ANNEXE III
LISTE DES RECOMMANDATIONS
RECOMMANDATION 1
Le Comité recommande que le gouvernement du Canada reconnaisse et assume la responsabilité qui lui incombe de respecter et de protéger les droits des Canadiens à la protection de la vie privée en adoptant une déclaration des droits à la protection de la vie privée, qu'on nommerait Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée. Cette charte viserait l'ensemble du secteur relevant de la compétence fédérale, aurait préséance sur les lois fédérales ordinaires et servirait de repère pour évaluer le caractère raisonnable ou non de pratiques constituant une atteinte à la vie privée, de même que le bien-fondé des lois et autres mesures réglementaires.
De plus, le Comité recommande que la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée soit adoptée au plus tard le 1er janvier de l'an 2000.
RECOMMANDATION 2
Le Comité recommande que la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée déclare et fixe les droits fondamentaux des Canadiens à la protection de la vie privée, ainsi que les responsabilités qui s'y rattachent. Ces droits et responsabilités engloberaient les éléments suivants sans pour autant s'y limiter :
1. Droits et garanties fondamentaux en matière de protection de la vie privée
- 1.1 Chacun dispose des droits fondamentaux suivants :
- protection et intégrité matérielle, corporelle et psychologique;
- protection des renseignements personnels;
- absence de surveillance;
- protection des communications personnelles;
- protection de l'espace personnel.
- ces droits à la protection de la vie privée doivent être respectés par ceux qui prendront les mesures qui s'imposent à cette fin;
- toute atteinte aux droits à la protection de la vie privée, à moins d'être justifiable en vertu du principe d'exception qui suit, doit donner lieu à des mesures adéquates de réparation.
Toute exception, autorisant la violation des droits et garanties susmentionnés, ne sera permise que si la justification de cette atteinte aux droits est raisonnable et clairement justifiable, dans le cadre d'une société libre et démocratique.
3. Obligations générales
- 3.1 Pour que soit garanti le respect des droits à la protection de la vie
privée, chacun a les obligations fondamentales suivantes :
- l'obligation d'obtenir le consentement effectif de l'intéressé;
- l'obligation de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour respecter adéquatement les droits à la protection de la vie privée d'autrui ou, si l'on ne peut éviter de les enfreindre, de limiter au maximum toute intrusion dans la vie privée;
- l'obligation de rendre des comptes;
- l'obligation de transparence;
- l'obligation d'utiliser des technologies qui favorisent la protection de la vie privée et d'assurer l'accès à ces technologies, s'il y a lieu;
- l'obligation de prévoir des mécanismes de protection de la vie privée dans la conception de nouvelles technologies.
- Chacun est le titulaire légitime des renseignements personnels qui le concernent, où qu'ils soient détenus, et ce droit est inaliénable.
- Chacun a le droit de s'attendre à jouir, et de jouir de l'anonymat, à moins que la justification de la nécessité d'identifier l'individu ne soit raisonnable.
- 5.1 Pour que soit garanti le respect des droits à la protection des
renseignements personnels, chacun a les obligations suivantes, en
plus des obligations générales susmentionnées :
- l'obligation de détenir en fiducie tout renseignement personnel de nature délicate;
- l'obligation de ne recueillir que les renseignements nécessaires et dont la collecte est justifiable;
- l'obligation de révéler la raison pour laquelle ces renseignements personnels sont recueillis;
- l'obligation de s'assurer que l'information recueillie est exacte et de la meilleure qualité possible;
- l'obligation de permettre aux particuliers d'accéder aux renseignements personnels qui les concernent et de les corriger, s'il le juge à propos;
- l'obligation d'utiliser et de divulguer ces renseignements personnels uniquement pour les raisons indiquées à l'intéressé au moment où il a donné son consentement effectif;
- l'obligation de ne pas conserver ces renseignements personnel au-delà de la période pendant laquelle il est nécessaire et justifiable de le faire;
- l'obligation de ne pas désavantager les personnes qui décident d'exercer leurs droits à la protection de la vie privée.
Le Comité recommande que la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée déclare que, pour que soit garanti au Canada, le respect intégral des droits à la protection de la vie privée, les mesures suivantes sont essentielles :
- consultation du public en permanence sur diverses questions liées à la protection de la vie privée des Canadiens;
- recherche sur les droits associés au respect de la vie privée et la protection de ces droits;
- sensibilisation et l'éducation du public, afin que chacun soit conscient de ses droits et responsabilités en matière de protection de la vie privée.
Le Comité recommande que la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée déclare que, pour garantir le respect par le gouvernement et les entreprises de principes fondamentaux de protection de la vie privée, les mesures suivantes doivent être mises en place :
- des mécanismes adéquats d'observation, de reddition de comptes et d'exécution;
- des recours appropriés pour réparer toute atteinte à la vie privée.
RECOMMANDATION 5
Le Comité recommande que le ministre de la Justice, en consultation avec le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, examine les lois et règlements fédéraux actuellement en vigueur, ainsi que les projets de loi et de règlement, pour s'assurer de leur conformité à la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée, et qu'il signale tout manque de conformité au Parlement. Il recommande également que son rapport soit transmis au comité parlementaire compétent, qui sera chargé de l'étudier et de formuler des recommandations.
Le Comité recommande en outre que la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée oblige le ministre de la Justice d'informer le commissaire à la protection de la vie privée du Canada de tous les projets de loi et de règlement déposés au Parlement susceptibles d'influer sur les droits à la protection de la vie privée.
RECOMMANDATION 6
Le Comité recommande au gouvernement du Canada d'ouvrir la voie et de faire en sorte que les droits des Canadiens à la protection de la vie privée soient respectés de la même façon partout dans le pays. Le gouvernement du Canada devrait inviter les provinces et les territoires à adopter une approche complémentaire et uniforme en cette matière, dans le respect des dispositions de la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée.
RECOMMANDATION 7
Le Comité recommande au gouvernement du Canada, aux organismes fédéraux et à toutes les sociétés d'État de recenser, dans leurs milieux de travail respectifs, les préoccupations concernant la protection de la vie privée, et de prendre les mesures qui s'imposent pour garantir les droits de leurs employés à ce chapitre, conformément à la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée.
RECOMMANDATION 8
Le Comité recommande au gouvernement du Canada de présenter au Parlement un texte législatif complet, en remplacement de l'actuelle Loi sur la protection des renseignements personnels, désigné sous le titre de Loi fédérale sur la protection des données. Celle-ci devra respecter les dispositions de la Charte canadienne des droits à la protection de la vie privée et s'appliquer à tous les ministères, organismes, sociétés d'État, conseils et commissions du gouvernement fédéral, ainsi qu'à toutes les entreprises et industries assujetties à la réglementation du gouvernement. La Loi devra être promulguée d'ici le 1er janvier de l'an 2000.
La présentation du projet de loi devra être précédée d'une vaste consultation publique et la Loi prévoira un examen public exhaustif cinq ans après la promulgation de la Loi, ainsi qu'à intervalles réguliers par la suite.
Le gouvernement du Canada devrait étudier sérieusement certains modèles, comme le Code type sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection de la vie privée dont s'est dotée la Nouvelle-Zélande en 1993, avant d'établir la Loi sur la protection des données. Celle-ci devra reconnaître aux entreprises sous réglementation fédérale le rôle d'élaborer leur propre code en matière de protection de la vie privée.
RECOMMANDATION 9
Le Comité recommande que la Loi fédérale sur la protection des données contienne les éléments suivants :
- des mécanismes de sauvegarde et de contrôles rigoureux contre la comparaison indue des données intra et interministérielle;
- des normes définissant les activités acceptables de comparaison;
- la définition des activités acceptables de comparaison de données fondées sur les principes énoncés dans la charte proposée sur la protection des renseignements personnels, notamment les principes du consentement éclairé et de la transparence.
Le Comité recommande que, pour garantir le respect de la Loi sur la protection des données, le secrétariat du Conseil du Trésor, l'un des organes centraux du gouvernement :
- établisse des directives exécutoires en matière de comparaison des données;
- soumette les ministères fédéraux à un contrôle, pour s'assurer qu'ils respectent ces nouvelles directives;
- expliquent clairement aux ministères et aux fonctionnaires fédéraux ce qui est inacceptable en matière de comparaison des données.
Le Comité recommande que la Loi sur la protection des données établisse les circonstances dans lesquelles le partage des renseignements entre les gouvernements fédéral et provinciaux est acceptable.
Le gouvernement du Canada doit aviser les provinces que, dès l'adoption de la Loi sur la protection des données, il ne leur communiquera de renseignements personnels que si elles se sont munies d'un mécanisme approprié de protection.
RECOMMANDATION 12
Le Comité recommande que la Loi sur la protection des données s'applique
- à tous les renseignements personnels que le secteur privé a obtenus du gouvernement fédéral;
- à tous les contrats de services passés avec le gouvernement fédéral.
RECOMMANDATION 13
Le Comité recommande que:
- le Secrétariat du Conseil du Trésor soit responsable de vérifier si les ministères et les organismes fédéraux respectent la Loi sur la protection des données;
- le ministre de l'Industrie soit responsable de vérifier si le secteur privé assujetti à la réglementation du gouvernement fédéral respecte la Loi sur la protection des données;
- le commissaire à la protection de la vie privée du Canada soit responsable de l'application de la Loi sur la protection des données.
RECOMMANDATION 14
Le Comité recommande que la Loi sur la protection des données réglemente l'élaboration, la mise à l'essai préalable (projets pilotes compris), l'établissement et la mise en application des nouvelles technologies susceptibles d'enfreindre la vie privée. Ces nouvelles technologies comprennent l'identification biométrique et les cartes à puce, mais ne s'y limitent pas.
RECOMMANDATION 15
Le Comité recommande que le gouvernement prenne des mesures immédiates pour remédier aux infractions à la vie privée et aux traitements discriminatoires pouvant résulter des tests génétiques, notamment :
- étude des politiques et méthodes actuelles des secteurs de l'emploi, de la santé, de l'assurance et de la justice pénale;
- étude des rapports et des instruments légaux actuels et proposés (notamment le projet d'entente internationale sur le génome humain);
- consultations publiques;
- élaboration des lois nécessaires pour contrer les conséquences possibles des tests génétiques en matière de discrimination et de protection de la vie privée.
Le Comité recommande que le gouvernement du Canada modifie le Code criminel pour que celui-ci, dans toute la mesure du possible, étende à la surveillance vidéo les dispositions concernant l'interception des communications privées.
RECOMMANDATION 17
Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, et en particulier Industrie Canada, encourage les technologies qui favorisent le respect de la vie privée, de la façon suivante :
- développer des partenariats et créer des incitatifs en matière de recherche et de développement, visant l'élaboration de technologies équipées de mécanismes favorisant le respect de la vie privée;
- sensibiliser le public, les grandes entreprises et les PME aux possibilités offertes par les technologies, en matière de protection des renseignements personnels.
Le Comité recommande que le gouvernement du Canada applique régulièrement des programmes visant à bien renseigner le public sur les nouvelles technologies et sur les incidences qu'elles peuvent excercer sur la vie privée, afin que chacun puisse prendre des décisions éclairées quant à sa vie personnelle et quant à l'orientation des politiques futures du gouvernement.
Le Comité recommande en outre que le gouvernement entreprenne des consultations publiques pour étudier les mesures à caractère législatif ou non devant être prises pour garantir le respect des droits à la protection de la vie privée, à mesure que les technologies apparaissent ou sont perfectionnées.
Le Comité recommande en outre que le gouvernement du Canada encourage, par un dialogue soutenu, les provinces à adopter une approche commune pour le traitement de ces technologies (notamment les tests génétiques).
RECOMMANDATION 19
Le Comité recommande au gouvernement du Canada de remplacer l'actuelle Loi sur la protection des renseignements personnels par une nouvelle loi intitulée Loi relative au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, qui étendrait et renforcerait le mandat du commissaire en matière de protection de tous les aspects de la vie privée au gouvernement fédéral. Sans y être limitée, la Loi contiendrait des dispositions qui conférerait au commissaire les responsabilités suivantes :
- recevoir les plaintes relatives aux présumées infractions, faire enquête et prendre des décisions;
- mener ses enquêtes par le recours à des vérifications et à des évaluations de l'incidence des technologies;
- réviser tous les projets de loi, lois, règlements, décrets-lois, politiques et méthodes susceptibles d'avoir une incidence sur les droits à la protection de la vie privée et soumettre à la Chambre des communes un rapport à ce sujet;
- faire appliquer la Loi sur la protection des données.
La Loi devra contenir des mécanismes de recours (tribunal administratif et examen judiciaire).
RECOMMANDATION 20
Le Comité recommande que l'adoption de la Loi relative au Commissariat à la protection de la vie privée s'effectue dans le respect des éléments suivants :
- elle doit être précédée d'une vaste consultation publique;
- elle doit prévoir un examen public exhaustif des dispositions et des applications cinq ans après sa promulgation, ainsi qu'à intervalles réguliers par la suite;
- elle doit confier au commissaire à la protection de la vie privée du Canada le mandat de sensibiliser le public.
Le Comité recommande au Parlement de fournir au Commissariat à la protection de la vie privée les ressources nécessaires pour mener à bien son mandat.