[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 juin 1996
[Traduction]
La présidente: Mesdames et messieurs, il y a quorum.
Nous sommes heureux d'accueillir ce matin M. Max Yalden, président de la Commission canadienne des droits de la personne.
Vous êtes ici, monsieur Yalden, pour nous parler du budget principal des dépenses. Nous sommes très heureux de vous accueillir et je sais que les membres du comité auront des observations intéressantes à faire. Peut-être voudriez-vous faire quelques remarques liminaires.
M. Max Yalden (président, Commission canadienne des droits de la personne): Oui, madame la présidente, j'aimerais faire quelques remarques, si vous me le permettez.
Tout d'abord, je vous remercie, vous et les membres du comité, de m'avoir de nouveau invité à comparaître devant le comité afin de discuter du budget principal des dépenses de l'exercice 1996-1997. J'aimerais formuler quelques commentaires au sujet de la façon dont les priorités de la Commission s'intégreront au budget principal des dépenses, puis je serai heureux de répondre à vos questions.
Comme les députés le savent sans doute, le mandat de la Commission comporte trois activités principales: faire enquête sur les plaintes de discrimination, procéder au contrôle d'application de la Loi sur l'équité en matière d'emploi auprès des ministères fédéraux et des employeurs relevant de la compétence fédérale et réduire le nombre d'actes discriminatoires par l'entremise d'activités de promotion, de la sensibilisation du public et de la recherche.
[Français]
Je reviendrai un peu plus tard sur la question de l'équité en matière d'emploi. Pour l'instant, j'aimerais parler très brièvement de notre rôle de promotion et de protection de l'égalité des chances. Avant de discuter des ressources qui sont à notre disposition pour exécuter le mandat qui nous a été confié par le Parlement, je crois qu'il est important de situer notre travail dans son contexte.
La Loi canadienne sur les droits de la personne a été adoptée afin d'assurer à tous les Canadiens et Canadiennes l'égalité des chances. L'application de la loi constitue l'objet principal de notre mandat. Tous nos efforts et nos ressources sont déployés à cette fin.
Cependant, la réalité veut qu'il y ait dans notre société, comme dans bien d'autres, des personnes et des groupes qui ont soutenu, plus souvent qu'à leur tour, le poids de la discrimination. C'est la raison pour laquelle nous avons, par exemple, mentionné à plusieurs reprises les problèmes graves auxquels sont toujours confrontés les autochtones et insisté pour que les préoccupations des Canadiens handicapés soient traitées, particulièrement en ce qui a trait aux obstacles qu'ils doivent surmonter lorsqu'ils désirent participer à notre société. C'est également la raison pour laquelle nous ne cessons de souligner les problèmes auxquels font face les membres des minorités visibles et les femmes au sein de notre société.
[Traduction]
Ainsi, si les questions qui doivent être traitées évoluent constamment, notre raison d'être, elle, reste la même. La protection des droits de tous les Canadiens, qui s'accomplit principalement par les enquêtes sur les plaintes individuelles, constitue, depuis le début de nos activités en 1978 et encore aujourd'hui, l'essentiel de nos fonctions. Si le contexte dans lequel la Commission mène ses activités est le même depuis sa création, le climat fiscal a toutefois été marqué au cours des dernières années par certains changements.
Les compressions imposées à la commission de 1991 à 1998-1999 totalisent plus de 4 millions de dollars, ce qui correspond à environ un quart du budget de la commission. Nombre de mesures ont déjà été prises pour atteindre les objectifs en matière de réduction, notamment la centralisation de toutes les enquêtes sur les plaintes à l'administration centrale, l'abolition de plusieurs postes tant à l'administration centrale que dans les régions, et le gel du recrutement externe.
Nous avons également concentré nos efforts au cours des dernières années à simplifier notre processus de traitement des plaintes afin qu'elles soient traitées rapidement et d'une manière plus efficace. Je suis heureux de vous informer que nos efforts n'ont pas été vains; nous avons presque entièrement éliminé notre arriéré et diminué de façon considérable les délais de traitement des plaintes. Par exemple, il y a quelques années, deux ans pouvaient s'écouler entre le temps où la plainte était signée et le moment où le rapport d'enquête était soumis à la commission aux fins de décision. Pour les plaintes accueillies en 1995, ce délai est maintenant de six mois et demi.
[Français]
Nous avons également pris des mesures pour nous permettre de nous acquitter encore mieux de notre mandat relativement à la sensibilisation et à la promotion des droits de la personne.
Le personnel des bureaux régionaux accorde maintenant plus de temps à la tenue de réunions avec les organisations communautaires, à l'animation de séances d'information et à l'organisation de projets spéciaux destinés à promouvoir l'égalité des chances. Les bureaux régionaux travaillent en étroite collaboration avec notre Direction des communications à l'administration centrale.
Comme par les années passées, la Commission poursuivra ses efforts en vue de sensibiliser davantage le public en produisant et distribuant des publications, en produisant des messages d'intérêt public à diffuser à la télévision et à la radio, en diffusant des renseignements au moyen d'Internet et du Réseau scolaire canadien, en communiquant régulièrement avec les médias et en effectuant le suivi des questions relatives aux droits de la personne.
[Traduction]
Le plus grand défi que nous aurons à relever au cours de la prochaine année sera de nous préparer pour le moment où la nouvelle Loi sur l'équité en matière d'emploi entrera en vigueur. Nous devons apporter des modifications importantes à nos activités afin de passer d'un système fondé sur les plaintes et les examens volontaires à un système fondé sur les contrôles d'application. Nous avons déjà entamé l'élaboration des procédures et critères de contrôle et nous nous préparons à consulter les employeurs, les syndicats et les organisations communautaires.
Cependant, il convient de remarquer que notre capacité à assumer nos nouvelles responsabilités est directement liée aux ressources financières et humaines mises à notre disposition. Je serais négligent si je n'insistais pas sur le fait que les compressions perpétuelles rendent notre travail de plus en plus difficile. Manifestement, il sera particulièrement laborieux, en raison de la compression de 3 p. 100 imposée pour l'exercice 1998-1999, de procéder au contrôle d'application des employeurs relevant de notre compétence dans un délai raisonnable.
Je sais fort bien que tous les ministères et organismes gouvernementaux doivent se serrer la ceinture et la commission n'y échappe pas. Comme je l'ai déjà dit, et répété d'ailleurs, nous mènerons nos activités avec les ressources mises à notre disposition et nous ferons de notre mieux pour nous acquitter de notre mandat dans les circonstances. Je ne voudrais toutefois pas que le comité se berce d'illusions. Nous ne pourrons faire le travail qu'on nous demande avec les ressources qui nous restent par suite des compressions auxquelles j'ai fait allusion.
[Français]
En guise de conclusion, madame la présidente, je puis vous assurer que nous déployons tous les efforts nécessaires pour utiliser nos ressources d'une façon efficace, pour simplifier notre processus de traitement des plaintes et pour élaborer des procédures qui conviendront à nos nouvelles fonctions de contrôle en matière d'équité dans le domaine de l'emploi. Nous continuerons d'examiner d'autres mesures pouvant être prises pour réaliser des économies, notamment la possibilité de partager des services communs avec d'autres organismes.
[Traduction]
Je tiens à réitérer toutefois que ce qui nous inquiète d'abord et avant tout, c'est que d'autres compressions des dépenses, au moment où nous sommes appelés à assumer de nouvelles responsabilités, ne réduisent notre capacité à protéger et à promouvoir les droits à l'égalité des Canadiens. Par conséquent, il est essentiel que le comité garde cette réalité à l'esprit.
Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.
La présidente: Merci beaucoup de votre rapport et de votre franchise. Bon nombre des membres du comité voudront traiter de la dernière question que vous avez soulevée parce que j'estime qu'on ne peut, d'une part, vous confier des fonctions et, d'autre part, vous refuser les moyens de vous acquitter de ces fonctions sans mettre en péril vos responsabilités et les droits de la personne. J'ai bien hâte de voir comment les députés voient vos responsabilités et à quoi ils s'intéressent.
[Français]
Monsieur Ménard, c'est à vous d'abord.
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Bonjour, monsieur Yalden. Je veux d'abord m'excuser, madame la présidente, de devoir partir vers 11 h 30 ou 11 h 35 pour aller prononcer un discours, qui devrait vous plaire, sur la Gendarmerie royale et son éventuelle syndicalisation.
La présidente: Vous avez 10 minutes. Je pense que vous aurez...
M. Ménard: Oui, tout à fait. Je pense que ce ne sera pas une surprise pour M. Yalden que je me permette d'engager le dialogue avec lui en débordant un peu de la question des prévisions budgétaires, sur lesquelles on aura quand même l'occasion de revenir, pour essayer de voir d'un peu plus près le jugement qui a été rendu. Les membres du comité s'intéressent beaucoup au jugement qui a été rendu par le tribunal de trois personnes que vous aviez constitué.
Comme première question, je voudrais vous demander si mon interprétation de ce jugement est juste. Sans entrer dans les détails, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir, je comprends que ce jugement concerne le gouvernement fédéral en tant qu'employeur.
Peut-on se fonder sur cette interprétation et, contrairement au point de vue exprimé par certains journalistes, point de vue que je ne partage pas, croire que ce jugement ne changera pas l'octroi des retraites, mais modifiera pour l'essentiel les lois du gouvernement fédéral dans lesquelles se trouve une définition exclusivement hétérosexiste? Faut-il croire que ce jugement concerne avant tout le gouvernement fédéral en tant qu'employeur et qu'il n'a rien à voir avec d'éventuels changements à apporter à la Loi sur la sécurité de la vieillesse?
Je pense qu'il serait utile d'avoir des éclaircissements de votre part. Avez-vous quelques indications de la réaction du gouvernement à ce jugement? Est-ce que je me trompe en croyant que, dans le cas où le gouvernement fédéral irait en appel de ce jugement, la Commission canadienne des droits de la personne désirerait certainement être représentée?
M. Yalden: Quant à la deuxième question, madame la présidente, je n'ai aucune nouvelle au sujet des intentions du gouvernement, à savoir s'il voudrait ou ne voudrait pas aller en appel contre ce jugement. J'attends avec intérêt et impatience la décision du ministre de la Justice là-dessus. Évidemment, nous serions sans doute représentés, mais tout cela reste complètement hypothétique tant qu'on ne connaît pas la décision du gouvernement.
Quant à la première question concernant les retraites, ces dernières ont été exclues de ce jugement. Si vous avez le jugement devant vous, vous trouverez vers la fin, au paragraphe d) de l'ordre du tribunal, qui se trouve dans la version française à la page 42 et dans la version anglaise à la page 38, qu'à la demande des parties, la question des retraites a été exclue. Pourquoi? Parce qu'il y a une autre cause devant la Cour fédérale qui concerne toute cette question des régimes de retraite, surtout les régimes de retraite instaurés avant 1978, date de l'adoption de la Loi sur les droits de la personne et de la création de la Commission des droits de la personne.
Ces causes portent d'abord sur la question de savoir si la Commission peut avoir juridiction sur des régimes qui ont été instaurés avant sa création.
Il y a aussi un aspect constitutionnel. En effet, la Commission a insisté pour qu'elle soit en mesure de contester même les dispositions de sa propre loi qui ont trait aux lois adoptées avant la création de la Commission mais qui, à la lumière de la Charte, ont peut-être une portée trop large sans que cela soit justifiable.
Or, il y a un deuxième question qui se pose, à savoir si la Commission ou un tribunal peut contester des dispositions de la Loi sur les droits de la personne. Il y a deux causes principales engagées: la cause Magee, qui concerne les régimes de retraite adoptés avant la proclamation de notre loi, et la cause Bell et Cooper concernant le point constitutionnel. Il s'agit d'une coïncidence, mais si je ne me trompe, notre conseiller juridique se trouve en ce moment même devant la Cour suprême. Où est la Cour suprême?
M. Ménard: De l'autre côté, à gauche.
M. Yalden: La Cour suprême entend aujourd'hui même les arguments portant sur ce point. La question sera donc tranchée par la Cour suprême. Une fois celle-ci réglée, nous reviendrons sur la question des retraites.
J'imagine qu'un tribunal appliquerait aux régimes de retraites la même logique qu'il a appliquée aux régimes de soins dentaires et aux régimes de soins de santé, mais il faut attendre.
M. Ménard: Vous me convainquez que la vie vaut la peine d'être vécue et que, finalement, ce n'est pas toujours dans un parlement que les choses se passent. Vous le savez, madame la présidente, n'est-ce pas? Serait-il possible...
La présidente: Je l'espère, du moins.
M. Ménard: Oui, certainement. Voici deux autres questions.
Je ne me rappelle pas si c'était vous ou vos bureaux qui, au début de la présente législature, sous le règne de votre prédécesseur, madame la présidente, nous aviez remis une liste des causes pendantes devant les tribunaux concernant les droits de la personne.
Serait-il possible de nous faire parvenir d'abord une copie du jugement? J'en ai eu une copie partielle, mais je pense que tous les membres de ce comité devraient avoir une copie intégrale du jugement qui a été rendu la semaine dernière. Pourrait-on également mettre à jour le document qu'on nous avait remis? Je pourrais peut-être en faire parvenir une copie à M. Savard pour qu'on sache bien de quoi on parle. Il serait bon que nous ayons une idée à jour des causes dont seront saisis les tribunaux administratifs, et même les tribunaux de droit commun, concernant les droits de la personne.
J'aurais deux questions avant de terminer. Est-ce que vos services - peut-être ne l'avez-vous pas fait mais je sais que le Conseil du Trésor tente de le faire - ont pu évaluer, ne serait-ce que de manière approximative, le nombre de lois concernées par le jugement qui a été rendu?
Est-ce que vous avez quelque indication, de manière directe ou indirecte, du nombre de gais ou d'homosexuels - même si dans le langage des militants, les deux mots ne reflètent pas la même réalité - qu'il peut y avoir dans la Fonction publique? Je sais que cela ne fait pas partie directement de votre mandat, mais étant donné votre clairvoyance légendaire, vous avez peut-être pris des dispositions pour circonscrire cette question.
M. Yalden: Je remercie le député pour ses commentaires sur ma clairvoyance. Malheureusement, je n'ai pas été clairvoyant en ce qui concerne la question qu'il a posée. Je répondrai d'abord à la dernière question.
Je n'ai aucune idée du nombre de personnes homosexuelles à la Fonction publique canadienne. Je doute très fort que la Commission de la Fonction publique ou toute autre instance ait ces chiffres.
Si vous avez à l'esprit la question des coûts, nous savons par l'expérience du secteur privé que les coûts sont minimes. Le nombre de personnes qui déclarent vivre dans une situation équivalente, soit une relation de common law, est minime dans le secteur privé. Dans le secteur privé, l'augmentation prévue des coûts de ces avantages est de l'ordre d'environ 1 p. 100.
À un moment donné, nous avons demandé si nous pouvions avoir une idée des coûts éventuels pour la Fonction publique et la réponse que nous avons eue a été à peu près la même: moins de1 p. 100.
M. Ménard: Cela nous convainc, madame la présidente, que le gouvernement a fait une erreur en n'acceptant pas que figure dans le dernier recensement une question faisant explicitement référence à la réalité homosexuelle. Je sais que le Conseil du Trésor va tenter d'évaluer tout cela et j'imagine que le gouvernement, lorsqu'il prendra ou ne prendra pas la décision d'aller en appel, aura ces considérations à l'esprit.
Quand vous faites allusion au secteur privé, c'est profondément juste. J'ajouterai qu'on a aussi l'exemple des dix grandes villes canadiennes qui ont reconnu les conjoints de même sexe, où la variation de la masse salariale a été de 0,5 p. 100. Évidemment, je comprends que la comparaison entre la réalité des villes canadiennes et celle de la Fonction publique fédérale doit être faite avec beaucoup de prudence.
M. Yalden: Je ne voudrais pas interrompre M. le député, mais même l'expérience ontarienne démontre que les coûts sont minimes. Ce n'est pas seulement valable pour le secteur privé. Pour ce qui est des autres questions du député, il me paraît difficile d'y répondre, madame la présidente. La décision du tribunal, je l'ai ici. Nous ferons en sorte qu'elle soit distribuée, en français et en anglais, à tous les membres du comité.
Lorsque M. Ménard fait référence aux causes pendantes devant les tribunaux, je ne sais pas s'il veut parler des causes concernant l'orientation sexuelle ou de toutes les causes. Dans ce domaine-là? Oui, nous les avons et je demanderais à M. Savard... J'aurais dû le présenter. Je m'en excuse, madame la présidente. Ce n'est pas très chic de ma part, Gerry. Il s'agit de M. Gérard Savard, qui est le secrétaire général par intérim de la Commission des droits de la personne. Excusez-moi encore une fois.
M. Savard s'occupera de faire parvenir aux membres du comité cette liste des causes pendantes.
L'autre question qu'a posée le député, au sujet de ce jugement, concernait le nombre de lois, règlements, etc. qui pourraient être touchés.
En ce qui concerne les lois, j'ai évidemment demandé immédiatement à mon conseiller juridique ce qu'il en pensait. Sa réponse, tout à fait officieuse, est qu'il ne croit pas qu'il y en ait beaucoup au niveau fédéral. Elles ne sont pas nombreuses, mais il y en a une qui est très importante, et c'est la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est cette loi qui fixe les conditions des régimes de retraite et tout. Cependant, il ne croyait pas qu'il y en avait beaucoup.
Il pourrait y en avoir dans le domaine de l'immigration, mais on n'en est pas certains. Il pourrait y en avoir d'autres et il pourrait aussi y avoir des règlements. Vous comprendrez, messieurs les membres du comité, qu'il y a beaucoup de choses concernant la vie privée qui sont de juridiction provinciale. Au niveau provincial, en autant qu'il sache, il y en a pas mal. Mais au niveau fédéral, il y en aurait moins, m'a-t-il dit.
Ce n'est pas une réponse définitive, mais...
M. Ménard: Merci beaucoup. Merci, madame la présidente.
Si on pouvait obtenir cela avant vendredi, ce serait vraiment bien.
La présidente: [Inaudible - La rédactrice] ...trois minutes, mais je vous laisse terminer.
M. Ménard: Vous êtes une mère pour moi, madame la présidente.
La présidente: Voyons donc. Au moins je ne suis pas grand-mère. Allez-y.
M. Ménard: Si on pouvait avoir cela avant vendredi, nous pourrions préparer de très bonnes questions pour le ministre Rock.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Ménard.
[Traduction]
Je me demande...
[Français]
M. Yalden: [Inaudible - La rédactrice] ...quelles que soient ses intentions vis-à-vis du ministre.
La présidente: Mais je vais élargir...
M. Yalden: Il l'aura aussitôt que possible.
La présidente: D'accord. Cependant, je souhaiterais élargir la demande. Je crois que pour nous, membres de ce comité, toutes les questions qui touchent les droits de la personne sont intéressantes et j'aimerais bien, si c'est possible, recevoir toute la liste. On pourrait voir à ce moment-là quel est le nombre de causes qui portent sur l'équité vis-à-vis des femmes, des minorités visibles et ainsi de suite. On peut prévoir une autre évaluation à ce moment-là.
M. Yalden: Très bien. Pour être clair, madame la présidente, quand nous parlons de causes pendantes, cela veut dire, pour nous, les causes que la Commission a dû mettre de côté parce qu'elles sont débattues devant les tribunaux ou devant la cour, auquel cas il ne nous est pas permis d'aller de l'avant avec ces causes.
La présidente: Ce que nous voulons, c'est la liste des causes qui sont pendantes et leur objet.
M. Yalden: Très bien.
La présidente: Très bien.
M. Yalden: Pour tous les motifs, pas seulement pour celui qu'a soulevé M. Ménard.
[Traduction]
La présidente: Qui commencera, M. Scott ou M. MacLellan?
M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je crois que M. Ménard vous a demandé ce que coûterait la mise en application de la décision qu'a rendue récemment la commission, et vous avez répondu que ce serait 0,5 p. 100, n'est-ce pas?
M. Yalden: On nous dit que ce sera moins d'un pour cent.
M. MacLellan: Et qu'est-ce que cela impliquera précisément?
M. Yalden: Il y aura des coûts additionnels de moins d'un pour cent de ce que coûterait actuellement les avantages en question.
M. MacLellan: Quelle est la portée de la décision? À quoi précisément s'applique-t-elle?
M. Yalden: Elle s'applique aux régimes de soins de santé et aux prestations de retraite pour les survivants.
M. MacLellan: C'est tout? Les régimes de soins de santé et les prestations de retraite pour les survivants?
M. Yalden: Oui. Mais le plus important, ce sont les prestations de retraite. Nous avons demandé et obtenu des projections qui nous portent à croire que cela représente beaucoup moins qu'un pour cent du coût total des régimes de pensions. On peut présumer que certains régimes de pensions sont plus coûteux que d'autres.
L'expérience américaine nous indique qu'il en coûte environ un pour cent du coût des prestations des retraites pour accorder cet avantage aux partenaires de même sexe. Nous tenons ces informations de l'entreprise Hewitt Associates qui s'occupe de ce genre de choses aux États-Unis.
M. MacLellan: Aux États-Unis, on estime les coûts à un pour cent, n'est-ce pas?
M. Yalden: Les coûts seraient de un pour cent ou moins.
M. MacLellan: Les coûts seraient de un pour cent ou moins. Par conséquent, ce n'est pas une somme considérable et certainement pas autant que ce que s'imaginent certaines personnes avec qui je me suis entretenu.
M. Yalden: Il ne fait aucun doute que ces coûts sont faibles. Nous en avons parlé avec des entreprises du secteur privé au Canada qui nous ont donné la même réponse. Il en va de même, je crois, en Ontario. Ne serait-ce que du point de vue politique, on le saurait si cela devait ruiner la province de l'Ontario.
M. MacLellan: En effet.
M. Yalden: On en entendrait parler. On verse déjà ces prestations. Rien ne nous dit que ce soit très coûteux. Les grandes banques, par exemple, accordent ce genre d'avantages sociaux, de même que plusieurs entreprises du secteur privé. J'ai une liste ici qui comprend, comme je viens de le mentionner, la plupart des six grandes banques à charte - La Banque royale, la Banque Scotia, la Banque de Montréal, la Banque Toronto-Dominion, ainsi que Bell Canada et les Lignes aériennes Canadien. Certaines chaînes de journaux accordent aussi ces avantages, notamment la chaîne du Sun, qui comprend le Financial Post, le Ottawa Sun, le Toronto Sun, le Edmonton Sun, le Calgary Sun et le Calgary Mirror. Cela ne les a pas encore ruinées.
Comment cela se fait-il dans le régime actuel? En raison de l'interdiction imposée par la Loi de l'impôt sur le revenu, les conjoints de même sexe ne peuvent être inclus dans les régimes de pension ou de soins de santé ordinaires. Ces prestations sont donc versées à même les recettes générales. On crée donc un petit régime spécial pour ceux qui demandent ces prestations, mais l'employeur n'obtient pas de déduction fiscale pour cela.
M. MacLellan: C'est la question que j'allais vous poser.
M. Yalden: Aucune déduction fiscale n'est accordée dans le régime actuel.
M. MacLellan: D'accord.
M. Yalden: À la suite de la décision que la commission vient de rendre, on pourra verser des prestations de soins dentaires et de santé, mais pas de prestation de retraite, pour les raisons que j'ai données à M. Ménard. La Cour fédérale et la Cour suprême sont actuellement saisies de deux autres causes très techniques portant sur la compétence de la commission relativement aux régimes de pension qui existaient avant que la commission ne soit créée; ces affaires sont encore en cours. Elles devront être réglées avant que nous puissions revenir à la question de...
M. MacLellan: Où en est la cause entendue par la Cour fédérale?
M. Yalden: La Cour suprême entend actuellement l'affaire portant sur la question constitutionnelle. L'autre cause est actuellement devant la Cour fédérale. J'ignore quand les décisions seront rendues, évidemment, mais ce ne sera pas sous peu.
M. MacLellan: Mais la Cour fédérale a déjà entendu l'affaire.
M. Yalden: Une de ces causes a été entendue par la Cour fédérale. Il y en a plusieurs. Dans l'une d'elle, le Syndicat canadien de la fonction publique conteste directement la validité de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le syndicat a perdu devant la division de première instance de la Cour fédérale et a interjeté appel à la division d'appel. Une autre affaire porte sur la compétence. Il s'agit d'un régime de retraite qui a été créé avant que la Loi canadienne des droits de la personne n'entre en vigueur. C'est aussi la Cour fédérale qui est saisie de cette affaire, mais j'ignore quand la décision sera rendue.
Enfin, dans une autre affaire, on se demande si la commission ou un tribunal administratif peut juger anticonstitutionnelle une disposition de notre loi. La cour en est actuellement saisie...
M. MacLellan: C'est la Cour suprême qui en est saisie.
M. Yalden: C'est exact.
La présidente: Est-ce la poursuite qui a été intentée par Bell et Cooper?
M. Yalden: En effet.
La présidente: Me permettez-vous de poser une question? Lorsque vous parlez de régime de soins de santé, est-ce que cela comprend les soins dentaires?
M. Yalden: On fait une distinction entre ces deux genres de régimes dans la décision; c'est pourquoi j'y ai fait allusion séparément, et je crois qu'il est préférable de les considérer séparément en ce qui concerne la fonction publique, madame la présidente. Ainsi, lorsque vous prenez votre retraite de la fonction publique, vous n'avez plus droit au régime de soins dentaires, mais vous pouvez continuer d'adhérer au régime de soins de santé si vous versez une somme supplémentaire. Le contrat de travail actuel ne vous permet pas de conserver votre droit au régime de soins dentaires. Mais cela pourrait changer. Je crois que c'est pour cela qu'on considère les deux séparément. Les conditions d'adhésion et les prestations sont distinctes, mais ce sont des régimes du même genre.
La présidente: Qu'en est-il des frais de déménagement?
M. Yalden: Le gouvernement a pris une décision à ce sujet il y a deux ou trois mois. Le Conseil du Trésor a alors annoncé qu'il modifiait sa politique en matière de congés de deuil et de réinstallation et d'autres avantages de ce genre, qui ne posaient aucun problème législatif. L'octroi des congés de deuil n'a rien à voir avec la Loi de l'impôt sur le revenu, ce qui n'est pas le cas des prestations de retraite. On a donc modifié la politique il y a quelques mois. Dorénavant, les conjoints de même sexe ont droit à ces prestations.
La présidente: Merci beaucoup.
Russell, avez-vous terminé vos questions?
M. MacLellan: Oui.
La présidente: Monsieur Scott.
M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci beaucoup.
J'aimerais aborder deux ou trois différentes questions, monsieur Yalden. Vous avez parlé des compressions budgétaires et de leurs effets sur votre travail; je me demande... Quelle proportion des activités de la commission les activités réactives découlant de son obligation de recevoir les plaintes représentent-elles par rapport aux activités proactives de promotion des droits de la personne, si je peux les caractériser ainsi? Devrait-on faire la distinction entre ces deux genres d'activités et dans quelle mesure les compressions budgétaires influent-elles sur votre stratégie? Il me semble que, dans d'autres domaines, on tente de créer une attitude, un climat, un milieu ouverts à ce genre de questions, et que cela représente une activité additionnelle.
Étant donné vos antécédents en matière de langues officielles... Je me souviens que vous avez travaillé activement au rapprochement des communautés linguistiques et à la promotion des langues officielles au Nouveau-Brunswick. Quelle incidence les réductions budgétaires auront-elles sur les efforts que vous consacrerez à vos principaux secteurs et activités?
M. Yalden: Madame la présidente, il est vrai que la plus grande partie de notre budget est consacrée au traitement des plaintes. Une part beaucoup plus petite sert à la promotion et à la sensibilisation. Le budget de la commission consacré à la promotion, à la sensibilisation et à d'autres activités de ce genre a toujours été très petit.
Outre les salaires, le fonds de fonctionnement est de moins de 500 000$. Cela peut sembler beaucoup, mais c'est très peu quand on pense à ce que coûte la publicité à la télévision et ce que nous faisons pour répondre aux exigences législatives, telles que la production d'un rapport annuel; il reste donc très peu d'argent pour la promotion. Lorsque je suis entré en fonction, ce budget était déjà très petit et il a subi des réductions au fil des ans.
La part du lion sert au traitement des plaintes; l'équité en matière d'emploi est la deuxième en importance parmi nos activités, mais elle est en pleine croissance. Ce n'est pas à strictement parler une activité réactive; nous vérifions ce que font les diverses institutions qui relèvent de nous à ce chapitre, mais nous ne tentons pas de modifier les attitudes ou de faire de la sensibilisation.
Étant donné que la loi exige de nous que, précisément, nous recueillions les plaintes et que nous en traitions, nous avons toujours consacré davantage de ressources humaines et financières à ce volet de nos activités.
M. Scott: Je précise que, lorsque j'ai employé le terme «réactif», je pensais non seulement au traitement des plaintes, mais aussi à toutes les autres activités que vous entreprenez parce que diverses lois vous y obligent, par opposition aux activités proactives.
M. Yalden: La loi exige, bien entendu, l'équité en matière d'emploi. Le mandat général de la commission prévoit aussi la sensibilisation du public, la recherche et toutes sortes d'autres activités qui sont jugées importantes pour l'avancement des droits de la personne. Mais, inévitablement, elles cèdent le pas à nos obligations de traiter les plaintes et d'assurer l'équité en matière d'emploi.
La présidente: Monsieur Yalden, aux termes de votre mandat, aux termes des directives sur le respect de la loi, pouvez-vous exiger...? S'il y a, dans une entreprise, un problème d'équité en matière d'emploi qui découle de l'ignorance ou d'un manque de compréhension des différences en matière d'habitudes alimentaires, vestimentaires ou autres, pouvez-vous ordonner à cette entreprise de donner des cours de civisme à ses employés et de les sensibiliser d'une façon ou d'une autre de sorte qu'ils respectent ces différences?
M. Yalden: Comme vous le savez, la Loi sur l'équité en matière d'emploi a été modifiée considérablement. Malheureusement, nous attendons encore que ces dernières modifications soient promulguées, mais je crois que cela se fera à l'automne. S'il y avait une année...
La présidente: La loi n'a pas encore été promulguée?
M. Yalden: Non. Si le comité souhaitait exercer des pressions pour qu'elle le soit, ce ne serait pas une mauvaise idée. Vous savez sans doute que le Parlement a adopté le projet de loi en décembre dernier, mais il n'a pas encore reçu la sanction royale. En outre, les institutions auront un an après cette date pour se conformer aux nouvelles dispositions.
En vertu du nouveau régime, nous négocierons, ou tenterons de négocier, avec les entreprises et les organismes gouvernementaux qui relèvent de nous, en vue d'en venir à une entente sur l'amélioration de leur rendement relativement à l'équité en matière d'emploi. Les syndicats y participeront. Normalement, ces négociations devraient être accompagnées d'un volet éducatif.
Dans le traitement normal d'une plainte, souvent, lorsqu'on règle une plainte... S'il s'agit d'une plainte de harcèlement, par exemple, le règlement de la plainte prévoira que l'entreprise ou l'organisation devra se doter d'une politique en matière de harcèlement, en informer les employés et veiller à ce qu'ils la respectent. La sensibilisation est donc inhérente au processus de traitement des plaintes. La commission n'est tout simplement pas en mesure de concurrencer toutes les entreprises ou organisations qui font mousser leurs produits et services dans les journaux ou à la télévision. Notre produit à nous, ce sont les droits de la personne, mais nous avons peu d'argent pour en faire la publicité.
La présidente: Pour revenir à la question de M. Scott sur la répartition de votre temps par activité, vous avez fait allusion dans votre réponse et dans vos remarques liminaires au fait que vous rationalisez vos activités et que vous cherchez à établir des partenariats et à partager des services pour réduire les dépenses. Je me demandais si ça faisait partie des partenariats et des services partagés. Lorsque vous émettez une directive de conformité à la loi, vous dites essentiellement qu'il faut faire un peu de sensibilisation, un peu de formation, en matière de harcèlement sexuel, par exemple. Pour en revenir à la question de M. Scott, compte tenu de la gravité des compressions budgétaires qui vous ont été imposées, quel genre de partenariats devez-vous établir pour continuer de remplir votre mandat?
M. Yalden: J'ai parlé plus tôt, madame la présidente, de partager des locaux, par exemple. Nous tentons de trouver des gens qui...
La présidente: Une approche très pratique.
M. Yalden: Nous tentons de réaliser des économies en partageant le service de réception en utilisant un étage conjointement avec un autre organisme.
En ce qui concerne le partenariat, j'espère que toutes les ententes sur l'équité en matière d'emploi qui interviennent avec les organisations qui relèvent de nous prévoiront une certaine forme de partenariat, que ces organisations voudront collaborer avec nous.
[Français]
La présidente: Monsieur Bernier, Russ avait une toute petite question sur celle d'Andy. Voulez-vous qu'il la pose ou qu'il attende?
M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): Oui, si c'est court parce que moi aussi, je dois quitter vers 12 h.
La présidente: D'accord. Ce sera très court.
[Traduction]
Très bien. Vous avez dit que vous aviez une courte question pour faire suite à celle d'Andy Scott. Allez-y.
M. MacLellan: En ce qui concerne le budget, M. Yalden a dit qu'il espère mettre moins l'accent sur le traitement des plaintes et effectuer davantage de vérifications des organisations qui relèvent de la Commission canadienne des droits de la personne. Il a aussi dit que le budget de 1998-1999 sera réduit de 3 p. 100, je crois. À mon sens, on risque alors d'empêcher la Commission des droits de la personne de s'acquitter de ses fonctions. J'aimerais que M. Yalden nous dise en toute franchise s'il estime qu'elle pourra continuer à remplir son mandat malgré les compressions budgétaires ou si ces compressions nuiront à son bon fonctionnement?
M. Yalden: Je faisais allusion, madame la présidente, particulièrement en ce qui a trait à l'équité en matière d'emploi, au fait que la promulgation de la nouvelle Loi sur l'équité en matière d'emploi, adoptée par le Parlement à la fin de l'an dernier, entraînera de nouvelles obligations pour la commission.
La présidente: Ces nouvelles obligations devraient s'accompagner de ressources additionnelles. Vous ne pouvez en faire davantage sans fonds supplémentaires.
M. Yalden: Aucuns fonds supplémentaires ne sont prévus. C'est ce à quoi je faisais allusion. Aucune somme ne nous sera versée pour que nous puissions remplir ces nouvelles obligations. Nous avons...
La présidente: Nous devrions nous pencher sur cette question. D'accord.
[Français]
Monsieur Bernier.
M. Bernier: Ma question va dans le même sens que celle de M. MacLellan. Vous avez mentionné que la Loi sur l'équité en matière d'emploi n'était pas encore adoptée et qu'elle occasionnerait des dépenses supplémentaires à la Commission.
L'autre jour, le ministre est venu ici rencontrer le comité et a annoncé qu'il allait déposer en Chambre d'autres modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personnes, entre autres pour y introduire la notion de mesures d'adaptation raisonnables pour les personnes handicapées. Il s'agit de l'adaptation des postes de travail et de l'obligation faite aux employeurs de procéder à ces adaptations.
Une fois que le Parlement aura adopté ces mesures, la Commission aura, d'une part, à sensibiliser les employeurs à ces nouvelles normes et, d'autre part, à assurer le suivi de leur installation. Cela exigera également des ressources. J'aimerais avoir votre opinion sur les changements futurs pour le service aux personnes handicapées.
En fait, ma question générale est la suivante: est-ce que la Commission peut accepter de nouvelles charges avec les ressources dont elle dispose actuellement, et sinon, lesquelles devra-t-elle laisser tomber?
M. Yalden: Le plus grand problème pour nous est, sans aucun doute, la question de l'équité en matière d'emploi. Les changements à la Loi sur les droits de la personne dont a parlé M. Rock n'exigeront pas nécessairement plus de ressources en matière de personnel. C'est possible, mais nous ne croyons pas, pour l'instant, qu'ils exigent de nouvelles ressources.
Cependant, dans le cas de l'équité en matière d'emploi, comme je le disais tout à l'heure en réponse à la question de M. MacLellan ou de M. Scott, puisque nous serons obligés d'établir un système de contrôle pour quelque 400 employeurs, à la fois à la Fonction publique dite fédérale et dans le secteur privé, nous savons qu'avec le personnel dont nous disposons actuellement dans ce secteur, qui est très modeste - 15 personnes - , nous ne pourrons pas établir un système de vérification dans des délais que nous considérons satisfaisants.
Je m'explique. Nous croyons qu'il serait raisonnable que nous soyons en mesure de vérifier tous les employeurs sous notre juridiction dans un délai d'à peu près cinq ans, d'autant plus que la Loi sur l'équité en matière d'emploi prévoit un examen de cette loi par le Parlement après cinq ans de mise en application. Cinq ans nous semble un délai raisonnable.
Avec les 15 personnes dont nous disposons, il n'en est pas question. Il faudrait plutôt huit ans pour couvrir tout l'ensemble, ce que nous trouvons trop long. Nous avons consulté le vérificateur général, parce que c'est quand même le grand expert. Nos calculs démontrent que si nous avions cinq personnes de plus, soit un total de 20 personnes au lieu de 15, nous pourrions atteindre cet objectif en cinq ans.
Même dans une situation de contraintes financières assez considérables, cinq personnes n'est pas un grand nombre. Nous avons même suggéré que, s'il était hors de question d'obtenir de nouvelles ressources - et je l'ai déjà dit devant ce comité - , une solution de remplacement serait de transférer des ressources d'autres agences, par exemple du Conseil du Trésor, du ministère du Développement des ressources humaines ou de la Commission de la fonction publique, qui ont tous les trois des secteurs d'équité en matière d'emploi. D'ailleurs, bien que ce soit nous qui en ayons la responsabilité, eux ont plus de personnel que nous.
Nous avions donc suggéré délicatement qu'un transfert de ressources de cette nature pourrait se faire sans trop affecter les trois agences que je viens de mentionner, parce que ce sont des agences assez importantes. Cela nous injecterait des ressources en personnel qui nous aideraient à respecter notre mandat, sans que de nouvelles dépenses soient engagées pour ce secteur. Nous avons fait cette suggestion à plusieurs reprises. Jusqu'à ce jour, la réaction n'a pas soulevé tellement d'enthousiasme. Il y a eu, si j'ose dire, madame la présidente, un silence éloquent.
C'est surtout dans ce secteur de l'équité en matière d'emploi, qui est quand même pour nous une nouvelle responsabilité, que ce sera difficile.
M. Bernier: Je pense, monsieur Yalden, que lorsque vous en arriverez à l'adaptation des postes de travail, vous ferez face à des conséquences assez importantes.
M. Yalden: Ça se peut.
M. Bernier: Les employeurs vont certainement s'opposer à ces transformations ou, en tout cas, demander des compensations au gouvernement.
M. Yalden: C'est possible.
M. Bernier: Ils vont présumer que cela va entraîner des coûts. De plus, les gens vont devoir faire appel à la Commission. Les plaintes augmenteront peut-être plus que... Je vous remercie.
M. Yalden: Merci.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Yalden, lorsque le ministre de la Justice est devenu témoigner devant notre comité en mai, je crois, il a indiqué qu'il apporterait des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne, surtout en ce qui concerne les mesures raisonnables d'adaptation. Étant donné que la Loi canadienne sur les droits de la personne aura bientôt 20 ans, ne croyez-vous pas qu'il est temps de l'examiner en profondeur, ou devrait-on se limiter à étudier les modifications que déposera le ministre? Dans le cadre de cet examen, devrait-on envisager un rôle plus proactif et de plus grande envergure pour la commission?
Notre comité se demande s'il ne devrait pas profiter du dépôt de ces modifications pour entreprendre un examen approfondi de la loi dans son ensemble. Qu'en pensez-vous? Puisque cet anniversaire approche, ne serait-ce pas une bonne idée?
M. Yalden: Nous sommes d'avis que ces modifications auraient dû être apportées il y a longtemps. Celle à laquelle vous et M. Bernier avez fait allusion concernant les mesures raisonnables d'adaptation et qui vise surtout les personnes handicapées est une modification importante à la Loi canadienne sur les droits de la personne. La loi n'a jamais stipulé clairement que les employeurs ont le devoir de s'adapter aux besoins des personnes handicapées et des autres minorités.
Depuis des années, les gouvernements - le gouvernement actuel et ceux qui l'ont précédé - parlent de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. On envisage toute une série de modifications dont celle-ci. On pourrait aussi créer un tribunal permanent qui aurait des compétences particulières en droits de la personne; le système serait alors beaucoup plus efficace et rentable qu'à l'heure actuelle, mais il faudrait que la loi soit modifiée.
Monsieur Rock et ses hauts fonctionnaires pourraient vous dresser toute une liste des modifications proposées. Nous en parlons depuis plusieurs années et le gouvernement actuel dit vouloir agir. Toutefois, il y avait un obstacle particulier, du fait que l'une de ces modifications portait sur l'orientation sexuelle. Inutile de dire que c'était une question très controversée.
Pendant sept, huit ou neuf ans, le gouvernement a hésité à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne parce que cette modification-là était litigieuse. Elle a enfin été apportée et il ne nous reste plus qu'à passer aux autres.
La question qui se pose maintenant est de savoir si on devrait se contenter d'apporter les modifications déjà prévues ou si on ne devrait pas passer à des modifications plus poussées à la loi ou au rôle de la commission.
Je crois qu'à une certaine époque, le ministre de la Justice avait l'intention de faire les deux: déposer au Parlement les modifications les plus pressantes tout en amorçant des consultations sur les questions plus vastes et plus fondamentales.
Ce serait à mon avis la meilleure approche. Si rien n'est fait pendant que nous attendons les résultats d'une étude et d'une consultation exhaustive sur la façon dont les commissions des droits de la personne devraient fonctionner et ce genre de choses... M. Manning, entre autres, a lancé des idées qu'on voudra peut-être examiner.
Étant donné que c'est un domaine très vaste, cela signifie que rien ne se fera probablement avant les prochaines élections et qui sait ce qui se fera à ce moment-là?
Il y a déjà une liste sur laquelle figure le sujet auquel M. Bernier a fait allusion. C'est un sujet très important pour les personnes handicapées. J'aimerais beaucoup qu'on joigne enfin le geste à la parole.
Si on mène des consultations pour déterminer, par exemple, si la Commission des droits de la personne ne devrait pas plutôt jouer un rôle d'ombudsman que de tribunal, il faudrait que cette consultation et cette discussion soient exhaustives et tiennent compte du point de vue de tous les intéressés. Mais ne remettons pas à plus tard les modifications déjà envisagées; il ne faut pas qu'elles restent en veilleuse.
La présidente: Vous occupez votre poste depuis plusieurs années et nous en sommes ravis. Avez-vous eu l'occasion de comparer la Loi canadienne sur les droits de la personne à celles qui existent en Australie, au Danemark, en Suède ou dans les autres pays qui ont une attitude semblable à la nôtre.
M. Yalden: Les seuls pays dont le processus se compare au nôtre sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Les pays scandinaves obtiennent de très bons résultats et se sont dotés d'un régime très respectueux des droits de la personne, mais leur approche est différente. Ainsi, en Suède, il y a, je crois, cinq ombudsmans. Un s'occupe des relations raciales, un deuxième de l'égalité des sexes, un troisième des enfants, un quatrième des personnes handicapées tandis que le dernier, l'ombudsman parlementaire, s'occupe des questions générales d'abus administratifs par les autorités. Ces pays ont préféré cette méthode. Elle a porté fruit et mérite peut-être qu'on en discute.
L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont fait plus ou moins la même chose que nous au niveau des commissions et de la loi. On trouve des approches plus partiales, si je puis dire, dans d'autres pays. En Grande-Bretagne, par exemple, il existe une commission pour l'égalité des chances, qui voit à instaurer l'égalité entre hommes et femmes, et une commission des relations raciales qui traite de l'égalité entre les races. Ces commissions étudient les cas d'une manière voisine de la nôtre, mais pas tout à fait pareille. Il n'y a pas de commission qui s'occupe exclusivement des personnes handicapées. Il y a aux États-Unis une commission pour l'égalité des chances en matière d'emploi, qui s'attaque à la discrimination dans l'emploi, mais qui n'a pas nécessairement la même ampleur que la nôtre. Donc, les approches dans le monde occidental sont très disparates.
Les pays qui n'ont pas de commission sont minoritaires. Mais cela ne veut pas dire que ces pays sont insensibles aux droits de la personne. Je pense que, dans la France d'aujourd'hui, ou en Allemagne ou dans les pays scandinaves, et bien sûr aussi en Hollande... Il y a d'autres pays auxquels nous aimons nous comparer, ce qu'on appelle au ministère des Affaires étrangères les pays avec lesquels nous avons une parenté d'esprit. Si vous prenez tout l'univers, et on sait qu'il est bien petit, je crois que nos états de services sont respectables. Nous ne faisons peut-être pas aussi bien que certains et nous faisons mieux que certains autres. Si vous prenez les 180 et quelques membres des Nations Unies, alors bien sûr, nous faisons bonne figure. Mais étant donné qu'il y en a tellement d'entre eux où la situation est pitoyable, il n'est pas dur de bien paraître. Je ne les nommerai pas. Ce serait gênant.
La présidente: Nous ne faisons pas si mal comparativement aux pays avec lesquels nous avons une parenté d'esprit si l'on prend toutes les Nations Unies, mis à part l'écart salarial, qui est bien sûr très important pour permettre l'épanouissement dans la justice et l'égalité. Mais à part cela, nous semblons réussir très bien.
Je m'écarte peut-être du sujet, mais j'aimerais que nous fassions quelque chose qui nous permettrait d'obtenir des résultats concrets, sans avoir à attendre encore cinq ans pour faire quoi que ce soit de constructif. Je peux dire ici que nous avons réussi à réaliser l'égalité pour tous en nous inspirant de l'article 15 en sept ou huit mois, il me semble donc que nous devrions pouvoir faire quelque chose d'équivalent en fonction de certaines observations que vous avez faites à partir de la documentation qui est disponible. Il ne s'agira peut-être pas d'un changement complet, mais chose certaine, on pourrait faire quelque chose de constructif.
Monsieur Scott.
M. Scott: Merci beaucoup, madame la présidente.
La faculté que vous avez de prédire - et je choisis mes mots soigneusement ici - l'issue des poursuites en matière d'orientation sexuelle montre que nous devrions nous attendre à des poursuites dans d'autres domaines aussi. Ce que je veux savoir, en ce qui concerne le secteur prioritaire que constituent les Canadiens handicapés est si, à votre avis, la chose la plus pressante est la modification à la Loi sur les droits de la personne, comme l'a dit mon collègue, ou s'il s'agit d'améliorer les mécanismes de mise en oeuvre pour protéger ce qui existe déjà? Ou, troisième possibilité, s'agit-il de modifier d'autres lois, par exemple, dans le domaine du logement et du transport? Je sais qu'il est sans doute injuste de vous demander d'établir des priorités de cette façon...
M. Yalden: Je répondrai à cela - et ce n'est pas pour esquiver la question - que nous devrions faire ces trois choses. Si l'on modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne en y ajoutant un paragraphe obligeant les employeurs à faciliter la vie aux personnes handicapées - soit dit en passant, on pourrait étendre cela aux autres minorités, aux minorités religieuses et autres, par exemple - , on imposerait à l'employeur une obligation qui n'existe pas aujourd'hui, et il serait obligé de faciliter l'accès aux minoritaires et aux handicapés à moins que cela n'impose des «contraintes excessives» à l'entreprise concernée. Chose certaine, j'aimerais que cela se fasse sans retard. On en parle depuis dix ans.
Il est très important d'améliorer l'accès en nous servant non seulement de la Loi canadienne sur les droits de la personne mais aussi des moyens qu'ont par exemple les autorités nationales en matière de transport pour faciliter l'accès au train, à l'avion et ainsi de suite. Nous le disons dans chaque rapport annuel.
Bien sûr, on fait des progrès. Pour en revenir à la question de la présidente, si nous nous comparons à plusieurs autres pays, nous faisons très bonne figure au niveau de l'accès, mais la question n'est pas là à mon avis, parce que nous devons établir nos propres normes et non nous en tenir aux normes des autres pays. Nous nous sommes imposés des normes très élevées. Nous devons nous y conformer.
Il serait donc très utile d'accélérer la mise en oeuvre des lois et règlements existants et d'exercer des pressions sur les ministères fédéraux afin qu'ils en fassent davantage. Je crois que votre comité, par exemple, pourrait faire beaucoup s'il convoquait un certain nombre de ministres, et même les PDG d'entreprises privées qui relèvent de la compétence fédérale, et leur demandait ce qu'ils font.
J'ai appris que les gens n'aiment pas répondre à ce genre de questions devant un comité parlementaire à moins que leur rendement ne soit bon, auquel cas ils ne sont que trop heureux de vous dire ce qu'ils font. Je crois donc que votre comité peut faire quelques chose ici, et il est important d'améliorer les installations existantes, les règlements et le reste. La même chose s'applique aux autres lois pertinentes ici.
Aux États-Unis, comme vous le savez sans doute, après un long débat, on a adopté la loi sur les Américains ayant des handicaps, une loi générale qui traite de toutes les questions et qui s'applique bien sûr au niveau des États et même au niveau local...
La présidente: Particulièrement au niveau des écoles.
M. Yalden: Oui, parce qu'aux États-Unis, le gouvernement fédéral a en effet le bras très long. Ce n'est pas le cas dans notre pays.
À moins d'adopter une loi générale traitant des personnes handicapées - et vous pourriez dire ici que la Loi canadienne sur les droits de la personne et même la charte traitent déjà de la question - il faut s'employer à mettre en oeuvre de façon pratique ces règlements et ces obligations, et s'assurer que les gens y voient. Je me répète, mais je pense que le comité pourrait jouer un rôle très important ici.
La présidente: Me permettez-vous d'intervenir à ce propos? L'accès raisonnable, dans mon esprit à moi en tout cas, ce sont de bonnes rampes, des entrées bien faites, des poignées là où il en faut et des toilettes aménagées, etc., mais dans mon propre esprit, je suis allée souvent plus loin que ça. Je songe aux horaires flexibles et au travail à temps partiel. Je songe au partage du travail. Je songe au travail apparié. Je songe que les employeurs n'ont pas besoin de tout leur monde à chaque instant de neuf à cinq.
Il faut être beaucoup plus ouvert que ça. Je constate que, si on obtient un accès raisonnable, cela n'a pas vraiment d'effet, comme vous dites, sur les personnes handicapées. Si l'on croit sincèrement que la société est responsable de la famille, on croit aussi qu'elle a une influence profonde sur la façon dont on élève les enfants.
Si l'on pouvait avoir le genre d'accès raisonnable qui permettrait aux hommes et aux femmes d'amener leurs enfants au travail ou d'utiliser leur temps d'une manière différente, par le partage, l'appariement ou l'horaire souple, ce serait une chose très importante. Donc je voudrais vous demander comment la commission définit l'accès raisonnable?
M. Yalden: Je ne crois pas que nous ayons des vues aussi larges que les vôtres, madame la présidente.
La présidente: C'est fort dommage.
M. Yalden: De manière générale, nous partons des plaintes que nous recevons. Si une personne nous dit qu'elle a un handicap quelconque et qu'elle...
La présidente: [Inaudible]... un handicap si vous aimez manger.
M. Yalden: Eh bien, ça pourrait être le cas.
La personne dit qu'elle a un handicap et qu'on ne lui facilite nullement l'accès au travail, qu'elle a été chassée ou qu'elle n'a pas été promue. Nous tâchons de nous assurer que les entreprises et les ministères ne font pas ce genre de choses et que, d'une manière plus générale, elles ont une politique en ce sens.
Je dois admettre que nous ne nous n'allons pas jusqu'à nous demander comment l'employeur doit traiter les enfants des employés au travail. Nous pourrions nous poser cette question, j'imagine, mais certains diraient que nous outrepassons notre autorité.
La présidente: Je vous remercie de votre réponse.
Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Yalden, chose certaine, vous nous avez éclairés aujourd'hui. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes heureux du résultat final, mais vous ne l'êtes pas vous-même non plus. J'espère que notre comité pourra signaler certains progrès dans ce domaine.
Je crois savoir que vous comptez prendre une retraite anticipée.
M. Yalden: Nullement anticipée, madame la présidente. On peut la qualifier de bien des façons, mais ce n'est pas une retraite anticipée.
La présidente: Votre mandat a été reconduit en 1994, il vous reste donc encore du temps.
Le comité tient à vous souhaiter bonne chance et à vous remercier des efforts et du temps que vous avez consacrés à la commission. Nous espérons que votre successeur sera aussi éclairé que vous.
M. Yalden: Merci beaucoup, madame la présidente. Je ne partirai pas avant la fin de l'année civile, et j'aurai peut-être donc le plaisir de...
La présidente: On dit juin dans mes notes.
M. Yalden: L'auteur de vos notes a annoncé ma retraite prématurément. Je ne suis pas encore mort. Je pars à la fin de l'année. J'aurai peut-être donc le plaisir et le privilège de témoigner de nouveau devant votre comité. Si ce n'est pas le cas, eh bien, je vous souhaite bonne chance à tous.
En conclusion, s'il y a quoi que ce soit que moi-même ou mes collègues puissions faire pour votre comité, faites-le nous savoir. Je vous remercie tous de votre attention.
La présidente: Merci.
La séance est levée.