[Enregistrement électronique]
Le lundi 23 septembre 1996
[Traduction]
Le président: Nous sommes réunis pour étudier le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon et la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon. Nous reprenons l'étude de l'article 1.
Avant de commencer, j'aimerais nous excuser auprès de tous ceux qui nous ont attendu si longtemps. À Ottawa, quand le timbre retentit, les députés vont voter; c'est obligatoire. Cela explique que nous soyons en retard sur notre horaire. Prenez cependant tout le temps qui vous est accordé.
Allons-y. Comme nous sommes en retard, nous remplirons les formalités au fur et à mesure. Nous allons commencer avec M. Stewart Elgie, conseiller juridique du Sierra Legal Defence Fund. Nous allons essayer de nous limiter à quarante minutes, période de questions comprise.
M. Stewart Elgie (conseiller juridique, Sierra Legal Defence Fund): Merci, monsieur le président, et merci de m'avoir invité. Je n'aurai pas de mal à me conformer à vos règles étant donné que je dois prendre un avion à 14 heures.
Je commencerai par une touche d'humour, en vous disant combien je suis déçu d'être ici aujourd'hui. Je comptais vraiment devoir aller à Whitehorse et communiquer avec vous de là-bas via la télévision. Je ne peux penser à aucun endroit au Canada où j'aimerais mieux être en septembre qu'au Yukon, et je suis donc très jaloux. Le Yukon est un endroit spécial, et je pense qu'il a probablement marqué comme moi quiconque a eu le privilège de s'y rendre.
J'aimerais vous parler de la législation minière qui est proposée ici. J'ai vraiment préparé un rapport approfondi, pas mal plus détaillé que mes commentaires le seront aujourd'hui. Je vais le faire distribuer et m'y référer. Ce sera plus facile pour tout le monde si je me contente de vous dire à quelle page je suis rendu.
[Français]
Je n'ai pas l'information en français. Je crois que la traduction est presque terminée. Comme je ne parle pas très bien français, je vais parler en anglais aujourd'hui. Je m'en excuse.
[Traduction]
Je vais essayer de vous dire à quelle page j'en suis au fur et à mesure, de sorte que vous pourriez peut-être juste prendre note des points que j'aborde. Je n'aborde que quelques-uns des points les plus importants.
Le Yukon a de nombreux attraits magnifiques. Ce qu'il n'a pas, cependant, c'est une législation pour régir l'effet sur l'environnement de l'exploitation minière. Son voisin, les Territoires du Nord-Ouest, en a une depuis trente ans. Je félicite le gouvernement d'entreprendre un processus qui se fait attendre depuis longtemps. La dernière fois qu'on a envisagé sérieusement de doter le Yukon d'une législation minière, le modèle T de Ford venait juste de sortir, la télévision n'était pas encore inventée, et les voyages en avion relevaient de la science-fiction. Au cours des soixante-dix ans... Une telle législation se faisait attendre certainement depuis longtemps.
L'extraction et l'exploitation minières peuvent avoir plusieurs effets sur l'environnement. Elles peuvent causer une perte d'habitats fauniques, la formation de sédiments ou des rejets de métaux lourds. Elles peuvent déranger les espaces naturels, accroître l'accès à des régions par le biais de la construction de routes et d'autres infrastructures où sera ensuite pratiquée la chasse. Elles peuvent déranger les lieux historiques des peuples autochtones. Cette législation doit donc tenir compte d'un certain nombre de préoccupations.
Il est clair que l'extraction minière a toujours et continuera d'avoir sa place au Yukon. Mais, à mon avis, il importe que la législation veille à ce qu'il existe un équilibre approprié de façon à ce que l'extraction minière ne mette pas en péril les valeurs qui sont chères aux habitants du Yukon, comme le maintien en l'état des espaces naturels, de la faune, de la diversité biologique et des sites historiques.
À l'heure actuelle, il existe plus de 40 000 concessions minières au Yukon sur les terres publiques. L'effet cumulatif des activités menées sur ces terres pourra être extrêmement important. Je pense qu'il n'est pas exagéré de dire que l'exploitation minière représente au Yukon l'activité la plus importante au point de vue environnemental, de sorte que cette législation a une tâche énorme à remplir.
J'ai essayé dans ce document de comparer ce qui est proposé ici avec ce qui existe déjà maintenant dans les territoires voisins du Yukon. J'ai regardé ce qui se fait dans les Territoires du Nord-Ouest, en Colombie-Britannique et en Alaska, parce que je crois que c'est là que les conditions économiques et écologiques y sont probablement le plus semblables, et qu'elles fournissent donc la meilleure base de comparaison. J'ai regardé les terres fédérales en Alaska parce que c'est dans cet État que s'effectue le gros de l'exploitation minière.
En résumé, j'ai constaté que cette législation sort le Yukon des années 1890, mais ne l'amène que dans les années 1960. À bien des égards, elle n'est pas aussi musclée que les règlements et la Loi sur les terres territoriales en vigueur dans les Territoires du Nord-Ouest depuis trente ans. Je vous proposerai aujourd'hui un certain nombre d'amendements qui contribueront, je l'espère, à propulser la loi dans les années 1980, si ce n'est dans les années 1990 - par là, je veux dire la rendre comparable à la législation minière des juridictions voisines.
Dans mon exposé, je fais référence à un document que je devrais expliquer, à savoir l'Initiative minière de Whitehorse. Ce processus, entamé par l'Association minière du Canada, a fini par regrouper un certain nombre des grands dirigeants de l'industrie minière, de groupes environnementaux, des gouvernements fédéral et provinciaux, et des peuples autochtones. Le degré de consensus atteint concernant la protection environnementale et l'exploitation minière est encourageant et servira, je l'espère, de tremplin pour aller plus loin. Je dis cela parce que, à ma connaissance, c'est la première grande mesure législative proposée par le fédéral en matière d'exploitation minière depuis la signature de l'Initiative de Whitehorse. À bien des égards, elle sera considérée comme un moyen de tester l'attachement du gouvernement aux principes contenus dans l'Initiative de Whitehorse - à savoir s'ils ne sont que des mots.
Je suis sûr que vous connaissez la loi et que vous vous rendez compte que bien des détails relatifs aux genres de protection environnementale offerts figurent dans le règlement. Je ne vais pas m'y attarder beaucoup aujourd'hui parce que je crois comprendre que le comité s'intéresse principalement, sinon exclusivement, à la loi. Je vous recommande chaudement de vous intéresser sinon officiellement du moins officieusement au règlement, parce qu'on y traite bien des points fondamentaux.
Il existe quatre niveaux d'activités différents. La loi répartit l'exploitation minière en quatre catégories différentes de type I à IV, le I représentant l'activité la moins perturbatrice et la IV la plus perturbatrice du point de vue environnemental. Les activités de type III et IV sont assujetties à des exigences d'approbation officielle, alors que ce n'est pas le cas pour les activités de type I et II. C'est important, parce qu'il faut un critère d'approbation pour déclencher l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il n'est pas clair si les activités de type II sont admissibles à une évaluation environnementale en vertu de la LCEE, mais pour le moment, les activités de type I ne le sont certes pas.
J'aimerais dire quelques mots au sujet des activités de type I - et j'en suis maintenant à la page 6 de mon mémoire, si cela peut vous aider.
Pour le moment, on n'a pas besoin de donner un avis pour entreprendre sur les terres publiques des activités de type I. Cependant, même si elles sont moins intenses que d'autres, les activités de type I ne sont certainement pas inoffensives sur le plan environnemental. Un certain nombre d'entre elles peuvent causer beaucoup de dommages environnementaux, surtout si elles sont exercées dans des régions écologiquement fragiles. Une activité d'exploration même légère, une importante perturbation des sols ou la présence d'humains dans une aire de mise bas des caribous pendant une période critique, par exemple, peuvent engendrer de vrais problèmes. On ne peut donc pas dire que, par définition, toutes les activités de type I sont sans danger. Il faut considérer la nature de l'environnement d'accueil et la saison pour le savoir.
Le problème avec l'actuelle structure de type I c'est que personne ne sait ce qui se passe là-bas. Le gouvernement n'a aucun moyen de savoir qui fait quoi, parce qu'il n'y a pas d'exigence de notification. De ce fait, il n'y a pas moyen de coordonner les différentes activités pour s'assurer que les guides ne vont pas emmener des touristes dans une région où commence un camp d'exploration, pour s'assurer que des gens ne travaillent pas dans des aires de mise bas critiques au mauvais moment.
Je recommande fortement d'exiger qu'un avis soit donné pour les activités de type I de façon à ce que le gouvernement puisse au moins avoir le pouvoir de s'assurer que si elles soulèvent des préoccupations spéciales, celles-ci pourront être étudiées.
Le fait que je ne touche pas à certains de ces autres points ne signifie pas que je ne les considère pas comme importants. C'est juste que je ne peux pas parler assez vite pour lire tout le document en 25 minutes.
L'autre point que je voulais soulever au sujet du règlement - même si le comité ne l'étudie pas, je crois qu'il est important - figure à la page 10. Au haut de cette page j'ai un tableau. Je crois que vous en avez un semblable. J'ai comparé les normes réglementaires de la législation proposée à celles qui existent dans les Territoires du Nord-Ouest, en Colombie-Britannique et en Alaska. Je n'ai choisi qu'un seul critère, mais il est important. Il s'agit du seuil à partir duquel il faut demander l'autorisation du gouvernement pour entreprendre des activités de déplacement de terre. À bien des égards, c'est le principal critère.
Dans les Territoires du Nord-Ouest, il faut obtenir une approbation pour utiliser des engins de terrassement; c'est la même chose en Colombie-Britannique. Pour les terres fédérales, l'Alaska s'apprête à exiger la même approbation en prévision de l'adoption de la nouvelle législation fédérale.
Par contre, aux termes de la législation proposée, on pourrait, sans détenir aucune approbation gouvernementale d'aucune sorte, déboiser sur une concession jusqu'à 200 mètres carrés, creuser des tranchées de 400 mètres cubes et raser toute la végétation.
Donc, soit l'environnement au Yukon est plus résistant que celui des juridictions voisines, soit que nous lui accordons moins de valeur. Nous lui offrons moins de protection.
Cela figure dans le règlement, comme je l'ai dit, mais c'est essentiel. J'en donne quelques exemples supplémentaires ci-après.
Par exemple, pour le dynamitage, le seuil à partir duquel il faut obtenir une approbation est 20 fois plus élevé au Yukon qu'il l'est dans les Territoires du Nord-Ouest. Peut-être peut-on moins faire confiance aux habitants des Territoires à ce sujet. Je ne suis pas sûr. Mais cet écart me préoccupe.
Il y a également une double norme au Yukon. Le règlement territorial en matière d'utilisation des terres s'applique à tout, sauf à l'exploitation minière au Yukon. Le règlement proposé ira de pair avec ce règlement qui s'applique partout dans le Nord. Ce que cela signifie, c'est que les normes de protection environnementale que vous devez respecter pour construire la route qui mène à votre concession minière et transporter votre équipement sont plus sévères dans certaines régions que les normes que vous devez respecter pour obtenir cette concession.
À mon avis, cette situation est absurde et il y aurait peut-être lieu que le comité s'y attarde - bien qu'elle ne figure pas dans le règlement.
Mes commentaires précis sur ce point figurent en gras au haut de la page 11.
Au sujet des catégories et des approbations, j'aimerais parler des conditions d'exploitation qui sont les exigences minimales sur le terrain à laquelle il faut satisfaire pour toutes les activités de développement. Il s'agit de choses comme nettoyer son campement et replanter la végétation.
Les détails en sont exposés dans le règlement. Je n'en parlerai pas pour le moment.
Je veux parler de ceci. Les conditions d'exploitation sont obligatoires pour les activités de type I. Pour les activités les moins perturbatrices, vous devez respecter des conditions d'exploitation. Cependant, pour les activités de type II III et IV, vous pouvez obtenir une dispense.
Je ne vois pas de justification à ce genre de disposition.
Ce qu'on fait, en réalité, c'est dire que les conditions d'exploitation sont obligatoires pour les activités les moins dommageables mais optionnelles pour celles qui le sont plus, ce qui est en quelque sorte illogique.
En fait, les activités des types II, III et IV risquent beaucoup plus d'être nuisibles à l'environnement et les conditions d'exploitation devraient au moins s'appliquer à ces activités - en énonçant bien sûr ce qu'il faut faire pour que les activités dérangent le moins possible.
Vous trouverez à la page 14 les recommandations précises que je présente pour y parvenir très facilement au moyen de deux ou trois modifications du libellé de la loi elle-même.
Je fais un survol en essayant de m'arrêter aux principaux points.
À la page 17, il est question de qui est peut-être l'aspect le plus important de toute cette loi. Il y a à cette page une citation de Nietzsche que je me plais à rappeler à mes étudiants en droit à l'Université de Colombie-Britannique dans mon cours sur le droit de l'environnement:
- La stupidité la plus commune, c'est de perdre de vue le but que l'on poursuit.
D'autres autorités ont établi des objectifs de cette nature. Aux termes du règlement des Territoires du Nord-Ouest concernant l'utilisation des terres, celles-ci doivent être rétablies de manière à leur redonner les mêmes qualités qu'elles avaient avant l'exploitation minérale. Il y a un règlement semblable en Colombie-Britannique. Aux termes de la nouvelle législation fédérale adoptée pour l'Alaska, les terres doivent être rétablies de manière à leur redonner les qualités qui leur permettaient de faire vivre le poisson et la faune qui s'y trouvaient auparavant. Il en est question dans la partie supérieure de la page 18.
Mes recommandations sont énoncées en caractères gras dans la partie supérieure de la page 18. La législation devrait comprendre des objectifs environnementaux précis permettant de guider les personnes qui prennent les décisions concernant par exemple la délivrance de permis, la garantie à fournir, etc. On ne devrait pas donner simplement carte blanche.
J'énonce les trois objectifs que je propose: réduire le plus possible les effets environnementaux négatifs, aucune perte nette pour l'habitat ou la diversité biologique et remise en état des terres et de l'eau pour leur redonner toute leur productivité écologique. En établissant de tels objectifs, on obtiendra non seulement un bon processus mais aussi de bons résultats et je crois que c'est là la finalité de cette loi.
Tout cela peut se faire très facilement, soit dit en passant. Les articles proposés 136 et 139 de la loi énoncent les modalités d'approbation et il suffirait d'ajouter une simple disposition précisant que lorsque des décisions sont prises aux termes des articles 136 ou 139 en vue d'accorder des autorisations ou de délivrer des permis, le ministère doit tenir compte de telles ou telles conditions. Celles-ci constitueraient ainsi les facteurs directeurs - les critères, si on peut dire - à partir desquels les décisions d'approbation seraient mesurées et on disposerait toujours de la souplesse voulue pour en fixer les modalités d'exécution dans chaque cas.
Je tiens à ajouter, parce qu'il y a parfois de la confusion à cet égard, que l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne règle pas ce problème, parce que cette loi dit simplement qu'il faut tenir compte des effets environnementaux. Elle est muette sur les résultats environnementaux qu'il faut atteindre. Cette loi n'est qu'une mesure législative concernant l'étude de la situation.
Une autre lacune que présente la loi à l'étude - et encore une fois ce sont des aspects qui en transcendent la finalité - est le fait que deux règlements absolument essentiels ne sont pas encore en place. L'un énoncerait les normes de remise en état qu'il faut respecter et l'autre énoncerait les modalités d'approbation de l'ensemble des activités minières - le développement et la production et pas seulement l'exploration.
À l'heure actuelle, en l'absence de ces règlements, il y a deux trous béants dans cette loi et on a raison de dire à mon avis que la remise en état est sans doute l'aspect du développement minier qui est le plus important sur le plan de l'environnement. C'est l'activité qui, exécutée correctement, permet le plus de corriger et de prévenir les dégâts causés à l'environnement.
Nous attendons depuis plus de deux ans un règlement sur la remise en état. Je sais bien que sa rédaction ne pourra pas se faire du jour au lendemain, mais il serait bon à mon avis que le comité recommande au ministre qu'au moment de la mise en oeuvre de la loi ou de l'adoption du projet de loi, on se fixe un calendrier précis pour l'élaboration de ce règlement afin que l'on ne le perde pas quelque part et que l'on ne l'oublie pas une fois que le projet de loi est adopté, comme c'est le cas depuis deux ou trois ans. C'est un règlement extrêmement important.
Permettez-moi de souligner deux ou trois autres points et ensuite je répondrai volontiers à vos questions.
L'autre aspect du développement minier qui est important sur le plan de l'environnement est l'établissement d'une garantie. Ceux d'entre vous qui connaissent bien le secteur minier - qui le connaissent sans doute mieux que moi - savent pertinemment qu'une grande partie des dépenses d'assainissement des terres d'une mine surviennent après le tarissement des recettes. On est souvent exposé à ce moment-là à la tentation de rogner sur les coûts ou, dans certains cas, il peut y avoir faillite si la compagnie n'est dotée que de maigres capitaux permanents.
Voilà pourquoi la plupart des autorités exigent une garantie pour que la dépollution se fasse une fois l'exploitation terminée. Les dépenses à ce chapitre peuvent être extrêmement élevées, atteignant dans certains cas plusieurs millions ou même plusieurs centaines de millions de dollars. Ceux d'entre vous qui ont lu les articles de journaux à propos du désastre de Robert Friedland au Colorado savent que dans les pires cas, le coût peut atteindre des dizaines ou des centaines de millions de dollars, mais c'est bien sûr là un exemple extrême.
Selon les dispositions qui sont proposées à l'heure actuelle, une garantie n'est pas automatiquement exigée. Le texte dit que le ministre ou le directeur «peut» exiger de l'exploitant qu'il fournisse une garantie. Je suis à la page 21. Même si un projet risque d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, l'établissement d'une garantie est facultatif. Le mot «peut» est utilisé.
Je maintiens qu'une garantie devrait être obligatoire pour toutes les activités d'exploitation minérale, non pas parce que les exploitants de mines sont fondamentalement méchants ou cherchent à endommager l'environnement, mais parce qu'il s'agit d'une activité qui présente un vrai risque pour l'environnement. La remise en état du milieu devrait être un coût d'exploitation.
Un autre aspect que je tiens à souligner à propos de la législation est le fait que le montant de la garantie est laissé complètement à la discrétion des responsables compétents. Rien n'oblige à ce que la garantie fournie soit assez élevée pour couvrir tous les coûts de la remise en état. Encore là, il serait simple d'ajouter à la loi une disposition précisant que le montant de la garantie doit être assez élevé pour couvrir les coûts. Tout cela semble logique, mais la loi est muette là-dessus.
Ce que je trouve étonnant dans tout ça, c'est qu'il y a eu entente à ce sujet entre les participants de l'Initiative minière de Whitehorse. L'industrie des minéraux, les ministères chargés des minéraux des gouvernements fédéral et provinciaux et les groupes environnementaux ont tous convenu, tel que je le mentionne à la page 22, que la garantie financière doit toujours permettre de couvrir la dette que représente la remise en état. Ils ont tous accepté le principe du pollueur-payeur. Ils ont convenu qu'il fallait internaliser les coûts environnementaux, que la remise en état est un coût d'exploitation et qu'il faut avoir la certitude que les fonds seront suffisants.
La loi à l'étude est loin d'imposer des normes semblables. Je dirais que plutôt du principe du pollueur-payeur, il s'agit ici du principe du contribuable-payeur. Si le montant de la garantie exigée pour la remise en valeur n'est pas assez élevé, la note est refilée aux contribuables. À mon avis, cela n'est pas juste. Ceux qui profitent des activités devraient fournir la garantie qui assurera l'assainissement et la dépollution. De telles dispositions sont compatibles avec les lois sur les minéraux d'un grand nombre d'autres gouvernements en Amérique du Nord et, là aussi, il serait très facile de les ajouter en modifiant deux ou trois «peut» pour établir l'obligation de fournir une garantie suffisante pour couvrir les coûts.
Il y a une chose que je propose dans le document mais que je n'aborderai pas en détail ici. Elle concerne les petits exploitants, qui, dans certains cas, peuvent éprouver de la difficulté à fournir une garantie. C'est ainsi qu'il y a des autorités qui ont eu l'idée d'établir une garantie collective, à la manière des régimes autogérés, par exemple, où on verse un certain montant dans un fonds collectif. Le montant est remboursé intégralement une fois que les travaux de dépollution sont terminés, sauf 5 p. 100, qui restent dans le fonds et qui servent à payer pour les quelques mauvais exploitants qui ne versent rien pour la remise en état. Il est plus facile de cette façon pour les petits exploitants de couvrir les coûts de remise en état.
Je ne veux pas entrer dans les détails, faute de temps, mais je tiens à souligner la recommandation en ce sens qui figure aux pages 24 et 25. À l'heure actuelle, l'exploitant minier n'est pas obligé de payer intégralement les coûts des travaux d'assainissement qu'il faut effectuer à sa mine. Je n'en dirai pas plus long, sauf pour recommander que le comité ou le personnel examine ce point plus tard.
J'aimerais recommander également la création d'un fonds de remise en état. De tels fonds ont été établis dans d'autres territoires. Ils se répandent de plus en plus dans le cas de la législation sur les forêts. Une partie des redevances tirées de l'extraction des ressources est versée dans le fonds, qui sert à la remise en état. Lorsque l'exploitant n'est pas là pour procéder aux travaux d'assainissement, il est possible de recourir au fonds. Je tiens à signaler que les taux pour les redevances sont très peu élevés à l'heure actuelle au Yukon comparativement à ceux d'autres territoires. Une faible augmentation des redevances serait très utile pour créer un fonds de remise en état grâce auquel les coûts impayés de travaux de remise en état ne reviendront pas aux contribuables. Cette recommandation figure à la page 25 de mon rapport.
Aux pages 28 et 29, je souligne que les amendes et les mesures d'exécution prévues dans ce projet de loi sont si peu sévères qu'il y a de quoi être embarrassé si on les compare avec celles d'autres lois environnementales importantes dans notre pays. La plupart des importantes mesures législatives adoptées dans le domaine de l'environnement depuis six ans, par exemple la Loi sur les pêches, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et le Yukon Environment Act, prévoient des peines maximales pouvant atteinte un million de dollars. C'est une peine maximale et ce n'est pas nécessairement celle qui est imposée aux contrevenants. Mais dans les pires cas, et il s'agit de dommages éventuels pouvant s'élever à des millions de dollars, à l'autre extrémité de l'échelle... Dans le cas du projet de loi à l'étude, les amendes maximales dans le cas des activités de développement se situent entre 5 000 $ et 20 000 $. Selon moi, de tels montants ne sont pas assez élevés pour constituer un facteur dissuasif suffisant pour empêcher certains des pires scénarios. Je vous recommande d'examiner la Loi sur les pêches. Le traitement ne devrait certainement pas être différent pour les habitats du poisson que pour les habitats de la faune du Yukon.
Le document contient d'autres recommandations. Des dispositions courantes que l'on retrouve dans presque toutes les lois, par exemple la responsabilité des directeurs et des administrateurs, ne figurent pas dans cette loi; on n'y retrouve pas non plus de disposition précisant que quiconque enfreint la loi est tenu de rembourser tout avantage économique tiré du fait de l'infraction. Ce sont des dispositions que l'on retrouve couramment de nos jours dans les principales lois environnementales mais elles ne figurent pas dans celles-ci. Je recommande... il est très facile d'ajouter des dispositions de cette nature. Les précédents sont nombreux dans les lois fédérales déjà en vigueur.
Une chose qui me tracasse beaucoup est l'absence de dispositions relatives aux mesures d'application que peut prendre le citoyen. Si la loi n'est pas appliquée ou si un citoyen constate qu'il y a des violations qui ne sont pas punies, il n'a aucun moyen de recourir aux tribunaux et de voir à ce que la loi soit respectée.
Selon une promesse de la campagne électorale libérale prononcée par Paul Martin dans un livret intitulé L'environnement: Une vision libérale, un gouvernement libéral fera en sorte que les citoyens jouissent «du droit de recourir aux tribunaux pour s'assurer que les lois environnementales fédérales sont appliquées et respectées comme il se doit». Cela figure au haut de la page 33.
Des dispositions d'application de la loi par les citoyens figurent dans les dernières modifications que l'on projette d'apporter à la LCPE et je crois comprendre que l'on envisage d'en adopter dans la loi fédérale qui est proposée sur les espèces menacées d'extinction, afin de respecter cette promesse. Il faut croire que la loi à l'étude a glissé d'une manière quelconque entre les mailles du filet et je recommande que le modèle que l'on est en train de mettre au point pour la LCPE soit intégré également à cette législation, qui serait ainsi compatible avec la nouvelle législation adoptée au Yukon pour permettre l'application de la loi par les citoyens sous le régime de la législation environnementale provinciale.
Il y a un dernier point que je tiens à souligner: le plus grand défaut de cette loi, à mon avis, et c'est vraiment un défaut fondamental qui va au coeur même de notre façon d'aborder la réglementation de l'exploitation minière dans le Nord, est le régime de libre accès.
Le libre accès a été conçu au 19e siècle, à une époque où nous considérions nos ressources naturelles et notre territoire comme une vaste zone que nous voulions désespérément faire exploiter et développer. C'était peut-être justifié alors; ce ne l'est plus. Beaucoup de gouvernements au Canada et dans le monde ont renoncé au libre accès, et quand je parle de libre accès, je veux dire ceci: que n'importe qui a le droit absolu de pénétrer sur n'importe quelle terre publique au Yukon qui n'a pas été reprise, d'y établir son droit, et le gouvernement ne peut pas lui refuser le droit d'y d'exploiter une mine. Il est impossible d'opposer d'autres droits fonciers au développement minier. Le gouvernement a renoncé à son pouvoir d'équilibrer les différents droits sur les terres publiques.
Nous ne traitons pas ainsi les autres ressources. Ainsi, vous n'avez pas le droit de pénétrer dans une forêt et de simplement y délimiter une parcelle. Vous ne pouvez pas non plus revendiquer de droits pour le pétrole et le gaz. Il en est ainsi parce que le gouvernement, après avoir déterminé la valeur de la ressource, la compare à d'autres atouts que possède le territoire, comme les habitats fauniques ou la possibilité d'y pratiquer des activités de plein air, puis décide s'il faut ou non l'exploiter.
J'encourage fortement votre comité à examiner comment on pourrait abandonner le libre accès, un système qui est complètement dépassé dans sa façon de considérer notre Nord comme une réserve illimitée de ressources, et non pas comme un territoire qui vaut davantage que par la simple exploitation de ses ressources. Je sais que c'est tout un programme, qui va probablement susciter des discussions, mais peut-être que votre comité pourrait tenir des audiences à ce sujet, notamment sur la question du libre accès dans le Nord.
C'est là que le problème se pose au Canada et a le plus de conséquences. Il n'a jamais été vraiment examiné comme il aurait dû l'être, et votre comité pourrait peut-être s'en charger.
C'est tout ce que j'avais à dire. J'ai trop parlé, j'en suis convaincu, mais je vous remercie de m'avoir écouté.
Le président: Nous sommes à votre disposition. J'ai bien aimé votre exposé et le fait que vous avez identifié les lois et les règlements.
Je rappelle aux députés que nous n'examinons pas les règlements, mais uniquement les lois. Toutefois, il n'est pas mauvais d'informer le comité.
Nous avons environ cinq minutes.
[Français]
Monsieur Bachand.
M. Bachand (Saint-Jean): Je voudrais vous féliciter, monsieur Elgie, pour votre présentation qui était très bien documentée et très sérieuse.
Je n'ai qu'une seule question. Dans votre document, vous n'avez pas donné de description du Sierra Legal Defence Fund. J'apprécierais que vous envoyiez à notre greffière une courte description de votre organisme. Dans votre document, vous nous avez donné un aperçu assez intéressant de l'ensemble des choses qui, à votre avis, devraient être modifiées, mais j'aime beaucoup savoir d'où viennent les gens et j'aimerais avoir de la documentation sur le Sierra Legal Defence Fund si c'est possible.
M. Elgie: Je vais répondre en anglais, si vous me le permettez.
[Traduction]
Cela ne pose pas de problème. Je vais vous le dire brièvement. Le Sierra Legal Defence Fund est une organisation juridique écologique sans but lucratif fondée en Colombie-Britannique en 1990. Nous avons aussi maintenant un bureau en Ontario. Nous représentons gratuitement les organisations écologiques, les Premières nations et les organismes de pêche, en fait, toute personne soucieuse de l'environnement qui ne peut pas se payer d'avocat.
Je suis professeur de droit à temps partiel à l'Université de la Colombie-Britannique, mais je m'occupe avant tout du Sierra Legal Defence Fund. Je vais fournir de la documentation au comité.
Le président: Je vais demander à la greffière de la distribuer à tous les membres du comité.
Monsieur Stinson ou monsieur Duncan, vous avez trois minutes.
M. Stinson (Okanagan - Shuswap): À vous entendre parler, j'ai l'impression que vous voulez qu'il n'y ait plus d'exploitation minière là-haut. Croyez-vous vraiment que nous pouvons supprimer le libre accès au Yukon? Savez-vous comment on découvre les mines? Savez-vous que ce sont des prospecteurs qui les découvrent, et savez-vous qu'ils doivent avoir libre accès au territoire? J'aimerais aussi savoir si vous avez fait ces propositions à Whitehorse, le...
M. Elgie: Voulez-vous parler de la nouvelle initiative de Whitehorse?
M. Stinson: Oui.
M. Elgie: La plupart de ces propositions sont conformes à l'entente minière de Whitehorse. J'ai essayé de m'inspirer de ces principes et de les comparer aux lois. Je suis sûr que vous en savez davantage que moi sur le développement minier; je ne vais donc pas parler de la délimitation d'une concession minière.
Mais ce que je sais, c'est qu'au moins quatre gouvernements au Canada ont déjà abandonné le libre accès. L'Australie a abandonné le libre accès. Vous savez, les mineurs du Yukon que j'ai rencontrés sont plus astucieux et plus créatifs pour la plupart que bien d'autres mineurs dans d'autres territoires, et je ne vois pas pourquoi il leur faudrait des normes environnementales moins sévères pour qu'ils puissent être concurrentiels.
M. Stinson: Je ne parle pas de normes environnementales moins sévères. Je visite ces autres endroits que vous avez mentionnés et je constate que l'emploi dans le secteur minier y a chuté, notamment en Colombie-Britannique. Tout cela coûte très cher en assurance-chômage.
M. Elgie: En fait, la Colombie-Britannique permet encore le libre accès.
M. Stinson: Oui, je sais, mais nous sommes en train de parler de certaines de ces autres normes. Peut-être devriez-vous considérer aussi comment certains des règlements que vous recommandez pourraient avoir un effet négatif sur l'économie et la situation de l'emploi au Canada.
M. Elgie: Vous savez, le développement économique qui sacrifie l'intégrité environnementale à long terme du Yukon va probablement scier la branche sur laquelle nous sommes assis, pour ainsi dire. Je sais que ce n'est pas ce que vous voulez dire, mais je crois que les habitants du Yukon vont reconnaître que les terres publiques sont précieuses à différents égards et peuvent à long terme leur apporter beaucoup d'avantages économiques durables.
Une chose qui devient de plus en plus rare dans le Nord, ce sont ses étendues sauvages. Il y en a de moins en moins, et, par conséquent, elles deviennent de plus en plus précieuses.
M. Stinson: Je crois que les habitants du Yukon en sont bien conscients. Mais je crois aussi que si vous n'avez pas de revenu, vous allez perdre ces étendues sauvages de toute façon. Vous devez créer du revenu pour maintenir vos normes.
M. Elgie: Oui, c'est bien vrai.
Le président: Monsieur Murphy, vous avez trois minutes; monsieur Finlay, vous en avez deux.
M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci pour votre exposé. Je vois que vous avez relevé des lacunes dans le projet de loi. Je ne veux pas davantage de règlements, mais pour que l'industrie minière bouge plus rapidement... C'est une industrie énorme. J'imagine que sur le plan environnemental on y trouve des failles béantes.
Vous avez dit que nous pourrions modifier la situation, non pas nécessairement en faisant des changements au moyen du projet de loi, mais en suivant un calendrier, ou encore certaines des recommandations qui nous sont faites ici au sujet du nettoyage des exploitations minières, et autres choses de ce genre. Je voulais seulement dire que c'est quelque chose que notre comité voudra peut-être examiner. Peut-être avez-vous quelque chose à ajouter.
M. Elgie: Je crois que je suis d'accord.
Le président: Monsieur Finlay, le comité a été mentionné; par conséquent, vous avez vos deux minutes.
M. Finlay (Oxford): Je veux tout d'abord dire que j'aime bien ce que M. Elgie nous a dit aujourd'hui. Je m'étais bien préparé en prévision de cette séance, monsieur le président, et il a répondu à la majorité des 10 ou 20 questions que je me pose au sujet de cette loi.
Premièrement, elle est muette sur l'environnement. Elle ne prévoit aucune norme. Deuxièmement, depuis trois ans nous parlons dans différents comités d'éliminer les chevauchements et d'adopter des normes pour tout le pays afin d'encourager les investissements, etc. Mais le libellé de cette loi et de son règlement - ils se trouvent dans mon classeur, et je les ai lus - contredit tout à fait cela.
Je veux poser deux questions. J'ai ici un tableau qui montre quelle est la confidentialité au sujet du développement minier, et je vois que le Québec, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest n'assurent aucune confidentialité; le Manitoba et l'Alberta le font, mais ils y réfléchissent. Pourtant, nous disons ici que les demandes resteront confidentielles pendant un an au Yukon. Je n'y comprends rien.
L'autre chose que je veux savoir, c'est celle-ci. En discutant avec des gens du secteur minier, j'ai découvert que le mercure est apparemment largement utilisé pour l'exploitation des placers au Yukon. C'est une substance toxique dont on doit protéger l'environnement, mais je vois que la loi ne mentionne nulle part le mercure ou tout autre métal lourd. Est-ce bien le cas?
Le président: Une minute pour répondre?
M. Elgie: Bien sûr; je vais essayer d'être bref.
Pour ce qui est de la confidentialité, je ne m'y suis pas arrêté - par conséquent, vous me devancez probablement sur ce sujet - mais je sais que des gens l'ont invoquée pour demander d'être exemptés de l'obligation de donner un avis au gouvernement pour les activités de type I. Il me semble que la confidentialité peut avoir un intérêt légitime pour les gens qui font de l'exploration minière, mais il me paraît étrange qu'elle dépasse les intérêts de tous les autres intéressés, qui gagneraient à savoir que quelqu'un va entreprendre des activités de développement de type I; cet avis est vraiment une exigence très minime.
Pour ce qui est du mercure, je crois qu'il relève de la Loi sur les eaux internes du Nord, qui s'appelle maintenant la Loi sur les eaux du Yukon. Quant à ses effets sur les milieux aquatiques, ce serait l'affaire de la Commission hydrologique du Yukon, de la Loi sur les eaux du Yukon et, dans une certaine mesure, de la Loi sur les pêches. Le projet de loi dont vous êtes saisis, si je comprends bien, vise avant tout les répercussions du développement minier sur les terres et les habitats.
Le président: Monsieur Stinson, avez-vous un bref commentaire à faire?
M. Stinson: Je veux seulement dire que je me suis bien documenté aussi sur cette question. J'ai passé trois semaines au Yukon cet été, et je n'ai jamais vu personne utiliser du mercure pour extraire de l'or dans les placers.
Le président: Merci beaucoup. J'ai bien aimé votre exposé. Il était très intéressant. Je ne sais pas si vous allez pouvoir attraper votre avion.
M. Elgie: Vous ne pouvez rien y faire, n'est-ce pas?
Le président: Je le pourrais, mais je suis occupé. Merci beaucoup.
Des voix: Oh, oh!
M. Elgie: Merci.
Le président: Nous accueillons maintenant le chef Steve Taylor, du Conseil des Premières nations du Yukon.
Pendant que le chef Taylor s'installe, permettez-moi de saluer la députée du Yukon, Mme McLaughlin, qui assiste à la séance au Yukon aujourd'hui.
Monsieur Stinson.
M. Stinson: Monsieur le président, avant qu'on commence, j'aimerais présenter la motion suivante: qu'à la prochaine séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, la motion suivante fasse l'objet d'un débat et d'un vote:
- Je propose que le comité exhorte le gouvernement...
M. Stinson: Oui.
Le président: Très bien.
Madame McLaughlin.
Mme McLaughlin (Yukon): Je suis Audrey McLaughlin, et j'assiste à ces séances. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci pour votre participation.
Le grand chef Shirley Adamson (Conseil des Premières nations du Yukon): Mesdames et messieurs, je m'appelle Shirley Adamson. Je suis le grand chef du Conseil des Premières nations du Yukon. M'accompagnent aujourd'hui le chef de la Première nation Tr'on dek Hwech'in, qui va parler en notre nom, étant donné qu'il représente le conseil auprès du Yukon Mining Advisory Committee; notre conseiller juridique principal, Dave Joe; et notre négociateur principal, Victor Mitander.
Nous allons faire d'autres commentaires, si vous le désirez, à la fin de notre exposé. Je donne maintenant la parole au chef Taylor.
Le chef Steve Taylor (Première nation Tr'on dek Hwech'in): Salutations de Whitehorse. Je m'appelle Steve Taylor, et je suis le chef de la Première nation Tr'on dek Hwech'in. J'ai été nommé représentant du Conseil des Premières nations auprès du Yukon Mining Advisory Committee, le YMAC. Je siège au comité depuis sa création en 1990.
Je vais présenter dans mon exposé les principales préoccupations des Premières nations du Yukon au sujet du projet de loi C-6.
Comme vous le savez peut-être, le Conseil des Premières nations du Yukon représente 11 Premières nations. Quatre d'entre elles ont signé un traité et des ententes d'autonomie gouvernementale avec les gouvernements du Canada et du Yukon le 14 février 1995. Ces traités sont protégés par l'article 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Ils ont aussi la prépondérance sur toute autre loi fédérale, notamment la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon, la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon et les modifications à ces lois proposées dans le projet de loi C-6.
Les autres Premières nations membres du conseil tentent actuellement de conclure des ententes avec les gouvernements du Canada et du Yukon. Ces sept premières nations, y compris la mienne, détiennent des droits ancestraux sur leurs territoires traditionnels.
Pour nous, le Décret en conseil sur la terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest de 1870 prévoit que la Couronne du chef du Canada a l'obligation constitutionnelle de conclure une entente avec les Premières nations du Yukon en conformité avec les principes équitables qui ont constamment régi la Couronne britannique et ses relations avec les autochtones. Selon cette obligation constitutionnelle, le gouvernement doit en arriver à une entente avec toutes les premières nations du Yukon avant d'autoriser le développement de ressources au moyen de subventions, de licences ou de permis, ce qui ne fut pas le cas pour environ 75 p. 100 des terres des territoires du Yukon.
La Couronne est aussi tenue de consulter les Premières nations du Yukon. Le processus de consultation est précisé dans chacun des quatre traités conclus par les Premières nations du Yukon et défini par la common law pour les Premières nations qui n'ont pas signé de traité.
Au sens du traité, «consulter les Premières nations du Yukon» signifie: a) informer suffisamment sur la question en cause la partie à consulter pour lui permettre de définir sa position; b) accorder à la partie à consulter un délai suffisant pour lui permettre de prendre position sur la question, et lui donner l'occasion de présenter son opinion à la partie tenue de consulter; et s'obliger en tant que partie tenue de consulter à examiner soigneusement et objectivement toute opinion présentée.
Selon les principes invoqués récemment lors de l'affaire Jack, la Couronne doit apparemment avertir les Premières nations que leurs droits protégés par l'article 35(1) peuvent être touchés.
Le 25 octobre 1995, M. Steve Morrison, directeur des ressources minières au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, a écrit au conseil et aux quatre Premières nations du Yukon signataires de traités pour les informer du projet de réglementation des activités d'exploration sur les concessions minières au Yukon. Nul doute que nous avons eu amplement le temps de nous préparer pour présenter notre opinion sur cette question. Toutefois, la Couronne est tenue d'examiner soigneusement et objectivement notre opinion et doit aussi, à notre avis, nous avertir des répercussions susceptibles de toucher nos droits protégés par l'article 35(1).
Comme il semble que ce soit la dernière chance que nous ayons de présenter nos vues, je vais simplement exposer mes préoccupations concernant le projet de loi C-6.
Tout d'abord, le projet de loi C-6 ne s'appliquera pas en général aux terres de catégorie A visées par le règlement. Pour 10 000 milles carrés du Territoire du Yukon, les exploitants doivent d'abord obtenir le consentement de la Première nation qui est propriétaire foncière.
Pour ma portion des 10 000 milles carrés, j'aimerais établir un système de réglementation fondé sur une seule et unique série de règlements et d'exigences capables de répondre aux besoins de ma Première nation et de l'exploitant de façon ponctuelle. Négocier les règlements va permettre à l'exploitant et à la Première nation de les adapter aux conditions particulières de chaque projet.
D'autre part, le nouveau règlement ne s'appliquera qu'au travail d'exploration sur des concessions minières, et non pas au travail sur des terrains non jalonnés. Cela pourrait mener à un conflit entre une terre de catégorie A visée par le règlement et une terre de catégorie B sur laquelle on peut effectuer de telles activités sans être assujetti aux lignes directrices relatives à l'environnement et sans que l'exploitant soit responsable de la mise en valeur.
La Première nation établira des normes relatives à l'utilisation des terres pour les terres de catégorie A, mais pourra faire la même chose uniquement dans une certaine mesure pour les terres de catégorie B. Selon moi, il serait préférable de se débarrasser de la catégorie B et de transformer toutes les terres de catégorie B en terres de catégorie A, ce qui garantira que les nouveaux règlements ne s'appliqueront qu'aux terres de la Couronne. Sinon, le régime réglementaire prévu pourrait mener à la création de trois systèmes distincts de gestion des terres sur le territoire traditionnelle d'une Première nation, ce qui ne ferait pas grand-chose pour dissiper l'incertitude relative à l'utilisation des terres.
Deuxièmement, l'entente cadre finale au chapitre 12 sur l'évaluation du développement engage le gouvernement du Canada à adopter une loi sur l'évaluation des projets de mise en valeur au plus tard le 14 février 1995. Cette loi devra se fonder sur des lignes directrices négociées. La loi portant sur l'évaluation d'un projet de mise en valeur devra reconnaître et favoriser dans la mesure du possible l'économie traditionnelle des peuples indiens du Yukon et leur rapport spécial avec l'environnement naturel. Cette loi devra aussi garantir la participation des peuples indiens du Yukon aux projets de mise en valeur et prévoir qu'on doit tenir compte des connaissances et de l'expérience des peuples indiens du Yukon dans le cadre du processus d'évaluation. L'entente prévoit aussi que les auteurs de projets doivent tenir compte des conséquences environnementales et socio-économiques de leurs projets et d'autres projets possibles et incorporer à leurs projets des mesures susceptibles d'en atténuer les conséquences.
Les parties à l'entente cadre finale devaient adopter des mesures intérimaires pour l'évaluation des projets. Ces mesures devaient être conformes à l'esprit du chapitre 12, de même qu'aux exigences des lois en vigueur et des organismes réglementaires existants.
Il nous semble que le projet de loi C-6 ne correspond pas aux objectifs que devait atteindre le processus d'évaluation. Selon la procédure de classification prévue dans le projet de loi C-6, seules les activités de type III et IV exigeront une autorisation officielle. Les exigences d'autorisation prévues dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne garantissent pas la participation des peuples indiens du Yukon et ne tiennent pas compte non plus de notre économie ou de notre rapport spécial avec l'environnement naturel.
Toute nouvelle loi doit pourtant incorporer ces aspects du processus d'évaluation des projets. Ce qui nous inquiète, c'est que les activités de type I et II ne sont pas assujetties à l'examen et risquent donc de ne pas être visées par la Loi sur le processus d'évaluation des projets. Selon nous, notre entente devrait viser toutes ces questions, et l'on ne devrait pas être obligé d'apporter des modifications à des lois périmées relatives à l'exploitation minière dans le Yukon, surtout si l'on veut que le régime réglementaire devienne plus efficace.
Troisièmement, je viens d'une région où les anciennes techniques minières ont laissé d'énormes cicatrices sur nos terres traditionnelles. La Loi de 1906 sur l'extraction de l'or dans le Yukon ne prévoyait aucune obligation de remise en état des terres, et le projet de loi actuel ne contient aucune exigence de remise en état pour les activités d'exploitation et de développement d'un projet minier. Le projet de règlement sur l'utilisation des terres minières prévoit certaines conditions d'exploitation à l'annexe III, mais elles sont bien minimes.
Par exemple, l'exploitant doit éviter et marquer tous les sites archéologiques et cimetières et les signaler au chef. L'exploitant ne doit pas toucher au site avant d'avoir obtenu l'autorisation du chef. L'exploitant doit aussi être au courant de l'entente signée avec la Première nation.
Voyons maintenant ce qui se passe lorsqu'on peut établir que cela n'a pas été fait. Par exemple, toute personne qui découvre accidentellement une ressource patrimoniale sur la terre conférée par l'entente à une Première nation doit prendre des mesures raisonnables, compte tenu des circonstances, pour protéger la ressource patrimoniale et faire rapport de sa découverte à la Première nation le plus tôt possible.
Qui plus est, le traité stipule que toute personne qui découvre un cimetière d'une Première nation du Yukon dans le cadre d'une activité minière ne peut poursuivre cette activité qu'avec l'accord de la Première nation propriétaire du territoire en question. Il faut donc que l'exploitant connaisse ses obligations dans le cadre de chaque traité, de même que les exigences du projet de loi C-6 et les règlements connexes.
Selon nous, c'est inutilement complexe.
Quatrièmement, les dispositions relatives à la garantie laissent à désirer. Il est bien évident que les activités autorisées sur les terres de catégorie B conférées par l'entente ou sur les terres de la Couronne qui font partie du territoire traditionnel d'une Première nation auront aussi des conséquences pour les terres de catégorie A avoisinantes.
Le dépôt d'une garantie n'est pas toujours obligatoire. L'exploitant peut être obligé de déposer une garantie seulement s'il y a un risque d'effets environnementaux négatifs importants liés à une activité de type II, III ou IV, ou bien à un projet de développement ou d'exploitation. Le montant de la garantie devrait toujours être égal au coût complet d'une réparation complète des dommages causés. On devrait prévoir un cautionnement minimal pour toutes les activités minières. La nature discrétionnaire de la garantie devrait être assujettie à la capacité de payer de l'exploitant. Sinon, dans la majorité, ou la totalité, des cas, les petits exploitants ne seront jamais jugés financièrement responsables.
Cela veut dire que la Première nation et le grand public risquent inutilement de devoir assumer les coûts de réparation alors qu'ils ne devraient pas l'être.
Enfin, il faudrait renforcer les dispositions relatives aux amendes et à l'application de la loi. À l'heure actuelle, on peut imposer des amendes de 5 000 $ à 100 000 $, alors que la Loi sur les pêches prévoit une amende pouvant aller jusqu'à un million de dollars et jusqu'à trois années d'emprisonnement pour une première infraction ayant causé un changement nocif, un bouleversement ou la destruction d'un habitat de poisson. Vu que les amendements et les nouveaux règlements s'appliqueront à au moins 6 000 milles carrés de terres conférées par l'entente et à 170 000 milles carrés de territoires traditionnels et que l'habitat de la faune est tout aussi important à mon avis que l'habitat du poisson, il me semble que les amendes devraient être au moins équivalentes.
Les Premières nations notent aussi que nos chefs et conseillers sont responsables de leurs propres actes et peuvent être poursuivis par leur peuple s'ils manquent à leur devoir. De leur côté, les administrateurs et dirigeants des entreprises minières ne pourront pas être tenus responsables de leurs actes.
La Loi sur l'environnement du Yukon autorise pourtant les poursuites à l'endroit des administrateurs, dirigeants ou représentants de compagnies qui ne respectent pas la loi. Si l'on prévoyait la même chose dans cette loi-ci, les entreprises se sentiraient davantage obligées de respecter les normes prévues pour la protection de l'environnement.
Je me suis penché surtout sur cinq grandes questions dans mon exposé. Il ne faudrait cependant pas conclure que j'ai exprimé les inquiétudes de toutes les Premières nations du Yukon, puisque, à titre de représentant du conseil au sein du Yukon Mining Advisory Committee, je n'ai parlé que des sujets visés par le mandat du comité.
La Constitution oblige encore la Couronne à rencontrer de diverses façons toutes les Premières nations du Yukon, et la Couronne doit respecter cette obligation.
J'ai aussi parlé de la nécessité de respecter les engagements pris dans le traité en vue d'adopter une loi sur l'évaluation des projets de mise en valeur d'ici à 1997 et d'adopter des mesures provisoires entre-temps. Une telle loi du gouvernement fédéral permettra aux Premières nations du Yukon de participer plus efficacement au processus et de mieux rationaliser tous les traités, ententes d'autonomie gouvernementale et autres mesures législatives pertinentes.
Je n'ai parlé que des aspects les plus importants des normes requises pour la remise en état, des dépôts de garantie et de l'insuffisance des amendes prévues.
Je remercie le comité permanent de m'avoir donné cette occasion d'exprimer mon opinion sur cette question.
Le président: Je vous remercie de votre excellent exposé.
Nous allons maintenant passer aux questions. Nous commencerons d'abord par attribuer aux partis respectifs six minutes, six minutes et neuf minutes, et mes collègues du coté des ministériels pourront décider eux-mêmes comment ils comptent partager leurs neuf minutes.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. Bachand: Je ne sais pas si la traduction va se rendre jusqu'au Yukon. Est-ce que vous m'entendez bien au Yukon? Oui?
Alors, Steve, comment ça va?
[Traduction]
Le chef Taylor: Très bien merci, et vous-même?
[Français]
M. Bachand: Très bien. J'ai une question très importante pour vous. Le soleil de minuit est-il toujours aussi magnifique en haut du dôme, au Klondike?
[Traduction]
Le chef Taylor: Le soleil de minuit se couche très vite à cette époque-ci de l'année. Les jours sont de plus en plus courts.
[Français]
M. Bachand: Passons à des choses un peu plus sérieuses. J'ai ici une lettre que vous avez fait parvenir à la greffière le 12 avril. Vous dites entre autres, au point 4:
- Le Conseil des Premières nations du Yukon a appris que des plaintes avaient été formulées au
sujet de l'adoption par le gouvernement d'un programme bilatéral visant à légitimer
l'utilisation et l'occupation illégale de claims dans la vallée du Klondike.
- Vous dites plus loin:
- Ce programme est considéré comme un important vol de terres.
- Et vous dites enfin:
- Il n'a été tenu aucun compte de l'incidence du projet de loi C-6 lors de l'adoption de ce
programme criminel.
- Le programme est considéré comme un important vol de terres.
[Traduction]
Le chef Taylor: Vous devez comprendre que, comme le disait l'intervenant précédent, au Yukon, tout ce qu'on a à faire pour obtenir tous ces droits, c'est de planter un jalon dans le sol.
Ce qui se passe, c'est que des gens qui ne sont pas vraiment des mineurs paient leur 10 $ pour jalonner une concession et finissent ensuite par s'y construire une maison. La Loi sur les mines est tellement floue que n'importe qui peut le faire. Je pense que tout le monde s'en rend compte, et cela nuit à la réputation de l'industrie minière.
Cela se fait encore. Le gouvernement fédéral a cependant essayé de permettre à ceux qui jalonnent un terrain pour se construire une maison d'obtenir que leurs droits soient reconnus par la loi. Les autres propriétaires fonciers du Yukon se hérissent lorsqu'ils constatent qu'ils ont eux-mêmes payé des milliers de dollars pour acheter un terrain ou se construire une maison alors qu'une personne sans scrupules peut obtenir un bon terrain pour 10 $.
Le président: Monsieur Stinson ou monsieur Duncan, vous avez six minutes.
M. Duncan (North Island - Powell River): Je n'ai pas très bien compris. Vous avez parlé de toutes les ententes d'autonomie gouvernementale au Yukon. Voulez-vous dire que le projet de loi devrait exiger que chacune des 14 Premières nations soit consultée? Si c'est bien le cas, est-ce que cela veut dire que l'entente cadre n'a pas la préséance et que ce sont les ententes individuelles qui l'ont à vos yeux?
Le chef Taylor: Je vais demander à mon conseiller juridique de répondre à votre question.
M. David Joe (conseiller juridique, Conseil des Premières nations du Yukon): Je m'appelle Dave Joe et je suis conseiller juridique.
Comme l'a dit le chef Taylor, il existe quatre ententes qui stipulent toutes que le gouvernement du Canada doit consulter les Premières nations. La façon de le faire est précisée dans chaque entente.
Dans le cas des Premières nations qui ne sont pas visées par une entente, la common law oblige la Couronne à tenir des consultations. On peut considérer cette obligation comme encore plus grande que l'obligation légale de consulter les Premières nations visées par une entente.
La Couronne a donc le devoir implicite de consulter les quatre Premières nations du Yukon visées par un traité et la common law oblige aussi implicitement le Canada à consulter les 10 autres Premières nations.
Donc, pour vous répondre brièvement, le Canada doit en effet consulter toutes les Premières nations du Yukon.
M. Duncan: Je vous remercie de votre réponse. Les ramifications pratiques des dispositions législatives...
Je suis certain que nous allons dans l'avenir étudier d'autres genres de mesures qui auront aussi des conséquences pour le processus de consultation. Selon vous, devra-t-on adopter plus d'une mesure législative pour régler chaque question, vu que les Premières nations n'auront certainement pas toutes les mêmes préoccupations, ou pensez-vous que les consultations auront pour objectif d'en arriver à une seule mesure législative?
Le grand chef Adamson: Je pense qu'il est juste de dire que notre intention consiste à faire valoir le mieux possible les opinions et les intérêts légitimes des gouvernements des Premières nations du Yukon et de nos citoyens. Nous voudrions, bien sûr, simplifier le processus, mais comme vous avez pu en juger d'après les renseignements que nous vous avons fournis, on ne réussit malheureusement pas toujours à protéger les intérêts des Premières nations du Yukon lorsqu'on rédige de nouvelles lois.
Ce que nous disons, c'est qu'il existe des textes de loi qui garantissent les consultations appropriées et que c'est à cela que nous voulons nous en tenir. Comme vous le savez certainement, certaines décisions des tribunaux confirment ces obligations prévues dans nos ententes et la nécessité de tenir des consultations.
M. Duncan: Très bien.
Vous avez aussi parlé des sanctions et comparé le projet de loi à la Loi sur les pêches. L'un des gros problèmes qu'il y a à appliquer la Loi sur les pêches, c'est que les sanctions sont tellement importantes que l'on hésite toujours à les imposer. Presque chaque fois qu'on l'a fait, cela a donné lieu à de longs litiges.
Bien des gens affirment que, comme les sanctions sont tellement élevées, les dispositions de la loi qui portent sur l'environnement ne sont pas très bien appliquées. Je voudrais savoir si vous avez pensé à cette difficulté avant de réclamer des amendes plus élevées.
Le chef Taylor: Au lieu de discuter des raisons d'être d'amendes aussi élevées, je pense que nous devrions nous demander pourquoi les amendes prévues dans le cadre du projet de loi sont tellement faibles pour des activités quotidiennes. J'imagine très bien qu'une personne ou une entreprise serait prête à payer des amendes et à considérer que cela fait partie de ses dépenses commerciales.
Selon moi, il s'agit d'un projet de loi important et nécessaire. Je ne voudrais surtout pas que le grand public ait l'impression que les amendes ne sont pas assez élevées et qu'une entreprise pourrait considérer l'obligation de payer ces amendes comme une partie de ses coûts commerciaux. Je ne pense pas que le grand public soit prêt à accepter cela.
Le président: Merci.
Le grand chef Adamson: Je ne suis pas certain d'être d'accord quand vous dites que le fait d'avoir des amendes trop élevées empêche de bien appliquer la loi. Tous les habitants du territoire ont le devoir de protéger l'environnement, et cela s'applique aussi à ceux qui causent du tort à l'environnement.
Selon moi, il n'y a aucune raison de permettre à certains membres de notre société de causer des torts à une ressource qui nous appartient à tous sans en être tenus responsables, que ce soit financièrement ou autrement.
À mon avis, les problèmes que les Yukonnais en général et les membres des Premières nations en particulier ont eus avec les lois dans le passé n'étaient pas nécessairement attribuables au contenu des lois elles-mêmes, mais plutôt à la façon dont elles étaient appliquées.
Le président: Merci.
Je vais maintenant donner la parole à mes collègues ministériels pour neuf minutes. Qui va commencer?
Monsieur Harper.
M. Harper (Churchill): Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, non pas à Ottawa, mais bien à l'écran, puisque je vous vois à l'écran.
J'ai quelques questions importantes à vous poser, mais je veux aussi laisser un peu de temps à mes collègues. Bien entendu, je tiens beaucoup à protéger nos droits ancestraux et issus de traités dans tout le pays et je m'intéresse aussi au sort de mes frères autochtones de toutes les régions du pays.
Le gouvernement propose ici une loi et un règlement sur les activités minières. Je voudrais vous demander des précisions au sujet de l'entente cadre signée par les Indiens du Yukon. Vous avez dit que certaines terres du Yukon sont visées par les traités. Dans ces territoires, c'est-à-dire sur les terres visées par les traités ou conférées aux Premières nations, êtes-vous entièrement libres d'adopter vos propres lois? Dans quelle mesure pouvez-vous adopter des lois ou exprimer vos préoccupations dans le cas des terres de la Couronne auxquelles vous avez accès? Y a-t-il une différence entre ces terres? Qui veut répondre à ma question?
M. Joe: Je vais essayer de répondre, si vous me le permettez.
Pour ce qui est de la possibilité pour les Premières nations d'adopter des lois, nous sommes convaincus d'avoir le droit inhérent d'adopter nos propres lois. Même si les quatre Premières nations visées par un traité ont signé des ententes d'autonomie gouvernementale, ces ententes précisent que dans certains domaines la Première nation a le droit exclusif d'adopter des lois. Selon nous, cela veut dire que ce même droit d'adopter des lois dans ces même domaines s'applique dans tout le Canada.
Cela voudrait dire que toute loi du Canada, du Yukon, ou même de la Colombie-Britannique, qui ne respecterait pas ce droit des Premières nations d'adopter des lois n'aurait aucune valeur.
Deuxièmement, nous avons adopté un pouvoir législatif parallèle pour une autre catégorie de lois du Yukon. Il s'agit de lois qui traitent de questions comme les garderies. Si la Première nation décide d'adopter une loi dans un tel domaine et que cette loi n'est pas conforme à la loi du Yukon, la loi adoptée par la Première nation du Yukon l'emporte.
Si je ne m'abuse, les quatre Premières nations qui ont signé une entente finale ont déjà adopté une dizaine de lois. Certaines de ces lois visent le premier genre de sujets et d'autres font partie de la deuxième catégorie visée par le pouvoir législatif parallèle.
Il y a enfin une troisième catégorie de lois relatives à l'utilisation des terres qui ne s'appliquent qu'aux terres conférées par une entente. Cela s'applique maintenant à quelque 6 000 milles carrés de territoire au Yukon, même si l'entente nous accorde 16 000 milles carrés de territoire au Yukon.
Cela veut donc dire que les Premières nations peuvent adopter des lois, mais qu'il y a certains domaines où elles ne l'ont pas fait. À ce moment-là toutes les lois en vigueur continuent de s'appliquer, ce qui comprendrait le projet de loi C-6. Si une Première nation voulait que certains aspects du projet de loi C-6, par exemple, cessent de s'appliquer dans son cas, elle pourrait adopter une mesure à cette fin dans le cadre de son entente.
Le président: C'est à vous de décider comment partager votre temps de parole.
M. Harper: J'ai une autre question, mais je veux quand même donner le temps à mes collègues d'intervenir.
Existe-t-il des conflits de compétence, surtout dans les secteurs visés par les traités? Si j'ai bien compris, certains territoires visés par les traités chevauchent la frontière entre le Yukon et la Colombie-Britannique. Je voudrais savoir si cela peut causer des problèmes aux Premières nations ou aux Indiens inscrits du Yukon et de la Colombie-Britannique dans le cadre du projet de loi à l'étude.
Le grand chef Adamson: Il y a effectivement des dispositions dans les ententes concernant les Premières nations du Yukon qui définissent les territoires traditionnels et les terres de chasse et de pêche qui chevauchent la frontière. Nous allons essayer de régler ces problèmes dans le cadre d'ententes transfrontalières. Pour l'instant, je ne suis pas en mesure de donner le point de vue des Premières nations en cause parce qu'elles ne sont pas membres du Conseil des Premières nations du Yukon.
M. Finlay: Chef Taylor, je voudrais vous demander un peu plus de précisions à propos du YMAC. D'après mes notes, ce comité compte des représentants de la Yukon Chamber of Mines, de la Klondike Placer Miners Association, du Conseil des Premières nations du Yukon, de la Yukon Conservation Society, du gouvernement territorial du Yukon et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le comité s'occupe du remaniement de ces lois depuis qu'il a présenté son rapport en 1992, quand il recommandait qu'on modifie la loi pour permettre d'adopter des règlements sur l'utilisation des terres par l'industrie minière et sur la remise en état des sites miniers, ce qui me semble lié à l'environnement.
On dit aussi dans mes notes qu'en plus de ces consultations externes le YMAC a organisé de longues consultations publiques au Yukon en 1995.
Les objections que vous avez soulevées se rapprochent beaucoup de celles du Sierra Legal Defence Fund et des miennes, et je me demande pourquoi. Si le YMAC est un comité consultatif, ne s'intéresse-t-il pas à la protection de l'avenir des terres, des rivières, etc.? C'est une chose que je ne peux pas m'imaginer. Dans ce cas, comment se fait-il que l'on ait laissé tout cela au hasard dans ce projet de loi? Du moins, c'est ce qu'il me semble.
Le chef Taylor: Comme vous l'avez dit vous-même, le YMAC est très diversifié. Ce sont certes des gens très bien qui ont travaillé au remaniement de la loi. Nous voulions en arriver à un consensus, et c'est probablement la première fois dans l'histoire du Yukon qu'un groupe aussi varié s'entende sur de tels règlements.
Les membres du comité consultatif se préoccupaient de l'environnement, mais ils voulaient aussi que l'industrie minière puisse se développer de façon durable. Nous savons qu'il faut protéger l'environnement et nous savons que l'activité minière doit se poursuivre.
Ce groupe hétéroclite a réussi à formuler certaines recommandations. Comme vous l'entendrez probablement aujourd'hui et demain, personne n'est entièrement d'accord avec toute la loi, mais ce groupe hétéroclite a malgré tout réussi à s'entendre. Je suis pour ma part très fier et heureux d'avoir fait partie de ce groupe. Je pense que nous avons fait un excellent travail.
Le président: Merci beaucoup. Il nous reste encore du temps pour trois commentaires d'une minute.
Chef, avez-vous quelque chose à dire pour terminer? Nous ne vous avons pas entendu.
Madame McLaughlin.
Mme McLaughlin: Je m'excuse. Je voudrais savoir si le président m'autorise à poser une question.
Le président: Si deux minutes suffisent pour la question et la réponse.
Mme McLaughlin: Oui, ce sera très rapide. Je voudrais simplement avoir une précision au sujet de la consultation. Étant donné l'entente sur les revendications territoriales adoptée par le Parlement dans le cadre du projet de loi C-68 et l'absence de consultations à ce sujet, cette question-ci revêt beaucoup d'importance. Je dois dire que, de façon générale, le gouvernement fédéral n'a tenu aucun compte des arguments présentés au sujet du processus consultatif pour le projet de loi C-68.
Le président: Madame McLaughlin, nous ne sommes pas ici pour discuter du projet de loi C-68. Ne nous écartons pas du sujet. Nous ne voulons pas commencer à discuter de questions accessoires.
Mme McLaughlin: Ce n'est pas ce que je veux faire. Je veux parler du principe des consultations. Je voudrais savoir quel genre de consultations auraient été appropriées d'après les témoins. C'est une question qui peut aussi s'appliquer à d'autres mesures législatives.
Le grand chef Adamson: Il existe une réponse très simple à votre question, et elle se trouve dans nos ententes. Le processus consultatif est défini dans les lois et dans les ententes signées par nous-mêmes, c'est-à-dire par certaines des Premières nations du Yukon, et par les gouvernements du Canada et du Yukon, et ces ententes lient toutes les parties aux traités. Ce que nous voulions mettre en lumière, encore une fois, c'est qu'après la signature de ces ententes il y a eu des cas où la Couronne aurait dû aviser les Premières nations des conséquences possibles de certaines choses pour nos droits protégés par l'article 35(1), et que cette obligation lie autant le gouvernement que nos ententes.
Le président: Je tiens à remercier le chef Taylor, Mme Adamson et M. Joe de leur excellent exposé.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du gouvernement du Yukon, en l'occurrence M. John Ostashek, leader du gouvernement, et M. Jesse Duke, facilitateur pour le secteur minier.
Je signale aux membres du comité que nous allons continuer de la même façon. Je vous demanderai tantôt dans quelle mesure vous êtes prêts à partager votre temps de parole avec Mme McLaughlin. C'est à vous de décider. Je n'ai de mon côté aucune objection à ce que vous le fassiez.
Allez-y.
L'hon. John Ostashek (leader du gouvernement, gouvernement du Yukon): Je vous remercie de nous avoir permis de témoigner devant le comité pour donner le point de vue du gouvernement du Yukon.
En quelques mots, nous appuyons le processus qui a mené à la présentation de ce projet de loi. Le gouvernement fédéral a mis un peu plus de temps à agir que nous l'aurions voulu. De notre côté, nous avons réussi à concilier des points de vue très différents pour en arriver à un consensus qui permet, à mon avis, de renforcer la loi et de protéger l'environnement tout en donnant plus de certitude à l'industrie minière. Selon moi, c'est toute une réalisation que d'avoir pu concilier ces opinions différentes pour en arriver à un consensus.
Je sais que certains diront que le projet de loi ne va pas assez loin à certains égards. D'autres diront peut-être que la mesure est beaucoup trop restrictive. C'est néanmoins un grand pas en avant, et je pense que l'on devrait adopter intégralement tous les amendements proposés dans le projet de loi. Sinon, le processus ne fera que se détériorer, et un processus qui a déjà duré quelques années depuis la présentation des recommandations du comité ne fera que s'éterniser davantage. Le YMAC en est arrivé à un compromis délicat après six années de discussion. Je le répète, tous les membres du comité ont dû céder du terrain et accepter des compromis.
Comme je l'ai dit, nous pourrions encore en discuter longtemps pour essayer de renforcer la position de chaque groupe d'intérêts, mais je pense qu'il est très important pour l'économie du Yukon et la qualité de la vie au Yukon que ces modifications soient apportées maintenant. Le comité a convenu de rester en place pendant un certain temps afin de surveiller la mise en oeuvre de ces modifications législatives et de faire les mises au point nécessaires.
Je vais m'arrêter là pour laisser du temps à ceux qui veulent poser des questions. L'échange permettra peut-être d'entrer dans les détails. Merci.
Le président: M. Duke désire-t-il faire des observations à ce moment-ci?
M. Jesse Duke (facilitateur pour le secteur minier, gouvernement du Yukon): J'ajouterais simplement qu'un certain nombre d'observations et de préoccupations avaient trait au règlement. En ce qui nous concerne, ce projet de loi, cette loi habilitante, va clairement dans la bonne direction. Comme M. Ostashek l'a indiqué, un certain nombre de détails pourront être réglés au moment de la mise en oeuvre de la loi. En allant de l'avant avec ce projet de loi à ce moment-ci et en prévoyant des règlements sur les permis de production comme sur l'exploitation minière, nous nous assurons d'un système responsable sur ce territoire.
Il faut revenir sur le fait que, malheureusement, votre comité n'a pas eu la chance de discuter de la question de façon aussi approfondie que l'a fait le Yukon Mining Advisory Committee. Celui-ci a pu entrer dans les détails. Le fait qu'une tribune soit maintenue pour les intéressés au cours de la période de mise en oeuvre de la loi permettra de discuter des corrections et des modifications nécessaires en cours de route. Ces corrections et modifications seront apportées après que les divers intéressés au Yukon auront été consultés.
Le président: Merci.
Nous allons commencer par M. Stinson.
M. Stinson: Je tiens d'abord à vous féliciter pour le temps et les efforts que vous avez consacrés à ce projet de loi.
J'ai eu l'honneur et le privilège de passer trois semaines au Yukon cet été. Je suis allé à peu près partout et j'ai parlé à à peu près tous les intéressés par la question. J'en suis venu à la même opinion que vous tous. Le projet de loi va dans la bonne direction pour l'avenir.
Chacun a encore naturellement quelques préoccupations au sujet du projet de loi, mais, de façon générale, il est considéré comme acceptable.
Vous méritez donc des félicitations pour le rôle que vous avez joué dans ce processus. Je tenais à vous le dire.
M. Ostashek: Merci beaucoup.
M. Finlay: Je vous remercie de votre exposé.
J'aimerais que vous m'indiquiez trois ou quatre aspects importants du projet de loi qui selon vous sont particulièrement utiles pour l'exploitation minière au Yukon.
M. Ostashek: Avec plaisir.
Je pense que ce qu'il y a de plus important au sujet du projet de loi, c'est qu'il met à jour une législation qui existe depuis longtemps et qui ne correspondait plus aux attentes de plusieurs Yukonnais relativement à la protection de l'environnement.
En établissant divers types de travaux qui pourront être entrepris sur les concessions minières au Yukon, on rassure non seulement l'industrie minière, qui, comme je l'ai dit, est très importante pour les Yukonnais, mais également les écologistes.
Je répète que mon gouvernement est très préoccupé par l'environnement. Nous ne sommes pas prêts à approuver un développement économique qui ne soit pas durable ou écologique.
Les présentes modifications à la loi rassurent tous les groupes d'intérêts, qu'il s'agisse des écologistes, des Premières nations, des mineurs ou des promoteurs de projets sur le territoire.
Les travaux qui requièrent un examen et les niveaux d'examen sont indiqués clairement. Je tiens à répéter ce que me disent les mineurs depuis quatre ans à mon bureau. Ce ne sont pas les règlements sur l'environnement qu'ils doivent respecter dont ils se plaignent, mais du délai qu'ils doivent subir lorsqu'ils demandent un permis, étape préliminaire au financement de leur projet. Si le niveau d'examen nécessaire relativement aux divers types de travaux entrepris sur les concessions minières est mieux compris, tous les Yukonnais et les Canadiens y gagneront.
M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): John, Jesse, en tant qu'agriculteur du sud-ouest de l'Ontario, je dois vous avouer que la seule exploitation minière que j'ai jamais faite, ce fut lorsque j'ai creusé des trous pour y planter des poteaux de clôture. Pour revenir à la question qui nous occupe, ces deux lois existent depuis plus de 70 ans, et c'est la première fois qu'elles sont revues.
Je crois comprendre que vous avez environ 40 000 concessions minières actuellement au Yukon. Il semble donc que le système actuel de libre accès doive être remplacé par un système plus moderne. Je me demande si vous pouvez me décrire un peu le système en place actuellement, plus particulièrement pour ce qui est de l'examen. Nous devons évidemment continuer de faire en sorte que notre industrie minière soit concurrentielle sur le plan international.
M. Ostashek: Je vais laisser M. Duke répondre à ces questions, qui sont plutôt d'ordre technique.
M. Duke: Le but de ce projet de loi est de permettre l'évaluation environnementale de l'activité entreprise sur les concessions minières, ce qui, à mon avis, est une question tout à fait différente de la question du libre accès. Le système de libre accès, comme tel, n'a pas été discuté par le Yukon Mining Advisory Committee. Le mandat précis de ce groupe, comme l'objet de ce projet de loi, était de faire en sorte qu'il y ait des évaluations environnementales sur les concessions minières. Le système de libre accès n'a pas été discuté dans le cadre de ce processus.
Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre du côté ministériel?
Voulez-vous dire quelque chose en guise de conclusion?
M. Ostashek: Je voudrais simplement inciter de nouveau le comité à veiller à ce que ces modifications soient adoptées en entier. Il ne serait pas bon pour quelque groupe que ce soit au Yukon que ces modifications soient introduites à la pièce, comme je le disais plus tôt. Après tout le travail qui a été effectué et la coopération manifestée par tous les groupes en vue d'en arriver à un consensus, il est très important que ces modifications soient considérées comme un tout.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Je rappelle aux députés et à tous ceux qui s'intéressent à la question qu'il s'agit ici d'une entente conclue au Yukon par les Yukonnais. Au moment de notre visite, on nous a bien dit que tous les groupes avaient fait des concessions. Lorsque certains témoins manifestent le désir de revenir en arrière, il est important que nous nous rappelions que si quelqu'un revient en arrière les autres voudront faire de même. Au départ, tout le monde a cédé sur un point ou un autre.
Je le dis en votre présence. Reprenez-moi si je me trompe, monsieur Stinson; vous étiez là également, monsieur Ostashek, et monsieur Duke. Est-ce que je résume bien la situation?
M. Ostashek: Je pense que vous indiquez très bien ce qui s'est produit. L'industrie minière a fait beaucoup de concessions. Ses représentants ne voyaient pas nécessairement d'un bon oeil certaines de ces modifications, mais ils voulaient bien s'en accommoder parce qu'ils voyaient la nécessité de protéger l'environnement. Ils acceptaient de s'y faire.
Les groupes écologistes se considéraient en meilleure posture parce qu'ils seraient maintenant en mesure de voir ce qui se passe sur les concessions minières. Les Premières nations considéraient pour leur part qu'un effort considérable était fait.
Je ne peux pas trop insister sur ce point. Le processus a permis d'en arriver à un consensus et s'est révélé un succès. Il ne faudrait pas que ce consensus soit mis en péril à ce stade avancé.
Merci.
Le président: Je peux accorder deux minutes à Mme McLaughlin si elle le désire. Auparavant, j'aimerais demander à M. Stinson si ce que j'ai dit est bien ce qu'il a entendu de son côté lors de sa visite.
M. Stinson: C'est exactement ce que j'ai entendu moi aussi.
Le président: Merci.
Vous avez deux minutes, madame McLaughlin.
Mme McLaughlin: Je n'ai pas d'observations à faire au sujet de ce dernier exposé. Pour ce qui est de votre résumé, il décrit bien la situation.
Le président: Nous accueillons maintenant M. Stuart Schmidt, ancien président, Klondike Placer Miners Association.
Pendant que nous attendons, j'aimerais vous dire, membres du comité, que si vous me trouvez trop strict pour ce qui est du temps ou si vous voulez changer la façon de procéder, vous n'avez qu'à me le laisser savoir. C'est votre comité. Je suis là pour répondre à vos désirs.
Monsieur Schmidt, si vous voulez bien nous présenter vos collègues quand vous serez prêt.
M. Stuart Schmidt (ancien président, Klondike Placer Miners Association): Il s'agit de Mike McDougall, président actuel de la Klondike Placer Miners Association, ainsi que de Rob McIntyre, géologue professionnel et expert-conseil auprès de l'association.
Bonjour, mesdames et messieurs, honorables députés. Avant d'aborder le projet de loi comme tel, j'aimerais parler un peu de l'exploitation des placers, parce que vous n'êtes peut-être pas tous familiers avec ce sujet.
Je suis moi-même mineur de placers et je représente la Klondike Placer Miners Association. L'exploitation des placers consiste à rechercher de l'or dans les graviers des lits de cours d'eau. Certains de ces graviers sont anciens et éloignés des lits actuels des cours d'eau. Nous essayons de trouver des gisements rentables. Nous extrayons l'or en faisant passer le gravier par ce que nous appelons un sluice.
Il y a plus de 150 mineurs de placers au Yukon. La plupart des exploitations sont des exploitations familiales qui rapportent un revenu modeste aux membres de la famille. Il y a également des exploitations qui emploient des gens autres que les membres de la famille. Parfois, il s'agit d'un homme et d'une femme qui veulent travailler ensemble; ils peuvent avoir un certain nombre d'employés. Selon les estimations, cette industrie crée environ 700 emplois directs.
Le travail est saisonnier, mais les employés gagnent généralement suffisamment d'argent pour toute l'année. Pour une famille qui exploite une mine, le revenu est loin d'être certain. Si le printemps tarde, s'il y a trop de morts-terrains, si le sol est trop gelé, si les graviers sont de faible qualité, etc., le revenu s'en ressent.
Un de nos anciens présidents, qui a été élevé le long des criques et dont la famille exploite des mines depuis trois générations dans le district Mayo, affirme que nos exploitations sont les fermes familiales du Nord. Nous travaillons fort, pendant de longues heures, avec très peu de répit tout au long de la saison, mais nous ne nous en plaignons pas. Nous peinons pour chaque once d'or que nous réussissons à extraire, mais malgré le risque financier et l'incertitude, nous aimons ce que nous faisons. Nous gagnons notre vie. Nous élevons nos enfants. Nous aimons la façon dont nous vivons le long des criques et nous contribuons à l'économie et au tissu social du territoire.
Nous n'avons pas de données économiques définitives pour l'ensemble du territoire, mais nous avons quelques chiffres pour la région de Dawson elle-même. En 1994, le gouvernement du Yukon a préparé un profil économique complet montrant l'importance de l'exploitation des placers pour l'économie locale. Cette année-là, nos dépenses en biens et services essentiels à notre activité ont compté pour environ 65 p. 100 des revenus locaux.
Au cours des mois d'été, la ville de Dawson City est remplie de touristes qui logent dans les hôtels locaux ou achètent du carburant et des fournitures pour leurs roulottes motorisées et leurs véhicules de camping. Ils viennent goûter au romantisme du Klondike et connaître l'endroit où a eu lieu la grande ruée vers l'or de 1898. Leur nombre est tout de même limité, mais on pourrait facilement croire à une nouvelle ruée vers l'or. Nous sommes contents de voir ces touristes dépenser leur argent, étant donné que les affaires sont bonnes pour nos amis qui travaillent et vivent en ville. Par contre, à la fin de la saison, nous aurons contribué davantage à l'économie locale par nos dollars que tous les touristes mis ensemble.
Bien entendu, nos dollars ne restent pas tous à Dawson City ou au Yukon; ils sont dépensés ailleurs au Canada.
En 1995, nous avons produit 100 000 onces d'or fin, d'une valeur approximative de 53 millions de dollars, ce qui représente tout de même un apport considérable d'argent frais pour notre économie nationale.
Durant beaucoup trop longtemps, les dépenses du gouvernement fédéral ont constitué le principal moteur de l'économie du Yukon. Au cours des années récentes, les transferts fédéraux au gouvernement du Yukon, combinés aux dépenses directes du gouvernement fédéral, ont représenté jusqu'à 65¢ de chaque dollar de revenu de l'économie du Yukon. Même après les compressions récentes, les dépenses du gouvernement fédéral constituent encore plus de 50 p. 100 des revenus du territoire. Compte tenu de cette dépendance à l'égard des dépenses fédérales, il est certainement important d'appuyer, et non pas d'entraver, les efforts de ceux qui, dans ce territoire, créent de vraies richesses.
L'une des façons importantes de le faire consiste à faire en sorte que la réglementation qui vise les secteurs producteurs de richesses tienne compte des réalités de l'activité d'exploitation.
À une certaine époque, il y a de cela très longtemps, nos activités d'exploitation minière étaient peu réglementées, et l'État ne faisait pas tellement partie de nos vies. Aujourd'hui, nous sommes lourdement réglementés, et l'État est pratiquement omniprésent dans nos vies. Pour traiter avec les pouvoirs publics, nous avons créé une organisation: la Klondike Placer Miners Association. Notre assemblée constituante s'est déroulée à Dawson City, il y a environ 20 ans.
Dans nos rapports avec l'État, nous nous efforçons de faire en sorte que toute loi et tout règlement touchant directement nos moyens d'existence tiennent bien compte des exigences d'exploitation de notre secteur. Évidemment, toute mesure législative doit réaliser ses objectifs - comme l'a signalé Stewart Elgie, Nietzche serait certainement d'accord à ce sujet - mais elle doit le faire en nuisant le moins possible au secteur visé par la réglementation.
J'ajouterai ici quelque chose au sujet de l'inquiétude manifestée par Stewart Elgie relativement à la raison d'être de la réglementation. Je ne crois pas que nous ayons perdu de vue cette raison d'être. La raison d'être nous a semblé inhérente à la loi: elle vise à protéger l'environnement, et nous n'avons pas jugé opportun de le rappeler à chaque paragraphe.
Le projet de loi C-6 vise à protéger la terre de nos concessions et de nos baux miniers des dommages à long terme que pourrait causer notre activité. Si cependant, du même coup, la loi met un terme à nos activités, nous aurons perdu nos moyens de subsistance. Dawson City aura perdu le principal moteur de son économie, et le Canada aura perdu un secteur qui engendre 50 millions de dollars par année. Le projet de loi C-6 doit donc assurer la protection du territoire d'une manière qui ne nuit pas aux divers aspects de l'exploitation des placers.
Et j'ajouterai également, en réponse aux commentaires de M. Elgie, que, si ce dernier s'inquiète de ce qu'auraient à dépenser les contribuables canadiens si le gouvernement ne prenait pas des mesures suffisantes en matière de sécurité, nous devons également savoir que le contribuable canadien aura certainement à payer la note des paiements de transfert vers le Yukon qui risqueraient d'augmenter si l'activité minière devait cesser.
Nous estimons que le projet de loi à l'étude aujourd'hui assure la protection environnementale nécessaire tout en nous permettant de continuer l'exploitation minière. Ainsi, dans son libellé actuel, le projet de loi atteint ses fins, tout en nous permettant de poursuivre les activités minières. Si tel est le cas, c'est qu'il résulte d'un processus de négociation intense et de compromis qui s'est étalé sur une période de cinq ans avec la participation du Yukon Mining Advisory Committee.
Le Yukon Mining Advisory Committee, que nous appelons le YMAC, a été créé au départ à la demande de la KPMA, la Klondike Placer Miners Association, pour garantir un processus de consultation efficace dans le cadre de l'élaboration de la nouvelle Loi sur les eaux du Yukon qui devait remplacer l'ancienne loi, soit la Loi sur les eaux internes du Nord.
Le comité était composé de la Yukon Chamber of Mines et de la Klondike Placer Miners Association, qui représentaient les deux segments du secteur minier, soit l'exploitation de mines métalliques et l'exploitation de placers; de la Yukon Conservation Society, qui représentait les intérêts des conservationnistes; du Conseil des Premières nations du Yukon qui représentait les intérêts des Premières nations; du gouvernement du Yukon, qui y a participé principalement pour représenter ses intérêts en matière de conservation des ressources renouvelables; et, bien entendu, de hauts fonctionnaires de la Direction générale de l'environnement et des ressources naturelles du Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Je tiens encore à vous rappeler que le Yukon Mining Advisory Committee a été créé à notre demande pour garantir des consultations efficaces à l'égard d'une nouvelle mesure législative qui aura des effets profonds sur les moyens de subsistance des exploitants de placers du Yukon. Une fois terminé son travail sur la Loi sur les eaux, le comité s'est vu attribuer la responsabilité de formuler des règlements au sujet de la réglementation de l'utilisation des terres, des concessions et des baux miniers.
Comme je vous l'ai dit plus tôt, le présent projet de loi résulte de négociations intenses et de compromis. Je tiens à vous dire que, dans notre optique, nous sommes ceux qui ont fait la plupart des compromis. En effet, dès le départ, la réglementation de l'utilisation des terres nous semblait peu nécessaire. La réglementation de l'utilisation de l'eau qui nous est imposée est tellement rigoureuse que pratiquement tout ce que nous faisons en matière d'utilisation du territoire est limité par l'utilisation que nous pouvons faire de l'eau. De plus, les effets de nos activités sur l'environnement sont bénins, en dépit de la réputation qui nous est faite dans certains milieux.
Je tiens à dire à l'honorable député qui s'inquiète au sujet du mercure que le mercure n'est plus utilisé aujourd'hui pour l'extraction de l'or des placers au Yukon. Nous ne déchargeons pas de produits chimiques dans l'environnement. Nous utilisons l'eau dans le cadre des limitations considérables que nous imposent la Loi sur les pêches et l'autorisation du Yukon visant les placers, qui régit les niveaux de rejet de sédiments. Nous nous conformons à la réglementation qui vise la manutention du carburant, la santé et les autres formes d'élimination des déchets.
La principale difficulté a évidemment trait au fait que nous déplaçons la surface du sol pour avoir accès aux graviers noirs aurifères. Stewart Elgie a dit justement dans l'un de ses premiers commentaires que notre activité était celle qui avait le plus de répercussions au Yukon. J'aimerais cependant vous rappeler que les répercussions de l'activité minière, quelle qu'elle soit, ne touchent qu'une fraction de 1 p. 100 de la superficie du territoire du Yukon, même s'il existe 40 000 concessions minières. Il n'y a rien qui se passe sur la plupart de ces concessions. La présence de la ville de Whitehorse a des répercussions sur une plus grande superficie de territoire que l'ensemble de l'activité minière qui se déroule au Yukon, et il s'agit de répercussions dont la durée, je suppose, est beaucoup plus considérable.
Ceux qui ne comprennent pas notre activité ou qui n'ont pas idée de la capacité de régénération de la couverture végétale considèrent que notre activité est nuisible à l'environnement. Il suffirait cependant de faire venir des gens dans des régions où l'exploitation minière a été intense à l'époque de mon grand-père, ou même de mon père, pour se rendre compte qu'ils auraient peine à déterminer quels secteurs ont été exploités et quels secteurs ne l'ont pas été.
Ce n'est qu'au fond de la vallée du Klondike que les blocs rocheux des résidus de creusage laissent des traces relativement durables. Lorsque l'on remonte les tributaires, il est bien difficile de retrouver des traces d'activité minière à certains endroits.
Pour nous, cette loi ne semble pas très nécessaire. Elle le semble pour d'autres, cependant, et nous en avons donc débattu et nous avons négocié pour trouver des solutions sur lesquelles pourraient s'entendre les divers intérêts représentés. Nous avons souvent mis des heures à déboucher sur un consensus au sujet de tel ou tel aspect, et nous nous sommes finalement entendus.
C'est du rapport qui a résulté de notre consensus que se sont inspirés ceux qui ont rédigé la présente loi à l'étude. Nous savons maintenant qu'un représentant de la Yukon Conservation Society, arrivé au comité à la toute fin du processus, ne s'est pas montré satisfait du résultat et a réussi à convaincre la société de retirer son soutien. Cependant, nous signalons que nous avons tous travaillé de bonne foi durant le long processus de discussion détaillée concernant chaque aspect du rapport, et que la personne qui représentait la société de conservation à ce moment-là était solidaire de nos décisions.
Également, certaines Premières nations du Yukon estiment peut-être maintenant que le projet de loi doit être modifié. Pourtant, nous avons sollicité la participation du Conseil des Indiens du Yukon à la table du YMAC. Les représentants des Premières nations ont fait connaître leur point de vue, participé aux discussions et également au consensus sur lequel le rapport est fondé. Nous demandons donc que le projet de loi, qui résulte de consultations en bonne et due forme menées auprès des intéressés du Yukon, soit adopté sans amendements.
Nous reconnaissons certainement que c'est le Parlement, et non pas un comité de personnes du Yukon travaillant avec les fonctionnaires des gouvernements fédéral et territorial, qui a le pouvoir de réglementer notre secteur comme bon lui semble. Nous estimons toutefois que le Parlement peut le mieux jouer son rôle si la question lui est soumise avec les recommandations du comité sous la forme du projet de loi tel qu'il est.
Certains ont soutenu que la loi est trop favorable au secteur minier, qu'elle doit être rendue plus sévère. Il semble que certains souhaitent une augmentation des amendes. Le projet de loi prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à 100 000 $ par jour. À un tel niveau, les amendes ont déjà un effet dissuasif très considérable. Aucun exploitant de placers ne pourrait se permettre de contrevenir à la loi en imputant simplement un tel coût aux frais généraux. N'oubliez pas non plus que nous sommes déjà assujettis à d'autres mesures législatives, notamment la Loi sur les pêches, dont les amendes sont parmi les plus sévères.
En raison de cette loi, nous serons visés par de nouvelles amendes correspondant à de nouvelles infractions, comme le fait de ne pas remplir une tranchée, de ne pas circonscrire un tas de résidus, de ne pas déposer un plan. Pour ce genre d'infractions, l'amende de 20 000 $ par jour a un effet dissuasif énorme. De plus, toute infraction relative à l'utilisation du territoire qui pourrait justifier une amende plus considérable aurait presque certainement des répercussions sur la qualité de l'eau. Elle exposerait donc son auteur à des amendes beaucoup plus considérables prévues dans d'autres lois.
La KPMA incite tous les intéressés à respecter la réglementation et s'attend à ce qu'ils le fassent. Les amendes prévues actuellement assureront la conformité à la loi. Des amendes plus élevées n'auraient pas plus d'effet, mais pourraient certainement acculer une famille à la faillite si, par accident, une situation d'infraction survenait en dépit des efforts diligents d'un exploitant minier.
Selon certains, le permis doit être obligatoire pour toute activité que peut entreprendre un exploitant de placers ou un prospecteur, comme si, en l'absence de permis officiel, aucune norme environnementale ne s'appliquait. Or, le projet de loi C-6 est fort explicite à cet égard: toutes les activités sont assujetties aux conditions normales d'exploitation qui ont force de loi en matière de reboisement, de contrôle d'érosion, de protection des sites archéologiques, d'aménagement de camps, de manutention du carburant, de traverses de ruisseaux, d'enlèvement d'arbres et de broussailles, de déboisement par bandes, d'utilisation de véhicules tout-terrain, de construction de routes et d'utilisation d'explosifs.
Au sein du Yukon Mining Advisory Committee, nous nous sommes accordés pour dire qu'il existait certaines distinctions claires entre les types d'activités, selon leur ampleur. Pour chaque type d'activité, les travaux sont régis par des normes générales. Pour l'activité de type 1, celle de plus faible intensité, on vise par exemple le creusage de tranchées de moins de 400 mètres cubes, l'utilisation de véhicules à basse pression au sol ou de déboisement par bandes de moins de 1,5 mètre, mais il n'est pas nécessaire d'avoir un permis ou une approbation spéciale avant de commencer les travaux.
À la suite de nombreuses heures de discussion au comité consultatif, nous avons convaincu les autres membres du comité que l'exploitant minier doit tout simplement faire faillite s'il doit demander un permis officiel et se soumettre à un long processus d'approbation pour pouvoir faire des activités des plus ordinaires. Le projet de loi fait donc en sorte que l'exploitant puisse faire son travail, tout en respectant les normes. S'il ne respecte pas les normes, il paie une amende.
Certains vous diront probablement que les dispositions relatives aux garanties ne sont pas assez sévères. Pourtant, le libellé du projet de loi donne au gouvernement fédéral toutes les possibilités d'aller aussi loin qu'il le veut en matière de garanties. Le projet de loi ne comporte pas d'exigences automatiques en matière de garanties. Le gouvernement peut exiger des garanties au cas par cas. Nous sommes confiants que le gouvernement utilisera sagement son pouvoir discrétionnaire en la matière, en tenant compte de la fiche de route de l'exploitant et des répercussions néfastes éventuelles sur l'environnement. Si l'exploitant minier devait fournir des garanties à l'avance, sans avoir été en mesure de produire des revenus, le fardeau financier serait tellement lourd que seuls quelques rares grands exploitants du secteur pourraient l'assumer.
Nous sommes ceux qui devront vivre avec cette nouvelle loi sur le terrain. Croyez-nous, elle est déjà exigeante dans sa forme actuelle. Elle est le fruit de discussions ardues qui ont nécessité de nombreuses séances de travail étalées sur plusieurs années. Il y avait autour de la table des exploitants miniers et des environnementalistes. Comme résultat, nous avons une mesure exigeante, mais nous pouvons l'appliquer.
Nous, du secteur minier, sommes tout aussi préoccupés de la protection de l'environnement que nos concitoyens canadiens. Nous vivons et nous élevons nos familles sur les lieux mêmes des gisements que nous exploitons. La vue d'un orignal ou d'un ours nous comble de plaisir et le rapport étroit que nous entretenons avec le territoire en est un d'amour et d'affection. Mon père était un exploitant de placers et mon grand-père a traversé la passe Chilkoot en 1898. Je suis ici avec mes enfants. Depuis quatre générations, ma famille tire sa subsistance de l'exploitation des placers, mais la réglementation a de plus en plus d'incidence sur la rentabilité de ce type d'exploitation minière.
Toute réglementation comporte des coûts de conformité. Aujourd'hui, bon nombre de mineurs estiment que leurs moyens de subsistance sont en péril à mesure que les nouvelles lois et les nouveaux règlements se succèdent, toujours plus nombreux et fréquents.
Nous vous confions maintenant la plus récente des lois qui vient déterminer nos moyens de subsistance. Nous sommes impatients de vous voir la faire adopter sans amendement.
Merci. Vous allez bientôt recevoir notre mémoire par écrit. Je vous prie de poser des questions.
Le président: Merci.
Avant de passer aux questions, je signale que l'extraction du quartz concerne l'exploitation en roche dure alors que l'exploitation de placers concerne l'extraction de surface. Lorsqu'il est question d'amendes de 100 000 $, nous devons tenir compte du fait que, dans la majorité des cas, il s'agit d'exploitations familiales. L'exploitation des placers ne concerne pas les Inco, les Noranda ou les Falconbridge de ce monde. Je vous prie de ne pas perdre cela de vue.
Monsieur Stinson.
M. Stinson: Un bref commentaire. J'ai rencontré certains d'entre vous lorsque j'étais de passage au Yukon, et je tiens à vous féliciter, compte tenu de toutes les difficultés que vous devez surmonter pour gagner votre vie. J'ai également remarqué que lorsque vous parlez d'aller dans le sud pour l'hiver à partir de Dawson, vous parlez d'aller à Whitehorse. J'ai trouvé cela plutôt intéressant.
J'aimerais savoir quels sont vos sentiments, vous qui vivez à quelque 3 000 milles d'ici, par rapport au fait que, ici à Ottawa, on prend des décisions sur des questions qui, d'après moi, ne concernent que le Yukon. Notre décision va influer directement sur vos moyens de subsistance pour l'avenir.
N'auriez-vous pas préféré nettement que cette question soit réglée exclusivement au Yukon, de telle sorte que c'est vous qui auriez décidé comment travailler et mener vos vies?
M. Schmidt: Je ne sais pas si je puis me permettre d'avoir un avis à ce sujet.
J'aimerais bien que certaines de ces décisions se prennent au Yukon, en effet, mais ce n'est pas comme cela que les choses se passent. Je dois composer avec la situation.
M. Stinson: Je trouve la situation fort malheureuse. Je suis moi-même exploitant de placers, peut-être pas à la même échelle que certains d'entre vous, et je trouve fort étrange qu'il arrive parfois, en politique, que certaines personnes qui ne savent pas du tout de quoi elles parlent adoptent des lois qui auront des effets sur les autres. Voilà qui m'inquiète considérablement.
M. Schmidt: Nous sommes contents d'avoir été en mesure de participer autant que nous l'avons fait à l'élaboration de cette mesure.
Je suppose que c'est ça la politique - les lois sont faites par des gens qui ne savent pas ce qu'ils font.
Le président: C'est pour cela, entre autres, que nous tenons des consultations, des audiences publiques, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
M. Finlay: C'est justement ce que j'allais dire, monsieur Schmidt. Je vous remercie de votre exposé. Je crois que nous en avons beaucoup appris sur la genèse de ce projet de loi et notamment sur le rôle que vous avez joué à cet égard.
Je tiens à vous dire, à vous autant qu'à mes collègues d'en face, que je vous suis reconnaissant d'avoir déclaré plus tôt que vous vous rendez compte que nous avons la responsabilité de légiférer au Canada puisque vous seriez les premiers à nous demander d'intervenir pour empêcher la pollution de votre environnement, pollution qui vient non pas de vous mais de nous et d'autres pays au sud du cercle Arctique, et certainement très au sud des latitudes où vous vivez.
Je pense aux pluies acides, aux POR, aux métaux lourds et à divers polluants à cause desquels nos Autochtones et certains d'entre vous ne peuvent pas manger de poisson et de produits de la région, à cause d'une contamination qui vient non pas de l'exploitation des placers, mais des centrales électriques des États-Unis et des usines polluantes d'Europe et de Russie et même du sud de l'Ontario.
Les polluants atmosphériques ne connaissent pas de frontières, qu'il s'agisse du Yukon, du nord de l'Ontario ou du Québec ou de l'Arctique. Je me suis rendu moi aussi dans l'Arctique et j'ai été en mesure de constater certaines situations.
Je suis celui qui a soulevé la question du mercure et vous avez dit qu'on n'en utilisait pas. Je ne suis pas un expert, mais j'ai certaines connaissances en biologie et une certaine formation scientifique. Après avoir séparé les boues des particules plus lourdes dans les sluices, comment faites-vous pour extraire l'or?
M. Schmidt: Il y a diverses façons de le faire et cela dépend largement de la nature des minéraux lourds agglutinés à l'or. Aujourd'hui tout cela se fait par concentration gravimétrique, à l'aide de jigs et de tables de brassage. Une fois séparées les particules selon la granulométrie, on les sépare par gravimétrie. Essentiellement, c'est la façon de le faire.
M. Finlay: Ainsi, la vieille méthode de l'amalgamation n'est plus utilisée.
M. Schmidt: Cette méthode n'a plus cours. Une délégation de mineurs du Yukon va même se rendre en Guyane pour aider les gens là-bas à apprendre à extraire l'or autrement que par amalgamation. Cette méthode n'est plus en usage au Yukon depuis environ 25 ans.
M. Finlay: C'est excellent. Merci.
Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre? Mme McLaughlin souhaite-t-elle prendre la parole?
Mme McLaughlin: J'ai une brève question. J'en avais deux. L'une portait sur les garanties, mais je crois que le représentant de KPMA y a très bien répondu.
La seconde en est une que certaines personnes qui étudient cette mesure pourraient se poser et Stewart pourrait peut-être donner des précisions. Lors de son premier exposé, Stewart Elgie a dit que le projet de loi devrait comporter une exigence de notification. Quelqu'un de KPMA pourrait-il nous dire en quoi cela poserait problèmes, ou comment on pourrait tenir compte d'une telle proposition?
M. Schmidt: Merci, Audrey. J'avais bien l'impression que vous alliez poser une question difficile.
D'après ce que je comprends de l'idée de Stewart, le premier avis coïncide avec le jalonnement du claim.
J'aimerais également ajouter, pour ce qui est de la liberté d'accès, que Stewart a tort de dire que le libre accès n'existe plus en Australie et dans certaines autres provinces du Canada. Le système de jalonnement a changé, mais le libre accès existe toujours. Cependant, au lieu d'aller sur place jalonner un claim, on place maintenant des épingles sur une petite carte ou on trace un cercle sur une carte pour revendiquer une concession. Le libre accès existe encore, mais on travaille sur une carte au lieu d'aller sur le terrain.
Donc, en premier lieu, je maintiens que le fait de jalonner un claim tient lieu d'avis. À cette étape, les pouvoirs publics ont l'occasion de nous dire qu'ils ne vont pas autoriser le claim ou que le secteur ne peut plus être jalonné, comme c'est le cas pour certains secteurs au Yukon.
Par ailleurs, si on doit donner un avis, alors quelqu'un d'autre doit donner un avis en retour. C'est une question de temps. Nous parlons ici d'activités qui ne diffèrent pas beaucoup du fait pour quelqu'un d'aller à la chasse à l'orignal, d'aller camper ou de faire une expédition de rafting en rivière.
Je ne sais pas comment vous donner une meilleure réponse, mais nous parlons ici d'activités de faible envergure qu'exercent les mineurs sur les claims. Je tiens également à rappeler au comité que ces activités ne touchent qu'une partie du centième du territoire du Yukon.
J'aurais peut-être intérêt à me taire. La saison est courte et nous n'avons pas beaucoup de temps. Voilà ce que dit mon collègue. Nous n'avons parfois pas le temps de donner des avis dans le cas de ces activités de très faible envergure.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Schmidt. Votre collègue souhaite-t-il ajouter quelque chose?
M. Mike McDougall (président, Klondike Placer Miners Association): Merci, non. Je vous suis reconnaissant d'avoir donné à la Klondike Placer Miners Association l'occasion de prendre la parole devant le comité et je remercie Stuart de ce que je considère être un excellent travail.
Le président: Merci, monsieur Schmidt, monsieur McDougall et monsieur McIntyre, de votre excellent exposé, de nous avoir donné l'heure juste au sujet du mercure et de nous avoir situé ce débat dans un autre contexte.
J'invite maintenant le président du Conseil consultatif de gestion de la faune et de la flore du versant nord, M. Lindsay Staples, à prendre la parole.
M. Lindsay Staples (président, North Slope Wildlife Management Advisory Council): Merci beaucoup, monsieur le président et à vous aussi, honorables députés. C'est la quatrième fois environ depuis six ans que j'ai le plaisir de comparaître devant votre comité. Je le fais aujourd'hui pour la même raison que je l'ai fait par le passé. Je vais vous parler d'une région tout à fait particulière et dont la spécificité a été reconnue dans la législation fédérale.
J'aborde l'étude de la mesure proposée dans une perspective très pointue, celle de la Convention définitive des Inuvialuit. Cette Convention constitue le premier accord conclu au Yukon en matière de revendications territoriales. Elle a été négociée par les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Canada et, évidemment, par les Inuvialuit, représentés par le Comité d'étude des droits des autochtones.
Notre commentaire concernant le projet de loi a trait aux dispositions prévues dans la Convention définitive des Inuvialuit pour protéger cette région. Certaines de ces dispositions ne correspondent pas du tout au projet de loi à l'étude.
Je tiens à dire au départ que c'est la première occasion que nous avons de nous prononcer officiellement à ce sujet. Nous avons été consultés - et je l'apprécie - au printemps de la présente année par des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Je regrette cependant que les obligations imposées au Canada par la Convention n'aient pas fait l'objet de discussions antérieures en rapport avec la formulation de la mesure à l'étude.
Dans mes commentaires, je vais me limiter à la Convention définitive des Inuvialuit, à certaines exigences découlant de cette convention qui méritent de vous être signalées, et à certaines incompatibilités entre la Convention et le projet de loi.
Je vous dirai tout d'abord que le groupe que je représente le North Slope Wildlife Management Advisory Council, a été créé en 1988 à la suite de la négociation, de la signature et de la promulgation de la Convention définitive des Inuvialuit en 1984. Notre comité est composé de quatre membres: un représentant le Yukon, un, le Canada, et deux, les Inuvialuit. Comme je crois l'avoir dit plus tôt, je suis le président du groupe.
La Convention définitive des Inuvialuit détermine pour le versant nord du Yukon un régime général de conservation tout à fait particulier. Permettez-moi tout d'abord de définir la région dont il est question. Le versant nord du Yukon, tel qu'il a été défini dans la Convention définitive portant sur des revendications territoriales, s'étend essentiellement de la frontière de l'Alaska et du Yukon à l'ouest à la frontière du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. Il s'étend vers l'intérieur sur environ 120 kilomètres à partir de la côte et il s'étend sur une zone extracôtière le long des méridiens de longitude. Il s'agit donc d'une zone à la fois côtière et extracôtière.
C'est à cause de son étendue et du débat dont elle fait l'objet depuis de nombreuses années, soit depuis l'avènement des activités d'exploration pétrolière dans la mer de Beaufort au début des années 70, que la région suscite beaucoup d'intérêt tant chez les industriels que chez les partisans de la conservation au Yukon ainsi qu'à l'échelle pancanadienne et internationale.
L'article 12 de la Convention définitive des Inuvialuit est unique en son genre. Il s'agit du seul article de la convention qui vise une région bien précise, appelé versant nord du Yukon. Le chapitre énonce les droits des Inuvialuit et le régime de conservation spécial qui s'applique dans cette zone. Il a pour effet de créer sur la partie continentale de la zone un parc national que beaucoup d'entre vous connaissent sans doute. Le parc englobe essentiellement la partie ouest de la zone et est connu sous le nom de Parc national Ivvavik. À l'ouest se trouve l'Arctic National Wildlife Refuge en Alaska.
La zone visée de même que le régime de conservation qui y a été établi ont été créés essentiellement pour protéger les habitats d'un grand nombre d'espèces fauniques importantes qui viennent y passer l'été - il s'agit en tout cas de l'aire de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine. La zone a été créée pour protéger non pas seulement la faune et les habitats dont dépend la faune, mais aussi l'usage traditionnel de cette vaste région par les Inuvialuit. Les Inuvialuit vivent dans cette partie du nord du Yukon depuis des centaines, voire des milliers d'années, et la Convention protège de façon très exhaustive les droits et les intérêts des Inuvialuit dans cette région en particulier.
La disposition générale qui détermine la façon d'aborder et de traiter la région se trouve être le paragraphe 12(2) de la Convention définitive des Inuvialuit. Il y est bien précisé que le principal objet de la création de cette zone est la conservation de la faune, des habitats et de l'usage traditionnel par les autochtones. Il s'agit d'une protection explicite, claire et très vaste. Il est toutefois reconnu dans le chapitre que certaines exceptions peuvent être autorisées à condition qu'elles répondent à certaines normes et à certains critères.
La Convention établit une procédure très rigoureuse pour la sélection et l'examen, au regard de l'environnement, de tous les projets de développement qui pourraient être proposés pour le versant nord du Yukon. La procédure de sélection vise à déterminer les impacts négatifs importants que les projets, l'activité, le développement et l'utilisation pourraient avoir sur les habitats fauniques ou sur la capacité des autochtones à exploiter les ressources fauniques de la région. Les critères sont extrêmement rigoureux, et toutes les utilisations proposées sont scrutées à la loupe afin d'avoir l'assurance que les habitats fauniques et les activités d'exploitation des autochtones ne subiront pas de conséquences négatives.
Par ailleurs, aux termes de la Convention - et il s'agit là de quelque chose de très important - la partie continentale de la zone est soumise à une ordonnance de retrait. Outre qu'elle crée un parc national et une réserve faunique territoriale sur une île au large des côtes, la Convention prévoit une ordonnance de retrait afin de reconnaître les mesures de conservation importantes visant cette zone en particulier. L'ordonnance de retrait est importante, et je voudrais bien vous faire comprendre pourquoi. C'est qu'elle retire au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien l'autorité administrative qui lui est conférée par la Loi sur les terres territoriales d'accorder des droits de développement en surface ou dans le sous-sol de la région.
Autrement dit, avant d'obtenir le feu vert pour un projet de développement commercial exigeant l'acquisition de droits relatifs à l'occupation des terres ou à l'extraction des ressources dans la région visée par l'ordonnance de retrait - il s'agit de la région qui constitue la partie est du versant nord, qui se trouve à l'est du parc national - , il faut d'abord que l'ordonnance de retrait soit modifiée par un décret fédéral. Il faut que le conseil des ministres au niveau fédéral prenne une décision délibérée en ce sens. Ainsi, toute activité d'envergure, d'exploitation minière, par exemple, ou encore d'exploration pétrolière ou de développement du sous-sol exigerait une modification de l'ordonnance de retrait.
L'obtention d'une modification de ce genre pour une activité de développement dépend du projet et du promoteur du projet, étant donné les critères rigoureux qui, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, s'appliquent à l'examen et à la sélection des projets de développement dans la zone visée. En se soumettant à la procédure prévue à cette fin dans la Convention définitive avec des Inuvialuit et dans les lois d'application générale, il serait possible de faire modifier l'ordonnance de retrait de manière à obtenir l'autorisation de réaliser le projet ou l'entreprise ayant été approuvé. L'examen de projets de développement dans la zone visée par l'ordonnance de retrait ainsi qu'au large des côtes, partout où le développement n'est interdit par aucune autre mesure, est soumis à des démarches et des conditions qui se veulent rigoureuses. Comme je l'ai expliqué, la Convention établit une procédure juridique de sélection et d'examen qui se trouve consacrée par la Constitution.
Soit dit en passant, il y a deux entités distinctes, un comité de sélection et un comité d'examen. Les deux entités sont publiques et comprennent des représentants du Canada, du Yukon, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ainsi que des organisations inuvialuit. Ceux qui y siègent sont chargés d'examiner les projets de développement qui leur sont soumis afin de décider si, dans le cas du versant nord, ils auraient un impact négatif important sur les habitats fauniques ou l'usage traditionnel par les Autochtones.
Je tiens aussi à préciser que la définition du terme «développement» qui figure dans la Convention définitive des Inuvialuit est d'une portée très vaste. Elle comprend expressément tout ouvrage ou toute entreprise commerciale ou industrielle, y compris les installations de soutien et de transport liées à l'extraction de ressources non renouvelables de la mer de Beaufort autres que l'exploitation commerciale des ressources fauniques, ou tout projet, ouvrage ou construction d'un gouvernement fédéral, territorial, provincial, municipal ou local ou encore d'une société d'État, exception faite de projets gouvernementaux à l'intérieur des limites des collectivités inuvialuit. Je le répète, il s'agit d'une définition du «développement» qui est très vaste et où très peu d'activités ne sont pas visées.
Par ailleurs, la Convention comprend des dispositions très sévères prévoyant le versement d'indemnités considérables en cas de préjudice à la faune. Je ne m'étendrai pas sur ces dispositions, mais je tiens simplement à faire remarquer que la Convention indique très clairement les conditions dans lesquelles on peut être tenu responsable de dommages à l'environnement, à la faune, aux habitats ou encore de bouleversement des activités d'exploitation des Inuvialuit. Elle précise les cas où on peut être tenu responsable et obligé d'assumer une responsabilité financière absolue.
Enfin, pour ce qui est de l'importance qui est généralement accordée à la Convention - et je crois que, plus tôt dans la matinée, nous avons entendu le Conseil des premières nations exprimer le même point de vue - les ententes récentes sur les revendications territoriales ont une importance considérable, et pas uniquement parce qu'elles sont consacrées par la Constitution. Ces ententes contiennent presque toutes une disposition expresse indiquant que, dès qu'il y a incompatibilité ou conflit entre les textes législatifs régissant les revendications territoriales et les autres textes législatifs, ce sont les ententes, et dans le cas qui nous occupe la Convention définitive des Inuvialuit, qui ont préséance et qui s'appliquent dans la mesure où il y a incompatibilité.
C'est là un point important, car tant qu'il y a des incompatibilités entre la Convention définitive des Inuvialuit et les textes législatifs, il est important de pouvoir bien les cerner et de pouvoir en déterminer les conséquences. Bref, à moins de corrections ou d'indications ultérieures contraires, c'est la Convention définitive des Inuvialuit qui a préséance.
Il s'ensuit donc que la Convention a préséance sur le projet de loi C-6. La Convention est en vigueur depuis 12 ans. Pourtant, nous sommes constamment frustrés, déçus et même consternés de voir qu'un texte législatif qui est le fruit de 10 ans de négociations et dont la mise en oeuvre a exigé des quantités énormes de patience... qu'il existe néanmoins des incompatibilités dans le nouveau projet de loi qui a été rédigé.
Il est déjà assez difficile de régler les incompatibilités avec les lois et les règlements existants, mais tant qu'il s'agit de nouvelles lois et de nouveaux règlements qui ne tiennent pas compte dans certains cas des obligations juridiques bien évidentes qui incombent aux parties, nous avons tout lieu d'être consternés.
La plus grande inquiétude que nous avons au sujet du projet de loi C-6, ce sont les conflits et les incompatibilités réels et éventuels qu'il présentera par rapport à la Convention définitive des Inuvialuit quand il entrera en vigueur. Bien que la Convention définitive des Inuvialuit garantisse qu'en cas d'incompatibilité, les dispositions de la Convention auront préséance dans la mesure où il y a incompatibilité, cela ne nous donne pas le niveau de certitude que nous voudrions voir dans les autres textes de loi qui s'appliquent à la région où vivent les Inuvialuit.
La rédaction de nouvelles lois ou de modifications à des lois existantes constitue une occasion privilégiée d'examiner les incompatibilités juridiques qui ont cours afin de s'assurer que les nouvelles lois sont conformes à la Convention. Cela n'a pas été fait dans le cas du projet de loi, et nous considérons qu'il s'agit d'une occasion ratée.
À moins que les incompatibilités et les conflits entre le projet de loi et la Convention soient reconnus et qu'on s'y attaque de façon explicite, il est difficile de voir que nous puissions avoir une certitude réelle quant au développement minier qui pourrait se produire sur le versant nord du Yukon.
D'après certaines des dispositions de la Convention qui s'appliquent au versant nord du Yukon et dont j'ai déjà parlé, on peut prévoir que le projet de loi donnera lieu à des incompatibilités et des conflits réels et éventuels dans un certain nombre de domaines, dont je vais vous parler brièvement.
La définition du «développement» dans le projet de loi est bien plus restreinte que celle qui se trouve dans la Convention, et elle omet d'inclure toute une gamme d'activités liées à l'exploration qui, aux termes de la Convention, seraient considérées comme devant être soumises aux conditions relatives à la sélection au regard de l'environnement et aux conditions de notification. Dans le secteur minier, le développement désigne généralement l'étape préalable à la mise en production. La Convention ne fait pas cette distinction et englobe d'ailleurs une gamme d'activités qui se produisent à un stade beaucoup plus précoce et qui ne tomberaient généralement pas sous le coup de la définition du «développement» qui figure dans le projet de loi.
Les conditions relatives aux garanties et à la responsabilité énoncées dans le projet de loi diffèrent considérablement de celles que prévoit la Convention, et il n'est pas question dans le projet de loi de la mesure dans laquelle les activités minières seraient soumises aux exigences de la Convention en ce qui concerne les indemnités à verser pour dommages à la faune.
Le régime prévu dans le projet de loi qui établit divers types d'activités d'exploration soumises à des limites environnementales prescrites de même qu'à des conditions d'exploitation générales est aussi incompatible avec le régime qui s'applique au versant nord du Yukon aux termes de la Convention.
Par exemple, la limite proposée pour les activités de type I suppose qu'il s'agit d'activités occasionnant une perturbation minimale à l'environnement et pour lesquelles aucun avis ne serait exigé. Cette supposition est manifestement incompatible avec les exigences de la Convention qui s'applique au versant nord du Yukon.
La Convention impose manifestement le fardeau de la preuve au promoteur, celui-ci étant tenu de faire la preuve que l'activité proposée n'aura pas d'effet négatif sur les habitats fauniques ou sur les activités d'exploitation des Autochtones. La procédure qui s'applique se trouve détaillée dans la Convention.
Les activités de type I - notamment celles pour lesquelles 1 000 kilogrammes d'explosifs seraient utilisés par période de 30 jours et par programme, le déboisement par bandes, le décapage, l'excavation de tranchées et le forage - pourraient avoir un effet négatif sur les habitats fauniques et sur les activités d'exploitation traditionnelles des Autochtones.
La Convention établit la procédure à suivre pour éviter que ces effets éventuels ne se produisent. La procédure exige notamment qu'un avis soit donné aux collectivités ainsi qu'aux comités de chasseurs et de trappeurs de la région afin qu'ils puissent faire connaître leurs vues.
Les dispositions du projet de loi relatives aux activités de type I ne répondent pas à ces exigences qui sont énoncées dans la Convention. Les dispositions relatives aux activités de type II ne répondent pas non plus aux exigences de la Convention en ce qui concerne les avis à donner.
Une des plus grandes difficultés que présente le projet de loi tient au fait qu'il régit les activités sans qu'il y soit question des conditions d'exploitation propres à l'endroit où elles se dérouleront. Il veut réglementer les activités en imposant des limites sans égard au moment ou au lieu où les activités se déroulent.
La Convention établit sur le plan juridique un régime de conservation et de développement spécial pour une région particulière du Yukon - le versant nord - qui est très rigoureux et exhaustif. Le régime a pour objet dans le contexte du développement minier de préserver les habitats fauniques, notamment les terres humides et les cours d'eau... la perturbation des oiseaux migrateurs et des caribous et toute perturbation des activités de chasse, de piégeage et de pêche des Inuvialuit.
L'intérêt et la valeur de la région au regard de la conservation ont été bien documentés et on a assuré la conformité avec les normes de protection et de conservation les plus rigoureuses.
Le projet de loi doit en tenir compte afin que le développement minier sur le versant nord du Yukon soit soumis à un cadre où clarté et certitude prévalent. Le moment, le lieu et les modalités du développement sont des questions vitales relativement aux activités de développement qui pourraient être réalisées sur le versant nord du Yukon. Le projet de loi ne reconnaît pas ces questions ni la procédure établie par la Convention pour les examiner ou n'en tient pas compte.
Dans ce contexte du dilemme que posent ces incompatibilités entre un texte législatif proposé et un texte législatif existant qui est consacré par la Constitution, comment pouvons-nous réagir à ces incompatibilités?
Je voudrais faire certaines recommandations au comité à cet égard, tout en étant conscient de l'urgence avec laquelle il faudrait faire adopter le projet de loi selon certains et aussi du fait qu'il est le fruit de l'effort de nombreuses personnes qui croyaient avoir rédigé un texte qui faisait plus ou moins consensus parmi une multitude d'intervenants.
Je trouve malheureux que nous en soyons rendus là et que nous nous retrouvions face à ces incompatibilités flagrantes. J'y vois malheureusement le signe d'un certain manque d'égards peut-être, ou de reconnaissance, compte tenu de tout l'effort qu'il a fallu pour négocier ces ententes sur les revendications territoriales et de l'importance dont elles jouissent.
Je voudrais faire trois recommandations au comité.
Premièrement, le projet de loi devrait à tout le moins reconnaître expressément le régime spécial et les conditions particulières qui sont établis par la Convention définitive des Inuvialuit et qui s'appliquent en droit au développement minier sur le versant nord du Yukon et qu'il reconnaisse leur préséance. Le projet de loi devrait contenir une mention expresse selon laquelle il ne porte pas préjudice aux droits ou aux conditions établis en droit par la Convention définitive des Inuvialuit.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait entreprendre de s'attaquer aux incompatibilités entre le projet de loi et la Convention définitive des Inuvialuit au moyen d'ententes administratives et de lois distinctes visant à établir les conditions particulières auxquelles devront être soumises toutes les activités de développement minier sur le versant nord du Yukon.
Troisièmement, l'ordonnance de retrait devrait continuer à s'appliquer intégralement tant et aussi longtemps qu'une loi sur le développement minier qui reflète les conditions établies en droit par la Convention définitive des Inuvialuit n'aura pas été proclamée.
En conclusion, le développement minier sur le versant nord du Yukon, indépendamment de l'existence d'une ordonnance de retrait, ne sera possible que si les politiques, les pratiques ou les lois sont modifiées. Il faudrait encourager le MAINC à explorer des moyens de faire avancer ces objectifs légitimes relativement au développement minier et aux autres types de développement tout en reconnaissant le régime de conservation et les conditions établis en droit par la Convention définitive des Inuvialuit qui s'appliquent au versant nord du Yukon.
Pour tout exploitant responsable, la certitude est une exigence primordiale; l'important, c'est que tout soit clair. L'exploitant ne veut pas se retrouver aux prises avec des normes, des exigences et des procédures contradictoires et il ne veut pas non plus avoir à trancher entre ce que dit l'organisme de réglementation, ce que prévoient les textes législatifs sur les revendications territoriales ou ce qu'affirment ou demandent les divers groupes de revendicateurs. D'après notre expérience, l'exploitant responsable veut savoir quelles sont les règles qui s'appliquent. Ce n'est pas à l'industrie mais bien au gouvernement qu'il appartient d'établir clairement ces règles.
Le projet de loi sèmera la confusion parmi les entreprises minières voulant exercer leur activité sur le versant nord du Yukon, et ce, parce qu'il ne tient pas compte du régime ni des conditions établis par la Convention définitive des Inuvialuit. Il met en situation de conflit les futures entreprises minières.
La collaboration est un des éléments fondamentaux du régime environnemental établi par la Convention. Cela ne fait aucun doute. L'histoire des Inuvialuit témoigne leur désir de collaborer avec l'industrie et le gouvernement.
Nous exhortons vivement le comité à encourager le MAINC à engager des discussions avec les Inuvialuit afin d'essayer de déterminer quelle serait la meilleure façon de régler les incompatibilités juridiques entre la Convention et les lois minières qui s'appliqueraient au versant nord du Yukon.
Merci de nous avoir entendus. Je tiens à vous assurer que le texte de l'exposé que je viens de vous faire, de même que les références précises aux dispositions de la Convention définitive des Inuvialuit auxquelles je me suis reporté, feront partie intégrante du texte que je vous remettrai.
Le président: Merci beaucoup pour cet excellent exposé.
Je peux vous donner l'assurance, à vous et aux autres témoins, que nos attachés de recherche mettent constamment à jour notre documentation en y incluant tous les documents qui nous sont envoyés. Ainsi, chaque membre du comité, de même que Mme McLaughlin, reçoit tous les documents qui nous sont envoyés.
M. Finlay: Je tiens à remercier M. Staples pour son exposé.
Vous me rappelez un peu quelque chose que j'ai dit au début de la séance. J'avais du mal à comprendre les limites du projet de loi et certaines des choses que Stewart Elgie avait signalées. Je viens de vérifier mes notes. Les Inuvialuit ne faisaient pas partie du Yukon Mining Advisory Committee, même si vous avez dit qu'ils en faisaient partie. En tout cas, ils ne figurent pas sur la liste.
Vos propos me rappellent un peu ce que nous avons entendu à ce comité-ci et à d'autres comités sur l'environnement avec lesquels je me suis rendu dans l'Arctique. Il a aussi été question de la convention dont vous avez parlé relativement à d'autres lois visant les Territoires du Nord-Ouest. Quand nous concluons une entente avec les Premières nations Inuvialuit, nous ne semblons pas pouvoir les consulter vraiment une fois l'entente conclue.
Je suis sûre que j'exagère, monsieur, mais je voudrais savoir si vous pourriez nous dire comment nous en sommes arrivés là et pourquoi nos représentants au comité consultatif n'étaient pas au courant de ce conflit. Vous étiez vous-même au courant et je suis sûr que les Inuvialuit sont au courant du conflit. C'est un problème que mon collègue M. Harper a déjà soulevé.
M. Staples: Je suis heureux que vous me posiez la question et je ne veux aucunement laisser entendre qu'il s'agit ici d'un cas en particulier lié à l'élaboration de ce projet de loi. En fait, la même chose s'est produite à l'occasion de l'élaboration d'autres textes législatifs.
Je crois que vous avez parfaitement raison. Les Inuvialuit n'étaient pas représentés au Yukon Mining Advisory Committee. Cela s'explique peut-être en partie par le simple fait que c'est quelque chose de très lointain. Aucune activité d'exploration n'est en cours dans cette zone. C'est que l'ensemble de la zone est visée par une ordonnance de retrait. Je crois donc que la question a été en quelque sorte reléguée à l'arrière-plan parce qu'il n'y a pas d'activité dans la zone à l'heure actuelle.
Ce que je trouve décourageant, c'est qu'il y a manifestement des dispositions de la convention qui permettraient des activités de ce genre, à condition qu'on soit prêt à investir le temps et l'effort voulus pour élaborer les ententes administratives exigées par la Convention. Les promoteurs devraient certainement procéder de façon différente, mais pour ceux qui sont prêts à le faire et qui sont prêts à y investir le temps et l'effort voulus, il existe des possibilités dans la zone.
Enfin, ce que je trouve le plus décourageant, c'est l'attitude du palier de gouvernement supérieur à qui il incombe d'assurer l'application des ententes. Quand il y a conflit réel ou éventuel avec les ententes sur les revendications territoriales qui ont été négociées, signées et proclamées, je crois qu'il est absolument crucial que le gouvernement soit bien au courant des sources de conflits juridiques, voire de conflits de compétences, qui pourraient se présenter. Il me semble qu'on avance dans la voie de la sensibilité à ces questions, mais que les progrès sont plutôt lents. Il faut néanmoins prendre garde aux angles morts qui constituent des embûches considérables.
M. Finlay: Merci.
Le président: Madame McLaughlin, vous vouliez intervenir.
Mme McLaughlin: J'ai une toute petite question à poser.
La question est semblable à celle que j'ai posée au Conseil des premières nations du Yukon. Monsieur Staples, pourriez-vous nous dire si les Inuvialuit ont participé à quelque consultation que ce soit au sujet de ce projet de loi?
M. Staples: Je ne peux que vous parler de notre consultation à nous, qui a eu lieu au printemps. Comme je l'ai dit, notre conseil compte deux représentants inuvialuit qui sont nommés par le Conseil inuvialuit de gestion du gibier, qui est l'entité inuvialuit qui est la principale responsable de la protection des droits collectifs des Inuvialuit relativement aux habitats fauniques et aux activités d'exploitation.
Je tiens à bien faire savoir que nous étions heureux de ce que les fonctionnaires du MAINC soient venus à Whitehorse au début du printemps ou à la fin de l'hiver dernier pour nous consulter sur cette question. Cependant, ils sont venus juste avant que le projet de loi ne soit présenté pour la première fois à la Chambre des communes. Il était donc déjà très tard.
Avant que nous n'ayons eu l'occasion d'examiner le projet de loi attentivement, nous étions d'avis que, moyennant certaines modifications mineures relativement à la réglementation ou moyennant l'inclusion d'une clause habilitante qui aurait prévu plus de latitude quant à la façon de rédiger le règlement, nous aurions pu venir à bout de certaines de ces incompatibilités. Après avoir examiné le document, il me semble que les incompatibilités sont tellement grandes et tellement vastes qu'il serait inconcevable de penser pouvoir remédier aux lacunes par des modifications mineures comme celles-là.
Tout comme l'honorable député qui a posé la question plus tôt, je me demande s'il suffit d'un texte de loi ou s'il ne faudrait pas plusieurs textes de loi pour tenir compte des conditions particulières qui découlent de chacune de ces ententes sur les revendications territoriales? Je cite en exemple le cas des Territoires du Nord-Ouest, où le Canada et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest sont soumis à des dispositions juridiques très particulières. Les conditions énoncées dans la Convention définitive des Inuvialuit sont d'ailleurs très différentes de celles qui sont énoncées dans l'entente cadre finale. Il est ridicule, à mon avis, d'essayer de tenir compte de toutes ces particularités dans un seul texte de loi. D'où la recommandation voulant qu'on examine la possibilité d'adopter une loi distincte régissant les activités en fonction des zones où elles se dérouleraient afin de régler ces incompatibilités de façon vraiment constructive.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.
Je tiens à rappeler aux membres du comité qu'un rapport d'étape sur les consultations avec les Premières nations du Yukon est à votre disposition, de sorte que vous avez un rapport sur toutes les consultations.
J'invite maintenant le président de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, Juri Peepre, à prendre la parole.
M. Juri Peepre (président, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés. Soit dit en passant, je vous suis reconnaissant d'avoir bien prononcé mon nom. Je m'en réjouis d'autant plus que cela arrive rarement.
Le président: Je me suis exercé toute la nuit.
M. Peepre: Je suis président national de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada. Je tiens à remercier le comité de m'avoir permis de prendre la parole ici aujourd'hui.
Je voudrais vous donner quelques renseignements généraux sur notre organisation et vous dire pourquoi nous témoignons devant votre comité. Je voudrais discuter avec vous pendant quelques minutes du système de libre accès, puis vous parler du projet de loi comme tel et terminer ensuite avec des recommandations précises.
La Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada est une organisation nationale qui compte neuf sections et qui a pour mandat de mettre au point le système de zones protégées du Canada et de faire en sorte que les sites naturels soient gérés de manière à en préserver la diversité biologique. Nous nous intéressons de façon générale aux lois sur l'aménagement du territoire et le développement des ressources dans la mesure où elles influent sur la conservation. Nos objectifs sont semblables à ceux qui sont énoncés dans la déclaration unanime de la Chambre des communes visant à mettre au point le système des zones protégées du Canada, et ils s'inscrivent dans le cadre de la Convention internationale sur la préservation de la diversité biologique, dont le Canada est signataire. Notre organisation a aussi signé l'Accord minier de Whitehorse, qui, comme vous le savez, traitait de questions d'accès aux terres et de mesures concernant les zones protégées.
Mesdames et messieurs, le Yukon est une région d'une très grande beauté. On y trouve certaines des plus belles terres naturelles au monde et notre organisation espère protéger l'intégrité de ces paysages magnifiques.
Les lois minières du Yukon sont en place depuis le début du siècle, et on reconnaît depuis longtemps qu'elles devraient être mises à jour afin de refléter les normes minières modernes et la préoccupation du public pour la protection de l'environnement. Au cours du siècle dernier, l'exploitation minière a apporté de nombreux avantages au territoire, mais ces avantages s'accompagnaient de coûts environnementaux et sociaux liés à la pollution de l'eau, à la dégradation des habitats fauniques, au bouleversement des espèces fauniques, à la perturbation des sites naturels ainsi qu'à la perturbation des sites historiques.
Ces effets sont en grande partie attribuables à l'absence de réglementation des activités d'exploration minière. Les effets cumulatifs de ce travail d'exploration ont été très importants sur les écosystèmes fragiles du Nord. Je songe notamment au réseau de routes qui ont été construites pour donner accès aux sites d'exploration qui ont bien souvent été abandonnés par la suite, étant donné que très peu de sites sont mis en exploitation. Dans le cadre de la Stratégie de protection de l'environnement arctique, on a dépensé des millions de dollars au cours des dernières années pour enlever les barils de carburant et les autres déchets laissés sur les sites d'exploration abandonnés.
Je ne veux pas laisser entendre que les entreprises minières n'ont pas respecté les obligations que leur imposait la loi, bien qu'il soit évident que les lois très peu rigoureuses qui existaient aient été violées. Le problème tient plutôt au fait que le gouvernement n'a pas su élaborer des lois équitables sur l'aménagement du territoire et l'environnement et les appliquer aux activités d'exploration minière.
Monsieur le président, l'exploitation minière a un rôle à jouer au Yukon. Nous louons le travail acharné des nombreux habitants du Yukon qui ont participé au Yukon Mining Advisory Committee afin d'essayer d'améliorer les normes relatives au développement minier au Yukon. Nous voulons toutefois attirer aussi votre attention sur le fait que la représentation à ce comité était incomplète et que les consultations publiques ont été quelque peu restreintes au cours des dernières étapes du processus et de l'élaboration du projet de loi. À notre avis, le projet de loi ne fait pas l'objet d'un consensus.
Nous témoignons devant votre comité aujourd'hui pour présenter un argument en particulier. Les modifications qu'il est proposé d'apporter à la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon ne serviront pas l'intérêt public au XXIe siècle et feront figure de retard par rapport aux normes environnementales modernes. Les modifications proposées ne feront en fait qu'amener le Yukon dans les années 70 et ne refléteront pas les profondes préoccupations du public pour la protection de l'environnement et la responsabilité des entreprises.
Le projet de loi ne respecte pas non plus les engagements qui ont été pris aux termes de l'Accord minier de Whitehorse, qui était le fruit d'un vaste consensus et qui a été ratifié par les gouvernements fédéral et territorial, l'industrie minière et les organisations écologistes.
En outre, le Sénat du Canada a publié un texte qui s'intitulait «Protéger des milieux de vie». On y implorait les ministères fédéraux chargés d'administrer les terres nordiques de faire disparaître tout conflit entre les politiques et de s'employer à protéger les terres sauvages encore intactes. Étant donné que le projet de loi omet de porter remède aux conflits et aux inégalités inhérentes au système minier de libre accès, on omet aussi de porter remède aux problèmes récurrents que posent la planification et la conservation des terres nordiques. Ce qui compte le plus ici, ce n'est pas tant ce que l'on trouve dans le projet de loi mais ce qu'on n'y trouve pas, à savoir une refonte du système minier de libre accès. Ces failles nous portent à croire que ce projet de loi n'est qu'une mesure intérimaire qui exigera plus ample examen dans quelques années.
J'aimerais maintenant parler de quelques aspects du système minier de libre accès. Je sais, mesdames et messieurs, que ce projet de loi ne fait pas mention du système de libre accès, mais il a un rapport direct avec les recommandations que j'entends faire plus tard. Je vous prie donc de m'écouter.
Le système de libre accès est né au XIXe siècle, à l'époque où les gouvernements voulaient encourager l'extraction des ressources minérales dans les régions vierges. Ce système ne répond plus aux valeurs publiques modernes et aux exigences relatives à la protection de l'environnement. Les minerais constituent la seule ressource publique que l'on accorde librement et exclusivement selon le principe du premier arrivé, premier servi. On autorise l'exploitation du pétrole et du gaz, du bois, du poisson, du gibier, des animaux à fourrures, de l'eau et des autres ressources selon un système de permis ou de quotas ou selon un secteur à bail ou un système de licenciement.
Le système de libre accès ne permet pas vraiment au public ou au gouvernement de décider si l'exploitation minière se fera dans un secteur donné, seulement comment elle se fera. Cela est incompatible avec les valeurs publiques modernes qui font de la protection de l'environnement une préoccupation importante. Le public est favorable à la protection de l'habitat faunique, et le système de libre accès constitue un obstacle important à une approche équilibrée de l'exploitation du territoire.
Les propriétaires de claims miniers disposent de droits sans précédent pour l'utilisation du territoire aux fins de l'activité minière. Leurs droits ne leur confèrent pas de titres de propriété sur la surface terrestre, mais dans la pratique, les activités minières en vertu des claims priment généralement toute autre forme d'utilisation du territoire.
Barry Barton, qui a écrit le livre intitulé Canadian Law of Mining, a dit:
- Si le système de libre accès offre de nets avantages au secteur privé, il crée de nettes difficultés
au niveau de la politique gouvernementale. La règle selon laquelle il faut accorder un permis
d'exploitation minière à quiconque en fait la demande limite la faculté qu'a le gouvernement de
s'acquitter de ses responsabilités.
On peut soustraire des secteurs aux claims, mais c'est un processus long et coûteux. Cela se fait habituellement dans le cadre des négociations sur les revendications territoriales ou lorsque s'exercent des pressions publiques formidables pour désigner un secteur protégé. Cette procédure est boiteuse et sert bien peu à gérer efficacement l'utilisation des ressources.
Les autres utilisateurs légitimes du territoire n'ont pas voix au chapitre dans les secteurs où les claims entrent en conflit avec d'autres utilisations du territoire. On peut faire valoir des claims miniers dans des habitats fauniques essentiels, par exemple des secteurs de nidification ou de mise bas, dans des habitats réservés aux espèces rares ou en voie d'extinction, sur des terres humides essentielles, dans des secteurs qui revêtent une grande importance spirituelle ou des endroits qui peuvent avoir une autre valeur. Plusieurs types d'activités d'exploration nuisibles peuvent se pratiquer dans ces secteurs fragiles sans que l'on en avertisse le public ou sans examen environnemental. En outre, la méthode de jalonnement du claim où l'on se contente de deux poteaux d'arpentage de bois est archaïque, coûteuse et inefficiente pour les entreprises, les personnes et les autorités réglementaires.
Sauf tout le respect que nous vous devons, nous sommes d'avis que le système de libre accès est l'aspect de la réglementation minière qui a le plus besoin d'être modifié au Yukon. Nous recommandons à votre comité de tenir dans un avenir proche des audiences sur le système de libre accès tel qu'il est pratiqué au nord du 60e parallèle. Nous recommandons l'élimination graduelle du système de libre accès et son remplacement par un régime où l'activité minière se trouvera sur un pied d'égalité avec les autres utilisations du territoire.
Je signale au comité qu'il s'est tenue la semaine dernière à Yellowknife une conférence sous les auspices de l'Institut canadien du droit des ressources où l'on a justement examiné cette question. Je crois que vous tireriez grand profit de la lecture des actes de cette conférence.
L'Initiative minière de Whitehorse a reconnu la nécessité de prendre en compte tous les usages du territoire, et je cite:
- ...aucun aspect de la durabilité sociale, économique et environnementale ne peut être examiné
isolément ou faire l'objet d'une considération exclusive sans porter préjudice aux autres
aspects.
J'aimerais maintenant parler des cinq principes fondamentaux qui sont essentiels à mon avis dans l'examen des révisions qu'on propose à la Loi sur le quartz, et je ferai quelques recommandations précises pour conclure. À notre avis, il y a plusieurs principes généraux qui doivent animer une bonne loi. Je n'en nommerai que quelques-uns.
Premièrement, nous sommes d'avis que la loi doit établir un régime de protection environnementale qui soit aussi solide ou plus solide que ceux qui existent dans les autres entités nord-américaines. Nous devons nous assurer que l'on n'accorde pas de droits miniers sans considération pour les autres utilisations du territoire. Nous devons réglementer toutes les étapes de l'exploration et de l'exploitation minières. Nous devons exiger des garanties qui serviront à couvrir tous les frais de la remise en état. Enfin, la loi doit prévoir des mesures de contrôle spéciales pour les secteurs écologiques et culturels qui sont fragiles.
Nous avons quelques recommandations précises. C'est un projet de loi qui contient beaucoup d'amendements, mais nous nous en tiendrons à quelques secteurs précis.
Au départ, nous croyons que le projet de loi doit arrêter des objectifs écologiques précis qui inspireront les décisions à venir. Nous pensons que ce volet est absent, ce qui complique de beaucoup la tâche de l'organisme réglementaire qui doit administrer la mise en oeuvre de cette loi.
Ce qui nous préoccupe surtout, ce sont les premières étapes de l'exploration, soit ce qu'on appelle les activités de type I et II au niveau de l'exploration et de la réglementation. Si le projet de loi est adopté, les activités de type I et II n'auront pas besoin d'être approuvées, et l'on ne pourra pas imposer de conditions à la tenue des activités de type I sur les sites d'exploration minière. C'est pourquoi nous croyons qu'il sera presque impossible de repérer les habitats fauniques fragiles sur notre territoire et d'imposer des conditions quelconques aux activités d'exploration minière sur ces sites. Nous croyons que les conditions que prévoit le paragraphe 137(1) doivent s'appliquer aux activités de type I ainsi qu'aux autres activités qui sont déjà réglementées aux termes de cette disposition de la loi.
Comme nous l'avons dit plus tôt aujourd'hui, nous pensons qu'il est essentiel d'informer le public avant d'entreprendre des activités de type I, ou du moins d'informer les autres utilisateurs du territoire dans le secteur visé. C'est ce que prévoit le paragraphe 136(1).
À notre avis, les seuils réglementaires sont encore trop élevés et ne concordent pas avec ceux des entités voisines. Par exemple, le règlement en Colombie-Britannique s'applique dès lors que l'on installe une machinerie lourde sur un site. Nous devrions imposer la même norme que nos voisins du Nord et du Sud. Nous croyons qu'en vertu des règles 4 et 5, les activités de type I et II doivent être modifiées à la baisse si l'on veut s'assurer qu'une approbation sera nécessaire lorsqu'on utilisera de la machinerie lourde sur un site d'exploration.
Troisièmement, nous pensons que la période d'approbation pour les activités de type III et IV est trop longue. Elle doit être ramenée de dix ans à trois ans. Nous croyons que les activités d'exploration qui s'étaleraient sur dix ans pourraient avoir un effet cumulatif important auquel ces règlements ne pourraient porter remède.
Autre chose qui nous importe relativement aux activités d'exploration de type I et II, c'est que nous croyons qu'il faut clarifier ce qu'on entend par une préoccupation publique particulière. Reportez-vous à l'alinéa 136(1)b). Le projet de loi ne fait pas mention de cette notion de préoccupation publique particulière. Nous croyons qu'il faut la mentionner en toutes lettres, et nous avons une recommandation précise visant à inclure les termes «préoccupation particulière relativement à l'environnement, au patrimoine ou au public» qui déclencheraient les mécanismes d'approbation pour les activités de type I et II.
Nos dernières observations ont trait aux garanties et à l'application de la loi. À notre avis, il faut simplement inclure dans les frais généraux d'exploitation les frais de toute remise en état environnemental. Nous croyons qu'il faut exiger des garanties pour le coût entier de la remise en état et de l'assainissement des lieux, et cela doit être obligatoire dans tous les cas et non discrétionnaire.
Nous croyons aussi qu'il faut hausser les amendes maximales prévues par la loi sur le quartz à un niveau semblable à celui que prévoient les lois environnementales modernes dans les autres régions du Canada.
Enfin, nous croyons qu'il faut autoriser des poursuites au civil ainsi que des pénalités qui engloberaient les ordonnances d'assainissement, etc. On rejoindrait ainsi la Loi canadienne sur la protection de l'environnement qui vient d'être adoptée par le gouvernement fédéral.
En conclusion, nous pensons que ce projet de loi représente un progrès pour le Yukon, mais nous y voyons une mesure intérimaire qui exigera un examen méticuleux dans cinq ou sept ans. Nous croyons nécessaire d'ajouter à la loi une disposition prévoyant cet examen, à commencer par le règlement dans deux ans, avec un examen complet de la loi dans cinq ans.
Comme je l'ai dit plus tôt, je crois aussi que le moment est fort bien choisi pour le comité de tenir des audiences publiques sur le système de libre accès au nord du 60e parallèle, examen qui permettrait d'abolir le système de libre accès et de le remplacer par un système amélioré qui tiendrait compte de toutes les utilisations du territoire à la prochaine étape de ce processus d'amélioration de la réglementation minière dans le Territoire du Yukon.
Je vous remercie vivement de m'avoir écouté.
Le président: Merci, monsieur Peepre.
Nous allons maintenant entendre Michael McGinnis, maire du village de Mayo.
M. Michael McGinnis (maire, village de Mayo, Territoire du Yukon): Bon après-midi.
Mayo sert de centre de services à l'industrie minière depuis presque un siècle. L'histoire de notre ville a fluctué au gré des prix du minerai et des coûts de l'exploitation minière.
Les modifications qu'on propose au régime minier du Yukon constituent un changement dans l'équilibre qui existe entre les prix du minerai et le coût d'exploitation minière dans la mesure où l'on incorpore une protection environnementale importante que ne prévoyaient pas les lois antérieures. L'adoption de ce projet de loi aura pour effet de hausser les coûts d'exploitation parce qu'on veut préserver certaines facettes de l'environnement.
Les mineurs de Mayo sont heureux d'être consultés sur ces modifications car leur gagne-pain en dépend. Il est essentiel pour nous de faire comprendre l'importance d'une industrie minière viable et saine dans notre secteur, industrie qui est responsable sur le plan environnemental, oui, mais qui demeure également solide sur le plan économique.
Depuis la découverte d'or placérien dans la rivière Stewart en 1983, l'activité minière est devenue l'un des principaux moteurs économiques de la région centrale du Yukon. Des centaines de personnes du Canada septentrional et des États-Unis sont venues rejoindre les Autochtones qui vivaient dans cette région depuis des milliers d'années. La plupart d'entre elles ont pris leur place au sein de cette économie qui est impulsée par l'activité minière.
Depuis le début du siècle, la Loi sur l'extraction du quartz et la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon contrôlent ces activités minières. Le livre Gold and Galena, qui a remporté des prix littéraires, relate une bonne part de cette évolution. Nous avons annexé à notre mémoire un exemplaire de Gold and Galena qui vous expliquera l'importance de l'activité minière dans notre région.
Depuis sa fondation en 1903, Mayo et ses habitants vivent au gré des fluctuations de l'industrie minière. Toute proposition visant à modifier l'état de l'industrie minière aura une incidence considérable sur les habitants de Mayo. C'est pourquoi nous avons demandé à faire connaître nos vues sur les modifications qu'on propose au régime minier du Yukon.
La santé de Mayo dépend beaucoup de la viabilité de l'industrie minière. Lorsque les mines allaient bien, les gens de Mayo étaient en grande partie responsables de leur succès. Lorsque les mines allaient mal, le village redevenait surtout une bourgade de fonctionnaires.
Nous savons que les grands gouvernements auront moins d'argent à dépenser à l'avenir. Pour nous, l'industrie minière est un élément essentiel de notre autonomie économique future. Les emplois miniers qu'on trouvera dans la région de Mayo au cours des années à venir dépasseront en nombre de loin tous ceux que pourrait créer un programme de création d'emplois gouvernemental.
De même, la santé économique des Autochtones du Na-cho-ny'a'k-dun risque de souffrir beaucoup de tout changement à la viabilité des opérations minières dans la région de Mayo. L'accord sur les revendications territoriales a suscité de nouveaux espoirs au niveau de l'autonomie gouvernementale et de l'entreprise économique, mais cet accord n'a diminué en rien la nécessité pour les Autochtones d'avoir accès à une source de revenus primaire comme celle que l'industrie minière peut offrir.
Dans le Na-cho-ny'a'k-dun, on s'intéresse vivement aux partenariats de coopération qu'il y a lieu d'établir avec les entreprises minières qui vont s'installer dans la région de Mayo, partenariats qui donneront du travail aux habitants de l'endroit dans le contexte de la responsabilité industrielle, ce qui comprend des contrôles environnementaux sévères. Les Na-cho-ny'a'k-dun ont été les premiers à se servir de plans d'évaluation pour participer à l'élaboration des plans industriels, les analyser et parfois les modifier, en vue d'exploiter le potentiel minier de leur territoire traditionnel, lequel comprend une bonne part de la région centrale du Yukon. Ce processus fait intervenir l'évaluation des effets environnementaux aussi bien qu'économiques dans le cadre d'un équilibre viable qui protège aussi bien le territoire que la faune et permet l'exploitation du potentiel minier dans le respect de contrôles environnementaux qui sont négociés.
Mais ce n'est pas facile d'exploiter une mine dans la région centrale du Yukon. Les conditions météorologiques sont très difficiles, et bon nombre d'opérations sont saisonnières. Les coûts d'exploitation sont plus élevés que dans le Sud. Les gens de Mayo sont parfaitement au fait des divers intérêts qu'il faut équilibrer dans toute exploitation minière. Combien en coûte-t-il pour exploiter une mine et le prix du minerai est-il suffisant aujourd'hui pour éponger les coûts d'exploitation et payer les salaires? C'est un équilibre très délicat.
Les gens de Mayo ont été saisis lorsque le prix de l'argent a chuté en 1982 et en 1989, baisses qui ont provoqué la fermeture de la mine d'argent de United Keno Hill à Elsa. Nous nous sommes réjouis dans les années 70 lorsque le prix élevé de l'or a provoqué un boom de l'exploration minière dans notre région, et nous espérons aujourd'hui qu'avec un meilleur prix pour l'argent et des méthodes d'exploitation plus efficientes, lesquelles feront baisser les coûts de production, les mines de la United Keno Hill pourront bientôt reprendre leur production. Mais ce n'est pas une certitude.
Les forces extérieures, comme l'état de l'économie mondiale, fait grimper le prix des minerais, particulièrement celui de l'or, de l'argent et du plomb, et tout cela revêt une importance pour l'économie de Mayo. Les gens et les entreprises d'ici ont dû s'adapter aux fluctuations des prix du minerai, qui étaient parfois très bas, en contrôlant les coûts d'exploitation dans des conditions difficiles sur le plan physique. Il a fallu parfois abaisser les salaires, procéder à des licenciements et fermer des mines de façon temporaire ou permanente, mais en tout temps, les gens de Mayo se sont battus pour tirer leur pain des grandes ressources minières de la région.
L'histoire de l'exploitation minière dans la région de Mayo remonte à plus de 100 ans. Les gens de ce temps-là reflétaient la société du temps, comme c'est le cas aujourd'hui. La conscience de la société a beaucoup évolué depuis cette époque, particulièrement au cours des 20 dernières années. Notre société, aussi bien que les gens de Mayo, sont beaucoup plus conscients aujourd'hui de l'importance d'un environnement de qualité.
Les mineurs de Mayo sont des écologistes eux aussi. Ils comprennent la nécessité de mettre de l'avant des pratiques nouvelles et acceptables qui reflètent notre meilleure compréhension de ce que l'homme peut faire à l'environnement. Les mineurs, les représentants des Premières nations, les écologistes et les gouvernements du Yukon et d'Ottawa s'emploient ensemble à mettre au point, par voie de consensus, une nouvelle réglementation minière pour le Yukon.
Les modifications qu'on propose au régime minier du Yukon constituent un changement dans l'équilibre qui existe entre le produit des ventes de minerais et les dépenses qu'il faut engager pour extraire ces minerais. De manière générale, des normes environnementales plus élevées vont faire augmenter les coûts d'exploitation des entreprises minières. En faisant intervenir toutes les parties dans l'articulation de ces modifications, on s'est entendu sur un ensemble de normes qui offrent une protection raisonnable à l'environnement sans que le coût en soit prohibitif.
Dans la vraie vie, la plupart des solutions sont des compromis et expriment un équilibre pragmatique entre des préoccupations diverses, comme la production minière et la protection de l'environnement. Les entreprises minières ont dit maintes fois au conseil municipal de Mayo que les modifications qu'on propose aux lois déjà mentionnées constituent un équilibre raisonnable et viable. Des normes plus sévères et imposées sans consensus pourraient causer un tort considérable à l'industrie minière de Mayo.
Les modifications proposées à la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon et à la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon offrent des normes pratiques bien pensées. Le village de Mayo est en faveur de ces modifications proposées au projet de loi C-6 et ne croit qu'il faille les modifier. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Passons maintenant aux questions des députés. Monsieur Duncan.
M. Duncan: Je tiens à vous remercier de votre exposé.
Au début de votre exposé vous semblez dire que nombre d'intervenants du secteur minier estimaient que cette mesure législative avait une portée exagérée. C'est du moins la façon dont j'ai interprété vos remarques. Pourtant dans votre résumé et dans votre conclusion vous dites qu'il s'agit là d'un compromis raisonnable. Serait-il juste de dire que les deux points de vue existent, mais que celui que vous avez formulé dans votre conclusion est le plus indiqué, compte tenu des circonstances?
M. McGinnis: Les deux points de vue existent assurément et, certains intervenants du secteur minier opposent une certaine résistance à ces propositions. Je crois cependant que nous pouvons dire que dans l'ensemble la collectivité minière de la région de Mayo est disposée à accepter les propositions que renferme le projet de loi C-6.
M. Duncan: Merci.
Le président: D'autres questions? Monsieur Finlay.
M. Finlay: J'aimerais avoir un peu plus de précisions. Vous avez mentionné le PED ou quelque chose du genre, qui semble être un mécanisme d'évaluation environnementale. Nous avons entendu cet acronyme auparavant, mais j'aimerais que vous me disiez exactement ce qu'il signifie.
M. McGinnis: Le PED qui est le processus d'évaluation du développement qui découle des revendications territoriales, il ne s'agit en fait que d'un aspect de ces revendications. C'est un mécanisme qui permet d'évaluer les projets proposés dans les régions des Premières nations; ce processus n'est pas encore au point. Dans la région de Mayo, les Na-cho-ny'a'k-dun ont élaboré leur propre processus d'évaluation du développement et l'appliquent en collaboration avec les sociétés minières locales.
La société minière et la Première nation Na-cho-ny'a'k-dun discutent des ramifications écologiques d'un projet. Ainsi, si cela s'avère nécessaire, une société minière devra peut-être adopter des pratiques plus strictes. Les intervenants doivent s'entendre à l'échelle locale. On fait la même chose au niveau de l'entente économique. Cela représente évidemment la création d'emplois dans la localité.
M. Finlay: Il s'agit donc d'un processus d'évaluation du développement. Merci.
Le président: Monsieur Duncan.
M. Duncan: J'aimerais approfondir un peu la question. D'après vous, y a-t-il une disposition dans ce projet de loi qui empêcherait les intervenants de procéder sans obstacle à l'évaluation proposée.
M. McGinnis: Pas à ma connaissance. Mais je tiens à dire que le processus est une solution locale à un problème local et jusqu'à maintenant il a très bien fonctionné.
M. Duncan: Cette mesure législative ne vous empêcherait donc pas de procéder à cette évaluation. C'est ce que je voulais faire ressortir. À votre connaissance, le problème pourra être étudié et réglé à l'échelle locale.
M. McGinnis: Oui. D'après la plupart des gens de Mayo, cette mesure législative est applicable. Si l'on adoptait une mesure plus stricte, toute entente déjà prévue pourrait être touchée et tout développement économique dans la région deviendrait irréalisable en raison des coûts.
M. Duncan: Je vous remercie de cette précision.
Le président: Y a-t-il d'autres questions? Madame McLaughlin.
Mme McLaughlin: Merci, monsieur le président. J'aimerais poser une toute petite question.
Je crois que M. McGinnis a présenté de façon bien claire les opinions des membres de la collectivité. Je voulais simplement poser une question sur les problèmes qui ont été soulevés aujourd'hui concernant l'éventuelle responsabilité environnementale. À titre de politicien au niveau municipal, vous préoccupez-vous de cet aspect de la question ou bien estimez-vous que les dispositions sur les garanties prévues dans ce projet de loi protégeraient votre municipalité?
M. McGinnis: Je ne peux pas vous parler des dispositions sur les garanties ou les responsabilités parce que je viens simplement de vous faire part de ce dont m'ont parlé les intervenants de la communauté minière; nous n'avons pas étudié ces aspects en détail.
Pour ce qui est de la dette, cependant, on y prévoit l'établissement des dispositions sur la responsabilité à l'échelle locale ce qui est certes un avantage. Cependant je ne peux pas en discuter dans le cadre de cette mesure législative. Je suis désolé.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le maire. Je tiens à vous remercier d'avoir accepté notre invitation. La majorité des députés ont déjà oeuvré dans la politique municipale. Nous nous sommes plaint dans le passé que nous n'étions pas consultés lorsque nous oeuvrions au niveau municipal. C'est pourquoi nous avons fait en sorte que vous soyez invité. Nous vous remercions d'ailleurs d'avoir accepté notre invitation.
M. McGinnis: Merci de m'avoir invité.
Le président: Merci.
Est-ce que les techniciens peuvent me dire si notre témoin prévu à 13 h 40 à l'heure du Yukon est disponible? Il s'agit des représentants de Westmin Resources.
Une voix: Oui, ils sont ici.
Le président: Sont-ils prêts?
M. Harlan D. Meade (vice-président, Westmin Resources Limited): Nous sommes prêts, monsieur.
Le président: Nous sommes donc un peu en avance.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Harlan D. Meade, vice-président de Westmin Resources Limited. Vous avez la parole.
M. Meade: Avant de vous parler de la loi et du besoin d'adopter le projet de loi C-6, j'aimerais vous dire quelques mots sur Westmin Resources et sur moi-même.
Westmin est une société d'exploration et d'exploitation minière de taille moyenne dont le siège social se trouve à Vancouver en Colombie-Britannique. Westmin exploite deux mines en Colombie-Britannique, y compris celle de Myra Falls qui se trouve dans le parc provincial de Strathcona en Colombie-Britannique. À Myra Falls, nous exploitons les métaux vils et précieux, et ce depuis plus de 30 ans. Cette exploitation démontre bien que l'usage multiple des terres est possible. La compagnie a récemment remporté le prix d'excellence en environnement décerné par l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs.
Je suis vice-président de l'exploration chez Westmin depuis 1990. Jusqu'à quelques semaines, j'étais également vice-président de la division de l'environnement.
Ces dernières années j'ai travaillé en étroite collaboration avec l'Association minière du Canada et l'Association minière de la Colombie-Britannique dans le cadre de l'étude de diverses questions réglementaires touchant l'utilisation des terres et l'environnement.
Je suis actuellement coprésident du groupe chargé du rapport AQUAMIN au nom de l'Association minière du Canada. Ce rapport est en fait un examen national auquel participe tous les intéressés; nous procédons à ces études depuis déjà trois ans. Nous avons étudié les impacts des mines de métaux sur le milieu aquatique dans le but de formuler des recommandations à Environnement Canada en ce qui a trait aux amendements à apporter aux règlements sur les effluents liquides des mines de métaux qui relèvent de la Loi sur les pêches.
J'ai également joué un rôle actif au sein du comité consultatif qui offre des conseils au gouvernement sur le plan de gestion pour le réseau hydrographique de Bonnet Plume dans le nord-est du Yukon. Je vous en dirai un peu plus long là-dessus dans quelques instants.
Dans mes observations d'aujourd'hui j'espère donner aux membres du comité une idée des problèmes auxquels est confronté notre secteur en ce qui a trait à la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon. Pour ce faire je vous parlerai des expériences qu'a vécu la société Westmin ces dernières années dans le cadre de ses travaux d'exploration de ses concessions minières. Nous avons éprouvé un nombre de problèmes même si nous procédons à cette exploration en prenant toutes les mesures possibles pour assurer la protection de l'environnement et calmer les inquiétudes du public.
J'aimerais d'abord vous dire quelques mots sur l'historique de nos activités d'exploration dans le Yukon conformément à la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon. Nous avons commencé nos travaux d'exploration en 1992, en réponse à l'encouragement et à l'appui solides accordés à l'exploration par le nouveau gouvernement territorial, que vous avez entendu un peu plus tôt. De plus, nous avons décidé de procéder à l'exploration dans le Yukon en partie en raison de notre frustration toujours croissante - et j'insiste beaucoup là-dessus - face à l'incertitude qui caractérisait le cadre réglementaire en Colombie-Britannique à l'époque dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation minières.
Depuis 1992, Westmin et ses coentrepreneurs ont investi plus de 18 millions de dollars dans les activités d'exploration dans les concessions de Westmin au Yukon. Cette exploration a mené à au moins une découverte importante à Wolverine Lake, où une mine sera exploitée. Cette mine permettra d'offrir des emplois sans doute à plusieurs centaines de personnes et créera des revenus de 50 à 100 millions de dollars par année pour l'économie du Yukon.
Les activités d'exploration de Westmin ont assuré l'injection de 18 millions de dollars principalement dans l'économie du Yukon dont ont bénéficié surtout les entrepreneurs locaux et les intervenants du marché des services. Nous avons donc créé des emplois et fournir des contrats de services aux Premières nations dans les collectivités qui sont à proximité de la mine. Notre présence a également encouragé des investissements importants dans l'exploration par d'autres compagnies qui se sont jointes à nous.
Nos activités d'exploration ont, je dois l'avouer, suscité une certaine controverse. Il importe que vous compreniez les coûts et la nature dysfonctionnelle de cette activité, et l'impact que cela pourrait avoir sur l'investissement dans l'exploration minière; il faut comprendre que ces problèmes auraient pu être évités grâce à l'adoption de règlements sur l'utilisation des terres dans le cadre de la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon.
Certains groupes du secteur de la protection environnementale ont contesté notre droit de procéder à l'exploration de minéraux dans notre plaine minérale conformément à la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon. Ces contestations ont eu lieu en dépit du fait que Westmin et ses coinvestisseurs ont suivi fidèlement le processus réglementaire et ont respecté tous les règlements pertinents. Cette contestation a été double: des contestations juridiques devant les tribunaux par ceux qui sollicitent des injonctions pour mettre fin à nos travaux et obtenir la révocation de nos permis et des problèmes avec les médias car ces derniers mettent en doute la fiabilité du cadre réglementaire ce qui sape la confiance du public dans les règlements.
J'aimerais tout d'abord parler de la contestation juridique. La division du Yukon de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada a intenté deux poursuites contre le gouvernement fédéral et les sociétés d'exploration minérale dans le Yukon en 1994. Je ne discuterai que de la poursuite qui touche Westmin et je me contenterai de résumer le dossier, les décisions rendues par les tribunaux, le coût pour Westmin et les contribuables, ainsi que les ramifications de cette affaire pour l'investissement dans l'exploration minérale au Yukon.
Pour bien comprendre le besoin d'avoir une certitude réglementaire dans le domaine de l'exploration minérale, le comité doit être conscient des questions qui sous-tendent les actions en justice intentées par ces groupes, tout au moins du point de vue d'un membre du secteur minier. C'est le Sierra Legal Defence Fund qui a intenté une action du nom de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada en mars 1994.
Westmin avait demandé un permis d'utilisation des terres afin de construire un chemin d'hiver sur les terres publiques. En fait ce nouveau chemin aurait été construit sur un chemin d'hiver qui existait déjà. Nous voulions mobiliser un tracteur à chenilles pendant l'hiver de 1993-1994 pour construire une piste d'atterrissage sur la plaine minérale longeant les rives de la rivière Bonnet Plume.
Le dernier tronçon du chemin d'hiver était nouveau et se trouvait sur les plaines minérales de Westmin. Un ingénieur du MAINC a délivré à Westmin un permis d'utilisation des terres en septembre 1993 autorisant ainsi la construction du chemin d'hiver sur les terres domaniales. Ce permis a été délivré conformément aux règlements sur l'utilisation des terres de la Loi sur les terres territoriales. L'ingénieur n'a accordé ce permis qu'après avoir procédé à une évaluation environnementale. Le permis était assorti de diverses conditions qui d'après l'ingénieur étaient nécessaires pour protéger l'environnement.
Westmin a amorcé les travaux de construction du chemin d'hiver à la fin février 1994, et le chemin était arrivé au territoire visé par la concession de Westmin à la mi-mars. La construction de la piste d'atterrissage se terminait à la fin du mois de mai cette année-là. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas ces chemins d'hiver, on les construit en faisant avancer lentement un tracteur à chenilles sur la neige après avoir levé la lame racleuse afin de minimiser l'incidence sur l'environnement. Ces chemins suivent un tracé établi afin d'éviter les arbres et de trouver des espaces découverts afin de minimiser l'impact écologique.
Westmin a entamé ses travaux de construction du chemin d'hiver et de la piste d'atterrissage après avoir tenu des audiences publiques à Mayo et après avoir reçu l'appui de la collectivité et de la Première nation locale, la nation Na-cho-ny'a'k-dun. Je dois signaler qu'il s'agissait là d'une initiative prise à titre volontaire par la société. Aucun ne s'est plaint au MAINC de la demande de permis. L'agent local préposé à l'utilisation des terres a inspecté nos travaux et a constaté que toutes les modalités associées au permis avaient été respectées. Il déclare dans son rapport qu'il n'y a eu aucune incidence environnementale importante.
L'action a été intentée en mars 1994 et les requérants demandaient diverses choses. On voulait par exemple que l'on casse la décision prise par l'ingénieur du MAINC y compris la délivrance du permis et la restriction de son application aux terres publiques, à l'exclusion de la concession minérale. Les responsables de la LCPE voulaient également que le permis d'utilisation des terres délivré à Westmin soit déclaré invalide; troisièmement, on voulait que l'ingénieur évalue la demande de permis de Westmin en fonction d'une évaluation environnementale appropriée conformément au décret sur les lignes directrices concernant le PEE; quatrièmement, les intervenants désiraient que l'application du règlement sur l'utilisation des terres territoriales aux activités d'exploration de Westmin sur sa concession minérale inclue également la construction de la piste d'atterrissage; cinquièmement, on voulait que l'ingénieur du MAINC exerce sa compétence au titre des règlements sur l'utilisation des terres territoriales en ce qui a trait aux activités d'exploration de Westmin dans ses concessions minérales; et enfin, les intéressés voulaient que l'ingénieur du MAINC soit tenu de respecter le décret sur les lignes directrices concernant le PEE et exige que Westmin procède à une évaluation environnementale de ses activités d'exploration minérale, à la fois pour les activités d'exploration en cours et peut-être même pour toute activité d'exploitation proposée comme l'ouverture d'une mine. Il ne faut pas oublier que nous n'avions pas encore foré notre premier trou.
L'action en justice mettait en cause le ministre des Affaires indiennes et du Développement du nord, l'ingénieur du ministère, le procureur général du Canada, Westmin ainsi que son associé dans la coentreprise des mines Newmont. Plusieurs groupes ont demandé le statut d'intervenant: le conseil tribal des Gwich'in, la Yukon Chamber of Mines et l'Association des prospecteurs du Yukon.
L'affaire a été entendue en Cour fédérale à Vancouver par son honneur madame le juge Reed, qui a rendu sa décision le 29 novembre 1995. Le tribunal a débouté les demandes présentées en vertu de la LCPE. Madame le juge Reed a justifié son ordonnance de la façon suivante: «Rien ne prouve que Westmin ou Newmont ont agi de façon irresponsable.» Madame le juge Reed fait remarquer que le paragraphe 76(1) de la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon «confère au concessionnaire le droit à tous les minéraux découverts sur la concession ainsi que le droit d'utiliser la surface du gisement aux fins que le ministre peur juger nécessaires pour l'exploitation efficace et appropriée des mines et des minéraux découverts sur la concession».
Elle ajoute que par conséquent «cela soustrait à l'application du règlement sur l'utilisation des terres territoriales les activités minières menées sur la concession minière». Elle poursuit en disant que certaines de ces activités sont assujetties à la Loi sur les eaux du Yukon et pourraient donc donner lieu à un examen en vertu du PEEE, ce qui signifie que les activités d'exploitation minière sont soumises à une certaine réglementation.
Madame le juge Reed a également déclaré que l'ingénieur ne s'est pas trompé en demandant à Westmin d'obtenir un permis d'exploitation minière à l'égard de ses concessions. Elle a aussi statué que l'ingénieur n'avait pas à tenir compte lorsqu'il a évalué les conséquences environnementales de l'octroi du permis aux termes des lignes directrices du PEEE de l'usage auquel devait servir les tracteurs à chenille sur les concessions minières.
J'aimerais maintenant vous dire quelques mots au sujet du coût et des conséquences de ces actions en justice. Les frais juridiques ainsi que les autres dépenses directement liées à ces actions ont coûté à Westmin et Newmont plus de 200 000 $. Les intervenants ainsi que le ministère du procureur général ont aussi subi d'importants frais juridiques. Je ne serais pas surpris qu'ils se soient élevés au total à plus de 500 000 $, tout cela parce que Westmin a obtenu un permis dans les règles après s'être conformée à la loi. Je vous rappelle que notre société jouissait de l'appui de la collectivité locale ainsi que de son conseil des ressources renouvelables.
Cette action en justice n'a pas eu que des conséquences pour la validité du permis d'utilisation du sol de Westmin. En fait, l'action contestait le droit de tous les concessionnaires miniers d'exploiter la surface de leurs concessions minières en y effectuant des travaux de prospection. Voilà la raison fondamentale pour laquelle Westmin et Newmont se sont vigoureusement défendues. Je crois que c'est aussi la raison pour laquelle la Yukon Chamber of Mines ainsi que l'Association des prospecteurs du Yukon sont intervenues dans cette action.
Cette action a également créé une incertitude au sujet de la compétence du MAIN au sujet des concessions minières régies par la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon. Westmin et Newmont se sont sérieusement demandées si le Yukon était vraiment un bon endroit pour investir dans l'exploitation minière. La haute direction de Newmont s'est demandée s'il convenait vraiment de continuer sa participation à la coentreprise Fairchild. Si cette action avait mené Newmont à retirer sa participation, Westmin n'aurait eu d'autre choix que d'intenter à son tour une action en dommages-intérêts contre son ancien associé.
Si l'on avait confirmé que les concessions minières étaient assujetties à la Loi sur les terres territoriales, l'incertitude au sujet de la réglementation qui s'en serait suivie aurait pour effet de décourager les investisseurs de s'intéresser au Yukon et celui-ci n'aurait pas bénéficié comme il l'a fait ces dernières années d'une augmentation des dépenses dans le domaine de l'exploration.
Ces actions ont aussi suscité des inquiétudes dans le grand public, et en particulier dans les petites localités dont la survie dépend de l'exploration. Les habitants de ces localités ont commencé à craindre le départ des sociétés d'exploration et d'exploitation minière. Les représentants de la localité de Mayo vous l'ont d'ailleurs confirmé aujourd'hui.
Certains se sont aussi mis à craindre qu'il soit vrai, comme le soutenait les médias, que plus personne n'exerçait de contrôles sur les activités d'exploration, tout cela à un moment où l'industrie participait activement aux délibérations du Yukon Mining Advisory Committee et qu'elle réclamait une réglementation sur l'utilisation du sol sur ses concessions minières.
J'aimerais maintenant dire quelques mots au sujet de la controverse à laquelle a donné toute cette affaire dans les médias. Dans l'ensemble, les médias a mené une campagne de désinformation visant à susciter dans la population la crainte que les activités d'exploration ne causent des dommages environnementaux importants en l'absence d'une réglementation adéquate dans le cadre de la loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon. À mon avis, leur but était premièrement de discréditer les sociétés d'exploration minière en donnant l'impression qu'elles ne se préoccupaient pas vraiment de la protection de l'environnement, deuxièmement, d'exercer des pressions sur le gouvernement pour l'amener en faire en sorte que les concessions minières soient assujetties à la réglementation sur l'utilisation du sol prévue aux termes de la loi sur les terres territoriales; troisièmement, dépeindre une situation de crise environnementale afin d'amener le plus grand nombre de personnes possible à appuyer les propositions de création de parcs et à s'opposer à l'exploitation minière; quatrièmement, donner une raison aux gens de contribuer aux campagnes de levée de fonds; et enfin, harceler l'industrie pour l'inciter à aller s'installer ailleurs.
À titre d'exemple, en juillet, un groupe d'adeptes de la descente de rivière, membres de la société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, ont signalé à la radio de Radio Canada qu'il y avait eu un déversement pétrolier à notre campement d'exploration Bonnet Plume. Vérification faite, on s'est aperçu qu'il n'y avait pas eu de déversement et que rien n'avait changé depuis l'inspection menée deux semaines plutôt par Westmin et Newmont. Les membres du conseil local des ressources renouvelables qui ont participé à cette enquête ont d'ailleurs estimé que les conditions au camp d'exploration étaient tout à fait adéquates. Nous avons incité nos gestionnaires à faire enquête sur ce prétendu déversement pétrolier et nous avons dû corriger la fausse information donnée à la population.
Ces faits peuvent vous sembler tout à fait insignifiants; mais je peux vous assurer que notre industrie y attache beaucoup d'importance. Nous sommes conscients du fait qu'il nous faut l'appui de la population pour mener nos activités d'exploration et d'exploitation minières. Cela est particulièrement vrai dans le Yukon. Si nous perdons l'appui de la population, nous perdrons vite le droit d'explorer et d'exploiter les mines puisque les organismes de réglementation vont se mettre à réglementer de façon excessive l'industrie, à refuser de lui octroyer certaines concessions et à mettre un frein aux activités d'exploitation.
Nous craignons que les médias locaux ne donnent la fausse impression que l'industrie agit de façon irresponsable et cause la dégradation des sols. Si cette fausse impression se répand, nous cesserons rapidement de pouvoir compter sur le soutien de la population et malgré tous efforts que nous pourrions déployer pour renforcer les mesures que nous prenons afin de protéger l'environnement, cette fausse impression deviendra une réalité pour la plupart des gens.
Voilà pourquoi l'industrie doit prendre au sérieux ces actions en justice ainsi que la controverse qu'elle suscite dans les médias. Ces conflits miment notre compétitivité. En effet, nous gaspillons de l'argent, du temps et des efforts à y réagir au lieu d'utiliser nos ressources limitées à des fins plus constructives. Cela compromet évidemment l'efficacité de nos activités d'exploration et nuit à notre compétitivité. C'est d'ailleurs exactement le but recherché par ceux qui s'opposent à l'exploitation minière.
Ces conflits ont aussi un important effet psychologique sur ceux qui décident de l'affectation des dollars d'exploration au sein de ces industries. Ils les encouragent à s'intéresser à d'autres régions minières. C'est en fait pour éviter ces conflits, ainsi que l'incertitude qui découle des controverses qui les entourent, que de nombreuses sociétés canadiennes préfèrent maintenant mener leurs activités d'exploration en Amérique du sud, en Afrique et en Asie notamment.
Pour sa part, Westmin a décidé de rester au pays et à continuer d'y exercer ses activités d'exploration et d'exploitation minières pour que tous les Canadiens puissent bénéficier de notre richesse minière. La Société en est cependant venue à la conclusion dernièrement qu'il lui fallait aussi diversifier ses efforts d'exploration.
Le succès de Westmin en Colombie-Britannique et au Yukon l'incite cependant à continuer de réclamer un cadre réglementaire raisonnable qui répond aux attentes du public en ce qui touche la protection environnementale.
L'expérience acquise par Westmin dans le domaine de l'exploration minière au Yukon explique sa position bien particulière sur les modifications proposées à la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon. Westmin est d'avis qu'on doit attribuer les réserves exprimées par la population au sujet de l'exploration minière au fait que le MAIN n'a pas mis en oeuvre assez rapidement les recommandations du Yukon Mining Advisory Committee et qu'on ait pas adopté sans tarder une réglementation répondant aux attentes du public en ce qui touche la protection environnementale.
Pour mettre fin à l'incertitude en matière de réglementation qui décourage les investisseurs, il conviendrait de mettre en oeuvre dans les plus brefs délais une réglementation raisonnable touchant les activités d'exploration comme celle que recommande le Yukon Mining Advisory Committee. Voilà pourquoi nous recommandons l'adoption rapide du projet de Loi C-6 et la promulgation de la réglementation afférente. La réglementation régissant des activités d'exploration sur les concessions minières devrait relever de la loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon puisque les tribunaux ont déjà statué qu'elle ne pouvait relever de la Loi sur les terres territoriales. En outre, le fait de faire relever cette réglementation de la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon présente des avantages évidents sur les plans administratif et réglementaire.
L'industrie doit être consultée dès les premières étapes du processus pour s'assurer que la réglementation est réaliste et efficace au point de vue administratif. Les règlements doivent être clairs et concis afin qu'ils ne puissent pas donner lieu à l'avenir à des contestations juridiques. Je crains que certains articles de la loi ne risquent déjà de susciter de telles contestations.
La réglementation devrait être suffisamment souple pour répondre aux besoins de l'industrie; les solutions proposées devraient répondre aux besoins propres du Yukon en matière de protection de l'environnement. Il nous faut adopter une approche fondée sur l'évaluation des risques si nous voulons bien gérer nos ressources et assurer la viabilité et la compétitivité de notre industrie. La participation de l'industrie à l'élaboration de la réglementation permettrait d'éviter tout excès dans ce domaine qui serait source d'inefficacité.
Voici maintenant quelques mots au sujet de l'observation volontaire de la réglementation. Chaque fois que c'est possible, c'est l'approche qui devrait être favorisée parce qu'elle permet de réduire les besoins en matière d'administration et d'application de la loi. Seules les sociétés qui ne respectent pas les normes et la réglementation en matière d'exploration devraient être contraintes de se plier obligatoirement à la loi. Depuis plusieurs années déjà, les grandes sociétés respectent volontairement dans le domaine de l'exploration les mêmes normes que celles qui s'appliquent dans d'autres provinces et territoires, et notamment dans le domaine de la remise en état des sols.
Il va de soi que les promoteurs de projets doivent être appelés à rendre des comptes aux termes de la loi en ce qui touche à la façon dont ils observent la nouvelle réglementation portant sur l'utilisation des sols. La même chose vaut pour ce qui est du gouvernement qui doit également approuver ou rejeter dans des délais raisonnables les demandes de permis. De plus, le processus doit être ouvert et transparent et faire appel à la participation du public. Cette participation doit être structurée et, pour qu'elle soit efficace, bien gérée par le gouvernement.
Les modifications proposées à la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon devraient permettre le maintien d'un système d'accès libre reconnaissant un droit de jalonner des concessions et d'en faire la prospection. Un mineur autorisé jouirait des mêmes droits qu'aujourd'hui, sous réserve de l'observation de la réglementation et des normes environnementales prévues dans la loi.
Permettez-moi maintenant de remettre les pendules à l'heure en ce qui touche le système de libre accès. Ce système existe au Canada depuis plus d'un siècle. Il est l'expression du fait que les gouvernements ont toujours reconnu que l'exploration minière était un domaine comportant de grands risques et exigeant d'importants investissements susceptibles de ne rien rapporter. Les mineurs autorisés prennent notamment ces risques et espèrent faire une découverte et créer ainsi de la richesse. Les gouvernements ont aussi reconnu le fait que les mineurs autorisés devaient avoir libre accès à d'importantes parcelles de terre à des fins d'exploration, ce qui n'empêchait pas ces terres d'être utilisées à d'autres fins.
Aujourd'hui encore, le mineur autorisé doit pouvoir avoir librement accès à d'importantes parcelles de terres domaniales. Ces terres peuvent cependant continuer d'être utilisées à d'autres fins sauf lorsqu'on décide d'y exploiter une mine. Comme on vous l'a expliqué aujourd'hui, les mines ne représentent qu'une petite partie de l'ensemble des terres. En fait, elles ne représentent que 1 p. 100 de celles-ci.
On estime qu'il faut consacrer environ 100 millions de dollars en moyenne aux activités d'exploration afin de trouver une mine au Canada. Les méthodes d'exploration se sont améliorées et les méthodes géophysiques et géochimiques ont remplacé des méthodes plus intrusives. Le public s'attend à ce que les activités d'exploration aient des conséquences environnementales minimes et/ou compte sur l'usager pour assumer le coût de la remise en état des sols. Grâce aux impôts directs et indirects, ce sont les gouvernements qui continuent de profiter le plus de ces activités.
Je conclurai en faisant remarquer que l'accès aux terres domaniales pour l'exploration minière n'est en fait pas gratuit du tout. Ce n'est pas non plus un avantage fortuit. Si l'exploration minière a enrichi considérablement certains, les investissements miniers ont en fait été jusqu'ici moins rentables que les investissements consentis dans d'autres industries. Quoiqu'il en soit, l'industrie minière continue d'être une source de création de la richesse au Canada.
En conclusion, j'encourage fortement le comité à adopter le projet de loi C-6 et à apporter les modifications nécessaires à la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon pour qu'on puisse réglementer en vertu de cette loi l'utilisation des sols sur les concessions minières. D'autres parties de la loi méritent aussi un examen. Il est cependant plus important que vous concentriez vos efforts sur la réglementation portant sur l'utilisation des sols et que vous reportiez à plus tard l'examen d'autres questions.
Je vous presse aussi de veiller à ce que l'industrie minière participe dès le début du processus à l'élaboration de la réglementation de manière à ce que celle-ci soit efficace et que son coût ne compromette pas la viabilité et la compétitivité internationale de notre industrie. L'essor économique du Yukon repose sur une industrie de l'exploration minière viable. Je vous prie de permettre à l'industrie minière de demeurer au Yukon.
Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Le président: Je vous remercie, monsieur Meade.
La période de questions est ouverte. Vous devez vous partager cinq minutes.
M. Stinson: Voulez-vous commencer, John?
M. Duncan: Oui.
La mine Myra Falls se trouve dans ma circonscription. J'ai participé cette année aux célébrations commémorant le 30e anniversaire de la mine. J'ai demandé à être invité au 60e anniversaire de la mine car je sais qu'elle existera toujours à ce moment-là.
Je profite de l'occasion pour souligner que dans notre région, on considère que Westmin assume bien ses responsabilités civiques. Je crois que la décision que vous avez prise de permettre au public de visiter la mine en témoigne.
Vous nous avez expliqué quels étaient les coûts qu'entraînaient des poursuites juridiques ainsi que les formalités administratives, et je crois qu'il faut se souvenir que ces coûts dépassent très souvent les recettes fiscales tirées de l'industrie. Je suis sûr que c'est une grande préoccupation pour l'industrie minière au Canada.
Je m'arrêterai là pour permettre à Darrel de dire quelques mots.
M. Stinson: Je vous remercie.
Cette année, j'ai eu l'occasion de me rendre à la mine Wolverine. Je dois vous féliciter. J'ai survolé toute la mine, et je me suis rendu compte qu'il était impossible de voir comment vous aviez pu vous frayer un chemin jusqu'à la mine. Vous méritez des félicitations pour cela.
Vous avez mentionné le fait que les objectifs changeaient continuellement. Chaque fois qu'une société minière engage des investissements, il semblerait qu'on adopte une nouvelle loi. C'est comme si on attendait pour le faire qu'une société minière ait suffisamment investi dans l'exploration minière pour qu'il lui soit impossible de faire marche arrière. On semble s'inquiéter de cet état de chose non seulement dans le Nord, mais dans tout le Canada parce que cela semble inciter les sociétés minières à aller s'installer ailleurs.
À cet égard, j'aimerais savoir si certaines mesures gouvernementales ont incité votre société à mener certaines de ses activités à l'extérieur du Canada quand elle aurait tout aussi bien pu les mener ici même et créer des emplois pour les Canadiens.
M. Meade: Ce qui nuit surtout aux investissements dans le domaine de la prospection et de l'exploitation minière, c'est l'incertitude qui règne au sujet de la réglementation. Nous ne craignons pas la réglementation en soi. Si un permis d'exploitation minière est accordé aujourd'hui, c'est que l'exploitation de cette mine entraînera peu ou pas de conséquences environnementales. Nous ne craignons donc pas la réglementation. Ce qui nuit plutôt aux investissements, ce sont les tracasseries administratives auxquelles nous sommes soumis. Nous aimons pouvoir jouir paisiblement de nos droits. Cela semble impossible aujourd'hui. Nous nous lassons de devoir défendre nos moindres actes.
M. Stinson: Je suis aussi heureux que vous ayez dissipé le malentendu au sujet du libre accès à l'exploitation et à la prospection minière au Canada. Il est surprenant qu'on puisse répandre ce genre de fausseté devant un comité parlementaire. On nous a dit, en particulier, que l'Australie avait mis fin au système de libre accès. Or, le jalonnement sur carte est permis en Australie. Préféreriez-vous le jalonnement sur carte au système actuellement en vigueur au Canada?
M. Meade: Je crois que la méthode de jalonnement actuellement en vigueur au Yukon entraîne davantage de conséquences pour l'environnement qu'elle ne le devrait. Je ne suis pas sûr d'aimer beaucoup le jalonnement sur carte, mais je crois que si l'on adoptait certains aspects de cette méthode qui permet d'établir quelle est la superficie minimale nécessaire pour effectuer un jalonnement sur le terrain, cela serait plus efficace et moins nocif pour l'environnement que le système actuel.
M. Stinson: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Godfrey, vous avez quatre minutes.
M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Monsieur Meade, j'ai écouté avec intérêt ce que vous disiez au sujet de Bonnet Plume. C'est une rivière que je connais par hasard. En fait, je l'ai même descendue. Au milieu des années 80, j'ai descendu toute la rivière en canot.
Si j'avais fait cette même descente en canot l'été dernier, aurais-je constaté certains changements dus à l'exploration minière? Quel impact environnemental constate-t-on? L'étape de l'exploration est suivie d'une étape d'exploitation. Dans l'avenir, si je devais faire une autre descente en canot, quelles conséquences environnementales de l'exploration minière pourrais-je constater le long de la rivière?
M. Meade: Ce qui a surtout préoccupé le public, c'est la construction d'une piste d'atterrissage le long des rives de la Bonnet Plume. Ni la piste d'atterrissage ni le campement ne sont visibles de la rivière. Si vous descendiez donc la rivière en canot, je ne pense pas que vous constateriez aucun changement.
Nous n'avons pas mené d'activité d'exploration à ce campement cette année, mais si vous aviez descendu la rivière l'été dernier, vous auriez sans doute constaté la présence d'un hélicoptère survolant le site. Je ne pense pas que vous auriez remarqué quoique ce soit d'autre.
Comme aucun gisement n'a été découvert, alors je ne peux pas vraiment prévoir où une mine pourrait éventuellement se situer ni vous dire quelles seraient les conséquences environnementales visibles de l'exploitation minière.
M. Godfrey: Ce genre de mines sont-elles habituellement situées près de la rivière?
M. Meade: Le plan de gestion de la Bonnet Plume que nous avons préparé prévoit que des mesures seront prises pour réduire au minimum les conséquences environnementales visibles d'activités minières tout au long du cours principal de la rivière. Dans la mesure où c'est possible de le faire, il faut que les promoteurs de tels projets fassent en sorte que les installations où les routes d'accès ne soient pas visibles de la rivière.
M. Godfrey: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Finlay.
M. Finlay: Monsieur, j'aimerais savoir si votre société a participé à l'initiative minière de Whitehorse dont on nous a beaucoup parlé aujourd'hui.
M. Meade: Je n'y ai pas directement participé, mais l'un de nos cadres a joué un rôle actif au sein du comité d'étude de la réglementation sur l'utilisation des sols. Monsieur Bruce McKnight, notre président, a participé de façon très active aux séances d'un des comités constitués dans le cadre de l'initiative minière de Whitehorse.
M. Finlay: Vous avez dit qu'en raison surtout du retard mis à adopter la loi actuelle, certaines de ces dispositions pourraient donner lieu à des contestations juridiques. Je sais que cela vous préoccupe, mais je crois qu'il faudra simplement accepter cet état de chose. Les gens voudront que certaines choses changent s'ils estiment que c'est dans leur intérêt.
Vous dites appuyer les mesures de protection environnementale que réclame le public auxquelles s'ajouterait une réglementation raisonnable adoptée à l'issu des accords YMAC, et je suis d'accord avec vous là dessus, mais je pense que vous avez également dit que l'exploitation minière ne devrait pas être assujettie à la loi sur les terres territoriales. Pourquoi pensez-vous que l'exploitation minière, contrairement aux autres industries, ne devrait pas être assujettie à cette loi?
M. Meade: La loi sur les terres territoriales régit plusieurs usagers des sols comme les constructeurs de centrales hydroélectriques. L'exploitation minière n'est pas la seule industrie visée. Par conséquent, cette loi n'est pas vraiment adaptée à l'industrie minière.
Nous estimons également qu'en assujettissant l'exploitation minière à la loi sur les terres territoriales, cela réduit l'efficacité de la loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon et risque de donner lieu à des interprétations divergentes de diverses dispositions de ces lois. Je préférerais que la réglementation environnementale découle de la loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon.
M. Finlay: Peut-être conviendriez-vous donc avec moi que les résultats et les objectifs environnementaux ne sont pas suffisamment précis. Des témoins nous ont dit que la réglementation environnementale découlait de la loi sur les terres territoriales ou de l'accord-cadre, ou des revendications territoriales des Inuvialuit et que, par conséquent nous n'avions pas besoin de la loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon. Vous semblez penser le contraire.
M. Meade: C'est juste. C'est bien ce que je pense. La Loi sur les terres territoriales devrait s'appliquer à l'extérieur des concessions minières. Je ne m'oppose pas à cela.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Meade.
Nous accueillons maintenant les représentants de la Yukon Chamber of Mines. Il s'agit de MM. Jim McFaull, président, et Dennis Ouellette, membre.
M. Jim McFaull (président, Yukon Chamber of Mines): Bonjour mesdames et messieurs. Je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée de vous faire part aujourd'hui des vues de la Chamber of Mines sur le projet de loi C-6.
La Yukon Chamber of Mines existe depuis 40 ans. Elle se compose de prospecteurs appartenant aux grandes sociétés minières du Yukon. Elle compte également un grand nombre de représentants de l'industrie des services et des approvisionnements comme des entrepreneurs en forage et des pilotes d'avion.
Des organismes gouvernementaux ainsi que le grand public demandent souvent à la Chamber of Mines de leur fournir de l'information et de lui donner son avis sur tous les aspects de l'industrie. Nous participons à la collecte et à la diffusion de l'information se rapportant à l'industrie et nous avons participé avec le gouvernement à la discussion de toutes les questions touchant l'industrie. Les décisions et les positions exprimées par la Chamber of Mines sont réfléchies et se fondent sur son expérience pratique ainsi que sur sa grande connaissance du domaine.
J'aimerais aujourd'hui vous faire part de trois observations importantes. Premièrement, l'industrie de la prospection et de l'exploitation minière contribue de façon importante à l'économie du Yukon en assurant son autonomie financière. Deuxièmement, les activités minières sont déjà fortement réglementées au Yukon.
L'objet du projet de loi C-6 consiste à atténuer les conséquences environnementales aux dernières étapes du processus d'exploration, et la Chamber of Mines appuie pleinement ce projet. Je tiens à le répéter. Nous appuyons sans réserve le projet de loi C-6 pourvu que la réglementation soit rédigée dans l'esprit du YMAC et dans le cadre de l'harmonisation préconisée par l'initiative minière de Whitehorse. Nous insistons pour que le projet de loi C-6 soit adopté sans autres modifications.
Troisièmement, si le projet de loi C-6 est mal mis en oeuvre, il pourrait compromettre la reprise des travaux d'exploration et d'exploitation minière qui connaissent actuellement un regain de vigueur au Yukon. J'ai bon espoir que cela ne se produira pas.
Depuis la découverte de l'or au début des années 1880, l'industrie minière a joué un rôle important dans le développement social et économique du Yukon. La valeur de la production minière en 1996 dépassera 400 millions de dollars et les dépenses dans le domaine de l'exploration et du développement s'élèveront au total à 100 millions de dollars.
Deux nouvelles mines ont ouvert leurs portes cette année, ce qui a permis de créer 250 emplois directs. La reprise des activités d'exploration et d'exploitation minière pourrait se traduire par l'ouverture de six autres mines d'ici la fin du siècle. Étant donné la population et l'infrastructure actuelle du Yukon, l'industrie de l'exploration et de l'exploitation minière continue d'être celle qui permettra le mieux d'assurer aux habitants du Yukon le niveau de vie dont ils jouissent actuellement.
Le Yukon est situé le long du Pacifique et le commerce dans cette région du monde a beaucoup augmenté au cours de la dernière décennie. L'industrie minière du Yukon profite de ces nouvelles routes commerciales. Nos concentrés miniers sont vendus au Japon et en Corée, ce qui améliore notre balance du commerce extérieur et des sociétés du monde entier investissent actuellement dans l'industrie minière du Yukon. Vu ses importantes ressources minières, le Yukon sera appelé à jouer un rôle de plus en plus important sur la scène mondiale comme source d'approvisionnement en minéraux.
À l'heure actuelle, une bonne part du développement économique du Yukon repose sur les paiements de transfert fédéraux. La structure de ces paiements décourage ceux qui voudraient investir dans le développement: en effet, plus il y a d'activités de développement, moins les paiements de transfert sont élevés. La dévolution et la réduction des paiements de transfert exigent le développement des ressources du Yukon. En l'absence d'un tel développement, il y aura dépeuplement du Yukon et celui-ci continuera de dépendre des impôts du sud.
Le Yukon se dirige vers une nouvelle ère d'autosuffisance et d'autodétermination et notre industrie joue un rôle important dans la reprise économique de ce territoire rural.
La Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon remonte à 1924. Son objet était de protéger le mineur et de reconnaître la validité des titres miniers dont dépend l'essor de l'industrie. La ruée vers l'or dans le Klondike a succédé à la ruée vers l'or en Australie et en Californie. Ces ruées vers l'or ont été les bancs d'essai du droit minier moderne. Des hommes sont morts en Australie sous les balles des régiments britanniques au cours de la rébellion des mineurs de Ballarat qui a abouti au remplacement des permis miniers par des droits miniers. La Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon repose sur ces droits.
La question de l'environnement est venue s'ajouter aux priorités que les Canadiens ont à coeur et la loi doit être modifiée pour en tenir compte. La plupart des exploitants miniers acceptent l'introduction d'une réglementation sur l'utilisation des terres minières mais ils exigent que leurs droits ne soient mis pas mis en cause ce faisant.
On peut très bien réglementer le secteur minier sans pour autant le paralyser. Toutefois, l'effondrement qu'a connu récemment le secteur forestier au Yukon, en raison de lacunes réglementaires, constitue une leçon de choses que nous ne souhaitons pas répéter. Au début des années 1990, la Yukon Chamber of Mines a entrepris de négocier une réglementation sur l'utilisation des terres visant spécifiquement l'exploitation minière. On a exercé d'énormes pressions pour que les responsables du secteur minier adoptent officiellement un régime d'utilisation des terres parce qu'on avait l'impression que ce secteur fonctionnait en l'absence de toute réglementation.
En fait, il n'en était absolument rien, même à cette époque là. La production est étroitement surveillée. La Loi sur les eaux du Yukon exige l'obtention d'un permis d'exploitation hydraulique avant que soit entreprise toute activité d'extraction. Cela implique un examen approfondi des projets, avec consultation publique.
Les décisions préalables aux activités d'extraction sont examinées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord, qui doit en outre veiller à ce que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale soit respectée en tous points. S'il s'agit d'une grosse exploitation, il y aura comme, dans le cas de la mine BHP Diamonds dans les Territoires du Nord-Ouest, un examen exhaustif.
Le permis d'exploitation hydraulique comporte des conditions exigeant notamment la surveillance quotidienne de la qualité de l'eau, des plans d'évacuation des déchets liquides et solides et un plan d'organisation pour l'abandon de la mine. Toutes les activités dans les concessions de quartz sont soumises aux dispositions de la Loi sur les terres territoriales.
Le Comité consultatif sur les activités minières constitue l'organe qui devra élaborer des lignes directrices en vue de la révision législative. Par suite d'un consensus obtenu en 1991, l'objectif du comité a été expliqué dans un rapport.
Dès avril 1992, le comité avait produit un rapport exhaustif décrivant le régime d'utilisation des terres et les modifications que nous proposons d'apporter à la loi. Le rapport précise que l'objectif des dispositions législatives doit être de fournir le mécanisme de dépistage nécessaire pour permettre au ministre d'évaluer divers projets suivant les critères du processus d'examen et d'évaluation en matière d'environnement, tout en garantissant le maintien des incitatifs nécessaires pour maintenir la concurrence dans le domaine de la prospection et de l'exploitation minière.
Il ne fallait plus donc que rédiger la loi. Toutefois, une campagne électorale inopportune et l'Accord de Charlottetown, ont fait entrave et le rapport du Comité consultatif sur les activités minières a dormi sur les rayons pendant deux bonnes années. Au début de 1994, on a ressorti ce rapport. Le comité a été réanimé et on lui a confié la tâche d'examiner l'avant-projet de loi. Les mêmes intervenants se sont penchés sur la question pendant deux autres années. À la dernière heure, la Société de conservation du Yukon a décidé de ne pas donner son aval aux mesures législatives.
Même s'il n'y a pas unanimité au sein du groupe de dirigeants du secteur minier, la plupart croient que des règlements sur l'environnement ne nuiront pas à la viabilité du secteur au Yukon. Les règlements sur l'utilisation des terres minières permettront non seulement de responsabiliser les dirigeants du secteur qui s'adonnent à la prospection mais ils accentueront en outre la transparence de la prospection.
L'objectif de ces mesures législatives portant sur l'environnement est de réduire au minimum les perturbations lors de la phase de prospection et de prévoir un processus grâce auquel le grand public pourra s'assurer que les règles de protection sont respectées. Grâce à cette loi, le public pourra également exprimer ses opinions sur la mise en valeur du territoire.
S'il est vrai que le projet de loi s'attarde essentiellement sur la phase de prospection, il ne néglige pas pour autant les activités qui viennent par la suite, l'extraction, la fermeture et l'abandon.
La Yukon Chamber of Mines comprend la nécessité d'alerter l'opinion publique sur les questions environnementales. Toutefois, notre organisme a demandé à plusieurs reprises que les règlements portant sur l'environnement soient fondés sur des principes scientifiques solides. Notre souhait qui est ancré dans une approche de bon sens, a été interprété à tort comme constituant de notre part un refus d'accepter toute forme de réglementation environnementale. Nous voudrions dissiper ce malentendu.
Au début des années 1970, notre organisme a réussi à empêcher l'introduction de la Loi sur les métaux du Yukon car ces dispositions-là menaçaient d'anéantir la prospection minière et par voie de conséquence le secteur minier. Cette expérience nous a rendu quelque peu méfiants à l'égard de toute nouvelle disposition législative. Toutefois, nous sommes prêts à accepter celle-ci.
Je tiens à rappeler que le projet de loi C-6 s'inscrit dans un cadre législatif précis. Depuis 1990, d'autres lois ont été adoptées. L'entente-cadre finale signée en février 1995 a donné aux revendications territoriales leur légitimité législative. Sept des 14 Premières nations du Yukon ont réussi à négocier des ententes d'autonomie politique et à régler leurs revendications territoriales.
Le chapitre 12 de l'entente-cadre finale prévoit la création d'un processus d'évaluation de la mise en valeur des ressources, qui doit être mené à bien d'ici le mois de février prochain. Les dispositions législatives concernant ce processus donnent les pouvoirs nécessaires pour que soient modifiées les lois existantes au besoin afin de préserver l'efficacité du processus. Le processus sera conçu pour permettre l'examen des effets environnementaux et socio-économiques de toute mise en valeur des ressources au Yukon, et ce, en vue d'un développement durable.
Étant donné que les dispositions législatives n'ont pas été scrutées par le public, il y a des aspects du processus d'évaluation de la mise en valeur des ressources qui demeurent encore obscurs. Cela nous inquiète. Nous ne comprenons pas non plus les liens qui existeront entre le processus et les dispositions du projet de loi C-6.
L'entente-cadre finale prévoit la création de plusieurs commissions chargées d'instruire et de régler les conflits découlant de l'utilisation des ressources et des terres. Les commissions et les conseils, qui sont prévus dans les accords de revendications territoriales de chacune des 14 Premières nations du Yukon sont: le processus d'évaluation de la mise en valeur des ressources, le Conseil de planification de l'utilisation des terres du Yukon, le Conseil des droits de surface du Yukon, le Conseil de gestion de la faune et des ressources halieutiques, le Conseil des ressources du patrimoine, le Conseil des ressources renouvelables. L'intervention de chacun de ces organismes aura une incidence sur notre mode d'exploitation.
Le processus de revendications territoriales a été long et ardu et il faudra que tous les habitants du Yukon disposent d'une période d'adaptation. Une fois que la sélection des terres sera terminée, le secteur minier pourra assurément compter sur plus de certitude. Déjà il existe de nombreux accords entre le gouvernement des Premières nations et les dirigeants des exploitations minières. Grâce notamment à des partenariats entre les gouvernements des Premières nations et les sociétés minières, les Premières nations pourront s'acheminer vers l'autodétermination.
La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale est venue remplacer l'ordonnance contenant les lignes directrices du processus d'examen et d'évaluation en matière d'environnement. Cette loi a même fait l'objet d'un examen. Le projet de loi C-6 rend officielle l'obtention d'un permis d'extraction et la présentation d'un plan de fermeture d'une mine. L'exigence d'un permis d'exploitation hydraulique en vertu de la Loi sur les eaux du Yukon existe déjà. On a dit craindre une multiplication des exigences d'obtention de permis dans le cas des mines déjà en exploitation car désormais elles devront obtenir, outre un permis d'exploitation hydraulique, un permis d'exploitation en vertu des dispositions du projet de loi C-6.
Les termes de l'entente-cadre finale prévoient un processus d'évaluation de la mise en valeur des ressources, ce qui implique des études approfondies et des consultations publiques. Là encore, il y a risque de double emploi.
Nous voudrions rappeler que les dispositions du projet de loi C-6 viennent s'ajouter aux exigences réglementaires qui existent déjà. Il faudra donc qu'elles s'imbriquent dans ces dernières mais nous ne sommes pas encore bien renseignés sur la façon dont les choses vont s'agencer. Nous craignons fort que cela n'entraîne une multiplication des exigences d'obtention de permis, ce que nous trouverions certes déplorable.
Dans la foulée de l'Initiative minière de Whitehorse, le secteur minier canadien évolue. On constate qu'à d'autres paliers de gouvernement, on revoit les dispositions législatives concernant le secteur minier par souci d'harmonisation. La planification de l'utilisation des terres et l'évaluation environnementale font partie de ces efforts d'harmonisation. Le projet de loi C-6 s'inscrit dans un tout.
Au niveau fédéral, il faut compter avec l'application d'autres lois fédérales à la différence de ce qui se passe au niveau provincial. En outre, nous l'avons dit, les revendications territoriales ont donné lieu à de nouvelles dispositions législatives qui alourdissent le processus et entravent une évaluation environnementale efficace.
Nous craignons beaucoup notamment qu'il y ait désormais une myriade d'examens environnementaux exigés par les dispositions du projet de loi C-6 qui prévoient une réglementation de l'utilisation des terres minières, le processus d'évaluation de la mise en valeur des ressources, la Loi canadienne sur l'évaluation de l'environnement, et la Commission de l'eau. Nous craignons que cela ne donne lieu à une période d'examen démesurément longue pour les décisions en matière de prospection et de mise en valeur.
Nous demandons aux membres du comité d'examiner les dispositions du projet de loi C-6 à la lumière des autres dispositions législatives pertinentes, en tenant compte du critère prévu à l'article 134:
- La présente partie a pour objet d'assurer le développement et la viabilité d'une industrie de
l'extraction du quartz durable
Bref, j'ai mis trois choses en lumière. Le Yukon s'achemine vers une nouvelle ère d'autonomie financière et d'autodétermination. Notre secteur joue un grand rôle dans le renouveau économique de cette région rurale. Les déboires économiques que nous avons connus récemment viennent souligner à quel point il importe de maintenir un secteur de prospection et d'exploitation minière pour que l'économie du Yukon demeure solide. Si nous pouvons compter sur un régime de protection de l'environnement pratique et harmonieux, les habitants du Yukon pourront profiter des avantages d'un secteur minier solide et concurrentiel, leur environnement naturel demeurant sain, et c'est pourquoi nous appuyons l'adoption du projet de loi C-6 sans amendement.
Une dernière mise en garde. Nous le répétons, il faut, au moment de l'élaboration des règlements sur l'utilisation des terres minières pris en vertu des dispositions du projet de loi C-6, un effort concerté entre les responsables de l'ACEE, ceux du processus d'évaluation du développement des ressources, le Conseil de l'eau et vous-même, afin de garantir l'harmonisation. Une réglementation à outrance ne favorisera pas un secteur minier concurrentiel, solide et durable. Ce secteur est notre gagne-pain. La prospection et l'extraction minières sont essentielles au maintien d'une économie yukonnaise solide. Les activités minières sont déjà intensément réglementées et nous vous exhortons à la prudence lors de l'application du projet de loi C-6. Un guichet unique, une approche harmonisée lors de la délivrance de permis de prospection et d'activités minières sont essentiels pour garantir la viabilité et la compétitivité du secteur minier.
Outre les responsabilités qu'implique l'adoption de ces mesures législatives modifiées, il faut s'assurer que les habitants du Yukon peuvent continuer de bénéficier des avantages qu'offre le secteur minier. On aurait tort de croire que l'adoption de ce projet de loi ne nuira pas à la viabilité du secteur minier. Je tiens à souligner qu'il nous appartient de protéger non seulement l'environnement mais également le secteur minier du territoire du Yukon.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Y a-t-il des questions?
M. Duncan: Je saisis l'occasion qui m'est offerte, la discussion sur le sujet principal, pour expliquer aux membres du comité l'importance du secteur minier au Yukon du point de vue... Il y a plus de deux ans, je me trouvais là-bas... La mine Faro à elle seule, quand elle était exploitée, comptait pour quelque 15 p. 100 de l'économie du Yukon. À ce moment-là, la contribution du gouvernement s'élevait à 70 p. 100. Ainsi, si on excluait cette seule exploitation minière, l'équation s'en trouverait perturbée.
Si je comprends bien, il y a eu une évolution énorme récemment. Vous dites que les activités minières ont repris de l'élan, la prospection également, alors qu'il y a quelques années elles étaient à la baisse. Pouvez-vous nous donner des chiffres afin que nous ayons une idée des pourcentages? La situation est-elle trop changeante pour cela?
M. McFaull: Je vais demander à M. Ouellette de vous répondre.
M. Denis Ouellette (membre, Yukon Chamber of Mines): Il y a diverses façons de calculer l'importance du secteur minier au Yukon. Prenons un multiplicateur courant: pour chaque emploi direct dans le secteur minier, une autre personne est employée indirectement ailleurs.
Quand la mine a fermé ses portes, non seulement ses 500 employés ont perdu leur emploi mais 500 autres également étaient dans le même cas. Malheureusement, deux facteurs sont intervenus pour modifier les conséquences de la fermeture de Curragh - à ce moment-là il s'agissait de Curragh Resources... D'une part, un grand nombre de gens qui habitaient à Faro à ce moment-là sont allés s'installer ailleurs, ont quitté le Yukon. Deuxièmement, comme l'a dit Jim, l'économie du Yukon paraît artificiellement prospère à cause des paiements de transfert, lesquels représentent pour chaque citoyen une somme de 12 000 $ à 14 000 $, ce qui est plus élevé que dans les provinces, mais qui se compare à ce qui est versé aux Territoires du Nord-Ouest.
Le secteur de la prospection au Yukon représentait au cours des deux dernières années plus de 40 millions de dollars, c'est-à-dire l'équivalent de ce que l'on tire du tourisme. Les revenus tirés des ressources renouvelables se chiffrent à peu près à 10 millions de dollars. Pour faire tourner une exploitation minière, il faut des capitaux énormes. Cette année, de 50 à 55 millions de dollars seront investis de la sorte. Une fois que la mine est exploitée, nous pouvons compter sur des emplois à plein temps mais aussi sur le produit de l'extraction, qui par le passé dépassait 400 millions de dollars.
Voilà, M. McIntyre vient de me transmettre des chiffres. En 1994, l'économie devait compter sur le gouvernement dans une proportion de 57 p. 100, sur le secteur minier, 30 p. 100, sur le tourisme, 10 p. 100, et sur les ressources renouvelables, 3 p. 100.
M. Duncan: Ces chiffres remontent à 1994 et l'on peut sans doute se dire que le secteur minier représente plus de 30 p. 100 aujourd'hui, n'est-ce pas?
M. Ouellette: En effet, car nous comptons deux nouvelles exploitations minières.
M. Duncan: Merci.
Le président: Monsieur Stinson.
M. Stinson: Je voudrais revenir sur la question de Faro et ce qui s'est produit quand Anvil Range a repris l'exploitation.
Je pense que Anvil Range est la première société minière qui ait réussi à se passer de subventions directes, ou de subventions du gouvernement fédéral. Elle se débrouille seule et réussit assez bien. Si je ne m'abuse, c'est le plus gros employeur privé du Yukon, n'est-ce pas?
M. McFaull: Oui, vous avez raison.
M. Stinson: Autrement dit, on peut dire sans se tromper qui si Anvil Range n'était pas aussi florissante, une ville de la taille de Faro n'existerait pas, n'est-ce pas?
M. McFaull: En effet, toute l'économie de la ville de Faro repose sur la mine.
M. Stinson: Merci. Je voulais que cela soit précisé et je vous félicite du travail que vous faites à l'occasion de ce projet de loi.
M. McFaull: Merci beaucoup.
Le président: M. Finlay.
M. Finlay: Monsieur McFaull, votre témoignage m'intéresse au plus haut point. Nous avons également entendu le témoignage de l'association minière et du groupe Keep Mining in Canada. Dans chacune des provinces, le secteur minier est relativement important. Vous avez parlé du Yukon, de l'initiative minière de Whitehorse et d'autres choses.
Aujourd'hui, au début de la séance, j'ai posé une question à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse satisfaisante. Vous avez parlé abondamment d'une harmonisation indispensable au moment de l'élaboration des règlements sur l'utilisation des terres et il faudra que les choses soient faites de façon raisonnable pour éviter le double emploi. Si j'ai bien compris, une plus grande normalisation entre les provinces et les territoires dans le secteur minier serait selon vous souhaitable, n'est-ce pas?
Voici où je veux en venir. Il me semble que nous avons l'occasion avec cette loi qui vise le Yukon de supprimer le double emploi et les différentes normes. Pourtant, quand je compare les règles qui s'appliquent au Yukon, aux Territoires du Nord-Ouest et dans le reste des provinces, je constate que pour certaines, elles sont très différentes.
Je ne dis pas qu'il faudrait s'empresser d'adopter les règlements du voisin n'importe comment, mais je trouve troublant qu'il ne vous faille pas obtenir la permission de qui que ce soit pour utiliser 100 kg d'explosifs au cours d'une période de 30 jours, au Yukon, alors qu'en Colombie-Britannique, vous ne pouvez pas utiliser plus de 50 kg d'explosifs avant que quelqu'un n'intervienne pour voir si ces explosifs sont utilisés à bon escient.
Je pourrais parler des droits de passage, des jours-personnes dans les camps, du poids des véhicules, de la surface que l'on peut défricher sans exigence d'approbation. Au Yukon, ces surfaces sont beaucoup plus élevées qu'en Colombie-Britannique et dans les Territoires du nord-Ouest. En Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et même au Québec, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, il faut quasiment obtenir un permis pour pouvoir traverser un territoire pour se rendre quelque part. Vous dites que le secteur minier au Yukon ne pourra survivre qu'à condition qu'il y ait libre accès. Éclairez ma lanterne.
M. McFaull: Je m'empresse de vous donner des explications. À propos de la comparaison entre le Yukon et la Colombie-Britannique, je tiens à vous dire que cette année on dépensera chez nous plus de 100 millions de dollars pour la prospection alors qu'en Colombie-Britannique, on se comptera chanceux si le dixième de cette somme y est dépensée. Cela répond à cette question.
Une réglementation à outrance effraie les investisseurs. Voilà ce que nous voulions expliquer. Nous ne cherchons pas à éviter toute réglementation; nous voulons qu'elle soit pratique. Dans d'autres provinces et territoires, la réglementation n'est pas particulièrement pratique comme en témoignent les investissements. La Colombie-Britannique est un bon exemple. C'est le marasme là-bas à cause d'une réglementation à outrance. Voilà la réponse.
M. Ouellette: De fait, à la dernière conférence des ministres des mines qui s'est tenue à Yellowknife le week-end dernier, les fonctionnaires des diverses provinces se sont penchés sur la question de l'harmonisation de tous les règlements visant le secteur minier et de toutes les dispositions législatives en vigueur dans chacune des provinces. Il y en a certes une pléthore qui font double emploi dans les autres provinces. Les fonctionnaires ont entrepris cette tâche en vue d'une harmonisation. Le fait qu'il faille obtenir un permis pour prendre des photos du lit rocheux en Colombie-Britannique ne veut pas dire que ce permis... Cela veut-il dire que les amateurs de randonnée devront à l'avenir obtenir un permis pour s'adonner à leur sport? Est-ce que cela améliorerait les choses? À mon avis non.
M. McFaull: Pour ce qui est du régime de libre accès, je tiens à dire que là où ce régime est le plus solide, le secteur s'en trouve beaucoup mieux. Moins l'accès est libre, plus le secteur minier est réduit. Cela est vrai d'un bout à l'autre du Canada et dans d'autres pays. Je pense ne pas me montrer injuste en affirmant cela.
Le régime de libre accès existe depuis très longtemps. Il existe depuis très longtemps parce qu'il est pratique. Il a fallu 500 ans pour l'améliorer et même s'il n'est pas encore parfait, les difficultés ont été aplanies et les choses marchent. Il permet d'atteindre l'objectif fixé, c'est-à-dire qu'il permet aux gens d'aller travailler.
Plus l'on s'écarte de ce régime, plus le secteur est entravé et on a pu constater cela à maintes reprises dans d'autres pays quand ce régime a été supprimé. En effet, à ce moment-là, l'industrie minière disparaît et les investisseurs vont ailleurs. L'Australie en est un très bon exemple. Il y a environ 10 ans on y a supprimé le régime de libre accès ce qui a entraîné la disparition totale du secteur minier. Dix ans plus tard, les choses viennent de reprendre mais le secteur minier en a pris un tel coup que les sociétés minières australiennes viennent actuellement à la bourse de Vancouver pour trouver l'argent nécessaire à leurs entreprises en Australie. Les investisseurs australiens en effet sont très réticents même si les règlements ont été modifiés pour favoriser davantage désormais le libre accès. Il faudra beaucoup de temps aux Australiens avant qu'ils se remettent des déboires économiques qu'ils ont connus à cause de cela.
Je voudrais vous mettre en garde car cela pourrait très bien se produire chez nous. Les choses ne sont pas différentes ici qu'en Australie et je parle d'expérience car ma société vient de se mettre en coentreprise avec une concession minière australienne. Nous travaillons là-bas actuellement. Ce que j'y constate est très révélateur.
M. Findlay: Je pensais que vous veniez de me dire que l'Australie était un mauvais investissement.
Une voix: Oh oh!
M. McFaull: Il faut faire le pari. Il faut courir des risques de temps à autre.
Le président: Je dois vous dire encore une fois que je suis originaire d'une ville minière où le minerai est très dur. Pour faire exploser la paroi rocheuse, on a recours à un mélange de mazout et d'engrais. Quand on pense que les ingrédients même qui permettent de faire sauter une montagne se trouvent dans nos propres maisons.
Y a-t-il d'autres questions? Madame McLaughlin?
Mme McLaughlin: Non, merci beaucoup. Je n'ai pas de questions à poser.
Le président: Avant de vous quitter, jusqu'à demain, je tiens à remercier Ken Hutchinson du ministère des Affaires indiennes et du Nord qui s'est occupé de la coordination à l'autre bout et nos deux techniciens, Isabella Fallinger et Mike West. Merci.
Je vais demander aux membres du comité de rester ici. M. Stinson a demandé la permission de soumettre quelque chose aux membres du comité.
M. Stinson: Monsieur le président, je souhaiterais qu'à sa prochaine réunion, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord débatte de la motion suivante et la mette aux voix: que ce comité exhorte le gouvernement à garantir les droits des peuples autochtones en protégeant leur citoyenneté canadienne et leur droit de demeurer au Canada s'ils le souhaitent advenant une déclaration unilatérale d'indépendance par le gouvernement du Parti québécois.
Le président: Je ne peux l'accepter que comme un avis de motion.
M. Duncan: C'est un avis de motion.
Le président: Ensuite, nous allons devoir en parler en comité car nous sommes en train de prévoir une mesure au cas où une chose se produirait - ce qui est tout à fait singulier. Pour l'instant, j'ai votre avis de motion. Nous allons en parler et nous communiquerons avec vous.
M. Stinson: À propos du vote d'aujourd'hui, je tiens à signaler qu'on nous a mal renseignés sur la façon dont le vote allait se dérouler et sur le moment du vote. Je veux que l'on sache bien que cela est une des raisons pour lesquelles je n'étais pas là.
Le président: C'est noté.
M. Murphy: Pouvez-vous me donner copie de la motion?
Le président: Oui. Nous allons vous remettre l'avis de motion.
M. Stinson: Les copies sont ici.
Le président: Êtes-vous d'accord pour que je soumette cet avis de motion au comité directeur? C'est probablement la meilleure façon de procéder. Avez-vous d'autres propositions?
M. Duncan: Nous ne serons pas saisis de cette motion avant demain de toute façon, n'est-ce pas?
Le président: Non. Cette motion ne sera pas soumise demain.
M. Duncan: Puisque ce ne sera pas demain, puis-je vous répondre au début de la semaine ou demain pour vous dire si je suis d'accord ou non?
Le président: Bien sûr. Nous en reparlerons. D'accord.
M. Duncan: D'accord. Merci, monsieur le président.
Le président: Y a-t-il autre chose? Merci beaucoup.
La séance est levée.