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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 mars 1997

.1259

[Traduction]

Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous allons reprendre nos consultations sur le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.

Le premier groupe, représentant le conseil tribal du Traité no 8 des Territoires du Nord-Ouest, mené par le chef Jonas Sangris, ne s'est pas présenté. Le temps qui devait lui être consacré est maintenant passé.

.1300

Accueillons donc, représentant la nation dénée, le chef Bill Erasmus.

Il semblerait, cependant, que Jonas Sangris soit tout de même ici, et nous allons donc pouvoir les entendre tous deux dans le cadre de l'intervention qui va suivre. Est-ce bien de cette manière que nous allons procéder?

Le chef Bill Erasmus (nation dénée): Bonjour, monsieur le président. Le chef Bill Erasmus est présent, représentant la nation dénée. Peut-être y a-t-il eu confusion au sujet des horaires. Je suis accompagné du chef Jonas Sangris, qui est ici au nom des Couteaux-Jaunes, une des Premières nations relevant du Traité no 8. Je suis également accompagné du chef Joachim Bonnetrouge de la communauté de Deh Gah Got'ie, qui fait partie de la Première nation du Deh Cho.

On nous avait dit d'arriver à 11 heures et il y a peut-être eu malentendu.

Le président: Chef Erasmus, cette période devait vous être consacrée. Voulez-vous que nous la prolongions afin de vous accueillir tous les trois dans le cadre de cette présentation. Cela vous paraît-il satisfaisant?

Le chef Erasmus: Oui, monsieur le président.

Le président: Nous sommes tout à fait disposés à procéder ainsi.

Nous accueillons donc, au nom du conseil tribal du Traité no 8 des Territoires du Nord-Ouest, le chef Jonas Sangris; au nom de la nation dénée, le chef Bill Erasmus et au nom des Premières nations du Deh Cho, le chef Joachim Bonnetrouge.

Nous prévoyons normalement 40 minutes pour chaque intervention. Je pense qu'en l'occurrence nous disposerons de tout le temps qui vous sera nécessaire. Je suis certain que vous serez satisfaits du temps que l'on peut ainsi consacrer à votre intervention.

Ce temps vous appartient donc, mais je vous demanderais d'en réserver une partie aux questions qu'auraient à vous poser les membres du comité.

Je me présente, Ray Bonin, président du comité. Je vous présente Claude Bachand, représentant le Bloc québécois et John Murphy pour le parti au pouvoir.

Vous avez la parole.

Le chef Erasmus: Merci, monsieur le président. Je tiens d'abord à présenter un certain nombre d'observations avant de passer la parole au chef Sangris et au chef Bonnetrouge pour qu'ils en fassent autant. Nous tenterons ensuite de répondre aux questions.

D'abord, permettez-moi de vous remercier de cette occasion de m'entretenir avec vous. Il y a plusieurs questions que nous voudrions aborder. Vous devriez avoir en votre possession une copie de la lettre, en date du 11 décembre 1996, que j'ai transmise au Premier ministre et dans laquelle je parle des modifications qu'on envisage d'apporter à la Loi sur les Indiens.

Le président: Certains d'entre nous ne l'ont peut-être pas sous la main, mais nous en avons tous effectivement reçu un exemplaire.

Le chef Erasmus: Merci. Aux fins du compte rendu, je tiens à dire quelque chose au sujet d'un certain nombre d'autres lettres. Il y a également la lettre en date du 11 décembre, transmise au ministre des Affaires indiennes, M. Irwin. Puis, il y a la lettre que je vous ai fait parvenir en tant que président, le 3 mars.

Dans chacune de ces lettres, nous expliquons que les amendements proposés traduisent bien la manière dont le gouvernement traite notre peuple. Bref, la démarche qui a été adoptée ne nous plaît guère.

Ce que je veux dire c'est que nous, dans le Nord, nous demeurons des gens de la terre. Nous sommes un peuple libre. Nous n'avons pas été mis sur des réserves et rien ne nous empêche de vivre comme nous avons toujours vécu, même si, aujourd'hui, nous avons à faire face à de nombreux obstacles. Certains envisagent d'y exploiter des mines de diamant. De gros chantiers sont envisagés sur nos territoires. D'autres projets encore sont déjà entamés.

.1305

En tant que Première nation, nous participons à des pourparlers, principalement avec le Canada, et nous tentons de mettre en place dans le Nord un meilleur système, non seulement pour nos peuples, mais également pour les autres habitants de la région ainsi que pour l'ensemble du pays. Nos pourparlers avec le Canada sont devenus plus systématiques. Il s'agit, essentiellement, de se réunir autour d'une table, de parler et de négocier comme ont été négociés nos traités initiaux au tournant du siècle, en 1899 et en 1900, et aussi en 1921.

Si nous ne sommes guère enthousiastes vis-à-vis de ce projet de loi, c'est que, il y a déjà un certain temps, nous avons demandé au ministère de nous envoyer des représentants et qu'il a refusé de le faire. Ils ne sont pas allés plus loin qu'Edmonton. C'est à 900 milles environ de Yellowknife et dans une circonscription territoriale tout à fait différente.

Ce que nous aimerions dire ici c'est que, en tant que dirigeants ou en tant que membres de nos communautés, nous n'avons pas eu l'occasion de discuter des amendements proposés. On ne nous a pas donné la possibilité de réfléchir aux mesures envisagées. Comme je le disais tout à l'heure, nous n'habitons pas sur des réserves; nous habitons nos propres territoires et nous avons invité d'autres peuples à y vivre avec nous. Nous voudrions avoir l'occasion de nous pencher non seulement sur le texte de ce projet de loi, mais aussi sur d'autres textes qui sont en cours de préparation et qui vont probablement nous être imposés.

Dans le droit fil des conclusions formulées dans le rapport de la Commission royale, nous voudrions que soient engagées des discussions bilatérales, les représentants du Canada se réunissant avec les représentants de notre peuple afin de s'entendre sur l'avenir que nous voulons préparer. Il ressort très clairement du rapport, en ce qui concerne la Loi sur les Indiens, qu'il s'agit d'une question globale d'une extrême importance qui touche non seulement notre peuple mais, en raison de toute une série de répercussions, la population du Canada dans son ensemble, et c'est pourquoi le gouvernement ne devrait pas s'attacher à bricoler des modifications d'importance secondaire ou des changements qui concernent seulement certaines régions du pays.

Je précise que notre peuple n'habite pas sur des réserves et que, même si la Loi sur les Indiens prévoit clairement que certaines dispositions fiscales ne s'appliquent qu'aux réserves, nous payons tout de même des impôts à ce pays qui s'appelle le Canada, comme nous l'avons d'ailleurs toujours fait. Or, il est prévu dans nos traités, et cela dans le préambule même, à la page 6 du Traité no 8, que nous n'aurons pas à payer d'impôts. Si l'on veut revoir la Loi sur les Indiens, il conviendrait de se pencher sur cette disposition fiscale. Or, le Canada a tout à fait délibérément éludé la question.

Nous voudrions donc que s'instaure un dialogue, mais il faut que cela commence dans nos communautés. Ce dialogue ne peut pas intervenir entre les individus isolés que vous êtes et que nous sommes. C'est cela que je cherche à faire comprendre.

La lettre que je vous ai transmise le 3 mars dit bien que l'organisation de vidéoconférences telle que celle-ci peut constituer l'amorce d'un dialogue, mais cela ne suffit pas. Il faut s'asseoir ensemble et discuter afin de s'entendre sur les mesures à prendre.

Le temps est bien choisi car les libéraux vont bientôt se lancer dans une campagne électorale. Ils n'en ont pas encore fixé la date, mais cela pourrait permettre de repartir du bon pied, comme le laissait entendre le livre rouge lorsque, il y a quatre ans, ils sont parvenus au pouvoir. C'est ce que nous souhaitons. En tant que chef de la nation dénée, voilà, monsieur le président, ce que je tenais à dire.

Les autres chefs ont, eux aussi, des observations dont ils voudraient vous faire part. Je vous remercie.

Le président: Merci. Si vous voulez bien vous donner la peine de continuer.

Le chef Jonas Sangris (conseil tribal du Traité no 8 des Territoires du Nord-Ouest): [Le témoin s'adresse dans sa langue d'origine.]

J'estime qu'il va falloir améliorer la manière dont nous communiquons au sein de cette société, car certaines des questions évoquées par Bill nous préoccupent beaucoup et cela est particulièrement vrai dans nos communautés. On nous a fait parvenir des lettres, mais les communications sont bien trop minces.

En même temps, j'estime qu'on est en train de renier les obligations qui découlent des traités que nous avons signés avec le gouvernement. Auparavant, par exemple, le gouvernement fédéral assumait nos frais de transport par autobus, mais, depuis, il s'est soustrait à cette obligation qui se rattachait, pourtant, aux droits que nous garantissent les traités.

.1310

Voilà le genre de petites choses qui sont en train de se faire. Cela commence à nous inquiéter. On nous dit maintenant que si l'on va chez le dentiste, on aura seulement droit à une heure de prophylaxie. Voilà ce qu'on nous offre en guise de soins dentaires. Voilà les choses qui nous préoccupent vraiment. Et, chez nous, cela est particulièrement vrai des anciens.

Ce que Bill veut dire c'est que vous devriez vous rendre dans le Nord. Il faudrait faire quelque chose un peu comme le rapport Hamilton sur l'extinction. Nous avons besoin de cela, et surtout dans le Nord. Venez-y, et nous vous parlerons de tout cela et nous vous expliquerons de quoi il s'agit, et nos peuples seront ainsi au courant de ce qui se prépare. C'est très important. Il faut que cela se fasse. Comme il était dit dans le livre rouge, au cours des quatre prochaines années la priorité doit être accordée aux peuples autochtones. Or, ce n'est pas ce qui est en train de se produire.

Voilà le genre de choses qui nous préoccupent, nous, les peuples du Nord. Il faut que de telles mesures soient prises. La réunion d'aujourd'hui, ce n'est pas de la consultation. Je ne sais pas pourquoi vous voulez y voir une réunion de consultation. Il faut que vous veniez dans le Nord et que nous nous réunissions autour d'une table et que vous nous expliquiez de quoi il s'agit.

Pendant ce temps-là, notre communauté est censée bénéficier de nouveaux programmes, mais les crédits nécessaires ne nous sont pas alloués. Nous ne pouvons pas fonctionner ainsi. Voilà ce qui se passe dans le Nord.

C'est dire qu'il y a beaucoup de choses dont nous devrions parler, de questions telle que l'abrogation; comment la Loi sur les Indiens est en train d'être modifiée. Nos anciens commencent à s'inquiéter. Les choses ne sont pas censées se produire ainsi. Ils rappellent que nous avons conclu un traité avec la Reine.

Voilà le genre de choses qui nous préoccupent aujourd'hui. Il faut que nous nous réunissions pour parler de tout cela. Venez dans le Nord et expliquez-nous tout cela en compagnie de nos anciens. Asseyons-nous tous ensemble pour parler de cela.

Le président: Merci.

Et maintenant, votre collègue.

Le chef Joachim Bonnetrouge (Premières nations du Deh Cho):

[Le témoin s'adresse dans sa langue d'origine.]

Je tiens à vous dire que je suis heureux d'être ici.

J'ai l'impression que nous commençons à communiquer véritablement, mais, monsieur le président, il me semble que nous appartenons à deux pays distincts. Je regrette que l'histoire des relations entre notre peuple et le gouvernement du Canada ne soit pas tellement heureuse.

Récemment, nous avons fait beaucoup d'efforts pour amorcer une négociation qui aboutirait à notre entrée dans la Confédération canadienne. Nos anciens nous ont souvent dit que les jeunes dirigeants et les jeunes de nos communautés du Nord doivent négocier leur entrée dans le Canada. Nous voudrions avoir l'occasion de le faire, en effet. J'estime que le moment est venu. Les traités sont le fondement même de notre relation avec le Canada et c'est quelque chose que nous avons toujours respecté. Dans ma propre communauté, et dans ma région, beaucoup de gens sont prêts à amorcer le dialogue avec le Canada, à renouer avec le respect et à rétablir une relation avec le reste du Canada.

.1315

Il faut bien que je le dise, monsieur le président, car dans la vie quotidienne de nos communautés, avec tous ces changements que subit actuellement notre peuple, les dirigeants éprouvent un grand sentiment de frustration. Les agents du gouvernement fédéral ne nous prennent pas au sérieux et cela est particulièrement vrai des huit ou dix dernières années. J'estime que la bureaucratie fédérale, que le gouvernement du Canada et ses agents, n'ont pas pris les Dénés au sérieux. Je crois qu'il s'agirait maintenant d'inverser cette tendance et d'entreprendre le rétablissement de la relation que nous avions auparavant. Voilà le point sur lequel je voulais insister.

Venant de la région du Deh Cho, du territoire du Deh Cho... Les Dénés du Deh Cho tiennent vraiment à ce que votre comité se rende dans le Nord pour nous rendre visite. Sans trop attendre, rendez-vous dans un de nos grands centres, ou dans une de nos grandes communautés. Notre peuple pourra ainsi vous rencontrer. C'est très important. Au moins dans une ou deux de nos communautés, et comme cela notre peuple pourra juger du sérieux de ce que vous représentez. À nos yeux, vous représentez le Canada. Il faut que nous organisions un forum, chez nous, dans notre territoire, où vous pourrez venir nous rendre visite. Je vous transmets solennellement, à vous et à votre comité, cette invitation.

Merci.

Le président: Je tiens moi-même à vous remercier de votre invitation. Je sais qu'elle est sincère. Et je sais que cette invitation devrait nous permettre de nous réunir de manière positive afin d'édifier dans notre intérêt à tous, et, bien sûr, dans l'intérêt de vos communautés, un avenir meilleur.

J'ajoute que j'ai eu l'occasion de me rendre à Whitehorse l'été dernier. Avant que nous n'entamions notre examen du projet de loi sur l'exploitation des placers et l'extraction du quartz, je suis allé à Whitehorse et j'y ai passé près d'une semaine. L'expérience a été pour moi fructueuse. Je prévois d'ailleurs d'y retourner et il serait bon que le comité puisse également s'y rendre, mais je ne suis guère en mesure de m'engager sur ce point. Je peux simplement dire qu'il serait bon que nous puissions y aller. Cela ne fait aucun doute et je suis certain que tous les membres du comité sont d'accord sur ce point.

Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par

[Français]

M. Bachand du Bloc québécois.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je voudrais souhaiter le meilleur des bonjours au groupe des chefs qui se sont présentés ici: M. Erasmus, que j'ai rencontré à quelques reprises d'ailleurs, M. Bonnetrouge et M. Sangris.

J'ai écouté votre présentation avez attention. Vous avez peu parlé du projet de loi C-79, alors que les gens qui vous ont précédés cette semaine s'y opposaient dans une très large proportion.

Par contre, vous avez parlé d'une façon de faire votre chemin à l'intérieur du Canada. Or, plusieurs des nations qui se sont présentées devant nous semblaient dire qu'elles préféraient procéder à une espèce de mise à jour des traités qui les gouvernent. Je sais que vous relevez du Traité no 8. Pour ces nations, la meilleure façon de faire était de procéder à une mise à jour des dossiers, plutôt que d'amender la Loi sur les indiens, qui remonte à 1876 comme vous le savez.

J'aimerais donc que vous nous disiez clairement tous les trois si vous vous opposez formellement au projet de loi C-79 et si vous préféreriez que le gouvernement fédéral intensifie les négociations pour la mise à jour du Traité no 8.

J'ai une question complémentaire aussi. Je sais que «Déné» veut dire people of the land; je sais également que la députée du people of the land, c'est Mme Blondin. J'aimerais savoir si vous avez approché Mme Blondin pour discuter du projet de loi C-79.

.1320

[Traduction]

Le chef Erasmus: Merci.

[Français]

Comment allez-vous, monsieur Bachand?

[Traduction]

Je suis heureux de vous voir si sérieusement attelés à la tâche là-bas à Ottawa.

Lors de notre dernier entretien, nous avons parlé, je crois, de la Loi sur les armes à feu et nous vous avons exprimé à cet égard certaines de nos préoccupations. Ce que nous tenons à dire aujourd'hui va dans le même sens; il y a, là-bas, quelque part, à trois ou quatre milles kilomètres de là où nous habitons, des gens qui entendent prendre des décisions qui nous affectent, des décisions qu'ils n'ont pas en fait le pouvoir de prendre. Sans notre consentement, le Canada n'a pas la compétence voulue pour adopter des dispositions législatives, des politiques ou des règlements affectant notre existence. La Loi sur les armes à feu va avoir de grandes répercussions sur notre mode de vie et je pourrais en dire autant de tout un tas de textes que votre gouvernement envisage d'adopter et qui vont beaucoup affecter les Dénés alors que nous n'avons jamais conféré au Canada le droit de se comporter ainsi envers nous.

Aujourd'hui, nous tenons à rappeler que si vous entendez adopter des dispositions nous affectant de manière directe, la loi vous impose d'engager avec nous des concertations officielles. De correspondre avec nous et de nous aviser des textes que le Parlement entend adopter. Ce n'est pas satisfaire à ce genre d'obligation que de simplement nous inviter à prendre la parole devant un comité permanent.

Nous voulons donc qu'il soit bien entendu que si nous sommes ici, ce n'est pas dans le cadre d'une concertation. Le chef Sangris l'a très clairement fait savoir: D'après nous, il ne s'agit pas en l'occurrence de concertation. Vous ne pouvez pas agir de la sorte et prétendre ensuite que notre peuple a été consulté. En fait, nous sommes ici pour protester contre la manière dont le Canada entend procéder.

En ce qui concerne les traités, il faut être très prudent lorsque nous en parlons. Notre peuple affirme que les traités existent, qu'il y a eu un accord, qu'il y a eu la rencontre des volontés, de part et d'autre, et que nous avons, avec la Couronne, une véritable relation. À l'époque, les engagements ont été pris par l'Angleterre car le Canada n'avait pas encore le pouvoir de conclure des traités, mais il faut bien s'entendre sur ce qui s'est passé à l'époque. Sommes-nous des sujets de la Couronne ou sommes-nous des alliés? D'après nous, nous sommes des alliés - nous sommes censés travailler de concert - nous affirmons que le Canada n'a pas la compétence voulue pour nous imposer ses lois.

Voilà de quoi il s'agit. Nous avons engagé des discussions avec le Canada au sujet de l'autonomie de nos communautés et nous voulons préciser le rôle que nous occupons au sein du Canada, mais il s'agit là de deux choses complémentaires. Certaines de nos communautés auront bientôt des chartes qui préciseront quel sera leur rôle à l'avenir.

Nous envisageons également de rédiger une constitution. Comme vous le savez, les Territoires du Nord-Ouest n'ont pas de constitution, contrairement aux provinces. Nous voulons changer cela afin d'être reconnus et afin d'asseoir solidement les droits qui sont les nôtres en prévision de la division des Territoires du Nord-Ouest qui devrait avoir lieu en 1999. Il s'agit de droits qui existent déjà, mais le problème provient du fait que ces droits n'ont pas été suffisamment précisés et mis en oeuvre. Cela nous préoccupe beaucoup.

Comme je le disais plus tôt, il y a les traités qui nous lient. Nous sommes frères, vous et nous. Mais la Loi sur les Indiens, les politiques, les règlements et les bureaucrates se sont interposés entre ces traités et nous-mêmes et il nous faut maintenant élucider la manière dont nous allons vivre à l'avenir. Si la Loi sur les Indiens nous est imposée avec encore plus de rigueur, nous ne manquerons pas d'en être affectés.

.1325

Nous avons obtenu des avis juridiques concernant le document, mais nous n'avons pas vraiment encore eu l'occasion d'en parler entre nous. À première vue, ce document nous donne l'impression que le Canada tente de transformer nos chefs, nos conseils et notre mode de gouvernement en des sortes d'entités juridiques. Cela nous préoccupe beaucoup, comme nous préoccupent divers autres aspects du problème, mais nous n'avons pas encore eu l'occasion d'en parler entre nous au sein de nos communautés.

[Français]

M. Claude Bachand: Vous n'avez répondu que partiellement. Je voulais savoir si vous aviez rencontré Mme Blondin pour discuter du projet de loi C-79. Je sais qu'elle représente Yellowknife et cette région en tant que députée.

[Traduction]

Le chef Erasmus: Elle sait que cela nous inquiète. Nous savons qu'elle est membre de votre comité permanent, elle et Jack Anawak, mais il semblerait qu'ils ne soient pas ici ce matin. Cela est regrettable.

Le président: Permettez-moi, chef, une petite mise au point. Elle n'est pas membre de notre comité permanent. M. Elijah Harper et M. Jack Anawak, eux, par contre, le sont. M. Harper est d'ailleurs avec nous aujourd'hui.

Le chef Erasmus: Je vous remercie de cette mise au point.

Nous avons transmis un message en ce sens à Ethel Blondin-Andrew. Elle est, certes, très occupée puisqu'elle est membre du Cabinet. Sa responsabilité est envers la population en général et elle ne peut pas consacrer aux problèmes des Premières nations, tout le temps qui nous semble souhaitable. Mais, parfois, sa présence au sein du Cabinet est utile à nos peuples. D'autres fois, cela ne nous aide guère. Et vous êtes probablement mieux au courant que moi de la politique canadienne puisque vous siégez à la Chambre.

Nous avons confiance que le Canada nous entendra. Nous ne sommes pas ici simplement pour le plaisir de comparaître devant votre comité; nous avons de nombreuses tâches qui nous attendent. Ce qu'il faut savoir c'est que, si vous avez sérieusement l'intention de travailler avec notre peuple, vous devez venir nous parler. Sinon, il va y avoir entre nous conflit pour les 100 prochaines années, et si c'est comme cela que les choses doivent se passer, nous ne reculerons pas.

En tant que citoyens des Premières nations, il nous appartient de protéger nos intérêts, d'oeuvrer de concert avec notre peuple et c'est effectivement ce que nous faisons jour après jour.

Nous sommes nés ici dans le Nord. Nous n'allons pas déménager. C'est ici que nous allons élever nos petits-enfants et c'est ici que nous serons enterrés. Nous n'allons pas déménager. Le problème que nous venons d'évoquer est un problème réel qui appelle des mesures concrètes.

Je ne sais pas ce que vous, députés, ferez après l'élection, que vous soyez élus ou non. Vous retournerez à vos affaires ou à vos occupations. Vous avez divers domaines d'activité. Vous n'appartenez pas à des communautés des Premières nations et je ne pense pas que vous tiendrez à oeuvrer à nos côtés. Nos intérêts sont différents, mais nous avons ici l'occasion de travailler ensemble.

Le président: Monsieur Harper.

M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Je vous remercie des paroles que vous venez de prononcer. J'assiste ici à votre intervention télévisée.

Vous n'ignorez pas que j'appartiens moi-même à la communauté des Premières nations. Permettez-moi aussi de faire une petite mise au point, car je ne suis pas certain que vous sachiez que, en tant qu'Indien, je relève, moi aussi, des traités qui ont été conclus. Je suis donc membre de Premières nations et chef honoraire à vie de ma communauté. J'ai été chef et j'ai participé à la vie politique. Je tiens simplement à vous dire, à vous et à d'autres qui ont comparu devant ce comité, qu'en tant que membre des Premières nations je rencontre de nombreuses difficultés lorsque, à la Chambre, je tente d'évoquer l'ensemble de ces problèmes.

.1330

D'abord, l'institution dont je fais partie n'est pas une institution autochtone. C'est dire que beaucoup des questions sur lesquelles nous nous penchons, et la manière même dont nous les abordons, n'est pas nécessairement conforme à notre façon de faire. Il s'agit, c'est vrai, d'une institution non autochtone. Il s'agit de traditions différentes, de lois, de manières différentes adoptées par les peuples qui sont venus s'installer dans ce pays.

J'ai pris la décision de participer à tout cela. J'ai eu, évidemment, le privilège, l'honneur d'être élu, non seulement à la Chambre, mais également à l'assemblée législative provinciale. Je voulais savoir comment tout cela fonctionne, car il faut bien que nous participions, où que nous soyons dans le monde. Que ce soit au Parlement, que ce soit dans d'autres institutions ou dans la vie politique, nous ne pouvons pas vivre en vase clos.

Je participe au fonctionnement de cette instance, mais j'éprouve parfois de grandes difficultés à faire comprendre à notre peuple des Premières nations comment les choses se passent au sein de cette institution. Il y a parfois une incompréhension à cet égard. Je sais que la manière de procéder est généralement mal comprise et que, en raison du rapport que nous avons avec les gouvernements, nous éprouvons une très grande méfiance. J'ai essayé de faire comprendre à notre peuple comment les choses se passent. J'ai tenté de leur faire comprendre qu'il faut que nous participions.

D'après moi, les droits dont nous jouissons ne découlent aucunement de la Loi sur les Indiens. Comme vous l'avez vous-même dit, comme l'ont dit beaucoup d'autres personnes, cette loi sur les Indiens est une loi adoptée par cette institution non autochtone à des fins purement administratives. D'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui, la Loi sur les Indiens aurait dû être le texte constitutif de la relation entre les Premières nations et le gouvernement fédéral et non pas un texte de loi imposant à nos affaires à nous la domination du gouvernement central. C'est d'ailleurs pour cela que j'attache une si grande importance à l'idée de discussions de nation à nation, aboutissant à la conclusion de traités, et que j'estime que c'est de cette manière-là qu'il convient de régler ces questions, comme vous l'avez vous-même dit. Je dirais aussi que, afin d'assurer une meilleure protection des intérêts des peuples autochtones et de notre peuple des Premières nations, j'ai fait part de mes préoccupations à cet égard au ministre des Affaires indiennes.

Beaucoup de gens ne se rendent pas compte qu'il ne s'agit pas actuellement de modifier la Loi sur les Indiens. Il ne s'agit nullement de cela. Ce qui s'est produit c'est qu'un texte a été déposé, un texte si l'on veut autonome, et que ce texte contient une disposition offrant la possibilité d'y adhérer. La décision appartiendra en cela aux peuples des Premières nations. Il est clair que cela soulève également des problèmes qu'il n'y a pas lieu d'évoquer ici dans le détail, mais le texte contient une clause d'adhésion facultative.

Le texte dont je viens de parler contient, en même temps, une clause de non-dérogation qui prévoit que nos droits ancestraux, les droits issus des traités et reconnus dans la Constitution du Canada, ainsi que le droit inhérent à l'autonomie ne seront pas affectés, même pour les personnes qui décident d'adhérer au nouveau régime. Mais il est clair que beaucoup de gens hésitent à participer à cela. À mes yeux, cela représente, pourtant, un des moyens de s'attaquer au problème. Il s'agit, au moins, de quelque chose qui ne sera pas simplement imposé aux peuples autochtones mais qui leur sera, plutôt, proposé.

Je me fonde pour dire cela sur mon expérience et j'ai confiance que notre peuple pourra enfin décider de lui-même de la relation qu'il entend avoir avec le Canada. Déjà, nous avons surmonté nos sentiments d'impuissance. Je crois que nous sommes suffisamment forts et suffisamment confiants pour prendre de bonnes décisions à l'égard des choix qui nous sont ainsi offerts.

Comme je le disais plus tôt, si j'ai pu prendre part à tout cela, c'est en raison de la manière dont j'ai été élevé. Je suis né dans les bois, pas dans un hôpital et on m'a inculqué très tôt les principes traditionnels du respect de l'autre et également du respect de ma propre identité et de ma langue. C'est pour cela que j'ai pu prendre part au grand débat qui est en cours.

.1335

Je peux me rendre n'importe où dans le monde - je pourrai me retrouver au beau milieu de la Chine - tout en restant ce que je suis car ce sont nos nations qui déterminent notre identité et non pas les dispositions d'un texte de loi qui nous serait étranger. C'est dire la confiance que j'ai en notre peuple. Même si le texte en question finit par être adopté, nous demeurerons capables, pour tout ce qui relève de notre pouvoir et de nos attributions, de dire ce que nous sommes. C'est pour cela que je n'hésite pas un seul instant et que je ne mets pas en doute le fait que nous aurons le moyen d'assurer notre survie en tant que peuples.

Je précise que j'entends moi-même agir dans le sens que vous avez évoqué, c'est-à-dire sur le fondement des traités, d'une relation de nation à nation. Dans tous nos travaux, c'est toujours dans ce sens-là que j'oriente mes efforts.

J'ai choisi de participer à tout cela. Je sais que je suis comptable de mes actes envers mes électeurs. D'ailleurs, les chefs du Nord qui sont intervenus hier étaient dans ma circonscription. L'Assemblée des chefs du Manitoba n'est pas encore intervenue. Je sais que cette assemblée a adopté une résolution demandant au gouvernement de rendre ce texte de loi facultatif. Voilà où les choses en sont pour l'instant car, du moins au Manitoba, un accord-cadre est en train d'être conclu, et cela formera la base d'une relation de nation à nation qui devrait aboutir au type de relation que nous voulons instaurer.

Je tiens à vous dire que, même si je prends part à tout ce qui est en train de se faire, je poursuis mes efforts en vue de protéger les intérêts de notre peuple. Je sais que les bloquistes éprouvent certains doutes quant à la loyauté des Premières nations, mais je sais que, de toute manière, les Premières nations resteront maîtres de leur destin. Une partie du problème provient du fait que les gouvernements de ce pays n'ont pas respecté les obligations que leur imposaient les traités. Cela n'empêche pas à notre peuple de maintenir son intégrité et sa dignité et de négocier de bonne foi.

Le fait que le gouvernement fédéral n'ait pas su jusqu'ici respecter ses promesses, n'est pas à proprement parler le problème des peuples autochtones, mais il va bien falloir, un jour, que le gouvernement assume ses responsabilités en ce domaine et reconnaisse qu'il n'a pas respecté les promesses qu'il avait conclues dans le cadre des traités. Cela arrivera bien un jour, mais je ne suis pas certain si je serai encore là pour le voir. Mais, tant que nous continuons à respecter nos principes à nous, et nos croyances, tant que nous faisons preuve d'honnêteté et de sincérité... Je crois que c'est cela qui nous a permis de préserver notre identité et qui nous permettra de nous maintenir à l'avenir.

Je me sens parfois un peu mal à l'aise, bien sûr, de participer à cette institution non autochtone, étant un des rares de notre peuple à le faire, mais cette participation n'ira jamais à l'encontre des intérêts de notre peuple. J'en prends l'engagement envers les peuples autochtones, envers les peuples des Premières nations. Mais c'est un fait que je ne contrôle pas ce qui se passe. Je suis un des rares parmi les gens de notre peuple à participer à ce processus et je voudrais que nous soyons plus nombreux à le faire, afin que, au sein de cette institution, nous puissions travailler ensemble.

Je tenais à vous dire cela et à dire aussi que j'appuie vos efforts en vue de redresser la situation. Je travaille également en coulisse. Je vous remercie de votre intervention et j'ai entendu ce que vous nous avez dit.

.1340

Le président: Merci beaucoup.

Vous avez maintenant chacun l'occasion de présenter des observations en guise de conclusion, mais, d'abord, j'aurais une question à poser. Je voudrais faire une mise au point.

Depuis trois jours, on dit qu'il n'y a pas eu de consultation, qu'il n'y a pas eu de contact. Vous venez de nous dire que des discussions sont en cours au sujet de l'autonomie interne. Je sais que 150 groupes de négociation sont actuellement à l'oeuvre. J'ai, pour ma part, l'impression qu'il y a effectivement un dialogue et des initiatives de consultation alors que depuis trois jours on dit qu'il n'y en a pas. Pouvez-vous m'éclaircir sur ce point? Est-ce vrai que 150 groupes de négociation sont actuellement à l'oeuvre? Est-ce vrai que vous prenez vous-même part à des discussions sur l'autonomie interne? Ou nous aurait-on dit, à Ottawa, des choses qui ne sont pas exactes?

Le chef Erasmus: Merci, monsieur le président.

Je pense que nous aurons tous quelque chose à dire sur ce point, mais ma première observation s'adresse à M. Harper.

Lorsque nous avons commencé notre intervention, nous avons eu l'impression que vous n'étiez pas là et nous faisons donc amende honorable. Nous nous sommes aperçus que vous étiez effectivement là, et nous en sommes heureux. À chaque fois qu'on vous rencontre - à chaque fois que je vous rencontre - on voit en vous le député de l'assemblée du Manitoba qui a déclaré son opposition à l'accord du lac Meech. Ce souvenir nous est clairement en mémoire. Tous ceux qui sont réunis ici occupaient déjà leurs fonctions à l'époque. Nous sommes encore en fonction et si les choses continuent au train où elles vont actuellement, nous espérons qu'à nouveau vous déclarerez votre opposition. Et si vous avez à manier à nouveau la plume, nous vous demandons de le faire, car je suis persuadé que le premier ministre Chrétien comprendra fort bien ce que cela veut dire.

Les chefs associés dans le cadre du Traité no 8 doivent tenir leur assemblée au mois de juin et c'est avec grand plaisir qu'ils vous accueilleraient si vous leur apportiez de bonnes nouvelles concernant la Loi sur les Indiens. L'assemblée de la nation dénée se tiendra plus tard au mois d'août et nous vous invitons, là aussi, à nous rendre visite. Les peuples du chef Bonnetrouge doivent se réunir au début du mois de juillet et si vous pouviez vous rendre dans le Nord à cette époque pour prendre la parole devant notre peuple, nous serions très heureux.

Vous ne ressentez aucun malaise car vous êtes situé au coeur même du système. Vous avez eu l'occasion d'étudier les documents et vous faites partie des libéraux. Vous n'avez donc pas à vous soucier des problèmes de confidentialité, par exemple. Vous avez connaissance de beaucoup de choses que nous ne savons pas.

Mais je vous dis sincèrement que nous n'avons aucune raison de faire confiance au Canada. Chaque jour nous constatons quelque chose, un obstacle qui nous empêche de vivre comme nous l'avaient promis les traités. Il faudra donc attendre encore longtemps pour que nous ressentions, nous, l'aisance que vous ressentez peut-être, l'aisance que vous procure votre participation au système. Je pense qu'un jour notre peuple se sentira, lui aussi, confortable au sein du Canada, mais cela n'est pas encore le cas.

En ce qui concerne, maintenant, les discussions en cours au sujet de l'autonomie interne, il est vrai que ces discussions ont lieu. Il y a, cependant, un problème, car jusqu'ici ces discussions se poursuivent dans le cadre de la politique d'extinction adoptée par le Canada. Cette politique n'a pas encore été officiellement abandonnée. Lors des négociations, le Canada continue à essayer de rogner sur nos droits. Le Canada a recours aux tribunaux, au juridisme, et tente par tous les moyens d'abaisser notre peuple. Il y a, donc, des négociations qui sont en cours, mais cela ne veut pas dire que nous avançons.

Nous espérions que lorsque les libéraux seraient élus, ils respecteraient les promesses qu'ils avaient consignées dans le livre rouge. Ils avaient dit qu'ils abandonneraient la politique d'extinction, qu'ils entreprendraient de construire avec nous un nouveau partenariat dans le cadre duquel nous oeuvrerions ensemble. C'est cela que nous attendions.

Si je peux vous dire cela c'est parce que, au sein de l'Assemblée des Premières nations, je préside le comité des chefs chargé d'étudier les changements à apporter à la Commission sur les revendications particulières des Indiens. Nous cherchons également les moyens de réformer certaines des politiques en vigueur. Des discussions en ce sens doivent je crois débuter à la fin du mois.

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Mais, dans tout cela, beaucoup dépend de la bonne volonté du Canada. Le gouvernement veut engager avec nous des pourparlers, mais j'ai l'impression qu'il a en fait peur de nous. Je crois qu'il nous faut nous en tenir aux conclusions retenues par la Commission royale. Il faut parvenir à une réconciliation. Il faut guérir les blessures et le chagrin que nous ressentons car, actuellement, c'est la méfiance qui règne. Beaucoup pourrait être fait pour améliorer la situation, mais il faudrait pour cela que nous oeuvrions de concert.

Le même jour que ce projet de loi, un autre texte a été rédigé et inscrit à l'ordre du jour. Je me trouvais assis à la tribune lorsque le ministre a été hué. Le 12 décembre, vous vous souvenez peut-être que j'étais assis à la tribune lorsque la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie a été déposée à la Chambre en même temps que ce projet de loi-ci. Cette autre loi va, elle aussi, nous affecter. J'ajoute que si l'on ne précise pas davantage la manière dont elle sera appliquée, elle créera des divisions au sein des peuples du Nord. Elle va diviser nos régions, nos tribus même, et va nuire à la cohésion de nos communautés dans toute la vallée du Mackenzie.

Ces textes nous inspirent de nombreuses inquiétudes et nous voudrions nous réunir et préciser davantage de quoi il s'agit. Nous réitérons notre demande en ce sens. Nous savons bien que, pour ceux qui ont une vision globale des choses, le Nord ne semble peut-être pas avoir une très grande importance. Les gens ont tendance à nous considérer comme un peuple qui habite les marges du pays, comme une peuplade des bois, enfin, je ne sais pas trop comment on nous considère - je ne sais pas l'image que le Canada se fait de nous - mais nous avons le droit de décider de notre avenir, et nous entendons agir en conséquence.

Eh bien, voilà, monsieur le président. Je tiens, encore une fois, à vous remercier de cette occasion de nous entretenir avec vous. Nous aimerions pouvoir vous rencontrer en personne et nous vous demandons de ne pas brusquer les choses. Vous avez à la fois le devoir et l'honneur de conseiller la Couronne. Nous avons, actuellement, l'occasion de modifier le cours des choses et c'est pour cela que j'ai voulu intervenir aujourd'hui auprès de vous. Certains d'entre nous y étaient opposés, mais je crois qu'il vaut la peine de tenter de communiquer.

Je vous remercie.

Le président: Nous tenons, de notre côté, à vous remercier des propos que vous avez partagés avec nous aujourd'hui. Nous sommes sensibles à votre sincérité et je vois que tous les trois vous avez laissé parler votre coeur. Votre apport nous sera des plus utiles et contribuera non seulement à notre examen du projet de loi C-79, mais également à une meilleure compréhension de la réalité qui est la nôtre.

Chef, y en a-t-il, parmi vos collègues, qui voudraient ajouter quelque chose en guise de conclusion?

Le chef Sangris: Oui, monsieur le président.

Il s'agit ici d'autonomie interne... Au cours des quelque quatre dernières années, les peuples du Traité no 8 avaient conclu un protocole d'entente avec le gouvernement, mais certains problèmes ont mis fin à cela. Les peuples du Traité no 8 ont gagné du terrain et tout cela est actuellement à l'étude dans le cadre de pourparlers entre les Premières nations et le Canada. Nous aurons, la semaine prochaine, de nouvelles discussions.

Mais, en ce qui concerne la Loi sur les Indiens, je tiens à vous inviter à notre assemblée, afin que vous puissiez vous entretenir avec nos anciens et les gens de notre peuple. Nous devons nous réunir, entre le 23 et le 28 juin, à Yellowknife, à environ quatre milles de la ville, dans un lieu appelé Dettah, qui est mon lieu d'origine. Nous vous enverrons une invitation et j'espère que vous viendrez pour vous entretenir avec nous face à face. Il y aura sans doute, parmi nos anciens, certains qui auront des conseils à vous donner.

Il ne me reste qu'à vous remercier.

Le président: Merci.

Chef Bonnetrouge, avez-vous quelque chose à dire en guise de conclusion?

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Le chef Bonnetrouge: Merci, monsieur le président.

Je viens du territoire du Deh Cho. Je suis content que vous ayez posé une question au sujet des personnes invitées aux négociations. La région du Deh Cho tente, depuis quatre ans, de parvenir à la table des négociations. Je précise que nous avons convoqué une assemblée un peu avant Noël et qu'on a pu constater que notre région est prête à entreprendre des négociations sur l'autonomie interne. Je tiens donc à préciser que nous ne participons pas actuellement aux négociations, mais que nous voudrions bien pouvoir le faire et que nous vous saurions gré de faire savoir cela au gouvernement.

Le président: Merci. Toutes vos interventions ont été consignées dans le compte rendu. Je suis certain que le ministère prendra connaissance de tout ce que vous avez dit et je ne pense donc pas que quelqu'un pourra à l'avenir prétendre ne pas être au courant.

Merci beaucoup, chef Jonas Sangris du conseil tribal du Traité no 8 des Territoires du Nord-Ouest, chef Bill Erasmus de la nation dénée, et chef Joachim Bonnetrouge des Premières nations du Deh Cho.

Le chef Erasmus: Merci.

Le chef Sangris: Merci.

Le chef Bonnetrouge: Merci.

Le président: Nous sommes en train d'appeler Yellowknife. Nous voudrions nous assurer que le chef James Frith du conseil tribal de Gwich'in est bien là. S'il n'est pas là, nous passerons à Saskatoon.

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Le président suppléant (M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.)): Allo, Saskatoon. Bonjour. Je m'appelle John Murphy. Je suis le président suppléant. J'ai à mes côtés Claude Bachand, du Bloc québécois. D'autres membres du comité se joindront peut-être à nous.

Je tiens à souhaiter la bienvenue au grand chef Blaine Favel. Je souhaite également la bienvenue au chef Austin Bear, ainsi qu'à Mary Ellen Turpel-Lafond, sa conseillère juridique.

Nous allons bientôt écouter votre intervention. Nous disposons pour cela de 40 minutes. Vous pouvez utiliser ce temps-là comme vous l'entendez, mais j'espère qu'on aura l'occasion de poser des questions au sujet de ce que vous nous aurez dit.

Qui voudrait prendre la parole en premier?

Le grand chef Blaine C. Favel (Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan): Permettez-moi de le faire.

Le président suppléant (M. Murphy): Entendu. Vous avez la parole.

Le grand chef Favel: Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi de m'adresser à vous cet après-midi à partir de Saskatoon. Ici, il fait froid et il y a beaucoup de neige. Malgré tout, je préfère vous transmettre cette intervention d'ici, plutôt que d'Ottawa, et je vous remercie donc de nous avoir ménagé, dans votre horaire, le temps de procéder à cette vidéoconférence.

Je tiens également à remercier le comité parlementaire du temps qu'il prend pour recueillir le point de vue de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan et des Premières nations de cette région.

Je suis le chef Blaine Favel. Je suis chef de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan. Cette année, la FSIN célèbre son cinquantième anniversaire en tant qu'organisation représentant, aux niveaux régional, national et international, les peuples des Premières nations de la Saskatchewan.

Je précise que cette organisation regroupe 74 Premières nations et neuf conseils tribaux et qu'elle est dirigée par un grand chef régional ainsi que par des chefs adjoints, tous élus. Les Premières nations de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan habitent cinq régions assujetties aux traités: le Traité no 4, le Traité no 5, ainsi que les Traités no 6, 8 et 10.

Je précise, à titre d'introduction, que la FSIN a pour mission de constituer le gouvernement régional des Premières nations de cette région et de défendre les droits juridiques, historiques et culturels des peuples des Premières nations de la Saskatchewan. La FSIN comprend 83 chefs, un pour chacune des 74 Premières nations et des neuf conseils tribaux.

Chaque chef est élu par son peuple et chaque chef tribal est élu par les chefs et conseillers des divers conseils tribaux, dans le cadre d'un mécanisme qui permet généralement à tous les résidents de faire entendre leur voix au niveau de la communauté qui, à son tour, va pouvoir se faire entendre dans le cadre de la FSIN.

Alors que nous célébrons notre cinquantième anniversaire, la FSIN est, à juste titre, fière de ce qui a été accompli jusqu'ici. Le rapport de la Commission royale, rendu public l'année dernière, a formulé un certain nombre de recommandations en vue du renouveau de la relation entre le Canada et les peuples des Premières nations. Nous sommes fiers de pouvoir dire que, dans cette province, et avec nos chefs et nos peuples qui représentent les Dénés, les Sauteaux, les Dakota et les Cris, nous avons mis en oeuvre bon nombre des recommandations formulées par la Commission royale. Cette année, nous célébrons le vingtième anniversaire du Saskatchewan Indian Federated College, seule université indienne du Canada, et du Saskatchewan Indian Institute of Technology, un des rares instituts techniques indiens du Canada, et peut-être le premier. En décembre dernier, nous avons annoncé la création d'une banque des Premières nations du Canada, mettant ainsi en oeuvre une autre des recommandations formulées par la Commission royale. Notre banque ouvrira ses portes ici à Saskatoon au mois de mai. Elle rassemble des intérêts nationaux, et sa mission est, elle aussi, nationale.

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Nous sommes très fiers de ce que nous avons fait, comme nous sommes fiers des intérêts que nous défendons en matière commerciale, politique et pédagogique. Un des fondements mêmes de la fédération est depuis toujours la défense des droits issus de traités, notamment du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et une action constante en vue de voir reconnaître les droits politiques de notre peuple vis-à-vis du gouvernement du Canada.

La FSIN s'est penchée sur le projet de loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, déposé le 12 décembre 1996 par le ministre Irwin. Nous nous sommes penchés sur ce texte à plusieurs de nos assemblées. Nous l'avons examiné l'année dernière au mois de juin lorsque la première version du projet de loi a été rendue publique. Nous avons sollicité à l'époque des avis juridiques sur la question. La FSIN a en fait parrainé la résolution de l'Assemblée des Premières nations du mois de juillet, résolution qui exprimait la position de l'Assemblée des Premières nations. Nous nous sommes penchés à nouveau sur les textes du mois d'août de l'année dernière. La résolution adoptée au mois d'août n'était pas favorable à ce texte.

Au mois d'octobre, nos chefs ont entrepris un examen du projet de loi en vue de formuler des recommandations précises, l'idée étant, cependant, qu'il était plutôt dans nos intérêts de ne pas voir adopter ce projet de loi mais que, si le gouvernement l'adoptait néanmoins, il fallait bien que nous exprimions nos préoccupations à cet égard. Or, cela, nous l'avons fait. Nous avons repris la question, ainsi que les travaux que nous avions accomplis jusqu'ici, devant nos chefs en assemblée il y a deux semaines environ, au mois de février 1997. Les chefs ont adopté une résolution, que je joins au texte de notre mémoire et que nous ferons officiellement parvenir au comité après l'intervention de cet après-midi.

En ce qui concerne le projet de loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, la position des chefs de la Saskatchewan est sans ambiguïté. Avant de répondre à vos questions, j'aimerais vous l'exposer. Je tiens également à vous parler de notre position car celle-ci a déjà été évoquée devant le comité, et ailleurs, et il est important pour vous de recueillir directement l'avis des 74 chefs de cette province, qui ont adopté une position officielle sur cette question.

Les chefs de la Saskatchewan reconnaissent que ce projet de loi, le projet de loi C-79, n'est pas une modification de la Loi sur les Indiens, mais bien un texte qui, en quelque sorte, accompagne la Loi sur les Indiens et offre aux Premières nations la possibilité d'assumer de nouvelles compétences ou des pouvoirs autres que ceux qui sont reconnus aux Premières nations au seul titre de la Loi sur les Indiens. Le projet de loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens ne remplace pas la Loi sur les Indiens mais permet à chacune des Premières nations d'effectuer un certain nombre de choix, de concert avec leurs populations.

Nous avons examiné les choix offerts dans ce projet de loi et notre analyse a dégagé deux volets des mesures proposées. Dans un premier temps, le conseil de bande adopterait une résolution demandant qu'un nom soit rajouté à l'annexe, la bande adhérant par là même au régime défini par la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, ce qui entraîne la modification de certains aspects de la Loi sur les Indiens, le mandat de trois ans venant, par exemple, remplacer le mandat de deux ans. Deuxièmement, les bandes adhérant au régime parallèle disposeraient d'un certain nombre de pouvoirs facultatifs en fonction des choix opérés par les peuples des Premières nations concernés. Comme vous le savez, il s'agit de gestion foncière et de nouveaux pouvoirs en matière de réglementation.

Les chefs de la FSIN, les 74 Premières nations, estiment que ni la Loi sur les Indiens ni le projet de loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, ne sont le moyen de mettre en oeuvre les droits issus de traités et les droits inhérents à l'autonomie. Pour cela, c'est-à-dire pour atteindre les objectifs qui se situent au coeur même de notre action, nous avons récemment conclu deux ententes que j'aimerais vous décrire brièvement.

D'abord, au mois d'octobre de l'année dernière, nous avons renoué avec une fonction qui revêt une grande importance historique pour les Premières nations de la Saskatchewan, le Bureau du Commissaire des traités. Ce poste a été créé en 1989 par le gouvernement du Canada et par l'organisation à laquelle la FSIN a succédé. À l'époque, le Bureau du Commissaire des traités avait pour mission d'examiner les promesses traditionnelles qui avaient été faites dans le cadre des traités, promesses telles que le droit au logement, les droits fonciers issus de traités. Il s'agissait d'interpréter ces droits et de les mettre à jour afin d'appliquer avec justice, dans le cadre de notre relation avec le Canada, les droits qui nous avaient été garantis. Le titulaire de ce poste, qui a été renouvelé au mois d'octobre, a pour mission d'examiner les droits que les traités nous ont garantis en matière de pêche, de chasse, de piégeage, d'éducation, de santé, de justice, de logement, de bien-être de l'enfance, de rentes, et d'autres domaines que le gouvernement du Canada et les chefs de la Saskatchewan pourront déterminer.

Par ailleurs, avec le premier ministre Romanow, nous avons, au mois d'octobre 1996, donné notre aval à un accord complémentaire; un protocole politique conclu avec le gouvernement de la Saskatchewan. Ce document consacre, de la part du gouvernement de la Saskatchewan, la reconnaissance du fait que les Premières nations de ce territoire possèdent le droit inhérent à l'autonomie interne. Le gouvernement de la province s'engage pour la première fois au niveau des dirigeants politiques et administratifs à négocier et à mettre en oeuvre le droit inhérent à l'autonomie interne.

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Nous sommes heureux de cette évolution car si, jusque-là, le gouvernement de la Saskatchewan s'était fait le farouche défenseur des peuples des Premières nations dans le cadre des pourparlers constitutionnels, il n'avait pas encore formulé de propositions législatives précises susceptibles d'être mises en oeuvre de concert avec les chefs de la Saskatchewan. Pour nous, il s'agit d'une évolution décisive que nous constatons avec satisfaction.

Il s'agit là des deux accords qui revêtent, aux yeux des chefs de la Saskatchewan, une importance prioritaire. Nos priorités sont le respect des traités et la reconnaissance de notre droit inhérent à l'autonomie. Cela représente, à nos yeux, le moyen d'assurer le passage à l'autonomie et à la reconnaissance intégrale des droits et des compétences reconnus aux Premières nations par les traités.

Cela ne veut pas dire que les mécanismes aujourd'hui mis en place soient parfaits, ou que les politiques fédérales et provinciales concernant l'autonomie et le respect des traités permettent encore pleinement d'aboutir à la reconnaissance et à la mise en oeuvre des droits qui sont les nôtres. Mais le processus est enclenché depuis de nombreuses années - dans quelques années on célébrera le dixième anniversaire de la création du Bureau du Commissaire des traités - et nous sommes satisfaits de ce point de vue car, cette fonction traditionnelle, notre peuple la réclame depuis l'époque où les traités ont été conclus.

À l'époque où ces traités ont été conclus dans la région des Prairies, et négociés par le lieutenant-gouverneur Morris, ce dernier avait promis à notre peuple que, de temps à autre, les clauses des traités seraient réexaminées et que nous aurions la possibilité de nous réunir avec des représentants du gouvernement afin d'améliorer la manière dont ces dispositions sont appliquées.

Nous faisons également des progrès en vue de la mise en oeuvre d'un autre accord, l'accord sur les droits fonciers issus de traités, et à cet égard nous en sommes à la quatrième année d'un processus qui a permis de régler, en Saskatchewan, les 27 cas en souffrance. Cela, nous le devons aux efforts du Bureau du Commissaire des traités et nous sommes confiants que ce bureau permettra à terme la mise en oeuvre de droits qu'on nous a garantis dans le cadre des traités, ainsi que du droit à l'autonomie interne.

La démarche que nous avons adoptée est différente de celle qui est prévue dans la Loi sur les Indiens ou dans le projet de loi C-79. En ce qui concerne le texte de ce projet de loi, nos chefs sont conscients du fait qu'il s'agit d'un projet de loi facultatif et que, s'il est adopté, chaque communauté aura la possibilité de choisir. Mais, nous avons constaté, au niveau politique, compte tenu de l'importance prioritaire que nous accordons à notre droit inhérent à l'autonomie et à la mise en oeuvre des droits issus de traités, que nous ne sommes pas en mesure de recommander l'adoption de ce projet de loi. Si le gouvernement du Canada décide de l'adopter, les Premières nations devront décider pour elles-mêmes s'il convient ou non d'adhérer au régime facultatif prévu.

Mais, si le projet de loi est adopté, il y a d'autres choses qui, d'après nous, devront être prises en compte. Notre conseiller juridique a formulé un avis et, il y a deux semaines, les 74 chefs se sont réunis en assemblée pour examiner la question. Nos chefs ont notamment recommandé que, même si le caractère facultatif du projet de loi allège en effet les tensions, l'on prévoie que les communautés qui décident d'adhérer au nouveau régime, auront néanmoins la faculté de s'en retirer si elles décidaient ultérieurement qu'elles ne voulaient plus adhérer à la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. C'était une des recommandations formulées directement par les chefs lors de la conférence, et de nombreux chefs y ont donné leur aval.

Ensuite, les chefs voudraient que la clause de non-dérogation, c'est-à-dire l'article 4 du projet de loi C-79, soit renforcée afin de bien préciser qu'aucune des mesures définies dans la Loi sur les Indiens ou dans la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens ne portera atteinte aux droits ancestraux ou aux droits reconnus aux Premières nations dans le cadre des traités, y compris au droit inhérent à l'autonomie interne.

La FSIN a, en ce qui concerne la Loi sur les Indiens, des préoccupations plus larges que celles qui pourraient recevoir une réponse dans le contexte étroit du projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix. Je tiens à bien préciser que, d'après nous, le projet de loi C-79 est un texte de portée réduite prévoyant des changements très limités, touchant notamment les successions, c'est-à-dire un domaine qui ne nous paraît pas prioritaire mais qui, pour une raison ou une autre semble avoir retenu l'attention du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Au cours des consultations concernant la modification de la Loi sur les Indiens, nous avons fait vigoureusement savoir que, d'après nous, il convenait de supprimer la Loi sur les Indiens au cours de la période de transition permettant d'assurer la mise en oeuvre des traités et du droit à l'autonomie. Certaines questions importantes surgissent, cependant, au cours de cette période de transition, questions qui ne trouvent aucune réponse dans la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Nous sommes particulièrement préoccupés par l'article 88 de la Loi sur les Indiens, disposition qui permet aux lois provinciales d'être incorporées au droit fédéral et d'être, par conséquent, appliquées aux réserves sans notre consentement. Cet article 88, qui prévoit que les lois provinciales d'application générale pourront s'appliquer aux réserves, a fait obstacle à la mise en oeuvre du droit à l'autonomie gouvernementale et constitue une entrave à notre relation avec le Canada, telle qu'elle ressort des traités. Nous estimons que ce problème doit être abordé de façon prioritaire.

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Nous sommes également troublés par d'autres aspects de la Loi sur les Indiens, y compris le droit qu'a le ministre d'annuler les règlements que nous avons adoptés, et les restrictions imposées à la libre disposition, par les Premières nations, de l'argent des bandes détenu à Ottawa dans un compte en fiducie. Nous estimons que ces questions importantes doivent être réglées lors de la transition qui doit nous mener à l'autonomie gouvernementale et à la mise en oeuvre intégrale des dispositions inscrites dans les traités.

Or, ces questions ne reçoivent aucune réponse dans le projet de loi C-79 et la FSIN voudrait que le comité permanent soit saisi de ces problèmes et entame une procédure aboutissant en fait à l'élimination de la Loi sur les Indiens et à la reconnaissance de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. La législation en vigueur va continuer à bloquer le passage à l'autonomie gouvernementale et l'application correcte des traités.

Enfin, la FSIN appuie entièrement les conclusions que la Commission royale sur les peuples autochtones a formulées à l'égard de la Loi sur les Indiens, et notamment la reconnaissance du fait que les modifications à la Loi sur les Indiens ne permettront pas de donner naissance à une nouvelle relation et ne permettront pas d'aboutir à l'autonomie gouvernementale et à l'application des traités.

Il semble évident qu'ici, en Saskatchewan, nous avons mis en place un certain nombre de mécanismes permettant d'aboutir à la reconnaissance des traités et à la mise en oeuvre du droit inhérent, et c'est cela qui est, pour nous, prioritaire. Nous ne nous écarterons pas de cette voie. Les Premières nations décideront chacune en ce qui la concerne, s'il y a lieu de se prononcer ou non en faveur de la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Ce sera un choix que devra faire chaque communauté.

Nous nous attachons au problème politique plus large de la mise en oeuvre des promesses historiques faites dans le cadre des traités. Les chefs de la Saskatchewan ont, pour les Premières nations, une vision d'avenir différente de la réalité actuelle et qui dépasse ce débat concernant la Loi sur les Indiens et la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens.

Nous reconnaissons que le préambule de la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens confirme que ce texte doit être adopté «en attendant la conclusion d'accords en matière d'autonomie gouvernementale». Mais, pour répondre aux griefs que nous inspire l'actuelle Loi sur les Indiens, et pour trouver de nouveaux mécanismes qui permettraient de s'écarter des relations de type colonial et d'aborder une nouvelle période de coexistence et de respect fondée sur les traités et sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, il faudrait trouver des moyens plus sûrs.

Voici donc les arguments qui résument notre position. Nous allons joindre à notre mémoire l'avis juridique rédigé par David Knoll, de Davis and Company de Vancouver, qui nous a aidés lors de notre examen des premières versions des amendements à la Loi sur les Indiens. Il nous a fourni une analyse objective et indépendante de tous les amendements proposés depuis lors.

Monsieur le président, je vous remercie de l'occasion de vous exposer ainsi notre position. Si vous avez des questions précises, ou si vous avez besoin d'éclaircissements sur tel ou tel aspect de notre position, je suis tout à fait disposé à répondre.

Le président suppléant (M. John Murphy): Merci beaucoup. Votre intervention a été très précise et très claire et je vous en remercie.

Y a-t-il d'autres membres de votre groupe qui voudraient prendre la parole?

Le chef Austin Bear (Première nation Muskoday): Oui, monsieur. Un instant, je vous prie.

Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis le chef Austin Bear, de la Première nation Muskoday, Traité no 6, région de la Saskatchewan.

En ce qui concerne la Loi sur la modification, le projet de loi C-79, je ne voudrais pas aller à l'encontre de la position adoptée par les chefs de la Saskatchewan, ainsi que par la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan. Cela dit, compte tenu des dispositions restrictives et limitées de la Loi sur les Indiens, sous sa forme actuelle, et en tant que chef d'une Première nation, j'estime que les Premières nations autorisées par leurs membres à adhérer aux dispositions du projet de loi C-79, obtiendront, en attendant, un certain élargissement de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités. Cela ne me semble pas particulièrement menaçant et les dispositions en question ne m'inquiètent guère.

Certaines Premières nations ont déjà apposé leur signature à l'accord cadre de gestion foncière - je crois que les dispositions en question avaient été déposées devant la Chambre dans le cadre du projet de loi C-75 - et entendent maintenant dépasser la Loi sur les Indiens, du moins en ce qui concerne la gestion, le contrôle et la mise en valeur de leurs terres. C'est un objectif qu'elles se sont fixé et elles ont nettement orienté dans ce sens leur action. Elles entendent prendre leurs distances par rapport aux dispositions et aux limitations de la Loi sur les Indiens. La Première nation Muskoday est une des 14 Premières nations à avoir signé l'accord-cadre sur la gestion foncière, désigné plus tôt sous la forme de projet de loi C-75.

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Voilà, monsieur le président, ce que je tenais à dire. Je suis certains que si le projet de loi C-79 est adopté sous forme facultative, la Première nation Muskoday sera - parmi d'autres Premières nations - une de celles qui pourraient très bien se prévaloir des avantages qu'il prévoit.

Merci, monsieur.

Le président suppléant (M. John Murphy): Merci beaucoup, chef Bear.

Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par Claude Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Merci, monsieur Favel, pour votre présentation.

Ai-je raison d'affirmer que vous préféreriez que les paliers gouvernementaux, tant en Saskatchewan qu'au fédéral, se penchent sur la mise à jour et l'implantation de traités et sur des ententes d'autonomie gouvernementale plutôt que de s'attarder à un projet de loi qui modifie certaines dispositions d'une loi vieille de plus de 100 ans? Si j'ai bien compris l'intervention de M. Austin Bear, vous pourriez être satisfaits si le projet de loi était adopté avec certains aménagements.

Vous savez que le projet de loi C-79 est un ensemble. Vous ne pouvez pas en prendre une petite partie et rejeter l'autre. Il faut tout prendre ou tout laisser.

Est-ce que je résume bien votre pensée en disant que pour vous, actuellement, le meilleur véhicule de prospérité et d'amélioration de vos conditions de vie socioéconomiques est l'autonomie gouvernementale, des ententes d'autonomie gouvernementale, et la mise à jour et l'implantation des traités, et non pas tant le projet de loi qui est à l'étude actuellement?

[Traduction]

Le président suppléant (M. John Murphy): Qui veut répondre?

Le grand chef Favel: Merci, monsieur le président. Monsieur Bachand, je vous remercie de votre question.

En ce qui concerne la position adoptée par les chefs de la Saskatchewan, je crois avoir dit clairement que nous avons conclu des ententes très solides avec le Bureau du Commissaire des traités et que nous avons aussi conclu des accords avec le gouvernement de la Saskatchewan concernant la mise en oeuvre de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Pour en arriver là, il a fallu de gros efforts politiques et beaucoup de lobbying. Ces résultats revêtent, au Canada, un caractère précurseur et nous sommes confiants que cette approche va nous permettre d'aboutir à une solution à long terme.

Si le chef Austin Bear et son peuple veulent adopter une telle approche, c'est effectivement à sa communauté qu'il appartient d'en décider puisqu'ils vivent actuellement sous le régime de la Loi sur les Indiens, une loi exorbitante. S'ils le veulent, ils peuvent adhérer aux changements proposés et se sentir plus à l'aise dans leur vie quotidienne. Le choix leur appartient à eux et à leur peuple. Ce ne sera pas Blaine Favel qui leur dit de faire ou de ne pas faire cela. Notre ligne politique, qui me paraît constituer une approche de plus grande envergure, est de nous fonder sur les droits qui nous sont garantis et que nous revendiquons; cela dit, c'est aux communautés elles-mêmes qu'il appartiendra de choisir la démarche qu'elles entendent adopter.

M. Claude Bachand: Je n'ai pas d'autres questions à poser.

Le président suppléant (M. John Murphy): Nous vous remercions de votre exposé. Si vous avez autre chose à dire en guise de conclusion, ce serait le moment de le faire.

Le grand chef Favel: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à dire, pour conclure, qu'il me semble, à en croire les commentaires de presse, qu'au cours des prochains mois vous allez devoir faire preuve de beaucoup de sens politique. Si le comité permanent a l'occasion de se rendre en Saskatchewan, cependant, la FSIN aimerait beaucoup accueillir ses membres car nous estimons être à l'avant-garde de ce qui se passe ici en Saskatchewan. Nous en avons fait la preuve dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la justice, par la création de la banque des Premières nations et dans de nombreux autres domaines.

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Nous nous attachons surtout à obtenir la reconnaissance des relations traditionnelles prévues dans le traité - à faire reconnaître notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale - également à inspirer à notre peuple de l'espoir, de l'optimisme et l'idée que l'avenir sera plus radieux que le passé que nous avons vécu. Nous voudrions donc vous inviter à venir en Saskatchewan dans un avenir plus ou moins proche. Nous vous ferons goûter à l'hospitalité traditionnelle de la Saskatchewan et nous vous montrerons que bon nombre des réussites dont la Commission royale a souligné l'existence dans l'ensemble du Canada, se sont en fait concrétisées en Saskatchewan. Nous sommes très fiers de cela.

Compte tenu de la tâche très difficile qui vous attend dans le cadre de vos délibérations sur ce projet de loi, nous espérons être tenus au courant de vos travaux. Nous espérons aussi que vous tiendrez compte de nos recommandations concernant les changements qui devraient être apportés à ce texte. C'est la voie qui a été tracée, non pas par moi mais par mes chefs, et nous espérons avoir l'occasion de vous accueillir dans notre territoire.

Merci beaucoup et bonne journée.

Le président suppléant (M. John Murphy): Je tiens à vous remercier de votre excellent exposé. Je vous remercie également de votre invitation. Ce serait un vrai plaisir que d'aller en Saskatchewan et constater vos réussites et nous ne manquerons pas de nous y rendre si nous en avons la possibilité. Ce serait avec plaisir qu'on vous rendrait visite.

Voilà qui met fin à la séance d'aujourd'hui. Encore une fois, je vous remercie.

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