[Enregistrement électronique]
Le mardi 11 juin 1996
[Traduction]
Le vice-président (M. Valeri): Je déclare la séance ouverte.
Il est ordonné que le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la deuxième fois.
Je voudrais présenter M. David Tobin, auquel je laisse le soin de présenter les autres témoins du ministère de l'Industrie.
M. David Tobin (directeur général, Direction générale de la régie d'entreprise, ministère de l'Industrie): Je vous remercie, monsieur le président.
Avant de passer à mes collaborateurs du ministère je voudrais présenter au comité MM. Gordon Marantz et Max Mendelsohn, tous deux avocats en exercice, retenus par le ministère pour nous aider et aider le comité, le cas échéant, à éclairer les points obscurs du projet de loi.
Quant à mes collègues, je vais leur demander de se présenter.
M. George Redling (surintendant des faillites, ministère de l'Industrie): Je m'appelle George Redling et je suis surintendant des faillites.
M. Marc Mayrand (surintendant associé des faillites, ministère de l'Industrie): Mon nom est Marc Mayrand, et je suis surintendant associé des faillites.
[Français]
M. Jacques Hains (directeur, Direction de la politique des lois commerciales, ministère de l'Industrie): Je m'appelle Jacques Hains et je suis directeur de la politique des lois commerciales à Industrie Canada.
M. Tobin: Monsieur le président, si vous nous le permettez, nous avons une présentation d'environ 20 minutes.
[Traduction]
La Loi sur la faillite, qui fait l'objet de notre examen de ce jour, fait partie d'un ensemble de lois-cadres commerciales d'importance capitale pour la création d'emplois et l'innovation en matière d'économie. À l'instar de la plupart des lois-cadres, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la LACC visent à concilier de nombreux intérêts divergents, par exemple ceux des débiteurs et créanciers, les créanciers entre eux et des dispositions sur la réorganisation et le rétablissement du débiteur par opposition à celles sur la liquidation.
La réforme de la Loi sur la faillite, entreprise il y a longtemps, a connu bien des tribulations. Les modifications qui lui ont été apportées en 1992 et qui sont communément désignées sous le terme de «phase un» sont les premières qui aient été apportées en un peu plus de 40 ans.
Ces amendements de 1992 tendaient à privilégier la réorganisation plutôt que la liquidation, à sauver des entreprises et des emplois plutôt qu'à déclarer faillite. Ces modifications se caractérisaient par une révision de la réorganisation commerciale, un nouveau régime de propositions de consommateur et des mesures pour rationaliser l'administration des faillites; ces modifications prévoyaient une clause d'examen triennal. Il y a eu plus de 3 000 réorganisations commerciales depuis 1992, dont 50 p. 100 sont encore en activité, et du coté consommateur, plus de6 000 propositions de consommateur, dont entre 65 p. 100 et 70 p. 100 sont encore actives.
Compte tenu de la clause d'examen triennal introduite dans les modifications de 1992, le ministère a voulu organiser la préparation et la structuration de cet examen. Nous voulions que les propositions pour 1992 et au-delà émanent du secteur privé et avons donc mis en place un comité consultatif sur la faillite et l'insolvabilité aux fins de formuler des propositions d'amendement et de contribuer à l'examen triennal. Toutes les principales parties intéressées sont représentées dans le processus consultatif, à savoir les entreprises, les consommateurs, les bailleurs de fonds, les avocats, les syndics de faillite et autres membres impliqués dans les questions touchant à l'insolvabilité.
Plus d'une centaine de personnes représentant une cinquantaine d'organisations ont donné leur temps, à titre bénévole, pour participer à cet examen de loi. Un comité d'ensemble a alors été divisé en huit groupes de travail, assistés de nombreux groupes d'étude plus restreints. Je puis affirmer, monsieur le président, que la majorité des amendements proposés dans le projet de loi C-5 découlent des recommandations de ce groupe du secteur privé.
On peut examiner sous plusieurs angles les réformes proposées dans le projet de loi C-5. Pour vous les présenter nous avons choisi de les diviser en quatre grands domaines: le premier, assurer l'équité, le deuxième, encourager la responsabilité, le troisième, favoriser la réorganisation commerciale et le quatrième, améliorer l'administration.
Je vais, si vous le permettez, consacrer quelques minutes à chacun de ces volets et à en faire ressortir les traits principaux.
Pour assurer plus d'équité nous avons prévu une disposition visant à augmenter la protection des pensions alimentaires pour enfant et conjoint, la proposition visant à rendre prouvables les ordonnances de pension alimentaire au conjoint et aux enfants, les sommes accumulées dans l'année précédant la faillite du débiteur plus toute ordonnance de versement forfaitaire qui a été convenue.
De même, les ordonnances alimentaires recevraient rang de créancier privilégié en les mettant en cinquième position, après les frais de funérailles, les coûts d'administration, le prélèvement du surintendant et les salaires.
Enfin, il n'y aurait pas de renonciation du restant des créances à payer lorsque les créances susmentionnées auront été payées.
Le deuxième point porte sur les exemptions de saisie: pour mieux protéger les actifs des débiteurs et permettre de couvrir les besoins essentiels, le projet de loi C-5 propose d'exempter, pour les versements de prestations pour faible revenu, le crédit d'impôt de la TPS, l'objectif étant de permettre au débiteur de satisfaire à ses besoins essentiels.
Ce projet de loi prévoit donc une exemption de la TPS, mais d'autres catégories de remboursement vont être décidées par décret.
En ce qui concerne les agriculteurs et les pêcheurs, certaines dispositions du projet de loi C-5 visent à élargir et à renforcer la protection pour ces catégories contre une déclaration de faillite. L'article 48 ne s'appliquerait pas aux particuliers dont la principale activité et la principale source de revenu sont la pêche ou l'agriculture, ceci pour tenir compte du fait actuel que très peu de gens tirent toute leur subsistance uniquement de la pêche ou de l'agriculture, et que dans certains cas les pêcheurs et les agriculteurs doivent avoir un second revenu pour compléter le premier.
Le deuxième volet porte sur l'encouragement à la responsabilité. En effet, un nombre croissant d'étudiants qui viennent de terminer leurs études se déclarent prématurément en faillite, et à cet effet des modifications ont été apportées à la loi afin de tenir compte de la difficulté qu'ont certains étudiants à rembourser leur emprunt, mais nous tenons cependant à protéger l'intégrité du programme de prêts aux étudiants. C'est pourquoi le projet de loi C-5 propose de faire des prêts aux étudiants des dettes non libérables pendant les deux premières années après achèvement des études, mais à la fin de cette période ces anciens étudiants pourraient, s'ils sont en mesure de prouver qu'ils connaissent des difficultés exceptionnelles, demander au tribunal de faire libérer la dette de l'étudiant.
Il n'existe pas de dispositions spéciales pour les prêts aux étudiants consentis après la période de deux ans, ce qui revient à dire que si un ancien étudiant est en faillite après la période de deux ans, les règles ordinaires s'appliquent.
J'aborderai maintenant, toujours dans le souci d'équilibre dont je parlais tout à l'heure, la question de l'excédent de revenu. Nous nous sommes efforcés, dans le projet de loi C-5, de veiller à ce que les faillis continuent de verser à l'actif de la faillite conformément aux moyens dont ils disposent. C'est pourquoi l'article 60 du projet de loi impose au failli de verser à l'actif de la faillite le montant de son revenu qui excède ce qui est nécessaire au maintien d'un niveau de vie raisonnable. Le syndic fixe le montant de revenu excédentaire que doit verser le failli, d'après les directives publiées par le surintendant. Si le failli considère que la somme fixée par le syndic est injuste, il peut faire une demande de médiation pour permettre à des séquestres officiels d'essayer de résoudre le différend entre le syndic, les créanciers et le débiteur. En cas d'échec de la médiation, l'affaire peut être portée devant les tribunaux.
On dit souvent que la libération des faillis doit être examinée, et c'est pourquoi l'une des recommandations du comité sur la faillite et l'insolvabilité, c'est que le syndic fixe les conditions d'un mandat de libération du failli. En formulant ces recommandations, le syndic doit tenir compte de l'exécution des paiements de revenu excédentaire dont je parlais tout à l'heure, ainsi que des sommes de revenu supplémentaire versées à l'actif de la faillite, en prenant en compte la capacité financière du failli et l'existence éventuelle d'une proposition de consommateurs plutôt que d'une simple déclaration de faillite.
Là encore, ces dispositions prévoient la médiation et des tentatives de transiger entre les parties. En cas d'échec de la médiation, l'affaire, là encore, peut être portée devant les tribunaux qui trancheront.
Toujours en vue d'encourager la responsabilité, une disposition de la loi porte sur les voies de fait. Il est proposé, dans le projet de loi C-5, de rendre les jugements pour voies de fait des dettes non libérables en cas de faillite, ceci afin d'empêcher que ceux qui ont été condamnés à verser des amendes pour voies de fait s'exécutent effectivement.
[Français]
Pour la troisième partie, je cède la parole à M. Hains.
M. Hains: Merci beaucoup.
Le troisième objectif prioritaire du projet de loi C-5 est de continuer à promouvoir le redressement et la réorganisation commerciale d'entreprises qui, bien que viables, se verraient dans une situation financière difficile. L'objectif est évidemment de sauvegarder ces entreprises et les emplois qui en dépendent.
Quatre grandes propositions du projet de loi C-5 visent à promouvoir les réorganisations commerciales. Le premier champ d'intervention concerne les baux commerciaux. Le projet de loi C-5 propose de modifier les amendements de 1992 pour permettre au débiteur de choisir entre trois options lorsqu'il est pris avec des baux commerciaux qui rendent sa situation financière particulièrement précaire. Il peut répudier ces baux commerciaux et, à ce moment, il aura trois choix.
Il pourra faire au locateur une offre correspondant au préjudice qu'il a subi.
Comme deuxième option, il pourra faire une offre spéciale au locateur et le mettra dans une classe de créancier particulière et exclusive pour les locateurs; à ce moment-là, il fera une offre au locateur. Dans cette option, le locateur estimera ses dommages en se basant sur une formule établie dans le projet de loi C-5, soit un an de loyer à partir de la date où on répudie le bail et par la suite 15 p. 100 du loyer excédentaire à cette année-là, jusqu'à un maximum de trois ans.
La troisième option du débiteur sera de ne pas faire d'offre du tout au locateur qui, à ce moment-là, pourra faire une réclamation en tant que créancier ordinaire en se basant sur la formule que je viens d'indiquer.
Le but est de donner aux locateurs voix au chapitre. Non seulement on leur fera une offre basée sur le préjudice subi ou sur la formule prévue au projet de loi, mais on leur permettra aussi de voter sur la proposition qui leur sera faite.
Le deuxième grand champ d'intervention se retrouve sous la rubrique «Promouvoir les réorganisations commerciales en matière de responsabilités environnementales». Encore là, la proposition du projet de loi C-5 vise à bonifier les amendements adoptés par le Parlement en 1992. Il y a quatre ou cinq éléments à la proposition dans le projet de loi C-5.
L'objectif est de mieux définir la responsabilité des professionnels de l'insolvabilité, des praticiens de façon à les encourager à accepter des mandats où il pourrait peut-être y avoir des problèmes en matière d'environnement, de façon à réduire le nombre de sites abandonnés au pays, pour le bénéfice de l'environnement et la sauvegarde des entreprises et des emplois qui en dépendent.
Quels sont ces quatre ou cinq éléments en matière de responsabilité environnementale? Premièrement, les professionnels de l'insolvabilité ne seraient plus personnellement tenus responsables des dommages causés à l'environnement après leur nomination, à moins qu'ils n'aient fait preuve de négligence grave ou d'inconduite délibérée.
Deuxièmement, si jamais ces praticiens recevaient une ordonnance de dépollution ou de réparation des dommages à l'environnement, ils auraient quatre options.
Premièrement, ils pourraient décider de se conformer à l'ordonnance et d'effectuer la dépollution, dont les coûts seraient des coûts d'administration des actifs du failli.
Comme deuxième option, ils pourraient contester devant les tribunaux compétents cette ordonnance de dépollution; ces deux options sont déjà prévues dans les lois en matière d'environnement.
La troisième option du praticien consisterait à demander à un tribunal compétent du temps de réflexion pour évaluer s'il est économique de se conformer à l'ordonnance ou non, si cela en vaut la peine et si les actifs sont suffisants pour couvrir les frais de dépollution.
Comme quatrième option, s'il croit que ce n'est absolument pas une décision économique, il pourra signifier qu'il abandonne les sites faisant l'objet de l'ordonnance.
Il est très important de souligner que le projet de loi C-5 propose pour la première fois dans l'histoire canadienne de reconnaître une créance de tout premier rang pour les réclamations en matière d'environnement, pour fins de dépollution. Cette créance de tout premier rang aurait préséance sur tout autre instrument de sûreté contractuel tel qu'une hypothèque, ou tout autre instrument de sûreté sur les biens immobiliers faisant l'objet de l'ordonnance, et également sur tout bien immobilier qui est contigu aux sites contaminés et qui a eu un rôle à jouer dans la contamination.
Donc, les réclamations en matière d'environnement, pour ce qui est de ces éléments d'actifs, seraient, selon la loi, des créances de tout premier rang, avant même les hypothèques et tout autre instrument contractuel.
Finalement, en exerçant ce droit de première créance, s'il demeure un manque à gagner au ministère de l'Environnement qui aurait dépollué les sites, s'il y a toujours une réclamation non réglée, cette réclamation sera reconnue comme une créance ordinaire pour l'ensemble des actifs de l'entreprise en faillite, contaminés ou non, continus ou non.
Il est bien important également de se rappeler que le projet de loi C-5 réitère que, bien que les praticiens ne seront plus tenus personnellement responsables à moins qu'ils n'aient fait preuve de négligence grave, la loi ne les exonérera pas de l'obligation d'informer les autorités compétentes s'ils décèlent un problème relatif à l'environnement. Nous croyons que cela contribuera énormément à un environnement sain au Canada et à la dépollution.
Je répète que cela vise à encourager les praticiens à accepter des mandats et à réduire le nombre de sites orphelins au pays. S'il y a des difficultés en matière d'environnement, il y aura quelqu'un sur les lieux pour en informer les autorités compétentes. Les éléments que je viens de vous décrire s'appliqueraient par la suite, y compris la créance de tout premier rang pour réclamation en matière d'environnement.
Un troisième champ d'intervention sous la rubrique «Promouvoir les réorganisations commerciales» a trait à la responsabilité des administrateurs. Rappelons-nous que l'objectif des amendements approuvés par le Parlement en 1992 et de ceux contenus dans le projet de loi C-5 est avant tout de sauvegarder entreprises et emplois.
Les administrateurs des compagnies insolvables qui tentent de se réorganiser et de faire un redressement de leur entreprise doivent souvent prendre des décisions très importantes et offrir aux créanciers moins que ce qui leur est dû. Par ailleurs, il arrive souvent que lors de leur prise de décisions, ces mêmes administrateurs s'exposent personnellement, en vertu des lois en matière d'environnement ou de fiscalité, à payer la différence de la dette non payée. Cela n'encourage évidemment pas les administrateurs à demeurer membres des conseils d'administration et à prendre des décisions visant à sauvegarder les entreprises et les emplois. Donc, l'objectif est d'encourager les administrateurs de sociétés en difficulté à ne pas abandonner le bateau qui coule, mais à essayer de le renflouer le plus possible.
Je ferai un survol rapide de trois éléments de l'article 82 du projet de loi C-5.
Une proposition vise à donner aux administrateurs de nos sociétés la possibilité de démontrer qu'ils ont fait preuve d'une diligence voulue et raisonnable lorsqu'ils ont rendu ces décisions.
Deuxièmement, on permet la suspension des procédures intentées à l'encontre des administrateurs pendant les procédures de réorganisation. Ce n'est pas un déni de droit ou de recours à l'encontre des administrateurs, mais simplement un sursis, un moratoire limité dans le temps.
Troisièmement, on permet aux administrateurs, dans le cadre du plan de redressement, de proposer un compromis à l'égard des réclamations auxquelles ils pourraient faire face en tant qu'administrateurs. Vous retrouvez ces amendements à la fois dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et dans les amendements proposés à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Cela m'amène au dernier grand champ d'intervention sous la rubrique «Promouvoir les réorganisations commerciales». Les articles 120 à 127 du projet de loi C-5, qui figurent aux pages 80 à 95, proposent de modifier sensiblement la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Le comité consultatif sur la faillite et l'insolvabilité a très sérieusement débattu de cette question afin de déterminer si nous devions garder une deuxième loi fédérale visant le redressement et la réorganisation des entreprises, la fameuse Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Le comité consultatif a conclu qu'il valait la peine de garder cette loi, mais qu'elle ne devait être invoquée que lors de très grosses réorganisations commerciales, dans le cas d'entreprises ayant contracté des dettes de plus de 10 millions de dollars, et pour les plus complexes. Nous devrions essayer d'encourager toutes les autres à recourir à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
On prévoit également accroître les exigences concernant la divulgation d'états financiers et d'informations financières permettant aux créanciers de ces compagnies de savoir où le débiteur s'en va et de prendre des décisions en connaissance de cause.
Le projet de loi C-5 prévoit également la nomination d'un contrôleur, ou monitor, dans les cas de réorganisation en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Une autre proposition vise à limiter dans la durée la période initiale de moratoire, c'est-à-dire la période d'arrêt des procédures en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, à un maximum de 30 jours sans prolongation automatique. Il faudra que le débiteur revienne devant le tribunal s'il a besoin de plus de temps.
Le projet de loi propose de soustraire à cette suspension ou à ce moratoire les mêmes éléments qui sont déjà prévus dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, c'est-à-dire les contrats financiers admissibles, les lettres de crédit et autres garanties personnelles.
En se reportant au cas de Steinberg au Québec, le projet de loi C-5 propose que nul fournisseur ou créancier ne soit obligé d'avancer d'autres fonds ou de fournir d'autres biens sans garantie de paiement immédiat.
Au chapitre des réclamations de Sa Majesté, le projet de loi C-5 propose d'apporter à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies les modifications que nous retrouvons depuis 1992 dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, en vue de l'harmonisation et de l'uniformisation des règles entre les deux lois.
Le projet de loi C-5 propose également que lorsqu'une entreprise débitrice commence un redressement d'entreprise en vertu de l'une des deux lois, elle ne pourra pas à mi-chemin, s'apercevant que peut-être les créanciers lui causeront des problèmes, changer d'idée et recommencer à nouveau en vertu de l'autre loi.
Le projet de loi C-5 propose également d'harmoniser dans les deux lois les proportions de votes des créanciers par catégorie de créanciers pour approuver un plan de redressement aux deux tiers et, finalement, d'adopter les mêmes formulaires de façon à ce que l'information soit standardisée pour les créanciers et les gens impliqués dans le processus de redressement d'entreprise.
Finalement, mon collègue M. Tobin décrira dans quelques instants la situation des insolvabilités internationales. Les modifications que nous proposons en matière de responsabilité des administrateurs et d'environnement prévalent tant pour la Loi sur la faillite et l'insolvabilité que pour la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Comme je le disais, nous avons pour but d'avoir deux régimes, dont un pour les grandes entreprises et les réorganisations un peu plus complexes, tout en harmonisant les règles de procédure entre les deux régimes et l'information mise à la disposition des créanciers en vue de leur permettre de prendre une décision éclairée sur les plans de réorganisation.
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. Valeri): Merci.
Monsieur Tobin.
M. Tobin: Je voudrais compléter ce que je viens de dire en vous signalant deux autres points, dont le premier porte sur la faillite des courtiers en valeurs mobilières.
Vous n'ignorez pas qu'un nombre de plus en plus grand de gens investissent des capitaux dans la Bourse. On a posé au Comité consultatif des entreprises et de l'industrie la question de savoir ce qui se passe au cas où une faillite concerne un cabinet de courtiers en valeurs mobilières. Nous avons donc prévu, à partir de l'article 118 du projet de loi C-5, des dispositions spéciales énonçant les propositions pour toute faillite de ce genre.
D'après ces dispositions, un régime spécial s'appliquerait à toute personne qui vend et achète des titres, dispositions permettant à une commission ou bourses des valeurs mobilières de demander la faillite, ainsi qu'à des organismes d'indemnisation des clients. Ces dispositions prévoient, pour l'essentiel, la mise en commun des valeurs mobilières de cette firme, afin d'éviter les problèmes du dépistage des propriétaires des valeurs mobilières.
Vous n'ignorez pas que dans la plupart des cas les valeurs mobilières ne sont pas aux mains du propriétaire enregistré, mais dans une sorte de fonds des clients, de sorte qu'il devient très difficile de retrouver les propriétaires réels. Ces valeurs mobilières seraient donc tenues dans un fonds au nom du syndic. Celles qui sont enregistrées au nom du client et qui ne sont pas négociables resteraient en dehors de ce fonds, et seraient restituées au propriétaire enregistré.
Les syndics seraient autorisés à disposer rapidement de ces valeurs mobilières, sans autorisation, par l'inspecteur, de les acheter, vendre ou distribuer, de libérer les intérêts et de maintenir le transfert de comptes liquidés. Cette mesure est destinée à prendre en compte la volatilité du marché des valeurs mobilières et de permettre aux syndics d'en disposer rapidement et avec le maximum d'efficacité, dans l'intérêt du propriétaire de ces valeurs.
Ces mesures ne changent d'aucune façon la protection accordée aux investisseurs dans le cadre d'un régime tel que le Fonds de protection des investisseurs canadiens. Il s'agit simplement de disposer des actifs détenus par un courtier en valeurs mobilières en cas de faillite.
L'autre cas porte sur l'insolvabilité en contexte international. Compte tenu de la conjoncture actuelle, il existe toujours un danger et la possibilité que les créanciers débiteurs franchissent les frontières, et il faut savoir ce qu'il convient de faire en l'occurrence. Les dispositions du projet de loi C-5 essaient de codifier ce qui a toujours été la pratique au Canada. Elles traitent de la reconnaissance des représentants étrangers, du pouvoir donné à un tribunal de rendre les ordonnances nécessaires à la facilitation et à la coordination des insolvabilités internationales; elles prévoient des dispositions permettant aux représentants étrangers d'entamer des poursuites au Canada, conformément aux lois en usage dans notre pays. Ces dispositions précisent toutefois que la suspension des procédures à l'étranger ne s'applique pas, mais qu'un représentant étranger peut s'adresser au tribunal pour demander une suspension de procédures au Canada; et que les créanciers et actifs canadiens sont protégés par les règles de faillite et d'insolvabilité.
Enfin, environ la moitié des articles du projet de loi C-5 sont d'ordre technique et conçus pour rationaliser et améliorer l'administration de la loi au jour le jour. Il s'agit, entre autres, de normaliser les périodes de référence de la loi et de les préciser, d'indiquer clairement que ceux qui ont des relations financières avec les débiteurs ont droit à des conseils. Des propositions conjointes de consommateurs sont également prévues.
Ceci conclut notre exposé d'introduction. Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition pour répondre, le cas échéant, à vos questions.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Valeri): Je vous remercie, monsieur Tobin.
[Français]
Monsieur Leblanc.
M. Leblanc (Longueuil): Dans le troisième grand principe, vous parliez de promouvoir le redressement des entreprises plutôt que de les laisser faire faillite. En même temps, vous semblez donner beaucoup de possibilités à la compagnie qui est au bord de la faillite. Vous avez parlé entre autres d'arrangements particuliers avec les fournisseurs et locateurs.
Ne pensez-vous pas qu'en favorisant trop le redressement de l'entreprise, vous risquez d'entraîner d'autres faillites?
Il me semble que vous déresponsabilisez un peu les gens plutôt que de les responsabiliser. Le fait d'être obligé de faire faillite responsabilise parfois les administrateurs d'une entreprise. Il y aurait probablement moins de faillites.
Au fond, vous risquez qu'il y ait plus de faillites. Vous créez une espèce d'entraînement à la faillite parce que vous déresponsabilisez les administrateurs des entreprises. C'est ma perception.
M. Tobin: Je commencerai à répondre à votre question et je demanderai peut-être à MM. Hains et Redling d'intervenir.
[Traduction]
Les dispositions de 1992 ont été conçues de façon à essayer d'établir l'équilibre. Aux fins de réorganisation, il a été prévu que si les créanciers considèrent que certaines des dispositions sont trop généreuses envers le débiteur, les tribunaux peuvent intervenir, le cas échéant, afin de redresser l'équilibre.
Vous parliez, dans votre question, de la responsabilité du directeur. L'objectif, en l'occurrence, est d'essayer de maintenir les directeurs à leur poste pendant la période difficile que traverse l'entreprise. Les membres du comité ont insisté sur le fait que les gens ne devraient pas pouvoir se dérober à leurs responsabilités, et c'est pourquoi il est considéré, dans cette loi, qu'une réorganisation d'une entreprise encore active est préférable à une faillite.
Nous nous sommes efforcés d'introduire dans le projet de loi C-5 des mesures permettant au directeur de conserver son poste durant les tentatives de réorganisation. J'ajouterais que les dispositions concernant les directeurs sont mises aux voix par les créanciers, qui peuvent les rejeter s'ils considèrent que les dispositions sur les suspensions de procédures sont trop généreuses.
[Français]
Je ne sais pas si MM. Redling et Hains ont quelque chose à ajouter.
M. Redling: J'aimerais ajouter quelques mots.
[Traduction]
L'importante question des poids et contrepoids, et des délais accordés a été examinée en 1992. On considérait en effet que si l'on donne trop de temps pour la réorganisation, d'autres entreprises risquent de faire faillite, et c'est pourquoi le calendrier des réorganisations a été structuré en compartiments assez rigides. La période proposée est de 30 jours, qui peut être prorogée par les tribunaux de 45 jours supplémentaires chaque fois, jusqu'à six mois au plus. Comme le faisait remarquer M. Tobin, si un créancier subit un préjudice matériel pendant ce temps, il peut s'adresser aux tribunaux soit pour abréger les délais, soit même pour annuler la proposition. Des éléments d'équilibre ont donc été introduits.
Au cours des dernières années, nous avons constaté que les propositions de division qui échouaient tendaient à le faire assez rapidement, généralement dans les premiers deux ou trois mois. C'est à dessein qu'on avait agi ainsi, afin que les créanciers n'aient pas à accepter des propositions non viables dès le début. Nous avons donc veillé à doter le système de poids et contrepoids.
Le vice-président (M. Valeri): Êtes-vous disposé à partager votre temps, monsieur Leblanc? Monsieur Lebel, vous avez la parole.
[Français]
M. Lebel (Chambly): Bien que nous comprenions le souci du ministère de l'Industrie,M. Tobin ou M. Hains pourrait-il me dire si cette refonte profonde de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité de 1992 apporte des éléments vraiment nouveaux? Il est curieux que le ministère de l'Industrie gère ce dossier, parce que le traitement d'une faillite est hautement juridique.
Il ne s'agit pas d'un empêchement dirimant, mais je voudrais quand même savoir si votre énoncé de principes dit clairement à l'administrateur de faillites ou au syndic que la loi qui lui confère présentement le rôle de représenter tous les créanciers sera modifiée et qu'il se retrouvera assis entre deux chaises, sans savoir qui il représente, le failli ou l'ensemble des créanciers.
Le syndic ne saura peut-être pas qui il représente. On a des piles de jugement récents et anciens de syndics, de faillites frauduleuses et d'annulation de faillites qui s'accumulent, ce que l'on voyait très peu et qu'on voit beaucoup plus fréquemment de nos jours. Des syndics sont accusés de fraude dans de récents jugements. Le syndic aura beaucoup de difficulté à définir son rôle parce qu'il n'est pas clairement énoncé dans le projet de loi, dans la loi comme telle ou dans la modification que vous apportez.
Il y a deux ans, je crois, on publiait dans la Gazette du Canada un code de déontologie qui, semble-t-il, devait s'appliquer aux syndics. À la lumière de vos grands principes de modification de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, avez-vous songé à revoir votre code de déontologie?
Entre autres, rien ne dit que le syndic ne peut pas confier les biens dont il a la garde à une personne criminelle, ou qu'il doit avoir un compte en fidéicommis spécial pour chaque transaction qu'il gère. Vous conviendrez que ce code de déontologie est nettement insuffisant. Il est tellement sommaire qu'en réalité il ne s'applique à personne.
[Traduction]
Le vice-président (M. Valeri): Il vous reste environ trois minutes. Je propose que les témoins répondent aux questions, et nous reviendrons à votre dernière question après avoir donné la parole aux députés de l'autre bord.
Monsieur Tobin, vous avez la parole.
M. Tobin: Je vais demander à Marc Mayrand de répondre très rapidement sur son introduction, à savoir le rôle et la responsabilité de notre ministère dans l'élaboration de cette loi. Il est juste de reconnaître, je crois, que c'est l'une des lois qui établissent les règles du marché.
[Français]
dont Industrie Canada est responsable. Je pourrais mentionner maintes autres lois dont le ministère est responsable, dont le Canada Business Corporations Act, le Canada Cooperative Associations Act et la Loi sur les brevets. Pour répondre plus précisément aux questions relatives aux syndics, je céderai la parole à M. Mayrand qui s'y connaît mieux.
M. Mayrand: La question soulevée est à la fois délicate et importante. C'est la question du rôle du syndic en matière de faillite ou d'insolvabilité en général, de ses responsabilités et de ses devoirs vis-à-vis des créanciers et des débiteurs.
Il faut se rappeler qu'en vertu de la loi, le syndic de faillite est un officier de la cour et qu'il doit, à ce titre, agir de façon objective impartiale. Il doit évidemment soutenir l'intégrité et l'autorité du régime et des tribunaux. Le syndic est également assujetti à différents droits et devoirs énoncés dans la loi. Il détient une licence qui lui confère certaines responsabilités qui sont aussi énoncées dans la loi.
Le code de déontologie ou d'éthique qui a été formulé il y a près d'un an précise de façon plus générale les obligations professionnelles d'un syndic, tant vis-à-vis du débiteur que des créanciers ou des tiers qui pourraient avoir un intérêt dans une procédure d'insolvabilité quelconque. Le code devra-t-il être révisé à la lumière des amendements qui sont examinés aujourd'hui? C'est sûrement une question qu'on devra considérer.
[Traduction]
Le vice-président (M. Valeri): Monsieur Shepherd, vous avez la parole.
M. Shepherd (Durham): Je vous remercie.
J'ai plusieurs questions portant sur toutes sortes de sujets mais je dirais, d'une façon générale, que dans la comparaison entre notre loi sur la faillite et celle des États-Unis,... je pense au chapitre 11, où l'on s'efforce de remédier aux abus dans les cas où les faillis se sont servis de la loi pour se protéger des poursuites, et après s'être déclarés en faillite, ont repris leurs affaires.
Certaines de vos remarques m'ont inquiété. Vous parliez de dépollution de l'environnement et du fait que ces coûts vont passer en priorité avant les créanciers existants, par exemple les hypothèques. Qu'est-ce qui empêche un abus, par exemple dans le cas d'une personne qui est insolvable ou qui menace de se déclarer insolvable et qui dit: je vais faire exactement l'inverse, je vais importer des matières dangereuses sur mon terrain et demander ainsi protection contre mes créanciers? Comment empêcher que ces dispositions de la loi ne se prêtent aux abus?
M. Tobin: Pour répondre à votre première question concernant les insolvabilités internationales, il est toujours difficile de faire des comparaisons d'un pays à l'autre, mais les dispositions de réorganisation que nous avons introduites ici seulement en 1992... Le nombre de sociétés qui survivent, dans notre pays, depuis l'expérience canadienne de 1992, est au moins aussi bon, sinon meilleur, que ce qui a été l'expérience dans le cadre du chapitre 11.
M. Redling: Monsieur le président, à examiner les propositions de la division 1, les propositions concernant les entreprises, dans notre loi, nous constatons que dans l'ensemble les réorganisations dans le cadre du chapitre 11 prennent environ deux ans, et le taux de survie des sociétés semble s'établir entre 12 et 17 p. 100. Ce sont là les renseignements qui nous proviennent des États-Unis.
Nos propres réorganisations d'entreprises de la division 1 ont un délai prescrit de six mois, délai qui ne peut être prolongé. La plupart d'entre elles sont approuvées dans ce délai, ou en moins de six mois, et nous constatons que le taux de survie est d'environ 55 p. 100, ce qui revient à dire que ces réorganisations obtiennent l'approbation du tribunal et des créanciers dans 55 p. 100 des cas.
Il est trop tôt pour prédire ce que sera le taux de succès par opposition au taux de survie, parce que ces dispositions n'ont été mises en application qu'en 1993, mais nous en suivrons l'évolution. Les premiers résultats sont tout à fait encourageants, si on les compare avec ceux des États-Unis.
M. Tobin: Monsieur le président, je peux, si le député le désire, demander à M. Marantz, qui a de l'expérience de part et d'autre de la frontière, de nous dire brièvement ce qu'il a pu constater avec l'application du chapitre 11.
M. Gordon Marantz (conseiller juridique auprès du ministère de l'Industrie): Monsieur le président, quand nous avons travaillé sur les amendements de 1992, nous craignions tous d'adopter des dispositions de réorganisation de style américain qui, est-il généralement reconnu, sont trop complaisantes envers les débiteurs. Un équilibre plus équitable est souhaitable.
Les dispositions introduites en 1992 dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ont favorisé davantage l'égalité des chances, ont donné aux créanciers la possibilité de vérifier la légitimité de ce que les débiteurs essayaient de faire et ont assuré, d'une façon générale, plus d'équité. Rappelez-vous également que pendant tout ce temps les débiteurs s'abritaient derrière la Loi sur les arrangements avec le créancier des compagnies, qui n'avait pas de règles et était entièrement laissée à l'appréciation judiciaire et à l'imagination des débiteurs. À la suite de ces amendements, bien entendu, un nombre plus grand de règles vont être imposées dans le cadre de la LACC, afin de redresser la situation.
Nous avons donc soigneusement veillé à donner leur chance aux débiteurs, mais non aux dépens des créanciers. L'expérience canadienne est très différente de ce qu'elle a été aux États-Unis.
M. Shepherd: Je vous remercie de ce commentaire. La question que je posais portait sur la proposition de dépollution de l'environnement, sur le rang que celle-ci occupait par rapport aux autres créanciers et sur les possibilités d'abus.
M. Hains: Monsieur le président, je ne pense pas que les propositions du projet de loi C-5 reconnaissant, pour la première fois dans l'histoire du Canada, l'importance d'un environnement propre en assignant le premier rang aux coûts de dépollution, risquent d'encourager ou de décourager les importations ou les exportations de produits contaminants, si j'ai bien compris la question du député. En premier lieu, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne traite pas de ce sujet, ce sont les lois sur l'environnement du gouvernement canadien et des provinces qui auraient compétence en matière d'importation et d'exportation, et je crois savoir que ces règlements sont très stricts.
Mais pour répondre à votre question, la proposition du projet de loi C-5 ne semble pas de nature à encourager le genre de comportement stratégique auquel fait allusion votre question.
M. Shepherd: Je voudrais ensuite aborder la question des prêts aux étudiants. La loi prévoit une disposition de libération, et la question se pose de savoir si l'étudiant a agi de bonne foi. Qu'entendons par «de bonne foi»? Est-ce là une définition? Avez-vous une définition de cette expression?
M. Hains: À ma connaissance, il n'existe pas de définition de «bonne foi» dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Lorsque la question a été examinée par le comité consultatif sur la faillite et l'insolvabilité, on a évoqué la possibilité de certains étudiants qui feraient peut-être de grands voyages, ou se la couleraient douce pendant deux ans et se déclareraient alors en faillite le 25e mois, auquel cas leurs dettes seraient libérables, puisqu'elles auraient étaient contractées dans la période de 24 mois.
L'expression «de bonne foi» vise donc à fournir des arguments, le cas échéant, à un administrateur du programme des prêts aux étudiants qui pourrait opposer au juge que la personne en question n'a pas vraiment été de bonne foi, n'a pas cherché d'emploi pendant cette période, etc.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de donner une définition dans la loi, mais le principe y figure et c'est important.
M. Shepherd: Je voudrais également mentionner l'article 48, qui porte sur les agriculteurs et les pêcheurs. Voilà qui m'intrigue, car nous avons une autre loi actuellement devant la Chambre, à savoir le projet de loi C-38 qui porte sur le Bureau d'examen de l'endettement agricole. N'y a-t-il pas risque de chevauchement entre ces deux lois?
Je sais qu'il est question, dans le projet de loi sur le Bureau d'examen de l'endettement agricole, d'un processus de médiation, mais dans ce projet de loi il est également question d'agriculteurs et de pêcheurs, et je me demande si ce n'est pas à l'agriculteur de décider de quelle loi il relèvera.
M. Tobin: Je ne connais pas bien les dispositions de l'autre loi.
Georges, les connaissez-vous?
M. Redling: Je crois que la Loi sur l'examen de l'endettement agricole permet aux agriculteurs de renégocier, avec leurs créanciers, les prêts portant sur les opérations agricoles. L'article 48 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne s'applique qu'à la capacité de quelqu'un de présenter une pétition en vue d'une ordonnance de faillite contre un agriculteur.
Ce que propose cet amendement, c'est d'élargir légèrement la définition de sorte qu'un agriculteur qui a également un revenu provenant de sources autres que l'agriculture puisse se prévaloir de ces dispositions, maintenir son statut d'agriculteur ou de pêcheur pour la protection que lui offre cette disposition de la loi.
M. Shepherd: Ce qui m'intrigue, je pense, c'est le fait que les deux projets de loi semblent empiéter l'un sur l'autre. S'il y a une mesure visant l'insolvabilité, une saisie ou un mandat de vente d'un bien, un agriculteur peut simplement demander une suspension, de sorte que le créancier qui essaie d'obtenir compensation aux termes de votre loi se trouverait tout à coup frustré par la seconde loi.
M. Tobin: Pourrions-nous demander à M. Marantz de répondre sur ce point?
M. Marantz: La Loi sur l'examen de l'endettement agricole permet à l'agriculteur d'obtenir une médiation ou de discuter de sa situation, de sorte que lorsque le créancier veut appliquer ses droits contre l'agriculteur, ces derniers sont automatiquement fixés par la loi. Si ce processus échoue, l'agriculteur peut être placé sous administration judiciaire et la banque peut saisir l'entreprise agricole, les animaux, etc., mais la loi permet également à l'agriculteur de déposer une demande de faillite, afin de résoudre ses difficultés financières, ou un créancier peut déposer une pétition demandant l'ordonnance de faillite contre cette personne, mais toutes ces options ne se présentent qu'en cas d'échec du processus d'examen de l'endettement agricole.
Les deux textes de loi sont donc en fait complémentaires.
[Français]
M. Lebel: Lorsque vous parlez de la créance privilégiée sur immeuble, avant même le créancier hypothécaire, pour des fins de décontamination, êtes-vous conscient que vous entrez carrément dans la juridiction des provinces? Vous venez de changer les rangs des hypothèques entre elles.
Une telle disposition ne pourrait-elle pas nuire à des entreprises qui vont bien et qui auraient éventuellement de la difficulté à se refinancer ou à hypothéquer leur propriété parce qu'elles manipulent des matières susceptibles de contaminer l'environnement où elles évoluent?
Une telle mesure pourrait avoir un effet pervers et insoupçonné qu'on ne constate qu'une fois qu'elle est mise en oeuvre.
Certains créanciers pourraient ainsi décider de ne pas accorder de prêts à un producteur d'engrais chimique, craignant d'être un jour pris avec un syndic qui les ruinerait.
Avez-vous tenu des pourparlers avec les autorités provinciales et celles des territoires avant de nous suggérer cette modification?
Pour en revenir au syndic, dont le rôle n'était pas bien défini, je me souviens qu'à la fin de l'automne dernier, des documents contenus dans notre pochette, que je n'arrive pas à repérer en les feuilletant rapidement, disaient que le syndic aurait dorénavant le pouvoir, à même l'actif réalisé ou réalisable, de faire suivre des traitements psychologiques au failli ou à sa famille.
Il me semble avoir vu cela. Est-ce ainsi? Pourriez-vous me préciser l'article du projet de loi puisque je l'ai complètement oublié? C'est ce à quoi je faisais allusion lorsque je vous demandais pour qui le syndic agit.
J'aimerais bien que vous répondiez à ma première question. Vous venez chambarder le droit provincial de la propriété et les lois civiles. Je comprends qu'il s'agit d'une compétence accessoire, mais elle risque d'avoir des effets néfastes sur le financement de l'entreprise.
[Traduction]
M. Tobin: Quant aux questions environnementales, le projet de loi propose d'assigner certains privilèges ou priorités aux responsabilités ou problèmes environnementaux. Ces dispositions ont fait l'objet de discussions, à l'époque, par le Conseil canadien des ministres de l'environnement ainsi qu'avec les syndics, l'objectif étant d'essayer d'éviter d'avoir des terrains dont le propriétaire est inconnu. Ce n'était ni de l'intérêt des syndics ni de celui du débiteur, ni de l'intérêt de ceux qui se préoccupent de l'environnement, d'avoir des terrains abandonnés. Là encore l'objectif était d'essayer d'intervenir pour que ces terrains soient pris en charge, et c'est ce qu'ordonne la loi.
Le second objectif, bien entendu, est d'essayer de montrer la priorité que la société donne à l'environnement et à sa dépollution. Ce que propose donc la loi, c'est d'assigner un certain rang aux actifs ou à certains des actifs qui se trouvent sur ce terrain.
[Français]
C'était le but du projet de loi.
[Traduction]
Le syndic sera-t-il disposé à s'occuper de certains de ces terrains? Examinons brièvement cette question: nous nous sommes efforcés d'introduire ici des mesures qui permettraient au syndic de savoir ce qu'il convient de faire de ces terrains pollués. Nous avons constaté, en fait, qu'avant 1992, et dans une moindre mesure après 1992, les syndics ne s'aventuraient pas sur ces terrains endommagés par la pollution, parce qu'ils auraient risqué d'en devenir responsables, ce à quoi nul ne tenait.
Quant à la question de financement, la Loi sur la faillite ne traite pas du problème de financement de certaines catégories d'entreprises. Si celles qui sont écologiquement vulnérables sont plus difficiles à financer, c'est peut-être en raison de la nature de leurs activités et non à cause de la Loi sur la faillite.
[Français]
M. Mendelsohn pourrait ajouter quelques mots à ce sujet.
M. Lebel: Prenons l'exemple d'une entreprise assez importante qui produit des engrais chimiques ou toute matière susceptible de polluer.
Je suis d'accord avez vous qu'elle ne consultera pas la Loi sur la faillite et l'insolvabilité avant de commencer, mais elle ira voir son banquier pour emprunter un ou deux millions de dollars pour lancer son entreprise. Le banquier, en entendant dire que l'entreprise entend faire de l'engrais chimique, répondra qu'il ne lui accordera pas de prêt parce qu'elle pourrait polluer son environnement par inadvertance; il n'aurait alors plus de recours et serait tenu de dépolluer. Le syndic lui garrocherait cette responsabilité entre les bras.
Il refusera alors de prêter à l'entreprise. L'effet souhaité va donc à l'encontre des efforts de l'entreprise qui voudrait naître. C'est le sens de ma question, à laquelle je vous invite à répondre.
M. Max Mendelsohn (conseiller juridique retenu par le ministère de l'Industrie): Le problème existe déjà. Les sites contaminés sont déjà hypothéqués; s'il ne le sont pas légalement, ils le sont en pratique. De toute façon, les banques ne prêtent pas avant de faire des analyses du sol. Elles ne prennent pas possession de terrains sans faire des analyses du sol.
Au point de vue pratique, on ne peut rien faire de ces terrains de toute façon. En donnant une garantie prioritaire, j'ai l'impression qu'on ne change rien à la disponibilité des marges de crédits affectées aux terrains.
M. Lebel: On ne parle pas de terrains déjà pollués qui sont entre les mains d'un syndic. Dans un chapitre de votre réforme, vous dites vouloir encourager l'entreprise susceptible de se redresser.
J'irai plus loin en disant qu'une entreprise qui veut naître risque de ne jamais trouver de prêteur hypothécaire, de nantissement, de droit réel ou quoi que ce soit. Si son activité est susceptible de polluer un jour, dans dix ans peut-être, le créancier n'accordera pas de prêt, sachant que la Loi sur la faillite et l'insolvabilité s'en vient et que si par mégarde on déversait dans l'environnement un baril de 45 gallons de chlorure de potassium, c'est lui qui se retrouverait avec le problème, et non le syndic et l'ensemble des créanciers. Est-ce qu'il va prêter quand même puisque son risque est accru? C'est ce que j'essaie de vous faire comprendre.
M. Mendelsohn: Je pense que même dans le cas que vous décrivez, la situation ne changera pas parce que le créancier hypothécaire sait qu'on s'apprête à changer la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Le créancier hypothécaire sait dès le début que si le terrain devient pollué, il a un problème et son actif perd sa valeur, qu'il y ait une hypothèque ou pas.
M. Lebel: Je suis d'accord avec vous, sauf que...
[Traduction]
Le vice-président (M. Valeri): Je vais vous demander d'y revenir. Vous pourrez peut-être reformuler votre question afin qu'elle soit un peu plus claire parce que vous n'avancez pas ici. Vous avez essayé de donner une réponse, mais ce n'est pas ce que M. Lebel vous a demandé.
Monsieur Hains.
[Français]
M. Hains: J'aimerais rappeler aux membres du comité que lors des consultations qui ont mené à la proposition, le Conseil canadien des ministres de l'environnement, les praticiens en insolvabilité et les banquiers étaient tous représentés. Alors, c'est en toute connaissance de cause qu'ils ont ont agi.
Nous ne pensons pas que la proposition changera maintenant quoi que ce soit au financement des entreprises risquant de causer des dommages à l'environnement. Les banquiers étaient impliqués dans la formulation de la proposition.
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. Valeri): Monsieur Ianno.
M. Ianno (Trinity - Spadina): Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions. J'aimerais savoir si on peut y trouver réponse dans cet amendement au projet de loi C-5. Tout d'abord, quand on fait faillite... Ce que je constate chez bon nombre de petits entrepreneurs de ma circonscription, c'est leur irritation... S'il s'agit d'une faillite légitime et que la personne ferme boutique, on peut admettre ça. Cela arrive, malheureusement, et les gens comprennent que lorsque l'entrepreneur est intègre... Ce qu'ils ne peuvent admettre, c'est qu'une personne ferme boutique un jour et que le lendemain, et peu importe quand après, tout à coup, on voit apparaître une nouvelle entreprise, avec les mêmes gens, et tout à coup les créanciers et les personnes qui sont de bonne foi se retrouvent les mains vides.
Qu'avez-vous fait pour remédier à cela? Si l'on ne fait presque rien, pourquoi? Que pouvons-nous faire pour nous assurer que les entrepreneurs ne se font pas avoir quand il y a escroquerie.
M. Tobin: Il faut comprendre que la Loi sur la faillite est faite pour les personnes qui ne peuvent rembourser leurs dettes, et au bout du compte, il est très rare que tous les créanciers soient remboursés au grand complet, parce que si c'était le cas, il n'y aurait pas de faillite. La Loi sur la faillite ne dit pas qui peut se lancer en affaires et qui ne peut pas. Il y a d'autres dispositions pour cela, mais elles ne font pas partie du régime des faillites. Le régime des faillites ne fait que régir le comportement des emprunteurs, des prêteurs et des créanciers lorsqu'il survient une situation où une personne ne peut rembourser ses dettes.
Dans la situation que vous dites, je ne crois pas que la personne qui se retrouve les mains vides, comme vous dites, soit dans une situation pire qu'avant. Autrement dit, sa situation est-elle pire avant ou après que l'entreprise a fermé et a rouvert ses portes sous un régime différent? Je ne crois pas que la Loi sur la faillite traite de ce genre de situation, et je ne crois pas qu'elle soit faite non plus pour remédier à ce genre de situation.
M. Ianno: Qui va remédier à cette situation?
M. Redling: Je comprends l'irritation qu'on ressent ici: il s'agit de ces entreprises en faillite qui rouvrent leurs portes sous un autre nom. S'il s'agit d'une question de fraude, ou s'il y a collusion pour éviter de rembourser un prêt, il y a des mesures dans le Code criminel qui visent à contrer ce genre de chose, et il existe aussi des infractions en vertu de la Loi sur la faillite. Je crois que ce que M. Tobin...
M. Ianno: Vous dites que la Loi sur la faillite comporte des mesures.
M. Redling: Oui.
M. Ianno: Y a-t-il quelque chose en ce sens dans la Loi sur la faillite?
M. Redling: Eh bien, la Loi sur la faillite comporte des dispositions concernant les préférences frauduleuses. Par exemple, si un créancier jouit d'une préférence frauduleuse dans ce genre de transaction, la loi peut intervenir. La loi prévoit donc des mesures.
M. Ianno: Je ne parle pas des cas où un créancier sur dix reçoit un traitement privilégié. Je parle des cas où vous avez quelqu'un qui est en affaires depuis 20 ans. Tout à coup, cette personne décide de faire faillite. Sa femme ouvre une entreprise semblable en face, sous un nom différent, et l'on ne doit plus rien à des gens à qui on devait 500 000$ hier. Vous ouvrez une nouvelle entreprise et vous êtes encore en affaires le lendemain. Mais ce n'est plus sous votre nom. Que peut-on faire ici?
M. Marantz: C'est une question tout à fait légitime. C'est celle qu'on a posée à l'examen des syndics il y a plusieurs années de cela, lorsque j'ai fait l'examen.
Le vice-président (M. Valeri): J'espère que vous y avez bien répondu.
M. Marantz: C'est une question de perception sur le marché, et c'est toujours une question difficile.
M. Ianno: Vous dites que c'est une perception?
M. Marantz: Non. C'est une question fondamentale, mais il faut aller un peu plus loin et se demander pourquoi Jean Dupont dirige la même entreprise, au même endroit et avec les mêmes employés et le même stock sans que les créanciers soient remboursés.
La Loi sur la faillite ne dit pas qui peut se lancer en affaires et qui ne peut pas, il faut donc se pencher sur les causes de ces circonstances. Cela ne justifie rien, mais c'est une explication.
M. Ianno: Disons qu'il s'agit d'une escroquerie et que ce n'est pas une perception. Comment peut-on modifier la Loi sur la faillite pour protéger les personnes innocentes?
M. Marantz: Je pense que c'est le Code criminel qui doit intervenir ici. Il s'agit ici d'une question de fraude. Chose certaine, si le séquestre ou le syndic prend possession des biens aux termes des procédures voulues et qu'il revend ces biens, et si les débiteurs de l'ancienne entreprise en forment une nouvelle et font une offre pour racheter ces biens, alors, si ces débiteurs ont racheté ces biens à un prix équitable, il n'y a rien dans la loi qui leur interdit de les racheter.
M. Ianno: Toute la question est là. Comment allons-nous changer cela? Que pouvons-nous faire? Y a-t-il un remède dans la loi ou devons-nous invoquer une autre loi pour s'assurer que les débiteurs seront punis?
Si, malheureusement, vous êtes dans des circonstances telles que vous ne pouvez rester en affaires, alors tout le monde comprend ça, mais je crois comprendre que dans la plupart des cas légitimes, le débiteur ne peut se relancer en affaires le lendemain avec son conjoint ou un parent parce qu'il a déjà tout fait pour rester en affaires. Mais maintenant, étant donné qu'il y a des escrocs, quelles modifications pouvons-nous apporter à cette loi ou à toute autre loi pour exclure de l'entreprise en faillite frauduleuse toute personne qui était directement ou indirectement liée, sans compromettre le droit de cette personne au travail?
M. Marantz: Mais vous parlez de deux choses différentes. Vous parlez d'abord d'une escroquerie, puis vous parlez ensuite du parent qui achète l'entreprise en faillite. Le parent qui l'achète peut être parfaitement honnête. Si ce parent a de l'argent et qu'il donne une garantie à la banque qui lui prête, ce parent a parfaitement le droit d'emprunter et de rouvrir l'entreprise. Ce n'est pas une escroquerie.
M. Ianno: Oui, mais je veux savoir pourquoi la banque intervient?
M. Marantz: Il s'agit de savoir normalement qui est le premier créancier, et c'est le cas de la plupart des biens. Dans 99 p. 100 des cas, la banque est...
M. Ianno: Vous dites donc qu'on ne peut rien faire pour prévenir ce genre de chose.
M. Marantz: Non. Les gouvernements peuvent proposer des lois qui interdisent à certaines personnes de rester en affaires si elles ont fait faillite.
M. Ianno: Et ce n'est pas dans la Loi sur la faillite. C'est ce que vous dites?
M. Marantz: Le gouvernement peut choisir la loi qu'il veut.
M. Ianno: Où nous recommandez-vous d'intervenir?
M. Marantz: Dans une loi distincte probablement.
M. Ianno: Comme ici, à l'Industrie? Où devons-nous intervenir?
M. Marantz: Il y a beaucoup de discrétion qui intervient ici. Je ne fais que conseiller le gouvernement sur la loi. Ce n'est pas moi qui arrête la politique gouvernementale.
M. Ianno: Mais vous êtes également payé pour donner des conseils d'efficience au gouvernement, non?
M. Marantz: J'aimerais bien que ça soit le cas.
Toute loi...
M. Ianno: Il y a peut-être quelque chose que je ne comprends pas ici. Pourquoi est-ce qu'on paie les fonctionnaires?
M. Tobin: Je vais clarifier le rôle de M. Marantz ici. M. Marantz a été engagé par le ministère pour nous donner des conseils concernant la Loi sur la faillite.
Je suis désolé. J'aurais dû le dire plus tôt.
Pour en revenir à ce que vous disiez plus tôt, au sujet des banques, je crois que ce queM. Marantz voulait dire en général... Les biens de l'entreprise dont vous parliez sont les biens pour lesquels la banque possède une garantie. C'est pourquoi la banque touche de l'argent à la vente de ces biens. Si la valeur des biens dépasse la garantie de la banque, les dispositions de la Loi sur la faillite interviennent et les créanciers ordinaires ont des recours...
M. Ianno: Je ne parle pas seulement des biens. Je parle de la possibilité qu'a une personne de mettre son conjoint à sa place, de repartir avec les mêmes listes de clients, jusqu'au bout, et d'ouvrir ce qui est en fait une nouvelle entreprise, et les personnes qui ont fourni les biens et les services n'ont aucune protection, aucune. Je ne parle pas seulement du point de vue de la loi, je veux savoir comment on peut modifier la loi pour prévenir ce genre d'escroquerie?
M. Tobin: Si je vous suis bien, il faut tenir compte de plusieurs facteurs. Je ne sais pas quelle loi vous voulez proposer ici. Je ne sais pas ce que vous voulez au juste, et je ne suis pas certain qu'on peut proposer une loi ici. Je vous le dis tout de suite.
Ce qu'il faut savoir entre autres choses, c'est si la loi peut décider qui a le droit d'être en affaires? Est-ce qu'on peut légiférer en ces matières? Il vous faut savoir aussi ce que vous comptez faire des parents de ceux qui ont pris part à une escroquerie. Il vous faut tenir compte de facteurs comme ceux-là. Je ne crois pas pouvoir vous dire aujourd'hui quelle loi doit intervenir.
La Loi sur la faillite ne vous sera d'aucune utilité ici en raison des problèmes que j'ai mentionnés auparavant. La Loi sur la faillite dit bien que si vous vendez quelque chose à quelqu'un, si vous avez une garantie, vous avez automatiquement certains droits. Si vous n'avez pas de garantie, d'autres mesures de protection s'offrent à vous.
S'il s'agit, comme vous dites, d'une escroquerie, où quelqu'un dit: eh bien, je vais me relancer en affaires et je n'aurai donc pas à rembourser ma dette, moi je réponds à cela que si cette personne ne se relance pas en affaires, je ne crois pas qu'elle ait à rembourser cette dette de toute façon. S'il y a faillite, il y a non-remboursement de la dette de toute façon, n'est-ce pas?
M. Ianno: Les créanciers ne se feront pas rembourser, donc où est la différence? À tout le moins, l'entrepreneur est moralement obligé de rembourser ses créanciers, et il ne voudra pas que les gens se méfient de lui.
M. Tobin: C'est cela en partie. Si une personne a une réputation d'escroc, les gens qui sont en affaires peuvent se protéger normalement, parce qu'ils ont...
M. Ianno: Je constate que vous n'allez pas répondre à cette partie de la question.
M. Tobin: Non, c'est que...
M. Ianno: Étant donné que vos recommandations ne portent que sur les faillites, quelle mesure peut-on proposer pour protéger les Canadiens dans les cas de cette nature?
M. Tobin: Je serai franc envers vous, monsieur, je ne suis pas sûr du genre de loi que je proposerais ici. Je suis prêt à étudier la question, mais je ne peux pas vous dire aujourd'hui quelle loi serait la plus utile. M. Mendelsohn a peut-être des remarques à faire d'un point de vue pratique, si le député veut les entendre.
M. Ianno: Je vous écoute.
M. Mendelsohn: Je ne crois pas que la Loi sur la faillite ait un caractère pénal. C'est une loi dont le caractère est réglementaire, et l'on n'y dit pas qui peut se lancer dans quel genre d'affaire. La Loi sur la faillite prévoit certaines sanctions pénales pour les cas où des gens commettent des infractions.
La Loi sur la faillite s'adresse aux gens d'affaires. À mon avis, ce sont les créanciers qui vont dire si une personne peut se relancer en affaires et réussir, ce sont eux qui décident s'ils veulent faire affaire avec les personnes qui leur ont laissé de mauvais souvenirs.
Ce qui arrive normalement, c'est que les fournisseurs boudent ces entrepreneurs pendant un certain temps, ils les font payer comptant pendant un certain temps après la faillite, et ils leur font crédit un peu plus tard. Les fournisseurs ne sont pas obligés de faire cela, mais ils ont tendance à le faire.
Le vice-président (M. Valeri): Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.
M. Lastewka (St. Catharines): Je serai bref. Ma question allait dans le sens de celle deM. Ianno, je ne vais donc pas la répéter. Mais pouvez-vous dire au comité combien de faillis par année sont des récidivistes?
M. Redling: Monsieur le président, si j'en crois nos dossiers, entre 8 et 10 p. 100 des faillis sont des récidivistes, approximativement.
Il convient également de noter que ces récidivistes ne récidivent pas à chaque année. L'expérience montre qu'il s'écoule approximativement entre 8 et 15 ans avant qu'il y ait récidive. Il y a des cas où la récidive se produit la deuxième, la troisième ou la quatrième année. Mais c'est rare. En moyenne, la récidive se produit beaucoup plus longtemps après.
M. Lastewka: Eh bien, monsieur le président, je pense que la question de M. Ianno était tout à fait justifiée. Notre comité de l'industrie cherche à aider la petite entreprise, mais nous voulons éviter les faillites répétées. Je pense que nous devons trouver un moyen d'intervenir pour remédier au problème que M. Ianno a soulevé.
Moi, ce sont les prêts aux étudiants qui me préoccupent. J'ai été témoin d'une situation où des cabinets comptables disent aux étudiants comment faire faillite. Et, je le déplore, c'est devenu une profession.
Je ne suis pas sûr de comprendre ce que signifie votre disposition de deux ans. Pouvez-vous nous donner un peu plus d'informations à ce sujet? Je veux la comprendre.
M. Tobin: Volontiers. Je vais vous l'expliquer une fois de plus. La disposition est telle que celui qui a cessé d'étudier ne peut être tenu libéré de son prêt étudiant pendant les deux années qui suivent la cessation des études, même s'il fait faillite. Le prêt n'est pas effacé, pour ainsi dire. Il doit toujours rembourser son prêt étudiant.
Si, aux termes de ces deux années, le prêt étudiant n'a toujours pas été remboursé, l'ancien étudiant peut demander à la Cour de le libérer de son prêt. Comme l'a dit l'un de vos collègues, cette personne doit répondre à certains critères pour qu'elle soit dégagée de ce prêt. Il lui faut entre autres démontrer qu'elle a agi de bonne foi. Il lui faut aussi prouver qu'elle est pauvre. Si c'est le cas, le tribunal peut libérer la personne.
Mais le créancier peut intervenir, bien sûr, et faire valoir le point de vue contraire. Si la personne a étudié et que deux ans après avoir terminé ses études, elle déclare faillite, les règles normales s'appliquent.
Nous visons ici les personnes qui déclarent faillite immédiatement ou peu après avoir terminé leurs études afin de se libérer de leur prêt étudiant. On part ici du principe que si la personne a encore du mal à rembourser pendant ces deux années ou deux ans après, il peut alors s'agir d'un problème à plus long terme et elle comprendra qu'elle aurait tort de déclarer faillite.
M. Lastewka: Qu'est-ce qui vous a fait décider que ce serait deux ans et non pas quatre ou cinq?
M. Tobin: Dans une certaine mesure, ce fut une décision arbitraire. Mais nous avons également considéré la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants qui facilite un peu les choses aux étudiants pendant deux ans. Certaines mesures prévoient en effet que les intérêts seront payés par le créancier ou encore qu'ils seront reportés pendant un certain temps.
Comme dans toutes les situations, il fallait équilibrer les choses. Certains estimaient que nous étions trop durs pour les étudiants. D'autres auraient préféré une période plus longue. Cette période de deux ans a semblé raisonnable étant donné les autres dispositions de la loi.
M. Lastewka: Pouvez-vous me préciser un peu le genre de consultations que vous avez eues? Vous avez mentionné un certain nombre de groupes. Ont-ils participé à l'élaboration de ce règlement? Je ne comprends pas tellement de quoi il est question. Les gens sont-ils en général d'accord?
M. Tobin: On en a discuté de façon générale avec les responsables des faillites et de l'insolvabilité. Très franchement, les avis étaient assez partagés. Là encore, certains pensaient qu'il ne fallait pas envisager de dispositions spéciales pour les créanciers. Il s'agit là en fait, d'une certaine façon, d'une disposition spéciale pour ceux qui financent le prêt. Pourquoi ne pas traiter cela comme tout autre prêt?
Par contre, les responsables du programme de prêts aux étudiants estimaient qu'il y avait des cas dans lesquels ils ne pouvaient user de pouvoirs discrétionnaires. À partir du moment où quelqu'un est étudiant, ils ne pouvaient refuser d'accorder un prêt.
Les consultations nous ont donc permis d'entendre des avis différents. Il y avait du pour et du contre. Certains étaient pour, d'autres contre. Certains estimaient que nous devrions aller plus loin. La situation aux États-Unis permet qu'il n'y ait pas de libération pendant sept ans et certains estimaient que ce devrait être aussi long. C'est pourquoi ces deux ans représentent vraiment un compromis.
Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Lastewka.
Monsieur Lebel.
[Français]
M. Lebel: Lors de ma première intervention, je disais trouver curieux que ce ne soit pas le ministère de la Justice qui gère cette loi. Vous avez entendu les préoccupations des députés. On parle constamment de fraude en matière de faillite, mais très peu de la protection du public. On parle de la protection du failli et des créanciers. Un intervenant me répondait que le syndic agissait en faveur de l'un et de l'autre et qu'il était un officier de la cour.
Ne croyez-vous pas que la création d'une corporation professionnelle de syndics, qui aurait un code de déontologie qui se tienne, éliminerait nombre de difficultés que vous rencontrez en essayant de régir les événements par des textes législatifs? C'est ma question.
Ne serait-il pas préférable d'emprunter cette voie plutôt que d'essayer de corriger toutes sortes de situations par quelque cataplasme législatif et de boucher des fissures partout? Dans le fond, c'est ce que nous faisons actuellement avec cette réforme. Primo, créons un code de profession des syndics ou une corporation professionnelle de syndics ayant un pouvoir de vérification interne, en somme un syndic du syndic. Ça fait curieux de dire ça, mais je pense que nous atteindrions ainsi maints objectifs.
Si j'ai bien compris, le projet de loi offre deux choix au syndic face à un terrain pollué ou contaminé: il peut le faire dépolluer ou décontaminer à même les actifs réalisables ou réalisés et en imputer les frais aux créanciers hypothécaires s'il y trouve avantage; sinon, il dit aux créanciers hypothécaires de ramasser le terrain avec sa pollution et de le dépolluer à leurs frais. Ai-je bien compris? Il se désiste du terrain.
M. Redling: Monsieur le président, je vais essayer de répondre à la première question.
[Traduction]
La Loi sur la faillite et l'insolvabilité prévoit un code de déontologie pour les syndics. Je suppose qu'il est important que les syndics participent aux enquêtes et à l'intégrité du processus. Je ne sais pas toutefois si un code de déontologie défini par les syndics et applicable uniquement aux syndics permettrait de résoudre le genre de problèmes dont il était question ici, notamment cette volte-face. Cela dépasse le domaine des syndics.
Les questions dont nous discutions concernent les débiteurs qui essaieraient de se soustraire à leurs obligations. Je ne suis pas certain qu'un code de déontologie pour les syndics réglerait ce problème. Il s'agit plus de fraude que d'autre chose. C'est peut-être un problème de traitement préférentiel accordé par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et il existe peut-être des mesures pour le régler. Je ne suis pas sûr qu'un code de déontologie des syndics seul aiderait à ce chapitre.
Cela dit, monsieur le président, je dois signaler que mon bureau est en pourparlers avec les syndics. Il existe en effet une association nationale de syndics. Nous essayons de voir comment nous pourrions parvenir à ce qu'ils deviennent plus directement impliqués dans l'intégrité du système, qu'il s'agisse de la délivrance de licences ou de discipline. Les discussions se poursuivent.
Merci.
Le vice-président (M. Valeri): Merci.
Monsieur Hains, voulez-vous ajouter quelque chose?
[Français]
M. Hains: Quant à la deuxième question, le syndic ou le praticien a au moins deux choix. Il peut se conformer à l'ordonnance et ça devient un frais d'administration à partir de tous les actifs; il peut contester; il peut demander du temps pour étudier la viabilité économique de sa réponse; enfin, il peut abandonner.
Lorsqu'il abandonne, est-ce que cela revient aux créanciers hypothécaires? C'est votre question. Techniquement, c'est un site abandonné, et les créanciers hypothécaires n'osent pas s'en approcher de peur d'être eux-mêmes pris dans l'engrenage de la responsabilité de la dépollution. Cela ne revient pas aux créanciers hypothécaires, car il n'y a personne qui s'en occupe. C'est abandonné.
Si vous me permettez de...
M. Lebel: Vous prenez de mon temps et j'ai une autre question.
M. Hains: Parfait.
M. Lebel: Lorsque le syndic décide de renoncer au terrain et réalise des actifs par ailleurs, par exemple en faisant un profit par la vente d'actifs, s'étant libéré de son obligation de dépolluer le terrain, il partage un dividende réalisé sur d'autres actifs rentables et dit aux créanciers de s'organiser avec le terrain. Si les créanciers ne veulent pas y toucher, il dit au gouvernement de le dépolluer. À ce moment-là, chacun des autres créanciers de la faillite ressort avec un petit dividende. C'est ainsi qu'on appelle cela en droit de la faillite.
Ne pensez-vous pas que votre projet de loi devrait forcer le syndic à faire la décontamination à même les actifs de la faillite avant de distribuer des dividendes?
M. Hains: C'est une excellente question qui m'a été posée il y a à peine trois semaines par des collègues du ministère de l'Environnement du Québec, que j'ai rencontrés pour parler de ce sujet-là. Il y avait des questions qui les intéressaient, notamment celle que M. Lebel soulève.
En cas d'abandon du site, le syndic peut effectivement réaliser les autres éléments d'actif et commencer à en disposer. Dans la Loi actuelle sur la faillite - on ne parle pas du projet de loi C-5 - , il y a une disposition qui prévoit qu'un créancier peut déposer un contingent claim. Le ministère de l'Environnement pourrait dire: «Monsieur le syndic, vous avez abandonné ce site-là parce que vous ne croyez pas qu'il est économique de le dépolluer; nous avons fait une estimation préliminaire et voici notre réclamation temporaire sur ce site-là».
Le syndic est saisi d'une réclamation temporaire et peut demander que cette réclamation temporaire soit évaluée dans le détail et confirmée. Est-ce qu'on parle de 70 millions ou de 25 millions de dollars?
Pendant que cela se fait, le syndic qui réaliserait les autres éléments d'actif devrait mettre en fidéicommis une somme pour satisfaire à cette réclamation temporaire, reconnaissant que la loi, si le Parlement devait approuver le projet de loi, reconnaît une créance prioritaire, non seulement pour la réalisation du site contaminé qu'il a abandonné de toute façon, mais aussi pour tout site contigu. S'il devait réaliser ce site contigu, il devrait mettre les sommes totales de la réalisation de ces sites contigus en fidéicommis. Comme toute somme provenant de la réalisation du site contaminé et des sites contigus serait une créance ordinaire sur l'ensemble des actifs, il faudrait également qu'il garde cette somme en réserve. Il ne pourrait pas distribuer l'ensemble des dividendes.
Mes collègues du ministère de l'Environnement m'ont aussi demandé ce qu'il advenait du terrain abandonné. Le ministère de l'Environnement aura la responsabilité de nettoyer le terrain et de confirmer le coût du nettoyage. À ce moment-là, le terrain contaminé reprendra une valeur commerciale, il sera vendu et la somme servira en tout premier lieu à rembourser le ministère de l'Environnement.
[Traduction]
Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Lebel.
Nous passerons à M. Bodnar, puis à M. Shepherd.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Je serai très rapide à ce sujet. Peut-être pourriez-vous m'aider car je n'ai pas la loi sous les yeux. Vous avez fait allusion à une période d'attente de deux ans pour tenter d'acquitter les prêts étudiants. Y a-t-il dans la loi une définition de prêt étudiant?
M. Tobin: Je crois que dans la loi, la définition est celle qui est utilisée dans la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants.
M. Bodnar: Est-ce la seule définition de prêts aux étudiants?
M. Tobin: Il est question de la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants et d'un programme provincial correspondant.
M. Bodnar: Autrement dit, si une banque donne une carte de crédit à un étudiant, on ne pourrait pas prétendre que parce que l'étudiant utilise cet argent pour subvenir à ses besoins durant ses années d'université, il s'agit de prêts étudiants. Les prêts de la famille ne peuvent être considérés non plus comme des prêts aux étudiants.
M. Tobin: Non.
M. Bodnar: Merci. C'est tout ce que je voulais demander.
M. Shepherd: Je reviens à la priorité de la dépollution. Je trouve incroyable que certaines de ces institutions financières n'aient pas contesté la façon dont on fait cela. Rares sont les entreprises en effet qui ne polluent ou qui ne risquent pas de polluer: les ports de plaisance, les postes d'essence et les aciéries. Il y a des gens de ma circonscription qui ont maintenant des sites pollués et qui ne peuvent obtenir de financement.
Ceci va même plus loin, n'est-ce pas? On dit que vous avez aujourd'hui un site non pollué mais si vous voulez obtenir un prêt hypothécaire, pas question, parce que je n'ai aucune idée de ce que vous ferez dans les trois ou quatre prochaines années. Peut-être que vous allez polluer ce site. Il s'agit de risque de pollution. Je suppose que cela aurait un effet dramatique sur les prêts commerciaux au Canada.
M. Tobin: Je demanderais à M. Mendelsohn de vous répondre car il connaît bien la question, mais je peux vous dire que les dispositions contenues dans le projet de loi C-5 ont fait l'objet de longue discussion avec les organismes de prêts, les groupes écologiques et les milieux d'affaires.
Vous avez là essentiellement un compromis. Évidemment, certains des écologistes auraient voulu que l'on accorde une priorité plus grande à davantage de produits ou avoirs. Les organismes de prêts, par contre, auraient peut-être préféré que cela soit plus limité ou laissé comme c'est actuellement dans la loi. Les syndics, ceux qui finalement interviennent, ont jugé que les dispositions de la loi actuelle ne leur permettaient pas d'intervenir.
De part et d'autre, créanciers et écologistes, on estimait que ce n'était pas satisfaisant. Ils voulaient que quelqu'un puisse au moins aller fermer les robinets. Le résultat est double: cela signifie que les dommages sont arrêtés et cela permet au moins à un créancier d'avoir une petite idée de l'étendue des dommages.
Avant d'aller plus loin, je demanderais à Max de présenter son point de vue, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
M. Mendelsohn: La tradition de garantie pour la dépollution de l'environnement n'est pas aussi radicale qu'elle peut d'abord sembler. La réalité est qu'à l'heure actuelle, dans certaines provinces, il n'y a pas de garanties en ce qui concerne l'environnement. Dans d'autres, il y en a, comme en Ontario, où le ministère, d'après ce que je sais, a une garantie contre un site contaminé et les sites contigus.
Ce qui est plus important, c'est que la loi sur l'environnement prévoie que le propriétaire d'un site, périodiquement, et notamment les futurs propriétaires qui n'ont pas participé à la pollution et les créanciers hypothécaires qui prennent possession de ces sites, sont responsables de toute façon de l'opération de dépollution.
Cela étant, qu'il y ait ou non une hypothèque ou autre obligation sur ce site, en pratique l'obligation existe. S'il y a pollution, la valeur du site en est diminuée d'autant. Que l'on ait déjà demandé la dépollution ou non ne change rien au fait que celui qui se trouve sur le site va en tirer moins du fait du coût de la dépollution.
Par exemple, dans le cas d'un créancier hypothécaire qui a une hypothèque d'un million de dollars sur le site, si on découvre qu'il y a 600 000$ de pollution, c'est que la valeur de ce site a de toute façon diminué de 600 000$. La prochaine personne qui envisagera de l'acheter paiera 600 000$ de moins, qu'il y ait ou non hypothèque ou priorité en faveur des autorités environnementales. Cela ne change pas beaucoup les choses.
M. Shepherd: Cela change beaucoup parce qu'on suppose qu'ils vont nettoyer le site. Ce dont nous parlons, c'est d'hypothéquer un risque de pollution.
Quant on conclut une transaction financière, on suppose évidemment le pire. Le pire est habituellement ce que l'on peut tirer de sa garantie. Là il faut aller plus loin. À ma connaissance, nous n'avons même pas d'éléments scientifiques permettant de déterminer quelles seront les répercussions sur l'environnement de ce que nous entreprenons aujourd'hui.
De ce fait, sachant que le gouvernement se préoccupe du problème de financement pour les PME, quel effet cette loi risque-t-elle d'avoir sur ces entreprises qui essaient d'emprunter au Canada?
M. Mendelsohn: Il y a deux catégories de situations. Tout dépend si le problème existe ou n'existe pas encore au moment où l'on cherche à financer un bien immobilier.
En général, les financiers, banquiers ou compagnies de prêt hypothécaire demandent des évaluations environnementales avant d'accorder des prêts. S'il y a donc déjà un problème, ils ne prêtent pas ou ils prêtent en prévoyant une réserve pour le coût des mesures de dépollution. Dans ce cas, le problème existe déjà.
Ils savent d'autre part que si, au cours du financement, même s'il n'y a pas au départ de problème, et tout d'un coup on constate un problème de contamination, la valeur de la garantie diminuera. C'est déjà pris en compte dans la transaction.
M. Shepherd: Êtes-vous en train de me dire que l'on ne peut pas vendre de biens immobiliers dans ce pays lorsqu'il y a des problèmes de pollution alors que l'on pourrait en tirer un bon prix si l'on ne tenait pas compte du problème?
M. Mendelsohn: Non, je dis qu'il arrive de vendre des biens immobiliers sans évaluation environnementale. Il est toutefois rare que ceux-ci soient financés à l'heure actuelle sans une évaluation environnementale.
M. Shepherd: Pour moi, les créanciers et les prêteurs hypothécaires, par définition, évitent les risques. Vous ajoutez donc là un élément de risque de plus, l'inconnu, selon la façon dont ils évalueront le non-respect d'une ordonnance de réparation des dommages.
M. Mendelsohn: L'expérience de plusieurs années nous a révélé qu'au moment où il s'agit de faire jouer la garantie, si nous pouvons en arriver là, les créanciers hypothécaires, dans le contexte de la diligence raisonnable, effectuent une évaluation environnementale avant d'accepter de prendre possession de leur garantie. S'ils constatent alors qu'il y a un gros problème environnemental, ils ne prennent pas possession. Nous ne pensons pas que cela changera du fait d'une considération juridique. C'est une situation qui existe déjà.
M. Tobin: Il y a une chose que nous n'avons peut-être précisée assez clairement, monsieur le président. La priorité ne s'applique qu'à certains éléments des biens. Elle ne s'applique qu'aux éléments immobiliers de l'actif et à ceux qui sont contigus à celui où le dommage est survenu. Donc, si en fait l'entreprise a des actifs ailleurs, ceux-ci ne sont pas touchés par les priorités proposées ici dans le projet de loi C-5.
Je crois que vous avez soulevé une question importante en disant que le gouvernement se préoccupe du financement des PME. C'est de toute évidence une priorité.
Ce que disait M. Mendelsohn, c'est que pour ce qui est du financement, on se préoccupe déjà des questions environnementales. Ce projet de loi, toutefois, tente de répondre à une autre préoccupation des gouvernements, à savoir la pollution d'un site en cas de faillite. Cela ne s'applique pas lorsque l'on a un site pollué et que la personne n'est pas solvable; cela s'applique lorsqu'il y a un site pollué et que le propriétaire a fait faillite. Il s'agit de voir quelles seraient les meilleures mesures pour essayer de veiller à ce que ce site soit d'une façon ou d'une autre dépollué.
C'est certainement un compromis mais il faut savoir que les problèmes de financement et de sites posant des problèmes écologiques existent déjà.
M. Marantz: Monsieur le président, l'amendement visait à traiter d'une situation de faillite dans laquelle pouvait se poser un problème d'environnement. Les banques et autres institutions financent toujours les papeteries, raffineries, fabricants de peinture et d'engrais. Elles savent qu'il existe un risque. Tant que l'entreprise reste en activité, le risque est supportable - des ministères de l'Environnement ont des normes que les entreprises doivent respecter.
Toutefois, lorsqu'il y a défaut de paiement, le créancier doit décider s'il veut prendre possession de l'actif pour récupérer sa garantie. Dans la profession, nous avons souvent eu affaire à des raffineries ou papeteries en défaut de paiement, situation dans laquelle quelqu'un devait prendre une décision difficile. Ceci supprime l'incertitude et permet aux institutions créancières, qui prennent des risques parce que ce sont elles qui financent, de faire faire une évaluation du site afin de déterminer si elles ont intérêt à prendre le contrôle de ces biens afin d'essayer de les vendre après avoir procédé aux opérations de dépollution nécessaires.
L'incidence économique est neutre pour le créancier parce que, dans tous les cas, les autorités environnementales ont le droit d'exiger de quiconque est propriétaire de cet actif ou de quiconque s'en occupe ou le contrôle de procéder aux réparations nécessaires en cas de problème. Il s'agit simplement de reconnaître que cela existe et cela facilite un peu les choses aux autorités environnementales qui doivent prendre le contrôle de l'actif quand celui-ci a été abandonné et que personne n'était là pour s'occuper des réparations nécessaires.
M. Shepherd: Supposez que vous soyez la Banque Royale ou une autre institution et que vous vouliez opérer certaines sélections dans votre portefeuille de gestion, vous auriez tendance à laisser de côté les prêts commerciaux pour vous concentrer davantage sur les prêts résidentiels et autres.
M. Marantz: Non. Les institutions de prêt sont très favorables à cette proposition parce que ça leur permet de s'en tirer. Elles procèdent à leurs évaluations en se fondant sur une situation mais, maintenant, elles savent que personne ne viendra leur réclamer autre chose simplement parce qu'elles ont de l'argent. Même si elles ne sont pas responsables du problème, elles peuvent être touchées si elles prennent possession de cet actif.
Le vice-président (M. Valeri): Merci, monsieur Shepherd.
Avant de lever la séance, je voulais revenir sur ce que MM. Lastewka et Ianno disaient tout à l'heure. Un certain nombre de personnes représentant le marché du logement sont entrées en contact avec moi pour me dire qu'en tant que sous-traitants elles se retrouvent souvent avec des matériaux et des travaux non payés parce que les entrepreneurs ou promoteurs étalent le paiement de ce qui leur est dû et font finalement faillite. La banque se saisit alors de l'actif et vend en vertu du pouvoir de vente prévu. Il s'agit de petites entreprises personnelles ou à deux ou trois. C'est un marché qui intéresse notre comité.
Ces gens-là viennent souvent voir les députés pour leur demander de modifier la Loi sur la faillite et l'insolvabilité afin qu'ils soient mieux protégés dans de tels cas. Je vous ai entendu dire tout à l'heure que n'est pas par cette loi que l'on peut protéger ces gens-là. N'est-ce pas?
M. Tobin: La Loi sur la faillite et l'insolvabilité vise les débours des biens en cas de faillite. Je crois que votre collègue demandait si cette loi pouvait s'appliquer à une situation dans laquelle quelqu'un aurait fermé boutique sous un nom et rouvert au même endroit sous un autre nom.
La Loi sur la faillite et l'insolvabilité peut s'appliquer s'il y a eu un genre d'activité frauduleuse entraînant le transfert des biens. Il y a certaines dispositions de la loi qui peuvent s'appliquer. De même, certaines dispositions du Code criminel peuvent s'appliquer aux cas de fraude.
Je ne sais pas s'il existe une loi qui stipule que l'on ne peut pas ouvrir un commerce - qui ne soit pas déjà réglementé, comme les valeurs mobilières et choses de ce genre qui sont déjà régies par divers types de lois. Je ne crois pas qu'il existe une loi générale qui stipule où l'on peut ouvrir un commerce. Il serait assez difficile d'essayer de réglementer cela.
Ce n'est donc pas dans la Loi sur la faillite et l'insolubilité et certaines des questions qu'il faudrait examiner serait notamment de savoir comment l'on décide qui peut et ne peut pas se lancer en affaires et comment on pourrait élargir cela à des questions des parents qui peuvent vouloir ou non se lancer dans le même genre d'entreprise.
Je comprends le genre de problèmes que vous rencontrez lorsque des électeurs viennent frapper à votre porte, parce qu'il n'est certainement pas facile de répondre à une telle question.
Le vice-président (M. Valeri): Monsieur Marantz.
M. Marantz: Monsieur le président, vous avez fait allusion au secteur de la construction. Il y a évidemment des lois provinciales en ce qui concerne les privilèges des entrepreneurs qui leur permettent de prendre certaines mesures pour se protéger. Il s'agit là du fonctionnement du marché - quel ordre de gouvernement devrait intervenir, quelle protection existe et comment les métiers peuvent-ils agir prudemment en matière de crédits. La question est très complexe.
Le vice-président (M. Valeri): Merci.
Je tiens à remercier les témoins de leur exposé et de la façon dont ils ont bien voulu répondre à nos questions. Nous demanderons peut-être aux fonctionnaires de revenir à un moment ou un autre lorsque nous en serons à examiner le projet de loi. Nous avons une liste de témoins que nous examinerons demain en comité directeur. J'annonce donc cette réunion avant que nous ne levions la séance.
Demain, le 12 juin, à 16 heures, le comité directeur se réunira pour discuter du projet de loi C-5 et en particulier de la liste des témoins. Cette réunion aura lieu à la salle 307 de l'édifice de l'Ouest.
Merci. La séance est levée.