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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 mars 1997

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[Traduction]

Le président: Merci à tous d'être venus. Cette séance de consultation est ouverte. Je ne dis pas que c'est une réunion parce que nous ne sommes pas obligés d'avoir le quorum pour ces consultations, même si je suis certain que d'autres députés vont venir plus tard, du moins je l'espère.

Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix. Nous sommes heureux et honorés d'accueillir aujourd'hui le chef national de l'Assemblée des premières nations, le chef Ovide Mercredi.

Chef, je ne compte pas gaspiller votre temps de parole. Nous avons bien hâte de vous entendre et je vous donne immédiatement la parole. Le comité a décidé de siéger pendant une heure et demie. Vous pouvez prendre tout le temps que vous voulez. Vous êtes venu témoigner devant le comité tellement souvent que vous connaissez nos procédures mieux que nous, mais nous vous serions reconnaissants de laisser un peu de temps à la fin pour que les députés puissent vous poser des questions.

Allez-y, chef Mercredi.

Le chef Ovide Mercredi (chef national, Assemblée des premières nations): Merci, monsieur le président, et bonjour.

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Nous sommes venus aujourd'hui pour parler des conséquences du projet de loi C-79, Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, qui a été déposé à la Chambre des communes le 12 décembre 1996 par le ministre des Affaires indiennes Ron Irwin. Comme vous le savez déjà, l'Assemblée n'appuie pas le projet de loi. En réalité, nous nous y opposons énergiquement et je suis donc venu aujourd'hui à contrecoeur parce que, selon nous, le projet de loi n'aurait jamais dû parvenir à cette étape du processus législatif.

Même si nous témoignons devant vous aujourd'hui, je ne me fais pas d'illusions au sujet du rôle de votre comité. Le gouvernement a déjà précisé qu'il comptait se servir de sa majorité au comité pour aller de l'avant avec le projet de loi C-79 même s'il a été rejeté par la grande majorité des Premières nations.

Ce n'est pas une fausse interprétation des faits de dire que la grande majorité des Premières nations a rejeté la mesure, comme le ministre voudrait vous le faire croire. C'est un fait. Avant Noël, vous et vos collègues de la Chambre et du Sénat avez reçu un colis contenant des centaines de résolutions et de lettres qui rejetaient cette initiative, et je les dépose encore une fois au comité aujourd'hui. Depuis, l'Assemblée a reçu encore bien d'autres lettres et résolutions. Ensemble, ces lettres et résolutions représentent la volonté de 85 p. 100 des Premières nations du Canada. Ce sera à vous, individuellement, à titre de députés, de décider si vous allez ou non vous plier à une telle subversion du processus démocratique.

Si j'ai bien compris, pendant son exposé à votre comité, le ministre Irwin s'est vraiment efforcé non seulement de réfuter notre analyse du projet de loi, mais aussi de jeter le discrédit sur l'Assemblée elle-même. Le fait qu'il se préoccupe autant de l'Assemblée me donne l'impression que nous devons faire quelque chose de bien et que le gouvernement a quelque chose à cacher. Ce qu'il cache, c'est qu'il veut faire adopter ce projet de loi à la hâte sous prétexte qu'il y a eu suffisamment de consultations alors que ce n'est pas du tout le cas.

Il y a trois sujets clés que je veux mettre en lumière aujourd'hui, soit le rôle et le mandat de l'Assemblée, notre position au sujet du projet de loi et ce qui a mené à sa présentation à la Chambre, et notre propre vision de l'avenir, au-delà des paramètres de la Loi sur les Indiens.

L'Assemblée des premières nations regroupe les chefs des Premières nations de tout le pays. Ce sont eux qui déterminent quels seront le mandat et les priorités de l'Assemblée et je suis moi-même leurs directives. Contrairement au ministre des Affaires indiennes qui, comme ses prédécesseurs du XIXe siècle, tire ses pouvoirs de la capacité de l'État d'imposer sa volonté à notre peuple, je dois respecter le consensus et les directives des chefs. Je ne peux pas agir unilatéralement contrairement aux désirs des chefs et des collectivités que je représente. Je n'ai pas moi-même les prérogatives du ministre et les pouvoirs qu'il exerce sans rendre de comptes à notre peuple, ou d'ailleurs au Parlement. Les positions adoptées par l'Assemblée des premières nations ne sont donc pas les miennes, mais celles des chefs et de leurs Premières nations.

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Il importe que vous le compreniez, parce que le ministre Irwin a essayé plus tôt cette semaine de vous faire croire que l'Assemblée ne représente pas les chefs, ou qu'elle représente seulement Ovide Mercredi. C'est faux et le ministre le sait très bien. Le fait qu'il utilise de telles tactiques pour défendre le projet de loi montre bien qu'après 130 années de confédération, le gouvernement du Canada ne peut toujours pas accepter les opinions de notre peuple si elles diffèrent de ce que le gouvernement veut nous imposer.

Nous avons joint à notre mémoire copie des résolutions adoptées par l'Assemblée entre juillet 1996 et février 1997. Elles représentent l'aboutissement du long débat démocratique et le consensus qui s'en est dégagé au cours des huit mois pendant lesquels nous avons étudié la mesure législative proposée par le gouvernement dans le projet de loi C-79. Ces résolutions reflètent la volonté collective des chefs et c'est sur ces résolutions que s'appuie mon propre mandat relativement au projet de loi C-79.

Tout ce que j'ai dit et fait au sujet du projet de loi C-79 reflète ce mandat. Celui-ci a toujours été clair et uniforme et il a deux éléments fondamentaux. Le premier consiste à rejeter le projet de loi parce qu'il ne reflète pas les priorités des Premières nations et parce que le processus utilisé et les dispositions de la mesure sont contraires à nos intérêts. Le deuxième consiste à chercher plutôt à obtenir un dialogue et une négociation dans un esprit de collaboration avec le gouvernement du Canada pour examiner et identifier toutes les possibilités relatives à une réforme de la politique et de la loi afin d'en arriver à une entente mutuelle. Je traiterai maintenant successivement de ces éléments.

D'abord, je vais vous expliquer quelles sont nos priorités. Ce n'est pas difficile vu que nos chefs font passer les mêmes messages depuis des générations. Nous voulons améliorer les conditions sociales et économiques de notre peuple. Nous voulons nous entendre avec le Canada sur la signification et l'application de nos traités. Nous voulons régler la question des revendications territoriales. Nous voulons avoir la liberté d'exercer notre droit à l'autonomie gouvernementale.

Le problème, c'est que les gouvernements précédents n'ont pas appris à nous écouter. Au début de la semaine, le ministre Irwin a parlé de consultation. Il a établi un rapport entre son projet de loi et les consultations qui avaient eu lieu dans le passé en vue de modifier la loi, même dans les années 40, quand bon nombre des chefs que je représente n'étaient pas encore nés. Cette comparaison était encore plus appropriée que le ministre le pensait parce que, dans les années 40 et 50, quand nos chefs venaient à Ottawa ou assistaient à des audiences dans leurs propres territoires, ils avaient les mêmes messages à transmettre au gouvernement, mais le gouvernement, de son côté, préférait n'entendre que les parties de ces revendications qui reflétaient ses propres objectifs sans tenir compte du reste.

La même chose est arrivée lors des consultations à propos de la Loi sur les Indiens pendant les années 60. Nos chefs avaient parlé des mêmes questions à Jean Chrétien, qui était alors ministre des Affaires indiennes. Celui qui est maintenant premier ministre n'avait pas tenu compte des instances de nos chefs et avait présenté au lieu son Livre blanc sur la politique relative aux Indiens, qui recommandait que nos droits ancestraux et issus des traités soient abolis et que nos peuples soient assimilés.

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Il n'y a pas eu 40 années de consultation à propos de la Loi sur les Indiens. En faisant une telle affirmation, le ministre ment de façon flagrante.

À cet égard, j'ai trouvé curieux que le ministre Irwin invoque le rapport Penner sur l'autonomie gouvernementale pour défendre le projet de loi C-79. En effet, au lieu d'appuyer des modifications au petit bonheur à la Loi sur les Indiens ou des variantes comme le projet de loi C-79, le comité formé de représentants de tous les partis avait rejeté entièrement une telle notion. Voici ce qu'on trouve à la page 47 du rapport final:

Le comité Penner avait conclu avec raison que si l'on se contentait de petites modifications à la Loi sur les Indiens, on ne ferait que détourner de maigres ressources et la volonté politique de tâches et de priorités beaucoup plus importantes en ce qui a trait à l'autonomie gouvernementale.

Cette prédiction s'est maintenant réalisée. Le ministre Irwin vous a dit plus tôt cette semaine qu'il n'y aurait pas de pénalités pour les bandes qui décideraient que les nouvelles dispositions ne s'appliqueraient pas à elles et qu'il n'y aurait pas de récompenses pour celles qui décideraient d'y adhérer. Pourtant, le Budget principal des dépenses du ministère des Affaires indiennes pour 1997-1998 affirme exactement le contraire:

Cela nous dit qu'il n'y aura pas d'argent pour répondre aux besoins prioritaires des Premières nations parce que les maigres ressources disponibles seront utilisées pour appliquer le projet de loi et d'autres mesures unilatérales du même genre. Il y aura donc effectivement des pénalités et des récompenses qui seront distribuées selon les priorités du gouvernement et non pas celles des Premières nations.

La nature facultative du projet de loi est trompeuse. Le fait est que le gouvernement se servira de ses priorités de dépense pour récompenser ceux qui décideront d'y adhérer et punir ceux qui ne le feront pas. La bureaucratie dispose de tous les outils nécessaires, qu'il s'agisse de pressions politiques ou financières, pour convaincre les Premières nations d'appliquer les nouvelles dispositions, qu'elles le veuillent ou non.

Comme vous le savez, le gouvernement actuel a été élu à cause des promesses de son maintenant célèbre Livre rouge, qui contenait certains engagements bien précis au sujet des Autochtones, y compris celui-ci:

Cependant, depuis son élection, le gouvernement a fait exactement le contraire.

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Relativement aux questions de politique, la structure du supposé droit inhérent a été élaborée en secret par des bureaucrates et imposée aux Premières nations contre leur gré. Au lieu de reconnaître notre droit inhérent à nous gouverner nous-mêmes, cette politique ne fait que confirmer le pouvoir du Canada de dicter ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire comme peuple. Si certaines Premières nations sont prêtes à entamer des négociations selon cette politique, ce n'est pas par choix, mais parce qu'elles y ont été forcées par l'absence d'autres mécanismes de discussion et la pauvreté de leurs propres collectivités.

Pour ce qui est des dépenses, le gouvernement a effectué ses examens de programmes un et deux sans consulter le moindrement les Premières nations. Ces examens ont eu des effets désastreux sur le processus décisionnel du gouvernement relatif aux dépenses dans le domaine des Affaires indiennes, sans pourtant qu'on demande à nos chefs de discuter sérieusement avec les fonctionnaires de nos priorités de dépenses ou de nos relations financières.

Qui plus est, le livre rouge ne dit absolument rien au sujet de modifications possibles à la Loi sur les Indiens ou d'autres mesures législatives pour la remplacer. Le projet de loi C-79 est en réalité tout à fait contraire aux engagements de politique pris par le Parti libéral avant son élection.

Il est bien évident que nous ne pouvons pas et ne devons pas faire confiance au gouvernement actuel. Il a menti à la population canadienne au sujet de la TPS et il a menti aux Premières nations au sujet de ses propres engagements du Livre rouge.

Cela m'amène à parler du processus utilisé pour en arriver à cette étape-ci de l'étude du projet de loi. Vous trouverez en annexe à notre mémoire une chronologie des événements. Cela devrait remettre dans son contexte la version des événements que vous ont présentée le ministre et ses adjoints il y a deux jours.

Le fait est que le ministre a décidé de consulter par correspondance sans faire le moindre effort pour satisfaire à la plus simple définition de ce qui constitue une consultation. Il a demandé aux chefs de recommander des changements à la Loi sur les Indiens. Certains ont formulé des recommandations précises, mais la plupart n'ont pas répondu du tout.

Une fois le processus interne du ministère lancé, rien ne pouvait le contrôler ou le guider. Comme toujours dans le passé, les bureaucrates ont pris les choses en main. La liste d'amendements proposés a commencé à s'allonger à mesure que les bureaucrates eux-mêmes ont commencé à y ajouter leurs propres propositions. À cet égard, il est tout à fait faux de prétendre comme l'a fait le ministre que tous les amendements ont été proposés par les Premières nations elles-mêmes.

Pendant tout ce processus, nous avons invité le gouvernement du Canada à entamer des discussions avec nos chefs dans un esprit de collaboration pour identifier nos priorités et les diverses possibilités et à attendre pour présenter une mesure législative que nous ayons eu l'occasion d'examiner dans les détails toutes les possibilités. Nous voulions et nous voulons encore un processus visible, prévoyant une reddition de comptes et fondé sur la confiance et la collaboration.

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Ce que nous demandons à cet égard n'est rien de plus que ce que le ministre lui-même avait promis à la Chambre des communes dans son rapport sur la performance du ministère en 1995 et en 1996. En voici un passage:

Nous ne faisons pas confiance au gouvernement. Nous avons maintenant une autre preuve de la tendance du ministre à induire en erreur non seulement les Premières nations, mais aussi la Chambre des communes elle-même. Le ministre et ses fonctionnaires ont constamment refusé d'avoir une discussion de fond sur ces questions avec nous. Ils n'ont tenu aucun compte de nos mécanismes traditionnels de débat public et d'imputabilité et ils ont choisi plutôt de dialoguer à la dérobée en parlant à nos chefs individuellement hors des tribunes publiques qui auraient permis à nos peuples d'examiner les propositions et d'en discuter de façon démocratique.

Entre-temps, le gouvernement s'est servi d'une procédure spéciale à la Chambre pour accélérer le processus législatif et renvoyer le projet de loi à votre comité avant la deuxième lecture. Le ministre nous avait promis de longues audiences publiques, mais nous avons droit au lieu à une petite semaine d'audiences par votre comité et, encore, par téléconférence. Cela ressemble fort à un gouvernement qui n'hésite nullement à imposer sa volonté à notre peuple, même si cela veut dire qu'il nie notre droit démocratique fondamental d'exprimer notre point de vue sur une question qui aura des conséquences désastreuses pour nos rapports juridiques avec la Couronne fédérale.

Est-ce là une preuve d'imputabilité ou de transparence? Est-ce une preuve de l'engagement du gouvernement à favoriser la confiance dans les institutions de l'État? Je ne le pense pas. Même les députés libéraux qui font partie du comité auraient bien du mal à dire le contraire. Vous avez tous le devoir public de vous assurer que les dispositions du projet de loi C-79 ont été examinées pleinement. Cela veut dire qu'il faut garantir que les Premières nations qui décident de le faire seront libres d'exercer leur droit le plus fondamental et de discuter des questions en jeu. Votre rôle devrait être de faciliter la tâche aux Premières nations qui veulent faire entendre leur voix et non de leur rendre les choses plus difficiles. Si vous cédez devant les désirs du ministre et de ses fonctionnaires en mettant fin au débat public, vous serez aussi coupables qu'eux de perpétuer l'héritage colonial du siècle dernier.

Pour mettre fin à cette partie de mon exposé, je voudrais établir une comparaison entre le processus utilisé ici et celui qu'on avait utilisé pour un autre projet de loi relatif à l'administration des terres indiennes, le projet de loi C-75, qui avait aussi été présenté à la Chambre avant Noël et qui découlait de longues consultations, de travaux préparatoires et d'une entente entre le Canada et 14 Premières nations. Le processus avait été entamé il y a près de 10 ans et comprenait la signature d'une entente cadre entre le Canada et les Premières nations visées avant même que le projet de loi soit rédigé. Même une fois que le projet de loi C-75 sera devenu loi, chaque collectivité devra déterminer grâce à un référendum si ses membres sont d'accord avant d'appliquer la mesure à ses terres.

Mais quels qu'en soient les insuffisances ou les avantages, il reste que le projet de loi sur les terres a été longuement élaboré dans un esprit de collaboration et qu'il a reçu publiquement l'appui des Premières nations qui l'ont parrainé. Le projet de loi ne traite que d'une question, celle des terres, et il ne concerne que 14 communautés. La démarche d'où procède le projet de loi C-79 est bien différente. Il convient d'autant plus de s'en inquiéter que le projet de loi traite de sujets beaucoup plus nombreux et que son application ne nécessite qu'un seuil de consentement bien inférieur. Pourquoi le ministre n'a-t-il pas appliqué la même norme de qualité au projet de loi C-79 qu'au projet de loi C-75?

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Après avoir parlé de la démarche, je voudrais maintenant aborder le contenu du projet de loi C-79 proprement dit. Nous avons annexé à notre mémoire trois avis juridiques concernant cette mesure législative. Je voudrais maintenant mettre l'accent sur certains éléments clés du projet de loi, quitte à renvoyer les membres du comité à ces avis juridiques pour une analyse plus détaillée.

L'objectif ultime du projet de loi C-79 est l'assimilation, et non pas l'émancipation de notre peuple. On peut le constater au simple fait que ce projet de loi vise à déléguer aux Premières nations des pouvoirs inhérents à nos communautés, qui font partie intégrante de notre culture dans des domaines comme le choix des chefs, les successions et les terres. La structure politique dite «du droit inhérent» de ce gouvernement, si étroite soit-elle, admet elle-même que ces domaines sont déjà reconnus et consacrés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans son rapport final, la Commission royale sur les peuples autochtones conclut que ce sont là les domaines essentiels de la compétence des Premières nations, lesquels sont protégés par l'article 35 et peuvent être exercés à l'abri de toute ingérence des gouvernements.

Dans ce contexte, pourquoi le ministre veut-il déléguer ces pouvoirs aux Premières nations en sollicitant leur consentement à cette délégation? C'est parce que le ministre cherche à obtenir le consentement des Premières nations au contrôle qu'il exerce sur elles, ce consentement n'ayant pas été obtenu en 1876 lorsque la première Loi consolidée sur les Indiens a été imposée aux Premières nations. Voilà l'effet de notre participation: c'est de consentir à être assujettis à la loi.

L'article 8 du projet de loi confère aux bandes indiennes la capacité d'une personne physique et introduit la notion de personnalité morale. Cette notion nous est tout à fait étrangère. C'est une attaque directe contre nos usages, nos coutumes et nos traditions. M. Irwin justifie cette disposition en disant qu'elle va permettre aux bandes de négocier des contrats et d'ester en justice. Or, la jurisprudence a déjà établi que les bandes peuvent négocier des contrats et ester en justice.

Quel est donc l'objet de cette disposition? Il se pourrait qu'à l'avenir, les avocats du ministère de la Justice prétendent qu'une Première nation qui a adopté ce projet de loi ne possède plus le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale puisqu'elle a consenti à prendre la personnalité morale, laquelle ne fait pas partie des usages, coutumes ou traditions qui étaient inhérents à sa culture avant l'introduction de la notion européenne de contrat.

Le ministre a affirmé que ce projet de loi étend les pouvoirs des Premières nations et restreint ses propres pouvoirs. À quelqu'un qui prétendait que de nombreuses dispositions du projet de loi vont en fait étendre ses pouvoirs, il a répondu que le projet de loi ne visait qu'une plus grande efficacité et un allégement du formalisme.

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Or, en privant le cabinet fédéral de certaines de ses responsabilités pour les transférer au ministre, on étend les pouvoirs de ses administrateurs et de ses hauts fonctionnaires. Tout renforcement du contrôle des fonctionnaires sur nos vies ne peut que perpétuer les situations abusives auxquelles nous sommes soumis depuis un siècle. Le projet de loi ne renforce en rien l'imputabilité du ministère envers les Premières nations et ne met pas un terme aux mesures arbitraires des fonctionnaires qui, jusqu'à maintenant, sont restés à l'abri de toute exigence de transparence ou de toute forme de contrôle dans leurs rapports avec les Premières nations.

Le ministère a donné à notre peuple et à ce comité l'assurance que le projet de loi C-79 n'aurait pas d'effet négatif sur les droits ancestraux et issus de traités, ni sur les obligations fiduciaires de la Couronne fédérale envers les peuples autochtones. Tout le monde se souvient des assurances données en 1985 par le ministre David Crombie, selon qui le projet de loi C-31 n'aurait en aucun cas pour effet d'aggraver le sort des Premières nations. En réalité, le projet de loi C-31 a eu des conséquences tragiques pour nos collectivités, car il a augmenté le nombre de nos membres sans libérer les ressources nécessaires à la mise en place des infrastructures et des services dont ces nouveaux membres avaient besoin. Dans l'intervalle, le gouvernement fédéral a renoncé à sa responsabilité d'atténuer les effets de cette loi, alors que celle-ci avait elle-même pour objet de remédier à la situation crie initialement par la Loi sur les Indiens.

Compte tenu de notre expérience en matière de modification de la Loi sur les Indiens et compte tenu, particulièrement, de l'attitude de ce gouvernement jusqu'à maintenant, rien ne nous incite à croire à l'assurance donnée par le ministre; bien au contraire, nous sommes fondés de la considérer comme suspecte. Une étude attentive du projet de loi C-79 indique clairement qu'un grand nombre de ses dispositions ont pour effet d'atténuer les obligations fiduciaires de la Couronne fédérale envers les Premières nations. Pour ne donner qu'un exemple, c'est notamment vrai dans le domaine de la gestion des terres, aux articles 18 et 21.

En outre, le gouvernement du Canada ne prouve pas qu'il a appliqué le critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Sparrow lorsqu'il a rédigé ce projet de loi. Dans cet arrêt, la cour affirme que toute loi qui porte atteinte aux droits énoncés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle doit être soumise à un rigoureux processus de justification.

Nous avons déjà montré comment ce projet de loi porte atteinte à nos droits en prétendant nous déléguer des pouvoirs dans des domaines qui font partie intégrante de notre culture, de nos usages et de nos traditions, et en remplaçant ces usages et traditions par des notions totalement étrangères à notre culture. Ce changement risque d'avoir des conséquences considérables. Or, le ministre ne s'est même pas donné la peine de parler de justification dans ses échanges avec les Premières nations sur ce projet de loi.

Il y aurait encore bien des choses à dire sur la teneur de ce projet de loi, mais je renverrai simplement les membres du comité, pour plus de détails, aux avis juridiques que nous vous avons fournis.

Pour conclure mon exposé, je voudrais vous laisser sur une perspective d'avenir plus positive. Il est facile de s'en prendre à une mesure ou à un projet de loi, en particulier lorsqu'il est aussi contestable que le projet de loi C-79. Mais il faut faire beaucoup plus d'efforts pour élaborer un projet constructif résolument tourné vers l'avenir. Je voudrais tout d'abord parler de la législation et de la responsabilité législative du gouvernement fédéral envers les Premières nations.

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La Loi sur les Indiens est pleine de contradictions et d'ambiguïté. D'un côté, elle énonce la responsabilité constitutionnelle de la Couronne fédérale de protéger les droits et intérêts des Premières nations, conformément au paragraphe 91(24) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. D'un autre côté, on en a fait un instrument de manipulation et de contrôle législatif très préjudiciable pour nos collectivités et nos nations autochtones. Qu'on le veuille ou non, la Loi sur les Indiens a eu des conséquences importantes et graves pour les Premières nations, mais son existence même a empêché l'exercice des responsabilités et des options législatives de la Couronne fédérale en ce qui concerne les Indiens et les terres réservées aux Indiens.

Comme nous l'avons déjà indiqué, lorsque le Canada veut parler de réforme législative avec nous, il se dit lié par la Loi sur les Indiens. Pour nous, cette attitude consiste tout simplement à s'en remettre aux erreurs du passé et elle dénote le refus du fédéral de considérer véritablement l'avenir pour établir de nouvelles relations fondées sur un exercice véritable et positif des responsabilités prévues au paragraphe 91(24).

Si vous voulez véritablement modifier les relations entre nos gouvernements en faisant appel à la législation, la Loi sur les indiens ne devrait pas intervenir dans le débat. Dans sa biographie, votre collègue, Elijah Harper, député libéral de Churchill, que je connais depuis bien longtemps, affirme ceci:

Je souscris entièrement à cette conclusion. Le fait de retoucher la Loi sur les Indiens n'aboutira à rien de bon. Il vaudrait mieux que nous cherchions plutôt comment le gouvernement fédéral peut véritablement s'acquitter des responsabilités que lui confère le paragraphe 91(24) afin que la décolonisation de notre peuple puisse vraiment se faire.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Pourquoi ne pas préciser par voie législative la nature et la portée des responsabilités fiduciaires de la Couronne fédérale à l'égard des Premières nations? Pourquoi ne pas confirmer par voie législative l'engagement pris par la Couronne de respecter les traités et pourquoi ne pas énoncer dans une telle loi les responsabilités de la Couronne à cet égard? Pourquoi ne pas aussi fonder sur une loi les relations financières entre les Premières nations et le Canada?

Il ne s'agit là que de quelques exemples qui illustrent cependant mon propos. Évitons de répéter les erreurs du passé dans le domaine législatif; oublions à jamais la Loi sur les Indiens et son legs terrible au lieu de le perpétuer comme semble vouloir le faire le ministre.

Cela m'amène à ma conclusion: Une loi n'est qu'une des mesures qui peuvent être prises pour améliorer la situation de notre peuple ainsi que pour améliorer et clarifier les relations entre nos gouvernements. Lorsqu'il a comparu devant vous, le ministre Irwin a insisté sur le fait que le projet de loi s'inscrit dans un contexte plus large et que ce n'est qu'un élément des initiatives que son gouvernement met actuellement en oeuvre pour venir en aide aux Premières nations. Le seul problème, c'est que le programme de ce gouvernement repose non pas sur l'émancipation de nos peuples, mais plutôt sur la poursuite de leur colonisation ainsi que sur la tromperie.

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À l'heure actuelle, toute la politique du gouvernement fédéral vise à trouver une solution finale au problème indien. À cette fin, il remet aux bandes des responsabilités sans leur donner les ressources nécessaires pour s'en acquitter. Le gouvernement fédéral demande aussi aux gouvernements provinciaux d'assumer une plus grande responsabilité financière à l'égard des Indiens. Il limite et circonscrit notre compétence et nos pouvoirs. Il assimile les Autochtones et les pousse à quitter leurs terres et leurs territoires traditionnels. Bien qu'il soit beaucoup question de consultations et de partenariats, ce sont les organismes centraux et les ministères hiérarchiques qui prennent les décisions qui importent sans que les Premières nations ou leurs dirigeants aient vraiment voix au chapitre. Rien ne change.

Le ministre a raison de dire que les Premières nations et que certains organismes autochtones participent au processus, ce qui ne signifie pas pour autant que les choses changent rapidement ou que les Premières nations elles-mêmes appuient ces initiatives. Notre peuple n'a d'autre choix que de participer à un processus conçu et imposé par le Canada en fonction de ses priorités et de son programme. Si nos gens participent au processus, c'est qu'ils feraient n'importe quoi pour se sortir de leur pauvreté abjecte et pour répondre aux besoins des jeunes. En outre, notre peuple continue d'espérer que le gouvernement changera ses politiques. Voilà la réalité et je mets qui que ce soit au défi de prouver qu'il en est autrement.

Si nous voulons vraiment changer les rapports entre les Premières nations et le gouvernement canadien, celui-ci doit changer son approche et le faire rapidement. La Commission royale sur les peuples autochtones a établi en détail quels seraient les coûts financiers, économiques et sociaux du maintien du statu quo. Elle a aussi proposé des façons de modifier nos rapports. L'Assemblée a approuvé en principe les conclusions et les recommandations formulées par la commission dans son rapport final, sous réserve d'un examen plus approfondi. Il se trouvera toujours des éléments du rapport avec lesquels chacun d'entre nous ne sera pas d'accord, mais les commissaires ont fait suffisamment de propositions positives pour qu'elles puissent servir de point de départ à nos discussions et à nos interventions.

Que nous soyons tous ou non d'accord avec toutes les recommandations de la commission, un point fondamental ressort clairement du rapport: le gouvernement fédéral doit changer les rapports qu'il entretient avec nos gouvernements et doit établir avec eux un véritable partenariat fondé sur les principes de l'équité et de la justice. L'Assemblée a proposé d'établir un dialogue avec le gouvernement du Canada en vue d'examiner les options proposées et de s'entendre sur des approches, des politiques et des priorités communes. Pour qu'une véritable collaboration s'instaure, il est nécessaire que nous nous entendions sur les processus, le programme et les priorités à adopter. De cette façon, les initiatives législatives refléteront non seulement les priorités et les objectifs du Canada, mais également ceux des Premières nations. Nous devons veiller à ce que ces mesures législatives s'inscrivent dans un programme de collaboration plus vaste. Voilà un processus que le Canada a rejeté jusqu'ici.

Quelles sont les mesures concrètes qui peuvent être prises immédiatement pour améliorer la situation et pour créer un climat propice à un véritable partenariat? Voici quelques suggestions pour commencer: entamer de véritables discussions avec les Premières nations sur le rapport final et les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones; commencer sérieusement à mettre en oeuvre les engagements du Livre rouge relativement aux relations avec les Premières nations; mettre à terme les réformes constitutionnelles qui ont été laissées de côté par le gouvernement libéral car les Autochtones n'ont pas oublié les réformes qui les concernent et ne les oublieront pas; trouver, pour lutter contre la pauvreté chez les Premières nations, des moyens qui correspondent aux besoins dans ce domaine.

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Vos audiences d'aujourd'hui portent sur le projet de loi C-79 qui ne représente cependant que la pointe de l'iceberg. À notre avis, il ne s'agit que d'une manoeuvre de diversion de la part du gouvernement qui veut donner l'impression qu'il répond vraiment aux besoins des Premières nations. Il semblerait aussi que le ministre Irwin souhaite laisser sa marque dans l'histoire en obtenant des modifications à la Loi sur les Indiens, que celle-ci réponde à nos intérêts ou non.

Le sort que ce comité et que ce gouvernement réserveront cependant à ce projet de loi aura un effet d'entraînement.

Ce gouvernement doit faire preuve d'honnêteté et d'intégrité, ce qu'il n'a pas fait jusqu'à maintenant. Nous devons faire en sorte que nos jeunes puissent croire en des jours meilleurs. À titre de dirigeants, nous devons montrer que nous pouvons nous entendre et nous devons aussi donner l'exemple pour ce qui est de la reddition de comptes et de la transparence.

L'approche adoptée par le gouvernement libéral en ce qui touche le projet de loi C-79 ne nous porte pas à être optimiste. Je ne peux que demander à ce comité de s'acquitter de ses responsabilités et de se montrer digne de la confiance du public en étudiant de façon objective et critique ce projet de loi et en donnant aux Premières nations l'occasion de faire connaître leur point de vue sur ces questions quand elles le souhaiteront.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, chef Mercredi.

J'aimerais d'abord vous signaler que nous avons bien reçu les documents auxquels vous avez fait allusion. Tous les membres du comité en recevront un exemplaire.

J'ouvre maintenant la période de questions.

J'aimerais d'abord faire une précision à titre de président du comité étant donné qu'il est dit à la page 9, je crois, de votre mémoire que nous n'avons prévu qu'une seule semaine de consultation et que je veux que ce projet de loi soit adopté au plus vite. Je regrette qu'on vous ait peut-être mal informé parce que ceux qui étaient présents à cette réunion se souviendront m'avoir entendu dire que j'étais prêt à siéger jusqu'à Noël parce que je voulais que tous les intéressés puissent présenter leurs points de vue.

Je tenais donc à faire cette précision, chef Mercredi. J'ajouterai même que je suis prêt à tenir des audiences ici à Ottawa ou ailleurs pendant la relâche parlementaire de deux semaines qui aura lieu bientôt. Si je veux que les choses aillent rondement, c'est pour deux raisons. Premièrement, c'est la façon dont je travaille. Deuxièmement, il y a rumeur d'élection, et cinq projets de loi seront renvoyés à mon comité. Voilà pourquoi je veux que les choses progressent rondement.

Si, une fois que nous aurons terminé l'étude de ce projet de loi, on me reproche d'avoir fait trop vite, je mériterai cette critique. Mais j'aimerais préciser que je ne compte pas écourter le processus.

Passons maintenant aux questions. Nous avons...

Le chef Mercredi: Puis-je répliquer à ce que vous venez de dire, monsieur le président?

Le président: Ce n'est pas nécessaire. Je ne faisais qu'une remarque.

Le chef Mercredi: Je le ferai quand même.

Le président: Passons aux questions.

Le chef Mercredi: Voici ce que j'ai à vous dire.

Le président: Chef Mercredi, nous allons passer aux questions...

Le chef Mercredi: Mais vous devez me permettre de répliquer à ce que vous avez dit. Ce n'est que juste.

Venez-vous juste de dire que vous alliez écouter le point de vue des intéressés ou avez-vous décidé de ne pas les écouter?

Le président: J'ouvre maintenant la période des questions.

Le chef Mercredi: Dans ce cas, permettez-moi de répliquer plus tard à ce que vous avez dit.

Le président: Vous aurez certainement l'occasion de dire quelques mots à la fin de la période des questions.

Le chef Mercredi: J'aimerais d'abord dire que vous ne nous avez pas donné un préavis suffisant pour la tenue de ces audiences. N'essayez pas de donner l'impression que vous allez être juste pendant ce processus parce que le processus lui-même ne l'est pas.

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Il y a des gens qui n'ont même pas encore reçu l'avis les informant que le comité tient des audiences. Vous n'avez donné qu'une semaine d'avis à ceux qui les conseillent et ne leur avez réservé que quatre jours pendant les audiences.

Voilà toute l'information dont je dispose.

Le président: Je dis que...

Le chef Mercredi: Vous ne m'avez pas téléphoné et vous ne m'avez pas écrit non plus pour me dire qu'il en serait autrement. C'est la première fois que j'entends ce que vous venez de dire.

Le président: Très bien. Je vous dis simplement que vous avez été mal informé parce que le travail qui a...

Le chef Mercredi: Dans ce cas, informez-nous mieux, parce que...

Le président: Chef Mercredi...

Le chef Mercredi: ... je me fie à la lettre que vous avez envoyée et à l'information que vous nous avez fournie et,...

Le président: Chef Mercredi...

Le chef Mercredi: ... cette information est très claire. Vous ne voulez pas vraiment aller discuter avec les gens de ces questions, car vous voulez le faire par téléconférence. C'est ce qu'on nous a dit.

Le président: Passons aux questions. J'ai exposé ma position très clairement. Nous allons nous partager le temps qui reste, soit 35 minutes.

Êtes-vous d'accord pour que chaque personne ait cinq minutes pendant le premier tour? Très bien.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Bachand (Saint-Jean): J'aimerais seulement apporter une précision. Moi aussi, j'étais un peu inquiet quant à la consultation. D'ailleurs, aujourd'hui je vous ai envoyé une lettre ainsi qu'à la greffière et à chaque membre du comité. Moi aussi, j'étais inquiet du peu de temps que l'on accordait aux Premières Nations pour réagir, parce qu'on ne leur avait donné que jusqu'à mercredi.

Avant la réunion, j'ai discuté avec le président et il m'a dit que certaines personnes de communautés éloignées pourraient recevoir leur courrier en retard. Il y a certainement des communautés au Canada qui n'ont même pas encore reçu l'avis leur signifiant qu'elles peuvent se faire entendre. Le président m'a alors bien assuré qu'on en tiendrait compte et que, même si on avait jusqu'à mercredi pour s'inscrire au processus, si des demandes arrivaient par la suite, on en tiendrait compte et on écouterait ces gens.

Le président: Je pense que cela nécessite une précision. À la réunion d'organisation, j'ai dit trois fois que si un membre du comité, peu importe lequel, avait des personnes à faire entendre, ce serait au comité de prendre ces décisions à la majorité des voix. C'est à ce moment-là que j'ai dit que j'étais prêt à rester jusqu'à Noël.

Personnellement, je n'influence d'aucune façon les décisions du comité. D'ailleurs, je pense avoir une réputation assez bien établie à cet égard.

M. Bachand: J'aimerais apportez une précision à mon tour. Vous ne mettrez pas de sable dans l'engrenage de la consultation si le comité ne décide pas à la majorité des voix que c'est suffisant. C'est bien ce que vous dites?

Le président: Absolument. J'ai toujours fonctionné avec la majorité du comité.

M. Bachand: D'accord. Donc, j'ai une voix sur six ou sept. J'aimerais qu'on aille au bout de la consultation, comme je vous l'ai déjà dit, et j'espère que les membres du comité vont me suivre.

La présentation du grand chef est très claire à mon point de vue. J'aurais quelques questions à lui adresser.

J'observe le ministre Irwin depuis trois ans. Au départ, j'avais l'impression qu'il était l'un des ministres les plus ouverts à la question autochtone. Pendant les deux premières années de son mandat, il a beaucoup voyagé. Il m'avait dit qu'il avait rencontré 300 ou 400 Premières Nations. Il semblait être un gars habité de bonnes intentions.

Maintenant qu'il passe à l'action sur le projet de loi C-79, vous semblez dire que c'est parce qu'il veut passer à l'histoire. J'ai de la difficulté à croire que le ministre voudrait laisser sa marque seulement parce qu'il s'inscrit à l'encontre non seulement des Premières Nations, mais aussi de son propre Livre rouge. Il s'inscrit à l'encontre de la Commission royale d'enquête qui a présenté un rapport de 4 000 pages, dans laquelle M. Erasmus dit que ce n'est pas une solution que de ne pas bouger en ce qui concerne la Loi des Indiens.

J'aimerais connaître votre opinion. Je lui ai dit la dernière fois qu'il a comparu ici: Monsieur le ministre, votre comportement est exactement le même que celui du premier ministre des Affaires indiennes d'il y a 100 ans, qui disait: «Je sais ce qui est bon pour vous et je vais décider de ce qui est bon pour vous.»

Cela m'a dgu de la part de ce ministre, que je croyais beaucoup plus ouvert à la question autochtone. J'aimerais entendre votre réaction là-dessus.

.1230

Vous avez aussi parlé de la décision Sparrow. Pour vous défendre contre l'imposition de ce projet de loi, envisagez-vous de devoir vous présenter en cour en vous fondant sur l'article 35 de la Constitution de 1982 ainsi que sur la jurisprudence? Dans la décision Sparrow, on disait: lors de d'adoption de nouvelles lois, il faudra les interpréter largement pour être sûr qu'elles englobent l'ensemble des droits des autochtones. Il me semble que cette loi ne fait pas cela du tout. Donc, envisagez-vous d'attaquer la loi devant la cour si le ministre et le gouvernement décident de faire adopter ce projet de loi?

[Traduction]

Le chef Mercredi: Nous ne nous opposons pas vraiment à ce que le ministre laisse sa marque dans l'histoire, mais en fait qu'il veuille le faire en se fondant sur des idées qui remontent au siècle dernier.

Pour que vous compreniez bien ce que je veux dire, permettez-moi de citer une disposition du projet de loi C-79:

Attendu que le gouvernement du Canada estime souhaitable, dans son propre intérêt et celui des bandes indiennes, que celles-ci aient la faculté d'apporter des modifications à l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens, notamment afin de renforcer - en attendant la conclusion d'accords en matière d'autonomie gouvernementale - l'autorité des conseils de bande en ce qui touche l'administration sur le plan local;

Voilà de vieilles idées qui ont été rejetées par tous les dirigeants politiques progressistes qui ont participé au processus constitutionnel. On ne parle plus «d'administration sur le plan local». Il s'agit d'une expression désuète qu'on retrouve pourtant dans ce projet de loi. Le libellé de la disposition suivante est également désuet:

Nous ne sommes pas qu'une langue, une culture et des traditions.

Il est inutile de faire allusion à l'administration sur le plan local. Il s'agit là d'une notion qui n'est plus d'actualité. Le ministre ne fait que reprendre une expression désuète.

Voici une opinion qui n'est pas de moi. C'est un avis juridique dont l'auteur est un avocat qui relève du chef Phil Fontaine du Manitoba. Voici ce qu'on y lit:

Qu'a-t-on fait du droit inhérent à l'autonomie politique qui, selon Ron Irwin, nous a été transmis par le Créateur? Qu'en est-il? Où se cache-t-il? Se cache-t-il quelque part? Non. Il ne veut pas que ce droit se concrétise et voilà la raison d'être de ce projet de loi: faire en sorte que ce droit à l'autonomie politique ne se concrétise jamais.

L'avocat poursuit:

Voici ce que l'avocat dit au sujet de la deuxième partie du préambule:

C'est à peu près ce qui se retrouvait également dans l'Accord de Charlottetown.

Ce qu'on nous présente dans le préambule, ce sont de vieilles idées. Nous ne nous opposons donc pas à ce que M. Irving laisse sa marque dans l'histoire, mais à ce qu'il le fasse à nos dépens en présentant des idées vieilles d'un siècle qui ont été rejetées par notre peuple.

Le président: Monsieur Duncan.

.1235

M. Duncan (North Island - Powell River): Je vous remercie, monsieur le président.

Je voulais signaler que je suis très mécontent du délai qui a été fixé par ce comité aux bandes de ma circonscription pour la présentation d'un mémoire, et je le leur ai fait savoir. Je n'étais pas à mon bureau vendredi, j'ai reçu l'avis dimanche, je l'ai fait parvenir aux bandes lundi matin et mercredi était la date limite. Je m'élève contre cette façon d'agir.

Il y aura des élections cette année. Le Parlement sera sans doute dissous d'ici six semaines. Le moment est très mal choisi pour présenter une mesure législative de ce genre.

Depuis 1994, ce ministre attend la toute fin de chaque session parlementaire pour présenter à la hâte un projet de loi. On invoque ensuite la clôture et toutes sortes d'autres moyens pour écourter le débat. C'est ce qui se produit encore une fois.

Vous avez mentionné le fait, monsieur le président, que le comité est saisi de cinq projets de loi. Il y a des mois, on a demandé ma collaboration au sujet de deux projets de loi, deux accords d'indemnisation touchant le Manitoba. Nous attendons simplement que la Chambre veuille bien les adopter. Le projet de loi sur les eaux du Nunavut qui a été présenté au comité comportait tellement de lacunes qu'on a décidé de complètement le remanier. Le comité n'a plus à s'en préoccuper.

Je tiens à exprimer la frustration que je ressens à l'idée que sachant bien que des élections auront lieu sous peu, le ministre a néanmoins décidé que ses priorités passeraient avant celles du comité. Je m'élève complètement contre cette manoeuvre.

Voilà ce que j'avais à dire.

J'aimerais demander au grand chef Mercredi si, à sa connaissance, le ministre a dit à des chefs de bande qu'il avait l'intention de faire adopter ce projet de loi au cours de cette session.

Le chef Mercredi: Le ministre a dit qu'il souhaite que ce projet de loi survive au gouvernement. Autrement dit, il veut que le projet de loi soit adopté avant la dissolution du Parlement. Cela cadre donc avec ce qu'a dit le président: le comité est saisi de cinq projets de loi et des élections auront lieu sous peu. Bien qu'il dise qu'il soit prêt à siéger jusqu'à Noël, je doute beaucoup qu'il le fasse parce qu'il accordera la priorité à la campagne électorale et aux cinq projets de loi. Il faut lire entre les lignes. Comme c'est ce que souhaite le ministre, le président du comité veillera à ce que le projet de loi soit adopté avant le déclenchement des élections.

Le président: Aux fins du compte rendu, je signale qu'on parle au nom du ministre. Je ne vous empêche pas de le faire, mais je me dois de signaler qu'on aurait dû poser ces questions au ministre lui-même il y a une semaine. Je ne vous empêche pas de poursuivre dans cette veine, mais je signale simplement qu'on prête des propos au ministre.

M. Duncan: En réalité, ma question est la suivante - et je ne sais pas si c'est vraiment à vous que je devrais la poser - comment expliquez-vous que, d'une part, le ministre déclare qu'il va respecter l'indépendance du comité permanent et, d'autre part, qu'il pense pouvoir faire à adopter la mesure au cours de la législature actuelle? Compte tenu des échéances, j'en conclus que le comité permanent n'est pas indépendant.

.1240

C'est d'ailleurs ce que je pense depuis longtemps des comités parlementaires à cause de la majorité ministérielle. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Comme l'a dit Claude, il ne représente qu'une voix sur six. Si tous les membres du comité étaient présents, le Parti réformiste et le Bloc québécois seraient à quatre contre sept. Telle est la réalité. Voilà donc ma question.

Le chef Mercredi: Mon étonnement tient notamment au fait que Elijah Harper ne soit pas ici. Également, où sont tous ces députés des circonscriptions où les électeurs des Premières nations sont pratiquement majoritaires? Pourquoi ces députés ne siègent-ils pas avec les libéraux? C'est parce qu'ils seraient bien obligés d'écouter les nôtres.

Les discussions du comité seraient beaucoup plus équitables à notre égard si le comité comptait des députés de circonscriptions où les électeurs des Premières nations sont nombreux, puisque ces députés se doivent d'en tenir compte.

Je constate à regret que Elijah Harper n'est pas ici.

Le président: Nous répondrons à cela...

Le chef Mercredi: J'avais compris qu'il devait être ici.

Pour ce qui est de votre question antérieure au sujet de la personne à qui Irwin a parlé, on me dit qu'il a parlé au chef Earl Commanda il y a trois semaines et qu'il lui a dit qu'il souhaitait qu'un projet de loi soit adopté avant les élections. Cependant, nous avons toujours su quelle était son échéance, puisqu'il nous l'a dit lui-même. Ses bureaucrates et son sous-ministre nous ont dit qu'ils voulaient que ce projet de loi soit adopté au cours de la présente session du Parlement. Il n'y a là rien de nouveau. Nous le savons depuis un certain temps déjà.

Le président: Nous allons répondre à votre question, que j'estime valable, au sujet du député Harper. Je crois que M. Murphy a des renseignements à donner à cet égard.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): En effet. Je préciserai, aux fins du procès-verbal que Elija est chez lui car il a le rhume. Le fait qu'il ne soit pas ici n'a rien à voir avec une protestation.

Suis-je le prochain...?

Le président: En effet, mais je tiens à faire un commentaire au sujet des observations tout à fait légitimes de M. Duncan.

À la page 9 de votre exposé, vous parlez du fait que le ministre a promis des audiences publiques approfondies. Or, je tiens à vous dire au départ que ce n'est pas le ministre qui décide de la nature du processus de consultation de notre comité. C'est le comité lui-même. Je tiens à ce que ce soit bien clair. Je ne pense pas que ce que vous dites soit faux. C'est probablement vrai. Cependant, il importe que vous sachiez que ce n'est pas le ministre qui va fixer le travail du comité. C'est le comité lui-même.

Monsieur Murphy, nous avons en tout dix minutes, soit cinq minutes pour chacun d'entre vous.

M. Murphy: Merci, monsieur le président.

M. Bachand a déclaré qu'il trouvait votre exposé tout à fait limpide. Je ne suis pas tout à fait du même avis. Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous lorsque vous dites que le gouvernement actuel ne manifeste ni honnêteté, ni intégrité. Je dois vous dire que j'ai pour ma part l'impression de me comporter de façon honnête et intègre. Si je prends la peine de le dire, c'est que je trouve que de telles déclarations à l'emporte-pièce sont difficiles à accepter et qu'il faut bien que quelqu'un les réfute.

Je tenais également à parler de la consultation, dont vous dites, chef Mercredi, qu'elle n'a jamais vraiment eu lieu. Pour moi, c'est loin d'être aussi limpide que pour M. Bachand. Je me demande quoi penser au juste. D'une part, vous me dites qu'il n'y a pratiquement pas eu de consultation et, d'autre part, on me dit que, depuis 1987, pratiquement 15 millions de dollars ont été consacrés à l'analyse de la loi, etc.

Je crois savoir également que ces 15 millions de dollars comprennent notamment une somme d'environ 93 000 $ pour le financement de l'APN. Également, le sous-ministre qui a comparu ici l'autre jour nous a parlé d'un certain nombre de questions - vous avez parlé d'une consultation sur papier - et je n'ai pas à vous rappeler qu'il y a des lettres, que vous avez eu des rencontres avec le ministre, qu'il y a eu des rencontres avec le sous-ministre, et que le ministre a comparu à deux occasions à des assemblées de l'APN.

.1245

Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné? Pourquoi tant de méfiance alors que je constate, chef, que des efforts de consultation auprès de l'APN ont été tentés mais que, d'après ce que je vois, ni vous, ni votre organisation n'y avez répondu? Pouvez-vous m'aider à comprendre pourquoi les positions sont si divergentes?

Le chef Mercredi: C'est de la tromperie. Lier les efforts d'examen de la Loi sur les Indiens des gouvernements antérieurs aux mesures de Ron Irwin... Elles n'ont rien à voir. Les mesures de Ron Irwin résultent d'un effort de consulter les Premières nations par correspondance. Il a effectivement reçu une soixantaine de lettres. Mais j'ai fait valoir que 540 collectivités ont dit non. C'est quand même un peu plus que 60, n'est-ce pas?

Il continue de s'appuyer dans sa démarche sur 40 mémoires. Mais vous devez retenir que ces mémoires n'étaient pas fondés sur des discussions entre les chefs et le gouvernement. Il s'agissait tout simplement de lettres dont les auteurs exprimaient des souhaits. Telle personne souhaitait reporter l'échéance. Telle autre souhaitait peut-être que certaines dispositions peu justifiables soient supprimées. Telle autre encore souhaitait peut-être voir modifiées les dispositions relatives aux successions. Ainsi, chacun a envoyé sa lettre. C'est tout ce que nous en savons. Or, comme prochaine étape, le ministre nous présente l'ébauche d'un projet de loi et nous demande de l'examiner. Où sont les consultations là-dedans?

Vous n'avez pas devant vous la première ébauche. Il est vrai que le ministre a participé à nos sessions. Il y a participé effectivement et je l'ai rencontré. Cependant, il ne s'agissait pas de consultation. S'il a été invité à nos assemblées, c'est pour rendre compte de ses actes. Les chefs l'ont interrogé sur ses actions et l'ont invité à rendre des comptes. On lui a demandé la raison de ces changements très considérables qui touchaient 75 p. 100 de la loi. On lui a demandé pourquoi il agissait sans faire les consultations qui s'imposaient. Voilà sur quoi ont porté les rencontres. Il ne s'est pas agi de réunions où nous nous sommes parlé de l'opportunité ou de la façon de faire telle ou telle chose. Ce n'était pas cela du tout. Nous n'avons pas eu l'occasion de faire cela puisque ce n'était pas le genre de processus qu'envisageait le gouvernement. Le gouvernement voulait tout simplement nous imposer sa façon de voir. Cependant, l'opposition a été telle qu'il a dû faire marche arrière.

Vous avez devant vous une version modifiée de ce qu'il souhaitait faire à l'origine. Il s'agit d'une version édulcorée des modifications qu'il souhaitait apporter. Et même celles-là, il n'a pas pu les faire accepter, même pas aux poids lourds dont il se vantait d'avoir l'appui. Il n'a même pas été en mesure de leur faire accepter à eux, les modifications qu'il proposait à la Loi sur les Indiens. La seule façon pour lui de progresser, si on peut appeler cela progresser, c'était de les rendre facultatives.

Permettez-moi de vous lire la réponse de Phil Fontaine - et non pas la mienne - étant donné qu'il a laissé croire au comité que le chef Fontaine l'appuyait.

M. Murphy: Ce que je tenais à dire, monsieur, c'est qu'il n'a pas eu de réponse de votre part.

Le chef Mercredi: Le chef Fontaine, dit-il, a négocié les modifications avec lui de manière à ce qu'elles soient facultatives et qu'il y ait une clause antidérogatoire. Il a également identifié Blaine Favel comme étant le deuxième chef qui en a fait autant. J'ai pourtant en main des résolutions par lesquelles les chefs de la Saskatchewan, ont rejeté ces modifications, celles que vous étudiez en ce moment même. Nous avons en main également la correspondance du chef Fontaine, où il opine dans le même sens, et l'avis juridique de son avocat, qui lui conseille de rejeter le projet en bloc, et qui donne le même conseil aux chefs du Manitoba, puisqu'il s'agit d'une mesure législative qui n'est pas souhaitable.

Qui donc appuie ce qu'il propose? Même ceux sur lesquels il croit compter ne sont pas derrière lui, étant donné qu'il agit de façon unilatérale. Quelles ont donc été les consultations? Il n'y en a pas eu.

Le président: Chef Mercredi, ces documents ont-ils été déposés? Souhaitez-vous le faire, ou encore font-ils partie de l'ensemble?

.1250

Le chef mercredi: Ils font partie de l'ensemble.

Le président: Monsieur Murphy?

M. Murphy: On n'a pas répondu à ma question.

Le président: Monsieur Patry.

M. Patry (Pierrefonds - Dollard): Merci beaucoup. J'aurais une question simple à poser au chef Mercredi.

À la page 15 de votre déclaration de ce matin, vous dites:

Puis, vous poursuivez:

Selon ces déclarations, estimez-vous que ce gouvernement-ci ou tout autre gouvernement ne devrait pas modifier la Loi sur les Indiens?

Le chef Mercredi: Je dis qu'aucune initiative législative ne devrait être fondée sur la loi actuelle. Nous ne devons pas tenter d'établir de meilleurs rapports entre nous-mêmes et le gouvernement du Canada en nous efforçant de perfectionner cet instrument imparfait qu'est la Loi sur les Indiens. Il n'y a pas moyen de la parfaire. Cette loi nous a tellement fait de torts que personne ne veut y toucher.

Nous ne l'aimons pas. Ce n'est pas notre déclaration des droits. La Loi sur les Indiens a été utilisée pour anéantir notre droit de nous gouverner nous-mêmes. Elle a été utilisée pour définir ce que nous sommes comme peuple, comme êtres humains. Elle a servi à supprimer notre spiritualité. Elle a servi à faire en sorte que nous n'ayons pas d'avocats pour défendre nos droits territoriaux. Elle a servi à interdire, à criminaliser le potlatch. C'est une loi criminelle. La Loi sur les Indiens est criminelle. Il n'y a pas moyen de la rendre meilleure. Et toute tentative visant à inciter notre peuple à tenter de parfaire cet instrument est insultante. Si les gens comprenaient à quel point nous avons l'impression que nos droits ont été violés par la Loi sur les Indiens, ils ne fonderaient pas sur cet instrument imparfait un processus visant à établir de nouveaux rapports. Ils n'oseraient même pas amorcer le dialogue avec nous à partir de cette base.

Par ailleurs, nous craignons que toute tentative de modifier la loi à partir des vieux principes de la Loi sur les Indiens nous embourbe encore davantage. Voici l'exemple parfait de ce que je veux dire. M. Irwin souhaite proposer la modification suivante:

Nous sommes des personnes. Nous ne sommes pas une entité juridique. Nous sommes des êtres humains. Nous n'accordons que peu d'importance au droit d'ester en justice. Nous tenons à conserver notre identité comme peuple ayant une culture différente, ayant le droit à l'autodétermination, comme peuple jouissant d'un droit ancestral par rapport au Canada.

Qu'a donc fait le ministre en s'inspirant des rapports établis? Voici un avis juridique qui n'est pas de moi, ni de mon avocat, mais bien celui d'un avocat de l'Assemblée des chefs du Manitoba, au sujet de la disposition que je viens de vous lire concernant l'identité juridique de la bande.

Nous ne sommes donc plus tout simplement des bandes. Irwin voudrait faire de nous des personnes morales.

Nous ne voulons pas être des personnes morales, merci beaucoup. Nous souhaitons conserver notre identité comme peuple distinct.

.1255

Si cette mesure législative est adoptée, les libéraux auront donné des pouvoirs aux souverainistes du Québec, et pas aux Premières nations. Ils donnent aux souverainistes des munitions non seulement sur le plan moral, mais sur le plan juridique. Les séparatistes du Québec pourront dire que les Indiens n'ont pas de droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, que la loi est venue limiter leur droit à l'autodétermination. Est-ce bien ce que vous souhaitez? Voulez-vous vraiment adopter des lois qui auront pour effet de donner aux souverainistes du Québec des arguments à l'encontre du droit de notre peuple à l'autodétermination et qui leur permettront de s'appuyer sur vos lois pour nier à mon peuple le droit à l'autodétermination? Si c'est bien ce que vous voulez, c'est ce à quoi ce projet de loi aboutira.

Regardez les répercussions. Il ne s'agit pas ici tout simplement de la volonté d'un homme de passer à l'histoire. Les répercussions sont graves. Elles dépassent la seule Loi sur les Indiens. Elles touchent l'unité de ce pays.

M. Patry: Merci.

Le président: Il nous reste cinq minutes. Nous pouvons demander à chaque membre de poser une question de 30 secondes et au chef Mercredi d'y répondre dans son mot à la fin, ou bien nous pouvons passer directement au mot de la fin?

[Français]

M. Bachand: Je vais lui laisser mon temps pour qu'il puisse...

[Traduction]

Le président: Convenons-nous d'accorder les cinq minutes au chef Mercredi? Il ne reste pas suffisamment de temps pour un tour de questions.

M. Hubbard (Miramichi): Monsieur le président, il y a un aspect important qui, pour moi, pose problème. Tout le monde reçoit des lettres, et on veut nous faire croire que...

Le président: Il s'agit de déterminer s'il y aura ou non un autre tour.

M. Hubbard: Monsieur le président, il me semble que nous devons obtenir des réponses au sujet de l'échange de correspondance avec le Grand chef et des raisons pour lesquelles le ministre a dit qu'il n'avait pas eu de réponse. Cet aspect revêt une grande importance pour moi.

Le président: J'ai compris, mais je vous prie de comprendre la position dans laquelle je me trouve. Si le comité souhaite que l'on fasse un tour, nous devrons prolonger et le prochain témoin sera donc retardé. Que souhaite le comité? Les commentaires de clôture ou un autre tour?

Une voix: Les commentaires de clôture.

Le président: D'accord.

Chef Mercredi, la parole est à vous.

Le chef Mercredi: Le ministre m'a effectivement écrit pour me demander de collaborer avec lui à la modification de la Loi sur les Indiens de manière à faire passer de deux à trois ans le mandat du chef en conseil. J'ai soumis la question à l'exécutif, nous nous sommes demandé pourquoi nous le ferions et pourquoi il était urgent de modifier la Loi sur les Indiens en ce sens. Nous avons donc mis cette question de côté.

Le ministre a ensuite pris l'initiative, non pas de me rencontrer, mais d'annoncer aux chefs de l'Alberta qu'il souhaitait changer la Loi sur les Indiens, non seulement pour ce qui a trait à l'élection du chef en conseil, mais aussi dans le cadre d'un processus général de modification. Il n'est pas venu me voir à ce sujet. Il s'est plutôt rendu à une réunion des chefs en Alberta pour faire sa proposition. Ces derniers n'ont pas réagi.

Devant l'absence de réaction, le ministre a tenté autre chose: il a tenté de modifier la loi par correspondance. C'est à ce moment-là qu'il a écrit aux chefs directement. Dans les lettres qu'il a fait parvenir aux chefs - et à moi également - il invitait ces derniers à lui dire ce qu'ils souhaitaient voir modifier à la Loi sur les Indiens. Étant donné que je ne souhaitais aucune modification à la Loi sur les Indiens, je n'ai pas répondu. Soixante personnes seulement ont répondu, or, à partir de ces 60 réponses, il veut modifier la Loi sur les Indiens.

Par conséquent, quand j'ai vu qu'on allait modifier la loi quelle que soit la position de l'APN, j'ai commencé à organiser des assemblées et le ministre a assisté à l'une d'elles. C'est là que les gens ont commencé à manifester très clairement leur opposition. Nous n'aimons pas ce que fait le ministre, nous voulons l'arrêter. C'est là que j'ai été mandaté pour l'arrêter... Après coup.

Voilà donc pour le processus. Cela ne répond pas aux exigences de l'affaire Sparrow en ce qui concerne les consultations, mais ce n'est pas la seule chose qui nous préoccupe. La teneur du projet de loi nous inquiète également. Par exemple, les modifications que propose le ministre visent à transférer à nos conseils certains pouvoirs pour la gestion des terres.

.1300

Nous nous demandons ce qu'il adviendra de la responsabilité fiduciaire qu'a l'État de protéger ces terres? Pourquoi a-t-il été investi de cette responsabilité au départ? C'est parce que les gouvernements blancs ont gardé nos terres. Nous ne vous avions pas demandé de le faire. Vous les avez prises. Vous avez donc cri une fiducie, conformément à la common law et à l'article 53 de la Loi sur les Indiens. Qu'est-il arrivé quand vous avez cri cette fiducie? Nous avons environ 500 revendications particulières se rapportant à des cas où les agents des Indiens ont trahi notre confiance et où les Indiens ont commencé à perdre leurs réserves à cause du manque de scrupules des agents fédéraux. La législation a évolué au cours des années à cause de la négligence des bureaucrates au service des Affaires indiennes.

Comme nos terres ne nous ont pas toutes été restituées, nous nous demandons ce qu'il en adviendra si nous acceptons ce projet de loi et si nous commençons à les gérer? Nous n'avons pas encore toutes les terres auxquelles nous avons droit. Les terres qui nous ont été promises dans les traités ne nous ont pas encore été entièrement concédées.

Pourquoi voudrions-nous changer la responsabilité fiduciaire de l'État? Nous ignorons ce que vous ferez par la suite. Nos revendications particulières ne sont pas encore réglées. Qu'en adviendra-t-il si ce projet de loi est adopté? Qu'adviendra-t-il du fiduciaire?

J'aimerais vous lire une opinion. Ce n'est pas la mienne, mais celle du conseiller juridique de l'Assemblée des chefs du Manitoba:

Les gens de nos communautés se demandent quel intérêt nous aurions à accepter ces conditions. Pourquoi voudrions-nous que le chef en conseil nous assujettisse à cette loi alors que la question de nos terres n'est pas encore réglée?

Voyons à qui ce projet de loi permet-il de nous assujettir à la loi? Au chef en conseil. À la majorité simple, le conseil peut faire appliquer ce projet de loi. Et savez-vous qu'il n'a même pas à convoquer une assemblée. Il n'est même pas nécessaire que le conseil convoque une assemblée pour déterminer si nous serons assujettis ou non à ces dispositions de la loi. Il lui suffit d'adopter une résolution qui est peut-être signée sans faire l'objet de discussions. La population n'a aucune occasion d'en débattre et une fois que le conseil a pris cette décision, on ne peut plus s'en sortir. Une fois que vous êtes lancé, vous ne pouvez plus reculer.

Je ne suis pas venu ici pour passer en revue toutes mes objections à l'égard de la teneur du projet de loi, car je pensais vous convaincre que les consultations avaient été insuffisantes, que le ministre avait une autre solution à sa disposition, à savoir le processus utilisé dans le projet de loi C-75. Il ne l'a pas choisi et vous devriez donc l'envoyer à la case départ. Vous devriez lui dire que vous n'adopterez pas ce projet de loi, qu'il doit retourner faire ce qu'il aurait dû faire au départ, à savoir négocier ces changements au lieu de les imposer.

Voilà ce que j'avais à dire.

Le président: Merci beaucoup. Je préciserai que ce projet de loi, qui nous a été renvoyé, n'est plus le projet de loi du ministre. Il appartient à la Chambre des communes. Nous lui avons confié la responsabilité d'examiner le projet de loi et d'y répondre. Mais je tiens à bien préciser que ce n'est plus le projet de loi du ministre, mais celui de la Chambre de communes.

Chef Mercredi, je tiens à vous remercier. C'était un excellent exposé. Il m'a beaucoup appris et mes collègues sont sûrement du même avis. Comme je l'ai dit au cours de la réunion, si le comité désire vous inviter de nouveau, c'est lui qui en décidera. Je tiens à bien préciser que je ne limiterai pas les consultations, d'accord?

Le chef Mercredi: Merci beaucoup. Je vous verrai à Noël prochain.

Le président: Merci.

Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes.

.1305

.1313

Le président: Nous reprenons nos délibérations.

Nous aurons maintenant l'honneur et le plaisir d'entendre le nouveau président du Congrès des peuples autochtones - et nous avons le plaisir de lui adresser nos félicitations - Harry Daniels, et son conseiller, Marc LeClair.

M. Harry Daniels (président, Congrès des peuples autochtones): Notre vice-président, M. Frank Palmater, nous accompagne.

Le président: Vous êtes les bienvenus. Cette heure est à vous. Nous aimerions que vous nous laissiez un peu de temps pour les questions, mais ce temps vous appartient.

M. Daniels: Merci, monsieur le président et membres du comité. Nous n'allons pas vous laisser mourir de faim. Notre exposé sera très bref.

Comme vous l'avez dit, je viens d'être élu samedi si bien que je n'ai pas eu tellement l'occasion de lire le projet de loi C-79, à part un coup d'oeil rapide. Je suis plutôt consterné par certaines des choses qui s'y trouvent.

Je commencerai par dire que, si l'APN, qui est une organisation nationale, se plaint de ne pas avoir été suffisamment consultée, les Indiens hors-réserve que représente le Congrès des peuples autochtones sont dans une situation encore moins enviable, car ils n'ont pas du tout été consultés. Nous n'avons pas participé au processus de façon significative ou directe.

.1315

Nous avons trois grandes objections vis-à-vis de la loi. Je réserve mon jugement, car nous n'avons pas encore eu la chance de l'analyser à fond, comme je vous l'ai dit.

Le président: J'aimerais faire une observation. Si, après votre témoignage, vous souhaitez nous soumettre un mémoire écrit, il sera déposé et examiné. Je tenais à ce que vous le sachiez.

M. Daniels: Je vous répondrai que, malheureusement, nous ne disposons pas d'un personnel important. Je vais parler à Ron Irwin pour voir si je peux obtenir des fonds pour payer quelqu'un pour faire ce travail et effectuer une analyse critique de la loi. Nous n'avons pas besoin de beaucoup d'argent. Si on nous permet de mieux nous préparer et de présenter un mémoire écrit, nous le ferons. Merci beaucoup de ce renseignement.

Nos trois grandes objections sont les suivantes: premièrement, le gouvernement fédéral n'a pas consulté les Autochtones hors-réserve; deuxièmement, la loi confère davantage de pouvoirs aux Premières nations sans offrir de garantie aux Autochtones hors-réserve et, troisièmement, la portée de la loi est trop étroite.

Le premier reproche que nous adressons est que le gouvernement fédéral n'a pas suffisamment consulté les Autochtones et les Indiens hors-réserve au sujet des changements qu'il propose d'apporter à la Loi sur les Indiens. Même si M. Irwin a souligné un certain nombre de processus de consultations qui ont précédé l'élaboration de la loi, les Autochtones hors-réserve n'ont pas participé aux consultations récentes et n'ont eu qu'une participation symbolique aux consultations précédentes.

Hier, devant les membres du comité, le ministre a reconnu que le projet de loi allait modifier les droits individuels des membres des Premières nations sur le plan des successions et des testaments. Quant à nous, nous pensons qu'il aura une incidence dans d'autres domaines également pour les Autochtones hors-réserve.

Tout doit être fait par résolution du conseil de bande. La difficulté tient au fait que c'est seulement dans quelques réserves que les Autochtones ont droit de vote lors des élections.

J'ajouterai quelque chose qui ne figure pas dans notre mémoire. Ce soir, à Regina, se tient une réunion des Indiens hors-réserve de la réserve indienne Pasqua qui n'ont pas droit de vote dans la réserve Pasqua. Bon nombre d'entre eux sont mes cousins et des relations, mais tous ensemble ils sont plus nombreux que les Autochtones qui vivent dans la réserve. Je trouve que c'est en dépit du bon sens: des gens qui ont un intérêt dans une réserve, qui en ont eu un par le passé, qui ont fait partie d'une bande indienne, ne peuvent pas voter et cela en Saskatchewan au moment même où je vous parle. La réunion doit avoir lieu ce soir à 19 heures au Centre d'amitié, si je ne m'abuse.

Récemment, dans les affaires Batchewana et Corbière, le gouvernement a confirmé sa décision d'empêcher les Indiens hors-réserve de voter, restreignant ainsi davantage les chances que les Indiens participent au processus. Actuellement, l'affaire Twin montre que pour n'importe quelle raison, les Indiens de la réserve s'opposent au retour des leurs dans la réserve.

En outre, quelle assurance avons-nous que les intérêts de nos adhérents seront protégés comme il se doit? Nous avons conclu un accord politique engageant le gouvernement à nous consulter sur un certain nombre de questions qui figurent dans le Livre rouge et pourtant, trois ans plus tard, le gouvernement n'a rien fait.

Nous avons annexé ce document à notre mémoire, monsieur le président. À l'article 1.0 figure la description d'un processus de consultation. Au cours de ce processus, à l'article 2.0, est prévu un programme relatif aux priorités, dont je vais vous épargner les détails. Vous pourrez le lire par vous-même. Je veux que cet accord politique soit déposé avec le rapport.

Il s'agit d'un engagement pris il y a trois ans stipulant qu'on ne consulterait pas seulement les Indiens hors-réserve mais également les Métis qui vont profiter des dispositions du projet de loi C-31 pour devenir des Indiens de plein droit. Il faut bien réfléchir à ces possibilités.

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Le fait est qu'il n'y a pas eu de consultation avec les Autochtones hors-réserve avant le dépôt de ce projet de loi. À la vérité, nous pensons que le gouvernement fédéral a une obligation juridique et morale de consulter le peuple que nous représentons. En tant que députés, en tant que comité, vous devez exercer vos responsabilités constitutionnelles et vous assurer que des consultations adéquates ont eu lieu.

Deuxièmement, réaffirmation du pouvoir des Premières nations sans garantie pour les Autochtones hors-réserve.

La deuxième difficulté que nous constatons dans ce projet de loi n'est pas étrangère à une difficulté plus grave due à la Loi sur les Indiens et au ministère des Affaires indiennes. En effet, le ministère n'assume pas comme il le doit la pleine responsabilité de tous les Autochtones, les Autochtones de plein droit comme les autres. Quand nous parlons des «autres Autochtones», il s'agit, comme on l'a signalé tout à l'heure, des Indiens à qui on a refusé de reconnaître leur droit ou à qui on l'avait retiré et qui vont invoquer les dispositions du projet de loi C-31 pour récupérer leur statut. Ils n'ont pas été consultés.

Il y a 4 000 Indiens qui, en plus, se disent Métis. Lors des dernières élections, les 60 000 à 70 000 Métis ont adhéré au traité parce qu'ils sont de descendance indienne et la moitié d'entre eux sont Métis, Indiens et Indiens de fait. Et voilà que 60 000 d'entre eux ont été écartés du processus.

Le gouvernement fédéral s'est dérobé à sa responsabilité à l'égard des Autochtones hors-réserve en faisant graviter tous ses programmes et toutes ses initiatives de politiques autour des Premières nations, ce projet de loi étant l'exemple le plus récent des responsabilités que le gouvernement fédéral a reniées. Le phénomène ne date pas d'hier. En 1850, la définition de qui était Indien était beaucoup plus large, plus généreuse, plus englobante. Avec le temps, cette définition s'est resserrée, réduisant le nombre de ceux qui appartiennent véritablement aux nations indiennes de sorte que certains en sont exclus.

En 1985, il y a eu une tentative qui a fait long feu et l'on a essayé de redresser les choses grâce aux dispositions du projet de loi C-31. Voilà un autre document raciste qui décrète que l'on ne peut être Indien que pour un certain temps, après quoi on est exclu. Pourquoi ne pas en dire autant aux blancs de notre pays? Ils sont encore Écossais même s'ils sont établis ici depuis 400 ans. Ne sont-ils pas Canadiens? Il y a plus de gens qui parlent gaélique en Nouvelle-Écosse qu'il n'y en a en Écosse et rien ne les empêche de conserver leur identité et leur culture. On s'est cru obligé d'adopter un projet de loi, le projet de loi C-31, qui déclare, ho... et on donne des cotes. Si la cote est de six ou de cinq, on est encore Indien, mais si c'est deux sixièmes, on ne l'est plus. C'est absurde.

Quoi qu'il en soit, nous sommes ici pour discuter de ce projet de loi qui lui aussi a les mêmes conséquences.

Nous ne voulons pas que l'on codifie encore cette politique myope et intéressée - intéressée car le gouvernement ainsi réduit le nombre de ceux qui appartiennent aux nations indiennes et par conséquent rognent ses responsabilités. Bien des dispositions de ce projet de loi nous inquiètent étant donné qu'il se peut que les bandes aient désormais un contrôle accru quant à la répartition des terres, et ce qui est encore plus important, elles peuvent refuser des terres aux Indiens hors-réserve.

Les dispositions du projet de loi C-31 sont en vigueur depuis 10 ans et bien des gens qui ont décidé de s'en prévaloir continuent de faire l'objet de discrimination de la part des conseils de bandes élus. Il faut prévoir des garanties pour assurer un accès équitable aux Indiens de plein droit et aux Indiens visés par un traité mais qui vivent à l'extérieur d'une réserve.

Lors de notre réunion générale annuelle, récemment, nous avons abordé cette question et adopté la résolution que vous trouverez annexée à notre mémoire. Vous pourrez en prendre connaissance par vous-mêmes. Il s'agit précisément du projet de loi C-31.

Comme vous pouvez le constater, nous sommes encore aux prises avec les échecs qui découlent de modifications antérieures à la Loi sur les Indiens. La loi n'a pas une portée assez vaste. Au lieu d'aborder le problème de l'existence même de la Loi sur les Indiens et de ses dispositions discriminatoires, on se contente de rafistolages ici et là.

À l'instar de la Commission royale, nous pensons qu'il faut apporter des modifications en profondeur et nous exhortons le comité à le recommander dans son rapport au Parlement. On a pu constater que par le passé, procéder au coût par coût ne donnait pas de résultats et rien ne nous porte à croire que cette méthode en donnera cette fois-ci. Il est temps de montrer qu'on est sérieux quand on parle de changement. Votre comité devrait informer le gouvernement de cela.

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Je voudrais ajouter deux ou trois remarques, rapidement. Mon propos n'est pas de passer le projet de loi par le menu mais ces deux ou trois choses me sautent aux yeux.

À la page 12, se trouve la proposition de paragraphe 75.(1), sur l'éligibilité. Il faut vivre dans une bande pour être un électeur d'une bande afin de se porter candidat au poste de chef ou de conseiller. Je vois là une connotation raciste car cela signifie qu'on est Indien seulement dans la mesure où on habite dans une réserve et c'est seulement dès lors que vous pouvez jouir des droits conférés aux Indiens. Selon moi, cela est tout à fait raciste, mais c'est la seule interprétation que je peux donner à cette disposition. Ce libellé exclut certaines personnes et n'est pas le fait d'un bon gouvernement.

Que faire des autres qui devraient être éligibles mais qui ont été exclus des traités pour des raisons historiques. Lors du dernier recensement en Ontario, en 1991, 42 p. 100 ont répondu qu'ils étaient Indiens de plein droit ou visés par un traité. Ce sont donc là les Autochtones, toute la collectivité autochtone. Quarante-deux p. cent étaient Indiens de plein droit, 8 p. 100 Métis, 50 p. 100 non-inscrits. Je ne comprends toujours pas comment on peut être «non-inscrit» mais c'est l'expression qui a été utilisée dans le questionnaire du recensement.

Selon nous, ou vous êtes Indien ou vous ne l'êtes pas. Notre pays n'a pas de système de castes, du moins je l'espère. À moins que le système de castes ne soit déguisé, ne prenne la forme de... Maintenant, les gens se rabattent derrière les dispositions de la Constitution parce que c'est très commode. Nous n'allons reconnaître que les gens qui sont visés par la Constitution: les Indiens, les Inuit et les métis. Pour ma part, je suis métis et je parle au nom des autres Indiens, mais même les métis se voient désormais exclus de la table de négociation parce que le gouvernement fédéral n'a pas de responsabilité envers eux.

On s'occupe du sort des Inuit avec le Nunavut, et les Indiens visés par un traité... On procède à leur fractionnement. Ceux qui vivent à l'extérieur d'une réserve ne sont plus Indiens. Ils n'ont plus voix au chapitre, ils ne peuvent pas voter dans la réserve. Voilà qu'on est en train d'instituer un petit système de castes. Certains Indiens seraient mieux que les autres parce qu'ils ont une cote, mais les Indiens qui ont une cote et qui vivent dans une réserve sont mieux que ceux qui vivent à l'extérieur. Ensuite il y a les Indiens qui n'ont pas de cote, un cran en-dessous. Ensuite il y a les métis et ainsi de suite.

Récemment, à une réunion à Toronto quelqu'un a dit qu'on était en train de créer une famille dysfonctionnelle. Ce n'est pas notre faute, c'est la vôtre. Monsieur le président, vous pouvez me dire que ce n'est pas votre faute à vous. Pourtant, si l'on perpétue ce genre de système, en apportant encore une fois des modifications à la Loi sur les Indiens, après celles que comportait le projet de loi C-31, nous serons aux prises avec le même problème. Notre problème tient au fait que votre père et ses ancêtres, sont venus déloger les Indiens d'ici alors que les descendants de ces Indiens souffrent actuellement. Si ni le comité ni le gouvernement ou les gouvernements à venir ou précédents, ne veulent faire quoi que ce soit, alors il y a quelque chose qui ne va vraiment pas dans tout ce scénario.

Pour qu'il y ait un véritable processus de consultation, le plus large et le plus généreux possible, il faut que tous ceux qui sont touchés par la question soient consultés. Il ne faut pas se borner aux adhérents de l'APN qui vivent dans une réserve. Il faut donc consulter les adhérents de l'APN de même que ceux qui vivent à l'extérieur des réserves, et ce pour des raisons socio-économiques ou autres. Nous représentons ces gens-là également, ceux qui n'ont pas de statut en vertu d'un traité mais qui n'en sont pas moins Indiens. Nous représentons également les gens qui vont se servir des dispositions du projet de loi C-31 pour recouvrer leur statut. Ils doivent être consultés.

Nous sommes le gros de la population indienne car seulement 25 p. 100 des Indiens, conventionnés, vivent dans une réserve. Les autres vivent à l'extérieur.

Si vous voulez que votre processus de consultation soit crédible, il faut englober tout le monde. La triste réalité est que vous faites un choix parmi les gens avec qui vous traitez.

Oh oui. Vous faites un signe de tête - pas vous.

Le président: Vous parlez du processus de consultation?

M. Daniels: Je parle du processus de consultation. Comme mon oncle avait coutume de le faire, j'aborde les choses de façon générale, dans leur ensemble. Quand il parlait du gouvernement, il parlait de tout le monde, de tous ceux qui en font partie, d'un côté ou de l'autre de la Chambre. Quand il parlait, il disait le gouvernement. C'est-à-dire tous ceux qui sont là, sans préciser un parti ou un autre.

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De toute façon, nous voulons être consultés et nous voulons représenter comme il se doit et équitablement les gens qui nous ont élus pour les représenter et pour veiller à ce que justice soit faite à la satisfaction de tous.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur Bachand.

M. Bachand: Vous allez avoir besoin de votre écouteur.

[Français]

M. Daniels: Pourquoi?

M. Bachand: Votre français est excellent, du moins ce que j'en ai entendu jusqu'à maintenant. Je suis d'accord lorsque vous dites qu'on va devoir consulter du côté du Congrès des peuples autochtones, c'est-à-dire des Indiens hors réserve. Cependant, il y a une difficulté quant à la consultation des Indiens hors réserve, parce qu'il me semble que votre structure se copie sur celle des provinces.

Soit dit en passant, je suis un grand ami de l'Alliance autochtone du Québec, qui est membre du Congrès des peuples autochtones, je pense. De quelle façon suggéreriez-vous de faire cette consultation-là? Par exemple, pourrait-on demander à vos gens de chacune des provinces de témoigner par vidéoconférence et de nous dire de quelle façon ils voient les problèmes découlant du projet de loi qui est devant nous?

En sommes, pouvez-vous nous donner un aperçu de la façon dont fonctionne votre structure? Je pense que vous n'avez pas de communautés comme les Premières Nations. On ne peut dire qu'on va aller sur telle réserve. Il s'agit plutôt d'un regroupement national pour le Canada et il y a aussi des regroupements par province. De quelle façon verriez-vous cette consultation?

[Traduction]

M. Daniels: C'est un problème national car il y a des gens qui vivent à l'extérieur des réserves dans la plupart des organismes que nous représentons. En fait, une réserve de Pieds-Noirs a souhaité se joindre au Congrès des peuples autochtones parce qu'elle estimait que l'APN ne défendait pas bien ses intérêts. Le problème existe à l'échelle du pays.

Je ne suis pas ici pour me quereller avec qui que ce soit. Le processus a évolué et voilà où nous en sommes. Nous en sommes à l'étape de l'étude en comité. Nos gens n'ont pas été consultés par manque de structures pour le faire. L'argent et le personnel manque.

M. Marc LeClair (conseiller, Congrès des peuples autochtones): Le comité est aux prises avec une question notamment: comment le comité peut-il avoir l'assurance qu'il y a eu des consultations adéquates sur toute mesure législative affectant les Autochtones? En effet, la Cour suprême dans l'arrêt Sparrow, comme l'a rappelé ce matin le chef Mercredi, a déclaré que quand on procédait à des modifications qui pouvaient avoir une incidence sur les droits autochtones, il fallait procéder à des consultations. Dans le cas de cette affaire, c'était le droit de pêche mais j'aurais du mal à trouver des dispositions plus directement reliées aux droits ancestraux que les dispositions de ce projet de loi.

Les uns vous disent qu'il y a eu des consultations et vous servent toute une chronologie des événements ayant précédé cette proposition de loi - c'est une longue histoire, tout le monde le sait - puis les autres vous disent qu'en réalité il n'y a pas eu de consultation. Le chef Mercredi n'y est pas allé par quatre chemins. Nous-mêmes, nous disons qu'il n'y a eu aucune consultation avant le projet de loi.

Notre problème c'est que cela fait je ne sais combien de temps que le sous-ministre nous a promis une aide financière pour ces consultations. Nous avons reçu une lettre la semaine dernière: le chèque est parti. En réalité, il n'est pas du tout parti.

Nous sommes pris entre l'arbre et l'écorce. Quoi qu'il en soit, votre comité a la responsabilité de s'assurer que les intéressés ont bel et bien été consultés. Dans notre cas, il ne s'agit même pas de nous croire sur parole. Je crois que le ministère conviendrait lui-même que les consultations ont été insuffisantes puisqu'il n'y en a pas eu du tout.

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C'est donc avec vous qu'il faut régler cette question. Nous pourrions examiner avec vous un certain nombre de solutions pour compenser cette absence de consultations mais notre problème c'est que le train a quitté la gare depuis longtemps et que nous sommes encore sur le quai. Le train est arrivé à destination sans nous.

Ce n'est pas juste et votre comité devrait pour le moins le signaler dans son rapport.

Pourquoi devriez-vous venir écouter des groupes se plaindre les uns après les autres de ne pas avoir été consultés? Je crois qu'il incombe à votre comité de fixer certaines règles et de réclamer certaines choses avant de pouvoir entamer l'examen d'une loi ou alors il lui incombe de modifier les procédures de consultation.

Nous savons qu'il va très bientôt y avoir des élections fédérales. Vous avez un programme législatif à boucler, nul ne l'ignore. Il reste que cet exercice devrait nous avoir appris quelque chose. Je vous demande instamment d'y réfléchir et de trouver une solution.

Le président: Je ferais simplement un commentaire. Je crois qu'il faut définir ce qu'on entend par consultation car nous recevons des comptes-rendus de réunion, des lettres, nous organisons des débats contradictoires, et d'autres témoins nous disent nous avoir rencontrés mais que ce n'étaient pas des consultations. Je ne sais pas qui a tort ou qui a raison, mais il faut définir ce qu'on entend par consultation.

L'autre problème c'est que nous entendons aujourd'hui des témoins qui nous disent qu'ils viennent tout juste d'être élus et qu'ils n'ont pas eu beaucoup de temps pour étudier le projet de loi. Ce projet de loi a été déposé le 12 décembre 1996. Je reçois du courrier depuis le mois d'octobre. Nous n'avons pas décidé de tenir ces audiences la semaine dernière.

Il faut donc définir ce qu'on entend par consultation, mais ce n'est pas votre travail. Nous avons pour tâche de nous assurer que nous consultons, que nous essayons...

M. Daniels: Monsieur le président, si vous devez changer radicalement la vie des Indiens de ce pays, j'aimerais le même montant d'argent et le même genre d'attention que vous accordez aux séparatistes québécois.

Le président: Nous ne donnons pas d'argent aux...

M. Daniels: Ils ont un gouvernement séparatiste. Et la loyale opposition du gouvernement est une bande de séparatistes qui lutte contre... La loyale opposition du gouvernement est censée être loyale envers la reine et je préfère m'abstenir de tout commentaire. Mais il n'en reste pas moins que si vous êtes prêt à accorder autant d'attention aux deux solitudes du Canada, n'oubliez pas qu'il y en a une troisième.

Pour nous, consulter signifie parler à la majorité des intéressés - directement ou par le biais d'intermédiaires fiables - pour connaître son opinion sur la question.

Si vous êtes prêt à y consacrer autant d'argent que vous avez consacré aux négociations du Lac Meech, de Charlottetown et de la société distincte pour un segment du Canada qui veut faire exploser le Canada, qui veut quitter le Canada d'une part mais que d'autre part vous voulez imposer des changements conséquents pour la vie des Indiens de ce pays en disant simplement: «Nous avons déposé ce projet de loi en décembre et nous avons bien l'intention de le faire adopter avant la fin du mois de mars» - ne comptez pas sur moi! Pas tant que vous ne m'aurez ou que vous n'aurez écouté ceux que nous représentons. Vous ne pouvez pas décider de l'avenir de toute une population sans avoir l'assurance - au sens le plus large du terme - que tous les intéressés aient la possibilité d'en discuter. Si nécessaire, il faut que ce genre de consultation ait lieu dans toutes les communautés.

Vous ne pouvez pas changer radicalement la loi qui va affecter tout un peuple ou qui affectera différents peuples de différentes manières. Chaque nuance doit être prise en compte. Quelle est la vraie signification de cette loi? Qu'est-ce que veut dire sa terminologie? Quel sera son impact final sur la population? C'est ça la consultation. Cela ne veut pas dire simplement comparaître devant tous ces petits comités.

Je ne veux pas minimiser l'importance de votre comité en le traitant de petit comité car il est évident que vous avez énormément de pouvoir. C'est vous qui allez faire des recommandations. Mais que je sache vous ne connaissez pratiquement pas l'opinion de nos communautés.

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Et quand je dis que cela ne fait que trois jours que j'ai connaissance de ce projet de loi, ce n'est pas une mauvaise excuse. Il m'a fallu deux minutes pour le lire et m'apercevoir qu'il n'était pas satisfaisant du tout. Les 200 délégués de notre assemblée ont dit qu'il était insatisfaisant et ils n'ont pas été consultés; et ces gens au niveau provincial représentent ceux que nous représentons au niveau national.

Les consultations sont loin d'être complètes. En fait, elles sont totalement incomplètes.

M. LeClair: Vous avez dit avoir pour tâche de vous assurer - si je me trompe, n'hésitez pas à me le dire - que vous aviez la responsabilité de vous assurer d'avoir entendu...

En tant que représentant du Parlement je crois que votre comité a des obligations bien supérieures, monsieur, et les tribunaux l'ont déjà dit. Ils ont dit que le Parlement devait s'assurer qu'en cas de décisions ayant des conséquences pour les Autochtones ou sur les droits conférés par les traités il devait pour le moins y avoir consultation. Vous êtes un élément important de la consultation mais seulement un élément.

Il me semble que vous avez l'obligation envers le Parlement et envers les Indiens de ce pays de vous assurer que des consultations ont eu lieu et non pas simplement à la dernière minute, pour avoir l'assurance que les Indiens de ce pays ont été correctement consultés. Nous vous disons que les Indiens hors-réserve n'ont pas été correctement consultés.

Parmi toutes vos constatations, il vous faut lui donner une très grande importance. Même si vous ne voulez rien faire à ce propos maintenant, pour une raison ou pour une autre, législative ou politique, vous devez le faire figurer dans vos constatations car c'est un élément critique pour les relations futures de ce comité avec les Indiens et les peuples autochtones de ce pays.

Vous ne pouvez pas dire simplement: «On nous a donné une tâche à remplir, peu importe le déroulement des événements précédents». C'est une abdication de responsabilité.

Le président: En tant que président de ce comité j'ai envoyé une note de service à tous les députés pour qu'ils informent leurs commettants de nos délibérations et de la procédure suivie. J'ai deux communautés des Premières nations dans ma circonscription, elles ont été informées et elles veulent toutes deux venir témoigner. Nous avons donc tout fait, en tant que comité, pour que la procédure soit aussi plus juste que possible.

Nous écoutons avec compassion les histoires du passé. Nous avons un projet de loi, nous avons un travail à faire et nous allons le faire.

Monsieur Duncan, je m'excuse d'avoir empiété sur le temps du comité. C'est à vous.

M. Duncan: Je n'ai pas grand chose à dire. J'ai entendu votre témoignage. Vous parlez de procédure électorale et vous dites qu'en réalité les Autochtones hors-réserve n'ont pas le droit de vote. Est-ce que cette question n'a pas été en partie résolue dans la décision Batchewana et ses conséquences ou n'y a-t-il toujours pas de solution?

M. Daniels: Non, la question est résolue, les Autochtones hors-réserve peuvent désormais voter.

M. Duncan: Ils ont donc gagné...

M. Daniels: Oui, ils ont gagné. Mais il y a appel.

M. Duncan: Il y a appel, oui.

M. Daniels: Voyez-vous, tout le monde dans ce pays se bat contre les Autochtones hors-réserve pour qu'ils ne puissent pas se faire entendre - pas tous, pas tous les Indiens ou tous les gouvernements, mais...

Un exemple classique est l'affaire Rama - c'est à propos des casinos - les Métis et les Indiens non inscrits ont dit qu'ils avaient autant de droits que les Indiens inscrits et pourtant les Indiens inscrits, l'Union des Indiens de l'Ontario s'est associée à la province pour dire au tribunal que nous n'avions pas de droits. Comment voulez-vous qu'ils protègent les droits des Autochtones hors-réserve dans ce document, droits que le gouvernement ne veut pas vraiment protéger, quand une organisation d'Indiens en Ontario dit que les Indiens hors-réserve et les Indiens non inscrits n'ont pas non plus ce genre de droit?

C'est une mesure législative totalement insatisfaisante. Et elle est restrictive. Elle exclut pratiquement les Indiens hors-réserve.

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M. Duncan: Vous soulevez la question des catégories d'Indiens - c'est un argument sans fin. Tant que ces différents statuts perçus, présumés ou assumés auront une valeur monétaire il y aura toujours des problèmes d'interprétation et des réclamations de reclassifications certifiées par le gouvernement. C'est problématique pour notre société, cela va devenir un très gros problème et il faudra absolument trouver une solution.

Vous avez cité l'exemple des Écossais qui parlent gaélique. Si je me dis Écossais, personne ne le contestera, parce qu'il n'y a rien à contester. Mais si je me dis Indien, il faut que je le prouve. Pourquoi dois-je le prouver? Parce que c'est censé avoir une certaine valeur.

Je crois que nous devrions regarder un peu où nous allons si nous n'arrêtons pas de demander au gouvernement de nous légitimiser, de nous classer, de nous mettre dans des petites cases; et une grande partie de cette discussion, une grande partie de votre document, tourne autour de ce concept. Cela ne va peut-être pas dans le sens de ce que vous recherchez et cela n'a peut-être pas grand-chose à voir avec le projet de loi C-79 mais je pense qu'il est bon de le rappeler.

M. Daniels: Je ne pense pas que cela corresponde à une valeur monétaire, mais il est certain qu'être Indien, Inuit ou Métis dans ce pays apporte certains avantages. Le problème c'est que le gouvernement s'est peu à peu autant dégagé qu'il l'a pu de ses responsabilités envers les Autochtones, par voie législative, par voie de traité, etc, pour réduire l'importance de ses obligations fiduciaires envers les Autochtones du Canada et principalement sur le dos des Autochtones hors-réserve et sur le dos des Métis. Les exemples ne manquent pas. Si nous avions été consultés périodiquement, cela ne serait pas arrivé.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Hubbard: Monsieur Daniels, sauf erreur, ceux que vous représentez sont aussi mécontents de la Loi sur les Indiens, n'est-ce pas?

M. Daniels: Avec les changements du projet de loi C-31?

M. Hubbard: Y compris les changements du projet de loi C-31.

M. Daniels: Y compris les changements du projet de loi C-31, oui.

M. Hubbard: Malgré ces changements, vous n'êtes toujours pas très contents de la Loi sur les Indiens.

M. Daniels: Non.

M. Hubbard: Et vous souhaiteriez des changements majeurs.

M. Daniels: Nous aimerions pouvoir consulter et faire un examen en profondeur car beaucoup de nos gens ne sont pas contents... Je veux dire les Autochtones hors-réserve que nous représentons. Je parle des Indiens hors-réserve, et non pas des Indiens non inscrits ou des Métis puisqu'ils sont désignés mais de ces Indiens hors-réserve qui sont touchés. Ceux qui vont peut-être récupérer leur statut grâce aux statuts du projet de loi C-31 ne sont quand même pas satisfaits. L'objet du projet de loi C-31, avec son article 109, les dispositions d'affranchissement etc., était de faire disparaître certaines notions racistes... Mais il n'a fait que les aggraver en fixant dans le temps la notion de descendance indienne.

Ce projet de loi fait la part encore plus belle pour les Indiens vivant dans des réserves. Désormais ils pourront même vendre leurs terres - vendre leurs réserves, s'ils le veulent. Vous essayez de vous protéger au début en disant: «La Loi sur les Indiens, dans la nouvelle application prévue par la présente loi, ne porte pas atteinte...».

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M. Hubbard: J'essaie de démontrer quelque chose.

M. Daniels: Cela doit m'échapper.

M. Hubbard: J'essaie de démontrer que dans la loi actuelle... Ce matin, le grand chef Mercredi a cité M. Harper qui est membre de ce comité. Il assimile pratiquement la loi actuelle sur les Indiens qui maintient les Premières nations dans des réserves à, sauf erreur, un «pénitencier», une cage qu'ils ne doivent pas quitter s'ils ne veulent pas perdre leurs avantages économiques. Aucune tentative n'est faite pour élargir l'horizon, pour permettre à ceux qui quittent les réserves de bénéficier des mêmes avantages et des mêmes priorités accordés par notre gouvernement à ceux qui y restent. Je crois que c'est ce que vous essayez de dire.

Est-ce votre interprétation de la loi actuelle? Croyez-vous qu'il faut y apporter des changements pour que les rapports entre les divers peuples de notre pays, entre les peuples autochtones et non autochtones soient plus universellement acceptés et plus compatibles avec notre culture et nos systèmes politiques?

M. Daniels: Je n'aimerais pas du tout être régi par la Loi sur les Indiens, sous sa forme actuelle. Il faut qu'elle soit plus généreuse pour les Indiens et les laisse beaucoup plus contrôler leur propre vie. Mais en même temps, elle ne devrait pas favoriser le désengagement du gouvernement fédéral au niveau de ses responsabilités.

Ce qui mécontente les gens c'est l'impression de ne pouvoir faire certaines choses que s'ils restent dans leurs réserves et de ne pouvoir faire certaines autres que s'ils les quittent. Cet élément de contrôle est très désagréable. Personnellement cela ne me touche pas. Je suis le seul élu à parler en leur nom pour le moment.

M. Hubbard: Êtes-vous d'accord avec la définition de M. Harper du système actuel selon laquelle les réserves sont des pénitenciers ou des cages dans lesquelles des gens sont gardés?

M. Daniels: Certainement. C'est comme être en prison. Jusqu'à la fin des années 40, il fallait obtenir un laissez-passer de l'agent du bureau des affaires indiennes pour sortir de la réserve. Ils ont essayé de faire ce genre de chose. Vous n'êtes Indien que tant que vous restez dans la réserve et il y a un certain nombre de règles à respecter. Mais je n'ai pas très bien compris ce que vous vouliez dire.

M. Hubbard: Vous nous recommandez de faire un certain nombre de choses. Le grand chef nous a dit de ramasser nos affaires et de rentrer chez nous, d'oublier ce projet de loi qui nous a été envoyé par la Chambre car ceux qu'il représente - il est censé représenter environ 600 Premières nations - pensent que ce serait beaucoup mieux comme ça. Le ministre, lui, nous a dit que ce projet contenait certains changements susceptibles d'améliorer la situation actuelle. Nous avons la responsabilité d'étudier ces changements. Bien sûr, il y a d'autres solutions. Il est même possible qu'un nouveau ministre propose un concept totalement nouveau.

Que proposeriez-vous?

M. Daniels: Il y a un article que j'aimerais vous lire: «Ni l'application des dispositions de la présente loi... ni la cessation de cette application... ne mettent en cause la responsabilité de Sa Majest;. Donc, dans un article, il est dit que la nouvelle application prévue par la présente loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants mais dans un autre, en cas de vente de terres, par exemple, la reine est dégagée de toute responsabilité. Que va-t-il se passer? Je n'ai pas entendu tout ce qu'a dit Ovide, et je n'ai pas eu l'occasion de lire son exposé, mais si les Indiens des réserves vous disent de tout laisser et de rentrer chez vous, je ne vois pas très bien ce que ceux qui vivent hors-réserve peuvent vous dire. Vous devriez peut-être me le dire.

M. LeClair: Pourrais-je ajouter quelque chose?

Le président: Je vous en prie.

M. LeClair: M. Duncan a cité l'affaire Batchewana. Il s'agissait d'Indiens hors-réserve qui voulaient participer aux élections des bandes. Je crois que la Cour suprême de l'Ontario a décrété que leur refuser le droit de vote revenait à nier leurs droits à l'égalité. Bien entendu la Couronne a fait appel.

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Or, voyons les dispositions électorales qui sont proposées ici. Supposons que la Cour suprême en soit saisie, qu'elle nous donne raison et qu'elle décrète que c'est une négation de nos droits à l'égalité. Qu'avez-vous fait dans ce projet de loi pour que cela ne soit plus ainsi? Rien du tout.

Vous avez dit que le projet de loi sera modifié. Désormais, il ne faudra plus un décret en conseil pour contester une élection, le ministre aura le pouvoir de le faire directement. Puis à l'article 80.2 proposé, vous dites que la Couronne sera dégagée de toute responsabilité à l'égard de la décision du ministre. Vous dites donc que le ministre sera absous de toute responsabilité pour avoir porté atteinte aux droits à l'égalité des Indiens?

Ce projet de loi ne règle pas ce problème et si vous voulez régler le problème des élections, ceux que nous représentons vous disent qu'il faut changer ces dispositions, qu'il s'agisse des gens de Regina qui se réunissent ce soir ou des Batchewana. Les dispositions concernant les élections sont des dispositions importantes parce que le problème reste de savoir comment on va changer tout ça.

Qu'est-ce qui ne va pas dans la Loi sur les Indiens? La Loi sur les Indiens et le ministère qui s'intéressent exclusivement aux questions fiscales et politiques dans les réserves... C'est ça notre problème et ce projet de loi continue à l'ignorer en disant «Ce sont les limites de nos responsabilités». Nous le contestons et nous ne sommes pas d'accord.

Le président: Monsieur Finlay.

M. Finlay (Oxford): Merci, monsieur le président. Je tiens à répondre.

Le problème, en partie, chef Daniels, est dû au fait que vous dites citer ce que le grand chef nous a dit tout à l'heure et votre citation est inexacte. Ce n'est ni l'intention du ministre ni l'intention de ce comité.

Marc vient de dire que Sa Majesté se dégage de toute responsabilité. Sa Majesté ne se dégage de rien du tout. L'article 80.2 proposé concerne les dispositions électorales pour une bande dans sa réserve - les modalités d'élection du chef et le nombre de sections électorales. La disposition dégageant Sa Majesté de toute responsabilité est nécessaire parce que le ministre n'exerce aucun contrôle sur la décision de la bande. Cette décision a été donnée aux bandes.

Vous avez dit, chef Daniels, vouloir exercer plus de contrôle sur la vie de ceux que vous représentez et plus de contrôle sur votre propre vie, je suppose. Est-ce la raison pour laquelle vous avez quitté votre réserve? Est-ce la raison pour laquelle 50 p. 100 d'Indiens non inscrits vivent hors-réserve?

Vous rejetez la notion de sang indien mais elle est très importante. Je suppose qu'il y a des gens qui probablement pourraient se prétendre Indiens parce qu'ils ont un ancêtre indien mais qui ont plus de sang écossais, anglais ou français qu'indien. Je ne prétends pas connaître la solution à ce problème, mais cette loi retire des mains du ministre et du gouverneur en conseil certaines des décisions les plus paternalistes et augmente le pouvoir et le contrôle donnés aux nations indiennes.

Je crois savoir que grâce au projet de loi C-31 environ 100 000 Indiens ont retrouvé leur statut mais ne sont pas redevenus membres de leur bande. Qui les empêche de redevenir membres de leur bande? Qui prend ces décisions, chef Daniels?

M. Daniels: Pour commencer, je ne suis pas chef; je suis le président du CPA.

Dans certains cas, la décision est prise par la bande et dans d'autres cas, s'il n'y a pas de code, c'est le gouvernement ou le maintien du statu quo.

Vous dites que cette loi nous donne plus de pouvoirs, c'est exact mais dans les réserves. À Regina ce soir, il y aura plus de 100 Indiens qui vivent hors-réserve et environ 65 qui vivent dans des réserves qui voteront pour l'élection du chef. Ce sont de simples chiffres. Il y a une plus grande proportion de gens qui vivent hors-réserve à Regina qui n'ont rien à dire sur ce qui se passe dans la réserve Pasqua. Ils ne peuvent pas voter dans cette réserve.

M. Finlay: Est-ce qu'ils peuvent voter à Regina, chef?

M. Daniels: Pour faire quoi?

M. Finlay: Est-ce qu'ils peuvent voter pour leurs conseillers municipaux de Regina, pour leurs échevins, pour leur maire?

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M. Daniels: Cela n'a rien à voir. Ce qui compte c'est qu'ils sont membres de la réserve. Où qu'ils aillent, ils devraient avoir des droits territoriaux et tous les droits reconnus par le traité no 4. Vous portez atteinte à leurs droits de mobilité en disant qu'ils ne peuvent quitter leur réserve sous peine de ne plus être considérés comme des Indiens.

M. Finlay: Ce n'est pas ce que dit le projet de loi C-31.

M. Daniels: Vous ne comprenez pas. Qu'ils puissent ou non participer aux élections municipales n'a rien à voir. Vous parlez de nouveaux pouvoirs conférés par la proposition d'article 75(1) ou je ne sais quel autre. Corrigez-moi si je me trompe, mais cet article dit que la personne qui se présente au poste de chef doit être un électeur ou appartenir au conseil de bande. Beaucoup de ces gens qui vivent dans les villes ne sont ni électeurs ni conseillers de bande.

M. Finlay: Je comprends.

M. Daniels: Est-ce que vous voulez me dire que les droits des Indiens ne sont pas transportables?

Une voix: C'est ce qu'il a dit.

M. Daniels: Vous me dites que si vous allez à Regina, vous n'êtes plus Indien.

M. Finlay: Je n'ai jamais rien dit de la sorte.

M. Daniels: C'est une notion totalement raciste. Vous dites qu'ils ne sont plus Indiens parce qu'ils vivent à Regina, à Winnipeg, à Toronto, à Thunder Bay, à Sudbury, à Vancouver ou à Halifax.

C'est ce que dit le projet de loi!

Le président: Je crois qu'il faut que je rétablisse un peu l'ordre. La question était...

M. Daniels: Et si nous avions été consultés...

Des voix: Oh!

Le président: Il faut que je reprenne le contrôle.

Excusez-moi un instant. Je crois que nous nous emportons à cause d'une question à laquelle il n'a pas été répondu. Je vais y répondre: oui, ils peuvent participer aux élections municipales et scolaires.

C'était une question simple. Elle était honnête. Si vous voulez rajouter quelque chose, je vous le permettrai, mais qu'il soit clair que je ne permettrai pas aux témoins de faire dire aux membres du comité ce qu'ils n'ont pas dit.

M. Daniels: Je vous comprends. Je vous remercie infiniment. Mon erreur.

Le président: Ma seule intention était de ramener un peu d'ordre dans la réunion.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur Finlay?

Je crois que M. Duncan voudrait la parole.

M. Finlay: Je vais laisser M. Junkin...

Le président: Monsieur Duncan.

M. Duncan: Je croyais avoir entendu autre chose, mais ça ne fait rien.

Des voix: Oh!

M. Duncan: Vous n'avez pas dit M. Junkin?

Des voix: Oh!

M. Duncan: Très bien.

Je crois que ce débat est important. Le droit de vote dépend-il du statut de résidant ou du statut de membre? C'est là tout le débat, c'est là toute la contestation devant les tribunaux et c'est là tout le problème.

Si le droit de vote est fonction de la résidence, il y a tous ceux qui vivent dans les réserves et toutes les statistiques montrent que ceux qui vivent hors-réserve s'en tirent beaucoup mieux tant sur le plan économique que social et éducatif. Certains ont dit que la Loi sur les Indiens était une cage. Certains ont dit que les réserves étaient des cages. Accorder le vote aux seuls résidants, c'est - d'une certaine manière - multiplier les obstacles à l'accès à une vie meilleure car toutes les statistiques montrent que les possibilités sont largement supérieures hors-réserve. Statistique Canada a fait les études voulues pour le démontrer. C'est donc ce qu'on a de ce côté-là.

D'un autre côté, si on procède selon la liste des membres, il y a peut-être de nombreuses bandes où les membres hors-réserve sont beaucoup plus nombreux que les membres vivant dans les réserves. Ils sont absents et ils peuvent faire marcher les affaires à l'heure actuelle.

Ce n'est pas une question simple. C'est une question très difficile. Ce qui nous préoccupe, je pense, c'est que la Cour suprême prend les décisions et tout le projet de loi C-79, si je l'ai bien compris, absout le ministre de toute responsabilité s'il y a un gâchis cri par la Loi sur les Indiens. Il est responsable aux termes de la loi actuelle. Aux termes de la nouvelle loi, il n'est plus responsable, et cela n'est pas un très bon éclaircissement, n'est-ce pas?

M. Daniels: Oui.

M. Duncan: Je voulais tout simplement tenter d'éclaircir la question.

M. Daniels: Et il n'y a aucune garantie d'égalité dans le système actuel ou le système qui est proposé.

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Le président: Je voulais mentionner qu'un processus de consultation permet de dégager des questions comme celle que vous venez d'évoquer. Je sais que toutes ces questions seront soulevées lorsque nous débattrons le projet de loi comme tel, après la consultation. Je suis certain que M. Duncan soulèvera cette question et d'autres. Donc, le processus de consultation fonctionne. Il fonctionne, et il fonctionne maintenant.

M. Daniels: En fait, vous limitez les droits des Indiens aux réserves.

Le président: C'est ce qu'on a dit, il n'en fait aucun doute.

M. Murphy: Est-ce toujours le cas? Dans ma région, il y a une réserve où des gens qui ont le statut d'Indiens hors-réserve votent dans la réserve. Alors, est-ce quelque chose de sélectif?

M. Daniels: Certaines bandes ont leur propre code d'élection qui leur permet de le faire. Mais si je peux simplement...

M. Murphy: Les bandes peuvent faire cela. Elles peuvent établir ce système hors-réserve... Pourquoi est-ce que cela ne se fait pas partout, car on permet ainsi une iniquité, lorsque vous parlez de ce qui se fait à Calgary ou à...

M. Daniels: À Regina.

M. Murphy: ... Regina - désolé - c'est une iniquité. Ils sont tous des Indiens inscrits, mais certains vivent dans les réserves et d'autres hors-réserve. Pourquoi la bande à Regina ne pourrait-elle permettre aux Indiens hors-réserve...? J'essaie de comprendre. Pourquoi certains sont-ils plus égaux que d'autres?

M. Daniels: Cela revient à des considérations d'ordre économique. L'une des raisons pour lesquelles les gens quittent les réserves, c'est qu'il n'y a peut-être pas suffisamment d'argent ou de ressources pour s'occuper de la population dans la réserve. Ces gens sont donc obligés de quitter la réserve pour des raisons socio-économiques. Ce sont les bandes qui contrôlent les différents services qui sont offerts dans les réserves, notamment l'enseignement secondaire, le logement, les soins de santé. Bon nombre qui quittent la réserve, étant donné qu'on les considère comme ne vivant plus dans la réserve, n'ont pas accès aussi facilement à l'enseignement secondaire que s'ils vivaient avec la bande. La bande constate qu'ils veulent recevoir certains services - avec raison - comme le logement, car ils ont une infrastructure à construire afin de s'occuper de leurs gens. Mais le projet de loi à l'étude et d'autres projets de loi tentent de redonner tout le contrôle à la réserve, et seulement une très petite partie de la population est alors desservie au Canada.

C'est une question beaucoup plus vaste, monsieur. Ce dont il faut parler, c'est d'un contrôle plus grand. Comment est-ce que cela se produit? Comment pouvons-nous nous occuper de tous ces Indiens, ou comment allons-nous respecter les droits découlant des traités et les droits constitutionnels et les droits autochtones avant le premier contact? C'est ce qu'il faut faire.

Comment pouvons-nous le faire? Je n'ai pas de réponse magique. On doit certainement partager davantage les ressources avec les Autochtones ici au Canada. Je parle des Indiens, des Métis et des Indiens qui vivent hors-réserve, des Indiens qui ne sont pas issus des traités, et de tous les autres.

Ce processus ne sera pas une tâche facile pour votre comité et tous les intéressés. C'est pourquoi j'ai dit au président tout à l'heure que si, effectivement, nous allions faire des changements importants dans la vie des Indiens...

Quand le processus de consultation a-t-il commencé? L'an dernier? Je ne pense pas que ce soit assez long. Je respecte les points de vue du chef Mercredi. Je le connais depuis de nombreuses années. C'est un bon chef. S'il dit que cela ne convient pas aux gens qui vivent dans les réserves, alors je lui dirai que cela convient encore moins à ceux qui vivent hors-réserve. J'appuie le chef Mercredi.

Le président: Avant de poursuivre, la question que le gouvernement doit se poser, et nous devons nous la poser maintenant, est la suivante. Puisque nous visons l'autonomie gouvernementale, le gouvernement ne devrait-il pas obliger les réserves à reconnaître les Indiens hors-réserve, ou le gouvernement devrait-il obliger les réserves à ne pas les reconnaître, ou le gouvernement devrait-il dire aux réserves de prendre cette décision, si effectivement nous visons l'autonomie gouvernementale? C'est un débat qui devra avoir lieu, j'en suis certain.

.1410

Mesdames et messieurs les membres du comité, voulez-vous prolonger la séance? Nous avons besoin de cinq minutes pour le mot de la fin.

Monsieur Finlay, soyez bref, s'il vous plaît.

M. Finlay: Je serai bref, monsieur le président.

L'un des problèmes ce matin, c'est que nous mélangeons constamment les pommes et les oranges. Je suis tout à fait d'accord, monsieur Daniels, pour dire que c'est une question qu'il faut régler. C'est pourquoi une commission royale a examiné la question des peuples autochtones pendant cinq ans. Je n'ai pas lu les six volumes au complet. Je suppose que vous ne l'avez pas fait non plus. Je ne suis même pas certain que le grand chef Mercredi les a tous lus.

M. Daniels: Je les ai tous vécus.

M. Finlay: Beaucoup d'autres gens y ont travaillé, mais nous tentons de comprendre tout cela.

Le projet de loi à l'étude ne parle pas du droit inhérent ou des choses dont a traité la commission; il parle de certains changements qui ont été proposés au cours des 47 dernières années pour éliminer certains des éléments les plus paternalistes, les plus tatillons de la Loi sur les Indiens. Voilà ce dont il s'agit.

Je n'ai pas de problème à ce que vous disiez qu'il nous faut une méthode, de la consultation, etc. C'est dans ce rapport. Il y a également certaines choses dans ce rapport que personne n'a mentionnées. Je ne veux pas les soulever maintenant car le président ne m'en a pas donné le temps.

Nous parlons du projet de loi à l'étude. C'est ce dont nous allons parler. Nous n'allons pas parler des prolongements que quelqu'un pourrait proposer.

Le chef nous a apporté des avis juridiques. Il y a des avis juridiques pour tous les aspects de la question, comme vous le savez. C'est quelque chose qui peut se faire devant les tribunaux. Nous n'allons pas faire cela.

Nous parlons de certaines choses qui pourraient habiliter les Indiens. Or, vous nous dites que cela n'habilitera que les Indiens des réserves. Très bien, mais c'est en partie votre problème, pas seulement le nôtre, comme le président l'a dit.

Le président: C'est le problème de tout le monde.

Maintenant, monsieur Daniels, je vous invite à dire le mot de la fin.

M. Daniels: Si j'ai donné l'impression d'être arrogant à certains moments, je m'en excuse, monsieur. Je n'en avais pas l'intention. Mais j'ai effectivement vécu ce que l'on retrouve dans ces six volumes.

Je sais que vous allez examiner un grand nombre de mesures législatives et de documents qui auront un impact sur les Autochtones ou les Indiens ici au pays. Je serai heureux de travailler avec vous et de faire tout mon possible pour apporter une contribution de qualité à cet exercice. J'espère qu'il ne s'agit pas uniquement d'un exercice.

Je vous encourage à écouter ce que disent Elijah Harper et Ovide Mercredi pour qui j'ai le plus grand respect.

Si le processus de consultation est imparfait et que ce document est rejeté, repris, dépoussiéré et réexaminé, alors je pense que cela devrait être le cas. Monsieur le président, nous ne voulons pas qu'un autre comité comme le vôtre ou un autre projet de loi du gouvernement entraîne la fracture des nations indiennes du pays.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

La séance est levée.

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