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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 14 mai 1996

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Je vous remercie tous d'être venus, en particulier notre invité et témoin, le chef Mercredi.

Pour situer cette réunion dans son contexte, j'expliquerai les intentions du comité. Comme vous le savez, les députés sont nommés à des comités et, du jour au lendemain, certains d'entre nous ont tendance à se prendre pour des experts. Notre comité s'est rendu compte que la meilleure façon pour nous de fonctionner est de nous informer auprès des gens le plus directement concernés. Notre but principal est de faire ce qui est bon pour les gens de vos collectivités. Nous sommes réellement heureux que vous ayez répondu à notre invitation.

Le comité a exprimé le désir de se pencher sur toutes les questions, mais surtout celles qui touchent le développement économique, le développement du Nord pour déterminer ce qui pourrait être utile à vos collectivités et voir s'il y a moyen pour nous de les aider à créer de la richesse pour elles-mêmes.

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Chef Mercredi, nous vous invitons à faire notre éducation. S'il y a des études qui ont été faites et qui se sont retrouvées sur des tablettes, nous vous invitons à faire prendre conscience au comité de votre désir d'y prêter à nouveau attention. Nous ne prenons ici aucun engagement particulier. Cette réunion a un rôle éducatif. Nous vous invitons à faire part au comité de ce qui vous intéresse. Nous souhaitons que vous nous appreniez quelque chose, chef Mercredi. Je vous donne la parole.

Le chef Ovide Mercredi (chef national, Assemblée des premières nations): Merci, monsieur le président.

C'est la cinquième année que je suis chef national, je ne sais pas combien de fois je me suis présenté devant des comités permanents du Parlement, mais j'ai comparu plusieurs fois devant ce comité-ci, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. En toute sincérité, je commence à me lasser de vous apprendre des choses. Je n'ai pas de temps à consacrer à cela. Vous êtes député. Vous devriez connaître la population canadienne. Vous devriez connaître les questions qui concernent mon peuple. Vous devriez savoir quelles mesures sont justifiées ou sont exigées par le gouvernement du Canada. Alors, pourquoi devrais-je venir ici vous apprendre des choses?

Le président: [Inaudible - La rédaction] ... convoquer la réunion.

Le chef Mercredi: Non, je suis ici pour vous dire quel est, à mon avis, votre rôle et je suis prêt à le faire de la façon que vous souhaitez. Mais laissez-moi vous parler de mes frustrations en tant que chef national.

Les dirigeants indiens n'ont aucun pouvoir. Ils ont seulement celui de mendier. Nous n'avons pas de ressources pour répondre aux besoins de notre peuple. Nous devons vous attendre et nous commençons à en avoir assez de vous attendre. Combien de temps allons-nous devoir attendre? À un moment donné, il faudra que cette courbe d'apprentissage change. Elle ne pourra pas toujours vous servir d'excuse.

Tous les comités font la même chose. Ils nous demandent de faire leur éducation. Nous n'avons pas été formés pour cela. Nous n'avons pas été élus pour être à votre service. Nous avons été élus par notre peuple pour apporter des changements, mais, malheureusement, nous ne disposons pas des pouvoirs nécessaires pour le faire. Vous êtes les seuls à en disposer. Pourquoi? Parce que vous avez pris nos terres, vous avez pris nos ressources, vous avez même pris notre culture et vous nous avez retiré notre droit à l'autonomie gouvernementale - peut-être pas vous individuellement, mais vos institutions gouvernementales.

Regardez les rapports qui sont devant moi. Ce sont simplement quelques-uns de ceux qu'a préparés notre organisation, l'Assemblée des premières nations, pour essayer d'amener le gouvernement à prendre certaines mesures qui nous soient favorables. Vous prenez ces rapports qui concernent toute une gamme de sujets. En tant que dirigeants, nous en sommes maintenant réduits à vous présenter des rapports. Pourquoi devrais-je toujours avoir à présenter des rapports à l'homme blanc que vous êtes? Pourquoi devriez-vous toujours être celui qui décide quoi faire au sujet de ces problèmes?

Voici un rapport, une enquête nationale que nous avons réalisée sur les services à l'enfance dans les Premières nations. Nous avons rédigé un rapport sur le sort réservé aux langues des Premières nations. Il y en a un autre qui dit ce qu'il en est de l'usage du tabac chez les jeunes Autochtones. Nous en avons fait un sur la sagesse et la vision, l'enseignement de nos anciens. Nous en avons fait un autre sur les suicides dans nos collectivités, pour briser le silence. Nous en avons fait un autre sur le projet EAGLE, au sujet de la salubrité de l'eau des Grands Lacs et de l'accès à l'eau potable dans nos collectivités. Nous avons fait un rapport sur l'endettement des bandes pour essayer de faire connaître notre point de vue, et non pas simplement celui des Affaires indiennes, au sujet des raisons pour lesquelles nos gens et nos gouvernements contractent des dettes. C'est à cause du sous-financement.

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Nous avons fait un rapport sur nos terres, notre gouvernement, notre patrimoine, notre avenir et l'autodétermination des Premières nations. Nous avons fait un rapport sur les traités. Nous en avons fait un sur la nécessité d'assumer la responsabilité du bien-être de nos enfants. Nous en avons fait un sur les raisons pour lesquelles le gouvernement devrait soutenir les langues autochtones. Nous en avons fait un sur le diabète chez les Autochtones. Nous en avons fait un sur le VIH et le sida dans les Premières nations de l'ensemble du pays. Nous en avons fait sur l'immunité fiscale et un autre sur l'éducation postsecondaire.

Il y en a encore beaucoup d'autres. Ces rapports ont été communiqués aux bureaucrates et aux ministres du gouvernement du Canada.

Vous avez vous-mêmes réalisé deux rapports au cours de l'année écoulée, dont un sur la cogestion. Qu'advient-il de ce rapport sur la cogestion? Vous parlez des rapports qu'on laisse s'empoussiérer; en voilà un bon exemple - votre propre rapport, qui n'a même pas un an.

Nous attendons encore l'autre rapport sur l'éducation que vous êtes censés terminer; le comité était censé le faire l'année dernière. Où est ce rapport? Il sert d'excuse au ministère quand il est question d'éducation. Les fonctionnaires nous disent constamment qu'il n'est pas prêt, qu'ils l'attendent encore. Vous retardez donc les choses. Nous attendons encore que votre rapport soit terminé.

Et ce n'est pas tout. Vos ministères produisent chaque année assez de rapports pour remplir cette salle. Prenez, par exemple, le rapport des services correctionnels sur la façon de traiter les personnes incarcérées. C'était un rapport du Solliciteur général. Il y a eu, plus récemment, un rapport daté de février 1995 sur les résultats du colloque sur les mesures de rechange en matière correctionnelle, émanant également du bureau du Solliciteur général. Qu'est-il advenu de ces rapports? Rien.

Quels résultats obtenez-vous? Êtes-vous comme les dirigeants indiens, sans pouvoir réel? Ce n'est pas nous qui avons le pouvoir dans ce pays, et vous le savez. Nous pouvons simplement tendre les mains vers vous pour solliciter votre aide et, en toute sincérité, je commence à me fatiguer de tendre les mains vers vous pour solliciter votre aide, parce qu'il ne se passe rien. Les choses ne vont pas assez vite. L'été dernier, vous avez vu les conséquences de cette inaction dans l'ensemble du pays. Les gens commencent à se lasser de la passivité du gouvernement fédéral.

Je vais vous laisser ces rapports. Vous pouvez vous en servir pour vous instruire. Je ne ferai pas le professeur.

Regardez ce rapport extrêmement important réalisé par la commission royale et payé par le gouvernement. Les études correspondantes ont coûté environ 50 millions de dollars. C'est un des rapports de cette commission; il s'appelle Par-delà les divisions culturelles: un rapport sur les autochtones et la justice pénale au Canada, et porte sur l'administration de la justice.

Qu'adviendra-t-il de ce rapport? Se couvre-t-il de poussière avant même d'être publié? C'est mon impression parce que j'ai écouté le ministre de la Justice quand il a été interrogé cette fin de semaine au sujet des résultats de ses rencontres avec ses collègues et il a dit qu'il n'est pas en faveur de la création d'un système de justice parallèle pour les Autochtones. Il n'a même pas le courage de nous le dire directement. Il le fait derrière notre dos.

Avant même de discuter de ce rapport avec qui que ce soit, y compris l'Association du Barreau canadien ou l'Assemblée des premières nations, il a déjà décidé que les Indiens n'auront pas leur propre système de justice et qu'il imposera le statu quo. Il va se contenter de poursuivre ce programme qui prévoit des réformes pour améliorer la situation et des projets pilotes permettant de constituer de temps à autre des cercles de consultation. Voilà comment il répond à nos plaintes au sujet de l'administration de la justice. Allan Rock est comme ça.

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Qu'arrive-t-il à nos jeunes? Ils sont de plus en plus nombreux à sombrer dans la criminalité. Il y a 10 ans, le système correctionnel avait à s'occuper de beaucoup de nos gens, mais il s'agissait d'hommes et de femmes d'âge mûr et n'ont pas de jeunes. Vos prisons sont maintenant pleines de nos jeunes, d'hommes et de femmes dans la vingtaine ou la trentaine.

Je reviens juste d'une visite à un établissement d'Edmonton dont les résidents autochtones m'avaient prié de leur venir en aide parce qu'on ne fait rien dans cet établissement pour les aider et, quand ils en sortent, rien n'est prévu pour eux dans nos collectivités ou dans la société blanche. On les a oubliés. On s'est débarrassé d'eux pour les oublier. Tant qu'ils sont en prison, c'est comme s'ils n'existaient pas.

Environ 1 800 hommes et 78 femmes autochtones sont incarcérés dans les établissements correctionnels fédéraux. Le Commissaire du Service correctionnel a signalé qu'au moins 800 de ces Indiens avaient été condamnés pour des délits sexuels. Le nombre d'Autochtones purgeant une peine en raison d'un délit sexuel est très élevé par rapport à celui des délinquants non autochtones. Les Autochtones qui sortent des établissements correctionnels fédéraux reconnaissent qu'ils ont besoin de programmes de traitement pour se guérir, mais rien n'est prévu pour eux.

Sur les 1 800 hommes autochtones actuellement incarcérés, la plupart ont été arrêtés dans des centres urbains et les deux tiers d'entre eux sont des Indiens inscrits. Donc, tant qu'ils restent dans les réserves, ils ont de bonne chance de ne pas aller en prison, mais ils s'y retrouveront quand même s'ils commettent un délit. Ils auront moins tendance à le faire dans une réserve que dans un centre urbain.

Les centres urbains offrent toutes sortes de possibilités. Les gens quittent les réserves pour trouver de nouvelles possibilités dans les centres urbains. Qu'y trouvent-ils? Ces jeunes gens finissent par sombrer dans la criminalité et certains d'entre eux sont impliqués dans le crime organisé, dans des bandes constituées à Winnipeg. Ils ont participé aux événements qui se sont produits à Headingley. Nous le savons. Mais en ce moment même, à Waterhen, ils ont des fusils en main à propos d'un problème de leadership et ils ont pris parti pour un côté.

Aucune possibilité ne s'offre à eux. Voilà leur situation. Ils ne me demandent pas de venir faire leur éducation.

Maintenant, je vais demander votre aide, non pas pour réaliser encore des études mais pour préparer le changement, au moins dans un domaine, celui de l'administration de la justice.

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La première recommandation que je vous ferai n'est pas difficile, car elle ne vous force pas à dépenser de l'argent et vous n'avez même pas à prendre fait et cause en faveur de l'administration de la justice pour les Autochtones. Il s'agit de la recommandation que la commission royale a présentée au gouvernement du Canada à la page 291 du rapport Par-delà les divisions culturelles. C'est la recommandation 12, dont le texte est le suivant:

Nous voulons simplement que cela soit mis à l'ordre du jour. Je continue:

Cela ne devrait pas être très difficile pour le gouvernement libéral qui dit reconnaître le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale comme un droit existant en vertu de l'article 35. Ce n'est que du bavardage! Les Conservateurs n'ont jamais dit cela, mais ils nous ont au moins invités aux réunions des ministres. Les Libéraux disent qu'ils reconnaissent notre droit, mais ils ne nous font jamais participer à ces réunions. Ils nous tiennent à l'écart.

Ils nous tiennent à l'écart. La semaine dernière, le ministre de la Justice a traité des questions autochtones avec tous ses homologues de l'ensemble du pays et cela ne semble pas lui avoir posé de problème. De toute évidence, à ses yeux, cela ne détonne pas par rapport à sa promesse de nous traiter comme des partenaires à part entière dans les discussions relatives aux questions concernant notre peuple. Voilà comment est votre collègue, le ministre de la Justice Allan Rock.

J'aimerais simplement que votre comité demande au premier ministre de dire au ministre de la Justice que les questions de justice autochtone devraient être à l'ordre du jour de la prochaine réunion des ministres de la Justice et que toutes les personnes responsables des Autochtones dans les gouvernements provinciaux, y compris tous les ministres responsables et les dirigeants autochtones, devraient être invités à cette réunion.

Ce serait une mesure concrète, n'est-ce pas? Il n'y a rien besoin d'apprendre. Je n'ai pas à vous apprendre quoi que ce soit pour demander la tenue d'une telle réunion.

Pour finir, j'ai une recommandation plus exigeante à vous présenter, parce qu'elle peut nécessiter un peu de travail. C'est la recommandation 14 de la commission royale, dans le même rapport:

Combien le gouvernement du Canada dépense-t-il maintenant pour mettre nos gens en prison? Voilà ce que nous voulons savoir. Combien d'argent dépense-t-on?

Mais nous aimerions également savoir combien d'argent on met de côté pour empêcher les gens d'aller en prison et combien le gouvernement du Canada dépense pour assurer la réinsertion sociale de ces gens-là afin qu'ils ne retournent plus en prison et qu'ils finissent en fait par avoir une vie productive.

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Combien de nouvelles prisons construit-on en ce moment au Canada? Nous devrions le savoir. Nous voulons le savoir parce que je veux dire combien de temps je crois qu'il faudra pour qu'elles soient remplies avec nos gens.

En Nouvelle-Zélande, les Maoris en ont eu assez du système de justice, mais ils sont parvenus à convaincre leur gouvernement d'examiner s'il faisait ce qu'il fallait en mettant les Maoris en prison et en construisant de nouvelles prisons. En fin de compte, le gouvernement a fermé des établissements correctionnels. Je ne sais plus combien, mais je peux trouver les données exactes et vous les communiquer. Il a utilisé l'argent économisé grâce à la fermeture des prisons pour soigner et guérir des gens.

Je ne veux pas dire qu'il ne devrait pas y avoir de prison. Je dis simplement que lorsque des gens commettent des délits et sont condamnés par le système judiciaire, il ne faudrait pas toujours commencer par les envoyer en prison. Il est plus intelligent de mettre l'accent sur le traitement et la réhabilitation que sur l'incarcération.

La troisième recommandation que je vous présenterai est que vous devriez collaborer avec nous, l'Assemblée des premières nations et tous les autres groupes autochtones, pour déterminer en 1996 quels établissements correctionnels devraient être fermés en 1997 afin que nous puissions consacrer l'argent ainsi économisé au traitement, à la guérison, à la réhabilitation et à la prévention.

Vous avez du pain sur la planche, monsieur le président. Il faut prendre des décisions qui ne plairont peut-être pas au ministre et qui pourraient même aller à contre-courant des politiques de votre parti, mais c'est mieux que de me demander de vous apprendre à connaître notre peuple. Vous apprendrez à nous connaître en prenant des mesures directes en collaboration avec nous. C'est la meilleure façon d'apprendre et vous vous sentirez mieux parce que vous ferez quelque chose de constructif et de concret qui aidera mes gens. Voilà le défi à relever.

Je ne suis pas professeur. Je ne veux pas être utilisé dans ce contexte comme un enseignant. J'ai été élu pour faire bénéficier les gens de changements. Je n'y suis pas parvenu non pas parce que je ne le souhaite pas, ni parce que je n'ai pas les connaissances requises pour apporter des changements. C'est uniquement parce que je n'en ai pas le pouvoir. Or, vous avez ce pouvoir. Peut-être pas le comité, mais peut-être bien votre parti. Et si ce n'est pas votre parti, c'est le Parlement. Si ce n'est pas le Parlement, c'est le cabinet. À notre avis, c'est l'homme blanc qui a ce pouvoir, et non pas les Indiens.

Je vais vous laisser ces rapports pour que vous les lisiez quand vous voudrez. Je vous encourage à consulter tous les rapports de la commission royale et il y en a sur de nombreux sujets différents, y compris les pensionnats, les traités, la pauvreté et le développement économique. La commission royale s'est penchée sur tous les sujets imaginables.

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L'Assemblée des premières nations a appuyé la commission royale et nous ne voulons pas qu'un comité permanent du Parlement recommence les études qu'elle a réalisées. Vous n'avez pas besoin de faire de plus amples recherches, monsieur le président; tout cela a été fait pour vous au cours des trois ou quatre dernières années par la commission royale. Vous n'avez qu'à consulter ces rapports, examiner les recommandations et recommander à votre gouvernement de faire son devoir, c'est-à-dire non pas de gaspiller 50 millions de dollars, mais de commencer à appliquer ces recommandations en collaboration avec les dirigeants autochtones du Canada.

J'indiquerai une autre chose, simplement pour vous montrer qui détient le pouvoir. Le premier ministre a convoqué une réunion pour parler de remodeler le pays et il a invité les premiers ministres des provinces. À notre avis, on ne peut pas restructurer le pays dans le cadre constitutionnel ou en dehors de celui-ci sans la participation des Premières nations. Récemment, il y a exactement trois semaines, les dirigeants autochtones ont écrit au premier ministre pour demander à être invités à participer à cette réunion si elle a lieu. Nous n'avons reçu aucune réponse du bureau du premier ministre.

En tant que Canadiens, êtes-vous en faveur de l'unité nationale? Cela constitue-t-il une partie importante du travail de ce comité? Si c'est le cas, vous allez nous aider. En tant que président du comité, vous allez dire au premier ministre que les Premières nations, les Métis et les Inuit doivent participer à ces discussions.

Voyez-vous, monsieur le président, à notre avis, lorsque le Canada a été formé en 1867, nous aurions dû être impliqués. Mais à cette époque, voyez-vous, les hommes politiques considéraient les Indiens comme des sauvages, des êtres inférieurs en train de disparaître emportés par le destin manifeste de l'homme blanc. Jugeant que les Indiens n'avaient aucune importance, ils ont défini la nature de ce pays sans nous. Voilà pourquoi vous avez maintenant des problèmes avec notre peuple.

Selon moi, si John A. Macdonald avait été prévoyant, s'il avait été un visionnaire, un vrai visionnaire, il aurait invité nos dirigeants pour parler de la façon dont nous allions coexister en tant que peuples. Avec notre collaboration, on se serait retrouvé avec une constitution différente et la société actuelle serait bien différente. Nos gens ne rempliraient pas les prisons, nos jeunes ne se suicideraient pas, nos femmes ne seraient pas constamment exposées à des menaces de violence et nous ne nous plaindrions pas auprès de vous du fait qu'on nous a volé nos terres et nos ressources et qu'on n'a pas respecté les traités.

Le premier ministre d'aujourd'hui va-t-il commettre la même erreur que John A. Macdonald en décidant que nous n'avons pas à être là parce qu'il lui paraît inutile que nous participions au remodelage du pays?

Nous interprétons cela, monsieur le président, comme le Québec interprète son appartenance au pays. Une culture en domine une autre. Quand on nous dit que nous ne sommes pas invités à une réunion, nous considérons cela comme l'expression de la domination blanche sur notre peuple. Pour le Québec, si je comprends bien, il s'agit de la domination que les anglophones exercent sur les francophones. Mais là encore le problème est que quelqu'un prend des décisions importantes concernant votre vie, et notamment votre langue, votre culture et votre gouvernement.

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Le pays dans lequel nous vivons ne peut pas se permettre de nous exclure quand il essaie de se redéfinir. Le Québec et le reste du Canada pourront peut-être arriver à s'entendre sur leur future coexistence mais, sans notre participation, l'incertitude régnera au Canada au sujet des terres et des ressources. La paix et l'harmonie sont également incertaines au Canada. Voilà pourquoi il faut que nous y participions - pour parler en notre nom, pour nous représenter, pour nous prononcer sur les compromis que nous allons conclure avec le reste du Canada pour coexister, et pour que personne ne décide à notre place.

Au Canada, un chef a une double personnalité. D'abord et avant tout, il est le produit de son peuple et de sa culture, qu'il soit cri, ojibway ou niska. Mais c'est également une créature du gouvernement fédéral, dans la mesure où la Loi sur les Indiens a défini ce que nous sommes et imposé des restrictions quant aux pouvoirs que nous exerçons. Un chef Indien vit donc dans deux mondes différents, le sien et le vôtre.

Nous comprenons très bien les changements qui sont nécessaires pour nos gens. Nous les connaissons. Nous n'avons pas à étudier ces questions, vous n'avez qu'à venir nous voir, vous asseoir avec nous, travailler avec nous et nous faire confiance. Vous devez respecter nos dirigeants comme nous respectons les vôtres et nous pourrons alors arriver à quelque chose. Mais il est clair que, si nous nous contentons du statu quo, de la façon traditionnelle de traiter avec les Indiens, c'est-à-dire de leur faire faire leurs propres rapports pendant que le gouvernement fait lui aussi de son côté des études et des rapports et que les comités permanents en font autant, cela ne donne aucun résultat.

La population autochtone est très jeune, c'est la plus jeune du pays. Ce sont les Premières nations qui ont la croissance la plus rapide. Dans une vingtaine d'années, elles constitueront près de 35 ou 40 p. 100 de la population de la Saskatchewan, je crois, voire plus. Elles forment déjà 40 p. 100 de la population de Prince Albert et, dans quelque temps, 50 p. 100 de celle de Regina. Il y a actuellement environ 70 000 Autochtones à Winnipeg. Si la migration des réserves vers les villes s'intensifie et si notre population continue d'augmenter de la même façon, le nombre d'Indiens à Winnipeg augmentera lui aussi.

C'est ce à quoi est due la criminalité. C'est là qu'on prend nos gens pour les mettre en prison, car aucune possibilité ne s'offre à eux. C'est là que se forment les bandes de délinquants indiens - dans les villes, pas dans les réserves, mais dans les villes, là où aucune possibilité ne s'offre à eux.

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Nous sommes au Canada, pas au paradis des Autochtones. Nous sommes au Canada. Nous ne pouvons rien faire d'autre que vous faire part de nos plaintes et c'est pour cela qu'il est très frustrant d'être un chef indien au Canada, démuni de pouvoir.

Que croyez-vous que je ressens, en tant qu'Indien, quand je m'adresse à vous, président du comité, en me rendant compte que vous seul détenez le pouvoir? Pensez-vous que j'ai le sentiment d'avoir les moyens d'agir? Absolument pas. Pensez-vous que je suis tout content de me présenter devant votre comité pour rencontrer ces puissants hommes blancs? Absolument pas.

Voilà pourquoi nous parlons de mettre un terme au statu quo. Voilà pourquoi nous voulons nous servir de la Constitution pour changer la situation de nos gens, afin qu'on cesse de nous regarder de haut.

[Le témoin s'exprime en langue autochtone]

Je dis dans ma langue que je ne suis pas en colère contre vous. Je ne suis pas malheureux. C'est simplement que je n'aime pas la situation dans laquelle vivent les gens que je représente. Je pense que l'on met trop longtemps à agir et qu'il faut faire quelque chose pour remédier au problème. C'est tout ce que je veux dire. Je vous ai montré comment on peut agir autrement et cesser de préparer des rapports et de demander aux dirigeants indiens de jouer les professeurs. Passez aux actes.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, chef.

Je dois d'abord vous faire part de ma tristesse si vous considérez cette invitation comme humiliante et comme une comparution devant, comme vous l'avez dit, des hommes qui détiennent le pouvoir. Je peux également comprendre que vous soyez las d'avoir à faire le professeur. Je peux toutefois vous dire que tous les membres du comité sont bien intentionnés. Ils s'intéressent à ce problème, moi aussi et, je le sais, le ministre également.

Je ne cherche pas à vous consoler. Ce n'est pas mon but. Je veux plutôt vous dire que cette invitation était sincère et honnête. Même si vous ne voulez pas jouer au professeur, vous nous avez énormément appris. Nous continuerons à apprendre parce que notre seul but est de mieux servir les gens que vous représentez et que nous représentons.

Je ne considère pas que mon rôle de président de ce comité me confère des pouvoirs. Je me considère comme un défenseur des droits des gens qui sont représentés par le comité et par le ministre. J'ai le sentiment que les membres du comité sont du même avis.

Je vais maintenant donner la parole aux députés pour qu'ils posent des questions. Le premier est M. Bachand.

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[Français]

M. Bachand (Saint-Jean): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Avez-vous votre récepteur d'interprétation?

Le chef Mercredi: Si vous parlez cri, je n'en ai pas besoin.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

M. Bachand: J'aimerais d'abord vous laisser savoir que je crois comprendre un peu votre attitude. Comme certains de mes collègues, je siège à ce comité depuis près de trois ans et je ne pense pas y avoir appris énormément. J'ai appris davantage en allant voir ce qui se passait sur les réserves. Nous y avons été témoins de choses inacceptables qu'il faut travailler à changer, et c'est pourquoi je m'adresse à vous à titre d'égal. C'est un peu ma philosophie de vie de tendre vers un système un peu plus égal; vous parliez plus tôt de gens qui vous regardent de haut. Je ne tiens pas à vous regarder de haut; je ne serais pas capable de le faire. Je ne veux pas vous regarder d'en bas non plus. Je veux vous regarder d'égal à égal.

C'est pourquoi j'ai insisté pour que le comité vous convoque. Je me rappelle qu'au sous-comité sur l'éducation, M. Linklater nous avait dit que nous disposions d'une librairie remplie d'études sur l'éducation. Alors, lorsque le comité a commencé à discuter de ses travaux futurs, je me suis dit qu'il fallait d'abord rencontrer les gens des Premières Nations pour qu'on puisse les écouter.

Nous avons demandé à nos recherchistes de la Bibliothèque de retracer les quelque 30 études faites par les comités précédents et les deux études faites par notre comité au cours de ce mandat. Je serais curieux de savoir où sont ces études aujourd'hui et ce qu'on a accompli. On n'entend même plus parler de l'excellent rapport soumis par le comité de cogestion auquel j'ai siégé pendant un an et demi.

Je comprends votre frustration, puisque les choses continuent de suivre le même cours au Canada et au Québec et que les injustices et les conditions socio-économiques désastreuses perdurent pour les Premières Nations. Les problèmes de financement pour les études postsecondaires persistent et une foule d'autres problèmes ne se règlent jamais.

Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il serait peut-être temps de passer à l'action et d'essayer de régler ces problèmes, de ne pas perdre de temps à faire des études pour les régler, mais de les régler.

J'ai toujours eu un rêve sur l'avenir des Premières Nations. Je n'irai pas jusqu'à dire que le blanc va remettre les terres aux Premières Nations, parce que lorsque j'ai dit cela la première fois aux Mohawks, j'ai pensé que j'allais me faire scalper. Nous reconnaissons que vous étiez les premiers occupants de ces terres et que depuis, le blanc a pris beaucoup de place. On a cantonné l'autochtone dans des réserves avec une Loi sur les Indiens. Il faudrait changer cela. Dans mon rêve, je vois les Premières Nations autochtones et les blancs partager un territoire sur lequel nous nous sommes tous mis d'accord, Les autochtones se verraient dévoluer des pouvoirs, dont celui de la justice. Votre système de justice comporterait des lois compatibles avec celles des blancs, mais vous auriez une entière autonomie.

C'est un rêve que je poursuis au sein du comité. Lorsque je vois des gens victimes d'injustice, j'essaie de les défendre du mieux que je peux. Vous avez raison, le pouvoir n'est peut-être plus ici; je dois me rallier à M. Bonin lorsque j'entends des députés libéraux dire que des gens du cabinet du premier ministre qui ne sont pas des élus ont peut-être plus de pouvoirs que nous tous réunis ensemble. Notre seul pouvoir est donc de faire avancer des choses, faire des déclarations publiques, écrire aux ministres et au premier ministre.

Je partage votre désir de passer à l'action. J'aimerais d'ailleurs faire un rapprochement avec les propos importants que vous avez soulevés sur l'unité nationale; ce n'est pas la première fois que nous nous entretenons là-dessus, vous et moi.

M. Sinclair nous rencontrait la semaine dernière et disait qu'au prochain référendum au Québec, il y songerait deux fois avant de se brancher. J'aimerais entendre vos propos à ce sujet parce que nous ne voulons pas construire un mur de Berlin autour du Québec, mais plutôt exercer un partenariat avec le reste du Canada et également entretenir un degré d'ouverture avec les nations autochtones.

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J'aimerais entendre votre point de vue puisque j'estime qu'au Québec - je le dis souvent - le degré de rétention de la langue ainsi que les conditions socio-économiques sont supérieures à celles du reste du Canada. Nos traités, dont celui de la Baie de James, peuvent être des modèles pour le Canada. Nous avons fait des propositions très avantageuses aux Montagnais. Nous avons de plus invité les Premières Nations à rédiger avec nous la constitution du Québec dans un Québec souverain.

Je voudrais que vous précisiez si, comme il me semble, le nationalisme québécois et le nationalisme autochtone visent une plus grande recherche d'autonomie, de respect de leur culture, de leur langue et de toutes leurs traditions.

J'aimerais aller plus loin cette fois-ci. Expliquez-moi comment nous pourrions nous aider mutuellement en vue de convaincre nos futurs partenaires de l'importance d'une meilleure évolution dans le respect du nationalisme de tous et chacun.

J'ai toujours cru que le Canada évoluerait beaucoup mieux dans le cadre d'un partenariat avec le Québec qu'en tentant de le garder à l'intérieur des frontières canadiennes actuelles, et qu'il en était de même pour les autochtones.

Je crois que les autochtones évolueraient beaucoup mieux dans le cadre d'un partenariat et d'une prise en charge de territoires sur lesquels ils assumeraient leur développement économique et régleraient leurs questions de société au jour le jour grâce à leurs propres lois, lesquelles seraient évidemment compatibles avec celles de leurs voisins.

Nous partageons le même point de vue sur le besoin de passer à l'action. Pourriez-vous me dire si, au chapitre des nationalismes autochtone et québécois, nous pourrions ouvrir des discussions et parler de ce qui arriverait dans un Québec souverain, dans un Québec partenaire avec les nations autochtones et avec le reste du Canada?

Monsieur Mercredi, nos nationalistes devraient se rapprocher; il ne devrait pas y avoir de barrières entre le Québec et vous, bien au contraire.

Je m'arrête ici.

Le président: Monsieur le chef, avant de vous inviter à répondre à cette demande du Bloc québécois, j'aimerais préciser que ce sujet devrait probablement faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale. Nous sommes toutefois un comité très ouvert et je vous invite à répondre à la question, quoique j'aurais préféré que le débat d'aujourd'hui vise à ce que les députés servent mieux les personnes qu'ils représentent.

La question a été posée, et je vous invite à réagir pendant quelque cinq minutes. Merci.

[Traduction]

Le chef Mercredi: Je pense que les gens ne devraient pas du tout se braquer sur le référendum. Je pense que vous avez raison de dire qu'il faudrait effectuer un rapprochement entre notre peuple et le peuple du Québec. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut s'efforcer de parvenir à une entente sur la façon dont nous allons coexister dans ce pays.

Votre conception du nationalisme, le nationalisme souverainiste, est très semblable à notre façon de concevoir le nationalisme des Premières nations. C'est très juste. Nos stratégies sont toutefois différentes. Nos objectifs sont identiques. Nous voulons plus d'autonomie et de respect pour nos cultures et nous voulons prendre notre destin en main.

Tout cela est d'ailleurs ce que souhaitent les gens qui ont droit à l'autodétermination où que ce soit dans ce pays ou dans le monde. C'est le sens de tous les mouvements de libération qu'on a connus au XXe siècle; il s'agit de gens qui désirent plus d'autonomie et d'autodétermination pour leur peuple. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre le mouvement indien au Canada. Et c'est ce que nous avons déjà dit à de nombreuses reprises. Nous avons beaucoup de points communs avec les gens qui sont impliqués dans le mouvement souverainiste au Québec, mais notre stratégie et nos objectifs sont différents.

Pour nous, notre mouvement ne vise pas la sécession. Nous voulons trouver un équilibre, définir la nature de nos rapports. Cela n'a rien à voir avec la création d'une île pour les Premières nations en Amérique du Nord. Il s'agit d'instaurer des principes permettant de mieux respecter la coexistence au lieu de la domination par les Blancs, la suprématie des Blancs. Mais il ne s'agit pas non plus pour les Indiens d'exercer une domination et une suprématie. Nous cherchons à instaurer des rapports équilibrés.

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Nous abordons cette discussion en nous appuyant sur des principes comme notre droit à la différence. Nous voulons remodeler le Canada en nous fondant sur ce principe. Mais nous disons également que nous sommes prêts à partager, partager les terres et les ressources. Notre principe concerne la façon dont nous voulons partager les terres et les ressources et non pas le fait que nous voudrions nous en emparer ou empêcher d'autres gens de les gérer ou de les utiliser. Comment pouvons-nous les partager?

Nous abordons également cette discussion en ayant notre conception de la souveraineté, de la souveraineté de notre peuple et c'est dans ces conditions que nous parlons de l'autonomie gouvernementale et du droit indien, de notre langue et de notre culture. Nous parlons donc des institutions gouvernementales et de la possibilité de légiférer, choses dont vous disposez déjà au Québec grâce à votre assemblée législative.

Souveraineté ne veut pas nécessairement dire sécession. Pour nous, ce n'est pas le cas, mais cela ne veut pas non plus dire subordination. Il ne s'agit pas non plus de transformer nos gouvernements en municipalités. Donc de toute évidence, ce n'est pas non plus la façon dont Ron Irwin conçoit l'autonomie gouvernementale, qu'il voit comme la municipalisation du gouvernement indien. Pour nous, la politique de Ron Irwin est inacceptable.

Pour ce qui est d'un rapprochement - et je reprends ici l'expression employée par la commission royale - par delà les divisions culturelles entre nous et le Québec, notre potentiel à cet égard est meilleur que ce que fait actuellement M. Chrétien.

Malgré toutes les différences entre les Premières nations et le Québec, je pense queM. Bouchard serait plus ouvert à nos idées et serait plus désireux de nous rencontrer pour parler d'un rapprochement que de discuter de cette question avec le premier ministre, parce qu'en ce moment, ils se font la guerre. Mais nous ne participons pas à cette guerre à leurs côtés et nous ne voulons pas être en guerre avec qui que ce soit.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas parfois des conflits. Il y en a... bien entendu. Il y a eu de graves affrontements. Cela montre comment des incidents peuvent se produire, mais ce sont des échauffourées, par une guerre. C'est peu de choses à côté de ce qui se passera si ces deux généraux - M. Chrétien et M. Bouchard - ne déposent pas les armes.

Il faut donc faire quelque chose pour modifier le statu quo. Nous l'avons déjà dit. Nous voulons modifier le statu quo, mais sans appuyer le fédéralisme ni la sécession, parce que ni l'un ni l'autre n'aboutissent à une modification du statu quo. Il pourrait s'agir de rapports entièrement nouveaux.

Or, nous n'avons jamais eu la possibilité de discuter de cela de cette façon. Je parviens seulement à vous faire ces petites déclarations quand je me présente devant le comité permanent. Je n'ai jamais eu la possibilité de rencontrer M. Bouchard, mais si j'en ai jamais l'occasion, c'est ce message que je lui transmettrai.

Le président: Monsieur Duncan, voulez-vous aborder...?

M. Duncan (North Island - Powell River): Oui, merci beaucoup.

J'ai trouvé intéressants vos commentaires sur le statut du comité parce que, en tant que troisième membre de ce comité, j'ai de toute évidence une conception différente de son efficacité.

Je pense que l'une des choses productives qu'un comité permanent peut faire est la possibilité d'agir de façon de plus en plus indépendante, spécialement vis-à-vis du ministre. Telle est théoriquement la situation, mais, en fait, nous constatons que les comités permanents hésitent souvent à aller à contre-courant du gouvernement ou, plus particulièrement, du ministre.

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Le seul exemple que je pourrais vous donner, au cours de la législature actuelle, est sans doute la proposition de cogestion concernant la Saskatchewan. Vous avez bloqué ce rapport. Le comité étudiait la question. Sans que nous soyons au courant, c'était également, tout au moins au début, une initiative du ministre, et les deux choses ont été mêlées inextricablement. C'est donc une optique qui offre peut-être certaines perspectives.

Vous avez parlé de toute la question des bandes de délinquants indiens à Winnipeg. J'étais récemment à Winnipeg. Ce n'est pas propre aux Indiens. Il y a, dans toutes les villes, des bandes de jeunes de n'importe quelle couleur. Tout le monde cherche une solution et on ne trouve pas de solutions faciles.

Il y a certaines interactions. Vous avez parlé de Headingley. Vous avez également parlé de Waterhen et du barrage routier qui a été installé là-bas.

En septembre 1995, vous avez déclaré que les policiers canadiens devraient désobéir aux politiciens qui leur demandent d'intervenir dans les conflits opposant les Autochtones et les pouvoirs publics au sujet de leurs compétences respectives et c'est en gros ce qui se passe à Waterhen. Avez-vous adopté une position particulière au sujet du conflit de Waterhen?

Le chef Mercredi: La déclaration à laquelle vous faites allusion ne s'applique pas à Waterhen. Elle portait sur la chasse dans les réserves. La province faisait valoir ses droits et les Indiens en faisaient autant; on a fait intervenir la GRC en faveur de la province sans tenir compte des droits des Indiens.

Je disais que, dans des situations de ce genre, la GRC, qui m'a dit que c'était une zone grise en ce qui concerne son mandat, ne devrait pas intervenir de façon paramilitaire pour imposer des pouvoirs provinciaux à l'encontre des voeux de notre peuple. C'est une question de compétence. C'est une situation politique.

À Waterhen, ce n'est pas une question de compétence. C'est plutôt une affaire privée. Contrairement, par exemple, à un conflit entre une province et une première nation, il s'agit d'un conflit interne concernant le leadership. Ce n'est pas une position entre Indiens et Blancs mais uniquement entre des Indiens.

Je ne veux pas trop en dire à ce sujet parce que je peux avoir à m'en mêler. Je suis en contact avec M. Catcheway et ses partisans derrière les barricades. Nous avons réservé une ligne pour cela sur mon télécopieur et mon téléphone. Je serai peut-être sollicité à un moment ou l'autre. J'ai déjà parlé avec la GRC de la façon dont je pourrais me rendre utile de loin. J'ai déjà eu des conversations avec l'un des dirigeants de la famille de M. Catcheway, Gordon Catcheway lui-même.

Tout ce que je dirai cependant pour le moment est que, même dans des situations comme celle-là, on n'envoie pas la police pour régler l'affaire. On n'utilise pas la force pour régler un conflit, même quand nos gens prennent des fusils, comme le font parfois les warriors. Il faut résoudre ce problème de façon non violente. Si cela doit prendre longtemps, nous prendrons le temps qu'il faut.

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Même maintenant, au moment où je vous parle, il y a des gens de chez nous qui essaient de jouer un rôle utile dans cette affaire. Il ne s'agit pas d'Indiens... À Gustafsen Lake, les gens ont rejeté la faute sur la spiritualité indienne ou dit que le problème avait été résolu grâce à cette spiritualité. Vous savez, il y a des points de vue différents.

On se trouve là face à un groupe pentecôtiste, des évangélistes convaincus, qui sont derrière les barricades avec des fusils. Les dirigeants du mouvement évangéliste du Manitoba sont allés les voir pour essayer de leur faire changer d'avis, de démonter les barricades, de déposer les armes.

Avec l'appui du chef et du conseil actuel, le ministère des Affaires indiennes a présenté une proposition prévoyant la création d'une nouvelle bande ou peut-être d'une nouvelle réserve pour essayer de sortir de cette impasse.

C'est dans ce contexte que je suis intervenu. Il s'agissait de les encourager à accepter cette proposition. Mais ils voulaient certaines garanties et le problème n'est donc pas résolu.

Je pense qu'il faut simplement que nous soyons un petit peu plus patients. Même si je n'aime pas du tout le recours aux armes... je suis sûr que vous ne vous rendez pas compte des choses de ce genre qui se passent dans notre pays. Nous pensons personnellement qu'on ne peut pas laisser intervenir la GRC dans de telles conditions.

J'ai déjà parlé à la GRC. Je lui ai fait part de mon point de vue. Je l'ai exposé très clairement par écrit. J'ai envoyé une lettre vendredi dernier. J'ai dit que je l'encourageais à continuer à s'efforcer de parvenir à une solution pacifique. Je lui ai dit de continuer à appliquer cette stratégie. Je lui ai dit de me faire savoir si je pourrais être utile à un moment donné. J'ai dit que, quoi qu'elle fasse, elle ne devait pas faire usage de la force.

Pour ce qui est de vos commentaires au sujet du comité permanent, si vous me le permettez, j'appuie votre idée selon laquelle il devrait disposer de plus d'indépendance. Il ne devrait pas être simplement l'exécutant du ministre. Il devrait pouvoir orienter l'action du ministre et de la Couronne. Ce serait une façon pour des parlementaires comme vous, qui n'êtes pas du côté du gouvernement, d'avoir plus d'influence sur l'orientation qu'adopte le gouvernement.

Quelqu'un m'a corrigé en disant que vous ne disposez d'aucun pouvoir, mais je vous considère néanmoins comme détenteurs d'un pouvoir. Dans le contexte du Parlement, vous n'avez peut-être pas tant de pouvoir que ça, mais, pour moi, c'est ainsi que je peux me rapprocher le plus du pouvoir. Je ne peux pas avoir accès au cabinet. Le Parlement ne m'est pas ouvert. Je ne peux pas me rapprocher plus du siège du pouvoir.

M. Duncan: Merci beaucoup de clarifier...

Le président: Soyez très bref, s'il vous plaît.

M. Duncan: J'ai une question brève. Puis-je la poser?

L'APN a apparemment constitué un comité pour s'occuper de toute la question de la réforme de vos procédures électorales. Vous allez présenter quelque chose lors de votre conférence d'Ottawa cet été. Est-il toujours prévu que cela se fera sous la forme d'un...? Le journal d'Ottawa disait que chaque Indien aurait une voix. Est-ce que cela sera encore vraisemblablement...

Le chef Mercredi: C'est encore notre intention, oui. Nous avons un rapport à présenter en juillet. Il fera l'objet d'un débat.

Le président: Avant de passer au député suivant, je voudrais déclarer que le rapport sur la cogestion... La réponse à ce rapport a été déposée à la Chambre le 10 mai, très récemment. Le greffier a reçu le rapport ce matin et il sera distribué aujourd'hui à tous les députés. Vous pourrez également en recevoir un exemplaire.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Jackson, puis à M. Murphy et à M. Harper. Veillez, s'il vous plaît, à ce que vos questions et vos réponses soient brèves afin que le plus grand nombre possible de membres du comité puissent participer au débat.

M. Jackson (Bruce - Grey): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je veux simplement souhaiter la bienvenue à mon homonyme. À mon avis, c'est un nom merveilleux, nous arriverons donc à un résultat, d'une façon ou d'une autre.

Je veux vous dire que je partage votre frustration. Je pense que nous avons consacré beaucoup d'argent à beaucoup d'études et il est temps d'agir. J'apprécie également que vous nous ayez proposé trois choses sur la base desquelles travailler.

Voici ma question. Ce qui se passe dans notre société, pour la population en général, est notamment qu'au fil du temps, nous allons à la dérive. Il faut nous rappeler à l'ordre. Je sais que vous ne voulez pas jouer au professeur.

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Vous voulez généralement traiter de nation à nation. Mais, en votre qualité de chef national, pourriez-vous nous citer une chose que vous avez faite dans l'ensemble du pays?

Vous pourriez peut-être vous rendre dans certains de ces endroits, vous et Elijah, ou quelqu'un comme ça. Parlez-nous de certains d'entre eux afin que nous puissions essayer de prendre des mesures plus concrètes en ce qui les concerne. Est-ce possible?

Le chef Mercredi: Il est impossible d'établir une seule priorité pour tout le pays. Je ne peux pas dire que nous devrions mettre aujourd'hui l'accent sur les suicides et que tout le monde va faire ce que nous disons. Chaque communauté ou chaque région a sa propre priorité qui dépend des besoins des gens.

C'est exactement la même chose que les pressions que vos électeurs exercent sur vous, en tant que députés, pour ce qui est des questions et des priorités concernant les localités que vous représentez. Elles ne sont pas toutes identiques.

La notion d'un plan national présente néanmoins un certain intérêt. Il faudrait un plan national pour régler le problème de la pauvreté chez les Indiens. Il faudrait un plan national pour s'occuper du progrès économique des communautés indiennes. Il en faudrait un pour avoir plus de diplômés universitaires. Il en faudrait un pour faire en sorte que nos jeunes terminent leurs études secondaires. Il faudrait construire des écoles dans les réserves indiennes. Il faudrait un plan national pour faire en sorte que les Autochtones aient le même niveau de vie que les autres Canadiennes et Canadiens en ce qui concerne les routes et les infrastructures. Nous pourrions avoir un plan national pour le renforcement et la rétention de nos langues dans nos communautés.

Il pourrait y avoir des plans nationaux dans bien des domaines, mais il n'est guère possible de dire qu'il n'y a qu'une priorité. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Jackson: Oui.

Le chef Mercredi: De notre point de vue, si nous avions des ressources suffisantes, Elijah ne siégerait pas à la Chambre des communes parce qu'il n'aurait pas besoin d'y être. Si nous avions une autonomie nous permettant d'établir nos priorités et de satisfaire nos besoins, y compris pour le logement, nous n'aurions pas besoin de compter sur Ron Irwin pour essayer de faire adopter une politique du logement par le cabinet. Nous prendrions nos propres décisions. Comprenez-vous bien ce que je vous dis?

M. Jackson: Oui.

Le chef Mercredi: Si nous avions le pouvoir et les ressources nécessaires, nous aurions déjà pris des décisions en matière de plans nationaux. Voilà ce que je vous dis. Comme chef national, avec les autres chefs... ce qui est frustrant dans notre travail est que nous nous rendons compte de cela, mais nous ne sommes pas en mesure d'appliquer nos idées - à moins que, puisque vous portez le même nom que moi, je ne puisse vous convaincre de faire quelque chose pour moi.

M. Jackson: D'accord. Merci.

Le président: Monsieur Murphy.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci, monsieur le président.

Merci, Ovide, de votre exposé. Je comprends certainement votre frustration. Je ne veux pas me montrer agressif mais, vu ce que vous m'avez semblé dire, je me demande - sans être de cet avis - si vous jugez qu'il se passe quoi que ce soit de positif.

Tout ce que vous me dites là est très impressionnant. Alors, mon Dieu, je me demande quoi faire. Vous m'avez dit que rien ne marche dans ce système.

Je sais que tous les rapports que vous avez ont été faits par votre organisation. Ils ne sont peut-être pas appliqués dans tout le pays, mais j'aime à penser que beaucoup de choses, de projets qui ont été mis en oeuvre à la suite de nombre de ces rapports... Je crois que dans vos collectivités, comme dans les nôtres, nous travaillons tous à des niveaux différents. Nous avons tous des moyens différents. Notre croissance est plus rapide. Nous choisissons ce projet-ci plutôt que celui-là. Nous privilégions la justice plutôt que le développement économique.

J'ai participé aux travaux du comité sur l'éducation et j'ai vu certaines bonnes choses. J'ai vu de bonnes choses en matière de développement économique. J'ai vu de bons systèmes éducatifs. J'ai vu des systèmes de justice, mais pas dans tout le pays.

Nous avons déjà en fait discuté de cela ensemble une fois. C'est ce que vous m'avez déjà dit une fois. Vous n'êtes pas en faveur de la réalisation de projets ici et là simplement parce que les gens en sont à des étapes différentes dans vos collectivités et dans les nôtres.

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Je comprends votre impatience mais vous avez parlé de corrections à apporter. Comment faire quelque chose à propos de la pauvreté? Je me dis que nous devrions peut-être mettre l'accent sur le développement économique parce que, pour employer un cliché, grâce au développement économique de nos collectivités, nous nous ferons une meilleure image de nous-mêmes et nous aurons plus de respect pour nous-mêmes et ceux qui nous entourent. Cela aura peut-être des répercussions sur les moyens de remédier à la pauvreté.

Je suis très impressionné par tout ce que vous m'avez dit. Je suis là à me demander par où commencer. J'ai noté cette question, bien entendu. Je veux évidemment vous demander s'il y a des choses positives qui se font.

De votre point de vue, faut-il commencer par le système judiciaire ou par le développement économique pour aider vos gens à apporter ces changements de concert avec nous?

Je ne sais pas, c'est un peu décousu, mais je voulais le dire et voir si nous pouvons arriver à un peu de...

Le chef Mercredi: Je pense que le comité doit faire preuve d'un peu d'indépendance par rapport aux objectifs du ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada. Vous vous contentez de régurgiter ce que le ministre m'a dit, qu'il va accorder la priorité au développement économique. Mais que va-t-il faire?

M. Murphy: Non, je vais vous dire que cette question du développement économique n'est pas venue de Ron Irwin. Elle est venue d'ici. Nous en avons parlé.

Le chef Mercredi: Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada réduit les sommes consacrées au développement économique depuis quelques années. Il y a seulement un fonds de50 millions de dollars.

M. Murphy: Je critique cela.

Le chef Mercredi: Ce ministère n'a donc même pas une infrastructure suffisante pour réaliser correctement ce programme. Le seul qui soit en mesure de faire quelque chose est DRH.

Il y a certaines choses positives qui se font et je vais vous dire lesquelles - certaines d'entre elles, pas toutes. Quand Lloyd Axworthy était responsable de Développement des ressources humaines, il a voulu modifier le programme «Les chemins de la réussite» parce qu'il avait une structure trop lourde et coûtait trop cher à administrer. J'ai demandé pourquoi créer des branches administratives? Il faut prendre conscience de ce que nous avons, c'est-à-dire nos organisations et nos conseils de bande. Il n'y a pas besoin de créer un nouveau système pour administrer ce programme. Nous avons donc mis au point un cadre national pour économiser 200 millions de dollars pendant trois ans et pour permettre à chaque région de négocier son propre accord bilatéral avec DRH. Nos chefs peuvent donc désormais, grâce à des règles plus souples, fournir ces programmes de formation directement par l'intermédiaire de leurs organisations et des conseils de bande sans qu'on ait mis en place une bureaucratie pour faire la même chose.

On peut obtenir de bons résultats quand le gouvernement collabore avec nous. Les services à l'enfance constituent un autre exemple de progrès réalisés avec Lloyd Axworthy quand il était à ce poste. Suite à nos interventions, il a annoncé un programme visant à créer 6 000 places de garderie dans les réserves. Il n'a pas exactement fait ça. Il a tenu compte des places existant en Alberta et en Ontario si bien qu'on n'en a finalement pas créé 6 000, mais il y aura tout au moins maintenant la possibilité d'avoir des garderies dans chaque région. Cela ne satisfait pas les besoins, mais c'est un pas dans cette direction.

Notre organisation a également collaboré très étroitement avec le ministère de la Santé. Nous avons fait de bonnes choses ensemble, mais ce sont des initiatives mettant en jeu de faibles ressources, la prévention du suicide, la sensibilisation au sida, les choses de ce genre. Cela ne répond pas à tous les besoins, mais c'est un pas en avant, à mon avis.

Nous ne faisons par contre aucun progrès avec le gouvernement en ce qui concerne la question de l'autonomie. Nous ne faisons aucun progrès avec le gouvernement pour ce qui est de la question des traités. Nous ne faisons aucun progrès avec le gouvernement pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté chez les Indiens.

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Je ne veux pas vous décourager de mettre l'accent sur le développement économique, mais je vous dis la chose suivante: vu nos bons rapports avec DRH, ce ministère a maintenant mis sur pied un projet en matière de sécurité sociale pour examiner le fonds de 1 milliard de dollars d'Affaires indiennes prévu pour l'assistance sociale.

Il porte sur la façon de soustraire ce programme aux contrôles provinciaux et de le modifier afin que d'autres autorités, par exemple les chefs et les conseils, puissent utiliser ce fonds non seulement pour l'assistance sociale, mais également pour le développement des ressources humaines - des choses comme l'éducation, la formation professionnelle et le placement. Ce programme ne fait que commencer. Des crédits ont été attribués, mais nous sommes encore en train de mettre au point le système avec d'autres Premières nations.

L'initiative n'est pas venue des Affaires indiennes. Ce projet a été lancé par DRH. Toutefois, lors de ma dernière rencontre avec le sous-ministre des Affaires indiennes, je l'ai invité à participer à cela conjointement avec nous parce que c'est le programme de son ministère que nous allons évaluer.

On peut donc faire certaines choses pour modifier les habitudes gouvernementales afin que d'autres gouvernements puissent disposer d'un peu plus d'autonomie quant à la possibilité d'utiliser ces ressources d'une façon adaptée aux besoins et afin d'offrir des possibilités aux gens, au lieu de simplement les décourager, comme c'est le cas actuellement.

Le président: Merci, chef.

Il nous reste huit minutes avant de conclure, et je vais accorder tout ce temps-là à M. Harper.

M. Harper (Churchill): Merci, monsieur le président.

Merci, Ovide, de comparaître devant le comité.

Comme vous le savez, je suis depuis longtemps impliqué dans la vie politique. J'ai toujours senti la nécessité d'intervenir au niveau où les décisions sont prises. J'ai beaucoup appris en tant que député, aussi bien au niveau provincial que fédéral. Il n'est pas facile d'intervenir dans ce système. Je constate que nous devons constamment éduquer beaucoup de gens.

Bien sûr, au Parlement, il y a des partis différents et des gens différents qui représentent des points de vue différents. En tant que parlementaire, la seule chose que je dis toujours est que, quoi que je fasse ici, je fais de mon mieux et je dois supporter les conséquences des choses que je ne fais pas. Voilà la différence. Beaucoup de membres de nos collectivités peuvent s'isoler et quitter la réserve pour aller vivre ailleurs.

Je me suis toujours occupé des questions que vous avez soulevées pour essayer d'assurer une participation autochtone. J'ai envoyé des lettres aux ministres concernés, du ministre de l'Unité nationale au ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion. J'ai envoyé des lettres au ministre des Affaires indiennes pour favoriser la participation des Autochtones à tout ce débat sur l'unité nationale.

J'ai toujours pensé, j'ai toujours dit et je continuerai à dire que les Autochtones joueront un rôle clé dans la préservation de l'unité du pays. Les gens qui sont ici m'ont entendu le dire. C'est une position que j'ai adoptée et que je continuerai de défendre en tant qu'Autochtone et que député auprès du gouvernement du Canada et du Parlement du Canada.

Je partage vos frustrations. Ce n'est pas facile. Vous avez mentionné ce conflit et j'allais justement vous interroger au sujet de ce qui s'est passé l'été dernier et sur les moyens d'assurer la paix et la coexistence, surtout au sein même de la population autochtone.

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Vous avez cité un endroit précis, Waterhen, et le problème qui se pose là-bas. Il semble y avoir une querelle interne, mais c'est à cause de notre manque de contrôle, de notre incapacité à prendre nos propres décisions que ces événements ont débouché sur la situation actuelle.

Le président: Excusez-moi, monsieur Harper, mais mon intention était que vous partagiez ces huit minutes avec...

M. Harper: De toute façon, j'allais demander à Ovide comment résoudre cela. Au cours de l'année écoulée, j'ai essayé d'utiliser une autre méthode pour régler ce problème quand j'ai vu que le processus politique n'avait pas répondu à nos attentes. Peut-être pourriez-vous... Je ne devrais pas dire nous donner une leçon, mais nous communiquer certains renseignements au sujet de ce qui, selon vous, pourrait se passer.

Le chef Mercredi: À propos de l'unité nationale ou de Waterhen?

M. Harper: Au sujet de l'unité nationale, des choses internes qui peuvent se produire et de ce qui risque d'arriver si nous ne réglons pas ces problèmes.

Le chef Mercredi: En fait, j'allais attendre que le premier ministre me demande de le lui dire.

M. Harper: Nous nous y employons.

Le chef Mercredi: Si je vous le dis maintenant, Elijah, vous n'allez pas m'inviter.

Des voix: Oh, oh!

M. Harper: Vous êtes toujours le bienvenu.

Le chef Mercredi: Je voulais revenir sur un commentaire présenté par un député, selon lequel ce ne sont pas les assemblées législatives ni le Parlement qui vont assurer l'unité du pays. Plusieurs choses devront se conjuguer. L'une d'entre elles est ce que vous avez lancé, les efforts en vue de rétablir la paix entre les gens.

Il est bien difficile de faire ce que vous avez fait pour essayer d'arriver à un accord entre les Autochtones et les églises quant au rôle de celles-ci dans la destruction de notre culture et de trouver un terrain d'entente. Je crois que c'est un modèle applicable à l'établissement de bons rapports entre nous et le Parti réformiste, entre nous et le Bloc, ou même entre nous et les libéraux, sans pour autant s'en tenir là - car ce n'est pas seulement un processus politique - , donc également entre nous et la population canadienne.

À l'heure actuelle, mon but dans la vie est d'essayer d'entrer en contact avec les souverainistes du Québec pour tenter d'ouvrir ce dialogue en commençant par un petit rapprochement, pour ensuite aller plus loin.

Votre initiative, le rassemblement spirituel, a été importante en amenant les gens à réexaminer les problèmes sans idées préconçues. Cela a donné de bons résultats, tout au moins en ce qui concerne nos rapports avec les églises.

Si l'on applique cela dans le contexte de l'unité nationale, je pense qu'il était bon que des Canadiennes et Canadiens aillent à Montréal pour essayer de demander aux gens du Québec de rester. Je pense que c'était bien. Je crois que c'est une erreur de les accuser d'un acte criminel pour avoir agi ainsi, mais je ne suis pas au Québec. C'est simplement une observation personnelle.

Avec l'affrontement entre Bouchard et Allan Rock au sujet du référendum, chacun a une position à défendre. Bouchard a de bons arguments à présenter et Allan Rock aussi. Toutefois, ce que fait un gouvernement ne doit pas toujours être considéré comme un affront. Comment mettre un terme à cela? Je ne le sais pas.

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Je pense qu'à la base, les gens doivent faire ce qu'ils peuvent. Il y a eu la conférence Confédération 2000. Les participants ont fait quelque chose, mais ils ont oublié les Autochtones. Ils m'ont invité, mais je ne suis pas une simple décoration. Ils m'ont invité, mais ils ont ensuite oublié mon message sur la nécessité d'inclure tout le monde et ils sont passés à l'élaboration d'une stratégie pour l'unité nationale excluant les Premières nations. Je ne suis pas allé à la deuxième réunion, qui vient d'avoir lieu, parce que les groupes de travail créés pour s'occuper de l'unité nationale rejetaient la participation des Autochtones, comme cela avait été le cas avec la proposition du lac Meech.

Mais c'est tout au moins un effort entrepris au sujet de cette question du Canada anglais et du Canada français. Il faut faire autre chose pour impliquer les Autochtones du Québec et ceux du reste du Canada dans cette question de l'unité nationale.

Le président: Avant de vous laisser conclure, je voudrais vous remercier vivement d'avoir accepté notre invitation. Pendant les premières minutes de cette réunion, je me suis demandé si nous avions eu une bonne idée en vous invitant, vu la façon dont cette invitation était perçue, mais j'espère que vous avez pu constater que nous avons de très bonnes intentions et que nous nous intéressons vraiment à ces problèmes.

Bien que vous ne vouliez pas faire le professeur, je crois que tous les bons dirigeants sont de bons professeurs. Et je dis que vous êtes un bon professeur. En vous remerciant, j'aimerais vous permettre de conclure ce débat.

Le chef Mercredi: Je veux simplement dire, monsieur le président, que nous connaissons les solutions en tant que chefs indiens. Nous savons ce qu'il faut faire, mais nos frustrations viennent de vos gouvernements, pas seulement du gouvernement fédéral, mais aussi de ceux des provinces, ceux qui détiennent tout le pouvoir.

Je ne dis pas que les gens n'ont pas de bonnes intentions. Je ne méprise pas cela. Je ne dis pas que les gens ne font pas preuve de bonne volonté, même si je ne le conteste pas nécessairement. Je dis simplement que les bonnes intentions et la bonne volonté ne suffisent pas si rien ne se fait.

Les grands problèmes continuent de se poser. Les Autochtones commencent à perdre patience et les jeunes représenteront la moitié de notre population d'ici l'an 2000. La moitié de notre population aura 35 ans au moins. À l'heure actuelle, 50 p. 100 d'entre eux ne dépassent pas l'école secondaire. Voilà le problème. Que va-t-il advenir d'eux? Vont-ils échouer dans vos prisons ou allons-nous faire quelque chose maintenant?

Votre gouvernement pratique actuellement des coupures dans différents programmes qui ont des répercussions sur les possibilités offertes aux gens. J'ai demandé à votre ministère des Finances de ne pas faire de coupures dans les programmes destinés aux Indiens. Ils sont déjà insatisfaisants sous leur forme actuelle. Il m'a répondu que les Indiens eux-mêmes doivent souffrir comme les autres. Je lui ai dit que j'aimerais qu'il souffre autant que les Indiens parce qu'alors, il ne ferait pas ce qu'il allait faire.

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Les coupures ont néanmoins été pratiquées - 6, 3 et 3 pour le ministère de la Santé et 6, 3 et 3 pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada. Ils ont dit que ce n'était pas des coupures, mais ils ne tenaient pas compte de l'inflation, du coût de la vie, des économies d'échelle, ni de l'augmentation de notre population. Donc, ces budgets eux-mêmes ont fait l'objet de coupures.

À l'heure actuelle, il y a des gens que les dentistes refusent de soigner. Ils ne peuvent pas payer les médicaments dont ils ont besoin pour leur traitement. C'est le cas dans tout le pays à cause des coupures pratiquées par le gouvernement.

L'éducation, le programme permettant à notre peuple de se libérer, fait l'objet de coupures de la part du gouvernement même s'il dit qu'il s'agit seulement d'un plafond. Le fait est que beaucoup d'étudiantes et d'étudiants ne peuvent pas aller à l'université parce qu'il n'y a pas d'argent pour eux. L'histoire montre que c'est l'éducation qui offre des possibilités aux Indiens. C'est la façon pour eux de se libérer de la pauvreté. C'est comme cela qu'ils deviennent médecins, avocats, dentistes, enseignants, travailleurs sociaux ou artisans qualifiés et qu'ils trouvent un emploi et c'est comme cela qu'ils échappent à la dépendance, lorsqu'ils trouvent du travail.

Donc, comme vous le voyez, votre gouvernement doit reconnaître ce qui permet aux jeunes d'échapper à la pauvreté et il devrait investir dans le développement des ressources humaines, dans la formation et le développement économique. Si vous vous engagez sur cette voie, c'est très bien, mais ce que je veux vous montrer, c'est qu'il y a eu un nombre infini d'études...

Même votre comité a réalisé... combien d'études, M. Bachand?

M. Bachand: Trente au cours des cinq ou six dernières années.

Le chef Mercredi: Oui, et les études de la commission royale disparaissent sous la poussière avant même d'avoir été présentées à la Chambre des communes.

Ce que je vous demande est de prendre des mesures concrètes. Collaborez avec les dirigeants que nous sommes pour apporter des changements. Voilà mon message. Si vous agissez ainsi, nos chefs seront peut-être mieux disposés à faire les professeurs s'ils pensent que des changements sont possibles au-delà des bribes que les gouvernements sont prêts à nous consentir à l'heure actuelle sous forme de divers projets éparpillés çà et là.

Le président: Merci beaucoup. La séance est levée.

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