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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 10 mars 1997

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[Traduction]

Le président: Je vous remercie d'être à l'heure. Merci également de vous être déplacés jusqu'à Sudbury, au coeur de la circonscription de Nickel Belt, dans un délai aussi court.

Nous débutons nos consultations aujourd'hui par une vidéoconférence et nous souhaitons la bienvenue à Angela Neveau, de la Première nation de Batchewana.

Angela, auriez-vous l'obligeance de nous présenter vos collègues s'ils ont l'intention de participer à votre présentation? Nous aimerions qu'ils nous donnent leurs noms afin que nous puissions les enregistrer dans le compte rendu. Toutes vos déclarations seront ainsi dûment notées et nous les prendrons en considération lors de nos délibérations sur la Loi sur les Indiens une fois nos consultations terminées.

Nous disposons de 40 minutes pour vous entendre. Vous pouvez prendre le temps dont vous avez besoin et le reste sera utilisé par les membres du comité pour poser des questions. Je vous demande de vous présenter et d'enchaîner immédiatement. Merci.

Le chef Angela Neveau (Première nation de Batchewana): Bonjour. Je suis le chef de la Première nation de Batchewana.

Mme Carol Madgiwan (conseillère, Première nation de Batchewana): Bonjour. Je suis conseillère de la Première nation de Batchewana.

M. Joe Thom Seyers (représentant, Première nation de Batchewana): Je suis membre de la Première nation de Batchewana et ancien coordinateur à l'autonomie gouvernementale.

Le chef Neveau: Le 6 novembre 1996, lors d'une assemblée générale publique, le conseil de bande a adopté une résolution qui se lit comme suit:

Depuis qu'elle a eu des contacts avec des peuples venus d'au-delà des océans, notre nation indigène s'est efforcée de survivre en tant que nation, en tant que peuple. Contre toute attente, elle a survécu. Nous sommes une nation souveraine, et la souveraineté, le pouvoir suprême, vient du Créateur. C'est le Créateur qui nous a mis sur terre et nous a donné des lois auxquelles nous devons obéir. Notre peuple vit ici depuis des temps immémoriaux. Nous sommes les égaux des autres nations. Les Anishnabe, qui pratiquaient un mode de vie sain dans un riche environnement naturel, ont été presque décimés et réduits à l'impuissance au sein de communautés dysfonctionnelles, à cause de maladies héritées du colonialisme et de la domination étrangère.

Notre peuple est d'avis qu'il n'a jamais renoncé au droit à l'autodétermination ou à l'autonomie gouvernementale en signant le Traité Robinson-Huron de 1850. Nos ancêtres ont conclu ce traité dans le cadre des lois qui régissaient alors les relations entre l'État et les nations autochtones de l'Amérique du Nord.

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Avant de signer ce traité, les chefs avaient été arrêtés et emprisonnés pour s'être opposés à l'exploration minière et pour avoir empêché des colons de s'établir sur nos territoires sans en avoir le droit.

La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît la validité de la Proclamation royale de 1763, tout comme l'avaient fait nos ancêtres avant le traité de 1850. Au moment où ce traité était conclu, la première Loi sur les Indiens de 1850 voyait le jour; elle avait pour but la protection des Indiens du Haut Canada contre l'imposition des terres qu'ils occupaient et dont ils jouissaient, libres de toute intrusion illicite et acte préjudiciable.

Vu l'étendue du territoire concerné et dans le contexte de l'exploitation des Indiens, la loi de 1857 qui a permis l'assimilation graduelle des tribus indiennes du Canada a été adoptée sans que soient impliquées les nations qui l'avaient été à l'origine. Nos ancêtres ont vu dans le traité un accord de coexistence entre deux nations - une entente fondée sur des relations intergouvernementales. Nous devons vivre en harmonie avec toute la création. Toutefois, une seule des parties prenantes a profité du traité. La situation n'a pas évolué de façon harmonieuse, et nous n'avons pas été impliqués dans une cogestion de notre milieu naturel.

Aujourd'hui notre statut, en tant que nation parmi les nations, n'est pas pris en compte, bien que le Canada ait signé des pactes internationaux censés servir de cadre de référence. Il faut se rappeler que c'est la décennie internationale des peuples autochtones et prendre en compte la déclaration des peuples autochtones pour parvenir à une véritable justice, à la paix et à l'harmonie.

Meegwetch.

Le président: Merci, madame Neveau. Votre collègue va-t-elle intervenir?

Mme Madgiwan: Je m'appelle Carol Madgiwan. Je suis conseillère de la Première nation de Batchewana.

Parlons de la Loi sur les Indiens et de l'oppression: Dès 1850, l'État a légiféré sur les Indiens, et 1878 a vu l'adoption, par la Confédération, d'une Loi sur les Indiens qui mettait solidement en place l'actuel système de contrôle absolu qu'exerce le gouvernement fédéral sur les nations autochtones du Canada. La Loi sur les Indiens n'est pas à l'origine d'une culture d'assimilation, mais plutôt d'une culture d'oppression et d'un génocide culturel.

Aujourd'hui, la Première nation de Batchewana est administrée en vertu des politiques fédérales du Canada découlant des règlements de la Loi sur les Indiens et des méthodes utilisées autrefois par l'AINC, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, pour appliquer ces dispositions. Le système et la structure politique canadiens ne reconnaissent ni notre droit à l'autodétermination ni notre statut de nation, bien qu'un traité bilatéral ait été signé par le gouvernement et notre nation.

Nous nous opposons depuis longtemps aux politiques destructrices qui visent notre peuple et le milieu naturel dans lequel nous vivons. Notre peuple a des revendications qui lui sont propres: l'ancienne Loi sur les Indiens, qui ne reconnaissait pas notre forme traditionnelle de gouvernement; les politiques de pêche destructrices; la politique du livre blanc de 1959 visant à supprimer nos droits et responsabilités issus des traités et de la Charte canadienne des droits et, pour ce qui concerne les obligations à l'égard des Indiens, les réformes constitutionnelles des années 80 qui tentaient d'ignorer les droits - issus des traités ou ancestraux - des peuples autochtones, ainsi que les initiatives de l'actuel MAINC qui ont pour but de mettre en oeuvre les politiques du Livre blanc de 1959.

Le colonialisme et le racisme canadiens ont eu des effets dévastateurs sur la Première nation de Batchewana.

Des politiques primitives comme le colonialisme, qui dépossèdent les peuples de leurs terres et de leur autosuffisance, la discrimination par l'application de politiques coloniales telles que la Loi sur les Indiens, la mauvaise administration qui a remplacé notre forme traditionnelle de gouvernement, l'assimilation forcée par l'instauration du système éducatif conçu par le ministère des Affaires indiennes parallèlement à... [Inaudible]... ainsi que les pensionnats catholiques et les écoles intégrées à la fin des années 60... Souvent, des enfants ont été emmenés par la Société d'aide à l'enfance. Par ailleurs, soit on nous a pressés d'accepter les programmes et services gouvernementaux, soit il n'y en a aucun.

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À cause du colonialisme et du racisme, notre peuple a vécu une tragédie et a énormément souffert, mentalement, physiquement et spirituellement. Il a perdu sa culture et son identité et n'a pu suivre le processus naturel du développement humain. Les programmes conçus et financés par le gouvernement ne compensent pas le génocide culturel ni les effets de l'oppression, générée par des politiques discriminatoires, qui se répercutent de génération en génération.

En Ontario, en 1978, on a réévalué l'entente de 1955 sur les services sociaux, et il a été décidé de ne plus accepter les programmes gouvernementaux découlant de l'entente et de les remplacer par des programmes offerts à l'extérieur de notre communauté. À dire vrai, Ottawa a gaspillé de l'argent. Le gouvernement continue à faire la même chose... [Inaudible]... planification fiscale, élaboration de programmes. Le gouvernement continue à gaspiller de l'argent en instaurant des programmes dont la création a été décidée en dehors de notre communauté.

À propos de colonialisme, je peux vous donner des exemples de ce qui s'est passé dans la Première nation de Batchewana. Je préciserai que la Première nation de Batchewana est installée au centre de notre univers, au centre de la région des Grands Lacs, à Sudbury. Nous vous avons invités à nous rendre visite, car une vidéoconférence est quelque chose de nouveau pour nous et pour notre peuple. Si cela vous intéresse et si vous avez des questions légitimes au sujet des affaires indiennes, votre comité devrait sérieusement envisager de rendre visite aux Premières nations. Peu importe ce que le Canada décidera finalement de reconnaître, nous sommes différents, nous vivons dans de plus petites localités, notre niveau de scolarité n'est pas très élevé. Les audiences auraient dû avoir lieu chez les Premières nations. La Première nation de Batchewana vous aurait accueillis dans sa communauté, parce que...

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais nous avons du mal à vous entendre à cause de problèmes techniques. Je vais vous demander de vous arrêter pendant quelques minutes. Un technicien va venir. Faites une pause de quelques minutes et nous communiquerons à nouveau avec vous.

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Le président: Reprenons.

J'aimerais présenter nos excuses à nos amis de Sudbury. Je suis très ennuyé par ce qui vient de se passer. De nos jours, des difficultés techniques comme celles que nous avons connues ce matin sont impensables. Je m'excuse encore une fois. Veuillez poursuivre.

Mme Madgiwan: Merci. Avant que nous reprenions, auriez-vous l'amabilité de vous présenter?

Le président: Bien sûr, vous avez raison. Nous aurions dû commencer par là, mais nous étions trop pressés.

Je m'appelle Ray Bonin. Je suis député de la circonscription de Nickel Belt et président du comité. Il y a avec moi en ce moment, M. Rocheleau, du Bloc québécois et M. Duncan, du Parti réformiste.

Aux fins du compte rendu, j'aimerais vous demander de vous présenter à nouveau avant de commencer.

Mme Madgiwan: Je m'appelle Carol Madgiwan; je suis conseillère de la Première nation de Batchewana.

La Première nation de Batchewana est installée à Sault Ste-Marie. Pour nous, les Anishinabec, c'est le centre de l'univers. C'est le centre des Grands Lacs.

Avant de passer à nos notes, nous souhaitons faire quelques observations au nom de la Première nation de Batchewana. Nous avons présenté une résolution du conseil rejetant les modifications à la Loi sur les Indiens; cette résolution vous a été lue par le chef Neveau au tout début de notre présentation.

Nous savons que 80 p. 100 des Premières nations du pays ont fait savoir qu'elles rejetaient les modifications et le processus mis en place par le ministre. Si 80 p. 100 des Premières nations rejettent ces modifications, quelle est la légitimité de notre décision? Si elle n'est pas reconnue et respectée par le gouvernement et par le ministre, alors, il y a quelque chose qui ne va pas.

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J'aimerais vous dire que le processus de consultation ne nous convient pas. Cette technique est totalement inacceptable et inappropriée et ne répond pas aux normes de consultation du gouvernement.

Nous sommes un peuple traditionnel. Nous ne sommes pas habitués à ce genre de communication par caméra interposée. Si l'on remet en cause la légitimité des résolutions adoptées par 80 p. 100 des conseils de bande ou des résolutions et des lettres envoyées par les Premières nations, alors c'est le processus tout entier qui doit être remis en question. Si le gouvernement doute de la légitimité de nos objections, il devrait rencontrer les Premières nations et constater de visu quel genre de nation nous sommes. On pourrait s'asseoir et parler face à face.

Ce sont les deux observations que nous souhaitons faire. Nous n'approuvons pas l'initiative du ministre - notre résolution l'indique - et nous n'approuvons pas non plus ce processus de consultation. Nous sommes ici, toutefois, parce que les débats vont être enregistrés et nous voulons nous faire entendre. Je vais donc poursuivre notre présentation.

En voulant décrire qui nous sommes, nous avons parlé de la Loi sur les Indiens et de l'oppression qui en a découlé. Nous avons parlé de notre expérience du racisme et du colonialisme. Je voudrais maintenant donner quelques exemples de ce colonialisme.

Les gens de la Première nation de Batchewana disent volontiers qu'ils ont été dépossédés de leurs terres. Dans le Traité Robinson-Huron de 1850, on garantissait à la Première nation de Batchewana une réserve de 400 milles carrés. Plus tard, en 1859, il y a eu le Traité Pennefather, en vertu duquel la Première nation de Batchewana a renoncé à la totalité de sa réserve et est devenue apatride.

Peu après ce vol, la Première nation de Batchewana a commencé à acheter quelques parcelles de terrain auxquelles fut accordé le statut de réserve. Aujourd'hui, la Première nation de Batchewana possède approximativement 5 765 acres, soit seulement 2 p. 100 de la superficie de sa réserve originale.

Au milieu des années 70, le Canada a mis en place une politique et un processus portant sur les revendications territoriales, pour régler la question des terres cédées en vertu d'un traité frauduleux et de la mauvaise gestion par des terres indiennes parle ministère des Affaires indiennes. Toutefois, le processus des revendications territoriales ne s'est pas avéré efficace, vu que les instances qui en sont chargées ne sont pas objectives.

Il a fallu 12 ans pour régler notre revendication concernant l'île Whitefish, dont quatre ans pour établir le bien-fondé de notre revendication. Le dossier de l'île Whitefish a été réglé en 1992, mais l'île n'a toujours pas le statut de réserve. La Première nation de Batchewana achève actuellement des recherches sur le Traité Pennefather de 1859.

Autre exemple du colonialisme dont nous avons été victimes: le refus d'assurer notre autonomie économique. Dans le Traité Robinson-Huron de 1850, on garantissait à la Première nation de Batchewana le droit de continuer à pêcher comme elle en avait l'habitude. Ainsi donc, on réservait à notre peuple des étendues d'eau et l'île pour y installer des campements de pêche.

Après la signature du traité de 1850, le Canada nous a interdit de pratiquer la pêche commerciale. En 1986, notre Première nation a porté l'affaire Agawa devant la Cour suprême pour faire reconnaître son droit de pêche issu du traité de 1850, y compris le droit de se livrer à la pêche commerciale.

Pendant plus de 100 ans, on a refusé l'autonomie économique à nos pêcheurs et à leurs familles qui furent forcés de vivre dans la pauvreté. Parallèlement, on permettait aux Européens de se livrer à la pêche commerciale ou à la pêche sportive. Malgré tout, ce sont nos pêcheurs que l'on accuse d'avoir épuisé les réserves de poissons.

Parce qu'ils sont pauvres, parce que le Canada refuse de respecter leur droit de pratiquer la pêche commerciale, un droit issu de traité, et parce que le gouvernement ne les soutient pas financièrement, nos pêcheurs continuent de vivre de l'aide sociale.

Nous voudrions aussi examiner les modifications apportées en 1985 à la Loi sur les Indiens. En juillet 1996, la Première nation de Batchewana comptait 1 830 membres, dont 658 habitaient sur la réserve et 1 172 en dehors. L'effectif de la Première nation de Batchewana a triplé suite à la modification, en 1985, de la Loi sur les Indiens supprimant les différents articles discriminatoires qui avaient été adoptés par le Parlement.

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Le rétablissement du statut continue d'avoir un effet profond sur la Première nation de Batchewana. Le gouvernement canadien n'a pas totalement compensé ceux qui avaient fait l'objet de discrimination à cause de la Loi sur les Indiens du Canada. Bien que le gouvernement fédéral ait initialement accordé des crédits limités, affectés au logement et à l'enseignement post-secondaire, il a fixé un plafond au financement alloué aux Premières nations à ce titre, logement, éducation et ainsi de suite. Donc, en apportant des modifications à la loi en 1985, le Canada reconnaissait ses errements, mais il n'a toujours pas fait face à ses responsabilités sur le plan de l'indemnisation des Premières nations.

Pour ce qui est de l'autonomie gouvernementale, tout récemment, le 16 février 1997, la Première nation de Batchewana a entamé des négociations à ce sujet avec le gouvernement fédéral. Pour nous, il s'agit d'un processus de restauration alors que du point de vue du gouvernement fédéral, c'est un processus qui abolit tous les droits et toutes les responsabilités. Les principes sur lesquels repose la politique du gouvernement fédéral relative au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ne renforcent en rien l'engagement du Canada de respecter les droits issus de traités des Autochtones, tel que prévu dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le 16 décembre, le ministre des Affaires indiennes a unilatéralement mis fin au processus de négociation de l'autonomie gouvernementale des nations du North Shore. En 1991, la Première nation de Batchewana s'était jointe aux négociations sur l'autonomie gouvernementale que menaient avec le gouvernement fédéral les Premières nations du North Shore. Il était entendu que les lois fédérales et provinciales resteraient en vigueur jusqu'à ce qu'elles soient remplacées par nos propres lois.

Depuis 1991, date à laquelle s'est enclenché le processus qui doit nous mener à l'autonomie gouvernementale, nous avons organisé, au sein de la Première nation de Batchewana, un grand nombre d'ateliers communautaires, nous avons procédé à des enquêtes et nous avons tiré de tout cela plusieurs conclusions. Par exemple, l'autonomie gouvernementale, l'élaboration de nos propres lois, la décolonisation... Soit dit en passant, certaines mesures sont très importantes et il nous faudra du temps pour les mettre en oeuvre. Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait des lacunes dans les connaissances de nos membres, à cause de l'assimilation. Le système éducatif est totalement inadéquat et l'on n'enseigne pas ici, au Canada, la véritable histoire des Indiens. La question des relations entre le gouvernement fédéral et les Indiens n'est pas abordée.

Donc, nous nous rendons compte que l'autonomie gouvernementale va prendre du temps et qu'elle exigera des ressources additionnelles. Il est important que l'on permette aux Premières nations de prendre le temps voulu pour organiser des enquêtes et des ateliers communautaires. Il faut que les choses se fassent à leur rythme. Je veux également faire remarquer que c'est un des arguments avancés par le Conseil tribal de North Shore dans le cadre de la négociation de l'autonomie gouvernementale avec le gouvernement fédéral: il va falloir du temps et il sera nécessaire de faire preuve de souplesse pour répondre aux aspirations des gens.

Toutefois, nous voulons souligner que le gouvernement fédéral, dans sa politique d'août 1995 sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, a déclaré que les lois fédérales et provinciales s'appliqueront et qu'aucuns nouveaux crédits ne seront débloqués au titre de l'autonomie gouvernementale des Indiens. Les négociations sur l'autonomie gouvernementale étaient pourtant lancées, mais elles ont été l'objet, de la part du gouvernement fédéral et des tribunaux, d'initiatives qui ont semé le désarroi et la plus grande confusion au sein de la communauté.

En 1993, certains membres ont engagé des poursuites contre le gouvernement fédéral et la Première nation de Batchewana. Ils demandaient le droit de vote pour les membres qui vivaient en dehors de la réserve en invoquant le paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés incluse dans la Constitution canadienne.

Lorsque le procès a eu lieu, en 1993, nous avons déposé des preuves montrant que la Première nation de Batchewana participait à des négociations sur l'autonomie gouvernementale concernant notamment l'élaboration de nos propres réglementations administratives et électorales. Même si le tribunal a jugé que les membres vivant en dehors de la réserve ne pouvaient pas participer aux élections au sein de la bande, il a également décidé qu'ils pouvaient voter sur les questions d'ordre monétaire. La décision a été portée en appel et la cause a été entendue en 1996.

Le 21 novembre 1996, la Cour d'appel fédérale a rendu sa décision qui, a-t-elle déclaré, s'appliquait uniquement à la Première nation de Batchewana. Toutefois, un précédent avait été créé.

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Le jugement stipulait que les membres vivant hors de la réserve devaient être autorisés à voter lors des élections de la bande prévues pour décembre, conformément au paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés de la Constitution canadienne.

Le 4 décembre 1996, une ordonnance a été rendue, stipulant que l'on devait interjeter appel devant la Cour suprême du Canada avant le 20 décembre. Voici certains attendus du jugement.

Le droit d'élire des responsables n'était pas assorti du droit de se présenter comme conseiller ni de désigner quelqu'un pour occuper ce poste.

Le jugement stipulait également que la Loi sur les Indiens n'établissait pas un gouvernement de type municipal, car cette loi concernait l'effectif et non le lieu de résidence, comme c'est le cas des dispositions relatives aux municipalités.

En outre, le jugement prescrivait qu'en ce qui concerne la Première nation de Batchewana, le droit de vote des Autochtones ne signifiait rien d'autre que le droit de vote, et qu'aucune réserve ou exclusion ne pouvait être énoncée par la Première nation de Batchewana, contrairement à ce que peuvent faire les gouvernements municipaux, provinciaux ou fédéral.

Si le système judiciaire canadien définit nos pouvoirs en tant que nation d'une façon si décousue, c'est que la Constitution ne le fait pas. Tant qu'il en sera ainsi, les partis politiques canadiens continueront d'élaborer leurs politiques sur les Indiens tous les quatre ans, en fonction de leurs propres intérêts. La justice requiert des lois pour guider une nation, des lois qui épousent les normes internationales.

Nous souhaitons maintenant formuler nos objections au projet de loi C-79.

Le processus de consultation du ministre est totalement inacceptable. Envoyer des lettres aux Premières nations, ce n'est pas consulter. Une telle façon de procéder n'est pas conforme aux normes canadiennes en matière de consultation. Le processus suivi par le ministre reflète les politiques colonialistes du Canada et révèle un certain paternalisme et un certain racisme.

Le projet de loi C-79 n'a pas de raison d'être, vu que le gouverneur en conseil dispose, depuis 1876, du pouvoir d'exempter les Premières nations installées dans des réserves de l'application de plusieurs articles de la loi. En outre, si l'on en croit le ministre, tout accord négocié d'autonomie gouvernementale peut être adapté aux besoins particuliers de chaque Première nation, et le gouvernement est donc en mesure de satisfaire certaines Premières nations et certains de leurs besoins.

En conséquence, le projet de loi C-79 n'est pas véritablement nécessaire. La vraie question qui se pose, comme l'a déclaré le ministre des Affaires indiennes, est celle du remplacement de la Loi sur les Indiens. En outre, il faut qu'un engagement soit pris à un plus haut niveau en ce qui concerne la Constitution.

On a prétendu que le projet de loi C-79 accélérera les procédures. C'est faux. Vu que le ministre détient beaucoup de pouvoirs décisionnels personnels, c'est une question qui restera posée.

Permettez-nous de vous donner un exemple: Le 18 juillet 1996, les conseillers de la Première nation de Batchewana ont unanimement rejeté la décision du ministre des Affaires indiennes de procéder à une enquête sur les résolutions du conseil BCR95003, du 16 janvier 1995, BCR95039, du 24 juillet 1995, et BCR95040, du 24 juillet 1995, dans lesquelles nous demandions au ministre de déclarer vacant le poste de chef, conformément au sous-alinéa 78(2)b)(ii) de la Loi sur les Indiens.

Les objections du conseil concernant l'enquête se fondaient sur le fait que des fonctionnaires de l'AINC avaient effectué une enquête approfondie entre janvier 1995 et novembre 1995...

Je devrais peut-être vous expliquer que nous avions envoyé ces résolutions du conseil pour demander au ministre de déclarer vacant le poste de chef. J'essaie maintenant de vous fournir l'information qui nous a été transmise au cours du processus.

Les Affaires indiennes avaient effectué leur propre enquête interne, à la suite de laquelle les bureaucrates avaient formulé leur recommandation au ministre: le siège devait être déclaré vacant. Le ministre fit volte face, demanda une autre enquête et en chargea un juge indépendant, un juge à la retraite. Après avoir écouté ses collaborateurs et ensuite lancé une enquête... le juge fit la même recommandation au ministre.

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Dans notre mémoire écrit, nous vous fournirons cette documentation. On prétend que le projet de loi C-79 accélérera les procédures, mais ce texte accorde des pouvoirs additionnels au ministre. Comme dans tous les domaines... ici en Ontario, par exemple, il y a un ombudsman auquel les gens peuvent s'adresser s'ils sont insatisfaits de la façon dont les choses sont gérées. L'ombudsman de l'Ontario se charge de vérifier que l'administration agit de façon équitable.

En tant que peuple autochtone, en tant que Première nation visée par la Loi sur les Indiens, nous n'avons aucun recours. Nous sommes à la merci des caprices du ministre. Le projet de loi C-79 accorde plus de pouvoirs au ministre, et il n'y a pas de frein ni de contrepoids pour garantir un certain équilibre. Les informations dont nous disposons démontrent que le ministre détient cette autorité. Il n'est pas tenu d'accepter les recommandations de ses collaborateurs; il peut user de son propre pouvoir discrétionnaire pour nommer un juge et contourner ainsi ses propres collaborateurs et leur processus d'investigation.

Nous avons également découvert, pendant la période où nous nous sommes occupés de la résolution du conseil requérant la désinvestiture du chef, que le ministre s'était contredit. En premier lieu, il s'est contredit publiquement dans le Sault Star. Le 18 janvier 1995, il a déclaré au Sault Star que déclarer vacant le poste de chef était une question d'ordre interne et qu'elle ne concernait pas le gouvernement fédéral. Il a ajouté que la Première nation de Batchewana avait sa propre procédure quasi judiciaire. Nous savons que ce n'est pas le cas, mais apparemment, le ministre ne sait pas de quoi il est véritablement question.

Ensuite, quelque 18 mois plus tard, en juin 1996, le ministre a lancé une enquête pour examiner la demande du conseil de bande concernant la désinvestiture du chef Corbiere, après que des fonctionnaires de l'AINC aient terminé leur investigation du processus d'appel. La justice exige que la loi soit appliquée régulièrement et ce, dans des délais raisonnables. La réponse du ministre à la résolution de notre conseil a certainement demandé plus qu'un délai raisonnable.

À part ce qui concerne les réunions du conseil de bande, nous voulons dire quelque chose à propos des résolutions signées par ce conseil selon les dispositions du projet de loi C-79. La Première nation de Batchewana est administrée conformément à la Loi sur les Indiens, et les règlements définissant les procédures à suivre lors des réunions des conseils de bande indiens seront respectés, à moins que l'effectif de la bande les modifie. La Première nation de Batchewana part du principe que, tant que nous n'aurons pas nos propres lois autochtones, nous accepterons de nous plier à la Loi sur les Indiens, car l'ordre public doit régner au sein de notre Première nation.

Selon la Loi sur les Indiens, l'autorité décisionnelle d'une bande indienne appartient au conseil. Elle exige qu'il y ait quorum et que la réunion ait été dûment convoquée, ce qui, pour nous, signifie que la majorité des conseillers sont d'accord pour se réunir.

Nous considérons que la disposition du projet de loi C-79, en vertu de laquelle la résolution d'un conseil de bande peut être signée en dehors d'une réunion dûment convoquée est inacceptable, car cela signifie que l'on ne considère pas notre conseil comme un organe du gouvernement légitime. À nouveau, nous tenons à nous assurer que nos pouvoirs en matière d'autonomie gouvernementale... Nous sommes un peuple responsable et nous avons un gouvernement responsable, même si nous ne fonctionnons pas sous le couvert de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, nous nous opposerions à la signature d'une résolution.

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Le président: Je vous remercie de votre présentation. Je m'excuse à nouveau des désagréments que nous avons pu vous causer. J'ajouterai que si ce système de communication vous est étranger, il l'est aussi pour nous. Il est maintenant utilisé par la plupart des comités, mais il n'est pas encore parfaitement au point. Cependant, c'est le genre de système dont nous devons nous contenter à Ottawa de nos jours, à cause des compressions budgétaires. Cela ne fait pas de doute. Ce n'est pas juste ce comité qui fonctionne de cette manière; la plupart font la même chose maintenant.

Messieurs les membres du comité, nous allons maintenant consacrer 15 minutes aux questions, chaque parti ayant droit à cinq minutes. Qui souhaite commencer? Monsieur Duncan.

M. Duncan (North Island - Powell River): Bonjour. J'espère que là-bas, vous entendez mieux qu'ici, et je suis désolé que la communication ne soit pas meilleure que cela. Nous avons cependant pu vous entendre en prêtant l'oreille.

Pour que les choses soient bien claires dans mon esprit, pouvez-vous me confirmer que le chef de la Première nation de Batchewana est élu par les membres résidants, uniquement? C'est bien cela?

Mme Madgiwan: Effectivement. Seuls les membres vivant sur la réserve peuvent voter.

M. Duncan: Et cette question est toujours devant les tribunaux, n'est-ce pas?

Mme Madgiwan: Oui. C'est exact.

M. Duncan: Quand va-t-elle être résolue, à votre avis?

Mme Madgiwan: Nous avons soumis une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême. Comme vous le savez, la décision appartient à la Cour suprême. Nous n'avons pas eu de réponse, mais nos avocats, notre conseiller juridique, ont fait les démarches avant la date limite du 20 décembre.

M. Duncan: Vous avez mentionné les pouvoirs détenus par le ministre en vertu de la Loi sur les Indiens et prévus par le projet de loi C-79. Vous avez également indiqué que dans certains cas, vous aimeriez qu'il y ait un mécanisme d'appel indépendant. Je crois que vous avez cité l'exemple de l'ombudsman dans la province de l'Ontario. C'est une possibilité que j'ai également évoquée par le passé: un mécanisme d'appel indépendant auquel pourraient avoir recours les membres d'une bande ou, dans votre cas, le chef du conseil - un autre système qui ferait contrepoids. A-t-on formulé une proposition à cet égard?

Mme Madgiwan: Je vais vous répondre de plusieurs façons. Premièrement, ce que nous soulignons dans notre exposé, c'est que le Canada ne nous reconnaît pas comme des nations en vertu du droit international. Nous sommes donc des peuples opprimés. Il n'y a pas de justice. Prenons l'exemple de nos revendications territoriales: la population pense que nous réclamons des territoires qui appartiennent au Canada. Tel n'est pas le cas. Nos revendications territoriales découlent, en ce qui nous concerne, du traité conclu frauduleusement en 1850 avec la Première nation de Batchewana et de la mauvaise gestion des territoires indiens. Il s'agit à tous égards d'une question judiciaire; pourtant, on parle de processus de revendications territoriales et cela ne relève pas du système judiciaire.

Ce que nous reprochons à ce processus, c'est qu'il n'est pas objectif. Il faut que la communauté internationale soit impliquée pour garantir l'objectivité et l'équité de la procédure. Rappelons-nous également ce qui s'est passé à Oka: le gouvernement a réagi par l'intermédiaire de la Commission sur les revendications des Indiens.

Donc en réponse à votre question, je dirais que pour nous, c'est une question de justice et d'équité. Quand j'ai mentionné l'ombudsman, je voulais donner un exemple tiré du contexte de la société canadienne. Il existe un recours dans la société canadienne quand l'équité de l'administration est en cause, mais pour nous, les membres des Premières nations, il n'y en a pas.

Les Premières nations ont déclaré souhaiter que la Loi sur les Indiens soit remplacée. Selon le rapport Penner et le rapport de la commission royale, la Loi sur les Indiens ne devrait pas être touchée, car d'autres processus doivent suivre leur cours. Par exemple, comme je l'ai mentionné plus tôt, la Première nation de Batchewana est partie prenante à un processus menant à l'autonomie gouvernementale, et nous avions cru comprendre que les lois fédérales et provinciales seraient remplacées par notre propre législation autochtone.

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M. Duncan: J'en resterai là pour l'instant.

Le président: Merci, monsieur Duncan.

La parole est à M. Murphy.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci.

Je m'excuse; je suis arrivé un peu en retard et j'ai manqué une partie de ce que vous avez dit.

Il y a une chose que j'essaie de comprendre, et vous pourriez peut-être m'aider. J'ai l'impression que ces modifications à la loi sont, de la façon dont je les lis, moins paternalistes et qu'elles concèdent plus de pouvoirs aux conseils de bande et aux bandes elles-mêmes.

Je sais que le ministre perd son autorité dans 11 ou 12 domaines et qu'il gagne d'autres pouvoirs, mais certains ont trait, par exemple, à des dispositions dont se charge actuellement le gouverneur en conseil pour accélérer le processus.

Je pense souvent que si nous pouvions prendre des initiatives en faveur du changement, des initiatives qui, je l'espère, redonneraient plus d'autorité et plus de pouvoirs administratifs aux peuples autochtones... Par où faudrait-il commencer? Certains disent qu'il ne faut pas toucher à la loi; d'autres demandent que l'on s'en débarrasse, purement et simplement. L'occasion nous est offerte, je crois, de prendre des mesures pour transférer plus de pouvoirs aux bandes et aux conseils de bande. Pourriez-vous me venir en aide?

Mme Madgiwan: Dans mon exposé, j'ai fait remarquer que depuis 1878, le gouverneur en conseil peut décréter des exemptions au profit de plusieurs Premières nations. Il y a donc là une certaine flexibilité. Par ailleurs, le gouvernement a mis en marche un processus en vertu duquel il devient possible de conclure des ententes d'autonomie gouvernementale avec diverses Premières nations, ce qui donne aussi une certaine marge de manoeuvre au gouvernement pour répondre aux besoins particuliers des Premières nations. En dernière analyse, le projet de loi C-79, le projet de loi en préparation, ne se justifie pas puisque les assouplissements nécessaires sont déjà en place.

Par ailleurs, le comité n'ignore certainement pas que la mise en place du processus concernant la Loi sur les Indiens sous-entend deux choses. Premièrement, le ministre des Affaires indiennes savait sûrement que le rapport de la commission royale allait bientôt être rendu public, et le gouvernement fédéral aurait dû se préparer à tout ce qui peut découler de la publication d'un tel document.

Sans aller jusqu'à dire que nous approuvons les recommandations, s'il s'agissait de faire un geste dans le sens d'une amélioration des relations avec les Premières nations et le Canada, de satisfaire aux normes définissant la qualité de la vie et ainsi de suite, le gouvernement aurait pu attendre. Il n'avait pas à proposer des modifications à la Loi sur les Indiens; il aurait pu envisager de mettre en place un processus pour donner suite aux recommandations de la commission royale.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, le projet de loi C-79 ne se justifiait pas vraiment. Il ne faut pas oublier non plus que le ministre prétend avoir procédé à quatre séries de consultations. Je l'ai déjà dit, nous ne considérons pas comme des consultations légitimes les lettres envoyées aux Premières nations ni les réponses qui ont pu être fournies. Qui peut dire quelles étaient les demandes spécifiques formulées à cette occasion par les Premières nations? On peut se poser beaucoup de questions à cet égard.

Le président: Deux minutes, monsieur Hubbard.

M. Hubbard (Miramichi): Monsieur le président, j'ai plusieurs questions à poser.

Quand M. Mercredi a comparu la semaine dernière, on nous a dit que des lettres avaient été envoyées à votre groupe pour organiser des consultations, mais que, selon le ministre, ces lettres étaient restées sans réponse. J'aimerais entendre vos commentaires sur cet aspect du processus de consultation.

En outre, dans l'exposé que vous avez fait ce matin, vous sembliez placer à l'échelle internationale les relations entre le gouvernement fédéral et les 600 Premières nations du Canada. Vous avez parlé des lois autochtones en disant qu'elles avaient préséance sur les lois provinciales et fédérales.

Ces déclarations me posent certains problèmes. Vous pourriez peut-être les développer pour nous permettre de comprendre la perspective dans laquelle vous envisagez les relations entre les divers gouvernements et notamment le lien entre les lois qui s'appliquent au Canada dans toute son étendue.

.1025

Mme Madgiwan: Nous avons fait une observation: le Canada n'applique pas des normes internationales. Prenons l'exemple du droit à l'autodétermination. Bien que le Canada ait signé plusieurs conventions internationales, en tant que pays, il ne les respecte pas.

Nous savons également que le Canada est partie prenante à la Décennie internationale des populations autochtones, ainsi qu'à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Nous n'en entendons pas parler au niveau des Premières nations, et il n'en est pas tenu compte dans les négociations et les relations avec les Premières nations.

Prenons la question du droit et de l'égalité. Nous avons, en tant que Premières nations, accepté pour coexister d'entretenir une relation avec le Canada, qui est ou était une nation; or, nous sommes nous-mêmes une nation. Il s'agit donc d'une relation de nation à nation.

Nous n'avons jamais accepté de devenir une colonie du Canada. Je ne pense pas que ce soit quelque chose que vous compreniez. Vous devez tenir compte du fait que la Première nation de Batchewana est installée au centre de la région des Grands Lacs. Les tribus Sault et Bay Mills qui nous sont apparentées et qui résident à la frontière américaine sont toutes deux reconnues comme des tribus souveraines et des gouvernements aux États-Unis. J'admets qu'il y a des problèmes entre les autorités fédérales et les tribus américaines en ce qui concerne l'exercice du pouvoir du gouvernement américain et son ingérence qui va à l'encontre des droits de ces nations tribales.

Ici, au Canada, nous ne bénéficions pas d'une telle reconnaissance. À l'heure actuelle, ce qui existe sur papier, l'article 35, est vide de substance. Comme je l'ai fait remarquer, nous nous sommes adressés à la Cour suprême pour faire valoir que notre droit de pêche issu de traités inclut le droit de pratiquer la pêche commerciale et que notre peuple était un peuple économiquement autonome avant le Traité Robinson-Huron de 1850. Nous nous adressons à nouveau à la Cour suprême à propos de l'élection des responsables.

Pour nous, l'article 35 est vide de toute substance. Le Canada ne reconnaît pas que nous avons des droits en tant que peuple. Nos droits ancestraux et nos droits issus de traités ne veulent rien dire pour le Canada.

Le président: Ainsi prend fin la première présentation.

Je vais à nouveau, aux fins du compte rendu, vous demander à tous de bien vouloir vous nommer et dire qui vous représentez.

Mme Madgiwan: Je m'appelle Carole Madgiwan. Je suis conseillère de la Première nation de Batchewana.

Le chef Neveau: Je m'appelle Angela Neveau. Je suis chef de la Première nation de Batchewana.

M. Seyers: Je m'appelle Joe Thom Seyers. Je suis membre de la Première nation de Batchewana.

Le président: Je vous remercie. Je m'excuse une fois encore des difficultés que nous avons rencontrées et du retard que cela a occasionné. Nous n'y pouvions rien, et je vous remercie de votre collaboration qui a été grandement appréciée.

J'invite maintenant le chef Shirley Horn de la Première nation crie de Missanabie.

Nous attendions le chef Shirley Horn. Peut-on savoir ce qui se passe?

.1030

Le grand chef Joseph Hare (Union of Ontario Indians): Monsieur le président, la présentatrice n'est pas dans la salle, mais il y a d'autres personnes qui sont prêtes à s'adresser au comité.

Le président: Parfait, je vous remercie.

Êtes-vous le chef Joseph Hare?

Le grand chef Hare: Oui.

Le président: Bien, je vous remercie de nous aider à poursuivre nos débats, car nous avons déjà été retardés par des problèmes techniques.

Chef Hare, je m'appelle Ray Bonin, et je suis président du comité. J'ai avec moi M. Rocheleau, du Bloc québécois, M. Duncan, du Parti réformiste, et MM. Murphy et Hubbard, du Parti libéral.

Vous connaissez bien la procédure, et je vous invite par conséquent à faire votre exposé. Nous disposons de 40 minutes en tout et nous aimerions que vous nous laissiez le temps de poser quelques questions.

Le grand chef Hare: Merci beaucoup, monsieur le président. Messieurs les membres du comité, bonjour.

Je m'appelle Joseph Hare et je suis le chef dûment élu du Grand conseil de la nation Anishinabek. J'ai été élu dans les formes prescrites par les chefs et les conseils des 43 communautés des Premières nations qui ont décidé de faire partie de la nation Anishinabek. Toutes les communautés des Premières nations n'en font pas partie. Par exemple, la Première nation de Batchewana, qui vient de présenter un exposé, a décidé de ne pas faire partie de la nation Anishinabek.

L'élection a lieu lors de l'assemblée, en Grand conseil, des chefs des communautés des Premières nations, une coutume qui remonte à plus de 150 ans. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que le mode d'élection du chef du Grand conseil est une procédure élaborée par les chefs, et ne suit aucun règlement ni aucune loi d'un gouvernement blanc. Vous serez peut-être aussi surpris d'apprendre que la procédure a toujours bien fonctionné. Les règlements ou les lois, qui régissent les élections - ce qui me concerne - ou d'autres affaires des Premières nations, semblent très bien fonctionner quand ils sont conçus par l'organe qui gouverne la Première nation, et non imposés par des autorités non indiennes.

Cela m'amène au point central de ma présentation de ce matin. Les communautés des Premières nations que je représente ne veulent pas, et n'ont pas besoin, des changements envisagés dans la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, le projet de loi C-79. Il faut que vous sachiez que j'ai écrit au ministre des Affaires indiennes l'année dernière pour l'inciter à remettre à plus tard la modification de la Loi sur les Indiens. En effet, à l'heure actuelle, nous procédons, comme prévu, à l'enregistrement et à l'adoption formelle de nos propres lois, celles qui régiront les affaires des Anishinabek.

La nation Anishinabek, par l'intermédiaire de son Grand conseil, est en voie de récupérer son autorité et sa juridiction et se prépare donc à élaborer toutes les lois, règles, règlements et procédures nécessaires pour gérer l'avenir des Anishinabek. La structure de gouvernement à laquelle on aura recours est dérivée des droits et des pouvoirs des Anishinabek et des gouvernements de leurs communautés.

C'est nous qui allons prendre notre propre avenir en main. Ces droits et ces pouvoirs des Anishinabek ont toujours existé. Ils sont naturels; ils sont inhérents à notre existence même.

.1035

C'est pourquoi seuls des Anishnabe devraient se mêler de notre vie. Nous avons le droit de récupérer et d'assumer la totalité de nos responsabilités. Le seul changement que nous pourrions appuyer serait une reconnaissance constitutionnelle mieux affirmée de nos gouvernements autochtones.

Ce serait pour le bénéfice du peuple canadien, pour qu'il sache quelle est notre situation depuis toujours. Ce n'est pas pour nous, car nous le savons déjà. C'est au peuple canadien qu'il faut demander de reconnaître légalement, dans la constitution, le fait qu'il existe une nation indienne.

Des changements tels que ceux qui sont actuellement proposés par le gouvernement canadien ne servent qu'à réduire à néant ce que nous faisons. Mais ils ne s'arrêtent pas là; ils compromettent énormément les projets des Premières nations. Les 15 minutes dont je dispose ne me permettent pas de faire la liste de tous les effets négatifs et préjudiciables des modifications présentes et passées de la Loi sur les Indiens. Néanmoins, je vais prendre le temps de vous citer au moins un exemple.

Selon le projet d'article 16.1, une bande serait reconnue comme une personne physique. Cela va à l'encontre du statut sui generis dont bénéficient actuellement les bandes. Si on le leur enlève, la saisie de terres, sur ordre de tribunaux blancs, devient une réelle possibilité et même une probabilité. La version de 1987 de la Loi sur les Indiens comportait un article, l'article 8, qui autorisait la concession par patente des territoires indiens. En conséquence, on pouvait enlever des terres aux bandes sur ordonnance d'un tribunal. Dans ma région d'origine, des centaines d'acres de terre nous ont été enlevés de cette façon. Cet article a, par la suite, été éliminé, mais le mal était fait. Les changements concernant les territoires n'étaient pas acceptables à l'époque et ils ne le sont pas plus aujourd'hui. Des terres nous ont déjà été enlevées, qu'on cesse de le faire.

La Loi sur les Indiens a été bafouée d'innombrables fois au gré des tribunaux, du gouvernement ou des milieux d'affaires. Ainsi, l'article sur la violation du droit de propriété est pratiquement inapplicable. L'argent des bandes est saisi en dépit de l'exemption existante. Les règlements des bandes sont ignorés par les entreprises canadiennes, les gouvernements provinciaux et les municipalités. Les règles fiscales sont appliquées et les exonérations relatives à la TPS et à la TVP en Ontario ne sont pas définitives et sont souvent ignorées.

Comme vous pouvez le voir, les changements apportés à la Loi sur les Indiens au cours de l'histoire ont eu un effet négatif sur les Premières nations. Perte de terres et perte de droits divers sont une conséquence inévitable de ces changements.

La conséquence la plus dommageable est la division des peuples des Premières nations et de leurs chefs. L'approche nationaliste recommandée par la Commission royale sur les peuples autochtones ne se retrouve ni dans l'actuelle Loi sur les Indiens, ni dans les modifications envisagées, ni dans les processus administratifs courants du ministère des Affaires indiennes. En revanche, il arrive que l'on favorise certaines nations, ce qui sape le concept même de nation et va encore davantage à l'encontre de notre bien collectif.

Même dans les présentations que vous entendrez aujourd'hui de la part de plusieurs Premières nations qui feront des recommandations, il y en aura un grand nombre qui seront contradictoires.

.1040

On m'a conseillé, avant que je vienne ici, de recommander plusieurs changements à la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, car cette modification sera inévitablement faite. C'est malheureux, compte tenu de ce que j'ai dit et de ce qui est arrivé dans le passé. Je ne peux pas me résoudre à recommander des changements. Apporter des modifications, quelle qu'en soit la nature, à la Loi sur les Indiens ne correspond pas du tout à ce que nous voulons, à ce dont nous avons besoin, et à ce qui peut nous être utile.

La seule chose que je peux dire et répéter, la voici: si le gouvernement du Canada souhaite promouvoir une loi concernant les Premières nations, ce devrait être une loi qui mène à une justice véritable et à une reconnaissance des peuples des Premières nations - une loi qui reconnaît nos droits ancestraux ou issus de traités, qui définit les obligations légales du gouvernement canadien, et qui confirme la capacité législative des nations indiennes, l'existence des lois des nations indiennes et l'application de leurs pouvoirs judiciaires.

Ainsi se termine mon bref exposé devant vous ce matin, monsieur le président et messieurs les membres du comité. Je vous remercie. Meegwetch en ojibway signifie «merci». J'attends vos questions.

Le président: Je vous remercie, chef Hare.

J'invite maintenant les membres du comité à se présenter et à passer à la première série de questions. Qui souhaite commencer?

[Français]

Monsieur Rocheleau du Bloc québécois.

M. Rocheleau (Trois-Rivières): Bonjour, monsieur Hare.

Je vous remercie de votre présentation.

J'aimerais avoir votre avis sur l'article du projet de loi qui traite des élections dans les bandes. On y dit qu'un électeur est un membre de la bande résidant ordinairement dans la réserve. Cela signifie qu'il y a des nuances à faire et des précisions à donner. Quels sont ceux qu'on qualifie de résidents par rapport à ceux qui vivent hors réserve? Avez-vous une opinion là-dessus et pourriez-vous nous dire quelles sont les répercussions de cela chez vous?

[Traduction]

Le grand chef Hare: Je me ferai un plaisir de vous répondre. Si je peux me permettre une observation sur le type de questions que vous posez, je pense que vous n'avez pas saisi ce qu'ont dit les précédents intervenants et que vous êtes passé complètement à côté de ce que j'ai dit.

La façon dont nous choisissons nos dirigeants ne vous regarde pas. Ce n'est l'affaire ni du comité, ni du ministre ni du gouvernement du Canada. Nous avions des lois qui régissaient le système de sélection de nos dirigeants et nous voulons y revenir et les appliquer. C'est au peuple indien, aux citoyens indiens de résoudre le genre de questions que vous posez comme l'âge des électeurs, l'endroit où ils doivent habiter, et si les femmes, les jeunes ou les anciens peuvent voter.

Le président: Qui souhaite enchaîner? Monsieur Duncan, s'il vous plaît.

M. Duncan: Merci de votre réponse. Nous avons entendu ce point de vue de très nombreuses fois et nous le comprenons. Peut-être qu'à cet égard, il y a simplement une divergence évidente d'opinions.

J'aimerais aller droit au fond de la question soulevée par l'article que vous mentionniez, c'est-à-dire le projet d'article 16.1. Je crois comprendre qu'à l'heure actuelle, un grand nombre de bandes, lorsqu'elles se lancent dans une quelconque activité commerciale, fondent une société de développement. J'essaie de comprendre pourquoi le ministre serait en faveur de cet article 16.1, alors qu'une bande peut faire des affaires par l'entremise d'une société de développement et que ce que l'on retrouve dans le projet d'article 16.1 s'applique déjà à toute société de développement.

.1045

Au fond, ce que je voudrais savoir, c'est qui cela va-t-il intéresser? Y a-t-il des bandes au Canada qu'intéressera véritablement ce projet d'article, des bandes qui ne peuvent pas, pour une raison ou pour une autre, recourir à une société de développement pour atteindre le même objectif? Avez-vous une idée sur la question et pouvez-vous nous aider à comprendre?

Le président: Chef.

Le grand chef Hare: Je pense que, par opportunisme, certaines Premières nations ont choisi de recourir aux sociétés de développement. C'est un moyen commode de contourner les difficultés, d'atteindre certains objectifs et de réaliser certains projets de nature économique. Je pense cependant qu'à long terme - et c'est ce qui doit nous occuper dans le cadre de cet exercice - il faut se concentrer sur la capacité et reconnaître que les chefs et les conseils des Premières nations constituent des gouvernements légitimes et qu'il n'est pas nécessaire de trouver d'autres moyens, tels que l'article 16.1, pour déterminer ce que ces leaders, ces chefs et ces conseils ont eu toute légitimité le droit de décider.

M. Duncan: Je me retrouve à la case départ. Je ne sais pas trop comment poursuivre.

Le chef Mercredi nous a dit que, selon l'avis juridique qu'on lui a donné, ce projet d'article supprime l'obligation fiduciaire du ministre. Partagez-vous cette opinion? L'article 16.1 aurait pour effet, en aval, de supprimer l'obligation fiduciaire du ministre et du ministère.

Le grand chef Hare: Il peut très bien avoir cet effet. Moi, je parlais uniquement des autres répercussions de ce projet d'article. Je crains en particulier que des terres puissent nous être facilement enlevées, car si le chef et le conseil sont reconnus comme une personne physique, ils sont susceptibles d'être poursuivis. Quand les avocats-plaideurs s'y mettent, ils poursuivent tout le monde et ils demandent tous les biens que possède une bande; ainsi donc, si le chef et le conseil sont considérés comme une personne physique - ce qui n'est pas le cas maintenant - les terres peuvent facilement être prises.

Le problème, dans toute cette affaire, c'est que le gouvernement du Canada et tous les autres essaient de faire de nous des Blancs et nous faire fonctionner à votre manière à vous qui êtes des nouveaux venus dans ce pays. Vous vous êtes assis, vous avez rédigé ces trucs en Blancs que vous êtes et vous avez déclaré que c'était la loi que vous aviez faite pour les Indiens. Je ne pense pas que ce soit la bonne façon de faire. Nous ne faisons pas de loi régissant la façon dont vous devez vous comporter chez vous et nous ne voulons pas que vous fassiez des lois sur la façon dont les choses doivent se passer chez nous.

M. Duncan: Vous avez dit que les gouvernements indiens sont responsables. Rien ne garantit qu'il en est ainsi; et j'ai entendu de nombreux Autochtones le dire. Rien ne garantit qu'un gouvernement autochtone élu sera nécessairement responsable. Quel système d'équilibre des pouvoirs devrait-il y avoir, selon vous, pour protéger individuellement vos membres?

Le grand chef Hare: Monsieur, nous proposons que nos mécanismes juridiques - que nous sommes en train d'élaborer - soient reconnus. Ainsi, les conflits et tout autre différend seront tranchés par des gens de chez nous qui arbitreront les cas qui leur seront soumis. Ce ne devrait pas être au ministre des Affaires indiennes et certainement pas à n'importe qui d'autre à l'exception de membres des Premières nations, de le faire.

.1050

Je ne prétends pas que notre système électoral va être parfait ni que certains pourront ne pas être responsables, mais nous mettons au point un mécanisme qui fera contrepoids et qui assurera au moins une résolution légale des différends et éventuellement, il y aura un tribunal Nishnawbe qui décidera ce qui est juste et convenable. Les politiciens, le chef et les conseillers devront se plier aux décisions définitives rendues par la cour Nishnawbe.

M. Duncan: Je ne veux pas que vous tiriez la mauvaise conclusion. Je ne suis pas du tout en faveur d'accorder plus de pouvoirs au ministre, mais on a besoin de ces organismes indépendants.

Pour les élections nationales au niveau de la fédération, nous disposons d'Élections Canada, et les provinces ont mis en place des organes électoraux parallèles. Vous envisagez quelque chose de semblable pour les élections autochtones. C'est un peu ce que vous me dites, n'est-ce pas?

Le grand chef Hare: Oui, tout à fait. Les aînés des tribus indiennes, par exemple, prendraient des décisions équitables lorsque des différends leur seraient soumis.

M. Duncan: C'est parfait.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Hubbard: J'aimerais enchaîner sur la question des territoires. Il semble que cet article inspire des craintes au grand chef. Si je me fonde sur ce que j'ai lu dans le rapport sur les Autochtones... on nous fait croire qu'au fil des années, les terres ont été confisquées ou abandonnées à tort par diverses Premières nations et que la Couronne n'a pas protégé ces réserves et ces territoires.

Dans le contexte de vos déclarations au sujet des terres et de l'idée selon laquelle, en général, le gouvernement du Canada ne devrait pas dire quoi faire aux Premières nations, qui protégera les territoires des réserves à l'avenir si l'on accepte vos principes et votre point de vue sur la façon dont les Premières nations doivent gouverner sur leurs terres?

Le grand chef Hare: Pardonnez-moi, mais vous devez reconnaître l'autorité et la sagesse des chefs et des conseils. Nous n'avons jamais consenti à perdre une partie quelconque de notre territoire. Nous en sommes les plus grands protecteurs. Ce sont les Blancs qui nous ont pris nos terres.

Je ne veux pas que nous nous retrouvions encore dans une situation où des autorités autres que les gouvernements indiens soient les gardiens de notre territoire. Ces autorités se sont jusqu'ici déchargées de leurs tâches d'une façon déplorable. Je m'en remets donc aux dirigeants choisis par le peuple indien - c'est-à-dire le chef et les conseils - pour protéger ses intérêts.

M. Hubbard: Et s'ils n'étaient pas protégés? Prenons l'exemple d'une administration irresponsable qui vend des parcelles de terrain appartenant à une réserve. Vous dites, grand chef, qu'il n'y aurait rien de mal à cela? Le gouvernement du Canada ne devrait-il pas continuer de protéger les terres qui ont été réservées aux peuples des Premières nations?

Le grand chef Hare: Si l'on reconnaît que le pouvoir appartient au peuple et qu'il est ensuite donné et délégué au chef et au conseil pour qu'ils administrent les affaires de la population, et si les gens savent que ce sont eux qui ont le pouvoir de prendre des décisions concernant leurs terres, je peux vous affirmer qu'ils ne les céderont jamais. Ils ne permettraient jamais au chef et au conseil de céder des terres.

M. Hubbard: Grand chef, il y a eu des Premières nations qui, au cours des 100 dernières années, ont rencontré des difficultés économiques et ont vendu en groupe des parties de territoire. Un grand nombre des pseudo-problèmes territoriaux actuels sont soumis aux tribunaux sous la forme de revendications territoriales; pourtant, vous affirmez que votre peuple ne pourrait jamais agir de cette façon.

L'histoire n'est pas de votre avis. Certaines Premières nations ont, d'une façon ou d'une autre, négocié ou abandonné leurs terres à ceux que vous appelez les nouveaux venus. Ces nouveaux venus possèdent ces territoires depuis déjà longtemps.

.1055

Le grand chef Hare: Les peuples indigènes les ont possédés pendant beaucoup plus longtemps que n'importe qui d'autre sur ce continent. Cela dit, si j'en crois les membres des Premières nations que j'ai rencontrés au cours de ma vie, les territoires que nous avons perdus ne nous ont certainement pas été enlevés avec leur approbation. Ces terres nous ont été dérobées, les procédés étaient malhonnêtes, et il existe suffisamment de preuves qui le démontrent.

Je ne vois pas comment vous pourriez vous ériger en protecteur des terres indiennes.

Le président: La parole est à M. Murphy.

M. Murphy: Merci, monsieur le président.

Chef Hare, j'admets que par le passé, beaucoup d'injustices ont été commises. Si je siège à ce comité, c'est, entre autres, pour voir s'il est possible de faire quelque chose pour réparer ces injustices. Toutefois, je crains qu'en ressassant le passé, nous n'arriverons à rien.

Je n'ai pas eu l'impression que le projet de loi C-79 a été proposé par le ministre pour truander les Premières nations. Je vois dans cette mesure législative un moyen de rendre des pouvoirs aux bandes et aux conseils.

Vous déclarez que ce projet de loi va à l'encontre de ce que vous essayez de faire. Voulez-vous dire que nous devrions simplement laisser tomber la Loi sur les Indiens et tout abandonner? En quoi certaines de ces modifications vont-elles à l'encontre de ce que vous, en tant que nation, essayez d'accomplir? Pouvez-vous m'éclairer? Je suis pris entre l'arbre et l'écorce et, ma foi, je ne sais plus qui croire; mais vous pourriez peut-être m'aider à comprendre.

Le grand chef Hare: Je vais essayer. Je regrette qu'il y ait un malentendu.

L'histoire démontre, je pense, que depuis qu'est entrée en vigueur la première Loi sur les Indiens, cette loi a déterminé la façon dont le peuple indien a été forcé de vivre. Cette loi, les conditions qu'elle stipule et tout ce qu'elle contient, tout cela a été élaboré par des non-Indiens, par des gouvernements de Blancs, par le gouvernement canadien. Nous disons simplement qu'il est temps de laisser les dirigeants des Premières nations décider, car leurs décisions sont meilleures pour le peuple indien que celles que l'on nous force à prendre en vertu de la Loi sur les Indiens.

M. Murphy: Dans la même veine, êtes-vous en faveur d'au moins un des changements apportés grâce à ce document - les pouvoirs qu'obtiennent les bandes, ceux qui sont confiés aux conseils - ou est-ce que l'on n'arrive jamais à faire des changements qui appuient les causes défendues par les membres des Premières nations? Ces discussions m'apprennent que personne ne veut se contenter d'avancer pas à pas. Tout le monde veut tout, tout de suite. J'ai du mal à concevoir un changement complet du jour au lendemain car tous autant que nous sommes, nous devons avoir la possibilité d'apprendre petit à petit. Y a-t-il des initiatives que l'on peut prendre sans tout mettre sens dessus dessous?

Le grand chef Hare: Il y en a beaucoup. Mais ce que vous ne saisissez pas, ce que, selon moi, aucun membre du comité ne saisit, ce que le ministre ne saisit pas non plus, c'est que ce n'est pas à vous de faire ni de recommander des changements. C'est au peuple indien et à ses dirigeants qu'il revient d'envisager les changements qui leur conviennent. Qui vous a donné le droit de venir nous dire comment nous devons vivre? C'est simple, arrêtez; reconnaissez que notre peuple est capable d'effectuer des changements qui bénéficieront à ceux pour qui ils sont faits.

.1100

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Non?

Chef Joseph Hare, je vous remercie de nous avoir présenté cet exposé et de vous être accommodé de notre retard.

Nous allons maintenant entendre le chef Sam Stone, de la Première nation de Michipicoten.

Chef Stone, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'avoir accepté d'être des nôtres ce matin. Je m'appelle Ray Bonin. Je suis président du comité. Avec moi se trouvent M. Rocheleau, du Bloc québécois, et ici, MM. Murphy et Hubbard, du Parti libéral.

Vous disposez de 40 minutes en tout. Nous vous invitons à faire votre présentation et à réserver un peu de temps pour les questions des membres du comité.

Chef, vous avez la parole.

Le chef Sam Stone (Première nation de Michipicoten): Bonjour. Je suis le chef Sam Stone, de la Première nation de Michipicoten, une nation qui fait partie de celles qui ont signé à l'origine le Traité Robinson-Supérieur de 1853.

J'ai suivi le dossier du projet de loi C-79. Personnellement, je tiens à dire que je ne suis pas satisfait du processus actuel, car il ne correspond pas aux promesses faites publiquement par le ministre. Nous aurions préféré que le comité vienne sur nos terres pour entendre les Premières nations lui dire quelles sont leurs priorités et leurs craintes.

Je crois que, tous autant que nous sommes, nous défendons aujourd'hui le même point de vue à propos du projet de loi C-79. Nous sommes tous, j'en suis convaincu, du même avis. Dès le départ, nous avons craint que le ministre précipite l'adoption du projet de loi par le Parlement pour empêcher qu'il y ait un débat et que la question soit examinée. J'espère qu'il n'en est pas ainsi, que le comité jouera son rôle et que, par son entremise, la question sera étudiée. Le message que j'aimerais faire passer au comité porte sur plusieurs points, et j'espère qu'il pourra apporter des réponses à certaines de nos questions.

Quand je cherche à définir ce qu'est un partenariat, j'envisage un lien juridique entre deux ou plusieurs parties qui partagent des responsabilités, des ressources, des avantages et des engagements. On voit que les partenariats ne s'échafaudent pas sur la confiance mutuelle et l'amitié. Je ne pense pas que le fondement des promesses à l'origine de la politique du gouvernement libéral à l'égard des Autochtones ait été respecté. Il n'y a pas eu de consultation et aucun véritable partenariat n'a été établi avec les Premières nations. Le ministre des Affaires indiennes a ignoré le processus que nous avons suivi pour rejeter le projet de législation et il a agi unilatéralement.

Nous souhaitons un véritable partenariat. Nous voulons travailler avec vous à notre avantage mutuel, et pour résoudre certains des problèmes découlant de la législation en vigueur auparavant. Nous devons tracer la voie qui nous mènera à la résolution des difficultés auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement. Nous sommes prêts à aborder cette question d'une manière positive et dans un esprit de collaboration, mais nous en avons assez que les gouvernements nous dirigent comme ils l'ont fait dans le passé, car c'est ce qui a créé les problèmes auxquels nous faisons face aujourd'hui.

Le projet de loi est négatif et passéiste. Les changements qui y sont proposés ne correspondent pas ni à notre vision des choses ni à notre culture, ni à la façon dont nous menons nos affaires. On tente de réparer les dommages d'une politique de contrôle au moyen d'une loi qui ne correspond pas à nos besoins ni à la réalité actuelle. Cette législation ne reflète pas une relation de nation à nation mais traite les Premières nations comme des enfants en tutelle.

Des solutions et des alternatives peuvent être trouvées, mais on y parviendra uniquement si les deux parties sont déterminées à venir à bout des problèmes. Nous avons proposé des solutions de remplacement viables et nous avons demandé au gouvernement fédéral de collaborer avec nous pour définir un processus qui permettrait spécifiquement la mise en pratique de nos droits.

.1105

En premier lieu, nous proposons un processus conjoint avec le gouvernement fédéral pour faire en sorte que l'exercice de nos droits ne dépende pas de l'agrément des gouvernements fédéral ou provinciaux. La commission royale a recommandé au gouvernement fédéral de ne pas trafiquer la Loi sur les Indiens. Nous aimerions que l'on reconnaisse immédiatement nos compétences respectives en tant que gouvernements et que l'on mette graduellement en place un plan nous permettant d'exercer notre pouvoir et nos compétences. Les négociations devraient se dérouler de nation à nation et l'esprit du traité original devrait être respecté.

Quand on examine la politique législative fédérale, on constate qu'elle ne tient pas compte des déclarations du gouvernement concernant la reconnaissance des droits - ancestraux ou issus de traité - des Autochtones. Le gouvernement remet constamment nos droits en cause devant les tribunaux. Comme je l'ai déjà dit et comme je continuerai de le dire, nous sommes ouverts et prêts à collaborer avec le gouvernement pour modifier la politique législative. Ce que nous proposons est un véritable partenariat, afin de trouver des solutions à ces problèmes.

Le président: Je vous remercie, chef Stone. Nous allons maintenant passer aux questions.

[Français]

Monsieur Rocheleau.

M. Rocheleau: Bonjour, monsieur Stone. Je vous poserai la question que j'ai posée plus tôt à votre homologue.

Elle porte sur l'article qui traite des élections dans chacune des bandes indiennes. Le projet de loi fait une distinction entre les gens qui sont ordinairement résidents de la réserve, qui ont le droit de vote, et ceux qui demeurent hors réserve. Avez-vous une opinion là-dessus? Pourriez-vous nous parler des implications de cette disposition de la loi chez vous?

[Traduction]

Le chef Stone: Je crois sincèrement que les gens qui vivent en dehors des réserves ne sont pas vraiment au courant de ce qui s'y passe. La plupart des gens dont le nom figure sur la liste de ma bande vivent à Toronto, à Thunder Bay ou en Colombie-Britannique. Pourquoi voudraient-ils voter s'ils ne savent pas ce qui se passe dans la réserve?

[Français]

M. Rocheleau: Avez-vous une idée du pourcentage de vos membres qui vivent hors réserve?

[Traduction]

Le chef Stone: Actuellement, environ 85 p. 100 vivent en dehors de la réserve, pour la simple raison que le gouvernement ne nous donne pas suffisamment d'argent pour les loger.

[Français]

M. Rocheleau: Ceux qui vivent hors réserve ont-ils réagi à la présentation du projet de loi?

[Traduction]

Le chef Stone: Les membres qui vivent en dehors de la réserve ne se sont pas manifestés, mais tous les résidants ont dû se faire une opinion rapidement, car ne serait-ce qu'en ce qui concerne ce comité, je n'ai su que vendredi soir que j'étais censé comparaître aujourd'hui. Cela ne m'a laissé qu'une journée pour consulter les gens. C'est peu et cela ne démontre guère de considération de votre part.

.1110

[Français]

M. Rocheleau: Peut-on penser que certains vont qualifier de discriminatoire le fait qu'on leur enlèvera peut-être leur droit de vote? Pensez-vous qu'il pourrait y avoir un problème de ce côté-là?

[Traduction]

Le chef Stone: Je ne le pense pas. Pour la simple raison que ceux qui vivent à des milliers de kilomètres ne peuvent pas vraiment savoir ce qui se passe dans une réserve.

[Français]

M. Rocheleau: Merci, monsieur Stone.

[Traduction]

Le président: Chef Stone, je crois comprendre que l'on a communiqué avec vous vendredi pour vérifier que vous seriez effectivement présent ici aujourd'hui, mais que l'on vous avait déjà contacté longtemps avant; c'est bien cela? Ou est-ce que vous avez été contacté pour la première fois vendredi?

Le chef Stone: Nous avons reçu des lettres. Nous avons eu la possibilité d'en discuter et nous avons répondu en disant que nous ne souhaitions pas que l'on fasse voter rapidement ce projet de loi. Ensuite, tout d'un coup, vendredi, on me dit que je suis censé venir témoigner devant le comité aujourd'hui.

Le président: Merci. La parole est à M. Murphy.

M. Murphy: Bonjour, chef.

Je sais que vous avez beaucoup à redire au processus de consultation qui a précédé ce projet de loi. Toutefois, mis à part le processus, quand on examine le projet de loi lui-même, on peut voir qu'il y a neuf dispositions qui donnent plus de pouvoir aux bandes. Je vois - et je suis sûr que vous ne l'ignorez pas - qu'il y a 16 nouvelles dispositions qui enlèvent en quelque sorte au ministre et au ministère des pouvoirs au bénéfice des bandes, ce qui va, selon moi, dans le sens de l'autonomie gouvernementale.

Y a-t-il parmi ces changements qui vont être apportés ou qui pourraient l'être et qui accordent plus de pouvoirs aux bandes et aux conseils des dispositions qui revêtent un intérêt quelconque pour vous et votre peuple?

Le chef Stone: Non. J'ai dit ici que j'avais déjà participé à trois assemblées cette année et que le projet de loi a été rejeté dans les trois cas.

Le ministre assistait à deux d'entre elles. Il s'est fâché et il est parti. Ce n'est pas la façon de traiter avec les Autochtones.

M. Murphy: Donc, vous considérez qu'aucun de ces changements n'a un intérêt quelconque?

Le chef Stone: Nous l'avons déjà dit au ministre dans le cadre de trois assemblées différentes, mais il ne veut tout simplement rien entendre.

Le président: Je voudrais que ce que je vais dire soit enregistré au compte rendu de manière à ce que je n'ai pas à le répéter à chaque témoin que nous accueillons. C'est la première fois que j'en parle.

Pour ce qui est de ce qui s'est passé au ministère et avec le ministre, il faut savoir que ce projet de loi n'est plus du ressort du ministre, mais de ce comité. On nous a chargés de le lire attentivement, de l'évaluer, de le modifier le cas échéant et d'en faire rapport à la Chambre des communes. Par conséquent, même si l'on évoque souvent le ministère et le ministre, c'est maintenant le comité qui est responsable du projet de loi.

Même si je ne déclare pas irrecevables les présentations qui ne se rapportent pas au projet de loi, elles ne seront pas prises en compte par les membres du comité, car nous devons nous en tenir à la lettre au contenu du projet de loi qui nous a été confié.

J'aimerais que cela soit enregistré au compte rendu pour que les choses soient bien claires.

Y a-t-il d'autres questions?

M. Hubbard: Bonjour, chef. Je ne peux pas m'empêcher d'être inquiet quand je vous entends dire - peut-être n'ai-je pas bien entendu - que 85 p. 100 de vos concitoyens vivent hors-réserve. C'est vrai?

Le chef Stone: Effectivement. C'est parce que nous n'avons pas suffisamment d'argent pour construire des maisons et développer notre économie.

M. Hubbard: Les gens partent donc pour des raisons économiques. Mais vous considérez-vous, en tant que chef, aussi responsable des gens qui vivent hors-réserve, ou vous occupez-vous surtout des intérêts des résidants, les 15 p. 100 qui vivent dans la réserve? J'essaie de voir si le comité n'a pas la même attitude et s'il s'intéresse au problème global que soulèvent les modifications ou simplement aux difficultés des gens qui vivent en tant que membres d'une Première nation sur un territoire particulier dénommé réserve.

.1115

Le chef Stone: Comme tous les chefs de l'Ontario vous le diront, ils s'occupent de tous ceux qui font partie de leur peuple. Même si les gens n'appartiennent pas directement à la réserve, on essaie quand même de les aider.

M. Hubbard: Merci, monsieur le président.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Souhaitez-vous faire des observations finales, chef?

Le chef Stone: Tout simplement, je n'aime pas que l'on cherche à faire adopter rapidement ce projet de loi. J'aurais voulu qu'il y ait de plus amples consultations, notamment avec nos principaux leaders. Nous avons trois grands chefs et plusieurs chefs régionaux qui pourraient négocier ce genre de chose. Ils pourraient nous consulter et traiter ensuite avec vous.

Le président: Merci, chef Stone.

Nous allons maintenant entendre le président du Conseil tribal de Wabun, Shawn Batiste. Le chef Batiste n'est pas censé comparaître avant 13 h 30; nous avons 15 minutes d'avance sur l'horaire.

Le chef Shirley Horn est-elle présente à Sudbury? Non? Merci. Y a-t-il quelqu'un d'autre là-bas qui doit faire un exposé aujourd'hui?

La séance est suspendue jusqu'à 11 h 30. Si le chef Batiste arrive avant, veuillez nous le faire savoir. Merci.

.1118

.1212

Le président: Ici le président Ray Bonin qui appelle Sudbury. Je crois comprendre que le représentant de la Première nation de Henvey Inlet n'est pas encore là et que le chef Harvey Tetahtegoose, du Conseil tribal de North Shore, a accepté de faire sa présentation immédiatement. Est-ce exact?

Le chef Harvey Tetahtegoose (Conseil tribal de North Shore): Oui, c'est exact.

Le président: Je vous remercie d'être aussi accommodant.

Vous disposez de 40 minutes, maximum, pour présenter vos opinions. Vous pouvez utiliser cette période comme vous voudrez, mais nous aimerions que vous réserviez un peu de temps aux questions que les députés voudront vous poser.

Veuillez avoir l'obligeance de vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, le cas échéant, avant de commencer. Merci.

Le chef Tetahtegoose: Je suis le chef Harvey Tetahtegoose de la Première nation de Whitefish Lake, qui fait partie du Conseil tribal de North Shore. Je suis accompagné de Roger Jones, de la Première nation de Sagamok.

Le président: Je vous remercie. Vous pouvez poursuivre.

Le chef Tetahtegoose: Je vais vous présenter le mémoire sur le projet de loi C-79 que nous adressons au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

Le Conseil tribal de North Shore représente sept communautés, notamment celle de Batchewana, de Garden River, de Mississagi, de Serpent River, de Sagamok, de Thessalon et de Whitefish Lake. Le territoire du Conseil tribal de North Shore s'étend de Sudbury à Sault Ste. Marie, le long de la côte nord du Lac Huron et sur une partie du nord de l'Ontario.

.1215

Les Premières nations de North Shore ont un passé d'interaction coopérative et ont entretenu des relations particulières parce qu'elles ont en commun une langue, un territoire, un traité, ainsi que des principes et des valeurs qui définissent leur perspective de la vie.

Le Conseil tribal de North Shore a formellement été établi en 1981, après que la création de cet organe ait été approuvée et adoptée. L'objet du conseil tribal, tel qu'énoncé dans sa constitution, est d'unifier, d'entretenir et d'étendre les intérêts, le mode de vie et l'identité des membres des bandes dont il est responsable.

Pour atteindre ces objectifs, le conseil tribal est habilité à défendre les positions adoptées par les membres des Premières nations, à mettre en place les politiques et les stratégies qui leur conviennent et à promouvoir le gouvernement local des bandes au moyen de diverses initiatives, programmes et services. L'activité, à tous les niveaux de l'organisation, repose sur des prises de décision consensuelles.

En ce qui concerne les circonscriptions électorales, les députés qui représentent les comtés situés sur le territoire des Premières nations de North Shore sont le ministre Ron Irwin, Ray Bonin et Brent St. Denis. Tous sont membres du Parti libéral au pouvoir, qui a fait campagne en s'appuyant sur le tristement célèbre livre rouge, où les problèmes des Premières nations faisaient l'objet de nombreuses promesses. Toutefois, aucune ne portait sur l'élimination de la domination et de l'attitude colonialiste du Canada dans ses relations avec les Premières nations.

Ce projet de modification de la Loi sur les Indiens permet, entre autres choses, d'évaluer la performance du gouvernement libéral pour ce qui est des engagements pris dans le livre rouge. La grande promesse - l'établissement d'un nouveau partenariat grâce à la reconnaissance effective du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale - ne peut évidemment pas être tenue de quelque façon que ce soit tant que le pouvoir et le contrôle sont refusés à ceux auxquels ils appartiennent. Or, c'est là où nous en sommes, et le projet de loi C-79 n'accorderait pas aux Premières nations un contrôle plus étendu ou de plus amples responsabilités à l'égard de leur vie et de leur propre communauté, comme le croit le ministre.

Se taire n'est pas consentir. Nous croyons cependant nécessaire que le Conseil tribal de North Shore transmette son message personnellement et fasse connaître son opposition à cette initiative, car il est à craindre que son silence soit interprété comme une forme de soutien ou d'acceptation de ce projet de loi. Ce n'est pas surprenant, vu que le principe est actuellement enchâssé dans la Loi sur les Indiens, plus précisément dans le Règlement sur le mode de procédure au conseil des bandes d'Indiens, où l'on peut lire à l'article 20: «Lorsqu'un membre s'abstient de voter, il est réputé donner un vote affirmatif.»

Par conséquent, ni le ministre, ni ce comité, ni la Chambre des communes ni les tribunaux ne peuvent, en aucune circonstance, considérer que les Premières nations de North Shore sont favorables au projet de loi C-79 ni recourir à tort et à travers aux pouvoirs fiduciaires et constitutionnels découlant de l'article 91, paragraphe 24, de la Loi constitutionnelle de 1867.

Sur le sujet de l'assimilation, le Conseil tribal de North Shore n'appuie pas une modification de la loi qui a pour but de la rendre apparemment moins insultante, car la rendre moins insultante ou moins paternaliste n'est tout simplement pas possible. Civiliser et assimiler les Indiens, c'est la raison d'être de la Loi sur les Indiens, et c'est un objectif et un but qui ne peuvent pas être supprimés de la loi, quels que soient les tours de passe-passe auxquels se livre le ministre des Affaires indiennes dans ses tentatives désespérées pour légitimer le racisme ou défendre les violations des droits de la personne.

En outre, tout ce que l'on pourra faire d'autre pour justifier la modification de la Loi sur les Indiens, en disant que c'est un moyen de donner aux peuples des Premières nations plus de contrôle sur la gestion de leurs propres affaires, découle d'un raisonnement mal avisé.

Encourager d'un côté l'autonomie gouvernementale tout en gardant les moyens de contrôle, c'est contradictoire. De plus, la réputation internationale du Canada comme pionnier en matière de droits de la personne ne peut coexister avec une politique nationale qui entretient une relation de domination et de colonialisme avec les peuples des Premières nations du Canada.

.1220

La volonté d'assimilation est une caractéristique constante de la politique canadienne, et nous pensons qu'il s'agit de l'un des plus importants objectifs du projet de loi C-79. En voici des exemples: assimilation des structures sociétales des Premières nations et mainmise sur les biens qui leur appartiennent; imposition du droit immobilier canadien; imposition du droit canadien sur les biens personnels; imposition du droit familial et matrimonial canadien; imposition d'un gouvernement de type municipal.

Premièrement, l'assimilation rend généralement les gens plus résistants. Par conséquent, l'assimilation volontaire est une approche qui, je le répète, peut être considérée comme plus efficace, et que l'on pratique en introduisant des concepts non autochtones dans les communautés des Premières nations avec l'espoir qu'elles les adopteront, par exemple en optant pour la législation.

C'était ainsi que l'on raisonnait dans les années 1860, quand les conseils de bande ou les gouvernements de type municipal ont été introduits pour la première fois à titre optionnel. Il s'agissait d'une mesure non obligatoire. Toutefois, les fonctionnaires des Affaires indiennes se sont rapidement rendu compte que le nouveau système de nomination aux conseils de bande était très peu accepté par le peuple indien, de façon générale. Les gens n'ont manifesté aucun désir d'adopter le nouvel ordre des choses, et d'y donner suite en demandant l'autorisation d'organiser des élections.

Le rapport de la Division des Affaires indiennes de 1871... En 1880 et à nouveau en 1884, la loi a été modifiée pour qu'il soit possible au gouvernement d'imposer un système électoral lorsque le gouverneur en conseil le jugeait utile.

«Là où les Indiens sont plus avancés en éducation et ont plus confiance en eux-mêmes, sont plus disposés à assumer une partie de l'autonomie gouvernementale, ils éliront des conseils de bande à peu près de la même façon que les Blancs élisent un conseil dans les municipalités voisines.» Ces propos sont ceux de Sir John A. Macdonald, mais on croirait entendre le ministre Ron Irwin quand il parle des divers degrés de progressivité au sein des Premières nations de tout le Canada à notre époque.

On a toute raison de croire qu'à un moment donné, dans le proche avenir, le caractère optionnel du projet de loi C-79 fera place à l'application universelle. Les Premières nations ont enduré la mainmise du gouvernement fédéral depuis trop longtemps, et cette initiative est juste un autre exemple qu'utilise le gouvernement fédéral pour montrer qu'il veut préserver les Indiens du paternalisme ou les encourager à assumer plus de responsabilités... Mais cela aboutit à la destruction des sociétés indiennes traditionnelles, des formes de gouvernement traditionnelles, des droits de propriété traditionnels et des perspectives qui pourraient permettre aux Indiens de reprendre le contrôle de leur vie et de leurs biens.

Questions relatives à la relation fiduciaire: En droit canadien, la jurisprudence établit que le Parlement a des obligations fiduciaires envers les Premières nations. Dans l'affaire Sparrow, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 dit que le gouvernement a la responsabilité d'agir à titre de fiduciaire dans ses rapports avec les peuples autochtones, y compris pour l'adoption des lois.

Il semble qu'invoquer les prescriptions de l'article 91(24), comme dans le cas du projet de loi C-79, pour ce qui est de l'adoption de lois relatives aux «Indiens et aux terres réservées pour les Indiens», requiert que la Chambre des communes procède conformément à ses responsabilités fiduciaires, ce qui signifie que les députés doivent s'assurer que l'article 35 est respecté et que les mesures législatives sont en fait bénéfiques.

En outre, la relation fiduciaire est reconnue dans le préambule du projet de loi C-79 lui-même où il est stipulé que: «Le gouvernement du Canada tient à témoigner son respect envers les cultures et les traditions des Indiens». Les députés ou ce comité ne devraient tout simplement pas croire le ministre ou ses fonctionnaires sur parole lorsqu'ils disent qu'aucun droit n'est violé et qu'à long terme, ces mesures seront bénéfiques pour les peuples des Premières nations. Il faut exiger des preuves, car c'est la norme établie par la Cour suprême du Canada. Et ces preuves, elles n'existent pas.

De plus, la Chambre des communes risque d'être partie prenante à une manoeuvre qui, à l'avenir, pourrait être interprétée par les tribunaux comme l'exercice légitime d'un pouvoir constitutionnel ayant pour but d'éteindre les droits des Premières nations, ou encore qui pourrait être invoquée pour montrer que le Parlement dispose d'un pouvoir total ou tyrannique sur les Premières nations en faisant valoir quand il veut l'autorité découlant de l'article 91(24), contre la volonté de la majorité des peuples des Premières nations.

C'est ce qui s'est produit aux États-Unis, où la Cour suprême a jugé que le pouvoir du Congrès, en ce qui a trait aux affaires indiennes, est absolu, total, au point qu'il lui est possible de liquider des tribus indiennes si bon lui semble. Est-ce la voie sur laquelle souhaitent s'engager les législateurs canadiens? Nous espérons que non; d'ailleurs, ce n'est pas la voie choisie par la Cour suprême du Canada.

.1225

Nous pensons que le projet de loi C-79, qu'il soit optionnel ou non, va à l'encontre de nos droits et de nos intérêts - qu'il s'agit d'une dévolution par opposition à une évolution. Dans son discours au sommet des chefs de l'Alberta en mars 1985, quand il a, pour la première fois, rendu public le projet de modification de la Loi sur les Indiens, le ministre, M. Irwin, a déclaré que les liens juridiques entre le ministre et les Premières nations sont définis par la Loi sur les Indiens, même si plus tôt, dans le même discours, il avait dit que les traités établissent la relation fondamentale entre les Premières nations et le Canada.

Il semble que le ministre ne saisisse pas la différence entre les véritables fondements de la relation entre les Premières nations et l'État, c'est-à-dire l'égalité, l'adhésion de bon gré et librement consentie, et le caractère artificiel, imposé légalement d'une relation qui s'appuie sur la Loi sur les Indiens. Si c'est ce dernier type de relation qu'il préfère, c'est qu'il veut imposer son pouvoir sur les Premières nations et continuer à les contrôler.

Quand on examine ce que le ministre a déclaré en mars 1995, et la façon dont les choses ont évolué pour aboutir au projet de modification de la Loi sur les Indiens - malgré l'opposition des Premières nations - il est clair que le ministre et le gouvernement libéral ne souscrivent qu'en parole à des notions comme les traités, l'autonomie gouvernementale ou un nouveau partenariat. Ces questions sont difficiles à régler à cause des politiques du passé qui inspirent des modifications comme celles qui se rapportent à la concentration de plus de pouvoirs entre les mains du ministre, ou à un plus grand contrôle gouvernemental au moyen de nouveaux règlements dont nous ne savons encore rien.

Les vieilles relations seront maintenues, car le gouvernement s'intéresse davantage à la Loi sur les Indiens qu'à l'établissement de nouveaux partenariats fondés sur l'autonomie gouvernementale, des accommodements, des traités, etc.

Dans le préambule du projet de loi C-79, il est dit effrontément qu'un niveau local des conseils de bande auront des pouvoirs intérimaires et optionnels jusqu'à ce que les ententes sur l'autonomie gouvernementale soient en place.

Plus tôt dans notre présentation, nous avons exprimé nos doutes à propos du caractère intérimaire de cette initiative, vu ce qui s'est déjà passé auparavant et compte tenu de notre propre expérience. En 1991, le Conseil tribal de North Shore et le Canada s'étaient entendus sur un calendrier et un processus de négociation, dans le but de conclure un accord de principe concernant les modalités de gouvernement des Premières nations de North Shore. Un plan avait été établi pour surmonter les obstacles pouvant survenir dans le cadre de la négociation de ces modalités qui prévoyaient, dans un premier temps, la coexistence des gouvernements des Premières nations et des autorités gouvernementales canadiennes. Aucune date limite n'avait été fixée pour conclure la négociation des modalités, mais on avait établi parallèlement un ambitieux plan de travail de deux ans concernant le calendrier et le processus. Il s'agissait d'un accord de financement qui aurait facilité le transfert de crédits du gouvernement fédéral au Conseil tribal de North Shore pour financer les activités relatives à la délégation des pouvoirs ainsi que le coût des négociations.

Les deux accords comprenaient des clauses de dénonciation prévoyant essentiellement que chacune des parties pouvait, après avoir donné à l'autre un préavis de 60 jours, résilier l'entente. Il fallait s'y attendre; même si le gouvernement libéral s'était engagé à établir de nouveaux partenariats avec les Premières nations et à leur permettre d'exercer leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, le ministre des Affaires indiennes a dénoncé l'accord portant sur le calendrier et le processus de négociation de l'autonomie gouvernementale.

Les Premières nations de North Shore ne sont pas les seules à avoir connu ce sort. On est alors en droit de se demander si les Premières nations de North Shore et celles qui se trouvent dans une situation semblable ont d'autres choix que de se satisfaire du régime actuel prévu par la Loi sur les Indiens ou d'opter pour une assimilation encore plus poussée.

Selon nous, le gouvernement libéral préfère une administration locale assurée par les Premières nations suite à un transfert de responsabilités plutôt que la mise en place et la reconnaissance d'un gouvernement autonome suivant l'évolution naturelle des choses. D'un point de vue historique, la politique fédérale et son instrument, la Loi sur les Indiens, n'ont ni reconnu ni respecté la relation originale. Le fait est que l'on n'a apporté aucun changement substantiel aux politiques au cours des derniers 125 ans.

.1230

Je vous remercie. Meegwetch.

Le président: Merci beaucoup, chef Tetahtegoose.

Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. La parole est àM. Bachand.

[Français]

M. Bachand (Saint-Jean): Tout d'abord, monsieur le président, j'aimerais vous faire remarquer qu'il y a une des deux langues officielles qui souffre ce matin. Il n'y a pas d'interprétation simultanée pour la présentation des témoins. J'espère qu'on va pouvoir remédier à cette situation le plus rapidement possible.

Le président: Oui, monsieur Bachand, on va y remédier ainsi qu'à tous les autres problèmes qu'on a eus ce matin. Ce n'est pas acceptable. Je vous comprends et je partage vos soucis.

M. Bachand: Merci, monsieur le chef, pour votre présentation. Corrigez-moi si je me trompe, mais le ministre Ron Irwin vient-il de votre coin de pays? J'aimerais savoir si son bureau ou les gens de son ministère ont entrepris quelques consultations directes avec vous depuis le dépôt de ce projet de loi.

Vous nous avez appris qu'on avait cessé toute la négociation sur l'autonomie gouvernementale dans votre coin. Faites-vous un lien entre cela et ce que le ministre est en train de pousser? C'est beaucoup plus facile pour le ministre de dire qu'il va laisser sa marque en modifiant la Loi sur les Indiens plutôt qu'en bâtissant des choses beaucoup plus positives mais un peu plus exigeantes, notamment l'autonomie gouvernementale.

Donc, le ministre prend la voie de la facilité en modifiant tout cela avec le projet de loi C-79. On vous consulte à peine. Selon les notes que j'ai ici, beaucoup de communautés, soit 550, n'ont pas été consultées. J'imagine que la vôtre ne l'a pas été.

Êtes-vous d'accord avec moi quand je dis que le ministre prend la voie de la facilité en modifiant la Loi sur les Indiens au lieu de s'attaquer à des choses fondamentales comme l'autonomie gouvernementale? Il a mis fin aux négociations à cet égard avec les tribus de ce coin de pays.

[Traduction]

Le président: Avant que vous répondiez, je vais me permettre une observation en tant que président du comité. Je me suis engagé à autoriser toutes les interventions. Je ferais remarquer toutefois que la question n'a rien à voir avec le projet de loi qui nous occupe. J'admets cependant la question et je ne vous interromprai plus.

Je veux qu'il soit noté officiellement que j'admets la question. Mais c'est dans le cadre des40 minutes auxquelles vous avez droit. Quand on en arrivera à l'étude article par article, sachez-le, les observations qui sont irrecevables ne seront pas acceptées.

Excusez-moi de vous avoir interrompu. Vous pouvez maintenant répondre, si vous voulez.

M. Roger Jones (Conseil tribal de North Shore): Je pourrais peut-être répondre aux questions qui ont été formulées. Je m'appelle Roger Jones. Je travaille au Conseil tribal de North Shore.

Si je comprends bien, M. Bachand a posé trois questions. Premièrement, on peut effectivement dire que le ministre Irwin vient de notre région. Il est député de Sault Ste-Marie, et je crois qu'au moins deux des Premières nations qui sont membres du Conseil tribal de North Shore se trouvent dans sa circonscription. Les Premières nations de North Shore se considèrent, de façon générale, comme les voisines du ministre Irwin.

Deuxièmement, M. Bachand voulait savoir s'il y avait eu ou non des contacts avec les fonctionnaires du ministère à propos des modifications de la Loi sur les Indiens depuis qu'elles ont été déposées. Une des choses que nous avons relevées dans l'exposé du ministre devant ce comité la semaine dernière, c'est qu'il a déclaré avoir entendu dans toutes les régions du pays les membres des Premières nations dire qu'ils souhaitaient que des changements soient apportés à la Loi sur les Indiens. Le Conseil tribal de North Shore ne se souvient pas d'avoir soulevé avec le ministre des questions relatives à la Loi sur les Indiens à aucun moment depuis sa nomination, et autant que je sache, il n'y a pas eu de contact entre les collaborateurs du ministre et le Conseil tribal de North Shore à propos du projet de loi C-79. C'est aujourd'hui la première fois que le Conseil tribal de North Shore fait officiellement connaître sa position sur le projet de loi C-79, et comme le chef Tetahtegoose l'a indiqué, cette position n'est pas du tout favorable à l'initiative du ministre.

.1235

Maintenant, pour ce qui est du projet concernant l'autonomie gouvernementale auquel le Conseil tribal de North Shore a pris part, cela remonte à 1991. L'initiative a donc été lancée au temps du gouvernement conservateur, et elle a été poursuivie par le ministre Irwin et ses collaborateurs jusqu'au 16 décembre, date à laquelle ils nous ont notifié leur intention de mettre fin aux négociations sur l'autonomie gouvernementale.

Naturellement, le Conseil tribal de North Shore a été très surpris par la tournure des événements, car il croyait que la négociation de l'autonomie gouvernementale ouvrait la voie à de nouvelles relations entre les Premières nations de North Shore et le Canada.

Le Conseil tribal de North Shore a fait ce qu'il a pu pour persuader le ministre et ses fonctionnaires de changer d'avis et de ne pas abandonner les négociations sur l'autonomie gouvernementale, mais sans résultat jusqu'à maintenant. Il est plutôt regrettable que nous en soyons arrivés là.

Le président: Merci. La parole est à M. Murphy.

M. Murphy: Merci, chef, de vos observations.

Je voudrais vous poser des questions très précises sur le projet de loi C-79. Vous avez dit que ce document ne cadrait pas avec votre désir de parvenir à l'autonomie gouvernementale. Je voudrais que vous me disiez précisément comment l'autonomie gouvernementale peut être freinée par ce projet de loi.

Vous avez d'autre part parlé d'assimilation. Pourriez-vous aussi me dire en quoi l'adoption de ce projet de loi accentue le processus d'assimilation? Vous avez déclaré que ce texte était encore plus paternaliste. Moi, je trouve qu'il l'est moins. Nous pouvons bien sûr avoir des opinions différentes, mais pouvez-vous me dire d'où vous tirez l'idée qu'il est plus paternaliste?

Ma dernière question porte spécifiquement sur les responsabilités fiduciaires. Vous avez dit que ce projet de loi, d'une façon ou d'une autre, méconnaît la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral.

Permettez-moi de vous poser une dernière question. Selon vous, ce projet de loi affecte-t-il les droits ancestraux ou issus de traités? Pouvez-vous me dire précisément si ce projet de loi affecte les droits ancestraux ou issus de traités?

Merci, monsieur le président.

M. Jones: Si je comprends bien, monsieur a posé au moins quatre questions. Je commencerai par la première, à savoir de quelle façon l'autonomie gouvernementale se trouve-t-elle freinée par le projet de loi C-79?

Je crois que le chef Tetahtegoose a déclaré plus tôt, quand il a fait son exposé, que le gouvernement était quelque peu obnubilé par la Loi sur les Indiens. Nous croyons en effet que cette préoccupation empêche les négociations sur l'autonomie gouvernementale de décoller dans tout le Canada. Plus important encore, il y a aussi l'article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui obsède le gouvernement au point d'y avoir recours chaque fois qu'il s'agit de traiter avec les Premières nations.

Les antécédents à cet égard sont négatifs en ce qui concerne les Autochtones. Le chef Harvey Tetahtegoose a fait remarquer dans sa présentation que le gouvernement du Canada semble croire que l'article 91(24) peut être utilisé en toute liberté quand il s'agit des Indiens.

Jusqu'à présent, on a surtout eu recours à l'article 91(24) dans le cadre de la Loi sur les Indiens. De l'aveu du ministre, cette loi définit de façon paternaliste les relations avec les Premières nations. C'est très important au niveau de la perspective de la Cour suprême du Canada sur la façon dont le gouvernement traite les peuples autochtones.

.1240

Si la Cour suprême du Canada en arrive à considérer que le gouvernement du Canada peut dicter en toute liberté les règles régissant sa relation avec les Premières nations, c'est que l'on n'est pas sur la bonne voie. On pourrait en arriver au point où la Cour suprême conclurait que si le gouvernement du Canada peut dicter toutes les conditions de la relation entre les Premières nations et le Canada, il peut également décider le degré d'autonomie gouvernementale dont peuvent jouir les Premières nations. On aurait transmis un message erroné.

Le chef Tetahtegoose a fait remarquer dans son exposé que cela semble être la situation qui prévaut au sud, c'est-à-dire aux États-Unis. Le Congrès est d'avis - et la Cour suprême des États-Unis le pense aussi maintenant - qu'il a les pleins pouvoirs pour définir la façon de traiter les Premières nations au sud de la frontière. Vu que le gouvernement fédéral détient l'autorité législative en vertu de l'article 91(24), je pense qu'il doit exercer très prudemment cette autorité à long terme, du moins dans l'optique de la Cour suprême du Canada.

Deuxièmement, il y a la question relative au paternalisme. En quoi le projet de loi est-il plus paternaliste? Je crois que le chef Tetahtegoose a fait remarquer que certaines modifications que l'on envisage d'apporter à la loi prolongent en grande partie l'ancien système. D'abord, quand on réfléchit aux changements proposés par le ministre, on se rend compte qu'ils ne sont pas fondamentaux, du moins en ce qui a trait au véritable contrôle et à la domination exercée par le gouvernement fédéral sur le peuple autochtone. Le ministre et le gouvernement fédéral peuvent imposer des systèmes électoraux aux Premières nations. Le ministre peut contester l'autorité législative des conseils des Premières nations. Les changements ne touchent pas ces questions fondamentales, et par conséquent, le gouvernement ne tente aucunement de faire disparaître les éléments les plus paternalistes de la loi. Ils restent en place.

Il y a aussi les dispositions qui aboutissent à concentrer plus de pouvoirs entre les mains du ministre des Affaires indiennes, alors qu'ils sont normalement exercés par le Cabinet, tout du moins dans le cadre de l'actuelle Loi sur les Indiens. Le ministre des Affaires indiennes souhaite avoir plus de pouvoirs, et à notre avis, cela démontre bien que l'on veut accentuer le paternalisme qui caractérise la Loi sur les Indiens.

Il y a aussi la question sur la responsabilité fiduciaire. Dans ses déclarations à ce propos, je crois que le chef Tetahtegoose essayait de montrer que la responsabilité fiduciaire n'est pas limitée aux organes exécutifs du gouvernement et aux peuples des Premières nations. Les gens pensent erronément que la responsabilité fiduciaire ne concerne que le ministre des Affaires indiennes et les fonctionnaires de son ministère. Pourtant, la Cour suprême du Canada semble avoir conclu que cette responsabilité s'étend également à la Chambre des communes, car celle-ci exerce ses pouvoirs en vertu de l'article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Par conséquent la Chambre a aussi la responsabilité d'agir à titre de fiduciaire à l'égard des Premières nations. C'est ce que le chef Tetahtegoose essayait de souligner aux membres de ce comité ainsi qu'aux autres députés. On s'attend à ce qu'ils agissent en tant que fiduciaires lorsqu'ils considèrent cette importante mesure législative et non en tenant compte uniquement du programme du gouvernement libéral. Il y a d'autres considérations auxquelles devraient s'intéresser les députés.

.1245

Le président: Excusez-moi, je voudrais vous signaler qu'il vous reste sept minutes. Alors, soyez bref, s'il vous plaît.

Par ailleurs, j'aimerais aussi vous demander aux fins du compte rendu - et cette question s'adresse au chef Tetahtegoose - si M. Jones est autorisé à parler au nom du conseil de bande ou s'il s'exprime pour son propre compte? Il faut que le chef nous le dise, aux fins du compte rendu.

Le chef Tetahtegoose: Oui, M. Jones est autorisé à parler au nom du Conseil tribal de North Shore.

Le président: Merci.

Veuillez poursuivre.

M. Jones: On a demandé si le projet de loi C-79 affecte ou non les droits ancestraux ou issus de traités. Là encore, je pense que le chef Harvey Tetahtegoose a souligné dans son exposé l'effet négatif que pourrait avoir ce projet de loi C-79 sur les droits ancestraux ou issus de traités.

Le projet de loi a pour objet de changer certains aspects de l'organisation des sociétés autochtones. Il prévoit l'introduction d'une structure corporative dans les communautés des Premières nations et transforme les bandes en sociétés. Il prévoit régler la question de l'attribution de la propriété individuelle. Il prétend aussi régler les questions relatives aux successions non testamentaires, en établissant qui bénéficiera de ces successions.

Le Conseil tribal de North Shore est d'avis que sur toutes ces questions, les communautés des Premières nations devraient pouvoir légiférer elles-mêmes à cause de leur autorité inhérente en la matière.

Le président: Je vous remercie.

Je pense que l'on a répondu à la question de M. Murphy. M. Bachand a une autre question.

[Français]

M. Bachand: Monsieur Jones, je pense que vous avez été à l'origine d'un avis juridique que les Premières Nations ont obtenu dernièrement. J'ai écouté le chef Mercredi lorsqu'il est venu faire sa présentation, et il y a quelque chose de bien important en jurisprudence en matière de droits autochtones. Il s'agit du jugement Sparrow qui dit que les lois promulguées par la Chambre des communes devraient être très ouvertes et généreuses envers les Premières Nations.

Selon vous, le projet de loi C-79 dont nous sommes saisis va-t-il à l'encontre du jugement Sparrow, lequel dit que ce n'est pas tout à fait assez généreux à l'égard des autochtones. Si je faisais partie d'une Première Nation qui veut se défendre contre le projet de loi C-79, me recommanderiez-vous d'invoquer le jugement Sparrow pour ma défense?

[Traduction]

Le président: Je vous demanderais de bien vouloir répondre en moins de quatre minutes.

M. Jones: Je pense que la Cour suprême du Canada s'est penchée sur deux questions qui sont liées à la mesure législative que nous étudions. Premièrement, elle a suggéré que, chaque fois que le gouvernement fédéral souhaite adopter une loi ou établir une politique concernant les Premières nations ou les Autochtones en général, il devrait procéder à une vaste consultation des Premières nations et des peuples autochtones dans leur ensemble. Deuxièmement, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'autorité législative et la capacité de formuler des politiques que possède le gouvernement fédéral devraient être exercées avec respect pour ne pas enfreindre les droits ancestraux ou issus de traités. La cour a stipulé que le gouvernement fédéral devrait veiller à ce qu'il n'en soit pas ainsi.

.1250

Dans les deux cas, nous croyons que le projet de loi C-79 ne satisfait pas aux conditions. Nous ne jugeons pas satisfaisantes les consultations qui ont été menées. Et le fait que ce comité n'accorde que 40 minutes au Conseil tribal de North Shore pour discuter de cette question est en soi révélateur des faiblesses du processus.

Quant au deuxième problème - celui de savoir si les droits ancestraux ou issus de traités sont affectés - il est certain que le gouvernement fédéral n'a pas posé la question au Conseil tribal de North Shore. S'il l'avait fait, le Conseil tribal de North Shore lui aurait répondu.

De façon générale, pour répondre à votre question, je dirais que le jugement Sparrow et le test qui a été décrit par la cour pourraient très bien, en fait, offrir aux Premières nations la possibilité de contester cette mesure législative si elle atteint effectivement les autres étapes du processus législatif.

Le président: Merci.

Monsieur Murphy, une courte question s'il vous plaît.

M. Murphy: Monsieur Jones, je voudrais simplement pouvoir interpréter ce qui, dans vos remarques, concerne mes questions. Je crois avoir compris que l'autonomie gouvernementale et le paternalisme de la loi, etc. posent beaucoup de problèmes, mais je trouve que tout ce que vous avez dit ne s'applique pas particulièrement à ce projet de loi. En fait, si je vous ai bien compris, vous avez dit que, fondamentalement, le projet de loi C-79 ne traite pas des véritables questions qui se posent à propos de la relation entre le ministre et le gouvernement. Ce n'est pas la même chose que d'essayer de dire que la loi comporte des prescriptions qui vont à l'encontre de l'autonomie gouvernementale, et qu'elle est encore plus paternaliste qu'avant. Je pense que tous ces problèmes se posent bel et bien, mais pas à propos de ce projet de loi. Vous l'avez dit vous-mêmes, cela n'est pas vraiment fondamental en ce qui concerne les véritables questions que pose cette relation.

M. Jones: Ce serait mal interpréter ce que j'ai déclaré précédemment. J'ai dit que les changements dont parle le ministre en ce qui a trait à relation, comme il la conçoit... Dans ses déclarations aux chefs d'un bout à l'autre du pays, il a souligné que ce qu'il vise en apportant ces modifications, c'est la suppression de la plupart des éléments paternalistes de la Loi sur les Indiens. J'ai dit qu'en fait, le ministre ne touche même pas aux aspects les plus paternalistes d'une relation qui permet au gouvernement fédéral de dicter aux Premières nations la façon dont elles se gouvernent et de décider si elles peuvent ou non avoir des lois et comment, de façon générale, elles vivent au jour le jour.

Si le ministre souhaitait vraiment supprimer les parties les plus fondamentales de la Loi sur les Indiens, je pense qu'il éliminerait la fonction de ministre des Affaires indiennes, ainsi que le ministère des Affaires indiennes, tout du moins le mandat qui est le leur actuellement, soit contrôler le peuple autochtone. S'il est véritablement déterminé à faire disparaître le paternalisme, je pense qu'il devrait repartir sur de bonnes bases. Trafiquer la Loi sur les Indiens ne permettra pas de supprimer le paternalisme qui imprègne le système que nous connaissons.

Le président: Merci.

Cette partie de l'audience est maintenant terminée. Chef Tetahtegoose, monsieur Roger Jones, je tiens à vous remercier d'être intervenus.

S'il est là, j'invite maintenant le chef Bruce Ashawasegai, de la Première nation d'Henvey Inlet à prendre la parole. Est-ce que quelqu'un à Sudbury peut nous dire si le chef Ashawasegai est là? Il a raccroché?

Un témoin: Lorsque vous avez dit que c'était terminé, vous vouliez dire que cet exposé était terminé, n'est-ce pas?

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Le président: Nous nous attendions à écouter le témoignage du chef Bruce Ashawasegai de la Première nation d'Henvey Inlet.

M'entendez-vous à Sudbury?

Une voix: Oui.

Le président: Est-ce que le chef Ashawasegai est là?

Une voix: Il a appelé et il a dit qu'il ne viendrait pas.

Le président: Bon. Cela met fin aux interventions en provenance de Sudbury.

Est-ce que le chef Shirley Horn est là?

Une voix: Non.

Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui souhaite intervenir?

Le chef Tetahtegoose: Un des membres de notre délégation est arrivé un peu en retard vu que vous, vous avez commencé plus tôt que prévu.

Le président: Un autre membre de votre délégation vient juste d'arriver?

Le chef Tetahtegoose: Oui. Nous étions censés commencer à 12 h 50.

Le président: Je vois. Et nous avons décidé de commencer plus tôt que prévu.

Peut-on leur donner 15 minutes de plus?

Est-ce que cela vous convient, chef?

Le chef Tetahtegoose: Oui. Le chef Larry Boyer de la Première nation de Mississagi vient d'arriver.

Le président: Messieurs les membres du comité, est-ce que vous êtes d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Chef Boyer, allez-y. Vous avez 15 minutes.

Le chef Larry Boyer (Conseil tribal de North Shore): Je suis chef de l'une des sept Premières nations représentées au Conseil tribal de North Shore.

La semaine dernière, j'ai réuni les membres de ma bande; ils sont totalement opposés à ce que l'on apporte quelque amendement que ce soit à la Loi sur les Indiens par le biais du projet de loi C-79. Tous les anciens me disent de ne pas appuyer cette initiative et certains m'ont envoyé ici afin de vous faire connaître nos préoccupations à cet égard. De leur point de vue, modifier maintenant la Loi sur les Indiens va à l'encontre de notre rôle et nous n'appuierons pas cette initiative.

Par ailleurs, je tiens à vous rappeler que la circonscription de M. Ron Irwin se trouve dans notre région. Nous l'avons rencontré, et je me suis rendu compte qu'il ne voulait soutenir aucune des propositions que nous lui avons faites, qu'il s'agisse de l'autonomie gouvernementale, des modifications à la Loi sur les Indiens ou de quelque autre sujet que nous soulevons avec lui. Mon sentiment, c'est qu'il ne nous appuie pas. Chaque fois que nous le rencontrons, il promet de ne pas faire ceci ou de ne pas faire cela, mais dès que nous sommes rentrés chez nous, il dit qu'il va le faire de toute façon. Alors, je ne sais pas... J'ai assisté à de nombreuses rencontres avec les chefs. Nous avons adopté maintes résolutions stipulant que nous n'appuierons pas cette initiative et pourtant, une fois que nous sommes rentrés chez nous, le ministre déclare qu'il va aller de l'avant, de toute façon. C'est extrêmement frustrant pour toutes les sept Premières nations de la région de North Shore. Chaque fois que nous avons des nouvelles du ministre, ce sont de mauvaises nouvelles.

.1300

Nous avons vraiment l'impression d'être tenus à l'écart du processus. M. Irwin devrait nous rencontrer et écouter ce que nous avons à dire. Je serai vraiment très heureux si nous pouvions rencontrer M. Irwin et chercher à résoudre certaines de ces questions.

Essentiellement, voilà ce que j'avais à dire au nom de ma Première nation. J'appuie l'exposé du chef Tetahtegoose. Je pense que cela résume le sentiment des sept nations du Conseil tribal de North Shore.

Merci.

Le président: Je vous remercie d'avoir fait cet exposé.

Je dois vous dire que si vous souhaitez rencontrer le ministre Irwin, il va falloir que vous le lui demandiez directement. Selon le système établi ici, à Ottawa, lorsqu'un projet de loi est renvoyé à un comité par la Chambre des communes, le ministre n'a plus la responsabilité du projet de loi en question; c'est la Chambre qui en est responsable. Au point où nous en sommes, c'est le comité qui a cette responsabilité.

Par conséquent, pour tout ce qui concerne le ministre, il faut que vous en traitiez directement avec lui. Notre tâche est d'évaluer les amendements du projet de loi C-79. Nous enregistrons les témoignages qui portent directement sur le projet de loi.

Les membres du comité ont-ils des questions à poser?

Pas de question. Je vous remercie beaucoup.

Y a-t-il quelqu'un à Sudbury qui devait présenter un exposé et qui n'a pas encore pu le faire?

Le chef Boyer: Je ne vois personne pour l'instant.

Le président: Merci beaucoup de votre aide. Nous allons dire au revoir à Sudbury.

Le chef Boyer: Merci beaucoup.

Le président: L'audience est suspendue jusqu'à 1 h 45, à moins que des témoins arrivent avant, auquel cas nous reprendrons nos travaux.

.1303

.1551

Le président: Je vous prie d'excuser notre retard. Nous n'avons toujours parmi nous aucun député de l'opposition, mais nous allons reprendre nos délibérations. Votre témoignage est enregistré et sera mis à la disposition des députés qui sont absents.

Je m'appelle Ray Bonin, je suis président du comité. Je suis entouré de trois députés du Parti libéral: MM. Hubbard, Murphy et Calder.

Nous avons alloué 40 minutes par présentation. Vous pouvez disposer de cette période comme vous l'entendez. Nous accueillons le chef Wellington Staats. Comme je le disais, vous pouvez utiliser la période qui vous est allouée à votre guise, mais si vous laissez un peu de temps après l'exposé pour que nous puissions vous poser des questions, nous vous en serions reconnaissants. En tout, nous avons 40 minutes à vous consacrer. Chef Staats, vous avez la parole.

Le chef Wellington Staats (Six Nations Council): Merci. Je ne vais peut être pas avoir besoin de 40 minutes. Mon exposé n'est pas très long.

J'aimerais vous saluer, monsieur le président, ainsi que les membres du comité qui vous entourent aujourd'hui. J'aimerais également remercier le comité de nous avoir donné l'occasion d'exprimer les préoccupations que nous inspire le projet de loi C-79, Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Si nous n'avons pas d'exposé très détaillé à vous présenter cet après-midi, c'est que nous avons reçu ce texte il y a très peu de temps.

Ne serait-ce qu'en ce qui concerne les audiences du comité, la première fois que j'en ai été avisé, c'est par mon propre député, M. Bob Speller. J'ai reçu une note de lui le mardi 4 mars 1997. Il m'informait que la date limite pour demander à être entendu était le mercredi 5 mars. Par conséquent, l'exposé que nous vous présentons ici aujourd'hui ne prend pas beaucoup de détails en compte, même s'il y a certains points précis que nous pourrions essayer de clarifier si vous le jugez nécessaire.

C'est également la raison pour laquelle vous n'entendez aujourd'hui que 12 à 14 chefs indiens de l'Ontario. Il y en a deux autres qui m'ont téléphoné ce matin et ils ne savaient même pas que les audiences avaient lieu. Je pense que la raison pour laquelle nous ne sommes pas plus nombreux à nous réunir avec vous aujourd'hui c'est qu'il a fallu se hâter pour essayer de mettre tout cela en contexte.

Il y a quelque temps, en décembre, nous avons rencontré certains d'entre vous sur la colline du Parlement. On nous a dit que nous aurions assez de temps pour faire connaître nos préoccupations une fois que le comité permanent aurait décidé comment il allait procéder pour tenir ses audiences. Ce processus a maintenant été établi, et il est tout à fait clair que votre calendrier n'est pas du tout adapté à la situation, en tout cas, qu'il ne permet pas aux Premières nations de réagir aux modifications proposées comme elles devraient absolument le faire.

.1555

J'aimerais également aborder la question du processus de consultation qui a mené à l'élaboration du projet de loi. Au départ, le ministre des Affaires indiennes a annoncé que l'on apporterait seulement neuf à dix modifications mineures à la Loi sur les Indiens; nous avons reçu des informations à ce sujet le 19 septembre 1996. Le ministre a également indiqué que ces changements n'auraient pas d'effets notoires sur les Premières nations, étant donné qu'il s'agissait uniquement de modifications d'ordre administratif.

Nous étions contre toute modification de la Loi sur les Indiens en l'occurrence. Toutefois, alors même que nous nous préparions à étudier ces premières modifications, le ministre a annoncé qu'il y en aurait d'autres et, pendant la période qui a suivi, jusqu'à Noël, et j'irais même jusqu'à dire jusqu'à ce que l'on ait rédigé le projet de loi, des changements ont été apportés, même dans la soirée qui a précédé le dépôt du texte au Cabinet pour ratification. Par conséquent, nous n'avons vraiment pas eu le temps de réagir à ces modifications, parce que, à toutes fins utiles, nous ne savions pas vraiment ce que l'on était en train de modifier. Il est très difficile de réagir lorsqu'on ne sait pas à quoi.

Jusqu'ici, on a apporté quelque 60 modifications à la loi. De notre point de vue à nous, les Six-Nations, ce ne sont pas uniquement des changements d'ordre administratif ou des modifications mineures à la Loi sur les Indiens, loin de là. Lorsqu'on apporte 60 modifications à la loi, il y en a sûrement certaines qui nous affectent. À ce que nous sachions, leur énoncé a été constamment remanié, même juste avant que le texte soit déposé à la Chambre des communes.

Je tiens également à vous dire combien le processus de consultation suivi par le ministre au cours de l'année écoulée me déçoit.

Le ministre a affirmé que les consultations avec les Premières nations, au cours des quatre dernières années, ont été plus qu'adéquates, et que le projet de loi C-79 reflète tout simplement le fait que les Premières nations elles-mêmes souhaitent modifier la Loi sur les Indiens. Je suis d'accord là-dessus; nous disons, je le sais, depuis un certain nombre d'années qu'il faut apporter certaines modifications à la Loi sur les Indiens. Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que les changements contenus dans ce projet de loi, le projet de loi C-79, ne correspondent pas à ce qu'exigent les Six-Nations. Non seulement cela, mais ces modifications nous interdisent apparemment d'apporter quelque autre changement que ce soit à la nouvelle ou à l'ancienne loi, puisqu'il s'agit d'un processus facultatif. Soit on adopte le projet de loi C-79 dans sa totalité, soit l'on reste sous le coup de l'ancienne loi.

Je dois admettre que certaines modifications proposées dans le projet de loi C-79 sont bonnes; il fallait apporter des changements. Bien sûr, nous voudrions faire changer certaines dispositions à notre profit, mais si nous procédons ainsi, nous nous embarquons alors dans tout le processus de modification que représente le projet de loi C-79, et c'est cela qui nous pose véritablement des problèmes dans la façon dont les choses se passent aujourd'hui.

L'Assemblée des premières nations a indiqué que la majorité des Premières nations ont rejeté le projet de loi C-79. J'étais d'ailleurs à la réunion qui s'est tenue à Winnipeg. Je dirais qu'au moins 400 chefs étaient présents, et tous ont rejeté les modifications de la Loi sur les Indiens. Le ministre était là, lui aussi.

Il est également intéressant de noter que même si le ministre mentionne un certain nombre de comités et de rapports, dont le propos était la Loi sur les Indiens et les Premières nations, et s'il affirme que c'est de cette façon qu'il a pu précisément cerner les souhaits des Premières nations, il omet de reconnaître ce que les auteurs du dernier rapport du gouvernement déclarent à propos de la Loi sur les Indiens.

Le rapport le plus complet qui ait été effectué à la demande du gouvernement fédéral sur les Premières nations, un rapport qui couvre l'histoire des relations entre ces nations et le Canada depuis une époque précédant la Confédération, c'est le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Au cours d'une période s'étalant sur cinq ans, la commission a tenu d'amples consultations auprès des communautés et des organismes des Premières nations. Elle a entendu les Premières nations et les parties concernées directement, et l'on trouve dans son rapport ses constatations ainsi que ses recommandations sur la façon de traiter avec les Premières nations.

Parmi ces recommandations, il y en avait une qui stipulait que les Premières nations ne voulaient pas que le gouvernement fédéral trafique la Loi sur les Indiens. La commission soulignait qu'il serait plus profitable que le gouvernement fédéral consacre son temps et son énergie à la négociation d'accords sur l'autonomie gouvernementale avec les Premières nations. Toutefois, le ministre Irwin a omis de mentionner cette recommandation dans son discours ou de tenir compte de l'avis de la commission royale - un avis qui, soit dit en passant, a coûté 68 millions de dollars au gouvernement fédéral, mais que les autorités gouvernementales n'ont même pas utilisé ou auquel elles n'ont même pas jeté un coup d'oeil avant de modifier cette loi.

.1600

C'est bien un gaspillage total de l'argent des contribuables, et la promesse faite par les libéraux dans le livre rouge reste sans suite. Ils ont en effet promis de reconnaître le droit inhérent des Premières nations à l'autonomie gouvernementale.

Le ministre ignore le rapport de la commission royale, les dernières consultations qui ont été menées auprès des Premières nations. Le ministre omet également de mentionner que lors de l'Assemblée des premières nations, la majorité d'entre elles ont rejeté le projet de loi C-79.

Le ministre mentionne que, par le passé, l'adoption de textes législatifs comme le projet de loi C-31 a été facultative. Toutefois, ce que le ministre appelle une «modification facultative» a toujours un impact négatif sur les Six-Nations de la rivière Grand et continuera d'avoir des retombées pendant les dix prochaines années. Et ce, même si celui qui était alors ministre des Affaires indiennes a promis aux Six-Nations que l'adoption du projet de loi C-31 n'empirerait pas leur situation. En fait, à cause du projet de loi C-31, de nouveaux membres ont afflué dans nos communautés, ce qui a entraîné une réduction des programmes et des services que nous offrions. Le financement provenant du gouvernement fédéral n'a pas augmenté proportionnellement au nombre des membres des Premières nations qui sont revenus à cause du projet de loi C-31 et auxquels nous avons dû fournir des services. Contrairement à ce que présume le ministre Irwin, nous n'avons pas le choix, nous devons accepter tous les nouveaux membres reconnus en vertu du projet de loi C-31.

Jouer ainsi avec la Loi sur les Indiens, ce que la commission royale a déconseillé, aboutit uniquement à traiter les bandes comme des municipalités et non comme des Premières nations ayant un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, un droit que les libéraux ont censément reconnu dans leur livre rouge. Pourtant, au lieu de tenir leur promesse, les libéraux traitent les Premières nations comme des municipalités dans le projet de loi C-79. En vertu de ce texte législatif, certaines Premières nations deviendront des sociétés. On ne parle plus du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, mais de perpétuer la politique d'assimilation, une politique déjà ancienne puisqu'elle date de 1969. Des textes législatifs comme le projet de loi C-79 ne servent finalement qu'à diviser nos citoyens et à les traiter comme s'ils n'avaient aucun droit reconnu par la Constitution, comme s'ils faisaient partie de municipalités non autochtones. Agir en faisant fi du consentement des Premières nations n'est pas une façon honorable de nous traiter ni de chercher à résoudre le problème.

En terminant, je tiens à dire au comité que si l'on veut que les relations entre nos deux peuples évoluent, il faut que nous trouvions ensemble une solution et que nous adoptions un processus profitable aux deux parties prenantes et démontrant un respect réciproque, un processus qui sera tout à l'honneur de l'État et qui respectera nos droits ancestraux reconnus dans la Constitution.

J'ajouterai en terminant que si des changements doivent être apportés, je remercie le comité d'y consacrer le temps et la considération voulus.

Le président: Merci beaucoup, chef.

Je vois que vous êtes accompagné d'un de vos collègues. Va-t-il prendre la parole?

Le chef Staats: Non. Je suis la seule personne qui doit présenter un exposé.

Le président: Merci beaucoup.

Permettez-moi de mentionner que votre député, Bob Speller, a sans doute communiqué avec vous parce que, au tout début du processus, j'ai envoyé une note de service de la part du comité à tous les députés, quel que soit leur parti, pour leur demander de prendre contact avec les communautés autochtones se trouvant dans leurs circonscriptions. En outre, sur une période de deux semaines, nous avons envoyé des communiqués de presse et des notes d'information à tous les chefs. Je tiens simplement à ce que vous sachiez que ces dispositions ont été prises.

En ce qui a trait aux articles du projet de loi qui vous conviennent et à ceux qui ne vous satisfont pas, il serait utile que vous en avisiez les membres du comité. À l'heure actuelle, le comité est responsable du projet de loi, et notre mandat est d'en faire rapport à la Chambre, tel quel ou amendé. Ainsi donc, la raison pour laquelle nous suivons ce processus c'est que nous voulons entendre précisément ce que vous avez à dire à propos du projet de loi, le projet de loi C-79, et connaître les amendements que vous voulez y apporter. Jusqu'ici, aujourd'hui, nous n'avons pas entendu grand chose à propos du projet de loi C-79.

Je vais passer aux questions des membres du comité. Si vous voulez proposer des amendements, faites-le dans vos réponses. Je vous laisserai du temps pour conclure, si cela vous convient.

Monsieur Murphy.

M. Murphy: Chef, merci de nous avoir présenté cet exposé.

Au début, vous avez indiqué que le projet de loi C-79 ne correspond pas aux besoins des Six-Nations. Permettez-moi de vous demander de m'aider à cerner quels sont les besoins auxquels ce texte ne répond pas. Qu'auriez-vous souhaité? Il est évident qu'il y a également dans ce projet de loi des dispositions qui vous satisfont, et j'aimerais savoir lesquelles; toutefois, ce que je voulais savoir - d'abord et avant tout, je pense - c'est pourquoi le projet de loi ne répond pas aux besoins des Six-Nations.

.1605

Le chef Staats: Comme je l'ai dit, je peux seulement faire des observations superficielles, car nous n'avons pas vraiment analysé le texte en profondeur. Un des problèmes que pose le projet de loi, en règle générale, c'est tout simplement que nous n'avons pas eu le temps de voir en quoi ce texte nous affecte véritablement.

Les quelques points qui sautent aux yeux et que nous pouvons relever dans le projet de loi comprennent la clause non dérogatoire que l'on trouve au tout début. Ce paragraphe est censé apaiser nos craintes en ce qui concerne les retombées éventuelles du projet de loi sur nos droits ancestraux et issus de traités. Si l'on se fie à son énoncé, ce paragraphe s'applique à la Loi sur les Indiens et non à la législation elle-même. Même si l'actuel ministre des Affaires indiennes entretient de bonnes relations avec nous et a des motifs valables de vouloir faire adopter ce texte, rien ne garantit que les ministres qui prendront sa succession auront la même considération à l'égard des Indiens. Par conséquent, le fait que le projet de loi ne soit pas assez précis sur certains points nous inquiète vraiment.

L'article 8 donne aux bandes la capacité de personne physique et introduit le concept de «personnalité morale». Il n'est pas spécifié que la personne physique en question est un Indien inscrit. On parle seulement de «personne physique». Quel impact cela a-t-il sur l'exonération fiscale des Indiens? Quelles seront les répercussions de cette disposition si l'on ne précise pas que la personne visée est un Indien de plein droit et non un Indien non inscrit?

Voilà deux réserves que je peux faire, et il y en a un certain nombre d'autres que je pourrai signaler.

M. Murphy: Merci.

Le président: Monsieur Calder.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci, monsieur le président.

Chef Staats, je vais faire deux ou trois observations et j'aimerais avoir votre réaction.

En 1985, le projet de loi C-31 a été adopté. À partir de ce moment-là, plus de100 000 personnes ont retrouvé leur statut légal d'Indien et, essentiellement, les bandes ont pu contrôler leur effectif. Vous dites maintenant que nous vous privons de ce contrôle.

Par ailleurs, vous avez déclaré que le projet de loi allait faire des bandes des sociétés. En toute franchise, la disposition en question donne aux bandes une capacité et un statut légaux et par conséquent, juridiquement parlant, une telle interprétation est inexacte.

J'aimerais avoir votre réaction à propos de ces deux observations.

Le chef Staats: Pour répondre à votre question concernant le projet de loi C-31, ce que j'ai dit, c'est que le gouvernement de l'époque nous a fait une promesse, à nous, les Six-Nations - par écrit, d'ailleurs. De fait, autant que je sache, le ministre s'est levé en Chambre et a déclaré que tous les Indiens qui approuveraient le projet de loi C-31 ne se retrouveraient pas dans une position moins favorable que celle dans laquelle ils étaient auparavant. Le gouvernement a dit que le projet de loi nous donnerait le droit de déterminer notre effectif, à condition que nous ayons l'appui de 51 p. 100 des personnes ayant le droit de voter, ce qui est presque impossible avec un mécanisme de votation comme le nôtre - je ne parle pas des gens qui ont voté, mais de ceux qui avaient le droit de le faire.

Comme chacun sait, notre réserve, la réserve des Six-Nations est la plus grande du Canada, et quelque 18 000 membres sont inscrits sur la liste de la bande, des gens qui résident un peu partout dans le monde. Il y a également dans notre réserve deux entités: le Confederacy Council existe toujours, tout comme le Six Nations Council dont les membres sont élus. La votation ne faisant pas partie des méthodes suivies par le Confederacy Council, la réserve des Six-Nations n'a pas pu se doter des règles et des règlements qui auraient permis de déterminer qui pouvait devenir membre de la bande. Nous avons comparu devant le comité permanent qui siégeait à l'époque et nous avons fait état de ce problème particulier mais, comme nous l'avons fait remarquer plus tôt, le projet de loi a quand même été adopté.

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En ce qui concerne votre deuxième question, les conséquences légales de l'article en question sont minimes, étant donné que, dans la perspective du gouvernement fédéral, il est vide de sens. En vertu de cette disposition, nous pouvons devenir une «personne physique». Si le mot «Indien» était inclus, cela résoudrait probablement la difficulté parce qu'alors, il y aurait une référence à notre statut fiscal, au fait que les biens personnels d'un Indien ne sont pas assujettis à l'impôt.

J'espère que cela répond à vos questions.

M. Calder: Plus ou moins. En vérité, j'aimerais connaître votre opinion.

Les modifications proposées permettraient à une Première nation qui les approuverait de mieux gérer ses activités commerciales et administratives. En réalité, elle aurait ainsi le même statut légal que toute autre entité commerciale. Qu'avez-vous à dire à ce propos?

Le chef Staats: Vous dites, je pense, que les bandes indiennes deviendraient des entités légales, des sociétés ou quelque chose du genre. De mon point de vue, les bandes indiennes ont un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et c'est l'argument que nous faisons valoir ici. Nous ne sommes pas des entités légales qui seraient dotées du quelconque statut que vous prétendez nous accorder par le biais de ce projet de loi. Nous disons, nous, que nous avons toujours eu le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et nous aimerions faire valoir ce droit dans le cadre de négociations avec le gouvernement, ce qui n'a rien à voir avec ce qu'il propose dans ce projet de loi.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Hubbard: Merci, monsieur le président. Bonjour chef.

Quelqu'un qui étudierait l'histoire du Canada découvrirait que nous avons probablement plus d'informations sur les Six-Nations que sur la plupart des autres nations représentées au sein des600 groupes dont nous devons nous occuper.

J'aimerais que vous me disiez - vous avez mentionné que la bande compte 18 000 membres - combien de personnes vivent en dehors de la réserve? Par ailleurs, selon vous, quelles seraient les méthodes que votre peuple jugerait acceptables pour choisir un chef?

Il y a deux lois, celle qui était en vigueur à l'origine et les nouvelles dispositions. Dans les deux textes, on parle d'élections démocratiques et d'un mandat durant un certain nombre d'années. Mais vous, que suggéreriez-vous au comité en ce qui concerne le choix des chefs, qui devrait y participer et, essentiellement, quelle méthode devrait être adoptée?

Le chef Staats: Il y a 18 000 membres inscrits sur la liste de la bande. Environ10 000 personnes vivent dans la réserve, et près de 9 000 résident ailleurs. Les gens auraient afflué en plus grand nombre dans la réserve si nous avions eu les logements et l'infrastructure nécessaires pour les accueillir. Au fur et à mesure que nous mettons cela en place, il y en a de plus en plus qui reviennent.

Nous ne savons pas encore quelles sont les ramifications du projet de loi C-31. Nous ne savons pas combien d'autres personnes envisagent de reprendre leur statut de membre des Six-Nations. Mais cela répond à la question que vous m'avez posée sur le nombre de personnes qui vivent dans la réserve et à l'extérieur.

À l'heure actuelle, dans le cadre de notre système, le conseil de bande élu est l'entité qui est reconnue par le gouvernement et c'est l'organe dirigeant de la réserve. Son mandat est de trois ans. Le chef est élu par un certain nombre de personnes qui appartiennent à la communauté.

Notre réserve est divisée en six circonscriptions électorales, et le conseil compte douze membres.

Il y a un chef, élu par toute la réserve, et à l'heure actuelle, c'est moi. Bien entendu, tous les trois ans, il faut que je me représente et que les gens décident si je suis capable de diriger la réserve pendant trois autres années.

Selon moi, il n'y a pas d'autre système de gouvernement qui puisse remplacer celui-ci à l'heure actuelle.

.1615

Comme je l'ai dit, il y a également une autre entité, le Confederacy Council, qui est également actif de temps en temps, mais qui n'est pas un conseil élu. Ses membres sont nommés parmi les mères du clan et selon des critères qui prendraient très longtemps à expliquer.

M. Hubbard: Chef, êtes-vous prêt à dire au comité que votre méthode est celle que votre peuple juge la plus acceptable - des élections tous les trois ans et l'organisation que vous avez décrite?

Le chef Staats: Oui, il semble que les gens trouvent cela tout à fait acceptable actuellement. Ce genre de système paraît fort bien nous convenir et d'ailleurs, cela fait environ 70 ans qu'il en est ainsi.

M. Hubbard: Merci.

Le président: Les députés ont-ils d'autres questions à poser?

Pas de question. Souhaitez-vous faire quelques observations pour conclure, chef?

Le chef Staats: Je vous remercie de nous avoir entendus. Nous avons fait ce que nous avons pu pour préparer un exposé dans les brefs délais qui nous ont été impartis et, naturellement, vous en recevrez une copie dès que possible. Merci beaucoup.

Le président: Nous vous en savons gré et nous vous remercions. Nous tenons également à nous excuser de notre retard. Nous espérons recevoir votre mémoire très bientôt. Merci.

Nous invitons maintenant William Tooshkenig, directeur général de l'Association of Iroquois and Allied Indians, à prendre la parole.

Y a-t-il un coordonnateur à Toronto? Nous voulons savoir si le chef Tooshkenig est là.

Une voix: Non, et je n'ai pas entendu parler de lui.

Le président: Savez-vous si Gordon Peters, le représentant des Chiefs of Ontario est là?

Une voix: Non, je suis désolé.

Le président: On ne l'a convoqué qu'à 4 h 50, alors, nous allons tuer le temps et attendre le chef Tooshkenig.

Merci.

.1618

.1630

Le président: Nous reprenons nos travaux.

Je souhaite la bienvenue au chef régional Gordon B. Peters, des Chiefs of Ontario.

Chef Peters, je vois que vous êtes accompagné d'un collègue. Pourriez-vous nous dire s'il va aussi prendre la parole et dans l'affirmative, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire son nom?

Le chef Gordon B. Peters (chef régional (Ontario), Assemblée des premières nations): Mon collègue s'appelle Richard Powless. C'est mon adjoint exécutif. Je l'ai invité à prendre part à la période de questions qui suivra sans doute ma présentation et à contribuer comme bon lui semble à cette discussion.

Le président: Vous êtes tous deux les bienvenus. Merci de vous être déplacés et d'être arrivés en avance.

Nous disposons de 40 minutes pour discuter ensemble. Vous êtes libre d'employer ce temps à votre guise, mais nous vous serions reconnaissants de laisser un peu de temps pour que les membres puissent poser des questions.

Je m'appelle Ray Bonin. Je suis président du comité, et je suis accompagné de M. Asselin, du Bloc québécois et de MM. Calder, Murphy et Hubbard du Parti libéral. Je crois comprendre queM. Duncan se joindra à nous dans quelques secondes.

Veuillez procéder à votre présentation.

Le chef Peters: Merci, monsieur le président.

Je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour parler spécialement de la substance du projet de loi, mais plutôt pour discuter du processus et des principes sous-jacents, et également pour vous donner des exemples pris dans notre passé qui nous permettront de vous montrer pourquoi nous nous opposons à cette législation.

Certaines questions fondamentales sont liées à la consultation et à la relation qui en découle. Pendant la campagne de lobbying qui visait les chefs de l'Ontario, nous avons dit clairement à plusieurs députés que nous n'avions pas été impliqués dans le processus de consultation. Nous avions cru comprendre, d'après ce qui s'est passé lors de notre assemblée, que le ministre avait proposé de participer à la préparation des modifications envisagées; or, il a été décidé lors de l'assemblée, de ne pas participer au processus destiné à modifier la Loi sur les Indiens.

Permettez-moi aussi de parler du rôle que nous avons été appelés à jouer; au départ, il était très clair qu'il était question de quelques modifications mineures pour procéder au toilettage de certains domaines laissés à la discrétion du ministre et pour gommer les éléments offensants de la loi; mais il semble que le nombre des articles modifiés n'a fait qu'augmenter depuis.

Je sais que dès le départ, certains ont fait savoir qu'ils étaient disposés à étudier la possibilité de procéder à des modifications mineures, dans l'espoir qu'il serait possible de faire quelque chose à ce niveau pour actualiser la loi. Mais plus les changements sont devenus substantiels, plus on a élargi mon mandat pour me permettre de m'opposer à ce qui se passait. Je ne me suis pas opposé simplement pour ne pas me retrouver embarqué dans un exercice de rédaction législative. Pour ce qui est de la substance du projet, mon opposition s'appuie sur des motifs qui sont foncièrement différents de ceux de certaines autres personnes.

Nous demandons depuis longtemps que des changements fondamentaux soient apportés de manière à ce que nos relations avec le Canada puissent se concrétiser. Dans le cadre du processus constitutionnel des années 80 et du début des années 90, je pense que certains éléments positifs et certaines difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés quand nous avons cherché des moyens de nous entendre... Quand le gouvernement libéral a pris le pouvoir, il a mis de l'avant son livre rouge dans lequel on annonçait qu'un éventail de mesures allaient être prises - des mesures qui n'étaient pas de nature constitutionnelle - et que les autorités allaient apporter des améliorations de façon à ce que les Indiens aient la possibilité d'être partie prenante à un processus qui leur permettrait de décider de leur propre destinée.

.1635

Je crois que c'est sur la base de ces principes que nous devions collaborer et lancer des initiatives allant dans le sens de notre meilleur intérêt, tel que nous le concevons, et non comme le conçoivent d'autres personnes. Si nous considérons le genre d'exercice qui nous occupe aujourd'hui, il ne va pas particulièrement dans le sens de notre meilleur intérêt car il ne correspond pas à la façon dont nous aimerions procéder.

Beaucoup nous demandent pourquoi nous rejetons la modification de la Loi sur les Indiens. En ce qui nous concerne, cela tient à une chose très simple: premièrement, nous ne voulons pas que la Loi sur les Indiens soit modifiée parce que nous considérons qu'il y a de nombreuses manières de prendre des initiatives positives plutôt que de continuellement tenter de modifier quelque chose de négatif - de créer du positif à partir du négatif. Nous pensons que ce serait beaucoup plus simple si le gouvernement collaborait avec nous dans le but de revoir les traités, de faire quelque chose de positif qui refléterait ce qu'il s'est engagé à faire: apporter un changement fondamental.

Nous pensons qu'il est possible de restructurer la politique sur le droit inhérent et d'accorder aux Premières nations des pouvoirs pouvant être déterminés par voie de justice en remplacement des pouvoirs conditionnels qui dépendent des gouvernements fédéral et provinciaux.

Nous pensons aussi qu'il serait tout à fait possible, dans l'état actuel des choses, de revoir la politique du Canada en matière de contentieux et de faire en sorte que, si nous nous retrouvons dans une situation relevant du domaine juridique, il ne soit pas possible aux hommes politiques de dire une chose - que c'est la façon dont ils aimeraient procéder - alors que les avocats du gouvernement déclarent devant les tribunaux que nous n'avons aucun droit, et que si nous en avons eu effectivement, ce sont maintenant des droits éteints et qu'en dernier ressort, nos droits sont déterminés par les gouvernements fédéral et provinciaux.

Voilà les questions fondamentales dont nous voudrions discuter, dans le cadre des changements que nous proposons.

Nous adoptons une perspective politique à propos de ces modifications et nous déclarons que si l'on veut déterminer la façon dont nous pourrons progresser, il faut alors envisager un plan réaliste.

Que les gens soient ou non d'accord avec la commission royale, il reste qu'elle a proposé un plan pour les 20 prochaines années, un document où l'on dit: voilà la façon dont nous pensons que les changements pourraient être envisagés par les milieux politiques s'ils veulent améliorer les conditions sociales, économiques et politiques dans lesquelles vivent les peuples autochtones du Canada.

Dans le cadre de ce plan, il serait possible, selon moi, que le gouvernement s'engage dans un autre processus qui nous permettrait de commencer à recenser certains des domaines auxquels nous pourrions nous attaquer; un processus négocié qui nous permettrait de décider ce que nous aimerions pouvoir changer et comment procéder.

La commission royale aborde très clairement la question de la Loi sur les Indiens, en suggérant qu'il ne serait pas raisonnable de la trafiquer; qu'elle devrait rester telle quelle en attendant que de nouvelles relations et de nouveaux processus permettent de créer quelque chose qui supplanterait cette loi - après quoi elle pourrait disparaître.

Nous nous rallions à la prémisse de la commission royale; à notre avis, c'est le point de départ à partir duquel nous pourrions faire avancer les choses. Nous souhaitons établir un véritable partenariat qui reflète notre capacité à prendre des décisions.

Le ministre a maintenant présenté cette loi modifiée, et quiconque souhaite ne pas l'avaliser et relever de l'ancienne loi peut le faire, mais on peut aussi adopter la nouvelle loi.

On nous a déjà fait ce genre de proposition. Nous savons que chaque fois que le gouvernement souhaite que nous adoptions une certaine mesure, il s'arrange tout simplement pour que nous finissions par accepter qu'elle s'applique parce qu'autrement, nous faisons face à des problèmes.

.1640

Je peux mentionner un autre cas, celui des conseils tribaux. Dans un premier temps, on a coupé l'herbe sous le pied d'un grand nombre de communautés. Après, les autorités ont déclaré que même si l'on n'adoptait pas le processus du conseil tribal, on n'avait aucun souci à se faire au sujet des services, on continuerait à en bénéficier. Cela n'a pas duré très longtemps. Les communautés qui n'avaient pas participé se sont rapidement aperçues que ces services n'étaient plus disponibles de la même façon qu'auparavant, et qu'elles n'avaient pas d'autre choix que de se plier au système de conseil tribal qui avait été mis en place.

Nous croyons que la même chose se produira avec cette modification de la Loi sur les Indiens. Si le gouvernement fédéral décide unilatéralement d'aller de l'avant et qu'il promulgue cette loi modifiée, il faut garantir que les gens qui souhaitent continuer de fonctionner dans le régime actuel ne seront pas forcés d'adopter cet autre processus pour régler leurs problèmes à l'avenir.

Nous voulons également qu'on nous dise très clairement comment on envisage le déroulement futur des discussions portant sur certaines des questions mentionnées dans le livre rouge. Le comité sait qu'il n'y a pas très longtemps, le chef national, ainsi que plusieurs personnes qui avaient participé à la préparation de la partie autochtone du livre rouge, ont brûlé ce document en disant que le gouvernement fédéral n'était absolument pas prêt à respecter ses engagements.

Aujourd'hui, nous souhaitons lancer une discussion sur la façon dont le système va fonctionner, sur la façon dont nous pourrons parvenir à des solutions nous permettant d'avancer ensemble vers l'avenir, et sur la façon dont nous pouvons surmonter les obstacles qui existent actuellement et qui ne peuvent être surmontés ni dans le cadre de la loi actuelle, ni dans celui du projet de loi qui la modifie. Nous souhaitons notamment discuter des problèmes économiques dans nos communautés et en dehors de nos communautés, car il est certain que cela nous affecte. La question des traités n'est pas abordée ni le fait que nous avons actuellement accès à des ressources qui se trouvent en dehors du territoire de notre réserve, en vertu de ces traités.

Tel est le genre de discussions que nous jugeons nécessaires pour que nous puissions progresser. Comme je l'ai dit auparavant, nous ne sommes pas intéressés par un débat article par article de ces diverses propositions. Nous savons qu'il y en a beaucoup d'autres que cela n'intéresse pas non plus.

Les ateliers d'information qui ont été organisés par le ministère pour tenter de connaître le point de vue des gens n'ont pas vraiment décollé. Un grand nombre de ceux qui ont participé à ces séances - et ils étaient peu nombreux - n'ont fait que répéter qu'ils n'étaient pas intéressés à prendre part à ce processus, et sont partis. Ces initiatives n'ont donc pas bénéficié d'un soutien massif. Nous nous demandons pourquoi le gouvernement voudrait poursuivre dans cette voie alors que ses initiatives n'ont pas l'appui des gens que cela concerne directement, c'est-à-dire nous. Si nous ne les appuyons pas, pourquoi le gouvernement voudrait-il continuer dans cette voie tout en sachant que ces propositions ne sont pas acceptables en ce qui nous concerne?

Telles sont les questions que nous posons. J'ajoute que j'ai devant moi de la correspondance que j'ai adressée au premier ministre après que la commission royale ait achevé ses travaux, pour lui demander de me dire quelles initiatives concrètes et pratiques pourraient être prises dans un délai donné, plutôt que de modifier la Loi sur les Indiens. Je vous en ai parlé.

Je vais déposer ces documents, car j'ignore si le comité en a eu copie. J'ai essayé de les transmettre à tous les membres du Parlement, et je vous les confie aujourd'hui pour rappeler qu'en novembre 1996, nous avons essayé de faire savoir que nous ne souhaitions pas que l'on donne suite aux modifications proposées dans le projet de loi, et que nous voulions des mesures positives qui puissent servir à construire l'avenir, et non des propositions destinées à corriger une loi négative, qui continuera de l'être même après que l'on y ait apporté des modifications.

.1645

Voilà où nous en sommes à l'heure actuelle dans cette région. Je ne prétends pas que 100 p. 100 des gens s'opposent à une modification de la loi, mais je peux dire, en me fondant sur les assemblées auxquelles j'ai participé et sur les directives qui m'ont été données, qu'une majorité écrasante n'est pas en faveur de ce que fait actuellement le gouvernement fédéral.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité d'exprimer mon point de vue. Je suis prêt à répondre à toute question que vous pourriez avoir, et à engager le dialogue si vous le souhaitez.

Le président: Merci, chef Peters.

Avant de passer aux questions des membres du comité, je répéterai ce que j'ai dit ce matin.

Au sujet de l'information que vous déposez et dont nous prenons acte ainsi que de votre témoignage, j'ai décidé que tout serait recevable; toutefois, lorsque l'on en arrivera à la discussion article par article, tout ce qui ne se rapporte pas textuellement au projet de loi C-79 ne sera pas accepté. Je veux que tout le monde en soit conscient, car comme je l'ai déjà dit, la majeure partie des témoignages ne portent pas sur le projet de loi C-79.

Nous allons entendre des témoins pendant quelques jours encore. Je veux qu'il soit clair que, même si nous sommes prêts à tout écouter... Le temps qui vous est imparti vous appartient, et je vous permettrai de l'utiliser comme bon vous semble; mais ce qui ne se rapporte pas au projet de loi ne sera pas pris en compte par le comité. Je veux que cela soit clair.

Si vous souhaitez suggérer des amendements dans le cadre de vos réponses, c'est le moment de le faire. Je vous accorderai quelques instants à la fin pour conclure si vous jugez avoir quelque chose à ajouter.

Nous passons maintenant aux questions. La parole est à M. Duncan.

M. Duncan: Merci.

Comme vous, je ne suis pas vraiment intéressé par l'étude article par article du projet de loi, mais comme le président vient de l'indiquer, le fait est que c'est probablement ce à quoi nous allons aboutir. Donc, afin de - disons, faute de mieux - limiter les dégâts, pouvez-vous faire état de vos préoccupations prioritaires? Avez-vous placé par ordre de priorité les articles qui vous inquiètent le plus? Pouvez-vous, pour les deux, trois ou quatre articles que vous jugez les plus préoccupants, nous dire brièvement pourquoi?

Le chef Peters: Merci de votre question.

Je suis parfaitement conscient que mes commentaires concernant le processus et les recommandations que j'ai faites au premier ministre ne seront pas utilisés dans le contexte de l'étude article par article dont vous parlez. Je ne reviendrai pas sur mon opinion que l'on ne devrait pas donner suite à ce projet de loi, et je ne participerai pas à un examen article par article qui compromettrait ma position ou m'entraînerait dans une discussion que je n'approuve pas.

Par conséquent, je vous demande à vous, en tant que membres du comité, de retirer la loi modifiée. Lançons des discussions pour construire quelque chose de positif pour les communautés des Premières nations.

M. Duncan: Ma position a toujours été que cette loi n'a pas de raison d'être, mais je voulais quand même vous poser la question. Je respecte totalement votre réponse.

Le président: Monsieur Asselin.

.1650

[Français]

M. Asselin (Charlevoix): Je m'appelle Gérard Asselin et je suis député de la circonscription de Charlevoix, au Québec. Je représente le Bloc québécois et je remplace aujourd'hui le critique parlementaire pour l'Opposition officielle à la Chambre des communes, M. Claude Bachand, lequel vous salue.

Tout d'abord, le Bloc québécois a été sensibilisé par vos interventions. Au-delà de542 communautés autochtones, sur une possibilité de plus ou moins 610, ont fait valoir au Bloc québécois leur mécontentement en ce qui a trait au projet de loi C-79.

À ma très grande surprise, et vous venez de le dire, vous avez constaté comme moi que très peu de promesses faites par les Libéraux dans le Livre rouge ont été respectées par le gouvernement, les ministres et le premier ministre actuel. Ce qui me surprend le plus, c'est que les communautés autochtones ont participé à la rédaction de la plate-forme électorale, le Livre rouge, et qu'on se retrouve aujourd'hui avec le projet de loi C-79. Le gouvernement est en train de faire tout le contraire de ce à quoi vous vous êtes préparés, c'est-à-dire à faire une nouvelle réforme de la loi des autochtones avec le projet de loi C-79.

Comme communauté autochtone, sentez-vous que vous êtes consultés? Vous accorde-t-on le temps de vous concerter ou pensez-vous que le gouvernement est en train de faire autre chose que ce qu'il avait promis lors de la campagne électorale de 1993?

[Traduction]

Le chef Peters: Je crois fermement que, bien que la majorité des gens s'opposent à cette loi modifiée, nos souhaits ne sont pas entendus. Au début, quand je me suis engagé dans ce processus, nous avons clairement indiqué au ministre des Affaires indiennes que nous n'avions pas été consultés. Nous considérons qu'il existe des normes en matière de consultation qui doivent être respectées. Nous ne pensons pas qu'envoyer des lettres aux communautés et leur demander d'y répondre constitue une consultation.

Je crois que jusqu'à maintenant, il y a eu quelques rares personnes qui ont été impliquées dans la rédaction du livre rouge. Nombreux sont ceux qui pensent que les engagements du livre rouge visant le peuple autochtone ne se sont, en fait, que très rarement concrétisés. À l'heure actuelle, nous sommes d'avis que comme nous n'avons pas été consultés, comme nous n'avons pas été partie prenante à cette initiative particulière et comme nous disons que nous sommes contre, on ne devrait pas pour le moment y donner suite.

[Français]

M. Asselin: Les 542 communautés autochtones s'opposent au projet de loi C-79. Comment allez-vous manifester votre mécontentement au ministre? Il faudrait être très rapide, puisque des élections auront lieu très bientôt.

Je pense que les communautés autochtones auraient avantage à démontrer au ministre qu'il n'a pas respecté les engagements et les promesses du Livre rouge.

Le président: Avant que vous n'ayez la chance de répondre, j'aimerais dire que la question et les commentaires n'ont aucun rapport avec le projet de loi C-79. Cependant, aux fins du débat, je vais permettre une réponse, puisque les 40 minutes vous appartiennent. Il est évident que ces commentaires n'ont aucun rapport avec le dossier dont nous discutons. Cependant, je vous permets de continuer.

.1655

[Traduction]

Le chef Peters: Au début du processus, on nous a dit que nous aurions la possibilité d'exprimer devant le comité notre point de vue sur la façon dont nous envisagions la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens que l'on nous proposait. Quand on nous a dit que nous aurions la possibilité de comparaître devant ce comité, nous avons pensé qu'il y aurait un dialogue concernant la situation actuelle, concernant l'inopportunité de l'initiative en cours, concernant le fait que, d'après nous, des engagements ont été pris à propos des droits inhérents des gouvernements de nos Premières nations. Nous pensions honnêtement que le comité nous demanderait de présenter des alternatives puisque les gens ne veulent pas entendre parler de cette initiative, puisque tant de gens trouvent que cela ne convient pas et rejettent la proposition.

Il est vraiment malheureux que nous nous retrouvions dans une situation où le temps nous est compté. Il semble que le ministre des Affaires indiennes va tout faire pour faire adopter cette loi au plus vite, que les Indiens en veulent ou non. Si l'on se fie à ce qui a été dit aux dirigeants indiens dans tout le pays, je crois que cela pourrait très bien être son chant du cygne - la dernière chose qu'il sera en mesure d'accomplir à l'égard du peuple indien.

En ce qui nous concerne, pour ce qui est du partenariat avec les peuples autochtones du Canada dont il était question dans le livre rouge, il est clair que le bilan est mauvais, surtout si l'on prend en compte ce genre d'initiative à propos de la Loi sur les Indiens.

M. Richard Powless (adjoint exécutif du chef Gordon B. Peters, Chiefs of Ontario): Monsieur le président, pourrais-je poser une question? Le processus de fonctionnement du comité n'est-il pas...? Peut être devrait-on invoquer le Règlement...

Le président: Je m'excuse, mais le Règlement ne s'applique pas dans le cadre d'une consultation. C'est une audience publique. Nous sommes ici pour que vous puissiez faire valoir votre point de vue et tenter d'influencer les membres du comité afin qu'ils recommandent des amendements - ce qu'ils feront si vous pouvez les convaincre. Jusqu'à présent, nous avons éprouvé certaines difficultés à concentrer les témoignages sur le projet de loi; rien de grave, puisque les40 minutes vous appartiennent. Toutefois, les membres du comité souhaitent ardemment que vous leur fournissiez des informations susceptibles de les aider à amender le projet de loi.

Nous ne pouvons pas dire, tout simplement, que nous sommes d'accord avec vous, que le projet de loi devrait être abandonné, et rentrer chez nous. La Chambre des communes du Canada nous a confié un projet de loi. Nous avons un travail à faire, et nous allons le faire. Mais ce serait beaucoup mieux, pour vous et pour nous, si nous pouvions compter sur votre aide.

M. Powless: Le processus de consultation ne fait-il pas partie de ce qui concerne le projet de loi? Le processus par lequel le projet est introduit et débattu ne fait-il par partie du projet de loi lui-même?

Le président: Le processus est fixé par les membres du comité. Cela a été fait, et maintenant, nous l'appliquons. Vous pouvez par conséquent utiliser votre temps de parole pour parler des procédures, mais je ne pense pas que ce soit à vous de remettre en question les procédures. C'est du ressort des membres.

Nous voulons entendre votre témoignage concernant le projet de loi et les modifications envisagées; et savoir pourquoi les membres du comité devraient ou non envisager d'autres changements. C'est ce que nous vous invitons à nous dire aujourd'hui.

M. Powless: Monsieur le président, nous essayons seulement de comprendre le processus. Êtes-vous en train de nous dire que si tous les témoins que vous avez entendus vous recommandaient d'abandonner cette mesure législative, vous n'en tiendriez pas compte?

Le président: Le comité décidera quoi faire des témoignages qu'il a entendus une fois que les audiences publiques seront terminées; mais nous n'allons pas commencer à discuter de cela. C'est une question qui sera strictement et uniquement débattue par les membres du comité.

M. Asselin a une question.

[Français]

M. Asselin: Là-dessus, le président a tout à fait raison. Dans le Livre rouge, le parti gouvernemental avait pris des engagements et le parti de l'Opposition a intérêt à voir au respect de ces engagements. Cinq cent quarante-deux communautés autochtones se sont dites en désaccord, mais en désaccord sur quoi? Il serait important qu'on le dise. J'aimerais qu'on fasse connaître au gouvernement les amendements avec lesquels les communautés autochtones pourraient très bien vivre et aussi vous donner du temps pour que vous puissiez consulter vos communautés.

.1700

[Traduction]

M. Powless: Je suppose que ce avec quoi nous sommes en désaccord, c'est la question de... Quand le ministre Irwin a proposé un processus à l'Assemblée des premières nations, il l'a fait alors même qu'il avait décidé d'aller de l'avant et de modifier la Loi sur les Indiens. Il ne nous a pas demandé quel était le meilleur processus pour faire valoir nos droits. On lui aurait répondu, s'il avait posé la question, que le meilleur processus est un processus élaboré en commun avec les Premières nations et reposant sur la relation définie par nos traités et par nos droits ancestraux et issus des traités.

Personne, à l'exception du ministre, n'est en faveur de cette mesure législative. En fait, la majorité des modifications présentées dans ce projet loi viennent de ses bureaucrates. Nous voulons des processus semblables à ceux qui ont été recommandés par la Commission royale sur les peuples autochtones, des processus élaborés en commun qui nous permettraient de discuter et de planifier l'avenir ensemble plutôt que d'être à la merci d'un agent administratif préposé aux Indiens qui nous dicte à nouveau quoi faire.

Bien des problèmes que nous rencontrons s'expliquent par le fait que le gouvernement essaie toujours de déterminer ce qui est mieux pour nous. On en a ici encore un exemple.

Le président: Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que les observations que vous faites - et vous êtes tout à fait libre de les faire - devraient être transmises au ministre. Le ministre n'a aucun contrôle sur ce qui se passe au sein du comité. Ce projet de loi n'est plus de son ressort; il est du ressort de la Chambre des communes.

J'ai entendu vos observations, mais elles ne sont pas enregistrées car vous devriez les adresser au ministre. Elles n'ont rien à voir avec le projet de loi au point où nous en sommes. Ce projet de loi est maintenant du ressort de la Chambre des communes. Celle-ci nous a chargés de son étude, et c'est ce que nous essayons de faire. Tous les commentaires concernant le processus, le livre rouge...Ce comité est multipartite et notre obligation est de répondre aux souhaits de la Chambre.

La parole est à M. Calder.

M. Calder: Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue, chef Peters.

Je suis curieux de nature. Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit qu'il y avait des aspects de la loi que vous trouviez offensants. Pensez-vous que l'on devrait se débarrasser de la Loi sur les Indiens?

Le chef Peters: Une fois que l'on sera parvenu à mettre en place des mécanismes pour appliquer les traités, et une fois que des dispositions auront été prises en ce qui a trait à la relation fiscale et à l'accès aux ressources, je pense que l'on devrait se débarrasser de la loi.

Le fait que l'on tente de modifier la Loi sur les Indiens porte beaucoup de gens à croire qu'elle continuera d'exister pendant encore bien longtemps. Nous ne souhaitons pas que la loi perdure. Ce que nous souhaitons, c'est trouver le meilleur moyen de faire reconnaître nos droits - nos droits fonciers et nos droits économiques - et de les faire appliquer de la meilleure façon possible.

M. Calder: Manifestement, même si nous progressons en ce sens, ce n'est pas quelque chose qui devrait être fait précipitamment. Vous dites en fait que l'on devrait conserver la Loi sur les Indiens pendant la durée du processus.

Le chef Peters: Ce n'est pas seulement mon avis mais celui de beaucoup de monde. J'ai préconisé par le passé de nombreux autres mécanismes qui permettraient de faire des changements.

Il semble qu'à l'heure actuelle, le seul changement qui concerne les Indiens est celui qui est voulu par le gouvernement. Ensuite, on nous demande de le commenter et de dire ce qui nous préoccupe par ordre de priorité. Rien de tout cela ne tient compte du fait que nous voulons agir comme nous l'entendons dans nos communautés.

Si nous voulions participer à l'économie générale du Canada, il n'y a rien dans les modifications que l'on envisage d'apporter à la Loi sur les Indiens qui nous permettrait de le faire. Nous continuerons de vivre dans la pauvreté au sein de nos communautés. La pauvreté et l'inégalité économique continueront de régner. Et nous continuerons d'être marginalisés.

.1705

Quoi que vous changiez dans la loi actuelle, cela ne changera rien à la réalité. Nous demandons par conséquent aux gens de s'intéresser à d'autres processus susceptibles de renverser cet état de chose, car ce n'est certainement pas cette loi qui le fera.

M. Calder: Eh bien, chef Peters, voilà en soi une idée fausse, car le projet de loi C-79 n'est pas une modification de la Loi sur les Indiens; il s'agit en fait d'une mesure législative distincte qui modifie l'application de la loi. Foncièrement, les sujets dont traite le projet de loi C-79 sont des questions que nous avons prises à coeur, après avoir écouté ce que les bandes avaient à dire à propos d'une meilleure application de la Loi sur les Indiens. C'est ce que nous essayons de faire avec le projet de loi C-79.

Le chef Peters: Je ne sais pas quelles sont les bandes qui ont pu vous demander de modifier la Loi sur les Indiens en introduisant ce projet de loi optionnelle car, autant que je sache, la grande majorité des communautés sont contre vous.

J'ai dit plus tôt que l'un des moyens utilisés pour faire passer les choses dont ne veulent pas les gens a toujours été de proposer deux options. Si vous adoptez celle-ci, vous pouvez être certain que le gouvernement vous traitera bien. Il vous accordera plus de ressources que vous n'en recevriez normalement. Ce qui fait que les gens qui sont en faveur de la loi actuelle finiront par adopter ce que souhaite le gouvernement.

M. Calder: Je sais que le précédent intervenant a déclaré qu'il y avait plusieurs dispositions dans le projet de loi C-79 qui lui convenaient, mais que d'autres ne lui plaisaient pas. Donc, manifestement, nous avons tapé en plein dans le mille dans certains cas, mais on dirait que nous avons raté la cible sur certains autres points. De façon générale toutefois - si j'ai bien compris - il a dit qu'avec des améliorations comme celle-ci, il pourrait y avoir une meilleure application de la loi.

Le chef Peters: Si notre peuple était en mesure de proposer ce qu'il souhaite que l'on fasse et s'il avait l'autorité voulue, alors, je pense que les communautés se regrouperaient et vous diraient clairement ce qu'il faut faire.

Mais actuellement, étant donné que les Premières nations n'ont aucun contrôle, que quelqu'un d'autre mène le bal, et que nous ne jouons aucun rôle sinon un rôle consultatif, il ne m'est pas possible, dans ma perspective et en vertu du mandat qui m'a été conféré, de m'impliquer dans ce genre de débat sur ce qui est acceptable ou ce qui ne l'est pas dans le projet de loi optionnel que vous avez en ce moment devant vous.

Le président: Merci.

Monsieur Hubbard.

M. Hubbard: Merci, monsieur le président.

Chef, je vous souhaite la bienvenue au comité. Nous regrettons que vous ne soyez pas en mesure de participer à une étude de la loi en préparation. J'aimerais vous poser quelques brèves questions se rapportant à votre perspective des choses.

Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un dans cette pièce qui ne reconnaît pas que la Loi sur les Indiens de 1876 et celles qui ont été adoptées jusqu'à aujourd'hui ont été paternalistes, et qu'elles avaient pour but de protéger les terres et le peuple indien des forces extérieures qui étaient leurs ennemis. Mais si nous voulons passer du paternalisme à un autre type de relation, il faut qu'il y ait, comme vous le dites, des consultations.

Pour en revenir aux changements mêmes, on parle, par exemple, de contrôle; et une des méthodes que l'on peut employer à cet égard est de déterminer qui nomme ou choisit les groupes qui contrôlent. Le mandat de deux ans que semblent avoir les dirigeants d'un grand nombre de bandes aujourd'hui semble relativement inacceptable si l'on veut envisager des changements et essayer de progresser, car on se trouve perpétuellement confronté à des élections et à tout ce qui en découle. On propose maintenant une période de trois ans. Êtes-vous d'accord?

Deuxièmement, qui devrait être autorisé à voter quand il y a des élections? Les gens qui vivent en dehors des réserves devraient-ils être autorisés à voter, ou devrait-on limiter à ceux qui vivent au sein du groupe le droit de choisir le chef et le conseil?

Le chef Peters: Premièrement, la Loi sur les Indiens et les changements que l'on y a apportés par la suite étaient, comme vous l'avez mentionné, paternalistes, et je ne vois rien de différent dans la mesure législative optionnelle que vous proposez. Je ne pense pas que cela donne un quelconque contrôle aux Premières nations, ni la possibilité de décider elles-mêmes ce qu'elles veulent.

.1710

Deuxièmement, si vous voulez instaurer une nouvelle relation, ce n'est pas la Loi sur les Indiens qui va vous le permettre. Le gouvernement fédéral a toujours préséance sur nos communautés à ce stade, que l'on modifie ou non cette loi. La seule façon dont on peut changer la relation, c'est de reconnaître la validité des traités qui sont des instruments économiques et politiques internationaux mis en place par nos ancêtres pour garantir que notre peuple continuerait de jouir de ses terres, de ses ressources et de son mode de vie, et pour assurer que cela ne serait pas détruit par les gouvernements des colons qui ont envahi nos territoires.

Actuellement, les bandes n'ont pas besoin de tenir compte de la Loi sur les Indiens pour mettre en place leur propre système administratif. Je trouve malheureux qu'à cause de l'influence qui s'est exercée dans les pensionnats créés par le gouvernement et dans les églises, un grand nombre de nos membres croient qu'ils ont besoin du consentement du gouvernement fédéral pour le faire. Ils n'ont pas besoin de ce consentement. Je sais qu'un grand nombre de communautés ont déterminé l'orientation qu'elles voulaient suivre, et elles n'ont certainement pas besoin de la Loi sur les Indiens pour décider comment choisir leurs dirigeants et comment s'y prendre pour axer de plus en plus leur action sur la communauté et sur sa participation.

À cet égard, les communautés ont toujours décidé quoi faire pour leur propre peuple. En ce qui me concerne, tous les membres de nos nations ont la possibilité de participer. Sous le régime actuel, on ne reconnaît que les bandes visées par la Loi sur les Indiens; ainsi, quelle que soit la décision du comité, je continue de penser qu'elle aura des conséquences négatives pour ces communautés.

M. Hubbard: Chef, de quelle façon percevez-vous...? Vous laissez entendre que vous ne respectez pas ou que vous n'observez pas la loi actuelle. Ce que vous me dites me pose un problème.

Pour ce qui est de votre propre fonction de chef, êtes-vous élu toutes les x années? Qui vote? Est-ce les gens qui vivent dans la réserve, ou est-ce ceux qui figurent sur la liste de votre bande?

Le chef Peters: Les gens qui m'ont intronisé sont les 133 chefs de la région connue sous le nom de province de l'Ontario. Ce sont eux qui m'ont désigné pour occuper la fonction que j'exerce en leur nom. Pour ce qui est des divers sujets que j'ai abordés et sur lesquels vous n'êtes pas d'accord - ce que j'ai dit concernant les communautés - les communautés font des progrès malgré le gouvernement fédéral et malgré les politiques qu'il continue d'appliquer, des politiques qui garantissent virtuellement que les gens continueront d'être marginalisés pendant toute leur vie.

M. Hubbard: Revenons aux fonctions que vous occupez: vous n'êtes pas le chef d'une réserve ou d'une bande particulière, vous êtes le grand chef de 130 communautés. C'est bien cela?

Le chef Peters: Tout à fait.

M. Hubbard: Avez-vous jamais été chef d'une bande?

Le chef Peters: Non. J'ai été conseiller pendant six ans.

M. Hubbard: En ce qui a trait au processus électoral, pensez-vous que seuls ceux qui habitent dans une réserve devraient pouvoir voter?

Le chef Peters: Avez-vous déjà vécu dans une réserve indienne?

M. Hubbard: J'ai vécu près d'une réserve, oui.

Le chef Peters: Avez-vous jamais participé à la vie politique d'une communauté indienne?

Le président: Un instant. La question...

M. Hubbard: Je suis en train d'essayer de...

Le président: À l'ordre! À l'ordre!

Ce sont les députés qui posent les questions. Merci.

M. Hubbard: Revenons à votre témoignage: je suis en train d'essayer de déterminer qui, d'après vous, compose l'électorat quand il s'agit de choisir le chef et le conseil.

Le chef Peters: Seule la communauté décide. Voilà qui votera. Je n'ai pas le droit de décider et vous non plus.

M. Hubbard: Bon. Merci, monsieur le président.

Le président: La parole est à M. Murphy.

M. Murphy: Merci, monsieur le président.

Bienvenue au comité, chef.

Si je vous comprends bien, voilà la façon dont vous aimeriez procéder: vous voudriez régler les problèmes de traités, d'autonomie gouvernementale, d'accès aux ressources, de responsabilités fiscales etc. et ensuite, vous vous occuperiez de la Loi sur les Indiens soit pour la supprimer, soit pour la modifier.

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Je constate que le processus dans lequel nous sommes engagés semble aller dans l'autre sens. Or, nous voulons discuter des traités, de l'autonomie gouvernementale et de l'accès aux ressources. Nous voulons qu'il y ait d'autres initiatives en faveur de l'autonomie gouvernementale dans nos communautés autochtones. C'est la raison pour laquelle je siège à ce comité depuis trois ans.

Je crois que ce que nous essayons de faire... nous abordons les choses sous un autre angle, sous l'angle du projet de loi C-79 qui permet d'apporter quelques changements à la loi pour que les bandes et les conseils puissent assumer plus de responsabilités, à la place du ministre. On essaie de s'éloigner de façons de procéder paternalistes et de donner plus de responsabilités aux bandes et aux conseils.

Y aurait-il moyen de collaborer, d'une façon ou d'une autre? Car si d'un côté, on veut régler immédiatement toutes les grandes questions, avant de s'occuper de la Loi sur les Indiens, et si, pour notre part, nous essayons de donner plus de responsabilités et autres prérogatives aux bandes et aux conseils et aussi de nous occuper des traités, est-ce que vous...? J'aimerais que vous répondiez, si vous le pouvez, à la question que j'essaie de vous poser.

Le chef Peters: Dans ma déclaration liminaire. J'ai formulé plusieurs recommandations et j'ai dit dans quels domaines on pourrait, selon moi, aller de l'avant car, en ce qui me concerne, cette législation optionnelle modifiée que l'on nous propose ne fait rien de plus que renforcer le statu quo. Il y a sans doute, bien sûr, un petit quelque chose ici, un petit quelque chose là, mais ça ne représente pas grand chose.

Au début, j'ai dit: prenons des initiatives réellement positives, concrètes, qui n'exigent pas que l'on se mêle du processus constitutionnel. Asseyons-nous, faisons le tri et voyons ce que signifie les traités et comment ils vont être appliqués.

J'ai proposé quelque chose de très fondamental qui va changer la politique relative aux droits inhérents des Indiens, quelque chose qu'à mon avis, nous pouvons faire collectivement - faire en sorte que nos droits relèvent de la compétence des tribunaux et qu'ils existent, indépendamment du fait qu'ils sont reconnus par telle ou telle entité, et ne pas jouer avec les mots quand il s'agit d'une politique relative aux droits inhérents.

J'ai également parlé des contentieux. Savez-vous ce qui se passe lors de négociations? Je participe à des négociations au niveau national, au niveau régional, au niveau communautaire, au niveau organisationnel. Et savez-vous ce qui arrive? Chaque fois que nous avons un contentieux avec le gouvernement du Canada et que nous n'acceptons pas les conditions qu'il souhaite nous imposer unilatéralement à propos des accords qui font l'objet de nos discussions, savez-vous ce qu'on nous dit? «Si ça ne vous plaît pas, adressez-vous aux tribunaux.»

C'est pourquoi je dis: occupons-nous de modifier la politique sur le contentieux. En effet, quand nous nous adressons aux tribunaux, je constate que les avocats de la Couronne disent clairement que nous n'avons aucun droit. J'entends des gens soutenir au nom du gouvernement fédéral que nos droits ont été prescrits et modifiés par la législation. La plupart du temps, ces gens-là affirment qu'une fois forclos, ces droits n'existent plus. Ce genre d'argument est largement utilisé.

On peut prendre des mesures pour changer véritablement le système. Mais ce n'est pas cela qui vous occupe. Vous ne faites que bricoler la Loi sur les Indiens.

La moitié des pouvoirs que le ministre qualifie de discrétionnaires ne sont ni utilisés ni exercés. Quand il le fait, la plupart du temps, il se retrouve confronté à un conflit qui ne peut être résolu que par la communauté.

Prenez le cas de Lac Barrière. Le ministre est intervenu dans le conflit qui opposait deux groupes et s'est prononcé en faveur de l'un d'eux. Même situation à Dalles depuis un an et demi. Je n'ai pas vu le ministre intervenir et user de son pouvoir discrétionnaire pour régler le problème. Il a laissé la communauté et les deux groupes se débattre.

Je ne crois pas que les pouvoirs discrétionnaires que le ministre est censé pouvoir exercer sont utilisés. C'est aussi le cas, je pense, de nombreux processus prévus dans la Loi sur les Indiens. Selon moi, les gens ont déjà trouvé des moyens de contourner la plupart d'entre eux, alors pourquoi...

M. Murphy: C'est précisément la raison pour laquelle nous essayons de les changer.

Le président: Monsieur Duncan.

M. Duncan: Merci.

À propos de l'exemple que vous avez donné - il est parfois plus facile de partir d'un exemple. Vous avez mentionné le Lac Barrière, mais il y a d'autres réserves où la communauté a été profondément divisée. Parfois le ministre intervient; parfois il n'intervient pas. Ce n'est pas très cohérent. Naturellement, cela met parfois de l'huile sur le feu. Je pense que dans certains cas, il a fait ce qu'il fallait, mais ce n'est pas le meilleur procédé qui soit. Nous le reconnaissons tous. Il nous faut donc un nouveau mécanisme. C'est quelque chose qui fait partie de mes priorités.

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Il arrive qu'il soit utile de faire appel à un tiers pour régler un problème. Avez-vous une suggestion à nous faire sur la façon dont cela pourrait être mis en place? Comment pourrait-on s'y prendre?

Le chef Peters: Je pense qu'une partie du problème de fond vient du fait que les systèmes électoraux qui existent actuellement nous ont été imposés. Ce ne sont pas nos systèmes. Nous n'avons jamais avalisé ces systèmes dans nos communautés. Ils sont apparus en même temps que la Loi sur les Indiens.

Depuis 115 ans ou à peu près, c'est la procédure qui a été suivie. Dans un tel système, un petit groupe peut facilement exercer un contrôle exclusif.

Nous cherchons actuellement à reprendre nos systèmes traditionnels de gouvernement et à faire participer les familles et un plus grand nombre de gens au processus de prise de décisions, pour que les intéressés puissent donner leur avis sur les questions sociales et économiques qui les concernent - pour qu'ils aient leur mot à dire sur ce qui leur arrive, ce qui n'est pas le cas dans le système actuel qui ne fonctionne certainement pas aussi bien que possible.

Nous cherchons en ce moment à mettre en place un mécanisme pour régler les litiges, non seulement avec l'extérieur mais également au sein de la communauté. C'est la communauté qui devrait pouvoir régler les problèmes de violence, d'alcool, de drogue et d'abus de solvants; des problèmes courants parmi des gens marginalisés par la société et victimes de la pauvreté endémique de ce pays.

C'est le genre de problèmes auxquels nous sommes confrontés. Je ne pense pas que la Loi sur les Indiens nous soit d'un grand secours à cet égard.

Je conviens que, de temps en temps, nous aurons besoin d'un tiers pour régler nos différends. C'est alors, je pense, que des gens qui sont de la même souche peuvent intervenir dans une communauté autre que la leur. Ils appartiennent à la même nation. C'est la première solution à envisager quand un problème se pose.

Actuellement, en vertu de la Loi sur les Indiens, tout le monde est sur le même pied. Or, nous appartenons tous à des bandes indiennes, vous savez, avant d'appartenir à des nations. Il y a des différences culturelles dans la façon dont les gens règlent les conflits et elles ne sont reflétées dans aucun des processus dont nous disposons.

Je pense donc qu'il existe des moyens plus satisfaisants de résoudre nos différends. Le mieux est de recourir à des moyens grâce auxquels nous pouvons aider nous-mêmes notre peuple à comprendre comment des différends peuvent être aplanis, en laissant de côté ces options qui ne font que perpétuer le conflit intériorisé dont nous avons hérité par le processus de colonisation.

Le président: Ainsi prend fin cette partie des audiences.

Nous tenons à vous remercier chaleureusement de votre très intéressante intervention. J'ai essayé de ramener la discussion à son vrai sujet, mais tout ce que vous avez dit est important et nous vous avons entendus. Encore une fois, merci.

Le chef Peters: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous nous réunirons demain dans cette pièce à 13 heures. Ai-je omis de mentionner quelque chose d'utile pour tout le monde?

Je vous remercie. Et je remercie le personnel de nous avoir supportés aujourd'hui.

La séance est levée.

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