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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 mars 1997

.1358

[Traduction]

Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous reprenons l'examen du projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.

Nous sommes maintenant à Edmonton, et nous souhaitons la bienvenue à Mme Doris Ronnenberg, présidente du Conseil national des Autochtones du Canada (Alberta). Madame Ronnenberg, je vois que vous êtes accompagnée de collègues. Si certains d'entre eux veulent participer à l'exposé, nous aimerions connaître leurs noms et leurs fonctions au conseil. Voulez-vous nous le faire savoir tout de suite? Serez-vous la seule à prendre la parole, ou serez-vous accompagnée?

Mme Doris Ronnenberg (présidente, Conseil national des Autochtones du Canada (Alberta)): Il y aura deux autres exposés en plus du mien. Je suis accompagnée de Keith Moon, chef de la Première nation des Indiens du Sang, et de Lilianne Shirk, de la Première nation de Cold Lake.

Le président: Nous n'avons pas entendu le premier nom que vous avez cité. Pourriez-vous répéter les noms, s'il vous plaît?

Le chef Keith Moon (membre du conseil d'administration, Conseil national des Autochtones du Canada): Je suis le chef Moon, de la réserve des Indiens du Sang de Stand Off, et je suis également membre du conseil d'administration du Conseil national des Autochtones du Canada.

Le président: Merci. Cette fois-ci nous vous avons entendu.

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Chers amis, nous avons 40 minutes à passer ensemble. Ces 40 minutes vous appartiennent. Vous pouvez en disposer comme il vous conviendra, bien que nous préférions qu'il y ait un petit peu de temps après l'exposé pour que les membres du comité puissent poser des questions.

Je m'appelle Ray Bonin, et je suis président du comité. Nous sommes accompagnés deM. Claude Bachand, du Bloc québécois, ainsi que de MM. Elijah Harper, John Finlay, Charles Hubbard et John Murphy pour les Libéraux.

Procédez comme vous le préférez.

Mme Ronnenberg: Nous avons un mémoire écrit, qui sera déposé au comité. L'exposé oral s'écartera quelque peu du texte écrit, que vous aurez.

Tout d'abord, je vais vous présenter certaines personnes qui sont assises autour de la table. Je suis accompagnée de Brian Littlechief de Siksika; d'Ernie Bruno, d'Alexander; de Valerie Arcand, membre du conseil d'Edmonton; de Mel Buffalo, de Hobbema; de George Prince et d'Esther Prince, de Grande Prairie. Esther est également membre de notre conseil d'administration. J'ai déjà présenté Lilianne Shirk, également membre du conseil d'administration.

La première chose que j'ai à dire concerne la procédure suivie. Nous avons le sentiment que l'on procède de façon précipitée.

J'ai beaucoup de mal à m'adresser à vous, alors que vous bavardez avec les personnes qui sont autour de vous.

Le président: Je vous ai demandé de faire votre exposé au comité; laissons de côté, si vous le voulez, la question de ma capacité d'attention. J'entends très bien ce que vous dites.

Mme Ronnenberg: Voilà qui me rassure.

Nous sommes très préoccupés par le temps qui nous a été donné pour l'examen du projet de loi C-79. Quinze minutes pour traiter de toute cette question, de la procédure notamment, c'est beaucoup trop peu; cela nous cause quelques graves difficultés. Ceux d'entre nous qui sont autour de cette table sont des Indiens visés par des traités. Or, on nous donne 15 minutes pour donner un avis sur des questions dont dépendra le reste de notre existence; nous trouvons cela un peu difficile.

En ce qui concerne toute cette procédure, j'approuve les déclarations d'Ovide Mercredi et de Harry Daniels devant le comité.

J'aimerais aborder l'ensemble des questions touchant à la notion de territoire, dans la mesure où il en est question dans le projet de loi C-79. La terre est une chose sacrée pour les Indiens, et je m'inquiète de la façon dont les modifications proposées à la Loi sur les Indiens vont avoir des conséquences pour les responsabilités de fiduciaire de la Couronne à l'endroit des nations indiennes. Voilà un de nos principaux sujets d'inquiétude.

L'autre réserve que nous avons à émettre concerne les électeurs de la bande. Les modifications qui seront apportées au statut d'électeur auront des conséquences pour les Indiens de l'extérieur de la réserve, et pour l'application des dispositions du projet de loi C-31, relativement aux questions qui seront traitées par la bande et pour lesquelles ils ont le sentiment qu'ils doivent avoir un droit de vote.

.1405

Cela dit, et ces deux points seront repris dans notre mémoire écrit, je vais donner la parole au chef Moon, et ensuite à Lillian Shirk.

Le chef Moon: Merci beaucoup, madame la présidente, et je remercie le comité de nous inviter à participer à l'ensemble du processus.

J'aimerais cependant rappeler que ce processus est beaucoup trop... Ce qui se passe, de notre point de vue, c'est que l'on vient de nous avertir que l'on va modifier la Loi sur les Indiens. Je suis très déçu de la façon dont le processus est engagé. Ainsi, le gouvernement fédéral vient d'annoncer, à propos de la commission royale... Elle a présenté toute une série de recommandations sur l'indemnisation des Indiens pour le préjudice subi, et je trouve par ailleurs très déconcertant que le gouvernement ne respecte pas ses engagements du Livre rouge, non seulement à l'égard des Autochtones, mais de façon générale à l'égard des être humains. N'oubliez pas que nous sommes les premiers habitants de l'Amérique du Nord.

Cela dit, je rappelle la relation de fiduciaire qui existe et qui a été ratifiée et confirmée par la Cour suprême du Canada, et selon laquelle le gouvernement fédéral, le ministre, et donc la Couronne, ont une responsabilité de fiduciaire à l'égard des Indiens, c'est-à-dire des Indiens comme moi, qui se battent pour survivre; je ne parle pas ici du chef et du conseil de bande, ni de l'Assemblée des premières nations. Et Dieu sait si nous sommes les Premières nations de cette terre d'Amérique du Nord.

Là encore, et bien que l'on dise que nous sommes représentés par un chef et un conseil, ceux-ci défendent mal nos intérêts, et donnent une mauvaise idée de ce qui se passe en réalité. Ainsi, les Indiens du Sang avaient bénéficié d'un règlement territorial, suite à quoi les membres des bandes ont été achetés pour voter en faveur de cette transaction foncière, et cela de façon tout à fait contraire à ce que l'on appelle un processus démocratique.

Je voulais le rappeler, car pour nous c'est très important; et comme Indien dont l'Acte de l'Amérique du Nord britannique atteste l'existence, ainsi que la Charte de 1982, nous aimerions rappeler au comité que vous avez à entendre ces Indiens. La Cour suprême du Canada l'a confirmé, et pourtant, une fois de plus on n'en tient pas compte.

J'aimerais rappeler au comité que la commission royale d'enquête, la commission sur les peuples autochtones, a présenté des recommandations prévoyant une période de transition et d'ajustements qui devaient nous permettre de rattraper le reste du Canada. Pourtant, une fois de plus, on nous ignore. Voilà pourquoi nous sommes préoccupés et voilà pourquoi certains d'entre nous s'inquiètent de ce que les Autochtones que nous sommes sont contraints de se battre, en dépit de cette relation de fiduciaire.

Nous vivons en ce moment ce que l'on peut appeler un génocide. Pourtant, le gouvernement devrait au contraire tout faire pour préserver notre existence, au lieu de nous laisser glisser vers un statut d'espèce en voie de disparition. Effectivement, et c'est pour cela que je le dis, aucun effort concret n'est fait pour préserver notre culture, notre langue et nos valeurs, pour ne citer que quelques exemples.

J'en resterai là. Merci d'avoir bien voulu m'écouter.

Mme Ronnenberg: Lillian aimerait pour le moment s'abstenir de toute déclaration. Je vais donc lire cette partie du document qui va être déposé au comité. Je commencerai à la page 4, deuxième paragraphe.

Le CNAC peut peut-être donner au comité une définition de ce que pourrait être une véritable consultation. En annexe B au mémoire, nous joignons le compte rendu d'une réunion d'un comité permanent de la Chambre des communes d'il y a 27 ans, débattant de la même Loi sur les Indiens, et notamment du Livre blanc - joint en annexe C - de Pierre Trudeau et Jean Chrétien.

.1410

Présentant la réponse du Livre rouge des Indiens, Harold Cardinal, à l'époque président de l'Association des Indiens de l'Alberta, déclare à la page 25:15:

Il s'agit évidemment maintenant de l'Assemblée des premières nations.

Pour le Conseil national des Autochtones du Canada (Alberta), cette définition de la consultation de M. Cardinal est tout aussi pertinente aujourd'hui qu'il y a 27 ans, sous réserve de trois modifications, puisque depuis 1970 la situation a évolué. D'une part, la Fraternité des Indiens du Canada est devenue l'Assemblée des premières nations. Deuxièmement, la Constitution a été rapatriée en 1982, et l'on parle des Indiens à l'article 35.2, et non plus de la Loi sur les Indiens ni des Indiens des réserves, et de ce fait toute concertation doit se faire avec la pleine participation du Congrès des peuples autochtones et de ses membres provinciaux et territoriaux représentés au sein de l'Assemblée des premières nations. Un accord signé en 1994 entre le Congrès des peuples autochtones et M. Irwin, le ministre, et prévoyant qu'une telle consultation ait lieu, a été déposé au comité par le Congrès des peuples autochtones le 6 mars 1997.

Les amendements de 1985 à la Loi sur les Indiens - c'était le projet de loi C-31 - selon lesquels 10 000 Indiens de l'Alberta, qui sont des Indiens inscrits au sens de la Loi sur les Indiens, mais qui ne sont pas membres de bandes... Il s'agit de 20 bandes dont je vais lire les noms, et dont les représentants comparaîtront devant vous cet après-midi.

Pour l'Alberta la liste est complète et découle des procès engagés à la suite de l'adoption du projet de loi C-31, d'une part, des déclarations qui ont été faites publiquement contre les dispositions du projet de loi C-31, d'autre part, et enfin des plaintes à l'encontre de leurs bandes adressées au CNAC par les Albertains concernés par les dispositions du projet de loi C-31.

Vous trouverez en annexe 4 au mémoire la liste en question, avec un exemple précis concernant la première nation de Saddle Lake. Il ressort de tout cela que l'APN n'est pas compétente lorsque l'on parle des Indiens au sens du projet de loi C-31, puisqu'ils n'ont pas pu obtenir leur statut de membres au sein des bandes qui composent l'Assemblée des premières nations, et qu'ils sont donc isolés à l'extérieur de celle-ci. De ce fait, il apparaît absolument nécessaire que le Congrès des peuples autochtones du Canada et ses membres provinciaux et territoriaux soient chargés de participer à toute consultation concernant la modification de la Loi sur les Indiens ou l'examen du projet de loi C-79.

Voilà donc notre avis sur la question de la consultation et de la concertation.

Nous en arrivons au projet de loi lui-même. Nous discuterons de quatre aspects de ce projet de loi, puisque le temps ne permettra pas que nous participions, comme cela se faisait pour les Indiens depuis 1970, à l'examen traditionnel article par article qui se fait dans tous les comités permanents de la Chambre des communes.

Le ministre divise le projet de loi en quatre: d'abord la restructuration des prérogatives ministérielles et des responsabilités des Premières nations; deuxièmement, un processus de rationalisation; troisièmement, l'abrogation de certains articles; et quatrièmement, l'officialisation de certaines pratiques actuelles.

Vous trouverez en annexe 5 au mémoire le synopsis du ministre. Ce n'est pas celui des Indiens, loin de là.

Le CNAC a trois réserves principales à émettre. La première concerne l'élargissement des pouvoirs du chef et du conseil, sans qu'ils soient obligés de rendre des comptes; nous pensons particulièrement à la population hors réserve et aux Indiens définis par les dispositions du projet de loi C-31.

.1415

Le CNAC voit dans le projet de loi C-79 la volonté de transférer plus de pouvoir aux bandes. Cela supposerait que celles-ci traitent leurs membres de façon juste. L'autonomie gouvernementale ne signifie pas simplement l'autorité; il faut également assortir celle-ci d'une obligation de rendre des comptes aux citoyens. En ce moment, et tout chef responsable le reconnaîtrait, voilà ce qui se passe en Alberta: premièrement, les bandes utilisent les Indiens du C-31 pour des programmes de subventions à l'éducation, au logement et au développement économique, tout en refusant catégoriquement à ces Indiens du C-31, et souvent à des membres de la bande hors réserve, de pouvoir profiter de ces crédits; deuxièmement, les bandes utilisent encore les Indiens du projet de loi C-31 pour certaines revendications au titre de l'ensemble de la population, comme pour le champ de tir aérien du lac Primrose de la Première nation de Cold Lake, tout en leur refusant de pouvoir participer aux négociations au titre du projet de loi C-31, ou de profiter des retombées positives de certains règlements.

J'aimerais rappeler au comité que l'examen du projet de loi C-79 doit se faire dans le respect de la loi, ou des modifications qui lui ont été apportées. En annexe C au mémoire vous trouverez la décision du juge Muldoon de la Cour fédérale du Canada, une décision de 148 pages rendue le 6 juillet 1995. Par cette décision le juge déboute le sénateur Twinn, la Première nation Sawridge, et ceux qui ont essayé de supprimer le paragraphe 8.14(3) de la Loi sur les Indiens, comme prévu au projet de loi C-31. La décision a fait l'objet d'un appel qui sera tranché au mois de juin, mais pour le moment la loi doit être respectée.

Où dans le projet de loi C-79 prévoit-on que les membres de la bande de plein droit au titre des dispositions du projet de loi C-31 peuvent être électeurs au sens de l'article 74.2 du projet de loi C-79? Où prévoit-on, dans le projet de loi C-79, que les Indiens hors réserve puissent être électeurs?

Monsieur le président, nous avons déposé une décision de la Cour fédérale, et non pas simplement un avis de juriste. À cet effet, et en annexes 7 et 8(2), nous déposons des décisions de tribunaux - et non pas simplement des avis d'avocats - selon lesquelles les Indiens hors réserve ont le droit de participer à l'élection du chef et du conseil de bande, quelle que soit par ailleurs leur résidence habituelle au sens du au paragraphe 77(1) de la Loi sur les Indiens. En première instance et en appel la Cour fédérale a donné raison aux revendications des Indiens hors réserve en s'appuyant sur l'article 15 de la Constitution, article concernant l'égalité. Le cas cité, Corbiere et al. c. Batchewana et Indien et al., concerne directement les articles du projet de loi C-79 définissant le statut d'électeur. Nous demandons que l'on modifie le projet de loi C-79 pour y ajouter les membres de la bande de la réserve et hors réserve après le terme «électeurs» à l'article 74.2(1) du projet de loi C-79.

Étant donné l'aspect facultatif de ces dispositions, notre requête paraît raisonnable. Mais le projet de loi comporte encore une insuffisance. Il permet en effet à une simple majorité du conseil, avec son chef, de décider de l'application de ces nouvelles dispositions par simple résolution du conseil de bande, sans réunion, seulement par des signatures. Une réunion de la bande au complet devrait être exigée, avec l'approbation de 50 p. 100 des membres de la réserve et de l'extérieur de la réserve.

En ce qui concerne les terres de la réserve, nous constatons que le projet de loi C-79 transfère les nouvelles responsabilités au conseil de bande. Qu'en est-il alors de la responsabilité de fiduciaire de la Couronne à l'égard des Indiens?

Merci. Je vais maintenant demander à Lillian Shirk de prendre la parole.

Mme Lillian Shirk (Conseil national des Autochtones du Canada (Alberta)): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le temps qui nous a été alloué pour ces modifications à la Loi sur les Indiens est trop court, d'autant plus que très souvent nous ne sommes pas avocats. Il serait absurde d'adopter immédiatement ces modifications, qui vont avoir des conséquences pour nos enfants, nos petits-enfants et toute notre descendance.

Lorsque les traités ont été signés, il y a plus de cent ans, M. Erasmus ne parlait pas blackfoot, cri, atoney ou sarci. Il parlait seulement anglais. M. Erasmus a élevé mon grand-père, Peter Shirk, alors qu'il n'était encore qu'un petit garçon. C'est de cette façon que nous avons appris ce détail historique. M. Erasmus était le seul capable de traduire les traités. Voilà pourquoi tous nos chefs ont simplement signé d'une croix.

.1420

J'aimerais que nous ayons plus de temps pour revoir ces traités avant de donner notre accord à quelque modification que ce soit.

Le président: Est-ce que cela termine votre exposé?

Mme Ronnenberg: Non. Keith a encore quelque chose à dire.

Le chef Moon: Je vais simplement conclure. Ce qui se passe ici, c'est que le gouvernement fédéral abdique ses responsabilités envers les Indiens.

Le système actuel est rongé par la corruption, et beaucoup d'Indiens qui ne vivent pas nécessairement dans les réserves en souffrent gravement. Il s'agit d'Indiens qui vivent en fait dans les centres urbains. La majorité des Indiens de l'Alberta, tels que ceux de ma réserve, la réserve des Indiens du Sang, vivent à l'extérieur de cette réserve - plus de la moitié - alors que par ailleurs des millions de dollars sont aux Indiens du Sang.

Il y a beaucoup de Premières nations en Alberta qui reçoivent des crédits de gauche et de droite, sans obligation de rendre des comptes. Ainsi, l'Université de Lethbridge a fait faire une étude tout à fait objective, selon laquelle il y a 7 000 sans-abri dont personne ne veut. Voilà des gens qui sont membres des réserves environnantes, de la réserve des Indiens du Sang et de la réserve indienne Peigan, pour lesquelles des millions de dollars sont dépensés. Il n'y a donc aucun mécanisme de vérification comptable, et cette situation se perpétue indéfiniment.

Contrairement à la conclusion de la commission royale, les conclusions qui étaient censées être appliquées, encore là il n'y a aucune reddition de comptes. Le gouvernement fédéral ne respecte pas ses responsabilités face à ces Premières nations. Je pense que le gouvernement fédéral tente de se libérer de ses responsabilités face aux peuples autochtones de l'Amérique du Nord.

Merci.

Le président: Merci.

Avant de demander aux membres de poser des questions, je vous demande à nouveau si cela met fin à votre témoignage.

Mme Ronnenberg: Oui, j'ai terminé, et je vous remercie de nous avoir écouter.

Le président: Je rappelle pour mémoire que ce projet de loi a été déposé le 12 décembre 1996 et que les avis ont été expédiés le 26 février 1997. Espérons qu'ils n'ont pas été égarés dans le courrier, mais j'ai personnellement télécopié un message à tous les députés le 26 ou le 27 février. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour nous assurer que vous seriez informés du dépôt de ce projet de loi. On y a travaillé pendant près d'un an.

Les membres du comité ont-ils des questions à poser ou des observations à faire?

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais simplement revenir sur certaines des inquiétudes dont on nous a fait part.

Il a déjà été mentionné à notre comité que chaque réserve a un système de comptabilité transparent et que les membres peuvent consulter sur demande les comptes de dépenses des diverses bandes. Selon certains de vos témoignages, ce ne serait pas le cas. Je dirais que s'il existe un problème, vous devriez l'indiquer à notre comité. En outre, je crois que le cabinet du ministre serait très préoccupé si les dossiers, les vérifications qui sont acheminées au ministère, n'étaient pas accessibles aux membres des bandes. Pourriez-vous vous prononcer là-dessus?

Mme Ronnenberg: Ce que vous me dites est totalement faux. Les gens doivent invoquer la Loi sur l'accès à l'information pour tenter d'obtenir de l'information financière de leurs bandes. Les états de comptes des bandes ne vous sont pas remis du simple fait que vous êtes membre de la bande.

.1425

M. Charles Hubbard: Le ministère a fait savoir aux membres du Comité des comptes publics que toutes les vérifications des dépenses des bandes étaient accessibles sur demande de tout membre de la bande. Si ce n'est pas le cas, je vous inciterais à en informer le vérificateur général du Canada, et son bureau répondra que c'est ce que contient le rapport.

Mme Ronnenberg: Avez-vous quelque chose à ajouter là-dessus, Lillian ou Keith?

Le chef Moon: À propos de ce qui se passe en ce qui concerne la reddition de comptes, nous venons tout juste de nous soumettre à un processus où un règlement de revendications territoriales était censé avoir été... Encore là, cela va certainement à l'encontre de toutes les règles d'équité, d'égalité et de démocratie. Des membres de la réserve no 148 des Indiens du Sang ont accepté un pot-de-vin en échange d'un vote en faveur de cette opération. Les anciens n'approuvaient pas ce processus, et je vais fournir au comité certains renseignements sur cette question précise. En fait, nous avons informé le bureau régional à Edmonton du fait que cela suscitait de l'opposition, mais ils sont quand même allés de l'avant. Quant à moi, j'ai essayé d'obtenir des copies de notre rapport annuel de vérification financière, mais elles ne sont pas disponibles.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Comme il n'y en a pas, je vous remercie beaucoup pour votre témoignage. Tout ce que vous avez dit a été enregistré. Quand nous débattrons du projet de loi C-79, seuls les documents qui ont trait au projet de loi seront pris en compte au cours du débat auquel participeront les membres du comité.

Vous avez parlé de procédures que le ministère ou le ministre devrait adopter. Je vous incite à les soumettre à leur attention, étant donné que les membres du comité ne se pencheront que sur les observations ou les témoignages portant sur le projet de loi C-79. C'est notre mandat, et c'est la tâche que nous nous efforçons de remplir.

Merci beaucoup donc pour votre témoignage. Au revoir.

Mme Ronnenberg: Merci.

Le président: Avant que vous nous quittiez, puis-je vous demander de nous télécopier les documents que vous vouliez déposer? Pourriez-vous nous les faire parvenir aujourd'hui? Demain, c'est le dernier jour pour soumettre des mémoires écrits; nous aimerions donc les avoir avant d'entreprendre l'étude article par article jeudi.

Mme Ronnenberg: Devons-nous les télécopier aux gens qui vont présider, ou les télécopions-nous directement à votre comité?

Le président: Vous les envoyez directement à la greffière du comité, avec qui vous avez déjà fait affaire.

Mme Ronnenberg: C'est Christine Fisher.

Le président: C'est juste.

Mme Ronnenberg: Nous le ferons, monsieur.

Le président: Merci.

Nous concluons ainsi cette partie des audiences publiques.

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.1441

Le président: Nous accueillons maintenant Mme Helen Gladue, du Conseil consultatif des femmes assujetties aux Traités de l'Alberta, qui comparaît pour nous aider à faire notre examen du projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.

Madame Gladue, je vois que des collègues vous accompagnent. Y en a-t-il qui feront un exposé? Si oui, c'est très bien, mais nous devons connaître le nom des personnes qui feront un exposé ou prendront la parole, de même que leurs fonctions au sein de votre groupe.

Mme Helen Gladue (représentante, Conseil consultatif des femmes assujetties aux traités de l'Alberta): Je suis accompagnée par la présidente du Conseil consultatif des femmes assujetties aux traités de l'Alberta, Veronica Warren; par Geraldine Willard, du Traité no 8; par Colleen, du Traité no 6; par Samantha Alexis, du Traité no 6; et par Sandra Rostay et Elaine Bancroft, de la Bande indienne de Louis Bull. Nous sommes accompagnées par d'autres membres du conseil consultatif, et je me présente: Helen Gladue.

Bonjour, mesdames et messieurs.

Mme Warren va lire le document.

Le président: Auparavant, nous aimerions que votre responsable nous envoie par télécopieur les noms de toutes les personnes qui participeront à cet exposé.

Madame Gladue et mesdames, nous disposons de 40 minutes. Je m'appelle Ray Bonin et je préside le comité. Le parti ministériel est représenté par MM. Finlay et Murphy. Nous aimerions qu'on réserve du temps pour les questions.

Vous avez la parole.

Mme Veronica Warren (présidente, Conseil consultatif des femmes assujetties aux traités de l'Alberta): Voici pourquoi nous sommes ici: le Conseil consultatif des femmes assujetties aux traités de l'Alberta estime avoir la responsabilité morale de réagir au plan du ministre des Affaires indiennes, qui veut faire adopter à toute vitesse par le Parlement du Canada le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix. Ce plan d'action, qui est une mesure unilatérale prise par le ministre, apparaît comme une très grave menace aux relations bilatérales de longue date établies entre Sa Majesté la Reine Elizabeth II du chef du Canada et les Premières nations assujetties aux traités.

Pour saisir la dimension politique de cette mesure, il faut rappeler l'importance de l'histoire des Premières nations au Canada.

Nous avons droit à l'autodétermination. Dans ses échanges avec les leaders des Premières nations, la Couronne fédérale a une longue habitude de consultations sans enthousiasme, inadéquates et infructueuses.

.1445

Ces échecs ont entraîné la prise de décisions unilatérales par le ministre et ses collègues au Parlement, ce qui entache le rôle fiduciaire du ministre et mine gravement la confiance que peuvent avoir les Premières nations quand elles traitent avec le gouvernement fédéral.

Le ministre, Ron Irwin, a déclaré publiquement qu'il a l'intention de faire adopter le projet de loi C-79 par le Parlement, peu importe l'opposition manifestée par 85 p. 100 des chefs des Premières nations. C'est un geste flagrant de paternalisme éhonté qui sape les fondements mêmes de la démocratie parlementaire.

Le manque d'enthousiasme manifesté par le premier ministre Jean Chrétien et l'honorable Ron Irwin au moment du dépôt des volumineux rapports de la Commission royale sur les peuples autochtones a contribué à miner encore plus notre confiance. Le premier ministre a dit que son gouvernement ne les étudiera pas avant les prochaines élections fédérales. Le ministre des Affaires indiennes a dit que les dépenses proposées sont très irréalistes et que la mise en application de plus de 400 recommandations pourrait demander au moins une vingtaine d'années. Actuellement, nous nous demandons si les 60 millions de dollars qu'a coûtés la commission contribueront jamais à améliorer notre qualité de vie.

Les tactiques employées pour assimiler les Premières nations ont toujours consisté à discréditer et à miner notre statut de Premières nations dans l'île Turtle.

En ce moment même le ministère fédéral des Ressources humaines reflète l'idéologie d'assimilation du gouvernement. Tous les peuples autochtones, qu'ils aient ou non conclu des traités, sont fusionnés pour des fins administratives.

Dans la communauté internationale, un bon nombre dénoncent la politique subversive du Canada. L'article 3 du projet de Déclaration des droits des Autochtones adopté par le Groupe de travail des Premières nations dispose que:

En tant que Premières nations nous avons toujours eu nos propres gouvernements. Par la Proclamation royale de 1763, le Roi George III a reconnu que nos tribus étaient des Premières nations. Nous étions considérés comme souverains et distincts. Maintenant, plus de 200 ans plus tard, le gouvernement immigrant de ce territoire est tenté de renverser cette proclamation. La tendance lourde est de nous assimiler, de nous amener à perdre notre identité et notre statut et de piller en conséquence nos dernières réserves de ressources naturelles, de nous réduire à la pauvreté.

Nous avons en tant que Premières nations le droit inhérent de disposer de nous-mêmes. Les traités négociés entre nous et la Couronne britannique du chef du Canada confirment notre statut de nation. C'est pourquoi nous avons toujours résisté à toutes les pressions politiques et à toutes les manipulations visant à transformer nos gouvernements uniques en municipalités de réserves relevant des provinces.

Vous vous souviendrez que c'est à la Haute Cour britannique, le 24 janvier 1982, que le juge Lord Dunning a conclu que nos traités étaient valides et que même après le rapatriement de la Constitution la Couronne fédérale était tenue de respecter et d'honorer nos traités.

.1450

Citons comme exemple les conditions du Traité no 6 de 1876. Le commissaire nous avait promis des animaux et des outils pour assurer notre développement économique par l'agriculture. En raison du manquement quasi total à respecter cet engagement, un bon nombre de nos gens croupissent dans la pauvreté.

Aujourd'hui, la plupart de nos réserves ne ressemblent pas à la société industrialisée. Il n'y a que très peu de chaînes de montage industrielles, mais il existe un grand nombre de chaînes de montage qui engendrent la pauvreté.

Nos gouvernements des Premières nations règnent sur nos sociétés communales et en font partie. Nous survivons depuis des dizaines de milliers d'années grâce à ces principes. Nous aimons ce mode de fonctionnement qui a fait ses preuves et nous avons l'intention de le maintenir.

Nous avons refusé de soutenir des accords spéciaux comme ceux du lac Meech et de Charlottetown parce qu'ils constituaient des menaces à notre entité nationale, à notre statut unique et à notre culture, quand Elijah Harper, député au Parlement du Manitoba, a mené cette lutte et l'a remportée au profit de toutes les Premières nations.

Un long processus législatif nous a enlisés dans un climat de frustration et de méfiance. Le premier texte législatif concernant la souveraineté des Premières nations remonte à 1850. D'autres ont suivi, jusqu'en 1924. En 1948, en 1949, en 1951 et en 1968, les rédacteurs législatifs travaillaient d'arrache-pied.

En 1951, quand l'article 88 a été ajouté à la Loi sur les Indiens, ce fut un grave assaut contre notre souveraineté en tant que Premières nations. L'article 88 permettait aux provinces, dans certaines circonstances, d'usurper notre pouvoir législatif, nouvelle et longue étape vers une assimilation redoutée.

La période de 1968 à 1969 a été particulièrement désastreuse pour nous. Prétextant modifier la Loi sur les Indiens, les ministres des Affaires indiennes d'alors, Jean Chrétien et Robert Andras, nous ont complètement bernés. Contrairement à ce qui avait été annoncé, le Livre blanc de 1969 portant sur la politique relative aux Indiens visait à reléguer les Premières nations aux oubliettes: pas de traités, pas de statut, et le risque de perdre notre territoire et notre culture.

Un peu plus tard, quand John Munro était ministre des Affaires indiennes, on a examiné la législation provinciale sur la condition des enfants. Nous, les femmes, nous sommes battues contre les politiques d'adoption assimilatrices de l'époque. Chose assez étonnante, John Munro nous a soutenues, disant que la garde des enfants des Premières nations devait relever de l'article 91, disposition 24 de la Constitution, respectant ainsi une prérogative clé des gouvernements des Premières nations.

Les Premières nations ont lutté contre la disparition en 1969 de la politique concernant les droits et le statut, et nous y sommes parvenus grâce au soutien d'un vaste secteur de la population non autochtone. Quand le premier ministre Pierre E. Trudeau a été obligé en juin 1970 d'accepter notre document intitulé Citizens Plus, il a hésité disant essentiellement qu'on n'allait pas mettre en application les politiques du Livre blanc maintenant, mais sur une période de quelques années si c'était possible. Nous nous demandons maintenant si les réponses évasives que Jean Chrétien fournit à notre peuple ne constituent pas une revanche politique pour lui et Pierre Trudeau.

.1455

De 1979 à 1982, l'époque du rapatriement de la Constitution, les Premières nations ont combattu avec ferveur pour s'assurer que leurs droits issus de traités et leurs droits inhérents seraient consacrés dans la loi du pays.

En 1981 et en 1982, quand nos chefs et conseillers étaient à Londres pour rallier des parlementaires britanniques à notre cause, le ministre de la Justice d'alors, Jean Chrétien, et le haut-commissaire du Canada à Londres, Jean Watt, ont tâché de contrer tous nos efforts. Ils ont échoué. Le juge Denning a rendu un jugement en notre faveur.

En 1993, déçue par le manquement du Canada à clarifier et à renforcer les obligations à respecter en vertu de traités conclus avec les Premières nations, la Confédération des premières nations du Traité no 6 est retournée à Londres pour faire à nouveau des pressions sur le Parlement britannique et organiser une réunion privée avec Lord Denning, alors à la retraite.

Aujourd'hui, nous nous demandons si cette Constitution qu'on a rapatriée est valide, étant donné que le Québec ne l'a jamais acceptée.

Malgré nous, le paragraphe 37(2) de la Constitution a servi un objectif retors du gouvernement. Il a permis l'ingérence des provinces dans le domaine des relations entre les Premières nations, le Canada et la Couronne. La stratégie visant à nous assimiler politiquement au cours des débats sur le paragraphe 37(2) a échoué.

De la même manière, l'article 15, qui traite de la Charte des droits et libertés, visait à miner notre système communal, nos collectivités appelées «réserves». Du point de vue culturel, notre priorité est la préservation des droits collectifs. Les droits individuels, tout en demeurant importants, viennent au second plan. Nous y voyons une autre tentative d'assimilation.

En 1985, le ministre des Affaires indiennes de l'époque, David Crombie, a fait adopter le projet de loi C-31 concernant des modifications aux critères d'appartenance aux Premières nations. Nous avons rejeté cette loi, tout en exigeant que, si elle était adoptée, le gouvernement fédéral fournisse des réserves additionnelles, davantage de logements, verse des rentes aux termes des traités et fournisse tous les avantages découlant des traités, soit l'éducation, les soins de santé, les services sociaux et le développement économique.

Pendant quatre ans et demi environ, les femmes des régions assujetties aux Traités 6, 7 et 8 se sont ralliées politiquement, se sont rendues sur la colline du Parlement pour faire campagne contre le projet de loi, et 295 députés et 104 sénateurs ont entendu nos plaidoyers, le plus important mouvement à avoir suivi la controverse du rapatriement.

Nous avons été trahis une autre fois, et par conséquent les fonds déjà rares ont dû servir à accueillir des milliers de nouveaux venus ayant obtenu le statut d'Indien. Depuis, les ministres des Affaires indiennes essaient de courtiser les électeurs non autochtones, en leur disant que les dépenses engagées pour les Autochtones ont augmenté démesurément.

En 1989, quand Brian Mulroney était au pouvoir, 23 articles de la Loi sur les Indiens ont été modifiés. Face aux constantes attaques politiques des gouvernements libéral et conservateur, les Premières nations ont fait appel au tribunal Russell et un peu plus tard à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, à Genève, pour demander un appui international contre les politiques répressives et assimilatrices du Canada.

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Après 12 ans de lobbying et de dur labeur, les Premières nations sont parvenues à un projet de déclaration des droits des peuples autochtones. Tout au long de ce processus d'élaboration, des hauts fonctionnaires du gouvernement canadien, ainsi que des États-Unis, ont tenté de contrer politiquement ce mouvement pour l'empêcher d'atteindre son but.

Le projet de loi C-79 viole les promesses du Livre rouge du Parti libéral. Quand les Libéraux de Jean Chrétien faisaient campagne au cours de la dernière élection fédérale, ils ouvraient leur livre où ils promettaient de consulter sans faute les Premières nations sur toutes les questions et politiques vitales. C'était une promesse vide. Ils ont dévoilé leur véritable intention d'assimilation des Premières nations en appelant quelques-uns des nôtres au sein de leur caucus autochtone, en regroupant ensemble les Inuit, les Métis, les Indiens sans statut et les Indiens inscrits.

En 1993, une autre tentative d'assimilation est venue du Cabinet fédéral, une loi sur la charte sur la gestion des terres et d'autres textes législatifs portant sur l'environnement des réserves, les forêts, la fiscalité et l'administration. Bien que ce texte de loi, auquel nous nous sommes fortement opposés, n'ait jamais été adopté, le ministre des Affaires indiennes est quand même parvenu à ses fins par une mesure détournée de mise en application de nouvelles politiques.

Nous vous soulignons le fait que l'accord proposé sur les revendications fondées sur des droits fonciers issus de traités, qui aurait été élaboré pour correspondre à la formule du gouvernement de la Saskatchewan visent à restituer aux Premières nations des terres légitimement réclamées, contenait une disposition selon laquelle un impôt foncier aurait été perçu sur ces terres nouvellement acquises.

Voilà maintenant que le ministre Ron Irwin veut amender 68 articles de la Loi sur les Indiens par le projet de loi C-79. Il ne s'agit pas, contrairement à ce que l'on prétend, d'une simple question de mise à jour de la loi. Les révisions visent à nous assujettir davantage à la compétence des provinces et à inclure des changements que nous avons sommairement rejetés en 1982. Le projet de loi C-79 est peut-être bien optionnel: notre peuple a le choix de se précipiter vers l'assimilation ou de conserver son caractère unique.

Pour vous donner une idée de l'ampleur de notre opposition à cette loi dictatoriale, sachez qu'environ 2 000 de nos citoyens ont participé à une manifestation de protestation à Canada Place, à Edmonton, le 25 février. Là, plusieurs de nos anciens se sont prononcés contre cette dernière loi tyrannique.

Le spectre de l'imposition illégale d'un fardeau fiscal plane sur les Premières nations. En vertu de nos traités de longue date, les peuples autochtones sont soustraits à la perception de diverses taxes. Ce grand mouvement d'assimilation vise maintenant à nous contraindre à payer des taxes, en violation de nos traités. Nous savons qu'un homme assujetti au Traité no 8 touchait un revenu en exploitant une entreprise légitime sur sa réserve. On lui a réclamé 5 000$ en impôt impayé. Nous sommes au fait d'un autre cas où on a réclamé 12 000$ et d'un troisième cas où on a réclamé 24 000$. Des citoyens des nations Hobbema ont dit que leurs chèques de pension ont été retenus pendant deux mois parce qu'ils n'avaient pas rempli de déclaration d'impôt.

Des travailleurs des Premières nations peuvent être contraints de contribuer à l'assurance-chômage, contrairement aux dispositions du traité. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Williams, a donné raison à une personne des Premières nations en déclarant que le prévenu n'avait pas à payer de taxes. On prévoit que le gouvernement du Canada tentera de passer outre à cette décision, si bien que la question de la fiscalité demeure problématique pour nous.

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Voici Les raisons pour lesquelles nous nous opposons au dépôt du projet de loi C-79.

Donner suite à ce texte législatif malgré les protestations massives des Premières nations, c'est se moquer de la démocratie.

Fait ironique, le ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, se rend à Cuba pour convaincre les Cubains d'adopter notre régime démocratique et d'améliorer la situation des droits de la personne. Il devrait voir un peu les tactiques employées pour intimider et contrôler les Premières nations.

Le principal objectif de la législation canadienne sur les Indiens, depuis le début de la Confédération, c'est de marginaliser les Premières nations dans la société dominante afin de s'approprier de plus en plus de nos ressources naturelles. Cette orientation va exactement à l'encontre du projet de Déclaration des droits des peuples autochtones ainsi que du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones.

La colonisation et le vieux principe qui consiste à diviser pour mieux régner qu'appliquent le ministre fédéral des Affaires indiennes et ses cohortes de bureaucrates servent toujours à maintenir les Premières nations dans la sujétion. Il est parvenu à diviser les chefs de l'Assemblée des premières nations en constituant des comités de consultation des chefs et en les incitant à appuyer ses initiatives législatives et politiques.

C'est avilissant pour notre peuple, et on ne peut plus le tolérer. C'est dégradant pour l'ensemble de la nation canadienne. Il n'est ni sensé ni logique pour le Parlement d'adopter des modifications spéciales sous la forme d'une «Loi sur les Indiens no 2» quand le Cabinet et le Parlement n'ont pas encore eu suffisamment de temps pour examiner l'ampleur et la qualité des quelque400 recommandations contenues dans le rapport de la commission royale.

Nous avons toujours été contre les modifications à la pièce de la Loi sur les Indiens. Nos chefs sont renversés par la complexité des modifications. Au moment même où nous témoignons ici, les leaders de la commission consultent les leaders des réserves pour expliquer les recommandations. Il est consternant de voir la grande incompréhension qu'en ont nos citoyens en raison de cette approche bizarre.

Maintenant, le ministre des Affaires indiennes a le pouvoir de contrôler 18 articles de la Loi sur les Indiens en vertu de l'article 4 de la loi. Étant donné que des dispositions précises concernant les droits ancestraux et issus de traités ne sont pas encore consacrées dans la Constitution, il convient que le ministre affirme son obligation fiduciaire par la Loi sur les Indiens.

Le projet de loi C-79, comme vous l'avez constaté, n'est qu'une nouvelle tactique de mise en application des politiques indésirables du Livre blanc de 1969. La volonté de négocier un protocole d'entente tripartite entre le Canada, les provinces et les Premières nations et d'autres mesures semblables sont un reflet du paragraphe 37(2) de la Constitution, des initiatives pour déléguer des responsabilités fédérales aux provinces et affaiblir la souveraineté et les traités des Premières nations.

.1510

Pour ce qui est de l'élaboration, de l'administration et de la mise en application des règlements des réserves, il existe un vide juridique du fait que les Premières nations n'ont pas officiellement le pouvoir de fonctionner en tant que système judiciaire. Par conséquent, on cherche clairement à déléguer le pouvoir juridique des réserves à des cours municipales et provinciales. Cette déficience explique en grande partie pourquoi dans les établissements pénitentiaires canadiens on trouve une proportion démesurée d'hommes et de femmes des Premières nations.

Étant donné la façon dont le projet de loi C-79 modifie l'actuel système foncier des réserves, on pourrait dans l'avenir voir la société dominante imposer son système de taxation foncière aux gouvernements des Premières nations. D'excellentes terres des réserves risquent ainsi d'être aliénées si les impôts ne sont pas payés. Il faut ici rappeler qu'il existe deux grandes catégories foncières pour les terres résidentielles et agricoles des réserves.

En vertu de l'article 20 de la Loi sur les Indiens, on peut détenir un certificat d'occupation. Après deux ans d'occupation, le titulaire peut obtenir un certificat de possession, ce qui équivaut à un statut d'occupant permanent.

À d'autres fins, la Loi sur les Indiens permet des ententes de servitude. À cet égard, nous tenons à souligner que les terres des réserves sont communales, comme elles l'étaient avant l'arrivée des Européens. Les maisons construites sur ces terres sont la propriété du gouvernement des Premières nations.

Le Conseil consultatif des femmes assujetties aux traités essaye depuis longtemps d'obtenir des services de garde d'enfants et de bénéficier d'une protection relevant de ces gouvernements, plutôt que des ministères provinciaux et, comme c'est le cas maintenant, d'organisations privées de garde d'enfants. Encore aujourd'hui, les enfants des Premières nations qui sont issus de familles brisées ne sont ni plus ni moins que des otages politiques dont cherchent à s'emparer des couples non autochtones sans enfant.

Voici nos principales recommandations au comité parlementaire.

D'abord, bloquez tout plan de modification ou d'élargissement de la Loi sur les Indiens, la Loi sur les Indiens no 2. Les Premières nations n'ont donné aucun mandat pour adopter cette loi.

Deuxièmement, concentrez-vous entièrement sur les quelque 400 recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones afin de comprendre l'orientation que veulent prendre les Premières nations pour formaliser et améliorer leurs gouvernements traditionnels. Faites-le sans tarder et sans considération politique.

Troisièmement, examinez les rapports d'étape portant sur l'histoire et le statut des traités des peuples autochtones rédigés dans les huit dernières années par le professeur Martinez, de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Utilisez ces conclusions pour soutenir la validité et l'efficacité des relations bilatérales et du pouvoir gouvernemental des Premières nations. Étudiez les principes du projet de Déclaration des droits des peuples autochtones adopté aux Nations Unies pour juger de la nature du gouvernement des Premières nations et de leur développement politique, social, économique et culturel à long terme.

Mme Gladue: Merci, Veronica.

.1515

De plus, monsieur le président, j'aimerais faire quelques brèves observations en ce qui concerne le récent rejet par la Cour suprême de la demande de Darlene Desserly, qui n'était pas Indienne et qui est devenue un chef de la Bande de Sturgeon Lake. Tout juste hier matin, la Cour suprême a rejeté la demande, affirmant que l'on était en train de modifier la Loi sur les Indiens. Je demande au gouvernement du Canada s'il est juste que la Cour suprême du Canada exerce un pouvoir sur les mesures que prend votre gouvernement en ce qui concerne le projet de loi C-79.

J'ai reçu ce renseignement juste avant de venir dans cette salle, et cela me trouble vraiment. En décidant d'appliquer les modifications proposées dans le projet de loi C-79, la Cour suprême démontrerait qu'elle dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour déterminer à l'avance les modifications à apporter à la Loi sur les Indiens.

Monsieur le président, j'estime qu'il est à l'heure actuelle cruel et contraire à mes droits en tant que personne que le gouvernement du Canada déclare prendre unilatéralement cette décision. Comme vous le voyez, je suis accompagnée de quelques dames. Nous sommes peu nombreuses, mais nous pouvons nous réunir en grand nombre lorsque des mesures de ce genre sont proposées.

Cette mesure annulera nos droits issus de traités. Je ne pourrai plus déterminer si je possède un territoire. Moi, je viens de la Première nation de Beaver Lake.

Cela me crispe beaucoup. Pendant plus de 30 ans, monsieur le président, j'ai étudié vos procédés, et aucun d'entre eux ne m'a permis d'y voir plus clair. Au sommet des chefs du19 novembre dernier, ici en Alberta, le ministre Ron Irwin a déclaré qu'il se trouvait aux prises avec le pire dilemme qu'il ait connu du fait des recommandations qu'il a faites pour que la Loi sur les Indiens soit modifiée. Il a également dit à cette occasion que le projet de loi pourrait expirer au Feuilleton. Au nom du Conseil consultatif des femmes assujetties aux traités, nous tenons à déclarer officiellement que cette mesure ne doit pas être adoptée.

J'ai ici un exemplaire de la Loi de 1980 sur les Indiens, monsieur le président, et c'est le seul document administratif que nous avons. Le Traité no 6 a été signé en 1876, le Traité no 7 en 1877 et le Traité no 8 en 1899. La Loi sur les Indiens rédigée par le gouvernement fédéral remonte à 1850.

Monsieur le président, il est très abstrait pour moi de dire que cette mesure va à l'encontre de mes droits comme personne, des droits de la personne des Canadiens, ou de dire que le gouvernement essaie de violer nos droits à titre de Canadiens. Nous ne sommes pas Canadiens. Nous sommes les premiers peuples de ce pays. C'est l'argument sur lequel nous revenons constamment. Je tenais à le signaler à votre attention.

Pour ce qui est de la question des impôts, j'ai ici une lettre envoyée par Revenu Canada à un homme de la réserve Louis Bull, réserve située dans la zone du Traité no 6 en Alberta. Revenu Canada déclare dans cette lettre que cet homme doit au gouvernement 4 783,56$. Parallèlement, on dit que l'exonération d'impôt fait partie des droits issus de traités. En effet, le soleil brille toujours, l'eau des rivières suit toujours son cours et l'herbe continue de pousser.

Monsieur le président, ce sont là des choses bien réelles. Je ne vous ai jamais vu auparavant. Vous nous avez accordé 40 minutes, dans ce processus, et j'espère que vous pourrez en apprendre davantage sur le point de vue des femmes assujetties aux traités des Indiens.

Je tiens également à vous signaler autre chose. L'homme qui a reçu cette lettre de Revenu Canada habite dans la réserve, et c'est dans cette même réserve qu'il a gagné ses revenus. Et pourtant on lui réclame des impôts. Il n'est pas le seul; nous avons d'autres cas de ce genre dans nos dossiers.

.1520

Pour ce qui est de l'éducation des enfants, le ministre aurait dû tenir compte de nos enfants s'il voulait faire des recommandations constructives pour modifier la Loi sur les Indiens. Nos enfants auraient dû être en tête de liste des priorités. Il aurait fallu rédiger une mesure législative à cet égard, parce que, comme nous le disons dans notre mémoire, John Munro a déclaré qu'il s'agit d'une question constitutionnelle.

Lorsque j'étais à Ottawa, j'ai exhorté le gouvernement à s'occuper du sort de nos enfants qui sont appréhendés. Savez-vous ce que nous a répondu le gouvernement? Retournez chez vous, puisque la Constitution canadienne n'a pas été entérinée. Nous disons dans notre mémoire que si le gouvernement décide d'adopter les modifications à la Loi sur les Indiens, il se sert de nous.

Pour moi, cette discussion n'a pas de caractère réel. Je n'ai jamais auparavant discuté avec quelqu'un par écran interposé. J'ai toujours pu me trouver dans la même salle que vous, honorables députés, pour entendre vos opinions et vos préoccupations et comprendre vos motifs.

Nous, nous faisons partie de la base de la population. Nous savons dans quelles conditions nos gens vivent. Nous savons qu'à l'heure actuelle il y a des gens dans ma propre réserve qui souffrent de la faim à cause de cette Loi sur les Indiens.

De par ses traditions, notre bande élit un chef, mais à l'heure actuelle notre chef nous est imposé par ordonnance d'un tribunal. Vous dites que ces modifications sont facultatives; en voilà un bon exemple. Nous avons déjà opté; nous avons adopté les traditions de notre réserve, mais parce qu'il y avait un différend, l'affaire a été renvoyée devant les tribunaux fédéraux. Et elle y est encore d'ailleurs.

Monsieur le président, je trouve que c'est dégoûtant; cela n'a aucun bon sens. Si le gouvernement ne peut reconnaître ce que nous avons préparé pour nos générations futures...

Quand j'étais plus jeune, nous avions un système de leadership héréditaire. Je puis vous parler de ce système, puisque je descends de cette lignée. Mon chef, le premier chef de la réserve Samson, à Hobbema, c'était mon propre grand-père. C'est de cette réserve que je viens. Et pourtant il a suffi d'une signature, parce que je me suis mariée il y a 40 ans avec un homme de Beaver Lake, pour que je devienne automatiquement membre de la Première nation de Beaver Lake.

Monsieur le président, ce ne sont que quelques-unes des choses que j'avais à dire... Je vous permets maintenant de nous poser des questions, si vous le souhaitez.

Le président: Malheureusement, les 40 minutes qui vous avaient été allouées sont écoulées. Nous n'avons plus de temps pour les questions.

Votre témoignage était très intéressant. Il ne portait pas vraiment sur le projet de loi C-79, qui est l'objet de nos audiences, mais il était important que votre témoignage soit officiellement versé au compte rendu. On vous en a offert la possibilité, et vous l'avez fait.

Nous vous remercions de votre excellent témoignage. Ceci conclut cette partie de nos audiences.

Mme Gladue: Monsieur le président, permettez-moi d'ajouter quelque chose. Je répète que le fait d'être privé et de ne pas être compris va à l'encontre de nos droits de la personne.

À la dernière page des recommandations, vous trouverez des commentaires bien rédigés sur les articles du projet de loi C-31, qui vous seront probablement envoyés par télécopieur. Vous trouverez également en annexe les articles tirés de la Déclaration universelle des droits de l'homme dont nous nous sommes servies.

Dans le document, vous constaterez également que nous avons beaucoup étudié le projet de loi C-79.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Le chef Stanley Arcand est-il présent? Sinon, nous aimerions savoir si le chef Gerry Ermineskin ou Gordon Lee sont présents.

.1525

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Le président: Messieurs les membres du comité, nous avons quelqu'un qui parlera au nom du chef Stanley Arcand, qui était censé témoigner à 14 h 40. Voulez-vous que nous lui accordions une demi-heure? Serait-ce raisonnable? Merci beaucoup.

Nous lui accorderons 30 minutes. Nous pensions entendre le témoignage du chef Stanley Arcand à 14 h 40, heure locale, mais nous avons une demi-heure de battement, et nous la lui accorderons.

Pourriez-vous nous indiquer quel est votre nom et quel poste vous occupez au sein du conseil?

M. Ron Lameman (directeur général intérimaire, Confédération des premières nations du Traité no 6): Bonjour. Je m'appelle Ron Lameman. Je viens de la Première nation de Beaver Lake. Je suis ici à titre de représentant de la Confédération des premières nations du Traité no 6, qui représente les 17 Premières nations du centre de l'Alberta, c'est-à-dire le territoire visé par le Traité no 6.

.1530

Je tiens à vous faire savoir que le chef Ermineskin ne pourra venir vous rencontrer lui non plus et que je témoignerai également en son nom.

Le président: Excusez-moi. Qu'en est-il de Gordon Lee, qui devait accompagner le chef Gerry Ermineskin?

M. Lameman: Ils m'ont envoyé vous rencontrer.

Le président: Ils ne comparaîtront pas ni l'un ni l'autre, est-ce exact? Pouvez-vous m'entendre? Nous aimerions savoir si le chef Gerry Ermineskin et Gordon Lee viendront témoigner ou si vous les remplacez.

M. Lameman: C'est exact.

Ils voudraient savoir s'il sera possible de vous parler de nouveau plus tard, si vos audiences se poursuivent encore pendant un certain temps. Ils m'ont demandé de vous poser la question.

Le président: D'accord, nous pouvons répondre à cette question. La vidéoconférence se termine aujourd'hui - ce soir vers 21 h 30. Mais comme leur absence nous laisse davantage de temps, nous vous accorderons 40 minutes.

Nous aimerions savoir quelle est la position de la Confédération des premières nations du Traité no 6.

M. Lameman: Je suis directeur général intérimaire de la confédération.

Le président: Vous avez reçu de votre organisme le mandat de nous présenter son témoignage?

M. Lameman: C'est exact.

Le président: D'accord. Nous passerons donc 40 minutes ensemble. Nous vous remercions d'être venu nous faire part de votre opinion sur le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.

Je m'appelle Ray Bonin et je suis président du comité. Je suis accompagné de M. Claude Bachand, représentant du Bloc québécois, et de M. John Finlay, du Parti libéral. Nous disposons de 40 minutes. Nous aimerions que vous nous laissiez du temps pour poser des questions après votre exposé, mais vous pouvez utiliser ces 40 minutes comme bon vous semble. Cela dit, je vous laisse la parole.

M. Lameman: Merci.

Pour commencer, je vous souhaite le bonjour, messieurs - puisqu'il n'y a pas de dame - du Comité permanent des affaires autochtones.

Je m'appelle Ron Lameman et je suis directeur général intérimaire de la Confédération des premières nations du Traité no 6. J'ai été mandaté par les chefs pour témoigner devant vous de façon à ce que les décideurs d'Ottawa puissent entendre le point de vue de la Confédération.

Toutefois, je tiens à déclarer officiellement que nous comparaissons devant vous contre notre gré, puisque nous ne sommes pas d'accord avec la façon dont le gouvernement du Canada traite toute cette affaire. Il ne faudrait en aucun cas interpréter ces démarches comme de vraies consultations. La Confédération est fermement convaincue que la rapidité avec laquelle Ron Irwin veut faire adopter cette mesure est totalement inacceptable pour les Premières nations assujetties au Traité no 6.

Nous sommes venus répéter ici, ce que nous disons depuis toujours: nous ne voulons plus de modifications à la loi sur les Indiens; nous voulons un processus bilatéral de signatures de traités de nation à nation. C'est en précisant les traités et en les mettant en oeuvre qu'on résoudra le problème, pas en perpétuant la doctrine colonialiste unilatérale.

Dans le mémoire que nous avions présenté à la CRPA à Ottawa, en novembre 1994, le défunt Sam Bull, le chef John Ermineskin, Wayne Rowan, Buff Perry et moi-même avions expliqué en détail la continuité qu'il y avait entre les types de traités que concluaient les Premières nations avant le contact avec les Européens et les protocoles de notre Traité no 6.

Nous avions, au cours de ce témoignage, fourni de nombreuses preuves de traités entre les Premières nations, avant l'arrivée des Blancs. Nous avions cité les propos du chef Big Bear, qui avait dit en 1876: «Laissez-moi vous dire comment nos peuples concluaient des traités.» Le chef Big Bear n'a jamais dit: «Laissez-moi vous dire comment nous modifiions la Loi sur les Indiens.»

C'est sur le modèle de cette continuité entre les traités des Premières nations avant l'arrivée des Européens et les traités bilatéraux conclus avec la Couronne qu'il conviendrait d'établir les relations entre la Couronne et les Premières nations, au lieu de modifier la Loi sur les Indiens.

.1535

Par contre, La Loi sur les Indiens ne peut à elle seule et unilatéralement permettre d'élaborer ou d'interpréter les traités bilatéraux, même si c'est ce que l'on semble vouloir faire maintenant. Oui, bien sûr, on trouve au début du projet de loi C-79 une disposition sur les droits issus de traités, et, dans le texte, la relation historique exprimée notamment par traité, fait l'objet du deuxième paragraphe des considérations préliminaires «attendu que».

Comme l'a dit le chef Jonathan Bull dans sa condamnation du projet de loi C-79, la Loi sur les Indiens devrait être un document administratif sur lequel se guiderait le gouvernement fédéral pour réaliser ses obligations de fiduciaire en vertu des traités. Au lieu de cela, c'est une loi de caractère général qui englobe tout, y compris les traités, au point de les étouffer. C'est des conventions écrites et tacites des traités que la Loi sur les Indiens devrait tirer son rôle. Mais la loi n'accomplit pas ce qui devrait être son seul objectif, comme l'a si bien dit le chef Bull à l'égard des traités.

Plus précisément, le projet de loi C-79 fait de nos traités des artefacts tout en promettant de respecter la relation historique particulière entre Sa Majesté et les Indiens, exprimée notamment par traités.

Malgré cette promesse faite au deuxième paragraphe des «attendu que» du projet de loi C-79, on nous dit, quelques phrases plus loin, que «la Loi sur les Indiens, dans la nouvelle application prévue par la présente loi, ne porte pas atteinte à la protection des droits existants - ancestraux ou issus de traités - des Indiens». Et pourtant, dans tout le reste du projet de loi on porte atteinte aux droits issus de traités.

Parallèlement, une autre institution de la Couronne, la Cour suprême du Canada, a exprimé clairement dans plusieurs décrets successifs qu'une personne peut se protéger avec l'aide d'avocats et de nombreux traités différents, mais que les traités sont des traités et que les lois sont des lois. Comme je l'ai déclaré moi-même durant les audiences de la CRPA, lorsque les commissaires ont fait des promesses solennelles en présence du calumet sacré, ils ont pris le Créateur à témoin d'un traité sacré. C'est pourquoi nos ancêtres ont conclu le traité en toute confiance.

Cette loi éphémère et relative qu'est la Loi sur les Indiens met en place un outil unilatéral, et non pas une institution juridique bilatérale permanente.

Voici ce que disait à ce sujet l'Assemblée des premières nations dans le mémoire qu'elle a présenté au comité permanent sur le projet de loi C-79: «Le projet de loi C-79 est en réalité tout à fait contraire aux engagements de politique pris par le Parti libéral avant son élection.» Le Parti libéral devait utiliser d'autres moyens que la Loi sur les Indiens.

On pouvait lire dans le Livre rouge: «Il est absurde d'élaborer unilatéralement des mesures budgétaires ou des politiques qui concernent directement les populations autochtones.» Et pourtant, aux articles 18 et 21 du projet de loi C-79, par exemple, on réduit les obligations que la Couronne doit assumer au titre de la gestion des terres. Tous les ministères fédéraux, ou presque, ont exprimé l'avis, dans leur politique, que toutes les fonctions assumées par les Premières nations réduisent de façon correspondante les obligations fiduciaires de la Couronne.

N'est-il pas ironique de voir comment l'histoire se répète? En 1969, Chrétien et Irwin étaient les principaux acteurs dans la rédaction et le dépôt du Livre blanc; 28 ans plus tard, ils semblent maintenant déterminés à terminer ce qu'ils ont entrepris il y a près de 30 ans, c'est-à-dire régler une fois pour toutes le problème des Indiens en reléguant les gens des Premières nations assujettis à des traités au statut de simples citoyens canadiens, gouvernés par des personnes morales semblables aux administrations municipales et dotées du même statut devant les tribunaux qu'une entreprise canadienne.

Ce qui est honteux, c'est que tout cela se fait sous couvert d'ouverture progressiste et de bienveillance, puisqu'on accorde aux Indiens le droit de prendre davantage leurs propres décisions, alors que dans les faits ceux qui mordent au leurre deviennent de force complices de leur propre disparition. Les structures d'entreprise mènent à l'imposition. Les certificats de possession entraînent l'adoption de titres en fief simple et aboutissent à la propriété individuelle, aux impôts fonciers et à l'aliénation.

.1540

Comme solution de rechange bilatérale au caractère unilatéral du projet de loi C-79, nous proposerions le rapport final de la CRPA et certaines des recommandations visant les traités et les Premières nations assujetties aux traités, y compris le mémoire présenté à la CRPA par la Confédération sur la continuité des protocoles des traités.

Si nous signalons cela, c'est pour mettre en place une solution de rechange qui permette de reconnaître les coutumes de nos Premières nations en matière de loi et pour que ces coutumes soient traitées dans le cadre bilatéral, avec tout le respect que nous méritons.

La continuité dans les protocoles des traités avant et après le contact avec les Européens nous fournit quelques garanties que le droit coutumier, dont fait partie le droit des traités, survit sans codification ou statut officiel. Par contre, la Loi sur les Indiens est fantaisiste. Malgré sa codification totale, elle change au gré du vent. Pour un esprit eurocentrique, il peut sembler que les protocoles des traités ne sont pas codifiés, mais ils demeurent plus forts que la loi et résisteront à l'épreuve du temps.

Les traités pourraient-ils apporter les mêmes changements à la Loi sur les Indiens que ceux visés dans le projet de loi C-79? Voici notre réponse à cette question. Tout changement à la Loi sur les Indiens qui permet d'hypothéquer les terres des réserves ou, comme le diraient les avocats, tout changement qui «accroît les pressions en vue de privatiser ou de commercialiser les terres des Indiens» érodera le caractère infini dans le temps que l'on trouve dans les traités et par lequel les terres des réserves ne sont ni négociables ni aliénables. Dans l'esprit des traités, ces terres appartiennent à la collectivité, la Couronne a à leur égard à tout le moins une obligation fiduciaire et elles ne peuvent jamais faire partie des éléments négociés.

En établissant ces droits, en négociant le statut des terres assujetties aux traités et en les remettant entre les mains des Premières nations, on accorde un droit foncier direct à l'égard des terres des réserves et on érode davantage, jusqu'à les nier totalement, les obligations fiduciaires primordiales qui existent. Autrement dit, alors que nous sommes au seuil de l'assimilation, on abolit l'obligation fiduciaire à l'égard des terres de nos réserves. Incroyable, n'est-ce pas? C'est le locataire qui donne un avis d'éviction au propriétaire!

En 1876, il y a 121 ans, on a, semble-t-il, intégré le Traité no 6 à la Loi sur les Indiens. Nous étions partie au traité, mais pas à la loi. Si l'on avait fait un sondage pour déterminer combien d'Autochtones assujettis au Traité no 6 connaissaient la Loi sur les Indiens en 1876, il est certain que le résultat aurait été inférieur à 1 p. 100. Le projet de loi C-79 est si complexe et crée tellement de castes qu'un très faible pourcentage d'Autochtones en connaissent toute la signification.

La Couronne fédérale devrait revoir ses priorités dans sa relation avec les traités et les Autochtones assujettis aux traités en rejetant le projet de loi C-79 et en mettant en oeuvre les recommandations formulées par la CRPA au sujet des traités et des processus de signatures de traités. De cette façon, nous constaterions que la continuité dans les protocoles des traités sur plusieurs siècles sert d'assise à une loi traditionnelle dont l'objectif et la règle sont plus pertinents pour nous que le projet de loi C-79. Dans une loi traditionnelle, nous trouverions l'autodétermination et le recours à nos propres lois traditionnelles. Dans le projet de loi C-79, on ne trouve qu'un code colonial et unilatéral de contrôle et de pouvoir.

Merci.

Le président: Merci beaucoup de votre témoignage.

Nous allons maintenant entendre les questions des députés. Monsieur Finlay.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai écouté votre témoignage avec intérêt, mais je me demande si nous parlons bien de la même chose, monsieur Lameman.

Comme vous le savez, le projet de loi C-79 ne modifie la Loi sur les Indiens que pour les bandes qui en font le choix. C'est au chef et au conseil de prendre la décision, et dans le cas de six modifications la décision revient à l'ensemble de la bande.

Plus tôt aujourd'hui, on nous a dit que certaines bandes souhaiteraient profiter de ces modifications. En fait, le témoin précédent a indiqué que 85 p. 100 des bandes s'opposaient au projet de loi C-79. J'en déduis que 15 p. 100 des bandes ne s'y opposent pas et pourraient par conséquent souhaiter profiter des modifications pour accroître leurs pouvoirs dans leurs réserves et dans leurs bandes pour ce qui est du fonctionnement de leurs propres affaires. Qu'en pensez-vous?

.1545

M. Lameman: Oui, je serai très bref.

Pour ce qui est de votre étude des modifications proposées à la Loi sur les Indiens, ce que vous mentionnez là, c'est la carotte au bout du bâton. Si je dis cela, c'est qu'il y a une disposition pour adhérer aux modifications, mais qu'il n'y en a pas ensuite pour renverser la vapeur. Ce qui nous inquiète beaucoup, également, c'est qu'on ne peut adhérer qu'à une partie des modifications. C'est tout ou rien. J'ai toujours eu l'impression que nous vivions dans une société démocratique, mais il me semble que lorsqu'il s'agit de la relation entre les Premières nations et la Couronne le pouvoir est toujours du même côté.

Vous demandez si nous parlons de la même chose; c'est tout à fait le cas. Comme nous l'avons dit dans notre exposé, cependant, modifier la Loi sur les Indiens, ce n'est pas la solution. La solution, elle se trouve dans le processus de signature de traités auquel nous participons à l'heure actuelle. Au moment où je vous parle, nos aînés rencontrent la Première nation d'Enoch pour discuter d'un protocole permettant de guider les discussions visant à ce que soient précisés et mis en oeuvre les traités à l'avenir. Parallèlement, nous sommes confrontés à la difficulté que causent les modifications à la Loi sur les Indiens. Il faut prendre une décision. Que dites-vous donc? Allez-vous décider de notre extinction dans une loi, ou nous laisserez-vous la chance de négocier avec vous, d'égal à égal?

Je sais que cette initiative a 121 ans de retard. C'est lorsque nos ancêtres ont négocié et signé le traité de 1876 qu'on aurait dû mettre en place un processus favorisant d'autres discussions, au fur et à mesure, avec le temps. Toutefois, vous avez attendu 121 ans.

M. John Finlay: Vous dites que c'est une carotte, monsieur Lameman. Si vous n'en voulez pas, rien ne vous y oblige.

Je suis très content que la Première nation d'Enoch discute du protocole. On nous a parlé plus tôt aujourd'hui d'une entente cadre dans la province du Manitoba. Nous sommes heureux d'apprendre que les Indiens que vous représentez, vos confrères ou vos collègues, ainsi que d'autres Premières nations de l'Alberta, ont entrepris une démarche semblable. Je crois que vous êtes dans la bonne voie.

Toutefois, certaines Premières nations ne sont pas encore arrivées là. Elles n'ont pas signé d'entente cadre avec leur province. Elles voudraient donc peut-être tirer avantage de ce petit pas vers l'autonomie et, comme d'autres Premières nations, souhaiter reprendre leur destin en main. C'est le but de ce projet de loi.

Notre dernier témoin nous a dit que la Commission royale sur les peuples autochtones a dépensé 60 millions de dollars en cinq ans. Ce même témoin a proposé que nous passions immédiatement à l'action et que nous réglions le problème. On nous a dit qu'il ne faudrait pas y consacrer 20 ans. Eh bien, je crois que nous devrions tous adopter des échéanciers réalistes. S'il faut cinq ans pour produire un rapport sur la façon de procéder, il se peut bien qu'il faille 20 ans pour atteindre l'objectif visé. Il faudra peut-être 30 ans. Mais cela va prendre encore bien plus de temps si nous ne commençons pas. Il faudra peut-être procéder un pas à la fois, du moins pour ceux qui ne peuvent faire davantage, ou 15 pas à la fois, pour ceux qui en sont capables. Mais pour arriver, il faut d'abord se mettre en route. Le voyage vers l'avenir commence par un premier pas. C'est exactement ce qu'est ce projet de loi - un premier pas pour les Premières nations qui ne sont pas dans une situation aussi avantageuse que d'autres.

Le président: Monsieur Bachand.

.1550

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur Lameman, pour votre présentation. C'est vrai qu'il est important de faire un premier pas, mais il s'agit de savoir dans quelle direction on doit le faire. C'est ce que je comprends de votre présentation, et je pense que vous avez fait une corrélation assez éloquente avec les événements qui se sont produits en 1876.

Vous nous dites qu'en 1876, vos ancêtres étaient en train de signer un traité et qu'au même moment, à Ottawa, on adoptait la Loi sur les Indiens. À l'époque, le processus de consultation n'était pas fort non plus, parce que vous avez mentionné qu'il n'y avait que 1 p. 100 des gens de vos communautés à l'époque qui devaient le savoir.

Dois-je comprendre que vous faites un rapprochement avec la situation d'aujourd'hui en disant que la solution est de prendre le traité de 1876, de s'asseoir autour d'une table avec les représentants du gouvernement et de moderniser le traité plutôt que de procéder à une modification de la Loi sur les Indiens? L'idée que je véhicule est-elle conforme à votre point de vue?

[Traduction]

M. Lameman: Merci.

Monsieur le président, puis-je également poser une question?

Le président: Non. Vous pouvez répondre à la question qui vous a été posée, cependant. C'est le comité qui pose les questions aux témoins. Le processus est à sens unique.

M. Lameman: Ah bon, d'accord.

Le président: Si on vous a demandé de témoigner, c'est pour aider les députés dans leurs délibérations. C'est pourquoi c'est eux qui posent les questions. Voulez-vous répondre à la question de M. Bachand?

M. Lameman: Oui.

Le président: Allez-y.

M. Lameman: Je tiens d'abord à le remercier, puisqu'il a répété exactement ce que nous disons, c'est-à-dire que la solution ne se trouve pas dans une loi, non plus que dans des modifications aux politiques actuelles. Il faut plutôt se tourner du côté des traités qui existent déjà. C'est de ce processus qu'ont convenu vos ancêtres et les miens. À cette époque, lors des négociations, nous avions quelque chose dont vous vouliez. Nos ancêtres, dans leur bienveillance, vous ont tendu la main. Ils vous ont permis de venir sur nos terres et de vivre parmi nous, de partager avec nous ce beau pays. Ce partage devait se continuer, mais à un moment donné - les non-Autochtones qui sont venus sur nos terres ont pris plus que leur juste part de ce pays.

Il est nécessaire à mon avis de revoir cette relation sacrée de traité qui existe entre les ancêtres de la Couronne et mes ancêtres, entre les descendants de la Couronne et les gens comme moi, mes enfants et mes petits-enfants, car si nous n'examinons pas sérieusement la situation dans laquelle nous nous trouvons tous, nous nous orientons vers des problèmes très graves pour l'avenir. Je ne dis pas cela comme une menace; ces propos s'appliquent à la situation de l'environnement et aux conditions socio-économiques du pays.

Il est regrettable qu'à notre époque, dans un pays aussi riche que celui-ci, les peuples des Premières nations doivent vivre comme dans le tiers monde - et dans des conditions peut-être pires encore, celles du quart monde, peut-être. Je vous remercie donc de nous avoir livré votre perspective.

Le président: Merci beaucoup. Voilà qui met un terme à ce volet des audiences publiques.

Monsieur Ron Lameman, je vous remercie énormément pour cet exposé.

M. Ron Lameman: Merci.

Le président: Au revoir.

Si le facilitateur est dans la salle, nous aimerions savoir s'il y a d'autres témoins qui se sont présentés et qui seraient maintenant prêts à témoigner.

.1555

Une voix: Il y a quelqu'un du nom d'Ernie Bruno, de la Bande Alexander, et qui aimerait parler métis.

Le président: Était-il prévu au programme d'aujourd'hui?

M. Ernie Bruno (Bande Alexander): Notre chef, Stanley Arcand, était censé venir, mais il y a quelqu'un d'autre pour le représenter. Je préférerais que ce soit mon chef qui prenne la parole, car je ne tiens pas à ce que quelqu'un que nous ne connaissons pas nous représente.

Le président: J'aimerais poser une question à notre facilitateur. Le chef Stanley Arcand a été représenté par Ron Lameman, qui nous a dit que les autres membres de la bande l'avaient mandaté pour parler en leur nom. Quelqu'un conteste-t-il cela?

Une voix: Oui, cette personne ici conteste cela. C'est un membre de la Bande Alexander, et son nom est Bruno.

Le président: Parfait; je vais donc proposer une décision aux membres du comité. Vous pouvez contester ce témoignage si vous le souhaitez, et, avec votre consentement, je proposerais de biffer du compte rendu l'exposé que nous venons d'entendre. À moins que nous ne voulions vérifier si effectivement le chef de la bande lui a donné le mandat de le représenter.

Une voix: Il a été mandaté par la Confédération des premières nations du Traité no 6.

Le président: Voilà qui répond à la question. Il reste une chose à préciser. La personne qui a pris la parole en remplacement du chef Stanley Arcand est intervenue au nom de la Confédération des Premières nations du Traité 6. Il s'appelle Ron Lameman. Il est le directeur général intérimaire. Est-ce bien exact?

Une voix: Je pense que Ron est encore dans le couloir. Voulez-vous que j'aille vérifier cette information auprès de lui?

Le président: Je vous en prie, allez chercher Ron.

Monsieur Lameman, il y a ici quelqu'un qui prétend que votre exposé n'était peut-être pas celui qu'aurait voulu faire le chef Stanley Arcand, qui était là pour représenter la Confédération des premières nations du Traité no 6. Qu'avez-vous à répondre à cela?

M. Ron Lameman: Je sors tout juste d'une réunion des chefs de la Première nation Enoch. Ils m'ont nommé pour que je vienne prendre la parole au nom de la Confédération des premières nations du Traité no 6. Je ne représente aucune Première nation en particulier, mais je parle au nom des17 Premières nations qui occupent ce territoire.

Le président: J'accepte votre explication, et vos propos demeureront donc au compte rendu. La personne qui voulait témoigner après vous n'est pas sur la liste, de sorte que nous allons revenir à celle-ci. Quelqu'un dont le nom figure sur notre liste veut-il prendre la parole?

M. Bruno: Pourrais-je m'entretenir avec vous quelques instants?

Le président: Non, je suis désolé. Je parlerai exclusivement au facilitateur.

.1600

M. Bruno: Si je dis cela, c'est qu'un de nos chefs était censé venir nous représenter ici, mais il n'est pas venu, de sorte que nous ne savons plus.

J'avais un rendez-vous avec vous. Il savait qu'il était censé venir représenter la Confédération des premières nations du Traité no 6. La personne qui vient de prendre la parole il y a quelques instants a parlé pour tout un tas de gens qu'elle ne connaît pas.

Moi je suis le porte-parole de la Bande Alexander, dont je fais partie. Je sais ce qui se passe là-bas, et c'est la raison pour laquelle j'aimerais que vous me consacriez au moins deux minutes de votre temps. Vous n'êtes pas obligé de me répondre, mais laissez-moi simplement vous dire ce que j'ai à dire.

Le président: Chers collègues, consentez-vous à ce que nous accordions un quart d'heure à cette personne?

M. John Finlay: La Bande Alexander est-elle membre de la Confédération des premières nations du Traité no 6, monsieur le président?

Le président: Je l'ignore, mais cela a-t-il une importance?

M. John Finlay: Oui.

Le président: Monsieur Finley, posez votre question je vous prie.

M. John Finlay: La Bande Alexander est-elle membre de la Confédération des Premières nations du Traité no 6?

M. Bruno: J'appartiens effectivement à la Bande Alexander.

M. John Finlay: Cette bande fait-elle partie de la Confédération des Premières nations du Traité no 6?

M. Bruno: C'est ce que je dis.

M. John Finlay: D'accord, je me rallie à M. Bachand, monsieur le président.

Le président: Nous vous donnons donc 15 minutes.

N'oubliez pas, chers collègues, que ce témoin n'a pas été mandaté par la Confédération des Premières nations du Traité no 6, mais nous consentons néanmoins à l'entendre pendant un quart d'heure.

Monsieur Harper.

M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Cette personne que nous allons entendre a-t-elle reçu un mandat du Conseil tribal ou est-il membre de la bande?

Le président: Il n'est mandaté par personne et, autant que je sache, il parle en son nom propre.

Vous pouvez procéder en votre nom propre pendant un quart d'heure.

M. Bruno: D'accord, je vous remercie.

Le président: Pourriez-vous décliner votre nom en entier?

M. Bruno: Je m'appelle Ernie Bruno et j'appartiens à la Bande Alexander, mon numéro de traité est 404.

L'une des raisons pour lesquelles je suis venu aujourd'hui, c'est que j'espérais vous parler des gens du projet de loi C-31. Notre bande, la Bande Alexander, accepte ces gens-là depuis 1985, lorsque cette loi a été adoptée. On a accepté qu'ils fassent partie de notre bande. Leurs noms figurent sur la liste des membres de la bande. On a perçu de l'argent pour ces gens-là, qui font maintenant l'objet d'une discrimination.

Vous avez légiféré en 1987 pour mettre un terme à la discrimination dont ces gens étaient victimes. La Bande Alexander a reçu de l'argent. J'ai ici la liste des membres de la bande. Tout l'argent que nous avons reçu a été gaspillé. Et en voilà la preuve. Je pourrais remettre cela à un moment au CCM.

La Bande Alexander comporte environ 1 300 membres et il y a entre 190 et 200 personnes visées par le projet de loi C-31 qui ont déjà été réadmises. Sans ces gens-là, nos budgets ne seraient pas les mêmes. S'ils ont accepté de réintégrer ces gens, c'est pour augmenter leur budget.

Maintenant, ces gens qui ont été réintégrées sont victimes d'une discrimination. Ils n'ont droit à aucun avantage, ils n'ont droit à rien dans la réserve. À leur arrivée, beaucoup avaient des problèmes médicaux. Ils ont dû implorer le chef, Stanley Arcand, pour obtenir quelque chose. Ces gens n'ont jamais perdu leurs droits aux termes du traité. Ce sont des gens qui ne sont pas couverts par le projet de loi C-31. Et pourtant, on fait de la discrimination à l'endroit de leur propre peuple. Ils sont inscrits sur la liste des membres de la bande, alors pourquoi n'ont-ils pas les mêmes droits que nous?

Moi, je ne suis pas visé par le projet de loi C-31. J'habite dans la réserve. Le fait est que ces gens-là qui sont laissés pour compte font partie de notre peuple. Nos chefs font de la discrimination à leur endroit, et pourtant vous avez vous-même légiféré en 1987 pour mettre un terme à cette discrimination à l'endroit des Autochtones couverts par le projet de loi C-31 et qui sont à nouveau inscrits sur la liste des membres de notre bande.

.1605

J'ai les deux listes des années 80, au moment où ils les ont réinscrits tous sur notre liste, et j'ai également une liste actualisée qui compte également les noms des gens qui sont couverts par le projet de loi C-31. Il y en actuellement environ 200. Ils les utilisent pour gonfler les statistiques démographiques afin d'obtenir davantage d'argent d'Ottawa.

L'une des raisons pour lesquelles je voulais venir ici, c'était précisément pour vous en parler. Je regrette de ne pas être sur votre liste, mais c'était une occasion que je devais saisir. J'espère que vous allez m'entendre.

Arrêtez de faire de la discrimination à l'endroit des nôtres, c'est cela que je demande aux chefs.

Je ne parle pas pour la Confédération des Premières nations du Traité no 6 ou qui que ce soit. Je prends la parole en mon nom propre parce que je constate qu'il se passe beaucoup de choses dans ces réserves.

Voilà en gros ce que j'avais à dire. Si vous avez des questions, je serais heureux d'essayer d'y répondre.

Le président: Parfait. Je ne pense pas que j'accepterai de questions car, même si votre intervention semble fondée et importante, et à moins que mes collègues ne soient pas d'accord avec moi, je ne vois pas le rapport entre votre intervention et le projet de loi C-79 que nous sommes censés étudier.

Mon conseil est que si les budgets ou les chiffres ont été manipulés, vous devrez le signaler par les voies normales. Si vous ne savez pas comment vous y prendre, vous pourriez commencer par prendre contact avec votre député. S'il y a quoi que ce soit d'illégal qui se passe, il faut le signaler.

Merci beaucoup pour votre intervention.

Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 16 h 40 heure d'Ottawa. Je vous remercie.

.1608

.1640

Le président: Avons-nous un témoin du nom de Roy Littlechief du Siksika Urban Task Force?

M. Ben Fleury (témoigne à titre personnel): Et Ben Fleury.

M. Brian Littlechief (témoigne à titre personnel): Roy n'est pas là, et le groupe de travail non plus. Mais je m'appelle Brian Littlechief et je suis là parce que je suis indien et j'habite à Calgary hors de la réserve.

Le président: Voici ma question. Il est 14 h 40 heure d'Edmonton et nous avions prévu, pour ce créneau horaire, d'entendre le Siksika Urban Task Force en la personne de Roy Littlechief. Roy Littlechief est-elle la personne qui se trouve au milieu?

M. Littlechief: Non.

M. Fleury: Roy n'a pas pu venir, et c'est Brian qui le représente. Roy et moi étions censés faire un exposé ensemble, mais je suis le seul des deux qui ait pu venir.

Le président: Je vois trois personnes assises à la table. De qui s'agit-il, pouvez-vous me le dire je vous prie?

M. Fleury: Je m'appelle Ben Fleury et c'est Brian Littlechief qui est à côté de moi.

Le président: Il faut maintenant que je sache si vous avez effectivement été mandatés par le groupe de travail pour le représenter ou si vous faites une présentation en votre nom propre.

M. Littlechief: En mon nom propre.

Le président: Tous les deux?

M. Fleury: Au nom de Brian, c'est exact.

Le président: Non, ce que je veux savoir, c'est si vous avez été expressément mandatés par le groupe de travail pour parler en son nom.

M. Littlechief: Non.

M. Fleury: J'ai été mandaté, mais par Roy Littlechief. Nous étions censés venir ensemble, mais Roy n'est pas venu.

Le président: J'ai bien compris, mais votre nom n'est pas sur la liste et j'essaie donc de savoir...

Je pense que nous allons néanmoins d'accepter l'exposé que vous allez chacun faire en votre nom propre. Cela ne change rien de toute manière mais je voulais savoir qui vous représentiez pour que cela figure au compte rendu. Nous allons donc accepter votre témoignage en votre nom propre et nous vous accordons 30 minutes. Vous pouvez procéder.

M. Fleury: Je m'appelle Ben Fleury. Mon arrière-arrière grand-père a signé le Traité no 6 en septembre 1876. S'il a fallu tant de temps pour qu'il signe, c'est qu'il voulait avoir la certitude que les Indiens Blackfoot et les Indiens Sarsi du Traité no 7 soient convaincus que le gouvernement allait tenir ses promesses.

Nous sommes venus vous parler des changements envisagés par le projet de loi C-79 pour la Loi sur les Indiens. En comparaissant devant vous, nous ne souscrivons pas pour autant à ce processus législatif arbitraire. Bien au contraire, la réalité est que ce processus est non seulement paternaliste, il encourage au génocide. Il est paternaliste non seulement envers les Premières nations dont l'existence même est en jeu, mais à l'endroit de la population du Canada tout entière, étant donné qu'il donne l'illusion d'une participation par les Premières nations, et ce qui est plus important encore, qu'il a été déclenché par les Premières nations.

Ce que voulait les Premières nations, c'était l'abolition de la Loi sur les Indiens avec leur consentement et leur participation. Les Premières nations ont une idée très claire de ce que l'autonomie gouvernementale signifie pour elles, par opposition à ce que pense le gouvernement. Dans cette version, une bande ou une réserve est ramenée au niveau d'une administration municipale, même pas d'un gouvernement provincial.

Le projet d'alinéa 2(1)a) montre clairement que le gouvernement entend bien éliminer les Premières nations en tant que race. Par la définition même du gouvernement, ces obligations en vertu du traité n'existeraient plus et ces responsabilités fiduciaires à tous les paliers disparaîtraient, de telle sorte que les Premières nations seraient une proie facile pour les autres paliers de gouvernement ou encore les sociétés commerciales.

Il faut bien comprendre que ces traités ont été signés pour une bonne raison. Tout d'abord, ils sanctionnent le fait que les Premières nations étaient les premiers habitants de ces terres et que tout ce qui se passe sur celles-ci ne sauraient se faire sans leur consentement. Cela a été reconnu non seulement par toutes les constitutions les unes après les autres, mais également par la Proclamation royale de 1763 selon laquelle les Premières nations doivent être traitées comme telles, comme des nations, et que rien ne peut se faire sans leur consentement et sans qu'elles en aient connaissance de cause.

.1645

Ce droit à l'autonomie gouvernementale est non seulement reconnu par la Constitution, il l'est aussi, chose plus importante encore, par la Charte des droits de l'homme des Nations Unies. Mais pendant des siècles et des siècles, le gouvernement canadien a semblé penser et agir comme si ces doctrines humanitaires et ces codes d'éthique que le monde entier respecte, ne le concernaient pas.

Ce document secret émanant du Cabinet affirme que le gouvernement a deux objectifs principaux et fondamentaux: réduire sa responsabilité fiduciaire et dépouiller les Premières nations de leur pouvoir inhérent jusqu'au niveau municipal. Il affirme également que le rejet de la disposition sur le pouvoir inhérent risque d'inciter le comité directeur principal à dénoncer tout le processus, ce qui risque d'attirer l'attention des médias sur la faillite apparente de l'agenda autochtone.

Dans ce document secret, on peut clairement lire à la page 13, au point 8, que le rôle du ministre serait considérablement réduit, de même que les responsabilités fiduciaires à l'endroit de la gestion des terres indiennes dans le cadre de la nouvelle loi.

Quand la Couronne britannique a signé ces traités, elle a fait des promesses sacro-saintes aux Premières nations de notre pays. Ces promesses palissent comparées à ce que les Premières nations ont donné en vies et en terres. D'abord, cela été la terre. Depuis les premiers contacts, les Européens ont utilisé notre bois pour faire leur feu et construire leurs maisons. En second lieu, notre philosophie qui chérit le libre arbitre individuel n'est pas passée inaperçue parmi les Premières nations civilisées actuelles, et pourtant ces droits fondamentaux et sacro-saints sont désormais refusés aux Premières nations. Ces droits sacro-saints ne sauraient être simplement balayés de la main par une autre race ou un autre peuple.

Depuis le tout début, cette terre a produit des richesses incalculables par l'exploitation de l'or, de l'argent, de l'uranium et de toutes les autres formes de ressources naturelles. Nous avons même donné nos vies en défendant notre terre jadis ou comme c'est le cas aujourd'hui, en vivant dans une pauvreté abjecte. Nous n'étions pas obligés de le faire, mais nous l'avons fait.

Le gouvernement se sent à tort menacé parce qu'il croit à notre droit coutumier constitutionnel à l'autodétermination. Mais jamais au grand jamais une Première nation n'a voulu renverser le gouvernement. Nous avons tenté de vivre comme des égaux et de coexister. Il s'agit d'un troisième ordre de gouvernement, les Premières nations étant égales aux autres. Mais que se passe-t-il? C'est la raison pour laquelle le gouvernement veut tellement reléguer les Premières nations au niveau d'un pouvoir municipal. Après cela, si la Première nation n'a plus le droit, quelles que soient les circonstances, de se dire une nation, elle se verra dépouiller de tous ses pouvoirs, qu'ils soient coutumiers ou constitutionnels.

Si ces bandes sont en proie à des difficultés financières graves, elles peuvent être poursuivies en justice comme n'importe quelle entreprise commerciale. Leurs terres et leurs biens seraient alors confisqués en paiement des intérêts courus. Elles perdraient leurs terres à tout jamais. Il ne faudrait pas très longtemps pour qu'il n'y ait plus de réserves, plus de Premières nations. Le gouvernement dirait alors que les bandes doivent assumer leurs responsabilités de pourvoir à leurs propres besoins et se laverait les mains de sa responsabilité fiduciaire.

La réalité est que la majorité des bandes n'existeraient plus en tant qu'entités. Ce serait la fin des Premières nations. Ce serait également la fin d'une race humaine, une race qui a tellement donné et si peu reçu en retour.

Tout cela a été rendu possible par deux articles extrêmement importants, l'article 2 et l'article 69. Le premier absout le gouvernement pour ces promesses non tenues et transforme les Premières nations en sociétés commerciales. Le lien privilégié né du dialogue d'une nation à l'autre n'existe plus. En second lieu, la responsabilité fiduciaire est battue en brèche par l'article 69 aux termes duquel la responsabilité de la Couronne est également limitée corollairement à l'acquisition des responsabilités par le conseil de bande.

Mais que se passe-t-il dans le cas des bandes qui refusent ce processus et qui protestent? Vous pouvez avoir la garantie que le gouvernement fera tout en son pouvoir pour forcer la bande à accepter, soit en gelant des crédits indispensables, soit en remplaçant des membres par d'autres qui seront plus ouverts à ses voeux.

.1650

Le gouvernement a déjà procédé de cette façon jadis, et comme cela lui a bien réussi, il n'y pas de raison qu'il s'en prive cette fois-ci. Cette loi dictatoriale le montre d'ailleurs clairement. Elle donne l'apparence d'une participation, mais ne vous leurrez pas. Ce n'est pas cela que les Premières nations voulaient lorsqu'elles réclamaient le droit de prendre part au processus d'amendement sur la Loi sur les Indiens.

Tout ce processus a été concocté et mis en place par Jean Chrétien et par Ron Irwin. Les Premières nations voulaient discuter de la Loi sur les Indiens et y apporter des changements qui correspondaient à leurs propres idées et à leur propre vision des choses. Nous sommes tous d'accord pour dire que la Loi sur les Indiens a toujours été préjudiciable aux Premières nations. Qui serait mieux placé pour dire en quoi et quand elle doit être modifiée que ceux qui ont vécu et qui sont morts sous le joug de cet instrument de destruction? Nous ne nous faisons aucune illusion sur les intentions du gouvernement: il veut nous dépouiller de notre identité. Cela, nous le voyons clairement.

Mais vous à votre tour, vous serez complices de ce génocide perpétré à l'endroit d'un peuple connu pour sa douceur et sa compassion. Chaque fois que vous vous regarderez dans le miroir, vous vous souviendrez que vous êtes responsables d'avoir versé le sang des Premières nations à la table de la paix et de l'amitié. Les générations futures, dans un camp comme dans l'autre, se souviendront de ce qui s'est passé et n'oublieront pas le nom des auteurs. Vous devez regarder en vous-mêmes et vous demander si vous pouvez vraiment permettre que ce processus d'élimination d'une race puisse avoir cours.

Le président: Avez-vous fini votre exposé?

M. Fleury: Oui.

Le président: Les députés ont-ils des questions ou des observations?

Dans ce cas, je vous remercie pour cet exposé.

M. Fleury: Merci à vous.

Le président: J'aimerais savoir s'il y a d'autres témoins qui seraient prêts à procéder.

Une voix: Monsieur le président, nous avons M. Large qui représente la Première nation de Saddle Lake. D'après ma liste, il devait prendre la parole à 15 h 20, mais il peut commencer immédiatement.

.1655

Le président: Eric Large devait effectivement prendre la parole à 15 h 20, heure locale, vous avez raison. Nous aimerions savoir si le chef Cherrilene Steinhauer l'accompagne.

Une voix: Non, elle n'est pas là.

Le président: Viendra-t-elle?

M. Eric Large (conseiller, Première nation de Saddle Lake): Monsieur le président, le chef Steinhauer m'a nommé pour la représenter. Je suis le conseiller Eric J. Large, de la Première nation de Saddle Lake.

Le président: C'est merveilleux. Nous pouvons commencer sans plus attendre. Le conseiller Eric Large de la Première nation de Saddle Lake va prendre la parole.

Monsieur le conseiller, je m'appelle Ray Bonin et je suis le président du comité représenté aujourd'hui par Claude Bachand pour le Bloc québécois et Elijah Harper et John Finlay pour le Parti libéral.

Nous avons quarante minutes à passer ensemble, et ces quarante minutes vous appartiennent. Vous pouvez les utiliser comme bon vous semble, mais nous vous saurions gré de réserver quelques instants pour les questions que les membres du comité pourraient vouloir vous poser.

Cela étant dit donc, la parole est à vous, M. Large.

M. Large: Merci monsieur le président. J'ai préparé un texte mais il n'est pas très long, de telle sorte que nous aurons amplement de temps pour les questions même si nous ne sommes pas tout à fait prêts à analyser de façon approfondie chaque article et ses répercussions.

Mais sans plus attendre, monsieur le président, permettez-moi de commencer.

Il y a 121 ans, nos ancêtres rencontraient Alexander Morris, le représentant officiel de la reine, à l'occasion d'une réunion de nations pour négocier le Traité no 6 qui, en 1876, fut signé entre deux nations. En même temps que le Traité no 6 était négocié entre nations souveraines, le Parlement du Canada délibérait de la façon dont il pourrait légiférer pour nous civiliser nous, les Indiens, en nous imposant un carcan législatif qui réglementerait et contrôlerait tous les aspects de notre mode de vie, ce qui allait être la Loi sur les Indiens de 1876, une loi comme celle qui nous régit actuellement.

Aujourd'hui, en l'an 1997, la Couronne du chef du Canada, tout comme il y a un siècle de cela, propose d'intervenir dans deux sens opposés. D'une part, le gouvernement du Canada a annoncé sa politique du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale découlant de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. D'autre part, ce même gouvernement du Canada se propose d'adopter une loi, l'actuel projet de loi C-79, qui prend le contre-pied de sa position au sujet du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

Bien que la Première nation de Saddle Lake nourrisse beaucoup de préjugés et très peu de confiance au sujet de la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale découlant de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, pour la négociation d'ententes dont nous parlerons un peu plus tard pour ce qui est de leur objet et du processus à suivre, le projet de loi C-79 présente pour notre Première nation de Saddle Lake des problèmes impérieux et nombreux.

Il serait fallacieux et accommodant à la fois de les exposer tous, fallacieux dans la mesure où une analyse détaillée donnerait l'impression que Saddle Lake approuve le projet de loi ou accepterait de s'y conformer, et que s'il était affiné, il serait acceptable. Mais cela est très loin de la vérité.

Saddle Lake est contre ce projet de loi dans toutes ses composantes, mais il en est une qui est extrêmement inquiétante et, pour notre Première nation, dangereuse. Ainsi, même si nos préoccupations sont nombreuses et profondes à la fois, comme le temps nous est compté pendant cette vidéoconférence, nous allons essentiellement axer notre propos sur un élément majeur qui, selon nous, est fondamental pour tous les autres volets du projet de loi et qui porte préjudice à notre survie en tant que nation indienne.

Cette composante est la disposition exposée de façon flagrante dans le projet d'article 16.1. Et pour parler de cet article, il importe de faire quelques observations fondamentales qui inquiètent profondément notre Première nation.

.1700

D'abord, il y a la notion de société municipale. Le projet de loi révèle clairement que l'intention première de cette disposition législative consiste à créer - ce qui est sans aucun doute également une hypothèse fondamentale de la politique du droit inhérent - un gouvernement des Premières nations calqué sur le mode municipal. La preuve qu'on en a est clairement énoncée par les dispositions du projet d'article 16.1 qui dit ceci:

Le Black Law Dictionary, cinquième édition, page 307, définit ainsi une corporation:

Comme le prouve à l'évidence les lois, le droit et l'histoire, il est manifeste que le projet de loi C-79 crée effectivement des corporations municipales indiennes grâce à ce projet d'article 16.1. Et les corporations municipales sont également définies de cette façon:

La deuxième contradiction fondamentale est la corporation municipale ou le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Par conséquent, l'un des principaux aspects du projet de loi C-79 qui suscite la méfiance est le fait qu'il contredit la politique et le processus du gouvernement du Canada en ce qui concerne le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

Nous avons de graves réserves en ce qui concerne la politique et le processus relatif aux accords négociés d'autonomie gouvernementale, mais nous remarquons que la politique annoncée semble reconnaître certains aspects de l'autonomie gouvernementale qui tiennent compte de certains droits inhérents faisant déjà partie de nos Premières nations, et faisant partie intégrante de la culture des Premières nations.

Toutefois, le projet de loi C-79 semble anéantir et contredire ces aspects de notre culture en enfreignant directement nos droits inhérents et entiers à cet égard. On impose des restrictions directes ou on ouvre des portes en parlant de nos terres, de nos formes de gouvernement, de nos héritages, du choix de nos dirigeants, des structures corporatives, de la propriété individuelle, de redevances pour de simples biens fonciers et de charges pouvant être accordées à des institutions de l'extérieur sur les terres et les ressources.

Comment est-il possible que le gouvernement du Canada dise d'une part qu'il veut établir des gouvernements de Premières nations en vertu d'accords négociés, au sujet desquels la Première nation de Saddle Lake a de grands doutes et de grandes craintes, comme nous l'avons dit, et d'autre part, prendre des mesures législatives déterminant à l'avance ces questions aux moyens de pseudo-amendements à la Loi sur les Indiens? Ce sont des contradictions flagrantes, monsieur le président.

Troisièmement, on nous a dit que le projet de loi, par ses dispositions permettant le retrait, constitue un pas vers l'application du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Mais c'est précisément à cet égard que la Première nation de Saddle Lake doit exprimer sa consternation en termes clairs et non équivoques.

Les négociations et la signature du Traité no 6 de 1876 ont eu lieu dans le cadre d'un processus de nation à nation, reconnu comme tel par les deux parties, y compris Sa Majesté du chef de la Grande-Bretagne. Les lignes directrices concernant ces accords de nation à nation et les principes sur lesquels étaient fondées ces négociations avaient été clairement stipulés dans la proclamation royale de 1763.

.1705

Sans l'ombre d'un doute, tant sur le plan historique que sur le plan légal, il est tout aussi clair que la Première nation de Saddle Lake, comme toutes les Premières nations assujetties au Traité no 6, n'a pas cédé, abandonné, ou abrogé de quelque manière que ce soit ses droits inhérents à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination, tes qu'elle les a exercés au moment des négociations du Traité no 6. La Première nation de Saddle Lake ne l'a pas fait lors de la signature du Traité no 6 par les nations indiennes et Sa Majesté la Reine du chef de la Grande-Bretagne, et la Première nation de Saddle Lake ne l'a pas fait non plus depuis.

D'une part, vous dites que la Reine du chef du Canada reconnaîtra le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. D'autre part, vous dites que si nous consentons à adhérer aux dispositions du projet de loi C-79, nous ferons un pas vers le respect du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale en créant des corporations municipales, au lieu de le faire par la reconnaissance de nos droits inhérents issus de traités. Il s'agit d'un acte de conspiration contre notre Première nation et c'est une trahison du processus de négociation de nation à nation établi par la proclamation royale de 1763 et le Traité no 6.

La Première nation de Saddle Lake pose donc la question suivante: notre Première nation doit-elle demander la reconnaissance de ses droits inhérents à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination à ceux qui nous ont refusé ces droits et cette capacité de nous gouverner nous-mêmes par des lois paternalistes et des entreprises comme les corporations municipales; devons-nous le demander à ceux qui ont détruit notre culture et nous ont dérobé notre intégrité, à ceux qui n'ont montré aucun respect pour nos coutumes, notre culture et nos lois, à ceux qui ont exigé que nous obéissions aux lois et conventions qui n'étaient pas et ne sont pas les nôtres, que nous n'avons pas acceptées et n'acceptons pas encore, à ceux qui nous ont torturés, assassinés, intégrés et assimilés, simplement parce que nous voulons nous gouverner nous-mêmes sur notre propre territoire, nos propres terres; à ceux qui nous ont dévalorisés, qui nous ont convertis, qui ont coupé nos cheveux, qui nous ont obligés à oublier notre langue, qui nous ont enlevés de nos foyers pour nous placer dans des pensionnats, à ceux qui se sont moqués de notre spiritualité et l'ont détruite, à cause de notre race, de notre ethnicité; et à ceux qui nous ont privés de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale au moyen d'un processus d'adhésion qui fait de nous des corporations municipales?

Monsieur le président, ces paroles peuvent paraître dures, mais c'est ce que nous pensons.

En ce qui concerne la participation facultative, la première nation de Saddle Lake n'a jamais accepté. Nous avons été obligés d'accepter des cadres législatifs qui ont constamment détruit nos droits inhérents à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination, qui ont détruit nos rapports de nation à nation dans les négociations de traités. Nous n'adhérons pas à ce processus maintenant et nous ne le ferons pas plus tard. Le projet de loi C-79 devrait être retiré et détruit car ce n'est pas une proposition viable pour régir les peuples autochtones.

Le projet de loi C-79, la politique concernant le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones laissent notre peuple perplexe, frustré et confus. Plusieurs d'entre nous craignent pour l'avenir. Nos aînés tiennent des réunions où ils essaient de démêler toute cette question des droits issus des traités, des droits de nos peuples. Nous devons sûrement dire au gouvernement du Canada qu'il devrait protéger nos droits tels qu'ils étaient stipulés dans la proclamation royale de 1763, préserver la relation de confiance entre Sa Majesté et notre peuple, reconnaître notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale comme le stipule le Traité no 6, nous redonner notre place en tant que nation et non en tant que corporation municipale, et donner à notre peuple les pouvoirs nécessaires pour qu'il puisse espérer dans l'avenir.

Monsieur le président, la première nation de Saddle Lake demande que le projet de loi C-79 soit rejeté par le comité permanent.

Merci.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

Nous passons maintenant aux questions et aux commentaires des membres du comité.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Monsieur Large, je vous remercie pour votre présentation. Si j'ai bien compris le fond de votre présentation, vous dites que plus cela change, plus c'est pareil. Je pense que vous avez établi une corrélation entre ce qui s'est passé en 1876 et ce qui se passe aujourd'hui.

.1710

En 1876, au même moment où les représentants de la reine signaient le Traité no 6 avec vous, ils adoptaient un carcan, c'est-à-dire la Loi sur les Indiens. Aujourd'hui, le gouvernement a adopté une politique ayant trait à l'autonomie gouvernementale et il revient à la charge, comme en 1876, avec des modifications à la Loi sur les Indiens.

Est-ce que je me trompe quand j'affirme que le fond de votre pensée est probablement que la Loi sur les Indiens, tant en 1876 qu'aujourd'hui, est un frein à l'amélioration des conditions socioéconomiques et politiques des autochtones du Canada? Est-ce un frein à votre prise en charge et n'assistons-nous pas aujourd'hui à un remake de l'histoire de 1876?

Ai-je bien saisi votre pensée?

[Traduction]

M. Large: Il s'agit plutôt d'une dévolution de la responsabilité fiduciaire de Sa Majesté. Il a été entendu en 1876 que Sa Majesté, par ses mandataires ou ministres de la Couronne, continuerait d'avoir cette responsabilité fiduciaire.

Mais maintenant, par cette nouvelle mesure législative, le projet de loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, le ministre se départit graduellement de sa responsabilité fiduciaire et la transmet au chef et au conseil, qui ont l'autorité ultime, de fait, en plus de la responsabilité civile, s'il y a lieu.

Nous éprouvons une autre crainte, en plus, en ce qui concerne la politique relative à l'autonomie gouvernementale. Vous verrez qu'une grande partie des compétences relèvent de la province et avec cette dévolution graduelle de pouvoir du gouvernement fédéral au chef et au conseil ou à la province, c'est-à-dire à des tiers, le gouvernement ne serait plus responsable de nous.

Le président: Avez-vous d'autres questions ou commentaires?

M. John Finlay: C'était un exposé intéressant. Monsieur le président, je ne veux pas me lancer dans de grands discours et des discussions sur les termes. Ce sont des paroles qui nous renvoient évidemment à une époque éloignée. Je ne pense pas que l'un d'entre nous était là.

Vous avez dit cependant que vous n'adhérerez pas maintenant ni dans l'avenir et je crois que c'est tout à fait votre droit. Vous dites que votre peuple est perplexe et confus. Je dirais qu'il faut donc du leadership.

Vous avez mentionné la commission royale. Je n'ai pas lu les six volumes de son rapport et je doute que vous l'ayez fait vous-même, mais j'en ai assez lu pour savoir que les commissaires reconnaissaient que s'il n'y a pas de regroupement entre les Premières nations, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale sera impossible à appliquer.

Ma question est celle-ci: comment la première nation de Saddle Lake voit-elle la possibilité d'une coopération avec d'autres premières nations afin d'arriver à cette solution tellement recherchée et à la mise en pratique de ce droit inhérent tant recherché, comme le suggérait la commission royale?

M. Large: C'est une très bonne question. Nous espérons travailler avec d'autres premières nations signataires du Traité no 6. Il y a deux ou trois ans, nous avons fait des progrès dans nos discussions visant à reconnaître le Traité no 6 dans son véritable esprit, afin de le mettre en oeuvre. Ces discussions se poursuivent toujours.

M. John Finlay: Je suis heureux de l'entendre. J'espère que ces efforts continueront, conseiller, avec toute la diligence et le souci nécessaires. Oubliez toute cette idée de participer ou de ne pas participer, si ce n'est pas votre choix.

Merci.

Le président: Merci.

.1715

Merci.

D'autres membres du comité ont-ils des commentaires ou des questions? Non?

Conseiller Large, il nous reste encore du temps. Si vous voulez faire quelques remarques en conclusion, je vous en prie.

M. Large: Je veux seulement remercier le comité permanent de nous avoir donné l'occasion de faire une déclaration au sujet du projet de loi C-79.

Le président: Merci beaucoup, conseiller Large.

Le chef Florence Buffalo et Wilton Littlechild ne doivent pas comparaître avant 16 heures, heure d'Edmonton, mais s'ils sont arrivés, nous sommes prêts à les entendre maintenant. À cet égard, il serait très utile que le préposé à Edmonton nous informe le plus tôt possible de leur arrivée. Nous pourrons alors commencer le plus tôt possible.

Nous avons un vote à 18 h 30, heure d'Ottawa. Bien que nous préférions entendre les témoins, il s'agit d'un vote très important et il serait donc préférable que nous entendions les témoins le plus tôt possible.

Je crois savoir cependant qu'il y a d'autres personnes qui voudraient nous parler. Les membres du comité sont-ils d'accord pour les entendre? J'estime cependant que nous ne devrions peut-être pas permettre aux gens d'entrer simplement dans la salle et de prendre la parole seulement parce qu'ils le désirent. S'ils ne sont pas inscrits à l'ordre du jour, on ne devrait pas les accepter.

Pour la gouverne des membres du comité, cependant, je signale que Rowland Woodward appartient à la Première nation de Fort McMurray et John Malcolm fait partie de la Bande Paul Cree de la rivière Christina.

Avez-vous une déclaration à faire en votre propre nom, messieurs, ou vos conseils de bande vous ont-ils, par résolution ou consensus, autorisés à parler en leur nom?

Une voix: Monsieur le président, le chef et le conseil sont avec nous. Ils demandent que je fasse la déclaration en leur nom.

Le président: Êtes-vous arrivés par hasard? Comme se fait-il que vous soyez là aujourd'hui?

Une voix: Nous venons de parcourir 500 kilomètres pour venir de Fort McMurray. Nous n'étions pas au courant de ce qui se passait ici aujourd'hui. Nous sommes venus faire part au gouvernement de nos préoccupations concernant une revendication spécifique de la Bande Paul Cree. Nous avons aussi une grave préoccupation concernant la Bande Willow Lake et un problème que nous avons avec ses membres actuels.

Le président: Les membres du comité sont-ils d'accord pour entendre les témoins qui sont là? Oui?

Les membres du comité ont accepté de vous entendre et je vous prie donc de prendre place.

Je vous demanderais de vous nommer avant de commencer et de dire quel poste vous occupez au sein du conseil de bande.

M. Rowland Woodward (conseiller, Bande Willow Lake): Je m'appelle Rowland Woodward et je suis l'un des conseillers de la Bande Willow Lake.

Je vais d'abord vous donner un aperçu de l'historique de la situation actuelle, en plus de vous expliquer les motifs de la scission de la bande. Dans le secteur assujetti au Traité no 8, en 1789...

Le président: Attendez un instant. Avant que vous poursuiviez, je signale que je vois une ou deux autres personnes à la table. Vont-elles également témoigner?

.1720

M. John Malcolm (Bande Paul Cree): Je ferai une déclaration au nom de la bande Paul Cree et voici notre chef, Elmer Cree.

Le président: Bien. Quel est votre nom?

Le chef Elmer Cree (Bande Paul Cree): Je m'appelle Elmer Cree, et celui qui fera la déclaration s'appelle John Malcolm.

Le président: Bien. Je vous en prie.

M. Woodward: Le 4 août 1899, on a adhéré au Traité no 8 qui a été signé à Fort McMurray par J.A.J. McKenna, commissaire aux traités, Adam Boushey, représentant du chef Chipewyan, et le chef Atukinen Cree, représentant du chef cri.

Adam Boushey et le chef Atukinen Cree ont adhéré au traité au nom des Indiens cris et chipewyan de Fort McMurray et des environs, mais des avis semblent révéler que les signataires ont peut-être été choisis pour représenter les deux groupes linguistiques plutôt que les bandes comme telles.

Les Indiens de la région de Fort McMurray, comme la plupart des Indiens assujettis au Traité no 8 en dehors des régions du Petit lac des Esclaves et de Peace River, s'étaient montrés peu intéressés à obtenir des réserves, pendant plusieurs années après la signature du traité. C'était principalement la chasse, la pêche et le piégeage qui les intéressaient. Leurs terres n'ont pas eu besoin de protection pendant un certain temps, parce qu'elles ne semblaient pas avoir de valeur pour des colons éventuels.

Dès 1906, Fort McMurray était devenu un lieu d'établissement plus permanent pour les Indiens, comme l'indique le rapport de 1908 de l'inspecteur de la région du traité no 8, Henry Conroy. Il y signalait que les Indiens occupaient un vaste territoire. Conroy indiqua dans son rapport que compte tenu de la prolifération des concessions pétrolières dans la région, il serait bon de constituer des réserves.

Le 27 avril 1915, les ministères des Affaires indiennes et de la Défense nationale ont présenté des plans de constitution de réserves. La tâche a été confiée à D.F. Robertson. Il est tout d'abord allé voir le groupe Paul Cree, qui vivait entre les rivières Christina et Clearwater à l'est de Fort McMurray, et qui avait choisi des terres de réserves dans la région. C'est ce qu'on a appelé la réserve Paul Cree, et plus tard, la réserve Clearwater no 175.

Ensuite, Robertson s'est rendu à Willow Lake, où il a visité les trois réserves situées autour du lac, c'est-à-dire les réserves nos 176, 176A et 176B. C'est Joseph Milton, de Willow Lake, qui représentait la population de Willow Lake. Robertson a fait référence à ces groupes en tant que bandes. Son rapport officiel fait référence à la Bande Paul Cree en tant que groupe distinct à Willow Lake.

Il a fait des consultations distinctes en ce qui concerne le choix du territoire des réserves, ce qui indique que les membres d'une bande ne pouvaient pas intervenir dans le choix du territoire destiné à une autre bande. Robertson énumère les bandes de façon distincte, en indiquant les chiffres sur lesquels il a fondé la répartition des terres.

Sa formule de numérotation des réserves semble indiquer que les fonctionnaires du ministère reconnaissaient avec lui l'existence de bandes distinctes. La division de la bande en deux catégories est conforme à une hypothèse mûrement réfléchie, qui prévalait depuis longtemps au ministère, selon laquelle le groupe Paul Cree constituait une unité distincte semblable à une bande et réunie par des liens familiaux que ne partageaient pas les autres groupes de Willow Lake.

Dans les années 60, la plupart des membres de la Bande de Fort McMurray ne résidaient plus sur leur réserve. Certains membres de la réserve de Willow Lake résidaient à Nanduck et sur les terres de la Couronne avoisinantes. En 1969, les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes ont essayé d'obtenir un terrain à Nanduck et ont proposé en échange le territoire de la réserve 176B. Cependant, les membres de la Bande Willow Lake ont refusé de renoncer aux terrains de la réserve 176B.

.1725

Les descendants du groupe Paul Cree ont occupé illégalement un terrain situé à la limite du territoire de Fort McMurray. Leurs conditions de vie étaient extrêmement difficiles et en 1975, ils ont demandé aux membres de la Bande de Gregoire Lake de les accueillir temporairement. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord avait indiqué qu'on ne pouvait pas construire simultanément une route et un pont pour accéder à leur réserve. Le groupe Willow Lake a accepté de les accueillir à titre temporaire.

Cette entente temporaire a été l'élément catalyseur de la situation explosive actuelle. Dans la réserve de Willow Lake, il y a eu une aggravation constante des frictions entre les deux groupes. Cette situation n'a pas été prise en considération par le ministère des Affaires indiennes lorsqu'il a conclu l'accord initial permettant aux gens de Clearwater de résider sur la réserve de Gregoire Lake. Nous sommes maintenant en 1997 et les membres de la bande initiale Willow Lake estiment que les gens de Clearwater qui résident sur la réserve de Willow Lake ont eu largement le temps de prendre des dispositions pour retourner sur leur propre réserve. Ils doivent déménager avant que la situation ne se détériore davantage.

Les gens de Gregoire Willow Lake ont adopté la circulaire H4 et ont voulu opérer une séparation complète de la Bande de Fort McMurray en deux bandes distinctes: la Bande Willow Lake, avec les terrains 176, 176A et 176B, et la Bande Paul Cree, de la rivière Christina, avec les réserves 175 et 175A.

Le président: Est-ce que votre exposé est terminé?

M. Woodward: Oui. John doit poursuivre le sien.

Le président: Allez-y, John.

M. Malcolm: Monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous remercier de prêter l'oreille à nos préoccupations.

Le problème principal est posé par la Bande Paul Cree. Nous avons la preuve que... La Bande Paul Cree a été créée en 1899. En 1921, on a fait de l'arpentage au confluent des rivières Clearwater et Christina. L'un de nos membres y a assisté... Il n'est pas ici actuellement, mais c'est Elmer Cree, le père de notre chef. Il a 104 ans et il attend la création de sa réserve depuis la signature du traité. À cause des difficultés administratives et des interventions fautives des chefs précédents et du chef actuel de la Bande de Gregoire Lake, nous n'avons jamais pu réaliser notre objectif, qui est de retourner chez nous.

La Première nation no 468 de Fort McMurray compte plus de 500 personnes. À peine plus de80 d'entre elles ont le droit de vote. En 1993, un code d'appartenance a été adopté par 19 membres sur 500.

Voilà donc le problème qui se pose aujourd'hui. À cause de ce code d'appartenance, le gouvernement n'a pas pu nous aider et maintenant, ce code est transgressé. Il est établi que les membres souhaitent cette division. Plus de 60 membres ayant le droit de vote sur 80 souhaitent une division entre la Bande Paul Cree de la rivière Christina et la Bande de Gregoire Lake.

.1730

M. Ken Kirby nous a demandé de coopérer avec le chef Berenice Cree. Lorsqu'elle a été consultée publiquement, elle a menacé d'exclure nos membres du conseil et elle cherchait la confrontation. Inutile de dire que nos membres n'ont pas coopéré avec elle et ont refusé la confrontation. Nous sommes incapables de travailler avec cette dame, malgré l'invitation du gouvernement. Nous avons 98 p. 100 des 468 membres de la nation qui souhaitent cette division, ainsi que plus de 75 p. 100 des membres ayant le droit de vote depuis l'adoption de ce code d'appartenance illégal.

Comme l'a dit M. Woodward, nous en sommes maintenant à un tel point que les frictions créent de l'animosité entre les membres. Nous avons désespérément besoin d'aide pour éviter d'en venir de nouveau à prendre nous-mêmes les choses en main, comme nous l'avons fait l'année dernière, et grâce à Dieu, il n'y a pas eu de violence à l'époque, et personne n'a été blessé.

Mais aujourd'hui, tous souhaitent cette division. Mais le refus de coopération d'une personne, qui n'est suivie que par quelques partisans, suffit à tenir en échec la volonté de plus de 500 personnes.

Nous avons fait part de nos revendications au gouvernement. Le ministre Ron Irwin nous a fait savoir que notre demande est à l'étude, mais les choses traînent depuis septembre 1995 et rien n'a encore été fait. Notre aîné a 104 ans, et il attend toujours.

Nous pensons qu'il faudrait accorder la priorité à notre revendication et à nos préoccupations, étant donné que le doyen des Canadiens, pour autant que nous sachions, fait partie de notre bande, et qu'il n'a jamais pu obtenir gain de cause.

Merci.

Le président: Je vous remercie de votre exposé.

Je donne maintenant la parole aux membres du comité. Y a-t-il des questions ou commentaires?

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Je voudrais d'abord vous féliciter. Vous avez dit au début que vous aviez parcouru 500 kilomètres pour venir faire votre présentation et exposer votre problème. J'aimerais d'abord obtenir une clarification. J'ai examiné un document qui nous indique un peu la situation géographique des Premières Nations en Alberta.

Vous parlez de la bande Paul Cree ou de la bande Tall Cree. Est-ce la même chose? Il semble qu'il y a une bande Tall Cree en Alberta. Pouvez-vous nous indiquer si vos deux bandes - vous avez dit qu'elles s'étaient séparées à un moment donné - sont loin l'une de l'autre aujourd'hui? Il s'agirait des bandes Willow Lake et Paul Cree ou Tall Cree.

[Traduction]

M. Malcolm: Les Bandes Willow Lake et Paul Cree sont distantes d'environ 20 milles.

Le président: Excusez-moi. Pouvez-vous me préciser s'il s'agit de la Bande Tall Cree ou Paul Cree?

M. Malcolm: C'est la Bande Paul Cree.

Le président: Merci.

[Français]

M. Claude Bachand: D'accord. Vous savez qu'aujourd'hui, vous êtes devant un comité qui étudie le projet de loi C-79. Je voudrais savoir si le projet de loi C-79 vous dit quelque chose. C'est le projet de loi qui doit apporter des modifications à la Loi sur les Indiens. On a entendu beaucoup de bandes jusqu'à maintenant et elles disaient qu'elles avaient été très peu consultées. Vous venez de nous expliquer un peu l'historique de vos deux bandes respectives et la raison pour laquelle il y a eu division.

Personnellement, je trouve cela très intéressant et j'ai pris beaucoup de notes là-dessus. Étant critique aux affaires indiennes, ce sont des choses qui m'intéressent. Mais je voudrais aussi savoir si vous avez entendu parler du projet de loi C-79. Si oui, quelles sont vos positions à ce sujet? Si vous n'en avez pas entendu parler, expliquez-nous pourquoi. Est-ce parce que vous ne savez pas de quoi il s'agit, parce qu'on n'a pas communiqué avec vous, parce que n'avez pas été consultés du tout? Parlez-nous de votre réaction au projet de loi C-79. Vous dit-il quelque chose?

[Traduction]

M. Woodward: Le projet de loi C-79 est celui qui modifie la Loi sur les Indiens dans le sens de l'autonomie politique.

.1735

Nous demandons simplement le droit de vote. Nous ne sommes représentés par aucune bande. Nous sommes représentés par quelques personnes qui se considèrent comme nos chefs, mais qui ne doivent leur situation qu'à une décision gouvernementale. Nous n'avons pas été consultés en tant que membres de la bande.

Pour qu'il y ait autonomie gouvernementale, nous devons pouvoir voter sur toutes les décisions qui ont une incidence sur notre situation actuelle et future.

M. Malcolm: Pour répondre à votre question, je dirais que la plupart d'entre nous n'ont pas entendu parler de ce projet de loi. Nous savons ce qui s'est passé en 1993, mais à l'époque, on a passé tout cela sous silence et seuls quelques membres ont pu assister à la réunion où le projet de loi sur l'autonomie gouvernementale a été adopté. Seulement 19 membres sur 500 ont pu y assister. La plupart d'entre nous n'en ont pas été informés.

[Français]

M. Claude Bachand: D'accord. Je vais poursuivre, parce que c'est encore un petit peu nébuleux pour moi.

Premièrement, l'un de vous trois est-il chef de sa bande? C'est lui qui est chef? D'accord.

Alors, pourquoi dites-vous que les gens n'ont pas été consultés? Le chef est là. A-t-il fait une certaine consultation auprès de sa communauté? S'il n'y a qu'un seul chef ici, y a-t-il quelqu'un parmi les trois qui sont devant moi qui représente l'autre bande? Si j'ai bien compris, vous dites que le peuple n'a pas été consulté chez vous.

[Traduction]

M. Woodward: Vous vous trompez à propos de notre chef. C'est Elmer Cree. Le chef qui s'est occupé du projet de loi c'est Berenice Cree, de la Bande de Gregoire Lake. Nous sommes deux groupes qui, avant la création de la Bande de Gregoire Lake, voulaient retourner dans les groupes initiaux. Le chef qui n'a pas consulté les membres n'est pas ici aujourd'hui. Elle refuse totalement de collaborer avec nous.

Le président: Je suis le président. Je crois comprendre que vous n'avez plus d'image. Est-ce exact?

M. Malcolm: C'est exact; elle a disparu il y a dix minutes.

Le président: Bien. Nous allons essayer de rétablir l'image. Vous êtes donc au téléphone.

On me signale que les lignes de Bell Canada sont très occupées à cette heure-ci, et si nous fermons le système, nous risquons de tout perdre. Est-ce que vous voulez continuer? Ici, nous pouvons vous voir. L'image est très claire. Est-ce que nous pouvons continuer à vous poser des questions? Vous n'avez pas d'image, mais nous vous voyons et nous vous entendons très bien.

M. Malcolm: C'est parfait en ce qui nous concerne. Nous sommes heureux que vous nous prêtiez attention.

Le président: C'est parfait. Je vous prie de nous excuser pour ces difficultés, mais nous allons continuer.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Je dois vous dire que vous manquez quelque chose en ne me voyant pas, mais que vous ne manquez rien en ne voyant pas M. Bonin.

Je voulais terminer en parlant de la femme chef qui dit qu'elle ne consulte personne. J'imagine que vous êtes là pour nous rapporter cela.

.1740

Cette chef-là doit subir des élections de temps en temps. Expliquez-nous pourquoi vous ne la battez tout simplement pas pour la remplacer par quelqu'un qui consulte les gens. La seule chose que je puisse retenir du projet de loi C-79, c'est que vos prédécesseurs s'y sont opposés et que vous n'en avez pas entendu parler, parce que cette femme-là, qui a probablement reçu de la correspondance, ne l'a pas communiquée à sa communauté.

Expliquez-nous pourquoi vous ne la battez pas aux prochaines élections pour faire en sorte que, lorsque des projets de loi importants comme le projet de loi C-79 sont déposés, elle consulte non seulement son conseil, mais aussi sa communauté.

[Traduction]

M. Woodward: C'est ce qui devrait se produire dans un contexte normal, mais au niveau de la réserve et de la collectivité, ce n'est pas possible. La plupart d'entre nous ne sont pas autorisés à voter. Je suis allé moi-même à une réunion de la bande, et on a appelé la GRC qui m'a fait quitter les lieux.

Vous pouvez donc poser cette question en toute logique, mais dans notre collectivité, les choses ne se passent pas de façon logique. C'est pourquoi nous avons dû venir à Edmonton pour vous dire qu'il y a parmi nous des gens qui ne sont pas représentés correctement.

Le ministère des Affaires indiennes modifie constamment les règles du jeu pour maintenir en fonction les chefs et les conseillers qui lui conviennent, alors que la base souhaiterait des représentants bien différents.

Le président: Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Merci, monsieur le président.

Je voudrais poser une question subsidiaire. Vous dites que vous avez fait 500 kilomètres pour venir à Edmonton parler de cette question. Puis-je vous demander qui vous alliez voir à Edmonton? Vos propos nous intéressent beaucoup, mais nous sommes à une distance bien supérieure à500 kilomètres. À qui alliez-vous parler à Edmonton?

M. Woodward: À M. Ken Kirby, je crois, c'est l'agent régional...

M. Malcolm: Nous voulions essayer de parler à M. Ken Kirby. Nous savions qu'il fallait prendre rendez-vous, mais nous avions déjà essayé d'obtenir un rendez-vous avec M. Kirby et il ne veut pas nous rencontrer. Il nous dit de nous adresser au chef de la Bande de Gregoire Lake, c'est-à-dire à Berenice Cree, qui refuse de collaborer avec nous.

Elle ne respecte pas son propre code, qui prévoit que la règle de la majorité s'applique en ce qui concerne la reconnaissance de la Bande Paul Cree, ou même l'abolition du code d'appartenance. Nous avons l'appui de plus de 75 p. 100 des membres ayant le droit de vote, soit 60 membres sur 80, qui souhaitent la reconnaissance des deux bandes, mais elle refuse de le reconnaître. Elle refuse de nous rencontrer. Lorsqu'on la pousse dans ses retranchements, elle menace les membres de leur supprimer leur emploi, leur maison et leur appartenance à la bande s'ils refusent de lui obéir. Elle exerce une véritable dictature.

M. John Finlay: Merci, monsieur le président.

Quel est le titre de M. Kirby, s'il vous plaît?

M. Malcolm: Il est le directeur général des Affaires indiennes.

M. Woodward: Régional.

M. John Finlay: Directeur général régional pour quoi, pour...

Une voix: Pour l'Alberta.

M. John Finlay: ...le Traité no 6 ou pour toute l'Alberta?

M. Malcolm: Pour toute l'Alberta, je crois.

M. John Finlay: Merci, monsieur. On a encore piqué un peu ma curiosité. Comment avez-vous appris qu'allait se tenir notre téléconférence avec les divers chefs au sujet du projet de loi C-79?

M. Woodward: J'imagine que le Créateur l'a voulu dans sa grande bonté. Dieu l'a voulu, et le moment était bien choisi, je pense.

Des voix: Oh, Oh!

M. John Finlay: Vous voulez dire que l'immeuble où vous vous trouvez est celui où travaille M. Kirby normalement, et c'est comme ça que vous l'avez appris - ou est-ce que je suis complètement à côté de ma plaque?

M. Malcolm: Vous avez deviné juste. Nous sommes venus aujourd'hui pour discuter de nos préoccupations avec le groupe de M. Kirby parce que nous savons qu'il est presque impossible de le rencontrer. Nous avons tenté à plusieurs reprises de le rencontrer au cours des dernières années.

.1745

Le président: Étant donné qu'il n'y a plus de questions ou d'observations, je tiens à vous remercier beaucoup pour votre exposé. C'était une coïncidence, mais une belle coïncidence, que vous vous soyez trouvés là-bas aujourd'hui, et nous sommes contents que vous ayez pu participer. Merci beaucoup.

M. Woodward: Au nom du chef Elmer Cree et du chef Emiline Cheechan et de leurs bandes respectives, merci.

Le président: Merci.

Nous aimerions que le préposé nous dise si le chef Florence Buffalo et son conseiller juridique sont là.

Une voix: Non, ils ne sont pas là.

Le président: Alors nous allons suspendre notre audience jusqu'à 18 heures, 16 heures heure locale.

Une voix: Il y a une autre personne qui doit témoigner et qui est ici. Voulez-vous l'entendre?

Le président: Qui est cette personne?

Une voix: C'est Esther Prince.

Le président: Elle est censée témoigner en compagnie de Valerie Arcand. Est-ce que Valerie est là aussi?

Une voix: Oui, elle est ici aussi.

Le président: D'accord. Nous sommes prêts à les entendre maintenant. Avez-vous l'image à Edmonton?

Une voix: Non, nous ne l'avons pas.

Le président: Veuillez demander à Mme Prince et Mme Arcand si elles sont disposées à témoigner même si elles ne peuvent pas nous voir? Nous pouvons les voir et les entendre très clairement.

Une voix: Monsieur le président, nous attendons seulement qu'Esther revienne. Elle sera ici dans un instant. Valerie est d'accord pour commencer sans l'image.

Le président: D'accord, merci.

[Français]

Vous pouvez aller manger à tour de rôle.

[Traduction]

Nous allons suspendre l'audience jusqu'à ce que Valerie revienne. Ce que nous allons faire, c'est suspendre la séance 15 minutes. Nos techniciens nous disent que nous pourrons alors retrouver l'image. Cependant, si les représentants de la nation crie de Samson arrivent avant, nous les entendrons les premiers.

La séance est suspendue.

.1750

.1818

Le président: Nous allons reprendre nos audiences publiques.

Je m'appelle Ray Bonin. Je suis le président du comité. Merci beaucoup d'avoir accepté d'être des nôtres aujourd'hui.

J'ai avec moi, du Bloc québécois, Claude Bachand, et du parti ministériel, John Murphy, John Finlay et Charles Hubbard.

Nous avons 40 minutes à notre disposition. Toutes ces minutes vous appartiennent. Vous pouvez les utiliser comme vous voulez. Mais nous vous serions reconnaissants de laisser à nos députés le temps de vous poser des questions.

Avant de commencer, auriez-vous l'obligeance de nommer les personnes qui vous accompagnent.

M. Myers Buffalo (aîné, Nation crie de Samson): Je m'appelle Myers Buffalo, et je suis un aîné.

.1820

Le président: Je vois à l'écran le chef Florence Buffalo et Wilson Littlechild, son conseiller juridique. Je crois que je vois l'un des aînés, Myers Buffalo. Il y a une quatrième personne. Puis-je avoir son nom, s'il vous plaît?

M. Mel Buffalo (conseiller, Nation crie de Samson): Je m'appelle Mel Buffalo, je suis le conseiller de la nation crie de Samson.

Le président: Merci beaucoup. Maintenant que nous avons tous fait nos devoirs, passons à votre exposé.

Le chef Florence Buffalo (Nation crie de Samson): Permettez-moi d'abord de remercier le comité permanent qui nous a invités à faire connaître l'opinion de la nation crie de Samson sur le projet de loi C-79.

Je suis accompagnée cet après-midi des aînés Myers Buffalo et Wilton Littlechild.

Je m'appelle Maquawkskos. C'est mon nom cri. On m'appelle Florence Buffalo, chef de la nation crie de Samson.

Sachez que notre conseil s'est réuni le 22 novembre 1996 et a adopté une résolution rejetant à la fois le processus et le projet de loi C-79.

En conséquence, nous joignons notre voix à celle des témoins qui sont venus devant vous et qui ont exprimé leur opposition à la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Je suis en désaccord avec le processus, et je suis également en désaccord avec le principe de la vidéoconférence auquel votre comité a décidé d'adhérer. Mais nous n'avons pas d'autre choix que de faire entendre notre voix.

Ce faisant, cela me pose un grave problème à moi en tant que chef. Au départ, lorsque nous avons été mis au courant de la proposition du ministre Irwin, j'ai dit que la nation crie de Samson était partie prenante à une poursuite très importante contre le gouvernement fédéral, dont certains éléments ont trait à la Loi sur les Indiens. Nous devons être très prudents dans notre participation afin de ne compromettre en rien notre poursuite.

C'est pourquoi, monsieur le président, j'espère que votre comité écoutera notre intervention sans parti pris et qu'on ne se servira pas de nos propos contre la nation crie de Samson.

Puis-je avoir cette assurance, monsieur le président?

Merci.

.1825

Le président: Je ne suis pas avocat, mais il s'agit ici d'une audience publique, et les membres de notre comité n'ont aucun contrôle sur la façon dont nos informations sont utilisées par le public. Je ne peux pas vous donner l'assurance que ce que vous allez dire aujourd'hui ne sera pas utilisé par d'autres.

Notre comité regroupe tous les partis - le Bloc québécois, le Parti réformiste et les Libéraux - mais notre comité n'est pas aux ordres du gouvernement ou du Parti libéral. Notre comité est autonome et il ne relève que de la Chambre des communes. Je ne peux pas vous garantir que les informations que vous allez nous donner aujourd'hui ne seront pas utilisées. Je n'ai pas le pouvoir voulu pour vous donner une telle assurance.

Le chef Buffalo: Merci. Je continue.

Il ne fait aucun doute que vous avez entendu les nombreuses raisons, juridiques et autres, pour lesquelles la vaste majorité des premières nations du Canada s'opposent au projet de loi C-79, et la nation crie de Samson aimerait se reporter au mémoire qu'elle a soumis à l'assemblée des chefs qui a eu lieu à Winnipeg le 25 septembre 1996.

Monsieur le président, j'hésite à me prononcer sur le contenu du projet de loi C-79 pour la raison que j'ai énoncée au début, et je ne parlerai pas du processus lui-même.

La nation crie de Samson a déclaré à l'assemblée des chefs que sa position s'inspire des mêmes principes fondamentaux qui ont été arrêtés il y a plusieurs années de cela sur les sages conseils de nos aînés.

Premièrement, notre but est la reconnaissance de notre droit à l'autonomie gouvernementale. En vertu de ce droit, c'est nous qui allons déterminer librement notre statut politique et réaliser librement notre développement économique, social, spirituel et culturel.

Deuxièmement, nos rapports avec la Couronne fédérale sont essentiellement régis par notre interprétation du Traité no 6.

Le président: Pardonnez-moi de vous interrompre. La greffière vient de me remettre un texte sur la protection de l'information. Je vais vous le lire. L'article 309 mentionne les témoins, et il y est dit:

Le chef Buffalo: Merci. Donc, je continue.

La nation crie de Samson est d'avis que le Traité no 6 confirme l'existence du droit à l'autonomie gouvernementale.

Troisièmement, toute nouvelle mesure législative fédérale qui est proposée doit reconnaître le gouvernement indien. Ce sont ces gouvernements qui légiféreront, qui appliqueront les lois indiennes et qui se prononceront sur ces dernières.

Quatrièmement, le principe du consentement exprimé librement et en toute connaissance de cause, avec la pleine participation concernant les changements proposés, est essentiel.

Le projet de loi C-79 reconnaît-il notre droit à l'autodétermination? Nous croyons et faisons valoir depuis longtemps que les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. Permettez-moi, monsieur le président, de mentionner les récents développements à cet égard, car c'est sur ces derniers que nous nous sommes fondés pour analyser le projet de loi C-79.

.1830

Je suis certaine qu'il n'est pas nécessaire de vous rappeler que le Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones et la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités ont adopté une déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Je vous rappelle que l'article 3 énonce le principe fondamental selon lequel les peuples autochtones ont droit sans réserve à l'autodétermination, et je cite: «Les peuples autochtones ont le droit de disposer d'eux-mêmes». En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

Le Canada a participé très activement à toutes les réunions qui se sont tenues à Genève pendant la rédaction de la déclaration des Nations Unies. En fait, le Canada a fait une intervention très historique l'automne dernier devant le Groupe de travail intersessionnel de la Commission des droits de l'homme le 31 octobre 1996.

Monsieur le président, je veux préciser à ce moment-ci que le gouvernement du Canada accepte un droit à l'autodétermination pour les peuples autochtones. Auparavant, monsieur le président, le comité d'experts des Nations Unies qui s'est réuni à Nunook au Groenland concernant l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones a conclu que l'autodétermination des peuples était une condition préalable à la liberté, à la justice et à la paix tant au sein des nations que dans la collectivité internationale.

Les peuples autochtones ont le droit de disposer d'eux-mêmes conformément aux pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et au droit international public en conséquence de leur existence continue en tant que peuple distinct. Ce droit sera respecté en prenant dûment en considération nos principes fondamentaux de droit international. Une partie intégrante de ces principes concerne nos droits fondamentaux relativement au développement économique et à l'autonomie gouvernementale. Encore une fois, le Canada était présent et a participé activement avec 23 autres pays à la formulation des conclusions et recommandations de septembre 1991.

Plus récemment, la Commission royale sur les peuples autochtones dans son rapport final a également conclu que tous les peuples autochtones du Canada, y compris les Premières nations, les Inuit et les Métis, avaient le droit de disposer d'eux-mêmes. Ce droit repose sur des normes du droit international et des principes fondamentaux de moralité publique. La Commission recommande donc que tous les gouvernements du Canada reconnaissent que les peuples autochtones, nos nations, ont droit à l'autodétermination.

Monsieur le président, pardonnez-moi si je prends beaucoup de temps pour citer ces articles en détail, mais je suis certaine que vous comprendrez très rapidement que le projet de loi C-79 qui est proposé va directement à l'encontre de ces normes internationales. Bien que le gouvernement du Canada appuie notre droit à l'autodétermination du point de vue international, le projet de loi C-79 contredit sérieusement ces progrès positifs. Il semble que même si le Canada a fait un pas de géant aux Nations Unies, il a cependant fait quatre pas en arrière avec le projet de loi C-79.

.1835

Vous répondrez peut-être que l'instrument international est un rapport qui n'a pas été ratifié par le gouvernement du Canada. Sur le plan technique, vous avez tout à fait raison. Cependant, le Canada a participé activement à toutes les discussions. Il ne peut pas se retourner et dire qu'elles n'ont aucun effet.

J'aimerais citer de nombreuses autres références internationales. Par exemple, j'aimerais que vous vous reportiez à l'article 6 de la Convention numéro 169 de l'Organisation internationale du travail. Lorsqu'ils appliquent cette convention, les gouvernements doivent d'abord consulter les peuples intéressés selon les procédures appropriées, plus particulièrement par l'intermédiaire des institutions qui les représentent, chaque fois qu'ils envisagent de prendre une mesure législative ou administrative qui pourrait les toucher directement. Deuxièmement, les consultations effectuées dans le cadre de cette convention doivent être faites en toute bonne foi et dans une tribune appropriée aux circonstances avec l'objectif d'en arriver à une entente ou à un consentement concernant les mesures proposées.

Je dirais, monsieur, que votre comité doit également utiliser cette norme lors de son examen du projet de loi C-79. Par exemple, est-ce qu'une vidéoconférence comme celle-ci répondrait au critère?

J'aimerais maintenant faire d'autres commentaires concernant le projet de loi. Je remarque que lorsque le ministre Irwin a comparu devant le comité, il a déclaré d'abord qu'il voulait souligner que le projet de loi ne visait pas à modifier la Loi sur les Indiens. Le Black's Law Dictionary donne la définition suivante du terme «modification» et je traduis:

Les mots clés sont: une modification que l'on se propose d'apporter à une loi. C'est peut-être pour cette raison que le projet de loi s'intitule Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, car cette loi modifie la Loi sur les Indiens.

Je me demande également, monsieur, pourquoi il n'a pas proposé de modifier les propositions les plus préjudiciables de la Loi sur les Indiens qui permettent aux lois provinciales de s'ingérer dans les affaires des Indiens à l'article 88. Les chefs élus qui ont répondu à ces lettres n'ont-ils pas fait des commentaires sur ces articles?

Le ministre ne manque pas d'utiliser des chiffres par rapport au pouvoir. Par exemple, 11 des87 pouvoirs seraient perdus au complet ou en partie. Les Premières nations obtiendraient neuf nouveaux pouvoirs en plus des 10 qu'ils ont à l'heure actuelle, tandis que le ministre obtiendrait six nouveaux pouvoirs aux dépens du gouverneur en conseil.

.1840

Le problème avec tout cela, c'est qu'on ne peut pas nous donner des pouvoirs que nous avons déjà de par notre droit inhérent. Le comité d'experts des Nations Unies dont j'ai parlé précédemment a déjà reconnu, à l'échelle internationale, les domaines de compétence de notre gouvernement indien, tout comme l'article 31 de la Déclaration universelle sur les droits des peuples autochtones et plus récemment, l'article 15 de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones de février 1997.

Par ailleurs, on a souvent mentionné la proposition à l'article 28 qui vise à prolonger le mandat des conseillers pour le porter à trois ans. Monsieur le président, la nation crie de Samson a déjà un mandat de trois ans; il n'a pas été nécessaire de modifier la Loi sur les Indiens pour autant.

Le plus essentiel des quatre principes dont j'ai parlé au début est peut-être celui du consentement exprimé librement et en toute connaissance de cause. Bien qu'il s'agisse d'un aspect important de notre Traité no 6, c'est un principe fondamental également dans nos rapports bilatéraux avec le gouvernement fédéral. Par ailleurs, c'est une condition de tous les instruments internationaux dont j'ai parlé, comme vous l'aurez constaté à l'article 6 de la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail.

Par ailleurs, l'article 20 du projet de déclaration des droits des peuples autochtones stipule, et je cite:

La version la plus récente de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones stipule à l'article 12(2) et je cite:

La proposition selon laquelle les bandes pourraient choisir l'application modifiée de la Loi sur les Indiens aux termes du projet de loi C-79 par une résolution du conseil ne répond pas aux exigences de ces normes relativement au consentement.

Puisque le ministre aime bien faire des allusions historiques en ce qui a trait aux modifications de la Loi sur les Indiens, il se rappellera très bien lorsque M. Crombie nous a assurés, lors d'une réunion qui s'est tenue sur notre propre réserve de Samson, que nous ne nous retrouverions pas dans une situation encore pire en raison du projet de loi C-31.

.1845

Je vous prierais de noter également que les Indiens de cette organisation font valoir que le ministère, ou la direction générale des Affaires indiennes ou le gouvernement du Canada ne doit en aucun moment faire quoi que ce soit pour briser le lien étroit qui existe depuis le début des traités entre Sa Majesté et les nations indiennes qui ont conclu des traités avec la Couronne.

Par ailleurs, monsieur le président, la Loi sur les Indiens et son règlement ne devraient être modifiés qu'après avoir consulté les représentants autorisés des nations indiennes du Canada afin qu'ils puissent dire s'ils estiment que ces changements sont nécessaires ou souhaitables.

C'est ce qu'on disait dans le mémoire présenté au comité parlementaire par l'Association des Indiens de l'Alberta en 1946. Il devait encore y avoir un autre amendement proposé à la Loi sur les Indiens dans le projet de loi C-79. L'association recommandait également quelque chose que nous faisons maintenant: que la voix des Indiens soit entendue.

En conclusion, j'aimerais que vous vous reportiez à une lettre que votre collègue M. Elijah Harper a fait parvenir à notre chef national, Ovide Mercredi, le 13 décembre 1996, et je cite:

Cela ressemble à nos objectifs et à nos engagements. Tous les instruments internationaux auxquels nous avons fait allusion précédemment appuient le point de vue selon lequel ces objectifs et ces engagements ne sont pas contenus dans le projet de loi C-79.

Monsieur le président, nous proposons donc respectueusement au comité les recommandations suivantes.

Premièrement, il faudrait commencer à travailler, comme l'a suggéré notre chef national, Ovide Mercredi, et la Commission royale sur les peuples autochtones, à établir un nouveau rapport fondé sur la confiance mutuelle et un vrai partenariat comme on en retrouve dans le cadre d'un traité bilatéral.

Deuxièmement, pour les premières nations qui souhaitent des changements spécifiques pour les aider dans leurs initiatives, on devrait peut-être envisager d'utiliser le paragraphe 4(2) de la Loi actuelle sur les Indiens pour suspendre les dispositions qui leur posent des problèmes.

Troisièmement, il faudrait envisager plutôt une loi qui reconnaisse le gouvernement indien.

Quatrièmement, il faudrait retirer le projet de loi C-79. Cela ne veut pas dire que c'est un échec. Vous avez essayé.

Par ailleurs, n'oubliez pas, lorsque vous préparerez votre rapport, les déclarations spécifiques des Premières nations.

Le Créateur nous a donné le droit de nous gouverner nous-mêmes et le droit à l'autodétermination. Les droits et la responsabilité que nous a donnés le Créateur ne peuvent être changés ni nous être retirés par une autre nation. Nous croyons que le projet de loi C-79 modifie ou tente de nous enlever notre droit à l'autodétermination et que, par conséquent, ce projet de loi ne devrait pas être adopté.

Je vous remercie de m'avoir écoutée.

.1850

Le président: Je vous remercie beaucoup de cet exposé détaillé.

Il nous reste environ quatre minutes de nos 40 minutes, mais je suis prêt à vous accorder10 autres minutes ou davantage si vous le voulez, pour permettre aux membres du comité de poser des questions.

J'aimerais que vous consultiez votre conseiller juridique par rapport à une déclaration que vous avez faite selon laquelle le ministre dit qu'il ne modifie pas la loi. L'ordre du jour est l'examen du projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens. Il faut que ce soit clair. Ce que le ministre a dit est juste. La Loi sur les Indiens n'est pas modifiée. On modifie l'application de certaines dispositions de la loi.

Ayant tiré cette question au clair, je vais maintenant accorder 15 minutes à chaque membre du comité. D'accord?

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Madame Buffalo, je vous félicite pour votre présentation. Elle était très originale. C'est la première présentation qu'on a depuis une semaine qui fait allusion entre autres au droit international et à des normes internationales.

Avant d'aller plus loin, je voudrais saluer M. Littlechild, qui est un ancien député, je crois. C'était sous l'ancien régime. Je tiens toujours à saluer des gens qui sont passés à l'endroit où l'on se trouve aujourd'hui.

Je reviens aux normes internationales, parce que c'est là qu'est l'original votre présentation. Si le gouvernement décidait d'aller de l'avant avec le projet de loi C-79, en contradiction avec le droit international, comme vous le prétendez, l'une des options qui seraient ouvertes aux Premières Nations, dont la vôtre, serait-elle d'en appeler aux cours internationales comme l'ONU, par exemple? Vous avez aussi parlé de l'American Declaration. Finalement, envisageriez-vous de porter appel devant les cours internationales pour vous plaindre de l'application du projet de loi C-79?

[Traduction]

M. Wilton Littlechild (conseiller juridique, Nation crie de Samson): Monsieur le président, est-ce que cette question s'adressait à moi? On a donné mon nom au début.

Le président: Eh bien, vous figurez sur la liste des témoins.

Je vais demander au député du Bloc.

[Français]

À qui la question est-elle posée?

M. Claude Bachand: La question s'adresse peut-être à vous, monsieur Littlechild. J'avais mentionné votre nom pour vous saluer, parce que je sais que vous êtes un ancien parlementaire.

Le président: Donc, la question s'adresse à M. Littlechild?

M. Claude Bachand: Oui.

[Traduction]

M. Littlechild: Merci beaucoup, monsieur le président.

La question porte sur les procédures des Nations Unies et de l'Organisation des États américains. La réponse est oui, dans les deux cas.

Le président: Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Monsieur le président, je sais que nous ne sommes pas censés mentionner qui est ici ou à quel moment ils sont ici, mais ce n'est pas le premier exposé dans lequel on parle de la situation internationale. C'est au moins le deuxième exposé que nous avons entendu à ce sujet cet après-midi.

Excusez-moi, chef, ce n'est pas que je ne veux pas vous prêter attention, mais M. Bachand n'a pas été ici de l'après-midi, et je voulais simplement l'assurer que d'autres bandes et d'autres chefs avaient mentionné la question.

Le président: Permettez-moi d'intercéder ici. En toute équité, M. Bachand a été obligé de s'absenter pendant environ 40 minutes cet après-midi, car il devait être à la Chambre pour poser une question pendant la période des questions. En toute équité, c'est le seul moment où il se soit absenté en quatre jours.

M. Bachand: Merci, monsieur le président.

M. Finlay: Oh, je ne voulais pas laisser entendre...

J'ai une question au sujet de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones. Si j'ai bien compris, il s'agit d'une déclaration des peuples autochtones des États-Unis, ou est-ce que je me trompe? Est-ce une loi du Congrès américain?

.1855

M. Littlechild: Il ne s'agit pas d'une loi du Congrès américain, monsieur le président. Il s'agit d'une nouvelle Déclaration sur les droits des peuples autochtones sous les auspices de l'Organisation des États américains dont le Canada est membre, comme vous le savez. Il s'agit d'un instrument de droit international régional, qui s'applique aux Amériques.

M. John Finlay: Merci.

Le président: Avez-vous terminé, monsieur Finlay.

M. John Finlay: Merci, monsieur.

Le président: Monsieur Harper.

M. Elijah Harper: Merci, monsieur le président.

J'aimerais saluer le chef Buffalo et Wilton Littlechild.

Vous avez dit que je voulais me débarrasser de la Loi sur les Indiens, et c'est un objectif que je poursuis toujours. Vous avez également mentionné les traités en ce qui a trait au processus du comité. Je ne pense pas que le comité soit le bon endroit pour discuter des traités.

Il faudrait plutôt en parler directement avec le gouvernement, de nation à nation, ou lors de discussions constitutionnelles. Le comité n'est là que pour examiner un projet de loi. Tout ce qui concerne nos traités et les droits ancestraux doit être abordé, je crois, dans le cadre de la clause de non-dérogation.

Il s'agit ici d'une loi à part. Comme l'a dit le président, nous ne modifions pas la Loi sur les Indiens. Et je crois que nous devons traiter de nation à nation avec le gouvernement fédéral, conformément à l'esprit des traités.

Comme je l'ai toujours mentionné, les traités, les rapports, concernent les arrangements que nous voulons nous-mêmes conclure avec les gouvernements au Canada. Mais le gouvernement lui-même a un processus, ici au pays - la Chambre des communes et le Parlement - et prend un certain nombre d'initiatives. Tout projet de loi qu'il adopte ne peut être abrogé de quelque façon que ce soit, car nous n'avons pas donné notre consentement.

Je vous demande donc... soit au chef ou au conseiller législatif, Wilton, car c'est un ancien député et qu'il connaît les procédures. Il ne s'agit ici que d'un processus législatif, non pas d'une discussion constitutionnelle ni d'un processus relatif aux traités. Le préambule du projet de loi fait allusion à une clause de non-dérogation, car lorsque le projet de loi sera adopté, c'est la volonté du Parlement, institution suprême qui légifère au pays, qui adoptera ce projet de loi et on ne pourra certainement pas porter atteinte aux droits ancestraux et aux droits issus de traités sans la participation des peuples autochtones. La question que je voudrais poser... on semble craindre que le projet de loi à l'étude puisse affecter nos droits ancestraux et nos droits issus de traités.

M. Littlechild: Merci, monsieur le président. J'ai deux commentaires à faire en réponse à l'honorable député M. Harper.

Tout d'abord, la clause de non-dérogation que l'on retrouve dans le projet de loi ne nous assure pas à ce moment-ci qu'il sera adopté dans sa forme actuelle, avec le libellé actuel. Comme vous le savez bien, il y a encore une autre procédure dans le processus dont vous parlez: l'étape de la troisième lecture et l'examen par le Sénat.

Rien ne garantit que le libellé actuel sera celui qui sera adopté. Donc, une clause de non-dérogation telle que proposée aujourd'hui ne signifie pas nécessairement qu'elle sera adoptée demain.

Deuxièmement, en ce qui a trait aux traités, je vous ferai remarquer que le chef a souligné que lorsque nous avons commencé il y a des années, il y avait quatre principes fondamentaux, dont le deuxième porte sur les traités, mais la présente intervention ne porte que sur deux de ces quatre principes. Nous n'avons pas abordé la question des traités pour les raisons que vous avez mentionnées. Ce n'est pas ici qu'il faut débattre de cette question.

.1900

Le chef n'a donc pas fait de commentaire sur cet aspect dans son exposé, car ce n'est pas le bon endroit pour le faire. Elle n'a donc parlé que du premier et du dernier éléments. Vous avez peut-être remarqué dans son exposé qu'il s'agit du principe du consentement et du premier principe de l'autodétermination. Donc, nous n'avons pas parlé des traités dans notre intervention, car ce n'est pas ici qu'il faut en parler. Nous sommes d'accord.

Le président: Merci beaucoup. Voilà qui conclut cette partie de nos audiences publiques. Je vous remercie beaucoup de votre exposé qui a été très instructif. Je vous dis donc adieu.

Nous allons maintenant entendre l'Aboriginal Women's Committee for C-31 Issues. Esther Prince et Valerie Arcand sont les porte-parole.

Bienvenue. Je vous remercie de nous avoir offert tout à l'heure de nous aider en faisant votre exposé plus tôt. Cela nous aurait beaucoup aidés, mais malheureusement la technologie ne nous a pas permis de le faire et nous ne pouvions vous entendre à ce moment-là. Nous vous remercions cependant de nous l'avoir proposé. Les membres du comité vous en remercient.

Je m'appelle Ray Bonin. Je suis président du comité. Les autres membres du comité sont Claude Bachand, du Bloc québécois, et Elijah Harper, John Finlay, Charles Hubbard et John Murphy, du Parti libéral.

Nous disposons de 40 minutes. Ces minutes vous appartiennent. Vous pouvez les utiliser comme vous l'entendez. Nous vous saurions gré cependant de bien vouloir laisser un peu de temps pour les questions. Cela étant dit, je vous invite à faire votre exposé.

Mme Esther Prince (porte-parole, Aboriginal Women's Committee for C-31 Issues): J'aimerais vous souhaiter à tous bon après-midi. Je m'appelle Esther Prince. Je représente l'Aboriginal Women's Committee on C-31 Issues.

On nous a dit que votre comité tiendrait aujourd'hui, à compter de midi, une vidéoconférence concernant le projet de loi C-79 et que cette vidéoconférence se tiendrait au deuxième étage de Place Canada à Edmonton et que 40 minutes seraient accordées à chaque groupe.

Il est important que le comité entende des représentants des Indiens de l'Alberta assujettis à un traité qui sont visés par la Loi sur les Indiens - ils sont effectivement directement touchés par le projet de loi C-79 - et qui se sont vu refuser le statut de membre d'une bande. Je constate que nulle part dans le projet de loi à l'étude on ne mentionne le projet de loi C-31.

.1905

J'aimerais également faire une observation sur la façon dont les audiences sont tenues. Je pense que ces audiences auraient dû être tenues sur les questions dont vous avez été saisis: la Loi sur les Indiens et la nouvelle loi qui est proposée et intitulée Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens du 1er janvier 1997.

Nous avons certaines choses à vous dire au sujet de notre peuple indien, mais j'aimerais tout d'abord vous présenter Richard Long, qui a 14 ans d'expérience dans ce domaine. J'aimerais qu'il fasse quelques observations sur ces questions. Je crois qu'il y a quatre choses dont il voulait vous parler.

Le président: Allez-y, monsieur Long.

M. Richard Long (Aboriginal Women's Committee for C-31 Issues): Merci, monsieur le président.

Je limiterai mes observations au projet de loi C-79 et à cinq articles de ce projet de loi. Je comprends qu'il se fait tard à Ottawa et que certains d'entre vous commencent peut-être à être fatigués, de sorte que je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre à cette heure aussi tardive.

Mes observations portent spécifiquement sur le projet de loi. Si nous avons bien compris, ce projet de loi est une mesure législative facultative. Ce n'est pas quelque chose qu'on impose aux Premières nations indiennes; il s'agit d'une mesure législative facultative. Je le comprends et je pense qu'il s'agit sans doute d'une sage façon de procéder.

J'aimerais cependant attirer votre attention sur l'article 5 du projet de loi qui se lit comme suit:

Or, cela semble être tout ce qu'il y a de plus simple. Le conseil de bande prend une résolution de conseil de bande et l'envoie. Ayant moi-même été une fois gestionnaire de bande, j'en connais pas mal sur les résolutions de conseil de bande et la façon dont elles sont signées. Ce n'est pas tant cette question qui nous préoccupe, mais plutôt le concept d'une résolution du conseil.

Il faut lire cet article 5 en relation avec le nouvel alinéa 6(2)b) qui permet à la bande d'exercer son pouvoir en vertu «d'une résolution écrite à laquelle tous les conseillers ont exprimé par écrit leur consentement».

Encore une fois, cela semble être raisonnable à première vue, sauf lorsqu'on comprend de quelle façon les choses fonctionnent en fait au niveau de la réserve, comme je le comprends moi-même. Cela signifie qu'une résolution d'un conseil de bande peut être signée sans qu'il y ait de réunion. En d'autres termes, on peut tout simplement faire circuler un formulaire chez les gens. Lorsque j'étais gestionnaire de bande, cela se faisait fréquemment. Pourvu que tous les membres du conseil l'aient signée, la résolution est envoyée. Le ministre ne fouille pas plus loin; il ajoute tout simplement la bande à l'annexe.

Je me demandais tout simplement pourquoi on ne pourrait pas modifier cet article de façon à ce qu'il soit obligatoire de réunir les membres de la bande pour assujettir une bande à ce régime. Quel problème est-ce que cela pourrait poser? Ils tiennent constamment des réunions. Je ne pense pas que cela coûterait cher. Il est dangereux, je pense, de permettre qu'un document puisse donner une telle autorisation sans qu'il y ait eu de réunion. Voilà ce qui me préoccupe dans cet article en particulier.

La deuxième partie du projet de loi qui nous préoccupe concerne les élections. Je sais qu'il s'agit d'une question très contestée, comme vous ferez tous face à des élections bientôt vous-mêmes. Nous surveillerons ces élections avec beaucoup d'intérêt, et nous allons tous voter à notre façon.

Vous savez ce que comporte une élection, et je ne pense pas que vous trouviez que des élections indiennes soient tellement différentes. Les gens qui veulent se faire élire essaient le plus possible de faire plaisir à tout le monde. Je ne dis pas cela de façon frivole. Vous êtes élus parce que les gens croient dans ce que vous croyez et parce que vous tentez de faire du bon travail.

En passant, je ne veux pas non plus critiquer les chefs qui sont ici. Je ne parle pas contre les chefs, et je ne l'ai jamais fait. Mes préoccupations concernent plutôt une réalité à laquelle nous devons faire face ici en Alberta, qui est aussi réelle que le fait que je respire. Je pense qu'Elijah Harper sait de quoi je parle. Le problème est la question des électeurs. C'est une question délicate.

Le nouveau paragraphe 75(1) dit, et je cite: «Seul un électeur de la bande peut être candidat au poste de chef ou de conseiller». Le nouveau paragraphe 74(2)a) dit et je cite: «Le chef est élu soit à la majorité des votes des électeurs de la bande...». Encore une fois, cela semble être assez simple. Tout comme au Canada, lorsque nous votons pour élire les députés, il y a un recensement et une liste électorale est préparée. Ensuite, nous allons tous au bureau de scrutin, et si notre nom est là, nous votons.

.1910

Par ailleurs, nous permettons aux Canadiens de voter s'ils vivent aux États-Unis ou à Tombouctou, ou même s'ils sont en prison. Donc, si on considérait le Canada comme une grande réserve, nous aurions une disposition pour que les citoyens canadiens puissent voter hors réserve. Le problème auquel nous faisons face depuis de nombreuses années, c'est que dans la plupart des cas, les bandes ne permettent pas aux membres hors réserve de voter.

Vous savez certainement que dans l'affaire de la Bande de Batchewana à Sault Ste. Marie, en Ontario, des décisions ont été rendues tant par le tribunal de première instance que par le tribunal d'appel - et j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'opinions de juristes - décisions qui marquaient un tournant dans notre façon de procéder, à savoir l'affirmation que la Constitution prime sur la Loi sur les Indiens. L'information sur cette affaire a été incluse dans l'un des mémoires adressés à Christine Fisher, mémoires qui tous lui ont maintenant été adressés. La Cour fédérale du Canada a affirmé, tant en première instance qu'en appel, que les Indiens hors réserve ont le droit d'élire leur chef et leur conseil.

Cette disposition semble créer un régime d'électeurs et j'aimerais vous demander, en toute déférence, de préciser davantage le sens du mot «électeur». Je sais que vous n'êtes pas le ministère des Affaires indiennes, et que vous êtres pressés par le temps, je ne vais donc pas vous bousculer. Je demande simplement que le Parlement envisage de formuler un amendement définissant ce mot.

Si les bandes indiennes disent qu'il s'agit d'autonomie gouvernementale et qu'on n'est pas censé aborder cette question, je citerai le juge Strayer, de la Cour fédérale du Canada, Cour de première instance. Dans l'affaire de la Bande de Batchewana, il s'est penché explicitement sur cette question: il a déclaré que les Indiens qui vivent hors réserve ont un intérêt immédiat, en matière de terres ou à propos de finances, dans les affaires de la bande et a conclu que les membres hors réserve de Batchewana étaient en droit d'élire leur chef et leur conseil. Les juges, en se fondant sur l'article 15 de la Loi constitutionnelle, «égalité devant la loi», sont arrivés à la même conclusion: si nous n'autorisons pas cela, ont-ils dit, nous créons deux catégories d'Indiens. Ceux qui votent et ceux qui ne peuvent voter. Je ne parle pas ici des Métis, des Indiens de fait ou autres. Je parle des membres d'une bande qui est reconnue de tous.

L'examen du terme «électeur» constitue-t-il une interférence dans la tâche qui vous a été confiée? Je vous ai fait remarquer que la Cour fédérale du Canada était l'instance à laquelle s'étaient adressés, au cours des quatre dernières années, la plupart des Indiens hors réserve. Mais je pense, en toute déférence, que c'est au Parlement qu'ils devraient s'adresser, et non aux tribunaux.

Au sens constitutionnel, la Cour fédérale du Canada semble examiner les questions touchant les Indiens en invoquant le paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle et les articles de la Charte qui portent sur l'égalité, tout en considérant la Loi sur les Indiens mais en lui donnant une interprétation plus limitée de ce qu'est un Indien. La cour n'a pas d'objection au droit de vote des Indiens hors réserve, et a décidé que le paragraphe 77(1) de la Loi sur les Indiens est ultra vires et excède les pouvoirs.

La Cour suprême est maintenant saisie de l'affaire de la Bande de Batchewana, et je me range derrière les juges. Si la Cour suprême du Canada confirme sa décision le 6 juin, nous allons nous trouver en difficulté. Une bande d'Indiens pourrait décider d'ignorer le jugement de la Cour suprême en laissant voter uniquement ceux qui vivent dans les réserves. C'est ce qui s'est passé pour Batchewana, et ce qui se passe aussi actuellement pour la plupart des bandes de l'Alberta. Nous devrons alors reporter l'affaire devant la Cour fédérale pour contester cet article - celui dont vous êtes saisis - et le considérer comme ultra vires de la même façon pour ceux qui sont hors réserve, en ce sens qu'il enfreint l'article 15 de la Constitution en créant deux catégories d'Indiens, ceux qui ont le droit de vote et ceux qui ne l'ont pas.

Il faudra donc financer un nouveau procès, refaire toutes les démarches pour intenter un procès à une bande d'Indiens aux termes du nouvel article qui sera adopté sans définir le terme «électeur». C'est pourquoi je pense, si vous me permettez de le dire, que le Parlement devrait préciser ce qu'il vise, à savoir, si je comprends bien, faire faire des progrès à la cause du peuple indien, mais ce faisant, il faut quand même tenir compte du fait que la loi doit s'appliquer à tous.

Notre loi fondamentale est la Loi constitutionnelle, et il s'agit là de décisions, non d'opinions. Le raisonnement de la cour est plus important que la décision, et c'est pourquoi nous vous demandons, en toute déférence, de préciser le sens du mot «électeur», dans le contexte de la décision Batchewana, tant dans le projet de paragraphe 74(2) que dans le projet de paragraphe 75(1).

.1915

Dernière question, qui n'est pas sans lien avec la précédente, à savoir le projet de paragraphe 80.2, à la page 13 du projet de loi C-79, qui dégage Sa Majesté de toute responsabilité concernant des élections aux termes de cette loi, ce qui revient, en quelque sorte, à... Je sais ce qui est à l'origine de ce paragraphe, car dans l'affaire Batchewana, le ministère des Affaires indiennes et la Couronne ont échoué: la décision a été rendue contre eux, et ils ont été condamnés aux dépens.

Il doit y avoir quelqu'un au ministère qui tient à éviter ce genre de coûts. Il est compréhensible que l'on veuille éviter ce qui me paraissait une contradiction. Il est dans l'ordre des choses que la Couronne essaye de limiter sa responsabilité, c'est bien naturel, sinon que...

Mais permettez-moi de vous dire ce qui me paraît sauter aux yeux: chaque fois qu'il y a un différend - vous devez en connaître bien des exemples, dans vos circonscriptions - chaque fois qu'un groupe d'Indiens, qui dit constituer le conseil et son chef, est contesté par un autre groupe et que l'affaire est portée devant un tribunal, c'est la loi, en réalité, qui est en défaut.

Mais ce qui arrive alors, c'est que le ministère se pose en quelque sorte en arbitre, entend les deux parties, et décide d'en reconnaître l'une ou l'autre. C'est ce que j'appelle l'article Ponce Pilate, excusez-moi de me référer à la Bible. Vous vous rappellerez que lorsque le peuple a décidé la mort de Jésus, le gouverneur romain s'en est, littéralement, lavé les mains. Je n'entends nullement cela comme une plaisanterie, c'est là ce qui est à l'origine de cet article.

Je ne vois pas pourquoi la Couronne voudrait se dérober à sa responsabilité. Pourquoi devrait-elle le faire? Qui sait... Vous penserez peut-être que si une bande est divisée, elle doit en payer le prix. Mais les seuls qui s'enrichissent alors, ce sont les avocats. Nous, on veut bien, mais nous nous demandons si la Couronne...

J'aurais également quelque chose à dire sur l'article concernant les testaments et successions, mais je risque de vous ennuyer à mort, et je m'en abstiendrai donc.

Je voudrais simplement ajouter, à titre personnel, que ces dames ont eu l'amabilité de m'offrir de m'asseoir avec elles, et je vous remercie du temps que vous m'avez consacré. Ce qui me tient particulièrement à coeur, c'est que le Parlement ne devrait pas promulguer une loi qui perpétue la division entre les Indiens, ou qui en entretient la possibilité.

Mme Valerie Arcand, ici présente, est membre de la Bande Alexandre, qui est sur la liste sur ordinateur. Elle est membre de plein droit, mais elle n'est pas autorisée à voter, elle ne peut participer aux programmes et s'il y a une revendication territoriale, elle n'a pas le droit d'y participer. Quelle en est la raison?

Qu'il s'agisse d'éducation, de santé ou d'autre chose... cette dame fait partie de la Bande Sucker Creek, du nord de l'Alberta. Elle était inscrite sur la liste de bande, puis elle en a été retirée sans raison. Elle n'est pas autorisée à voter. Ces deux dames sont des Indiennes, elles en ont l'apparence, elles le sont, dans tous les sens du terme, nées ou élevées dans la réserve. Il ne s'agit pas là d'Indiennes de fait, de Métisses ou d'Inuit, mais d'Indiennes authentiques.

Il y a peut-être des choses que je ne comprends pas, et je me demande pourquoi les lois ont été faites de façon à permettre ce genre de chose. Si on m'empêchait de voter pour vous aux prochaines élections - en juin ou plus tard - je crois que je serais furieux: aurais-je tort? Et pourtant c'est ce qui se produit dans les cas que je mentionne: le chef et le conseil se désintéressent de ceux qui ne vivent pas sur la réserve.

Les articles que j'ai cités du projet de loi, ceux qui portent sur les électeurs, traitent spécifiquement des futurs droits de vote de ceux qui vivent hors réserve.

Mais pour conclure, nous nous engageons à vous faire parvenir ce soir par télécopieur un résumé de deux pages des arguments que nous soumettons à votre réflexion, pour vos travaux de demain. Je vais maintenant rendre la parole à Esther Prince, et je vous remercie d'avoir bien voulu m'entendre.

Mme Prince: Je vais demander à Valerie de faire quelques commentaires sur ces questions.

Mme Valerie Arcand (porte-parole, Aboriginal Women's Committee for C-31 Issues): Je m'appelle Valerie Arcand, je suis membre de la Bande Alexander, dont le chef, Stanley Arcand, était censé comparaître aujourd'hui, ce que j'espérais, mais il ne l'a pas fait.

Je lui ai parlé de questions me concernant, moi, mes enfants, mes soeurs et frères entre autres sur ces questions d'élections. On m'a donné plusieurs raisons pour lesquelles je n'avais pas le droit de vote, raisons qui m'ont paru inacceptables.

.1920

J'ai également demandé un logement, non pour moi, mais pour mes soeurs et frères, qui sont Indiens de plein droit, et là encore, j'ai essuyé un refus, de même que pour l'éducation.

Je me demande donc quelles seront les incidences du projet de loi C-79 non seulement sur moi, mais sur mes enfants et mes petits-enfants. J'en ai déjà un, et je voudrais avoir le droit de vote comme tout citoyen canadien, sans entraves dues à l'endroit où je me suis établie. Je crois avoir fait la preuve que j'appartenais à ces deux mondes, et que je m'y sentais chez moi.

Je voudrais simplement demander à la Chambre des communes s'il est en son pouvoir d'aider des femmes autochtones comme moi, qui ne semblent appartenir à aucune catégorie et dont nul ne se préoccupe. Il me paraît honteux de devoir en venir là pour obtenir ce qui constitue des droits fondamentaux.

Je vous remercie.

Le président: Vous avez sans doute terminé votre exposé, et je vous en remercie, car il était fort intéressant et portait spécifiquement sur la question dont nous sommes saisis, ce que nous apprécions fort, croyez-moi. C'est notre quatrième journée et voilà déjà 10 heures que nous siégeons aujourd'hui. Loin de nous ennuyer, vous avez eu toute notre attention et vous avez restauré ma confiance dans le processus de consultation. Je vous remercie donc de tout coeur de vos commentaires.

Je vais maintenant donner la parole aux membres du comité, à commencer par M. Murphy.

M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Nous vous remercions d'un excellent exposé.

Comme vous, je considère que si vous habitez hors de la réserve, vous devriez pouvoir participer aux travaux et aux questions afférentes à celle-ci, et qui touchent tant ceux qui vivent dans la réserve que ceux qui vivent à l'extérieur.

Je ne crois pas que ce projet de loi fasse obstacle au droit de vote des gens hors réserve. L'obstacle se trouverait plutôt chez les conseils de bande. Dites-moi si je me trompe.

Qu'est-ce qui pourrait, d'après vous, vous assurer de pouvoir voter dans votre bande? Quelles sont les modifications que nous devrions, à votre avis, apporter au projet de loi?

Mme Prince: Est-ce que vous voulez répondre sur ce point?

M. Long: Monsieur Murphy, je vous remercie de votre question. Nous n'avons pas de solution toute prête pour vous, mais nous allons essayer de répondre à votre question...essayer de formuler une modification.

La Loi électorale du Canada établit qui a droit de vote, et nous acceptons la volonté du Parlement, mais certains chefs et conseils indiens ne veulent pas que vous interveniez sur ce point. Ils vous disent: «C'est nous qui sommes responsables de l'autonomie gouvernementale, ne venez pas vous en mêler». Ce n'est pas là un obstacle facile à franchir.

Il ne faudrait pas que des Indiens soient privés de leurs droits par leurs propres gouvernements. Vous devriez tout faire pour empêcher cela, car nous pouvons vous assurer, preuves à l'appui, qu'il existe de nombreux exemples d'abus, dont je ne vais pas dresser la liste... Mais il suffirait peut-être d'une simple déclaration, voire d'une définition précisant que le terme «électeur» désigne à la fois les membres d'une Première nation vivant soit dans la réserve, soit hors réserve...

Quant aux chefs, prenons les deux arguments opposés: s'ils soutiennent que ce n'est pas à vous de définir qui est un «électeur», pourquoi diraient-ils cela s'ils vont de toute façon laisser voter les gens hors réserve? Quel serait leur raisonnement?

.1925

Dans l'affaire de la Bande de Batchewana, le juge a dit ne pas comprendre pourquoi le chef et le conseil n'autorisaient pas les gens hors réserve à voter, mais que même s'il ne le comprenait pas c'était un fait, et il se devait d'intervenir. Nous proposons donc, en toute déférence, de donner, comme définition du terme «électeur», les membres des Premières nations qui vivent dans les réserves et à l'extérieur. Ce serait une façon de régler le problème.

Mais quant à s'en remettre au bon vouloir de 670 chefs et de 5 000 ou de 6 000 conseillers, compte tenu de notre expérience, c'est ouvrir la voie à l'injustice, et le Parlement a la responsabilité, il me semble, d'être aussi clair que possible sur ce point. Vous n'imposez pas aux gens pour qui ils doivent voter, vous leur dites simplement qui a le droit de vote, ce qui est bien différent.

Je vous remercie.

M. John Murphy: Je vous remercie.

Le président: Y a-t-il d'autres questions ou commentaires? Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Je vous remercie, monsieur le président.

Merci de vos propositions, monsieur Long, mais j'en ai noté une qui me paraît inexacte. Vous disiez qu'il suffisait d'une résolution de conseil de bande, qui pourrait être diffusée et signée par les conseillers, et vous proposiez qu'une bande tienne séance pour décider si elle accepte. Dans le projet de loi que j'ai sous les yeux, il est dit, au projet d'alinéa 6(2)b)

Je crois comprendre que le conseil de bande, ayant fait cela, pourrait alors invoquer ces dispositions de la loi proposée sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, aux termes de laquelle seule une résolution du conseil de bande est nécessaire. Il y a toutefois six modifications au projet de loi C-79 qui ne nécessitent pas seulement une résolution de bande, mais le consentement d'une majorité des membres de la bande; je ne sais pas desquelles il s'agit, mais j'ai lu qu'il y en avait six dans le projet de loi, et je voulais donc mettre les choses au point.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Est-ce que vous vouliez répondre à cela?

M. Long: Oui, si vous le permettez.

Le président: Allez-y.

M. Long: M. Finlay a raison de signaler qu'il y a des dispositions, dans tout le projet de loi, aux fins de tenir des conseils de bande, mais si vous vous souvenez, j'ai parlé spécifiquement du paragraphe 5(1) en relation avec l'alinéa 6(2)b), en insistant sur le terme «résolution». Si vous lisez le paragraphe 5(1) et l'alinéa 6(2)b), la signification est simple et claire.

Il est dit au paragraphe 5(1): «Sur réception d'une résolution prise à cette fin...» ce qui est nécessaire, c'est une résolution du conseil de bande - «le ministre modifie» - il n'est pas dit qu'il peut modifier mais qu'il modifie - «par arrêté, l'annexe afin d'y ajouter le nom de la bande.» Et plus loin: «(2) Il ne peut toutefois retrancher de l'annexe le nom d'une bande».

Je respecte donc votre analyse, monsieur, et si vous me prouvez que j'ai tort, je veux bien le reconnaître - mais le terme clé, dans ce que je lis, c'est qu'il s'agit d'une résolution.

Si je passe ensuite à l'alinéa 6(2)b), il est dit: «... soit d'une résolution écrite à laquelle tous les conseillers ont exprimé par écrit leur consentement».

Lus ensemble, ces deux dispositions stipulent qu'une résolution d'un conseil de bande pourrait être préparée, laissée à chacun à son domicile, signée, envoyée au ministre qui n'aurait plus que le choix d'accepter. Si vous lisez ces deux dispositions l'une à la suite de l'autre, ce que j'essayais de faire, c'est là une option qui s'offre et en toute franchise, monsieur, à en juger d'après mon expérience, je suis sûr que c'est ainsi que les choses se passeraient dans certaines bandes.

.1930

M. John Finlay: Je ne suis pas juriste, monsieur Long, et je peux lire ce que vous avez lu. Il faut peut-être une explication, car les projets des sous-alinéas 2(3)b)(i) et 2(3)b)(ii) n'ont pas les mêmes termes que la Loi sur les Indiens.

Mais à mon avis, ce que vous dites de cette loi permettant la modification de certaines dispositions s'appliquera lorsque le pouvoir conféré au conseil aura été exercé de façon appropriée aux termes de l'alinéa 2(3)b) de la Loi sur les Indiens, qui à l'heure actuelle gouverne l'administration des bandes.

J'examinerai certainement la question, mais c'est là, pour le moment, mon interprétation.

M. Long: Je comprends maintenant pourquoi Henri II disait que nous devrions tuer tous les avocats.

Des voix: Oh!

M. John Finlay: C'est bien possible.

Le président: Eh bien, la question est posée, même si elle n'a pas encore été résolue, et je suis convaincu que le comité voudra que le conseiller juridique lui en donne son interprétation.

Notre conseiller juridique a entendu votre demande, et avant de passer à l'examen article par article, il nous donnera son opinion sur vos deux positions.

M. Long: Je vous remercie, monsieur.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: J'aimerais répondre à Mme Prince et surtout à Mme Valerie Arcand, qui a un très beau nom français d'ailleurs. Le nom doit sûrement être de descendance québécoise.

Je voudrais parler un peu des termes «sur réserve» et «hors réserve», parce que je sais que ces gens-là sont traités différemment. Vous soulevez là toute la question de la citoyenneté autochtone. Ce sont des choses dont on discute régulièrement, et on vient de m'apprendre que les dispositions de l'article 77 auraient été renversées et qu'on serait allé en appel devant la Cour suprême à ce sujet. Il n'y a pas encore eu d'audience, mais il y aura une décision de la Cour suprême du Canada là-dessus.

Ce n'est pas une question facile que vous soulevez là et je sais que cela se produit sur l'ensemble du territoire canadien. Aussitôt que les gens sont hors réserve, ils n'ont plus les mêmes droits. Personnellement, et c'est peut-être là-dessus que j'appellerais vos commentaires, je ne pense pas que ce soit par une modification à la Loi sur les Indiens qu'on puisse régler cette question-là.

Je pense que la question de la citoyenneté, à savoir qui peut voter et qui peut obtenir les services d'une communauté, se règle par des ententes sur l'autonomie gouvernementale et sur les revendications territoriales. C'est comme cela qu'on règle la question de fond. Il me semble que ce n'est pas par une modification à la Loi sur les Indiens.

Pourriez-vous commenter mes propos et peut-être me dire si vous êtes d'accord ou pas avec moi?

[Traduction]

Mme Arcand: Il est exact qu'à l'origine j'étais... Je comprends un peu le français, mais pas très bien.

Je suis née dans une réserve, dans une cabane en rondins. À l'âge de 13 ans, je quittai la réserve et depuis je suis devenue une citadine. Je n'ai jamais eu l'occasion, sur une réserve, de voter et d'élire un représentant qui défende ma cause, et qui nous facilite un peu les choses, à moi et à ma famille.

Les gens comme moi, qui vivent hors réserve, n'ont droit à aucune prestation: ni logement, ni éducation, ni soins médicaux. On est loin de m'accueillir à bras ouverts, de reconnaître que j'ai également des droits, de m'accorder quoi que ce soit; le plus souvent je dois aller quémander de l'un à l'autre.

.1935

Je comprends que le droit de vote est un privilège, qui m'a été refusé par Stanley Arcand et les membres du conseil. Ils me disent que je dois résider dans la réserve pendant six mois, mais comment pourrais-je acquérir le droit de vote en y résidant, puisque je ne peux y recevoir de logement?

La bande refuse de réaccepter le projet de loi C-31, où il est dit que d'après la Constitution de 1985, j'ai été membre inscrit de la bande. Je figure bien sur une liste, mais c'est tout ce que j'ai, mon nom et un numéro, et rien d'autre, sinon que je peux comparaître ici pour vous exposer mon cas.

Le président: Je vous remercie.

J'ai mentionné qu'avant d'entamer nos délibérations, nous entendrions l'opinion de notre conseiller juridique, tant sur vos déclarations que sur les positions de M. Finlay concernant les articles 5 et 6. Je vais donc demander à notre conseiller juridique de tirer au clair ces questions.

Mme Mary Hurley (attachée de recherche du Comité): La question qui se pose résulte de la version actuelle de l'alinéa 2(3)b) tel qu'il figure actuellement dans la Loi sur les Indiens et dans l'alinéa 2(3)b) tel qu'il se présentera après promulgation de la loi, au cas où celle-ci est adoptée.

Aux termes des dispositions de l'alinéa 2(3)b) actuel, une résolution de conseil de bande, afin d'être promulguée, doit être adoptée lors d'une réunion dûment convoquée. Ce sont les termes de la loi actuelle. Lorsqu'un conseil de bande a, à la majorité, décidé d'adhérer au projet de loi, c'est alors seulement que la disposition concernant la résolution du conseil de bande, adoptée à l'unanimité, par écrit, par les conseillers de bande, devient partie intégrale de la Loi sur les Indiens pour les bandes qui en font le choix. Autrement dit, la résolution écrite adoptée à l'unanimité ne fait pas partie de la Loi sur les Indiens pour les bandes qui en font le choix jusqu'à ce que le projet de loi soit promulgué.

J'ajouterais toutefois que parce que le paragraphe 6(2) du projet de loi est l'une des dispositions qui, d'après la documentation du ministère, va, dans une certaine mesure, officialiser l'usage existant, la question se pose, tant au plan théorique que pratique.

Le président: Je vous remercie.

Vous me paraissez vouloir répondre, et je vais vous donner la parole.

M. Long: Non, monsieur le président, je n'oserais pas mettre en doute ce que dit le conseiller juridique.

Mais si elle a raison - les avocats n'ont-ils pas toujours raison? - puis-je demander une précision? Lui apparaît-il clairement qu'aux termes de la loi actuelle, une simple majorité d'un conseil de bande - non pas d'une réunion de bande, mais d'un conseil de bande - suffit pour faire adhérer cette bande à la loi?

Je ne reviens pas sur ma question précédente. Prenons l'exemple d'un conseil de12 personnes - un chef et 12 conseillers; sept d'entre eux signent une résolution de conseil de bande lors d'une réunion dûment convoquée. Supposons que cinq d'entre eux s'y opposent farouchement, de même que la bande, mais ils signent cette résolution et vous l'envoient. Serait-ce là suffisant pour faire adopter le régime par la bande?

Mme Hurley: Oui, aux termes du projet de loi; bien entendu, le conseil de bande devrait alors en supporter les conséquences.

M. Long: Il serait donc possible, sans réunion de bande, qu'un très petit nombre d'Indiens nous fassent adopter ce régime, ce qui, d'après ce que vous disiez tout à l'heure, signifierait qu'avec des résolutions de conseil de bande, on pourrait se passer de réunions, que les réunions de bande sont en quelque sorte superflues. Ce serait, au mieux, une réunion de bande avec une majorité, n'est-ce pas, qui pourrait déclencher l'adhésion au projet de loi.

.1940

Mme Hurley: Je ne sais pas au juste dans quelle mesure ce dialogue devrait avoir lieu entre vous et moi. Ce que je pense comprendre du projet de loi, c'est qu'une résolution majoritaire du conseil de bande, lors d'une réunion dûment convoquée, pourrait avoir pour résultat qu'une bande adhère au régime.

Le président: Sur ce je vais intervenir car tous les membres du comité, si j'ai bien compris, considèrent que les derniers commentaires de notre conseiller juridique interprètent correctement ce qui se trouve dans ce projet de loi. Nos membres comprennent fort bien les préoccupations que causent ces changements, et le comité est en mesure de les modifier, s'il le juge bon. La situation lui a été clairement exposée, et s'il n'y apporte pas de modification, c'est parce qu'il l'aura voulu ainsi. Les membres du comité comprennent ce dont il s'agit, et c'est à l'un d'entre eux de proposer un amendement et à la majorité de l'adopter. Soyez donc assurés que votre argument est compris de tous et qu'il en sera dûment tenu compte.

Le temps que nous avons pu consacrer à votre exposé est écoulé et je voudrais vous remercier des questions intéressantes et approfondies que vous avez soulevées. Après une journée aussi longue, cette discussion a été stimulante, et nous vous en remercions.

Mme Prince: Merci d'avoir pris le temps de nous écouter.

Le président: Je vous remercie.

Je vais suspendre l'audience publique jusqu'à 20 h 40, ou nous reprendrons plus tôt si le représentant de la Montana Tribal Administration comparaît.

.1942

.2043

Le président: Nous reprenons notre audience.

Nous avons devant nous M. Leo Cattleman, du Montana Tribal Administration. On nous a dit, monsieur Cattleman, que vous aviez été appelé à l'hôpital de Red Deer. J'espère qu'il n'y a rien de grave.

M. Leo Cattleman (Montana Tribal Administration): Tout va très bien, monsieur le président: ma fille a mis au monde une petite fille.

Le président: Voilà qui est magnifique, et je vous en félicite. Est-ce votre premier petit-enfant?

M. Cattleman: Non, c'est mon quinzième.

Le président: Le quinzième? Vous me battez à plates coutures, car moi j'en suis encore au premier.

Je vous remercie beaucoup d'être parmi nous. Nous vous sommes vraiment reconnaissants, en ce jour très spécial, d'avoir pris le temps de nous aider à étudier les modifications au projet de loi C-79, une loi permettant certaines modifications concernant l'application de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.

Monsieur Cattleman, je m'appelle Ray Bonin et je suis le président du comité. Je suis accompagné, pour le Bloc québécois, de Claude Bachand et, pour le Parti libéral, de Elijah Harper, Charles Hubbard et John Murphy. Je pense également que M. Finlay nous reviendra dans quelques instants.

Monsieur Cattleman, nous avons 40 minutes à passer ensemble et tout ce temps vous appartient. Vous pouvez l'utiliser comme bon vous semble, mais nous vous saurions gré de bien vouloir en réserver une partie pour que les députés puissent vous poser des questions après votre intervention. Cela étant dit, vous pouvez commencer.

.2045

Monsieur Cattleman: Ce jour, mardi 18 mars 1997, j'ai un exposé sur le projet de loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens à présenter au Comité permanent des affaires indiennes et du Nord au nom des tribus Montana et Louis Bull.

Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de faire valoir nos points de vue. Au nom de notre peuple des tribus Montana et Louis Bull, nous tenons à vous faire savoir que nous nous opposons au projet de loi C-79. Ce projet de loi ne concerne pas notre traité, ou notre relation particulière avec la Couronne, pas plus que l'enchâssement d'une administration tribale autochtone, pas plus qu'il ne tente d'améliorer le sort de notre peuple. Il s'agit plutôt du Canada qui essaye d'esquiver les véritables problèmes qui nous touchent. Il s'agit d'un Canada qui ne nous écoute pas. Il s'agit d'un Canada qui ignore ce qui a été accepté par les traités. Il s'agit de notre confiance qui a été abusée et du Canada qui veut faire sans notre consentement ce qu'il juge être dans notre intérêt.

Cela n'est pas nouveau pour nous. Encore en 1982, le Canada a rapatrié la Constitution malgré l'opposition concertée de toutes les tribus canadiennes. Le Canada décide maintenant qu'il est préférable pour nous de démanteler le ministère des Affaires indiennes, même si nous n'avons pas le sentiment d'être prêts à prendre en charge les programmes et les services dont il s'occupe. On nous dit dommage. L'administration de ces programmes et de ces services va être confiée à une tierce partie.

Il y a quelques mois, la Commission royale sur les peuples autochtones déposait son rapport. Surprise, toutes ses recommandations ont été ignorées. On nous a même dit que le projet de loi C-79 n'était nullement une réponse au rapport de la commission. Nous aimerions savoir pourquoi le gouvernement fédéral a institué une commission royale pour consulter les Indiens de tout le Canada quand il allait de toute manière ignorer les recommandations.

Pourquoi le ministre consacre-t-il tant de temps et d'argent à modifier une loi qui est un outil d'oppression? Selon nous, il faudrait passer à des choses plus importantes. Cela fait des années que nous faisons valoir qu'il faut mettre en place un véritable processus pour essayer d'apporter une solution à nos contentieux avec le Canada. Nous avons fait du lobbying pour qu'on adopte un processus bilatéral entre les tribus canadiennes étant donné que cela exigerait que nous travaillions en concertation pour arriver à faire le mieux possible pour le peuple indien. De plus, les décisions seraient prises après mûr examen et en toute connaissance de cause.

Lorsqu'il y a processus bilatéral, les problèmes fondamentaux peuvent être discutés et les contentieux flagrants recevoir une solution, mais il faut pour cela que toutes les parties en présence s'y engagent. Il est manifeste que le Canada n'est pas prêt à s'engager en ce sens. Au lieu de donner suite aux recommandations de la commission royale et de travailler de concert avec nous pour faciliter leur mise en oeuvre, le Canada a préféré une fois de plus choisir la solution de facilité. Il va adopter une loi qui en modifie une autre, une loi qui a été complètement discréditée et qui a été tournée en dérision par les experts, les tribunaux, les cours et la communauté internationale.

Ne poursuivez pas dans ce sens. Faites plutôt quelque chose qui représentera un changement positif et durable pour le peuple indien.

Nous encourageons et exhortons donc les membres du comité permanent à réfléchir à ceci: nous n'avons pas besoin de ce projet de loi. Le Canada ne devrait pas pouvoir ainsi esquiver les véritables problèmes qui nous touchent dans les réserves.

.2050

Les problèmes qui exigent d'être pris en compte dans ce processus sont notamment la reconnaissance et l'enchâssement de l'administration autochtone tribale, le règlement des revendications territoriales et la permanence des responsabilités fiduciaires de la Couronne à l'égard des tribus.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.

Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.

[Français]

M. Claude Bachand du Bloc québécois.

M. Claude Bachand: Monsieur Cattleman, je vous félicite d'avoir fait une présentation ce soir, compte tenu des circonstances. Je vous félicite pour votre petite-fille, votre 15e* petit-enfant.

Vous semblez véhiculer une position que l'Assemblée des Premières Nations a aussi véhiculée, à savoir que le gouvernement, plutôt que de mettre ses énergies et de dépenser de l'argent pour apporter des modifications, même si elles sont optionnelles, à l'ancienne Loi sur les Indiens, devrait s'efforcer de régler le véritable problème de fond. Il devrait s'efforcer d'en arriver à des ententes sur l'autonomie gouvernementale et sur les revendications territoriales qui donneront aux Premières Nations une base territoriale suffisamment grande pour qu'elles puissent devenir autonomes et briser finalement leurs liens de dépendance à la Loi sur les Indiens.

Nous dites-vous d'oublier la Loi sur les Indiens et de passer à des choses beaucoup plus sérieuses?

[Traduction]

M. Cattleman: Je ne tiens pas à faire de commentaires pour l'instant, je vais plutôt vous envoyer par télécopieur un complément d'argumentation sur le projet de loi C-79, loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens.

Le président: Je voudrais mentionner que si vous nous envoyez des documents par télécopieur, vous devez faire en sorte que nous les ayons en main d'ici demain soir étant donné que nous commençons à étudier le projet de loi article par article jeudi matin. Je vous demanderais donc de faire diligence.

M. Cattleman: Je vous enverrai cela par télécopieur à la première heure demain matin.

Le président: Merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres questions ou observations de la part des membres du comité?

Comme aucun député ne souhaite intervenir, je vous remercie beaucoup, monsieur Cattleman, pour cet excellent exposé, et nous attendrons donc de recevoir vos compléments d'information. Je vous félicite également pour la naissance de votre petite-fille et je vous prie de remettre mes salutations à votre fille également.

M. Cattleman: Merci.

Le président: Merci.

.2053

.2058

Le président: Nous reprenons nos audiences sur le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.

Nous accueillons maintenant Carl Rausch, le président du Comité pour l'église et la société du Synode Alberta et Territoires de l'Église évangélique luthérienne du Canada. Je vois que vous êtes accompagné d'une collègue. Pourriez-vous nous décliner son nom et son titre?

M. Carl Rausch (président, Église évangélique luthérienne du Canada, Comité église et société, Synode de l'Alberta et des Territoires): Bonsoir messieurs.

Le président: Bonsoir. Comment s'appelle votre collègue, monsieur Rausch?

La rév. Faith Grace (Intercity Pastoral Ministry, Edmonton): Je suis le pasteur Faith Grace et je représente le ministère pastoral inter-ville d'Edmonton.

Le président: Merci beaucoup.

Je m'appelle Ray Bonin et je suis le président du comité. J'ai à mes côtés, pour le Bloc québécois, M. Claude Bachand, et pour le Parti libéral, MM. Elijah Harper, John Finlay, Charles Hubbard et John Murphy.

.2100

Nous avons 40 minutes à passer ensemble et vous pouvez utiliser ce temps comme bon vous semble, mais nous vous saurions gré d'en réserver une partie pour permettre aux membres du comité de vous poser des questions après votre intervention.

Cela dit, vous pouvez commencer.

La rév. Grace: J'ajouterai simplement que j'appartiens au Comité église et société du Synode de l'Alberta et des Territoires et que Carl en est le président.

Le président: Je vous remercie.

M. Rausch: Pour la gouverne des personnes présentes dans la salle, l'Église luthérienne du Canada compte environ 200 000 membres et se divise en ce que nous appelons des synodes.

Dans notre région, notre synode, qui représente l'Alberta, les Territoires du Nord-ouest et le Yukon, comprend environ 150 congrégations et de 45 000 à 50 000 membres. Il s'agit d'une église relativement conventionnelle.

Ainsi donc, Faith et moi sommes élus au comité. Il s'agit d'un comité permanent et lorsque nous prenons la parole, nous ne nous contentons pas simplement de donner notre opinion, nous traduisons... J'en dirai un peu plus long dans quelques instants, et je vous parlerai également davantage de la position de notre église en tant qu'organisation.

Le président: Pourriez-vous nous dire si vous avez des églises ou des missions dans les réserves?

M. Rausch: L'Église luthérienne n'a pas de congrégation sur le territoire des réserves. Nous avons dans certaines villes quelque chose qui ressemble à des ministères, mais ces entités ne sont pas vraiment aussi actives que les autres églises conventionnelles, l'Église catholique, l'Église anglicane, l'Église unie et l'Église presbytérienne. Nous n'avons pas la même présence dans ces territoires.

Le président: Une dernière question: pourriez-vous faire le lien entre votre groupe et les effets du projet de loi C-79.

M. Rausch: Il y a entre autres que l'Église évangélique luthérienne du Canada est membre de plusieurs coalitions, et cela depuis plusieurs années. Une de ces coalitions est la Coalition pour les droits des Autochtones. En l'occurrence, il s'agit de 11 églises nationales réunies en partenariat et dont les luthériens font partie. Tout ce qui concerne les traités, les questions autochtones et les Indiens non conventionnés, intéresse la Coalition pour les droits des Autochtones, et nous prenons une part active aux travaux de la coalition.

Le président: Je pensais que ce serait ma dernière question, mais il y en a encore une qui me vient à l'esprit. Cette coalition a-t-elle été créée à la demande des Autochtones ou s'agit-il plutôt d'une intervention spontanée de votre part en tant que collectivité oecuménique?

M. Rausch: La Coalition pour les droits des Autochtones s'appelait à l'origine le Projet Nordique, et cela remonte à l'époque de l'oléoduc de la vallée du Mackenzie et des audiences qui avaient été tenues à ce sujet sous la présidence de M. le juge Berger. Plusieurs églises conventionnelles s'étaient réunies à la demande des gens du Nord. Puis, à mesure que les choses se sont tassées au nord du 60e parallèle - ou du moins lorsqu'on a commencé à y voir plus clair - pour le reste du Canada, le Projet Nordique a été transformé en cette Coalition pour les droits des Autochtones.

Il s'agit d'une entreprise conjointe composée de trois parties. C'est un peu comme une pyramide. On y trouve les 11 églises nationales, les premières nations et les groupes autochtones, mais également des gens qui conduisent des activités communautaires ou régionales. Voilà donc les trois parties qui sont associées dans le cadre de cette coalition.

Le président: Je vous remercie, voilà qui nous aide à mieux comprendre la situation et aussi à mieux vous connaître.

Je ne vous interromprai plus et je vous invite à reprendre votre exposé.

M. Rausch: Parfait, je vous remercie. Je vais donc reprendre là où j'en étais arrivé dans l'introduction. Un autre élément s'est produit.

Outre notre participation à la Coalition pour les droits des Autochtones, l'Église luthérienne travaille également en partenariat avec d'autres églises. Déjà au début des années 80, et plus particulièrement en 1986, certains évêques nationaux ont signé un pacte qui sanctionnait une démarche commune à l'endroit des problèmes intéressant les premières nations.

Ce pacte cherchait à établir un partenariat qui nous aurait permis de fonctionner de façon plus saine et selon une nouvelle formule, en particulier notre synode, dans cette région du Canada, l'Alberta et les territoires, où Faith et moi représentons le synode.

.2105

Pendant plusieurs années, le synode s'est réuni en congrès tous les deux ans. C'est du moins ce dont je peux me souvenir, et nous n'essayons pas vraiment d'être d'une précision absolue ici, ce n'est du moins pas notre intention. À une ou deux reprises, les délégués élus au congrès national ont adopté des motions qui réaffirmaient le soutien donné par le synode aux droits inhérents à l'autodétermination ou à l'autonomie gouvernementale pour les Autochtones et les Indiens conventionnés.

Notre église a adopté une façon de procéder, mais nous tenons à travailler dans la mesure du possible en partenariat avec les Autochtones et les premières nations. Nous connaissons les difficultés que vivent certaines des premières nations, et celles-ci ne participent pas à ces audiences.

Nous avons discuté du problème au niveau interne, et en particulier avec l'évêque du synode. Mais depuis quelques jours, depuis que nous savons qu'il y aura cette vidéoconférence, nous nous sommes également entretenus avec certains des dirigeants des premières nations.

Voici essentiellement ce que ceux-ci nous ont dit. Nous avons notre façon de procéder. Vous êtes qui vous êtes, nous vous respectons en tant que partenaires blancs ou européens, et vous dites ce que vous avez à dire.

Ce que nous voulons faire valoir ici en partie, c'est que nous sommes très conscients de la situation de bon nombre de premières nations. Nous aimerions informer le comité et l'appareil législatif du fait qu'il existe une organisation religieuse composée de gens qui appartiennent plus ou moins à la classe moyenne qui est au courant de la situation et qui s'en inquiète, et j'entends ici en particulier le projet de loi C-79. Je devrais probablement vous résumer en deux ou trois éléments fondamentaux le genre de préoccupations dont il s'agit, après quoi Faith vous dira également quelques mots.

L'un de nos sujets de préoccupation est précisément le projet de loi C-79, mais ce n'est pas la première fois: je veux parler de la rapidité avec laquelle ce processus se déroule. Le fait par exemple que le créneau réservé aux audiences est très limité et que les audiences sont quasiment inaccessibles étant donné que les choses se passent tellement rapidement, tout cela fait qu'il est très difficile, même pour les dirigeants des premières nations qui sont bien introduits et qui sont bien informés et que la situation préoccupe, de savoir qu'ils ont la possibilité de se faire entendre s'ils le souhaitent. C'est donc la rapidité du processus qui cause des problèmes.

Nous ne pensons pas que ce soit aussi simple que le fait qu'il risque d'y avoir bientôt des élections. Il peut y avoir bien d'autres choses, mais cela ce sont des conjectures qui friseraient même le cynisme. Quoi qu'il en soit, c'est la rapidité avec laquelle les choses se passent qui nous inquiète.

L'un de nos autres sujets de préoccupation tient au fait que le processus lui-même n'est pas vraiment transparent. Cela fait des dizaines d'années qu'on parle de modifier la Loi sur les Indiens. Il y a eu l'an dernier en septembre une conférence spéciale à Winnipeg à ce sujet et de très nombreux dirigeants des premières nations s'y étaient inquiétés et avaient demandé qu'on ralentisse un peu le processus.

Mais bien au contraire, celui-ci s'est poursuivi. Juste avant Noël et avant les vacances de fin d'année, alors que beaucoup de gens n'étaient pas vraiment là pour suivre ce qui se passait, les modifications, les modifications facultatives à la Loi sur les Indiens, ont été déposées sous couvert du projet de loi C-79. Elles sont en quelque sorte tombées du ciel pendant les vacances de Noël, de sorte qu'ici aussi, la question de la transparence pose un problème.

Le troisième sujet de préoccupation que nous avons concerne l'Alberta et les territoires, c'est-à-dire la région couverte par notre synode. Nous ne sommes pas certains - et nous n'avons pas eu le temps de tirer les choses au clair avec les gens que nous connaissons dans le Nord - de l'effet qu'aura ce projet de loi s'il venait à être adopté par la Chambre des communes et par le Sénat, s'il devenait loi.

Nous en ignorons les effets sur le Nunavut et sur les territoires du Nord. Il ne s'agirait certainement pas d'un blanc-seing qui leur permettrait de procéder à mesure qu'ils s'emploient à définir leurs identités futures dans le cadre de deux territoires distincts. Nous estimons que si ce projet de loi venait à être adopté, il n'y aurait aucune souplesse.

.2110

Le président: Les modifications toucheraient les Indiens du Nord mais non pas les Nunavut.

M. Rausch: Vous voulez donc dire que cela ne toucherait pas les Innu?

Le président: Les Innu sont des Indiens et cela les toucherait s'ils faisaient ce choix.

Une autre précision que j'aimerais vous donner est qu'il n'est nullement question ici de modifier la Loi sur les Indiens; ce n'est pas cela que nous faisons. Il s'agit de modifications au niveau de l'application de la Loi sur les Indiens, mais il ne s'agit nullement de modifier la Loi sur les Indiens.

M. Rausch: Mais lorsque nous avons lu le projet de loi C-79... Dans quelques instants, je vais aborder certains articles en particulier qui pourraient être discutés dans le cas de l'application.

Mais en fait, ce qui nous occupe ici, c'est ce que seront les effets selon nous et quel a été le processus suivi jusqu'à présent. Qu'il s'agisse de l'effet de l'application plutôt que d'une modification, il n'en demeure qu'il y a des conséquences. Je vais donc plutôt utiliser le mot «conséquences» en parlant de ces changements. Je vous remercie pour cette précision.

Le dernier sujet de préoccupation après la question et le manque de clarté pour ce qui a trait aux Nunavut concerne le fait que pendant très longtemps, beaucoup de membres des Premières nations ont souvent demandé que, lorsqu'on pensait à changer la façon dont ils s'administrent ou la façon dont ils organisent leur vie, on le fasse plutôt dans un esprit de dialogue et en concertation.

Je suis persuadé que de nombreux milieux vous ont déjà fait valoir leurs préoccupations à l'effet que le processus n'avait pas été fait en concertation. Certes, certaines premières nations ont fait valoir telle ou telle chose, ce qui se retrouve dans certaines parties du projet de loi C-79. Il n'empêche qu'il ne s'est pas agit d'un processus réfléchi qui aurait permis aux premières nations de participer à leur propre cadence à l'édification progressive des changements apportés à leur mode d'administration, à leur mode de conduite.

Toute l'idée de travailler ensemble et de permettre à l'autre... Ainsi, dans un partenariat, dans le cas d'une étude d'avocats, d'un mariage ou que sais-je encore, il faut que les gens travaillent ensemble, il faut qu'ils dialoguent entre partenaires égaux. D'après ce que nous avons pu constater et analyser, cela n'est pas le cas ici.

Une des conséquences de tout cela est que le message qui s'en dégage est très clair - c'est implicite, mais le message est néanmoins très clair - pour les premières nations: peut-être ne savent-elles pas quelle voie suivre, et par conséquent, nous allons les aider en défrichant et en balisant le terrain. C'est cela qui semble se produire dans le cadre du projet de loi C-79. Ce n'est pas un travail effectué en collaboration, et cela ne rend pas non plus justice au fait que les premières nations sont parfaitement capables de tracer leur propre route.

Faith a pour sa part une vision des choses sous un angle différent, de sorte que je vais demander à la révérende Faith Grace de poursuivre.

La rév. Grace: Je vous remercie. Je suis un ministre du culte et je travaille au sein d'une congrégation urbaine composée principalement d'Autochtones: membres des premières nations autochtones et aussi métis.

Je voudrais vous dire quelques mots à propos de notre attitude en tant qu'église, en tant que gens d'église, à l'endroit de tout ce processus qui nous fait intervenir auprès des Autochtones qui sont parmi nous. Pour ma part, je vois les Autochtones du Canada non pas comme un problème, mais comme une précieuse source naturelle de sagesse et d'apaisement, de sorte que nous puissions chérir leur présence en notre sein, et commencer, en tant que nation, à demander leur aide et à profiter de leur savoir et de leur expérience.

Je m'y prendrai donc en vous relatant des histoires individuelles, des histoires de gens que je connais et que je fréquente tous les jours. L'été dernier, j'ai passé un mois au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai rendu visite à une dame âgée dans un village situé sur la rivière Peel, au nord du cercle arctique. Cette dame a 94 ans, elle est presque aveugle, mais elle a toujours l'esprit vif. Ses ancêtres ont vécu pendant plusieurs générations le long de cette rivière. Certains d'entre eux ont été guides pour la Police montée du Nord-Ouest au tout début du siècle.

C'est un village célèbre parce que c'est là qu'a été enterrée la patrouille perdue. Les gens disent d'ailleurs encore que si cette patrouille avait eu un guide autochtone, elle ne se serait jamais perdue. Et même si elle s'était perdue, ses membres ne seraient pas morts, parce que les Autochtones savent fort bien comment survivre en pleine nature.

.2115

Aujourd'hui, cette connaissance du milieu est devenue une industrie dans des localités comme Fort McPherson. Les deux principales entreprises de l'endroit sont une pourvoirie qui offre des guides aux groupes qui descendent les rivières Peel et Arctic Red et un atelier qui confectionne des tentes, des tipis et des sacs à dos. Fort McPherson est resté un haut lieu du savoir et de l'expérience autochtones.

Un soir la semaine dernière, j'ai passé plusieurs heures en compagnie d'une jeune Autochtone dans un centre de ressources situé au coeur d'Edmonton. C'est une femme qui vit dans la pauvreté. Elle a été battue et abandonnée, elle se droguait et prostituait, elle a connu la violence et la prison. Mais à l'heure actuelle, elle vit dans la dignité et la détermination. Ses priorités, sa voie, si vous préférez, pour reprendre ses propres termes, consistent à bien élever ses enfants et à respecter sa spiritualité autochtone. Nous avons parlé des élections provinciales et je me demandais si elle avait l'intention d'aller voter. Elle m'a dit non. Je lui ai demandé pourquoi et elle m'a dit: «Cela ne fait pas partie de ma voie. Ce qui se passe lors des élections ne change rien à la voie que je suis.»

Je crois qu'elle a raison. Le gouvernement provincial n'a aucune importance pour elle et pour les milliers d'autres Autochtones. Vaudrait-il la peine de demander à ces gens le genre de leadership qui serait susceptible d'infléchir la voie qu'ils suivent?

Il y a deux ou trois mois, j'ai rencontré une autre Autochtone, qui m'a dit qu'elle allait commencer des cours d'informatique. Elle a un diplôme universitaire en psychologie, mais elle n'arrive pas à trouver du travail dans son domaine. Elle a cinq enfants, tous adolescents, et elle en a assez d'avoir à se battre pour pourvoir à leurs besoins. Elle a peur que les privations poussent ses enfants sur la voie du crime. Mon mari est chasseur et je lui ai offert de la viande d'orignal pour l'aider à nourrir ses enfants. Mais elle n'est jamais venue la chercher. Je crois que c'était une question de fierté. Combien de temps cette fierté peut-elle durer lorsqu'une femme intelligente, instruite et courageuse ne parvient pas à trouver du travail? Pourtant, je l'admire pour cela. Elle sait prendre son mal en patience. Mais lorsque ce mal semble infligé par un système sans âme, le désespoir risque de s'installer.

Pourquoi notre système ne récompense-t-il pas les études, le courage et l'endurance?

Il y a certaines choses qui sont logiques. Mon amie, celle qui ne veut pas voter, a parlé de son expérience au pénitencier de Prince Albert, en Saskatchewan. C'est un endroit où règne la brutalité et elle-même n'était pas une détenue modèle, mais deux soeurs lui rendaient visite chaque semaine. Elle s'était mal comportée, et pourtant ces deux soeurs continuaient à lui rendre visite chaque semaine. Mais elle a refait sa vie. Elle m'a dit ce soir-là: «Je voudrais leur téléphoner la prochaine fois que je serai à Prince Albert, pour qu'elles sachent que je m'en tire mieux.» Elle est reconnaissante et la gratitude est une vertu rare à notre époque.

Il y a également l'histoire de cette Autochtone qui s'appelle Brenda et qui était une criminelle endurcie. Un coup de chance, le seul dans toute sa vie, elle s'est retrouvée dans la nouvelle prison pour femmes à Maple Creek, en Saskatchewan, une prison conçue sur le modèle de la communauté et de la guérison. Cette femme représentait l'un des pires exemples de ce que peut devenir une Autochtone dans notre système. Maintenant, elle refait sa vie et celle de sa fille. La mère de Brenda est morte à l'âge de 44 ans. Dans le système carcéral. Brenda m'a dit que sans son expérience de guérison à la prison de Maple Creek, elle aurait suivi sa mère dans la tombe. «Je ne veux pas mourir comme j'aurais pu mourir», m'a-t-elle dit, «Je veux mourir dignement». Mourir dignement et vivre dignement, du moins nous pouvons l'espérer. Est-ce trop demander pour une Autochtone?

En novembre, un homme sans domicile fixe qui vivait à Edmonton a été gravement blessé, pendant qu'il gisait évanoui sur le trottoir. Quelqu'un avait répandu de la colle sur sa tête et sur son cou, puis y avait mis le feu. Il a passé plusieurs semaines au service des grands brûlés de l'hôpital universitaire, pour y recevoir des greffes de peau. Je lui ai rendu visite. Il était propre et bien nourri, il avait un lit pour dormir bien au chaud. Lorsque ses amis sans abri venaient lui rendre visite à l'hôpital, il partageait ses repas avec eux. Il n'a jamais oublié que j'étais venue lui rendre visite et souvent il m'en parle.

Un autre homme, qui a passé l'hiver en prison, m'a écrit des lettres et m'a envoyé des dessins.

Le système n'est pas parvenu à dépraver ces gens. Ils sont demeurés doux malgré les mauvais traitements et les privations. Que savent-ils que nous ignorons? Que pourraient-ils nous dire si nous avions la décence de le leur demander?

Dimanche dernier, une jeune Autochtone est venue me trouver pour me parler de la mort de sa cousine qui s'était pendue. Elle m'a demandé de prier pour l'esprit de la défunte. Dites une prière tout de suite, m'a-t-elle dit. J'ai regardé autour de moi, et j'ai vu qu'il y avait deux ou trois autres personnes qui n'étaient pas loin. Deux des hommes m'ont dit qu'ils étaient les frères de cette femme et un troisième était son ami. Tous portaient le deuil de la défunte. Spontanément, nous nous sommes tenus les mains et nous avons prié. Ils en étaient reconnaissants, et moi, j'étais émue, émue par la conscience de la richesse spirituelle qui existe chez mes frères et mes soeurs Autochtones. Ils étaient sales, ils avaient faim, ils portaient le deuil, et pourtant ils s'étaient réunis pour se réconforter l'un l'autre et me réconforter moi.

.2120

Je prie pour que nos dirigeants au Canada aient la décence de leur reconnaître leur force. Pour moi, cette attitude exige de notre gouvernement une initiative radicale, hardie même, à l'endroit des Autochtones. J'aimerais que nous donnions l'exemple au monde en traitant généreusement nos Autochtones.

Je vous remercie.

M. Rausch: Il y a deux ou trois choses plus précises dont je voudrais vous entretenir, mais nous voulions surtout vous faire part de l'attitude qui sous-tend ce qui est, selon nous, important pour chérir nos peuples autochtones, travailler avec eux, sans tenir compte de nos échéances, de notre volonté et de nos priorités, surtout dès lors que les Autochtones nous ont demandé, pas unanimement, ce serait impossible, mais avec une relative insistance, que ce projet de loi-ci ne soit pas alors que pourtant il a fini par être.

Dans ce cas, pourquoi ne disparaît-il pas tout simplement? Nous préconisons le retrait du projet de loi C-79. C'est une solution très simple, qui ne sera sans doute pas retenue, mais qui, à notre avis, serait la meilleure. Si elle n'est pas adoptée, nous invitons le Sénat à prendre le temps voulu pour réfléchir avec un esprit ouvert aux richesses qui existent dans les collectivités des premières nations, non seulement dans les réserves, mais parmi tous les membres des premières nations dont Faith parlait en relatant ces anecdotes.

Je tiens à souligner que notre démarche est très simple. Nous ne sommes qu'une église parmi 150 congrégations... Comme je l'ai dit tout à l'heure, tous les deux ans des délégués élus se réunissent pour examiner et adopter des résolutions concernant ces problèmes. Notre démarche s'articule autour du droit inhérent à l'autodétermination ou à l'autonomie gouvernementale, qui englobe tous les membres des premières nations. Ce droit n'est pas assujetti à la géographie ou au lieu de résidence, même si les gouvernements fédéral et provinciaux préfèrent voir les choses sous ces angles, qui sont d'ailleurs implicites dans bon nombre des articles du projet de loi C-79.

Nous estimons que le projet d'article 16.1, sous la rubrique «Capacité», ne reflète pas le droit à l'autodétermination et le droit à l'autonomie gouvernementale. En effet, il stipule essentiellement qu'une bande - ce qui est un terme démodé - , a, sous réserve de la Loi sur les Indiens, la capacité d'une personne physique. Un peu comme s'il s'agissait d'une société, même s'il s'agit d'une société à but non lucratif.

Si les premières nations possèdent un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, il est illogique de les transformer en simples sociétés ou en sociétés sans but lucratif ou encore de les mettre sur le même pied que la ville d'Edmonton ou de Toronto.

Le troisième ordre de gouvernement... Les peuples des premières nations autochtones constituent un ordre de gouvernement. Ils ne représentent ni une société ni l'équivalent d'un gouvernement municipal. Ils représentent un ordre de gouvernement. Nous sommes convaincus que le projet d'article 16.1 est préjudiciable et dangereux, sans compter qu'il est incompatible avec la reconnaissance du droit inhérent à l'autodétermination ou à l'autonomie gouvernementale.

Même dans un article antérieur du projet de loi C-79, on mentionne la reconnaissance et la confirmation des droits ancestraux ou issus de traités reconnus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Si l'on affirme et reconnaît les droits ancestraux issus de traités inscrits dans la Constitution, il est illogique d'assimiler ses gens à une société.

.2125

La seule autre petite chose que nous avons remarqué... et encore là, nous ne prétendons pas être des experts pour ce qui est des nombreux détails de la mesure, mais notre approche reflète celle de dizaines de milliers d'Albertains typiques. L'article 42 de la mesure, où il est dit que le ministre peut conclure des accords pour l'instruction des enfants indiens, n'est pas sans nous préoccuper.

Un peu plus bas, après avoir précisé que le ministre peut conclure des accords avec le conseil de bande, avec le gouvernement d'une province, avec le commissaire du territoire du Yukon ou des Territoires du Nord-Ouest - je ne sais pas ce qu'il en est du Nunavut - , on ajoute que le ministre peut aussi en conclure avec une commission d'écoles publiques ou séparées ou toute autre administration scolaire locale. Il s'agit d'instances qui sont des créations du gouvernement provincial et on en parle comme si elles avaient le même rang que les autres gouvernements mentionnés au préalable. Chose assez surprenante, le ministre peut aussi conclure des accords avec une institution religieuse ou de charité.

Même si l'Église luthérienne n'a rien eu à voir avec certains événements terribles qui se sont produits dans les internats, nous ne savons pas trop comment interpréter cette disposition. Il n'est absolument pas question ici d'un double processus bilatéral. On se borne à dire que le ministre peut conclure des accords. On ne dit pas et on ne sous-entend pas non plus que le ministre est habilité à le faire uniquement sur les conseils ou les souhaits d'une première nation en particulier. Nous avons donc des réserves au sujet de cet article également.

Nous avons certaines idées pour l'avenir, mais il se fait tard. Il est très tard pour vous en particulier - deux heures plus tard, soit 21 h 30. Par conséquent, nous vous remercions de nous avoir consacré votre temps et nous sommes tout à fait disposés à discuter de cela avec vous.

Le président: Merci de votre exposé. Je voudrais atténuer vos craintes concernant la prise d'accords avec les territoires, les gouvernements des provinces, ou les commissions d'écoles publiques ou séparées. Cela figure déjà dans la loi. Ce n'est pas un ajout; c'est déjà là. Je comprends que vous souhaitiez que cette disposition n'y soit pas, mais ce n'est pas un ajout.

M. Rausch: Dans ce cas-là, je me demande pourquoi l'article 42 figure là. Cela dit, nos inquiétudes découlaient plutôt du fait qu'il n'est pas nécessaire de respecter un processus bilatéral, puisqu'on dit que le ministre peut conclure des accords avec les parties nommées aux alinéas d) et a), soit les commissions d'écoles publiques ou séparées ou les institutions religieuses ou de charité. Le fait que le ministre soit habilité à conclure un accord avec ses instances, sans que soit intervenu au préalable un accord bilatéral ou tripartite, implique qu'une première nation est ni plus ni moins assimilable à un conseil scolaire ou à une instance locale, ou encore à toute autre société sans but lucratif. Voilà ce qui nous inquiète à ce sujet. D'ailleurs, cela s'inscrit dans la même logique que le projet d'article 16.1.

Le président: Merci.

Il nous reste 15 minutes. Nous allons donc offrir aux députés la possibilité de poser des questions ou de faire des commentaires. Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Monsieur le président, je tiens à remercier la révérende Faith et M. Carl Rausch de leurs exposés.

Il me semble que nous en sommes arrivés à un point où je me dois de dire quelque chose. Monsieur Rausch, vous vous êtes plaint de la rapidité du processus, qui complique les choses, et vous avez parlé d'un manque de transparence. Je comprends votre problème. Si vous adoptez la perspective des personnes qui vous ont conseillé à ce sujet, vous allez obtenir la mauvaise réponse. Lorsque j'étais enfant, nous jouions à un jeu appelé Vérité ou Conséquences. Comme vous avez évoqué les conséquences, je voudrais vous parler un petit peu de vérité. En fait, je veux remettre la pendule à l'heure au sujet du projet de loi.

Je m'efforcerai d'être bref, car d'autres députés voudront sans doute prendre la parole.

Le 14 novembre 1994, le ministre Irwin a écrit à Ovide Mercredi, grand chef de l'APN, au sujet de la réforme de la Loi sur les Indiens, et il n'a pas obtenu de réponse. Le 28 février 1995, le ministre a écrit à M. Mercredi pour lui demander de nouveau l'opinion de l'APN. Il n'a pas eu de réponse non plus.

Le ministre a alors soulevé cette idée publiquement au sommet des chefs de l'Alberta en mars 1995, il y a deux ans. Le 4 avril 1995, il a écrit à tous les chefs, conseillers et organismes des premières nations du pays, pour leur demander de lui communiquer des propositions précises quant aux modifications qu'il convenait d'apporter à la Loi sur les Indiens. Les modifications en question ne devaient aucunement altérer les droits ancestraux ou issus de traités des Indiens ni transformer le rapport fiduciaire fondamental du gouvernement à l'égard des premières nations. En outre, elles ne devaient pas porter sur des questions litigieuses, comme la fiscalité, le statut d'Indien et l'appartenance à l'effectif de bande ou encore l'incidence sur le devoir de la Couronne d'assurer la protection des terres de la réserve.

.2130

Le 8 mai 1995, le ministre a rencontré M. Mercredi dans le but de constituer un groupe de travail composé de représentants de l'APN et de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord pour examiner les projets de modification. Je vous signale, monsieur Rausch, que ces modifications ont été proposées depuis 30 ans, par de nombreux comités permanents, par M. Penner dans son rapport et par des chefs de bande qui avaient du mal à diriger leur peuple aux termes de la Loi sur les Indiens. En effet, nous savons tous que cette loi est paternaliste et qu'à de nombreux égards, elle n'accorde aucune liberté d'action aux peuples autochtones.

Cela va jusqu'à l'interdiction de vendre une vache sur une réserve des Prairies sans l'approbation du ministre. Le ministre ne signe plus ce genre d'autorisation et il n'a pas l'intention d'en signer. Il estime qu'il est dégradant et humiliant pour les Autochtones que ce soit lui qui décide s'ils peuvent ou non vendre leurs vaches.

Tous les bureaux régionaux ont communiqué avec chacune des premières nations pour s'assurer qu'elles avaient reçu copie de la lettre du ministre du 4 avril. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord a fait installer un numéro sans frais à son siège social, numéro qui a été annoncé dans les médias autochtones.

Les effectifs de l'administration centrale du ministère ont répondu à la plupart des demandes de renseignements au téléphone et, dans certains cas, ont envoyé des lettres. Au 1er juillet, ils avaient reçu 61 réponses émanant de 214 premières nations. Plus des trois quarts des répondants appuyaient des réformes en profondeur de la loi. Moins de 10 p. 100 y étaient opposés. Les autres demandaient davantage de temps pour réfléchir.

Le 1er septembre 1995, le ministre a écrit à M. Mercredi pour lui réitérer son offre de collaborer avec l'APN au sujet du projet de modification de la loi. Encore là, il n'a obtenu aucune réponse.

Le même mois, le ministre a envoyé à tous les chefs et conseillers des organisations des premières nations une liste des propositions de changements formulées par les premières nations, accompagnés d'autres propositions évoquées au fil des ans et communiquées à maintes reprises aux fonctionnaires du ministère dans le cadre de leurs transactions quotidiennes. Les fonctionnaires régionaux ont aussi mené des consultations directes auprès des premières nations.

D'autres suggestions et observations ont été reçues et une analyse plus poussée a été effectuée. Le 7 mars, le sous-ministre a rencontré M. Mercredi pour discuter de la participation de l'APN au projet de modification. On a convenu d'un processus concerté qui a été établi il y a un an.

Le 22 avril, le sous-ministre a écrit à M. Mercredi pour lui demander de le rencontrer afin d'élaborer un plan mutuellement acceptable pour le processus coopératif. L'APN lui a fait savoir qu'elle avait embauché un avocat pour examiner l'ensemble des modifications proposées.

À la réunion du 26 avril, entre le ministre, le sous-ministre et M. Mercredi, l'APN a décidé que le processus concerté devant être institué prendrait la forme d'un comité de chefs. Aucun comité n'avait encore été créé au moment de l'assemblée générale annuelle de l'APN, en juillet.

Le 4 juin 1996, le ministre a envoyé une liste révisée des modifications proposées aux premières nations et à leurs organisations, accompagnée d'une troisième lettre.

Un haut fonctionnaire du gouvernement a été invité à présenter un exposé sur les modifications proposées à la Loi sur les Indiens à l'assemblée générale annuelle de l'APN. Même si la personne en question était tout à fait disposée à s'exécuter, cet exposé n'a pas été présenté. Cependant, le ministre s'est rendu à l'assemblée et a pris la parole sur une multitude de questions, dont les changements proposés.

Le 10 juillet 1996, l'APN a adopté une résolution rejetant les modifications proposées, ainsi que le processus employé pour les consultations avec les premières nations.

Le 17 septembre 1996, le ministre a écrit de nouveau à tous les chefs des organisations autochtones pour leur communiquer une version des changements proposés en langage clair. En conformité de l'engagement qui avait été pris d'éviter toute répercussion sensible sur le rapport fiduciaire entre la Couronne et les premières nations, les propositions portaient sur la rationalisation des procédures, l'accroissement de la mainmise locale, la révocation des articles inutilisés et la stimulation du développement économique des réserves. Toutes les suggestions de réformes jugées offensantes par les Autochtones ont été supprimées.

Le 20 septembre, le ministre a écrit à M. Mercredi pour accepter son invitation de le rencontrer et de discuter des modifications proposées en vue de dégager un consensus à l'assemblée spéciale des chefs de l'APN, à Winnipeg. Le ministre y a fait un exposé exhaustif.

La décision de rendre la mesure facultative a été prise à la fin de l'automne de 1996, certaines premières nations ayant demandé au gouvernement de ne pas imposer de changements universels obligatoires à la Loi sur les Indiens. L'approche facultative permet à chaque première nation de faire ses propres choix.

Le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes le 12 décembre, après quoi, des exemplaires ont été envoyés à toutes les premières nations le 17 décembre.

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L'APN a reçu des copies de toute la correspondance que le gouvernement avait reçue des premières nations dans le cadre du processus. Toutefois, tous les renseignements qui auraient pu servir à identifier une nation en particulier ont été supprimés conformément à la promesse du ministre d'en assurer la confidentialité.

Depuis 1987, le gouvernement a consacré 15 millions de dollars environ à l'analyse de la loi actuelle et des changements proposés. Lorsque vous dites qu'il y a un manque de transparence, je ne suis pas d'accord avec vous. Et lorsque vous dites que le processus a été mené à un rythme trop rapide, encore là je ne suis pas d'accord avec vous. Je tenais à ce que vous le sachiez.

M. Rausch: Il n'y avait rien de tellement nouveau dans les passages des notes d'information qu'on a lues. J'essayais de faire un survol de la situation. Je ne conteste pas ce qui figure dans ce document.

Cependant, je tiens à souligner un point très important - et j'ose espérer que certains d'entre vous le savent déjà - , soit que l'APN n'englobe pas toutes les premières nations. La participation de certaines premières nations, en particulier celles des Prairies et surtout de l'Alberta, a créé des remous au sein de l'APN. Je suppose que vous êtes au courant de cela. L'APN n'englobe pas nécessairement certaines des premières nations du Traité 7 en particulier, et même des Traités 6 et 8. Voilà ce que je tenais à dire: l'Assemblée des Premières Nations et les premières nations ne sont pas nécessairement des termes synonymes et interchangeables.

Je pense que ce qui est plus important, c'est l'expérience des églises auprès des peuples des premières nations depuis l'époque des tout premiers missionnaires. Souvenez-vous que nous abordons tout cela dans une perspective luthérienne.

Si l'on considère ce qui s'est produit au sein des églises, ce que nous avons fait en tant qu'églises, même si les luthériens dans les faits ne sont pas en cause, je suis convaincu que si l'occasion s'était présentée de créer des internats en collaboration avec le gouvernement de l'époque, nous l'aurions fait en croyant que c'était la meilleure solution. Aujourd'hui, certaines églises doivent faire face non seulement à la possibilité de poursuites, mais à de poursuites proprement dites à la suite d'événements survenus dans ces internats qui avaient été créés avec les meilleures intentions du monde.

Ce que j'essaie de faire comprendre, c'est que les églises, lentement et à tâtons, essaient de mieux écouter et de s'ouvrir à la voie que choisiront d'emprunter les peuples des premières nations. L'Assemblée sacrée, dont Elijah Harper était très près, représente en un sens l'une des premières occasions depuis l'arrivée des missionnaires, où les églises ont délibérément attendu que les leaders autochtones fassent le premier pas sur la voie qui les intéresse.

Tout comme les églises ont le devoir d'écouter et de laisser le temps faire son oeuvre, nous pensons que les gouvernements doivent faire la même chose et ne pas se laisser distraire par l'aspect politique des choses. Je prends bonne notre de ce que vous avez dit, mais je ne suis pas certain du bien-fondé de certains changements qui ont des conséquences pour la Loi sur les Indiens. Ils ont été proposés à peu près au même moment où la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones mettait fin à ses travaux, et je ne suis pas du tout certain qu'il soit opportun d'adopter tous ces changements. Je vais m'en tenir là, mais j'ai pris bonne note de vos propos.

Le président: Merci.

Je vais maintenant donner la parole à M. Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Rausch, je vous félicite pour votre présentation. De mon côté, j'aimerais vous rassurer. C'est sûr que M. Finlay pourrait se quereller sur la question de la consultation. On a des lettres qui contredisent un peu les chiffres de M. Finlay, même si je constate que ce qu'il vient de vous citer est exact.

Le ministre a procédé comme cela. Mais maintenant, nous avons aussi des statistiques et nous pouvons vous dire que 85 p. 100 des Premières Nations s'opposent au projet de loi, soit 550 communautés sur 610. J'étais présent à 15 des 16 présentations et, dans les 15 que j'ai entendues, les gens s'opposaient au projet de loi pour plusieurs raisons, entre autres la consultation. Les gens disaient qu'ils n'avaient pas été consultés.

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Quand on parle aux autochtones via une vidéoconférence, cela en rend plusieurs mal à l'aise. S'asseoir à une table pour se parler n'est pas pour eux la façon traditionnelle de faire les choses. Beaucoup de gens sont mal à l'aise en vidéoconférence et beaucoup d'entre eux nous ont confirmé que de simples lettres ne remplissaient pas les conditions d'une consultation suffisante pour apporter une modification à la Loi sur les Indiens.

Les autochtones nous ont dit au cours des derniers jours que la solution, pour eux, était la modernisation de leurs traités. Il leur faut des ententes d'autonomie gouvernementale avec les différents paliers gouvernementaux. Dans ces ententes, on devrait convenir avec eux d'une façon de procéder pour leur octroyer l'autonomie gouvernementale, pour qu'ils soient maîtres chez eux.

C'est cela qu'ils nous ont dit. Ils nous ont dit de ne pas modifier pas la Loi sur les Indiens car c'est une loi vétuste, même s'il y a une subtilité dans le projet de loi dont nous sommes saisis. Ils nous ont dit que les modifications apportées feront que ce sera une loi parallèle à la Loi sur les Indiens et que les dispositions de l'ancienne loi ne s'appliqueront plus dans la nouvelle.

La voie vers la solution n'est certainement pas celle-là. Si vous entendez des sons de cloche qui vous indiquent que le processus de consultation n'est pas bon, quant à moi, ce n'est pas faux.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard: J'ai quelques observations à faire à l'intention de M. Rausch et deMme Grace.

Nous employons une multitude de termes et le terme «paternalisme» est l'un d'eux. Il a une multitude de significations différentes, mais essentiellement, monsieur le président, toutes les lois adoptées dans notre pays sont paternalistes. En l'occurrence, la société affirme savoir mieux que l'individu à l'intention duquel la loi est faite ce qu'il convient de faire. Il faut donc être très prudent lorsqu'on emploie ce terme.

Nous avons aussi entendu parler de droits et de responsabilités. On nous a aussi dit qu'il fallait laisser le temps faire son oeuvre. Comme M. Finlay l'a mentionné, nous avons déjà consacré un certain temps à l'examen de cette mesure. Nous avons pris connaissance du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et nous avons essayé d'envisager un certain nombre de choses, mais essentiellement, à titre de législateurs, nous devons tenter de régler les problèmes dans un proche avenir.

Je pense que M. Harper a mentionné que nous ne considérons pas la Loi sur les Indiens comme la solution idéale, passée, présente ou même future, pour répondre aux besoins des peuples autochtones. Cela dit, il faut bien commencer quelque part. Nous devons penser en termes de droits.

Vous avez émis des doutes au sujet d'une partie de la mesure modifiée, qui est analogue à l'ancienne loi, et qui porte sur les droits des peuples. Évidemment, les droits sont assortis de responsabilités. Les deux doivent aller de pair. Nous sommes des législateurs qui écoutons attentivement les exposés qui nous sont présentés et nous nous rendons compte que les droits des Autochtones devraient être égaux, sinon supérieurs, à ceux des autres Canadiens qui peuplent ce grand pays qui est le nôtre. Dans votre église, vous avez certainement réfléchi à ce concept des droits et constaté que les droits conférés aux membres des communautés des premières nations, y compris à ceux qui vivent hors réserve, ne sont pas des plus grands.

Lorsque vous nous enverrez votre mémoire demain, par télécopieur ou autrement, j'espère que vous envisagerez l'aspect suivant, soit que l'on ne saute pas d'un endroit à un autre, mais plutôt que l'on s'y rend pas à pas. Par le biais de cette mesure, le ministre fait un pas vers une éventuelle solution. Si nous pouvons avancer de quelques pas, nous arriverons un jour à la solution préconisée par M. Erasmus et par l'ex-juge en chef dans leur rapport. Nous ne pouvons demeurer immobiles et constamment tournés vers le passé. Nous devons progresser vers l'avenir et, espérons-le, le façonner à notre guise.

Je ne vous demanderai pas de répondre à cette observation. Je vois que M. Harper souhaite intervenir, et je lui cède la parole.

Le président: Oui. Notre temps est écoulé, mais nous avons la bonne fortune d'avoir parmi nous Elijah Harper, leader autochtone et personne d'une sagesse et d'une expérience remarquables. M. Bachand est d'accord pour que nous accordions du temps supplémentaire à M. Harper pour qu'il puisse faire des observations finales sur le dernier exposé dans le cadre de la partie électronique de notre consultation.

Monsieur Harper, vous pouvez conclure.

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M. Elijah Harper: Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les membres du comité de me permettre de dire quelques mots.

Tout d'abord, je vous remercie de votre exposé, madame Grace et aussi, monsieur Rausch. Je sais que les églises appuient les peuples autochtones et qu'elles essaient d'être sensibles aux questions qui intéressent les Autochtones. Je connais le comité dont vous faites partie, et je connais aussi la Coalition pour les droits des Autochtones et le Projet Nordique. J'ai travaillé en collaboration avec les membres du Projet Nordique de 1975 à 1978. En fait, j'étais chef à l'époque. Cela remonte donc assez loin.

Je tenais à vous remercier de votre exposé. Vous avez mentionné l'Assemblée sacrée. Au sein de cette assemblée, nous essayons de concilier nos nombreuses différences. La perspective du gouvernement, celle d'une société dominante, heurte la nôtre. Il y a manifestement des conflits, non seulement sur le plan de la philosophie, des opinions et du mode de vie, mais aussi en ce qui a trait à notre façon d'interagir. Chose certaine, la procédure parlementaire est source de confusion pour beaucoup d'Autochtones et pour de nombreux autres Canadiens également. Face à ces heurts, je pense que nous devons commencer à collaborer.

Je vous félicite et vous remercie de votre appui. Je compte sur vous pour continuer à nous appuyer et à faire en sorte que nos dirigeants, non seulement les dirigeants autochtones, mais aussi les dirigeants fédéraux, provinciaux et municipaux de notre pays, soient plus sensibles aux grandes questions qui préoccupent les peuples autochtones du Canada.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé et je remercie aussi les membres du comité de leur grand travail. Nous avons siégé 13 heures aujourd'hui. Comme tout le monde peut le constater, notre comité est encore très actif. Je vous félicite, et je suis honoré d'être votre président. Même si l'on nous a reproché toutes les 40 minutes de ne pas faire de consultation, je pense que nous avons fait de l'excellent travail la semaine dernière et cette semaine, sans compter les 13 heures d'aujourd'hui.

Le comité plénier se réunira dans cette même salle jeudi à 9 heures pour procéder à l'étude article par article. Je pense que vous en avez déjà été avisés.

Quelqu'un veut-il avoir le mot de la fin?

[Français]

M. Claude Bachand: J'aimerais discuter de la pertinence de poursuivre ou pas. Dois-je le faire en comité restreint, au comité directeur, ou en séance plénière?

Le président: La pertinence de poursuivre quoi?

M. Claude Bachand: De ne pas aborder l'étude article par article jeudi. J'aimerais aborder cette question-là.

Le président: Il faudrait que vous demandiez une réunion spéciale.

M. Claude Bachand: Du sous-comité du programme et de la procédure?

Le président: Ce serait devant le comité au complet.

M. Claude Bachand: D'accord. Donc, si je veux faire cela, je vais vous en parler et vous convoquerez un petit peu plus tôt. C'est bien cela?

Le président: Il faudra que je le fasse demain.

La séance est levée.

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