[Enregistrement électronique]
Le jeudi 25 avril 1996
[Traduction]
Le vice-président (M. Valeri): Je déclare la séance ouverte.
Le comité reprend l'étude de son ordre de renvoi du jeudi 7 mars 1996 portant sur le budget des dépenses principal pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997. Y a-t-il consentement unanime que l'on étudie les crédits 95 et 100 sous la rubrique Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie?
Des voix: D'accord.
Le vice-président (M. Valeri): Je vous remercie.
Je voudrais maintenant présenter nos témoins du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, à savoir M. Thomas Brzustowski et M. Steve Shugar.
Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Vous m'aviez dit que vous aviez apporté un bref mémoire, et vous avez maintenant la parole.
[Français]
M. Thomas Brzustowski (président, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie): Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de rencontrer le comité. Je suis très heureux de constater l'intérêt du comité pour le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie qui, à mon avis, joue un rôle essentiel dans notre système national d'innovation.
[Traduction]
Comme vous le savez, l'investissement dans la recherche universitaire en sciences naturelles et en génie - c'est-à-dire le mandat même de notre conseil - engendre d'importantes retombées pour le Canada, retombées qui se manifestent dans trois champs d'action, sur lesquels portent essentiellement nos efforts.
La recherche fondamentale contribue à alimenter notre bassin de connaissances dans des domaines importants et permet aux Canadiens d'accéder aux découvertes réalisées aux quatre coins du globe. À notre époque cet accès n'équivaut pas à un accaparement; ce que cela signifie, c'est que l'on devient capable d'en comprendre la signification. C'est une activité très stratégique, qui peut produire d'immenses avantages à long terme, avantages qu'il est toutefois très difficile de prédire à court terme, mais dont les preuves autour de nous ne manquent toutefois pas.
En second lieu, les projets de recherche visent à utiliser les nouvelles connaissances à des fins productives, soit à résoudre des problèmes à court terme jugés importants.
En troisième lieu, la recherche universitaire produit du personnel hautement qualifié capable de tirer parti des percées internationales en sciences et en génie au profit du Canada. C'est là un élément clé pour l'introduction des sciences, pour l'accès aux connaissances diffuses dans le monde et à la formation de gens capables de mettre ces connaissances à profit. L'université représente une institution unique de notre société, parce qu'elle conjugue deux fonctions, la recherche et la formation de personnel hautement qualifié.
La recherche universitaire alimente un vaste réservoir d'expertises canadiennes dans l'ensemble des disciplines des sciences et du génie. Les étudiants sont formés dans le cadre de cette recherche, leur taux de chômage est beaucoup plus bas que celui du reste de la population. Ces diplômés apportent des idées et un savoir-faire nouveau aux entreprises canadiennes qui les embauchent et ils contribuent, de façon essentielle, à la prospérité de nos entreprises dans le contexte de la mondialisation des marchés, où l'utilisation des connaissances est un facteur clé du succès.
Deux genres d'innovations issues de la recherche et de la formation universitaire engendrent des retombées pour l'économie de notre pays.
L'innovation en matière de produits se traduit par l'apparition de nouveaux biens et services sur le marché, et j'insiste sur le fait que quand je parle d'«innovation», j'entends également la «commercialisation». À titre d'exemple, mentionnons la multitude d'entreprises canadiennes créées par suite des travaux de chercheurs et d'étudiants issus des laboratoires et cours universitaires. Ces entreprises créent des emplois, paient des impôts et engendrent d'autres retombées dans leur communauté, contribuant ainsi à la croissance de l'économie, à la prospérité et à la création d'emplois de haute qualité.
Le CRSNG a récemment publié une brochure qui présente un certain nombre d'entreprises dont la création peut-être directement liée au financement qu'il accorde aux universités. Je vois que plusieurs d'entre vous ont ce livret sous les yeux: c'est la première fois que nous essayons de résumer ainsi nos activités, mais ce n'est qu'un petit échantillon des nouvelles activités économiques engendrées par la recherche universitaire canadienne.
Moins visible, mais tout aussi importante, est la seconde forme d'innovations en matière de procédés et de processus, qui permet aux entreprises canadiennes existantes d'améliorer leur productivité dans leur secteur d'activité. Elle contribue à créer de nouveaux emplois ou, à l'opposé, à limiter les compressions nécessaires à la compétitivité, voire à la survie d'une entreprise pour laquelle une telle mesure constitue parfois toute la différence entre la capacité de survivre ou l'abandon des activités à cause de la conjoncture.
La recherche universitaire est essentielle au maintien de la prospérité du pays et du mieux-être des Canadiens, comme je viens de le dire, mais à présent, toutefois, le système sur lequel elle repose subit d'énormes pressions.
Depuis toujours, le financement du CRSNG n'appuie que les coûts directs de la recherche universitaire. Tous les coûts indirects, y compris les traitements des professeurs responsables de la direction de la recherche, les coûts associés au maintien des bibliothèques et des laboratoires, aux services de soutien, etc., sont payés par les universités, qui dépendent largement des transferts des gouvernements provinciaux et des droits universitaires.
Ces coûts indirects correspondent approximativement à la moitié de l'ensemble des coûts de la recherche, l'autre moitié étant assumée par le CRSNG.
Ces derniers temps, ces deux composantes subissent des pressions. Le budget du CRSNG décroît en raison des pressions du gouvernement fédéral. De même, les gouvernements provinciaux transfèrent aux universités des sommes réduites en raison des contraintes financières auxquelles ils doivent faire face. Aussi, est-il de plus en plus difficile, pour les universités, d'assumer les coûts directs de la recherche appuyée par le CRSNG.
Un troisième élément vient empirer la situation: une grande partie de l'infrastructure physique à l'appui de la recherche universitaire canadienne, comme les laboratoires et les ateliers d'usinage, a été mise en place dans le cadre de projets de construction réalisés durant la période de grande expansion des années 1960, 1970, et parfois même au début des années 1980. Bon nombre de ces installations doivent maintenant être modernisées ou remplacées, mais nul ne sait d'où proviendront les fonds nécessaires.
Si rien n'est fait pour résoudre le problème de ces trois pressions conjuguées, la capacité de recherche du Canada se détériorera et il faudra beaucoup de temps et d'argent pour renverser cette tendance. C'est là un problème national en émergence, qui n'a pas encore reçu toute l'attention qu'il mérite.
Il ne revient pas au CRSNG de le résoudre - nous ne sommes que l'un des intervenants - mais nous sommes déterminés à le porter à l'attention de tous ceux qui pourraient jouer un rôle dans sa résolution.
C'est là la conclusion de mes remarques.
Le vice-président (M. Valeri): Je vous remercie.
Avant de passer aux questions, je voudrais simplement vous signaler que la sonnerie retentira à 10 h 10, soit une demi-heure avant le vote, qui aura donc lieu à 10 h 40. Il conviendrait de ne pas l'oublier.
Monsieur Leblanc.
M. Leblanc (Longueuil): Si vous me permettez, je vais vous appeler M. Thomas, ce qui est plus facile à prononcer que Dr Brzustowski. Puis-je vous demander d'où vous êtes originaire?
[Français]
M. Brzustowski: C'est un bon nom polonais.
M. Leblanc: D'accord.
Vous avez mentionné qu'il y avait des coupures, nécessaires à mon avis, un peu partout au niveau des provinces et du gouvernement fédéral. Une des plus grandes difficultés que vous devez souvent vivre est de communiquer les fruits, ou résultats, de la recherche. Il devrait exister une plus grande concertation entre les intervenants universitaires, les centres de recherche et l'entreprise afin de faire connaître les résultats de la recherche et en faire bénéficier tout le monde. Votre conseil a-t-il pensé à une façon de mieux gérer les résultats de la recherche pour faire en sorte qu'on puisse en profiter davantage?
M. Brzustowski: C'est une question très importante à laquelle je répondrai en anglais, si vous le permettez, monsieur le président.
[Traduction]
La connaissance est une denrée bien particulière, qui n'a de valeur que si l'on s'en sert, et dont la valeur augmente avec l'usage. Votre question, monsieur Leblanc, est tout à fait pertinente.
Nous avons, au conseil, tout un service et tout un programme consacrés au partenariat entre les universités et le secteur industriel. C'est le secteur des projets de recherche, pour lesquels il faut un partenaire du secteur industriel pour financer chaque projet. Ce partenaire entrevoit donc une façon d'utiliser les connaissances qui découleront du projet, il y voit un avantage prévisible et suffisamment intéressant pour justifier l'investissement. On peut donc dire que dans les projets de recherche, c'est la recherche, en fait, qui est à la source des connaissances que nous saurons mettre à profit. Il y a des gens disposés à s'y intéresser.
Il en va tout autrement de la recherche fondamentale, dont il est très difficile de prédire si et quand, et par qui elle pourra être utilisée, le cas échéant. Une des critiques souvent adressées, dans ce pays, à tout le domaine des sciences et de la technologie, c'est que nous avons encore à apprendre comment le rentabiliser pour l'économie. Pendant trop longtemps, nous avons misé sur nos ressources naturelles et nous devons apprendre à mieux exploiter nos connaissances pour le bien de l'économie du pays.
Mais certains de ces processus furent de longue haleine. C'est ainsi que j'ai reçu récemment une lettre d'un professeur dont la thèse de doctorat, datant des années 1960, a débouché l'an dernier sur un médicament homologué aux États-Unis. Vous voyez qu'il s'agit là d'un long lapse de temps. On a procédé en Grande-Bretagne a une étude des délais entre les résultats de la recherche fondamentale et leur utilisation, et on en a dressé un tableau détaillé. J'en ai retenu un détail qui m'a frappé: entre l'époque où on a commencé à comprendre la physique de la lumière fluorescente et son application, qui est maintenant universelle, 76 années se sont écoulées.
Pour me résumer, ces projets de recherche sur lesquels le conseil dépense 100 millions de dollars, auxquels s'ajoutent des fonds universitaires, visent à trouver des partenaires disposés à exploiter les connaissances ainsi produites. Mais en recherche fondamentale la connaissance est un bien public à la disposition de tous, y compris les gens autres que les Canadiens, mais ceux qui développent ces connaissances peuvent également faire appel aux connaissances créées ailleurs dans le monde, à l'étranger.
La recherche fondamentale a des avantages à long terme, les projets de recherche ont des avantages à court terme, plus prévisibles. On ne perd dont jamais cela de vue.
[Français]
M. Leblanc: Nous avons remarqué qu'à certaines occasions, on a fait de la recherche très avancée. Nous avons eu des résultats de la recherche, et au moment où on pouvait faire de la mise en marché des résultats de cette recherche, on a dû vendre ces résultats au Japon ou aux États-Unis.
Est-ce que vous avez une meilleure façon de gérer les développements de la recherche pour faire en sorte qu'on fasse de la recherche dont l'industrie pourrait bénéficier? Est-ce qu'il ne doit pas y avoir une meilleure coordination entre ce qu'on cherche et notre capacité de produire?
[Traduction]
M. Brzustowski: Certainement, monsieur le président, mais il y a toutes sortes d'effets bénéfiques. Le problème évoqué dans la question s'est posé, et nous en connaissons tous des exemples concrets. Cependant plusieurs changements se sont récemment produits.
Toute cette notion de financer l'innovation, de placer des capitaux risque dans cette zone grise entre les découvertes de la recherche et la technologie commence à prendre corps, de même que dans le domaine où le risque est plus facile à prévoir, entre la technologie qui a fait ses preuves et le marché. Des fonds se constituent qui sont destinés à financer ces activités, mais c'est toute la question de ce que nous appelons «capacité de réception des connaissances» de l'industrie à laquelle il faut songer. J'aimerais vous donner un exemple.
Nous avons, à titre de programme national, des réseaux de centres d'excellence: les Partenaires en neuroscience, basés à Montréal, se sont rendu compte qu'ils faisaient des travaux fort intéressants qui pouvaient déboucher sur des progrès considérables en thérapie des systèmes nerveux endommagés, mais les directeurs de cette entreprise ne savaient pas s'il existait une entreprise à même d'utiliser ces résultats. Ils sont allés jusqu'à créer un fonds propre qui leur permettrait de mettre sur pied de petites entreprises en mesure d'exploiter les résultats de la recherche.
C'est là une méthode intégrée très louable. Ce n'est pas ce que nous faisons, mais nous participons certainement au financement et à la gestion des réseaux de centres d'excellence, dont chacun a toute la latitude d'agir comme il lui convient pour parvenir à ces objectifs. Avec une initiative comme celle des Partenaires en neuroscience, il se peut que dans une décennie - peut-être davantage car ce genre d'entreprise ne se réalise pas du jour au lendemain - il y aura des thérapies, des médicaments, des traitements et des interventions capables d'améliorer la qualité de vie de gens qui ont des lésions de la colonne vertébrale et du système nerveux.
Je cite cet exemple, car il m'a beaucoup impressionné, mais ce n'est pas nous qui en sommes les maîtres d'oeuvre. Le centre n'en a eu ni l'idée, ni les fonds, ce sont ces gens eux-mêmes qui sont intervenus pour mettre en place le réseau, les relations avec les entreprises, avec les hôpitaux, avec les chercheurs. Cette innovation semble porter ses fruits.
Le vice-président (M. Valeri): Je vous remercie.
Monsieur Leblanc, je crois que vous avez consenti à partager votre temps.
Monsieur Ménard, si vous voulez poser une question, il vous reste deux ou trois minutes pour la première série de questions.
[Français]
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Je voudrais d'abord vous souhaiter bonne chance dans l'exercice de vos fonctions, car je sais que vous êtes en poste depuis le mois d'octobre seulement.
Récemment, le gouvernement a rendu publique sa politique des sciences et de la technologie, et je voudrais bien comprendre le lien entre la politique globale du ministre, le mandat qui vous est dévolu comme agence de recherche, et le fait que vous avez aboli 19 programmes jugés non essentiels avant l'annonce de la politique nationale.
Je sais que vous êtes un joueur très important et que vous avez un mandat en génie et en sciences naturelles, mais n'aurait-il pas été souhaitable que vous attendiez le mandat que le ministre voulait vous assigner dans le cadre de sa politique nationale avant d'abolir ces 19 programmes?
La question que je vous poserai au deuxième tour portera sur l'évaluation qui a été faite des15 centres d'excellence, mais voyons d'abord spécifiquement la question de la politique des sciences et de la technologie et l'abolition des 19 programmes.
[Traduction]
M. Brzustowski: Monsieur le président, je dois tout d'abord vous avouez que je ne pourrais pas vous nommer les 19 programmes, je ne sais pas au juste où ils sont localisés, mais ce n'est pas chez nous.
Quant à la question de politique, s'il faut en un mot caractériser le problème que nous avons au Canada, en matière de science et de technologie, ce mot serait "éparpillement": éparpillement entre ministères du gouvernement fédéral, entre paliers de gouvernement, entre provinces, entre établissements, éparpillement même au sein des secteurs industriels en ce sens qu'un plus grand nombre d'associations professionnelles pourraient lancer, en coopération, des projets de recherche.
Le trait le plus encourageant que je constate dans la stratégie de sciences et de technologies qui vient d'être publiée, c'est que c'est un pas en avant pour diminuer l'éparpillement, tout au moins au niveau du gouvernement fédéral.
C'est ainsi que le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada est l'un des organismes du portefeuille d'Industrie Canada, ce qui revient à dire que même si notre propre mandat est très clair, nous travaillons maintenant en collaboration avec d'autres organismes tels que l'Agence spatiale, Statistique Canada et le CNRC. Même si nos mandats ne se recoupent pas, nous savons tout au moins que nous suivons la même orientation.
Nous nous réunissons souvent et nous nous efforçons de mettre au point des stratégies qui s'harmonisent et qui débouchent sur des ententes dont les mandats, certes, peuvent se recouper, comme notre propre entente de faire participer le CNRC, les universités, nous-mêmes et le secteur industriel de façon à pouvoir utiliser réciproquement nos laboratoires. C'est là une démarche fort encourageante.
Ce qui me paraît également encourageant, c'est le fait que ceux qui conseillent les divers ministères dans leurs activités de recherche se réunissent en comités de coordination et veillent à la cohérence de la stratégie.
Ce sont là les grandes lignes de la politique de sciences et de technologies.
Mais le revers de la médaille, ce sont les contraintes économiques auxquelles nous sommes tous exposés. Voilà un certain nombre d'années que nous subissons, dans ce pays, ce que j'appelle le carcan du financement public: partout on est sommé de réduire les dépenses, partout des contraintes sont imposées.
Les décisions auraient peut-être été plus judicieuses s'il y avait eu, à l'époque, moins d'éparpillement et plus de consultation, de sorte que les décisions auraient été prises dans le cadre d'une stratégie nationale. J'espère qu'il en sera ainsi à l'avenir, mais entre temps, les dégâts sont faits et il faut prendre les choses comme elles sont.
Le vice-président (M. Valeri): Je vous remercie. Monsieur Schmidt, vous avez la parole.
M. Schmidt (Okanagan-Centre): Je vous remercie, monsieur le président, et je vous souhaite la bienvenue, monsieur Brzustowski. Je suis heureux de rencontrer le directeur de cette nouvelle organisation et vous souhaite le succès dans vos entreprises.
Ma question porte sur un point dont nous avons discuté l'autre jour, lors d'une rencontre, à savoir le monde universitaire canadien, la prolifération des collèges communautaires qui, dans tout le pays, se rangent parmi les universités.
J'ai été frappé de votre remarque d'après laquelle on pourrait peut-être intervenir pour faire face à cette crise financière, en dispersant peut-être moins nos efforts dans les universités. Vous parliez tout à l'heure d'éparpillement. Toutes ces universités se livrent à la recherche. Il y a quinze centres d'excellence, mais il existe maintenant au Canada près d'une centaine d'universités et j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette situation.
M. Brzustowski: C'est avec grande précaution que j'ai utilisé le mot «éparpillement». Examinons d'abord les chiffres: notre pays compte près de 30 millions d'habitants, dont 40 000 étudiants en ingénierie, et chaque année près de 8 000 d'entre eux obtiennent leur diplôme. C'est, par habitant, un chiffre deux ou trois fois plus bas que chez nos partenaires les plus proches, plus bas également que certains autres pays.
Nous n'avons pas trop de ces gens, et il n'y a pas non plus de classes qui comptent beaucoup de sièges vides. Ceci n'est pas non plus le cas. Il n'empêche toutefois que dans un grand nombre d'établissements il y a une pression sociale, de la part du public, d'augmenter les qualifications. Il y a encore un prestige qui s'attache à un diplôme universitaire, et dans certaines communautés d'immigrants cette pression est très forte. La mentalité du pays, d'une façon générale, c'est qu'un prestige s'attache aux études et aux diplômes, que beaucoup recherchent.
À part cela, nous appuyons une soixantaine d'universités. De fait, les dix plus grandes reçoivent environ les deux tiers des fonds que nous distribuons, de sorte que les autres reçoivent moins de soutien.
Nous avons un pays immense. Les distances sont très longues. Notre population est très éparse. Nos établissements d'enseignement sont dispersés et les Canadiens tiennent beaucoup aux diverses capacités régionales. C'est très important pour nous. Il semble que nous ayons trouvé le modèle de réseau - ce n'est peut-être pas le seul, il y en a peut-être bien d'autres - qui commence à montrer que cela fonctionne dans ce contexte.
Nous avons la capacité de créer des masses intellectuelles critiques d'universitaires qui s'adonnent à la recherche, tout en gardant certains d'entre eux dans leurs établissements d'enseignement afin qu'ils puissent enseigner à des étudiants dans leurs régions, où ils peuvent établir des rapports avec les industries de la région. Il s'agit d'un comportement acquis. Nous en sommes à la seconde phase du programme et nous pouvons appliquer à chaque phase les leçons tirées de la phase précédente. C'est un modèle canadien qui semble fonctionner.
Je pense que bon nombre de nos universités expriment les mêmes aspirations, elles veulent toutes être des universités où l'on fait de la recherche. En réalité, elles sont beaucoup mieux adaptées à répondre aux besoins régionaux qu'on pourrait le penser, si l'on prend la peine d'écouter les aspirations dont elles nous font part. Je pense que c'est très encourageant.
Nous constatons qu'Internet, SchoolNet, tous ces liens électroniques sont peut-être à la mode - certains disent qu'ils sont dans le vent - mais je pense qu'ils ont apporté un changement qualitatif à la capacité d'interaction à distance entre les gens, qui s'expriment sans formalité et de manière réceptive. Cela signifie, selon moi, qu'il sera possible d'appuyer un très petit groupe d'excellents chercheurs dans un petit établissement sans que tous les autres membres de cet établissement fassent de la recherche et ils n'auront pas à se sentir isolés de leurs collègues. Ils pourront communiquer sur un réseau avec leurs collègues d'autres universités. J'y vois un modèle canadien qui a toutes les chances, à mon avis, de devenir un grand succès.
Nous avons 14 de ces réseaux qui fonctionnent dans le cadre du programme fédéral de réseaux de centres d'excellence. L'Ontario en a sept au niveau provincial et il y en a d'autres qui sont en train de se créer ailleurs dans le pays. Je trouve cela très encourageant.
M. Schmidt: Ma question, monsieur le président, va également dans une autre direction et découle de cette réponse. Cela signifie-t-il que la recherche au Canada ne sera pas centrée dans les universités, mais plutôt dans les centres d'excellence, ce qui revient à dire qu'elle sera centrée sur des chercheurs individuels? N'est-ce pas plus exact? Il me semble que les universités sont devenues des collectivités en soi. Nous disons qu'elles sont régionales, mais elles ne le sont pas vraiment. Elles constituent un endroit à part où un groupe d'universitaires font comme bon leur semble et tirent leur prestige du genre de recherche qu'ils font. C'est très onéreux. Je ne pense pas que nous puissions nous permettre une telle chose dorénavant.
M. Brzustowski: En entendant ma réponse à votre question, vous penserez peut-être que je fais partie du problème, étant donné que je représente une certaine partie du problème. Nous appuyons des particuliers. Nous offrons des subventions d'exploitation, des subventions de recherche à des particuliers. Nous encourageons la collaboration. On nous dit, et nous en avons la preuve régulièrement, qu'il y a énormément de collaboration entre les chercheurs à l'échelle internationale, nationale et régionale, mais le fait est que nous choisissons des chercheurs individuels pour leur excellence et que nous les finançons.
Certains de ces chercheurs travaillent en réalité en isolation, parce que le domaine s'y prête, mais beaucoup d'autres travaillent en réseau ou en équipe. Même s'ils reçoivent des subventions individuelles, ils collaborent. Ils le font parce que les problèmes importants de nos jours sont tellement complexes qu'il est très difficile à une personne d'aller travailler dans son coin, de s'isoler de ses pairs et de la collectivité, et de réussir quand même à faire une découverte importante. Le monde d'aujourd'hui, où les connaissances progressent tellement, est trop complexe pour cela.
M. Schmidt: Je ne suis pas encore arrivé à la question qui... mais étant donné votre réponse, il semble que j'ai posé la bonne question, je pense.
M. Brzustowski: Je suis désolé.
M. Schmidt: Je pense que tout le monde se pose la question que j'essaie de vous poser. Devrions-nous avoir au Canada autant d'universités que nous en avons où l'on fait de la recherche comme elle se fait aujourd'hui? L'objectif était peut-être exactement celui dont vous avez parlé, c'est-à-dire qu'il est préférable de se concentrer sur des chercheurs individuels plutôt que de laisser chaque collectivité penser qu'elle a son importance à titre de centre de recherche à l'échelle internationale, mondiale.
M. Brzustowski: Revenons à quelque chose que j'ai dit dans mes remarques liminaires au sujet de ce qui définit l'université comme établissement unique. De fait, c'est un endroit où l'on produit des connaissances grâce à la recherche et où l'on enseigne à des gens instruits.
Je ne pense pas que je voudrais envoyer mes enfants, et vous ne voudriez probablement pas envoyer les vôtres, suivre les cours de quelqu'un qui enseigne à partir des mêmes notes depuis 20 ans et qui n'a pas produit de nouvelles idées ou n'a pas eu d'interaction avec des personnes qui en produisent.
La question est de savoir s'ils sont des chercheurs d'abord et des professeurs d'université en second lieu ou s'ils sont des professeurs d'université d'abord et des chercheurs en second lieu? Je dirais que le monde universitaire comprend toutes les possibilités à cet égard, c'est-à-dire qu'on y trouve ceux qui sont là parce que c'est un endroit merveilleux pour faire de la recherche et qui enseignent une partie du temps, jusqu'à ceux qui sont totalement voués à l'enseignement, mais qui font de la recherche afin de se tenir à jour et savoir ce qui est enseigné.
J'en reviens à la question. On a démontré que l'enseignement universitaire était un bien économique. Ce n'est pas seulement un bien privé, mais c'est en fait un bien public. Je ne vois pas de rangées de places libres dans les classes. Sans les universités, comment pourrions-nous contribuer au développement intellectuel de ces gens? Tous les pays avec lesquels nous commerçons investissent plus que nous dans l'enseignement postsecondaire. On n'a qu'à regarder le cas de Hong Kong, celui de Taïwan, en particulier la nouvelle université technique à Hong Kong, et il y a dans le sud-est asiatique le nouvel Institut asiatique de technologie, en Thaïlande, ainsi que toutes sortes d'autres endroits. Nous ne sommes pas exactement au premier rang dans le monde en ce qui concerne l'investissement dans l'enseignement postsecondaire.
Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Schmidt. Madame Bethel.
Mme Bethel (Edmonton-Est): Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne vos commentaires sur la fragmentation, nous savons tous que c'est un véritable problème, je pense, de même que le chevauchement et le double emploi. J'aimerais bien vous entendre, d'une manière succincte et concise, faire valoir le bien-fondé de la consolidation des crédits de recherche dont disposent les ministères. Nous savons qu'il y a des millions et des millions de dollars dépensés en crédits de recherche dans les ministères de l'Agriculture, des Ressources naturelles et d'autres. Faites valoir le bien-fondé d'un organisme de coordination pour gérer la recherche.
M. Brzustowski: Vous me demandez de faire valoir le bien-fondé d'un concept auquel je ne suis pas encore certain de croire.
Mme Bethel: Bien.
M. Brzustowski: Tout d'abord, je pense qu'il est très important qu'au niveau de la planification stratégique, tous ceux qui oeuvrent dans tous les domaines de recherche sachent ce qu'on fait dans tous les ministères du gouvernement fédéral. Mais les ministères ont leur propre mandat et ils ont besoin de recherche pour appuyer ces mandats. Cette recherche est répartie dans l'ensemble du pays, elle est influencée jusqu'à un certain point par les besoins locaux... Dans une certaine mesure elle ne l'est pas, mais dans une certaine mesure elle l'est.
Pour ce qui est de la cohérence stratégique, c'est certain qu'il faudrait un organisme central chargé de s'assurer qu'il n'y a pas de double emploi, et là où il y a chevauchement, que c'est un chevauchement constructif qui est nécessaire, et qu'il existe une sorte de stratégie cohérente dans la façon dont les crédits sont dépensés. Quant à savoir si cela signifie qu'il faut un organisme de gestion central pour essayer de gérer la complexité incroyable de tous ces...
Mme Bethel: Aplanir la structure, et non...
M. Brzustowski: Je ne suis pas certain dans quelle mesure la structure est aplanie en ce moment, voyez-vous. Votre question dépasse mes connaissances. Je ne sais pas dans quelle mesure la structure est aplanie.
Mme Bethel: En regardant votre mandat - et nous parlons de chevauchement de mandats - si je comprends bien, vous vous occupez des questions de santé dans le cadre de votre programme de recherche médicale.
M. Brzustowski: Les sciences naturelles comprennent toutes les sciences sauf les sciences sociales et médicales.
Mme Bethel: J'ai pourtant lu quelque part dans ce document que l'un de vos nouveaux centres d'excellence vise à fournir des outils permettant de prendre des décisions en matière de soins de santé à partir des informations disponibles.
M. Brzustowski: Oui, les réseaux de centres d'excellence sont administrés par les trois conseils subventionnaires, le Conseil de recherches médicales (CRM), le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), et nous. Ce centre dont vous parlez est une entreprise du CRSH et du CRM.
Mme Bethel: Comment se fait la coordination? Un autre des centres porte sur la gestion durable des forêts. J'ignore qui s'occupe de la gestion des forêts. Je suppose que cela relève même de la compétence des provinces.
M. Brzustowski: Exactement. Dans ce réseau particulier de centres d'excellence, nous avons comme participants à la table des représentants du secteur privé, de groupes écologiques, des gouvernements provinciaux, du gouvernement fédéral et des universités. C'est toute une foule de gens qui participent.
Mme Bethel: Il semble y avoir une foule de gens qui essaient dans une foule de domaines de coordonner beaucoup d'éléments fracturés, ou plutôt fragmentés...
M. Brzustowski: Je dirais que les réseaux de centres d'excellence sont des agents de coordination plutôt que des agents de fragmentation.
Mme Bethel: On pourrait peut-être alors les élargir afin qu'ils puissent coordonner davantage.
M. Brzustowski: Je suis d'accord.
Mme Bethel: Je ne suis pas certaine de la nature du mécanisme, mais je pense qu'en général on convient qu'il faut plus de coordination - qu'il faut aplanir les structures, au lieu d'avoir plusieurs... Les provinces l'ont fait dans le cadre des conseils de santé.
J'ai remarqué également que vous pouvez avoir des groupes de travail. Y a-t-il un groupe de travail, ou quelqu'un qui examine la possibilité de créer cette sorte de mécanisme qui pourrait le mieux rassembler tout cela, faire la coordination?
M. Brzustowski: Vous avez mis l'accent sur les réseaux de centres d'excellence et c'est un aspect très important. Il existe un comité de gestion des réseaux de centres d'excellence auquel participent Industrie Canada et les trois conseils subventionnaires.
J'estime que le meilleur moyen, de fait, de rassembler et de coordonner les efforts de recherche importants concernant des problèmes dont nous convenons qu'ils sont importants pour les différents secteurs, pour réunir ensemble les ressources, serait de créer plus de réseaux de centres d'excellence. Je suis convaincu que le modèle fonctionne. J'espère qu'il y aura une phase trois parce que la phase un a été bonne, la phase deux a été encore meilleure, et nous continuons d'apprendre.
Pour faire progresser les choses à cet égard, nous tiendrons très bientôt une réunion - en mai, à Ottawa, - des présidents des conseils subventionnaires. Ce sont des gens qui ne font pas partie du milieu universitaire. Ce sont généralement des personnes du secteur privé qui président les conseils d'administration des réseaux. Nous allons essayer de rassembler les leçons qu'ils estiment avoir tirées de leur expérience, afin de pouvoir être en mesure de faire mieux durant la prochaine phase.
Mme Bethel: On examinera cette question.
M. Brzustowski: Certainement.
Mme Bethel: Ma dernière question porte sur les centres d'excellence. Vous êtes passé de 15 à 10. À partir de quels critères évaluez-vous le succès des réseaux mêmes? Quel genre de processus d'évaluation utilisez-vous?
M. Brzustowski: Pendant la première étape, je pense qu'il y en avait 11 et 10 ont survécu à une évaluation. On a vérifié s'ils atteignaient leurs objectifs. C'était une évaluation plutôt sévère. Était-ce des gens qui avaient commencé à se comporter différemment lorsqu'on les a placés dans un cadre de travail où la recherche était coordonnée, ou étaient-ils seulement là parce que c'était une nouvelle source de fonds et qu'il était difficile d'apprendre à se comporter d'une manière coordonnée?
Mme Bethel: Utilise-t-on des critères comme la rentabilité et l'analyse coûts-avantages?
M. Brzustowski: Oui, il y a des partenaires de l'industrie qui investissent dans tous ces programmes. Ils examinent donc les avantages, la productivité de la recherche, en plus de demander quel nouveau type de contacts sont établis entre les chercheurs et avec ceux qui pourraient utiliser les données qui n'existaient pas auparavant. Nous mesurons ces choses. Ce sont des changements importants dans le comportement que nous essayons de mesurer.
Quoi qu'il en soit, après le premier concours, il en est resté dix. Puis on en a créé quatre nouveaux l'an dernier, dont celui sur le développement durable des forêts et un autre qui crée des structures très intelligentes. On peut à vrai dire...
Mme Bethel: Prenons les forêts comme exemple; comment déterminez-vous que la recherche n'est pas...? Comment savez-vous exactement ce qui se fait? Existe-t-il une sorte d'inventaire des travaux de recherche effectués par toutes les provinces et par...?
M. Brzustowski: Cela s'est fait au moment de la création du réseau, au moment de l'élaboration de la proposition, qui a éventuellement été approuvée.
Ce n'est pas nous qui créons le réseau; nous réagissons à des propositions. Les propositions doivent comporter un rassemblement du strict point de vue d'une bonne gestion des meilleurs intervenants dans tous les domaines, y compris les utilisateurs - les personnes que les informations intéressent - en plus des autres qui sont disposés à investir de l'argent, comme les gouvernements fédéral et provinciaux, par l'entremise de leurs ministères.
Celui-là a été lancé l'automne dernier seulement. Il n'a pas encore été évalué, mais sachez qu'il a fallu environ deux ans pour préparer la proposition et qu'elle a été examinée d'un oeil très sévère, et une grande partie de cette coordination a été faite pendant l'élaboration de la proposition.
Le vice-président (M. Valeri): Merci, madame Bethel.
Il nous reste encore deux minutes pour le premier tour de questions. Monsieur Ianno, voulez-vous utiliser ces deux minutes? Ensuite, M. Ménard aura la parole pendant cinq minutes.
La sonnerie se fait entendre. On vient de me confirmer qu'il s'agit d'une sonnerie d'une demi-heure de sorte que nous pouvons continuer jusque vers 10 h 30, si vous êtes d'accord.
Monsieur Ianno.
M. Ianno (Trinity - Spadina): Merci.
Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Premièrement, je tiens à dire que l'Université de Toronto se trouve dans ma circonscription, qu'elle constitue un centre d'excellence et que j'en suis très fier.
Depuis deux ans environ, je me demande ce que fait le CRSNG pour s'assurer, lorsque se forment les partenariats, que l'argent et les redevances reviendront au CRSNG, afin que vous puissiez réutiliser cet argent au lieu qu'il serve seulement de subvention de base?
M. Brzustowski: C'est une question très intéressante. Elle nous amène à discuter de toute la question du rendement sur l'investissement, c'est-à-dire à combien il s'élève et qui doit en profiter. Si vous êtes d'accord, je commencerai par répondre en parlant de ce qui s'est passé tout dernièrement et je reviendrai ensuite à ce qui est moins récent.
Nous avons tenu dernièrement un concours et nous avons distribué une petite somme d'argent pour aider des établissements à mettre en place des mécanismes en vue de protéger leur propriété intellectuelle et à en tirer des revenus.
M. Ianno: Vous venez de répondre à une partie de ma question, mais je suis curieux de savoir comment le CRSNG retire une partie de ces revenus? Il s'agit de l'argent du gouvernement fédéral.
M. Brzustowski: Eh bien, je vous dis franchement que le CRSNG ne retire pas de revenu de ces subventions.
M. Ianno: Comment pouvons-nous changer cela?
M. Brzustowski: Voulons-nous changer cela? Je vous demande d'être patient.
Le rendement de la recherche fondamentale est un bien public et pour le gouvernement, le rendement se trouve dans de nouvelles activités économiques: des entreprises qui sont créées, des personnes qui sont employées, des impôts payés et d'autres retombées découlant de la recherche.
En ce qui concerne la recherche même, là où on essaie d'élaborer une technologie, si l'on calcule une proportion des droits de licence et d'autres éléments fondés sur une proportion de l'investissement total à partir du moment où l'idée se forme et celui de l'apparition du produit sur le marché, le rendement auquel aurait droit le CRSNG serait une part infime. L'étape qui consiste à transformer en technologie les résultats d'un projet de recherche et ensuite à transformer cette technologie en produits et services offerts sur le marché, en particulier la mise en marché de produits, nécessite des investissements énormes et à très long terme.
Les universités en sont devenues très conscientes aux États-Unis. Elles l'ont compris bien avant que nous pensions à essayer de tirer des revenus de dépenses de cette nature. En général, les universités là-bas sont dotées de budgets de 300 ou 400 millions de dollars par année et retirent 200 000$ ou 300 000$ de droits de licence ou de redevances. Au Canada, Waterloo retire peut-être des revenus d'un million ou 1,5 million de dollars sur un budget de 200 fois supérieur à cela. Ce n'est donc pas la solution au problème budgétaire d'une université et si l'argent auquel aurait droit le CRSNG lui revenait, il s'agirait d'une somme très minime comparée à notre budget.
M. Ianno: Je suppose...
Le vice-président (M. Valeri): Nous devons poursuivre, monsieur Ianno. C'est malheureux.
Cinq minutes, monsieur Ménard.
[Français]
M. Ménard: J'espère que notre témoin ne doute pas du fait que nous sommes de ceux qui souhaitent qu'il y ait plus de fonds alloués à la recherche. Nous souhaiterions qu'il y ait plus de gens qui s'y adonnent et non pas l'inverse.
Je suis tout à fait d'accord avec vous que le problème n'est pas tant le fait qu'il y ait trop d'universités. On ne peut pas dire qu'il y a au Canada trop d'universités. Quand on regarde l'importance que le Canada accorde à la recherche et au développement en termes de fonds publics, on voit qu'on est loin d'être dans une situation concurrentielle puisqu'on est l'avant-dernier pays de l'OCDE.
J'ai trois questions à vous poser. Je sais que votre organisme a été associé à la tenue d'un symposium avec une fondation de la Chine, où vous avez plus particulièrement tenté d'évaluer l'impact de la recherche et du développement dans les sociétés modernes.
Est-ce qu'à ce symposium qui, selon les renseignements que j'ai, a eu un assez grand succès, vous avez pu évaluer ce qui fait qu'au Canada, au-delà de la fragmentation, on est dans une situation où, malgré le fait qu'on consacre 8 milliards de dollars à la recherche et au développement, dont7 milliards de dollars par le biais de l'une ou l'autre de ses agences et 1 milliard de dollars en crédits d'impôt, on ne réussit pas à remonter la côte en termes d'investissements intérieurs pour la recherche et du développement?
Vous êtes un des joueurs majeurs dans le processus de recherche et de développement. À ce titre, avez-vous pu identifier des mesures additionnelles au-delà de ce qui a été annoncé dans le programme des sciences et de la technologie au XXIe siècle?
Deuxièmement, j'ai appris des communautés scientifiques et de la communauté des chercheurs que la formule des centres d'excellence, qui consiste à avoir des pôles spécialisés et à concentrer le savoir et les individus selon une distribution du travail à travers le pays, était assez bien acceptée et évaluée comme une formule gagnante.
L'inquiétude de la communauté scientifique tenait au fait qu'il n'y aura, dans les prochaines années, que 22 millions de dollars pour les centres d'excellence.
Est-ce que vous seriez en mesure de déposer l'évaluation qui a été faite de ces centres d'excellence? Quels conseils souhaiteriez-vous donner aux parlementaires pour qu'ils puissent mieux comprendre le travail des centres d'excellence, pour qu'ils sachent comment s'associer à une meilleure diffusion de la formule des centres d'excellence et pour qu'ils s'assurent que le gouvernement continue à l'identifier comme une formule gagnante et à encourager le travail de l'un ou l'autre de ces centres à travers le pays?
[Traduction]
M. Brzustowski: Je vais répondre à la dernière partie de la question en premier.
C'est bien volontiers que nous continuerons d'informer les députés intéressés du progrès des centres. Nous tirons des leçons de l'expérience. Nous avons organisé des séances d'information au sujet des centres. Nous continuerons d'en organiser pour faire en sorte que les députés et leur personnel soient bien informés à ce sujet. Si cela les intéresse, ils pourront y assister.
Nous sommes très conscients de la nécessité de faire cela car nous tirons des leçons de l'expérience. Il ne s'agit pas d'un modèle éprouvé. Ce n'est pas un modèle qu'on peut prendre sur une tablette et utiliser. Nous sommes en situation d'apprentissage.
Permettez-moi de revenir à la conférence sur l'incidence de la recherche, le symposium avec l'Académie des sciences de Chine. À la suite de ce symposium, il nous est apparu clairement qu'il fallait faire davantage d'effort pour évaluer non seulement les extrants de notre recherche, mais aussi ses répercussions. Cela est toutefois très difficile à faire étant donné que ces répercussions se font sentir dans la société avec un certain retard comparativement aux extrants de la recherche.
Par extrants, j'entends les personnes formées, les résultats, l'information publiée, les brevets, etc. Les répercussions dans la société dépendent de ce qui leur arrive, de ce que les gens font avec. Cela dit, nous déployons beaucoup d'efforts pour évaluer de façon très sérieuse ce qui se fait. Nous ne ménageons pas notre peine.
Et nous ne sommes pas les seuls. On fait la même chose ailleurs. Cela intéressera sûrement les députés que l'État de l'Oregon, aux États-Unis, est sans doute plus avancé que quiconque lorsqu'il s'agit d'évaluer l'incidence de la recherche effectuée par l'État ou de l'activité industrielle sur la qualité de vie, l'économie et le bien-être de la population.
[Français]
M. Ménard: Mais il y a une particularité au Canada. Votre collègue du Conseil des sciences à Québec dit que le Canada est, parmi les pays industrialisés, le pays où le nombre d'ingénieurs à l'intérieur des entreprises est le plus faible. Qu'est-ce qui fait que, malgré les fonds publics qu'on investit, le décollage ne se fait pas autant qu'on le souhaiterait?
Rappelez-vous que le Conseil consultatif national des sciences et de la technologie avait suggéré qu'on crée au Canada une académie des sciences. Souhaiteriez-vous que nous ayons, comme un certain nombre d'autres pays, une académie des sciences ayant le mandat très précis d'effectuer la coordination?
J'avais cru comprendre que le peu de coordination qu'on pouvait espérer antérieurement se faisait par le biais du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie, mais ce n'était pas son mandat premier.
Est-ce que le Canada doit penser, dans les prochaines années, à se donner une académie des sciences en bonne et due forme?
[Traduction]
M. Brzustowski: Permettez-moi de répondre brièvement. Si l'Académie des sciences était un gage que la culture évolue au pays et que les Canadiens de façon générale comprennent profondément l'impact de la science et de la technologie, je saluerais cette initiative. Mais s'il s'agit simplement de créer un institut qui amène les gens à croire qu'ainsi, le problème disparaîtra, alors, je ne suis pas partant.
Il n'y a pas qu'une poignée d'ingénieurs à Bombardier. Il n'y a pas qu'une poignée d'ingénieurs dans les compagnies de haute technologie de la région, autour d'Ottawa. Leur nombre est restreint dans les anciennes industries. Celles-ci sont nombreuses, mais les choses s'améliorent. Les ingénieurs sont nombreux dans les nouvelles industries, et souvent nous en manquons. Mais tout cela fait partie d'une culture scientifique, d'une compréhension dans la population en général qui se traduit en volonté politique.
Le vice-président (M. Valeri): Merci. Je crois qu'il nous reste environ 13 minutes avant le vote.
J'ai sur ma liste M. Shepherd et ensuite deux autres personnes. Si vous pouviez être bref, tout le monde pourrait poser sa question et ensuite nous pourrions aller voter.
M. Shepherd (Durham): Merci beaucoup.
Vous avez parlé de la politique sur la durabilité des forêts. J'aimerais y revenir pour mieux comprendre comment vous vous acquittez de votre mandat.
Pendant un séjour sur la côte Ouest, j'ai visité votre station de recherche forestière sur le bassin hydrographique de Victoria, dans cette région. Je crois savoir que vous y faites énormément de recherche sur l'infestation du bois. Par la même occasion, j'ai discuté avec de nombreux représentants du secteur forestier.
J'ai appris que MacMillan Bloedel avait un beau petit projet de recherche pour fabriquer une meilleure boîte. J'ai aussi parlé à des chercheurs qui étaient très impressionnés par ce que faisait la Weyerhaeuser aux États-Unis. On m'a dit aussi qu'en Oregon, on cherchait à inventer un meilleur arbre grâce à la biotechnologie.
Il me semble qu'en matière de recherche et de développement, nous sommes présents un peu partout et votre mandat, lui aussi, est très ouvert...et je me demande si en fait on n'aurait pas besoin d'avoir une concentration accrue dans les domaines où nous tirons fort bien notre épingle du jeu.
M. Brzustowski: Vous avez mis le doigt sur un problème important. Premièrement, nous ne dirigeons aucun laboratoire. En fait, notre fonction dans le domaine des forêts est justement de faire ce que vous suggérez. Nous servons de point de convergence du réseau de centres d'excellence dans le domaine de l'exploitation durable des forêts. Il y a un programme dirigé conjointement par le Conseil de recherches en sciences humaines et par nous-mêmes à partir des réseaux de centres d'excellence.
Le programme réunit des gens de ce secteur et de l'exploitation forestière en Alberta, des environnementalistes, des biotechnologistes, des gens qui s'intéressent aux migrations des insectes, enfin une foule de gens qui travaillent ici et là dans leur domaine respectif et qui se retrouvent dans ce centre de convergence où ils ont élaboré une stratégie conjointe pour aborder certains problèmes de recherche courants dans le domaine de l'exploitation forestière.
Je perçois le même problème que vous. Nous considérons que nous faisons partie de la solution. Ce groupe de gens éparpillés dans de nombreuses universités et entreprises, dans des instituts de recherche qui s'occupent à des degrés divers de la forêt ont été réunis au sein de ce réseau pour travailler à une stratégie commune.
M. Shepherd: Mais est-ce que c'est focalisé? Disons-nous que nous sommes intéressés à faire de la recherche biotechnologique dans le domaine de la forêt parce que nous croyons que c'est là que ça va bouger, disons dans 20 ou 30 ans? N'affaiblissons-nous pas notre approche en éparpillant des gens dans toutes sortes de projets de recherche différents aux quatre coins du pays, que ce soit dans le secteur public ou privé?
M. Brzustowski: J'espère que les gens dans les réseaux de centres d'excellence... Je ne peux pas répondre à votre question précise concernant la priorité qu'ils ont choisie, mais ils ont choisi un sujet précis d'intérêt commun auquel ils peuvent consacrer toutes leurs ressources. Ils appellent cela la «gestion durable» et je soupçonne qu'il s'agit plutôt de gérer de façon durable les ressources actuelles que de mettre au point de nouvelles espèces d'arbres. Mais je crois fermement qu'ils s'attaquent justement à ce problème de l'éparpillement en conjuguant leurs efforts. C'est pourquoi je trouve ce modèle tellement valable.
Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Shepherd. Madame Brown, ce sera la dernière question.
Mme Brown (Oakville - Milton): Je vous souhaite la bienvenue à ce poste et au comité.
M. Brzustowski: Merci.
Mme Brown: Je suis tout à fait en faveur de ce que vous faites. Je crois que nous devrions faire davantage de ce côté, parce que c'est là qu'est l'avenir. Voilà donc ma position de départ.
J'ai ici un document sur les coûts administratifs et je remarque qu'ils ont baissé, et c'est tant mieux pour vous. Pour ce qui est des comités de sélection, j'ignore combien de personnes y participent. Je suppose qu'à certaines fins, vous convoquez un groupe d'experts dans un domaine précis et qu'ils viennent ici peut-être pour un jour ou deux, qu'ils examinent les propositions qui leur sont faites et font des recommandations. Bon nombre de ces gens se font probablement rembourser leurs frais de déplacement et d'hôtel, mais ils touchent probablement aussi des honoraires. Ce serait combien, en moyenne?
M. Brzustowski: Les membres de nos comités de sélection se font rembourser leurs dépenses, mais ils ne sont pas payés. Je crois que nous recevons environ 14 000 journées-personnes de travail bénévole par année de la part de bénévoles qui, sans aucune rémunération, examinent les documents et propositions et prennent des décisions pour ce qui est de la répartition de nos subventions de recherche.
Mme Brown: Vous m'en voyez réjouie. J'ai entendu dire il y a quelques années que ces gens-là, qui touchent de gros salaires, surtout dans des emplois qui sont déjà financés par les deniers publics, dans les universités et les ministères, venaient passer quelques jours à Ottawa, tous frais payés, et s'en retournaient chez eux avec un petit chèque pour leur peine, même s'ils étaient déjà payés pour ce travail par leur employeur ordinaire. Mais on a mis fin à cette pratique, n'est-ce pas?
M. Brzustowski: Je ne crois pas que cette pratique ait jamais existé dans notre système. Je crois que vous et moi partageons la conviction qu'une même personne ne peut toucher plus qu'un salaire à plein temps dans le secteur public.
Mme Brown: Excellent. Merci.
Le vice-président (M. Valeri): J'ai deux annonces à faire.
Premièrement, le Conseil de recherches en sciences humaines comparaîtra devant le Comité permanent de l'industrie le mardi 30 avril 1996. Cela est sujet à confirmation.
Deuxièmement, je remercie les témoins de ce dialogue très intéressant. Je suis sûr qu'il y aura un suivi de la part des divers députés qui n'ont pas eu l'occasion de poser leurs questions aujourd'hui à cause du vote. Je vous remercie de l'information que vous avez communiquée au comité.
La séance est levée jusqu'au mardi 30 avril à 15 h 30, lorsque nous accueillerons l'Agence spatiale du Canada.