[Enregistrement électronique]
Le mardi 30 avril 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux de vous voir.
Je m'excuse du fait que la salle soit si petite. Comme vous le savez, nous n'avons appris qu'hier après-midi tard que vous pouviez comparaître devant nous aujourd'hui. Sur la colline du Parlement, les salles sont rares. Il nous a fallu nous contenter de celle-ci. J'espère qu'elle vous convient et que vous êtes suffisamment confortables.
Je remercie les membres du comité d'avoir accepté de siéger avec si peu de préavis. La séance devait se terminer à 11 h 15, et certains d'entre vous ont dû annuler des engagements que vous aviez pris pour pouvoir être des nôtres.
Comme le comité s'intéresse au développement des collectivités autochtones, nous avons cru que votre comparution nous serait particulièrement utile.
Monsieur Wadhams, vous avez 45 minutes que vous pouvez partager avec l'un de vos collègues si vous le souhaitez. Je vous signale que la réunion doit se terminer à 12 h 5. Vous avez la parole.
M. Greg Wadhams (témoignage à titre personnel): Certaines des personnes qui nous accompagnent voudraient vous faire part de leurs préoccupations. Nous poursuivrons ensuite sur les questions qui intéressent tout particulièrement les Autochtones.
Le président: Je vous demande de d'abord nous présenter ceux qui vous accompagnent. C'est à vous de décider comment vous voulez procéder, mais je vous signale que nous devrons lever la séance à 12 h 5 pile.
M. Wadhams: Très bien.
M. Skip McCarthy (membre, Syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés): Je m'appelle Skip McCarthy et je travaille pour la West Coast Sustainability Association. Je fais aussi de la recherche juridique pour Tsleil Waututh, la bande de Burrard, pour ce qui est de leur revendication globale. J'ai participé à l'organisation de ce lobby.
M. David Hunt (président, conseil de district de Kwakiutl): Je m'appelle David Hunt. Je suis président du conseil de district de Kwakiutl.
M. Stephen Nyce (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Stephen Nyce. Je viens de Gitwinshilku, Nass River.
M. Brian Lande (membre, Syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés): Je m'appelle Brian Lande. Je viens de la vallée Bella Coola. Je représente les collectivités autochtones et non autochtones à la table ronde sur les questions de pêche.
M. Dan Edwards (membre, Syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés): Je m'appelle Dan Edwards. Je suis directeur de la West Coast Sustainability Association dont le bureau se trouve sur la côte ouest de l'île de Vancouver dans la région de Nuu-chah-nulth. Il s'agit d'une association représentant des Autochtones et des non-Autochtones. Je représente ces collectivités à la table ronde sur les pêches.
Le président: Je vous remercie.
M. Bill Irving (maire de Ucluelet): Je m'appelle Bill Irving et je suis maire d'Ucluelet. Je représente aussi la province à la commission régionale centrale qui se compose d'Autochtones et de non-Autochtones et qui est chargée de la transition entre les négociations issues des traités et les mesures provisoires. Je vous remercie beaucoup.
Le président: Je vous remercie. Monsieur Wadhams, c'est vous qui allez répartir le temps de parole.
M. Wadhams: J'aimerais que Skip commence.
Le président: Je m'en remets à vous.
M. McCarthy: Je demanderai à certains des membres des organismes qui représentent des collectivités autochtones et des collectivités non autochtones de se prononcer au sujet des conséquences du plan pour ces collectivités.
Si nous leur avons demandé de nous accompagner, c'est qu'ils représentent tous des types d'associations inhabituelles mais prometteuses. Il s'agit d'organismes auxquels participent volontairement des Autochtones et des non-Autochtones qui se rendent compte qu'ils ont beaucoup à apprendre les uns des autres. Je vais d'abord leur demander de prendre la parole.
M. Lande: Je m'appelle Brian Lande. Comme je l'ai dit plus tôt, je viens de la vallée Bella Coola.
La flotte de Bella Coola, qui se compose à parts égales d'Autochtones et de non-Autochtones, est assez nomade. Le plan, dans la mesure où il limitera les pêcheurs à une zone géographique, signifiera une grande perte de revenu pour ces collectivités. Je crois qu'on peut même considérer que la collectivité autochtone de ma région pratique la pêche de façon plus nomade que la collectivité non autochtone. Le plan n'est pas suffisamment souple. Il faudrait qu'il nous permette de conserver nos pratiques de pêche actuelles.
Ni l'une ni l'autre des collectivités ne peut se permettre d'acheter un deuxième permis pour aller pêcher dans d'autres zones. Il serait très difficile de recueillir l'argent à cette fin. Sur place, il n'y a qu'une caisse de crédit, et il lui est presque impossible de prêter de l'argent à 90 p. 100 de ces pêcheurs.
La conservation constitue un autre facteur d'importance. Le plan entraînera une surpêche sur la côte Nord.
M. Edwards: Je représente un organisme volontaire auquel participent des collectivités autochtones et des collectivités non autochtones. Chaque groupe peut exercer un droit de veto. Nous travaillons toujours par consensus. Le plan d'octroi des permis qui est proposé nuira vraiment aux collectivités de notre côte.
Les gens m'ont demandé lorsque je serais à Ottawa de donner en exemple le petit village de Kyuquot dans la partie nord de la côte ouest de l'île de Vancouver dont la situation économique est déjà très mauvaise. La semaine dernière, six des 15 permis détenus dans cette localité ont été vendus en raison des nouvelles politiques qui ont été mises en oeuvre. Dans la collectivité non autochtone d'où je viens, Ucluelet, dix permis ont été vendus en une seule semaine. Les gens quittent pour les régions urbaines. On nous dit que c'est d'ailleurs ce que prévoyait le ministère des Pêches. Rien n'est fait pour protéger les collectivités côtières.
M. Irving: Je serai la dernière personne à intervenir sur ce sujet.
Pourriez-vous donner ce document à M. Harper? J'aimerais avoir son autographe à l'endos.
Certains de nos amis ont participé à l'ensemble des délibérations sur le sujet, et ils apprécieraient grandement qu'on s'intéresse au sort de leurs collectivités.
À titre de représentant provincial au sein de la commission régionale centrale, j'estime que la réunion d'aujourd'hui constitue une occasion officielle pour les collectivités autochtones et les collectivités non autochtones de faire part de leurs préoccupations sur cette question aux instances provinciales et fédérales.
J'aimerais attirer votre attention en particulier sur le fait que la commission régionale centrale a demandé au ministère des Pêches et des Océans de faire partie de la table ronde étant donné qu'elle représente sept collectivités dont cinq autochtones, mais qu'on a refusé sans ambages sa demande. En ma qualité de maire et de défenseur de la justice et de l'équité, je crois que le moins qu'on puisse dire c'est que ce refus témoigne d'un manque de respect à l'égard de ces collectivités.
J'exhorte le comité à se faire notre porte-parole. Nous ne demandons pas de traitement préférentiel; nous demandons simplement d'être traités équitablement. On nous a catégoriquement refusé ce droit.
Je vous remercie beaucoup.
M. McCarthy: Je dirai quelques mots en terminant au nom des représentants non autochtones.
Le plan de restructuration des pêches de la côte Ouest que propose le MPO constitue un changement radical. Il ne reflète pas du tout les préoccupations exprimées lors des consultations peu étendues menées par l'industrie. Des 70 personnes qui ont participé à la table ronde, plus de 30 étaient des employés du MPO. Seulement environ 40 personnes de l'extérieur ont donc participé au processus. On en a systématiquement exclu les Autochtones, les écologistes et les représentants des collectivités.
Le processus lui-même est bancal. Qui plus est, on n'a pas procédé à une étude d'impact environnemental ou communautaire. Il ne comporte aucune stratégie d'adaptation de la main-d'oeuvre. Enfin, le ministère n'a même pas publié les statistiques sur les pêches pour 1994.
Je ne crois pas exagérer en disant que le ministère des Pêches et des Océans est aujourd'hui aussi mal géré que le ministère des Affaires indiennes l'était il y a dix ans. Je recommande qu'on examine la façon dont le ministère s'acquitte des ses responsabilités, en particulier dans les dossiers autochtones.
Je suis convaincu qu'on vous expliquera comment cette politique bancale fera en sorte que le gouvernement créera sur la côte ouest des collectivités qui dépendront de façon permanente de l'aide sociale comme c'est déjà le cas sur la côte est. Je sais que je ne mâche pas mes mots, mais je parle en toute connaissance de cause car j'ai déjà travaillé pour le MPO.
À un moment donné, très étonné par l'inertie du ministère, j'ai demandé pourquoi on ne faisait pas davantage. Un SMA qui est maintenant chargé de mettre en oeuvre la politique des pêches sur la côte ouest m'a répondu très ouvertement «C'est parce que les pêches importent peu. Elles ne représentent pas une part suffisamment élevée du PIB. Elles ne revêtent pas autant d'importance que nos autres relations commerciales avec les pays qui s'adonnent à la pêche.» Voilà ce qui explique où nous en sommes maintenant.
Je n'en dirai pas plus long. J'attire l'attention du comité sur le fait que bien que les pêches ne soient pas directement de votre ressort, cette politique a des conséquences importantes pour les collectivités autochtones ainsi que les collectivités non autochtones de la côte ouest.
Je vous remercie.
Le président: Permettez-moi de faire une brève observation. Chaque membre du comité sera libre de donner la suite qu'il jugera bon à cette réunion. Le comité ne fera pas de recommandations sur ce sujet à la Chambre.
Je vous signale que les deux membres du comité qui représentent le Bloc québécois sont ici actuellement, que les représentants du Parti réformiste liront sans doute le compte rendu de la réunion et que les députés ministériels pourront attirer l'attention de leurs collègues du caucus sur vos préoccupations. Nous vous saurions cependant gré de faire des recommandations. Je sais que la politique actuelle ne vous satisfait pas, mais je vous incite à nous faire des recommandations.
M. Wadhams: Je me préoccupe beaucoup du sort de mon village et des autres villages côtiers de la Colombie-Britannique. La situation est attribuable à un ensemble de facteurs. Beaucoup d'Autochtones s'adonnent à la pêche commerciale du saumon. Ils y ont investi beaucoup d'argent. Beaucoup de navires de pêche mouillent aux ports de notre municipalité et d'Alert Bay où vivent les membres de la nation Namgis.
Cette politique est vraiment préjudiciable aux petits navires. On n'a pas évalué les conséquences de celle-ci pour les petites collectivités côtières. On ne nous a jamais consultés au moment de la rédaction du rapport. Aucune exception n'a été faite dans le cas des petits navires.
Près de 80 p. 100 des navires de notre municipalité qui appartiennent tant à des Autochtones qu'à des non-Autochtones cesseront leurs activités. Notre municipalité va devenir un village fantôme. Cinquante pour cent de ces 80 navires appartiennent à des Autochtones.
À mon avis, il y a un lien avec les revendications territoriales qui seront éventuellement négociées. Nous réclamons la propriété des eaux qui nous entourent. Si on nous enlève maintenant 50 p. 100 de notre flotte pour nous en remettre 5 p. 100 plus tard, on pensera nous avoir fait une faveur. Je ne crois pas qu'on m'en convaincra.
Je ne sais pas à qui nous devrions nous adresser pour obtenir de l'aide, mais j'aurais aimé que ce plan ait été... Nous avons dépensé beaucoup d'argent et j'estime qu'une partie de cet argent aurait dû être réinvestie dans les collectivités locales, car en application du rapport Davis, le MPO limite depuis de nombreuses années le développement des collectivités autochtones de la côte ouest. Avant le plan Davis, 50 p. 100 des bateaux appartenaient à des Autochtones alors qu'à une certaine époque ce n'était plus que 5 à 6 p. 100. À l'heure actuelle, la participation autochtone dans le secteur des pêches se situe à entre 14 et 18 p. 100. Le plan Mifflin ramènera probablement notre participation à 2 ou 3 p. 100.
Nous pêchons le long de cette côte depuis longtemps et peut-être même depuis 100 ans. Je ne pense pas que les sociétés de pêche ou le gouvernement auraient pu participer à l'industrie de la pêche au saumon sans le concours des Autochtones. Petit à petit, les règlements et les politiques du gouvernement comme le plan Davis nous ont exclus du secteur.
Enfin, je crois comprendre que le MPO a la responsabilité et l'obligation de consulter les Premières nations avant d'élaborer des plans ayant une aussi grande incidence sur notre réserve. La raison pour laquelle il a une aussi grande incidence sur notre réserve, c'est que ceux qui peuvent se permettre d'acheter plusieurs permis vont exclure du secteur les petits exploitants de notre réserve qui ne peuvent se permettre qu'un seul permis. À mon avis, c'est injuste. Voilà pourquoi nous avons besoin d'aide.
J'espère que le comité permanent nous fera plus tard des suggestions à cet égard.
Le président: Le sujet ne sera pas abordé par le comité permanent à moins qu'un de ses membres ne propose par motion d'en faire une priorité. La liste de nos priorités actuelles est cependant longue. Je ne veux pas vous enlever tout espoir, mais voilà tout simplement comment le système fonctionne. C'est le comité qui fixe son mandat.
M. Wadhams: Je vous rappelle simplement que les Premières nations des collectivités côtières ont été exclues du processus.
Le président: Pourriez-vous nous en dire un peu plus long au sujet des consultations? Quelles consultations a-t-on menées auprès des Autochtones? À quel niveau se sont-elles situées? Il y a bien dû y avoir des consultations.
M. Wadhams: Il y a eu une table ronde. Deux représentants de notre région ont participé à la table ronde. J'y ai participé ainsi que quelqu'un d'une collectivité plus au sud, Brian Asue. Nous avons eu l'impression qu'on nous imposait tout. La dernière semaine, on a demandé à Brian Asue de cesser de siéger à tous les comités parce qu'on a créé une nouvelle commission composée de représentants du peuple Kwakiutl de la partie méridionale du territoire des Kwakiutl. On a eu l'impression que Brian avait été inclus à la commission pour la forme seulement parce qu'il était autochtone. Je crois effectivement que c'était le cas parce qu'on n'a pas tenu compte du tout de nos préoccupations.
M. Hunt: Je suis président du Conseil de district de Kwakiutl qui est issu du fusionnement politique des 10 Premières nations réparties de Comox à Port Hardy, lesquelles dépendent toutes beaucoup des pêches.
Comme vous le savez, en Colombie-Britannique, dès le départ, on a constitué des réserves très petites par comparaison aux réserves établies dans le reste du pays. La principale raison pour laquelle on l'a fait, à en juger par les notes de MM. Green et Sproat ainsi que des autres commissaires qui ont constitué les réserves, c'est que les collectivités côtières ne dépendaient pas de la terre, mais plutôt de la mer. On a donc constitué une petite réserve et on nous a donné accès à la mer comme l'a confirmé le traité de 1851 négocié par Sir James Douglas entre la bande de Fort Rupert, dont je suis membre, et le gouvernement colonial. Ce traité énonce que nous pouvons continuer de nous adonner à la pêche comme autrefois.
Moi je sais ce que «autrefois» signifie, mais ce n'est pas le cas des membres du gouvernement, et en particulier du juge Saunderson de Campbell River. Pour nous, cela signifie que nous pouvons pêcher comme nous le faisions autrefois et faire ce que nous voulons de ce poisson, et notamment le vendre. Les Autochtones vendaient déjà leurs poissons en 1792 au capitaine Cook et aux autres premiers Européens à venir dans leur région.
Comme vous le savez, le droit de pêche des Autochtones a été confirmé en 1763, dans la Constitution de 1867, en 1871 à l'article 13 des conditions d'accession de la Colombie-Britannique à la Confédération et dans divers amendements à la Constitution dont ceux de 1982 et l'article 35. L'article 35 reconnaît et confirme le droit de pêche des peuples autochtones ainsi que leurs droits issus de traités.
Le peuple Kwakiutl exploite la mer depuis de nombreuses années et a parfois créé et aidé à créer les grandes entreprises de pêche comme B.C. Packers, autrefois connue sous le nom de Nelson Brothers. Ce sont les Autochtones qui connaissaient les meilleurs lieux et méthodes de pêche et c'est eux qui généraient des profits pour le gouvernement en payant des impôts.
Le plan Mifflin vise à réduire de 50 p. 100 la flotte de pêche grâce à un programme qui permet également le cumul des permis, ce que seules les grandes entreprises peuvent se permettre. Nos membres ne peuvent certainement pas acheter plusieurs permis... On peut aussi attribuer à ce plan une augmentation artificielle de la valeur des permis.
Je crois que c'est en 1994 que le ministère des Pêches et des Océans a institué un programme de rachat aux termes duquel les détenteurs de permis J comme ma bande devaient rendre six permis de pêche au hareng avec filet maillant. En 1993, nous avons acheté deux permis au coût de 39 000 $ et un autre permis au coût de 42 000 $. En 1994, le gouvernement a proposé un programme aux termes duquel les bandes se voyaient accorder 81 000 $ pour acheter un autre permis et le retirer du secteur. Cette année-là, la valeur des permis est artificiellement montée à 120 000 $.
Le plan Mifflin a eu exactement le même effet pour ce qui est des permis de pêche au saumon. L'an dernier, ils se vendaient 250 000 $. Leur valeur est montée subitement en flèche.
Les 80 millions de dollars prévus dans le cadre du plan Mifflin permettraient de racheter environ 31 permis de pêche à la senne cette année. Cela ne représente que 10 p. 100 de la flotte.
Comme le président l'a dit, il ne suffit pas de se plaindre. Il faut proposer des solutions.
Il existe une solution viable. Cette solution a été proposée en 1991 par un dénommé Cruickshank auquel le ministère avait demandé de présenter un rapport au sujet notamment de la réduction de la flotte. Dans ce rapport, M. Cruickshank a formulé des recommandations semblables à celles qui figurent dans le plan Mifflin mais elles étaient logiques et bien réfléchies. Leur mise en oeuvre devait s'échelonner sur 10 ans.
Le plan Mifflin est censé être mis en oeuvre dans un délai de quatre ans et ce délai sera raccourci...
Quelqu'un à court d'argent qui peut obtenir du gouvernement 120 000 $ pour son permis de pêche au filet maillant, le vendra sûrement. Cette personne vendra son permis soit au gouvernement, soit à quelqu'un qui l'ajoutera à son permis de pêche existant pour être en mesure de pêcher dans deux régions.
Nous approuvons en principe les régimes de pêche par secteur. À notre avis, tous les pêcheurs interceptent du poisson, qu'ils pêchent sur le fleuve ou dans la mer. Les seuls poissons qui ne soient pas interceptés sont ceux qui fraient. Tous les autres poissons sont interceptés.
Le plan Mifflin aurait des conséquences pour ceux qui pêchent dans la mer et surtout le long des côtes ainsi que pour les collectivités côtières autochtones.
Il existe dans notre région 10 collectivités établies qui toutes dépendent de la pêche. C'est le secteur de la pêche qui est le plus grand employeur dans notre région. Les gens non seulement pêchent, mais travaillent dans des conserveries et dans des usines de congélation. Ils sont aussi manutentionnaires et chauffeurs de camion. Le plan éliminerait presque tous les emplois dans le secteur des pêches dans la région du détroit de Johnstone où vivent nos gens.
Nous pensons donc qu'il vaudrait mieux mettre en oeuvre le rapport Cruickshank et reporter la mise en oeuvre du plan Mifflin au moins jusqu'à ce qu'on ait pleinement étudié le rapport Cruickshank.
Le peuple Kwakiutl est territorial par nature. Notre système est héréditaire. Chaque chef a son propre secteur de pêche ainsi que chaque membre de la collectivité. Voilà pourquoi nous approuvons les régimes de pêche par secteur. Si les non-Autochtones devraient être tenus de cumuler les permis de pêche, ce n'est pas ce qu'on devrait exiger de nos pêcheurs.
Parce que notre territoire traditionnel de pêche chevauche deux zones de pêche, la mise en oeuvre du plan nous obligera à nous déplacer de Port Hardy à Comox. Nous ne pourrons pas pêcher dans la partie méridionale de notre région et les gens du sud ne pourront pas pêcher dans la partie septentrionale.
Nous estimons donc qu'il conviendrait de revoir le rapport Cruickshank et d'oublier le plan Mifflin. M. Mifflin devrait aussi songer à renverser sa décision de mettre en oeuvre le plan si rapidement sans d'abord y avoir bien réfléchi.
Je vous remercie.
Le président: Avant de poursuivre, j'aimerais dire qu'à titre de président du comité, je veillerai à transmettre cette recommandation à M. Mifflin ainsi qu'au ministère.
M. Hunt: Je vous remercie.
Le président: Je dirai que la recommandation vient de vous.
M. Nyce: Je viens d'une petite localité comptant 180 personnes. La majorité des habitants de notre localité ont été pêcheurs à un moment ou à un autre. Environ 50 pêcheurs vivaient dans mon village. Il n'en reste plus que cinq, et c'est en raison du plan qu'on propose de mettre en oeuvre cette année. Ce plan nous préoccupe beaucoup parce qu'il compromet la survie économique de nos gens.
Nous n'avons pas de jeunes pêcheurs qui prendraient la relève dans notre collectivité. La majorité des pêcheurs de la Nass ont plus de 40 ans, et rien n'est en place pour former nos jeunes pêcheurs à l'avenir. Cela nous inquiète. Les pêches sont notre gagne-pain. Quand nous commençons à réfléchir à ce genre de choses, nous nous demandons ce qui nous arrive. Pourquoi n'y a-t-il personne dans ce domaine qui représente nos gens, les gens de la Nass?
Nous faisons à l'heure actuelle la mise en valeur du salmonidé dans la collectivité de Gitwinksihlw. Nous essayons d'améliorer l'état des stocks de l'une de nos petites rivières. Le saumon coho en était presque disparu, à cause des activités de l'industrie forestière. C'est devenu un projet de trois ans. Il s'agissait au début de bénévolat. Nous étions trois à y travailler, trois frères. Nous avons commencé avec 50 poissons. Suite au travail de ces trois dernières années, il y a maintenant 2 500 cohos.
Maintenant, avec l'aide du conseil tribal Nisga, nous avons étiqueté certains saumons cohos pour tenter de déterminer où ils vont quand ils quittent la crique et pour voir dans quelles proportions ils sont pêchés à l'extérieur de la Nass. Nous avons trouvé que 60 p. 100 des cohos que nous marquons dans la crique Zaulsap sont pêchés par des Américains. Et pourtant les gens de la Nass n'ont pas de porte-parole qui puisse dénoncer cette situation.
Notre projet est de faire mettre sur pied une sorte de programme de formation pour la mise en valeur des salmonidés auquel pourraient participer les pêcheurs qui vont être forcés de quitter l'industrie de la pêche, afin de protéger les criques existantes. Il ne reste plus vraiment que quatre criques de frai d'importance majeure sur la Nass. Les autres ont été détruites par l'industrie forestière.
On entend faire de la coupe à blanc le long de trois des criques que nous essayons de protéger, ce qui effraie beaucoup nos gens. Nous faisons tout ce travail pour améliorer les choses pour les pêcheurs autochtones et non autochtones, et l'industrie forestière va tout détruire.
Il n'y a pas eu de pêche sur la rivière Nass depuis trente ans. Depuis deux ans, on a permis à notre peuple d'y pêcher. Mais ce plan nous inquiète, parce que toute la flottille du sud et de la côte ouest va venir dans la région de la Nass. Ce n'est pas une très grande région; il n'y a que trois ou quatre chenaux suffisamment importants pour que la pêche y soit possible.
L'octroi de permis régionaux fait peur à notre peuple, car la plupart de nos jeunes pêcheurs ont converti des yoles à hareng en bateaux de pêche au filet maillant. Nous ne voulons pas avoir à remonter toute la côte dans ces petites embarcations. Je l'ai déjà fait, et je sais ce que je sais. Ce n'est pas très agréable.
Donc, essentiellement, nous voulons savoir ce que votre groupe peut faire pour nous aider ou nous assurer que quelque chose sera fait à cet égard.
Nous devons à l'heure actuelle faire concurrence aux pêcheurs sportifs sur la Nass. Ce sont des membres de notre propre tribu qui ont mis sur pied cette industrie de la pêche sportive. Nous ne voulons pas nous quereller avec les pêcheurs qui se sont joints à nous à cause de la pénurie d'emplois dans la région. Ce sont des pêcheurs qui connaissent la région et qui ont été formés pour y pêcher. S'ils veulent travailler dans l'industrie de la pêche sportive, cela améliorera leurs sorts mais ce ne sera pas une bonne chose pour l'environnement. Quand on commence ce genre de choses, c'est difficile ensuite d'y mettre fin.
Les intervenants précédents ont raison de dire que personne n'est venu dans notre communauté ou dans la région de la Nass pour nous consulter à propos de ces plans qu'on met en oeuvre maintenant. Ce sont surtout les collectivités de la côte qui sont visées. J'habite dans une région intérieure. Je ne vis pas le long de la côte. Nous n'avons pas de représentants pour les zones intérieures. Je parle des gens de la région de Hazelton, Kitwanga et Terrace. Nous voulons savoir si, lors des réunions de ces comités, on pourrait permettre à l'un des membres de notre groupe de cette région d'y siéger en tant que porte-parole de notre peuple.
Pour notre part, nous n'aimons pas cette idée qui consiste à cumuler les permis. Nous nous préoccupons de la permis à identification automatique qui sera acheté par les entreprises, et c'est la même chose qui se fait avec les permis pour le hareng, où des non-Autochtones prennent un Autochtone à bord du bateau pour s'en servir. Nous ne voulons pas de ça. Si c'est ça qu'on va mettre en oeuvre, nous voulons que les organisations autochtones aient priorité pour racheter ces permis à identification automatique afin de les vendre aux pêcheurs autochtones qui voudront revenir à l'industrie de la pêche.
Nous sommes déjà en déclin. Si nous achetons ces permis, nous pourrons les utiliser pour enseigner à nos jeunes comment pêcher.
Je pêche depuis que j'ai 16 ans. Avec ce qui se passe aujourd'hui, le coût de nos permis m'obligera à renoncer à mon gagne-pain. Je ne peux pas me permettre de payer 80 000 $ pour un permis.
Le taux de chômage est de 64 p. 100 dans notre localité. Il est donc impossible que cinq pêcheurs de chez nous puissent réunir 80 000 $ pour obtenir un permis de pêche, que ce soit dans la région centrale ou méridionale. Aujourd'hui, vous avez besoin de trois permis pour faire quoi que ce soit. À court terme, dans l'industrie de la pêche, ça marche à la semaine, peut-être un jour par semaine, il nous faut donc faire toute la côte.
J'aimerais entendre plus tard ce que l'organisation compte faire pour nous aider à recycler nos gens dans notre localité. C'est notre principale préoccupation.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Si vous êtes d'accord, nous allons passer aux questions et c'est vous qui conclurez.
M. Wadhams: D'accord.
Le président: Dr Patry.
M. Patry (Pierrefonds - Dollard): Vous faites maintenant partie de la coalition qui exige que le ministre Mifflin abandonne son plan de Pêches et Océans concernant la flotte. Vous dites dans votre texte que la mise en oeuvre de ce plan aura un effet négatif sur la conservation des stocks de saumon et des autres poissons, sur leur mise en valeur, leur protection et leur reconstruction. D'après ce que nous avons compris, d'après ce que l'on nous a expliqué à nous les députés fédéraux, si l'on veut réduire la flotte de 50 p. 100, c'est en fait pour protéger le saumon. Selon ce que vous dites, cela aura alors un effet négatif sur la conservation du poisson. Voulez-vous nous donner plus de détails à ce sujet, s'il vous plaît?
M. Wadhams: Nous ne sommes pas contre tout le plan Mifflin. Il y a de bonnes choses là-dedans, par exemple, la conservation du poisson et la réduction de la flotte. Mais il y a d'autres moyens de réduire la flotte. On pourrait par exemple instaurer un programme de rachat volontaire et des avantages fiscaux pour ceux qui vont se retirer.
Lorsque la table ronde a entrepris ses travaux, une fraternité a mis de l'avant une proposition semblable au plan Mifflin. Dans cette proposition, nous demandions au gouvernement de racheter les permis des non-Autochtones qui voulaient se retirer de l'industrie, de faciliter la participation des Premières nations à l'industrie. Ce disant, nous voulions les racheter des gens qui se retirent, et s'il nous fallait doubler nos permis pour pêcher dans d'autres secteurs, nous voulions qu'on nous rende les permis à nous afin que nous puissions rester dans l'industrie.
Avec le plan Mifflin, les gens de chez nous n'auront aucune place dans l'industrie.
[Français]
M. Bachand (Saint-Jean): Monsieur Patry, vous avez posé une question que je voulais poser.
M. Patry: Je m'en excuse.
M. Bachand: J'aurais une question sur la négociation autochtone, entre autres; si j'ai bien compris, vous êtes des Nisga'a. On sait que les Nisga'a viennent de conclure des ententes intéressantes qui contiennent sûrement des dispositions sur les pêches.
J'élargis un peu ma question. Est-ce que ça ne pourrait pas être un sujet de discussion important pour tous les groupes autochtones qui vont négocier par l'intermédiaire de la Commission des traités de la Colombie-Britannique? Beaucoup de nations autochtones en sont rendues à des niveaux différents dans les six étapes.
Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir des discussions pour régler la question de fond des pêches? C'est un sujet de discussion qui comprend aussi la négociation sur l'autonomie gouvernementale et sur les revendications territoriales qui a lieu actuellement en Colombie-Britannique.
Est-ce que M. Mifflin et sa politique font fi de la négociation entourant le traité de la Colombie-Britannique? En tiennent-ils compte un peu ou pas du tout?
[Traduction]
Le président: Je vous demanderai de répondre brièvement à cette bonne question.
M. Hunt: Le plan Mifflin contourne le processus des traités. On met en oeuvre un programme qui va soustraire les pêches aux négociations. Je ne peux pas parler au nom des Nisga'a parce que je ne connais pas leur traité. Je n'en ai lu que le résumé.
M. Patry veut entre autres savoir si cela favorise la conservation. Non. Pourquoi? Parce que cela ne réduit pas les moyens qu'a la flotte de pêcher. Cela réduit la participation aux pêches, mais la capacité de pêche demeure la même.
Je ne sais pas si cette question fera partie des négociations concernant les traités. À l'heure actuelle, nous sommes en négociation avec la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Nous sommes rendus à la deuxième étape. À l'étape trois, nous proposerons des sujets de discussion, dont un sera les pêches. Mais s'il n'y a plus rien à discuter concernant le plan, la réponse c'est non... Il n'y aura plus rien à négocier.
Le président: Il nous reste sept minutes, donc le temps pour deux questions et deux réponses. Les membres du comité peuvent certainement rester afin de poursuivre la discussion après que nous aurons levé la séance.
M. Finlay (Oxford): J'essaie vraiment de comprendre votre position. Vous dites que si nous réduisons la flotte de la moitié, sans réduire la capacité de pêche, les bateaux plus importants, qui n'appartiennent pas forcément aux Autochtones, et dont le port d'attache est Vancouver ou l'Île Nelson, par exemple, vont faire un cumul de permis, et grâce à la technologie moderne, vont avoir des prises beaucoup plus importantes qu'à l'heure actuelle.
M. Hunt: Oui.
M. Finlay: L'achat et le cumul de permis sont des activités qui relèvent de la libre entreprise. Nous essayons de contrôler une activité en réduisant le nombre de personnes qui y participent. Mais le fait est que les bien nantis peuvent participer la pêche plus facilement que les moins bien nantis.
M. Hunt: Oui, exactement.
M. Finlay: Pourquoi permettre le cumul des permis? Si nous allons réduire la flotte, pourquoi ne pas limiter le nombre de permis à un maximum de 500, par exemple? Si auparavant l'on en avait 30, 40, l'on n'en aurait plus que 15 ou 20. Pourquoi avantager les riches?
M. Wadhams: C'est l'une des questions que nous avons soulevées lors de la table ronde. La majorité des participants s'opposaient au cumul des permis. Il n'y avait que quelques participants, comme la B.C. Packers, qui avaient déjà plusieurs permis. Leurs bateaux sont donc des piscifactures et ils s'en servent là-bas. Ils vont être payés pour le bout de papier qu'ils ont dans leurs bureaux. Ce n'est pas juste à mon avis. Le programme de rachat aurait dû être volontaire. Mais, selon la proposition, les riches vont devenir plus riches, et une petite collectivité comme la nôtre, qui dépend à 100 p. 100 de la pêche au saumon, va être perdante.
On nous a présenté ce rapport trop rapidement, sans nous donner le choix. Nous n'avons pas...
Le président: Vous avez posé une bonne question. Les membres du comité peuvent maintenant y donner suite. Nous aurons cette possibilité.
Monsieur Harper.
M. Harper (Churchill): J'ai beaucoup de questions à poser.
Le président: Il ne nous reste pas beaucoup de temps.
M. Harper: Cela semble toujours le cas.
Le président: Mais vous pouvez rester après pour obtenir les renseignements dont vous avez besoin.
M. Harper: Vous avez parlé de la protection du territoire et de l'exercice d'un droit inhérent qui existe depuis des lustres. Je sais que ces droits sont reconnus depuis l'arrivée des Européens et qu'ils sont reconnus dans la Constitution du Canada depuis beaucoup d'années. En Colombie-Britannique, il y a également le jugement Sparrow, où il est question de la reconnaissance du droit de pêche pour subvenir à ses besoins. Mais que je sache l'on n'a jamais examiné la question de la gestion de la pêche ni à la pêche commerciale.
Est-ce que l'on a déjà essayé de faire en sorte que ces droits soient reconnus, ce qui serait peut-être avantageux pour les pêcheurs autochtones qui participent à la pêche côtière et intérieure?
M. Hunt: Dans le jugement Sparrow, on a déterminé que la pêche autochtone était la première priorité après la conservation.
Je n'ai pas lu au complet l'arrêt le plus récent de la Cour suprême, mais il porte sur la pêche en rivière et sur la vente des produits de cette pêche à l'industrie commerciale. Je crois savoir que la Cour a dit que cette pêche était sujette à la réglementation, ce qui n'était pas le cas auparavant. Avant, les seules limites étaient les dates d'ouverture de la saison. Mais maintenant elle est sujette à d'autres règlements également. Je pense que c'est dans le jugement Sparrow que l'on a décidé que le ministère des Pêches ne pouvait pas réglementer la question de la grandeur du filet. Je suppose que ce jugement aura été renversé.
Il n'y a pas eu de progrès quant à la reconnaissance du droit des Autochtones de vendre des poisons, même s'il y a plusieurs appels à ce sujet devant la Cour suprême.
M. Wadhams: En conclusion, je tiens à vous remercier de nous avoir écoutés.
Je tiens à insister sur le fait que nous estimons que nous avons le droit héréditaire de gagner notre vie, de nous faire une vie sociale dans notre région. À notre avis, ni le ministère ni le gouvernement n'a le droit de nous évincer de notre territoire, par exemple la petite collectivité de pêche que nous représentons.
Selon moi, les droits fiduciaires font que l'on doit nous consulter avant de prendre des décisions aussi lourdes de conséquences pour nous. J'espère que les activités traditionnelles des Autochtones seront protégées.
Je ne sais pas si j'ai dit au début que tous les Autochtones doivent pouvoir aller où ils le veulent sur la côte, car nous avons toujours pu le faire. Cela est d'autant plus vrai parce que le ministère des Pêches prétend vouloir avoir une plus grande participation des Autochtones au sein de l'industrie.
Le président: Merci beaucoup. Je suis très heureux que vous ayez demandé à nous rencontrer. Nous nous intéressons particulièrement à l'incidence des lois sur les collectivités autochtones. Je vous assure que je vais m'informer davantage de cette question auprès des ministres et des ministères. Vous avez éveillé notre intérêt. Je sais que tous les membres du comité s'intéressent à cette question, et je sais que votre visite sera fructueuse.
La séance est levée.