[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous reprenons les audiences publiques sur le projet de loi C-79, loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.
Nous sommes en communication avec Sudbury et nous allons faire un test de son. Est-ce que vous nous entendez à Sudbury?
M. Martin Bayer (président de tribu, United Chiefs and Councils of Manitoulin): Oui.
Le président: Est-ce que c'est bien au chef Martin Bayer que je m'adresse?
M. Bayer: Non pas au chef, mais au président de tribu des United Chiefs and Councils of Manitoulin.
Le président: Parfait, merci beaucoup. Monsieur Bayer, merci beaucoup d'être venu à Sudbury ce matin, pour nous donner votre point de vue sur le projet de loi C-79.
Comme vous le savez sans doute maintenant, nous allons passer 40 minutes ensemble. Ces 40 minutes vous appartiennent; vous pouvez en disposer comme vous voulez, mais nous vous serions reconnaissants de garder du temps pour les questions des membres du comité.
Je m'appelle Ray Bonin, je suis le président du comité. Je représente la circonscription de Nickel Belt, qui entoure la ville de Sudbury, et nous sommes donc de la même région. Nous sommes en compagnie de M. Claude Bachand, du Bloc québécois, de M. Breitkreuz, du Parti réformiste, et nous attendons les députés libéraux Harper et Murphy.
Cela étant dit, je vous cède la parole. Vous pouvez commencer quand vous voudrez.
M. Bayer: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais remercier les membres du comité permanent au nom des chefs, des conseils et des United Chiefs and Councils of Manitoulin de nous avoir invités ce matin à présenter notre point de vue sur le projet de loi C-79.
Les United Chiefs and Councils of Manitoulin, ou UCCM, forment un conseil tribal représentant les droits et les intérêts des six Premières nations de la région de l'île Manitoulin. Il s'agit de la West Bay First Nation, des Ojibways de Sucker Creek, de la Whitefish River First Nation, de la Sheguiandah First Nation, de la Sheshegwaning First Nation, and des Anishinabek de Cockburn Island. Notre peuple comprend les Ojibways, les Adawa et les Pottowatami.
Comme nous n'avons que 40 minutes ce matin, je me consacrerai uniquement aux dispositions du projet de loi C-79 sur lesquelles nous avons des commentaires à faire. Après mon exposé, je répondrai volontiers aux questions des membres du comité.
Je tiens aussi à préciser que mes commentaires ne modifient en rien le point de vue adopté par les United Chiefs and Councils of Manitoulin, à savoir le rejet pur et simple de ces modifications. Cependant, je comparais ce matin pour commenter certaines dispositions de la loi.
Je voudrais commencer mon analyse en faisant référence à certaines dispositions de la loi modificatrice. Je vais tout d'abord donner lecture de la disposition par souci de commodité, de façon que les membres du comité puissent se reporter à la disposition dont je parle. Après mes commentaires et mon analyse... J'ai reçu des propositions intéressantes, concernant la formulation de certaines dispositions, et je vous en ferai également part.
Voilà pour mon introduction, et je vais maintenant passer à mes observations concernant le texte même du projet de loi.
La première disposition dont je voudrais parler est l'article 4. Le paragraphe 4(3) commence ainsi: «Il est aussi entendu que la Loi sur les Indiens, dans la nouvelle application prévue dans la présente loi», etc. Il s'agit en tout cas d'une disposition de non-dérogation. Comme je l'ai dit, cette disposition précise que la nouvelle application
- ne porte pas atteinte à la protection des droits existants - ancestraux ou issus de traités - des
Indiens découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l'article 35 de la Loi
constitutionnelle de 1982, y compris le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Par ailleurs, cette disposition devrait figurer dans le corps de la loi, et non pas dans le préambule.
On peut prétendre que bon nombre des dispositions supprimées à cause de leur caractère paternaliste avaient créé des devoirs et des obligations fiduciaires dans la loi. On pourrait les protéger en ajoutant la phrase que je viens d'énoncer, qui préciserait que ce projet de loi ne déroge à aucune obligation fiduciaire envers les peuples autochtones.
Comme je l'ai indiqué, je ferai tout à l'heure d'autres commentaires sur cette disposition, mais pour l'instant, voilà ce que je voulais dire sur l'article 4 du projet de loi.
L'article suivant dont je voudrais parler... Encore une fois, je rappelle que les seules dispositions auxquelles je vais faire référence, sont celles sur lesquelles j'ai des commentaires. De nombreuses dispositions semblent satisfaisantes, mais il y en a certaines sur lesquelles j'aimerais faire des commentaires. La disposition suivante est le paragraphe 5(2), concernant le non-retrait.
Pour l'essentiel, cette disposition interdit au ministre de retrancher le nom d'une bande de l'annexe une fois qu'il y a été inscrit. À mon avis, c'est là une disposition injuste.
Tout d'abord, même si le ministre parle d'un simple nettoyage de la loi, ces modifications représentent en réalité une refonte de l'ensemble de la Loi sur les Indiens, puisqu'elles portent sur environ 60 p. 100 des dispositions actuelles.
Il ne serait pas déraisonnable d'accorder une courte période d'essai aux Premières nations, de façon qu'elles puissent se familiariser avec le fonctionnement de la nouvelle loi. Si une Première nation estime qu'elle serait mieux administrée ou que sa situation serait meilleure sous le régime de l'ancienne Loi sur les Indiens ou en vertu d'un nouvel accord d'autonomie gouvernementale, cette Première nation devrait avoir la possibilité de se retirer si elle a intérêt à le faire.
On pourrait peut-être envisager une période probatoire de trois ans. Si une Première nation ne s'est pas retirée à la fin de ce délai, elle sera assujettie aux dispositions de la loi et ne pourra plus s'y soustraire. Cette disposition pourrait être utile, étant donné que la loi ne prévoit pas de possibilité de retrait.
Cette interdiction de retrait faite aux Premières nations ne peut que renforcer les craintes que suscitent ces modifications en territoire indien.
La disposition suivante dont je voudrais parler est l'alinéa 6(2)b), concernant les pouvoirs conférés au conseil d'une bande. Cette disposition permet à un conseil de bande d'agir sans convoquer de réunion. Il lui suffit d'adopter une résolution écrite qui sera approuvée par tous les conseillers.
Cette disposition risque de poser des problèmes pour différentes raisons. Tout d'abord, les Premières nations ont désormais à s'occuper de questions de plus en plus complexes concernant la bande. En fait, ces modifications législatives témoignent elles-mêmes de la complexité de la gestion des affaires publiques que doivent désormais assumer les Premières nations. Cette complexité a souvent suscité de l'inquiétude et de la méfiance de la part des membres des collectivités.
On ne va certainement pas atténuer ou apaiser cette inquiétude en permettant aux conseils d'agir sans dûment consulter la collectivité ou sans tenir de réunion. Cette disposition risque d'entraîner des contestations inutiles et coûteuses de la représentativité des conseils devant la Cour fédérale.
En cette période de compressions budgétaires et d'allégement des structures administratives, il convient d'éviter que l'exercice du pouvoir soit purement formel. Par ailleurs, une telle procédure risque d'éliminer les fonctions consultatives et spirituelles que jouent souvent les anciens lors des grandes réunions communautaires.
Enfin, on se souviendra que l'une des plus importantes recommandations formulées dans le rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones a préconisé un plus grand effort d'éducation du public à propos des questions autochtones. Je considère que cet effort d'éducation commence au sein même de nos collectivités, et que les réunions communautaires sont souvent d'excellentes tribunes éducatives.
Peut-être pourrait-on prévoir un délai pendant lequel les conseillers pourraient contester la résolution écrite. S'il n'y a pas d'objection au bout de ce délai, la résolution sera considérée comme adoptée.
Je voudrais maintenant passer à l'article 16.1 de la loi, qui concerne la capacité des bandes. Cette disposition modifie fondamentalement la capacité des bandes en ce qu'elle supprime la nature sui generis reconnue par les tribunaux aux Premières nations.
Dans notre région, les dispositions actuelles de la loi ne nous ont jamais empêchés de faire des affaires ou de gérer nos activités. La modification de la capacité juridique des bandes n'aura pas pour effet d'étendre ou de restreindre cette capacité. Néanmoins, cette disposition risque de mettre les maigres actifs des bandes à la merci de créanciers éventuels.
Quant à l'explication selon laquelle cette disposition est nécessaire pour que la loi soit conforme à la jurisprudence, je considère que cette jurisprudence ne tranche pas de façon précise dans un sens ou dans l'autre en ce qui concerne cette disposition.
Je voudrais maintenant passer à l'article 12, qui supprime le paragraphe 34(1) de la loi concernant les routes, les ponts, les fossés et les clôtures. Cette disposition ne servait à rien, et c'est pourquoi on la supprime.
Cependant, en l'absence d'instructions... je cite le mot à mot de cette disposition, et je vais en donner brièvement lecture:
- Une bande doit assurer l'entretien, en conformité avec les instructions du surintendant, des
routes, ponts, fossés et clôtures dans la réserve qu'elle occupe.
On peut également prétendre que le gouvernement fédéral a la responsabilité fiduciaire d'entretenir ces routes, ponts, fossés et clôtures sur les réserves, et qu'en supprimant cet article, le ministre se décharge de cette responsabilité.
Je passe maintenant à l'article 14, qui ajoute à la loi, le sous alinéa 43(c.1), ainsi libellé:
- déclarer, pour tout ce qui touche les legs ou la transmission par droit de succession, que telle
personne est réputée être le conjoint d'un Indien décédé;
En outre, le règlement numéro 15 de l'actuelle loi sur les Indiens concernant les testaments semble aller à l'encontre de ce raisonnement. Il habilite le ministre à accepter n'importe quel document écrit comme testament, indépendamment de l'exigence d'un testament en bonne et due forme aux termes de la législation applicable dans toutes les provinces.
Il serait préférable de laisser à la Première nation le soin de déterminer qui est réputé être le conjoint d'un Indien pour tout ce qui touche les legs ou la transmission par droit de succession dans le cas d'un testament, sous réserve des procédures d'appel appropriées.
La disposition suivante dont je voudrais parler est l'article 19, qui remplace l'alinéa 57 a) de la loi. Il s'agit de la disposition qui habilite le gouverneur en conseil à réglementer l'exploitation forestière sur les réserves. Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait empêcher les Premières nations d'exercer elles-mêmes ce pouvoir en vertu de la loi.
Au cours des années à venir, le défi de la négociation et de la réalisation de l'autonomie politique nous obligera à organiser des activités propices au développement économique dans nos collectivités. Ces activités vont créer de l'emploi, des occasions d'affaires et de la richesse, et nous permettront d'améliorer notre situation socio-économique.
Pour réaliser ces activités, nous devons être habilités à les réglementer, notamment dans le domaine commercial. La réglementation de l'exploitation forestière sur les réserves fait partie intégrante du processus que nous allons devoir suivre.
Voilà ce que je voulais dire sur cette disposition. Il me semble que le fait de laisser au gouverneur en conseil, et donc au ministre, le pouvoir de réglementer l'exploitation forestière sur les réserves relève en quelque sorte du paternalisme.
Je voudrais maintenant passer aux articles 70 et 71 de la loi, qui sont entièrement supprimés. Cette suppression soulève des questions intéressantes concernant l'obligation ou la responsabilité fiduciaire du ministre en matière d'enseignement agricole et d'achat de semences.
Par souci de commodité, je vais donner lecture de l'actuel paragraphe 70(1) de la Loi sur les Indiens:
- Le ministre des Finances peut autoriser l'avance au ministre, sur le Trésor, des sommes
d'argent dont ce dernier a besoin pour être en mesure:
Les commentaires concernent également les alinéas 70(1)b), 70(1)c) et 70(1)d).
J'estime qu'encore une fois, le ministre se décharge de sa responsabilité fiduciaire, consacrée dans la loi, de prendre lui-même en charge l'achat de ces biens et services. Même si certaines bandes ou certains Indiens n'ont pas besoin de graines de semence ou de matériel de clôture, le ministre a une obligation et une responsabilité fiduciaires qui, du reste, sont également affirmées dans d'autres dispositions de la loi.
Cette responsabilité et cette obligation fiduciaires ont été créées lorsque les Premières nations ont décidé de partager la terre, et le ministre ne peut pas s'en décharger unilatéralement.
Pour contrebalancer la suppression de cette disposition, il faudrait que la loi indemnise les Premières nations de la disparition de cette responsabilité fiduciaire, puisqu'elle visait à donner à nos collectivités et à nos Premières nations l'assurance qu'en échange du partage de la terre, le gouvernement fédéral s'engageait à leur fournir ces biens et ces services.
La disposition suivante dont je voudrais parler est le projet d'article 80.1, qui habilite le ministre à approuver les procédures électorales.
D'après ce projet d'article, le ministre détermine le niveau d'appui nécessaire de la part des membres de la bande avant d'approuver une nouvelle procédure électorale. Cette disposition risque de poser des problèmes parce qu'elle n'indique pas le niveau d'appui que le ministre est censé juger satisfaisant. Il risque d'en résulter des contestations des procédures électorales, comme cela s'est déjà produit. En outre, cette disposition ne tient nullement compte de l'avis de la bande quant au niveau d'appui que doit recueillir la nouvelle procédure.
La formulation de cette disposition est imprécise et en conséquence, le ministre devra déterminer à lui seul le niveau d'appui nécessaire à l'approbation d'une procédure électorale... Ce manque de précision laissera la porte ouverte aux contestations devant la Cour fédérale une fois que la procédure aura été approuvée. Je sais que ce genre de situation s'est déjà produit à plusieurs reprises; il faudrait en tenir compte et se montrer plus prudent à l'avenir.
Le dernier article dont je voudrais parler est le projet d'alinéa 81(1)o.1), qui traite, lui aussi, de la réglementation de la coupe du bois sur les réserves pour usage personnel. Il s'agit d'une disposition paternaliste dans la mesure où seule la coupe de bois pour usage personnel est réglementée. Ainsi, la bande est habilitée à réglementer la coupe du bois dans la mesure où elle est destinée à un usage personnel. Cette disposition semble contraire aux principes d'autonomie gouvernementale et économique. Vous pourriez envisager d'habiliter la bande à adopter des arrêtés pour réglementer la coupe du bois à des fins commerciales sur son territoire. La coupe du bois de chauffage est un exemple d'activité commerciale pour laquelle on pourrait étendre le pouvoir de réglementation; on créerait ainsi des emplois et une source supplémentaire de revenus pour la collectivité.
Enfin, mes derniers commentaires concernant l'ensemble de ce projet de loi portent sur la consultation. Je sais que vous en avez beaucoup entendu parler cette semaine et je ne vais pas me lancer dans une longue discussion pour demander si cette modification de la loi a fait l'objet d'une consultation suffisante, mais je voudrais vous dire ceci: je signale aux membres du comité qu'en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982... Je voudrais vous donner lecture de l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle:
- Les gouvernements fédéral et provinciaux sont liés par l'engagement de principe selon lequel le
premier ministre du Canada, avant toute modification de la catégorie 24 de l'article 91 de la Loi
constitutionnelle de 1867, de l'article 25 de la présente loi ou de la présente partie:
- - il s'agit de l'article 35 de la Loi constitutionnelle qui traite des droits des peuples
autochtones -
b) invitera les représentants des peuples autochtones du Canada à participer aux travaux relatifs à cette question.
Je voudrais dire ceci: il est difficile de concevoir un ensemble de modifications législatives qui répondent à ce critère. Ce qui nous occupe ici, ce sont les Indiens et les terres réservées pour les Indiens, c'est-à-dire la catégorie 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle. J'estime que dès qu'on amorce une refonte de la Loi sur les Indiens, comme on le fait ici, il faut appliquer l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle, puisqu'il est question d'une refonte touchant environ 60. p. 100 de la Loi sur les Indiens.
J'estime que les gouvernements du Canada et des provinces devraient honorer les engagements pris lors de l'adoption de cette Constitution. C'est précisément pour cette raison que les groupes autochtones ont fait pression pour inclure cette disposition à la Constitution, de façon à éviter la situation où nous nous trouvons aujourd'hui et dans laquelle on veut procéder à une révision majeure d'une loi qui régit tous les aspects de notre vie sur les réserves. Je pense qu'il convient de respecter la Constitution, en particulier son article 35.1, qui prévoit, dans un tel cas, la convocation d'une conférence des premiers ministres.
Sous réserve des questions des membres du comité, voilà les commentaires que je voulais faire ce matin. Je tiens à vous remercier de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bayer, de cet excellent exposé. Il est évident que vous avez bien fait vos devoirs et que vous nous avez soumis une analyse tout à fait professionnelle. J'ai vu les membres du comité prendre des notes pendant votre exposé.
Je n'en dirai pas davantage, car il nous reste 15 minutes pour les questions. Chaque parti aura cinq minutes. Nous allons commencer par M. Bachand, du Bloc québécois.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur Bayer, je vous remercie de votre présentation, que je qualifierais de juridique parce que vous avez fait un bon survol de l'ensemble du projet de loi en apportant des commentaires juridiques sur chacun des amendements qui sont proposés.
Je m'excuse toutefois d'avoir manqué le début de votre présentation. Je suis arrivé au moment où vous entrepreniez votre critique de chacun des articles et de chacune des dispositions. Ayant manqué le début, je dois vous demander si vous avez pris parti contre le projet de loi C-79. Vous pourrez toujours me répondre, le répéter, en même temps que vous répondrez à mes autres questions.
Vous avez dit, au cours de votre présentation, craindre que les responsabilités fiduciaires du gouvernement fédéral soient diminuées. Vous avez parlé de paternalisme. Vous vous êtes dit inquiet de ce que plusieurs de ces articles puissent être présentés devant les tribunaux et vous nous avez fait une démonstration sans équivoque du fait qu'on allait contre l'article 35.1 de la Constitution de 1982. Est-ce que vous vous contenteriez de certaines modifications apportées à l'ensemble des articles ou si vous recommandez que le comité rejette tout simplement le projet de loi C-79?
[Traduction]
M. Bayer: Merci beaucoup de vos commentaires et de votre question.
Je dois rappeler d'emblée - et c'est peut-être cela que vous n'avez pas entendu - que je présente mes commentaires ce matin sous réserve du point de vue des United Chiefs and Councils of Manitoulin, qui considèrent qu'il faut rejeter ces modifications. Nous avons d'ailleurs adopté une résolution à cet effet. Cependant, malgré cette résolution de rejet, j'ai estimé devoir intervenir sur le projet de loi. Voilà pourquoi j'ai fait des commentaires ce matin.
Vous demandez s'il y a lieu de réviser entièrement le projet de loi ou d'en réviser certaines dispositions. Je considère certaines dispositions comme satisfaisantes, ou du moins inoffensives, alors que d'autres nous semblent incontestables. Je les ai signalées, et j'ai fait part de mes préoccupations.
En ce qui concerne l'obligation fiduciaire, vous savez sans doute qu'elle peut revêtir différentes formes pour le gouvernement fédéral. Elle peut découler d'un traité, d'une loi, de la common law ou d'un engagement spécifique créant une obligation fiduciaire. Je considère que l'histoire et la Loi sur les Indiens ont créé la première obligation fiduciaire de la Couronne, qu'il s'agisse de la Couronne fédérale ou du gouvernement provincial, car nous savons tous que ce sont les provinces qui ont profité des terres lors de la Confédération en 1867, grâce au paragraphe 92(13) sur la propriété et les droits civils dans la province.
Je prétends que de nombreuses dispositions de la Loi sur les Indiens ont pour effet de créer une obligation et une responsabilité fiduciaires. On peut même prétendre que toute la loi crée une telle obligation fiduciaire car par cette loi, on a dit aux peuples autochtones du Canada qu'en échange du partage de la terre on allait prendre soin d'eux; l'adoption de la Loi sur les Indiens permettait au gouvernement fédéral de veiller aux intérêts des Indiens. À mon avis, cela crée une obligation fiduciaire.
En ce qui concerne les dispositions supprimées, elles montrent que le gouvernement cherche à se départir de sa responsabilité fiduciaire. Je considère que le ministre ne peut pas unilatéralement se départir de cette responsabilité fiduciaire, car n'oublions pas qu'elle a été créée à différentes époques de l'histoire, y compris lors du premier contact, lorsque les colons européens sont arrivés, qu'ils avaient besoin de terres pour s'établir et que des engagements ont été pris en contrepartie du partage de la terre. C'est ce que précisait la Loi sur les Indiens.
Le ministre a décidé de supprimer certaines dispositions de la loi, qu'il juge paternalistes; elles sont peut-être paternalistes, mais à mon avis, elles créent une obligation fiduciaire et je ne pense pas qu'en toute équité, le ministre puisse décider unilatéralement de supprimer ces dispositions sans contrepartie.
Le président: Monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton - Melville, Réf.): Je vous remercie de votre exposé et du temps que vous y avez consacré.
Dans quelle mesure vos propos traduisent-ils l'opinion de la base des Autochtones des réserves de votre région? Est-ce que vous leur avez fait part de la teneur du projet de loi C-79? Vos propos traduisent-ils leur opinion? Est-ce que vous les avez rencontrés? Est-ce qu'ils ont lu le projet de loi C-79? Sont-ils satisfaits de la Loi actuelle sur les Indiens? Dans ce cas, je pense qu'ils préféreraient la garder. Dans le cas contraire, sont-ils satisfaits du projet de loi C-79? Est-ce qu'il répond à toutes leurs préoccupations? Autrement dit, je vous demande si votre exposé traduit les préoccupations de tous les Autochtones de la région de l'Île Manitoulin.
M. Bayer: Merci beaucoup de votre question.
Les opinions que je vous présente ce matin traduisent les discussions et les décisions qui ont été prises lors d'une conférence et d'un atelier que nous avions organisés précisément à cette fin. Vous comprenez bien que l'on a annoncé récemment beaucoup de choses importantes qui touchaient les peuples autochtones. D'abord, on nous a annoncé qu'il y aurait des modifications à la Loi sur les Indiens qui seraient présentées sous peu. Ensuite, la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones a publié son rapport, et puis enfin, on nous a annoncé des ententes sur les transferts financiers.
Tous ces thèmes ont donc été soumis à mon peuple lors de la conférence que j'avais organisée. J'y avais invité des anciens, nos représentants élus et tous les habitants de notre collectivité. Nous étions nombreux. Cette conférence a stimulé la discussion et le dialogue, qui furent très constructifs, et elle nous a permis d'expliquer tout cela à notre peuple, puisqu'on ne peut nier que les amendements à la Loi sur les Indiens soient complexes. Le rapport de la Commission royale d'enquête est lui-même extrêmement exhaustif, puisqu'il compte quelque 4 000 pages; quant aux accords de transferts financiers, ils sont de nature technique, et il a fallu les expliquer à nos membres.
Je répondrai donc par l'affirmative à votre question: nous avons d'abord eu de longues consultations avec mes Premières nations, et puis, de façon collective, les chefs et conseils unis de Manitoulin ont été l'hôte d'un atelier spécial qui s'est tenu il y a environ un mois et qui portait sur ces trois grands thèmes. Il s'agissait de se réunir de façon spécifique pour discuter de ces questions.
Le président: Merci beaucoup. M. Harper a maintenant cinq minutes.
M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Merci, monsieur le président.
Chef Bayer, merci de vos propos. D'abord, je sais que vous avez parlé de la consultation. J'ai expliqué, au tout début de nos audiences, que l'idéal, ce serait de nous rendre dans toutes les collectivités et de consulter les masses, ce qui est malheureusement impossible. Même la Commission royale d'enquête, qui a consacré cinq années à son étude, n'a évidemment pas pu se rendre dans toutes les collectivités intéressées, et pourtant son rapport est massif, car il compte 4 000 pages et quelque 27 autres publications.
Cela dit, notre démarche à nous vise à proposer une autre mesure législative. Ce projet de loi-ci est autonome et ne vise aucunement à modifier la Loi sur les Indiens.
Vos propos donnent à entendre que vous êtes tout à fait contre, ce qui signifie qu'aucune des bandes ne choisira d'y adhérer. Par conséquent, les dispositions dont vous parlez ne les toucheront pas, puisqu'elles s'appliqueront toujours au titre de la Loi sur les Indiens. Je crois que cette démarche législative ne sera pas la voie que choisiront les Premières nations ou les chefs et qu'ils ne considéreront pas que c'est un moyen intéressant pour améliorer nos relations. Personnellement, je crois qu'il faut aller à un palier plus élevé, c'est-à-dire jusqu'au palier du traité, pour négocier de nation à nation. C'est ce que chacun voudrait, et cette méthode permettrait de discuter de beaucoup de choses.
Vous semblez croire que ce projet de loi-ci, qui est autonome, crée certaines obligations fiduciaires, dès lors que les bandes décident d'y adhérer. Cela vous inquiète. Prenons pour exemple le fait que le ministre doit autoriser la vente des produits agricoles. Cette obligation empêche évidemment les bandes de vendre elles-mêmes leurs produits. Comment, d'après vous, le projet de loi peut-il éliminer ou créer une obligation fiduciaire? Ne croyez-vous pas que cette disposition particulière permet en elle-même d'éliminer l'obligation fiduciaire?
J'en ai déjà discuté avec certains chefs. J'imagine que cela se justifie que le ministre soit celui qui autorise la vente des produits agricoles, mais le projet de loi dont nous sommes saisis élimine cette obligation; le projet de loi stipule que les bandes peuvent vendre directement leurs produits agricoles, sans que le ministre ait à l'interdire ou à l'approuver. Qu'en pensez-vous?
Le président: C'est peut-être injuste, monsieur Bayer, mais vous n'avez que deux minutes pour répondre.
M. Bayer: J'essayerai d'être bref.
Avant de répondre à votre question, monsieur Harper, j'aimerais signaler que si je comparais, ce matin, c'est malgré le fait que les United Chiefs and Councils of Manitoulin aient rejeté par voie de résolution ces amendements et malgré que nous pourrions choisir de ne pas adhérer à la loi. Si je comparais, c'est parce qu'il s'en faut de peu que cette loi ne devienne exécutoire. Un jour viendra où le ministre des Affaires indiennes imposera à nos peuples les accords de transferts financiers et où, faute d'avoir les ressources suffisantes, nous ne pourrons plus fournir à nos peuples ni programmes ni services. C'est là où entrent en jeu les modifications à la Loi sur les Indiens.
Ces mesures contiennent certaines dispositions spécifiques qui visent à créer un cadastre et à établir un régime foncier en fief simple. Cela revient à ouvrir la porte à une taxe qui serait imposée sur nos terres et à nos peuples. Donc, si je comparais ce matin, c'est parce que je suis fermement convaincu qu'un jour viendra où cette loi s'appliquera à tous et qu'il deviendra économiquement nécessaire qu'elle s'applique.
En ce qui concerne la nature fiduciaire des dispositions contenues dans la Loi sur les Indiens, j'estime pour ma part qu'il s'y trouve certaines dispositions spécifiques qui créent une responsabilité ou un devoir fiduciaire de la part de l'État qui doit autoriser la vente de produits, agricoles et autres, par exemple. Par ailleurs, la loi prévoit aussi une obligation ou devoir fiduciaire de la part de l'État qui doit fournir certains biens et services.
La suppression complète de ces dispositions de la Loi sur les Indiens se traduit par le retrait de cette responsabilité et obligation fiduciaires de la part du ministre, du simple fait que l'on supprime toute une partie de la loi; il suffit au ministre de se justifier en disant que cette partie de la loi est paternaliste. En fait, cela permet tout simplement au ministre de se soustraire à sa responsabilité fiduciaire et de cesser de fournir certains des services qui sont énumérés dans la Loi actuelle sur les Indiens.
Le président: Merci beaucoup. Votre témoignage conclut cette partie-ci de nos audiences.
Président Bayer, merci de tous vos efforts. Vous vous êtes fort bien préparé et votre témoignage sera d'une grande aide à notre comité. Merci et au revoir.
M. Bayer: Merci, monsieur le président.
Le président: Nous nous dirigeons maintenant vers Montréal pour rencontrer les Mamit Innuat.
Nous suspendons la séance pendant cinq minutes.
[Français]
Le président: Nous allons reprendre l'audience publique portant sur le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.
Nous avons devant nous le conseiller juridique de Mamit Innuat, M. Armand McKenzie. Monsieur McKenzie, est-ce que vous allez faire votre présentation en anglais ou en français? À vous de choisir.
[Traduction]
M. Armand McKenzie (conseiller juridique, «Mamit Innuat»): Je parlerai en français et en anglais.
Le président: Bien, je ferai de même.
Monsieur McKenzie, merci beaucoup de comparaître. Nous vous écoutons avec plaisir.
Je m'appelle Ray Bonin et je préside le comité. Je suis accompagné de M. Claude Bachand, du Bloc québécois, de M. Elijah Harper, du Parti libéral, de M. Charles Hubbard, du Parti libéral, et de M. John Murphy, du Parti libéral, qui se tient tout juste à l'extérieur de la salle.
Nous passerons les 40 prochaines minutes ensemble. Ces minutes vous appartiennent, mais nous vous serions reconnaissants de nous laisser du temps pour vous poser des questions.
Vous avez maintenant la parole, monsieur McKenzie. Vous pouvez commencer quand vous le voudrez.
M. McKenzie: [Le témoin s'exprime en langue autochtone]
[Français]
de ce Comité permanent des affaires autochtones, vous me permettrez de parler d'abord dans ma langue.
Le président: C'est à vous de choisir. Ces 40 minutes vous appartiennent. Si vous parlez dans votre langue, M. Harper va probablement vous comprendre. Je trouve qu'il est approprié que vous fassiez une partie de votre présentation dans votre langue.
[Traduction]
M. McKenzie: [Le témoin poursuit en langue autochtone]
[Français]
Membres du comité, nous considérons comme un privilège de vous adresser la parole ce matin afin de vous faire part des préoccupations des Premières Nations de Mamit Innuat sur le projet de loi visant à modifier de façon facultative l'application de la Loi sur les Indiens.
Évidemment, nous aurions voulu nous présenter en personne devant vous plutôt que par voie de vidéoconférence. Nous l'avons déjà indiqué dans notre lettre vous demandant de comparaître devant vous. Nous aurions préféré le faire en personne plutôt que par vidéoconférence.
Je m'appelle Armand McKenzie et je suis le conseiller juridique des Premières Nations de Mamit Innuat. Je suis accompagné de Me Ken Rocque, qui est également conseiller juridique de Mamit Innuat.
Je vais vous décrire un peu les Premières Nations de Mamit Innuat. Le nom signifie «gens de l'est» et désigne les quatre communautés innus de la Basse-Côte-Nord: celles de Mingan, de Natashquan, de La Romaine et de Pakuashipi, qui regroupent les 2 500 personnes que nous représentons.
À titre de Premières Nations de Mamit Innuat, nous détenons des droits territoriaux sur approximativement 250 000 kilomètres carrés de Nitassinan, un territoire aujourd'hui connu des gens venus d'ailleurs sous le nom de Péninsule Québec-Labrador.
Les Premières Nations de Mamit Innuat ont, depuis des millénaires, occupé de façon continue ce territoire. Enfin, les Premières Nations de Mamit Innuat sont les premiers gouvernements de Nitassinan.
Malgré l'utilisation et l'occupation abusive de notre territoire, malgré les actions et les lois des gouvernements de la société dominante, les Premières Nations de Mamit Innuat continuent encore aujourd'hui d'affirmer, à titre de peuple et de nation, leur juridiction et d'appliquer leurs lois sur le territoire de Nitassinan.
Enfin, à travers ces manifestations, les Premières Nations de Mamit Innuat exercent leur droit à l'autodétermination. Les Premières Nations de Mamit Innuat font partie de la grande nation Innu, nation fière et forte qui a su vivre sur le territooire de Nitassinan dans le respect de l'environnement et des êtres du Créateur.
Les Innus sont un peuple au sens du droit international et possèdent tous les attributs liés à ce statut. Ils ont une langue, une culture et une histoire communes, un mode de gouvernement distinct de celui des autres peuples, qui assure la juridiction innu sur le territoire. C'est à ce titre qu'ils ont toujours gouverné Nitassinan.
Les Premières Nations de Mamit Innuat ont par ailleurs, depuis l'arrivée des Européens, entretenu des relations de nation à nation avec ces nouveaux arrivants. Toutefois, le statut de ces gens ainsi que leurs droits sur Nitassinan n'ont jamais été éclaircis par traité avec les Premières Nations de Mamit Innuat.
En d'autres endroits, la Couronne britannique et, par la suite, le gouvernement du Canada ont conclu des traités avec d'autres nations autochtones afin de clarifier les droits et juridictions de chacune des parties.
Un tel exercice n'a toutefois jamais été réellement réalisé avec les Premières Nations de Mamit Innuat, et c'est pourquoi nous poursuivons actuellement des négociations territoriales et gouvernementales fondées sur l'égalité des peuples afin de clarifier les juridictions et souverainetés territoriales de nos gouvernements respectifs.
Ce matin, plutôt que de mettre l'accent sur les manières de modifier le projet de loi C-79, nous désirons axer notre intervention sur les deux points suivants: tout d'abord, le rôle fiduciaire du ministre des Affaires indiennes et le processus superficiel de consultation dans le cadre de l'élaboration de ce projet de loi; ensuite, la nécessité d'établir de nouvelles relations fondées sur le respect des lois des Premières Nations.
Quant au premier volet de notre intervention, soit le rôle fiduciaire du ministre des Affaires indiennes et le processus superficiel de consultation dans le cadre du projet de loi C-79, les Premières Nations de Mamit Innuat sont outrées du comportement du ministre des Affaires indiennes, Ronald Irwin, dans le projet de loi visant la modification de la Loi sur les Indiens.
Nous tenons ici à le dénoncer devant ses collègues. M. Irwin prétend avoir obtenu l'assentiment de la majorité des dirigeants autochtones pour réaliser son projet de modification de la Loi sur les Indiens, ce qui est absolument faux.
Lors de la rencontre annuelle de l'Assemblée des Premières Nations, qui s'est tenue en juillet dernier, ou lors d'autres rencontres subséquentes, les dirigeants autochtones, incluant les chefs et leaders des Premières Nations de Mamit Innuat, ont exprimé leur inquiétude face au projet de modification de la Loi sur les Indiens par le gouvernement fédéral.
Ces derniers ont à plusieurs reprises dénoncé la procédure prônée par le ministre Irwin pour concrétiser son projet de modification de la Loi sur les Indiens. À plusieurs occasions, les dirigeants autochtones ont déclaré que le processus de consultation du gouvernement fédéral ne tenait pas compte de la vive opposition des Premières Nations. Encore aujourd'hui, nous continuons à dire non à toute modification de la Loi sur les Indiens telle que proposée par le ministre Irwin.
Or, dans ce dossier, le ministre des Affaires indiennes, Ron Irwin, agit de manière agressive pour faire adopter et imposer de façon unilatérale la loi malgré les tentatives répétées de l'Assemblée des Premières Nations d'amener le gouvernement à s'asseoir avec les représentants de nos peuples afin de discuter de modifications qui seraient plus respectueuses de leurs droits et aspirations, et afin de discuter des meilleures façons d'abolir la Loi sur les Indiens. Mais Ron Irwin préfère ignorer les préoccupations des Premières Nations. L'on pouvait s'attendre à mieux de la part d'un fiduciaire.
Membres du comité, par ce projet de loi et par cet exercice, le gouvernement libéral ne satisfait même pas aux exigences du cas Sparrow en matière de consultation auprès des peuples autochtones lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des politiques ou des lois gouvernementales affectant leurs droits ancestraux issus de traités.
La consultation du ministre des Affaires indiennes n'a été que superficielle même s'il a tenté de vous démontrer le contraire au cours de sa présentation. Pire encore, nous sommes d'avis que Ron Irwin, en tant que fiduciaire des droits et intérêts des Premières Nations et en tant que ministre de la Couronne, ne respecte même pas les normes de conduite dans le traitement des affaires indiennes tel que l'exige l'arrêt Guerin de la Cour suprême du Canada.
Il nous semble clair que quand 85 p. 100 des bandes indiennes signifient à leur fiduciaire qu'elles ne désirent pas des modifications à la Loi sur les Indiens tel que le propose le projet de loi C-79, la moindre des choses que ce fiduciaire pourrait faire serait de nous écouter et de mettre un terme à son entreprise. Or, notre fiduciaire ne le comprend pas et c'est pour cette raison que nous avons demandé à Jean Chrétien d'en nommer un autre.
Plutôt que de s'acharner à vouloir améliorer une loi coloniale désuète, M. Ron Irwin devrait passer à des choses sérieuses et discuter des moyens de mettre en oeuvre les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones. C'est là le deuxième point de notre intervention, c'est-à-dire la nécessité d'établir de nouvelles relations fondées sur le respect des droits des Premières Nations.
Lorsque nous faisons une analyse globale des pouvoirs du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien sur les Premières Nations dans le cadre de la Loi sur les Indiens, nous pouvons facilement en arriver à la conclusion que ces pouvoirs sont loin de protéger les droits et intérêts des Premières Nations, mais préservent plutôt le maintien du contrôle des pouvoirs de l'État canadien sur les Premières Nations, ce qui est évidemment à l'opposé de nos aspirations.
Les nations Mamit Innuat, comme d'autres groupes autochtones, sont soumises à un statut juridique très particulier. Elles font l'expérience d'une loi coloniale, la Loi sur les Indiens, qui contrôle presque tous les aspects de leur vie, de la naissance jusqu'à la mort. En fait, aucun autre peuple ou groupe de la société canadienne ne se trouve à faire l'objet d'une loi du gouvernement.
En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, les Premières Nations sont encore à l'heure actuelle un objet de loi au même titre que les banques, les chemins de fer ou les bureaux de poste. Cela confirme la situation de colonisées dans laquelle les Premières Nations sont maintenant confinées. Cela confirme aussi l'état d'infériorité dans lequel...
[Difficultés techniques - La rédactrice] ...avec la complicité des provinces. Toutes les actions gouvernementales ont toujours consisté à maintenir les Premières Nations dans ce statut d'inférieures.
Face à une telle situation, existerait-il des solutions de rechange? Certainement. Il faut se débarrasser de cette loi coloniale, mais pas à n'importe quel prix. Il faut se débarrasser des Affaires indiennes, de leur contrôle colonial, de cette loi archaïque qu'est la Loi sur les Indiens. Nous croyons fermement que là se trouve la clé du changement, la clé pour établir une nouvelle relation entre les Premières Nations et le reste de la population.
Il est inacceptable qu'il existe encore aujourd'hui un tel type de relations entre des peuples et des nations. Il est complètement aberrant et colonial d'assujettir un peuple par une loi et d'en faire ainsi un partage de compétences dans la plus haute loi de ce pays, comme on fait le partage de compétences sur la question des bureaux de poste, des amarres et des bateaux, de l'assurance-chômage, etc. C'est pour cette raison qu'il est urgent de se débarrasser de cette vieille loi anglaise encore suivie par quelques bureaucrates des Affaires indiennes des bureaux d'Ottawa et de Québec. Cette vieille loi ne rend service à personne, pas plus aux Innus qu'aux non-Innus.
Plutôt que d'essayer de bonifier cette loi dépassée, M. Ron Irwin devrait placer ses priorités dans le bon ordre. S'il veut légiférer sur les Indiens, qu'il le fasse en leur faveur. Par exemple, le fédéral pourrait utiliser son pouvoir législatif afin de préciser les pouvoirs inhérents des peuples autochtones en matière de pêcherie, par exemple les rivières à saumon qui sont un domaine fédéral, et afin d'indiquer le rôle des Premières Nations dans le domaine de l'administration de la justice, particulièrement dans le domaine criminel. Pourquoi le fédéral n'utilise-t-il pas la juridiction qui lui est reconnue au paragraphe 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour s'assurer que la gestion de la Loi sur les oiseaux migrateurs soit appliquée par les Premières Nations, pour les Premières Nations?
Dans tous ces exemples et dans d'autres domaines comme la santé et les services sociaux, le gouvernement fédéral agit comme s'il était le fiduciaire des intérêts des provinces. Au lieu de s'assurer que les Premières Nations aient des pouvoirs réels d'intervention dans des secteurs clés pour elles, comme dans le domaine des rivières à saumon au Québec, le gouvernement fédéral abandonne ses responsabilités envers les peuples autochtones au profit d'un accroissement des pouvoirs des provinces.
Si M. Ron Irwin était sérieux, c'est ce genre d'initiatives législatives, c'est ce genre de projets de loi qu'il déposerait à votre comité. Votre temps et le nôtre sont trop précieux pour traiter du projet de loi C-79.
Des solutions de remplacement au projet de loi C-79, il en existe. Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones nous trace la voie qui conduit à de nouvelles relations fondées sur le partage des pouvoirs et des ressources et sur la reconnaissance mutuelle.
La Commission royale a fait plus de 400 recommandations indiquant la voie à suivre par les gouvernements des Premières Nations, du fédéral, des provinces et des territoires. Cette commission donne un plan complet d'actions et de mesures à mettre en oeuvre afin d'instaurer une justice sociale pour les peuples autochtones.
La Commission a formulé bon nombre de recommandations afin d'accélérer le processus des négociations territoriales et gouvernementales entre les peuples autochtones, le fédéral, les provinces et les territoires. Ron Irwin doit arrêter d'étudier les moyens par lesquels il réussira à mettre en veilleuse les recommandations de cette importante commission d'enquête. S'il veut donner une chance au Canada, qu'il exhorte son premier ministre à rencontrer les dirigeants des peuples autochtones afin de discuter des vrais enjeux et de la mise en oeuvre du plan d'action de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Monsieur Irwin, la voie de la décolonisation est celle qu'il faut suivre. Ce n'est pas celle de la délégation de pouvoirs dans le cadre d'une loi dépassée. Monsieur Irwin, si le message n'est pas assez clair, nous disons non au projet de loi C-79. Monsieur Irwin, non à C-79!
Nous vous remercions.
[Le témoin poursuit dans sa langue]
Le président: Je vous remercie, monsieur McKenzie, de votre présentation. Je vous dirai d'abord que le ministre Irwin n'entend pas les messages que vous lui adressez parce qu'il ne fait pas partie de ce comité.
Vous avez été invité à venir discuter du projet de loi C-79. Comme je l'ai dit au début, cette période de 40 minutes vous appartient et il vous est permis de l'utiliser de la façon que vous préférez.
Il est toutefois regrettable que votre présentation ne contienne pas beaucoup d'information qui puisse nous aider à débattre du projet de loi C-79 lorsqu'on le fera jeudi mais, comme je le disais, ce temps est à vous.
Il reste une vingtaine de minutes à consacrer aux questions. Monsieur Bachand, du Bloc québécois.
M. McKenzie: Avant que vous fassiez votre intervention...
Le président: Allez-y, monsieur McKenzie. Est-ce que vous aviez quelque chose à dire auparavant? Allez-y.
M. McKenzie: Non.
Le président: Une question de monsieur Bachand, du Bloc québécois.
M. Claude Bachand: Armand, je voudrais te remercier de ta présentation. C'est vrai que le ministre Irwin n'est pas assis à cette table, mais certains membres du comité, dont moi-même, pourront se charger de lui transmettre les messages que nous adressent assez clairement les Premières Nations, y compris toi-même.
Il y a un autre point dont j'aimerais discuter formellement parce que le président en parle depuis quelque temps. Je pense, monsieur le président, que vous voulez procéder à l'étude du projet de loi article par article dès jeudi. Avez-vous l'intention de tenir une séance de procédure pour qu'on puisse emprunter cette voie-là ou si vous avez déjà un plan tout tracé en tête? Aurons-nous des discussions sur la pertinence de faire l'étude jeudi?
Le président: Si vous voulez utiliser les 40 minutes qui sont accordées à M. McKenzie pour discuter de procédure, je veux bien, mais ce serait presque une injustice à lui faire. L'étude article par article doit commencer immédiatement après la fin des consultations. Comme les consultations se terminent aujourd'hui et les consultations par écrit, demain, à moins que le comité veuille prolonger cette période par vote majoritaire, l'étude article par article devrait débuter jeudi matin.
M. Claude Bachand: Effectivement, je ne voudrais pas prendre trop du temps de M. McKenzie. Je trouve que la présentation de M. McKenzie est probablement la plus claire qu'on ait entendue depuis que nous sommes à l'écoute des Premières Nations. Leur réponse est non, en particulier parce que la consultation n'a pas eu lieu. C'est non également à cause de la vétusté de Loi sur les Indiens. Qu'est-ce que cela donne d'essayer de changer un instrument vieux de 100 ans? Ce n'est pas là la voie d'une solution.
J'ai bien aimé aussi, monsieur McKenzie, que vous ayez signalé le fait qu'on est en train de légiférer ici, à Ottawa, sur les Premières Nations comme s'il s'agissait de mines ou de forêts. C'est effectivement un champ de compétence fédérale et le ministre est en train de décider de votre avenir.
Il est certain qu'il est étudié en comité, que toute une procédure est suivie avant l'étape de la troisième lecture, mais en fin de compte, c'est le Parlement canadien qui va décider de quelle façon vous allez vivre à partir de maintenant.
J'ai dit aux Premières Nations qui sont passées devant nous que je ne voyais pas de différence entre le ministre actuel des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministre d'il y a 100 ans. Vous pouvez peut-être expliquer votre point qui portait sur le paternalisme. Voyez-vous une différence entre ce qu'on dit dans les livres d'histoire des ministres de l'époque, qui imposaient mille et une choses, et le ministre actuel qui vient déclarer qu'il sait ce qui est bon pour vous et qu'il va vous l'imposer, peu importe ce que vous en pensez? C'est ma question.
M. McKenzie: Monsieur Bachand, je vous remercie de votre question. Laissez-moi vous dire que la manière dont M. Irwin a conduit sa consultation est absolument incroyable. Voilà la documentation, monsieur Bachand, que nous avons reçue du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, nous demandant des questions et des réponses, des commentaires sur des projets de modification de lois, etc.
Comme je l'ai dit plus tôt, notre temps et le vôtre sont trop précieux pour étudier des projets de loi de ce genre. On ne peut pas bonifier le projet de loi C-79. On ne peut pas bonifier la Loi sur les Indiens. Il faut faire porter nos énergies et nos efforts sur les négociations territoriales et gouvernementales et sur les recommandations de la Commission royale.
Je n'ai jamais vu, dans toute ma carrière, un ministre s'acharner autant à faire passer son point de vue sur des groupes autochtones quand 85 p. 100 des gens ont dit non. Le message ne semble pas assez clair. On a dit à M. Irwin: Non à C-79. On l'a dit à Winnipeg, à Ottawa. On a envoyé des résolutions. On lui a fait part de nos représentations par le biais de l'Assemblée des Premières Nations, par le chef national.
On nous dit qu'il contient la reconnaissance du droit inhérent pour les peuples autochtones, des mesures pour les peuples autochtones, mais tout ce qu'on nous propose, c'est une loi dans laquelle on délègue des pouvoirs aux peuples autochtones dans le cadre des conseils de bandes. Il faut repenser ça, remodifier ça. Il faut aller au-devant des négociations, prendre des actions valables, fondées sur une nouvelle relation entre les peuples autochtones et la société canadienne et québécoise.
À l'heure actuelle, M. Irwin a un dada, comme on dit au Québec, qui est le projet de loi C-79 qu'il veut faire passer à ses risques et périls, à mon avis. Les gens pour lesquels il est censé travailler disent à M. Irwin: No means no». Que veut-il de plus? Non, c'est non. On ne veut pas. Et notre fiduciaire continue. Ce genre d'attitude et de comportement m'étonne beaucoup.
Mon collègue Ken Rocque a parlé de la rencontre qui s'est tenue à Winnipeg, car nous étions à Winnipeg à l'Assemblée des Premières Nations. M. Irwin y était lui aussi. Nous avons fait des représentations. J'aimerais lui donner la permission de compléter ma réponse.
Le président: Non. M. Rocque est invité à participer aux réponses. Cependant, à ce point-ci, nous allons poursuivre avec la prochaine question de M. Bachand. Vous pouvez demeurer en scène et vous asseoir ensemble. Il devrait y avoir deux chaises dans la salle. Si on demande à M. Rocque de compléter la réponse, donnez son nom et mentionnez le poste qu'il occupe dans la communauté Mamit Innuat.
[Traduction]
M. Ken Rocque (conseiller juridique, Mamit Innuat): Je m'appelle Ken Rocque et je suis conseiller juridique auprès de Mamit Innuat. Je travaille avec Armand McKenzie, et nous représentons les Premières nations de Mamit Innuat en cette affaire.
Le président: Êtes-vous tous les deux mandatés par le conseil de bande pour parler devant nous en son nom?
M. Rocque: Nous représentons le conseil tribal de Mamit Innuat, qui représente à son tour les quatre communautés de Pakuashipi, Ekuantshit, Natashquan et Unamenshipi.
Le président: Vous êtes donc tous les deux mandatés?
M. Rocque: En effet.
Le président: Je voulais que cela soit dit officiellement.
Avez-vous autre chose à ajouter à votre réponse, ou pouvons-nous passer à une autre question de M. Bachand?
M. Rocque: Je voulais vous parler de la réunion de Winnipeg à laquelle nous avons assisté l'année dernière.
Le président: Est-ce que cela porte sur le projet de loi?
M. Rocque: Cela portait sur le projet de loi.
Le président: Allez-y.
M. Rocque: On m'avait invité à rencontrer les chefs. L'Assemblée des premières nations a rencontré M. Ron Irwin l'année dernière et lui a dit que le projet de loi C-79 ne faisait pas partie, à ce moment-là, de ses priorités.
Je poursuis maintenant en français.
[Français]
Lors de la dernière assemblée des chefs à Winnipeg, les chefs de l'Assemblée des Premières Nations représentaient plus de 200 communautés. Les chefs de ces 200 communautés, présents à cette assemblée, ont fait savoir au ministre Ron Irwin qu'ils étaient en désaccord sur le projet de loi C-79.
Les chefs le lui ont fait savoir et nous, les communautés de Mamit Innuat qui étions présentes, avons fait savoir à Ron Irwin que nous n'étions pas d'accord sur le projet de loi présenté.
Les Premières Nations de Mamit Innuat pensent que le temps consacré au projet de loi C-79 pourrait être mieux utilisé. On croit qu'on ne devrait pas consacrer de temps à discuter d'un projet de loi comme celui-là.
Les communautés vivent actuellement des problèmes beaucoup plus importants sur le plan social et on croit que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait consacrer plus de temps aux problèmes sociaux que vivent les communautés. Le ministre Ron Irwin travaille au projet de loi C-79 depuis quand même un certain temps. Nous pensons qu'il aurait dû travailler à ce qui fait l'objet de préoccupations plus importantes chez les Premières Nations de Mamit Innuat.
Le président: D'accord.
M. Rocque: Les Premières Nations de Mamit Innuat...
Le président: Monsieur Rocque, un instant. Il ne nous reste que 10 minutes. Ce que M. Irwin fait dans sa journée de travail n'importe pas vraiment au comité. Je pense que le point de votre désaccord sur la façon dont il a fait son travail a été clairement exposé. Cependant, le mandat du comité n'est pas d'évaluer la façon dont M. Irwin fait son travail.
Je pense que je vais permettre une autre brève question, parce qu'on a encore 10 minutes.
M. Claude Bachand: J'ai déjà posé une première question.
Le président: D'accord. Nous allons donc entendre M. Harper et ensuite M. Hubbard.
[Traduction]
M. Elijah Harper: Merci, monsieur McKenzie et monsieur Rocque. Vous savez sans doute que je suis un député fédéral des Premières nations qui siège à la Chambre des communes. Je siège à ce comité-ci et j'agis en fonction de ce qu'on me dit. Je suis là aussi pour écouter ce qu'on me dit. Je sais que vous avez tous deux des doutes au sujet de la consultation.
J'aurais bien aimé moi aussi que nous visitions toutes les collectivités, les quelque 600 réserves du Canada, mais il nous aurait fallu deux ans. Même pendant les cinq ans qu'elle a duré, la Commission royale d'enquête n'a jamais pu se rendre dans toutes les collectivités.
J'aurais voulu, moi aussi, que l'on puisse consulter encore plus le peuple. Cela aurait été l'idéal, mais les députés sont parfois forcés de suivre des projets de lois qu'ils n'ont pas présentés eux-mêmes. Personnellement, j'en dépose rarement, car c'est habituellement le gouvernement qui le fait, par le truchement de ses ministres. Bien sûr, je pourrais toujours le faire en déposant un projet de loi d'initiative parlementaire, mais ceux-là aboutissent rarement.
Nous avons entendu nombre de chefs s'exprimer là-dessus. Au départ, ils ne souscrivent pas à la démarche qui a été suivie. De plus, ils nous parlent toujours de modifications à la Loi sur les Indiens. Mais vous, qui avez tous deux des connaissances juridiques, savez bien que ce projet de loi-ci est un projet de loi autonome qui ne vise aucunement à modifier la Loi sur les Indiens.
Par conséquent, les Premières nations qui n'en voudraient pas ont tout le loisir de ne pas y adhérer. En effet, le projet de loi contient une disposition d'adhésion. Mais il contient également une disposition non dérogatoire qui porte que les droits issus des traités et les droits ancestraux auxquels s'ajoute le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ne seront aucunement touchés. Vous comprenez donc que la Constitution nous protège au départ, puisqu'elle prévoit également que les droits découlant de traités et les droits ancestraux supplantent toute autre loi. Cela devrait vous réconforter.
Je voulais savoir ce que vous en pensiez, car à mon point de vue personnel, cette disposition en vertu de la Loi sur les Indiens ne vaut pas grand-chose si l'on pense au type de négociation que nous voudrions établir. Nous songeons, pour notre part, à un palier supérieur qui supplanterait le palier législatif, c'est-à-dire un palier constitutionnel de négociation sur la base des traités, de nation à nation. C'est ce palier que nous devrions viser, puisque ce dont nous sommes saisis n'est que de nature législative, et je crois bien qu'un jour, nous y parviendrons.
Revenons à la disposition d'adhésion: nombre de bandes et de chefs ont dit que le gouvernement pourrait éventuellement avoir recours à cette disposition pour forcer les bandes à accepter cette démarche, ce qui la rendrait obligatoire. Mais j'aimerais faire valoir que j'ai la conviction la plus intime que les Premières nations seront les seules à décider ultimement de leur destinée. J'ai la plus grande confiance en notre peuple. Nous avons déjà frappé le fond du tonneau, et nous ne pouvons que remonter. Je suis convaincu que les Premières nations ne permettraient jamais que cela se produise. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
M. McKenzie: Commençons par la disposition d'adhésion: je n'ai aucune confiance en une disposition qui permettrait à chaque nation d'adhérer ou non au projet de loi. C'est une question de principe, monsieur Harper, tout simplement. Ou bien nous nous débarrassons de la Loi sur les Indiens - ou la modifions de fond en comble - ou bien nous n'y touchons pas. Encore une fois, c'est une question de principe.
La Commission royale d'enquête a longuement parlé des négociations entourant les droits fonciers et l'autonomie gouvernementale, et le gouvernement libéral devrait consacrer son énergie à régler les questions de justice plutôt qu'à essayer de modifier la Loi sur les Indiens.
Le projet de loi C-79 comporte certaines dispositions qui empêchent toute violation des droits issus de traités et des droits ancestraux. Mais ce type de dispositions est une coquille vide. Cela me semble évident dans ce projet de loi. Tout cela, c'est parce que le gouvernement fédéral est actuellement... Lorsque vient le temps d'invoquer devant les tribunaux les droits issus de traités et les droits ancestraux, nous n'en avons plus aucun. Voilà pourquoi je dis que c'est une coquille vide que cette disposition.
On l'a bien vu dans le cas de la Loi sur le contrôle des armes à feu. Dès que nous mettons les pieds dans un tribunal, une des premières choses que l'on nous rétorque, c'est que nous n'avons pas de droits issus de traités ni de droits ancestraux. Vous comprendrez donc que je ne sois pas plus rassuré lorsque vous affirmez que ce projet de loi-ci ne porte aucunement atteinte aux droits des Autochtones.
Le président: Merci, monsieur McKenzie.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Je voudrais revenir à ce que disait M. Harper au sujet de la proportion de 85 p. 100. Nous avons bien compris ce que vous avez dit au sujet du projet de loi et de la nouvelle disposition d'adhésion, mais il semble qu'une minorité de vos gens, c'est-à-dire 15 p. 100 des 600 réserves, ce qui représente 90 à 100 groupes, pourraient être d'accord avec cette adhésion. Êtes-vous en train de nous expliquer qu'étant donné que 85 p. 100 de votre population s'y oppose, comme l'affirme M. Mercredi, les 15 p. 100 qui restent ne devraient pas avoir de droit comme minorité et ne devraient pas pouvoir adhérer à cette disposition en vertu du projet de loi?
M. McKenzie: Il faudrait sans doute identifier ces groupes de façon plus précise. On s'est déjà posé la question dans le cas de la Loi sur les terres visées par la Charte. Nous avons identifié à ce moment-là 14 groupes, c'est-à-dire 14 bandes ou collectivités. Pourquoi ne feriez-vous pas de même pour le projet de loi C-79? Pourquoi ne pas identifier les bandes qui seraient intéressées?
M. Charles Hubbard: Revenons aux 15 p. 100 de votre peuple, c'est-à-dire aux 90 bandes d'un bout à l'autre du pays qui pourraient vouloir adhérer: d'un point de vue philosophique, êtes-vous d'accord pour les laisser adhérer ou êtes-vous contre? Êtes-vous en train de nous dire que ces groupes ne devraient pas avoir de droit comme minorité?
M. McKenzie: Je suis contre, je suppose. S'ils veulent qu'une loi spéciale s'applique à eux, ils en ont le droit, mais ces groupes ont demandé de façon spécifique au ministre des Affaires indiennes de révoquer la loi pour qu'elle ne s'applique plus à eux. C'est ce qu'ont fait les Naskapis et les Cris. Il y a une loi sur les Cris et les Naskapis qui s'applique aux Sechelt. Pourquoi ne pas faire la même chose? Si vous voulez parler de principe, la majorité de nos gens affirme qu'il nous faut modifier de façon fondamentale les liens qui existent entre le Canada et les peuples autochtones.
Le président: Merci beaucoup de votre témoignage qui conclut cette partie-ci de nos audiences publiques à Montréal.
Nous passons maintenant à la nation Mohawk Haudenosaunie. Nous accueillons maintenant, par voie technologique, sa porte-parole, Karoniahente.
Merci de vous joindre à nous. Je vois que vous êtes accompagnée de certains collègues. Ils sont les bienvenus, s'ils veulent participer à la discussion. Auparavant, nous leur demanderions de se nommer et d'expliquer qui ils sont.
Nous partagerons les 40 prochaines minutes. M'accompagnent M. Claude Bachand, du Bloc québécois, et MM. Elijah Harper, Charles Hubbard et John Murphy du Parti libéral.
Vous avez droit à 40 minutes. Vous pouvez les utiliser comme bon vous semble, mais nous vous serions reconnaissants de nous laisser du temps pour vous poser des questions. Vous avez maintenant la parole.
Karoniahente: Je voudrais me présenter: je m'appelle Karoniahente et je suis du clan de l'ours; je vis sur le territoire mohawk de Kahnawake. Je suis citoyenne de la nation mohawk, ou Karien'kéha:ka, comme on dit dans ma langue.
Le dictionnaire Robert définit «citoyen» de la façon suivante: «celui qui appartient à une cité, en reconnaît la juridiction, est habilité à jouir, sur son territoire, du droit de cité et est astreint aux devoirs correspondants.»
Toutes les idées comprises dans le terme «citoyen» sont reprises dans Karien'kéha:ka, qui signifie citoyen mohawk.
La Loi sur les Indiens parle des «membres d'une bande», ce qui représente plus qu'un pas en arrière: c'est un génocide. Un membre, c'est chacune des personnes qui forment une communauté. Cette communauté, ce sont des gens qui se rassemblent ou qui ont des intérêts en commun. Pour cette seule raison, la Loi sur les Indiens entre en contradiction avec la Haudenosaunie.
En me présentant à vous, j'ai deux objectifs: d'abord, répéter la position des Haudenosaunis: nous avons le droit exclusif de déterminer notre propre citoyenneté conformément à nos lois, droit qui est entériné par le droit international; en second lieu, vous rappeler que le traité du Wampum à deux rangs porte qu'en tant que nation, nous devons discuter de toute modification envisagée. Ainsi, l'issue pourrait être harmonieuse.
Notre droit à déterminer notre propre citoyenneté découle du traité du Wampum à deux rangs, de même que des traités de paix et d'amitié conclus avec chaque nation européenne dès le début du XVIIe siècle, traités qui décrivent la façon dont deux peuples différents traitent l'un avec l'autre en temps de paix.
Les Haudenosaunis sont un peuple distinct qui a ses propres lois, coutumes, territoires, organisations politiques et économiques. Bref, nous répondons à la définition de nation. Nous sommes gouvernés par notre propre constitution, appelée chez nous la Gayanerekowa, ou Grande Loi de la Paix. C'est le document le plus vieux du monde qui contient une reconnaissance des libertés - que les sociétés occidentales viennent récemment de s'approprier - telles que la liberté d'expression, de religion et le droit des femmes à participer au gouvernement.
La notion de séparation des pouvoirs au gouvernement et de l'équilibre des pouvoirs au sein du gouvernement se retrouve dans notre constitution. Il s'agit d'idées que ceux qui nous ont colonisés ont acquises au contact de notre peuple.
Nous affirmons que la Loi sur les Indiens est illégale, car elle viole les principes du traité du Wampum à deux rangs et n'a jamais été acceptée par les peuples traditionnels. Nous continuons à affirmer notre droit à l'autodétermination, ce qui inclut le droit de déterminer qui sont nos propres citoyens, en fonction de nos lois et coutumes.
J'aimerais vous présenter les documents que nos citoyens utilisent depuis environ 30 ans. Il s'agit de certificats de naissance - je ne sais pas si j'arriverai à vous les montrer - de certificats de mariage, de cartes d'identité et d'un document tout récent, le passeport Karien'kéha:ka.
Nos dossiers sont gardés dans les trois clans mohawks - l'Ours, la Tortue et le Loup - conformément à nos lois et coutumes. Actuellement, beaucoup d'enfants sont inscrits dans notre registre, mais la bureaucratie canadienne n'a pas respecté ce droit, ce qui fait que ces enfants n'existent pas en tant que Mohawks. Une fois de plus, le Canada essaie de nous imposer un système qui nous est étranger.
Pendant des siècles, notre existence n'a pas été mise en question, et notre existence n'est toujours pas remise en question par toutes les honnêtes gens. Nous existons depuis des temps immémoriaux. Nous avons toujours mené nos propres affaires à partir de nos territoires, en vertu de nos lois et coutumes. Conformément à ces lois et coutumes, nous n'avons jamais volontairement cédé ni territoire ni liberté. Notre peuple, qui forme le gouvernement Haudenosauni, n'a jamais prêté serment à un souverain européen. C'est ce qui explique sans doute pourquoi notre peuple est aujourd'hui opprimé.
Merci de m'avoir écoutée. Vous pouvez maintenant nous poser des questions.
Le président: Merci beaucoup de votre exposé. Vous pourriez nous envoyer par télécopie des photocopies des documents que vous vouliez nous montrer. L'organisateur sur place vous aidera certainement.
Karoniahente: C'est le passeport.
Le président: Vous pouvez nous envoyer par télécopie copie de ce passeport, si vous le souhaitez. Tout ce que vous nous enverrez sera distribué à tous les membres du comité.
Karoniahente: Bien.
Le président: Commençons par M. Claude Bachand.
[Français]
du Parti québécois, ou plutôt du Bloc québécois.
M. Claude Bachand: Ce sont deux partis frères. Nous sommes près l'un de l'autre même si nous avons une certaine autonomie.
Le président: Ils ne sont pas dans le même ordre.
M. Claude Bachand: Merci, madame Karoniahente, de votre présentation. À ma connaissance, vous représentez le Longhouse et je reconnais d'ailleurs le fier langage des Mohawks. Je constate que non seulement c'est un fier langage, mais aussi que les gestes suivent. Vous nous avez parlé d'un passeport. Aurons-nous besoin de ce passeport pour aller sur une des réserves mohawks du Québec?
Est-ce que le grand chef Roundpoint d'Akwesasne, le grand chef Norton de Kahnawake et le grand chef de Kanesatake sont au courant de votre présentation aujourd'hui? Est-ce qu'ils partagent votre point de vue? Je sais que le Longhouse est souvent perçu dans l'opinion publique, et c'est parfois aussi un peu ma perception, comme un pouvoir parallèle et que vous ne reconnaissez pas le pouvoir des chefs élus selon la Loi sur les Indiens. Votre présentation s'inscrit quelque peu dans cet ordre d'idées. Vous revendiquez entre autres la souveraineté de vos nations, alors que les chefs doivent se faire élire sous l'égide d'une loi qui est sous le joug du fédéral. Dites-moi si votre présentation établit une telle relation.
Les trois conseils de bande sont-ils au courant de votre présentation de ce matin et partagent-ils votre point de vue? Sinon, peut-on considérer que vous représentez un pouvoir parallèle où il n'y a pas plus de relation avec les trois chefs élus et les trois conseils de bandes établis sur les territoires des communautés autochtones mohawks du Québec?
[Traduction]
Karoniahente: Je ne sais pas s'ils sont au courant, car nous avons nous-mêmes découvert à la dernière minute que vous teniez ces audiences. Nous n'avons eu aucun contact avec l'un ou l'autre de ces conseils.
De plus, les Haudenosaunis, les peuples traditionnels, sont d'avis que chaque fois que le besoin survient, nous devons affirmer notre position de souveraineté, expliquer qui nous sommes et confirmer que nous existons toujours.
Pour ce qui est du conseil de bande, vous avez raison de dire que nous le percevons comme une émanation du gouvernement canadien qui nous est imposée par la Loi sur les Indiens.
[Français]
M. Claude Bachand: Vous ne considérez pas que vous reflétez actuellement l'opinion des conseils de bande, mais plutôt celle du Longhouse. Vous n'êtes pas sûre si les grands chefs Norton et Roundpoint appuient la position que vous nous avez présentée ce matin.
[Traduction]
Karoniahente: Non, et je ne prétends pas être leur porte-parole; ils parlent pour eux.
Le président: Y a-t-il d'autres questions ou d'autres commentaires?
M. Charles Hubbard: Madame, vous m'avez bien impressionné. Il saute aux yeux que votre peuple est fier de former une nation. Je vous félicite de votre exposé, de votre philosophie de vie et de l'attitude que vous avez développée à l'égard des autres peuples du Canada.
Le président: Merci. Voulez-vous ajouter quelque chose pour clore?
Karoniahente: Non, je veux simplement vous remercier de nous avoir écoutés. Nous espérons que grâce à notre comparution et à ce dialogue, nos droits comme peuple distinct, comme peuple haudenosauni, seront respectés par le Canada.
Le président: Merci beaucoup, Karoniahente, vous qui représentez la nation mohawk Haudenosaunie.
Voici qui met fin à cette partie-ci de nos audiences publiques. Pourrait-on nous dire, à Montréal, si Claude Gelderblom est arrivé?
Une voix: Oui, on vous attend.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Montréal, ici le président du comité, Raymond Bonin. Le chef Gelderblom est-il prêt à faire sa présentation même s'il n'est que 10 h 45, soit 25 minutes avant l'heure prévue?
Le chef Claude Gelderblom (Fédération provinciale autochtone du Québec): Oui, pas de problème.
Le président: Merci beaucoup. Nous invitons le représentant de la Fédération provinciale autochtone du Québec, le chef Claude Gelderblom, à faire sa présentation. Nous vous remercions, chef Gelderblom, d'avoir accepté de partager avec les membres du comité votre point de vue au sujet du projet de loi C-79.
Les 40 prochaines minutes vous appartiennent. Vous pouvez les utiliser de la façon que vous préférez, mais nous apprécierions grandement que vous accordiez aux membres du comité un peu de temps pour leurs questions.
Monsieur Gelderblom, nous avons avec nous, représentant le Bloc québécois, M. Claude Bachand, et le Parti libéral au pouvoir, M. Elijah Harper, M. Charles Hubbard et M. John Murphy. Je vous cède maintenant la parole.
Le chef Gelderblom: Bonjour. Je représente bien sûr la Fédération provinciale autochtone du Québec. Notre fédération regroupe plus de 1 000 membres, soit 75 p. 100 d'Indiens statués vivant principalement hors réserve et 25 p. 100 d'Indiens métis de quatrième et cinquième générations.
Au Québec, c'est plus de 63 688 autochtones qui seront touchés par ces modifications, dont 46 708 vivant sur réserve et 16 980 vivant hors de ces réserves, en plus d'une quantité importante de Métis qui ne peuvent plus bénéficier du statut officiel, justement parce que les réserves sont trop petites pour pouvoir élever leurs familles. C'est pourquoi plusieurs associations ont vu le jour au cours des années afin de protéger en toute occasion les intérêts des autochtones hors réserve dans une action collective, de discuter des recommandations à faire au niveau des gouvernements fédéral et provinciaux concernant les lois et règlements affectant les intérêts des gouvernements respectifs pour le bien-être des autochtones hors réserve dans la province de Québec et au Canada et de favoriser l'amélioration des conditions de vie dans les domaines économique, social, de l'éducation au droit humain, politique et culturel. L'un des buts principaux que notre fédération s'est fixés est de s'engager dans la recherche afin de mieux aider les communautés de descendance indienne à améliorer leurs conditions de vie.
Je me présente devant vous aujourd'hui parce que nous nous sentons concernés principalement par ces modifications. Lorsque j'ai commencé à les lire, je me suis dit que c'était du charabia et j'ai compris pourquoi plusieurs autochtones ne les comprennent pas. Notre vision des choses n'est pas du tout pareille, même si cela découle souvent de nos propres revendications. C'est la façon de faire les lois qui est souvent pour nous disgracieuse, puisqu'on néglige de nous reconnaître comme peuple. Pourquoi devons-nous toujours nous battre afin d'avoir telle ou telle chose? Il est vrai que dans toute société, il faut des lois et des personnes pour les faire respecter. Mais ce que chaque autochtone veut au plus profond de lui-même, c'est d'être reconnu comme un autochtone, peu importe qu'il vive dans un enclos ou à l'extérieur. Pour un autochtone, il n'y a pas de limite parce qu'il vit ou ne vit pas dans cette réserve. Il est sûr que chaque nation a ses propres limites territoriales, mais un territoire, c'est vaste et nous pouvons y puiser nos propres ressources.
Mais, trêve de lamentations, nous devons nous unir afin que nos deux peuples puissent vivre en harmonie et de façon égale, sans pour cela obliger l'un ou l'autre de nos peuples à vivre dans un enclos afin de bénéficier de privilèges, car ce sont seulement des privilèges.
Revenons au sujet pour lequel je suis ici, les modifications du projet de loi C-79. À notre avis, elles reflètent un caractère de changement pour ceux qui vivent sur les réserves, mais ne sont pas encore suffisantes pour démontrer notre autonomie en tant que peuple. Pour ceux qui vivent hors réserve, il n'y a rien dans ce projet qui puisse nous sembler juste et équitable car nous n'avons toujours pas de reconnaissance et, de ce fait, bien des réserves ne nous considèrent pas comme membres à part entière. Voilà d'ailleurs pourquoi plusieurs autochtones se regroupent au sein d'organismes qui peuvent les représenter.
Nous ne sommes ni tout à fait pour ni tout à fait contre. Nous trouvons que le temps est trop court présentement, car seulement quelques points vont ajuster la Loi sur les Indiens en attendant la conclusion d'accords en matière d'autonomie gouvernementale. Nous pensons d'ailleurs que nous devrions nous concerter davantage sur le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, qui donne déjà au-delà de 400 points importants qui devraient être pris en considération par le gouvernement fédéral ainsi que par les différents gouvernements provinciaux au Canada. La Commission royale a fait son devoir, comme le gouvernement fédéral le lui avait demandé. C'est maintenant au gouvernement fédéral de faire le sien, en tenant compte des besoins de tous et en tentant de panser les blessures que nos deux peuples ont vécues au cours de l'histoire de notre beau pays qui est le Canada.
Je vous remercie de m'avoir donné la chance d'exprimer ce que les autochtones vivant hors réserve peuvent ressentir dans leur vie de tous les jours. J'espère avoir répondu à vos attentes.
Le président: Oui, absolument, et merci beaucoup pour votre présentation, monsieur Gelderblom.
Je vais maintenant inviter les membres du comité qui ont des questions à vous les poser, en commençant par M. Murphy.
[Traduction]
M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.): Merci de votre exposé. Si je vous comprends bien, vous représentez le point de vue de ceux qui habitent à l'extérieur des réserves. Comment faites-vous, dites-moi, pour avoir voix au chapitre dans les réserves, et quelle devrait être la pratique pour s'assurer que vous soyez entendus au sein de vos collectivités?
Le chef Gelderblom: Parlez-vous français?
M. John Murphy: Non, mais nous avons des interprètes.
[Français]
Le président: Bien que la question ait été posée en anglais, vous pouvez y répondre en français. Votre réponse sera traduite. Je vous invite donc à répondre dans la langue de votre choix.
Puisque nous éprouvons des difficultés techniques avec l'interprétation, puis-je demander à
[Traduction]
Monsieur Murphy, acceptez-vous que M. Bachand pose une question au témoin en français, pendant que nous effectuons des vérifications du système?
M. John Murphy: Bien sûr.
[Français]
M. Claude Bachand: Monsieur Gelderblom, vous voyez que c'est utile de se parler entre Québécois. On n'a pas toujours besoin de traduction.
Je voudrais te féliciter pour ta présentation. D'ailleurs, j'ai hâte de te rencontrer parce qu'à quelques reprises nous nous sommes appelés de part et d'autre, mais n'avons jamais eu le temps de nous parler. Je vais le faire via vidéoconférence en attendant qu'on se rencontre formellement, parce que je crois beaucoup plus aux rencontres formelles qu'aux rencontres par vidéoconférence.
Je sympathise avec vous parce qu'il est vrai que le problème des gens hors réserve est un fameux gros problème. Je connais le budget de fonctionnement dont vous disposez au Québec, où se trouvent autant d'autochtones hors réserve que sur les réserves.
Claude, puisque nous éprouvons des difficultés techniques, il serait peut-être préférable que nous attendions quelques minutes afin que les techniciens réparent le système, après quoi je te reviens parce que je tiens absolument à te parler.
[Traduction]
Le président: Nous suspendons la séance pendant dix minutes.
Le président: Nous reprenons nos délibérations.
[Français]
Monsieur Claude Gelderblom, est-ce que vous m'entendez?
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Claude, je vais m'adresser à toi pour la troisième fois et te redire que je trouve que tu es un bon gars et que j'ai hâte de te rencontrer. Tu dois être le meilleur gars au monde, puisque c'est la quatrième fois que je te le dis.
Le président: Monsieur Bachand, voulez-vous dire à M. Gelderblom encore une fois qu'il est un bon gars? Nous lui demanderons ensuite de nous dire qu'il est un fédéraliste, parce qu'un aussi bon gars doit être fédéraliste!
M. Claude Bachand: Non, non, ce ne serait pas un bon gars.
Le président: Ce sont tous de bons gars, n'est-ce pas?
M. Claude Bachand: Claude, je suis content que tu sois parmi nous. Je ne répéterai pas ce que je dis depuis tantôt. Je vais plutôt sauter à la question parce qu'il semble que tu m'entends bien. Je vais me dépêcher de la formuler avant que tu ne m'entendes plus. Je sympathise beaucoup avec les techniciens, mais je sympathise aussi avec les autochtones hors réserve parce qu'on sait qu'ils sont les enfants pauvres du régime actuel.
Notre ordre du jour indique que tu représentes la Fédération provinciale autochtone du Québec. N'est-ce pas la nouvelle dénomination sociale de l'Alliance autochtone du Québec Inc.? Pourrais-tu nous expliquer ce qu'il en est? Excuse-moi, mais je crois me souvenir que ce sont deux organisations distinctes.
Je sais toutefois que vous représentez au moins autant d'autochtones hors réserve que d'autochtones sur les réserves au Québec et que vous ne disposez pas des ressources nécessaires. Il semble que la consultation n'ait pas été faite ou qu'on en ait fait très peu auprès des Premières Nations et auprès de vous. A-t-on consulté la Fédération provinciale autochtone du Québec au sujet du projet de loi que nous étudions? Avez-vous reçu des lettres du ministre? Avez-vous entendu parler du projet de loi C-79 par l'entremise d'un regroupement national, par exemple le Congrès des peuples autochtones, auquel vous êtes peut-être affiliés? Tu pourrais en profiter pour nous le préciser. De quelle façon a-t-on consulté les autochtones hors réserve et la Fédération provinciale autochtone du Québec au sujet du projet de loi C-79?
Le chef Gelderblom: C'est tout simplement un de tes collègues, le député de Kamouraska - Rivière-du-Loup, M. Paul Crête, qui m'a informé de ce projet de loi et dit qu'il serait intéressant qu'on puisse donner notre point de vue.
Lorsque je travaillais au sein de l'Alliance autochtone du Québec, nous avions fait une tournée dans l'ensemble du Québec au sujet de l'autonomie gouvernementale. Quant au projet de loi C-79, c'était la première que j'en entendais parler. Je me suis dépêché de pondre quelque chose en me basant sur l'ensemble des revendications qui étaient ressorties au niveau du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, en montant jusqu'à Québec et Montréal. J'ai repris l'ensemble de toutes les recommandations qui m'avaient été soumises lors de notre étude sur l'autonomie gouvernementale. J'ai donc pondu ce court document. Il est malheureux que nous n'ayons pas pu faire une autre tournée pour parler principalement de ces besoins et de ce que les autochtones pensent des nombreuses modifications qui sont proposées. De nombreux points ont été supprimés, tandis que d'autres ont été ajoutés.
C'est pourquoi je disais qu'il fallait se concentrer davantage sur les recommandations de la Commission royale. Son rapport est quand même le fruit de cinq années de travail et énonçait un peu, bien que seulement par fragments, ce que les réserves voulaient avoir. On pouvait peut-être y entendre la voix des autochtones hors réserve, mais très peu et pas dans son ensemble.
On a deux classes d'autochtones hors réserve: ceux qui sont statués et ceux qui sont métis de quatrième et cinquième générations selon les associations, qui ne vont jamais jusqu'à la septième génération et qui représentent une autre classe à part.
Notre fédération a vu le jour pour s'occuper un peu plus des problèmes des autochtones statués dont les associations ne s'occupaient pas assez, selon nous. Par la suite, nous avons regroupé les quatrième et cinquième générations, qui comptent parmi elles nos enfants, pour voir quels étaient leurs besoins. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à ta question.
M. Claude Bachand: Oui, c'est bien.
[Traduction]
Le président: Je vous fais mes excuses, monsieur Murphy. Vous aviez commencé à poser votre question, avant d'être interrompu. Je vous redonne donc la parole.
M. John Murphy: Merci beaucoup. Comme je me fais vieux, j'ai oublié ma question. Ah si, la voici.
Merci de votre exposé. Je vous avais demandé quels étaient vos liens avec votre collectivité d'origine et ceux qui habitent les réserves, et je voulais savoir comment vous étiez représentés. La majorité des gens n'habitant plus la réserve ont-ils la possibilité d'interagir avec leurs collectivités d'origine, c'est-à-dire avec leurs réserves, de façon à prendre part à des votes, s'il y en a, et à participer à la gestion de la réserve, ou vous demande-t-on plutôt de vous en tenir loin? J'aimerais savoir ce qu'il en est, et dites-moi ce que cela devrait être. Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Gelderblom, puisque nous continuons d'éprouver des difficultés techniques, je préciserai que le député cherche à savoir de quelle façon vous consultez vos membres afin de les représenter ici.
Le chef Gelderblom: Nous nous regroupons tout simplement dans le cadre d'assemblées spéciales ou d'une assemblée générale qui se tient à la fin de chaque année. Nous tenons aussi plusieurs assemblées, à tous les mois, où un conseil des chefs est élu et dont je suis le grand chef. Il y a six autres conseillers ainsi que deux sages. Nous nous réunissons. Au moment où surgit un sujet important, nous convoquons nos membres à une assemblée spéciale d'urgence, bien qu'ils soient répartis un peu partout: dans l'Outaouais, sur la Côte-Nord, dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, à Québec et à Montréal. À ce moment-là, nous faisons parvenir à nos membres de la documentation à laquelle ils répondent. Il serait quasiment impossible de les regrouper tous au même endroit, puisque notre fédération n'existe que depuis le 19 février de l'an passé.
Vous vous rappellerez que notre communauté faisait autrefois partie de l'Alliance autochtone du Québec. Nous ne nous entendions peut-être pas au niveau de notre vision des choses. Pendant un an et demi, j'ai travaillé à la question de l'autonomie gouvernementale et identifié les besoins qui étaient ressortis. C'est beau de rédiger un document, mais une fois qu'il est déposé, il ne sert plus à grand-chose.
Ce que nous souhaitions, c'était continuer à faire avancer les revendications qu'avaient émises nos gens, de voir à ce qu'elles se réalisent un jour. Nous craignons un peu que le rapport de la Commission royale soit mis sur les tablettes lui aussi. Nous voulons être présents afin que cela ne se produise pas et que nous puissions nous asseoir ensemble et en discuter. C'est peut-être un peu ce qui a manqué au niveau du leadership. Lorsqu'on est élu, c'est aux membres à la base qui nous ont élu qu'on doit répondre de nos actes. Le juste retour des choses, c'est de faire le travail pour lequel on a été élu.
[Traduction]
M. John Murphy: Ce n'était pas tout à fait la question que je voulais poser. Étant donné qu'une bonne partie de votre collectivité avait initialement des liens avec une réserve, je me demandais plutôt quels étaient ces liens et si vous pensiez qu'il devait y avoir un lien de communication pour les membres hors réserve qui veulent avoir leur mot à dire dans l'administration de la réserve comme telle. Je me demande quels sont ces liens que vous entretenez et ce que vous en pensez.
[Français]
Le chef Gelderblom: Vous voulez connaître le lien que nous entretenons avec des réserves telles que Gaspé, Maria, Restigouche et Maliseet, qui est justement considérée hors réserve même s'il y a un territoire et que les autochtones n'habitent pas à l'intérieur. Nos contacts avec différents conseils de bandes sont quand même bons. Nous pouvons parler sans problème avec les Hurons et nous représentons même plusieurs de leurs membres. Lorsqu'il éprouvent des problèmes, ne serait-ce que pour obtenir des bourses d'étude, nous nous rencontrons et faisons des représentations auprès des conseils de bande. On envoie peut-être une lettre. Peu importe la façon dont nous faisons ces représentations, il y a un moyen de communication qui est quand même bon. Ça va bien au niveau de la réserve de Maria.
Nous avons peut-être plus de problèmes au niveau des Algonquins et des Mohawks, dont nous ne représentons pas un grand nombre membres. Nous ne représentons peut-être qu'un Mohawk, et ce monsieur de 77 ans n'a pas beaucoup de revendications à faire auprès de son conseil de bande. Nous essayons toutefois de rejoindre d'autres Mohawks par son entremise.
On sait fort bien que le problème des réserves, c'est qu'elle reçoivent des sommes pour l'ensemble des Indiens statués, qu'ils soient hors réserve ou à l'intérieur de la réserve. Ça fait partie de leur droits à titre de membres. Elles ne sont pas obligées de remettre ces sommes aux autochtones qui vivent hors réserve et de leur offrir des services ou des programmes d'habitation. Puisque ces sommes sont quand même restreintes, elles sont limitées au territoire de la réserve. Il va sans dire que les réserves ne peuvent se permettre d'assurer un suivi à tous leurs membres. C'est un peu pourquoi nous sommes là. Nous aidons tout simplement les membres à se prévaloir de différents programmes comme ceux du ministère du Développement des ressources humaines, d'Industrie Canada et de de la SOCCA, une société de crédit autochtone. Nous avons des contacts avec ces différents organismes.
[Traduction]
M. John Murphy: Merci.
Le président: D'autres questions ou commentaires?
[Français]
Monsieur Gelderblom, merci beaucoup de votre présentation. On s'excuse pour les inconvénients que nous a causés la technologie qui a fait défaut. J'espère qu'avec le temps, on réussira à perfectionner le système. Ce matin, on a fait la preuve qu'il y avait un besoin d'améliorer la technologie. Merci beaucoup.
Le chef Gelderblom: C'est moi qui vous remercie beaucoup de m'avoir donné au moins la chance de m'exprimer. C'est sûr qu'il y a parfois un difficile problème au niveau de la langue, mais j'ai adoré nos échanges.
Le président: Le problème ne relevait pas de vous; c'était la technologie. On a bien apprécié votre présentation.
[Traduction]
Nous allons maintenant suspendre la séance jusqu'à 11 h 50, pendant que nous attendons le chef Billy Diamond.
Le président: Nous allons reprendre les audiences publiques sur le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.
Bon après-midi, grand chef Fontaine. Je suis Ray Bonin, le président du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Je suis ici avec M. Claude Bachand du Bloc québécois et, du côté du gouvernement libéral, M. Elijah Harper, M. Charles Hubbard et M. John Murphy.
J'aimerais tout d'abord vous remercier d'avoir accepté d'être avec nous aujourd'hui. Nous avons 40 minutes à vous consacrer et ces minutes vous appartiennent. Vous pouvez les utiliser à votre guise. Je vois que vous êtes accompagnés de collègues. Lorsque vous commencerez votre exposé, je vous saurais gré de bien vouloir vous présenter tous les trois et de nous expliquer le rôle que vous jouez auprès des Premières nations du Manitoba. Cela étant dit, vous disposez de 40 minutes, et même si ces 40 minutes vous appartiennent, nous vous saurions gré de garder un peu de temps pour que les députés puissent vous poser des questions. Cela dit, grand chef, encore une fois, merci d'être ici avec nous. Je vous donne donc la parole.
Le grand chef Phil Fontaine (Assemblée des chefs du Manitoba): Merci, monsieur Bonin. Nous vous remercions de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant votre comité grâce à cette façon de procéder qui est assez intéressante. C'est quelque chose de nouveau pour moi, alors nous verrons bien comment cela fonctionne.
Je suis accompagné de Jack London, qui est le conseiller juridique de l'Assemblée des chefs du Manitoba, et de Ken Young qui est lui aussi conseiller juridique, conseiller juridique interne, auprès de l'Assemblée.
Il me faudra environ 15 minutes pour vous lire mon exposé, ce qui nous laissera environ une demi-heure pour les questions, je pense. D'accord?
Le président: Parfait, merci.
Le grand chef Fontaine: J'aimerais que vous vous reportiez à mon mémoire écrit et au texte de l'entente-cadre que je vous ai envoyé par télécopieur lundi.
Je suis le grand chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba, l'organisme politique qui représente les Premières nations au Manitoba. L'Assemblée en général et moi-même en particulier nous efforçons de faire progresser tous les aspects de la vie des citoyens des Premières nations; leur émancipation du paternalisme, de la pauvreté et des préjugés dont notre peuple est victime depuis trop longtemps; et la reconnaissance de notre peuple en tant que troisième palier du gouvernement au Canada pouvant coexister au même titre que les gouvernements fédéral et provinciaux.
Le 7 décembre 1994, en vue d'atteindre ces objectifs, 60 Premières nations du Manitoba, représentées par l'Assemblée des chefs du Manitoba, ont conclu une entente historique avec Sa Majesté du chef du Canada, représentée par le ministre canadien des Affaires indiennes et du Nord. Depuis, on utilise l'expression entente-cadre pour parler de cette entente historique dont j'ai joint un exemplaire à mon mémoire écrit.
Cette entente promet le démantèlement du ministère des Affaires indiennes et du Nord, le rétablissement du gouvernement des Premières nations de toutes les juridictions et la mise en place et la reconnaissance des gouvernements des Premières nations au Manitoba, légalement habilités à exercer les pouvoirs requis pour répondre aux besoins des peuples des Premières nations. Ces objectifs qui sont tous conformes au droit inhérent des Premières nations à l'autonomie gouvernementale, doivent être atteints conformément à un certain nombre de principes et d'engagements mutuels stipulés dans l'entente.
Nous considérons que par cette entente-cadre, le Canada s'est engagé à suivre un processus de négociation qui mènera inévitablement et interminablement à d'autres ententes protégées par la Constitution qui reconnaîtront et assureront notre place en tant que troisième palier de gouvernement constitutionnel au Canada. Cette entente définira la façon dont les Premières nations du Manitoba partageront le pouvoir constitutionnel avec les gouvernements fédéral et provincial à l'avenir. Cette reconnaissance et ces ententes découleront des droits issus de traités des Premières nations, des droits ancestraux, des droits constitutionnels et des droits inhérents à l'autonomie gouvernementale et seront conformes à ces derniers, et sauront respecter dans un cadre contemporain les droits issus de traités des Premières nations qui n'ont pas été respectés pendant longtemps tout en reconnaissant pleinement leur esprit et leur intention initiaux.
L'entente-cadre a une portée illimitée. Elle n'est pas limitée par la politique actuelle du Canada concernant les droits inhérents et a préséance sur toutes les autres mesures exécutives, législatives, judiciaires ou administratives prises par d'autres gouvernements au Canada, notamment la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, qui est le sujet de mon exposé aujourd'hui.
Je veux être très clair à ce sujet. Nous nous réjouissons de cette initiative du gouvernement en ce qui a trait à la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens qui pourrait être importante, avantageuse pour les Premières nations d'autres régions du Canada qui choisiront d'y participer. Mais pour notre peuple au Manitoba, de façon générale, le seul processus pertinent et acceptable d'interaction avec le gouvernement du Canada est le processus qui existe aux termes de l'entente-cadre.
Naturellement, les Premières nations du Manitoba qui agissent toutes de façon autonome et indépendante, pourront décider individuellement si elles veulent ou non choisir cette modification. L'Assemblée des chefs du Manitoba est certainement d'avis que c'est au chef et au conseil de chaque Première nation de choisir.
À notre avis, le projet de loi ne fait que démontrer encore une fois l'attitude paternaliste du Canada. Il s'agit d'un mécanisme qui est loin de représenter le point de vue des Premières nations concernant l'obligation du Canada de reconnaître les droits des Premières nations à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale immédiatement.
En fait, le projet de loi est inutile à la lumière de l'entente-cadre. Sous réserve des observations que je ferai plus tard concernant la nécessité de modifier le projet de loi à l'étude, cependant, il n'est pas nécessairement incompatible avec l'entente-cadre, puisque dans le préambule du projet de loi, on dit que le projet de loi vise à «renforcer - en attendant la conclusion d'accords en matière d'autonomie gouvernementale - l'autorité des conseils de bande en ce qui touche l'administration sur le plan local.» Par conséquent, le projet de loi comme tel reconnaît qu'il n'est qu'une mesure de transition, et ce qui est tout aussi important, il envisage des ententes d'autonomie gouvernementale.
Le paragraphe 4(3) du projet de loi prévoit une clause de non-dérogation qui dit que rien dans le nouveau projet de loi
- ne porte pas atteinte à la protection des droits existants - ancestraux ou issus de traités - des
Indiens découlant de leur reconnaissance et de leur confirmation au titre de l'article 35 de la Loi
constitutionnelle de 1982, y compris le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Lorsque d'autres modifications seront apportées, le projet de loi sera conforme aux dispositions de l'entente-cadre. Il ne faut pas diminuer ni léser les droits des Premières nations, les droits ancestraux et les droits constitutionnels, ce qui est conforme au principe 5.01 de l'entente-cadre. Ce sont les Premières nations qui choisiront ou non si elles veulent être touchées par le projet de loi, ce qui est conforme au principe 5.17 de l'entente-cadre.
Étant donné que le nouveau projet de loi est entièrement facultatif, il est conforme au principe 5.13 de l'entente-cadre, qui exige la ratification de la part de chacune des Premières nations qui choisit de négocier des ententes aux termes de l'entente-cadre et laisse à toutes les Premières nations le choix d'être administrées par le gouvernement fédéral.
Par ailleurs, nous voulons souligner une chose très importante, c'est-à-dire que même les amendements proposés dans le projet de loi devront être modifiés ou abrogés, pour ce qui est de leur application aux Premières nations du Manitoba, de façon à respecter les nouveaux liens reconnus aux termes de l'entente-cadre. Il s'agit du principe 5.5 de l'entente-cadre.
En d'autres termes - et je tiens à souligner qu'il s'agit d'un point extrêmement important relativement à la position que je prends ici aujourd'hui - rien dans la Loi sur les Indiens existante, qu'elle soit ou non modifiée, et qu'une Première nation choisisse ou non d'y adhérer, ne survivra à l'exigence d'une autre abrogation ou d'un autre amendement à l'issue des négociations avec le Canada aux termes de l'entente-cadre.
En résumé, ma position concernant le projet de loi à l'étude initialement est donc la suivante: le projet de loi pourrait profiter à certaines Premières nations, particulièrement à celles qui se trouvent à l'extérieur du Manitoba, qui choisissent de leur propre chef d'adhérer à ses dispositions.
Le projet de loi a peu d'importance pour la province du Manitoba et soulève peu de controverses, puisqu'il est sans rapport étant donné les négociations actuellement en cours en vue de reconnaître un troisième palier de gouvernement aux termes de l'entente-cadre.
Nous sommes donc en droit de nous attendre à ce que l'on arrive à des résultats aux termes de l'entente-cadre avec le Canada sans que le projet de loi à l'étude ne vienne nuire au processus ou le retarder. Il est peu probable que les Premières nations du Manitoba seront nombreuses à opter pour ce projet de loi, bien que la décision leur revienne individuellement.
Enfin, pour aider les Premières nations ailleurs au Canada et pour s'assurer que les Premières nations du Manitoba ont la possibilité d'opter pour le projet de loi à l'étude, si une nation ou plus choisit de le faire, il y a un certain nombre d'amendements cruciaux qui doivent être apportés au projet de loi avant qu'il puisse être adopté.
J'aimerais maintenant faire une analyse des amendements les plus importants qui doivent être apportés. Il s'agit d'une analyse détaillée, que vous trouverez dans mon mémoire écrit.
Je crois comprendre que d'autres personnes ont peut-être déjà déposé dans votre comité et ce, sans autorisation, des exemplaires des avis juridiques confidentiels que nous avait fournis notre conseiller juridique, Jack R. London, les 10 et 17 décembre 1996. Nous aurions préféré que ces avis juridiques demeurent confidentiels, mais puisque vous les avez, nous vous recommandons l'analyse et plus particulièrement les critiques qu'ils contiennent. J'aborderai certaines de ces questions avec vous aujourd'hui, ainsi que les changements recommandés par notre conseiller juridique.
Bien que le contenu du projet de loi à l'étude soit une amélioration par rapport aux autres projets de loi qui avaient été proposés par le ministre Irwin, il comporte cependant des lacunes qui doivent être corrigées. Nous nous réjouissons du fait que le ministre Irwin ait accepté notre suggestion selon laquelle les modifications devraient être facultatives pour les Premières nations, et nous ne doutons pas de ses bonnes intentions, lorsqu'il tente de répondre aux exigences quotidiennes, malgré le fait qu'il y ait encore au Canada aujourd'hui de nombreuses initiatives en suspens à plus grande échelle.
Cela étant dit, dans la mesure où les dispositions du projet de loi tentent de diminuer ou de modifier les obligations fiduciaires du Canada à l'égard des Premières nations et des peuples des Premières nations, et dans la mesure où le projet de loi à l'étude comporte des lacunes, nous demandons à votre comité et au gouvernement du Canada de s'assurer que les intérêts des Premières nations sont protégés. En fait, à cet égard, je vous exhorte à réexaminer les questions suivantes qui se trouvent à la page 21 de mon mémoire.
Le projet de loi à l'étude est censé être une mesure de transition visant à rendre plus efficaces les dispositions anachroniques de la Loi sur les Indiens et s'appliquera uniquement aux Premières nations qui choisissent d'en accepter les dispositions. Cependant, pour les Premières nations qui en feront le choix, le projet de loi doit être amendé comme suit pour corriger un certain nombre de lacunes, avant qu'il ne puisse être adopté:
a) Le projet de loi à l'heure actuelle ne reconnaît pas le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale qui existe indépendamment de la Loi constitutionnelle de 1982 et par suite de la reconnaissance aux termes de l'article 35 de cette loi.
b) Le projet de loi ne prévoit pas de règles pour régler les conflits qui peuvent survenir lorsqu'un citoyen des Premières nations a des rapports avec plus d'une réserve au Canada ou a des propriétés sur plus d'une réserve au Canada, sous divers régimes de propriété.
c) Le projet de loi à l'étude n'exige qu'une simple majorité d'un conseil de bande pour choisir l'application modifiée sans exiger une consultation avec l'électorat de la Première nation.
d) Les Premières nations doivent accepter tous les amendements en bloc sans avoir la possibilité d'accepter certains amendements et d'en rejeter d'autres.
e) L'article 8 du projet de loi fait des Premières nations un «corps constitué» sans les reconnaître comme organismes publics assumant une fonction gouvernementale au Canada.
f) Les dispositions du projet de loi à l'étude qui portent sur la gestion, le contrôle et l'aliénation des terres des réserves devraient être assujetties à un article général qui préserverait l'obligation fiduciaire du ministre, dans les cas appropriés, à l'égard des Premières nations.
g) Le ministre devrait être tenu d'accéder aux demandes des bandes en ce qui concerne la gestion et le contrôle des terres et ne devrait pas avoir le pouvoir de retirer unilatéralement aux Premières nations la gestion et le contrôle de leurs terres et propriétés.
h) Les pouvoirs réglementaires accordés aux termes du projet de loi devraient être assujettis aux droits issus de traités afin de les protéger contre toute mauvaise décision de la part de la majorité d'un conseil.
i) Les dispositions du projet de loi à l'étude concernant les élections devraient être plus spécifiques et plus claires de façon à ce que les Premières nations puissent savoir exactement comment contrôler leurs propres procédés électoraux, chose qu'ils devraient décider seuls, sans l'ingérence du ministre.
j) Les amendements proposés aux dispositions de la Loi sur les Indiens en ce qui a trait à l'éducation devraient être examinés de nouveau en vue de s'assurer qu'ils ne diminuent en aucune façon la nature constitutionnelle des accords en matière d'éducation ou la reconnaissance de la compétence exclusive des Premières nations en matière d'éducation, qui ressortira de l'entente-cadre au Manitoba.
Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité. Mon conseiller juridique, M. London, et M. K.B. Young m'aideront à répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie de cet excellent exposé, qui sera très utile. Nous allons maintenant passer à
[Français]
M. Claude Bachand du Bloc québécois.
M. Claude Bachand: Je voudrais dire bonjour à M. Fontaine que je n'ai pas encore eu le plaisir de rencontrer en personne. J'ai cependant rencontré Ken Young à quelques reprises, entre autres lors des débats sur Cross Lake et toute la question du Northern Flood Agreement.
Vous êtes dans une situation assez particulière au Manitoba. J'aimerais vous parler du Framework Agreement Initiative. Le ministre s'est engagé en disant qu'on allait démanteler la Loi sur les Indiens au Manitoba et établir un processus qui ferait en sorte que les nations du Manitoba seraient beaucoup plus avancées que les nations d'ailleurs au Canada puisqu'elles ne seraient plus régies par la Loi sur les Indiens. On parle donc de revendications territoriales, d'autonomie gouvernementale, etc.
Cependant, je ne sais pas si mes renseignements sont bons, mais on me dit qu'actuellement, plusieurs communautés sont grandement préoccupées par les négociations qui entourent le Framework Agreement Initiative. Je me demande s'il n'y a pas un danger que les tables qui entourent cette négociation tombent et que certaines communautés jettent plutôt leur dévolu sur le fait que nous étudions actuellement ce projet de loi C-79 et se disent que, comme on n'avance pas beaucoup du côté du Framework Agreement Initiative, on va sauter dans le train du projet de loi C-79. Selon vous, même si on n'est pas d'accord sur le projet de loi C-79, même si on sait qu'éventuellement il n'aura pas beaucoup de portée sur nous parce que c'est le Framework Agreement Initiative qui aura priorité, n'y a-t-il pas danger que le gouvernement soit tenté de ralentir la négociation autour du Framework Agreement Initiative et d'implanter par la bande ou indirectement le projet de loi C-79?
[Traduction]
Le grand chef Fontaine: Tout d'abord, j'aimerais signaler aux membres du comité que l'on négocie activement et que ces négociations représentent un travail en cours important pour ce qui est de l'entente-cadre. Nous sommes très satisfaits du processus jusqu'à présent. Voilà une chose que je voulais dire.
L'autre chose que je voulais souligner, c'est que je suis tout à fait conscient des préoccupations qui ont été exprimées par un certain nombre de Premières nations concernant les négociations. Nous examinons ces problèmes et ces préoccupations. Je pense qu'à certains égards, ces préoccupations sont valables.
Certaines des principales préoccupations concernent les obligations légales du gouvernement à l'égard des Premières nations, par exemple, en ce qui a trait aux traités. C'est une question qui nous préoccupe également. Ce n'est donc pas une chose qui soit étrangère à ce que nous faisons. Nous devons nous assurer que les gouvernements continueront à respecter leurs obligations, mais aillent au-delà de la position prise par les gouvernements successifs, c'est-à-dire qu'ils appliquent intégralement les traités. Nous nous attendons à ce que ce processus dans lequel nous nous sommes engagés nous permette de nous assurer que les gouvernements sont en mesure de respecter leurs nombreuses obligations à l'égard des peuples autochtones.
Nous avons dit très clairement que si nous voulons vraiment arriver à l'autonomie gouvernementale grâce à l'entente-cadre, et si nous voulons établir le contrôle juridictionnel dans les divers domaines qui sont négociés, la Loi sur les Indiens deviendra redondante. Il est clair pour nous que la Loi sur les Indiens doit être abrogée ou mise de côté si nous voulons vraiment l'autonomie gouvernementale conformément à notre point de vue et à notre interprétation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Le président: Monsieur Harper.
M. Elijah Harper: Merci, monsieur le président.
Cela fait plaisir de vous voir à l'écran de télévision. Vous pouvez sans doute me voir. Cela fait plaisir de vous voir.
Je crois comprendre que l'entente-cadre est un processus qui, lorsqu'il sera mené à terme, remplacera à un moment donné la Loi sur les Indiens. Je crois comprendre qu'au fur et à mesure que les négociations progresseront en vue de mettre en place un gouvernement des Premières nations pour chaque nation, dans le cadre de chaque traité, la Loi sur les Indiens deviendra, comme vous l'avez dit, redondante. C'est le processus qui est en cours au Manitoba.
Est-ce l'objectif de l'entente-cadre? Je sais que vous avez également mentionné dans votre exposé que l'entente-cadre remplace et annule le processus législatif en ce qui à trait à la Loi sur les Indiens, que l'entente-cadre est la priorité des Premières nations du Manitoba, de l'Assemblée des chefs du Manitoba. En fin de compte, à la fin du processus, nous aurons établi un rapport réel avec le Canada fondé sur nos traités. Est-ce là l'objectif?
Le grand chef Fontaine: Je pense que vous avez compris essentiellement en quoi consiste cet accord, Elijah. J'ai mentionné dans mon exposé qu'il y avait trois objectifs essentiels dans ce processus, et que ces objectifs seront poursuivis indéfiniment. Ils sont éternels. Il s'agit de la restitution de toutes les juridictions aux Premières nations; un processus pour mettre en place les structures de gouvernement qui assureront la mise en place des gouvernements qui prendront le contrôle; et le démantèlement du ministère des Affaires indiennes.
Donc, au cours de ce processus, nous négocierons des ententes qui seront protégées par la Constitution aux termes de l'article 5, et nous sommes d'avis que cette protection sera la même que celle qui est accordée par les traités existants.
Dans le cadre de ce processus, si nous sommes en mesure de mettre en place un gouvernement autonome selon les objectifs de l'entente, une mesure législative comme la Loi sur les Indiens devient inutile. En fait, si elle continue à être en vigueur au Manitoba, il sera alors pour nous impossible d'exercer le genre de contrôle qui est envisagé dans l'entente-cadre.
M. Harper: Je ne voudrais pas prendre trop de votre temps, mais alors, à votre avis, le processus de comité, le processus du gouvernement auquel nous participons, n'est-il pas un processus constitutionnel plutôt qu'uniquement un processus législatif dans lequel...? Même dans le projet de loi comme tel, le préambule stipule que les droits ancestraux et les droits issus de traités ne seront pas abrogés, notamment le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
La raison pour laquelle je pose cette question, c'est qu'il y a de nombreux malentendus au sujet du projet de loi et que bien des gens craignent que nos droits issus de traités soient touchés. Comme l'a dit le gouvernement, il s'agit d'un projet de loi unique, ce n'est même pas une modification à la Loi sur les Indiens, et il y a également des dispositions concernant la participation. Ces dispositions de participation soulèvent également certaines préoccupations, et certaines personnes ont dit craindre qu'à un moment donné le gouvernement les utilisera pour obliger les bandes à participer, soit en s'abstenant de mettre en place certains programmes soit en supprimant certains aspects financiers des rapports que nous avons avec le gouvernement fédéral. Ce sont des questions qui découlent des rapports coloniaux que nous avions, qui découlent du manque de confiance à l'égard des gouvernements.
Je crois que ces préoccupations sont fondées, mais à mon avis, c'est aux Premières nations du Canada qu'il appartient ultimement de décider de leur destinée. Je suis convaincu que notre peuple pourra maintenir son identité, ses propres institutions. Peu importe ce que l'on trame pour eux, dans la Loi sur les Indiens ou autrement, cela ne se réalisera jamais. J'ai l'impression que bien des gens ont le moral si bas et qu'il ne peut que remonter, et que nous survivrons, peu importe ce qui arrivera. Donc, je pense que la destinée de notre peuple est entre les mains de gens tout à fait compétents.
La seule chose que nous puissions donner à notre peuple, c'est lui donner une éducation pour qu'il puisse conserver son identité, sa langue et développer ses propres institutions.
Ma question, initialement - et vous voudrez peut-être donner plus de détails - concerne cette crainte qui existe chez les Premières nations, non seulement au Manitoba, mais partout au pays, en ce qui a trait à ce processus. Il s'agit uniquement d'un processus législatif; il ne s'agit pas d'un processus permettant de traiter de nation à nation, ni d'un processus constitutionnel. Je pense que toutes ces choses vont se réaliser, comme l'entente-cadre est en train de se réaliser au Manitoba.
Je voulais vous demander peut-être d'exprimer votre point de vue sur ce que je viens de dire.
Le grand chef Fontaine: Merci, Elijah.
Votre façon d'interpréter et de comprendre le processus est conforme à la nôtre. Nous voyons les choses de la même façon. Il s'agit d'un processus législatif, non pas d'un processus constitutionnel.
Comme je l'ai déjà dit, l'entente-cadre a préséance sur tous les autres processus, y compris celui dans lequel nous sommes engagés en ce moment dans le cadre de ce débat. Il est clair pour nous que la relation de fiduciaire du gouvernement va être maintenue, conformément aux décisions judiciaires, aux droits ancestraux, aux dispositions constitutionnelles, notamment à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, aux traités et aux autres lois et sources de droit, quelles qu'elles soient. Il s'agit je pense d'une chose importante, qui doit être reconnue comme telle.
Quoi que vous fassiez à l'heure actuelle dans le cadre de ce processus ne changera pas de façon fondamentale la relation historique qui existe entre la couronne fédérale et les peuples des Premières nations. Il est clair cependant, étant donné qu'ultimement et très bientôt les Premières nations du Manitoba seront en mesure de structurer un palier de gouvernement distinct qui sera égal aux deux autres paliers de gouvernement... c'est notre objectif ultime ici au Manitoba.
Nous nous attendons à ce que le gouvernement appuie sans réserve ce processus, et jusqu'à présent il n'y a rien qui laisse entendre que nous n'ayons pas l'appui nécessaire. Dans l'éventualité ou le gouvernement essayerait de se dérober pour une raison ou une autre, nous considérerions alors qu'il s'agit d'un manquement à l'honneur de leur part et cela nous obligerait à être plus fermes, plus unis et plus exigeants davantage pour nous assurer que l'entente cadre, qui est une entente ayant force obligatoire, soit respectée. Nous ne nous attendons à rien de moins de la part du gouvernement fédéral.
Le président: Monsieur Finlay.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.
Chef Fontaine, je tiens à vous remercier pour votre exposé qui a été pour moi des plus clair, concernant l'intention du projet de loi C-79 pour tenter de permettre aux nations qui choisissent de le faire, d'exercer une plus grande autorité sur leurs propres affaires. Je vous remercie de nous avoir présenté les choses dans le contexte de l'entente-cadre.
Dans votre exposé, lorsque vous avez dit qu'au Manitoba, les Premières nations devaient être partenaires ou tout au moins égales par rapport aux deux autres paliers de gouvernement, je suppose que vous vouliez parler des gouvernements fédéral et provincial. Ma question concerne certains des amendements. Je suis désolé, je n'ai pas le texte des amendements, mais il semble que vous ayez dit qu'un ministre ne devrait pas avoir le pouvoir d'annuler la décision du conseil de bande concernant certaines ententes sur les terres. Je crois que j'avais mentionné que le ministre ne devrait pas intervenir lors des élections des conseils de bande.
J'aimerais que vous nous en parliez à la lumière de la Charte des droits et libertés et de la Constitution du pays. Vous parlez de l'article 35 et ainsi de suite et je suis d'accord avec vous. Qui sera responsable de s'assurer que certains de ces aspects de la Constitution qui ont préséance et qui, je pense, sont assez importants pour une nation démocratique, sont respectés?
Le grand chef Fontaine: Nous parlons ici d'un processus qui permettra ultimement d'établir un palier distinct de gouvernement, comme nous l'avons déjà dit. Notre gouvernement devra prendre toutes les décisions en tenant compte des intérêts des droits de notre peuple. Ultimement, nous prendrons cette décision.
La décision ne peut être prise, comme c'est le cas à l'heure actuelle par quelqu'un qui est à l'extérieur de notre collectivité et qui ne fait pas partie de nos collectivités et de notre gouvernement, car c'est là où les choses se passent. Les décisions doivent donc être prises au sein de notre collectivité. De là à laisser entendre que nous n'accorderons pas la même protection que les gouvernements actuels... nous n'avons pas de leçon à prendre de gouvernements qui ont été responsables de notre peuple. Je pense que vous devez accepter le fait que nous protégerons tout autant que les gouvernements actuels les intérêts, les besoins et les droits de notre peuple et que nous y serons tout aussi sensibles.
M. John Finlay: Cela répond partiellement à ma question, sauf que nous au gouvernement, ceux d'entre nous qui sont censés étudier ces questions et qui le font avec vous et qui font les lois, devons également respecter la Constitution du pays et l'autorité de la Cour suprême en cas de conflit avec une province.
Je dis seulement que les Premières nations, peu importe comment elles contrôlent leurs propres affaires, et je suis certainement d'accord avec ça, devront également être des partenaires dans ce cadre qu'on appelle le Canada.
Le grand chef Fontaine: Nous sommes d'accord avec ça. Nous avons dit très clairement que le processus dans lequel nous nous sommes engagés, et quelle que soit la structure ultime que nous adopterons, sera compatible avec le cadre existant. Nous ne disons pas que nous voulons travailler à l'extérieur de ce cadre. Nous l'avons dit très clairement. Nous croyons dans l'intégrité du Canada et nous ne ferons rien qui pourrait la compromettre. Nous ne parlons pas de sécession. Nous ne parlons pas d'indépendance. La souveraineté dont nous parlons dans ce processus-ci consiste simplement à définir notre place au Canada. Donc quiconque s'oppose au processus dans lequel nous nous sommes engagés est en fait anti-Canada, à mon avis.
M. John Finlay: Merci.
[Français]
M. Claude Bachand: Monsieur Fontaine, il y a un concept qui se développe ici depuis quelque temps et vous en êtes peut-être un des promoteurs. J'aimerais que vous clarifiiez votre pensée à cet égard. On dit que, peu importent les projets de loi que nous adopterons ici à Ottawa, les peuples autochtones vont toujours finir par les surmonter et par passer au travers. Dans le cas qui vous concerne, vous faites allusion au Framework Agreement Initiative. Vous dites que c'est ce qui vous guide et que même si le projet de loi C-79 peut comporter des dangers, vous vous foutez de ces dangers, car c'est le Framework Agreement Initiative qui va avoir préséance. C'est précisément ce que vous avez dit.
Maintenant, vous avez dit que si ça se passait autrement, vous verriez ça comme un bris dans l'honneur de la Couronne. Vous êtes des Indiens vivant sous l'égide de traités depuis la Confédération, mais ces traités n'ont pas été honorés. Ça me semble être un dangereux concept que de dire que, peu importe ce qui va arriver, peu importe ce qu'on va légiférer, vous allez passer par-dessus. Il me semble que vous devriez être plus prudents et que si, à Ottawa, on légifère dans des domaines de compétence qui pourraient vous toucher, vous devriez non seulement y porter attention, mais aussi vous y opposer si vous pensez que ça peut être un empêchement dans la négociation qui vous concerne. Pourriez-vous clarifier un peu votre pensée à cet égard et me dire si je la traduis bien ou plutôt mal? Du moins, pourriez-vous nuancer votre pensée?
[Traduction]
Le grand chef Fontaine: Tout d'abord je tiens à ce que vous compreniez bien que nous ne disons nullement que nous sommes au-dessus de la loi ou que la structure que nous allons mettre en place ici nous placera au-dessus des gouvernements existants. Je pense avoir bien dit qu'il s'agit d'établir une structure égale aux deux autres niveaux de gouvernement. Nous voulons être à égalité avec eux. Nous acceptons, comme je l'ai dit, et soutenons l'intégrité du Canada, et à mon avis, accepter moins que cela, serait contraire à l'esprit de l'accord que nous avons négocié au Manitoba.
Ce que nous imaginons bien sûr comme étant le processus approprié, c'est que nous, dans cet accord et le processus qui s'ensuivra, puissions négocier des accords d'autonomie gouvernementale en vertu de l'entente-cadre qui - et je cite mon propre mémoire - nous permettra précisément de consolider l'obligation fiduciaire du Canada, qui sera l'assise d'un vrai système de responsabilité et de reddition de comptes pour le gouvernement des Premières nations.
Comme tous les gouvernements, nous devons rendre des comptes à nos citoyens, et quoi que nous fassions, il faut assurer la transparence de telle sorte que nos citoyens pourront nous demander des comptes, et de telle sorte que nous puissions aussi conclure des accords qui nous lieront aux gouvernements avec lesquels nous avons négocié des accords, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux.
L'autre question ici - et j'ai consulté mon conseiller juridique - c'est qu'il faut vous reporter aux amendements que j'ai recommandés. Il y a neuf accords précis qui, à notre avis, vont renforcer le projet de loi dont vous êtes saisis et garantiront la protection qu'il nous faut pour maintenir la relation spéciale et les droits spéciaux dont jouissent les Premières nations du Canada. Proposer moins que cela, à mon avis, serait irresponsable de la part des gouvernements.
Le président: Monsieur Bachand?
M. John Finlay: Obtiendrons-nous copie de ces amendements, monsieur le président.
Le président: Je crois savoir qu'on nous les a envoyés par télécopieur hier. Nous ne les avons pas reçus. La greffière les a-t-elle reçus?
Le grand chef Fontaine: Ils vous ont été envoyés lundi.
Le président: C'était hier. À qui les avez-vous envoyés?
Le grand chef Fontaine: À la greffière du Comité permanent des Affaires indiennes et du Nord canadien, Christine Fisher.
Le président: D'accord. Chers collègues, nous allons voir à ce que ces textes vous soient envoyés par télécopieur pour que vous puissiez les obtenir aujourd'hui, après la séance. Ainsi nous en aurons tous copie.
Grand chef, ou vos collègues, si vous voulez conclure, il nous reste 15 minutes. Nous allongeons la séance parce que c'est très intéressant. Il nous reste donc 15 minutes. Si vous voulez conclure, nous vous écoutons.
Le grand chef Fontaine: Ken va conclure.
M. Ken Young (conseiller juridique, Assemblée des chefs du Manitoba): Je vais faire une seule observation, à savoir que si l'on modifie ce projet de loi, j'aimerais sûrement qu'on fasse, c'est qu'on retranche l'idée selon laquelle le chef et le conseil devraient avoir le mandat de faire adhérer les Premières nations à cette mesure législative. S'il ne doit y avoir qu'un seul amendement, ce devrait être de permettre aux gens de la collectivité de se prononcer et de décider si cette loi est bonne pour eux ou non.
C'est ma seule observation. Je m'arrête là.
Le président: Merci beaucoup. C'est une bonne observation, et mes collègues en ont pris bonne note car ce sont eux qui pourront proposer des amendements.
Cela dit, je tiens à vous remercier vivement, grand chef, vous et vos collègues. Je sais tout le mal que vous avez eu parce que vous avez une semaine très chargée. Nous vous savons gré de votre participation. Votre participation a beaucoup enrichi notre débat.
Merci beaucoup, et au revoir. Nous allons maintenant à Edmonton.
Le grand chef Fontaine: En guise de conclusion, je tiens à vous remercier de nous avoir écoutés. Nous vous souhaitons bonne chance dans la tâche très importante où vous êtes engagés. C'est important pour les Premières nations, et j'espère que vous jugerez bon de compte de toutes les recommandations importantes proposées par les Premières nations parce qu'il faut absolument que les choses changent, et nous croyons que vos travaux pourront aboutir à des changements importants, même si nous reconnaissons le caractère provisoire de votre entreprise.
Vous avez notre soutien.
Le président: C'est noté. Merci beaucoup.
La séance est levée.