[Enregistrement électronique]
Le mercredi 18 septembre 1996
[Traduction]
Le président: Nous reprenons notre étude du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu.
[Français]
Puisque deux de nos témoins doivent prendre le train à 17 h, nous terminerons notre travail à
16 h 30. Nous commencerons immédiatement par M. Normandin et M. Tremblay.
Me Bernard M. Tremblay (avocat associé, McCarthy Tétrault): Je vous présente M. Yves Normandin, président de l'Association des directeurs de crédit de Québec Inc. Je suis un expert-conseil ayant collaboré à la préparation du mémoire et à sa présentation.
Comme vous avez pu le constater, l'Association des directeurs de crédit de Québec oeuvre dans la région métropolitaine de Québec et regroupe des institutions prêteuses et des professionnels de l'insolvabilité.
Le mémoire que vous a soumis notre association contient quelques observations et commentaires sur les amendements proposés dans le projet de loi C-5 et plus particulièrement notre point de vue sur certains droits et attributions que la loi confère aux créanciers.
Ce mémoire présente d'abord un certain nombre de remarques sur les renseignements qui peuvent être transmis aux créanciers dans le contexte d'une proposition de consommateur ou d'une faillite régie par l'administration sommaire. Nous recommandons de prévoir que soit transmise aux créanciers une quantité d'information plus appréciable lors du dépôt d'une proposition de consommateur ou lors du dépôt d'une cession régie par l'administration sommaire.
Je vous ferai simplement remarquer à ce chapitre que l'article 66.14 prévoit déjà qu'un certain nombre de renseignements seront transmis aux créanciers lors du dépôt d'une proposition de consommateur.
Le paragraphe 84(2) du projet de loi C-5 vise à compléter le paragraphe 102(2) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité telle qu'on la connaît afin de fournir un certain nombre de renseignements aux créanciers. Il existe toutefois un manque d'uniformité assez évident entre l'article 66.14 et le nouveau paragraphe 102(2) qui sont proposés.
Nous croyons que l'information prévue à ces deux dispositions devrait être la même, qu'il s'agisse d'un cas de proposition de consommateur ou d'un cas d'administration sommaire.
Nous recommandons donc de prévoir un rapport d'enquête du syndic ou de l'administrateur, selon le cas, sur les affaires du débiteur et les causes de l'insolvabilité ou de la faillite et une évaluation des actifs et des modes de réalisation envisagés.
Nous traitons ensuite de l'assemblée des créanciers. Le projet de loi C-5 propose de rendre facultative la tenue de l'assemblée lors d'une administration sommaire. Nous jugeons que cet amendement va peut-être un peu trop loin, vu l'importance du rôle de l'assemblée des créanciers dans tout le processus de faillite. L'assemblée des créanciers est déjà facultative en matière de propositions de consommateur. Nous croyons que si elle devait demeurer facultative dans l'un ou l'autre des deux cas, elle ne devrait pas être assujettie à une demande de convocation par des créanciers représentant 25 p. 100 en valeur; il faudrait qu'un seul créancier puisse exiger la tenue d'une telle assemblée, que ce soit en matière de propositions de consommateur ou d'administration sommaire.
Nous traitons ensuite du revenu excédentaire. Nous accueillons favorablement les amendements proposés à l'article 68 de la loi. Le processus proposé à l'article 68 accorde toutefois peu d'importance au rôle du créancier. Le processus traite surtout des règles d'un processus de médiation impliquant le syndic et le séquestre, mais le rôle du créancier y est plutôt restreint. Le rôle du créancier pourrait être un peu plus valorisé.
Par ailleurs, le nouveau paragraphe 102(4) proposé dans le projet de loi C-5 prévoit que certains renseignements seront transmis aux créanciers dans le processus de détermination du revenu excédentaire. Comme nous vous le recommandons, les pouvoirs ou les droits des créanciers pourraient être accrus.
Enfin, nous traitons des règles d'insaisissabilité et des amendements proposés à l'article 67, plus particulièrement ceux dont on avait discuté mais qui n'avaient pas été retenus concernant les régimes enregistrés d'épargne-retraite. Une discussion avait été tenue afin de déterminer si les fonds placés dans ces régimes devraient être insaisissables partout au pays dans le cas d'une faillite. Il semble qu'à ce stade-ci, cette possibilité n'ait pas été retenue dans le projet de loi C-5. Nous croyons également que le statu quo est préférable. Ce sont là les grandes lignes de notre mémoire au sujet de l'insaisissabilité des régimes d'épargne-retraite.
Ainsi se résume l'essentiel des commentaires et observations de l'Association des directeurs de crédit de Québec. Je vous invite à nous faire part de vos commentaires ou à nous poser vos questions.
Le président: Merci beaucoup de votre présentation.
Monsieur Lebel.
M. Lebel (Chambly): Je suis surpris que vous ne vous soyez pas arrêté sur les fameux articles qui traitent de la décontamination et de la pollution des sols dans l'actif d'un pays. Est-ce parce que cette question ne vous préoccupe pas ou parce que ces articles sont parfaits?
Je fais allusion à l'article 15 du projet de loi qui traite des paragraphes 14.6(2) et (3) et de ceux qui suivent.
Me Tremblay: L'association s'est concentrée sur des sujets concernant les droits des créanciers en général, le processus de l'information qui leur est donnée, les actifs du failli et la façon de suivre la réalisation d'actifs. Cela ne signifie pas qu'elle n'y porte pas d'intérêt. L'association, dans un processus de consensus, a plutôt retenu ces points aux fins de sa présentation. L'association n'a exprimé aucune opinion sur les amendements proposés à l'article 14.06.
M. Lebel: C'est bien.
[Traduction]
Le président: Des questions? Allez-y.
M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je n'ai pour le moment qu'une question d'ordre général à poser. Pourriez-vous me dire pourquoi, à votre avis, nous avons besoin de ce projet de loi à ce moment-ci. Vous avez fait état de certaines choses que vous estimez devoir être étudiées et peut-être modifiées dans le projet de loi, alors que d'autres vous paraissent satisfaisantes. Je me demande si vous pourriez nous dire pour quelles raisons ce projet de loi est nécessaire à ce moment-ci.
M. Tremblay: Premièrement, en novembre 1992, quand la Loi sur la faillite a été modifiée, il était déjà entendu qu'elle serait réexaminée dans un délai de trois ans. C'est ce dont avaient convenu les députés. Je pourrais donc difficilement remettre en question l'opportunité de cet examen étant donné qu'il avait déjà été décidé d'en mener un dans un délai de trois ans.
Nous nous sommes intéressés aux modifications de fond apportées à la loi en 1992. Nous ne nous sommes pas penchés sur d'autres changements de fond à la loi, comme la faillite de courtiers et les aspects internationaux, mais je pense qu'étant donné qu'il a fallu attendre tellement longtemps avant que la loi soit modifiée en 1992, la dernière fois, nous devons nous réjouir de toute nouvelle mise à jour de la Loi sur la faillite, d'autant plus que le délai de trois ans ne pouvait être modifié. Donc, si vous voulez savoir s'il est opportun de revoir la loi, je vous répondrai que oui, bien entendu.
M. Mayfield: Pensez-vous que la loi traite de façon satisfaisante la question soulevée par mon collègue au sujet des sols et des contaminations?
M. Tremblay: Non, je n'ai pas dit cela. J'ai dit que nous ne nous étions pas penchés sur cette question dans notre examen des propositions d'amendement, faute de ressources matérielles et humaines, et c'est pourquoi nous n'abordons pas ce sujet dans notre exposé. Cela ne veut pas dire que la question n'est pas importante ni intéressante. C'est seulement que nous avons décidé de nous concentrer sur les questions que nous soulevons.
Je ne suis pas ici pour vous faire part de mon opinion personnelle sur l'amendement proposé. Je représente l'association.
Le président: Monsieur Bodnar.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Merci, monsieur le président.
Je n'ai qu'une courte question. Je ne veux pas vous prendre au dépourvu, mais on a soulevé hier une question qui m'intéresse. Si vous ne pouvez y répondre, ça ira aussi.
Nous avons appris hier que le surintendant des faillites n'accordera aucune licence de syndic de faillite à un avocat praticien. Nous ne savons pas encore pourquoi, mais il doit y avoir une raison.
Je me demande si votre association croit - et nous comptons un avocat parmi nous aujourd'hui - que cette disposition devrait demeurer ou si elle devrait être modifiée de façon à traiter de la même façon la profession juridique et la profession comptable quand il s'agit de créer des services d'insolvabilité dont les membres peuvent être autorisés à administrer des actifs aux termes de la Loi sur la faillite.
M. Tremblay: Je ne m'attendais pas à une telle question.
M. Bodnar: C'est pourquoi j'ai dit que je ne voulais pas vous mettre sur la sellette à cet égard.
M. Tremblay: Je devrai réfléchir davantage à cette question délicate avant de me prononcer.
M. Bodnar: Très bien.
Le dernier point que j'aimerais soulever concerne les pensions. Vous avez dit pour le moment préférer le maintien du statu quo pour ce qui est des REER. Pensez-vous qu'il soit juste de conserver telle quelle cette disposition quand certains régimes de pension sont vraiment protégés aux termes de la Loi sur la faillite, à la différence des REER?
M. Tremblay: Je pense que c'est parce qu'on craignait de rendre les REER insaisissables. L'objectif était de traiter tout le monde de la même façon au Canada en ce qui concerne les REER, parce qu'il existe des différences d'une province à l'autre. C'est vrai. Il se peut que les gens soient traités différemment au Québec, en Ontario, en Alberta ou ailleurs.
Il faut également tenir compte du fait que chaque province obéit essentiellement à des considérations économiques ou sociales quand elle décide de rendre saisissable un véhicule financier ou un actif. Ces considérations pourraient perdre toute raison d'être si la Loi sur la faillite était d'application générale et uniforme.
Je pense qu'il appartient davantage aux provinces qu'au Parlement d'essayer d'uniformiser la législation à cet égard, compte tenu du libellé de la disposition actuelle sur la faillite, à savoir l'article 67.
De même, dans certaines provinces, comme on peut le voir dans d'autres domaines, il pourrait devenir plus attrayant pour les débiteurs de déclarer faillite plutôt que de faire face à leurs obligations. Donc, si le débiteur sait qu'un REER est insaisissable, la faillite deviendra attrayante à ses yeux.
Il faut y penser à deux fois avant d'inciter les débiteurs à emprunter trop rapidement la voie de la faillite.
Ai-je répondu à la question?
C'est pourquoi nous proposons à ce moment-ci de maintenir le statu quo. Ce n'est peut-être pas la solution idéale, mais...
M. Bodnar: Vous me dites donc que la question est difficile et que nous devrions conserver le statu quo plutôt que d'essayer de le changer à ce moment-ci. Est-ce que je résume bien ce que vous avez dit?
M. Tremblay: Eh bien, les changements ne devraient-ils pas normalement venir des provinces plutôt que d'être apportés par le biais de la Loi sur la faillite?
M. Bodnar: Je n'ai plus d'autres questions. Je crois que M. Lastewka aimerait utiliser le reste de mon temps.
M. Lastewka (St. Catharines): J'aimerais féliciter votre organisation à l'occasion de son 50e anniversaire. Cela fait plaisir à voir.
Quand vous parliez, il y a un sujet que je n'ai pas très bien saisi et je sais que je vous ai mal compris. J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet de l'assemblée des créanciers et des raisons pour lesquelles vous avez fait votre recommandation. Pourriez-vous y revenir une fois de plus?
M. Tremblay: Les raisons.
M. Lastewka: Oui, les raisons.
M. Tremblay: Depuis 1992, l'assemblée des créanciers est facultative dans la proposition de consommateur. Elle n'est pas automatique. Elle pourrait être tenue à la demande du surintendant ou des créanciers représentant en valeur au moins 25 p. 100 des réclamations prouvées.
Ce n'était pas le cas en matière d'administration sommaire. L'assemblée des créanciers... et vous savez qu'il y a administration sommaire quand la valeur des actifs réalisables est peu élevée. Lors d'une administration sommaire, une assemblée des créanciers était automatiquement tenue.
Le projet de loi propose de rendre facultative l'assemblée des créanciers convoquée à la demande des créanciers dans le cas d'une administration sommaire probablement parce que le processus est coûteux et que le taux de participation y est très faible. Mais je ne pense pas que la pertinence de l'assemblée soit remise en question. C'est davantage une question de statistiques. Nous avons des créanciers qui assistent à toutes les assemblées, qu'il s'agisse d'une administration sommaire ou non. Très souvent, la valeur de leurs créances ne s'élève pas à au moins 25 p. 100 des réclamations prouvées. Ils n'auraient plus la possibilité de convoquer cette assemblée des créanciers.
Celle-ci est importante pour les créanciers qui peuvent rencontrer le débiteur, lui poser des questions, donner des instructions aux syndics pour leur indiquer comment mener l'enquête, etc. On leur retire cette possibilité. Ils ne pourront plus bénéficier de cette assemblée qui constitue souvent pour eux la seule occasion d'intervenir dans le processus d'une manière efficace.
Voilà pourquoi nous faisons cette recommandation.
Le président: Monsieur Lebel.
[Français]
Avez-vous une autre question?
M. Lebel: Non, pas pour ce groupe-là. Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Brushett.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour votre présentation.
J'aimerais en revenir à la tribune privilégiée, comme vous l'appelez, que constitue l'assemblée des créanciers et vous poser une question d'ordre général sur la faillite et la solvabilité. La population a l'impression qu'il est beaucoup trop facile de déclarer faillite. J'aimerais savoir si vous pensez que cela est vrai qu'il est facile de déclarer faillite tout en protégeant de nombreux actifs du même coup. Je crois qu'en tant que société nous avons l'obligation de veiller à ce qu'il y ait une impression de justice. J'aimerais connaître votre avis là-dessus.
M. Tremblay: Vous partez de l'hypothèse qu'on a l'impression qu'il est facile de faire faillite. Je dirais qu'on pourrait faire valoir que le Parlement a essayé au cours des dernières années, et bien des années auparavant, de faire comprendre que la Loi sur la faillite devrait être considérée comme un processus de réhabilitation d'un failli et non pas comme un processus pénal. La faillite devrait être vue comme permettant à une personne de réintégrer la vie économique dès que possible et au moindre coût possible. Elle trouverait là sa justification.
Mais je conviens avec vous qu'il ne devrait pas être facile pour un débiteur de déclarer faillite. Ce devrait être l'aboutissement de tous ses problèmes financiers. La Loi sur la faillite ne devrait pas lui permettre de franchir toutes les étapes sans avoir rencontré les créanciers au moins pour leur expliquer pourquoi il a fait faillite. La loi ne devrait pas lui permettre de traverser le processus aussi rapidement, pour obtenir une libération automatique neuf mois plus tard, sans avoir du tout rencontré les créanciers.
Je crois que rendre les choses si faciles au débiteur n'est pas appropriée. Nous devons l'aider à assainir sa situation, mais il y a des gens qui font faillite deux ou trois fois dans leur vie, et il ne devrait pas leur être permis de le faire si facilement. C'est pourquoi je pense que l'assemblée des créanciers est importante. Elle devrait être facultative, mais les créanciers devraient conserver le droit de convoquer cette réunion, ainsi que d'autres droits, dont celui de s'informer.
Il me semble également que les syndics auront du mal à remplir toutes leurs obligations et devoirs compte tenu des montants en cause. Le problème est de taille, parce qu'en matière de proposition de consommateur ou d'administration sommaire, il arrive parfois que les sommes en jeu soient si élevées que le syndic n'arrivera pas à faire tout ce qu'il aurait dû faire, comme mener une enquête ou un examen du débiteur et d'autres personnes. C'est triste à dire, parce que le syndic ne devrait pas avoir à se préoccuper des coûts dans l'exercice des fonctions qu'il exerce conformément à la Loi sur la faillite. Il pourrait être tenté de le faire si le débiteur a la partie trop facile.
C'est mon point de vue.
Le président: Monsieur Murray.
M. Murray (Lanark - Carleton): Merci beaucoup.
J'aimerais savoir ce que vous pensez du counselling financier. La loi exige des individus qui font faillite qu'ils se fassent conseiller en matière financière. Vous venez juste de dire que des gens font faillite deux ou trois fois dans leur vie. Je me demande si vous avez pu constater que le counselling est efficace et s'il peut contribuer à empêcher les faillites à répétition.
M. Tremblay: L'idée de fournir un processus de consultation était très bonne, mais je ne crois pas qu'elle ait vraiment donné les résultats escomptés. Comme vous le savez, les gens attendront jusqu'au dernier moment pour voir un syndic ou un administrateur. Quand ils vont les voir ils ont deux choix, une proposition ou une faillite... Je parle des consommateurs; du droit commercial. Nous avons constaté - je parle de la région de Québec - que les propositions de consommateur n'ont pas vraiment fonctionné, et je crois qu'on pourrait dire la même chose du reste du Canada. Le seul choix était la faillite, point; une cession volontaire des biens en vertu de la Loi sur la faillite.
M. Murray: Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre. Les propositions n'ont pas donné les résultats voulus...
M. Tremblay: Elles étaient vraiment inadaptées.
M. Murray: ...parce qu'ils attendaient à la dernière minute pour...
M. Tremblay: À cause du degré d'endettement, du peu de chance qu'il y avait d'obtenir des propositions de consommateur viables et de la complexité du processus établi dans la loi, le débiteur était un peu réticent à s'engager dans le processus et il n'était d'ailleurs pas encouragé à le faire par les syndics. On n'y a donc pas eu recours autant qu'on le prévoyait en 1992.
M. Murray: Je vois. La situation ne pourrait-elle pas s'expliquer en partie par le fait que les syndics eux aussi sont assujettis à un calendrier assez lourd et qu'il est plus facile de toucher son dû en passant par le processus de la faillite qu'en ayant à envoyer des chèques aux créanciers tous les trois mois? Ne pensez-vous pas que ce sont là des facteurs qui influencent la situation et qu'il y aurait peut-être lieu de modifier le règlement de manière à ce que les syndics aient davantage intérêt du point de vue financier à encourager des propositions? Ou dites-vous simplement que l'idée d'une proposition est normalement exclue à cause des choses que vous avez décrites?
M. Tremblay: Voilà une question intéressante: les propositions devraient-elles présenter plus d'intérêt du point de vue financier?
M. Murray: Pour les syndics ainsi que pour le débiteur, les gens dont relèverait par exemple la distribution des fonds.
À mon avis, le syndic touche son dû assez rapidement après la faillite, mais il y a un processus qui se poursuit toujours dans le cas des propositions. Donc essentiellement la quantité de travail augmente tandis que la somme que l'on touche en contrepartie est peut-être moindre. C'est une question de réglementation et on pourrait peut-être modifier le règlement de manière à encourager les débiteurs à présenter des propositions et à s'assurer que les syndics y trouveront bel et bien leur compte s'ils sont appelés à gérer ces propositions.
M. Tremblay: Oui, vous avez raison.
M. Murray: En ce qui concerne le counselling financier, d'après votre expérience - et je reviens à ma question initiale - , de tels services ne parviennent vraiment pas à empêcher les gens de faire faillite plus tard. Je suppose que...
M. Tremblay: La situation n'est pas toujours la même. Dans ma pratique - et je m'occupe davantage d'affaires commerciales que de dossiers de consommateurs - , on me dit que les syndics n'ont pas intérêt à s'engager dans le processus tel qu'il existe aujourd'hui, vu les démarches que les gens font auprès d'eux et les dispositions qu'ils sont prêts à prendre dans les circonstances actuelles. Je ne peux vraiment pas en dire davantage là-dessus, du moins à partir de mon expérience générale dans la région de Québec, mais d'après ce qu'on me dit, ce n'est pas quelque chose qui est...
M. Murray: Très efficace.
M. Tremblay: Je parle du recours à ce mécanisme.
[Français]
M. Lebel: Vous n'avez pas tellement bien précisé votre pensée sur l'article 173 proposé qui porte sur les libérations et les exclusions de libération. Est-ce volontaire ou si vous n'y décelez rien d'inquiétant?
J'aimerais que vous commentiez l'alinéa 173(1)c). Les articles 172 et 173 stipulent grosso modo qu'une personne n'est pas libérée si la faillite est de sa faute. L'alinéa 173(1)c) se lit comme suit:
c) le failli a continué son commerce après avoir pris connaissance de son insolvabilité;
Ne croyez-vous pas que cette disposition pourrait se retourner contre les institutions prêteuses, en ce sens que...
Me Tremblay: Qui supportent...
M. Lebel: Un failli a habituellement des créanciers qui, bien souvent, sont des institutions prêteuses. Si un failli consulte son banquier et lui fait part de ses difficultés, et que tous deux conviennent qu'il faudrait effectuer des réductions budgétaires - faisant ainsi un peu comme le gouvernement canadien actuel qui a peut-être constaté son insolvabilité, mais qui ne s'est pas mis en faillite - , pose-t-il un geste qui pourrait lui être reproché lors de sa demande de libération? Pourrait-on lui reprocher d'avoir tenté de continuer de sauver son entreprise?
Me Tremblay: C'est exact.
M. Lebel: Ainsi, craignant de se faire reprocher plus tard d'avoir continué leur commerce alors qu'ils connaissaient leur insolvabilité, les débiteurs faisant face à un première difficulté mettront la clé dans la porte tout de suite, sans essayer de se battre et de sauver l'entreprise et les emplois qui y sont rattachés, car on pourrait les accuser plus tard d'avoir continué à exercer leur commerce nonobstant le fait qu'ils étaient insolvables ou presque. C'est ce que prévoit l'alinéa 173(1)c). Ne vous en inquiétez-vous pas comme créanciers?
Me Tremblay: Le libellé actuel de l'alinéa 173(1)c) prévoit déjà que le failli a continué son commerce après avoir connu son état d'insolvabilité. Cela existe déjà dans la loi.
La seule modification ici est au niveau de la formulation. La rédaction de ce paragraphe est peut-être malheureuse, mais l'objectif est louable.
Un débiteur qui se sait insolvable devrait dès lors ne poser aucun geste ayant pour effet de perpétuer, à l'insu de l'ensemble de ses créanciers, ou d'aggraver sa situation d'insolvabilité sans se prévaloir de l'un ou l'autre des mécanismes prévus à la loi, dont la totalité sont non irréversibles.
Ainsi, l'avis d'intention qui permet de faire le dépôt d'une proposition en redressement protège d'une certaine façon les créanciers d'un traitement inégal qui favoriserait l'un plutôt qu'un autre. Un débiteur qui se sait insolvable et qui persiste dans son insolvabilité va généralement aggraver sa situation financière. C'est ce qui est répréhensible, cette continuation à l'insu de ses créanciers, avec la complicité d'un ou deux créanciers comme c'est généralement le cas.
Certains fournisseurs soutiennent le commerce, et la situation va nécessairement en s'aggravant. C'est ce qu'on veut rendre répréhensible. Une personne qui se sait insolvable devrait immédiatement poser un geste pour le bénéfice de l'ensemble de ses créanciers et non pas seulement de l'un ou l'autre d'eux.
Le banquier ne sera pas nécessairement celui qu'avantagera un débiteur qui continue son commerce. Souvent, un débiteur qui sait qu'il fera faillite incessamment a déjà l'intention de repartir en affaires dans quelques mois. À qui s'adressera-t-il d'abord lorsqu'il repartira en affaires? Ce sera souvent à ceux qui l'ont appuyé jusqu'au dernier moment, c'est-à-dire des fournisseurs, et pas nécessairement son banquier. Il obtiendra l'appui de ses fournisseurs à l'insu des autres créanciers. Il sait que, de toute façon, ces gens vont l'aider à repartir dans un an. Il va peut-être les avantager et persister dans son insolvabilité à l'insu d'autres créanciers. C'est pour cette raison qu'on veut rendre de telles actions répréhensibles.
Je pense que l'idée est bonne. Le problème se trouve peut-être au niveau de la formulation. Peut-être devrions-nous préciser «ayant pour effet d'aggraver son état d'insolvabilité» ou «sans avoir pris de bonne foi des moyens pour y remédier». Si vous avez présenté ces commentaires, c'est peut-être parce que le texte n'est pas rédigé de façon suffisamment limpide pour refléter l'objectif poursuivi.
Le président: Nous vous remercions beaucoup de votre travail.
[Traduction]
Nous vous sommes reconnaissants d'être venu ici aujourd'hui pour nous aider. Comme vous avez pu le constater d'après les questions des membres, vos opinions et recommandations suscitent beaucoup d'intérêt. Sachez que nous tiendrons dûment compte de vos points de vue. Encore une fois, merci. Je crois que vous avez le temps qu'il vous faut pour aller prendre votre train.
Nos témoins suivants représentent l'Institut d'insolvabilité du Canada. Pendant qu'ils se préparent, j'aimerais que le comité se penche sur deux questions de régie interne: l'approbation du sous-comité du programme et de la procédure - le document pertinent vous sera distribué maintenant - et le budget.
La première question concerne simplement le travail que le sous-comité a effectué en juin pour organiser nos délibérations d'aujourd'hui. Nous n'avons pas eu l'occasion de nous réunir et c'est pourquoi nous n'avons pas en fait approuvé les travaux que nous avons entamés. C'est là une des subtilités de notre mandat: que nous autorisions le travail que nous faisons.
Y a-t-il une proposition?
M. Bodnar: Je propose que soit approuvé le rapport en date du 12 juin 1996 du Sous-comité du programme et de la procédure du Comité permanent de l'industrie.
Le président: Discussion? Questions? Approuvé.
La motion est acceptée
Le président: Je vais demander au greffier d'expliquer le budget. Le budget s'élève à 47 540 $, somme qui servira surtout à couvrir les dépenses des témoins qui comparaîtront devant nous pour l'étude du projet de loi C-5. Je vais demander au greffier de vous expliquer chaque poste de dépense.
Si les témoins veulent bien patienter... Le nombre de gens qui sont autorisés à entendre les témoins n'est pas le même que le nombre de gens qui sont autorisés à voter. Si vous voulez bien m'excuser, je vais profiter de la présence de tous pour faire ce que j'ai à faire.
Le greffier du Comité: Le comité doit obtenir l'approbation du budget de la part du Comité de liaison de la Chambre parce que nous examinons le projet de loi C-5. De plus, le comité projette d'entamer une importante étude sur les technologies de pointe, l'écart technologique en général et la reconversion de l'industrie de la défense. Le président veut d'abord obtenir l'autorisation du comité et on demandera ensuite aux membres de voter.
Il en est ainsi parce que, à l'instar de tous les autres comités, nous recevons au départ 10 000 $ afin de nous acquitter de notre tâche et il s'agit ici de demander des fonds supplémentaires qui serviraient à payer les dépenses des témoins, les frais d'accueil et les dépenses diverses jusqu'à concurrence de 47 540 $. Voilà pourquoi il nous faut l'autorisation de l'importante étude que nous voulons réaliser.
Si vous passez à la page 3, sous la rubrique «Divers», il y a le café et le jus, 50 réunions, et cette somme s'appliquerait à l'étude de la technologie de pointe et à d'autres grandes études qui seront menées jusqu'à Noël. Si vous devez avoir des déjeuners de travail, c'est ici que de telles dépenses sont prévues.
Pour mener notre grande étude sur la science et la technologie, nous nous servirons de vidéoconférences pour entendre des témoins d'outre-mer, plutôt que de leur demander de venir ici. Les vidéoconférences nous permettront d'économiser beaucoup d'argent. Nous demandons une somme de 6 000 $ pour cette activité.
Tous les détails sont dans le budget et il nous faut l'approbation du comité pour que le Comité de liaison puisse à son tour l'approuver.
Le président: Avant de commencer, je tiens à signaler aux députés de l'opposition qu'aucune dépense sous la rubrique «Accueil» ou «Déjeuners de travail» ne sera approuvée si on n'en a pas discuté avec vous au préalable.
Je veux simplement éviter d'avoir à en saisir à nouveau le comité.
L'important selon moi est de faire en sorte que les sommes nécessaires seront approuvées pour les témoins qui comparaîtront et pour les vidéoconférences. Voilà la principale raison d'être de cette démarche.
Le greffier: C'est là la motion qu'il faut régler.
Le président: Oui.
M. Bodnar: Je le propose.
Le président: M. Bodnar propose que le Comité permanent de l'industrie approuve le budget proposé de 47 540 $ pour la tenue des audiences publiques sur le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu et pour la réalisation d'une importante étude sur les technologies de pointe et l'écart technologique en général et la reconversion de l'industrie de défense, et que le président soit autorisé à présenter ce budget au Comité de liaison.
La motion est acceptée
Le président: Merci infiniment aux témoins pour leur indulgence.
Vous avez pu voir le comité en action.
J'invite maintenant le président ou le premier représentant de l'Institut d'insolvabilité du Canada de se présenter et de nous présenter ses collègues.
M. Bruce Leonard (directeur exécutif, Institut d'insolvabilité du Canada): Je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de prendre la parole devant le comité. Je m'appelle Bruce Leonard et je suis le président de l'Institut d'insolvabilité, mais j'ai demandé à deux praticiens beaucoup plus éminents de m'accompagner pour présenter les principaux points au comité au nom de l'institut.
David Baird est un associé principal de Tory, Tory, DesLauriers et Binnington à Toronto. David est l'un des praticiens les plus chevronnés au Canada dans le domaine de l'insolvabilité et il a été conseiller juridique auprès du Sénat lorsque des projets de loi ont été présentés autrefois en 1975 et en 1984 pour modifier la Loi sur la faillite. C'est une personne qui s'y connaît très bien dans le domaine.
Gary Colter est président de KPMG Inc., le service de syndic de KPMG au Canada. Il est également président du groupe international des services généraux de recouvrement de KPMG, qui est une organisation d'envergure mondiale au sein du groupe KPMG.
Lisa Kerble Caplan est la personne qu'il faut remercier si notre mémoire est organisée d'une façon aussi présentable et elle mérite selon moi tous nos éloges car la tâche a été énorme.
Voici comment nous avons réparti notre temps, compte tenu bien sûr des voeux du comité et de ses membres: je vous dirai d'abord quelques mots sur l'institut d'insolvabilité et ensuite David Baird et Gary Colter aborderont un nombre restreint de grandes questions qui, aux yeux de l'institut, revêtent une certaine importance dans l'ordre des choses.
Précisons d'abord que l'institut est une organisation sans but lucratif. Il s'agit également d'une organisation nationale et sa taille est assez restreinte. Hier, vous avez accueilli le Barreau canadien, qui représente 34 000 personnes. Nous représentons 100 membres, mais nous aimons à penser que la qualité est notre premier objectif. Je ne veux critiquer personne en disant cela.
Le président: Il y a trop d'avocats.
M. Bodnar: Ce que dit le président est irrecevable.
M. Leonard: J'ai trouvé particulièrement intéressante au moment de la dernière réunion du comité la question concernant l'autorisation des avocats d'exercer à titre de syndic. Je crois qu'il s'agit là d'une question qui déchirerait l'institut. Cependant, nous n'avons pas à nous en occuper aujourd'hui.
Nous sommes une organisation nationale. Nos membres comprennent certains des praticiens les plus chevronnés dans le domaine de l'insolvabilité et ceux-ci proviennent des milieux juridiques, comptables et financiers. Nous avons déjà comparu devant ce comité, à l'occasion des modifications de 1992. En fait, c'est là la dernière fois que nous étions ici, il y a presque cinq ans la semaine dernière. Nous avons fait pas mal de travail à l'occasion des modifications de 1992 et nous avons été heureux de constater qu'on a tenu compte de plusieurs de nos recommandations dans les changements apportés à la loi en 1992.
Nous voulons faire tout ce que nous pouvons pour aider le comité à étudier et à décortiquer le projet de loi C-5. Les mesures législatives visant l'insolvabilité qui sont adoptées dans notre pays constituent selon nous une législation d'encadrement économique très importante. De telles mesures peuvent avoir des répercussions sur chaque fermeture d'usine, sur chaque abandon d'activité, sur chaque mise en jeu de sûretés que peut entamer un créancier garanti. Elles toucheront toutes les entreprises qui connaissent le même sort que Distribution aux Consommateurs. Il n'y a aucune activité économique qui y échappe. Notre organisation tient à faire tout ce qu'elle peut pour que notre pays dispose de la meilleure législation possible dans le domaine de l'insolvabilité. C'est là l'objectif premier de nos exposés d'aujourd'hui.
Notre travail dans ce domaine se poursuit sur plus d'un plan. En effet, à notre prochaine réunion des membres, nous envisageons de lancer officiellement un examen global et approfondi des dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. À notre connaissance, il s'agirait là d'une première dans le secteur privé. Il y aurait lieu selon nous, dans l'intervalle qui précède la prochaine modification de la loi, de procéder à un examen complet et détaillé de toutes les principales dispositions de la législation canadienne dans le domaine de l'insolvabilité. Dans bien des cas, il n'y a pas eu de changements depuis 1919. Nous nous proposons - et il faut espérer que nos membres seront d'accord - d'entreprendre un tel examen et de travailler avec le gouvernement et le ministère pour améliorer notre législation dans le domaine de l'insolvabilité ou pour poursuivre les démarches censées mener à son amélioration.
Avant les modifications de 1992, la dernière fois que la Loi sur la faillite avait été modifiée était en 1949. Il s'était donc écoulé 43 ans entre les deux révisions. L'institut est convaincu qu'il ne faudrait plus jamais attendre si longtemps avant de s'occuper de la législation sur l'insolvabilité. Dans notre mémoire, nous proposons que le prochain examen de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ait lieu après cinq ans plutôt qu'après sept ans. À notre avis, l'importance de ces mesures fait que cinq ans devraient suffire pour évaluer l'application concrète des modifications que nous avons adoptées et pour mettre au point des propositions d'amélioration précises en vue du prochain cycle.
Voilà ce que j'avais à dire en guise d'introduction pour décrire l'institut, ses objectifs et ses activités. Je vais maintenant céder la parole à M. Colter qui vous parlera du projet de loi proprement dit.
M. Gary Frederick Colter (président et chef de la direction, KPMG Peat Marwick Thorne Inc.): J'aimerais aborder deux questions: la responsabilité des directeurs et deux aspects bien précis de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
En ce qui concerne les directeurs, nous cherchons tous depuis assez longtemps à faire la part des choses dans les situations où il y a des directeurs compétents et honnêtes et des gens qui ne s'acquittent pas de leurs fonctions comme ils le devraient.
Au fil des ans il est devenu apparent que nous devons créer au Canada un climat susceptible d'attirer les meilleurs candidats possible aux postes d'administrateurs, particulièrement quand une compagnie éprouve des difficultés financières.
Ce climat n'existe pas aujourd'hui. En effet, nos administrateurs doivent assumer des responsabilités qui peuvent éventuellement être très lourdes, notamment en ce qui concerne les salaires, la paye de vacances, les pensions et les indemnités de départ dans certaines provinces. Et ils ne peuvent invoquer la défense basée sur la diligence raisonnable que dans quelques cas.
Quand nous devons intervenir dans une situation, l'une des premières choses que font les administrateurs en poste - et vous essayez souvent d'appeler à la rescousse des administrateurs pour qu'ils vous aident à régler les problèmes - c'est de tenter de déterminer de quel genre de protection ils jouissent eux-mêmes, ainsi que les dirigeants. Ils essaient d'obtenir une bonne protection de la part de la banque ou d'autres créanciers garantis. Mais il arrive souvent qu'ils ne peuvent s'assurer cette protection, ou encore que les avocats chargés du dossier ne peuvent leur dire clairement ce qu'elle pourrait être.
Nous avons eu un cas plus tôt cette année, soit l'ancienne entreprise de camionnage du Canadien Pacifique, aujourd'hui la Interlink Freight Systems Inc., où la situation est devenue tellement critique que tous les administrateurs sont partis. Fort heureusement, nous avons réussi à restructurer toute cette entreprise, qui compte plusieurs milliers d'employés, sans conseil d'administration.
Ce n'est pas une bonne façon de faire les choses. Nous avons besoin de conseils d'administration, de bons conseils, pour pouvoir faire les restructurations.
Nous croyons d'une façon générale que nous devons avoir une attitude beaucoup plus positive envers les administrateurs qui font preuve d'honnêteté et de bonne foi.
Nous voyons matière à encouragement dans le rapport Kirby sur la régie des sociétés, récemment publié, qui fait mention de certains changements relatifs aux responsabilités des administrateurs, mais nous nous demandons s'il est allé assez loin.
D'autre part, il y a des administrateurs dont la conduite laisse à désirer, ou encore se situe souvent quelque part entre l'honnêteté et la fraude, pour ainsi dire dans une zone grise, bien qu'il soit très difficile de commettre une fraude.
Je remonte dix ans en arrière, au rapport de 1986 sur la faillite et l'insolvabilité, où le comité en question parlait de conduite répréhensible dans le cas de l'administrateur faisant montre d'un manque d'éthique injustifiable dans les pratiques commerciales, mais non pas d'erreur de jugement. C'est là la meilleure définition que nous avons pu donner alors de la notion de sanctions s'appliquant à cette zone grise. Nous parlions alors de déchéance de l'administrateur pour une période définie, et, en cas de perte pour les créanciers et l'actif, de la possibilité d'intenter des poursuites pour réparer une partie de ces pertes.
À notre avis, les modifications proposées dans le projet de loi C-5 au sujet de la responsabilité des administrateurs améliorent les choses, mais nous ne croyons pas que le processus mis en branle dans le cadre du CCFI ait atteint son objectif. Nous ne sommes pas allés assez loin et nous n'avons pas réalisé l'équilibre voulu. Il faut de toute urgence faire d'autres changements. Le gouvernement devrait selon nous envisager sérieusement de créer un groupe de travail qui serait chargé d'étudier plus avant cette question; ce groupe devrait coordonner d'une certaine façon son travail avec les recommandations de la commission Kirby et avec ce que, selon le ministre Manley, le gouvernement a l'intention de recommander à la Chambre vers le milieu de 1997.
Je passe maintenant à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LACC. Les modifications de 1992, je crois qu'il est juste de le dire, ont dégagé un consensus, non pas unanime, mais général; en effet, nous nous entendions alors pour dire qu'après 1992 nous pourrions voir comment s'appliqueraient les dispositions de la LFI et de la LACC sur la restructuration, et ce, en prévision de l'adoption éventuelle d'une seule loi sur la restructuration. À mesure que le temps s'écoulait et que se multipliaient les expériences, notamment pour de grandes entreprises canadiennes, il devenait évident qu'il serait extrêmement utile de garder la LACC. Les dispositions de la LFI sur la restructuration ont en général fonctionné relativement bien. Il fallait donc se demander alors comment nous pourrions garder les deux lois tout en restreignant peut-être l'accès à la LACC.
Dans un pays comme le Canada nous aboutissons souvent à des compromis à cause des opinions des différentes régions. Je crois qu'il est juste de dire que, dans ce contexte, dans les grandes villes les gens qui travaillent dans ce domaine préfèrent avoir une limite financière relativement élevée pour pouvoir avoir accès à la loi, tandis que dans d'autres parties du pays ils préfèrent avoir un seuil très bas, ou aucun seuil éventuellement, et veulent qu'on donne vraiment accès à la loi à toutes les entreprises qui éprouvent des difficultés.
Si on examine les différences qui existent entre la LFI et la LACC, on constate que certaines des plus importantes d'entre elles découlent largement de la complexité de la situation. La LACC a surtout servi pour les grandes entreprises canadiennes, dont les problèmes sont plus complexes. Il importe aussi de souligner que la LFI impose des délais plus stricts. Mais je n'ai personnellement jamais vu au Canada une entreprise ou un groupe d'entreprises avec un passif inférieur à 10 millions de dollars - des dettes inférieures à 10 millions de dollars - qui n'a pu être déclaré solvable, être restructuré avec succès grâce à la LFI. Nous disons donc au nom de l'institut que les 10 millions de dollars sont un très bon compromis pour ce problème-ci. Il ne satisfait pas tout le monde, mais nous croyons que c'est une bonne façon d'aborder la situation, et nous appuyons fermement la décision du gouvernement de fixer cette limite de 10 millions de dollars.
Pour ce qui est du financement, nous avons eu au fil des ans beaucoup de déboires quand nous avons voulu voir précisément comment une entreprise en difficulté peut obtenir des fonds tout en se restructurant. Ce qui arrive essentiellement au Canada, c'est que si l'entreprise n'a pas conclu d'arrangement avec son prêteur de fonds de roulement pendant cette période, toute tentative de restructuration est vouée à l'échec. Le prêteur de fonds de roulement détient en fait toutes les cartes, et vous devez conclure un arrangement.
Il est important de tenir des discussions et des négociations avec le prêteur de fonds de roulement, mais nous croyons qu'il faudrait en arriver à mieux définir les principes susceptibles de régir le financement pendant cette période.
Comme certains d'entre vous le savent, aux États-Unis nous avons en vertu du chapitre 11 un système qui assure le financement du débiteur en possession, de sorte que le débiteur passe au tout premier rang s'il veut obtenir du crédit pour financer son entreprise à certaines conditions pendant qu'il la restructure. Nous ne sommes pas ici pour louanger le chapitre 11 ni pour dire que le financement du débiteur en possession est la meilleure façon de faire, mais pour dire que cette question doit être réglée. Nous recommandons la tenue d'une révision tous les cinq ans, mais nous espérons aussi qu'on chargera un groupe de travail d'examiner cette question bien précise, peut-être en même temps que d'autres questions qui pourraient être mises à l'étude dans un proche avenir.
Il y a eu au Canada des cas où les tribunaux ont émis des ordonnances accordant la garantie de premier rang à des entreprises, notamment dans les affaires Dylex et Bramalea, mais il ne faudrait pas considérer ces cas comme des précédents jurisprudentiels. En fin de compte, cette question est très floue; elle n'est pas réglée et devra être encore scrutée.
Je donne maintenant la parole à M. Baird.
M. David E. Baird (associé principal, Tory Tory DesLauriers et Binnington; et coprésident, groupe d'étude du projet de loi C-5, Institut d'insolvabilité du Canada): Peut-être que certains veulent vous poser des questions, Gary, avant que je commence.
Le président: Je vous en prie, monsieur; faites d'abord votre exposé. Nous poserons ensuite nos questions.
M. Baird: Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de comparaître devant vous.
Depuis de nombreuses années je m'intéresse beaucoup à la révision des lois, notamment de la Loi sur la faillite. Le processus a longtemps laissé à désirer, mais en 1992 nous sommes arrivés quelque part, c'est-à-dire à mi-chemin, et nous continuons à progresser.
Nous sommes très heureux que le Parlement s'occupe de ces questions, mais tout à l'heure j'ai entendu quelqu'un demander: «Est-ce nécessaire?» Oui, nous avons besoin d'une nouvelle loi. Nous n'avons pas eu le temps de tout faire en 1992. Des questions qui figurent dans ce projet de loi-ci n'ont pas été abordées en 1992, notamment des questions de portée internationale, le secteur des valeurs mobilières et d'autres questions que nous avons dû laisser de côté faute de temps. Il faut donc vraiment améliorer la loi, et, comme Gary l'a dit, continuer à l'améliorer dans l'avenir.
Nous sommes bien en retard sur les États-Unis et l'Angleterre, qui révisent leur loi sur la faillite régulièrement et fréquemment. Le Canada n'est pas un exemple à suivre. Heureusement, nous commençons à rattraper le temps perdu, mais nous avons encore un bon bout de chemin à faire.
J'ai travaillé aux modifications en 1975 et en 1980. Nous avons travaillé très fort, mais sans résultats. Beaucoup d'efforts pour rien.
Nous vous exhortons à adopter cette loi, qui, selon moi, est très importante.
Pendant que j'y suis, il faudrait modifier aussi la Loi sur les liquidations. Vous pourriez donc l'ajouter à votre liste.
Maintenant que j'en ai fini avec ma publicité, je vais parler du projet de loi C-5, notamment du locateur et du locataire, de la responsabilité environnementale, de l'insolvabilité en contexte international et des consommateurs.
Je crois savoir que vous n'avez pas encore entendu le témoignage du groupe représentant les centres commerciaux, mais permettez-moi de vous dire que l'un des grands problèmes découlant des modifications de 1992, c'est la résiliation d'un bail. Cette chose nouvelle a fait son apparition en 1992. Avant cette date, il était impossible de restructurer une chaîne de magasins de détail. Vous ne pouviez plus faire marcher votre entreprise. Vous deviez faire faillite pour pouvoir résilier et annuler les baux des magasins non rentables et maintenir ceux des magasins rentables, car c'est la seule façon de restructurer une chaîne de magasins de détail.
Distribution aux consommateurs a essayé de faire cela, sans succès, mais nous l'avons fait chez Dylex, et cela fonctionne très bien.
Nous avions besoin de ce droit. Il a été établi en 1992, mais ces modifications ont créé des injustices. Le débiteur qui avait fait la proposition pouvait résilier le bail et payer six mois de loyer en guise de pénalité.
Il pouvait y avoir des baux à long terme. Dans un cas il s'agissait d'un bail de 20 ans. Le débiteur, le locataire, a pu résilier son bail en payant six mois de loyer et a versé à tous les autres créanciers presque 100 cents le dollar. Le locateur a crié à l'injustice, s'est plaint, s'est adressé au tribunal, mais a échoué à cause du libellé de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
C'est pourquoi le projet de loi C-5 propose des modifications pour rectifier ce problème.
Nous avons examiné les modifications à notre institut, et nous approuvons la plupart d'entre elles. Ce sont là des améliorations, croyons-nous.
Le projet de loi C-5 propose maintenant de donner au locateur dont le bail est résilié le droit de produire une réclamation dans la proposition et le droit de voter sur cette proposition.
Le débiteur a le choix de déterminer quel genre de réclamation va lui être autorisé. Il peut s'agir soit d'une réclamation pour préjudice réel, soit d'une réclamation fondée sur une formule réglementaire. Néanmoins, en ayant le droit de produire une réclamation et de voter, le locateur sera traité de la même façon que les autres créanciers.
Ce que les locateurs dénonçaient au plus haut point, c'est qu'ils étaient traités injustement, qu'ils n'étaient pas traités de la même façon que les autres créanciers. Le projet de loi corrige cette situation. Toutefois, en tant qu'Institut, nous estimons qu'il va trop loin.
Selon le régime actuel, si le locateur s'oppose à la résiliation du bail, il peut s'adresser à un tribunal et contester cette décision. Toutefois, dans la plupart des cas, le locateur a perdu cette contestation.
Le nouveau projet de loi resserre les critères relatifs à la contestation. Il donne au locateur trois droits: le droit de produire une réclamation, le droit de voter sur la proposition, de même que le droit de contester la résiliation en justice.
À notre avis, le projet de loi va trop loin. Cette mesure fait pencher la balance en faveur des locateurs et empêche le débiteur de réorganiser une chaîne de magasins ou rend sa tâche plus difficile.
Nous souhaiterions donc que le droit de contester la résiliation en justice soit supprimé du projet de loi.
L'industrie des centres commerciaux va protester quand elle va apprendre que nous n'aimons pas ce qu'elle fait. Elle a réussi à faire modifier les propositions, mais nous croyons que les changements vont trop loin.
La refonte de 1992 a désavantagé les locateurs. Or, nous croyons que cette refonte-ci les avantage trop. Nous aimerions que des règles du jeu plus équitables soient instaurées en supprimant le droit d'un locateur de s'adresser à un tribunal.
Ce droit pose de véritables problèmes, puisque le débiteur ne sait plus ce qu'il peut faire avec un bail. Il ne sait pas s'il peut l'annuler en raison de l'existence de ce droit d'appel.
Donc, si vous avez un plan et que vous voulez fermer cinq magasins, vous devez attendre de connaître la décision du tribunal avant de savoir si vous pouvez agir. C'est décourageant. Les décisions de ce genre doivent être prises rapidement. Vous avez des gens qui achètent de la marchandise. Vous avez des employés. Vous avez des fournisseurs. Vous ne pouvez vous permettre de vous adresser à un tribunal et d'en appeler d'une décision lorsque vous êtes confronté à ce genre de situation.
Malheureusement, dans un cas d'insolvabilité, le facteur temps est très important.
Cette procédure est également coûteuse. Je suis un avocat. J'aime bien faire de l'argent, mais les contestations entraînent des frais juridiques. Il s'agit là d'un fardeau additionnel aussi bien pour le locateur que le locataire.
Donc, nous pouvons supprimer ces contraintes de temps et ces coûts, et je ne crois que cela aura pour effet de rendre la situation encore plus inéquitable puisque les autres modifications proposées sont justes à l'égard des locateurs.
Mais vous entendrez un autre son de cloche de leur part lorsqu'ils comparaîtront devant vous.
Nous le savons déjà parce qu'un de nos membres agit en qualité de représentant des locateurs et s'oppose vigoureusement aux propositions que nous avons mises de l'avant.
Est-ce exact, Bruce?
M. Leonard: C'est exact.
M. Baird: J'aimerais maintenant vous parler de la responsabilité environnementale.
C'est en 1992 qu'on a essayé pour la première fois de s'attaquer, dans la Loi sur la faillite, à la question de la responsabilité environnementale. Le syndic agissant dans le cas d'une faillite s'était vu octroyer une certaine immunité en matière de responsabilité environnementale. Il avait été dégagé de toute responsabilité découlant de tout dommage lié à l'environnement survenu avant sa nomination, surtout s'il avait agi avec la prudence voulue.
Le problème avec la responsabilité environnementale, c'est qu'on peut difficilement savoir à quel moment le dommage est survenu. Si le réservoir d'essence coule, comment peut-on savoir à quel moment il a commencé à couler? Cette disposition entraîne toute une série de problèmes. Il est difficile de dire avec précision quand le dommage lié à l'environnement a pris naissance et quand il a pris fin.
Les nouvelles modifications tiennent compte de cette situation. Nous les avons examinées et conclu que: «C'est le seul cas où il a été établi qu'une réclamation pour responsabilité environnementale peut être faite, que le problème se soit posé avant ou après la date de la faillite, puisqu'il est très difficile, en pratique, de déterminer avec précision quand le problème a pris naissance.»
Si un produit est déversé dans une rivière, à quel moment ce déversement a-t-il commencé et quand a-t-il pris fin? Il est impossible de le dire et je crois que le gouvernement, en proposant ces modifications, reconnaît ce fait.
Ce sont les sites abandonnés qui constituent le plus grand problème. La plupart des lois provinciales disposent que si vous prenez possession d'un site, vous devez le nettoyer. Le syndic qui prend possession d'un site est tenu de le décontaminer, sauf s'il parvient à démontrer qu'il a exercé la prudence voulue.
Personne ne sait ce qu'on entend par cela. Ce critère n'a pas été clairement défini, de sorte qu'il dissuade les syndics de prendre possession d'un site. C'est ce qui se passe dans la réalité. S'ils ont des doutes, ils font marche arrière. On se retrouve donc avec des problèmes environnementaux qui continuent de perdurer.
Il faut vraiment analyser la situation d'un point de vue économique. En prenant possession d'un site, le syndic ne sait pas à combien s'élèveront les coûts de décontamination. Toutefois, il sait qu'il ne va toucher que quelques honoraires pour administrer le bien immeuble. Ça ne vaut donc pas la peine de courir un tel risque.
Un créancier garanti ne dédommagera pas un syndic s'il ne connaît pas les coûts associés à la responsabilité.
Nous nous retrouvons donc dans une situation où les gens refusent de prendre des risques.
Dans bien des cas, ils s'adressent aux gouvernements provinciaux et négocient des accords d'occupation pour se protéger. Ces négociations sont très longues. Les gouvernements, surtout celui de l'Ontario, ont réduit leur personnel, de sorte que la négociation de ces accords s'avère très coûteuse.
Nous estimons que les modifications proposées à la Loi sur la faillite contribuent grandement à améliorer la situation. Vous nous avez demandé plus tôt pourquoi nous étions en faveur de ce projet de loi. Eh bien, nous avons constaté que la refonte de 1992 ne va pas assez loin et que ces modifications-ci améliorent la situation.
Elles introduisent les principes de négligence grave et d'inconduite délibérée. Le syndic dans le cadre d'une faillite est tenu responsable, mais seulement si le dommage lié à l'environnement est causé par sa négligence grave ou son inconduite délibérée. Ces critères sont bien connus. Ils ne sont pas aussi sévères que le critère de la prudence voulue, mais les syndics nous ont dit qu'ils sont disposés à prendre possession d'un bien immeuble sur la base de ce critère, plutôt que sur celui de la prudence voulue, où ils ont fait montre de leur attitude en refusant d'agir. Donc, nous devions trouver un critère que les syndics jugeaient acceptable. Autrement, nous aurions perdu notre temps. Je crois que le gouvernement en est conscient.
Le nouveau projet de loi accorde à un syndic le droit d'abandonner le bien immeuble en cause s'il constate que les coûts de décontamination dépassent la valeur de réalisation de celui-ci. Est-ce que cela constitue un avantage? Oui, un avantage énorme. Le syndic a maintenant le droit de prendre possession d'un bien immeuble, de faire évaluer les frais de décontamination. On se trouve à confier à une personne responsable un bien immeuble endommagé sur le plan environnemental.
À mon avis, les chances que le bien immeuble soit décontaminé en vertu de ce projet de loi-ci sont plus grandes qu'avant.
L'Institut appuie vigoureusement les propositions mises de l'avant dans le projet de loi C-5; toutefois, il faut que les règles de jeu soient équitables. Le projet de loi C-5 propose d'accorder la priorité aux frais de décontamination de tout dommage lié à l'environnement qui touche un bien immeuble et tout autre bien contigu à celui-ci qui est lié à l'activité ayant causé le dommage. Il s'agit strictement d'un compromis.
Selon l'Institut, il faudrait accorder la priorité aux coûts de décontamination. Il est juste de leur accorder la priorité sur tout autre droit visant le bien immeuble grevé.
Mais tel n'est pas le cas à l'heure actuelle. En vertu de la Loi sur la faillite, les coûts de décontamination sont considérés comme des créances ordinaires au même titre que les réclamations des créanciers non garantis.
Le projet de loi vise encore une fois à produire des règles de jeu équitables, à mieux protéger les autorités environnementales en ce qui concerne les coûts de décontamination et à accorder à ces derniers la priorité sur le bien immeuble lui-même.
L'ancienne Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne traitait pas des cas d'insolvabilité en contexte international. Toutefois, ces cas deviennent de plus en plus courants.
Nous appuyons la proposition mise de l'avant dans le projet de loi C-5 concernant l'insolvabilité en contexte international.
Il y a deux façons d'administrer une faillite lorsque le débiteur mène des activités commerciales dans plusieurs pays.
On peut dans un premier temps consolider les avoirs, c'est-à-dire transférer ou réaliser les avoirs, les placer sous le contrôle d'une administration centrale et ensuite les distribuer. On cherche ici à administrer les avoirs sur une base consolidée en cas d'insolvabilité en contexte international.
On peut dans un deuxième temps faire en sorte que les avoirs du débiteur international sont administrés dans chacun des pays où il mène des activités commerciales.
Le projet de loi C-5 favorise la deuxième approche. Il donne à un syndic d'un pays étranger le pouvoir de venir au Canada et de se prévaloir des lois canadiennes sur la faillite pour favoriser la réalisation des avoirs du débiteur. Il lui donne le pouvoir d'entreprendre des poursuites au Canada comme s'il était un des créanciers du débiteur. Il lui donne le droit de demander une suspension des procédures à l'égard du débiteur, de faire nommer un séquestre intérimaire par un tribunal et de procéder à des interrogatoires sous serment.
Nous sommes d'avis que la Loi sur la faillite et l'insolvabilité devrait continuer de s'appliquer aux débiteurs canadiens, aux gens qui ont consenti des prêts au Canada et qui ont cru que leurs activités seraient régies conformément à la loi canadienne sur la faillite. Ils ne devraient pas être assujettis aux lois d'un pays étranger du fait que le débiteur mène des activités commerciales à l'étranger.
J'aimerais pour terminer vous parler des débiteurs consommateurs.
Nous avons formulé plusieurs observations au sujet des dispositions du projet de loi C-5 qui traitent des débiteurs consommateurs.
À notre avis, il faudrait, entre autres, modifier les dispositions qui ont trait au versement du revenu excédentaire par le failli. Nous estimons que ces dispositions sont trop complexes. En vertu de la loi actuelle, le syndic, avec l'accord des inspecteurs, peut s'adresser à un tribunal pour exiger d'un failli qu'il verse des paiements à ses créanciers. De plus, lorsqu'un failli peut bénéficier d'une libération, le tribunal a le droit d'exiger qu'il rembourse les créanciers.
Nous appuyons le principe voulant qu'un failli paye ses créances s'il est en mesure de le faire. Toutefois, il s'agit là de cas exceptionnels. On a malheureusement tendance à mettre l'accent sur les abus, les cas où une personne qui a des revenus considérables fait faillite et néglige de payer ses créanciers.
La plupart du temps, un failli ne peut se permettre de payer ses créanciers. Le fait d'instituer une procédure très complexe qui vise la majorité des faillis indigents ne peut que s'avérer très coûteuse. Elle va empêcher le failli de redresser sa situation. Nous estimons que le processus décrit dans le projet de loi est trop complexe et coûteux.
Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'examiner ces dispositions en profondeur, mais je peux relever les problèmes qu'elles soulèvent. Ils deviennent évidents à la lecture de celles-ci.
Le projet de loi précise que le surintendant fixe, par instruction, pour les provinces ou pour un ou plusieurs districts ou parties de district, des normes visant l'établissement du montant du revenu total du failli qui excède ce qui est nécessaire au maintien d'un niveau de vie raisonnable. Donc, vous avez un surintendant qui fixe des normes, lesquelles peuvent être différentes d'une région à l'autre.
Le syndic, dans le cadre d'une faillite, est tenu de fixer le montant que le failli doit verser à l'actif de la faillite et d'en aviser le séquestre officiel par écrit. Si des changements importants surviennent dans la situation du failli, le syndic a le droit de tenir compte de ces changements et de modifier le montant fixé. Si le séquestre officiel estime que le montant que doit payer le failli diffère substantiellement du montant payable en application des normes établies par le surintendant, il peut recommander au syndic et au failli le montant à verser, au titre de celles-ci, à l'actif de la faillite.
Si le syndic et le failli ne s'entendent pas sur le montant à verser, le syndic transmet au séquestre officiel une demande de médiation.
En outre, un créancier a le droit de demander, par écrit, que le montant que le failli doit verser à l'actif soit fixé par voie de médiation.
Le projet de loi précise ensuite que la procédure de médiation sera fixée par les règles générales. Si le failli n'est pas d'accord avec la recommandation du séquestre officiel ou s'il néglige de payer le montant fixé par le syndic, ce dernier peut, ou sur demande des inspecteurs, des créanciers ou du séquestre officiel, demander au tribunal d'examiner le dossier.
C'est comme si on se servait d'un marteau pour tuer une mouche.
Nous voulons, dans des cas exceptionnels, avoir le droit de nous adresser aux tribunaux, comme il est possible de le faire à l'heure actuelle, pour obliger une personne qui gagne un revenu élevé à effectuer des paiements. Tout le monde accepte ce principe. Mais n'instaurez pas une procédure coûteuse comme la médiation.
Cette procédure est de toute façon enclenchée de façon informelle dans ces cas-ci. Si le syndic juge que le débiteur ou le failli a un revenu élevé, il l'informe que le tribunal exercera sur lui beaucoup de pression et qu'il est préférable qu'il commence à effectuer des paiements. Il entreprend donc des négociations. Les créanciers négocient le montant qui sera payé et, s'il n'y a pas d'accord, c'est le tribunal qui tranche.
Mettre sur pied une procédure formelle pour chaque faillite, où peut-être 75 p. 100 des faillis ne peuvent effectuer un paiement, constitue une démarche coûteuse et très longue.
Les autres mémoires que j'ai lus semblent abonder dans le même sens.
Il est un autre point que nous voulons aborder, mais brièvement. Il s'agit des prêts aux étudiants. Comme le signale le document, ces prêts constituent un problème.
Le président: Vous êtes libre d'utiliser votre temps de parole comme bon vous semble, mais habituellement, nous accordons une heure aux témoins. Il ne restera plus qu'une quinzaine de minutes pour les questions. Avec votre permission, j'aimerais donner aux membres du comité la possibilité de poser quelques questions.
M. Baird: D'accord.
Le président: Monsieur Lebel.
[Français]
M. Lebel: J'ai un résumé de votre mémoire qui a été préparé par la Bibliothèque. Je vous félicite. Votre mémoire est très bien présenté et très bien étayé. Vous touchez des aspects du droit qui m'intéressent, notamment lorsque vous soulignez le problème constitutionnel que pourrait poser la sûreté que l'on attribue pour les coûts de nettoyage d'un immeuble versus les hypothèques existantes. Vous faites une suggestion que je ne saisis pas très bien. Pourriez-vous la préciser?
[Traduction]
M. Baird: Le projet de loi C-5 dispose que le gouvernement fédéral, la Loi sur la faillite, créera une réclamation, un privilège ou une hypothèque - je crois que c'est le terme utilisé au Québec - , qui aura priorité sur tous les autres droits.
Le fait de créer une hypothèque ou un privilège peut poser un problème sur le plan constitutionnel. Nous recommandons plutôt que la Loi sur la faillite reconnaisse l'hypothèque ou le privilège créé par une loi provinciale ou une autre loi fédérale et que la loi ne crée pas elle-même un tel privilège.
La Loi sur la faillite n'a jamais servi à créer un privilège, à imposer une hypothèque, à créer une hypothèque statutaire. Nous estimons qu'il s'agit là d'une démarche très complexe que propose le nouveau projet de loi, et qu'il existe des façons plus simples de régler le problème: en reconnaissant les privilèges ou les dispositions des lois provinciales. Je m'excuse si je n'ai pas abordé cette question plus en détail dans mon discours préliminaire.
[Français]
M. Lebel: Si vous me le permettez, je vais vous interroger à nouveau sur le paragraphe 14.06(7) proposé, sur ce rang prioritaire que vous accordez à ce droit de décontamination. Hier, je posais cette question à une personne qui, j'ose le présumer, m'a induit en erreur sans le vouloir. On confère une sûreté qui aurait priorité sur les hypothèques existantes.
Le paragraphe 14.06(7) n'oblige pas le syndic qui a une créance de dépollution à se payer d'abord à même cet immeuble ou son immeuble avoisinant. Le syndic peut recouvrer sa créance de la masse de la faillite. Le paragraphe 14.06(7) ne confère qu'une garantie de paiement et ne l'oblige pas à prendre le paiement à même cet immeuble. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?
[Traduction]
M. Baird: Je crois que votre interprétation est la bonne. Cette disposition n'oblige pas le syndic à tenir compte des autres avoirs du failli pour assurer la décontamination d'un bien immeuble en particulier. Nous trouvons cela tout à fait juste. Nous ne voyons pas pourquoi les autres avoirs devraient être pris en compte dans les coûts de décontamination d'un bien immeuble en particulier. Cela aura pour effet d'empêcher les créanciers qui ont consenti des prêts à l'égard d'autres biens, les créanciers non garantis, de récupérer les sommes prêtées si l'argent sert à décontaminer le site. Ce que propose le projet de loi, et nous l'appuyons, c'est que les sommes réalisées à même un bien immeuble, le bien immeuble touché par le problème environnemental, servent à couvrir les frais de décontamination.
[Français]
M. Lebel: Avez-vous la certitude que l'argent nécessaire sera pris là et non pas ailleurs?
[Traduction]
M. Baird: Le projet de loi prévoit que la réclamation pour les frais de décontamination ne sera pas une dépense administrative. À notre avis, cela nous offre suffisamment de certitude que l'argent ne sera pas pris ailleurs.
[Français]
M. Lebel: Je comprends. Une sûreté confère un droit d'être payé en priorité ou sur la valeur d'un bien. C'est cela, une sûreté. Êtes-vous d'accord sur cela?
Mais cela ne force pas le syndic à se payer sur ce bien. Le syndic peut se payer n'importe où ailleurs, là où il y a de l'argent, et non pas forcément en vendant ce bien et se payant sur ce bien. À la lecture du paragraphe 14.06(7) proposé, je n'arrive pas à la conclusion que c'est un impératif imposé au syndic que de réaliser ces avoirs sur ce lot. C'est une sécurité pour le syndic, qui peut être sûr de les récupérer par voie de garantie attribuée par l'article. Il semble que votre perception soit autre.
[Traduction]
M. Baird: Non, je pense que votre interprétation est correcte. Rien n'oblige le syndic à prendre de l'argent à même un autre actif et à s'en servir pour payer la décontamination. Ce qui peut servir à en payer le coût...
[Français]
M. Lebel: Mais il peut le faire.
[Traduction]
M. Baird: Oui, il le peut mais il n'y est pas obligé.
[Français]
M. Lebel: Exactement.
[Traduction]
M. Baird: S'il dépense effectivement l'argent, il obtient une première sûreté sur l'actif pour le coût de la décontamination. Toute partie qui dépense de l'argent pour décontaminer la propriété aura droit à cette sûreté prioritaire.
[Français]
M. Lebel: Un dernier point. Dans une de vos recommandations subséquentes, vous dites que le syndic pourrait agir à un certain moment pour un créancier garanti. Si on rattache l'interprétation qu'on vient de faire du paragraphe 14.06(7) et le fait que le syndic peut agir pour un créancier garanti, n'y a-t-il pas là tous les éléments d'un conflit d'intérêts?
[Traduction]
M. Baird: Non, il n'y a pas d'élément de conflit d'intérêt car ce créancier garanti aura de toute façon une première réclamation sur l'actif. La première réclamation que pourrait présenter le créancier garanti porterait donc sur le coût de la décontamination. Par conséquent, si ce créancier garanti veut vendre la propriété, il devra la décontaminer sinon il n'arrivera pas à la vendre, ou il devra vendre la propriété en tenant compte de l'hypothèque ou de la réclamation pour les frais de décontamination.
[Français]
M. Lebel: J'aimerais tout simplement faire valoir le point suivant. Si j'étais un créancier garanti sur un terrain contaminé et que je demandais au syndic de le faire décontaminer en utilisant l'argent de la masse et de me le redonner une fois qu'il aura été décontaminé afin que je puisse contracter une hypothèque de premier rang dessus, le syndic pourrait se retrouver dans une situation embarrassante. Il n'aurait pas été obligé de payer la décontamination à même le produit de la vente du terrain et aurait pu prendre l'argent n'importe où. C'est pour cette raison que j'éprouve de la difficulté à concilier ces deux possibilités sans y voir un conflit d'intérêts. Merci.
[Traduction]
M. Baird: Cela serait contesté par les autres créanciers car ils pourraient déclarer que le syndic n'a pas agi conformément à son obligation fiduciaire en accordant la préférence à un créancier plutôt qu'à un autre. La même chose vaut pour n'importe quel actif. Il n'y a rien de différent. Dans toute faillite, le syndic de faillite ne peut utiliser les actifs disponibles pour les créanciers non garantis au profit d'un créancier garanti. Cela serait contesté.
Le président: Monsieur Mayfield.
M. Mayfield: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens tout d'abord à vous remercier. J'aimerais m'y connaître aussi bien que vous en matière de faillite.
En ce qui concerne les faillites en contexte international, vous avez mentionné que certaines mesures auraient pu être prises, et le gouvernement a opté pour une approche parallèle ou connexe. Cela se compare-t-il à ce qui se fait dans les autres pays?
M. Baird: Bruce est le spécialiste des faillites en contexte international. Il voudra peut-être répondre à cette question.
À mon avis, la situation internationale est un véritable gâchis. Il n'existe aucune approche uniforme. Certains, dont Bruce je crois, ont préconisé une approche plus concertée. D'autres ne sont pas de cet avis. Les opinions à ce sujet divergent donc considérablement.
Bruce, vous aimeriez peut-être répondre. Est-ce une observation juste?
M. Leonard: Le Royaume-Uni et les États-Unis ont tous deux des dispositions législatives visant à encourager la coopération lorsqu'une entreprise est en difficulté financière dans plus d'un pays. Cela dépend dans quelle mesure on les juge efficaces ou non. Dans le cadre de nos délibérations, certains ont soutenu que les dispositions prévues par les États-Unis ne sont pas interprétées comme le Congrès aurait voulu qu'elles le soient. Quoi qu'il en soit, il existe chez chacun de nos principaux partenaires commerciaux des dispositions législatives prévoyant une certaine forme de coopération internationale. Je pense que le gouvernement propose ici de prévoir des dispositions analogues dans notre loi car nous n'avons jamais eu quoi que ce soit d'approchant dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
La critique que vous risquez d'entendre d'autres témoins, c'est que la loi ne va pas suffisamment loin, qu'elle devrait prévoir des mécanismes plus poussés pour assurer la coopération à l'échelle internationale. Or, au cours des travaux du CCFI, cette question a été examinée à fond et le résultat auquel est parvenu le comité est un compromis obtenu après des efforts acharnés. J'estime qu'il s'agit d'un compromis viable. C'est une amélioration par rapport à notre loi et qui va dans le sens de ce que font nos principaux partenaires commerciaux.
J'ignore si cela répond à la question ou l'obscurcit.
M. Mayfield: Quoi qu'il en soit, je réfléchirai à ce que vous avez dit.
Nous avons discuté, avec les témoins qui vous précèdent, de l'assemblée des créanciers et de l'opportunité de la rendre facultative ou non. Je me demandais si vous aviez des commentaires à faire à ce sujet.
M. Baird: Le problème auquel nous nous sommes heurtés en ce qui concerne l'assemblée des créanciers, c'est que les créanciers ne se présentent pas. Cela a été le grand problème sur le plan pratique. Les créanciers ne se présentent que dans les situations importantes ou lorsqu'ils estiment que le failli a utilisé certains procédés peu honnêtes. Comme ils ont déjà perdu leur argent, ils sont peu disposés à prendre en plus de leur propre temps. Par conséquent, il est arrivé qu'à certaines assemblées, il n'y ait même pas quorum, surtout dans le cas d'un petit débiteur. C'est la raison pour laquelle il a été proposé d'abolir l'assemblée des créanciers, c'est-à-dire à cause du manque d'intérêt de la part des créanciers.
Par conséquent, plutôt que de suivre un processus formel qui constitue une perte de temps...
L'ancien projet de loi avait aboli les assemblées en cas de faillites proprement dites de consommateurs. Le nouveau projet de loi va un peu plus loin et abolit les assemblées concernant les propositions de consommateurs. Cependant, la véritable raison, c'est que les créanciers ne se sont pas montrés intéressés à assister à ces assemblées.
M. Mayfield: Je suis conscient que notre président cherche à veiller sur nos intérêts lorsqu'il vous questionne, mais j'aimerais que vous commentiez la question que vous avez abordée au début, à savoir les faillites dans le cas des prêts aux étudiants. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
M. Baird: Les prêts aux étudiants nous ont posé un réel problème et les jugements rendus par les tribunaux à cet égard n'ont pas été uniformes. Si vous lisez les rapports de faillite, vous constaterez que les jugements des tribunaux vont de la réhabilitation du failli à l'obligation de payer, c'est-à-dire à l'obligation envers la société de rembourser l'argent utilisé pour faire des études.
Je crois que le projet de loi tâche de concilier ces deux démarches.
C'est une question de principe. En tant qu'institut, nous estimons que la règle de deux ans est trop courte. Les étudiants devraient se voir accorder trois ans pour se débarrasser de leurs obligations étudiantes avant d'être autorisés à faire faillite.
Le problème c'est, bien entendu, qu'en raison du chômage qui règne actuellement, les étudiants ont réellement des problèmes à trouver de l'emploi et ne sont donc pas en mesure de commencer à rembourser leur prêt étudiant rapidement. Ils n'y parviennent qu'une fois qu'ils sont établis. Il nous semble donc injuste de les autoriser à déclarer faillite après deux ans et un jour et de leur permettre ainsi de se soustraire à leurs responsabilités. C'est pourquoi nous proposons une période de trois ans.
Nous sommes d'accord avec la notion d'incorporer une disposition d'exemption en cas de difficultés excessives et c'est ce que le gouvernement a proposé. Nous avons simplement utilisé une terminologie différente. Nous préférons notre terminologie - nous estimons qu'elle est plus efficace - à savoir que l'étudiant doit prendre les dispositions nécessaires pour obtenir un emploi car s'il n'a pas réellement essayé de trouver un emploi et est resté les bras croisés à ne rien faire, il ne devrait pas être libéré de ses responsabilités. Nous estimons qu'il faut imposer à l'étudiant l'obligation de chercher réellement de l'emploi.
M. Mayfield: Les journaux ont rapporté l'histoire d'un jeune homme en voiture sport qui expliquait n'avoir pas payé son prêt étudiant parce qu'il n'en avait pas les moyens.
J'ai trouvé votre présentation très intéressante.
Mme Brushett: J'ai écouté vos commentaires avec intérêt.
En vertu du chapitre 11, les Américains ont leur financement garanti dans le cadre de la restructuration ou de l'effondrement. Cette possibilité n'existe pas au Canada. Pourquoi pas? C'est une question que les gens qui téléphonent à mon bureau me posent souvent. Si nous dépendons uniquement de la bonne volonté de notre banquier pour nous garantir ce financement au cours de cette période très critique, que proposez-vous?
M. Colter: Nous n'avons pas de solution définitive. Je crois qu'il est juste de dire qu'il s'agit uniquement d'un aspect des différences qui existent entre les États-Unis et le Canada en matière de restructuration. Il est important de signaler que nos systèmes au Canada fonctionnent mieux, j'en suis d'ailleurs persuadé, et parviennent beaucoup plus efficacement à aider les entreprises à se restructurer avec succès.
Par conséquent, lorsque nous examinons cet aspect en particulier, c'est-à-dire le financement, nous estimons qu'il y a lieu de l'améliorer au Canada.
L'une des raisons pour laquelle nous n'avons pas vraiment donné suite à cette question jusqu'à présent, c'est qu'entre autres l'Association des banquiers canadiens et d'autres institutions financières ont fait très clairement comprendre qu'elles n'étaient pas disposées à appuyer un projet de loi qui les obligerait à assurer un financement dans chaque situation. Nous estimons qu'il vaut la peine de continuer à essayer de trouver une solution à mi- chemin entre ce qui existe ici aujourd'hui et ce qui existe aux États-Unis, afin d'apporter certaines améliorations.
Nous n'avons toutefois pas encore trouvé la solution. C'est l'une des raisons pour laquelle nous estimons que plus de gens devraient s'occuper de cette question. C'est assurément un aspect où l'Institut de l'insolvabilité au Canada serait disposé à jouer un rôle important.
Mme Brushett: Je ne siège pas à ce comité de façon permanente mais en tant que députée, je ne manquerais pas d'accepter votre offre.
M. Baird: Le grand débat aux États-Unis porte sur la question de la protection suffisante, c'est-à-dire déterminer ce qui constitue une protection suffisante. Les prêteurs avec lesquels nous nous sommes entretenus nous ont raconté des histoires d'horreur où les tribunaux ont déterminé que la protection était suffisante alors qu'il n'en était rien. Ils ont été obligés d'accorder ce super privilège et ont par conséquent perdu une grande partie de leurs garanties. Le fait d'accorder aux tribunaux le droit d'évaluer les actifs s'est avéré un grave problème aux États-Unis, d'après ce que nous ont indiqué nos clients.
Le président: Monsieur Lastewka.
M. Lastewka: Comme M. Mayfield, j'aimerais poser une question à propos des prêts aux étudiants. Je me demandais s'il n'existait pas une autre solution au problème des prêts étudiants que celle consistant à prolonger simplement le délai d'un an. Nous avons effectivement certains problèmes avec des étudiants qui n'arrivent pas à trouver de l'emploi, pour quelque raison que ce soit. Je serais prêt à entendre tout autre commentaire sur les prêts étudiants, à savoir comment instaurer d'autres mécanismes que la simple prolongation d'un an du délai de remboursement.
J'ai une brève observation. Dans l'un de vos chapitres, vous proposez que certains facteurs ne s'appliquent pas aux agriculteurs et vous avez fait certains brefs commentaires à ce sujet. Je n'ai rien entendu à propos des cultivateurs qui deviennent d'importants entrepreneurs.
M. Baird: Ce sont des sujets dont je pourrais parler sans fin.
À propos des prêts aux étudiants, l'une des possibilités, bien qu'à mon avis personne ne l'ait fortement préconisée, consiste à ne pas libérer les dettes en recourant à la faillite. C'est une mesure extrêmement draconienne car l'adoption d'une telle disposition signifierait que l'étudiant serait aux prises avec ce prêt étudiant le reste de sa vie. Nous n'avons pas proposé cette solution mais c'est une option.
L'autre option consisterait à maintenir le statu quo, c'est-à- dire qu'un étudiant pourrait déclarer faillite dès qu'il termine ses études et se soustraire à ses obligations.
Le problème consiste à trouver un juste milieu. Les opinions divergent tellement quant à ce qui constitue le juste milieu qu'il devient très difficile de s'entendre. Nous estimons qu'une solution acceptable consisterait à porter le délai à trois ans en plus de prévoir une exemption mais nous doutons que ce soit la solution idéale. C'est une question dont nous avons beaucoup discuté.
M. Colter: Nous avons effectivement indiqué dans notre mémoire - et il faut savoir qu'aux États-Unis, après sept ans, il reste possible d'être libéré de ses obligations. Certains d'entre nous aurions préféré que ce délai de deux ans soit porté à quatre ou cinq ans mais nous ne savions pas si cela serait acceptable politiquement.
M. Baird: Nous ne voulons pas passer pour des coqs en pâte.
Par contre, en ce qui concerne les agriculteurs, il est proposé de ne pas leur imposer de sanction s'ils ne tiennent pas correctement leurs livres de comptes et leurs registres. Nous estimons qu'une sanction devrait être imposée aux agriculteurs s'ils ne tiennent pas correctement leurs livres de comptes et leurs registres. Nous ne comprenons pas pourquoi vous voulez supprimer cette sanction, et c'est ce que propose le projet de loi.
Le président: Merci beaucoup.
J'ai une petite question. Je pense que M. Colter l'a soulevée le premier, à savoir que l'examen de la loi ait lieu plus souvent que ce qui est prévu, et les commentaires de M. Baird à propos de l'évolution de la loi.
En ce qui concerne certaines autres lois dont nous nous occupons, nous constatons qu'un délai de cinq ans est presque trop court. Par exemple, la Loi sur les banques est en train de faire l'objet d'un examen mais en cinq ans on n'a pas vraiment déterminé comment fonctionnent les nouvelles dispositions. À votre avis, ce domaine est-il suffisamment stable pour qu'un examen quinquennal soit jugé plus approprié qu'un examen tous les sept ans?
M. Leonard: Nous avons beaucoup de rattrapage à faire. Cette loi n'a pas fait l'objet d'un examen judiciaire depuis 35 ans. Elle vient d'être examinée et nous avons énormément de travail à abattre pour la faire correspondre aux réalités du XXe siècle avant de passer au XXIe siècle.
Le président: Nous allons devoir travailler d'arrache-pied.
M. Baird: Il y a le problème du retard à combler. Si nous étions à jour, une période de sept ans pourrait être envisageable mais pas pour l'instant. Nous avons encore beaucoup de rattrapage à faire. Il nous reste beaucoup de pain sur la planche. Certains peuvent considérer que la situation est bonne mais des améliorations s'imposent.
Le président: Je suis sûr que j'exprime l'opinion de tous les membres du comité en déclarant que vous nous avez fait une excellente présentation.
Je suis désolé de devoir vous interrompre, monsieur Baird, mais je voulais simplement m'assurer que les membres du comité auraient la possibilité de vous poser au moins quelques questions. Vous avez sans doute pu constater que beaucoup d'entre eux brûlaient de vous interroger.
Votre document ne manquera pas de nous aider dans notre étude de ce projet de loi. Nous tiendrons compte de cet esprit de changement et de cette volonté de passer à l'action tout en essayant de trouver un juste milieu et de comprendre le consensus auquel sont arrivés des spécialistes tels que vous. Nous vous remercions beaucoup.
Le comité s'ajourne jusqu'à demain, 9 h 30, à la salle 209.