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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 mars 1997

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[Traduction]

Le vice-président (M. Finlay): La réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord est ouverte.

La greffière doit lire l'ordre de renvoi de la Chambre.

La greffière du comité: Voici un extrait des journaux de la Chambre des communes du mercredi 19 février 1997:

Le vice-président (M. Finlay): Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'article 1, le titre abrégé du projet de loi, est réservé. Sur l'article 2...

M. Anawak (Nunatsiaq): Avant que nous n'entendions le ministre, je veux invoquer le Règlement au sujet d'une question dont nous avons discuté à l'une de nos dernières réunions.

J'ai reçu un communiqué de presse émis par l'Assemblée des premières nations, dans lequel on dit que mon collègue Elijah Harper et moi-même avons voté contre une motion du comité sur laquelle le débat a eu lieu à huis clos. Par conséquent, les résultats de tout vote qui a pu avoir lieu, que ce soit un vote par appel nominal ou non, n'auraient pas dû être divulgués en dehors de la salle du comité.

Je soulève cette question parce que l'Assemblée des premières nations semble vouloir ainsi montrer que mon collègue et moi sommes en désaccord avec le peuple des Premières nations. Je suppose que lorsqu'on est en deuxième place, on fait plus d'efforts. Je sais que ce ne sont pas les députés Libéraux qui sont allés dire à l'Assemblée des premières nations que nous avions fait cela, il doit donc s'agir de membres du personnel ou de députés de l'opposition. Je ne pointerai personnel du doigt, mais je pense qu'il faut dire publiquement que les résultats de votes tenus lors de séances à huis clos ne doivent pas être rendus publics.

Je tenais à soulever cette question et nous pourrons peut-être en discuter plus tard - pas à cette réunion, parce que le ministre est ici. Cet incident place Elijah et moi dans une position difficile face aux membres des Premières nations. Je vous remercie.

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Le vice-président (M. Finlay): Merci beaucoup, monsieur Anawak, de nous avoir signalé cela.

Je tiens à souhaiter la bienvenue au ministre Ron Irwin à cette réunion et je lui donne la parole. Nous aurons une période de questions lorsque le ministre aura terminé et ses adjoints qui l'accompagnent pourront être appelés à tout moment à répondre à des questions.

Bienvenue, monsieur le ministre.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci, monsieur le président.

Si vous le permettez, je vais présenter les personnes qui m'accompagnent. Nous avons Barbara Craig, directrice de l'Administration des bandes, Gordon Shanks, sous-ministre adjoint, politiques; et Al Broughton, conseiller juridique.

Je tiens à vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du comité de me donner l'occasion de discuter du projet de loi C-79, Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens.

Avant de vous communiquer mes réflexions, je souhaite remercier le comité du travail soutenu qu'il s'impose, non seulement dans le contexte de ce projet de loi précis, amis dans celui d'une vaste gamme d'enjeux qui concernent les peuples autochtones partout au Canada.

Monsieur le président, le projet de loi C-79 est l'un de ceux qui se sont fait une réputation particulière. On confond peut-être ce qu'il est avec ce qu'il n'est pas. Une certaine incertitude règne concernant ses effets et ce qu'il n'a pas la prétention d'accomplir. Et on constate qu'il circule de l'information erronée tant en ce qui concerne l'objectif que l'intention qui sous-tendent le projet de loi. Ce matin, j'espère pouvoir dissiper la confusion, mettre fin à l'incertitude et vous apporter les faits. Lorsque ce comité aura une idée plus nette de la nature du projet de loi, il sera davantage en mesure d'y apporter des améliorations là où les changements lui paraissent justifiés et de le rendre plus clair et plus intelligible là où le texte lui paraît manquer de clarté.

D'abord, permettez-moi de préciser que ce projet de loi ne modifie nullement la Loi sur les Indiens. Il s'agit d'un projet de loi tout à fait distinct qui offre une alternative à plusieurs parties de la Loi sur les Indiens, sans pour autant modifier la loi actuelle en tant que telle.

Un autre aspect continue à faire l'objet d'un malentendu, soit le processus de consultation. Certains membres de ce comité ont exprimé leurs préoccupations au sujet de l'ampleur des consultations qui ont mené à la création de cette mesure législative et je tiens à tempérer ces préoccupations.

Ce qu'il faut faire d'emblée, c'est de considérer cette mesure législative et les consultations qui l'ont précédée dans leur contexte historique. Ce projet de loi est le plus récent d'une série de modifications adoptées ou proposées depuis 1985 et il reflète ce sur quoi insistent les Premières nations depuis près de 40 ans. De 1959 à 1961, il y a eu les audiences du comité mixte, puis les consultations sur la Loi sur les Indiens en 1968 et les audiences qui ont mené au rapport Penner en 1983, ainsi que la consultation menée dans le cadre de l'examen du secteur des terres, des revenus et de la fiducie, à la fin des années 80. En fait, je pense qu'on aurait du mal à trouver une loi qui ait été plus étudiée que la Loi sur les Indiens.

Il n'est guère étonnant, donc, lorsque notre gouvernement a assumé son mandat en 1993, que le message le plus clair dont on m'ait fait part au cours de mes visites dans tout le pays, ait été «occupez-vous de la Loi sur les Indiens». Ce message m'a été communiqué par toutes les Premières nations à l'échelle du Canada.

Parlons sans détour. Ce projet de loi n'a pas pris forme dans le bureau d'un bureaucrate du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il est le reflet d'audiences parlementaires et de consultations ministérielles qui remontent à près de 40 ans.

Je tiens aussi à vous signaler, monsieur le président, que la nature facultative de ce projet de loi est également conforme aux démarches entreprises depuis 12 ans, en vue de réviser la loi. Si l'on considère, en rétrospective, les principales modifications à la Loi sur les Indiens adoptées pendant cette période, on se rend compte que la plupart donnaient aux Premières nations le choix d'y participer ou non.

Ce fut le cas du projet de loi C-31, en 1985, qui notamment accordait aux bandes l'option de contrôler l'adhésion aux bandes, sans pourtant l'imposer. Ce fut aussi le cas du projet de loi C-115, en 1988, qui donnait aux bandes le choix de percevoir des taxes sur les terres des réserves, sans toutefois insister pour qu'elles le fassent. Certaines Premières nations ont choisi de percevoir des taxes et de contrôler l'adhésion aux bandes, tandis que d'autres ont préféré s'en abstenir.

Je pourrais aussi ajouter que cette façon d'apporter des changements à la Loi sur les Indiens se modèle sur l'approche adoptée dans le cadre du processus de modification facultative de la Loi sur les Indiens, processus qui a été dirigé par les Indiens au début des années 90. On y a proposé des mesures législatives dans plusieurs secteurs, et toujours, comme c'est le cas pour le projet de loi que vous avez devant vous, il était laissé à la discrétion des Premières nations d'appliquer les mesures ou non.

Je répète que le projet de loi présenté à ce comité reflète non seulement les consultations les plus récentes qu'à menées notre gouvernement depuis 1993, mais aussi celles qui se poursuivent depuis des décennies, ainsi que les études réalisées avant que le présent gouvernement n'entre en fonction.

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Et j'insiste - car il arrive qu'on le perde de vue dans le remaniement en cours - il n'y a presque rien dans ce projet de loi qui n'ait déjà été proposé, à un moment ou l'autre, par les Premières nations elles-mêmes, ou qui n'émane de leurs préoccupations ou de leurs plaintes. En fait, certaines suggestions de changements remontent à 1961, comme le prolongement des mandats des chefs et des conseillers et l'abrogation de l'article qui exige que les Premières nations des Prairies obtiennent un permis pour vendre leurs produits agricoles.

Nous ne pouvions plus reporter le moment d'effectuer ces changements. Il était temps d'agir. C'est pourquoi nous avons proposé le projet de loi C-79.

Monsieur le président, une autre inquiétude soulevée en Chambre était que ce projet de loi finirait par créer deux classes chez les Premières nations. Cette conclusion est tout à fait erronée. Nous devons nous souvenir que la Loi sur les Indiens n'a jamais accordé exactement le même traitement à toutes les Premières nations. Par exemple, l'article 32, qui se rapporte à la vente de produits agricoles, ne s'applique qu'aux Premières nations dans les Prairies. Et le gouverneur en conseil a, depuis 1876, le pouvoir d'exempter les Premières nations et les réserves de la plupart des articles de la loi. On n'a qu'à consulter la Gazette du Canada pour découvrir des listes de bandes et de réserves qui sont exemptées de certaines dispositions de la loi actuelle.

La Loi sur les Indiens permet aussi une grande diversité en ce qui concerne le choix, par les bandes, de leur mode de gouvernement. Par exemple, certaines sont assujetties aux articles de la loi qui concernent les élections, tandis que d'autres choisissent leurs dirigeants en s'inspirant des coutumes ou des traditions.

La loi actuelle permet même d'exercer une grande diversité de pouvoirs. Certaines bandes gèrent des terres cédées et des terres de réserves, tandis que d'autres ne le font pas. Et certaines bandes ont assumé le contrôle de leurs propres revenus, tandis que d'autres ont choisi de ne pas s'investir d'un tel pouvoir.

Ce à quoi je veux en venir, monsieur le président, c'est qu'il est faux de prétendre que toutes les Premières nations sont traitées de la même façon en vertu de l'actuelle loi ou que le projet de loi C-79 créera soudain une nouvelle classe distincte. La vérité, c'est que la Loi sur les Indiens prévoit de nombreuses différences et que le projet de loi C-79 n'affecterait en rien cette réalité.

Et permettez-moi de déclarer que cela ne m'apparaît pas comme étant nécessairement négatif. L'une des difficultés que nous avons rencontrées par le passé découlait de tentatives de mettre toutes les Premières nations dans le même moule. La souplesse est le seul moyen de satisfaire les aspirations et les besoins particuliers des bandes. C'est pourquoi nous négocions des ententes d'autonomie gouvernementale qui peuvent s'adapter à la situation particulière de chacune des Premières nations.

Et je tiens à être clair. Je ne prétends nullement que la souplesse de la Loi sur les Indiens et les modifications facultatives qui y ont été apportées depuis 1985 puissent se substituer aux ententes d'autonomie gouvernementale. Ce que je dis, c'est que nous devrons nous contenter de ces modalités jusqu'à ce que les Premières nations puissent remplacer la Loi sur les Indiens dans sa totalité.

Certains députés se sont opposés au projet de loi C-79 parce qu'ils sont d'avis qu'il est paternaliste. Pour ma part, je comprends très difficilement cette objection.

Certes, l'esprit même de la Loi sur les Indiens dans son entier est paternaliste et c'est pourquoi les Premières nations s'efforcent avec tant d'ardeur de la remplacer par des ententes d'autonomie gouvernementale. Mais tant qu'elle demeurera en vigueur, nous devons tenir compte des contraintes qu'elle nous impose. La question qui se pose est la suivante: «Que faisons-nous dans les limites de ces contraintes?». La réponse est que le projet de loi C-79 donnerait aux Premières nations un plus grand contrôle et une plus grande responsabilité dans le contexte de leur mode de vie et de leurs collectivités.

De plus, nous accomplirions cela en réduisant mes pouvoirs à titre de ministre et tout en maintenant les responsabilités particulières qu'assume le gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations.

Examinons les faits. En vertu de l'actuelle Loi sur les Indiens, les pouvoirs du ministre sont définis par 87 dispositions. De ces pouvoirs, 11 seraient abolis en entier ou en partie. Le ministre se verrait accorder six nouveaux pouvoirs mais ce serait principalement aux dépens de ceux du gouverneur en conseil, et non au détriment des Premières nations, et ils sont conçus pour accélérer les processus ainsi que pour augmenter l'efficacité administrative.

Par exemple, en vertu de l'article 53 de la Loi sur les Indiens, c'est le ministre qui décide si une bande doit gérer ses terres cédées ou désignées. En vertu du projet de loi, le ministre, et non pas le gouverneur en conseil, pourra prendre une décision de cet ordre en ce qui concerne les terres des réserves et ce, conformément à l'article 60. Cela accélérera le processus d'approbation, ce qui profitera en définitive aux Premières nations.

En fait, trois des 28 pouvoirs actuellement exercés par le gouverneur en conseil seront transférés au ministre pour réduire les délais et améliorer la prestation des services offerts aux Premières nations.

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Par contre, les bandes à qui la Loi sur les Indiens accorde dix pouvoirs verraient ce nombre presque doubler, car on leur concéderait neuf nouveaux pouvoirs, soit des pouvoirs liés au consentement et des pouvoirs liés à la ratification. Et les conseils de bande, qui peuvent exercer dix pouvoirs liés au consentement et 32 pouvoirs liés à la création de règlements administratifs en vertu de la Loi sur les Indiens, en acquerraient plus de 12 autres.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le président, c'est tout le contraire du paternalisme - il s'agit plutôt du renforcement de l'autonomie. Les Premières nations récupéreront à leur compte un plus grand nombre d'instruments qui leur permettront de gérer leurs propres affaires au quotidien. Et le projet de loi exclut le ministre de certains domaines qui ne devraient pas relever de lui de toute façon.

Permettez-moi de traiter brièvement de certains enjeux qui ont été soulevés dans le contexte du projet de loi C-79. Certains collègues, en particulier nos amis du Bloc, ont prétendu que ce projet de loi va trop loin. D'autres, comme nos amis du NPD, affirment que ce projet de loi n'est pas assez ambitieux.

Permettez-moi simplement de dire à ceux qui prétendent que nous sommes allés trop loin que les modifications proposées sont relativement mineures. Personne ne prétend que ce projet de loi modifierait fondamentalement l'application de la Loi sur les Indiens ni que la vie des Premières nations en serait améliorée de façon remarquable. Nous envisageons son impact avec réalisme et non pas de façon candide. Toutefois, le projet de loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens tient compte de certains aspects de la Loi sur les Indiens qui soulèvent depuis longtemps des préoccupations parmi les Premières nations et il offre une alternative à certaines des dispositions offensantes contenues dans la Loi sur les Indiens. En même temps, il ne perturberait pas la relation particulière qui existe entre le gouvernement du Canada et les Premières nations.

Et enfin, nous devons nous souvenir que l'adhésion à l'ensemble du projet de loi demeurerait facultative. Même s'il était adopté par certaines Premières nations, six de ces dispositions requerraient l'approbation des membres des bandes avant qu'elles puissent s'appliquer.

À ceux qui affirment que nous ne sommes pas allés assez loin, je déclare que je suis du même avis. Je crois que c'est ce qu'a dit M. Erasmus à l'un des rassemblements de l'Assemblée des premières nations. Nous aurions pu et nous aurions dû aller plus loin. Je le crois fermement. C'était possible et nous aurions dû le faire. Il me faut toutefois faire face à la réalité politique que l'on constate parmi les Premières nations. Si nous étions allés plus loin, cela aurait pu compromettre la protection spéciale conférée aux Premières nations par la Loi sur les Indiens et nous détourner de nos efforts de réforme plus généraux.

Et je crois que, pour des raisons d'équité, nous devons examiner la situation dans son ensemble. Il ne s'agit ici que d'une partie d'une vaste gamme de projets qu'a amorcés notre gouvernement afin de rendre justice et dignité aux Premières nations et de leur donner l'occasion de s'épanouir. Qu'il s'agisse de renouveler des traités ou de faire progresser la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Autochtones, ou encore de régler les revendications territoriales, nous travaillons avec ardeur pour en arriver à abolir la Loi sur les Indiens et permettre aux Premières nations de jouir d'un statut de partenaires égaux dans notre grand pays.

C'est là l'objectif de notre gouvernement et nous n'avons aucunement l'intention de nous en éloigner, ne serait-ce que pour un seul jour, une seule heure ou une seule minute.

J'ai écouté avec intérêt il y a deux semaines les observations faites à la Chambre par le député de Yorkton - Melville. Je puis simplement dire que j'espère que celles-ci ne reflètent pas la politique du Parti réformiste. D'après ce que j'ai compris, le député semble croire que ce processus dans son ensemble est une perte de temps et que nous devrions tout simplement abolir la Loi sur les Indiens et intégrer les Premières nations dans le cadre social et politique du Canada. L'assimilation est la réponse qu'il propose.

Sauf le respect que je dois à mes collègues, cette conception fausse l'histoire, porte atteinte à la justice et assure l'inégalité. Je n'ai pas ici le temps de rétablir les faits historiques, mais permettez-moi simplement de rappeler à ceux qui sont de cet avis que notre Constitution réserve une place particulière aux Premières nations et qu'elle impose des responsabilités précises au gouvernement fédéral.

Permettez-moi aussi de leur rappeler que même s'il se peut que les Premières nations souhaitent que la Loi sur les Indiens soit abolie un jour - une telle éventualité ne saurait être envisagée avant que celles-ci ne soient assurées que leur statut constitutionnel particulier bénéficie d'une protection valable et durable. Le jour venu, les Premières nations nous le signifieront.

Le Parti réformiste voudrait que les droits soient abolis sans qu'on apporte de correctif. Il voudrait qu'on ignore les protections constitutionnelles sans garantir la sauvegarde de ces droits de quelque autre façon. Je puis affirmer sans hésitation que le gouvernement et moi-même ne souscrirons jamais à cette approche.

Permettez-moi de traiter brièvement des autres questions qui ont été soulevées au sujet de ce projet de loi. La première question a trait à la possibilité d'adhérer à la nouvelle mesure législative. Le projet de loi exige que, pour qu'une bande puisse se prévaloir des dispositions contenues dans le projet de loi, le conseil de bande tienne une réunion et adopte une résolution officielle à cet effet. Une telle exigence ne vise pas à empêcher les membres des bandes de prendre part à la décision de leurs représentants élus. Cette décision est laissée à la bande elle-même.

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Le fonctionnement de beaucoup de bandes est déjà régi par des procédures qui prévoient la participation de tous les membres de la bande aux décisions du conseil de bande. D'autres bandes pourraient choisir de tenir un référendum ou de solliciter l'avis de leurs membres par des voies plus traditionnelles. Ce projet de loi ne veut en aucune façon dissuader les Premières nations d'adopter la procédure qui leur convient le mieux.

Une Première nation ne peut pas choisir d'adhérer seulement à certaines dispositions de la nouvelle loi et de ne pas souscrire à d'autres mesures prévues par le projet de loi. Une fois qu'une Première nation a adhéré, elle ne saurait revenir en arrière. Ceci étant dit, il importe de rappeler que six dispositions ne s'appliquent pas automatiquement. Il revient aux membres de la bande de décider si celle-ci exercera les pouvoirs conférés par ces dispositions. Le projet de loi ne souscrit à aucune philosophie de type «modèle unique».

Le projet de loi interdirait aussi à une Première Nation de se soustraire à l'application de la loi après y avoir adhéré. Il y a de bonnes raisons à cela. En premier lieu, la Loi sur la modification facultative de l'application de la loi sur les Indiens apporterait des changements dans le domaine des testaments et des successions. Si les bandes pouvaient passer d'un système à l'autre, chacune avec son propre régime, cela nuirait aux droits individuels des membres des Premières nations. Des considérations du même ordre s'appliquent à d'autres domaines, tel que l'octroi et l'enregistrement du droit de passage sur des terres de réserve détenues par des particuliers.

En second lieu, une fois que les Premières nations commencent à participer à des ententes avec d'autres gouvernements ou avec le ministère en vertu d'une disposition précise du projet de loi, il serait à la fois dangereux et irresponsable de leur permettre de se retirer de ce nouveau régime qui, justement, confère les pouvoirs liés à la participation à de telles ententes. Cela introduirait un élément de déstabilisation à l'intérieur de relations commerciales et autres.

Il convient également de rappeler que les Premières nations ne seraient soumises à aucun délai pour décider de leur adhésion ou de leur non-adhésion à la nouvelle mesure législative. Il n'y aurait donc pas lieu de décider à la hâte et on ne forcerait personne à agir contre son gré.

Je tiens à faire une dernière précision sur l'adhésion. La décision de ne pas adhérer à la nouvelle mesure législative n'entraînerait aucune pénalité et l'adhésion ne serait pas récompensée non plus. Ce serait un choix entièrement libre. Il va sans dire que l'adhésion offrirait certains avantages: elle permettrait aux Premières nations de s'affranchir davantage du contrôle du ministre et elle procurerait des pouvoirs accrus dans le domaine de la gestion des ressources et de l'administration des affaires courantes dans les collectivités des Premières nations. Mais j'insiste qu'il n'y aurait aucune obligation de choisir l'une ou l'autre alternative.

Nous sommes convaincus que lorsque les Premières nations auront eu la chance d'évaluer pleinement le projet de loi et de s'interroger sur sa valeur, elles verront les avantages que leur procurera l'adhésion à cette mesure législative et elles y adhéreront.

Enfin, permettez-moi de clarifier certains malentendus qui subsistent encore. D'abord cette mesure législative ne reflète pas et ne fait pas partie intégrante de la réaction du gouvernement au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. J'ai commencé à réfléchir à ce rapport, mais il faudra plus de temps pour en assimiler le contenu et en examiner les nombreuses recommandations. En fait, un comité interministériel composé de hauts fonctionnaires étudie le rapport en détail et en évalue les répercussions sur l'ensemble du gouvernement fédéral en vue de proposer des actions dans plusieurs domaines de la société canadienne dont traite le rapport.

Une autre question qu'il importe de soulever - et il s'agit d'une dimension évidente mais tout de même digne de mention - est que de nombreuses Premières nations n'ont peut-être pas eu l'occasion ou pris le temps d'étudier le projet de loi en détail. Il est inutile de rappeler aux membres de ce comité la complexité de ce projet de loi aux nombreux aspects techniques. Il faudra donc du temps pour le lire et pour en assimiler le contenu. C'est la raison pour laquelle il a été présenté à ce comité avant que l'on procède à une deuxième lecture. Ainsi, vous pourrez l'étudier dans une optique plus vaste, à l'abri des limites qui s'imposent habituellement lors du débat entourant la deuxième lecture et entamer des discussions rationnelles avec des témoins et entre vous en ce qui concerne les nombreuses dispositions de cette nouvelle mesure législative.

Voilà pourquoi il n'y a aucune obligation pour les Premières nations d'adhérer à cette nouvelle mesure. Nous voulons qu'elles l'examinent attentivement et qu'elles y consacrent tout le temps dont elles auront besoin. Je suis convaincu que lorsqu'elles auront fait un tel examen, de très nombreuses Premières nations verront les avantages liés à l'adhésion et qu'elles choisiront de prendre part à ce processus.

Monsieur le président, ce gouvernement a présenté le projet de loi C-79 car il est d'avis qu'il est temps de mettre fin aux débats interminables sur la loi sur les Indiens. Nous convenons tous qu'elle contient des éléments abusifs et inopportuns. Les Premières nations ont trop longtemps subi l'outrage de la loi sur les Indiens. Ce projet de loi tente d'alléger le caractère abusif de la loi d'une façon qui respecte l'équilibre et la responsabilité de chacun.

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Comme je l'ai déjà dit à la Chambre, il a toujours été problématique d'échapper à l'oppression de la loi sur les Indiens car cela signifiait qu'on renonçait aussi à sa protection. Il fallait trouver une nouvelle issue. Une solution qui garantirait les droits des Premières nations et leur offrirait toutes les options.

Le projet de loi résout-il tous nos problèmes? Non. Ces propositions sont-elles modestes? Oui. Mais de petits pas dans la bonne direction valent mieux qu'un immobilisme qui mécontente tout le monde.

Il est de beaucoup préférable, croyons-nous, de donner suite aux plaintes et aux préoccupations exprimées depuis toujours par les Premières nations et de transférer les pouvoirs à ceux qui auraient dû les exercer au départ. Il est de beaucoup préférable de laisser les Premières Nations étudier ces propositions à leur guise, laissant aux collectivités le choix ultime d'y adhérer ou de ne pas le faire et ce, selon le processus propre à chacune d'entre elles.

Monsieur le président, j'ai trop longtemps abusé de la patience du comité. Je vous remercie donc de m'avoir permis de me présenter devant vous. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le vice-président (M. Finlay): Merci, monsieur le ministre. C'est un exposé très complet et très bien structuré, me semble-t-il.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Bachand (Saint-Jean): Pourquoi imposer un projet de loi dont les principaux intéressés ne veulent pas? Cinq cent cinquante communautés sur 610 nous ont écrit et dit qu'elles ne voulaient pas de ce projet de loi. Et vous continuez de toute façon.

J'aimerais faire une courte parenthèse, monsieur le président, sur le paternalisme dont vous parliez plus tôt et dont les députés du Bloc québécois ont bien parlé en Chambre. En quoi votre comportement est-il différent de celui de tous vos prédécesseurs, y compris le ministre des Affaires indiennes d'il y a 100 ans, qui disait aux autochtones qu'il se devait de faire ce qui était bon pour eux et que c'était à lui de décider? En quoi ce comportement a-t-il changé aujourd'hui, lorsque vous dites à 550 communautés autochtones sur 610 que vous savez ce qui est bon pour elles et que vous allez le leur imposer?

Pourquoi imposer un projet de loi dont les intéressés ne veulent pas et pourquoi briser les promesses du Livre rouge? J'ai deux de ces promesses devant moi et je tiens à vous les lire:

Il me semble que cette promesse est brisée avec votre entêtement à continuer malgré l'opposition généralisée. Voici la deuxième chose que j'ai notée dans le Livre rouge:

Je ne suis pas le seul à dire que vous avez brisé les promesses du Livre rouge concernant les autochtones, monsieur le ministre. Même les gens qui ont rédigé le document, dont David Nahwegahbow et Russell Diabo, qui est ici, disent que vous avez brisé ces promesses. Il faudrait nous expliquer pourquoi vous avez fait cela.

Finalement, pourquoi aller à l'encontre de la philosophie actuelle qui s'est très bien dégagée de la Commission royale sur les peuples autochtones? Même le juge Dussault et M. Erasmus, qui comparaissaient devant nous le 11 février, disaient qu'il ne fallait pas aller à l'encontre de la philosophie de la commission, ce que le ministre est en train de faire. Ils affirmaient que le projet de loi C-79 était totalement contraire à leurs recommandations. Je constate que vous êtes à l'envers et à l'encontre de tout ce qui bouge sur la question autochtone au Canada, y compris les principaux intéressés. Je vous demande de tenter de nous expliquer cela.

[Traduction]

M. Irwin: Je répondrai à certaines questions et laisserai M. Shanks répondre aux autres.

Je suppose que vous parlez de ce qu'a déclaré le juge Dussault mais je ne l'ai pas entendu. J'ai entendu M. Erasmus dire à une réunion de l'Assemblée des premières nations que le projet de loi aurait pu aller plus loin. J'en conviens.

M. Shanks vous parlera des consultations mais permettez-moi de vous dire une chose. Il est difficile de savoir exactement combien il y a eu de consultations depuis 20 ans. Je puis toutefois vous dire que depuis 1987, nous avons dépensé 15 millions de dollars en consultations. Nous n'avions en fait rien fait depuis 1951.

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Je pense que ce serait une tragédie - parce qu'il est évident que nous souhaitons une démarche non partisane - de ne rien faire ou de continuer à ne rien faire pour des considérations politiques.

Alors pourquoi le faisons-nous puisqu'il y en a 105 qui n'en veulent pas? À mon avis, il y a probablement une ou deux raisons. D'une part, lorsque beaucoup se sont opposés à ces mesures arguant qu'il leur fallait plus de temps pour examiner la question, le projet de loi était exécutoire. Nous avons changé cela afin qu'il ne soit plus que facultatif. Beaucoup avaient dit qu'ils ne le voulaient pas parce qu'ils pensaient qu'il allait être obligatoire, qu'ils seraient forcés de s'en accommoder. Je ne pense pas que tout le monde ait encore compris que c'est purement facultatif. Il va nous falloir aller leur répéter indéfiniment.

Le Bloc a fait une suggestion. Le député s'est montré un des plus positifs, affirmatif et proactif à la Chambre. Quelles sont ses suggestions sur la loi sur les Indiens? De quoi veut-il se débarrasser? Veut-il que la loi reste inchangée? En fait, aucun parti d'opposition n'a fait de suggestion à ce sujet. Je suis déçu, très franchement, du NPD, qui dit que le projet de loi n'est pas assez ambitieux. C'est une solution de facilité.

J'ai déjà connu cela. J'étais là quand nous avons adopté la Charte des droits. Finalement, le projet de loi C-31 y a été intégré parce qu'aux termes de la Charte des droits, il fallait modifier tous les textes législatifs discriminatoires. Je me rappelle que les gens venaient s'opposer avec véhémence au projet de loi C-31. En fait, si nous n'avions pas agi, il y aurait peut-être beaucoup de chefs indiens au pays, des chefs, des gens en place, qui ne seraient pas là, parce qu'on les considérerait encore comme des Blancs aux termes de notre loi. On s'était terriblement opposé au projet de loi C-31 et à la Charte des droits, mais nous avons tenu bon.

J'étais là quand nous avons adopté la Charte des droits et mis le terme «autochtone» dans la Constitution et que beaucoup s'y opposaient. Nous y avons passé neuf mois. Maintenant, tout le monde loue la Constitution et dit que c'est magnifique. Nous étions tous là lorsque nous avons fait adopter la notion de droit inhérent. Vous vous rappelez l'opposition qu'il y avait? Et maintenant on l'accepte. Nous avons ainsi des choses comme le terme autochtone dans la Constitution et le droit inhérent qui sont maintenant acceptés. Un jour on acceptera probablement esprit ou intention du traité.

J'ai vu trop de politiques et trop de fonctionnaires atteindre un certain point pour tout d'un coup s'immobiliser pour une raison ou une autre - ne plus bouger. Ceux qui sont restés là sans aller plus loin pour remédier aux injustices de notre système n'ont pas répondu à leur vocation ni de bureaucrate ni de politique. Ceux qui ont dit cela fait partie de la démocratie, fait partie du débat, et qui malgré l'opposition ont décidé d'agir, ceux-là sont ceux qui s'acquittent de leur rôle.

Voilà la raison pour laquelle nous avons décidé d'agir parce que c'est la chose à faire. En tant que ministre et en tant que Canadien, j'en ai assez d'entendre parler de l'asservissement et des chaînes de la Loi sur les Indiens par des gens qui reconnaissent cette réalité mais qui se refusent à agir.

Pour ce qui est des consultations, peut-être que M. Shanks pourrait répondre.

M. Gordon Shanks (sous-ministre adjoint, Politiques et orientations stratégiques, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci, monsieur le ministre.

Je vais vous retracer le processus de consultation qui a commencé, il y a environ deux ans et demi. Plus précisément, le 14 novembre 1994, lorsque le ministre Irwin a écrit au chef national de l'Assemblée des premières nations pour lui demander l'avis de cette assemblée face à une réforme de la Loi sur les Indiens. La réponse n'est pas venue.

Le 28 février 1995, le ministre a à nouveau écrit à M. Mercredi pour répéter sa demande et n'a toujours pas reçu de réponse.

En mars 1995, le ministre a publiquement parlé de modifier la Loi sur les Indiens lors d'une réunion des chefs de l'Alberta. Suite à quoi, le 4 avril 1995, il a écrit à tous les chefs et membres des conseils ainsi qu'à toutes les organisations des Premières nations du pays pour leur demander de lui soumettre des propositions spécifiques d'amendement à la Loi sur les Indiens. Il a bien précisé que ces propositions ne devaient pas toucher aux droits autochtones ou aux droits issus de traités ni modifier la relation fiduciaire du gouvernement fédéral vis-a-vis des Premières nations ni encore contenir des éléments controversés tels que les questions fiscales, le statut d'Indien et l'appartenance à des bandes ou encore avoir des répercussions sur l'obligation de la Couronne concernant la protection des terres constituées en réserves. Il s'agissait alors d'essayer de trouver les articles de la Loi sur les Indiens les plus inoffensifs et les plus odieux.

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Le 8 mai 1995, le ministre a rencontré le chef national Mercredi afin d'essayer de constituer un groupe de travail avec l'Assemblée des premières nations pour collaborer avec les fonctionnaires d'Affaires indiennes à l'examen des modifications qui seraient proposées. L'Assemblée des premières nations n'a pas répondu à cette demande.

Dans l'intervalle, les bureaux régionaux du ministère des Affaires indiennes ont pris contact avec chacune des Premières nations du pays afin de s'assurer qu'elles avaient reçu la lettre du 4 avril du ministre demandant leur participation. On leur a également dit que nous répondrions à toute demande de renseignement et qu'elles pouvaient communiquer directement au ministre leurs commentaires ou suggestions. Dans certains cas, des réunions ont eu lieu entre les Premières nations et les fonctionnaires régionaux.

Un numéro 1-800 a été installé au ministère des Affaires indiennes de telle sorte que quiconque avait des questions à poser sur le projet puisse obtenir une réponse rapide. Ce numéro a été annoncé très largement dans les médias autochtones. Le personnel du ministère a répondu à la plupart des demandes de renseignements au téléphone mais, dans certains cas, il est également adressé aux Premières nations une correspondance.

Au premier juillet 1995, 61 réponses représentant 214 Premières nations avaient été reçues. Plus de 75 p. 100 des réponses préconisaient une réforme progressive de la Loi sur les Indiens et moins de 10 p. 100 s'y opposaient, les autres demandaient plus de temps pour répondre à la proposition.

Le 1er septembre 1995, le ministre a écrit à nouveau au chef national Mercredi pour répéter l'offre de travailler avec l'Assemblée des premières nations au projet d'amendement et, encore une fois, l'Assemblée n'a pas répondu.

Le même mois, une liste de changements suggérés reçue des Premières nations, plus d'autres qui avaient été soumis au cours des années ou qui avaient souvent été suggérés aux fonctionnaires du ministère au cours de leurs activités journalières, fut envoyée par le ministre, à nouveau, à tous les chefs et membres de conseils ainsi qu'aux organisations des Premières nations du pays. Là encore, les fonctionnaires régionaux ont pris ensuite directement contact avec toutes les Premières nations et leur ont offert des consultations directes et une réponse à toutes leurs questions. Nous avons reçu d'autres suggestions et celles-ci furent analysées.

Le 7 mars 1996, le sous-ministre des Affaires indiennes eut une rencontre avec le chef national Mercredi pour discuter de la participation de l'Assemblée des premières nations à ce projet. Il fut alors convenu de mettre sur pied un processus de coopération.

Le 22 avril 1996, le sous-ministre a écrit à M. Mercredi pour lui demander une rencontre afin de mettre au point un plan mutuel de travail. L'Assemblée des premières nations a indiqué qu'elle avait embauché du personnel pour examiner l'ensemble des amendements.

En avril 1996, le sous-ministre et le chef national Mercredi ont décidé qu'on constituerait un forum, composé de certains chefs qui étaient favorables aux amendements et d'autres qui s'y opposaient. Le chef national Mercredi souhaitait alors constituer un comité équilibré. Un fonctionnaire fédéral a été invité à travailler avec ce comité. Le travail du comité devait être terminé pour l'assemblée générale de l'Assemblée des premières nations en juillet de la même année.

Du fait des consultations constantes et des analyses effectuées par le ministère, d'autres amendements ont été proposés et un certain nombre furent abandonnés, afin de répondre aux préoccupations soulevées par les Premières nations. Le ministre a envoyé une série de propositions d'amendements révisées aux Premières nations et à leurs organisations, accompagnée d'une troisième lettre le 4 juin 1996.

Un fonctionnaire a été invité à faire un exposé sur les amendements à la Loi sur les Indiens à l'assemblée annuelle de l'Assemblée des premières nations. Toutefois, ceci ne se fit pas. Le ministre a comparu et s'est adressé à l'assemblée en abordant tout un éventail de questions.

Le 10 juillet 1996, l'Assemblée des premières nations a adopté une résolution rejetant les amendements proposés et le processus de consultation suivi.

En septembre 1996, le ministre a à nouveau écrit à tous les chefs et aux organisations en leur fournissant une version rédigée en langage courant - c'est-à-dire une explication en langage courant plutôt que juridique des changements proposés. Conformément à l'engagement qui avait été pris d'éviter toute répercussion fondamentale sur la relation fiduciaire plus large entre l'État et les Premières nations, les propositions portaient essentiellement sur une simplification des procédures, un plus grand contrôle local, l'abrogation d'articles inutilisés de la loi et l'encouragement au développement économique dans les réserves indiennes.

Le 20 septembre 1996, le ministre a écrit à M. Mercredi, en acceptant une invitation de discuter des amendements dans «une optique de consensus» à l'assemblée spéciale de l'Assemblée des premières nations à Winnipeg. Le ministre a fait un exposé pour expliquer les amendements proposés. La réunion a duré toute une journée. À cette même réunion, l'Assemblée des premières nations a adopté une résolution réaffirmant son opposition aux amendements et au processus.

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Dans les activités courantes et les nombreuses réunions que le ministre et les fonctionnaires avaient avec les chefs, le ministre avait reçu de nombreuses demandes et suggestions concernant des modifications à la loi. Il a profité de ces occasions pour consulter les chefs sur les différentes propositions.

Voilà, monsieur Bachand, en quoi a consulté le processus de consultation au cours des deux dernières années.

Le vice-président (M. Finlay): Merci beaucoup.

Y a-t-il des questions? Monsieur Duncan.

M. Duncan (North Island - Powell River): Merci beaucoup, monsieur le président, monsieur le ministre et merci à vos collaborateurs.

Les textes que nous avons, le projet de loi, ne portent pas vraiment sur ce qui me semble être les trois éléments clé: les dispositions concernant la démocratie, les dispositions touchant l'imputabilité financière et l'établissement de mécanismes d'appel indépendants. Actuellement, en effet, tout appel aux termes de la Loi sur les Indiens n'entraîne pas de procédure indépendante de la bande ou du ministre.

Ce sont donc là trois tests décisifs qui semblent s'imposer à toute mesure législative traitant de la façon dont les Affaires indiennes fonctionne actuellement au Canada. Voilà pour commencer.

Deuxièmement, cela sent les élections. Je ne répondrai pas aux commentaires provocants sur la politique réformiste contenus dans l'exposé du ministre.

Quant aux éléments mêmes du projet de loi, il y a un article sur la vente des produits agricoles. Il y a actuellement certaines affaires devant les tribunaux concernant la compétence de la Commission canadienne du blé en ce qui concerne la vente de produits agricoles des Prairies et de leur transport au-delà des frontières internationales. Cela touche des Autochtones, mais il y en a aussi, évidemment, qui touchent les non Autochtones.

J'aimerais comprendre comment le ministère des Affaires indiennes aborde cette question de compétence dans le projet de loi. Il me semble que vous risquez de créer là un gros problème pour le ministère de la Justice. Je suppose simplement que ce ministère vous a donné un avis sur la question, mais j'aimerais bien savoir ce qu'il en est.

Pour ce qui est de l'article sur les routes et les ponts et du fait que le ministre n'aurait plus compétence en matière d'entretien et de réparations ou de remplacement des routes et des ponts, je ne pense pas que les responsabilités soient clairement définies. Si le ministère se décharge de cette responsabilité et que le ministre s'en décharge aussi, il faudrait que des responsabilités semblables reviennent à la bande. Certes, les bandes sont essentiellement encore «imperméables à toute poursuite» aux termes de ce projet de loi.

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Je répète que je voudrais des précisions du ministère de la Justice sur la façon dont pourraient s'appliquer ces nouvelles dispositions.

Une question plus vaste liée au projet de loi est celle de savoir s'il est contestable ou non. Je ne connais pas de semblable précédent législatif. Je n'ai d'ailleurs pas tellement étudié la question.

Y a-t-il des précédents au palier fédéral, de lois dont l'application seraient facultatives? Si c'est le seul cas de loi parallèle, qu'est-ce qui nous dit que ce ne sera pas contesté aux termes de la Constitution, de la Charte ou d'autre chose? J'aimerais également avoir une explication à ce sujet.

Ce sera ma dernière question pour le premier tour, monsieur le président.

M. Irwin: Pour ce qui est des produits agricoles, nous avons toujours dit - et je crois que c'est ce que la loi stipule - que la Commission du blé avait préséance sur tout ce que nous faisons ici. D'une part, il s'agit de ventes internationales. À l'heure actuelle, la loi stipule que les Autochtones ne peuvent même pas vendre leur blé en dehors de leur réserve sans mon approbation. Or je n'exerce pas ce pouvoir. Je ne le fais tout simplement pas. Je ne savais même pas que je l'avais.

Pour les routes et les ponts dans les réserves, nous négocions les budgets mais, là encore, à ma connaissance, on ne m'a jamais demandé d'aller décider quoi que ce soit à propos d'une route ou d'un pont. Cela fait partie de leur responsabilité, c'est à eux de décider des routes et des ponts qui sont nécessaires. C'est un de ces articles que l'on n'utilise tout simplement pas et qu'on ne devrait pas utiliser.

M. Duncan a dit quelque chose d'intéressant à propos d'un pouvoir indépendant. Lorsque nous avons entamé ce processus, j'espérais que davantage de pouvoirs pourraient être dévolus, retirés à mon ministère et confiés à un tribunal indépendant. Pensons par exemple aux élections. Beaucoup de ces appels consistent à ce que le perdant fasse appel parce qu'un non-résidant a voté ou pour une autre raison. On blâme alors la loi sur les Indiens, ou moi-même, alors que je ne sais même pas ce qui s'est passé à l'occasion de ces élections.

Je sais qu'à un moment la Saskatchewan était prête à s'occuper de cela et à confier l'affaire à un organisme provincial, avec des anciens, etc. Une décision d'un organisme semblable aurait beaucoup plus de poids, me semble-t-il, qu'une décision venant de moi et cela devrait poser moins de problèmes pour les élections.

Pour ce qui est des questions financières et de l'imputabilité, ce n'est pas prévu dans la Loi sur les Indiens, mais nous essayons, avec difficulté, d'établir des mécanismes en ce sens depuis deux ou trois ans. Par exemple, la Commission consultative de la fiscalité indienne a établi des critères qui ressemblent beaucoup à ceux qu'appliquent la plupart des provinces. En cas de conflit, la personne ne peut pas voter ou participer à la discussion et peut être démise de ses fonctions si elle le fait. C'est la même chose que pour les conseils non autochtones ou les conseils municipaux. En cas de litige, des règles très simples s'appliquent. Il faut rester à l'écart de la discussion, sinon on peut être démis de ses fonctions. J'espère que ces règles relatives aux conflits s'appliqueront un jour à la plupart des mécanismes.

Relativement à la reddition de comptes pour les questions financières, nous n'avons aucun problème pour 80 p. 100 des quelque 600 Premières nations. Elles rendent compte de leur budget dans les délais prévus. Nous avons des systèmes de gestion ou d'autres mécanismes du même genre dans le cas d'environ 75 p. 100 des 20 p. 100 restants. Il n'y en a que quelques-unes, et ce sont d'habitude les mêmes que je commence à connaître, qui éprouvent les mêmes problèmes financiers chaque année. S'il s'agit de l'argent des impôts, le processus doit être ouvert. Il doit y avoir reddition de comptes.

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Je n'ai pas compris la question au sujet de la démocratie, monsieur Duncan. Vous pourriez peut-être la répéter.

Pour ce qui est de la participation, comme l'a dit M. Shanks:

(p. 5) pour régir l'administration financière de la bande et l'imputabilité du chef et des conseillers de la bande aux membres de la bande.

Ce sont les dispositions réglementaires. Le chef et les conseillers pourront établir des règlements administratifs.

M. Al Broughton (conseiller juridique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je voudrais dire tout d'abord qu'à titre de représentant du ministère de la Justice, je ne suis pas en mesure de fournir des avis juridiques au comité. Par ailleurs, relativement à vos questions quant à l'application facultative de la loi, compte tenu de la Charte des droits et de la possibilité de contestation devant les tribunaux, il faut tenir compte surtout de la nature facultative du projet de loi.

Comme vous le dites, il peut y avoir des différences entre la façon dont certaines Premières nations et d'autres sont traitées, mais cette différence de traitement viendrait du fait que ces Premières nations ont décidé que la loi s'appliquerait à leur bande. C'est une chose dont il faut tenir compte pour voir comment la Charte s'applique en la matière.

Je ne peux pas vraiment vous donner d'avis juridique à ce sujet, mais je pense que c'est ce que nous essayerions de déterminer. La Charte ne pose donc pas de difficultés pour moi.

Si je peux revenir un instant à la question sur les routes et les ponts, on a parlé d'une obligation possible. Les tribunaux ont déjà statué que le gouvernement fédéral n'était pas responsable des routes et des ponts sur les réserves dans au moins un cas, le cas de Brick Cartage, je pense. Je ne pense donc pas que l'abrogation de l'article 34 aux fins des bandes qui décident que la loi s'appliquera à elles ait des conséquences sur les obligations du gouvernement fédéral à l'égard des routes et des ponts sur les réserves.

M. Duncan: Le projet de loi n'est cependant pas très clair relativement à ce changement pour ce qui est de transférer l'obligation aux bandes.

M. Broughton: Non, vous avez raison.

M. Duncan: Il crée donc un vide absolu et total.

M. Broughton: Il n'y a aucune mention explicite d'obligation dans cette disposition. Si je ne m'abuse, la loi actuelle contient quelque chose dans les dispositions relatives aux règlements administratifs pour préciser que les Premières nations ont le pouvoir d'adopter des lois relatives à la voirie, aux ponts et aux routes.

M. Duncan: Mais elles sont à l'abri de poursuites.

M. Broughton: Elles sont protégées en effet par l'exemption prévue à l'article 89 de la loi.

M. Duncan: Est-ce que cela n'inquiète pas le ministère de la Justice de savoir que, dans certaines parties du Canada où il y a des routes et des ponts, s'il y a un problème quant à la possibilité pour le public de s'en servir, personne n'est clairement responsable? Est-ce que cela n'inquiète pas le ministère de la Justice?

M. Broughton: Tout d'abord, je ne pense pas pouvoir m'intéresser aux autres possibilités pour lesquelles on pourrait opter dans une telle situation. Selon les lois du Canada, quelqu'un serait ultimement responsable dans un cas comme celui que vous mentionnez. Il ne s'agit pas de savoir si l'on peut intenter des poursuites et obtenir gain de cause. Si je ne m'abuse, la question que vous posez se rapporte à l'article 89 qui prévoit une exemption dans le cas d'une saisie. À cause de cette exemption, il peut être difficile, mais non impossible, d'appliquer une décision du tribunal.

M. Duncan: Puis-je revenir à une de vos réponses précédentes? Je sais que j'ai dépassé mon temps de parole.

Le vice-président (M. Finlay): Vous avez raison, mais seulement pour une question. Le ministre vous a aussi posé une question.

M. Duncan: Je ne m'étais pas rendu compte immédiatement que nous avions, parmi nos témoins, un représentant du ministère de la Justice. Relativement à la réponse que j'ai obtenue au sujet de la Commission canadienne du blé, un procès a été intenté par des Indiens qui exportent leurs produits vers les États-Unis à partir de l'Alberta, sans avoir de permis de la Commission canadienne du blé parce qu'ils affirment que la Commission du blé n'a pas compétence à leur endroit.

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La position de la Commission canadienne du blé n'est pas claire du tout. Je ne veux pas défendre la commission, mais si nous voulons modifier une loi, ne voulons-nous pas éliminer les ambiguïtés? Le projet de loi fait-il la lumière sur cette question d'après vous?

M. Broughton: Non, je ne pense pas qu'il jette la lumière là-dessus. Comme vous l'avez dit, c'est une question qui a été portée devant les tribunaux. Le membre de la Première nation en cause dans le procès a justement invoqué cette disposition de la loi pour sa défense, si je ne m'abuse. C'est donc une question sur laquelle je ne pense pas pouvoir vous fournir d'opinion juridique. La disposition en question dans le projet de loi, qui peut être abrogée, si la Première nation en fait le choix, est celle qui a été invoquée pour la défense du membre de la Première nation en question.

Le vice-président (M. Finlay): Y a-t-il des questions du côté de la majorité? Monsieur Nault.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'assister à une autre réunion du comité et d'entendre personnellement ce que le ministre a à dire.

D'abord, monsieur le ministre, je voudrais me pencher sur la question principale. Il importe de le faire selon moi. Je peux vous dire qu'à titre de représentant de 51 Premières nations, plus que n'importe quel autre député dans cette pièce ou même au Canada, je pense, comme vous le savez très bien, que je suis moi-même militant dans une certaine mesure auprès des Premières nations que je représente.

J'ai déjà passé un certain temps à leur expliquer le projet de loi de façon détaillée. Il n'y a pas tellement longtemps, j'ai passé quelques jours dans le Nord pendant le congé parlementaire à visiter diverses localités dans de petits avions nolisés pour savoir ce que pensent les gens. J'ai un peu de mal à suivre certaines des questions des députés d'en face simplement parce qu'ils semblent dire que presque toutes les Premières nations s'opposent à cette mesure. Ce n'est pas le cas.

Je peux vous dire que les Premières nations du Traité 3 n'ont pas de position à ce sujet, parce qu'elles ont entamé des négociations sur la politique du droit inhérent et qu'elles considèrent que ces négociations les excluent de la mesure. Elles sont très enthousiastes au sujet de cette initiative.

J'ai parlé à un certain nombre de Premières nations du Traité 9, et j'ai discuté personnellement avec leurs chefs, qui m'ont dit à peu près la même chose: ce serait d'après eux, une très bonne façon d'améliorer la Loi sur les Indiens que de permettre aux bandes de décider si elle s'appliquera à elle ou non.

Vu que mes propres impressions ne correspondent pas à celles d'autres personnes ou du grand chef lui-même, je voulais vous poser une question à propos d'une chose qui est bien évidente. Si les Premières nations s'opposaient tellement à ce projet de loi, vu votre dossier et tout le bien que vous avez fait pour les Premières nations depuis votre nomination, pourquoi risqueriez-vous de tout compromettre en présentant une mesure qui va tout à fait à l'encontre de vos réalisations passées? Le plus facile pour vous serait simplement de tout laisser tomber.

Je pense qu'il importe de faire la lumière là-dessus. Si je demandais à chaque chef que j'ai rencontré pendant mes déplacements au Canada ce qu'ils pensaient de vous comme ministre, ils répondraient que vous avez probablement fait plus pour faire progresser leurs revendications que n'importe quel autre ministre de récente mémoire. Il importe que nous sachions pourquoi vous risqueriez votre réputation si vous pensiez qu'il y avait tellement d'opposition au projet de loi de la part des Premières nations.

M. Irwin: Je n'aime pas l'admettre, mais je dois moi aussi prendre des décisions politiques de temps à autre.

Nous sommes arrivés à un point où il y avait essentiellement trois groupes. Il y avait un groupe de chefs qui avaient les compétences, les moyens et la détermination nécessaires pour mener leur peuple jusqu'au siècle prochain. Ensuite, il y avait un groupe important qui n'avait pas toutes les compétences voulues, mais qui en savait assez pour se rendre compte qui pouvait accomplir des progrès, des gens comme Matthew Coon Come, Joe Norton, Joe Gosnell, Charlie Fox et Eli Mandamin, et qui étaient prêts à les suivre. Ensuite, il y avait un autre groupe dont les idées étaient restées attachées au passé. Ils s'accrochaient à la Loi sur les Indiens comme certains s'accrochent aux Plaines d'Abraham. C'est un sentiment qui existe et qui est bien évident.

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Il y avait ensuite un groupe important de bureaucrates et moi-même et, à un moment donné, nous nous sommes demandé si le jeu en valait la chandelle. Posez-vous la question vous-même. Certains pouvoirs seront transférés aux bandes et elles deviendront maîtres de leur propre destin. À ce moment-là, nous hésitions encore.

Il y avait aussi une femme mohawk appelée Roseanne Morris qui ne disait pas grand-chose. Quand tout le monde a été parti, je lui ai demandé ce qu'elle pensait. Elle m'a dit qu'il fallait aller de l'avant, même s'il y avait de l'opposition, parce que sinon - et le gouvernement n'avait rien fait du tout depuis 1961 - aucun autre ministre et aucun ministère ne serait prêt à le faire plus tard. Je me suis dit qu'elle avait raison et qu'il fallait aller de l'avant. Je me suis donc décidé grâce à cette femme.

Le vice-président (M. Finlay): Monsieur Nault.

M. Nault: Monsieur le président, je voudrais parler un peu de la question des consultations. J'ai moi-même constaté que les consultations avec les Premières nations sont très différentes des consultations avec des groupes non autochtones. Elles prennent parfois plus de temps et il faut tenir compte de certaines questions culturelles importantes lorsqu'on consulte les Premières nations.

J'essaie de comprendre un peu pourquoi on vous critique tellement au sujet du processus consultatif. Je sais que vous avez envoyé des lettres à toutes les Premières nations parce que j'en ai reçu copie. Je sais que ces consultations ont été entamées il y a quelques années, depuis l'arrivée au pouvoir de notre parti, ce qui ne date pas d'hier. Je sais que l'on discute de tout cela depuis déjà quelques années et pas seulement depuis quelques mois.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'on semble croire qu'il n'y a pas eu de consultations. C'est du moins ce que l'organisme national essaie de dire. Pourtant, quand M. Shanks a lu la liste chronologique de toutes les discussions, de toutes les rencontres et de toutes les façons dont votre ministère et l'Assemblée des premières nations auraient pu négocier, il me semble que les choses ne sont pas aussi simples qu'elles le paraissent.

Vous n'étiez pas vous-même député pendant les discussions sur l'Accord de Charlottetown. Vous vous rappellerez cependant que le grand chef actuel avait participé activement à ces négociations. On avait dépensé beaucoup d'argent, des millions de dollars, dans les communautés autochtones pour la consultation relative à l'Accord de Charlottetown. On m'avait dit à l'époque aussi qu'il n'y avait pas eu de consultations et que le grand chef avait été avisé que le processus n'était pas légitime. Si vous vous rappelez bien, la majorité des Premières nations avait voté contre l'accord. À l'époque, on avait beaucoup parlé du manque de consultations.

Si possible, je voudrais que vous me disiez ce qui serait selon vous, la consultation ultime sur le plan politique. Je voudrais savoir combien d'argent on a dépensé jusqu'ici sur ce plan-là. Je pose la question parce que je viens de l'Ontario où il n'y a pas du tout de consultations avec le gouvernement provincial. Comme vous le savez, le premier ministre de l'Ontario ne croit pas dans la consultation. Il se contente de dire: voilà ce que j'avais dit pendant la campagne électorale et voilà ce que nous allons faire. Pour ma part, il me semble qu'on peut consulter au point de faire traîner les choses tellement en longueur que rien ne se fait. Tôt ou tard, il faut prendre une décision politique.

Je voudrais savoir, si, d'après vous, on aurait dû agir différemment, combien d'argent on a dépensé et ce que vous pensez du processus consultatif une fois que notre comité aura entendu...

Si je peux glisser une autre question au ministre, c'est celle-ci. Pensez-vous que les Premières nations vont proposer d'autres changements aux modifications déjà prévues ou bien va-t-on faire exactement le contraire? Selon vous, le comité risque-t-il de retirer certains amendements que vous avez proposés parce qu'il craint qu'il n'y aira pas suffisamment de temps pour les consultations à cause des mécanismes de consultation tout à fait particuliers auxquels s'attendent les Premières nations?

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M. Irwin: Relativement aux consultations, le projet de loi est assez simple. En plus des consultations que nous avons effectuées par correspondance au sujet du mandat de trois ans, la plupart des chefs... environ la moitié des bandes fonctionne selon les règles coutumières. La plupart des conseils ont des mandats de trois ans. Les autres ont des mandats de deux ans et disent que ce n'est pas assez long, que la bande obtient une bonne administration pendant seulement un an puisqu'il faut six mois pour qu'un nouveau membre s'habitue aux méthodes d'administration et six mois pour les élections. Les membres de la bande n'aiment pas non plus l'idée d'un mandat de quatre ans, alors que bon nombre des chefs le réclamaient. J'ai dit que nous pouvions les convaincre d'accepter des mandats de trois ans comme c'est le cas des conseils municipaux de l'Ontario et comme cela se fait selon les coutumes des bandes.

En plus des consultations, vu que c'est une question dont je m'occupe tous les jours, nous avons en Saskatchewan 1 million d'acres de terre qui ont été rachetées depuis 10 ans et qui n'avaient pas encore été cédées aux bandes indiennes selon les traités. Ces terres devraient être transférées aux bandes, mais elles ne peuvent pas l'être à cause d'intérêts de tierces parties. N'importe quoi peut représenter un intérêt de tierce partie. Une ligne de piégeage peut être un intérêt de tierce partie. Cela veut dire qu'on paye deux fois ou trois fois la valeur d'une terre, si les gens savent qu'il faut racheter leur intérêt avant de transférer les terres. Cela exerce des pressions sur les gouvernements et sur les chefs. Les bandes voudraient donc que les terres soient transférées, sous réserve des intérêts des tierces parties, et quand elles deviennent disponibles sur le marché, nous les achetons.

La principale disposition qui stipule que le chef doit être membre de la bande a causé des problèmes dans votre circonscription, je pense, dans le cas d'une petite bande dont le chef est une femme blanche. Quel est le nom de cette bande? J'ai oublié.

M. Nault: Les Washagamis.

M. Irwin: Oui. Une femme blanche est chef d'une petite bande. Ce n'est même pas de sa faute. Elle était administratrice de la bande et les membres de la bande voulaient qu'elle soit chef. Il y a un chef et seulement deux conseillers. De façon générale, les Premières nations du Canada, ne veulent pas, par principe, que le chef d'une bande soit blanc, même si c'est maintenant permis. J'ai moi-même été proposé comme chef de la bande de Batchewana. Si j'avais laissé mon nom sur la liste électorale, j'aurais remporté l'élection simplement à cause des votes de protestation parce qu'il ne fallait que 90 voix pour gagner.

Maintenant, pour ce qui est de la disposition relative aux entrées non autorisées, vous vous rappellerez que, plus tôt sous le gouvernement actuel, le Parti réformiste avait posé plusieurs questions tout à fait légitimes à ce sujet, à cause de ce qui était arrivé à la bande indienne de Stoney en l'Alberta, où on avait abattu des arbres d'une valeur d'environ 30 millions de dollars, même si personne n'a pu déterminer exactement la valeur de ce bois, sur les trois réserves des Indiens Stoney. J'avais dit que les bandes devraient intenter des poursuites pour toute entrée non autorisée. Les bandes avaient répondu que l'amende pour l'entrée non autorisée était de 50 $. Nous avons relevé l'amende à 5 000 $ et nous devrions l'augmenter jusqu'au maximum de 100 000 $.

M. Shanks: Pour les forêts, ce serait la valeur de la perte.

M. Irwin: Oui, en effet, vous avez raison, 5000 $ plus la valeur de la perte, à chaque fois.

Quant aux successions, c'était plutôt évident, car rien n'est prévu pour les successions, sauf quelques petits éléments concernant la préférence de l'épouse, celle du conjoint, que nous avons fait intervenir en 1988 - mais il n'y a pas grand-chose. Ainsi, les intestats constituent un problème assez épineux.

Quant à ce qu'ils pourraient faire face à leurs règlements intérieurs pour ce qui est de légiférer sur les terres et l'environnement, il faut bien dire que ce projet de loi sur la gestion des terres que vous avez sous les yeux accomplit déjà bien des choses, et encore plus en profondeur. S'ils le souhaitent, le processus prévu ici est plus expéditif.

À la suite des consultations, nous avons supprimé toute allusion aux hypothèques. Dans la première ébauche, il n'était question que des hypothèques sur biens meubles. On nous a dit que cela ouvrait la porte aux hypothèques sur les franches tenures. Nous les avons donc supprimées. Dans les ébauches préliminaires, il était prévu un système d'enregistrement des titres de propriété, ce qui coûte cher. Ils nous ont dit qu'ils n'en voulaient pas, que c'était une méthode de blanc, de sorte que nous l'avons supprimée.

Après avoir consulté Phil Fontaine du Manitoba et Blaine Favel de la Saskatchewan - surtout les gens de la Saskatchewan - nous avons prévu un article. On nous demandait un article sur la non-dérogation: que dans cette loi, rien ne porte atteinte aux traités, aux droits acquis ou ancestraux. Au bout du compte, encore à cause de M. Fontaine et Favel, nous avons accepté que tout cela soit facultatif.

Les consultations se déroulaient presque quotidiennement au moment même ou les lettres étaient envoyées. Le chef national, à la vérité, a gaspillé deux ans. Il avait l'occasion de bâtir l'avenir de son peuple mais il a choisi d'en faire son baroud d'honneur. Il a gaspillé à vrai dire six ans mais surtout les deux dernières années. C'est lui qui l'a voulu et pas moi. Il ne m'appartient pas d'interpréter ce qu'il fait.

C'est à peut près tout.

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Le vice-président (M. Finlay): Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Anawak.

M. Anawak: Merci.

Je sais que pour la consultation, on envoyait des lettres à chacune de bandes. Comme mon collègue l'a signalé tout à l'heure, la consultation aurait pu se faire d'une toute autre façon, les peuples autochtones donnant au processus de consultation une interprétation qui peut être très différente de celle des autres, comme on a pu le découvrir récemment dans l'est de l'Arctique.

Je me demande si une majorité des bandes s'est déclarée contre le projet de loi. Y a-t-il quelque chose qui porte à croire qu'il y a une différence entre ce que dit l'APN et ce que disent les gens? C'est à cela que je songe quand je parle des consultations. Quant à moi, je ne crois pas automatiquement l'APN quand elle dit que tout le monde est contre. Voilà pourquoi j'aimerais savoir quelle proportion des gens est contre ce projet de loi. En a-t-on une petite idée?

M. Irwin: C'est une question difficile. Je vais vous expliquer pourquoi. Les chefs veulent qu'on leur laisse le champ libre. En même temps, ils veulent appuyer l'APN. Le chef national leur a exposé les choses un peu à la façon dont vous l'avez fait, les exhortant à appuyer l'APN. Je comprends la difficulté ici. Il faut que les chefs appuient l'APN mais en même temps ils veulent mener leurs propres affaires, avoir le champ libre.

Je n'ai même pas pu... Je reviens sur ce que M. Shanks disait. Dans ma première lettre adressée à M. Mercredi, je lui disais que les chefs demandaient ce prolongement et à mon tour je lui demandais de faire un sondage auprès des chefs et de me faire savoir - une simple modification à la loi, prévoyant jusqu'à trois ans, par exemple. C'était il y a plus de deux ans et il ne s'est même pas donné le mal de me répondre. Je lui demandais de se renseigner auprès des chefs et de me faire connaître la réponse.

Je ne peux pas vous dire quelle proportion. C'est avec le temps que nous le saurons. Une fois qu'on aura eu l'occasion d'y réfléchir... Personne n'est forcé d'y adhérer et il n'y a pas de limite de temps. Certains peuvent hésiter à y adhérer de crainte de couper l'herbe sous le pied de l'APN. C'est possible. Certains peuvent décider d'y adhérer car... Je pense qu'en Saskatchewan en particulier, ils voudront procéder à ce transfert d'un million d'acres de terre. Cet article est tout à leur avantage.

M. Anawak: Ce que le chef de l'Assemblée des premières nations dit m'importe peu; ce qui compte pour moi c'est ce que disent les gens. Je comprends que quand on perd son auditoire, on réagit en se levant de sa chaise et en criant le plus fort possible.

Je ne peux m'empêcher de penser que si les dispositions du projet de loi étaient expliquées aux gens qu'il vise et que ces dernières effectivement suppriment des restrictions imposées par d'autres lois, pourquoi y aurait-il...? Je peux comprendre que l'on soit contre le projet de loi quand on ne le comprend pas. Pourquoi essaierait-on de retarder l'adoption du projet de loi qui n'aura pas nécessairement une incidence négative et pourrait très bien en avoir une positive?

M. Irwin: Je crois qu'il appartient à chaque chef de se prononcer là-dessus. Si les choses suivent leur cours, si le projet de loi est adopté mais qu'il est bloqué au Sénat ou encore que les chefs ou le chef national s'y oppose, il appartiendra aux responsables d'expliquer à leurs petits-enfants pourquoi ils ont dit non quand on leur a donné la chance de se prendre en charge alors que le gouvernement était prêt à agir.

La conscience du gouvernement va être tranquille. Nous disons que ceux qui veulent se dégager de la loi peuvent se prévaloir de propositions que nous rendons facultatives. La décision appartient à chacun. Chacun devra s'expliquer devant ses petits-enfants.

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Monsieur Anawak, c'est en dépit du bon sens. C'est la nature humaine et l'émotion qui prévalent sur la logique.

Le vice-président (M. Finlay): Monsieur Murphy.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Je n'ai pas de questions à poser.

M. Irwin: On a posé une question sur l'aspect financier à laquelle je n'ai pas répondu.

M. Shanks: En réponse à une question sur les détails du financement, une somme de 93 000 $ en liquide a été avancée. Pour réduire les coûts au minimum, les procureurs du ministère ont décidé de s'adresser tout d'abord aux Premières nations et de profiter des réunions déjà prévues. Nous pensons avoir fourni à chacune des Premières nations l'occasion de procéder à autant de consultations que possible sur les détails techniques. Ces consultations ont duré deux ans.

M. Irwin: Est-ce que cela tient compte des 90 000 $ destinés à l'APN?

M. Shanks: Oui. Nous avons donné 93 000 $ à l'APN.

Le vice-président (M. Finlay): Merci.

Avez-vous d'autres questions?

M. Bachand: Oui.

Le vice-président (M. Finlay): Très bien. Nous passons au deuxième tour.

[Français]

M. Bachand: Je reviens sur la question de la consultation. J'ai déjà mentionné que 550 communautés sur 610 s'opposaient au projet de loi. Tout comme mon collègue, j'imagine que les50 communautés manquantes sont dans son comté et qu'elles sont toutes satisfaites de la réforme du ministre. Il me ferait toutefois plaisir d'envoyer à chacun des membres du comité des copies des lettres des communautés qui s'y opposent.

Vous avez aussi mentionné, chers collègues, les coûts qu'ont dû absorber nos concitoyens canadiens. Monsieur Shanks, pourquoi ne voulez-vous pas dévoiler publiquement les résultats de cette consultation? Nous l'avons demandé à plusieurs reprises et vous nous avez répondu que c'était secret et que vous ne pouviez pas nous les dévoiler. Il me semble que vous avez fait une belle consultation. Vous devriez nous dévoiler tout simplement les lettres qui vous ont été envoyées pour qu'on puisse regarder ensemble si ce que vous nous rapportez est absolument exact.

Ma deuxième question s'adresse au ministre. Vous avez parlé de Mme Roseanne Morris et dit qu'elle vous avait aidé et énormément éclairé sur le sujet. Elle vous aurait enjoint d'y aller, monsieur le ministre, de foncer. Je voudrais savoir si sa déclaration a été faite avant, pendant ou après son passage à votre cabinet ou si elle a toujours maintenu le même cap, avant, pendant et après son passage à votre cabinet.

Finalement, vous m'avez demandé ce que les membres de l'opposition feraient. Je vais vous dire ce que le Bloc québécois ferait. Premièrement, on reconnaîtrait les Nations au Canada, comme l'a fait au Québec, qui en a reconnu 11. Il me semble que lorsqu'on sait qui sont nos vis-à-vis, ça fonctionne mieux. D'ailleurs, la commission en a identifié entre 60 et 80. Il faudrait commencer par les reconnaître.

Deuxièmement, nous accentuerions l'autonomie gouvernementale et les négociations d'autonomie gouvernementale, comme les Cris l'ont fait pour la Baie James. C'est un modèle. Je pense que c'est ce qu'il faudrait faire.

Quant à la Loi sur les Indiens, ils ne la perçoivent que comme une protection temporaire. Il faudrait avoir recours à un interlocuteur qui représente tout le monde pour éviter de diviser, d'aller chercher au compte-gouttes ce qui est le plus avantageux pour le ministère et ensuite forcer les gens dans l'engrenage. Il faudrait avoir un interlocuteur majeur qui représente beaucoup de gens. Je songe à l'Assemblée des Premières Nations. Et surtout, j'écouterais. Si j'étais le ministre des Affaires indiennes, j'écouterais et je n'imposerais pas à des gens qui ne la veulent pas une réforme qui les concerne directement et qui va affecter leurs conditions de vie au jour le jour.

Vous me demandiez ce qu'on ferait. C'est ce que je proposerais pour le Bloc québécois si j'étais ministre des Affaires indiennes.

[Traduction]

M. Irwin: Monsieur le président, c'est plutôt une déclaration qu'une question. Mais j'en prends note.

Le vice-président (M. Finlay): Merci beaucoup.

M. Bachand: Et Roseanne?

M. Irwin: Oui. C'est quelqu'un de bien. Il va falloir faire attention quand il s'agira des Mohawks. Elle s'occupe désormais du dossier des Mohawks.

Le vice-président (M. Finlay): Monsieur Duncan.

M. Duncan: Merci, monsieur le président.

Le ministre a dit qu'il n'y avait pas de limite de temps. Je ne sais pas si le ministre est au courant mais, la semaine dernière, le comité a annoncé que toute bande intéressée avait jusqu'à mercredi de cette semaine - c'est-à-dire demain - pour aviser le comité qu'elle désirait comparaître. C'est la date limite. Je trouve que cela bouscule les choses. Ce n'est qu'hier que j'ai pu prévenir les bandes de ma circonscription.

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Le ministre a aussi dit que le chef national avait gaspillé son temps. Je trouve tout à fait intéressant que le chef national détienne un tel pouvoir.

Lors d'autres séances du comité, au moment où nous discutions du rôle de l'Assemblée des premières nations, j'ai contesté le fait que le financement de l'Assemblée des premières nations provienne en totalité du gouvernement fédéral et on m'a répondu que cette organisation était très commode pour les consultations. État donné ce qui vient de se passer et étant donné que le sénateur autochtone, sur le point de prendre sa retraite, Len Marchand, a dit qu'il était grand temps que le gouvernement fédéral cesse de financer l'assemblée et qu'il discute des enjeux nationaux avec un organisme indépendant, un organisme qui ne serait pas sous la tutelle du gouvernement fédéral, je me demande quelle réaction cela suscite de votre part, monsieur le ministre.

Le vice-président (M. Finlay): Monsieur Duncan, excusez-moi, je ne peux pas demander au ministre de répondre à votre première question car il s'agit des affaires internes du comité. Les messages ont été lancés jeudi dernier à l'échelle du pays et une lettre a été envoyée à chacune des bandes la semaine dernière. Quand vous avez parlé aux gens de votre circonscription hier, ils devaient déjà être au courant. S'ils ne l'étaient pas, eh bien, je vous remercie de les avoir renseignés.

Monsieur Irwin.

M. Irwin: Nous essayons de ne pas nous mêler de l'organisation du travail du comité. Les témoins sont ceux que vous choisissez d'appeler.

Quand je dis qu'il n'y a pas de limite de temps, c'est pour l'adhésion. Il n'y a pas de limite de temps pour ce dont je discutais.

Je sais où le sénateur Marchand a dit cela. Il appartiendra cependant aux Premières nations d'en décider elles-mêmes. Je n'ai pas d'opinion préconçue dans un sens ou dans l'autre. D'ailleurs j'ai toujours dit qu'il fallait que l'APN soit un organisme fort. Je n'ai pas dit qu'il avait gaspillé son temps. J'ai dit qu'il n'avait pas profité de toutes les occasions de s'acquitter de son mandat depuis six ans. Je pense que c'est ainsi que j'ai dit les choses.

M. Duncan: Quand tout à l'heure j'ai signalé le fait que, dans les dispositions de ce projet de loi, il n'y a pas de véritables mesures concernant la responsabilisation financière, vous n'avez rien répondu. Permettez-moi de vous donner un exemple précis qui vous permettra de comprendre mon inquiétude.

J'ai demandé les vérifications comptables, c'est-à-dire les lettres d'accompagnement de ces vérifications, et malgré les règles d'accès à l'information, on a refusé ma requête parce que le ministère estime qu'il s'agit là de vérifications privées, de personnes morales, de tierces parties, qui échappent aux règles. Au bout du compte, cela signifie que, à hauteur de 80 p. 100, le financement du ministère versé aux bandes et aux autres organisations autochtones, vérifié en vertu d'une politique du ministère par des tierces parties, ne peut être révélé au grand public et étant donné que le ministère s'occupe de sa propre vérification, il n'existe pas de contrepoids. Voilà ce que je voulais dire. Dans ce domaine là, le contribuable n'a aucune garantie que les deniers publics dépensés produisent une valeur de contrepartie équitable et il doit s'en tenir à la parole du ministère. Aucune disposition du projet de loi ne redresse cette situation.

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M. Irwin: J'arrive en fin de mandat, comme ministre, monsieur Duncan, et je me rends compte qu'il y a bien des secteurs où les choses ne vont pas. Parfois, quand on me pose ce genre de question, j'ai très envie de me lever et de répondre: Pensez-vous que j'ai laissé ma tête au vestiaire? Je sais bien qu'il y a des choses qui ne vont pas.

Par contre, il y a 600 Premières nations. Quand quelque chose ne va pas chez une, cela rejaillit sur toutes les autres. C'est comme cela que les médias présentent les choses ici. Si j'étais maire de Sault Ste. Marie et que je faisais une gaffe, on dirait tout simplement que le maire de Sault Ste. Marie a fait une gaffe, et non pas tous les maires au Canada.

Les Premières nations ont l'impression, et à bon droit, que quand leur financement est révélé au public, les médias et les politiciens s'en servent contre eux. Ils sont très susceptibles là-dessus. C'est un fait cependant. Je réclame la responsabilisation et la transparence et quand les choses seront en ordre, ce sera visible. Pour l'instant, les Premières nations se méfient énormément de la façon dont les non-Autochtones utilisent leurs vérifications et leurs budgets.

M. Shanks: Vous avez raison, monsieur Duncan, les vérifications ne sont pas diffusées dans le grand public en vertu des règles d'accès à l'information car elles sont réputées être des renseignements privés, mais tous les membres des bandes y ont accès. Les vérifications de bandes, celles qui portent sur la situation financière particulière d'une bande, sont disponibles aux membres de cette bande sur demande. Ainsi, les premiers intéressés peuvent demander des comptes.

M. Duncan: Cela est vrai dans la mesure où le chef en conseil leur fournit ces renseignements. S'il refuse, il n'y a rien à faire.

M. Shanks: Pas du tout, je crois savoir...

M. Duncan: Selon les réserves, il est tout aussi difficile aux membres d'une bande qu'aux non-Autochtones de s'enquérir de ce qui se passe au niveau d'une bande. Ces gens sont privés de leurs droits en ce qui concerne leur propre gouvernement comme il n'est pas permis qu'un autre Canadien en soit privé.

M. Shanks: On sait que le ministre doit rendre des comptes au Parlement en présentant ses rapports annuels et au comité pour ce qui est du Budget des dépenses et des comptes publics. Grâce à ces avenues, les Canadiens peuvent se rendre compte de la façon dont l'argent du gouvernement fédéral est dépensé. Comme l'a dit le ministre, nous ne cessons de travailler avec les Premières nations pour intensifier la responsabilisation et régler la question que vous avez soulevée parce qu'à mon avis il faut la prendre au sérieux. On a manifestement fait beaucoup pour améliorer la situation.

M. Duncan: Cette enveloppe contient plus de 3 milliards de dollars.

M. Shanks: C'est un fait.

Le vice-président (M. Finlay): Merci, monsieur Duncan. Monsieur Bachand.

M. Bachand: Je tiens à signaler que j'avais posé deux questions auxquelles on n'a pas répondu, notamment concernant la consultation publique dont les Canadiens ont fait les frais.

En outre, était-ce avant, pendant ou après avoir été embauchée que Roseanne Morris a déclaré qu'elle ne vous aiderait pas et que vous deviez aller de l'avant?

M. Irwin: C'était pendant qu'elle travaillait pour nous. C'est une femme très paisible, très réfléchie. Peu importe qu'elle travaille pour les Mohawks après avoir travaillé pour nous.

À propos des consultations, au début j'ai proposé au chef national Mercredi de... Quand nous avons écrit aux chefs, nous leur avons dit que la consultation serait confidentielle. Nous voulions un franc débat. J'ai consenti à donner les lettres au chef Mercredi dans la mesure où les Premières nations me le permettaient. Je n'y voyais pas d'inconvénient. Je pensais qu'il nous fallait partager ces renseignements car j'espérais que grâce à cette procédure commune, qui ne s'est jamais réalisée, entre le gouvernement et l'APN, il serait utile à un moment donné de pouvoir compter dessus. Étant donné qu'il ne s'est jamais rien passé entre nous et l'APN, nous n'avons pas eu à y recourir.

Je pense que c'est une bonne suggestion. C'est ce que nous voulions faire au départ. Pour finir, nous devions respecter la confidentialité que nous avions annoncée dans notre lettre aux chefs.

M. Shanks: Toutefois, nous avons transmis à l'APN, sous le sceau de la confidentialité, les lettres des Premières nations. Ainsi, l'APN a reçu les mêmes renseignements que le ministre.

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Le vice-président (M. Finlay): Monsieur Bachand, je vous prie de nous excuser.

Une dernière et brève question, M. Anawak.

M. Anawak: Ce n'est pas tant une question qu'un conseil que j'adresse à mon collègue de l'autre côté de la table. A-t-il changé sa façon de voir les choses quand il est devenu député et compte-t-il la changer une fois de plus quand il cessera de l'être?

M. Bachand: Puis-je répondre?

Des voix: Oh, oh.

Le vice-président (M. Finlay): Pourvu que vous ne fassiez pas un discours de 10 minutes.

M. Bachand: Non, je serai très bref.

[Français]

Il m'apparaît important de savoir si la personne qui fait une telle déclaration est à l'emploi du ministre ou pas. Si je demande au recherchiste qui est à mon service et que je paie ce qu'il pense de mon point de vue ou de mon projet de loi, il est mieux de ne pas répondre que mon projet de loi n'est pas bon, parce qu'il ne sera pas longtemps à mon service. C'est tout simplement la précision que je voulais apporter. Merci de m'avoir donné l'occasion de l'expliquer un peu plus, monsieur Anawak.

[Traduction]

Le vice-président (M. Finlay): Monsieur Bachand, s'il travaillait pour moi et qu'il disait toujours ce qu'il faut dire, je le mettrais à la porte.

Nous nous réunirons de nouveau jeudi. La séance est levée.

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