre de mandat qui à notre avis fait partie de la politique fédérale.
Un dernier sujet, évidemment, c'est celui que nous avons soulevé devant le Comité permanent du développement des ressources humaines au sujet des modifications apportées à la Loi sur l'assurance-chômage. Vous l'avez probablement entendu dire à bien des reprises, mais les personnes handicapées ne seront pas admissibles aux prestations d'emploi si elles n'ont pas fait partie de la population active au cours des dernières années.
Nous voici à une époque où les progrès de la technologie médicale, les progrès de l'informatique et le travail à la maison offrent plus que jamais aux personnes handicapées l'occasion de trouver un emploi. Nous sommes donc à un moment historique où ces personnes ont la possibilité de travailler, grâce à la technologie, au travail à la maison, etc., mais voilà qu'on envisage de supprimer les mesures de soutien pour un grand nombre de personnes handicapées qui n'ont pas travaillé ces derniers temps et qui ne répondent pas aux critères exigés dans ce changement. Il nous faut donc une exemption.
Je n'ai pas la possibilité d'aller sonder toutes les sources de financement gouvernemental, que ce soit le surplus de cinq milliards de dollars ou autres choses, pour déterminer s'il faudrait en garder une partie en réserve ou s'il ne vaudrait pas mieux utiliser ces fonds différemment... Il convient de poser la question fondamentale suivante: n'existe-t-il pas un mécanisme qui permettrait de créer une exemption pour protéger les personnes handicapées de toute forme de discrimination et pour les mettre sur un pied d'égalité avec les autres?
Voilà les principaux arguments dont je voulais vous faire part.
La présidente: Merci beaucoup pour ce remarquable exposé.
Nous allons maintenant écouter l'intervention de Sharon Irwin.
Mme Sharon Irwin (directrice, Special Link): C'est très intimidant de prendre la parole après un intervenant aussi éloquent en cette fin d'après-midi.
La présidente: Je suis d'accord avec vous, mais nous vous écoutons.
Mme Irwin: Merci.
L'organisme que je représente s'appelle Special Link; il est en contact avec les services de garderie qui souhaitent inclure les enfants handicapés dans leurs programmes, et avec de très nombreux parents qui ont décidé d'agir parce qu'ils ont besoin de services de garderie.
Nous sommes un organisme national à but non lucratif installé au Cap-Breton. Nous avons une portée véritablement nationale grâce à un judicieux mélange d'informatique moderne et de contacts traditionnels sous formes de «réunions de cuisine».
Nous avons des liens étroits avec les garderies communautaires et nous partons du principe bien établi voulant que les parents d'enfants nécessitant des soins spéciaux ont à faire face, dans le domaine de l'emploi, à des obstacles supplémentaires auxquels on pourrait remédier en étendant le système des garderies de façon à y intégrer pleinement leurs enfants au côté des autres.
Actuellement, le système des garderies - peut-être vaudrait-il mieux parler de non-système - exclut presque toujours les enfants handicapés.
Je sais qu'une bonne partie des autres organismes présents ici aujourd'hui incluent les très jeunes enfants dans le groupe des personnes qu'ils représentent et qui est caractérisé par un handicap particulier. Notre organisme est une sorte de regroupement qui s'intéresse à tous les très jeunes enfants handicapés et aux problèmes auxquels leurs parents sont confrontés.
Je vais m'écarter légèrement de mon texte pour un instant pour vous dire que nous sommes sans doute coupables d'être venus à cette table, comme aux audiences précédentes et aux audiences sur la réforme de la protection sociale, avec notre propre version de l'économie des personnes handicapées. Ce n'est pas par là que nous avons commencé. Nous avons commencé avec le souci d'assurer à l'enfant un développement sain et à la personne qui s'en occupe, c'est-à-dire essentiellement la mère, les mêmes chances d'accès que toutes les autres mères au marché du travail. Au cours des dernières années, l'attitude générale et l'action du gouvernement ont indiqué que nous ne faisions pas suffisamment de bruit quant à la valeur inhérente des programmes de garderies pour enfants handicapés, et c'est pourquoi nous intervenons maintenant en fonction de l'économie des personnes handicapées.
Il n'est pas bien difficile de mettre l'accent sur la situation économique des personnes handicapées. Lorsque j'ai rencontré M. Scott au cours des audiences du dernier comité itinérant dont il faisait partie et qui a traversé le pays d'ouest en est, de nombreux parents d'enfants handicapés d'âge préscolaire sont venus participer à ces audiences. En fait, ils sont venus et se sont fait entendre dans toutes les villes, de Whitehorse...
La présidente: D'ailleurs, c'était prévu au programme. C'était une excellente tactique de leur part.
Mme Irwin: Nous n'avons pas eu grand-chose à faire. Il a suffi d'un peu de coordination, mais l'élan est venu des gens de la base, qui ont tenu à dire qu'ils voulaient participer pleinement à la vie économique du pays, mais qu'ils ont à faire face à des obstacles insurmontables, que les formules de garderies organisées pour eux sont encore très fragiles, que tout cela constitue une source quotidienne de stress.
La présidente: Vous avez encore cinq minutes, Sharon.
Mme Irwin: Cela devrait suffire.
Lorsque j'ai pris connaissance de la stratégie nationale pour la première fois, j'ai constaté avec surprise qu'il n'y était pas question des très jeunes enfants. J'ai avancé une explication - et je suis certaine que vous pouvez formuler des hypothèses plus convaincantes pour expliquer cet état de choses - c'est sans doute parce que les enfants ne votent pas; les enfants ou ceux qui s'en occupent, c'est-à-dire essentiellement les parents, n'étaient pas à la table de discussion lorsque les objectifs de cette stratégie ont été fixés; ils n'ont pas été identifiés comme groupe d'intervenants lorsqu'on a arrêté le programme; les très jeunes enfants ne sont habituellement pas en mesure de faire des revendications pour eux-mêmes; et finalement, les années-personnes représentées par le groupe d'enfants de moins de six ans ne donnent pas le même total que les années-personnes des personnes handicapées du groupe d'âge de 21 à 80 ans.
En outre, l'importance accordée dans la stratégie nationale à l'emploi et à l'accès physique fait passer le sort des très jeunes enfants au second plan, car ni les occasions d'emploi perdues par les parents, ni les perspectives d'emploi futures de ces très jeunes enfants n'ont été considérées comme facteurs dans le débat sur l'emploi.
Comme je n'ai que cinq minutes, je vais laisser de côté la partie suivante, qui évoque essentiellement les avantages de l'intégration des enfants handicapés dans les programmes de garderies dès le plus jeune âge. Nous savons, d'après les meilleures études, que chaque dollar dépensé dans ce domaine en rapporte sept. Nous savons également que très peu d'études ont été consacrées au prix de chaque obstacle, mais il existe à ce sujet de la documentation dont nous pourrons parler ultérieurement.
Deuxièmement, je pense qu'il s'agit là d'un sujet nouveau pour ce groupe, ou du moins dans ce débat: lorsqu'on parle de très jeunes enfants handicapés, on parle des conséquences de leur handicap pour la participation à la main-d'oeuvre active de la personne qui s'en occupe, et qui est généralement la mère. On entend constamment dire que le manque flagrant de places disponibles en garderies pour ces enfants condamne leurs mères et leurs pères à rester en dehors de la main-d'oeuvre active. C'est pourquoi nous sommes venus participer à cette audience sur la réforme des services sociaux. C'est pourquoi, en octobre dernier, M. Scott a proposé que nous participions à vos audiences.
J'aurais six modestes propositions à formuler. J'ai déjà présenté les trois premières, je n'y reviendrai donc pas, sinon pour dire qu'en ce qui concerne la deuxième proposition, il est question de dispositions connexes qui peuvent être ciblées. J'ajoute maintenant que les besoins des très jeunes enfants handicapés et des personnes qui s'en occupent principalement doivent être intégrés au portrait de la situation des personnes handicapées et à tout bilan social. Ce portrait des personnes handicapées doit tenir compte des conséquences du handicap du jeune enfant pour la famille, en particulier sur l'aptitude des parents de participer à la main-d'oeuvre active ou à des programmes de formation.
La proposition suivante concerne la recherche et les programmes pilotes, qui devraient aller un peu plus loin dans l'ordre social. Il est important d'avoir une meilleure image du taux de participation actuel des enfants handicapés aux programmes de garderies et de le comparer avec la situation d'il y a cinq ans. Il est également important de se renseigner davantage sur la participation ou la non-participation de leurs parents à la main-d'oeuvre active. Il conviendrait de lancer plus d'initiatives pilotes démontrant les effets que pourraient avoir des garderies accessibles sur des parents d'enfants handicapés qui sont au chômage.
Les politiques concernant chacune des cinq prestations d'emploi, les deux mesures de soutien qui sont actuellement en cours de finalisation et des dispositions concernant les mesures de soutien liées à un handicap, devraient tenir compte de la situation des parents de très jeunes enfants handicapés. Ces politiques devraient donner l'occasion de traiter des questions d'emploi de ces parents. Il faut mettre l'accent sur le sort des parents, en particulier en préconisant une aide améliorée à l'intention des services de garde en vertu de l'allocation pour le soin des personnes à charge ou en vertu d'un nouveau mécanisme. Si l'accès aux garderies se voit attribuer le sixième rang des prestations d'emploi, cela permettra de se pencher sur certains des problèmes que pose le chef de dépenses souvent le plus onéreux des soins des enfants handicapés.
Le maintien et l'accroissement du niveau de participation des enfants handicapés au système des services de garde canadien sont dans l'intérêt de la société et devraient être considérés comme une priorité sociale. Cette participation au système profite aux enfants handicapés, à leurs parents et à l'ensemble de la société.
Le maintien et l'accroissement du niveau de participation des enfants handicapés au système des services de garde canadien revêtent aussi des avantages économiques, une raison de plus d'en faire une priorité dans la société. Lorsque ceux qui ont la responsabilité première de s'occuper de jeunes enfants handicapés peuvent faire partie de la population active, ce sont les enfants handicapés, leurs parents, leurs pairs et l'ensemble de la société qui en profitent.
Les progrès réalisés dans ce domaine au cours de la dernière décennie sont compromis à mesure que les fonds qui, dans le cadre du RAPC, étaient réservés pour aider les parents d'enfants handicapés dans le besoin à assumer le coût des services de garde sont redirigés vers le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Si la survie d'autres programmes sociaux est également compromise en raison du recours au mécanisme du financement global, on ne discute même pas du cas des programmes de garderies. Le rythme auquel disparaissent ces programmes dans ce pays est terrifiant.
La présidente: Sharon, je crois que vous présentez votre point de vue de façon très éloquente.
Avant que nous n'allions à Beijing, la déclaration de Beijing ne faisait nullement mention des droits des filles bien qu'on eut mis trois ans à préparer le document d'information. Il a fallu que le Canada intervienne pour qu'il soit question dans les documents de Beijing, des droits des enfants. Je ne suis pas surprise que vous ayez constaté cette omission. On ne tient pas toujours compte du fait qu'on ne traite pas nécessairement les enfants des deux sexes de la même façon et qu'on ne traite pas nécessairement les enfants handicapés comme on traite les enfants qui n'ont pas de handicap. C'est important de nous le rappeler et je vous remercie de l'avoir fait.
Si vous avez terminé et si vous n'y voyez pas d'inconvénient, Sharon, je vais maintenant donner la parole à Jim Sanders. Lorsqu'on vous posera des questions, vous pourrez peut-être ajouter certaines précisions.
Vous avez donc la parole, Jim. Ce sera ensuite au tour de Steve Mantis.
M. Sanders: Je vous remercie, madame la présidente.
Mesdames et messieurs, permettez-moi d'abord de vous remercier de me donner l'occasion aujourd'hui de comparaître devant vous. J'ai peine à croire qu'il y a déjà sept mois que nous nous sommes rencontrés. Je ne vais pas revenir à ce qui a déjà été dit par ceux qui m'ont précédé, mais je ne voudrais pas qu'ils en concluent que c'est parce que je ne partage pas leur avis. C'est plutôt faute de temps.
Le rôle que le comité permanent peut jouer dans la défense des droits des personnes handicapées est d'autant plus important qu'on débat actuellement toute la question de la participation du gouvernement fédéral dans le domaine des programmes destinés aux personnes handicapées. Tous ceux qui ont oeuvré à obtenir que ce comité soit créé doivent insister pour que le gouvernement fédéral continue d'exercer un leadership dans le domaine.
Quelqu'un m'a déjà dit - et je ne sais pas s'il s'agit d'un mot célèbre dont je ne me souviens pas exactement - que les beaux principes n'ont jamais donné à manger à qui que ce soit, mais je continue de croire que les principes sont importants. Nous discutions du type de société que nous voulons avoir dans trois, cinq ou dix ans. Comme ceux qui ont pris la parole avant moi l'ont fait remarquer, il faut partir d'une vision qui se traduira par des politiques, une vision bien réfléchie qui conduira à l'aboutissement de consultations à l'échelle nationale, régionale et locale.
À titre d'exemple, j'ai souvent abordé la question de la décentralisation des services. À première vue, de même qu'en pratique, cela semble logique. En 1918, l'INCA s'est donné comme mandat d'aider les aveugles canadiens et de leur offrir ses services tant à la maison qu'en milieu de travail. On ne peut pas vraiment trouver un meilleur moyen de rejoindre les gens que d'aller chez eux.
Par ailleurs, décentraliser les services pour le principe ne fonctionne pas toujours. Je sais qu'il y a beaucoup d'autres exemples qu'on pourrait donner outre celui de l'INCA. L'audiothèque-bibliothèque en braille de l'INCA, la plus grande en son genre au monde dans le secteur à but non lucratif, est située à Toronto. Grâce à ce service, les aveugles reçoivent des livres en braille et des bandes chez eux. Or, il n'y a pas de place au Canada pour cette bibliothèque en raison des principes et des politiques qui ont été adoptés. Nos bibliothèques sont de compétence provinciale et les provinces confient parfois la responsabilité de l'exploitation des bibliothèques aux municipalités et il serait évidemment trop coûteux d'avoir ce genre de bibliothèque dans chaque municipalité, voire dans chaque province. On nous renvoie sans cesse au gouvernement provincial. Les gouvernements provinciaux font l'inverse. La Bibliothèque nationale du Canada qui se trouve à un coin de rue d'ici nous dit qu'elle n'a pas pour mandat d'aider les aveugles et que ce n'est pas sa priorité.
Il ne s'agit que d'un exemple. Rien n'a changé à cet égard.
Un dernier point à ce sujet. Les bibliothèques sont financées à même les deniers publics. C'est merveilleux. Or, les aveugles sont aussi des contribuables, mais les bibliothèques publiques ne répondent pas à leurs besoins parce qu'elles considèrent qu'elles n'ont pas le mandat d'aider les aveugles et parce que cela leur cause des difficultés pratiques. La situation va d'ailleurs se détériorer rapidement.
Lorsque j'ai comparu devant le comité en octobre dernier, j'ai énuméré un certain nombre de bonnes initiatives qui avaient été prises parce que quelqu'un au sein du gouvernement fédéral a dit qu'il serait simplement illogique qu'on ne les prenne pas. Voilà pourquoi le gouvernement fédéral, avec la collaboration du secteur privé, a pris l'initiative de lancer des programmes comme le programme de formation informatique destiné aux aveugles ainsi que le programme de physiothérapie qui ont tous deux donné lieu à la création de centaines d'emplois permanents à temps plein très bien rémunérés. Nous croyons comprendre que ce type d'initiatives ne pourront plus être prises dans le cadre du nouveau système. Encore une fois, c'est une question de principe, de politique et de vision.
On a beaucoup parlé du programme d'assurance-emploi.
Tout ce qu'on a dit au sujet du programme s'applique aux aveugles, mais j'aimerais ajouter qu'aujourd'hui, pour se tailler une place sur le marché du travail, les aveugles doivent avoir recours à la technologie des communications et souvent à des aides spéciales comme les ordinateurs. Comme la technologie change rapidement...
La présidente: Les ordinateurs sont-ils très utiles, et combien de gens y ont accès?
M. Sanders: Ils sont tout à fait essentiels en milieu de travail. Vous avez cependant raison de souligner, madame Finestone, qu'ils sont moins utiles à l'extérieur du milieu de travail, car on met beaucoup de temps à concevoir les aides. Comme, individuellement, les aveugles ne peuvent compter sur aucune aide sauf l'assurance-emploi s'ils y ont droit, les emplois qu'ils occupent sont menacés en raison encore une fois d'une question de principe et de politique.
Pour l'instant, si un aveugle travaille et perd son emploi, il a accès à une certaine aide et à certains services de même qu'au programme sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées.
En dernier lieu, j'aimerais maintenant vous parler de la question du leadership. Je trouve intéressant, mais aussi préoccupant que le ministère du Développement des ressources humaines ait accepté de jouer le rôle de chef de file dans le domaine des personnes handicapées. Or, cela exclut80 p. 100 des aveugles canadiens, 70 p. 100 d'entre eux n'ayant plus l'âge de travailler et 10 p. 100 d'entre eux étant des enfants. Je ne vois donc pas comment le ministère leur viendra en aide.
Il est ironique que le 1er avril dernier, l'INCA ait été l'un des organismes dont on a supprimé totalement ce qu'on appelle une subvention de maintien. En fait, nous avons appris cela indirectement car je ne pense pas qu'on nous ait encore transmis officiellement la décision. D'après ce que nous avons appris, de façon indirecte, encore une fois, on a décidé que nous pouvions nous passer de cette subvention mieux que d'autres groupes. Je ne sais pas trop comment il faut comprendre cela. Or, le jour où nous avons appris cette nouvelle indirectement, nous avons aussi reçu trois demandes officielles très complexes de la part du gouvernement, des demandes d'analyse et de soutien.
Je suis un grand optimiste et les gens me disent même parfois que je vois la vie en rose. Depuis 1989, l'INCA s'est efforcé de maintenir une présence ici à Ottawa afin de pouvoir collaborer avec le gouvernement en créant un bureau où mon collègue et moi-même travaillons. Quant à savoir si nous pourrons toujours nous permettre ce bureau, c'est une question théorique pour l'instant. Je ne suis pas sûr que d'ici un an il se trouve encore quelqu'un, à part les membres de ce comité, qui ait une vision nationale pour ce qui est des personnes handicapées. Neuf fois sur dix, on nous dit maintenant de nous adresser à un bureau régional.
Je vous remercie.
La présidente: J'ai aussi entendu la même chose au sujet de votre subvention. N'y a-t-il pas un organisme qui s'appelle le Conseil canadien des aveugles? Je crois me rappeler avoir fait un don à cet organisme. Moi j'ai énormément d'admiration pour l'INCA parce que ma famille a beaucoup eu recours à ses services. Je pensais cependant que vous étiez une composante du Conseil canadien des aveugles.
M. Sanders: On a gardé le nom du groupe qui représente les consommateurs aveugles de partout au pays, le Conseil canadien des aveugles, sur la liste. S'il fallait choisir entre les deux, on a fait le bon choix, celui de garder le Conseil canadien des aveugles. C'est un groupe de consommateurs semblable au Conseil des Canadiens avec déficiences et à d'autres groupes qui représentent les consommateurs.
C'est tragique quand il faut faire ce genre de choix. Je ne sais pas si ces choix s'imposent, je suis mal placé pour le savoir, comme je n'ai pas vu tous les budgets et que je ne suis pas au courant des priorités. Mais le fait que le gouvernement fédéral ait dû choisir pour la première fois depuis 1918 de couper de façon officielle ses liens économiques avec l'INCA... Il a fait ce choix; c'est décidé, c'est révolu, et nous devons trouver une nouvelle façon de fonctionner. Notre organisation ne va certainement pas fermer ses portes, mais nous allons devoir mener nos affaires d'une façon différente.
Pour moi qui travaille depuis 30 ans avec l'INCA, et qui suis ici à Ottawa depuis 1989, c'est un triste commentaire sur la façon dont les rapports officiels avec cette organisation se sont détériorés. Merci.
La présidente: Nous vous remercions de nous avoir transmis ces renseignements.
Rex, je sais que vous vouliez poser une question auparavant. Vouliez-vous la poser avant de devoir nous quitter?
M. Crawford (Kent): Oui, s'il vous plaît.
Malheureusement, je ne siège pas à ce comité, mais ma participation m'a enrichi et je suis heureux d'avoir eu l'occasion d'y siéger aujourd'hui, à cause des sujets dont vous avez discuté... J'ai longtemps siégé au conseil du centre de traitement pour enfants dans ma collectivité, ainsi qu'au conseil du Centre d'aide et de défense juridique pour les handicapés, qui est devenu Community Living London, et j'ai aussi participé aux activités du Conseil ontarien de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre en matière de perfectionnement professionnel, et vous avez donc touché à tous ces domaines où j'ai moi-même travaillé. J'ai siégé à ces conseils pendant de nombreuses années, et tout ce que vous dites m'est donc familier...
La présidente: Vous allez donc défendre nos intérêts à tout crin quand nous allons chercher à apporter des changements, n'est-ce pas?
M. Crawford: Je l'espère certainement. Mais je peux aussi citer certaines choses négatives qui se sont faites au fil des ans, qui ont été faites pour nous aider, nous les bénévoles, et qui ont coûté cher au gouvernement. Je me demandais simplement si le gouvernement se penchait sur certaines des choses qui ont été faites.
La présidente: Pourriez-vous nous expliquer certaines de ces préoccupations? Je pense que les bénévoles, les défenseurs de ces intérêts et les groupes de consommateurs devraient en savoir plus long sur votre expérience, sur ce que vous pensez.
M. Crawford: Je vais essayer de le faire rapidement, madame la présidente.
La présidente: D'accord.
Je pense que cela ne vous dérangera pas d'attendre, monsieur Mantis, pour que nous puissions prendre connaissance de ces faits, qui sont importants pour nous, je pense. Il y a toujours les deux côtés de la médaille.
M. Crawford: Très bien. Prenons tout d'abord l'exemple du Centre de traitement pour enfants. Nous avions un immeuble; nous faisions avec. Nous faisions des levées de fonds en vendant des plats maison, et ainsi de suite. Parce que nous ne recevions pas de subventions, nous n'avions pas d'argent. Et tout à coup le gouvernement a jugé bon, Dieu merci, de nous accorder des subventions.
J'étais à cette époque le président du conseil de comté. Ils m'ont présenté quand il s'est agi d'obtenir une propriété pour construire un nouvel immeuble, et j'étais de leur côté, naturellement. Ils ont obtenu l'argent pour cet immeuble, puis ils se sont empressés de construire le Taj Mahal. Plutôt que de construire un immeuble qui aurait pu, selon moi, être utile aux étudiants, on a tellement consacré d'argent à la construction de cet immeuble que par la suite on ne pouvait plus offrir les services que les élèves auraient aimé obtenir.
Le même problème s'est posé avec le Centre d'aide et de défense juridique pour les handicapés. Le gouvernement a accordé des subventions, un immeuble a été construit, et Community Living a maintenant des bureaux qui ressemblent au Taj Mahal, encore une fois, et dont nous n'avions pas besoin. Je pense que c'est ainsi que nous nous sommes fourvoyés au fil des ans... L'argent a été dépensé... Le gouvernement n'a pas fait au préalable une bonne étude qui lui aurait permis de voir qu'on pouvait construire un immeuble d'un million de dollars plutôt que de 3 millions de dollars. Ensuite, on a construit des foyers pour enfants - non, il ne s'agissait pas d'enfants, puisqu'ils avaient 21 ans - qui étaient en institutions depuis leur naissance. On a construit trois maisons de 150 000$ chacune. On n'y logera qu'une seule personne, qui recevra des soins et qui sera surveillée 24 heures sur 24.
Notre but, selon moi, était d'offrir une formation aux personnes qui avaient des handicaps physiques ou mentaux, mais nous ne pouvions pas embaucher des gens pour offrir des services à tous ceux qui attendaient de pouvoir en profiter, parce que nous avions construit ces somptueuses maisons-ranchs.
C'est tout ce que je voulais dire.
La présidente: Merci beaucoup. Je pense effectivement qu'il faut parfois une surveillance un peu plus étroite des projets qu'on entreprend, mais cela ne signifie pas que ces services ne sont pas nécessaires, ni que les bénévoles ne font pas un travail merveilleux. Je suis sûre que vous êtes d'accord.
Monsieur Mantis, vous avez la parole, et je vous remercie de votre patience.
M. Mantis: Ne vous excusez pas. Je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant vous aujourd'hui.
Je voulais simplement dire clairement que je suis ici en tant que bénévole. J'ai dû prendre une journée de congé et perdre une journée de salaire afin de pouvoir venir. C'est ainsi que fonctionnent la plupart de nos organisations; environ 75 p. 100 du travail est effectué par des bénévoles. Le Réseau de l'association des travailleurs blessés de l'Ontario compte 40 chapitres locaux un peu partout dans la province, et nous avons cinq employés pour ces 40 groupes, et vous comprendrez donc aisément que la vaste majorité de nos groupes ne sont constitués que de bénévoles et ne fonctionnent qu'avec leur aide. Contrairement à d'autres, nous n'avons jamais reçu de subventions de soutien. Nous recevons un certain financement, qu'on réduit très certainement à l'heure actuelle.
Les problèmes de compétence nous causent aussi des ennuis. C'est l'indemnisation des travailleurs qui constitue l'axe principal de notre travail, et comme elle relève de la compétence provinciale, nous avons surtout travaillé à ce niveau. Nous avons donc un organisme national, l'Alliance canadienne des victimes d'accidents et de maladies de travail, dont le but principal est d'échanger de l'information avec les diverses organisations provinciales pour que nous puissions apprendre les uns des autres et en tirer profit. Je vous ai d'ailleurs fourni aujourd'hui un document de cette Alliance, qui porte sur l'emploi et le recyclage, qui compte parmi nos objectifs principaux.
Bien qu'il devienne de plus en plus important de ne pas nous empêtrer dans nos perceptions quant aux diverses juridictions, l'indemnisation des travailleurs, à l'heure actuelle, tout comme bon nombre d'autres programmes qui visent les handicapés, subit des compressions. En Ontario, en 1990, 20 000 personnes victimes d'accidents de travail se sont retrouvées invalides à long terme. Mais en 1994, à cause des changements apportés à la loi, on avait réduit ce chiffre à 7 000. Le nombre d'accidents n'a pas été réduit; la gravité des blessures non plus; ces invalides ont tout simplement disparu parce que nous avons modifié la définition. Ces personnes sont maintenant soutenues à l'aide de systèmes financés par les deniers du contribuable.
Nous constatons donc un changement majeur chez ce groupe que nous représentons, le groupe des travailleurs indemnisés dont la compensation est financée, comme un régime d'assurance, par le biais d'un prélèvement auprès des employeurs. On transmet ce fardeau des employeurs aux contribuables.
Il est important de comprendre la portée de ce changement. Il y a à l'heure actuelle500 000 travailleurs qui souffrent d'une invalidité permanente par suite d'un accident en milieu de travail. Les revendications de ces travailleurs ont été acceptées par des commissions d'accident du travail partout au pays. Il y en a approximativement 500 000 autres dont les demandes n'ont jamais été acceptées. Si l'on tient compte des personnes âgées et du nombre de personnes qui finissent par avoir des maladies liées à leur travail, on voit que les chiffres deviennent astronomiques. Il y a plus de3 millions de personnes qui souffrent d'invalidité au Canada, et un grand nombre de ces invalidités sont dues au milieu de travail ou à des accidents de travail. Cela signifie que nous sommes naturellement de plus en plus intéressés par des questions de politique publique qui dépassent le seul domaine de l'indemnisation des travailleurs.
Je suis un peu partagé aujourd'hui, car ce comité a bien défendu et soutenu les personnes handicapées. Je me sens entre amis ici. D'autre part, on nous demande de réagir à des mesures gouvernementales qui ne sont pas très positives à notre égard.
Je pense que le rapport soumis au Parlement par ce comité en décembre était excellent. Il n'allait pas assez loin, manifestement, selon notre perspective, mais nous ne nous attendons jamais à obtenir tout ce que nous voulons. Si nous réussissons à faire des progrès, si modestes soient-ils, nous sommes ravis. Nous tenons d'ailleurs à féliciter très sincèrement le comité de l'excellent rapport qu'il a préparé.
Malheureusement, et cela a été répété à maintes reprises aujourd'hui, la réponse du gouvernement n'est pas tout à fait satisfaisante, si je puis dire. La première recommandation du comité est très détaillée, et pourtant on demande ce qui peut être fait. Manifestement, nous ne pourrons rien faire d'efficace sans un plan. Cela est très clair dans votre première recommandation.
À mon avis, c'est ce qu'il faut faire avant toute chose, en priorité. Comme on dit, il faut une vision, un mandat très clair assorti d'un plan pour sa réalisation. Il faut des objectifs, il faut des échéanciers, et il faut que les responsabilités soient clairement réparties. Les responsabilités doivent en priorité être assignées à la direction.
Ce document est risible. On y lit que le gouvernement confirme le leadership que doit assumer le ministre du Développement des ressources humaines à l'échelle gouvernementale. Toutefois, ce ministre a la responsabilité d'un seul ministère. Il n'a pas la responsabilité de l'ensemble du gouvernement. Que doit-on comprendre alors? Ce document prête tellement à confusion qu'on ne peut que le trouver déplorable, comme le disait Linda. Si dans l'exercice de mes fonctions je produisais un document comme celui-ci, je serais renvoyé. C'est se moquer des gens.
David l'a dit, dans la deuxième section, on dit que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pourront se pencher sur des questions intéressant les personnes qui sont vulnérables. Cela m'effraie. Je n'y vois pas d'engagements du tout. C'est du verbiage. Ils le feront peut-être, s'ils en ont le temps.
Troisième point: on déclare également qu'il y a des modifications aux programmes que le ministère du Développement des ressources humaines offre aux personnes ayant des incapacités. C'en est fait de l'emploi car ces programmes ne s'adressent qu'à ceux qui touchent l'assurance-emploi. La plupart de nos membres sont sans emploi. Qu'est-ce que cela signifie? Il est clair que nous sommes exclus.
Le ministère du Développement des ressources humaines va assumer la responsabilité pour toutes les questions touchant les personnes handicapées. On le dit ici en toutes lettres. Formidable. Toutefois, le discours du ministère du Développement des ressources humaines met l'accent uniquement sur les emplois et le développement économique. Je suppose que désormais il n'y a pas d'autres incapacités que les emplois et le développement économique. C'est la conclusion que l'on tire à la lecture de ce document.
La présidente: Voulez-vous dire que l'on ne met pas l'accent sur l'emploi et le développement économique dans le cas de personnes qui ont des incapacités résultant de blessures au travail?
M. Mantis: Non. Je rappelle que le ministère du Développement des ressources humaines affirme qu'il met l'accent sur les emplois et le développement économique, mais il ne faut pas oublier qu'il a la responsabilité de toutes les questions touchant les personnes handicapées. Quand on nous dit que c'est là qu'on met l'accent, on en conclut que le ministère renonce à assumer la responsabilité pour le logement, le transport, les soins et tous ces aspects-là. Toutes ces questions-là restent en suspens.
Certains ont parlé des modifications au programme sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées. C'est le principal programme qui fournit un financement fédéral aux personnes ayant des incapacités. Il n'y a aucun engagement ferme confirmant que ce programme sera maintenu.
Un des membres du comité a dit qu'en voulant épargner à tout prix, les choses coûtaient plus cher au bout du compte. C'est précisément ce qui se produit. Nous le constatons en analysant certains régimes. Quand c'est le souci d'épargner de l'argent qui prime, nous n'avons plus de vision globale. Nous développons cette idée davantage dans le rapport que nous vous avons remis.
Dans d'autres pays, les programmes d'appui sont bien planifiés, le souci de prévenir l'incapacité primant avant toute chose. Tout d'un coup, les coûts commencent à baisser. Quand on s'attache avant tout à aider les gens à travailler, les coûts diminuent. Nous pouvons vous donner des exemples de cas où il est moins coûteux de faire les choses comme il faut.
Nous ne sommes pas contre les économies. Au contraire. Mais il faut procéder judicieusement suivant un plan et l'on constatera que les deux sont conciliables.
Je pense que la dernière partie de la réponse du gouvernement résume bien les choses. On dit au cinquième point:
- Les nombreuses études et analyses des dernières années nous ont permis de bien connaître les
préoccupations majeures des personnes handicapées. La présente réponse du gouvernement
précise l'étendue des responsabilités fédérales dans un contexte en constante évolution.
Je vais répondre à vos questions lors de la pause.
Nous constatons que le gouvernement fédéral se dessaisit de son rôle. Aujourd'hui, on a annoncé que les provinces allaient assumer la responsabilité de la formation et de l'adaptation de la main-d'oeuvre. Cela m'affole terriblement.
En Ontario, l'organisme responsable de ces questions-là, l'OOFA, est en train de disparaître. Dans la clientèle de ce programme, on trouve moins de un pour cent de personnes handicapées.
La présidente: Qui a accès à ces programmes? Pouvez-vous nous en dire davantage?
M. Mantis: Chez les gens qui ont accès aux programmes de l'OOFA pour obtenir une formation d'emploi, moins de pour cent ont une incapacité.
Ainsi, on songe à confier cette responsabilité à la province alors que l'on constate que la province réduit ses programmes de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre. Il n'est pas question de normes, il n'est pas question d'offrir le programme à un certain pourcentage de personnes ayant une incapacité. On ne fait qu'offrir le budget en disant allez-y.
Examinons ce qui se passe. C'est honteux. Nous pensions avoir progressé véritablement quand il a été décrété que les enfants ayant des incapacités seraient intégrés aux cours réguliers. Voilà une mesure positive. C'est ce qui va amener les gens à accepter une fois pour toutes et pour le reste de leur vie que certains ont des incapacités.
Dans notre ville, avec les compressions, tous les enseignants de l'enseignement spécialisé ont été mis à pied. Ainsi, les enfants qui pouvaient compter sur des appuis à l'école les ont perdus. Ils ne pourront pas rester dans les salles de classe. Voilà la situation.
À propos des trois souhaits dont vous avez parlé, je vous demanderai de vous reporter aux deux dernières pages de notre mémoire, à l'annexe B.
Je voudrais attirer l'attention sur le premier, c'est-à-dire la reconnaissance du principe d'une pension à vie pour une incapacité à vie. Actuellement, toutes sortes de règles font que si vous travaillez, vous perdez vos avantages. C'est ainsi que les gens choisissent de ne pas travailler, car quelqu'un qui a une incapacité ne sait jamais quand son employeur va le mettre à pied. S'il y a des compressions d'effectifs, il est fort probable qu'il soit le premier à partir. On ne peut donc pas renoncer à la sécurité d'une pension pour un emploi aléatoire.
Deuxièmement, et vous trouverez cela au haut de la page suivante, nous souhaitons que le gouvernement canadien adopte une politique d'action positive obligatoire pour le réemploi des travailleurs blessés au travail et nous étendons cela à toutes les personnes ayant une incapacité. Nous souhaitons un mandat très clair avec un mécanisme de responsabilisation et d'application. C'est possible.
Nous voulions qu'il y ait imputabilité. La personne qui vient de partir parlait d'une attitude non responsable dans la construction d'un Taj Mahal. Nous disons que l'imputabilité est nécessaire dans tous les programmes. Dès que des deniers publics sont dépensés, il faut qu'il y ait imputabilité et cela ne vaut pas uniquement pour l'argent mais également pour ceux qui ont des fonctions de gestion du travail et des budgets. Nous voulons l'assurance que la santé et la sécurité des citoyens constituent la priorité des priorités. Tant que ces gens ne seront pas tenus responsables, le nombre des personnes ayant des incapacités va se multiplier et le coût des soins de santé va augmenter en même temps que les impôts. Il faut qu'il soit très clair que toute personne qui prend des décisions ayant des répercussions pour ses concitoyens doit rendre compte de ses décisions.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup.
J'ai remarqué qu'à la rubrique «Réadaptation fonctionnelle», vous avez demandé que l'on accepte pleinement les recommandations du groupe d'étude de Maria Minna, une de nos collègues. C'est très intéressant: est-ce que ce groupe-là faisait partie de celui qui s'en est pris au ministère du Développement des ressources humaines?
M. Scott: Pardon, je lisais mes notes.
La présidente: Nous sommes à l'annexe B.
M. Scott: Oui.
La présidente: C'est bien cela que vous regardiez?
M. Scott: Non.
M. Mantis: Il s'agissait du groupe d'étude de Maria Minna.
La présidente: En effet.
M. Mantis: Mais ce groupe d'étude était un groupe d'étude ontarien et il remonte à 1987.
La présidente: Ah, je me demandais de quoi il s'agissait. Merci.
M. Mantis: Mais il a fait un excellent travail.
La présidente: Tant mieux, car elle est aussi une excellente députée.
[Français]
Monsieur Bernier, avez-vous une question?
M. Bernier: Non, ça va.
La présidente: Monsieur Scott.
[Traduction]
M. Scott: Vous m'avez pris un peu par surprise. En ce qui concerne les 11 milliards de dollars, le budget a fait pour la première fois la distinction entre ce poste-là et les points d'impôt. Le gros de ce que j'avais vu de l'Institut Caledon remontait à encore plus loin. En fait, il y avait diminution de ce poste, parce que les points d'impôt augmentaient, ce qui avait une incidence négative sur l'encaisse. Certains d'entre nous avaient exercé énormément de pressions pour faire séparer les deux postes, car nous nous étions rendu compte que les points d'impôt n'avaient aucun influence positive ni de pouvoir multiplicateur associé aux dépenses... Au contraire, la distinction entre les deux nous semblait avoir des résultats bénéfiques.
Il faut en parler parce qu'il est important de noter que cette semaine-ci est la semaine d'accès des personnes handicapées.
J'ai une ou deux remarques. Il ne s'agit pas tant de nous convaincre de quoi que ce soit que de décider d'une approche stratégique. Le nouveau programme d'assurance-emploi prévoit que certaines gens qui, naguère, n'avaient pas accès au fonds, pourront désormais... Je sais que cela ne s'applique pas nécessairement à ceux dont nous parlons aujourd'hui, mais cela va pourtant chercher beaucoup de gens.
Le nouvel arrangement prévoit que si vous recevez des prestations ordinaires d'assurance-chômage depuis trois ans, ou que vous êtes depuis cinq ans en congé de maladie ou que vous êtes en congé de maternité, vous avez droit aux nouvelles prestations. Cela permettra à beaucoup d'assistés sociaux d'en bénéficier. Je sais que dans ma propre circonscription... J'ai beaucoup analysé la question, et j'ai constaté que bon nombre de ceux qui naguère n'auraient pas eu droit aux prestations de soutien du revenu auront désormais droit aux prestations d'emploi.
Personne ne songera à nier que le Trésor n'est pas aussi riche qu'il l'a déjà été; mais je me demande si, du point de vue stratégique, il ne serait pas plus judicieux de se tourner d'abord vers le peu d'argent qu'il reste dans le Trésor... Et je parle de ceux qui, au départ, auraient du mal à participer pour la première fois au marché du travail. Cela me semble logique. Autrement dit, si, à l'extérieur du programme d'assurance-emploi, il y a beaucoup moins d'argent disponible mais qu'il en reste tout de même, quelqu'un devrait demander que cet argent soit destiné à ceux qui, peu importe la raison, ont le plus de mal à participer au marché du travail et à qui il est le plus difficile d'entrer dans le système d'une autre façon.
La présidente: Ou qui ne peuvent s'attendre à avoir accès au système de la façon dont celui-ci est conçu.
M. Scott: C'est une autre façon de dire la même chose, mais je pense qu'il vaut la peine de le mentionner. En fait, c'est une question que je pose, car je n'oserais jamais le suggérer.
Autre chose, maintenant, en ce qui concerne l'idée de convaincre tous nos collègues, dans le sens le plus large du terme, qu'ils peuvent adhérer à ce qui est déjà... Laissez-moi vous poser une question, et j'attends vos réactions, de sorte que si je me suis mal exprimé, je pourrai me corriger pour la prochaine fois.
Si le gouvernement du Canada affirme qu'il n'a pas la capacité financière voulue pour corriger toutes les injustices que nous inflige le libre marché... Il est évident que ce n'est pas là un système équitable, et qu'il n'est pas non plus censé l'être. En effet, les gens ne partent pas tous dans la vie du même point et n'aboutissent pas non plus au même point. Ceux d'entre nous qui réussissent aiment à croire que nous sommes partis du même point de départ, car cela nous réconforte, mais il faut aussi reconnaître que c'est une illusion. Donc, si l'on accepte le principe que le gouvernement n'a pas les reins suffisamment solides du point de vue financier pour tout faire ce qu'il devrait faire, il me semble que nous pourrions le convaincre par ailleurs qu'il a dans ce cas une obligation beaucoup plus importante, celle d'uniformiser au départ les règles du jeu pour tous.
J'aimerais bien avoir votre réaction. Si je n'ai pas été clair, expliquez-moi comment je pourrais l'être, car je crois vraiment qu'en bout de piste, c'est ce que devra faire le gouvernement fédéral.
Un témoin: Madame la présidente, c'est ce que j'ai voulu dire il y a 48 heures, ou à peu près quand nous avons commencé à en discuter. Je suis moi-même issu de ce système, et je paye mes impôts en tant que citoyen du Canada en toute connaissance de cause. Je reçois désormais mes déclarations de revenu et mon formulaire T-4 en braille. C'est d'ailleurs depuis que je puis lire tout cela en braille que j'ai tous ces cheveux gris, mais je suis quand même content de payer mes impôts; tous les impôts que j'ai dû payer l'année dernière tout ce qu'il y a de plus directement à l'État ont sans doute remboursé pratiquement toute l'aide fiscale que j'ai reçue moi-même lorsque j'étais jeune et que je fréquentais l'école il y a de cela des dizaines d'années.
Pour répondre à M. Scott... À mes yeux, c'est une question économique. Il est très difficile d'évaluer en dollars ce que représentent la dignité et d'autres sentiments de ce genre. Mais du point de vue économique, c'est très facile.
La présidente: Monsieur Pollock.
M. Pollock: Je suis content que vous ayez posé cette question stratégique, comme vous dites. Personnellement, j'aimerais savoir si l'on a fait des projections pour comparer ce que cela représentait pour le Trésor par rapport à ce que cela va représenter d'ici peu. Ça me donnerait une bonne idée.
Deuxièmement, je suis tout à fait d'accord avec le principe que vous avez énoncé, celui d'uniformiser les règles du jeu pour tous. C'est une tactique qui ira loin, d'après moi. Une bonne partie des programmes de formation auxquels nous avons participé prévoient de former avant l'emploi des personnes avec des handicaps, de façon à les préparer à entrer sur le marché du travail. Certains de ces projets, tels que des projets de partenariats en vue de l'acquisition de compétences, ont été financés par le gouvernement fédéral. À mon avis, cela correspondrait au type d'exemption que nous recherchons. La politique parle d'exemption, alors que vous avez vous-même évoqué la notion de règles du jeu équitables. Je pense que nous pourrions réussir quelque chose si nous empruntions cette voie.
Mme White: Ce dont vous parlez correspond justement à ce que nous avons dit au sujet de l'intégration.
Laissez-moi revenir un instant à l'expérience que j'ai acquise dans le secteur privé: je m'occupe de la gestion globale des initiatives d'équité en matière d'emploi à la Banque Royale. Au cours des deux dernières années, nous avons fait tout notre possible pour intégrer toutes les initiatives à notre entreprise. Autrement dit, nous trouvons des personnes handicapées parmi nos employés et parmi nos clients, et il faut que les gens de notre organisation comprennent bien qu'ils font partie de notre quotidien. Le gouvernement du Canada a pour sa part décidé qu'il intégrerait sa stratégie à chacun de ses ministères et à chacune de ses stratégies ou initiatives, et que cela traduirait la façon dont nous réagissons à ce phénomène au Canada. C'est un bon moyen d'uniformiser les règles du jeu. Mais cela exigera beaucoup de travail, à la fois dans le secteur privé et dans le secteur public et ce partout au Canada. Mais cela entraînera des réductions de coûts.
La présidente: Pardonnez-moi d'en profiter, mais je vais intervenir: le Parti réformiste - qui n'a assisté à aucune de ces audiences, ce qui est malheureux, puisqu'il a participé très activement à l'élaboration des documents de départ - va vouloir nous parler de l'analyse coûts-avantages de cette philosophie. Ils vont nous dire que les groupes d'intérêt, spéciaux... Non, laissez-moi me reprendre.
D'aucuns - et pas nécessairement un parti politique en particulier - affirmeront que le gouvernement n'a pas à financer de groupes d'intérêts spéciaux. Vous n'avez aucune analyse coût-efficacité qui puisse prouver qu'il vaut la peine d'inviter le secteur privé à s'associer avec nous dans cette initiative, quitte à ce que le gouvernement offre des déductions fiscales aux entreprises, notamment en vue de les inciter à embaucher des personnes handicapées pendant un certain temps pour les former, comme vous l'avez suggéré vous-mêmes afin qu'elles entrent de plein pied, de façon active, efficace et engagée, sur le marché du travail.
Je sais qu'on nous l'a prouvé à maintes reprises. Mais comment en faire la démonstration? J'ai entendu des explications, mais je n'ai jamais vu de principe ni d'analyse de rentabilité présenté par écrit. Linda et David, vous avez travaillé dans ce domaine, j'aimerais savoir si vous pourriez fournir à Andy ou aux autres membres du comité des arguments à l'appui d'encouragements fiscaux, ou d'autres arguments convaincants qui comprennent le concept de citoyenneté à part entière?
M. Pollock: Ma réponse n'est que partielle, puisque je ne crois pas non plus qu'on ait tout fait pour étayer ce raisonnement. Mais il ressort du projet pilote du gouvernement fédéral portant sur la gestion de l'invalidité que les quatre ministères qui avaient participé à ce programme ont réalisé des économies dans une proportion de dix pour un. Les économies découlant du retour anticipé au travail de travailleurs accidentés pourraient être jusqu'à dix fois supérieures aux fonds affectés à ce programme.
Pour ce qui est de la question plus large que vous posez, je pense qu'on pourrait trouver des statistiques pour appuyer cette position. Je ne sais pas si on peut les trouver actuellement en un seul endroit.
M. Scott: J'aimerais expliquer un des plus grands problèmes auxquels nous faisons face. Supposons que nous ayons dix programmes différents qui offrent tous un certain type de soutien. Certains penseront sans doute que j'ai sous-estimé le nombre. Si vous essayez de mesurer ce qu'il en coûterait de faire autre chose, si le rapport est de neuf contre un et que 10 programmes contribuent également à un, aucun ministère ne sera intéressé à réaliser ce genre d'économie, car les coûts qu'ils seraient obligés d'encourir augmenteraient en conséquence.
C'est très triste de devoir l'avouer, mais il faut reconnaître qu'un des plus grands problèmes dans ce contexte est le coût de l'exercice. Dans toute analyse coûts-avantages, il est très difficile de définir avec précision les coûts encourus. Par conséquent, personne n'a intérêt à essayer d'adopter la solution. Dans certains cas, la solution pourrait entraîner une augmentation de coûts, même si neuf autres ministères pourraient réaliser des économies énormes.
Cela démontre la nécessité d'établir un service central qui a une vision d'ensemble. Mais s'il n'y a pas un seul ministère, y compris peut-être celui du Développement des ressources humaines, qui puisse présenter des arguments en faveur d'une analyse de rentabilité sur cette question, le gouvernement est en mesure de le faire.
M. Mantis: C'est exactement ce que je voulais dire: il appartient aux plus hauts échelons d'assumer leurs responsabilités à cet égard. Nous savons comment les bureaucraties fonctionnent, et vous l'avez expliqué parfaitement. Tout le monde va essayer de protéger son propre petit domaine de compétence, et personne ne s'intéressera à la situation globale. On s'attend à ce que les dirigeants aient une vue d'ensemble de la situation. Si on n'obtient pas d'engagement de la part de ceux qui dirigent, on ne peut pas s'attendre à ce que les autres le fassent.
Je ne crois pas qu'il soit possible d'obtenir une vue d'ensemble de tous les programmes ou une analyse de rentabilité. Le concept de l'imputabilité signifie qu'il faut avoir des résultats mesurables, se fixer des objectifs, faire une évaluation et pouvoir dire ce qui s'est produit.
Pour faire suite à ce que David a dit, je travaille pour une organisation à but non lucratif qui s'occupe de la formation, et nous pouvons montrer clairement que traditionnellement nos programmes ont été financés par le contribuable fédéral. Le rendement annuel de l'investissement est de 30 p. 100. Je vous mets au défi de me montrer un autre investissement qui offre chaque année un rendement de 30 p. 100.
Le président: Avez-vous inclus cela dans votre rapport, monsieur Mantis?
M. Mantis: Non. Le rapport porte sur mon activité professionnelle, et je parle ici de mon travail comme bénévole.
La présidente: Dans le cadre de notre activité professionnelle, pourriez-vous fournir certains de ces renseignements au comité?
M. Mantis: Avec plaisir.
David a aussi parlé de la gestion de l'invalidité, qui est en fait le thème de ce document de l'Alliance canadienne des victimes d'accidents et de maladies de travail. De nombreuses sources permettent de confirmer qu'on peut réduire les coûts considérablement, de 30 p. 100 ou 40 p. 100, au sein du même ministère, en tant qu'employeur.
Dans votre rapport, vous avez fait allusion aux 300 millions de dollars que dépense le gouvernement au titre de l'indemnisation. Chaque ministère fédéral peut économiser ces sommes directement en mettant en oeuvre de bonnes pratiques.
La présidente: Il y aura bientôt une nouvelle conférence sur l'invalidité.
M. Mantis: Ce sera en octobre.
La présidente: Allez-vous y participer, et ces questions seront-elles à l'ordre du jour?
M. Mantis: Oui, certaines d'entre elles le sont.
La présidente: Fort bien.
Lynda.
Mme White: J'aimerais dire une ou deux choses. Vu sous un angle un peu cynique, je pense que l'une des choses qui se passent entre nous et le gouvernement, et parfois aussi le secteur privé, c'est que les gens qui sont élus ou qui occupent des postes qui leur confèrent un certain pouvoir ont tendance à tenir compte de la période de leur mandat. Ils voient le court terme plutôt que le long terme.
C'est une attitude qu'on retrouve et dans le secteur public, et dans le secteur privé. J'ai constaté cet état de choses chez certaines personnes qui n'étaient pas très loin de la retraite.
La présidente: Je ne suis pas d'accord avec ce commentaire, mais continuez. C'est votre opinion personnelle; je n'y souscris en aucune façon.
Mme White: Je pense qu'on tient trop compte des coûts actuels, courants, et que l'on ne tient pas suffisamment compte du long terme et du fait que les personnes ayant des déficiences peuvent à long terme participer à l'économie, être des consommateurs, payer des impôts, et ne pas nécessairement dépendre des divers services sociaux qui existent à l'heure actuelle. C'est ce que j'entends par une vision à court terme.
Pour que cette vision à long terme se réalise, il faut d'abord faire quelques dépenses dans le cas des modifications au milieu de travail pour tenir compte de handicaps physiques ou de besoins techniques attenants. Il existe une loi qui exige que l'employeur prenne les mesures nécessaires, si ces accommodements ne lui causent pas de difficultés indues. Il ne fait aucun doute que dans la plupart des ministères gouvernementaux, j'en suis sûre, et au sein de l'organisation pour laquelle je travaille, ce genre de mesures d'adaptation constituent un acquis. Tous les milieux de travail tombent maintenant sous le coup de ces attentes. Ces mesures font tout simplement que les intéressés peuvent participer à l'économie sur un pied d'égalité et devenir des employés appréciés et contribuer à la société.
Mais pour parler en termes purement économiques une fois de plus, je me permets de signaler - en puisant, encore une fois, à même mon expérience du secteur privé - que 15 p. 100 des Canadiens ont un handicap quelconque et nous savons que ce chiffre augmentera avec la génération du baby boom. Ainsi, chez nos clients, nous savons que 15 p. 100 des personnes qui franchissent le seuil de notre porte auront un handicap, à des degrés divers. Nous avons 10 millions de clients au Canada, et 15 p. 100 d'entre eux ont donc une déficience quelconque.
La génération du baby boom, dit-on, est la population la plus riche qu'on ait jamais vue. Qu'il s'agisse de personnes qui vont prendre leur retraite avec des revenus considérables, ou de personnes qui constituent des fonds en fiducie pour leurs enfants handicapés, et ainsi de suite, nous aimerions pouvoir offrir nos services à certaines d'entre elles et faire des bénéfices.
Quand nous avons effectué une étude sur l'accessibilité, nous avons présenté la chose en termes économiques en citant le fait que si 15 p. 100 de nos clients avaient besoin d'un mode d'accès différent pour pouvoir entrer dans nos immeubles et avoir accès à nos services, c'était important pour nous. Nous avons présenté la chose sous un angle commercial et financier pour justifier le fait que la seule étude et la constitution d'une base de données nous ont coûté entre 250 et 300 000$. Nous avons ensuite soumis ces chiffres à nos cadres pour qu'ils engagent les fonds nécessaires pour faire du reste de nos locaux des locaux accessibles. Cela représente plusieurs millions de dollars.
Comme Steve l'a dit, si on remet ce genre de travaux à plus tard, cela coûte souvent deux fois plus cher. L'accessibilité est un très bon exemple en l'occurrence. Si vous faites ces travaux au début, ils vous coûteront une fraction de ce qu'ils vous coûteront plus tard. Je parle d'infrastructure, encore une fois. Il y a certaines dépenses inévitables au départ, mais il nous en coûtera beaucoup moins si nous acceptons de dépenser l'argent maintenant et de bien faire les choses, plutôt que d'attendre 10 ou 20 ans.
La présidente: Je pense qu'il y a environ cinq ans on avait alloué des sommes considérables pour certains projets spéciaux ciblés visant à rendre accessibles les immeubles du gouvernement fédéral. Même là, cela n'a pas marché.
Mme Irwin: Permettez-moi de faire allusion aux Luddites, tout en formulant un avertissement: les savants calculs qu'on applique à la question des handicaps peuvent parfois nous mener à des conclusions tout à fait indésirables. Je pense à certaines des analyses coût-efficacité qui ont été effectuées au début dans mon domaine, et je vais vous en citer une, très brièvement. Une grande méta-analyse a été effectuée par rapport à certaines interventions importantes aux États-Unis touchant les bébés prématurés et portant sur un certain nombre d'interventions effectuées en amont. Les résultats des études avaient d'abord semblé bons, mais quelqu'un a ensuite décidé de faire appel à de savants calculs pour en approfondir l'analyse. On a par la suite conclu que les interventions étaient utiles aux bébés prématurés dont le poids était relativement élevé, mais n'aidaient pratiquement pas les bébés prématurés de faible poids. Ils ont donc conclu qu'il fallait cesser d'intervenir pour aider les bébés prématurés de faible poids.
La présidente: Sharon, ils ont conclu que si on donnait une pinte de lait, une orange et un oeuf par jour aux intéressées on réduirait de presque 60 p. 100 l'incidence des bébés de petit poids, ce qui éliminerait le coût des interventions pendant les six premiers mois de la vie de ces bébés, qui se chiffraient à 60 000$ par enfant. C'était là leur décision. Je suis heureuse que vous ayez cité cet exemple.
Mme Irwin: Ce que j'essaie de dire, c'est que je constate que nous cherchons des chiffres. Au Centre de main-d'oeuvre fédéral à Sydney, nous essayons d'utiliser les dollars alloués à la formation à bon escient en faisant une sélection judicieuse des candidats à la formation, car on peut réinsérer beaucoup de personnes dans le marché du travail à peu de frais, alors que c'est beaucoup plus coûteux dans le cas de personnes qui ont des handicaps majeurs ou plus inhabituels.
Le désir d'avoir des résultats quantifiables peut mener à ce genre de sélection, qui ne tient compte que de ces chiffres et vise à choisir les candidats qu'on peut recycler à moindres frais, tout en oubliant que les candidats éventuels sont aussi des citoyens.
La présidente: Je suis heureuse que vous souleviez la question, car je suis très préoccupée par cette idée de présenter la chose sous un angle commercial, financier, Lynda. Pour parler franchement, je suis heureuse que vous ayez soulevé la question des interventions prénatales. Premièrement, il en est question dans le livre rouge, dont je suis très fière. Nous avons respecté cet engagement, qui n'était d'ailleurs pas très coûteux. En conséquence, nous avons économisé des millions de dollars dans nos hôpitaux et en ce qui a trait aux soins de santé.
Avez-vous fait un suivi à votre analyse de rentabilité qui nous donnerait une idée de la situation, suite aux millions de dollars qu'on a dépensés pour rendre divers immeubles de la banque accessibles? Vous avez dû ensuite recruter votre personnel, puisque vous avez placé derrière les comptoirs des personnes handicapées qui sont bien en évidence là aussi. Elles sont les bienvenues, elles sont présentes. Vous avez fait la même chose avec les minorités visibles et les femmes dans vos banques.
Je pense que nous devons tous vous remercier sincèrement, parce que vous avez fait un travail superbe dans plusieurs domaines afin de vous assurer que certains groupes qui n'avaient pas joui d'un accès égal commencent à se sentir mieux reçus, par suite d'un certain nombre de mesures essentielles au mieux-être de la clientèle que vous désirez servir.
Qu'est-ce que vous avez trouvé? Est-ce que cette initiative valait l'investissement que faisait chaque banque? Êtes-vous allés aussi loin que cela?
Mme White: Non. Je pense que c'est là où les deux éléments se recoupent très bien, car la responsabilité sociale des citoyens et le fait de faire ce qu'il faut faire sont très importants. Nous ne faisons pas de ventilation de nos clients selon les groupes désignés. Nous ne leur demandons pas de faire cela. Donc, les deux éléments vont de pair.
Vous avez parlé du modèle du secteur privé. Très souvent, il faut faire des efforts supplémentaires au début, mais les deux éléments finissent par se compléter.
La présidente: Merci.
Est-ce que tous les autres sont contents? Vous avez tous été très patients pendant très longtemps. Je remercie en particulier notre personnel, qui a eu la gentillesse de rester si tard également. Je vous remercie tous. Bonne nuit. Bon retour chez vous.
La séance est levée.