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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 septembre 1996

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous étudions le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon et la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon. Nous reprenons l'étude de l'article 1.

C'est notre deuxième jour d'audiences publiques. Hier nous avons accueilli différents témoins. Aujourd'hui, nous accueillons, de la Société de conservation du Yukon, Jennifer Ellis, directrice administrative, et Bob van Dijken, membre, conseil d'administration.

Vous avez la parole.

Mme Jennifer Ellis (directrice administrative, Société de conservation du Yukon): Bonjour. Je suis heureuse de comparaître devant le comité. Bob et moi allons présenter un exposé commun.

Je suis la directrice administrative de la Société de conservation du Yukon et j'ai participé à certaines des réunions de comité du YMAC.

Pour vous présenter un peu la société, je dirai que nous formons une organisation communautaire depuis 28 ans. Nous sommes présents à Whitehorse depuis 1968. Nous sommes gérés par un conseil d'administration de bénévoles. Nous comptons sur un grand nombre de bénévoles et sur deux employés à temps partiel. Nous avons près de 300 membres, ce qui, dans une communauté comme la nôtre, est assez impressionnant.

Nous nous occupons de diverses questions. Nous nous occupons de défense des droits, d'éducation et de recherche. Nous travaillons sur l'exploitation minière, la foresterie, la qualité des eaux, l'éducation en matière d'environnement, l'appréciation de la nature - c'est donc un très vaste éventail. Notre approche consiste à travailler de concert avec le gouvernement, les Premières nations, l'industrie et d'autres parties prenantes, et cela dans la mesure du possible. Nous faisons partie d'un grand nombre de comités consultatifs. Le Yukon Mining Advisory Committee en est un exemple parmi bien d'autres.

Nous participons aux travaux du YMAC depuis sa création en 1990. Toutefois, notre intérêt pour la réglementation régissant l'exploration minière remonte à 1967 environ, au moment où l'on a rédigé la Loi sur les terres territoriales.

M. Bob van Dijken (membre, conseil d'administration, Société de conservation du Yukon): Il m'apparaît opportun maintenant de replacer dans leur contexte certaines choses qui ont été dites hier et d'apporter des précisions au sujet du document du YMAC et de son processus en particulier.

Le processus a commencé en juillet 1990, ou tout au moins la lettre d'invitation à se joindre au processus remonte à juillet 1990, et on y disait en fait que ce processus serait terminé en novembre 1990. Or, voici qu'à la fin de septembre 1996 nous en sommes encore à y travailler dur.

En fin de compte, un document consensuel a été signé en avril 1992. Hier, il a été question du contenu de ce document et de ce que signifiait ce consensus. J'aimerais dire publiquement certaines choses qui n'ont pas été mentionnées, bien que ce document les énonce et qu'il y ait eu des recommandations présentées de façon consensuelle.

Premièrement:

Il y a autre chose qu'on n'a pas mentionné et qui vient du rapport du YMAC:

La troisième citation que j'aimerais citer du rapport du YMAC est celle-ci:

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Il faut aussi voir les changements apportés au programme législatif ainsi que les facteurs extérieurs intervenus depuis la signature en avril 1992. Je vais rappeler quatre choses.

D'abord, le règlement de la revendication territoriale des Premières nations, la signature de l'entente-cadre finale, les ententes individuelles des Premières nations, et les engagements pris relativement à des choses comme le processus d'évaluation du développement et la planification de l'aménagement du territoire. Le Conseil des Premières nations du Yukon en a parlé hier.

Deuxièmement, l'Initiative minière de Whitehorse est l'accord qui en est résulté. À la reprise du processus en 1994, nous avons demandé qu'on réserve du temps pour s'assurer que l'ensemble législatif proposé respecte les objectifs et les principes de l'Initiative minière de Whitehorse. Nous avons essuyé un refus, et nous estimons que l'ensemble proposé ne respecte ni les buts ni les principes de l'initiative, notamment dans l'article sur l'environnement, celui sur l'aménagement du territoire et l'accès au territoire, et celui sur le processus décisionnel ouvert.

Le troisième changement est la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et plus particulièrement la nécessité de tenir compte des effets cumulatifs. Nous reviendrons sur ce point de façon plus détaillée au cours de notre exposé.

Quatrièmement, un texte législatif du Yukon, des changements à la loi dite Yukon Wildlife Act, qui ont été adoptés en 1992, le projet de loi 7. Il a été adopté, mais n'a jamais été proclamé. Ces changements portaient sur des aires de protection d'habitats désignées ainsi que sur les dommages à l'habitat ou la destruction de celui-ci. Encore là, nous y reviendrons de façon plus détaillée tout à l'heure.

J'aimerais examiner d'autres points avant que nous abordions le coeur de notre exposé, et revenir ainsi sur certaines des choses qui ont été dites hier.

Le gouvernement territorial a laissé entendre que le comité avait pris l'engagement de continuer à travailler à la définition d'une période de mise en application et à la surveillance de celle-ci. En octobre 1995, à la dernière réunion du YMAC, nous avons fait savoir que nous ne ferions plus partie du comité tel qu'il était composé à l'époque. Il n'y a pas eu d'engagement officiel de la part du ministère des Affaires indiennes. À ce moment-là, un membre du personnel au Yukon a proposé que cela se fasse, mais à notre connaissance le gouvernement n'a pris aucun engagement à cet effet.

La dernière chose dont j'aimerais parler est la consultation publique. En raison du mandat du comité, nous n'avons pas pu consulter d'autres intéressés que les membres de la société de conservation. Nous avons dû préciser à de nombreuses reprises que nous étions là pour représenter la Société de conservation et que notre mandat et les ententes de confidentialité nous interdisaient de procéder à une consultation élargie. Les consultations visant un plus vaste public, par exemple, ont été menées après la présentation du document au ministre en avril 1992. Il y a eu une autre ronde de consultation à l'été 1995, toujours après qu'une part importante du travail eut été effectuée, et il était clair qu'il serait difficile, sinon impossible, d'apporter des changements importants.

Nous aimerions souligner qu'étant donné la vitesse à laquelle on apporte des changements aux lois sur l'exploitation minière du quartz et de l'or, ainsi qu'au processus du YMAC, compte tenu de la première échéance, de novembre 1990 jusqu'au moment où nous nous trouvons maintenant, la fin de septembre 1996, nous estimons qu'il est particulièrement important d'apporter ces changements comme il se doit du premier coup. L'expérience montre bien qu'on n'a pas souvent l'occasion de modifier ces lois.

Mme Ellis: Nous souscrivons à l'esprit du projet de loi C-6, et il est certain qu'étant donné qu'on nous promet depuis 30 ans de mettre quelque chose en place, nous aimerions que cela se fasse, comme l'a dit Bob. Toutefois, nous aimerions vous faire part de certaines grandes préoccupations.

L'une des plus importantes que nous avons soumises au YMAC à de nombreuses reprises, c'est la protection des habitats fauniques fragiles à certaines époques clés de l'année, comme la période d'agnelage et de mise bas.

Pour la plupart, ces activités qui auront une incidence vont enclencher un examen et seront soumises à un processus d'évaluation environnementale. Toutefois, nous estimons qu'il y a des lacunes, notamment en ce qui concerne les activités de type I et le genre de niveau d'activité permis pour le type I. Dans le cas des activités de type I, comme vous le savez, il n'y a pas de notification; par conséquent, il ne peut pas y avoir d'étude environnementale, et ceux qui s'y connaissent en matière de faune, comme les gens du gouvernement du Yukon, ne sont alors pas en mesure d'étudier les demandes conjointement avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour présenter des recommandations concernant la façon d'atténuer les effets sur la faune.

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Nous en avons pris conscience d'une façon particulière. Le gouvernement du Yukon a deux ou trois programmes de retour du caribou. Dans un cas donné, ce programme de retour comprend aussi une chasse au loup très coûteuse et très controversée. Les caribous sont donc si peu nombreux que le gouvernement du Yukon estime nécessaire de contribuer à leur augmentation par un recours à un programme de destruction des prédateurs.

Il y a quelques années dans cette même région, une société d'exploration a jalonné des concessions minières et entrepris d'effectuer des travaux. Elle devait obtenir un permis d'utilisation du sol pour ce faire, mais à cette époque, étant donné que ce projet de loi n'était pas en place, il n'y avait pas d'évaluation environnementale.

Cette activité donnée aurait sans doute enclenché une étude environnementale et aurait vraisemblablement été considérée comme une activité de type II. Toutefois, elle a certainement mis en lumière le fait que la région pouvait être jalonnée. Même si ce projet de loi était aujourd'hui en place, il n'y a absolument rien qui empêche une société minière de jalonner au beau milieu d'une aire d'agnelage de ce même troupeau qui est si peu nombreux qu'il nous faut recourir à un programme d'abattage des loups. Une société minière peut faire sauter mille kilos d'explosifs sur une période de 30 jours ou déplacer jusqu'à 400 mètres cubes de terre sur chaque concession à l'aide d'un petit bulldozer. Elle peut installer un petit camp et du matériel pendant la période d'agnelage, puisque ce sont toutes des activités de type I. Comme elle n'enclencherait pas une étude environnementale, il n'y aurait aucun moyen de définir les modalités qui permettraient simplement à une société de faire ce travail, mais pas pendant le mois pendant lequel se produit l'agnelage.

Ce serait certainement le cas pour un bon nombre des activités de type I, quoique pendant presque toute l'année, dans presque tous les endroits au Yukon, cela n'aurait probablement pas une grande incidence en raison du faible niveau d'activité. Il existe certainement au Yukon des zones très sensibles où nous estimons qu'il devrait y avoir notification des activités de type I pour permettre cette étude afin qu'on puisse définir les modalités visant à protéger ces zones fragiles, ou bien les seuils de type I et de type II devraient être modifiés afin que les activités qui supposent l'utilisation d'appareils mécaniques passent de la classe I à la classe II, sauf pour l'équipement manuel.

Nous estimons que nous nous rapprocherions ainsi de ce que prévoient d'autres gouvernements. En effet, dans d'autres provinces, dès qu'une activité suppose l'utilisation de matériel mécanique, une étude est enclenchée.

Nous assurerions ainsi une grande cohérence avec la Loi sur les terres territoriales. Comme Bob l'a déjà mentionné, l'un des objectifs du processus du YMAC était d'assurer une protection équivalente en vertu des changements aux règlements.

Bob a parlé de la loi dite Wildlife Act. Au cours des délibérations du YMAC, on a abondamment débattu de la question de savoir à qui incombe la responsabilité de la protection de l'habitat faunique. Une grande part des discussions qui ont mené à la signature du rapport de 1992 portaient sur la Wildlife Act que le gouvernement du Yukon était en train de modifier. On nous a souvent dit que la responsabilité lui incombait et qu'il allait l'assumer.

Toutefois, comme ces amendements n'ont jamais été proclamés, il en est résulté un certain nombre de problèmes. Au printemps dernier, le ministre des Ressources renouvelables du Yukon a clairement dit à l'Assemblée législative que le gouvernement du Yukon n'était pas responsable de la gestion de l'habitat faunique.

Il est clair que le gouvernement fédéral a bel et bien une responsabilité en matière de gestion des habitats. Il est clairement dit dans la Loi sur les terres territoriales que le chef peut examiner les effets sur l'habitat. D'autres décisions ont été rendues qui montrent que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a une responsabilité et peut demander que les habitats soient protégés des effets qu'ils pourraient subir. Il existe maintenant un vide législatif en raison du peu de protection offerte aux habitats vulnérables. Nous estimons qu'un simple changement apporté au projet de loi C-6 et à la réglementation comblerait ce vide.

Pour ce qui est des effets que les activités de type I peuvent avoir, je voudrais citer un extrait d'une lettre que j'ai reçue du directeur de la Direction de la pêche et de la faune du gouvernement du Yukon. Je lis:

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Nous aimerions donc présenter deux options différentes pour faire face à ce problème. L'une consiste à demander une notification pour les activités de type I. On y parviendrait en modifiant le paragraphe 136(1) du projet de loi pour reprendre le libellé prévu pour la notification des activités de type II, qui se trouve au paragraphe 136(2) qui est proposé. Grâce à ce changement, toutes les activités de type I pourraient être étudiées eu égard à leur effet potentiel sur la faune et l'habitat faunique, et ces effets pourraient ensuite être atténués par voie de notification de l'exploitant, qu'on informerait des modalités spécifiques qui pourraient s'appliquer à ces activités. Comme nous le dirons plus tard, cette mesure contribuerait aussi à évaluer les effets cumulatifs de diverses activités de type I dans la région.

L'autre option consiste à changer les seuils prévus dans la réglementation, comme je l'ai mentionné, de manière que toute activité d'exploration mécanisée de type I ne puisse faire appel qu'à de l'équipement mécanisé manuel, et afin qu'on ne puisse pas utiliser 50 kilogrammes d'explosifs sur une période de 30 jours, ce qui permettrait d'assurer la conformité avec le Règlement sur l'utilisation des terres territoriales.

Ces changements nous rassureraient grandement pour ce qui est des effets potentiels de ces règlements sur la faune et l'habitat faunique vulnérable dans la région.

M. van Dijken: Nous allons maintenant aborder la question de la garantie. Je pense qu'il en a été question à maintes reprises hier. Nous sommes préoccupés par le pouvoir discrétionnaire relatif à l'exigence d'une garantie, ainsi que par le fait que cette garantie ne serait exigée que quand il y a un risque d'effets environnementaux négatifs importants. Nous estimons que le principe du pollueur-payeur de l'Initiative minière de Whitehorse préconise un traitement plus strict de la question de la garantie. Des choses comme les comptes de cautionnement, la capacité de produire des recettes, la capacité de faciliter le règlement de la question de la garantie, ont été proposées.

Pour ne pas m'appesantir sur la question de la garantie, je vais passer directement à nos recommandations.

Nous recommandons de modifier l'article 143 du projet de loi en supprimant la notion d'«effets environnementaux négatifs importants» et de remplacer «peut» par «doit». On pourrait aussi modifier l'article 20 du règlement en supprimant la notion qui est faite de la prise en compte des capacités financières de l'exploitant pour payer la garantie. Cela devrait entrer dans les coûts d'exploitation.

Pour ce qui est de la surveillance et de l'observation, un texte législatif ne vaut pas plus que son mécanisme de mise en application. La plupart des lois sont conçues pour ceux dont il faut réglementer les activités: ceux qui ne respecteront pas les exigences en matière de protection de l'environnement à moins d'y être contraints par la loi. L'observation doit inclure des mesures permettant de surveiller la conformité et de pénaliser ceux qui ne respectent pas les lois. Les méthodes de surveillance de l'observation ne doivent pas devenir un fardeau pour les citoyens respectueux des lois.

Nous faisons ici quelques recommandations concernant le projet de loi C-6. Les inspections sont essentielles à la surveillance de l'observation. Nous estimons qu'on devrait exiger au moins une inspection par an par site d'exploration, et des inspections plus fréquentes pour les mines en développement ou en production ou en voie de remise en état.

L'autre recommandation a trait à la possibilité pour les citoyens de demander des inspections. Comme le Yukon est immense et que le nombre des agents chargés de faire respecter la loi sera limité, il serait bon, pour des raisons d'ordre économique et parce que les gens qui vivent sur place sont là pour voir ce qui s'y passe, qu'on permette aux citoyens de faire état de leurs préoccupations et de demander des inspections afin que les lois soient bien respectées.

Au début du processus du YMAC, on avait reconnu que la tâche qui nous attendait était imposante et qu'on devait scinder nos délibérations en deux volets, soit l'exploration et le développement et la production. C'est dans cet esprit que notre société a accepté qu'il n'y ait aucune peine d'emprisonnement dans l'article du rapport portant sur les infractions et les sanctions.

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De la façon dont le projet de loi est conçu, un même article traite des infractions et des sanctions tant pour les activités d'exploration que pour celles des mines en exploitation. La société doit rappeler la position que nous avons toujours défendue depuis la reprise des travaux du YMAC en 1994: soit que les amendes proposées sont tout à fait disproportionnées dans le cas des mines en exploitation, que les administrateurs et dirigeants des sociétés devraient être passibles d'emprisonnement en cas d'infractions commises par les mines en exploitation, et être responsables des infractions de la société s'ils y ont participé de quelque manière.

C'est une pratique courante dans la majeure partie de la législation appliquée au Canada et en Amérique du Nord à notre époque. Ce n'est pas une mesure innovatrice, tout à fait avant-gardiste, ni qui, de quelque manière, s'éloigne de ce qu'on fait dans le Nord.

Encore là, différents intervenants ont parlé hier du montant des amendes. Nous estimons que les amendes sont trop faibles, qu'elles sont inférieures à celles qu'on impose dans d'autres textes législatifs, comme la Loi sur les pêches ou la LCPE.

Recommandations: établir l'obligation de demander au moins une inspection par an; changer la réglementation pour permettre un rapport annuel des activités; modifier le projet de loi C-6 pour permettre l'imposition de peines d'emprisonnement aux administrateurs et dirigeants de sociétés qui mènent des activités de production en élargissant la gamme des sanctions prévues au paragraphe 154(3); prévoir des mesures de conservation par les citoyens; adopter le libellé de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ou du projet de loi sur les espèces en voie de disparition.

Pour assurer une évaluation efficace, il est essentiel que toutes les approbations et toutes les décisions prises en vertu du projet de loi C-6 et de sa réglementation enclenchent une étude sous l'égide de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE). Pour les activités de types II, III et IV, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a constamment répété que c'était là son intention, et il a été dit à maintes reprises qu'on voulait faire en sorte que ces éléments soient ajoutés à la liste de l'ACEE avant l'entrée en vigueur de la loi et des règlements. Nous aimerions faire en sorte qu'il en soit ainsi.

Un élément central de l'ACEE est la nécessité de tenir compte des effets cumulatifs. Nous aimerions traiter un peu des effets cumulatifs et de la loi actuelle et prendre l'exemple de la récente campagne de jalonnement dans la région de Finlayson Lake.

Dans la région de Finlayson Lake, au milieu des années quatre-vingt, le gouvernement du Yukon a lancé une chasse aux loups sur plusieurs années pour essayer de ramener les troupeaux de caribous locaux à des niveaux plus acceptables. Dans l'année et demie qui vient de s'écouler, on a assisté dans cette même région à une importante campagne de jalonnement de concessions minières, notamment dans certaines des aires d'agnelage et d'élevage les plus sensibles. On a jalonné quelque 1 600 concessions.

L'ampleur du jalonnement a été telle qu'un haut fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes a dit au printemps qu'on y avait mis fin parce qu'il ne restait plus de sol à jalonner.

Même si le projet de loi C-6 et la réglementation sur l'utilisation des terres minières avaient été en place, l'effet cumulatif de ces premières activités de jalonnement de premier niveau, de ces activités d'exploration, n'aurait pu être évalué comme il se doit, puisqu'un bon nombre d'entre elles auraient correspondu à des activités de type I.

L'une des grandes sociétés travaillant pour le secteur, Cominco, dans son évaluation environnementale initiale Kudz Ze Kayah, écrivait:

Par conséquent, nous devons à nouveau demander qu'il y ait notification dans le cas des activités de type I ou qu'on modifie les seuils afin que les effets cumulatifs des activités minières dans des cas comme la campagne de jalonnement de Finlayson puissent être évalués.

Une évaluation efficace nécessite aussi des données de base. Actuellement, dans le projet de loi, les exploitants sont tenus de fournir une description des caractéristiques naturelles d'une région, mais seulement pour les activités de type III et de type IV. Cette information est essentielle pour procéder à des évaluations, et nous estimons qu'il faudrait demander des renseignements relativement aux activités des types I et II. On devrait demander de plus en plus de précisions à mesure que l'activité s'intensifie, mais pour évaluer l'impact il faut disposer de données raisonnables au départ. Si l'on attend qu'une activité parvienne aux niveaux III ou IV avant d'envisager de disposer de données de base, nous n'aurons pas une base valable; nous aurons une base qui aura déjà été touchée par l'activité en question.

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Il faut aussi disposer d'un cadre pour orienter les décisions d'étude. Notre société souhaiterait que le projet de loi C-6 énonce des objectifs selon lesquels il n'y aura pas de pertes d'habitats ni de biodiversité à l'achèvement des activités régies par la loi.

Je passe maintenant à la réglementation à venir.

Nous comprenons bien que le comité examine maintenant le projet de loi, et que les règlements seront examinés dans un proche avenir. Toutefois, nous estimons qu'il y a différents règlements qui sont cruciaux: la réglementation sur la remise en état - et encore là, l'Initiative minière de Whitehorse présentait des recommandations sur la nécessité de légiférer en matière de remise en état - des règlements sur la production et le développement, qu'on nous a promis; ce qui est également particulièrement crucial, des règlements sur l'opinion publique, la consultation publique, la participation publique. La loi proposée contient des exigences relatives à l'opinion publique et à la participation publique, mais jusqu'à maintenant rien n'a été fait pour rédiger des règlements sur la façon de procéder à cette consultation ni sur la forme qu'elle prendrait. Nous estimons qu'il est essentiel de se donner un règlement à cet effet.

Nous recommandons donc que le ministre soit tenu de fixer un échéancier pour la rédaction de la réglementation afférente au projet de loi C-6. Nous estimons aussi qu'il est capital de savoir ce qui sera contenu dans cet ensemble réglementaire. Il est difficile de se prononcer sur cet ensemble en tenant compte des buts et des principes, par exemple, de l'Initiative minière de Whitehorse, pour juger de la participation publique et de la transparence, si nous ne savons pas encore ce que contiennent les règlements, quelles sont les exigences, et quels sont les pouvoirs qu'on a.

Mme Ellis: Avant de terminer, j'aimerais parler du libre accès. Je sais que beaucoup d'intervenants en ont parlé.

Ce n'est pas une question tout à fait nouvelle. J'aimerais lire une citation tirée d'un mémoire présenté au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord en 1971 par M. Andy Thompson. Il est de la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique. Je cite:

La semaine dernière, j'étais à Dawson à une réunion du conseil de planification de l'aménagement du territoire. Selon notre entente-cadre finale, nous sommes tenus de dresser des plans régionaux d'aménagement du territoire pour tout le Yukon. On se disait mécontent de voir qu'un certain secteur d'exploitation des ressources avait priorité en matière d'utilisation du territoire et que cela aurait une incidence négative sur notre capacité de planifier et de gérer efficacement les diverses régions du Yukon. J'aimerais ajouter notre voix à l'appel lancé par le comité pour tenir des audiences publiques sur cette question - c'est certainement un sujet important pour tout le Nord, et il a une signification particulière pour ce qui est des revendications territoriales - ainsi divers intérêts et diverses perspectives, et peut-être aussi des solutions, pourront être examinés à fond par le comité, et nous pourrons résoudre cette question.

Pour terminer, j'aimerais rappeler que la Société de conservation du Yukon appuie le projet de loi C-6, ou tout au moins son orientation. Toutefois, nous estimons que quelques changements qui pourraient y être apportés permettraient de le renforcer sensiblement et de le moderniser. Nous avons exposé ces propositions d'amendements dans notre exposé, surtout en ce qui concerne la faune et l'habitat faunique fragile. Nous estimons que c'est l'une des questions les plus importantes dont ce texte de loi ne traite pas encore.

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Comme Bob l'a mentionné au cours de son exposé, le YMAC avait accepté de procéder à une étude de la loi deux ans après son entrée en vigueur. Si je me souviens bien, toutes les organisations non gouvernementales ont, à la table du YMAC, appuyé l'idée d'inclure dans la loi ce délai pour la réalisation d'une étude. Nous avons tous été témoins d'engagements qui avaient été pris de respecter un échéancier donné et qui n'ont pas été honorés. Nous aimerions qu'on fixe cette échéance dans la loi.

Il ne s'agit pas d'un mécanisme nouveau. On l'a utilisé dans d'autres lois. Peut-être faudrait-il porter le délai d'examen à cinq ou sept ans, de façon à nous donner le temps de voir comment se déroule la mise en oeuvre.

Toujours à propos de la mise en oeuvre, compte tenu des délais, nous souhaitons que la loi et le règlement soient mis en vigueur d'ici à l'été prochain, pour la saison de prospection de l'or et du quartz. On sera alors en 1997, soit quatre saisons après l'engagement initialement pris dans le rapport du YMAC.

Je remercie le comité d'avoir écouté notre exposé, et nous répondrons volontiers à vos questions.

Le président: Merci beaucoup pour cet exposé.

Nous avons deux minutes pour chaque parti de l'opposition et trois minutes pour le parti gouvernemental. Après cela, je demanderai aux membres du comité s'ils veulent continuer au-delà de la période initiale de 40 minutes.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Bachand (Saint-Jean): Je voudrais remercier Mme Ellis et M. van Dijken de leur présentation. Je dois vous dire qu'avant de faire de la politique, j'étais, moi aussi, très engagé dans les mouvements de protection de l'environnement. Une chose qui tenait beaucoup à coeur aux groupes qui s'occupaient d'environnement, c'était d'en arriver à un consensus. Lorsque des municipalités et des groupes économiques comme les chambres de commerce et les mouvements intéressés à l'environnement se tenaient ensemble, le partage des préoccupations était immense. Il est vrai que quelquefois il nous fallait diluer un peu nos revendications pour plaire à tout le monde, mais c'était le sacrifice qu'on s'imposait pour être sûrs d'avoir un consensus bien établi.

Ce qu'on a vu jusqu'à maintenant ici, et ce que les groupes sont venus nous dire, c'est qu'après beaucoup de consultations, il s'est établi un compromis entre toutes les tendances autour du projet de loi que nous étudions. La question que j'aimerais vous poser, même si je suis réceptif à la proposition que vous nous faites, est la suivante: pouvons-nous incorporer au projet certaines de vos récriminations ou revendications sans courir un certain risque, celui qu'il se produise une réaction en chaîne? Est-ce que les autres groupes qui sont parvenus ensemble au compromis actuel ne reviendront pas nous voir pour demander qu'on ajoute également leur point de vue puisque nous aurons permis à vous, de la Conservation, d'introduire vos idées dans le projet? Est-ce que nous ne risquons pas de briser le compromis atteint et de nous retrouver encore devant de nouvelles discussions, sans compter des explorations minières dans le Yukon où presque aucune norme environnementale ne sera respectée?

Je ne veux pas vous demander de vous mettre dans la peau d'un parlementaire, mais c'est un peu ce à quoi nous faisons face actuellement. Si je retiens vos récriminations et vos revendications, il y a danger que les chambres de commerce reviennent devant nous pour dire qu'elles en veulent, elles aussi. On risquerait alors de compromettre le projet de loi C-6 et de se retrouver encore une fois avec de l'exploration minière sans protection environnementale.

[Traduction]

Le président: Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît.

M. van Dijken: Nous sommes bien conscients du risque. Il y a toujours un risque, mais vous devez aussi tenir compte du fait qu'il y a un temps pour les palabres et un temps pour l'action.

Il y a eu des compromis, et je pense que si personne n'avait tardé à agir, nous aurions pu nous en accommoder. Malheureusement, des changements importants se sont produits dans l'intervalle.

Nous avons parlé, par exemple, de protection de l'habitat faunique. Lorsqu'on a conclu un compromis en 1992, le gouvernement territorial était sur le point d'adopter une loi sur la protection de l'habitat faunique. Cette loi a été adoptée, mais elle n'a jamais été promulguée.

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Jusqu'au mois d'avril dernier, nous avions l'impression que le gouvernement du Yukon serait capable d'assurer la protection de l'habitat faunique, et il n'a jamais donné la moindre indication en sens contraire. Au lieu d'être régie par le présent projet de loi, cette protection aurait été assurée au niveau du territoire. Or, en avril dernier, le ministre du Yukon a dit qu'il s'agissait non pas d'une responsabilité du territoire, mais d'une responsabilité fédérale.

Dans ces conditions, force est d'admettre que c'est bien la façon de régler cette question. Il s'agit d'une responsabilité du gouvernement fédéral, et c'est à lui d'intervenir.

Le président: Merci.

Mme Ellis: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose...

Le président: Non. Nous devons passer à M. Duncan.

M. Duncan (North Island - Powell River): Je cède mon temps de parole à Mme Ellis.

Le président: M. Duncan vous cède son temps de parole pour que vous répondiez à la première question.

Mme Ellis: Merci beaucoup.

J'ai quelques mots à ajouter. Comme l'a dit Bob, nous avons accepté un rapport de consensus en 1992 en fonction d'une certaine information. Nous avons consenti des compromis, en échange desquels on nous a fait des promesses qui n'ont jamais été tenues. Il n'y a donc pas de consensus.

Au cours des réunions du YMAC en 1995 et dans le projet de loi qui a été soumis au ministre, nous avons formulé des questions qui définissaient bien notre position. Il n'y a donc pas eu véritablement de consensus depuis la saison de prospection de 1993. Les promesses n'ont pas été tenues.

En ce qui concerne la façon dont la situation pourrait évoluer à l'avenir, il est impératif que le gouvernement fédéral présente une mesure législative qui protège véritablement l'environnement, et qu'il exerce ses responsabilités dans ce domaine. Toutefois, il faut pour cela prendre de graves décisions, mais je pense qu'il appartient au gouvernement fédéral de présenter effectivement une mesure législative qui protège efficacement l'environnement et qui soit conforme à ses responsabilités en matière de gestion du territoire.

Le président: Merci.

Y a-t-il des commentaires du côté gouvernemental?

Si Audrey McLaughlin est là, j'aimerais lui offrir une minute.

Mme Ellis: Elle n'a pas de question à poser.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

Nous invitons maintenant Gerry Couture, Georgina Sydney et Doug Urquhart, du Yukon Fish and Wildlife Management Board, à témoigner.

M. Gerry Couture (Yukon Fish and Wildlife Management Board): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous représentons le Fish and Wildlife Management Board du Yukon, qui était désigné dans l'entente-cadre finale comme le principal organisme de gestion du poisson et de la faune au Yukon.

Je m'appelle Gerry Couture. Je suis en compagnie de Georgina Sydney, du Conseil de bande Teslin Tlingit.

Vous avez reçu copie de notre lettre au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien où nous exposons nos préoccupations concernant le projet de loi C-6 dont votre comité est saisi. La plupart de nos préoccupations ont déjà été formulées par les intervenants qui nous ont précédés. Nous y reviendrons brièvement tout à l'heure.

Dans l'immédiat, nous aimerions vous dire pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Je vais demander à ma collègue de commencer en donnant le point de vue des Premières nations sur l'entente-cadre finale.

À vous, Georgina.

Mme Georgina Sydney (Yukon Fish and Wildlife Management Board): Bonjour, mesdames et messieurs du comité permanent. En langue Tlingit, je m'appelle Kooxuhan. Je fais partie du clan Yanyiedi de la bande Teslin.

C'est pour moi un grand honneur d'être ici ce matin et de m'adresser à ceux qui sont chargés de gérer le pays. Nous sommes très souvent amenés à exprimer notre point de vue.

Je suis sûre que vous vous souvenez des projets de loi C-33 et C-34, auxquels le comité permanent a consacré 16 ou 17 heures de séances en juin 1993. Je voudrais vous parler ce matin de l'entente-cadre finale qui est à l'origine de la loi adoptée en 1993 et qui est entrée en vigueur en février 1994.

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Si nous avons négocié cette entente-cadre finale, c'était pour pouvoir intervenir dans la gestion de l'habitat faunique au Yukon. Nous sommes très préoccupés par le sort des générations futures. Les membres des Premières nations se sentent responsables des sept générations qui doivent leur succéder. Je me sens ainsi responsable de mes arrière-arrière-petits-enfants. Nous voulons pouvoir intervenir dans la gestion de l'habitat faunique. C'est pourquoi nous avons négocié cette entente.

Vous parlez du compromis auquel vous êtes parvenus en 1992. De notre côté, nous sommes aussi parvenus à un compromis dans notre entente-cadre finale. Nous avons renoncé conditionnellement à 90 p. 100 de nos territoires traditionnels de façon à être consultés et à pouvoir intervenir dans la gestion de l'habitat faunique.

Nous sommes très préoccupés par le dépérissement de l'habitat et de la faune au Yukon. Vous avez entendu parler du troupeau Finlayson. Je voudrais vous parler du troupeau de caribous Carcross, dont nous essayons actuellement d'assurer la protection. L'habitat faunique subit une forte érosion actuellement. Les caribous se déplacent. On remarque leur présence à des endroits où on n'en voyait jamais auparavant. J'en ai vu se rapprocher du territoire teslin parce qu'ils étaient privés de leur habitat traditionnel. On s'installe et on construit désormais dans les espaces où vivaient les caribous. Cela nous préoccupe beaucoup.

C'est pourquoi nous avons négocié l'entente-cadre finale. Pour la première fois, des titres autochtones ont été reconnus sur des terres de la catégorie A. Les terres de la catégorie B sont quelque peu protégées, mais nous nous préoccupons de l'ensemble du Territoire du Yukon. L'habitat doit être protégé dans toutes les zones, et non pas seulement sur certaines parcelles désignées, car la faune se déplace partout. Les animaux ne connaissent aucune limite administrative.

Il y a eu des négociations très serrées sur le chapitre 16 de notre entente-cadre finale. Je me souviens de séances qui ont duré 16 heures. Elles se sont prolongées ainsi quand la négociation était très serrée. Nous avons parfois continué à négocier pendant les fins de semaine. Ce fut une épreuve très difficile pour nous et pour nos anciens, qui nous ont aidés. Nos anciens nous ont toujours dit que c'était non pas pour eux qu'ils négociaient cette entente, mais pour les générations futures et pour les plus jeunes. Les anciens qui nous ont aidés à négocier cette entente ne sont plus des nôtres aujourd'hui.

Leur principal souci était que nous puissions continuer à vivre de la faune. C'est ainsi que nous avons été élevés. Nous vivons des ressources de notre territoire. C'est pourquoi nous disons que les Premières nations vivent en communion avec la terre. Les gens des Premières nations ont le plus grand respect pour les animaux, et n'en prélèvent que ce dont ils ont besoin. Nous ne nous contentons pas de prélever le train arrière d'un orignal, en laissant pourrir le reste de la carcasse. Nous ne laissons rien se perdre.

Nous avons pris soin de la terre. Lorsque nous sommes venus à la table de négociation, nous y avons apporté avec nous un titre vieux de 30 000 ans. Nous l'avons troqué contre une participation à la gestion. Il est très important pour nous de participer à la gestion de l'évolution de cette terre. Ce n'est pas pour moi, mais pour mes enfants et mes petits-enfants que je me fais du souci.

Nous avons énormément de respect pour la faune. Nous avons été élevés dans la croyance que toute entité dans notre monde a un esprit, même les rochers, l'eau ou le feu. Tous les animaux ont un esprit, et nous devons nous préoccuper de leur sort, car si nous ne le faisons pas ils disparaîtront. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe dans le Sud, dans la partie sud du Canada. Il ne reste aucun habitat pour les animaux. L'expansion démographique s'accompagne d'énormément de développement. Voyez à quel point les Grands Lacs sont pollués.

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Nous qui habitons le Yukon avons de la chance, car ce n'est pas comme ça ici, du moins pas encore. À titre de Première nation, nous nous soucions énormément de ce qui va arriver à cette terre.

Les Indiens des Premières nations ont une philosophie holistique. Nous ne nous préoccupons pas uniquement du côté physique, mais aussi du côté émotif et spirituel. D'ailleurs, l'entente-cadre finale est marquée par cette approche holistique. Chaque chapitre est relié à un autre pour constituer un ensemble. On ne peut en extraire de morceaux. Il faut les prendre comme un tout.

On parle énormément d'impact cumulatif, et il faut vraiment examiner cela de près. On exploite déjà la terre de diverses façons au Yukon. On parle d'exploitation forestière et minière. Tout cela a nécessairement une incidence sur la faune et l'habitat.

Comme je l'ai déjà dit, nous avons vu des animaux là où on ne les avait jamais vus auparavant, car ils sont chassés des lieux traditionnels où ils vivent.

L'entente-cadre finale concerne la cogestion. Nous avons examiné cette possibilité dans tous les domaines. Nous avons accepté de troquer notre titre vieux de 30 000 ans pour une participation à la gestion entre les Autochtones et les non-autochtones qui vivent ensemble au Yukon. D'ailleurs, le conseil de gestion des ressources halieutiques et fauniques se compose de représentants de tous les habitants du Yukon, et non seulement d'Indiens des Premières nations.

Étant donné que nous voulons avoir notre mot à dire, il faut que les dirigeants fédéraux, territoriaux et des Premières nations collaborent. Voilà l'esprit dans lequel nous avons signé l'entente-cadre finale.

Selon l'alinéa 16.7.12.1 de cette entente, le conseil est le principal organe de gestion des ressources halieutiques et fauniques du Yukon, ainsi que de leur habitat. Le ministre des Affaires indiennes nous a envoyé en mai 1996 une lettre nous avisant de nous limiter à la gestion des ressources halieutiques et fauniques. Il aurait intérêt à relire cette disposition pour éclairer sa lanterne, car on y mentionne précisément l'habitat.

Nous ne sommes pas contre l'exploitation minière. Nous ne sommes pas contre le développement. Cela dit, nous souhaitons un développement planifié, et non pas un développement sauvage où chacun fait ce qu'il veut où il veut.

En outre, nous avons au Yukon un sentier de piégeage. Or, des compagnies minières empruntent ce sentier et y laissent des pièces d'équipement.

Nous nous inquiétons énormément de l'évolution des choses au Yukon, et c'est ce que je souhaitais vous communiquer ce matin. Merci beaucoup de m'avoir écoutée.

Le président: Merci. Pouvons-nous maintenant passer aux questions, ou voulez-vous ajouter autre chose?

M. Couture: Je voudrais ajouter autre chose, monsieur.

Le président: Poursuivez, je vous en prie.

M. Couture: Comme ma collègue l'a mentionné, le gouvernement du Canada, l'administration du Yukon et les Premières nations du Yukon ont nommé le Yukon Fish and Wildlife Management Board comme le principal organe de gestion des ressources halieutiques et fauniques du Yukon et nous ont chargés d'en assurer la conservation et celle de leurs habitats.

Après un an et demi d'expérience, nous constatons qu'une responsabilité aussi vaste exige qu'on nous fournisse les outils nécessaires pour nous acquitter de notre travail. Notre mandat est vaste. Il va beaucoup plus loin que la simple formulation de règlements concernant la chasse et la pêche. De ce côté-là, nous nous tirons plutôt bien d'affaire. C'est la partie facile de notre travail.

Lorsque nous essayons de présenter des recommandations concernant la protection de l'habitat et la protection de la faune des conséquences du développement, nous sommes aux prises avec un fouillis de lois sectorielles et de politiques à la fois fédérales et territoriales qui, d'après notre expérience, ne semblent jamais s'harmoniser dans un système reconnaissant que le développement qui se fait dans un secteur a une incidence dans tous les autres.

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Le projet de loi C-6 perpétue ce processus qui consiste à placer des mesures législatives et des règlements sectoriels dans des compartiments étanches et à essayer de gérer le développement sectoriel de façon fragmentaire.

Pour nous acquitter de notre mission, nous devons composer avec la présente mesure, la loi sur les forêts, la loi sur l'exploitation pétrolière et gazière, la loi sur l'agriculture et la loi sur la gestion de l'accès, outre notre travail lié à la gestion directe de l'utilisation des ressources halieutiques et fauniques.

L'entente-cadre finale établit les grandes lignes d'un processus de gestion intégrée faisant appel notamment à la planification de l'utilisation du territoire et à une évaluation du développement. Il faudra du temps pour mettre cela en place. Or, le projet de loi C-6 ne constitue pas un progrès marqué vers un système intégré.

La première étape consisterait à énoncer dans la loi qu'aucune activité minière ne serait entreprise sans qu'on tienne compte des intérêts de la faune.

En temps que conseil, nous reconnaissons que l'objectif premier du projet de loi C-6 et des lois qu'il modifie est de permettre que le développement minier et l'exploitation minière du Yukon se fassent de façon ordonnée et responsable. Néanmoins, étant donné que l'exploitation minière et les activités connexes de développement risquent de nuire aux animaux et à leurs habitats, et compte tenu de l'obligation constitutionnelle du gouvernement du Canada et de l'administration du Yukon de conserver la faune, le conseil regrette que ni le projet de loi envisagé ni la réglementation ne mentionnent quoi que ce soit au sujet de la conservation des ressources fauniques.

Le conseil est d'avis que la gestion de l'activité minière doit prendre en compte les intérêts de la faune.

Nous sommes en présence de la première mesure législative fédérale concernant le Yukon depuis l'adoption des lois approuvant l'entente-cadre finale concernant les revendications territoriales du Yukon. Le fait de ne pas mentionner expressément la conservation dans une législation sectorielle qui aura une incidence sur la faune nous apparaît comme une négligence des plus malheureuses.

Voilà pourquoi le conseil recommande un ajout aux articles portant sur les objectifs dans les amendements modifiant la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon et la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon. Nous aimerions ajouter les termes «et conserver la faune et l'habitat faunique». Nous vous demandons d'ajouter cela à l'article 134 de la loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon et à l'article 100 de la Loi sur l'extraction de l'or dans le Yukon.

J'aimerais maintenant parler du libre accès au territoire. Selon l'hypothèse qu'une image vaut mille mots, j'aimerais vous montrer une carte que, j'espère, vous pouvez voir sur votre écran. Il s'agit d'une carte du pâturage d'été du troupeau de caribous du lac Finlayson. On y trouve d'importants lieux de mise bas et zones d'élevage ainsi que la principale partie du pâturage d'été et des terrains de rut.

Plus tôt cette année, le chef des Dénés de la rivière Ross est venu nous dire qu'il avait un problème, qu'il nous a expliqué en superposant à la carte une autre carte. Vous aurez constaté que l'on recense les caribous par les petits points et les zones d'habitat vertes. Voici la feuille que le chef nous a donnée. Les points rouges représentent les quelque 16 000 concessions minières qui existent maintenant dans cette région.

Le chef était en faveur d'une collaboration avec les entreprises minières pour apporter des débouchés économiques à sa nation, mais il était mécontent du fait qu'il pouvait exercer un certain contrôle uniquement sur les entreprises avec lesquelles il avait conclu des ententes.

Le troupeau en question revêt une importance cruciale pour l'âme de son peuple, mais, comme il nous l'a expliqué, il y a dans le coin autant de prospecteurs que de mouches noires. Seize mille concessions minières, avec toutes leurs activités connexes, même celles permises en vertu de la présente mesure législative, ont une incidence monstrueuse sur ce troupeau.

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Voilà pour le libre accès. Il nous semble que le législateur doit s'intéresser, non pas aux activités minières courantes, mais bien au phénomène de «la ruée vers l'or». C'est là un phénomène qui s'est produit au moins trois fois dans les trente dernières années. Il nous semble que le législateur devrait essayer de prévoir les pires scénarios, car c'est dans ces cas-là que des dommages sont causés. Le projet de loi C-6 tel qu'il est énoncé à l'heure actuelle ne répond pas à cet objectif.

Je voudrais maintenant vous parler du délai d'examen. Depuis des années, les lacunes des lois existantes sur l'extraction du quartz et de l'or ne sont que trop évidentes. Même si le besoin d'un régime pour régir les activités minières se faisait sentir de façon de plus en plus urgente, il a fallu bien des années pour que le gouvernement canadien examine l'opportunité d'apporter des modifications aux lois en question, il lui a fallu plusieurs années pour élaborer les modifications et il lui a fallu encore plusieurs années pour mettre les modifications en oeuvre. Pour éviter que la même chose ne se produise au cas où les modifications proposées dans le projet de loi se révéleraient inefficaces, nous estimons qu'il faudrait inclure dans le projet de loi une disposition qui en exigerait l'examen à une date ultérieure afin que les difficultés que présenterait l'application de la loi puissent être réglées de façon responsable et sans retards indus, comme ce fut le cas pour les modifications qui sont maintenant proposées.

Nous recommandons par conséquent d'inclure dans le projet de loi C-6 des dispositions qui prévoiraient l'examen et la modification éventuelle des lois sur l'extraction du quartz et de l'or après un délai de cinq ans. Nous considérons que le gouvernement et l'industrie auraient ainsi tout le temps voulu pour repérer les lacunes de la loi qu'il faudrait corriger.

En ce qui concerne les dispositions relatives au dépôt d'une garantie, les alinéas 143(1)a) et b) qu'il est proposé d'ajouter à la Loi sur l'extraction du quartz autoriseraient le directeur minier à exiger à sa discrétion une garantie dans le cas des plans d'exploitation et des avis de type II. De même, aux termes de l'alinéa 143(1)c), le ministre peut exiger le dépôt d'une garantie dans le cas d'une demande de permis. Nous reconnaissons que l'envergure et l'effet des activités qui seront autorisées ou pour lesquelles des permis seront délivrés en vertu de ces lois présenteront des variations considérables, et nous convenons qu'il faut pouvoir exercer une certaine discrétion pour ce qui est de fixer le montant de la garantie à un niveau acceptable.

Nous sommes toutefois persuadés qu'il ne faut pas s'en remettre entièrement au directeur minier pour fixer les conditions de garantie. La loi devrait donner un message clair aux exploitants leur disant qu'ils ont l'obligation en droit de respecter les terres et les habitats fauniques et de remettre les terres en état quand ils cessent leurs activités. Pour cette raison, nous vous recommandons d'envisager de modifier le nouvel article 143 afin d'exiger de l'exploitant de tout programme, sauf les programmes de type I, qu'il dépose obligatoirement une garantie avant d'entreprendre une activité quelconque. Nous estimons que le montant de la garantie devrait être égal au coût estimatif de la remise en état des terres sans toutefois le dépasser.

Nous sommes d'avis que l'État devrait pouvoir se servir de la garantie déposée afin de corriger les problèmes. Nous approuvons aussi les dispositions prévoyant que la garantie soit remise à l'exploitant dès l'achèvement des travaux voulus de remise en état. Nous considérons que le dépôt obligatoire d'une garantie avant le début des activités de types II, III et IV et le remboursement de la garantie dès les travaux de remise en état terminés constitueraient un moyen efficace d'inciter les exploitants à satisfaire aux conditions énoncées dans les plans d'exploitation.

Pour ce qui est des amendes, le nouvel article 154 qu'il est proposé d'ajouter à la Loi sur l'extraction du quartz et le nouvel article 117 qu'il est proposé d'ajouter à la Loi sur l'extraction de l'or prévoient cinq montants maximums pour diverses infractions à ces deux lois. Le conseil reconnaît que le montant des amendes à payer en cas d'infractions devra forcément être fixé en fonction de l'effet sur l'environnement. Nous craignons toutefois que les maximums proposés ne soient pas assez élevés pour que les exploitants les prennent au sérieux. Après examen, nous sommes venus à la conclusion que les montants sont incompatibles avec ceux que prévoient les lois contemporaines comparables. Ainsi, nous avons l'impression que le gouvernement canadien serait prêt à adopter un niveau de protection inférieur pour les terres du Yukon faisant l'objet d'activités d'exploration et de développement miniers par rapport à la protection qui est généralement prévue pour les terres des autres régions du pays. La préoccupation nous paraît d'autant plus grave étant donné l'obligation fiduciaire de votre gouvernement de veiller aux intérêts des Premières nations du Yukon, dont beaucoup n'ont pas encore conclu d'entente finale.

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Nous recommandons par conséquent que les peines et les amendes prévues par les deux lois en question soient réexaminées en vue de les rendre comparables à celles qui sont prévues dans la législation canadienne moderne. Nous recommandons également que le montant maximum de l'amende fixée pour toute contravention au paragraphe 139(1) de la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon soit porté de 100 000 $ à un million de dollars. Nous estimons que, dans le cas d'activités minières de grande envergure, le paiement d'une amende de 100 000 $ serait simplement considéré comme une dépense nécessaire.

Nous voulons maintenant aborder certains des règlements qui sont énoncés dans le projet de loi. Tout d'abord, en ce qui concerne la classification des activités, les témoins qui nous ont précédés ont discuté du problème des seuils fixés pour les activités de type I relativement à l'usage de biens d'équipement lourds, au forage et à l'utilisation d'explosifs. Voici un exemple bien simple qui permet d'illustrer le problème. Nous sommes très inquiets du fait qu'un exploitant pourrait, sans préavis, entreprendre des activités dans une aire d'agnelage fragile et qu'il suffirait d'une seule explosion pour détruire toute la récolte d'agneaux de la saison. Il faudrait selon nous exiger qu'un avis soit donné pour les activités de ce genre, afin que le directeur minier puisse à tout le moins procéder à une évaluation pour déterminer si l'activité aura un effet sur la faune.

En ce qui concerne les données de base, l'alinéa 10(2)b.1) exige de l'exploitant qu'il fournisse une description des caractéristiques naturelles de la zone où le programme doit être exécuté. Le conseil considère que c'est un pas dans la bonne direction, étant donné que la description exigée permettra aux personnes chargées d'évaluer un programme de se faire une idée des menaces que les activités envisagées font peser sur l'environnement. Cependant, si l'on veut être vraiment certain que le gouvernement du Canada dispose de l'information requise pour déterminer avec un degré de certitude raisonnable si le plan d'exploitation qui lui est soumis aura des effets négatifs importants sur les populations et les habitats fauniques - et qu'il est en mesure de surveiller ces effets, le cas échéant - , le conseil est d'avis que l'exploitant devrait aussi être tenu de fournir des renseignements de base sur la faune.

À cette fin, nous recommandons l'ajout d'un nouvel alinéa 10(2)b.2) exigeant de la personne qu'elle fournisse:

Pour ce qui est de l'examen des plans d'exploitation, considérant d'une part l'ampleur des activités minières qui sont menées au Yukon et, d'autre part, les ressources limitées dont dispose le ministère pour en surveiller l'exécution et veiller à l'application des lois, le conseil croit qu'on laisse certaines activités d'exploration et d'exploitation se dérouler durant de longues périodes sans qu'on en vérifie nécessairement la conformité en regard des plans approuvés. Afin de fournir à la population l'assurance que ces activités font l'objet de vérifications en temps opportun, le conseil estime qu'il faudrait prévoir des examens plus fréquents.

Nous recommandons par conséquent qu'on examine à mi-durée les plans d'exploitation approuvés pour sept ans ou moins et qu'on procède à des inspections pour s'assurer que les activités des exploitants se déroulent conformément aux plans de travail approuvés.

Le ministre responsable du projet de loi nous a fait savoir que, d'après lui, le projet de loi n'était pas l'endroit où faire valoir nos préoccupations relatives à la faune, puisqu'il traite essentiellement d'activités minières. Par ailleurs, le gouvernement du Yukon nous a indiqué qu'il n'a aucune compétence pour ce qui est de protéger les habitats qui se trouvent sur les terres domaniales administrées par le gouvernement fédéral.

En résumé, si le Parlement canadien décide après examen que le projet de loi devrait être adopté tel quel, nous recommandons fortement que le gouvernement fédéral reconnaisse du moins en partie les obligations qui lui incombent en vertu du chapitre 16 de l'entente-cadre finale et stipule sans équivoque que le gouvernement du Yukon, en vertu de l'alinéa 17m) de la Loi sur le Yukon, est habilité à déposer et à faire appliquer des lois territoriales visant à tenir compte des habitats fauniques et de leur utilisation.

En conclusion, nous ne sommes pas contre le développement. Je tire moi-même une partie de mon revenu de redevances provenant d'activités minières. Les membres de notre conseil doivent aussi une partie de leurs revenus aux activités minières. Ces activités sont essentielles à l'économie du Yukon. Elles procurent des avantages à tous les Yukonnais, y compris à beaucoup de Premières nations qui sont en voie de négocier des ententes économiques avec des sociétés minières.

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Nous savons toutefois que les activités d'exploration et de développement miniers présentent des dangers pour les ressources et les habitats fauniques. Nous vous demandons de bien examiner les recommandations que nous formulons afin d'améliorer le projet de loi.

Merci. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant aux questions des membres. Monsieur Duncan, pour quatre minutes.

M. Duncan: À la fin de votre exposé, vous avez dit que le gouvernement fédéral devrait préciser de façon claire et sans équivoque en ce qui concerne la faune du Yukon et la compétence et les prérogatives de gestion qui lui appartiennent à cet égard. D'après vous, comment cela cadrerait-il avec cette nouvelle orientation vers la cession de pouvoirs du gouvernement fédéral aux gouvernements territoriaux qui fait actuellement l'objet de négociations? Pensez-vous que le processus se poursuivrait? Pensez-vous qu'il se trouverait compliqué, ou croyez-vous qu'il faudrait alors céder les pouvoirs exclusifs en la matière au Yukon?

[Difficulté technique - La rédaction]

M. Couture: Selon moi, les mesures que pourrait prendre le gouvernement territorial en vue d'exercer sa compétence en matière de protection des habitats ne compromettraient aucunement la coordination du processus de cession des pouvoirs. Ces mesures pourraient même servir de base à partir de laquelle élaborer un mécanisme d'autorisation unique. Je ne vois pas comment cela pourrait compliquer le processus; je crois plutôt que le processus s'en trouverait facilité.

M. Duncan: Bon, d'accord, mais vous demandiez bien une déclaration claire et sans équivoque qui préciserait la compétence fédérale en ce qui concerne les ressources et les habitats fauniques. Je crois que c'est ce que vous demandiez. Pareille déclaration n'aurait-elle pas un effet limitatif, et n'est-ce pas là quelque chose qui est en cours de négociation? Ces négociations ne sont-elles pas une très bonne raison de ne pas faire de déclaration comme celle que vous demandez?

M. Couture: Je crois que vous ne m'avez pas bien compris. J'ai dit que le gouvernement canadien devrait déclarer clairement et sans équivoque la compétence du Yukon aux termes de l'article 17 de la Loi sur le Yukon pour ce qui est de la préservation du gibier et de la gestion des habitats halieutiques et fauniques. Je propose donc que le gouvernement canadien indique au Yukon qu'il peut assumer ce champ de compétence.

M. Duncan: Merci de cet éclaircissement. Je vous avais effectivement mal compris.

M. Finlay (Oxford): Je veux revenir sur quelque chose que Georgina a dit avec beaucoup d'éloquence tout à l'heure pour ce qui est de renoncer à un titre de propriété vieux de 30 000 ans en faveur d'une certaine autorité sur 90 p. 100 du territoire et du fait que le Fish and Wildlife Management Board était persuadé qu'aux termes de l'entente-cadre finale il pourrait exercer une influence véritable sur le développement dans d'autres parties du Yukon.

Georgina a parlé de consultations acceptables. Au cours des trois dernières années, j'ai entendu à plus d'une reprise les Autochtones se plaindre du fait qu'ils ne sont jamais vraiment consultés de façon acceptable par les conseils de cogestion. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous considérez comme des consultations acceptables? Peut-être que nous ne comprenons pas le terme de la même façon.

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Mme Sydney: Pour moi, la consultation, c'est quelque chose qui va dans les deux sens. Il s'agit non seulement de pouvoir présenter son point de vue à la table de consultation, mais de savoir quelle réaction il suscite. Cela ne s'est encore jamais produit au Yukon. Le projet de loi à l'étude est une première en ce sens que nous avons pu faire connaître nos vues avant que le texte ne soit élaboré. Si nous avions eu un rôle à jouer dès le départ, je crois que la législation dans son ensemble aurait été très différente. Si vous allez consulter les Yukonnais, si vous vous rendez dans les collectivités, les résidents vous diront que, quand nous avons conclu l'entente-cadre finale, cette entente a fait de nous le troisième palier de gouvernement au Canada. Voilà ce que j'ai voulu dire; j'ai voulu dire que nous devrions tous travailler ensemble, car nous constituons nous aussi un palier de gouvernement.

M. Finlay: Vous ne croyez pas que le YMAC était en soi un processus de consultation acceptable?

Mme Sydney: Quand le projet de loi était en cours d'élaboration... le travail a débuté en 1990. Vous avez parlé d'un compromis auquel nous sommes arrivés en 1992. Nos ententes ne sont devenues loi qu'en février 1994, et nulle part dans le projet de loi est-il question de notre entente-cadre finale.

M. Harper (Churchill): Je tiens à vous féliciter tous les deux, et plus particulièrement Georgina, pour votre excellent exposé. Vos arguments et vos opinions rejoignent ceux que j'ai moi-même en tant qu'Autochtone ayant été élevé dans la nature.

Je crois que vous avez indiqué que vous avez une certaine autorité, un certain pouvoir législatif, qui vous permet d'adopter des lois, notamment en ce qui concerne les terres de type A. Il me semble que ce sont ces terres qu'il faut préserver en priorité afin de préserver le mode de pensée des Autochtones qui y vivent. Il existe un processus relatif aux terres de type B, si je ne m'abuse, mais le processus ne permet pas de réaliser les objectifs de manière à répondre à la vision des Autochtones. C'est là ce qui fait problème à mon avis. Je tiens toutefois à vous féliciter pour votre exposé. C'était un exposé bien réfléchi qui a permis à certains membres de notre comité d'être mieux informés.

Vous venez de dire que vous êtes maintenant «reconnus comme le troisième palier de gouvernement». Je crois qu'aux termes de l'entente-cadre vous êtes effectivement habilités à légiférer en ce sens. J'espère que vous continuerez à le faire afin de servir de guide à d'autres. Vous donnerez ainsi la preuve que les Autochtones peuvent montrer la voie non seulement aux leurs, mais aussi à tous les Canadiens. Je tenais à vous le faire savoir.

Merci beaucoup.

Mme Sydney: Merci beaucoup.

Le président: Madame McLaughlin, vous voulez qu'on vous accorde deux minutes?

Mme McLaughlin (Yukon): Je suis désolée. Nous sommes très nombreux ici; alors je serai brève.

Je tiens à porter brièvement à l'attention du comité la question qui a été soulevée par le Conseil des Premières nations du Yukon, tout comme par le représentant des Inuvialuit et qui a été soulevé encore aujourd'hui par Georgina Sydney et Gerry Couture. Le problème est toujours le même: faire en sorte que les ententes qui prévoient des consultations soient respectées et que le besoin de procéder à des consultations soit bien précisé. Je voulais simplement porter le problème à l'attention du comité, car c'est un problème qui reviendra relativement à d'autres textes législatifs touchant le Yukon et d'autres régions aussi sans doute.

Le président: Merci pour cette intervention, et merci à nos témoins.

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Nous invitons maintenant le président du Yukon Mining Advisory Committee, Keith Byram, à se joindre à nous.

Je tiens à faire savoir aux membres du comité que, quand nous procéderons à l'examen article par article du projet de loi, nous inviterons les fonctionnaires du ministère, qui connaissent très bien le projet de loi, à se joindre à nous. Il se peut qu'au cours des témoignages nous entendions des propos qui ne concernent pas le projet de loi ou dont le bien-fondé pourrait être mis en doute. Je veux permettre aux témoins de dire ce qu'ils ont à dire sans aucune restriction. Il est donc possible qu'il soit nécessaire d'apporter des corrections, et nous ferons venir des fonctionnaires pour répondre à vos questions quand nous passerons à l'examen article par article du projet de loi.

Monsieur Byram, soyez le bienvenu.

M. Keith Byram (président, Yukon Mining Advisory Committee): Bonjour.

Je suis quelque peu consterné de voir qu'on revient encore une fois sur des questions auxquelles nous avons consacré des heures et des jours et des semaines afin d'essayer de dégager un consensus. Si je suis ici aujourd'hui, c'est surtout pour que vous soyez bien conscients de tout le temps que nous avons passé sur plusieurs années afin d'en arriver où nous en sommes aujourd'hui.

Bill Dunbar a présidé le YMAC pendant deux ans, à l'époque où les recommandations initiales ont été formulées. Il estimait avoir apporté sa contribution, et, avec l'assentiment de tous les membres du comité, c'est moi qui lui ai succédé comme président. Nous avons mis encore deux ans, au cours desquels nous avons tenu de longues séances, à en arriver à pouvoir enfin remettre notre rapport au ministre il y a de cela un an environ.

Je tiens à bien mettre le comité en garde contre la tentation de vouloir examiner certaines questions isolément et de modifier les recommandations. Comme l'a dit un de vos comités, si vous commencez à essayer d'apporter des modifications importantes au nom d'un secteur en particulier, vous risquez de vexer profondément ceux qui ont passé tant d'années à essayer d'en arriver à un consensus.

Une fois rendus au terme de nos délibérations, nous avons dû reconnaître qu'il était impossible de dégager un consensus sur certaines questions. J'ai décrit les questions restées en suspens et les divers points de vue des membres dans la lettre que j'ai adressée au ministre Irwin le 27 octobre dernier. Si vous avez déjà toute cette information, il ne sert à rien que je revienne là-dessus. Si vous ne l'avez pas, je pourrais passer la lettre en revue et vous en indiquer les points saillants.

Le président: Ce serait bien que vous nous en indiquiez les points saillants. Nous n'avons pas cette lettre.

M. Byram: D'accord.

Il s'agit d'une lettre que j'ai écrite au ministre en octobre dernier. Je lui ai dit dans cette lettre que nous avions terminé nos discussions sur l'élaboration du régime devant régir les activités minières et que je croyais que le projet de loi représentait dans l'ensemble une façon équilibrée et responsable de réglementer les activités d'exploration minière.

Étant donné la diversité des secteurs représentés par les membres du comité et les divergences d'opinions, nous n'avions pas pu régler certaines questions, car il avait été impossible d'en arriver à un consensus parfait. On m'avait indiqué que je devais porter ces questions à votre attention.

La Yukon Chamber of Mines, la Klondike Placer Miners Association et le gouvernement du Yukon appuient les recommandations initiales du YMAC de 1992 comme étant un compromis raisonnable et réalisable et un régime de gestion acceptable pour le Yukon.

Le Conseil des Premières nations du Yukon siège au comité. S'il est représenté au comité, c'est essentiellement pour veiller à ce que la législation minière soit compatible avec les conditions de l'entente-cadre finale.

C'est Steve Taylor, de Dawson, qui était représentant du conseil, du moins sous ma présidence. Il se peut bien que le conseil ait été représenté par quelqu'un d'autre à l'époque où Dunbar était président.

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La Société de conservation du Yukon avait donné son appui aux recommandations initiales contenues dans le rapport de 1992, sous réserve qu'elles soient mises en oeuvre rapidement. La société est très préoccupée par le retard dans la mise en oeuvre des recommandations et a retiré son appui à certaines d'entre elles. Elle demande des mécanismes de contrôle plus rigoureux pour les activités d'exploration. Les divers points de vue sur les principales questions restées en suspens sont les suivants.

Sur les amendes, la Société de conservation du Yukon souhaite que les amendes soient augmentées considérablement afin qu'elles soient compatibles avec d'autres lois comme la LCPE, la Loi sur les pêches et la Loi sur l'environnement du Yukon. Elle souhaite également que des peines d'emprisonnement soient prévues à l'égard d'activités de production et que les administrateurs puissent être tenus responsables. Le gouvernement du Yukon et les associations du secteur minier appuient les recommandations initiales du YMAC voulant que les infractions reflètent le principe de la responsabilité stricte et que les peines ne dépassent pas celles qui sont prévues pour des infractions semblables, ces peines ne devant pas aller jusqu'à l'emprisonnement. Le secteur minier n'accepte pas que le montant des amendes puisse être fixé à tant par jour. Les fonctionnaires du MAINC soutiennent que les montants proposés sont compatibles avec les autres amendes en vigueur au Yukon pour les infractions à la Loi sur les terres territoriales relativement à l'utilisation des terres ou à la Loi sur les eaux du Yukon relativement à l'utilisation des eaux.

En ce qui concerne les garanties, la Société de conservation du Yukon estime qu'il faudrait exiger une garantie pour toutes les activités d'utilisation des terres. La société est d'avis que seul le risque d'effets sur l'environnement devrait être pris en considération dans l'établissement du montant de la garantie à verser. Les tierces parties devraient pouvoir en appeler du montant de la garantie exigée. Le MAINC et le gouvernement du Yukon appuient les recommandations initiales du YMAC voulant notamment qu'une garantie soit exigée dans les cas où il y aurait un risque de responsabilité environnementale considérable ou encore dans les cas où la feuille de route de l'exploitant donnerait à penser que les mesures d'atténuation pourraient ne pas être mises en oeuvre. Les associations représentant le secteur minier considèrent que les condamnations préalables devraient être le seul critère pour déterminer s'il y a lieu d'exiger une garantie.

Les membres n'étaient pas d'accord sur les seuils. Les seuils sont ceux qui avaient été recommandés dans le rapport du YMAC de 1992, sauf pour l'exhaure de roches acides, dont il n'est pas fait mention et le seuil de production autorisé de 10 000 tonnes. La Société de conservation du Yukon souhaite que toutes les activités entraînant l'utilisation de machines soient soumises à un examen environnemental préalable. Elle avait notamment proposé d'abaisser le seuil entre les activités de types I et II en interdisant toute excavation mécanique de tranchées à proximité de sites où des explosifs étaient utilisés afin d'atténuer les préoccupations quant aux effets sur les zones particulièrement sensibles et sur la faune.

Les associations représentant le secteur minier et le gouvernement du Yukon appuient les recommandations initiales du YMAC comme étant un compromis raisonnable: faire en sorte que les ressources de gestion affectées à l'examen environnemental préalable visent surtout les activités qui risquent d'avoir le plus d'effets négatifs sur l'environnement.

Le gouvernement du Yukon ne veut pas que les seuils soient modifiés afin de prévoir l'examen environnemental préalable d'activités qui sont maintenant classées comme étant de type I. Il s'agit d'activités qui n'auraient pas d'effets considérables sur la faune, et les ressources gouvernementales affectées à la réglementation de l'utilisation des terres devraient être concentrées sur les activités qui pourraient avoir des effets considérables sur l'environnement, c'est-à-dire sur les activités d'exploration à grande échelle. J'étais d'avis, ai-je ajouté, que tout changement important qui serait apporté aux seuils établis pour les divers types d'activités compromettrait l'équilibre qui avait été négocié pour en arriver au régime proposé.

Le secteur minier redoutait les conséquences de l'entrée en vigueur du nouveau régime de réglementation au milieu de l'été, au moment où l'activité d'exploration bat son plein. La Société de conservation du Yukon a indiqué qu'elle ne pourrait accepter que la mise en oeuvre du régime soit retardée encore plus qu'elle ne l'avait déjà été. J'ai proposé que la date choisie pour la mise en vigueur du régime tienne compte de la nature saisonnière des activités minières. Je ne sais pas trop où nous en sommes maintenant ni quand le régime entrerait en vigueur, mais il ne faut pas oublier que toutes ces activités exigent un certain délai de planification et que l'entrée en vigueur du régime ne manquerait pas de poser des difficultés si elle se faisait à la dernière minute.

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J'ai aussi proposé que le YMAC se remette au travail sur la question de la performance afin que la version qui devra être mise en vigueur soit publiée avant la proclamation de la Loi sur l'utilisation des terres. Il serait réaliste à mon avis d'exiger que le travail soit fait d'ici à la fin de février 1996.

La lettre a été envoyée, mais elle n'a pas eu de suite, de sorte que la question reste en suspens.

J'ai aussi proposé de créer une équipe de mise en oeuvre qui serait chargée de contrôler l'application du régime régissant les activités minières et de prévoir l'examen officiel du régime deux ans après son entrée en vigueur.

Voilà tout ce que j'avais à dire.

Le président: Merci beaucoup.

Questions des membres. Monsieur Duncan.

M. Duncan: Ce projet de loi changerait considérablement le statu quo. Vous avez beaucoup parlé de la planification qui serait nécessaire et de la date de l'entrée en vigueur. Quelqu'un a-t-il essayé de déterminer ce qu'il en coûterait en moyenne aux exploitants pour se conformer à la nouvelle législation? Quels seront les coûts supplémentaires qui en découleront et quels seront les autres problèmes de mise en oeuvre pour ceux qui ont participé au processus?

Les témoins que nous avons entendus depuis 24 heures nous ont beaucoup parlé de ce qu'ils voudraient faire inclure de plus dans le projet de loi, mais le projet de loi tel qu'il est énoncé à l'heure actuelle occasionnera déjà des changements considérables pour bien des gens, et il faudra pour cela un certain délai de planification. Savez-vous si quelqu'un a essayé de faire des estimations à cet égard?

M. Byram: Non; pour ma part, je ne dispose pas de chiffres à cet égard. Je suppose que tout dépendrait de l'activité en question.

C'est une des raisons pour lesquelles certains considéraient qu'il faudrait bien réfléchir à la date d'entrée en vigueur du nouveau régime afin de donner aux exploitants le temps de voir combien il leur en coûterait de plus et de décider s'ils veulent poursuivre leurs activités. Si une entreprise du secteur prévoyait de faire des activités d'exploration et que tout était prêt, mais qu'à la dernière minute de nouvelles règles lui étaient imposées, cela pourrait influencer sa décision de poursuivre ses activités.

Bien des gens du secteur savent déjà ce qui devrait se produire et en ont peut-être déjà tenu compte, mais il serait certainement souhaitable de fixer la date d'entrée en vigueur de manière à donner aux exploitants un certain temps avant le début de la saison pour se familiariser avec le nouveau régime.

M. Duncan: Je ne me trompe sans doute pas en disant que la nouvelle législation causera plus d'inquiétude aux petites entreprises. Pour le prospecteur qui travaille seul ou pour la petite entreprise minière, les frais supplémentaires et le fardeau que leur imposera le projet de loi seront proportionnellement plus élevés que pour les grandes entreprises. Voilà quelle devrait être notre principale préoccupation.

Ai-je raison de penser cela?

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M. Byram: Oui, je crois que l'analyse que vous faites est juste. Et les grandes entreprises qui ont plus de ressources à leur disposition ont sans doute une assez bonne idée de ce que leur imposera le projet de loi. Même ces entreprises pourraient toutefois vouloir modifier leurs plans selon le libellé et les critères qui figureront finalement dans la législation. Je dirais cependant que les petits exploitants seront les plus touchés.

Le président: Monsieur Finlay.

M. Finlay: Monsieur Byram, vous avez manifestement fait preuve de beaucoup de compétence en guidant le travail du YMAC jusqu'à sa conclusion finale.

Je m'intéresse à cette lettre que vous avez envoyée au ministre où vous avez proposé un délai d'examen de deux ans. C'est quelque chose que d'autres témoins nous avaient déjà proposé.

J'aimerais simplement comprendre un petit peu mieux... Il est possible que je me trompe. Vous avez dit que les représentants des Premières nations - et Steve Taylor était là - voulaient s'assurer que l'entente-cadre finale ne soit pas... compromise? Soit respectée? Les lois actuelles parlent-elles de cette entente et les modifications proposées changent-elles quelque chose?

M. Byram: Nous voulions absolument éviter toute incidence contraire sur l'entendre-cadre finale et faire en sorte que notre rapport soit le reflet des critères de cette entente-cadre finale. Bien entendu, les deux allaient de pair. Que je sache, nous y sommes parvenus. À aucun moment Steve Taylor n'a parlé de possibilité de conflit avec l'entente-cadre finale.

Le président: Madame McLaughlin.

Mme McLaughlin: J'ai une toute petite question à poser. Nombre de témoins se sont plaints du manque d'avis de type I. M. Byram pourrait-il nous en expliquer la raison?

M. Byram: Les activités de type I sont considérées comme relativement mineures au plan des problèmes pour l'environnement. J'ai entendu quelques histoires à propos des activités de type I mais notre expérience nous montre que c'est assez exagéré. Je ne vois pas comment cela se pourrait. Je suppose que des activités de prospection de type I dans des zones très vulnérables pourraient peut-être causer quelques dégâts, mais à mon avis c'est assez improbable.

Le problème, c'est qu'une grande partie de ces activités sont souvent entourées du voile du secret et que les petits prospecteurs préfèrent qu'on ne sache pas exactement ce qu'ils font. Il serait également assez difficile de refuser à quelqu'un un permis d'activité de type I en invoquant la vulnérabilité de la zone prospectée, parce qu'il n'existe pas de carte indiquant avec précision et exactitude les zones vulnérables et les zones non vulnérables. Même si quelqu'un venait déclarer son intention de se livrer à des activités de type I dans une certaine zone, à mon avis le directeur minier ne pourrait pas dire si la zone est vulnérable ou non. La carte est loin d'être complète.

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Le président: J'aimerais vous dire combien nous admirons le travail que vous avez fait à la tête du YMAC. Lors de mon passage au Yukon j'ai constaté que presque tout le monde critiquait l'un ou l'autre des éléments de l'entente, et malgré tout vous êtes parvenus à un consensus. Personnellement j'estime que lorsque personne n'est complètement content d'une loi, c'est que c'est une bonne loi, surtout quand tout le monde finit par approuver son adoption. Je tiens à vous féliciter et à vous remercier de votre travail.

M. Byram: Merci.

Le président: M. Duncan a une autre question à vous poser.

M. Duncan: Ma question s'adresse plutôt à vous, monsieur le président. Il nous reste encore deux ou trois témoins à entendre. Si une des questions abordées par ceux-ci concerne directementM. Byram, sera-t-il encore là, et pourrai-je l'interroger? En fait, c'est à vous deux que je pose la question.

Le président: Monsieur Duncan, si vous me demandez si M. Byram pourra revenir à la demande de la majorité du comité, la réponse est oui.

M. Duncan: Mais il va peut-être s'en aller. Est-ce que nous savons...

Le président: Pourrions-nous vous demander, monsieur Byram, si vous avez l'intention de rester jusqu'à la fin de l'audience?

M. Byram: Je crois qu'il ne reste qu'un ou deux témoins de plus, n'est-ce pas?

Le président: Trois.

M. Byram: Oui, je peux rester.

Le président: Merci beaucoup.

J'invite maintenant M. Mike Power, le président de la Yukon Prospectors Association.

En attendant qu'il soit installé, j'aimerais vous signaler que nous ne verrons pas les représentants du Teetlit Gwich'in Council, mais ils nous ont cependant fait parvenir un texte qui est inclus dans nos documents et qui sera versé au dossier.

Monsieur Power, soyez le bienvenu. Veuillez nous présenter ceux qui vous accompagnent et commencer.

M. Ron Burdall (vice-président, Yukon Prospectors Association): Mike Power est en train de prospecter et on m'a demandé de vous présenter ce document que je trouve assez volumineux, merci.

Je suis le vice-président de la Yukon Prospectors Association. Je suis accompagné de Rob Hamel qui est un des administrateurs de la Yukon Prospectors Association.

Quand j'ai appris que le projet de loi C-6 allait être étudié par le Comité des affaires autochtones, j'ai commencé par me demander pourquoi l'étude de cette législation minière était confiée à votre comité. Après y avoir réfléchi, je me suis dit que cela n'était pas aussi illogique que cela pouvait paraître, du point de vue tout du moins de la prospection car beaucoup de prospecteurs sont d'origine autochtone. Les gisements les plus importants découverts dans ce territoire l'ont été par des Autochtones. Je suppose que dans cette mesure c'est donc assez logique.

J'ai entendu le témoignage des représentants de la Yukon Fish and Wildlife Management Board et le témoin qui m'a juste précédé. Je n'ai pas participé à toutes les réunions de comité, mais j'ai trouvé intéressants certains des propos de ces témoins.

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Plutôt que de vous lire simplement ce document in extenso, j'aimerais réagir à un commentaire du témoin précédent. J'espère que vous n'en voudrez pas au caractère un peu débridé de mon intervention.

J'aimerais commencer par quelques petits renseignements historiques. Les représentants de la Chambre des mines ou de KPMA vous en ont probablement déjà touché un mot et je ne serai probablement pas le dernier.

L'industrie minière du Yukon est la colonne vertébrale de l'économie du territoire rapportant plus de 90 p. 100 des revenus non gouvernementaux - au moins 90 p. 100. C'est le pilier de l'économie territoriale depuis le début des années 1890 quand de l'or a été découvert à Fortymile. À l'heure actuelle, un fort pourcentage de la main-d'oeuvre non gouvernementale est directement employée par l'industrie minière, et ce sont les revenus de cette industrie qui alimentent en grande partie les secteurs secondaires et tertiaires de cette économie. L'industrie minière est particulièrement importante pour les économies des petites communautés de notre territoire, des villes comme Ross River, Mayo, Faro et Dawson.

Avant d'exploiter une mine, il faut la trouver. On ne trouve pas de mine sans consacrer de grosses dépenses à la recherche de minerai. Cette recherche est une activité à très haut risque. Les chances qu'une découverte se révèle rentable sont de l'ordre de une pour 10 000. Dans la majorité des cas, la prospection dans une zone peut durer des années avant que ne soit trouvée une mine. Les risques financiers au niveau de la production sont phénoménaux. Dans certains cas il faut plus de 50 ans pour que la découverte d'un prospecteur se transforme en production.

Les prospecteurs ont pour métier, à haut risque, de chercher des filons qui donnent naissance à des mines. Ils gagnent leur vie en trouvant et en enregistrant des filons qu'ils vendent ensuite aux compagnies qui veulent bien les exploiter. En plus de la difficulté de trouver de nouveaux filons, il leur faut convaincre des investisseurs pour financer leurs prospections.

Aujourd'hui, toutes les compagnies minières, quelle que soit leur taille, sont internationales et le Yukon doit rivaliser pour attirer des capitaux de prospection avec des juridictions qui offrent de meilleurs moyens de transport, des climats moins rigoureux et des régimes de réglementation aussi moins rigoureux qu'au Canada.

Les efforts collectifs des prospecteurs des 100 dernières années ont eu un impact dépassant de loin leur nombre. Sur les 69 mines qui ont produit dans le territoire au cours des 100 dernières années, 67 ont été découvertes par des prospecteurs ou par de petites compagnies de prospection minière travaillant en association. Les grosses compagnies n'ont découvert que deux mines et ce ne sont pas forcément les plus grosses.

La Yukon Prospectors Association représente les prospecteurs actifs dans l'ensemble du Territoire du Yukon. Nos membres sont résidents du Territoire du Yukon et tirent la totalité ou une partie de leur revenu de la prospection minière.

Le projet de loi C-6 aura un effet direct sur notre vie et la vie de tous les autres prospecteurs de ce territoire en réglementant nos activités sur le terrain et en influant sur le climat d'investissement dans la prospection minière dans ce territoire. Les prospecteurs oeuvrent dans le secteur le plus risqué de la prospection minière et dans le secteur le plus sensible aux changements du climat d'investissement. Qu'une loi lourde et mal rédigée soit imposée au territoire et c'est nous qui serons les plus gros perdants de tous les secteurs de l'industrie de la prospection minière.

On peut faire le parallèle avec la chaîne alimentaire. Je suis biologiste de formation et c'est naturellement que je fais ce genre de parallèle. Le prospecteur se trouve au tout début de la chaîne. Tout changement en amont nous touche et malheureusement, généralement, de manière négative. Nous devons nous soucier non seulement du temps, des insectes, de toutes ces petites choses qui préoccupent les prospecteurs depuis les 100 dernières années, mais aussi de certaines décisions prises par des compagnies minières à Londres, des activités d'écologistes californiens et Dieu sait quoi encore.

Donc quand vous pensez prospecteur, n'oubliez pas que nous sommes au tout début de la chaîne. Avec tous les autres, nous semble-t-il, prêts à nous tomber dessus.

Nous sommes assurément des entités très différentes des grosses compagnies minières. Nous ne sommes pas Inco. Nous ne sommes pas Noranda. Nous dépendons de ces compagnies, mais nous ne sommes pas ces compagnies. Nous sommes totalement indépendants.

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Pour revenir au texte, la Yukon Prospectors Association émet les critiques spécifiques suivantes concernant le projet de loi C-6. Pour commencer, le projet de loi C-6 proscrit dans les faits l'exploitation minière à petite échelle en imposant des règlements inapplicables.

Je vais rapidement vous énumérer les problèmes et je reviendrai ensuite longuement sur quelques-uns si le temps le permet.

Notre deuxième critique concerne les spécifications aériennes pour les activités de type I. Nous les estimons susceptibles d'imposer des fardeaux inutiles à tous les corps de métier qu'on trouve dans tous les camps miniers.

Troisièmement, les périodes de notification pour les activités de type II et les seuils pour les activités d'exploration de types I et II ne sont pas fixés dans la loi et sont par conséquent susceptibles d'être modifiés arbitrairement par simple décret en conseil.

Quatrièmement, les seuils d'utilisation de camps dans les règlements pour les activités de type I sont trop bas et par conséquent trop facilement dépassables même s'il s'agit de projets artisanaux.

Cinquièmement, il n'y a pas de listes de qualifications requises pour le directeur qui, avec sa horde d'inspecteurs, aura d'énormes pouvoirs sur notre vie de tous les jours.

Sixièmement, la proposition de l'alinéa 154(7) concernant les infractions continues est extrême et expose le prospecteur, le petit indépendant qui souvent gagne très peu d'argent et les petites compagnies de prospection à des risques inacceptables.

Septièmement, les garanties pour les activités de type II réclamées à l'article 143 encore une fois sont fixées arbitrairement par le directeur. Le comité ne devrait pas oublier que nous sommes une très petite juridiction. Il n'y a que 30 000 personnes vivant dans tout le territoire. Nous connaissons les administrateurs. Nous connaissons les membres du mouvement écologiste. Généralement ils nous connaissent. Je suis peut-être paranoïaque, mais je crains que les inspecteurs, les directeurs ou les bureaucrates responsables de la réglementation auront tendance à avoir la main plus lourde avec moi qu'avec Inco, Noranda ou Placer Dome. Je suis une proie beaucoup plus facile. Les grosses compagnies qui disposent de moyens financiers et de services du contentieux ne sont pas dans la même ligue.

Nos autres préoccupations concernent les activités de type I. Chaque fois qu'un engin mécanique est utilisé pour creuser il faut reboucher. Je crois que cela reflète une totale méconnaissance de l'exploration minière. Explorer et exploiter sont deux activités complètement distinctes.

C'est aussi différent que le gouvernement territorial et le gouvernement fédéral. Pour quelqu'un qui vient tout juste d'arriver, le gouvernement est le gouvernement. Il habite dans ces grands immeubles qui brillent et où grouille tout un peuple de complets-vestons. Mais vous, vous savez certainement faire la différence entre le gouvernement fédéral, les gouvernements territoriaux et les gouvernements municipaux. Nous sommes dans le même cas. Les prospecteurs appartiennent à une espèce qui n'a rien à voir avec les petites compagnies minières et encore moins avec les grosses compagnies minières.

Pour revenir à ces trous qu'il faut reboucher, les restrictions imposées aux simples prospecteurs, voire aux groupes de prospecteurs, ne leur laissent pas beaucoup de latitude. Ces tranchées nous permettent de donner quelque chose à voir à ces grosses compagnies minières. Si nous devons les reboucher, à quoi bon?

Je reviens d'un camp où les dernières activités remontent à 1969. Les tranchées sont toujours là. Je n'ai pas vu d'ossements au fond, j'en conclus qu'aucun animal n'y est tombé et n'y est mort. Elles sont toujours là. Je peux voir ce qui a été fait. Je n'ai pas besoin de revenir avec un bulldozer pour rouvrir ces tranchées. Elles ne sont pas très grosses. Des framboises ont poussé sur les côtés, ce qui va faire le régal des ours. Les sentiers reliant les tranchées sont complètement recouverts d'aunes constituant des couloirs magnifiques pour le déplacement des élans et des ours.

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Encore une fois, du point de vue du biologiste, je n'ai pas constaté de dégradation significative de l'environnement causée par un programme d'exploration remontant à 1969 quant on pouvait traverser d'un bout à l'autre le territoire en D7 Cat.

Je ne dis pas que nous devrions forcément continuer comme avant. L'industrie minière, et certainement les prospecteurs, changent comme tout le monde et nous sommes très conscients - les prospecteurs sont probablement plus conscients que quiconque - des problèmes environnementaux. Nous vivons dans le bois. Certains d'entre nous gagnent très peu d'argent et chassent et pêchent pour arrondir les fins de mois. Nous sommes nombreux à être aussi trappeurs.

Encore une fois, excusez-moi de ces digressions. Je vais revenir aux tranchées.

L'exploration minière est une activité renouvelable. Encore une fois, je reviens d'une région qui a été prospectée en 1969. Certaines de ces régions sont sans cesse reprospectées. Tous les trois ans, tous les cinq ans des prospecteurs retournent dans ces mêmes régions et refont ce qu'ont déjà fait leurs prédécesseurs.

On pourrait penser que c'est du gaspillage, mais de nouveaux modèles géologiques surgissent tous les jours, le prix des minerais évolue, des pays communistes disparaissent, le mouvement des échanges sur le marché se modifie et ce qui n'était plus rentable le redevient. Des dizaines de millions de dollars sont injectés dans ce territoire pour l'exploration sans aucun dommage réel pour l'environnement.

J'aimerais beaucoup emmener des membres de la Société pour la conservation ou n'importe qui ayant les moyens de se payer l'hélicoptère ou l'avion ou de faire une jolie petite randonnée sur mon lieu de travail pendant les dix dernières années. Ils auraient du mal à trouver autre chose que quelques rubans pendus dans les arbres et pas depuis longtemps puisqu'ils sont encore en parfait état.

L'exploration minière de type I et même certaines des activités de type II ne bouleversent pas le paysage.

Passons au numéro 9. Georgina en a parlé tout à l'heure d'un point de vue peut-être un petit peu différent. C'est la preuve de la duplicité de ces règlements.

On ne cesse de nous parler d'une approche centralisée et de certitude. Encore une fois, nous sommes au tout début de la chaîne. C'est nous qui avons le plus besoin de cette approche centralisée et de cette certitude. Nous n'avons personne pour nous aider. Nous n'avons pas d'hommes de loi à notre service. Nous sommes tout seuls ou à deux, un point c'est tout.

Donc en voyant arriver des trucs comme le PED, la législation sur les droits de surface, la réglementation sur l'utilisation des terres, toutes ces lois et, accompagnant toutes ces lois, tous ces règlements, nous sommes un peu inquiets. Nous aimerions infiniment que toutes ces procédures soient plus ou moins intégrées.

Bien qu'il ne nous donne pas complètement satisfaction, puisque nous n'étions pas membres du conseil, le modèle proposé par l'YMAC est peut-être un bon point de départ pour cette intégration.

Comme dernier problème particulier, il y a le recouvrement des coûts. Nous constatons dans tout le gouvernement, surtout dans le gouvernement fédéral, une grosse tendance au recouvrement des coûts. Si un inspecteur doit traverser en avion la moitié du Territoire du Yukon pour vérifier ce que j'ai fait ou ce que je n'ai pas fait, c'est la ruine pour moi. Une facture d'hélicoptère de 3 000 $, pour moi, c'est la mort financière. Bien sûr il ne vient pas seul, il est accompagné de un ou deux types et après avoir payé leur salaire, plus la facture de l'hélicoptère, il ne me reste plus rien. Autant me tirer une balle dans la tête - à condition qu'il y ait encore des armes à feu dans ce pays.

C'est une autre question dont j'aimerais beaucoup vous parler, mais je m'en abstiendrai.

Je pourrais entrer dans le détail de tous ces problèmes si vous le voulez, mais plutôt que de tourner autour du pot il serait peut-être préférable de passer directement à la conclusion. Si vous voulez d'autres explications sur certaines de ces choses, je me ferai un plaisir de vous les donner.

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En conclusion, malgré nos critiques et compte tenu de la réalité de la situation, la Yukon Prospectors Association entérine, à contrecoeur, mais entérine et appuie quand même le projet de loi C-6 tel qu'il a été présenté à votre comité par le YMAC. Nous estimons nos intérêts ne pas avoir été bien représentés au YMAC sur certaines questions, et certains aspects de cette législation auront des impacts sérieux sur notre avenir. Cela dit, nous reconnaissons que le processus de rédaction d'une loi régissant ces questions délicates nécessite certains compromis et certains sacrifices de la part de tous les intéressés.

Notre association a réfléchi à l'utilité de proposer des amendements à ce projet de loi et à ses conséquences. Le YMAC a été constitué dans le but de concilier les divers intérêts et est parvenu à un compromis qui naturellement ne plaît à personne.

Votre comité a entendu... et je crois que nous devons entendre encore un ou deux autres groupes d'intérêts dont certains représentent l'industrie minière. Les prospecteurs du Yukon vivent dans ce territoire et dépendent directement de l'industrie minière. De tous les groupes que vous aurez entendus, les prospecteurs et tous les autres qui travaillent sur le terrain seront ceux qui seront le plus affectés par ce projet de loi. L'exploitation minière est une industrie mondiale et les grosses compagnies minières peuvent aussi bien choisir l'Équateur que le Yukon. En fait, elles sont probablement beaucoup plus libres de leurs mouvements en Équateur. Les grosses compagnies minières n'ont aucun lien avec ce territoire, avec sa population, ou avec l'économie locale. Les écologistes de ce territoire ont montré peu de sollicitude, s'ils en ont montré, pour ceux qui vivent des ressources, leurs emplois ou leurs entreprises étant peu touchés par ce projet de loi.

J'aimerais en profiter pour ajouter une petite note personnelle. Leur vie sera peut-être quand même touchée quand il n'y aura plus d'exploitation minière sur ce territoire et que la source de transferts fédéraux d'un demi-milliard de dollars par an se tarira, que ce territoire n'aura plus de revenus et qu'il faudra commencer à supprimer des emplois au bureau de la météo et dans les autres bureaux de ce genre.

Je reviens au mémoire.

Nous estimons que nous avons beaucoup plus à perdre qu'à gagner avec cette loi, mais nous préférons la certitude à l'incertitude actuelle.

L'économie du Yukon est alimentée par les revenus du gouvernement et de l'exploitation minière. Pour générer des revenus miniers, il faut des mines. Quelque 97 p. 100 de toutes les mines jamais exploitées dans le Territoire du Yukon ont été découvertes par des prospecteurs. Si le passé est garant de l'avenir, l'équation est assez simple: pas de prospecteurs, pas de mines. S'il devient trop difficile aux petits prospecteurs de gagner leur vie dans ce territoire, nous irons ailleurs. Il n'y aura pas de nouvelles mines. L'économie du Yukon dépendra de plus en plus de la générosité d'Ottawa. L'industrie minière sera dominée par de grosses compagnies en quête infructueuse de nouveaux gisements.

Les juridictions qui favorisent les grosses compagnies minières aux dépens des prospecteurs connaissent un taux de découverte très inférieur. Le Labrador est un exemple récent. Pendant 40 ans, le gouvernement du Labrador a appliqué un système de concession par opposition à un système libre. Pendant plus d'une génération, ces compagnies ont cherché et n'ont pas vraiment trouvé grand-chose. Dès que la législation a été changée, un ou deux prospecteurs sont arrivés et voilà, Voisey Bay. Le gouvernement fédéral a maintenant la perspective de milliards de dollars de revenus dans une économie terre-neuvienne désespérément à la recherche d'emplois pour financer les programmes sociaux, les emplois gouvernementaux, l'infrastructure routière, hospitalière, etc. Je vous en prie, ne piétinez pas les pauvres prospecteurs.

Je vous invite instamment à examiner avec soin les conséquences du projet de loi C-6 tant pour l'industrie minière en particulier que pour la population du Yukon en général. Nombre des aspects de ce projet de loi rendront la vie difficile aux prospecteurs non pas parce qu'ils ont pour but de protéger l'environnement, mais parce qu'ils sont ambigus, compliqués et qu'ils seront appliqués par une bureaucratie pointilleuse. Malgré tout, nous sommes prêts à mettre ce compromis à l'épreuve et à tout faire pour qu'il marche. Nous vous prions instamment d'adopter le projet de loi C-6 sous sa forme actuelle.

Nous vous recommandons en outre d'élaborer les règlements devant accompagner le projet de loi C-6 en vous inspirant du processus du YMAC. Nous aimerions qu'il soit un peu élargi. Je suis certain que les membres de la Fish and Wildlife Board et du Conseil des Premières nations du Yukon aimeraient qu'il soit élargi. Une solution maison, yukonnaise, marcherait probablement mieux qu'une solution outaouaise.

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Je ne sais pas si je peux commenter certains des propos que j'ai entendus tout à l'heure - comme ceux sur les avis de type I et les problèmes qu'ils posent aux prospecteurs ou ceux concernant les informations de base. Je suis à votre disposition.

Le président: Nous sommes réunis pour vous entendre. Si c'est ce dont vous voulez nous parler, vous avez la parole. Allez-y si vous voulez.

M. Burdall: Très bien, c'est ce que je vais faire.

Nous avons entendu, ou tout du moins j'ai entendu, des problèmes au sujet de l'exploration non réglementée: il y a ce groupe de gens... Je me réfère à la carte. Vous ne pouvez pas la voir de votre côté, malheureusement, mais c'est la carte de Finlayson qui montre la région où se trouvent les caribous et où il y a aussi de la prospection. J'aimerais remettre les choses en perspective. Il ne faudrait pas nier que ce genre d'activités existent depuis une centaine d'années. Il y a aujourd'hui une ruée sur le Territoire du Yukon. Dans trois ans cette vilaine tache rouge aura retrouvé sa blancheur originelle et les caribous continueront à se faire dévorer par les meutes de loups de plus en plus nombreuses.

Je ne veux pas minimiser l'importance de cette harde de caribous. Cette harde de caribous est très importante. J'ai souvent chassé ces caribous et je ne voudrais pas du tout que cette harde soit décimée ou qu'elle soit mise en danger pour une raison ou pour une autre. Mais sincèrement, je ne pense pas que le degré d'exploration minière dans cette région, surtout par les prospecteurs indépendants comme moi, mette en danger cette harde ou toute autre harde dans le Territoire du Yukon.

Cela fait 100 ans que ce genre d'activités existent sur le Territoire du Yukon et je mets au défi quiconque de me montrer des exemples de dégradation conséquente de la faune ou de la flore provoquée par cette exploration. Ces mêmes 100 années d'exploration ont permis de nourrir de nombreuses familles, des familles d'Autochtones et des familles de Blancs. Nous ne faisons pas vraiment de distinction dans le monde de la prospection. Après deux ou trois semaines dans le bois, nous sommes presque tous verts ou du moins nous sentons comme si nous étions tous verts.

On a suggéré de rendre disponible toute l'information de base, avant même que l'on ne se rende sur le terrain, de façon à être sûr que si l'on dynamite l'endroit, on ne détruise pas en même temps une aire d'agnelage. Mais dans la pratique, c'est impossible pour le prospecteur. Il n'est pas question qu'il embauche un expert-conseil pour faire une sorte de travail de reconnaissance. Nous n'en avons pas les moyens.

Devrait-on, dans ce cas, éliminer le prospecteur? Non, car ce faisant, vous élimineriez la force créatrice de richesse de ce territoire.

D'un point de vue historique, cela fait un siècle que nous prospectons et il nous reste encore beaucoup d'aires d'agnelage. Peut-être y en a-t-il que nous avons détruites, mais si c'est le cas, je ne suis pas au courant. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de problèmes, mais je ne crois pas que nous ayons détruit une seule aire de mise bas ou d'agnelage. Nous sommes émotifs face à cette question, évidemment, car c'est de notre gagne-pain que vous parlez, du nôtre et aussi de celui de ceux qui se préoccupent de l'environnement. Or, quand on devient trop émotif, on exagère aussi souvent. Voilà une autre raison pour laquelle nous devrions tenter de résoudre ces problèmes dans le Yukon pour pouvoir discuter de façon plus personnelle avec nos vis-à-vis, plutôt que de traiter de ces problèmes ici à Ottawa, en comité.

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J'aimerais aborder en dernier lieu le sujet du système de libre accès. D'aucuns se disent opposés au libre accès. Rappelez-vous la vilaine tache rouge sur la carte. Mais que l'on maintienne le libre accès ou pas, cette grosse tache ne disparaîtra pas de la carte. Le jalonnement de ces claims n'a pas été fait par des prospecteurs indépendants, même si certains d'entre eux ont pu faire beaucoup d'argent lorsqu'ils ont été embauchés par les grandes compagnies minières pour faire le jalonnement.

Je sais bien que le projet de loi ne porte pas sur le libre accès, mais il semble que cela soit considéré comme un problème ici. Si vous éliminez le libre accès, vous ne ferez que déplacer le problème, d'après moi. Vous allez tout laisser entre les mains d'énormes compagnies minières bureaucratisées. Je crois personnellement qu'à ce moment-là, les organisations locales de conservation de la nature auront beaucoup plus de mal à combattre ces grandes compagnies minières que si elles s'adressaient à moi personnellement.

Pour revenir à ce que mentionnait Gerry Couture du Fish and Wildlife Board au sujet du jalonnement de la région de Finlayson, je précise que j'ai fait moi-même de la prospection lorsque je chassais le caribou. J'en faisais avec des gens de Ross River, et deux d'entre eux étaient des Autochtones. Vous comprendrez pourquoi je me demande parfois d'où vient la controverse et comment surgissent les problèmes. Lorsque je suis à Ross River, je m'entends très bien avec les autochtones. Nous faisons de la prospection ensemble, nous jalonnons les claims ensemble. Tout le monde semble satisfait et les caribous sont nombreux.

Voilà ce qu'avait à vous dire la Yukon Prospectors Association, à moins que Rob Hamel veuille ajouter quelque chose.

M. Rob Hamel (Yukon Prospectors Association): Je crois que vous avez tout dit.

M. Duncan: J'ai été heureux de constater que vous mentionniez la vilaine tache rouge sur la carte. Les couleurs ont parfois une charge émotive.

Pourriez-vous nous donner une idée de l'ampleur des activités sur le terrain? S'agit-il uniquement de quelques pieux de plantés? Combien d'hommes y a-t-il sur une ou deux acres de terrain? J'aimerais savoir ce que représente cette tache rouge sur le terrain.

M. Burdall: Vous devriez sans doute vous adresser à un expert, mais je vous répondrai tout de même.

Un claim représente environ 50 acres, c'est-à-dire à peu près 20 hectares. On ne plante sur 20 hectares que deux pieux, et le tour est joué.

Sans savoir vraiment ce que représente cette zone rouge à vol d'oiseau, je sais que dans la plupart des cas, dans cette région, à part l'hélicoptère qui dépose le matin une équipe de quatre hommes et revient les chercher le soir après qu'ils ont passé la journée sur le terrain, il n'y a pas grand-chose d'autre qui s'y passe. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu beaucoup d'activités à partir de Ross River et de Watson Lake. En fait, il y en a eu beaucoup, et ces localités en ont directement profité du point de vue économique. Il est certain que les deux découvertes ont donné lieu à un regain d'activités, mais elles ne touchent pas directement les prospecteurs, car elles touchent plutôt la Cominco et la Westmin.

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Je peux difficilement vous dire de combien de personnes il s'agit, monsieur Duncan, mais il s'agit en fait d'un hélicoptère qui dépose de deux à quatre personnes et revient les chercher en soirée.

M. Duncan: Merci.

Au cours de votre exposé, vous nous avez fourni une liste de 10 questions qui vous préoccupaient, mais je n'ai pas réussi à comprendre si l'ordre dans lequel elles étaient énumérées importait ou pas. J'ai eu l'impression que puisque vous aviez passé beaucoup de temps à nous parler du point numéro huit, il était plus important que les autres; ou était-ce parce qu'il vous préoccupait tout personnellement? Pourriez-vous expliquer au comité si l'ordre dans lequel les 10 points sont énumérés importe ou pas.

M. Burdall: J'aurais bien aimé que nos préoccupations soient énumérées dans un ordre de priorité, mais elles ne le sont pas vraiment. Il est évident que l'un des points les plus contestés, c'est le premier, l'exploitation minière à petite échelle. Il y a un article dans le projet de loi - je crois qu'il s'agit des articles 135(2) et 135(9) et de l'article 140 - qui stipule que toute production doit être assortie d'une attestation de type III ou IV, ce qui signifie que la population doit donner son avis, etc. Cela aurait évidemment une grande incidence sur bon nombre de prospecteurs.

Cela peut vous sembler curieux, mais rien de ce que j'ai dit n'empêcherait notre association de vous inciter à voter en faveur du projet de loi; évidemment, si on devait lâcher du lest, nous aurions certainement des points à faire valoir.

J'imagine que c'est le fiasco des tranchées qui a lancé le débat. Mais c'était plutôt une question d'exploitation minière. Mais justement, c'est cela qui me frustre, cela et beaucoup d'autres questions. On semble ne rien comprendre à ce qu'est de la prospection minière de base. Chaque fois que les gens entendent dire que l'on a jalonné un claim, les gens pensent immédiatement à Sudbury et voient poindre à l'horizon d'énormes cheminées de fonderie qui crachent leurs déchets partout. L'industrie minière et les prospecteurs devraient informer la population pour lui faire comprendre qu'un simple jalonnement n'est pas nécessairement la fin du monde.

M. Duncan: Vous avez parlé des trois dispositions du projet de loi qui visent l'exploitation minière à petite échelle, mais jusqu'à maintenant, notre comité n'a pas entendu de témoins qui lui auraient expliqué en détail ce que vous entendez par là, et c'est sans doute pourquoi... Faut-il mettre dans un même panier prospecteurs et mineurs à petite échelle? Autrement dit, votre association représente-t-elle les mineurs à petite échelle? Ou est-ce plutôt que les prospecteurs transforment parfois en mineurs? Jusqu'à quel point cet aspect est-il important? Si je vous pose la question, c'est que l'exploitation à petite échelle est fortement touchée par le projet de loi.

M. Burdall: Je dirais que ce sont les prospecteurs qui se transforment parfois en mineurs à petite échelle. N'oublions pas la mondialisation du marché et que le Canada a perdu sa position enviable comme centre de l'exploitation minière dans le monde. Un prospecteur doit pouvoir convaincre une société minière installée au Chili, en Sibérie et à certains endroits au Canada ou aux États-Unis, par exemple, qu'il a mis le doigt sur un filon important.

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Lorsque le prospecteur creuse à la main, il espère évidemment mettre à nu le plus de minerai possible. De deux choses l'une. D'abord, s'il est à la veille de faire faillite parce qu'il n'a aucune autre source de revenu, il enverra tout ce qu'il peut retirer du sol à une fonderie - à Trail ou ailleurs - pour que sa trouvaille soit transformée, ce qui aidera à défrayer les coûts de son travail d'exploration.

Chaque fois qu'un prospecteur extrait du minerai du sol, il espère qu'une société minière sera plus impressionnée que s'il trouve une simple petite veine de trois pouces de galène, par exemple. Le résultat est d'ailleurs double: cela lui permet de lever des capitaux d'une part et de rendre le terrain plus rentable pour une grande société minière, d'autre part.

Le président: Je vois.

M. Duncan: Me permettez-vous une petite question, dans la même veine?

Le président: Soyez bref, car nous sommes déjà très en retard.

M. Duncan: D'accord, mais c'est important.

Dois-je comprendre que si l'on n'envoyait pas le minerai ailleurs ou s'il n'était pas visé par une extraction commerciale, l'activité minière, ne serait pas touchée de la même façon par le projet de loi? Autrement dit, qu'arriverait-il si, au lieu de mettre l'accent sur la protection de l'environnement, on faisait la différence entre l'exploitation commerciale et l'exploitation non commerciale...?

Le président: Veuillez répondre en 30 secondes.

M. Burdall: Mais cela n'a rien à voir avec l'environnement, et c'est ça qui est frustrant. Je parle ici de toutes petites zones qui font l'objet de prospection, zones qui pourraient facilement tomber sous le coup des attestations de type I. C'est simplement une question de catégorie.

Le président: Laissez-moi vous dire brièvement qu'Inco vient de construire la mine Victor, une mine de 300 pieds sur 400, et que de la végétation y a été replantée; on y trouve aussi un étang de filtration qui sert à recycler l'eau, et la cheminée a même été peinte en vert pour qu'elle se marie avec les arbres en arrière-plan. Je tenais tout simplement à vous signaler que même à Sudbury, les choses évoluent.

Monsieur Anawak, vous avez huit minutes que vous pouvez partager avec vos collègues, si vous le désirez.

M. Anawak (Nunatsiaq): Merci. Je n'ai pas de questions, mais je voudrais faire quelques commentaires.

Je crois que l'exposé que nous venons d'entendre contient des erreurs. Il me semble vous avoir entendu dire que puisque certains Autochtones participaient aux travaux de jalonnement, il ne pouvait y avoir de problème. Vous me semblez être en train de stéréotyper les Autochtones. Ce n'est pas parce qu'on est Autochtone qu'on ne cherche pas aussi à faire de l'argent.

Deuxièmement, je vous ai aussi entendu dire qu'il ne fallait pas croire à la fin du monde parce qu'on avait trouvé un pieu dans le sol. Que je sache, un simple pieu planté dans le sol n'est pas nécessairement un signe avant-coureur de catastrophe, mais il est néanmoins porteur d'espoir, espoir qui peut éventuellement se traduire par l'ouverture d'une mine et son exploitation.

Certains aspects de votre exposé m'ont chiffonné: il est peut-être vrai que le jalonnement, au moment où il est fait, ne pose aucun problème en soi, mais on espère toujours qu'il donnera lieu à une grande découverte, ce qui aura pour conséquence l'ouverture d'une mine. Je sais bien que les mines d'aujourd'hui fonctionnent de façon beaucoup plus sûre et beaucoup plus saine pour l'environnement; toutefois, c'est aujourd'hui qu'il faut payer pour les erreurs d'hier, et c'est justement pourquoi on s'inquiète encore.

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Voilà ce que j'avais à dire. Je crois comprendre que le témoin se demandait pourquoi le projet de loi avait été envoyé au Comité des affaires autochtones. C'est parce que cette question relève du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord que nous en avons été saisis.

Le président: Oui, et merci d'avoir apporté cette importante précision. C'est parce que notre comité s'occupe du développement du Nord.

M. Finlay: Monsieur Burdall, merci de votre exposé et d'avoir été si honnête. J'ai moi-même une formation de biologiste, et j'ai l'impression que vous êtes vous-même un écologiste dans l'âme. Je me dois toutefois de répéter ce qu'a souligné M. Anawak, à savoir que de jalonner un terrain, ce n'est pas la fin du monde. Toutefois, ce qui s'est passé à Sudbury était presque apocalyptique. Aujourd'hui, nous avons réussi à bien nettoyer l'endroit, mais cela permet de comprendre pourquoi les Canadiens s'inquiètent et voient poindre à l'horizon le spectre d'une surface lunaire.

Vous avez dit qu'exploration ne rimait pas nécessairement avec exploitation. Vous avez raison, et je vous souhaite bonne chance à vous, en tant que prospecteur. Mais ne pensez-vous pas qu'il faudrait éviter de faire de la prospection dans certaines régions qui sont de nature plus délicate, de sorte que si vous deviez y faire une découverte, nous ne nous retrouverions pas avec un problème? Autrement dit, allons-nous décider de construire une mine là où vivent les caribous et les chasser, ou allons-nous plutôt protéger cette zone?

Je dois avouer que cela me préoccupe. Je comprends très bien ce que vous dites; je suis convaincu que les prospecteurs, qui vivent de la terre tout comme les agriculteurs, sont très sensibles à l'environnement. L'ennui, c'est que si l'on fait une découverte au mauvais endroit, il nous faut alors prendre une décision.

Le président: Je voudrais apporter une précision, pas seulement parce qu'il s'agit de Sudbury, mais parce qu'il faut bien comprendre ce qui se passe. Ce n'est pas l'exploitation minière qui a porté préjudice à Sudbury, mais plutôt les opérations de fusion. L'exploitation minière se fait sous terre à Sudbury, et elle ne nuit à personne, alors que les opérations de fusion peuvent détruire l'environnement, cela est sûr.

Madame McLaughlin, souhaitez-vous qu'on vous laisse réagir?

M. Burdall: Mme McLaughlin ne souhaite pas intervenir, mais me permettez-vous pour ma part de répondre à M. Anawak? Puis-je réagir?

Le président: Prenez quelques minutes.

M. Burdall: Merci beaucoup.

Je suis désolé, si j'ai semblé stéréotyper les Autochtones; c'est tout simplement parce que j'ai peu de talent comme orateur, et je vous prie de m'excuser. Il est évident que lorsqu'un prospecteur jalonne un terrain, il vit d'espoir. Comme le disait M. Finlay, nous espérons tous voir pousser là une grande mine, c'est certain. Toutefois, dès lors que cela se produit, on laisse de côté tout ce qui est type I ou type II dans le projet de loi pour tomber sous le coup d'un régime de réglementation tout à fait différent.

N'oublions pas non plus qu'il faut tenir compte des permis d'utilisation des eaux et des lois qui régissent l'entreposage des combustibles; nous sommes régis par toute une gamme de lois. Mais comme l'industrie minière s'est tirée elle-même dans le pied il n'y a pas si longtemps, comme le signalait M. Finlay, il nous reste beaucoup à faire pour informer les Canadiens et leur expliquer que nous sommes très préoccupés par l'environnement et que nous voulons faire les choses différemment. J'espère que nous y parviendrons.

Enfin, je crois avoir entendu M. Finlay mentionner que nous devrions d'entrée de jeu éviter de jalonner certaines zones qui ont une valeur pour d'autres fins. Cela revient à aborder la question de l'aménagement du territoire; en effet, pour qu'un plan d'utilisation des terres soit efficace, il faut au départ savoir ce qui s'y trouve. Ensuite, si la zone se révèle importante pour la migration ou pour toute autre raison, et que l'on y trouve des minéraux, il faudra alors prendre une décision.

Rappelez-vous ce qui s'est passé à Windy Craggy. Une décision a été prise qui a déplu à plusieurs, mais qui a grandement plu à d'autres. Il faut évidemment prendre des décisions, mais pour pouvoir les prendre, il faut savoir déjà ce qui se trouve dans le sol.

Si l'on s'en tient à la prospection de type I, il y a si peu de dommage à l'environnement qu'on ne peut pas vraiment parler d'effet environnemental négatif. Dans ces cas-là, nous disons qu'il faut permettre la prospection et que si l'on découvre un filon important, c'est à ce moment-là qu'il faudra prendre une décision, si dure soit-elle.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. J'avoue que M. Power a eu raison de vous demander de faire l'exposé. Votre témoignage était excellent. Je vous en remercie.

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J'invite maintenant la Chambre de commerce du Yukon, représentée par son second vice-président, Torfinn Djukastein, à venir témoigner.

M. Torfinn Djukastein (second vice-président, Chambre de commerce du Yukon): Merci, mesdames et messieurs, de nous permettre de comparaître. Je m'appelle Torfinn Djukastein, et je suis second vice-président de la Chambre de commerce du Yukon et président de la Chambre de commerce de Dawson City.

La Chambre de commerce du Yukon représente beaucoup de gens, soit 30 000 personnes réparties sur un vaste territoire. On nous a demandé de parler du projet de loi C-6, et je tiens à assurer le comité d'Ottawa que nous appuyons sans réserve notre industrie minière.

La Chambre de commerce du Yukon reconnaît que l'exploitation des mines et des placers représente la principale activité du secteur privé dans l'économie du Yukon. En effet, elle contribue dans une proportion de 30 p. 100 à notre économie, devançant ainsi le tourisme (7 p. 100) et les ressources renouvelables (3 p. 100). Le gouvernement arrive évidemment en tête de liste avec 60 p. 100 de l'économie.

La Chambre de commerce du Yukon se tourne vers le secteur privé pour promouvoir et encourager la croissance économique, à l'heure où le gouvernement accepte enfin de voir les choses en face. Une mesure législative déraisonnable ferait certainement baisser la contribution du secteur minier à notre économie, et les gouvernements seraient obligés par conséquent de combler le manque à gagner. Nous comprenons que de demander aux gouvernements d'augmenter leurs dépenses à une époque de compressions économiques et à une époque où ils essaient d'économiser... mais nous ne voulons pas que notre industrie minière soit encore plus entravée par des dispositions législatives trop onéreuses. Nous voulons pouvoir travailler en tant que collectivité d'affaire et collectivité minière, pour le bénéficie de toute notre population.

Prenez un exemple éloquent, celui de Dawson City: environ 65 p. 100 de l'économie réside dans l'exploitation des placers. À l'échelle du territoire, le secteur minier à lui seul emploie quelque 700 personnes sur 140 sites d'exploitation. Cela représente donc en moyenne cinq personnes par endroit qui travaillent dans le secteur d'exploitation des placers. Cela ne représente pas beaucoup d'argent, et cela n'exige pas non plus une pléthore d'avocats pour remplir votre paperasse ni un système qui ne fonctionne qu'avec un spécialiste des fusées.

Nous sommes d'avis que l'industrie minière du Yukon est déjà suffisamment réglementée en matière environnementale. D'après ce que nous voyons, le projet de loi traite d'un secteur non encore régi, celui de l'utilisation des terres et ses règlements.

Le projet de loi C-6 est un document fait au Yukon, et la Chambre de commerce du Yukon reconnaît à quel point il est avantageux de demander à tous les principaux intervenants d'exposer leurs préoccupations. En effet, cela ne peut que servir ceux qui sont les plus directement touchés, soit les habitants du Yukon. C'est nous qui comptons, car c'est nous qui devrons vivre avec les résultats. C'est nous qui en profiterons ou qui en souffrirons grandement.

Nous sommes d'avis que le projet de loi fournit un cadre raisonnable et responsable en matière de gestion de l'environnement pour l'industrie minière, puisqu'il a été rédigé en fonction des diverses lois sur les mines, avec l'aide d'experts miniers. Il correspond tout particulièrement à la réalité, dans le monde minier, et c'est ce qui nous semble très important. N'eût été le fait que des habitants du Yukon siégeaient à la table, Dieu sait quelle loi nous aurions aujourd'hui entre les mains.

Ici, au Yukon, ce sont nos collègues, voisins, amis et clients qui forment la collectivité minière. Celle-ci est le pilier de l'économie du Yukon. La plupart d'entre nous sont touchés de près ou de loin par l'industrie minière. Nous croyons que le projet de loi permettra de mieux protéger l'environnement qu'auparavant et nous croyons que l'industrie pourra s'ajuster à la nouvelle réglementation sans disparaître. Il est toutefois triste de constater que la nouvelle loi éliminera probablement certaines des exploitations existantes ou envisagées. On voit déjà ce qui se passe au tout début de la chaîne. En effet, la loi pourrait avoir une incidence très sérieuse sur les témoins précédents, l'Association des prospecteurs du Yukon.

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Nous comprenons fort bien que des représentants des mines vous mettent en garde et vous disent que l'adoption d'amendements nuisibles à ce stade-ci pourrait compromettre le délicat consensus atteint autour de la table du Yukon Mining Advisory Committee.

La Chambre de commerce du Yukon représente actuellement quelque 350 membres, auxquels viennent s'ajouter les 350 autres membres de Whitehorse qui représentent eux aussi le Yukon des gens d'affaires. Nous voulons que le secteur minier continue à contribuer de façon essentielle au bien-être du Territoire du Yukon; nous sommes convaincus que ce bien-être, ainsi qu'une intendance toujours aussi judicieuse de l'environnement, sont des objectifs combinés que peut atteindre projet de loi C-6, dans son libellé actuel.

Au nom de la Chambre de commerce du Yukon et des chambres de commerce communautaires, nous vous exhortons à adopter le projet de loi, dans son libellé actuel.

Merci beaucoup. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Y a-t-il des questions? Monsieur Duncan.

M. Duncan: Puisque vous avez laissé entendre que certaines des plus petites exploitations pourraient être lésées par le projet de loi, et puisque les premiers lésés pourraient être l'Association des prospecteurs du Yukon, je me pose une question... Je sais que vous n'en avez pas parlé longuement, mais pourriez-vous nous expliquer comment les décisions ont été prises? Ont-elles, à votre avis, une raison d'être du point de vue de l'environnement ou croyez-vous plutôt que ces petites exploitations sont devenues des victimes pour des raisons qui ne sont pas nécessairement très logiques?

M. Djukastein: Personnellement, et du point de vue hiérarchique, le prospecteur du Yukon est évidemment au bas de l'échelle, alors que la Cominco et Placer Dome sont au sommet. Or, les règlements visent directement ceux qui sont au niveau le plus élevé, leurs répercussions vont évidemment être ressenties jusqu'au bas de l'échelle et s'appliqueront à ceux qui sont dans la petite exploitation et la prospection.

Nous croyons qu'il sera très difficile pour le prospecteur ou pour le petit exploitant qui doit aller sur le terrain de se conformer à certains règlements qui s'appliqueront au franchissement de terrains. Les nouveaux règlements pourraient ultimement empêcher ces gens de traverser certaines terres pour aller faire leur travail. Et je n'ai pas dit que cela nuisait gravement.

M. Duncan: Bien. Ce qui vous préoccupe, ce sont donc les dispositions régissant l'accès aux terres. Si j'ai bien compris, les trois éléments essentiels à votre succès commercial, ce sont l'entrée libre, le libre accès et le régime foncier. Mais celui qui vous préoccupe le plus, c'est l'accès, n'est-ce pas?

M. Djukastein: Le libre accès ne fait pas partie des négociations, et il ne vaut donc pas la peine d'en parler. Le projet de loi porte plutôt sur l'utilisation des terres, dont un des aspects est l'accès aux terrains.

M. Duncan: Merci.

Le président: Quelqu'un d'autre veut réagir? Madame McLaughlin?

M. Djukastein: Mme McLaughlin ne souhaite pas intervenir.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

J'invite maintenant la Yukon Outfitters Association (Association des pourvoyeurs du Yukon) à venir témoigner. Je ne sais si ces gens sont présents, car ils sont prévus pour 12 h 20, heure du Yukon. Quelqu'un de cette association est-il présent?

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Mme Ione Christensen (secrétaire exécutive, Yukon Outfitters Association): Oui, nous sommes représentés.

Le président: Nous vous serions reconnaissants de vous approcher de la table des témoins.

Êtes-vous son président, Lee Bolster?

Mme Christensen: Nous, je ne suis pas Lee Bolster.

Le président: Lorsque j'ai levé les yeux...

Mme Christensen: J'ai laissé mon chapeau de cowboy chez moi.

Le président: Lorsque j'ai levé les yeux, j'ai compris mon erreur. Vous devez être Mme Edna Hardie.

Mme Christensen: Non, je ne suis pas Edna Hardie.

Le président: Jamais deux sans trois. Êtes-vous Ione Christensen?

Mme Christensen: Oui.

Le président: Merci. Vous avez la parole.

Mme Christensen: Merci, monsieur le président.

Je représente ici la Yukon Outfitters Association dont je suis la secrétaire exécutive. À cette époque-ci de l'année, tout le Conseil d'administration de l'association est à la chasse avec des clients et n'a donc pas pu venir comparaître. Nous avions espéré qu'un de nos administrateurs pourrait être présent, mais ils sont tous entre deux sorties de chasse et ne peuvent être ici.

Je précise que je ne suis pas pourvoyeur. Je suis une administratrice, et je m'occupe des questions administratives pour l'association. Voilà pourquoi je ne pourrai peut-être pas répondre à toutes vos questions.

Le mémoire que nous avons présenté n'est pas exhaustif et n'a pas fait non plus l'objet de recherche exhaustive. Nous n'allons vous citer ni chapitre ni article de loi. Nos administrateurs ont pu travailler sur le projet de loi à l'automne dernier, au moment où les sessions d'information publiques étaient organisées. Ils ont essayé d'actualiser le mémoire à la lumière des changements les plus récents qui étaient, à leur avis, minimes pour les secteurs qui les préoccupaient. Comme nous déposons un mémoire, je vous résumerai brièvement nos préoccupations.

Pour commencer, je vais vous parler de notre association. Cela vous donnera une meilleure idée des raisons de nos préoccupations. Les pourvoiries sont des entreprises qui travaillent dans les bois et qui sont particulièrement bien placées pour savoir ce qui s'y passe et comment cela les affecte.

Le Yukon est divisé en 20 concessions, auxquelles s'adressent les chasseurs du monde entier. Chaque concession est exploitée et dirigée par un pourvoyeur du Yukon détenteur d'un permis d'exploitation du gouvernement du Territoire du Yukon. Ce permis est renouvelé chaque année et, de plus, un certain nombre de lois, territoriales et fédérales, réglementent ce secteur. Les 20 pourvoyeurs sont tous membres de l'association.

Il est certain qu'il existe beaucoup de points communs entre la Yukon Outfitters Association et la Klondike Placer Miners Association. Les pourvoyeurs exploitent de petites entreprises de style familial et emploient au total 210 personnes qui, chaque année, travaillent sur le terrain. L'association emploie également une personne à temps partiel - c'est moi - pour effectuer le travail administratif.

L'association est autofinancée grâce à une cotisation payée chaque année par les membres. La saison de travail d'un pourvoyeur est réglementée, sans compter les restrictions imposées par les conditions climatiques. Un été très sec, des incendies de forêt ou un hiver hâtif réduisent la saison. Il y a une chasse à l'ours le printemps qui dure environ six semaines puis, du 1 août au 31 octobre, selon la zone, on chasse les ours et d'autres espèces. Il est rare qu'un pourvoyeur puisse chasser après le 15 octobre. Toute la viande de venaison prise par des non-résidents est utilisée. Elle est consommée dans les camps des pourvoyeurs et également donnée à la communauté et à des organisations de charité. Les clients et les pourvoyeurs en emportent une partie, et les familles des employés utilisent le reste pendant toute l'année.

C'est une industrie qui existe sans interruption depuis 1912. Il s'agit d'une ressource renouvelable dont le succès dépend de la santé de l'environnement. Comparé au secteur minier, ce n'est peut-être pas un secteur particulièrement important, mais il contribue tout de même 5 millions de dollars à l'économie du Yukon, et cela chaque année. Les chasseurs qui viennent au Yukon dépensent plus d'argent, par personne, que tous les autres touristes.

Lorsque les pourvoyeurs ne sont pas occupés à chasser avec leurs clients, ils améliorent leurs installations et leur équipement, ils assistent à des expositions industrielles pendant l'hiver pour faire connaître leurs activités et contacter des clients. Sur le plan financier, ce n'est pas très rentable, mais tout comme le mode de vie d'un mineur, c'est un mode de vie unique auquel les pourvoyeurs sont très attachés.

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Comme on vient de le voir, la petite entreprise manque de fonds et d'argent pour répondre à toutes les exigences du gouvernement dans le cadre de changements législatifs. Au cours de l'année passée, nos membres qui, en cela, ne diffèrent en rien de beaucoup d'autres petites industries, ont dû prendre sur leur temps personnel pour effectuer les démarches exigées par 11 textes législatifs différents. Qu'il s'agisse de lois nouvelles ou d'amendements, tous ces changements sont importants pour l'industrie. Le plus souvent, c'est en juillet qu'on demande aux gens du Yukon de donner leur opinion sur ces changements législatifs, et c'est justement l'époque à laquelle tout le monde se prépare pour la saison de la chasse. En général, on veut une réponse avant la fin de septembre.

Vous comprendrez que cela nous met dans une position impossible: faut-il abandonner son travail en plein milieu de la seule saison dont on dispose, ou bien ignorer les demandes et se fier à la chance et au gouvernement tout en espérant qu'on ne sera pas forcé de fermer boutique. Le choix n'est pas brillant.

Cette industrie n'est pas la seule à avoir ce genre de préoccupations. Nous nous associons aux préoccupations environnementales de nombreux autres témoins tout en nous étonnant qu'une telle législation mette dans le même camp des gens qui ne semblaient pas destinés à s'accorder. Pour gagner du temps, nous parlerons uniquement des préoccupations principales de notre industrie, les éléments qui affectent directement notre gagne-pain.

Notre industrie estime que le projet de loi C-6 doit s'appliquer à toutes les activités minérales sur des terres de la Couronne au Yukon et pas seulement sur les terres qui constituent les claims. Nous considérons que le système de classification proposé pose des problèmes. Dans le cadre d'une activité de type I, l'industrie juge inacceptables les travaux qui peuvent être effectués sans permis, les inspections qui sont faites après coup et les rapports qu'on exige seulement après la fin des travaux. En effet, cela n'offre pas une protection environnementale suffisante.

Par comparaison avec d'autres juridictions, ce projet de loi donne au Yukon plus de latitude. Par exemple, pour des activités de type I, on peut utiliser des véhicules de 20 tonnes, mais dans d'autres juridictions, le maximum autorisé est de 2,5 tonnes. On peut conserver sur place 40 000 litres de carburant, mais dans d'autres juridictions c'est seulement 4 000 litres. On est donc plus indulgent au Yukon. L'industrie se demande pourquoi. Il n'y a pas de disposition qui tienne compte des besoins des autres usagers commerciaux de la région.

Pour les activités de type II, si le gouvernement ne répond pas à une demande dans les 25 jours, on peut commencer l'exploitation. Le directeur reçoit beaucoup de demandes pendant la haute saison et compte tenu des compressions gouvernementales, il aura probablement beaucoup de mal à respecter cette condition de 25 jours. L'exploitation pourrait commencer par défaut. Ce délai est trop court pour demander l'opinion des parties concernées.

Pour les activités de type IV aux termes du projet de loi, le gouvernement peut se contenter d'annoncer les activités, ce qui ne constitue pas une consultation suffisante du public. Il faudrait préciser la nature des avis et s'assurer que le public est véritablement informé.

Les critères qui définissent les types II et III devraient dépendre de chaque programme et non pas de chaque claim. Les conditions d'exploitation devraient être obligatoires pour toutes les activités, et non seulement pour les activités de type I.

Avis public et consultations: pour tous les types d'activités, les autres usagers commerciaux d'une région devraient être avertis et invités à donner leur opinion. Cette responsabilité devrait être confiée à la compagnie qui fait le travail, et cette consultation devrait avoir lieu bien avant le début des travaux. On pourrait éviter des conflits en travaillant en collaboration avec les pourvoyeurs. C'est une chose qui se produit presque chaque année; les compagnies vont délimiter leurs claims, mais si elles s'étaient donné la peine de rencontrer les pourvoyeurs d'avance, ils auraient pu organiser ensemble leurs activités respectives. De cette façon, les pourvoyeurs pourraient aller chasser ailleurs pendant que les compagnies délimitent leurs claims, et cette source de conflit disparaîtrait.

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Lorsqu'un client paye très cher pour faire l'expérience de la nature sauvage, l'idée qu'il se fait de cette expérience ne comprend pas des hélicoptères, du piquetage ou des camps envahis de chiens en liberté et pas la moindre bête sauvage à l'horizon. Ce n'est pas pour cela qu'il dépense une bonne partie de ses économies.

Quant à la remise en état des terres, il faudrait que les conditions soient plus claires. À l'heure actuelle, elles sont trop vagues. C'est l'usager qui détermine les exigences et le ministère qui approuve la proposition.

C'est peut-être l'accès routier qui constitue la grosse préoccupation des pourvoyeurs, parce qu'il comporte des incidences à long terme. Je suis convaincu de la nécessité de restreindre l'accès aux routes et aux pistes de prospection et de suivre tout cela de très près. C'est une des activités qui a des effets particulièrement négatifs à long terme sur l'industrie. Le matériel lourd, de n'importe quel type, peut causer des dommages considérables et, de plus, ouvre la voie à tout le monde, aux dépens de la nature sauvage, de la faune et de la flore.

On peut réduire quelque peu les dommages causés par les accès routiers en les limitant à la saison d'hiver et en interdisant les chasse-neige. La prospection par tranchée peut également causer des dommages considérables aux zones fragiles et à l'habitat sauvage. Les pourvoyeurs pourraient vous donner des exemples évidents de dommages causés par les routes et les activités de prospection dans les zones fragiles. Ceux qui sont dans cette salle doivent connaître la région du lac Killermun. En 1994 et 1995, le pourvoyeur qui chasse dans cette région a constaté des dommages considérables.

Les règlements proposés devraient exiger la remise en état des terres et la fermeture des routes construites pendant les activités d'exploration et d'extraction.

En ce qui concerne l'application, il nous semble que les amendes doivent être réalistes. Pour avoir un effet dissuasif, elles ne doivent pas revenir moins cher que les travaux eux-mêmes. Les coûts de remise en état ne doivent pas être répercutés sur les contribuables et, à cette fin, on devrait exiger un cautionnement, et les compagnies à l'origine du problème devraient être tenues d'en assumer la responsabilité financière.

La remise en état devrait être un exercice permanent tout au long de la prospection et de l'extraction et les compagnies devraient être tenues de respecter ces exigences sous peine de voir leurs opérations fermées jusqu'à rectification du problème.

Il nous semble que les dispositions relatives à l'inspection et au contrôle sont très insuffisantes. Avec les coupures de main-d'oeuvre au ministère, on se demande comment il est possible d'appliquer efficacement les programmes d'inspection et de contrôle. La loi devrait établir clairement les modalités et ne pas se contenter de supposer que cela se fera.

En ce qui concerne les dispositions relatives à l'application, une amende minimale devrait être prévue pour toutes les violations, et des amendes maximales devraient être imposées à titre dissuasif. Tous les revenus gagnés par une compagnie sur la base d'une violation devraient être versés en même temps que l'amende.

Les exigences quant à la représentation sont responsables d'un grand nombre d'excavations latérales et de routes qui ne conduisent nulle part et qui ont été construites uniquement pour respecter les exigences. Dans ce cas particulier, l'industrie minière n'a pas eu le choix, et pourtant, les détenteurs d'un claim devraient pouvoir choisir de payer une somme au gouvernement au lieu de creuser un trou dans le sol pour satisfaire une exigence de ce même gouvernement.

La Loi canadienne d'évaluation environnementale devrait s'appliquer à toutes les décisions dans le cadre des deux lois. Comparé à ce qui existe dans d'autres juridictions, ce régime est moins sévère que ce qui existe en Alaska, dans les Territoires du Nord-Ouest ou en Colombie-Britannique. Dans ces juridictions-là, toute activité de prospection mécanique exige un permis. Dans les Territoires du Nord-Ouest, les coûts d'exploitation minière sont certainement aussi élevés qu'au Yukon mais à l'heure actuelle, en dépit de directives très sévères, ces activités sont florissantes.

La majorité des exploitants miniers sont des gens très responsables, mais un régime trop permissif peut attirer des éléments indésirables, donnant ainsi mauvaise réputation à l'ensemble de l'industrie.

Nous considérons que la pratique de l'entrée libre devrait être reconsidérée et éliminée. La prospection minière devrait être considérée comme les autres ressources, à la fois renouvelables et non renouvelables. Nous ne donnons plus aux gens des exploitations agricoles gratuites pour encourager les colons à s'établir dans l'Ouest. Le système de libre entrée a été adopté au début du siècle, à une époque où on considérait que toutes les terres de l'Ouest et du Nord n'étaient pas utilisées - à l'époque, on faisait fi des Autochtones. Mais les temps ont changé, et les règlements devraient changer également.

.1505

Nous avons d'autres préoccupations. Les pourvoyeurs du Yukon réclament depuis des années des directives environnementales pour l'exploitation minière et également l'abrogation de l'article 3.(3) de la Loi sur les terres territoriales. Le comité du YMAC ne s'est pas penché sur cette question. Cela touche pourtant directement la prospection minière, les guides en région sauvage et l'association de piégeage.

La santé des troupeaux sauvages a une incidence directe sur la santé de notre industrie. Les pourvoyeurs, du fait qu'ils travaillent sur place, connaissent particulièrement l'habitat des populations sauvages et savent quels facteurs les affectent. L'industrie minière et les pourvoyeurs ne peuvent que profiter d'une collaboration mutuelle. Ces informations existent, même si elles ne sont pas toujours sur le papier.

À l'heure actuelle, les activités minières ont la priorité sur tous les autres types d'activité. Pourtant, les ressources renouvelables offrent des revenus et de l'emploi à long terme alors que les activités minières dépendent des marchés mondiaux et peuvent être très cycliques. Le Yukon a besoin de petites entreprises régulières pour compenser les hauts et les bas qui caractérisent l'industrie minière.

Chaque année, on voit de plus en plus de régions sauvages du Yukon détruites par l'utilisation excessive de machines modernes. L'habitat de cette région est particulièrement fragile et ne se regénère pas aussi rapidement que dans le sud du Canada. Les troupeaux sauvages ont du mal à se réétablir dans d'autres régions, en particulier les moutons qui ont tendance à occuper les mêmes régions pendant des siècles à cause des conditions climatiques qui leur conviennent, par exemple le chinook qui vient adoucir l'hiver.

Nous devons absolument protéger ces régions fragiles en réglementant non seulement les activités minières, mais toutes les activités qui font appel à des machines modernes, quelles soient commerciales ou récréatives, et qui portent atteinte à cette ressource précieuse qu'est la nature.

Certains prétendront, comme on vient encore de le faire avant cet exposé, que ces activités ne sont pas nouvelles, qu'elles existent depuis le début du siècle. C'est exact, mais avant les années 40, les activités des exploitants industriels étaient limitées par la nature. Il est certain que mon grand-père, arrivé en 1898, ne prospectait pas comme on prospecte aujourd'hui.

Aujourd'hui, l'industrie peut pénétrer beaucoup plus rapidement dans une région, entreposer et pomper de l'eau et déplacer de grosses quantités de terre, tout cela beaucoup plus rapidement. La loi doit tenir compte de ces changements, et nous pensons que les amendements à cette Loi vieille de 70 ans le font.

En conclusion, nous recommandons l'adoption d'une clause de révision qui permettrait de réviser et de modifier la loi au bout d'une période raisonnable, pour tenir compte des changements survenus et de l'évolution des besoins. Nous pensons qu'il est possible de travailler tous ensemble dans un esprit de coopération, mais la loi doit tenir compte de l'existence de ceux qui utilisent des ressources renouvelables, et elle doit leur accorder la même considération et la même protection.

Monsieur le président, voilà l'exposé que les pourvoyeurs m'ont demandé de vous présenter en leur nom. Je vous remercie de nous avoir donné cette occasion d'exposer les préoccupations de ce secteur.

Le président: Je vous remercie beaucoup pour votre exposé.

Questions des députés.

M. Finlay: Je tiens à m'excuser, en effet, j'ai manqué une bonne partie de votre exposé, et j'en suis désolé. Cela dit, je voulais saluer M. Lee Bolster, qui toutefois ne semble pas être là. Peut-être est-il dans le bois quelque part. Lorsqu'il a comparu devant le comité de l'environnement il y a deux ans, nous avions passé une très bonne soirée ensemble.

Ce que vous dites au sujet d'une révision de la législation est très justifié. Je ne suis pas certain que cela se fasse, mais pour ma part, je serais en faveur d'un tel amendement.

Le président: Merci, monsieur Finlay.

Madame McLaughlin, voulez-vous deux minutes?

Mme Christensen: Mme McLaughlin n'a rien à ajouter pour l'instant.

Le président: Merci beaucoup. Cela termine donc nos audiences publiques. Nous allons faire une pause de dix minutes, si personne n'y voit d'inconvénient majeur.

Je précise qu'à notre retour nous avons l'intention de passer à l'étude article par article. Si le comité le désire, je vais demander à M. Keith Byram, président du YMAC, de se tenir à notre disposition au cas où nous aurions des questions. Toutefois, je ferai cette requête uniquement avec votre permission. J'aimerais savoir aussi si vous voulez inviter M. John Hodgkinson, le directeur de la Division de la législation minière et de la gestion des ressources, à s'asseoir à la table pour répondre aux questions, le cas échéant.

.1510

Nous avons avec nous Mme Paulette Nadeau, légiste, qui nous assistera pendant l'étude article par article. Nous allons suivre la même procédure que par le passé et, si vous avez des objections, vous pouvez me le dire. Je vous demanderai votre avis article par article. Je dirai: «L'article 1 est-il adopté?». Si vous avez quelque chose à dire au sujet de l'article 1, vous n'avez qu'à crier «réserver» ou bien «écarter», ou quelque chose du genre. De cette façon, j'écarterai l'article sans débat et nous continuerons. Si je n'entends ni «réserver» ni «écarter» je mettrai l'article aux voix. Une fois que nous avons voté, nous ne revenons plus sur un article.

Ce n'est pas une décision immuable, c'est une suggestion. Par le passé, cela a donné de bons résultats. Et si vous y voyez des inconvénients, nous avons dix minutes pour y réfléchir après quoi nous en discuterons avant de commencer l'étude article par article.

M. Finlay: Monsieur le président, quel document allons-nous utiliser?

Le président: Votre ordre du jour.

M. Finlay: Cela ne me dit pas ce qu'est l'article 1.

Le président: Vous trouverez l'article 1 dans le projet de loi que vous avez depuis juin ou mai.

Nous allons lever la séance pendant 10 minutes. Je suis à Ottawa depuis assez longtemps pour savoir que 10 minutes, cela veut dire 15, mais pas plus.

.1512

.1525

Le président: Merci, nous reprenons la séance.

À l'intention de nos amis du Yukon, nous allons rester en ligne pour que vous puissiez assister à nos délibérations, du moins aujourd'hui.

À l'intention des membres du comité, voulez-vous que nous demandions à M. Keith Byram, le président du YMAC, de se mettre à notre disposition pour répondre aux questions des députés? Nous n'avons pas besoin d'en discuter, je vous demande seulement de lever la main si vous êtes d'accord.

Des voix: Oui.

Le président: Monsieur Byram, êtes-vous d'accord pour participer si nous avons besoin de vos services?

M. Byram: J'ai dit que je resterais jusqu'à la fin des exposés. Toutefois, je ne peux pas rester tout l'après-midi. Si quelqu'un a des questions à me poser au sujet des trois derniers exposés, je peux y répondre, mais je ne peux pas rester jusqu'à la fin de la séance.

Le président: Il est possible qu'il n'y ait aucune question, mais si nous vous voyons toujours à l'écran et si certains députés ont des éclaircissements à vous demander, ils pourront le faire. D'un autre côté, si vous devez partir, nous comprendrons. Merci.

D'autre part, je voulais demander au comité si nous devons inviter M. John Hodgkinson à s'asseoir avec nous pour répondre à nos questions. M. Hodgkinson est le directeur de la Division de la législation minière et de la gestion des ressources.

Des voix: D'accord.

Le président: Je vous invite à venir vous asseoir avec nous.

[Français]

Mlle Paulette Nadeau va nous aider pour la procédure si le besoin se présente, n'est-ce pas?

[Traduction]

J'ai suggéré une méthode et vous avez quelques minutes pour y réfléchir. Est-ce que quelqu'un n'est pas d'accord? C'est ainsi que nous avons procédé par le passé. Je vais essayer d'aller lentement, et si je vais trop vite, n'hésitez pas à m'arrêter.

.1530

Madame McLaughlin, j'ai expliqué la procédure. Si vous souhaitez réserver un article, vous pouvez le faire, mais la demande devra passer par un des membres du comité. Vous êtes d'accord?

Mme McLaughlin (Yukon): Oui, merci.

Le président: Nous procéderons sans débat, en levant la main. Nous allons commencer.

Les articles 1 à 21 sont adoptés

.1535

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?

Des voix: D'accord.

Le président: Voilà qui termine notre étude du projet de loi C-6. Merci beaucoup.

J'espère n'avoir pas été trop strict en allouant les minutes, trop tatillon. Quand je dis une minute trois quarts... Quoi qu'il en soit, le travail est fait. Merci beaucoup.

Membres du comité, je pense qu'il devrait être possible de régler certains petits détails. J'aimerais vous proposer d'inviter le ministère à nous faire une séance d'information sur les projets de loi C-39 et C-40 mardi prochain. Comme vous le savez, ce comité a réservé des séances les mardis et jeudis de 11 heures à 13 heures. Nous aimerions commencer par le projet de loi C-39, et si ce n'est pas trop long, étudier le projet de loi C-40 de midi à 13 heures.

Est-ce que nous sommes tous d'accord? Y a-t-il des objections?

[Français]

M. Bachand: Vous dites que mardi prochain, on passerait à travers les deux projets de loi, C-39 et C-40?

Le président: Seulement les présentations des ministères.

M. Bachand: Le breffage des ministères. Si jamais le breffage sur le projet de loi C-39 durait plus longtemps, je suppose qu'on s'arrangerait pour entendre celui sur le projet de loi C-40 à un autre moment.

Le président: Absolument. D'accord?

[Traduction]

J'ai discuté avec M. Harper de la nécessité d'entendre des témoins.

Monsieur Harper, pouvez-vous nous en parler? Si nous jugeons nécessaire d'inviter un grand nombre de témoins, il faut nous décider tout de suite. Si ce n'est pas nécessaire, mais s'il y a une procédure que vous jugez indispensable, veuillez nous en informer.

M. Harper: J'ai demandé à mon personnel de contacter les deux premières nations - Nelson House et York Factory, les signataires - , et je leur ai demandé d'inviter les chefs à nous faire un exposé. Mon personnel s'en occupe et devrait avoir des résultats d'ici la fin de la journée. Je leur ai parlé du jeudi 3, si possible. Je ne sais pas à quelle heure, peut-être 11 heures.

Le président: Monsieur Harper, je ne devrais pas vous en demander tant, mais je vais le faire parce que vous êtes un ami et que je vous sais impartial. Pensez-vous que ces projets de loi seront bien servis si nous nous contentons d'inviter deux chefs? Faudrait-il en inviter d'autres? Nous tenons à être consciencieux. Pensez-vous que cela sera suffisant? Cela semble assez simple. Pensez-vous que ce sera suffisant?

Collègues, si vous pensez qu'il est nécessaire d'inviter d'autres témoins, j'aimerais le savoir tout de suite. Je cherche à déterminer s'il nous sera possible de terminer cette semaine.

Monsieur Harper, qu'en pensez-vous?

M. Harper: Je n'ai pas reçu d'indication.

Le président: Monsieur Stinson.

M. Stinson (Okanagan - Shuswap): Monsieur le président, puis-je consulter mon collègue, M. Duncan?

Le président: D'accord.

Êtes-vous d'accord pour que nous essayions d'inviter ces deux témoins pour jeudi prochain, après la séance d'information de mardi? Par la suite, si vous voulez aller plus loin... L'idée est de planifier pour en terminer. Êtes-vous d'accord pour que nous prenions cette décision dès maintenant, sans l'intervention du comité directeur?

Des voix: D'accord, d'accord.

Le président: Monsieur Harper.

M. Harper: Si nous invitons ces deux personnes, est-ce que nous assumons également la responsabilité de leurs déplacements et de leur logement?

Le président: J'ai besoin d'une motion à cet effet.

M. Harper: Parfois, ils se font accompagner de conseillers, mais...

Le président: Qu'est-ce que vous recommandez? Décidons-nous tout de suite pour éviter des surprises plus tard? Est-ce que vous recommandez que nous invitions deux personnes par projet de loi et que le comité rembourse les frais de ces personnes?

M. Harper: Peut-être deux personnes, et si quelqu'un souhaite les accompagner...

Le président: Les autres personnes sont les bienvenues, mais elles doivent payer leurs propres frais. Ou bien voulez-vous une vidéoconférence? Est-ce que c'est assez près?

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Où vivent-ils?

M. Harper: Dans le nord du Manitoba. Ils n'ont pas accès à des services de vidéoconférence. Le plus proche serait Winnipeg.

Le président: Si nous devons organiser cela pour jeudi prochain, il faut se décider tout de suite. Vous êtes d'accord pour payer les frais de deux personnes par projet de loi? Si vous décidez d'entendre d'autres témoins, nous pourrons décider à ce moment-là. En attendant, nous aurons du travail pour la semaine prochaine.

Le timbre a commencé à retentir; est-ce que c'est un vote?

La greffière du comité: On est en train d'essayer de le remettre à 17 h 30.

Le président: Nous pouvons donc continuer jusqu'à ce que vous nous donniez des détails.

.1540

Cela dit, y a-t-il d'autres affaires qui intéressent le club? Nous avons terminé.

Nous avons des séances de 11 heures à 13 heures mardi et jeudi prochain. Madame McLaughlin, nous nous reverrons à ce moment-là. Merci beaucoup d'avoir participé à cette séance.

La sonnerie se fait entendre, il est donc temps de partir. J'attends une motion pour ajourner? Merci.

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