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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er octobre 1996

.1545

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous reprenons l'étude du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers de compagnies et la Loi de l'impôt sur le revenu. Je mets l'article 1 en délibération.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue. Nous avons comme témoins MM. Lessard et Gauthier de la Confédération des syndicats nationaux.

Monsieur Lessard, vous avez la parole. Normalement, vous avez dix minutes pour la présentation qui sera suivie de questions. Vous pouvez commencer.

M. Michel Lessard (trésorier, Confédération des syndicats nationaux): Monsieur le président, la personne qui m'accompagne est Pierre Gauthier, avocat à la Confédération. Il va vous parler du contenu de nos commentaires, tandis que je vais vous présenter la Confédération des syndicats nationaux.

Tout d'abord, nous vous remercions de l'occasion qui nous est offerte de présenter devant le comité permanent certaines observations relatives au projet de loi C-5.

La CSN est composée de 240 000 membres qui sont répartis sur tout le territoire du Québec ainsi qu'en Ontario et au Nouveau-Brunswick, et ce, dans tous les secteurs de l'économie.

La CSN est une institution québécoise reconnue qui fête cette année le 75e anniversaire de sa création.

Le projet de loi nous apparaît d'une grande importance dans la conjoncture économique actuelle. Plusieurs de nos syndicats affiliés sont confrontés à des situations d'insolvabilité et de réorganisation dans les entreprises où ils sont présents.

Mentionnons par exemple le secteur de l'hôtellerie et le secteur manufacturier, et on pourrait en nommer beaucoup d'autres. De plus en plus, nos membres interviennent dans le cadre des faillites ou d'une réorganisation de l'entreprise où ils travaillent. Au fil des interventions de nos membres dans ce domaine, nous allons donc soumettre au comité les observations suivantes. Si vous me le permettez, monsieur le président, je demanderai à M. Gauthier de vous faire part des différents points de vue ou commentaires que la CSN aurait à faire sur le présent projet de loi.

M. Pierre Gauthier (Service juridique, Confédération des syndicats nationaux): Merci, monsieur le président, messieurs et madame les députés.

Nous nous sommes concentrés sur six modifications qui nous apparaissent importantes. Plutôt que de vous faire une présentation-fleuve de l'ensemble des commentaires des articles, nous nous sommes limités à ce qui nous apparaissait être l'essentiel des principales modifications que l'on aimerait voir apporter au projet de loi C-5.

La première modification qui nous apparaît importante et sur laquelle nous voudrions intervenir, concerne l'article 15 relatif à la responsabilité personnelle du syndic. On comprend que, par cette disposition, le législateur veut faciliter la prise en charge des opérations des entreprises faillies par le syndic. Il nous apparaît qu'on élimine là pratiquement toute responsabilité du syndic.

Deux particularités nous frappent. La première concerne la responsabilité personnelle du syndic pour les salaires. La Cour suprême s'est d'ailleurs prononcée de façon très claire dans l'affaire St. Marys Paper Inc., l'année passée, concernant la responsabilité du syndic.

.1550

Nous représentons des gens qui travaillent dans des entreprises syndiquées, mais nous pouvons sûrement parler aussi des gens qui ne sont pas syndiqués.

Lorsque le syndic continue l'opération d'une entreprise faillie, pour la revendre as a going concern, le syndic est considéré comme étant l'employeur. On ne voit pas pourquoi le syndic n'aurait pas les mêmes obligations que n'importe quel bailleur de fonds, n'importe quelle compagnie qui procède à l'achat d'une entreprise. Il nous semble donc qu'il ne faut pas limiter la responsabilité du syndic lorsqu'il agit comme l'employeur. Au contraire, il faut s'assurer que les obligations du syndic sont les mêmes que celles que l'employeur avait. Selon nous, le syndic est un employeur.

Le deuxième élément sur la responsabilité du syndic est le paragraphe 15(2) concernant les dommages liés à l'environnement. Le fait d'abaisser la norme de responsabilité en parlant de «l'omission d'agir avec la prudence voulue» nous apparaît adéquat comme standard, car nous pensons que la notion d'«inconduite grave» ou d'«inconduite délibérée» ne serait possible qu'en cas de faute très grave du syndic, qui ne serait alors jamais responsable pour l'environnement. Par conséquent, étant donné l'objectif que l'on veut atteindre, c'est-à-dire protéger l'environnement, il ne nous semble pas du tout approprié de réduire la responsabilité du syndic sur les questions environnementales.

L'autre sujet qui nous préoccupe, c'est la question de la responsabilité des administrateurs. Lorsque les administrateurs sont poursuivis, il ne faut pas oublier que ce sont eux qui contrôlaient les destinés de l'entreprise, qu'ils étaient en mesure de voir comment l'entreprise allait, si les salaires étaient payés et ce qui constituait les salaires. Il ne nous semble donc pas du tout indiqué de suspendre les procédures de poursuite contre les administrateurs concernant les salaires. Il nous apparaît, au contraire, qu'il serait préférable de renforcer l'obligation qui est faite pour le paiement des salaires.

À notre avis, il faut responsabiliser les administrateurs. En fait, si les administrateurs ont une conduite responsable, c'est une obligation qui ne leur coûtera rien puisqu'ils n'auront qu'à continuer à mettre en oeuvre les dispositions des conventions collectives.

Il nous semble aussi que le montant de 2 000$ privilégié est beaucoup trop bas. Il aurait dû faire l'objet d'une simple indexation en 1992. On avait décidé arbitrairement que ce montant serait de 2 000$, mais si on avait, à l'époque, indexé la somme de 500$ selon l'IPC depuis 1949, le montant aurait dû atteindre 3 400$. Il nous semble donc que, présentement, le montant privilégié tout simplement indexé devrait être de l'ordre de 3 600$.

Nous sommes contre le fait que l'administrateur puisse faire une transaction lorsqu'il soumet une proposition pour lancer son entreprise. Nous sommes d'accord pour que l'entreprise puisse continuer à fonctionner et pour que les gens continuent à travailler, mais il ne nous semble pas qu'il devrait y avoir des transactions sur les poursuites contre les administrateurs.

Nous nous interrogeons aussi sur l'article 69.31 proposé dans le projet de loi qui indique qu'il n'y aura pas de suspension de poursuites pour les créanciers garantis qui veulent exercer leur garantie alors qu'il y en aura une pour les salariés. Cela nous apparaît comme deux poids et deux mesures. Pourquoi les créanciers garantis auraient-ils le droit de continuer leurs actions contre les administrateurs et pourquoi les salariés n'auraient-ils pas le même droit que les créanciers garantis?

Un autre élément, beaucoup plus technique, concerne le projet de loi C-36 sur les arrangements avec les créanciers garantis qui nous apparaît faire double emploi avec la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Il nous semble que c'est avoir deux textes législatifs concernant le même objet. Par conséquent, à notre avis, le projet de loi C-36 devrait être abrogé.

Le quatrième élément de notre présentation concerne le rôle du syndic. Nous déplorons que le syndic n'agisse pas pour l'ensemble des créanciers, ce qu'il devrait faire, à notre avis. Le syndic, malheureusement, lorsqu'il prend la gestion de l'entreprise, agit soit dans le seul intérêt du failli, soit spécifiquement comme s'il était un procureur du créancier garanti, qui est très souvent la banque. Il nous semble que le syndic ne devrait pas jouer ce rôle parce que c'est un officier de justice et qu'il devrait remplir un rôle beaucoup plus neutre à cet égard. Même le fait d'obtenir une opinion avant de procéder à l'évaluation des garanties ou avant d'entreprendre quelque action nous apparaît insuffisant, et on devrait formellement interdire au syndic d'agir pour le compte de créanciers garantis.

.1555

Tout ceci est important parce qu'on se rend compte que le syndic est trop souvent un mandataire de la banque et qu'il s'organise uniquement pour la réalisation de la créance garantie et non pas dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers qui sont, évidemment, les salariés, mais aussi une multitude de petites entreprises qui auront fourni des services à la compagnie, qui ne seront pas représentées et pour lesquelles, souvent, le syndic n'agira pas.

Après avoir fait ces quatre commentaires négatifs, je vais en faire un cinquième qui sera positif. On a lu, dans le projet de loi, l'article 126(2) proposé qui permet au syndicat de déposer une réclamation collective au nom de tous ses membres. Comme tout le monde dans la société est d'accord pour réduire la bureaucratie, il est beaucoup plus simple de produire une seule réclamation plutôt que d'en produire une multitude quand il y a 200 ou 300 salariés dans une entreprise. Il nous apparaît donc normal que le syndicat puisse présenter une réclamation au nom de l'ensemble de ses membres.

Comme autre élément important, il nous semble que l'article 113 de la loi devrait être amélioré. À une première assemblée de créanciers, les employés, de même que la famille du failli, ne peuvent pas voter pour la nomination du syndic ni pour la nomination des inspecteurs. Cette disposition-là nous semble complètement désuète et elle devrait être réformée. Nous comprenons qu'il soit un peu tard pour le faire maintenant, parce que l'article 113 ne fait pas l'objet d'un amendement dans le projet de loi C-5, mais il faudrait veiller à ce que les salariés puissent avoir le droit de voter pour la nomination des inspecteurs et du syndic.

Je termine sur la question du privilège salarial. Le privilège salarial représentait trois mois de salaire. En 1949, c'était 500$. Il nous semble qu'en 1992, on a manqué une belle occasion en fixant un montant arbitraire de 2 000$. En effet, si on avait uniquement appliqué la majoration de l'IPC sur la somme de 500$ accordée en 1949, il aurait fallu accorder 3 400$ en 1992. Et en juillet 1996, le montant aurait été fixé à 3 653$.

Trop souvent, lorsqu'il y a une faillite, on va s'entendre sur une somme correspondant au salaire brut, le paycheck que les gens reçoivent chaque semaine. Quand une entreprise est insolvable, il est assez évident que, si l'employeur veut continuer ses opérations, il va s'organiser pour que les salaires soient payés, sinon les employés vont tout simplement arrêter de travailler, car ils ne passeront pas trois, quatre, cinq ou six semaines à travailler sans recevoir de chèque de paie.

Par conséquent, très souvent, l'employeur va payer le salaire des employés mais il ne pourra pas payer les autres charges salariales indirectes comme la paie de vacances, les cotisations syndicales, les cotisations pour l'assurance collective et les cotisations pour le régime de retraite, car il va employer ces sommes-là à d'autres fins. Il nous apparaît donc indispensable d'empêcher cette pratique et de faire en sorte qu'il y ait un montant majoré pour le privilège salarial car la somme de 2 000$ est insuffisante.

C'était l'essentiel de notre présentation. Nous nous sommes concentrés sur ce qui nous paraissait le plus important. Nous avons appris à notre arrivée que nous étions la seule organisation syndicale à témoigner devant vous.

Mon collègue disait tout à l'heure que nous sommes bien implantés au Québec, quelque peu en Ontario et quelque peu au Nouveau-Brunswick, mais il est important d'entendre nos revendications. Nous parlons au nom de l'ensemble des travailleurs, et les représentations que nous faisons devant vous cet après-midi peuvent s'appliquer à l'ensemble de la main-d'oeuvre canadienne, qu'elle soit syndiquée ou non. Nous pensons que tous ces travailleurs sont en effet trop souvent laissés pour compte lorsqu'il y a une faillite ou une situation d'insolvabilité.

Je ne sais pas si vous aimeriez que nous apportions plus de précisions sur les points qui ont été soulevés. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup pour vos commentaires. J'espère qu'il y aura beaucoup de questions.

M. Leblanc (Longueuil): J'aimerais que vous élaboriez un petit peu sur l'article 15 qui dit que le syndic ne respecte pas nécessairement les mêmes règles que l'ex-employeur au moment de la négociation. Vous avez mentionné cela tantôt. J'aimerais que vous élaboriez un peu plus là-dessus.

Est-ce que vous voulez dire, par exemple, que le syndic n'est pas obligé de respecter les conventions collectives de l'ex-employeur?

.1600

Est-ce que vous pourriez nous fournir des exemples?

M. Gauthier: On n'a pas dit que le syndic ne devait pas le faire. On a dit que le syndic est un employeur et que, par conséquent, il continue de gérer les affaires de l'entreprise à la place du failli. Le syndic est donc comme l'employeur.

Il est donc probable qu'il va continuer l'opération pour liquider l'entreprise. Quelques jours plus tard, il va annoncer publiquement dans les journaux qu'il veut liquider les équipements, la bâtisse ou les inventaires. Dans la majorité des cas, il va vouloir vendre l'entreprise en bloc ou as a going concern pour que l'acheteur continue à opérer. Par exemple, si une usine fait faillite, le syndic va tenter de la vendre en bloc dans un premier temps, avec l'ensemble des équipements de production, la bâtisse, le matériel, etc.

M. Leblanc: Je comprends le rôle du syndic, mais vous avez mentionné que le syndic devait avoir les mêmes responsabilités ou devait suivre les mêmes règles que l'ex-employeur. J'essaie de comprendre.

M. Gauthier: C'est exactement ça. À notre avis, quand le syndic veut céder l'entreprise as a going concern, il est lié par la convention collective et par les mêmes obligations que l'employeur. Cette règle-là est claire. Le syndic qui gère une entreprise est exactement dans la même situation que l'employeur.

Sortons maintenant du contexte de l'insolvabilité. Si une entreprise est vendue à un autre employeur, il y a des dispositions dans le Code canadien du travail et les autres codes du travail provinciaux par lesquelles les droits et obligations de l'employeur vont être transmis à un autre employeur. Le syndic est dans cette position.

Il y a aussi une revendication importante de la part des syndics. Ils nous disent que, pour assurer la gestion de l'entreprise, il ne faudrait pas qu'ils aient les mêmes obligations que l'employeur. Donc, ils sont prêts à continuer à embaucher le personnel, à lui payer, par exemple, le salaire que prévoyait la convention collective, mais ils ne veulent pas être obligés d'appliquer toute la convention collective.

Très souvent, le syndic va contacter le syndicat et lui dire qu'il est prêt à continuer à faire marcher l'entreprise, l'hôtel, la manufacture ou l'entreprise de service, etc., qu'il est prêt à payer les employés au même salaire, mais qu'il ne veut pas appliquer le régime de retraite ni le pourcentage correspondant aux vacances. Ce débat a fait l'objet d'une jurisprudence en Ontario concernant la papetière St. Marys où le syndic a continué à faire marcher l'entreprise sans appliquer les dispositions du régime de retraite.

C'est pourquoi nous continuons à dire qu'en droit du travail, un syndic qui continue à faire marcher une entreprise pour la vendre ensuite d'un bloc devrait être considéré comme le propriétaire de l'entreprise. Nous disons aussi qu'il a la même responsabilité que l'employeur et qu'il doit appliquer l'ensemble des dispositions prévues dans la convention collective.

L'article 15 est donc à revoir, car il ne faut pas diminuer la responsabilité de l'employeur. Il ne faut pas dire que l'employeur ne sera pas responsable s'il ne commet pas de faute personnelle.

À notre avis, le syndic profite de la présence de la main-d'oeuvre et il va en bénéficier quand il va vendre son actif as a going concern. Par exemple, si on vend un hôtel et qu'on vend séparément les lits ou l'équipement de cuisine, la valeur de revente ne sera pas très grande. Si l'hôtel ne cesse pas ses opérations, la valeur de revente sera bien plus importante. En effet, les clients et très souvent la population elle-même ne sauront même pas qu'il y a eu une situation d'insolvabilité parce que le service est demeuré le même. Il est important pour l'entreprise de ne pas pas cesser ses opérations.

Récemment, à côté de votre circonscription, monsieur Leblanc, à Saint-Hyacinthe précisément, Volcano a fait faillite et le syndic a continué l'opération pour ne pas perdre la clientèle qui faisait affaire avec l'entreprise. Volcano en tire un avantage. La contrepartie consiste à appliquer la convention collective pour faire en sorte que les mêmes conditions de travail continuent de s'appliquer.

Faut-il donc supprimer la notion de faute, ne pas se poser de questions sur la conduite du syndic, ne pas chercher à savoir s'il a eu un comportement frauduleux ou s'il a commis une faute quelconque? Je voudrais vous faire remarquer que les syndics veulent nous amener à les dégager de toute responsabilité personnelle.

Nous disons que le syndic est un employeur, que l'économie en général va profiter de la vente en bloc de l'entreprise et qu'on doit donc appliquer aux travailleurs et travailleuses les mêmes conditions de travail.

Est-ce que j'ai répondu à votre question?

M. Leblanc: Oui, oui.

.1605

Je voudrais vous poser une autre question. Vous avez mentionné que le syndic agissait comme officier de justice et qu'il représentait principalement ou presque exclusivement les créanciers garantis. Pour autant que je sache, les syndics ont l'habitude de représenter tous les créanciers. Selon le projet de loi que nous avons actuellement à l'étude, est-ce que vous avez l'impression que les syndics vont agir essentiellement pour les créanciers garantis?

M. Gauthier: On vous expose ici une situation de fait que l'on vit quand les gens affiliés à la CSN se trouvent devant une situation d'insolvabilité. Le syndic, en fonction de la loi, devrait agir en effet comme un officier de justice et avoir une certaine forme de neutralité, mais en pratique, ce n'est pas cela du tout. En pratique, le syndic tire ses mandats du créancier garanti et celui-ci va vouloir que l'entreprise soit vendue au meilleur prix possible pour pouvoir réaliser sa garantie.

On déplore que, trop souvent, le syndic agisse surtout pour le créancier garanti et nous pensons qu'il est dangereux de s'engager en disant que le syndic n'aurait qu'à obtenir une opinion juridique valide avant d'agir pour le créancier garanti. Il nous semble qu'il devrait y avoir un devoir de transparence, un devoir d'équité, un devoir d'indépendance, de manière que le syndic agisse pour tout le monde et que tous les créanciers, qu'ils soient grands ou petits, qu'ils soient travailleurs ou fournisseurs des services, puissent participer à la réalisation de la vente de l'actif.

Nous disons donc qu'il ne faut pas faciliter la confusion des rôles où le syndic agit comme s'il était seulement un mandataire de la banque. Au contraire, il faut relever les standards et faire en sorte qu'il y ait une indépendance totale entre le syndic et le créancier garanti. À ce moment-là, si le créancier garanti veut agir, il a le droit d'agir, il a des recours et il peut intervenir dans le mécanisme de la faillite comme tous les autres créanciers. Il ne faut surtout pas qu'il ait une relation privilégiée avec le syndic.

M. Leblanc: Vous trouvez qu'il y a des relations privilégiées? Le projet de loi ne protège pas davantage l'un ou l'autre.

M. Gauthier: Il nous semble que quand on dit que le syndic n'a qu'à solliciter une opinion sur la valeur des garanties avant d'agir, il y a forcément une relation privilégiée entre le syndic et les créanciers garantis. Il nous semble donc que l'on devrait renforcer l'indépendance du syndic et confirmer son rôle plutôt que faire glisser la fonction de syndic vers le rôle que le créancier garanti voudrait le voir jouer. Il faut bien faire cette différence.

Il faut que les règles soient claires et que le syndic agisse pour tout le monde sans discrimination. Souvent, sa rémunération sera garantie par le créancier garanti. Il nous semble que cette relation trop proche devrait être supprimée et qu'on devrait empêcher le syndic d'agir pour le créancier garanti.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Lastewka.

M. Lastewka (St. Catharines): Merci, monsieur le président.

Tout en écoutant votre exposé, j'ai suivi le mémoire que vous avez présenté. Je voudrais que vous me donniez quelques précisions.

Vous semblez donner à entendre que le syndic de faillite ne travaille pas dans l'intérêt des employés, mais qu'au contraire il défend avant tout les intérêts des dirigeants de l'entreprise. J'ai du mal à croire cela et étant donné l'intention lorsqu'on nomme un syndic de faillite c'est qu'il travaille au nom de tous pour sauver l'entreprise ou la société, c'est-à-dire le gagne-pain des employés et l'argent des créanciers notamment. Selon vous le syndic de faillite n'est pas là pour défendre les employés. C'est bien ce que vous avez voulu dire?

.1610

[Français]

M. Gauthier: Exactement. Nous disons effectivement que le syndic n'est pas là pour protéger seulement les employés. En pratique, le syndic est la personne qui agit pour tout le monde et qui aura la responsabilité de gérer la faillite et de sauver l'entreprise.

Que la volonté première soit de sauver l'entreprise et les emplois, nous sommes tout à fait d'accord. Nous disons simplement que, très souvent, dans nos dossiers, le syndic est vraiment en opposition avec nous. Il nous sera difficile, par exemple, d'avoir accès à des documents que nous voudrions consulter au bureau du syndic.

Vous me direz cependant que les documents sont publics. N'importe qui peut y avoir accès, en effet, mais dans la pratique, les travailleurs syndiqués ont peu de relations avec le syndic qui va agir, malheureusement et uniquement, dans un but qui, trop souvent, favorisera l'objectif que la banque recherche et que le créancier garanti recherche, c'est-à-dire la réalisation maximale de l'actif.

Nous voudrions que l'indépendance du syndic soit renforcée et qu'il soit plus neutre qu'il ne l'est dans la pratique, parce qu'il faut bien dire qu'en général, le syndic ne représente pas tout le monde. Le syndic prête moins d'attention aux salariés et aux petits créanciers qu'il n'en prête aux faillis, à l'entreprise en faillite ou aux créanciers garantis.

C'est pourquoi nous insistons sur la définition du rôle du syndic dans une faillite. Nous voulons que le syndic ait la responsabilité de l'employeur parce qu'il est, en fait, l'employeur.

[Traduction]

M. Lastewka: Monsieur le président, personne, gestionnaires, employés ou créanciers n'aime le syndic de faillite.

Le président: À commencer par le failli.

M. Lastewka: Je suis heureux de ne pas être syndic.

Vous avez parlé de l'environnement. Vous avez dit que la modification proposée ne vous plaisait pas et je ne suis pas sûr d'avoir compris ce que vous recommandez. J'ai peut-être raté quelque chose ou j'étais peut-être en train de lire votre mémoire. Pouvez-vous nous expliquer ce qui ne va pas, selon vous, ou ce que vous recommandez?

[Français]

M. Gauthier: Curieusement, la CSN sera d'accord sur le statu quo en ce qui concerne la question de la responsabilité du syndic par rapport à l'environnement. La norme qui est là, c'est-à-dire agir avec la prudence voulue, est déjà un compromis sur lequel nous sommes d'accord.

Nous ne voulons pas que l'on hausse la barre pour le syndic, en disant «agir avec inconduite grave ou inconduite délibérée». Il faudrait qu'il y ait une action positive de la part du syndic afin qu'il soit responsable. Par exemple, est-ce que le syndic a mis le feu à l'entreprise? Ce serait là de l'inconduite délibérée.

Mais il me semble qu'on veuille atténuer la responsabilité du syndic par rapport à l'environnement. Nous pensons qu'il n'y a pas lieu de changer les dispositions de la loi là-dessus et que le syndic devrait être tenu d'agir avec la prudence voulue.

On comprend aussi que ce soit une revendication des syndics. Ils veulent faire diminuer leur responsabilité ou augmenter le niveau de la preuve pour prouver leur négligence en cas d'inconduite grave, qui est un comportement sérieux, délibéré, caractérisé.

L'inconduite délibérée est grave. Le syndic peut dire qu'il n'est pas responsable si on ne peut prouver la faute. Il ne me semble donc pas utile de changer cela.

Il nous semble que le statu quo est tout à fait correct compte tenu de l'objectif que l'on veut privilégier. C'est la protection de l'environnement et non pas la protection du syndic qui nous importe.

[Traduction]

M. Lastewka: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Milliken.

[Français]

M. Milliken (Kingston et les Îles): Vous avez indiqué votre opposition à l'article 13.4 proposé dans le projet de loi qui donnera au syndic le droit d'obtenir une opinion juridique concernant la sécurité et les créanciers garantis.

.1615

Je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à cette proposition, puisqu'en obtenant cet avis juridique que l'on ferait connaître à toutes les personnes impliquées dans la faillite, on épargnerait sûrement de l'argent au profit des travailleurs et des employés et de tous les autres.

M. Gauthier: C'est effectivement un problème parce que nous considérons qu'on doit automatiquement obtenir une opinion juridique qui va nous dire que les garanties sont bonnes et valables.

Une banque qui prête de l'argent à une entreprise va évidemment s'assurer que ses garanties sont bonnes et valables avant d'engager de l'argent. Elle voudra être sûre d'avoir une garantie si jamais la compagnie était dans l'impossibilité de rembourser son prêt.

Il nous semble donc que c'est vraiment un leurre que de prétendre que le syndic pourrait agir au nom du créancier garanti tout simplement parce que le syndic aurait obtenu une opinion juridique disant que les garanties étaient bonnes et valides.

Je pense aussi qu'il faut se montrer prudent quand on dit que les employés pourraient ainsi épargner de l'argent. Ce n'est pas gratuit. Le fait que le syndic agit pour le compte des créanciers garantis va justement renforcer son opinion selon laquelle il n'est pas un employeur. Il va embaucher des gens comme s'il les prenait dans la rue, comme s'ils n'étaient pas syndiqués, comme s'ils n'avaient aucun droit et, très souvent, il va prendre des décisions uniquement en faveur du créancier garanti.

Nous voulons donc renforcer la transparence du syndic. Nous voulons que le syndic agisse pour tout le monde.

Nous sommes d'accord sur l'idée que l'entreprise doit être restructurée. Si on peut éviter la faillite, tant mieux! Et si on peut conserver les emplois, tant mieux! Mais pas à n'importe quel prix! Il ne faut surtout pas que la faillite ne fonctionne qu'au profit des créanciers garantis, mais au contraire qu'elle fonctionne pour tout le monde.

M. Milliken: Oui.

M. Gauthier: Les créanciers garantis ont une position prioritaire et seront ceux qui perdront le moins d'argent dans les cas de faillite, mais il ne faut pas que cela leur donne le droit d'agir au détriment de tout le monde et de contrôler quasiment toutes les activités du syndic.

Pour nous, le syndic est comme un officier de justice. Les banques, cependant, ne peuvent pas payer une partie du salaire du juge, et c'est bien dommage parce que cela coûterait moins cher à l'État. Le syndic doit donc agir pour tout le monde. Le créancier garanti n'a qu'à louer les services d'un mandataire, comme il le fait souvent. En effet, il fait souvent nommer un séquestre avant la faillite. Alors, il peut engager un mandataire après la faillite et dans ce cas, il n'aura plus besoin du syndic.

M. Milliken: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci.

Si les membres du comité n'ont pas d'autres questions, j'en poserai une à mon tour.

[Français]

concernant votre point 6.

[Traduction]

Pouvez-vous développer votre pensée?

[Français]

M. Gauthier: Avant la première assemblée des créanciers après la faillite, il va y avoir une publication dans les journaux invitant les créanciers à formuler une preuve de réclamation, ou bien le syndic écrira à plusieurs créanciers pour leur demander de se manifester et d'apporter la preuve de leur réclamation.

À la première assemblée des créanciers, il y aura la présentation du bilan de faillite, on va expliquer comment on en est arrivé à la faillite et on va procéder à la mise en branle du mécanisme de faillite. On va alors confirmer la nomination du syndic et élire des inspecteurs pour qu'ils puissent surveiller les actions du syndic.

À ce sujet, dans l'article 13 de la loi, on dit qu'il y a des personnes qui ne peuvent pas voter sur la nomination du syndic. On a d'ailleurs vu à Montréal, à l'hôtel Crowne Plaza, que les créanciers ont voulu faire changer le syndic et que les salariés ne pouvaient pas voter pour la nomination du syndic.

.1620

Il nous semble aberrant que les salariés qui participent à la gestion de l'entreprise ne puissent pas voter. Les gens salariés, de nos jours, n'ont cependant pas de connaissances particulières concernant les finances de l'entreprise.

C'est la même chose pour la nomination des inspecteurs. Les gens qui auront intérêt à surveiller la conduite du syndic seront très souvent les salariés. Si le syndic veut continuer à faire marcher l'entreprise ou à la vendre, les gens seront intéressés au plus haut point à savoir qui va travailler ou comment l'entreprise va continuer. Ceci est vrai particulièrement dans les petites communautés où il y a des entreprises minières, ou des entreprises régionales ou strictement locales. Il sera très important que l'entreprise de cet endroit continue à marcher et continue à embaucher les gens du coin.

Dans ces circonstances, les salariés peuvent être inspecteurs, mais ils n'ont pas le droit de participer au vote pour l'élection des inspecteurs. Cela nous apparaît tout à fait anormal. Si, par exemple, une personne est de la famille immédiate du failli, on peut comprendre qu'elle ne soit pas nommée inspecteur, parce qu'il pourrait y avoir une collusion assez évidente, mais en ce qui concerne les salariés, il n'y aura jamais de collusion et il va s'agir de gens qui sont très intéressés au déroulement de la faillite, de la vente de l'entreprise, de la reprise des activités, etc. Il nous semble donc que les salariés devraient avoir le droit de vote pour la nomination des inspecteurs.

Le président: Quand il y a un syndicat, est-ce que c'est seulement le syndicat qui vote par un seul vote ou est-ce que tous les employés peuvent voter?

M. Gauthier: La façon dont on vote en cas de faillite est toujours en rapport avec la valeur des preuves de réclamation. Par exemple, si on représente 200 personnes dans une entreprise, on va voter en fonction de nos réclamations, et il n'y aura donc pas un seul vote pour le syndicat. S'il y a 200 personnes qui réclament chacune 3 000$ ou 4 000$... Ce sera en proportion de ce que les gens réclament à la faillite.

Nous disons simplement que les salariés devraient avoir le même droit de vote que n'importe quel créancier qui fait une preuve de réclamation.

Le président: Monsieur Leblanc.

M. Leblanc: Je voudrais également faire un commentaire. Je pense qu'il est tout à fait louable de permettre aux employés de choisir le syndic puisqu'ils sont aussi des créanciers, des créanciers quelquefois aussi importants que le créancier privilégié, et doivent être représentés tout comme les autres créanciers.

J'appuie donc votre recommandation que je trouve tout à fait intéressante. Mais, comme le président, j'ai une petite question au sujet de la réclamation collective.

Dans la loi, on dit qu'on va pouvoir le faire maintenant. Ce serait donc une réclamation à partir de cet article de loi qui permettrait aux employés de choisir aussi le syndic. On pourrait donc modifier cet article de façon à ce qu'il serve pour une réclamation collective aussi bien que pour la nomination du syndic.

M. Gauthier: J'ai une précision à ajouter. À la première assemblée des créanciers, le syndic est en général déjà nommé et il a déjà commencé à travailler pour préparer le bilan de la faillite. Très souvent, le vote sera uniquement une confirmation de la nomination du syndic. Je vais vous donner l'exemple de l'affaire de l'hôtel du centre-ville de Montréal, le Holiday Inn Crowne Plaza Centre-Ville, sur la rue Sherbrooke à Montréal, où les salariés que nous représentons ont été mis à pied le 24 décembre, veille de Noël. Il est apparu aux créanciers que le comportement du failli et du syndic avait été un peu cavalier du fait que les employés avaient été mis à pied très brusquement la veille de Noël, alors que l'hôtel continuait ses opérations.

Pendant une certaine période, il y a eu des travailleurs qui ont remplacé les gens qui avaient été mis à pied et lors de l'assemblée des créanciers, ceux-ci avaient voulu procéder au remplacement de syndic qu'ils trouvaient trop complice du failli et en qui ils n'avaient plus confiance. Cela se fait assez souvent et les gens peuvent tous voter dans ces circonstances exceptionnelles pour le changement du syndic. Mais, pour ce qui est de la nomination des inspecteurs, ils seront régulièrement élus parmi les créanciers présents à la première assemblée. À ce sujet, nous aimerions avoir notre mot à dire.

.1625

Le président: Nous continuerons notre travail article par article demain.

Avez-vous un amendement à proposer au comité?

M. Gauthier: Sur la question du vote?

M. Leblanc: Est-ce que vous avez des amendements précis à nous proposer?

M. Gauthier: Non. Nous faisons allusion à notre présentation générale.

Le président: Donc, si vous pouviez...

[Traduction]

Nous vous serions reconnaissants de communiquer avec nous si vous avez des idées qui pourraient nous aider dans nos délibérations ou quand le Comité sénatorial sera saisi du projet de loi.

[Français]

Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Je voudrais remercier les témoins qui ont fait du bon travail.

[Traduction]

Nous vous remercions d'être venu à Ottawa vous entretenir avec nous. Merci beaucoup.

[Français]

M. Gauthier: Merci de nous avoir écoutés.

[Traduction]

Le président: Je vais demander à nos prochains témoins, les représentants de la Winnipeg Commodity Exchange de s'approcher. Ils n'ont pas de chance car comme ils logent à un demi-pâté de maisons de la circonscription de Winnipeg-Nord Centre, je n'écouterai que d'une oreille.

Michel Gagné, allez-vous faire l'exposé?

Je vais demander à M. Drabin de se présenter ainsi que ses collaborateurs.

Vous avez pu constater, lors de l'audition du témoin précédent, que nous nous attendons à un exposé de dix minutes environ, après quoi les députés vous poseront des questions, car nous avons tous suivi de près le dossier de ce projet de loi et nous voulons entendre les diverses opinions des personnes concernées.

M. Wayne Leslie (avocat, représentant la Winnipeg Commodity Exchange): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité permanent. Je m'appelle Wayne Leslie. Je suis le conseiller juridique de la Winnipeg Commodity Exchange. M'accompagnent aujourd'hui MM. Michel Gagné, directeur des finances, à la Winnipeg Commodity Exchange, et Scott Drabin, vice-président, gestion des risques, Corporation canadienne de compensation de produits dérivés.

Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. Le 2 août 1996, nous vous faisions parvenir un mémoire qui, nous l'espérons, a été remis à chacun des membres du comité. Si vous l'avez lu, vous constaterez que nous appuyons la modification proposée à l'article 95 en ce qui concerne les paiements que versent les membres de la chambre de compensation à cette dernière.

Quelques explications: la Winnipeg Commodity Exchange est la plus ancienne et la plus importante bourse de commerce du Canada. Il s'agit d'une association sans but lucratif, qui se donne ses propres règlements, et qui regroupe environ 250 membres qui y adhèrent de leur propre chef. Nous comptons des exploitants de compagnies d'entreposage des céréales, des coopératives d'entreposage des céréales, des propriétaires de silos, des expéditeurs, des exportateurs, des fabricants, des négociants commissionnaires en contrats à terme, des courtiers, des banques, des transporteurs maritimes, des acheteurs étrangers et bien d'autres particuliers et organisations. Notre bourse de commerce s'intéresse essentiellement aux opérations à terme faites sur des produits agricoles.

Environ 53 chambres de compensation sont membres de la bourse, et leur siège social se trouve à Vancouver, Calgary, Regina, Winnipeg, Toronto, Montréal et Chicago. Ces chambres ont des clients de par le monde. On sait bien que ces chambres de compensation ont pour clients des négociants commissionnaires en contrat à terme dans d'autres pays, y compris aux États-Unis, et ceux-là ont eux-mêmes des clients de par le monde.

Depuis 1988, la bourse milite en faveur de la modification proposée à l'article 95, afin de protéger l'intégrité du marché des produits dérivés au Canada pour que nos marchés s'alignent sur ceux des États-Unis et du Royaume-Uni afin que ces derniers n'aient pas d'avantages concurrentiels sur nous.

Selon nous, l'intégrité du marché des produits dérivés passe par des chambres de compensation à mesure de fonctionner sans craindre des répercussions. Les dispositions législatives actuelles constituent une véritable menace à cette intégrité. L'article 95 prévoit actuellement une inversion du fardeau de la preuve ce dont ne sont pas menacées les chambres de compensation aux États-Unis et au Royaume-Uni.

.1630

Nous expliquons dans notre mémoire qu'une chambre de compensation agit comme facilitateur de transactions, car elle ne gagne ni ne perd quoi que ce soit et elle ne devrait pas être soumise à la menace qui pèse actuellement sur elle. La modification proposée fait en sorte que le syndic de faillite, un courtier ou un négociant commissionnaire à contrat à terme soit désormais tenu de prouver que les paiements versés à la chambre de compensation dans les trois mois précédant la faillite étaient motivés principalement par l'intention du souscripteur de donner préférence à la chambre de compensation au détriment des créanciers. Les paiements versés à la chambre de compensation sont soumis aux règles et règlements qui régissent la chambre de compensation et la bourse de commerce.

Nous savons très bien que les gouvernements reconnaissent depuis longtemps l'importance des marchés de produits dérivés qui permettent d'améliorer l'efficacité et la crédibilité des marchés financiers. La confiance est un élément essentiel pour les marchés financiers et les marchés de produits dérivés et si elle était sapée, on pourrait aboutir à une détérioration complète des marchés.

La modification est fermement appuyée par la Bourse de Toronto, la Bourse des contrats à terme de Toronto, la Bourse de Montréal, la Bourse de Vancouver, la Caisse canadienne de dépôts de valeur Ltée, le Fonds canadien de protection des épargnants et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Que nous sachions, personne ne s'oppose à la modification proposée et il n'existe pas d'arguments percutants contre elle. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour bien souligner notre engagement et notre vif souhait de voir cette modification adoptée.

M. Drabin travaille pour la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés. Il s'agit d'une chambre de compensation qui se consacre à des opérations à terme et sur options aux bourses de Toronto, Montréal et Vancouver. M. Drabin et M. Gagné sont ici pour appuyer la modification et répondre à vos questions.

Vous avez remarqué que nous proposons à la fin de notre mémoire certaines modifications tout à fait superficielles à apporter aux dispositions législatives. En effet, il s'agit uniquement de modifications de forme pour éviter toute ambiguïté.

Voilà donc ce que nous proposons et nous vous remercions de nous avoir invités.

Le président: Merci beaucoup. Votre exposé était très concis et nous vous remercions de l'appui que vous donnez aux efforts déployés par le ministère pour préparer ce projet de loi.

[Français]

Monsieur Leblanc, avez-vous des questions?

[Traduction]

Ne me dites pas que vous essayez de comprendre l'économie de l'Ouest? Monsieur Lastewka.

M. Lastewka: J'aurais voulu qu'on m'explique davantage les risques auxquels sont opposées actuellement les chambres de compensation. Pouvez-vous développer cet aspect-là?

M. Leslie: Selon nous, le risque réside dans le fait qu'il suffit de peu pour qu'un syndic de faillite puisse intenter des poursuites contre une chambre de compensation. Il lui suffit de faire la preuve de trois choses. Il lui suffit d'établir qu'un versement a été effectué dans les trois mois suivants la faillite, par un courtier au moment où ce dernier n'était pas solvable, et que le résultat a été de procurer une préférence à une partie.

Étant donné que trois mois, ce n'est pas très long, et étant donné les règlements qui régissent la chambre de compensation, il est inévitable que des paiements soient faits au cours de cette période. Les marges que touche la chambre de compensation sont versées à leurs destinataires dans les 24 heures. On peut donc voir les choses comme un guichet, avec un acheteur et un vendeur qui se font face, la chambre de compensation se trouvant au milieu. L'argent qui vient des mains de l'acheteur est remis au vendeur. Cet argent ne reste pour ainsi dire pas à la chambre de compensation. Il y a donc des sommes énormes qui changent de main quotidiennement. Un syndic de faillite, s'apercevant de cela, pourrait très bien s'opposer à ce que des centaines de milliers de dollars, voire des millions de dollars soient échangés et par le fait même la chambre de compensation aurait à se justifier.

Les tribunaux sont très clairs car ils ont décrété que la seule intention pertinente est celle de la partie qui verse l'argent. La chambre de compensation n'a rien à voir dans la transaction car elle a un rôle de facilitateur. La chambre de compensation n'est pas partie prenante à la transaction commerciale. Elle ne fait que réunir les deux parties et s'assurer que cette marge sert à conclure la transaction entre les parties.

Si l'article est laissé tel quel, il y aura possibilité de poursuites contre une partie qui n'est pas partie prenante à la transaction commerciale. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, on a reconnu cette irrégularité car il n'est pas question qu'il y ait une épée de Damoclès au-dessus de la tête du facilitateur qui n'est pas partie prenante. Si on laisse les choses telles quelles, il y a un risque. C'est à ce risque que je fais allusion.

M. Lastewka: Merci.

.1635

Le président: Avez-vous eu l'occasion d'aborder avec les fonctionnaires du ministère ou avec notre conseiller juridique ces modifications précises que vous proposez aux définitions?

M. Leslie: Non. Nous n'en avons pas discuté avec eux. Nous faisons une proposition tout simplement dans l'espoir que ces modifications mineures suggérées seront retenues car c'est une question de forme uniquement. Personne ne nous a dit qu'on s'inquiétait que notre proposition aille à l'encontre de l'objectif visé.

Le président: Notre conseiller juridique est juste derrière vous et vous voudrez sans doute après la réunion lui donner quelques petites explications pour vous assurer qu'il comprend bien votre intention. Ce projet de loi doit franchir deux étapes, à la fois à la Chambre des communes et au Sénat. Nous voulons nous assurer que les gens qui ont l'expérience du domaine visé par le projet de loi sont écoutés - car nous sommes ici pour cela - et ensuite, nous consultons les fonctionnaires du ministère de même que les témoins pour décider de ce que nous devons faire. Comme l'intention du projet de loi se précise, cela va entraîner bon nombre de modifications techniques. Vous comprendrez que les membres du comité ne peuvent pas acquiescer ou refuser sans obtenir un avis sur les suggestions qui sont faites. Assurez-vous que notre conseiller juridique qui est juste derrière vous comprend ce que vous proposez et vous dit ce qu'il en pense.

Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

Monsieur Leblanc, vous avez une minute.

M. Leblanc: Les gens qui sont passés avant vous, qui représentant principalement les employés, disaient que les employés étaient très vulnérables au moment d'une faillite parce que le syndic défendait principalement les créanciers privilégiés.

On sait que dans les faillites, les salariés sont souvent très vulnérables, et il semble encore une fois que la loi ne protège pas suffisamment les travailleurs.

Je ne sais pas si vous avez remarqué ou entendu ce qu'ils ont dit, mais il me semble qu'ils ont raison de croire qu'encore une fois, les créanciers privilégiés seront favorisés. Les salariés sont très vulnérables puisqu'ils n'ont même pas le droit de choisir les inspecteurs ou le syndic, ni même de le changer s'il semble peu ou pas crédible.

J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

[Traduction]

M. Leslie: Ce n'est pas un aspect sur lequel la Winnipeg Commodity Exchange s'est penchée. Nous croyons comprendre que les créanciers garantis sont obligés de déclarer leur sûreté. Ensuite, un conseiller indépendant s'assure qu'il n'y a pas de conflit d'intérêt, de sorte que si on leur accorde le droit prépondérant qu'ils revendiquent, un organe indépendant veille à ce que ce droit soit légitime. On sait bien que les créanciers sont vulnérables dans des situations d'insolvabilité mais la bourse s'attend à ce que les modifications apportées servent mieux les intérêts des créanciers.

Mon client ne s'est pas penché sur l'opportunité de donner un vote aux employés. C'est certainement un aspect sur lequel le comité devrait se pencher. Mon client est un organe quasi réglementaire et ce qui le préoccupe avant tout lors des transactions, c'est que tout se fasse en bonne et due forme et les employés du courtier reconnaissent aisément que ces paiements ne visaient pas à favoriser un père ou une tante, un oncle, une mère ou une société privilégiée mais qu'ils ont véritablement servi à l'entreprise de se maintenir à flot.

.1640

Si un courtier hésite à payer à cause d'un risque de préférence il ne pourra plus rester en affaires. Les employés vont perdre leurs emplois. Leur donner la possibilité de continuer ce qu'ils font sans risque, puisqu'ils pensent que l'entreprise pourrait faire l'objet d'une liquidation... À notre avis, cela pourrait mieux servir les intérêts des employés puisque le courtier pourrait continuer à effectuer les paiements sans craindre des problèmes à l'avenir...

J'espère que cela répond à votre question.

Le président: Monsieur Shepherd.

M. Shepherd (Durham): Cela me rappelle la situation de la Confédération, Compagnie d'assurance-vie. Est-ce comme cela que nous avons essayé de remédier à la confusion créée dans les marchés dérivés par cette campagne d'assurance et son concept de préférence selon lequel un produit dérivé est un instrument qui sert à assurer la parité entre deux instruments financiers? Le projet de loi prévoit-il cette situation?

M. Leslie: Je ne pense pas que les questions soulevées par la Confédération aient touché à ce domaine particulier. Il s'agissait plutôt de compensations concernant les contrats financiers admissibles. C'est préférable à ce qui était envisagé dans la mesure de 1992 comme une nécessité pour s'assurer de donner suite aux contrats financiers admissibles, compte tenu de leurs particularités, sans créer un conflit avec le régime. À notre avis c'est une amélioration.

À ma connaissance, l'article 95 et la disposition concernant la chambre de compensation pour les produits dérivés n'a pas de rapport avec la Confédération.

M. Shepherd: J'aimerais mieux comprendre la situation moi-même. Je sais que la faillite de la Confédération a provoqué une chute libre du marché des produits dérivés. On s'imaginait que le syndic de faillite pourrait d'une façon ou d'une autre garder la bonne moitié du contrat.

La croissance du marché des produits dérivés a été assez phénoménale et d'autres pays semblent avoir mis en place un meilleur régime. D'après vous, cette question est-elle traitée dans le projet de loi?

M. Leslie: Du point de vue de la bourse, il y a des pays qui ont de meilleures mesures de protection. Il existe une loi américaine plus perfectionnée qui cherche à assurer l'intégrité du marché. Quant à savoir si c'est le régime approprié, avec toutes ces mesures de protection, on ne peut pas vraiment dire parce que leur loi a des différences notables avec la nôtre.

Nous estimons que cette modification a un aspect positif. Il se peut fort bien que grâce à cette révision continue, d'autres améliorations soient nécessaires à des étapes au-delà de la chambre de compensation pour ce qui est de la compensation des produits dérivés canadiens ou la Winnipeg Commodities Exchange. C'est une chose que nous avons examinée au comité consultatif concernant la faillite et l'insolvabilité. Je peux certainement vous dire que mes clients aimeraient que la question fasse l'objet d'une étude plus approfondie.

Pour ce qui du niveau de la chambre de compensation, c'est-à-dire l'aspect réglementaire, nous estimons que c'est le fondement d'un régime destiné à éviter des problèmes. Quant à savoir s'il y aura un effet d'entraînement qui nous fait reculer, c'est une question que nous examinons. Il est possible que d'autres changements soient nécessaires à l'avenir.

Le président: J'ai une question. Que pensez-vous de la Commission du blé?

Une voix: Oh, oh!

Le président: C'était une blague.

Je voudrais vous présenter nos remerciements. Les questions ont reflété votre préoccupation très particulière. Comme je l'ai dit, nous allons demander des conseils à ce sujet. J'encourage les représentants du ministère à prendre ces questions très au sérieux. La Winnipeg Commodities Exchange occupe une place unique et il faut beaucoup de perspicacité de la part des organes de réglementation fédéraux pour bien comprendre votre créneau et le situer dans un cadre réglementaire et juridique plus général. Grâce à votre exposé, je suis sûr qu'ils en tiendront compte.

.1645

Je remercie les témoins d'être venus. Nous apprécions vos commentaires et nous allons certainement en tenir compte.

M. Leslie: Je vous remercie.

Le président: La séance est levée jusqu'à demain 15h30. Nous allons nous réunir dans la salle 237-C, édifice du Centre, où nous commencerons l'étude article par article.

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