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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

.1115

Le mardi 9 décembre 1996

[Traduction]

La présidente: Cette séance du comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées est maintenant ouverte. Bienvenue à nos témoins à qui je vais demander dans quelques instants de se présenter.

C'est la troisième d'une série de réunions consacrées à toute la question des droits à la vie privée dans le cadre des droits de la personne et que nous tenons afin de déterminer dans quelle mesure ces droits sont enfreints par les nouvelles technologies et quelles sont les perceptions et la réalité entre d'une part notre droit à la vie privée de la personne et le droit qu'a l'État d'en savoir à notre sujet plus long que nous ne le voudrions peut-être.

Je pense qu'il est important que nous reconnaissions que la vie privée est un domaine tellement vaste et diversifié que nous avons décidé de l'étudier en nous axant éventuellement de façon très ciblée sur ses principales composantes. Nous nous occupons en fait de trois grandes catégories d'activités que nous pourrions qualifier d'intrusions, et qui comprennent toute la question de la surveillance des personnes, celle de la surveillance biologique et les méthodes d'identification des personnes, lesquelles seront précisément l'objet de la séance d'aujourd'hui.

La semaine dernière, nous avons étudié les deux premières grandes questions en compagnie d'experts spécialisés dans ces domaines. En fait, nous examinons de plus près les différents moyens technologiques qui sous-tendent ces deux domaines que sont la surveillance par caméra et le dépistage génétique.

Aujourd'hui, nous allons nous entretenir du troisième type d'intrusions, en l'occurrence l'identification personnelle. Certains d'entre nous identifions déjà cela aux cartes à puces ou aux cartes d'identité, mais je pense que nous allons en apprendre beaucoup plus à mesure que nous entendrons chacun de nos témoins.

.1120

[Français]

Je suis persuadée que nous avons beaucoup à apprendre de nos témoins. J'aimerais que les membres du comité se présentent.

M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): Maurice Bernier. Je suis vice-président du comité, membre de l'Opposition officielle et député de Mégantic - Compton - Stanstead, dans les Cantons de l'Est.

[Traduction]

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Je m'appelle Warren Allmand et je suis originaire de Montréal.

M. Regan (Halifax-Ouest): Je m'appelle Geoff Regan et je représente Halifax-Ouest.

[Français]

La présidente: Et les représentants du Parti réformiste?

[Traduction]

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): Merci madame la présidente. Je m'appelle Sharon Hayes, j'appartiens au Parti réformiste et je représente Port Moody - Coquitlam en Colombie-Britannique.

[Français]

La présidente: Oui, monsieur Allmand.

[Traduction]

M. Allmand: Madame la présidente, je voudrais faire une très courte intervention. Suite à notre réunion avec Margaret Somerville jeudi dernier, j'ai eu l'occasion de rencontrer celle-ci vendredi à McGill. Elle m'a remis un article qu'elle n'avait pas encore lu lorsqu'elle avait déposé devant nous, et elle voulait que je le porte à l'attention du comité. C'est un article extrait de la revue The Lancet, un journal médical de renom qui est publié aux États- Unis. Il est paru dans le numéro de novembre 1996 sous le titre «Gene Warfare Unless We Keep Our Guard Up». Cet article vise à montrer qu'on est actuellement en train de mettre au point des agents génétiques qui, utilisés comme arme biologique, permettraient de tuer seulement certaines races ou certaines religions.

La présidente: Qu'avez-vous dit?

M. Allmand: Ce n'est pas une revue de cinglés; comme Margaret Somerville l'a dit, c'est effectivement une des revues médicales les plus renommées. En d'autres termes, à en croire cet article, on met actuellement au point des armes dotées d'informations génétiques telles que si, par exemple, on les utilise pour contaminer l'eau potable, elles ne tueront pas tout le monde, mais simplement les gens qui sont dotés de certaines caractéristiques génétiques.

J'aimerais que notre greffier photocopie cet article et le distribue à tous les membres du comité, car c'est ce que Mme Somerville m'a demandé de faire.

La présidente: Je vous remercie.

M. Allmand: D'accord. Les auteurs affirment que ce genre d'arme n'est pas encore au point, mais est tout à fait dans l'ordre du possible.

La présidente: Je pense que cela relèverait de la catégorie des armes chimiques et biologiques et nous pouvons nous demander si les théories d'Orwell ne sont pas en passe de se concrétiser.

M. Allmand: Elle craint l'utilisation du dépistage génétique... c'est-à-dire la base d'informations. Nous avons dit que les Forces armées américaines soumettaient systématiquement les militaires à ce dépistage qui est d'ores et déjà utilisé, sous d'autres formes, à des fins autres que les fins prévues à l'origine. Je n'en dirai pas plus long. Je voudrais que cet article soit distribué.

La présidente: Nous aimerions que les gens puissent donner leur consentement en toute connaissance de cause sur ce genre de questions car c'est quelque chose d'assez effrayant. D'ailleurs, mesdames et messieurs qui comparaissez devant nous comme témoins, je puis vous dire que le comité est déjà extrêmement préoccupé par ce qu'il a entendu jusqu'à présent.

J'imagine que nous avons tous joué aux gendarmes et aux voleurs, lu des histoires de bons détectives et de mauvais garçons et que notre entendement n'a guère évolué depuis. Lorsque nous constatons que n'importe qui peut voir qui nous sommes et que les caméras de surveillance peuvent voir à travers les murs de briques...

D'ailleurs, Sharon, vous apprendrez sans doute avec intérêt que votre chef adjoint était assise ici même en train de regarder les gens passer. Les témoins pouvaient également les voir. Nous nous demandions avec inquiétude si ces gens pouvaient entendre et pouvaient voir ce qui se passait? Comme l'a montré une étude conduite par l'honorable Warren Allmand, on peut enregistrer sur image à condition qu'il n'y ait pas d'enregistrement sonore. On en a discuté autour de la table et on s'est rendu compte que les caméras pouvaient être distantes de près de 300 mètres, voire plus. Il y a des caméras de surveillance qui peuvent déterminer combien vous êtes dans cette salle, où vous êtes assis, mais également entendre ce que vous dites, et une partie de tout cela serait tout à fait illégal. Elle a été parfaitement horrifiée. Votre caucus se réunit ici, notre Comité des finances se réunit ici également.

Cela nous a donc assez effrayés, mesdames et messieurs qui êtes nos témoins. Voilà l'une des choses qui a été portée à notre attention, et ce n'est pas la seule, loin de là. Il y a aussi toute la question de la conversion digitale des visages, pour chercher quelqu'un dans une foule, ce qui permet de faire des choses sans même avoir de mandat de perquisition. Nous avons entendu toute une série de choses qui ne nous ont vraiment pas plu.

Maintenant, c'est à votre tour de nous dire comment vous pouvez envahir notre vie privée et comment vous pouvez parvenir à tout savoir de moi. Après cela, on peut mettre tous ces renseignements sur une petite carte, mais j'anticipe, car je pense que c'est cela que vous allez nous dire.

Nous pourrions peut-être commencer par Rita Reynolds, de la Municipalité métropolitaine de Toronto, qui, je pense, est responsable du Bureau d'accès aux services corporatifs et de protection de la vie privée. Pourriez-vous nous dire qui vous êtes et ce que vous faites. Nous allons demander à nos quatre témoins de se présenter, après quoi nous entendrons votre témoignage.

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Mme Rita Reynolds (directrice, Bureau d'accès aux services corporatifs et de protection de la vie privée, Municipalité métropolitaine de Toronto): Bonjour, je m'appelle Rita Reynolds et, depuis 1990, je suis responsable de l'application de toutes les lois concernant l'accès et la vie privée pour la Municipalité métropolitaine de Toronto.

L'administration municipale de Toronto est, au Canada, la sixième administration de ce genre par ordre d'importance, et nous desservons une population d'environ 2,2 millions de personnes en leur offrant toute une gamme de services, depuis la distribution de l'eau, les égouts et les transports jusqu'aux prestations d'assistance publique et aux services de garderie.

La présidente: Merci beaucoup. Stuart MacPherson, s'il vous plaît.

M. Stuart MacPherson (chef, division de l'élaboration des programmes, service des voyageurs, direction générale des services frontaliers et des douanes, Revenu Canada): Je dirige la division de l'élaboration des programmes à la direction générale des services frontaliers et des douanes de Revenu Canada.

La présidente: Eh bien, vous êtes arrivé à point nommé, car nous avons parlé de vous... allez-y.

M. MacPherson: À cet égard, c'est moi qui ai la charge de la mise en oeuvre et de l'administration du programme CANPASS, plus particulièrement dans les aéroports, dont je vous parlerai un peu plus tard.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Micheline McNicoll.

Mme Micheline McNicoll (avocate et déléguée du Bureau du protecteur du citoyen du Québec): Bonjour.

La présidente: Vous êtes la bienvenue.

Mme McNicoll: Je représente le Bureau du protecteur du citoyen du Québec.

Notre rôle est de recevoir les plaintes et les demandes d'intervention des citoyens et citoyennes à l'égard de l'administration publique. Le protecteur du citoyen n'est pas l'organisme qui s'occupe principalement de la protection des renseignements personnels au Québec, mais nous avons des préoccupations en matière de vie privée en raison de la Charte des droits et libertés.

La présidente: Je vous remercie.

[Traduction]

George Tomko.

M. George Tomko (président, Mytec Technologies Inc.): Je suis l'un des co-fondateurs de Mytec Technologies à Toronto et je suis actuellement président du conseil et directeur scientifique de cette entreprise. Nous travaillons dans le domaine de la biométrie pour protéger la vie privée des personnes. Je vais donc vous parler de la biométrie et de son importance pour la vie privée.

La présidente: Excellent. Allez-vous nous dire comment construire des murs afin que tout le monde sache qui nous sommes?

M. Tomko: Comment ne pas construire des murs.

La présidente: Comment ne pas construire des murs, oh, c'est extraordinaire.

Malheureusement, Steven Baker, de l'Association canadienne de la technologie des cartes est dans l'impossibilité de se joindre à nous pour cause de décès dans sa famille.

Peut-être pourrions-nous donc commencer par vous, madame Reynolds. Notre façon de procéder est celle-ci: nous vous laissons chacun faire un exposé de cinq à dix minutes, après quoi c'est avec plaisir que nous vous poserons nos questions. Allez-y, je vous en prie.

[Français]

M. Bernier: Est-ce que nous allons entendre tous les témoins?

La présidente: Comment voudriez-vous procéder? Comme nous avons fait la dernière fois?

M. Bernier: C'est ce que nous avions fait la dernière fois. Je pense que nous pouvons mieux interagir quand nous avons pu les entendre tous.

La présidente: Je pensais leur demander de faire leur exposé à tour de rôle et ensuite nous pourrions leur poser des questions. Est-ce que ça vous va?

M. Bernier: Oui, très bien.

La présidente: Très bien.

[Traduction]

Allez-y, je vous prie.

Mme Reynolds: Merci.

Madame la présidente, je vais vous parler de la vie privée et de la technologie sous l'angle pratique de la protection de la vie privée dans le cas de la prestation de toute une gamme de programmes et de services officiels. C'est à moi en effet qu'il appartient d'établir le juste milieu entre deux éléments contradictoires, la protection de la vie privée et les intérêts des programmes, lorsque nous avons recours à l'identification biométrique et à la surveillance électronique.

Même si le principe de la vie privée et de son respect est clair, son application dépend du contexte et doit se faire au cas par cas. Pour illustrer mon propos, je vais vous parler d'un programme qui est actuellement en phase finale de mise au point et qui nous permettra d'utiliser la technologie de la biométrie pour fournir les prestations d'assistance sociale. Je vais également vous dire quelques mots à propos de la surveillance électronique.

Le système de bien-être social repose sur deux critères: l'identification et le besoin. Jusqu'à présent, tous les modes d'identification utilisés procédaient par référence. On part en effet du principe que la personne qui a les documents en main en est le légitime propriétaire. Il n'y a en revanche aucun lien positif entre la personne et les renseignements d'ordre personnel qu'elle présente.

Des pièces d'identité volées ou contrefaites peuvent servir à ouvrir les coffres du trésor public et obtenir ainsi de l'argent sans devoir payer d'impôt et, si on ne dispose pas de moyens permettant d'identifier catégoriquement une personne, les gens ou les organismes peu scrupuleux sont très tentés de multiplier les fausses identités pour recevoir plusieurs prestations simultanées.

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Par conséquent, notre but est de mettre en oeuvre un système d'identification qui nous donne la garantie que chaque personne n'est inscrite qu'une fois. La technologie biométrique est une solution, certes, mais c'est également une arme à double tranchant étant donné qu'il y a toujours un risque d'intrusion dans la vie privée. La protection de la vie privée est essentielle au maintien de la confiance populaire. Ainsi donc, je fais appel à la Loi sur la protection de la vie privée afin de créer un cadre permettant d'utiliser tous les avantages de cette technologie sans faire inutilement intrusion dans la vie privée des gens.

La nouvelle méthode d'identification devait être mise en oeuvre dans le cadre d'un système élargi de comptabilité et de décaissement reposant sur un réseau de guichets automatiques. La demande de proposition qui avait été formulée pour la mise en oeuvre de ce système était assortie de plusieurs critères destinés précisément à protéger la vie privée et à assurer la sécurité ainsi que le caractère confidentiel des transactions.

Pour les institutions de l'État, la compilation de renseignements d'ordre personnel doit se limiter à ce qui est nécessaire pour leur permettre d'offrir les services pour lesquels elles sont mandatées. Le choix du critère d'identification dépend par conséquent de l'objectif poursuivi. En l'occurrence, notre objectif était de parvenir à déterminer si telle ou telle personne était déjà inscrite. Un profil biométrique suffisamment précis permet de répondre à la question posée dans un anonymat presque complet. Deux des moyens les plus couramment préconisés pour y arriver sont les empreintes digitales et les photographies numériques.

Chaque empreinte digitale est unique, mais il n'est pas nécessaire pour autant d'en garder une représentation en dossier. Les technologies de codage permettent de convertir l'empreinte digitale en un algorithme, algorithme qui suffit dès lors pour déterminer si la personne en question est déjà inscrite dans le système.

Pour ce qui est des photographies, toute photographie divulgue évidemment des caractéristiques propres à l'individu comme son âge approximatif, son sexe, sa race et ainsi de suite, alors que tous ces éléments sont inutiles au niveau de la prestation des services. Dans le cas d'une demande d'assistance publique, la photographie ne répond nullement à la question d'identification primaire qui nous intéresse, celle de savoir si la personne en question est déjà inscrite ou non.

Certaines des compagnies qui ont répondu à notre demande de proposition ont préconisé l'utilisation, sur une carte de débit, d'une photographie ainsi que du logo de la ville. Cette carte montrerait que son détenteur reçoit des prestations d'assistance publique, ce qui serait une invasion injustifiée de sa vie privée. Point n'est besoin d'avoir une photographie ou un logo pour faire une transaction à un guichet automatique, de sorte que ces deux éléments ont été écartés parce qu'ils représenteraient une intrusion inutile dans la vie privée des gens.

Le stockage des éléments d'identification biométriques en même temps que d'autres renseignements personnels constitue une banque de renseignements personnels extrêmement vulnérables. Un agent de terrain n'a en effet besoin que du dossier pertinent de la personne dont il s'occupe, il n'a pas besoin de renseignements biométriques à son sujet. Il était par conséquent impératif que les données biométriques soient stockées dans une banque de données distincte. La séparation des banques de données est ainsi sans doute la meilleure façon de limiter les intrusions au niveau des opérations.

La ville de Toronto en est actuellement à la toute dernière phase du choix d'un système d'identification. Pendant plusieurs années, nous avons suivi un processus extrêmement rigoureux pour parvenir à définir les critères minima auxquels un système d'identification devrait répondre et pour étudier de façon approfondie toutes les options technologiques possibles afin d'être bien sûr de leurs répercussions possibles. Le système que Toronto va choisir en fin de compte nous permettra d'atteindre nos objectifs tout en protégeant la dignité et la vie privée de nos clients.

Enfin, je voudrais vous parler de la question de la surveillance électronique. La ville de Toronto a une série de caméras qui servent à surveiller la circulation automobile sur les grands axes et à guider les véhicules d'urgence selon les besoins. Avant une manifestation qui a eu lieu récemment à Queen's Park, la police nous a demandé de lui confier la régie des caméras utilisées pour la surveillance de la circulation routière, et ce n'était pas la première fois. Elle voulait en effet surveiller le défilé pour des raisons de sécurité publique. Les caméras auraient permis de faire des plans rapprochés sur les visages des manifestants, et ces images auraient servi à identifier les responsables en cas de troubles.

La population ne s'attend pas du tout à ce que ces caméras soient utilisées par la police pour des activités de surveillance. Lorsque le conseil municipal avait décidé de mettre en place un système de surveillance de la circulation routière, on n'avait jamais discuté publiquement de la possibilité que la police puisse faire usage de ces caméras. Céder le contrôle de régie technique à la police sans qu'il y ait mandat préalable aurait représenté une invasion injustifiée de la vie privée, et cela aurait à mon avis sérieusement entamé la confiance du public.

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La décision fut que ce serait nos employés qui contrôleraient les caméras et que les images seraient prises en plan panoramique. Il y aurait des prises en plan rapproché uniquement pour déterminer la nécessité éventuelle d'une intervention des services d'urgence, après quoi l'opérateur repasserait en mode panoramique. En cas d'enregistrement d'actes individuels pouvant faire l'objet de poursuites pénales, le tribunal pourrait ordonner la remise de la bande.

En d'autres termes, recueillir des renseignements à la suite d'un véritable cas d'urgence ne représente pas une invasion injustifiée de la vie privée. En revanche, recueillir des renseignements sur certaines personnes au cas où elles commettraient un acte répréhensible serait une invasion de la vie privée.

Il faut absolument partir du principe de la bonne foi, il faut un débat public sur ce genre de chose et il faut un processus décisionnel totalement transparent.

Voilà ce que j'avais à vous dire.

La présidente: Que pensez-vos de ce que M. Allmand nous a lu?

Mme Reynolds: Toute la question de l'identification par l'ADN est lourde d'implications pour la protection de la vie privée, étant donné qu'on peut cibler certains groupes pour définir qui doit bénéficier d'une assurance médicale et qui ne devrait pas en bénéficier. C'est donc quelque chose de très grave.

La présidente: Merci beaucoup. Je n'aurais pas vraiment dû vous poser cette question, mais cela me tentait, étant donné que vous avez parlé vous-même des plans rapprochés utilisés par les caméras, de l'identification et de tout ce genre de choses qui frisent parfois l'irréel.

Stuart MacPherson, je vous prie.

M. MacPherson: Merci madame la présidente. Je voudrais remercier le comité de m'avoir donné la possibilité de comparaître devant lui pour lui apporter plus de renseignements sur le programme CANPASS qui va être mis en oeuvre par Revenu Canada dans les aéroports et qui fait actuellement l'objet d'un projet pilote à l'aéroport international de Vancouver. Je pourrais peut-être commencer mon intervention en vous disant pourquoi nous avons décidé de lancer ce projet.

Les agents des services douaniers de Revenu Canada aux postes frontières doivent interroger tous les voyageurs qui arrivent au Canada afin de faire respecter la législation canadienne en matière de douanes et d'immigration. Pour cela, ils doivent pouvoir déterminer quels sont les voyageurs qui arrivent au Canada à des fins légitimes et quels sont les autres. Qui plus est, certains de ces voyageurs légitimes doivent peut-être se soumettre à des formalités supplémentaires avant de pouvoir entrer en territoire canadien.

Pendant l'année financière 1994-1995, plus de 103 millions de voyageurs sont arrivés au Canada, tous modes de transport confondus. Sur ce chiffre, près de 13,5 millions sont arrivés par avion, ce qui représentait une augmentation de 5 p. 100 par rapport à l'année précédente. Même si cet état de chose constitue déjà en soi tout un défi pour Revenu Canada, plusieurs autres facteurs sont également entrés en jeu.

En février 1995, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont signé un accord sur la libéralisation du transport aérien, accord qui permet aux compagnies aériennes d'exploiter plus facilement de nouvelles dessertes et d'ajouter des vols entre le Canada et les États-Unis. La mise en oeuvre de cet accord devrait en tout état de cause augmenter le nombre de vols, mais également le nombre de passagers qui doivent se soumettre aux formalités de douanes et d'immigration. Cette augmentation pourrait atteindre près de 40 p. 100 dans certains aéroports.

Pour pouvoir continuer à dispenser les services nécessaires alors même que les ressources sont limitées, il faut adopter des méthodes innovatrices pour accélérer le passage des voyageurs qui ne représentent qu'un risque très faible. Ainsi, les agents peuvent-ils se concentrer davantage sur la clientèle qui pourrait représenter un véritable risque pour notre société. C'est donc dans ce contexte que nous avons décidé d'essayer à titre expérimental un modus operandi qui permettrait aux voyageurs de se soumettre plus rapidement aux formalités de douanes et d'immigration.

L'un des problèmes qui se posaient au niveau de la mise au point du programme pilote était qu'il nous fallait trouver le moyen de faciliter l'entrée des voyageurs ne représentant qu'un risque très faible tout en continuant à assurer le niveau de protection voulu par nos mandants. Nous avons donc décidé de mettre à l'essai à titre expérimental un système qui avait déjà été utilisé non sans succès le long de la frontière au sud de Vancouver.

Il s'agissait en l'occurrence de reprendre la formule déjà utilisée le long de la frontière en la modifiant pour l'adapter à la situation particulière des passagers des compagnies aériennes. Les progrès technologiques réalisés dans le domaine de la technologie des cartes et dans celui de la biométrie nous ont permis de tenter d'appliquer des méthodes innovatrices dans le cadre d'un programme que nous avons appelé le programme aéroportuaire CANPASS.

La présidente: Est-ce que ce que je tiens-là est une carte CANPASS?

M. MacPherson: C'est en effet un spécimen de carte que nous utilisons pour le programme pilote CANPASS.

La présidente: M'en donneriez-vous une si vous jugiez que j'en étais digne et que je ne présente aucun problème?

M. MacPherson: Quiconque souhaite adhérer au programme fait une demande. À partir des renseignements figurant sur le formulaire, nous décidons s'il s'agit d'une personne à faible risque, en ce sens qu'elle n'a pas de casier judiciaire et qu'elle n'a commis aucune infraction en matière de douane et d'immigration. À ce moment-là, oui, nous délivrons la carte.

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La présidente: D'accord. Je pense que mes collègues vont vous demander comment vous recueillez les renseignements nécessaires, ce qu'on sait à mon sujet et également s'il m'est loisible de déterminer ce que vous savez à mon sujet.

M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Nous en savons déjà beaucoup à votre sujet.

La présidente: Effectivement, j'en ai peur. Je vous en prie, poursuivez.

M. MacPherson: Comme Revenu Canada et Citoyenneté Immigration Canada sont tous deux responsables de l'administration des demandes d'entrée au Canada, ces deux ministères ont commencé à discuter de la mise en oeuvre du projet. Dès lors qu'il a été décidé d'utiliser la technologie des cartes avancée, il est devenu évident que nous devions également étudier les liens possibles avec d'autres projets en cours de développement par les deux ministères.

À ce moment-là, nous avons également commencé à discuter avec le Bureau canadien des passeports, qui venait tout juste de recevoir du Conseil du Trésor l'autorisation d'étudier la possibilité de mettre au point une carte passeport de petit format. En lui permettant cela, les ministres du Conseil du Trésor avaient bien dit que le Bureau des passeports, Citoyenneté Immigration Canada et Revenu Canada devaient coopérer pour tout programme de ce genre, afin que le gouvernement canadien n'ait à émettre qu'une seul carte pour le passage des frontières.

Les trois ministères ont dès lors convenu qu'un partenariat au niveau de la mise au point et de la mise en oeuvre du projet aéroportuaire CANPASS serait la meilleure façon de mettre à l'essai l'utilisation de la technologie des cartes dans le secteur des voyages internationaux, tout en respectant les consignes du Conseil du Trésor.

Le programme CANPASS permet donc à ceux qui voyagent souvent et qui ne présentent que peu de risques d'entrer au Canada en passant par un couloir spécial, tout en respectant toutes les formalités légales. Il s'agit d'un programme offert à titre tout à fait facultatif pour faciliter le passage aux douanes et à l'immigration. Il s'inspire du programme CANPASS qui est actuellement utilisé au sud de Vancouver pour le passage de la frontière par voie routière.

La présidente: S'agit-il d'INSPASS?

M. MacPherson: L'INSPASS est un programme américain. Le programme que nous utilisons le long de la frontière s'appelle aussi CANPASS. Au départ, il s'agissait d'un programme pilote qui avait été baptisé PEDAP, pour Programme d'entrée douanière à l'Arche de la Paix.

Le programme INSPASS est très semblable au programme CANPASS utilisé dans les aéroports. C'est le programme qui est offert par les services d'immigration et de naturalisation des États-Unis à trois aéroports, dont l'un est le terminal 3 de l'aéroport Pearson à Toronto qui permet le pré-dédouanement pour les États-Unis.

Le programme CANPASS peut être utilisé par les citoyens canadiens et les résidents permanents qui n'ont aucun casier judiciaire et qui n'ont commis aucune activité illégale sur le plan des douanes ou de l'immigration. Ce programme est également offert aux citoyens américains et aux résidents permanents des États-Unis qui n'ont pas de casier judiciaire, qui n'ont pas commis d'activités illégales du point de vue des douanes ou de l'immigration et qui répondent aux critères habituels en matière d'immigration.

Les voyageurs qui souhaitent se prévaloir de ce système doivent faire une demande de permis et payer une redevance annuelle. Tous les requérants font l'objet d'un contrôle sécuritaire approfondi de la part des services des douanes et de l'immigration.

Un requérant qui souhaite apporter des marchandises lorsqu'il emprunte le couloir spécial doit également avoir une carte de crédit valide qui lui permettra d'acquitter les droits et taxes de rigueur après avoir fait lui-même sa déclaration aux douanes. Le voyageur qui ne souhaite pas divulguer de renseignements sur sa carte de crédit peut utiliser néanmoins le programme lorsqu'il n'importe pas de marchandises, et suivre la procédure ordinaire lorsqu'il veut importer quelque chose.

Les participants qui ont ainsi été approuvés entrent au Canada en passant par un kiosque automatisé activé par une carte qui contient un élément d'identification personnelle, comme une empreinte digitale ou une image de la géométrie de la main. Ce système donne ainsi la garantie que la personne qui utilise la carte est bien son propriétaire légitime.

Les agents des douanes et de l'immigration surveillent le kiosque et procèdent également à des vérifications au hasard. Quiconque n'a pas respecté la procédure perd son privilège et peut faire l'objet d'une amende.

À long terme, notre objectif est de parvenir à travailler avec les services d'immigration américains pour amalgamer notre programme CANPASS au programme américain INSPASS de manière à assurer un flux ininterrompu dans les deux sens entre les deux pays.

Si nous avons choisi un élément d'identification biométrique, c'est que le voyageur va utiliser sa carte à un kiosque entièrement automatisé et, pour cette raison, nous avons jugé qu'il était important d'avoir la certitude que quiconque utilise la carte est effectivement la personne à laquelle cette carte a été émise.

Les trois organismes qui coopèrent dans le cadre du projet ont décidé d'enregistrer et d'utiliser deux éléments biométriques. Le premier est l'empreinte digitale et le second est la géométrie de la main. Même si le projet pilote repose actuellement en premier lieu sur l'utilisation de l'empreinte digitale, nous avons également ajouté la géométrie de la main pour assurer la compatibilité nécessaire avec le système américain INSPASS, qui a également pour but d'accélérer le passage de la frontière des voyageurs qui ne présentent qu'un risque relativement faible.

Nous avons décidé de mettre à l'essai la méthode des empreintes digitales pour en savoir plus long sur l'utilisation d'éléments biométriques différents dans un contexte opérationnel. Nos collègues américains utilisaient pour leur part la géométrie de la main, de sorte que nous avions déjà accès à tous les renseignements voulus sur cette méthode. En utilisant l'empreinte digitale, nous pouvions dès lors envisager une autre option possible pour la mise en place de ce système.

Au moment de l'inscription du voyageur, nous capturons la géométrie de sa main et nous prenons une empreinte digitale de deux doigts, de préférence un de chaque main. Lorsqu'une personne qui a ainsi reçu l'autorisation préalable arrive au kiosque, elle insère sa carte CANPASS. Le kiosque identifie les éléments biométriques enregistrés sur la carte et demande au voyageur de placer son doigt sur un lecteur d'empreintes digitales. La machine essaie alors d'établir la concordance entre l'empreinte digitale qu'elle lit et les éléments biométriques stockés sur la carte. Si elle parvient à faire la mise en correspondance, la machine compare alors les éléments biométriques contenus dans la carte à ceux qui sont stockés dans la banque de données pour vérifier si la carte n'a pas été altérée. Ainsi, le système pilote permettra-t-il de conclure d'une part que la carte est une carte CANPASS valide et d'autre part que la personne qui l'utilise est son détenteur légitime.

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La machine demande alors si le voyageur a des marchandises dont la valeur dépasse son exemption personnelle, lui dit de suivre la procédure nécessaire et émet une quittance. Le voyageur prend sa quittance et se dirige immédiatement vers la sortie sans devoir être interrogé par un agent. À la sortie, le voyageur remet sa quittance à un préposé, après quoi il sort librement ou alors fait l'objet d'une vérification au hasard. À cet égard, le pourcentage de vérifications dont font l'objet les voyageurs CANPASS est très semblable à celui dont font l'objet les voyageurs qui suivent les voies normales.

La machine peut également coder le reçu pour fin d'examen si le ministère vient à apprendre qu'un voyageur qui était autorisé à utiliser le système ne répond plus aux conditions voulues, mettons parce qu'il a commis une infraction douanière à un autre bureau de douane.

Le projet pilote continue à nous apprendre beaucoup de choses, et il est encore trop tôt pour dire quels changements vont devoir lui être apportés avant qu'il soit parfaitement opérationnel. Ce que nous avons appris en revanche, c'est que l'empreinte digitale comme élément d'identification individuelle est tout à fait utilisable dans ce contexte, et que cette façon de procéder semble fort bien acceptée par les voyageurs désireux de participer au programme.

La carte elle-même a été conçue en fonction des normes de l'OACI. L'Organisation de l'aviation civile internationale a fixé des normes concernant les documents de voyage internationaux. La carte d'aéroport CANPASS n'est pas reconnue comme l'équivalent d'un passeport. Le voyageur est donc obligé de se munir de papiers officiels pour s'identifier.

La carte comporte la photo et la signature du titulaire, ainsi que le nom, le sexe, la nationalité et la date de naissance. On y trouve également le numéro de la carte et sa date d'expiration. Au dos se trouve le champ optique où toutes les données sont encodées.

C'est une technologie semblable à celle du disque compact. Elle permet d'emmagasiner trois mégaoctets de données.

Au bas de la carte se trouve une zone de lecture optique où les données sont emmagasinées dans le format OCRD, qui est semblable au codage spécial de nombreux passeports. Cette technologie permettra d'assurer la compatibilité avec le programme américain INSPASS.

Actuellement, les cartes ne servent qu'à l'accès au kiosque CANPASS. Néanmoins, on a choisi la carte optique de façon à pouvoir répondre à l'avenir aux exigences des autres organismes participants, comme le Bureau des passeports et Citoyenneté et Immigration Canada.

Après analyse des besoins des trois organismes en matière d'emmagasinage de données, on a choisi la technologie optique comme moyen répondant le mieux à nos besoins et on l'a utilisée pour le projet pilote. Les données actuellement emmagasinées dans la partie optique de la carte ne concernent que le programme CANPASS et elles sont toutes encodées. Cependant, les organismes ont convenu que, quand les autres projets seront prêts à être mis en service en utilisant cette technologie commune, les données seront emmagasinées de telle façon que les éléments correspondant aux exigences de tous les programmes, comme le nom et l'adresse, seront présentés selon le même code, de façon que tous les organismes aient accès à cette partie des données.

La présidente: Vous avez dit le nom et l'adresse?

M. MacPherson: Le nom et l'adresse et les éléments essentiels de l'identité. Mais toute information spécifique à un programme particulier, comme celle du programme CANPASS, en l'occurrence les données biométriques des empreintes digitales, sera emmagasinée selon un code connu uniquement de Revenu Canada. De cette façon, les organismes n'auront accès qu'aux données dont ils ont besoin.

La présidente: Pouvez-vous nous dire ce que comprennent les éléments d'identité de base?

M. MacPherson: Ce sont les données exigées par tous les organismes, comme le nom de famille, le prénom, l'adresse, le numéro de téléphone, la date de naissance, la citoyenneté.

La présidente: Le numéro de la carte d'assurance-maladie, le numéro d'assurance sociale, etc....

M. MacPherson: Nous ne demandons pas les numéros d'assurance- maladie ni d'assurance sociale...

La présidente: Est-ce que vous les demandez sur le formulaire?

M. MacPherson: Non.

La présidente: Donc, c'est tout ce que vous appelez les éléments d'identité de base?

M. MacPherson: Je jette un coup d'oeil à la formule de demande...

La présidente: C'est très important pour le comité.

M. MacPherson: Je le comprends.

La présidente: Vous ne demandez pas si le titulaire a un handicap, s'il est malentendant, s'il est en fauteuil roulant?

M. MacPherson: Non.

La présidente: Merci. Continuez.

M. MacPherson: Le programme aéroportuaire CANPASS se poursuit en tant que programme-pilote à l'aéroport international de Vancouver pendant le présent exercice financier. Jusqu'à présent, plus de 1 800 voyageurs s'y sont inscrits et le kiosque a été utilisé plus de 4 000 fois. Nous continuons d'évaluer ce programme pilote et nous pensons déterminer comment l'adapter pour mieux répondre aux besoins de notre clientèle.

.1150

Par ailleurs, nous poursuivons nos entretiens avec nos collègues du service américain de l'immigration et de la naturalisation pour essayer d'harmoniser le programme aéroportuaire CANPASS avec le programme américain INSPASS, dans le souci d'améliorer encore le service à la clientèle.

Je tiens à vous remercier de nous avoir permis de vous fournir cette information.

La présidente: Merci. Peut-être vous posera-t-on des questions sur le droit de consulter et d'analyser rétroactivement l'information fournie sur les formulaires des douanes. C'est une question dont nous avons parlé, en particulier dans le cas des assistés sociaux et des chômeurs.

[Français]

Le prochain intervenant est Mme Micheline McNicoll, s'il vous plaît.

Mme McNicoll: Je vous remercie, madame la présidente.

Bonjour, mesdames et messieurs.

Je voudrais d'abord dire quelques mots au sujet de l'institution du protecteur du citoyen. Nous recevons des plaintes de l'ensemble de la population du Québec concernant des ministères et des organismes gouvernementaux. Nos préoccupations sont de l'ordre de la légalité des décisions autant que de l'équité et de la raisonnabilité des actes de l'administration publique. Nos préoccupations sont aussi de l'ordre de l'accessibilité de l'ensemble des services gouvernementaux, de la transparence de l'administration et de l'imputabilité des fonctionnaires.

La protection de la vie privée au Québec est inscrite dans la Charte des droits et libertés, entre autres dans l'article 5 qui dit que toute personne a droit au respect de sa vie privée, mais nous y incluons également l'article 4 qui parle de la dignité de la personne. C'est surtout à ce titre que le protecteur du citoyen s'intéresse et se mêle au débat sur la vie privée.

Comme vous le savez aussi, car le commissaire à la vie privée au fédéral l'a mentionné dans son dernier rapport, au Québec, nous avons deux lois pour protéger les renseignements personnels. Nous avons la loi qui porte sur l'accès aux documents et la protection des renseignements personnels dans le secteur public, et aussi une loi qui protège les renseignements personnels dans les entreprises privées. Cette loi est en vigueur depuis 1994 et elle a coïncidé avec la révision de notre Code civil. Il est apparu important d'inscrire des normes de respect de la vie privée, surtout des renseignements sur les personnes.

La présidente: Excusez-moi, madame McNicoll. Nous avons eu le plaisir de recevoir le témoignage de M. Pierre-André Comeau. Il était à Bruxelles à ce moment.

Mme McNicoll: Oui.

La présidente: Est-ce que les changements apportés au Code civil touchent les articles 4 et 5?

Mme McNicoll: Eh bien, la Charte des droits et libertés n'est pas le Code civil.

La présidente: Ah, bon.

Mme McNicoll: La Charte des droits et libertés est un texte législatif indépendant qui date de 1975. Le Code civil a été révisé au Québec et nous avons profité de l'occasion pour y inscrire des normes plus précises sur le respect de la vie privée.

La présidente: Merci de ces explications.

Mme McNicoll: Est-ce que cela répond bien à votre question?

La présidente: Oui.

Mme McNicoll: Au Québec, dans le moment, il y a plusieurs projets de cartes. Nous jouons beaucoup aux cartes nous aussi. Il y a d'abord le directeur général des élections qui voudrait que tous les électeurs et les électrices aient une carte d'identité, ce qui faciliterait infiniment son travail, mais aussi assurerait que ce sont bien les bonnes personnes qui votent aux élections. C'est assez minimal.

Il y a aussi un projet, qui revient périodiquement aux cinq ou six ans, d'une carte d'identité nationale pour les citoyens résidant au Québec. Ce débat date déjà de 20 ans. Il y avait déjà des députés qui avaient pensé à un tel projet de loi. À l'époque, le projet ne s'était même pas rendu à la première lecture. Le projet était mort-né.

Il y a constamment de nouveaux besoins d'identification auprès des services gouvernementaux, mais également dans le secteur privé. Ce qu'on observe, c'est qu'on a maintenant des cartes qui ne sont pas des cartes d'identité, mais qui servent à identifier.

.1155

On peut penser au permis de conduire qui est souvent une carte demandée et aussi, chez nous, à la carte d'assurance-maladie, qui a l'avantage d'être toujours liée à une adresse à jour et qui est maintenant munie d'une photo. On se sert abondamment aussi de la carte d'assurance sociale.

Il se tient actuellement au Québec un débat sur la nécessité d'une carte d'identité et, bien sûr, nous n'y échappons pas non plus, d'une carte multiservices, qui correspond un peu au rêve d'intégrer tous les besoins d'identification et toutes les situations possibles, incluant l'admissibilité à des programmes et à des services. Donc, nous en sommes, nous aussi, à réfléchir à toutes les implications de ces cartes.

La carte multiservices, entre autres, est beaucoup liée au développement et au déploiement de l'autoroute électronique, que nous appelons l'inforoute, l'autoroute qui achemine les informations.

C'est un débat qui est éminemment émotif, mais aussi très pratique, très pragmatique et très économique également. Les préoccupations du protecteur du citoyen sont non pas de décider si, oui ou non, nous devrions avoir une carte d'identité au Québec, si, oui ou non, nous devrions avoir une carte d'électeur ou, le comble du bonheur, la carte multiservices, mais de faire en sorte que les citoyens et citoyennes qui sont concernés au premier chef, c'est-à-dire nous tous finalement, participent au débat sur ces questions.

L'attitude du protecteur du citoyen n'est pas paternaliste à l'endroit des citoyens. Nous traitons les citoyens comme des adultes majeurs capables de comprendre des implications sociales, économiques, nationales et internationales, et capables de participer à un débat éclairé sur les questions.

La vision du protecteur du citoyen est plutôt une vision très générale sur les besoins et sur ce qui nous apparaît être la meilleure façon de traiter ces questions dans une société civilisée et démocratique, où toutes les personnes sont égales et ont l'intelligence et la capacité de participer à ces débats.

Nous avons été sollicités, bien sûr, pour donner notre opinion sur ces différents projets, et je vais faire un bref résumé de ce que nous en avons dit.

Toutes les cartes sont des médias de communication, soit avec l'État, soit avec l'entreprise privée. Elles ont toutes en commun de vouloir identifier et de permettre l'admissibilité. Elles veulent toutes simplifier notre vie et faciliter et favoriser une administration efficace. Le rêve que nous décelons un peu partout, c'est l'intégration totale, c'est-à-dire une seule carte qui suffise à tout et qui permette de tout savoir dans toutes les circonstances. Le citoyen et la citoyenne n'ont plus qu'une seule carte et c'est le bonheur.

Parlons des inconvénients. Il ne faut pas se cacher que les cartes facilitent la vie; cela va de soi. Je le dis peut-être avec un peu d'humour, mais il reste que c'est vrai. Les inconvénients potentiels de l'introduction d'une carte ou d'un média de communication, c'est que ce média devient structurant; c'est-à-dire qu'il se développe des systèmes pour l'utiliser, que ce soit un appareil lecteur ou que ce soit l'autoroute de l'information et, peu à peu, il devient obligatoire.

Avec les technologies actuellement à notre disposition, ces cartes deviennent aussi reliées à des bases de données. Ces bases de données sont mises en réseau et elles se parlent; elles communiquent. Le bémol que nous mettons souvent, c'est que oui, la technologie est intéressante et nous en voulons toujours davantage, mais elle n'élimine pas tous les problèmes. Elle n'élimine pas les retards et les erreurs, et lorsqu'une erreur est commise, elle est souvent multipliée à l'infini.

Les problèmes actuels sont réels. Il y a une prolifération des cartes et des détournements de finalité. On utilise la carte d'assurance-maladie pour louer un film au club vidéo. Je ne crois pas que ce soit la situation idéale.

.1200

Les technologies donnent beaucoup de possibilités. Toutefois, une des questions à se poser serait: quels sont nos vrais besoins? Comment allons-nous choisir? Qu'est-ce qui va nous aider à faire les bons choix? On ne peut pas faire un bon choix si on ne connaît pas à fond les besoins réels.

Deuxièmement, il faut connaître les valeurs de nos sociétés, les valeurs que nous voulons protéger, soit l'égalité, la non-discrimination, l'équité et l'accès universel, autant que possible.

Bien sûr, il y a aussi les questions de coûts qui se posent, mais cela est une autre affaire.

Maintenant, qui va choisir? C'est une question qui nous préoccupe énormément. Est-ce que ce seront les lobbys, les fonctionnaires, les députés, ou un apparent melting pot de tout cela? Je dis bien un apparent melting pot de tout cela, parce qu'en réalité, il y a toujours une force qui domine les autres, qu'on appelle souvent la loi du marché. Si on ne veut pas laisser la loi du marché, la loi du plus fort l'emporter, il faut un débat public. C'est ce que le protecteur du citoyen préconise au Québec. C'est la seule véritable solution démocratique.

Cependant, pour tenir un débat public, il faut des mécanismes d'évaluation des technologies. Aujourd'hui, ce comité entend des personnes qui ont des expériences précises dans certains domaines et c'est très précieux. Mais nous devons, comme notre fonction de protecteur du citoyen l'exige, toujours demeurer critiques. Il est évident que si j'ai quelque chose à vendre, je vais vous en faire valoir les meilleurs aspects. Même si j'en fais une analyse, je resterai toujours une personne un peu subjective, ce qui est tout à fait normal.

Il manque nettement un organisme, un peu comme il en existe un aux États-Unis, qui évalue les technologies sur le plan social et sur le plan économique. Ces évaluations ne devraient pas se limiter à émettre un jugement sur un aspect des choses. Il faut des analyses vraiment poussées qui permettent d'entrevoir l'avenir conditionné par un choix technologique plutôt que l'autre.

J'écoutais M. MacPherson de Revenu Canada et Mme Reynolds. Bien sûr, on a mille questions à poser parce que ce qu'on voit, c'est la situation que vous nous présentez. Mais quel en est le potentiel? Quels sont les développements qui en découleront, selon vous? Personne ne le fait.

Au Québec, il y a la Commission d'accès à l'information, que vous avez déjà rencontrée et qui fait un très beau travail. Ils ont déjà produit un document sur la carte d'identité. C'est un document qui est sur Internet. Tout le monde peut le consulter et je l'ai déposé auprès de M. le greffier. Là encore, ce sont des choses qui sont bien mais qui devraient être plus développées.

Voilà pour ce qui est des inconvénients.

Pour ce qui est des cartes à puce, on peut dire en général qu'elles cachent complètement les processus décisionnels et occultent les contenus. Il est beau avoir une petite carte et celle-ci a beau être intelligente, être une smart card, je ne suis pas plus intelligente pour autant; je ne suis pas plus connaissante parce que je la porte avec moi.

Donc, l'inconvénient des cartes à puce, c'est la non-transparence.

La première chose qu'on peut dire au sujet des cartes biométriques, c'est qu'elles renvoient une image culturelle assez lourde. Je suis forcée de constater, par ailleurs, que lorsqu'elles sont utilisées par les bons citoyens inoffensifs, qui peuvent passer plus facilement les douanes, leur utilisation ne comporte pas de vexations. Par contre, si on les utilise pour identifier les assistés sociaux, elles prennent immédiatement une connotation négative et péjorative.

Donc, sur le plan culturel, la première chose à laquelle on doit penser, si on envisage d'utiliser la carte biométrique, c'est bien l'image qu'elle véhicule. Mais on reconnaît aussi que c'est un moyen d'identification permanent, bien plus que la photo. Elle requiert toutefois l'utilisation de divers appareils de lecture. Donc, le titulaire ne peut pas en faire grand-chose. Il ne peut l'utiliser que dans certaines situations. Ce n'est donc pas la solution universelle.

.1205

La présidente: [Inaudible - La rédactrice]

Mme McNicoll: Pas nécessairement; ce peut être discriminatoire.

La présidente: On dit que cela coûte 50$.

Mme McNicoll: Dans ce cas, oui.

Pour ce qui est de la carte d'identité comme telle, je ne répéterai pas ce que j'ai déjà dit, à savoir qu'une carte d'identité, s'il faut en avoir une, devrait d'abord améliorer la situation actuelle et correspondre à de réels besoins d'identification.

Les principes qui doivent nous guider sont d'abord la transparence des institutions émettrices, du processus, du contenu et des utilisations; deuxièmement, le contrôle partagé avec la personne, la codétermination des contenus, la conservation et le partage; la sensibilisation des personnes qui manipulent des données nominatives; enfin, l'intégration des services.

Personnellement, je ne suis pas fataliste. Je pense que nous pouvons nous donner des règles qui créeront pour tous les citoyens et citoyennes des milieux qui respectent les droits et libertés tout en satisfaisant aux impératifs de la vie collective.

Je vous remercie.

La présidente: Je vous en prie, madame. Merci.

[Traduction]

Monsieur George Tomko, s'il vous plaît.

M. Tomko: Merci, madame la présidente.

La fraude se pratique maintenant à grande échelle et constitue un problème économique dans notre société. En fait, la fraude sur l'identité constitue une cause de plus en plus importante de préjudices pour les sociétés et les gouvernements. Pour accéder véritablement à la société électronique et à l'économie numérique, il faut assurer la sécurité d'accès, en particulier pour contrôler la fraude dans le commerce électronique, les transactions financières et les versements de prestations.

Comme nous le savons tous, la biométrie est considérée comme la solution à ces problèmes d'accès. La raison en est bien simple: c'est le chaînon manquant. Des éléments biométriques comme les empreintes digitales, la géométrie de la main, l'image faciale ou l'iris qui entoure la pupille sont les seuls éléments qui permettent de vérifier l'identité officielle, par opposition à un numéro d'identification. Une carte, traditionnelle ou à puce, ne permet pas de le faire. Elle ne permet pas de prouver l'identité de façon incontestable.

Un élément biométrique, qui permet une identification incontestable, constitue une arme à double tranchant, comme l'a indiqué Rita, car on peut se servir de la possibilité de s'identifier dans l'intérêt ou au détriment de la vie privée. Tout dépend de la façon dont cette technologie est utilisée.

Je voudrais vous parler de la menace à la vie privée que constituent les technologies biométriques traditionnelles. Je parlerai ensuite d'une nouvelle technologie canadienne appelée l'encodage biométrique; c'est une technologie de protection de la vie privée qui émousse le deuxième tranchant de l'arme en question.

Pour mettre un terme à la fraude, par exemple dans le domaine des versements de prestations d'assistance sociale ou d'assurance- maladie, on pourrait rassembler dans une base de données centrale les empreintes digitales de tous les prestataires et comparer les empreintes digitales de tous les nouveau requérants à celles qui figurent déjà dans la base de données. On réduirait ainsi la fraude due à l'utilisation d'identités multiples. Cette technique est sûre, mais elle porte atteinte à la vie privée, et je vais vous dire pourquoi.

Supposons que j'aille dans une discothèque et que je laisse mes empreintes digitales sur un verre à vin. Au cours de la même nuit, un crime est commis dans les environs; on relève mes empreintes digitales et on m'identifie grâce à la base de données de l'assurance-maladie. Un peu plus tard, des policiers frappent à ma porte et veulent m'interroger sur ce que je faisais dans cette discothèque. De toute évidence, il s'agit d'une atteinte à ma vie privée.

Évidemment, on peut recourir à la loi pour interdire à la police l'accès à la base de données de l'assurance-maladie. C'est peut-être ce que ferait le gouvernement actuel, mais peut-on être certain que le prochain gouvernement ou le suivant en fera autant? Par ailleurs, le problème de l'accès non autorisé à une base de données comme celle de l'assurance-maladie reste entier. La tentation de se servir d'une telle base de données à d'autres fins est considérable, en particulier si la criminalité et le terrorisme augmentent dans notre société.

Il existe des technologies biométriques numériques qui ne nécessitent pas l'emmagasinage des empreintes digitales. En effet, l'image de l'empreinte est convertie en un numéro exclusif. Dans la plupart des cas, ce numéro ne peut se reconvertir pour former l'image initiale de l'empreinte digitale. Ce qu'on emmagasine dans la base de données centrale grâce à cette technologie, c'est une série de numéros, dont chacun correspond à une empreinte digitale.

.1210

La présidente: Est-ce que vous parlez de numérisation de l'information?

M. Tomko: Oui, on numérise l'information et on utilise un code algorithmique pour obtenir un numéro unique

La présidente: Peut-on reconvertir ce numéro pour trouver l'identité de la personne correspondante?

M. Tomko: De nombreux codes ne permettent pas de revenir à l'information initiale. Mais là n'est pas la question.

La présidente: D'accord.

M. Tomko: Reprenons l'exemple précédent: si la police a accès à un analyseur d'empreintes digitales auxquelles elle soumet les miennes, elle peut obtenir mon numéro exclusif. Et c'est ce qu'il faut, sinon, le système ne fonctionnerait pas. Il n'y aurait aucun progrès, puisqu'on aurait simplement remplacé l'élément d'identification que constitue l'empreinte digitale par un numéro exclusif d'empreintes digitales.

L'empreinte digitale ou sa forme numérisée constitue un équivalent de mon identité réelle, et c'est là que se pose le problème de la protection de la vie privée, puisqu'on transforme l'identité en un équivalent exclusif qui peut être communiqué, comme une empreinte digitale ou un numéro, car, de surcroît, ce numéro biométrique unique qui donne l'identité d'un individu peut être utilisé pour associer toutes sortes d'information à l'individu.

La biométrie traditionnelle d'identification facilite la surveillance et ce qu'on appelle en anglais la «dataveillance», dont on entend beaucoup parler actuellement. C'est là une préoccupation sérieuse, un grand inconvénient dont il faut prendre conscience.

Je voudrais vous décrire le codage biométrique. Encore une fois, le problème de la biométrie traditionnelle est qu'elle permet de faire un lien entre un individu et un numéro exclusif qui l'identifie de façon absolue, beaucoup mieux qu'un numéro d'assurance sociale. Le codage biométrique utilise l'empreinte digitale pour produire un numéro qui n'a plus aucun rapport avec l'empreinte digitale initiale. Dans la base de données de l'assurance-maladie, on pourrait utiliser un numéro comme celui-là pour conserver les empreintes digitales sous forme illisible. Le numéro ne pourrait être décodé que par le doigt correspondant à l'empreinte.

La présidente: C'est bien ce qu'on appelle l'encodage, n'est- ce pas?

M. Tomko: On peut parler d'encodage ou de brouillage. En fait, il s'agit de rendre le numéro illisible à moins d'avoir l'empreinte digitale correspondante. Ce numéro pourrait être, par exemple, le numéro d'identification personnelle de votre carte de guichet automatique, où on pourrait y intégrer une clé d'encodage comme celle que vous stockez sur votre disque dur pour envoyer des messages codés sur Internet. La nature du numéro importe peu. Il est inutile, dans cette procédure, d'emmagasiner les empreintes digitales. Elles n'apparaissent que sur le doigt, et c'est ce qu'il faut. Seul le numéro codé est emmagasiné, et il ne peut être décodé qu'avec la véritable empreinte digitale.

Revenons-en au scénario de l'assurance-maladie. Je n'ai plus besoin de laisser mes empreintes digitales dans une base de données, ni de présenter mes empreintes digitales à un analyseur pour obtenir un numéro exclusif. Avec l'encodage biométrique, mes empreintes digitales servent à produire un numéro codé qui ne permet d'établir aucun rapport avec mon identité. Par conséquent, les empreintes digitales relevées dans la discothèque ne serviraient à rien à la police. Elles ne permettraient pas de retrouver le numéro détenu par l'assurance-maladie, puisque celui- ci n'a plus aucun lien avec mes empreintes digitales. C'est donc un numéro unique qui ne contient aucune information sur moi, qui n'est pas lié à moi.

Cependant - et c'est là que la sécurité intervient - si je sollicite une prestation gouvernementale sous un pseudonyme, on va comparer mes empreintes digitales à celles qui ont été numérisées dans la base de données. Si j'y suis déjà inscrit sous un numéro exclusif, on va décoder ce numéro pour obtenir les renseignements me concernant, ce qui permettra de déterminer si j'ai effectivement essayé de frauder.

L'important, du point de vue de la protection de la vie privée, est qu'on ne peut accéder aux renseignements personnels me concernant que si je consens à présenter mes empreintes digitales. Le système préserve la vie privée d'un individu grâce à des contrôles étroits et spécifiques et il permet de réduire la fraude. On est donc gagnant sur les deux tableaux, et c'est ce que nous essayons de faire.

.1215

Comme je le disais, le codage biométrique est une technologie à confidentialité améliorée qui permet à la personne de contrôler entièrement l'information figurant dans sa base de données, lui donnant la possibilité de choisir quand elle veut s'identifier de façon positive. Je crois qu'une société qui dispose de ces moyens de permettre une identification positive et qui donne à ses citoyens la liberté de choisir si oui ou non ils veulent se servir de ces méthodes de protection de vie privée améliore la protection de la vie privée de chacune et de la société civilisée en général. D'après moi, cette technologie constitue la base technologique de l'autodétermination informationnelle, mais, comme vous le savez sans doute, ceci exige un changement de paradigme, un changement de la façon de penser, parce que nous avons maintenant jusqu'à dix clés de codage au bout de nos doigts, qui servent à protéger notre vie privée.

Il faut que ce soit la loi qui mène et non pas la technologie. Il ne faut pas rédiger la loi en se fondant sur la technologie qui existe à l'heure actuelle. De la nécessité naît l'invention sur le marché libre. Si la loi prévoit qu'il faut faire telle ou telle chose pour protéger notre vie privée, faisons confiance au marché libre et on assistera à la mise au point des solutions technologiques qui permettront à la fois de protéger la vie privée et d'améliorer la sécurité.

Merci beaucoup.

La présidente: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Bernier.

[Français]

M. Bernier: Madame la présidente, j'ai plusieurs questions à poser. Je vais commencer par les plus pointues, les plus techniques.

Monsieur MacPherson, quand vous avez parlé du programme CANPASS, vous avez mentionné un certain nombre de renseignements que les demandeurs doivent fournir pour bénéficier de ce programme. J'aimerais que vous les précisiez à nouveau. Vous avez parlé du nom et du numéro d'assurance sociale. Y en a-t-il d'autres qui doivent être fournis par les demandeurs? Ou encore, allez-vous en chercher d'autres vous-mêmes? Vous avez, en effet, dit que vous vous assuriez que la personne soit un honnête citoyen et qu'elle n'ait pas de dossier judiciaire. Comment faites-vous pour vous assurer que le bénéficiaire du programme CANPASS est un honnête citoyen, qui n'a jamais fraudé le gouvernement et qui n'a pas de dossier judiciaire? J'aimerais que vous me l'expliquiez.

On a aussi parlé de CANPASS et de INSPASS, soit du système américain et du système canadien. Il y a donc échange d'informations. Jusqu'où vont ces échanges? Autrement dit, une fois que les Américains ou bien nous, les Canadiens, avons des informations sur des citoyens américains ou vice versa, jusqu'où peuvent aller ces échanges? Qu'est-ce qu'on peut faire de ces informations? Autrement dit, quels sont les dangers qui existent que des informations personnelles concernant des citoyens canadiens se retrouvent entre les mains de toutes sortes d'organisations ou d'individus dans un autre pays, en l'occurrence les États-Unis?

Je vais d'abord vous laisser répondre à ces deux questions et je vous en poserai d'autres par la suite. J'ai aussi plusieurs questions à poser à Mme McNicoll.

[Traduction]

M. MacPherson: Lorsqu'une personne désire s'inscrire au programme CANPASS, elle doit remplir un formulaire de demande - j'en donnerai un exemplaire au greffier.

Les éléments d'information demandés comprennent le nom, la date de naissance, le sexe, l'adresse, le nom de l'employeur, la profession, les numéros de téléphone à la maison et au bureau, et la citoyenneté. Si la personne n'est pas un citoyen canadien mais réside au Canada, nous lui demandons son statut de résidence permanente ainsi que la date de leur arrivée au Canada. Si la personne est un résident permanent des États-Unis mais pas un citoyen américain, nous lui demandons de déclarer qu'elle est un résident étranger des États-Unis.

.1220

Afin de déterminer si la personne constitue un risque du point de vue de la criminalité ou des douanes et de l'immigration, on lui demande si elle a déjà été déclarée coupable d'une infraction à la Loi sur les douanes ou à la Loi sur l'immigration, ou si elle a déjà été condamnée pour une infraction au Code criminel ou à la loi sur les stupéfiants pour laquelle elle n'a pas été pardonnée, et si la réponse est oui, de fournir les détails.

Dans le cas des non-résidents, nous leur demandons d'indiquer la raison de leur voyage au Canada, et s'il ne s'agit d'un voyage de loisirs, et de fournir au complet l'adresse et le numéro de téléphone au lieu de destination au Canada.

Au verso du formulaire, nous demandons une certification. Le formulaire stipule que certains renseignements inscrits sur la demande, à l'exception des renseignements relatifs aux cartes de crédit, seront communiqués à Citoyenneté et Immigration Canada, au Bureau des passeports du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et à Statistique Canada afin de se conformer aux règlements sur les douanes et l'immigration qui s'appliquent aux personnes qui arrivent au Canada.

Comme je le disais plus tôt, ce formulaire comprend une partie où les personnes désirant importer des marchandises en utilisant la procédure spéciale peuvent indiquer un numéro de carte de crédit valide.

[Français]

M. Bernier: Si je comprends bien, vous prenez la parole des personnes qui remplissent ce formulaire. Si quelqu'un vous dit qu'il n'a jamais eu de problème avec tel ou tel ministère, vous tenez cela pour acquis et ne faites aucune vérification.

[Traduction]

M. MacPherson: Non, monsieur. Dès que nos fonctionnaires reçoivent ces renseignements, ils interrogent le système du Centre d'information de la police canadienne pour déterminer la procédure éventuelle de renseignements au sujet d'une infraction commise par la personne identifiée sur le formulaire.

De plus, nous interrogeons les bases de données relatives à la douane et à l'immigration qui sont mises à notre disposition afin d'établir si des infractions commises par cette personne y sont signalées. Si on ne trouve aucun antécédent de cette nature, on considère qu'il s'agit d'un voyageur honnête, à faible risque et on lui permet de s'inscrire au programme.

[Français]

M. Bernier: Est-ce que la personne est informée des renseignements que vous obtenez à son sujet? Si, par exemple, vous apprenez qu'une personne a eu un casier judiciaire pour fraude à la douane il y a 10, 15 ou 20 ans et que vous refusez son adhésion au programme pour cette raison, est-ce que vous l'informez du motif de votre refus? Autrement dit, est-ce qu'elle saura pourquoi sa demande a été refusée de façon qu'elle puisse confirmer si c'est exact ou non?

[Traduction]

M. MacPherson: J'essaie de me rappeler les détails précis de la lettre de refus. Je ne sais pas si nous précisons les détails à ce moment-là ou si nous nous contentons de dire à ces personnes comment elles pourraient obtenir ces renseignements.

Nous respectons pleinement la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le cadre de nos activités. Les renseignements que nous gardons concernant une personne seraient disponibles, bien entendu, sur présentation d'une demande de ce genre.

[Français]

M. Bernier: Je reviens à ma question sur l'échange d'informations. Ce renseignement que vous avez obtenu sur la personne qui a fraudé les douanes quelques années auparavant peut-il tomber entre les mains de nos partenaires américains?

[Traduction]

M. MacPherson: Nous commençons à peine d'examiner la possibilité de relier les programmes CANPASS et INSPASS. L'une des questions principales qu'il faut examiner est celle de l'échange de renseignements et du volume approprié de données qu'il faut échanger.

À l'heure actuelle, il n'y a aucun lien entre ces programmes. Nous venons de commencer à discuter de cela et nous n'avons pas encore décidé comment traiter les demandes de renseignements provenant de chaque organisme. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'une situation très délicate. Et le gouvernement du Canada, et celui des États-Unis sont très conscients du fait qu'ils ne voudraient pas ouvrir toutes leurs banques de données à d'autres organismes.

Les renseignements que nous recevons sont protégés par la loi. Par conséquent, il faut déterminer comment les renseignements exigés par les organismes pourraient être fournis par les voyageurs qui veulent participer au programme combiné de telle sorte que ces derniers sachent que les renseignements qu'ils ont donnés seront dorénavant disponibles à d'autres organismes.

[Français]

M. Bernier: Vous disiez tout à l'heure n'être pas certain que la lettre de refus comportait les raisons qui ont motivé le refus de lui accorder le privilège de profiter du programme CANPASS. Est-ce qu'il vous serait possible de nous fournir une copie de la lettre type de refus pour qu'on sache exactement quelle information est transmise au demandeur?

.1225

[Traduction]

M. MacPherson: Certainement. Je vais faire en sorte qu'on vous envoie cela.

[Français]

M. Bernier: Me reste-t-il encore du temps, madame la présidente?

La présidente: Vous avez une minute et demie. Ce n'est pas beaucoup.

M. Bernier: Non, ce n'est pas beaucoup. Je vais laisser la parole à mes collègues. Je reviendrai avec d'autres questions pour Mme McNicoll.

La présidente: D'accord. Qui commence du côté du Parti libéral?

[Traduction]

Monsieur Allmand.

M. Allmand: Je veux continuer dans la même veine. La Loi sur l'immigration prévoit des critères de santé et des critères financiers que les immigrants éventuels doivent respecter. En fait, elle exige que les immigrants éventuels prouvent leur viabilité financière et subissent un examen médical. Ces personnes répondent à certaines questions et, par la suite, il faut vérifier si les renseignements qu'ils ont fournis sont exacts, il faut vérifier si elles sont atteintes du VIH ou de l'hépatite, par exemple. Ces personnes ne seront pas admises au pays si elles sont atteintes de certaines maladies ou si elles ne respectent pas d'autres critères.

Il en est de même pour certaines catégories d'immigrants. Les entrepreneurs et les hommes d'affaires, par exemple, doivent indiquer leurs avoirs financiers. On fait des vérifications à ce sujet.

M. MacPherson: Lorsque nous recevons une demande, si nous avons des motifs de croire que la personne ne respecte pas pleinement la Loi sur l'immigration ou ne répond pas tout à fait à ses exigences, nous nous réservons le droit de la faire examiner par un agent d'immigration. C'est exactement ce qu'on fait normalement dans le traitement des voyageurs.

M. Allmand: D'accord. Je veux passer à une autre question.

Il s'agit d'une question d'ordre général... Oh, je vais d'abord poser une question à M. Tomko au sujet de l'encryptage biométrique, de la protection des renseignements personnels et des implications de tout cela. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais d'après ce que vous me dites, il y a toujours des risques malgré l'utilisation des numéros qui ne sont pas liés directement à l'empreinte digitale. Mettons que l'on trouve mes empreintes digitales sur un verre dans un restaurant où un meurtre a eu lieu. La police se sert de ce renseignement, mais elle n'obtient que le numéro, pas le nom de Warren Allmand. Or, je suppose que la police peut toujours s'adresser à l'organisme qui s'occupe de faire le lien entre les numéros et les noms pour l'obtenir. La police ne peut pas l'avoir tout de suite, ni aussi facilement qu'auparavant, mais si je comprends bien, elle peut toujours obtenir mon nom. Ce sera un peu plus compliqué, c'est tout.

M. Tomko: Monsieur Allmand, je dirais que du point du vue technologique, rien n'est impossible. Cependant, je...

M. Allmand: Un bon détective.

La présidente: La réponse à votre question risque d'être très inquiétante. Après tout, il faut que la police obtienne l'information.

M. Tomko: C'est exact. Il faut savoir que rien n'est impossible du point de vue technologique, si on a le temps et l'argent nécessaires. Cependant, si on a trouvé mes empreintes digitales latentes, il serait extrêmement difficile de déterminer mon identité parce que le système qui fait l'encryptage biométrique est un système informatique optique. On ne peut pas mettre des données numériques dans un système optique. Il faut avoir ce qu'on appelle des données analogiques. Il faut avoir des empreintes en trois dimensions, etc. ce qu'on n'a pas avec des empreintes latentes.

Donc, cela ressemble beaucoup à la technologie d'encodage. Il est effectivement possible de découvrir la clé, mais il faudra peut-être 400 ans pour faire toutes les permutations. Voilà le problème.

M. Allmand: Ne pourraient-ils pas se mettre en contact avec ceux qui gardent les renseignements et apprendre ainsi l'identité sans avoir à faire un autre décodage? Autrement dit, la police...

Une voix: Ils ne peuvent pas obtenir le chiffre.

M. Tomko: Ils ne peuvent pas obtenir le chiffre parce qu'en fait, c'est un chiffre aléatoire... Par exemple, si je veux déguiser ce chiffre, l'ordinateur peut prendre ce morceau de papier, le déchirer pour en faire des centaines de morceaux et ensuite les laisser tomber. L'emplacement de chaque morceau de papier...

M. Allmand: Cette réunion est télédiffusée. On est en train de vous filmer.

M. Tomko: ...varie selon mon empreinte. Par conséquent, vous ne pouvez pas la reconstituer.

La présidente: L'appareil peut-il le faire?

M. Allmand: Alors je vais passer à...

M. Tomko: Voulez-vous me rendre mon papier, s'il vous plaît?

M. Allmand: Appuyez sur un bouton, vous en aurez un autre exemplaire.

J'ai une autre question pour vous, monsieur Tomko. Ce que je crains, ce n'est pas tellement que cette information biométrique soit utilisée par le gouvernement - il existe des mécanismes de contrôle importants et des débats en comité - mais par certains éléments du secteur privé comme les journalistes, les agences de crédit et les détectives privés.

.1230

Les journalistes en Europe utilisent toutes sortes de techniques pour surprendre les activités de la princesse Diana. Il y a quelques semaines, j'ai donné au comité l'exemple de mon expérience personnelle il y a sept ou huit ans quand j'ai demandé un crédit et que j'ai découvert que mon dossier contenait un renseignement totalement faux. Cela faisait longtemps que j'avais remboursé cette dette, mais elle continuait à figurer sur mon dossier.

Est-ce que les détectives privés, les journalistes, surtout ceux de la presse à sensation, et les agences de crédit pourraient utiliser cette information biométrique et l'incorporer à leurs dossiers? Même un organisme légitime comme le gouvernement pourrait demander des renseignements au sujet d'un tel ou d'une telle puisque tout est maintenant exécuté par des organismes extérieurs. L'agence de détectives, l'agence de crédit et même les journalistes pourraient avoir toutes sortes de choses compromettantes ou fausses à votre sujet qui finiraient par s'introduire dans le système. Alors malgré tous nos mécanismes de contrôle au niveau du gouvernement, qu'il s'agisse de Toronto, du gouvernement fédéral ou du gouvernement du Québec, ces gens auraient toute la latitude voulue pour recueillir les renseignements qui les intéressent.

Est-ce qu'ils seraient en mesure de le faire ou non? Je me pose la question.

M. Tomko: Concernant cet aspect de la vie privée, monsieur Allmand, la façon de protéger ces renseignements est de supprimer l'identité personnelle dans les bases de données. S'il s'agit d'une base de données qui comporte des renseignements sur le crédit ou la santé ou d'autres questions sensibles, nous enlevons votre nom pour le séparer des renseignements en question et nous utilisons la configuration de votre empreinte digitale afin d'encoder un dispositif de pointage, c'est seulement votre empreinte digitale qui permet de débloquer le dispositif afin d'avoir accès à ces renseignements.

Grâce à cette technique, c'est vous qui décidez comment on peut utiliser les renseignements qui vous concernent. La bonne technologie permet de faire ce genre de choses et c'est ce que nous devons commencer à faire afin de protéger la vie privée. Il faut donc désidentifier les bases de données, autrement les craintes que vous avez exprimées vont se réaliser.

M. Allmand: Les gens vont se voir refuser des emplois ou un prêt...

M. Tomko: C'est exact.

M. Allmand: ...s'il y a des renseignements faux.

Nous avons entendu le témoignage d'une dame de la fondation de la fibrose kystique. Elle a fait remarquer que cette maladie est transmise génétiquement par un parent mais que le degré peut varier. Il est possible d'être en bonne santé même en ayant les gênes de la fibrose kystique, mais malgré cela, on pourrait se voir refuser une police d'assurance, par exemple, ou bien d'autres choses.

C'est une très bonne recommandation. Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Allmand.

Est-ce vous qui avez perfectionné cette technologie?

M. Tomko: C'est un peu comme un parent qui se vante de son enfant. Je ne suis pas ici pour faire la promotion de ma société, mais oui, c'est nous.

La présidente: Alors chez vous, c'est un milieu sûr.

Sharon, s'il vous plaît.

Mme Hayes: Merci, madame la présidente.

C'est très intéressant. J'ai quelques questions à vous poser et je vous écouterai ensuite avec beaucoup d'attention.

D'abord, vous avez mentionné que le système CANPASS est utilisé aux États-Unis d'une façon semblable. Quels sont les droits d'inscription pour quelqu'un qui s'y intéresse? Je ne sais pas si on l'a mentionné. Dans quels autres pays que les États-Unis et le Canada ce service existe-t-il?

Quant au contrôle pour vérifier le respect des dispositions, quelle est la fréquence des contrôles aléatoires et quels en sont les résultats? Est-ce qu'on essaie de contourner le système ou est- ce que cette méthode fonctionne bien?

Quant à la protection des renseignements utilisés dans ce système, vous avez mentionné que les différents ministères vont peut-être utiliser les parties cryptées seulement. Que pensez-vous de la sécurité de ce système? Je sais que dans le cas de l'Internet, dès qu'il y a un nouveau logiciel pour combattre les virus, dans la semaine qui suit, il y a un virus qui réussit à déjouer le logiciel. Chaque technologie engendre elle-même une nouvelle technologie plus rapide qui la déjoue. Pensez-vous que ce projet pilote mènera à l'adoption d'un système obligatoire de ce type pour toutes les formalités des douanes et de l'immigration?

.1235

M. MacPherson: Au sujet de la question des droits, nous faisons payer des droits annuels de 50$ pour le programme CANPASS. Ce programme est offert par le gouvernement canadien uniquement au Canada. C'est notre programme. Le service d'immigration des États- Unis a un programme semblable appelé INSPASS. À ma connaissance, il n'y a que nos deux pays qui utilisent actuellement cette technologie pour faciliter les formalités à la frontière. Mais nous participons à un groupe informel qui se réunit de temps à autre pour parler de normes et de différentes procédures. Je sais qu'il y a plusieurs pays européens qui envisagent des programmes semblables. À ma connaissance, aucun autre pays que le Canada et les États-Unis n'a instauré ce programme pour les formalités de douanes.

Quant au nombre de contrôles destinés à vérifier le respect de la loi, le taux pour le programme CANPASS est à peu près le même que pour les voyageurs qui passent par les voies normales. Au fil des ans, nous avons constaté que la plupart des gens qui passent par les douanes et les contrôles d'immigration sont en règle. Il faut donc faire un choix aléatoire pour s'assurer que les voyageurs continuent à respecter les lois et nous faisons parfois des vérifications spéciales conformément aux exigences de notre système. Jusqu'à maintenant, malgré tous nos efforts, nous n'avons pas découvert de gens qui cherchent à profiter de ce programme afin de contourner les exigences en matière de douanes ou d'immigration.

Même si je n'ai pas de détails, je sais qu'on a pris au moins une personne en train de tricher. Il s'agissait de quelqu'un qui était inscrit à ce programme. En fait, cette personne avait décidé d'utiliser le processus normal afin de tricher et quand nous l'avons attrapée, nous avons découvert qu'elle était membre du programme CANPASS. Sa carte de membre a été révoquée, car, ayant commis une infraction, elle n'était plus admissible au programme.

Mme Hayes: Y a-t-il environ une personne sur mille qui fait l'objet d'une vérification? Vous avez mentionné que ces gens passent par une barrière automatique, alors il n'y a pas de personnel. Comment faire sortir la personne de la queue ou est-ce que cela se passe comme ça?

M. MacPherson: Le reçu qui est donné au voyageur porte un numéro codé. Ce numéro a un sens pour l'agent qui tamponne le document de sortie de la douane. C'est semblable à la pratique que nous suivons dans les circonstances normales où l'agent inscrit un code sur la carte. Chaque jour, nous changeons un chiffre du code et un certain chiffre du code indique à l'agent à la sortie que la personne doit faire l'objet d'une autre vérification avant d'être autorisée à quitter les lieux.

Le code pourrait indiquer quelque chose de très banal, par exemple, que le voyageur a déclaré qu'il importait un sac de pommes d'Europe et qu'il faut donc une vérification du ministère de l'Agriculture avant qu'il reçoive l'autorisation de partir. Ou bien le code pourrait signifier que l'agent a certains doutes concernant l'honnêteté de la personne. Nous avons utilisé le même système dans nos kiosques; il s'agit d'ajouter un numéro spécial. Le kiosque va automatiquement générer le code qui donne lieu à une sélection aléatoire.

Mme Hayes: Pensez-vous que cette façon de faire sera instaurée comme système obligatoire?

M. MacPherson: Nous n'envisageons pas l'instauration de ce programme comme système obligatoire. Il s'agit d'un programme tout à fait facultatif permettant aux gens de remplir autrement leurs formalités de douanes et d'immigration tout en facilitant les choses. Puisqu'il faut faire une vérification d'antécédents plus détaillée que le contrôle normal que nous effectuons pour un voyageur qui arrive à l'aéroport, cela coûte cher au ministère. C'est la raison pour laquelle nous faisons payer des droits de 50$; il s'agit de récupérer une partie de ces coûts.

Si ce programme devenait obligatoire, cela nous obligerait à faire payer aux gens le droit d'entrer au Canada. Je ne pense pas que cela soit acceptable à qui que ce soit et c'est pour cette raison que je ne prévois pas que le ministère vende le programme CANPASS comme système obligatoire. Cela ne deviendra pas notre service de base, mais sera toujours facultatif, à mon avis.

.1240

Mme Hayes: On n'a pas encore parlé ce matin de la responsabilité concernant l'intrusion non autorisée dans la vie privée de quelqu'un. Contrairement à mon collègue, je m'inquiète de l'utilisation abusive des renseignements personnels non seulement par le secteur privé mais aussi au sein du gouvernement; je crois que les deux peuvent créer un problème.

Je pourrais peut-être vous poser la question, monsieur Tomko, car votre exposé m'a beaucoup intéressée. Si je comprends bien, vous voulez protéger la vie privée en ajoutant une autre étape qui crée une certaine protection. Même là, comme vous l'avez dit, avec un peu de temps et d'effort, il est possible qu'on arrive à déjouer cette nouvelle protection, grâce peut-être à une empreinte digitale. Il y aura peut-être moyen de créer un codage à deux dimensions qui pourrait envoyer, par exemple, une photo d'une empreinte digitale, ce qui permettrait de relier les deux.

Comment pensez-vous que nous devrions régler la question de la responsabilité relativement aux renseignements ou à l'utilisation abusive des renseignements, par l'entremise d'une loi ou d'une autre façon?

M. Tomko: L'Association canadienne des normes vient de publier un code concernant la vie privée inspiré des directives de l'OCDE. Je pense que c'est une très bonne base pour envisager une loi qui s'applique tant au secteur privé qu'au secteur public.

Je pense que vous avez mentionné la possibilité de déjouer la technologie visant à protéger la vie privée. Évidemment que c'est possible, car la protection de la vie privée ressemble à la sécurité, il y a différents degrés. Chaque nouvel échelon va exiger de plus en plus d'efforts, mais avec suffisamment de temps et de ressources, on peut surmonter l'obstacle. Je ne pense cependant pas que c'est là la question. La technologie va progresser régulièrement et chaque technologie nouvelle est si rapidement dépassée que cela n'a plus d'importance.

À mon avis, la véritable question est de savoir quel genre de politiques publiques nous voulons instaurer afin d'inciter en douceur - je ne voudrais pas parler de coercition - les entreprises privées à utiliser des technologies qui protègent la vie privée, pour éviter le genre de choses dont parlait M. Allmand, c'est-à-dire l'utilisation abusive d'information génétique, médicale, etc..

Mme Hayes: Vous dites donc que le gouvernement devrait envisager de prendre des mesures de coercition...

M. Tomko: Non, pas du tout. Je ne préconiserais jamais des mesures de coercition. Ma mère se retournerait dans sa tombe.

La présidente: Voudriez-vous terminer votre intervention pour que nous puissions passer au prochain témoin?

M. Tomko: Certainement. Je ne suis pas en faveur de mesures de coercition. J'estime que nous pouvons adopter des lois qui donnent des directives concernant l'utilisation de la technologie qui renforce la protection de la vie privée.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Godfrey.

M. Godfrey: J'ai quelques questions d'ordre plutôt technique.

D'abord, est-il préférable d'avoir une seule carte ou plusieurs? Je viens d'inspecter le contenu de mon portefeuille et j'ai été horrifié de constater que j'ai 32 cartes de diverses sortes. Il y a des cartes de clubs de livres, de clubs de vidéo et, parmi les cartes les plus courantes, ma carte de santé de l'Ontario, mon permis de conduire et ma carte de crédit.

Évidemment ce serait un peu moins lourd si je pouvais réduire le nombre de ces cartes. Mais, du point de vue de la vie privée, est-il préférable d'avoir des cartes séparées pour éviter certains recoupements auxquels je ne tiens pas particulièrement? D'après ce que j'ai compris de M. MacPherson, l'état actuel de la technologie permet d'avoir certaines fonctions séparées dans une carte auxquelles seulement certains ont accès. Alors, il serait possible d'avoir le même résultat avec une seule carte, ce qui est d'une certaine façon aussi sécuritaire que si j'en avais deux. Ou est-ce qu'il y a toujours le danger qu'un méchant pourrait me faire quelque chose? Voilà donc ma première question.

.1245

M. MacPherson: Je devrais commencer en disant que je ne suis pas du tout expert en matière de technologie des cartes et je ne voudrais parler de tout un éventail de technologies. Mais, parmi les choix que nous avons faits pour la carte que le gouvernement du Canada émet pour les voyageurs, nous avons examiné différentes sortes de supports, et plusieurs sortes de technologies: les bandes magnétiques, la puce intégrée, etc.. La raison pour laquelle nous avons choisi cette technologie optique est qu'elle nous donnait la capacité voulue pour entreposer les données dont les agences pensaient avoir besoin pour remplir leur mandat tout en nous permettant de séparer les données de façon à respecter nos exigences concernant la protection de la vie privée.

Je ne sais pas si quelqu'un d'autre pourrait ajouter des renseignements.

La présidente: On pourrait peut-être demander l'avis de nos deux autres témoins, surtout Rita Reynolds, qui a examiné tous ces aspects. Je sais que vous avez dû quitter la salle, à cause de vos fonctions de secrétaire parlementaire, pour régler quelque chose ailleurs, alors vous avez peut-être raté leur exposé.

M. Godfrey: Non, j'étais présent à ce moment-là. Je suppose que, sur le plan technologique, il faut en quelque sorte se poser la question: vaut-il mieux avoir deux cartes ou une carte?

Mme Reynolds: Il s'agit de savoir quel genre de protection peut être incorporé à chacune de ces cartes.

M. Godfrey: Exactement.

Mme Reynolds: Il est certainement possible d'encoder des renseignements sur une carte et de créer pour ainsi dire deux bases de données séparées; ainsi, si c'est pour une question de santé, l'établissement aurait accès seulement à cette partie des renseignements. Idéalement il faudrait aussi établir un lien avec l'information biométrique de sorte qu'il faudrait la carte et la personne pour avoir accès aux renseignements.

M. Godfrey: Je voudrais bien comprendre cette question d'encodage; c'est prometteur, mais cela pose aussi un défi. Est-ce que c'est comme si je prenais ma carte bancaire pour aller choisir mon numéro d'identification personnel? Alors je présente ma carte et mon doigt en disant que c'est l'équivalent de mon numéro d'identification personnel, sur quoi j'exerce un contrôle exclusif, et j'établis ainsi cette correspondance, et voilà tout. C'est bien ça, n'est-ce pas?

M. Tomko: Oui. Mais il y a une étape intermédiaire. C'est comme si vous choisissiez un numéro d'identification personnel et que ce numéro serve pour brouiller l'information.

M. Godfrey: D'accord.

M. Tomko: Cela veut dire que l'information sur votre carte est toujours déguisée. Si vous perdez la carte, ou si elle est volée, l'information ne peut pas être lue par quelqu'un d'autre sans votre autorisation, et votre autorisation, c'est votre empreinte digitale.

M. Godfrey: Mais, il y a un processus de sélection comme celui du numéro d'identification personnelle. Personne ne regarde par- dessus mon épaule, personne ne me surveille.

M. Tomko: On ne peut pas avoir les deux. Vous pouvez choisir votre propre NIP, comme pour les guichets automatiques bancaires, ou bien, si vous voulez une carte qui sera votre propre base de données privée et portative, le système choisira une clé de cryptage qui sera déguisée par votre empreinte digitale. La clé de cryptage encodera l'information sur la carte. Cela veut dire qu'en effet votre empreinte digitale sera la clé donnant accès à l'information contenue dans la carte. Sur le plan technologique, cela est déjà possible.

M. Godfrey: Je comprends.

Est-ce qu'une photo en elle-même constitue une forme d'information biométrique, par exemple quand je la regarde, quand je me demande si c'est moi - j'espère bien que non? Est-ce qu'une photo en elle-même, sans le cryptage et sans les ordinateurs, constitue déjà de une forme primitive d'information biométrique?

Mme Reynolds: Oui.

M. Godfrey: Bon.

Ma dernière question est celle-ci: Est-ce qu'un de vous trois voit un problème avec cette technologie? Est-ce qu'il y a quelque chose que vous aimeriez critiquer ou nous signaler particulièrement?

Mme Reynolds: Pour ce qui est du cryptage?

M. Godfrey: Oui.

Mme Reynolds: Non. Le cryptage est peut-être la seule chose qui permet au gouvernement de considérer une telle utilisation de l'information biométrique. Les faiblesses de notre système d'identification sont déjà assez bien connues. Mais sans la technologie de cryptage, on ferait mieux de ne rien y changer. Étant donné les bases de données qui sont crées chaque jour, le potentiel d'une invasion massive de la vie privée existe, et le cryptage est peut-être une des meilleures façons qu'on ait trouvé dans la dernière décennie de protéger le public contre une telle invasion.

[Français]

La présidente: Madame McNicoll, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme McNicoll: Oui, s'il vous plaît. D'un point de vue général, on peut dire que c'est un mythe de penser qu'on aurait une carte qui pourrait contenir tous les renseignements. La prolifération des cartes n'est pas non plus le plus grand fléau sur terre.

.1250

D'un point de vue très pratique, selon un vieux proverbe, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Si vous perdez cette carte unique qui contient tout sur votre vie, sur votre identité, tous vos renseignements, quel drame! Et pour celui ou celle qui la trouve, quelle chance!

La présidente: Sauf si ses empreintes ne concordent pas.

Mme McNicoll: Peut-être, mais qui sait. Il y a des génies partout, aussi bien pour concevoir les systèmes que pour les contourner.

Ce qui est plus délicat, quand on pense à une carte multiservices, c'est la superposition de fonctions différentes. Qu'il y ait beaucoup d'information dans une même base de données, cela pourrait être acceptable. Ce n'est pas là que réside le véritable danger. Le véritable danger réside dans la multiplication des fonctions et des usages, autant la prestation de services que la surveillance, le contrôle, la vérification, les statistiques ou n'importe quoi. La sagesse populaire veut peut-être qu'on laisse certaines cartes à la maison quand on en a 35 ou 15. La fois suivante, on en laisse d'autres. Il faudrait voir quelle est la façon la plus rationnelle de juger toute l'affaire. Je dois dire que pour moi, personnellement et en tant que citoyenne, la carte unique ne fait pas partie de mes rêves.

La présidente: Madame McNicoll, je vais vous poser une petite question et ensuite nous reviendrons à vous, Maurice.

[Traduction]

J'aimerais souligner que le commissaire à la protection de la vie privée...

[Français]

M. Phillips, dans son rapport annuel de 1993-1994, a exprimé son opposition à l'introduction de cartes à multiples fonctions. Il a dit:

[Traduction]

Nous avons déjà dit qu'on peut avoir une société parfaite et un système de contrôle parfait, mais ce n'est pas comme ça qu'on aura la démocratie dont nous rêvons tous. Donc, pour répondre aux questions de M. Godfrey... Écoutez, vous étiez président du comité culturel. Vous savez très bien qu'on est passé de l'analogue au numérique. Mais M. Bernier, M. Allmand et M. Godfrey ont exprimé de graves préoccupations à ce sujet-là. Avez-vous quelque chose à ajouter?

Geoff, vous aviez une question à ce sujet.

M. Regan: Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, étant seulement de passage à ce comité, j'aimerais vous féliciter. Je suis heureux de voir que vous travaillez sur cette question tellement importante.

J'ai des questions sur deux considérations différentes. J'aimerais savoir comment on utilise les cartes CANPASS et si leur utilisation est très répandue. Combien de Canadiens utilisent des cartes CANPASS en ce moment? Cette première question est pour M. MacPherson et M. Tomko.

Ma deuxième question porte sur la sécurité. Quel est le risque que des gens se servent de leur ordinateur pour pénétrer frauduleusement dans le système, le modifiant et vous causant des problèmes quand vous utilisez vos empreintes digitales?

[Français]

La présidente: Voulez-vous poser votre question, Maurice?

M. Bernier: Non, je vais le laisser répondre, parce qu'il s'agit d'autre chose.

La présidente: Allez-y, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. MacPherson: En ce moment, il y a 1 800 personnes inscrites au programme CANPASS et qui utilisent des cartes.

.1255

M. Tomko: Pour ce qui est des gens qui se serviraient d'un ordinateur - et je suppose que vous voulez dire qu'ils le feraient à distance - ils n'ont aucun moyen de pénétrer la partie optique de la programmation en ce moment. Mais une fois que le chiffre n'est plus déguisé, une fois qu'il est sous forme numérique, ils pourraient y avoir accès. Pour se protéger contre cela, il faudra appliquer de bonnes pratiques de sécurité dans les méthodes de cryptage.

La présidente: Monsieur Bélanger... pardon, monsieur Bernier.

[Français]

M. Bernier: Ne changez pas mon nom, madame la présidente ou je serai obligé de sortir mes cartes.

Je ne sais pas combien il nous reste de temps. Nous devons terminer vers 13 h. Peut-être pourrait-on prolonger un peu la séance?

La présidente: Un peu, oui.

M. Bernier: J'adresse ma question à Mme McNicoll, mais si les autres participants veulent aussi faire un commentaire, je n'y vois pas d'objection. Vous me permettrez d'abord de passer un court message publicitaire, un peu chauvin mais tout de même intéressant.

Le protecteur du citoyen a accordé une entrevue à la revue L'actualité en décembre 1996, dans laquelle il traitait des questions dont nous débattons depuis déjà quelque temps. À mon sens, il y soutient un point de vue très intéressant, que Mme McNicoll a expliqué et développé dans son introduction. Le point que je veux relever dans cette entrevue, c'est la nécessité d'un débat public.

Je pense que Mme McNicoll sait exactement ce que notre comité veut faire; avant de s'orienter vers l'exigence d'un plus grand nombre de lois et de règlements, le comité aimerait bien savoir ce que nos concitoyens et concitoyennes de tout le pays, au Québec comme dans le reste du Canada, pensent de l'application de ces nouvelles technologies et de leur impact sur leur propre vie.

Il y a des débats fondamentaux à tenir. Je prends un exemple autour duquel je bâtirai ma question. M. Tomko, dans son introduction, a parlé de la nécessité d'avoir des contrôles biométriques pour éviter la fraude. Pour en revenir à l'entrevue accordée par le protecteur du citoyen à L'actualité, l'intervieweur lui rappelait une déclaration qu'il avait faite quelques années auparavant, à savoir que le gouvernement, ou la société en général, avait toujours l'impression que la moitié de la population cherchait à tromper l'autre moitié. Cette attitude expliquerait qu'on veuille instaurer toutes sortes de mesures pour contrecarrer un tel phénomène.

C'est un débat fondamental. Prenons l'exemple du ministère du Revenu. Le protecteur du citoyen a rappelé à juste titre qu'en ce qui a trait à la déclaration des revenus, le principe de base était de présumer de la bonne foi des citoyens. On ne présume pas qu'ils sont en train de frauder le gouvernement; on présume de leur bonne foi.

Le protecteur du citoyen a ajouté un commentaire que je vais lire parce que ce sera à l'avantage de tout le monde. Il dit:

Mais les menaces à la vie privée, ce n'est pas tellement la technologie de l'information qui les crée. Ce qui est en jeu, c'est l'État-providence. Si je veux tirer profit de la multitude de services offerts par l'État, je dois renoncer en partie à ma vie privée, parce qu'on va me demander mon adresse, mon nom, mon numéro d'assurance sociale, une foule de renseignements dont le gouvernement a besoin pour contrer les abus. Je me trouve dans une situation de débiteur vis-à-vis de l'État: j'ai des droits, mais, pour pouvoir les exercer, je dois donner les renseignements nécessaires à l'application des programmes.

Vous avez dit plus tôt que les questions qu'il faut soulever concernent entre autres ceux qui auront à faire les choix pour la mise en application de toutes ces mesures, dont les nouvelles cartes. Vous avez parlé du gouvernement, de l'entreprise privée ou d'une espèce d'être informe qui viendrait répondre à ces besoins.

J'aimerais terminer nos échanges sur ce point important. J'aimerais que vous nous disiez qui, dans notre société, doit être aux aguets et intervenir pour s'assurer qu'on va éviter les intrusions dans nos vies privées pour toutes sortes de bonnes raisons.

.1300

La présidente: Est-ce que je peux ajouter un complément aux questions que M. Bernier vous pose? Vous avez dit que la société en général pourrait maintenant participer au débat en y apportant un point de vue éclairé.

Pour ma part, j'aimerais bien partager votre avis, madame. Ce que nous avons appris autour de cette table au cours des six ou sept rencontres que nous avons déjà eues nous a tous laissés bouche bée quant aux informations elles-mêmes et à la vitesse des changements qui approchent et touchent notre vie quotidienne. Pouvez-vous prendre cela en compte quand vous répondrez à mon collègue, M. Bernier?

Mme McNicoll: C'est une question d'un million de dollars qui nécessiterait des investissements. Elle nécessite des investissements humains pour commencer. Qui doit prendre la décision? Je pense que des questions aussi fondamentales que l'introduction de technologies à potentiel liberticide ou négatif en regard des droits et libertés, qui ont aussi d'immenses implications économiques futures parce que les infrastructures mises en place pour ces technologies nous engagent pour longtemps, ne doivent surtout pas revenir à une poignée de d'experts qui voudraient notre bien.

Les citoyens en général doivent être informés. Ce n'est pas un rêve, cela non plus. Il y a 15 ans, un sondage avait révélé que les préoccupations concernant la vie privée arrivaient au 33e rang environ au Canada. En 1992 ou 1993, un sondage effectué par Equifax Canada Inc. révélait que ces préoccupations occupent maintenant le 3e ou le 4e rang. Cela veut dire qu'il se répand de l'information et que les citoyens sont de plus en plus sensibilisés à la question.

Évidemment, placés devant des technologies compliquées, les citoyens ont besoin, sur le plan local aussi bien que national, de mécanismes d'évaluation sociale qui vont servir à les informer.

D'après moi, cela doit passer par une population bien informée, ce qui est difficile à réaliser. Vous l'avez bien vu et vous le voyez bien. Sans exiger que tout le monde devienne expert, il faut que des institutions ou des porte-parole privés ou gouvernementaux donnent l'heure juste sur l'ensemble de ces technologies.

Aujourd'hui, certaines personnes nous ont parlé de certaines technologies. Il serait intéressant que des réflexions mènent à une synthèse de toutes ces choses, en démystifient certaines tout en montrant les bons côtés de certaines autres.

Chose certaine, on manque atrocement d'organismes indépendants, vraiment indépendants, qui disposent des ressources scientifiques et humaines nécessaires pour donner cette information et pour faire des évaluations économiques véritables des orientations qui sont prises quand, par exemple, le gouvernement dit qu'il doit couper dans les services, etc..

Le vérificateur général du Québec vient de faire des déclarations assez troublantes à propos de pratiques que l'on a et dont on ne sait absolument pas si elles sont rentables économiquement parlant. À côté de ça, on nous propose des technologies miracles qui devraient solutionner tous nos problèmes sans nous en faire connaître les véritables coûts. On dit bravo à la technologie parce qu'en général, elle améliore notre qualité de vie. Les heures d'ouverture sont plus longues. On peut aller au guichet automatique. On peut faire des tas de choses. C'est vrai que ça peut simplifier notre vie, mais à quel prix?

Le grand danger contre lequel il faut mettre tous nos concitoyens et concitoyennes en garde, c'est celui de croire que, parce qu'on nous offre de nous faciliter la vie, c'est nécessairement un cadeau. Il faut y penser à deux fois. Cela m'est égal d'avoir 15 cartes si j'ai encore un peu de contrôle. Si je n'en ai qu'une, ma vie en sera peut-être facilitée, mais à quel prix?

La présidente: La toile de fond est le consentement, la connaissance de cause...

Mme McNicoll: Oui.

La présidente: ...et le droit de répondre oui ou non, de refuser.

Mme McNicoll: Je n'ai pas très bien compris. Ah, oui, que les citoyens aient le droit de dire oui ou non.

La présidente: Oui, exactement.

.1305

Mme McNicoll: Mais ils doivent savoir à quoi ils disent oui ou non.

La présidente: C'est exact.

Mme McNicoll: Parfois je peux consentir si on m'offre un beau cadeau, mais quel est le prix à payer?

La présidente: C'est comme quand je ne lis pas le texte en petits caractères avec une loupe.

M. Bernier: Madame la présidente, si vous me le permettez, avant que je ne cède la parole à mes collègues, il y avait un humoriste au Québec, il y a quelques années, qui avait présenté la devise du ministère du Revenu comme étant: «On veut votre bien et on va l'avoir». On devrait avoir cela en tête quand on laisse tout le monde s'occuper de nos vies.

Mme McNicoll: Il ne faut pas sous-estimer la capacité de toute personne de comprendre les vrais enjeux quand ils sont exposés clairement et honnêtement.

[Traduction]

La présidente: Mme Hayes, je vous en prie.

Mme Hayes: Mes préoccupations sont plus ou moins les mêmes que celles de mon collègue qui vient de poser une question. Nous avons entendu un très bon exemple, et j'aimerais que Mme Reynolds ajoute un commentaire.

Comme exemple, vous avez parlé des caméras de surveillance et du fait que les municipalités ou d'autres organismes ont décidé de ne pas partager l'information avec les forces de l'ordre. Êtes-vous à l'aise avec une telle mesure? Cet exemple montre qui décide jusqu'à quel niveau l'information sera partagée.

Mme Reynolds: Tout ce que je peux faire, c'est répéter un commentaire fait par un membre de mon personnel après ces discussions. Ce qui préoccupait cette personne était que c'était seulement de moi que dépendait la réalisation de cette surveillance électronique.

La législation relative à la protection de la vie privée est une bonne structure, mais essentiellement, elle représente une codification des valeurs sociales. C'est ça le problème. La législation, ce n'est pas les valeurs. Chaque personne a donc la responsabilité d'appliquer ces principes et de les soutenir. Il serait utile de renforcer cette législation et aussi de renforcer l'autorité des commissaires à la protection de la vie privée et de l'information au Canada.

À présent en Ontario, le commissaire à la protection de la vie privée est habilité à émettre des ordonnances portant sur l'accès. Il ne peut pas émettre des ordonnances portant sur la vie privée. Il y a très peu de pénalités s'appliquant aux atteintes à la vie privée. La plus grande pénalité est de se retrouver dans une situation gênante, mais cela ne suffit pas. Il devrait y avoir de vraies pénalités prévues par la loi en cas d'atteinte à la vie privée, surtout avec la surveillance électronique... Mais il y a toujours quelqu'un qui invoquera une disposition peu connue de je ne sais quelle loi pour justifier de faire cela aujourd'hui dans telle ou telle circonstance.

Il faut que le Code criminel soit très clair sur la question, surtout pour ce qui est de la surveillance électronique. Il faut clarifier ce qui est permis et ce qui n'est pas permis. Moi, j'ai simplement décidé que, si la police n'avait pas de mandat, c'est nous qui garderions le contrôle des caméras. Bien sÛr, la manifestation s'est très bien passée et il n'y pas eu d'incidents.

Vous devez comprendre que les policiers ont une très lourde responsabilité en matière de sécurité publique. Quand il y a des incidents, nous sommes les premiers à leur demander, «Mais où étiez-vous?» Si on ne veut pas se retrouver avec un agent de la paix à chaque coin de rue, il faut reconnaître qu'il y a là deux intérêts qui s'opposent, et que la police voudra obtenir autant d'informations que possible pour protéger la sécurité du public. Par contre, il faut aussi que la loi assure une protection efficace contre ce genre d'intervention.

La présidente: C'est une des raisons pour lesquelles ce comité, le Comité des droits de la personne... D'ailleurs, aujourd'hui, c'est une journée très spéciale dans l'histoire du comité, c'est la Journée internationale des droits de la personne. C'est aujourd'hui qu'on célèbre la Déclaration Universelle des droits de l'homme, et n'oublions pas qu'un Canadien a eu un rôle très important dans la rédaction de cette déclaration.

Étant donné la nature des échanges d'aujourd'hui, il faut se demander jusqu'où on étend la portée de ce que, il y a 25 ans, on aurait considéré les droits à la vie privée et des droits à la vie privée que l'on considère aujourd'hui comme méritant d'être protégés. Est-ce qu'on change les critères sur lesquels on base la notion de droits fondamentaux de la personne, à cause de prérogatives sociales, d'impératifs sociaux et d'impératifs économiques? À quel point est-ce qu'on arrive à un équilibre entre ces éléments?

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M. Godfrey: C'est aussi une journée faste parce que, hier, le ministre de la Santé de l'Ontario a démissionné justement à cause d'une question concernant le respect de la vie privée. Un de ses adjoints a eu accès à des dossiers et s'est mis à parler à des journalistes.

La présidente: Vraiment?

M. Godfrey: Oui, c'est en première page du Globe and Mail.

La présidente: Bon, si tout le monde est d'accord... Je sais que nous avons dépassé l'heure prévue, mais pour moi, il est essentiel que les gens soient informés et donnent leur consentement avant qu'on s'engage sur cette voie.

Merci beaucoup d'être venus.

[Français]

Je vous remercie du fond du coeur. Vous avez élargi nos horizons. J'espère que nous arriverons à des conclusions efficaces. Au revoir et merci.

[Traduction]

La séance est levée jusqu'à jeudi matin.

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