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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 novembre 1996

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[Traduction]

Le président: Conformément aux dispositions du paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité reprend son examen des sciences et de la technologie et du «déficit d'innovation» au Canada.

Je souhaite la bienvenue à tous les membres du comité et je suis heureux de voir que ceux qui ont passé une semaine dans leur circonscription sont de retour. Vous avez probablement fait un excellent séjour et vous avez bien travaillé, n'est-ce pas? Très bien.

Nous allons entendre des témoins qui se spécialisent dans le financement de la technologie et des entreprises du secteur de la nouvelle technologie.

J'apprécie particulièrement le fait que vous ayez pris le temps de venir comparaître devant nous aujourd'hui. Nous avons eu une excellente série de discussions à l'occasion de nos tables rondes organisées sur différents sujets. Nous attendons beaucoup de votre contribution.

Nous avons l'habitude de demander à nos témoins de nous présenter d'abord un rapide exposé d'une dizaine de minutes. Donnez-nous une idée des problèmes, tels que vous les concevez, et des solutions que vous préconisez. Nous passerons ensuite la parole aux membres du comité. Nous avons assisté par le passé à des discussions très animées et très stimulantes. Nous espérons qu'il en sera de même aujourd'hui.

Richard Charlebois, je vais vous demander de vous présenter et d'entamer notre séance d'aujourd'hui.

Excusez-moi, j'ai une autre précision à vous donner. Nous avons ici trois mémoires rédigés uniquement en anglais, celui de Capital Alliance Ventures, de la Banque Royale et du Conference Board du Canada. Avec l'autorisation des membres du comité, je vais vous les distribuer.

M. L. Richard Charlebois (président, Capital Alliance Ventures Inc.): Merci, monsieur le président. Merci de me donner l'occasion de comparaître ici aujourd'hui.

Je vais commencer par vous parler un peu de moi. Je suis un capitaliste, spécialiste des coentreprises, qui s'intéresse exclusivement aux secteurs de la technologie. On retrouve dans ces secteurs le matériel et les logiciels informatiques, les télécommunications, les communications de données, les semi-conducteurs, certaines techniques médicales - à l'exclusion de la biotechnologie - et certaines techniques de l'environnement.

Notre fonds a son siège ici à Ottawa. Il a 34 millions de dollars d'actif et il a investi dans neuf entreprises qui se trouvent à Ottawa, Toronto et Kitchener-Waterloo. Ces placements se situent dans une fourchette de 500 000$ à 2,85 millions de dollars. Certaines de ces entreprises ne font que démarrer et n'ont pas de recettes alors que la plus grosse va avoir un chiffre d'affaires d'environ17 millions de dollars cette année.

J'évoquerai rapidement aujourd'hui un certain nombre des sujets qui relèvent de votre mandat et je m'en tiendrai plus précisément à un ou deux d'entre eux qui, à mon avis méritent d'être étudiés plus attentivement.

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Il est indéniable, à mon sens, que les industries fondées sur la connaissance continueront à jouer un rôle essentiel dans l'économie canadienne. Par «fondé sur la connaissance», j'entends toute industrie qui consacre une partie significative de ses ressources à la recherche et au développement. Dans le secteur de l'informatique, il s'agit par exemple des techniques de communication des données, des logiciels et des semi-conducteurs, alors que dans le secteur de la santé, il s'agit de la biotechnologie, des matériaux de pointe et des techniques liées à l'environnement.

Voilà 15 ans que je travaille dans un certain nombre de ces secteurs, qui donnent des signes évidents de croissance. Dans la seule région d'Ottawa-Carleton, nous sommes passés d'une poignée d'entreprises publiques faisant de la technologie à près d'une vingtaine. Je les ai d'ailleurs comptées hier. Je pense en avoir énuméré 20. Nous avons aujourd'hui plus de 20 entreprises publiques faisant de la technologie à Ottawa. Il y a eu en outre une croissance significative dans un certain nombre de villes comme Kitchener-Waterloo, Burlington, Markham et autres localités situées au nord de Toronto.

Ces techniques en sont désormais à un stade avancé et revêtent une importance cruciale pour nombre de secteurs plus traditionnels. Il n'y a qu'à voir les répercussions des réseaux informatiques sur le secteur bancaire. Les banques ont largement recours aux techniques informatiques depuis plus de 20 ans et l'on s'attend à ce que les ordinateurs prennent une place encore plus grande dans leur exploitation au cours des prochaines années, au point où certains représentants du secteur estiment que les réseaux de communication des données vont commencer à avoir des effets sur la configuration du réseau des succursales bancaires actuelles.

Cela nous amène au rôle que doit jouer le gouvernement pour promouvoir ces industries fondées sur la connaissance. Traditionnellement, les gouvernements sont de gros utilisateurs de produits informatiques. Je m'attends à ce que cette tendance se poursuive et il convient de l'encourager lorsqu'il est démontré que des investissements de ce type sont rentables pour le contribuable.

Il faut en outre que le gouvernement continue à offrir un crédit d'impôt à l'investissement de recherche scientifique et de développement expérimental. Ces crédits d'impôt continuent à jouer un rôle très important pour toutes les entreprises fondées sur la connaissance. C'est particulièrement vrai pour les entreprises situées aux deux extrémités de l'échelle du développement, les jeunes entreprises canadiennes du secteur de la technologie, d'un côté, et les multinationales, de l'autre, qui font de la recherche et du développement dans un certain nombre de pays.

La seule ombre éventuelle au tableau des CII, c'est le fait que Revenu Canada a tendance à rejeter de plus en plus les demandes. Cela se fait par le biais de mesures administratives et il s'ensuit que des activités qui pouvaient justifier auparavant d'un crédit d'impôt à l'investissement ne peuvent plus prétendre à en bénéficier. On est donc de moins en moins certain de pouvoir encaisser les CII, ce qui en diminue donc la valeur pour les entreprises. D'après ce que je peux voir, on ne sait pas encore exactement jusqu'à quel point cela porte préjudice aux entreprises fondées sur la connaissance, mais il est certain que c'est là une tendance que votre comité devrait surveiller.

J'incite aussi le gouvernement à poursuivre ses efforts pour réduire les déficits actuels. Certains progrès ont été réalisés, mais il reste beaucoup à faire. Il convient d'atteindre dans les meilleurs délais notre objectif du déficit zéro et trouver les moyens de réduire la dette accumulée depuis 20 ans.

Pour ce qui est des obstacles qui entravent l'action des entreprises fondées sur la connaissance, j'insisterai d'abord sur le financement. Tout bien considéré, nos moyennes et grosses entreprises fondées sur la connaissance ont accès aux capitaux dont elles ont besoin pour se développer. Nos marchés boursiers se portent bien et permettent aux entreprises d'aller chercher des fonds dans le public en se faisant coter en bourse. Les petites et moyennes entreprises peuvent trouver suffisamment d'argent dans les fonds de placement à risque. Les fonds de placement à risque patronnés par les syndicats jouent un grand rôle dans ce domaine.

Le seul problème qui subsiste est celui des jeunes entreprises qui démarrent et qui ont besoin d'un investissement se situant entre 10 000$ et environ 500 000$. C'est un secteur qui traditionnellement était alimenté par des bailleurs de fonds, qui se tiennent désormais à l'écart. Ces bailleurs de fonds sont prêts à accepter des risques plus élevés en contrepartie d'un taux de rendement plus élevé, qui leur paraît désormais insuffisant. Une fiscalité plus élevée et une plus grande responsabilité des administrateurs, dues en partie à la réglementation et aux pratiques du gouvernement, découragent ces investisseurs. Les entreprises qui démarrent se voient privées, non seulement de leur argent, mais aussi de leurs connaissances et de leur expérience. Il est très difficile de convaincre un investisseur potentiel de risquer de l'argent dans une petite entreprise qui démarre dans le secteur de la technologie alors que cet investisseur peut obtenir un rendement significatif en plaçant son argent dans des actions ordinaires des banques, par exemple, ainsi que dans un certain nombre d'autres...

Je vous demande ici de m'excuser, Susan. Je ne veux pas m'en prendre aux banques, mais je pense que le rendement des placements boursiers est excellent depuis un certain temps et c'est en partie la raison pour laquelle il est difficile d'inciter les gens à prendre des risques dans les petites entreprises qui démarrent. Un certain nombre de ces banques ont récemment annoncé des projets d'investissement dans ce secteur des entreprises qui démarrent mais, à mon avis, il est encore trop tôt pour en connaître les répercussions.

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Le gouvernement pourrait aussi envisager la mise en place d'un taux préférentiel de taxation des gains en capitaux dans ce genre d'investissement. Il est clair qu'un programme de ce genre devrait s'accompagner de conditions très restrictives pour que l'on puisse s'assurer que les coûts ne deviennent pas prohibitifs. Ces coûts devraient être reportés dans une certaine mesure étant donné que l'on peut s'attendre à ce que ce genre d'investissement ne puisse être rentabilité qu'au bout de cinq à dix ans.

Les mesures ci-dessus pourraient s'avérer utiles pour recueillir des fonds mais ne feraient pas nécessairement progresser les connaissances et l'expérience. Cette dernière question est très différente étant donné qu'elle fait appel à la responsabilité des administrateurs en vertu d'un certain nombre de lois différentes. L'investisseur privilégié qui accepte de se joindre à un conseil d'administration risque non seulement de perdre l'argent qu'il a investi dans l'entreprise, mais aussi d'engager largement sa responsabilité. Dans bien des cas, il encourt des responsabilités vis-à-vis du gouvernement fédéral en vertu des dispositions d'un certain nombre de lois, y compris de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit là d'un obstacle non négligeable lorsqu'on s'efforce d'attirer des personnes qualifiées pour les amener à siéger au sein des conseils d'administration.

Pour ce qui est maintenant du climat devant favoriser l'esprit d'entreprise, je vous invite à maintenir les orientations prises ces dernières années. Cela implique que l'on continue à éviter le recours aux subventions. Nos entreprises fondées sur la connaissance n'ont pas besoin de ces subventions qui, souvent, faussent le marché et amènent les jeunes entreprises à s'engager dans des secteurs qui ne répondent pas à leurs intérêts à long terme.

Dans le secteur de la haute technologie, les personnes qualifiées sont comme les capitaux - il n'y en a jamais assez. Nos établissements d'enseignement forment un certain nombre de chercheurs de grande classe. Je n'hésiterais pas à mettre au niveau des meilleurs au monde notre personnel qui fait de la recherche et du développement dans nos entreprises du secteur de la technologie. Il semble que nous ayons un bon mélange de créativité et de discipline pour former du personnel de grande classe. Je ne peux qu'en conclure que cela s'explique en partie par la solide formation qu'il reçoit dans nos universités et nos collèges.

La seule réserve que je ferais dans ce secteur, c'est que nous faisons souvent face à une pénurie de diplômés dans les filières techniques telles que les sciences de l'ingénieur, les mathématiques et les sciences informatiques. Tout ce que l'on pourra faire pour inciter nos jeunes à suivre ces filières nous sera profitable.

Je conclurai en vous remerciant de m'avoir donné l'occasion de vous parler de toutes ces questions et je vous souhaite le meilleur des succès dans votre projet d'améliorer le cadre dans lequel opère les entreprises fondées sur la connaissance dans notre pays.

Le président: Merci, monsieur Charlebois. Vous nous avez ouvert d'excellentes perspectives quant aux moyens que peut prendre le gouvernement pour modifier ses programmes. Je suis sûr que nous y reviendrons.

Je vais maintenant donner la parole à Susan Smith, qui représente la Banque Royale, qui va nous faire elle aussi un exposé.

Mme Susan M. Smith (vice-présidente, Industries fondées sur la connaissance, Banque Royale du Canada): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité et membres du public. C'est un plaisir pour moi de comparaître devant vous.

Même si ma vanité doit en prendre un coup, il me faut chausser mes lunettes parce que mon texte est écrit en trop petits caractères.

Pour ce qui de mes états de service, je suis la responsable du lancement il y a presque trois ans du projet de la Banque Royale sur les industries fondées sur la connaissance. Lors de la phase d'apprentissage de ce projet - qui se poursuit encore aujourd'hui - j'ai sillonné tout le pays et j'ai discuté avec les dirigeants de l'industrie, des gouvernements, des entreprises et des universités pour essayer de trouver les moyens devant nous permettre de collaborer en faisant preuve d'innovation pour trouver la réponse à un certain nombre des problèmes que nous évoquons aujourd'hui. Je vais m'efforcer aujourd'hui de résumer tout ce que j'ai pu apprendre en parlant avec les représentants de ces trois groupes au cours des trois dernières années.

Je voudrais dire deux choses de prime abord. La première, c'est qu'il n'y a pas en soi de véritable déficit de financement au Canada. Notre pays croule sous les capitaux. Je pense que Richard sera d'accord avec moi pour dire qu'il y a des milliards de dollars de capitaux non investis dans notre pays. D'un autre côté, je dirais par ailleurs qu'il y a au Canada des sciences et des techniques commercialisables de qualité supérieure qui ne réussissent pas à bénéficier d'un financement. Le déficit se trouve donc au niveau du financement des projets qui démarrent. La majeure partie de ce financement - et Richard l'a souligné - bénéficie aux entreprises déjà bien installées où les risques sont plus faibles, les coûts dus à la responsabilité pas plus élevés, et qui offrent suffisamment de possibilités d'investissement dans notre pays.

Le véritable déficit au Canada se situe au niveau de ce que je qualifierais de capacité à créer des entreprises, au niveau de la création d'entreprises. Nous ne réussissons pas à créer et à développer des entreprises en mesure d'attirer les capitaux disponibles au tout début de leur exploitation. Je suis persuadée qu'il nous faut pouvoir nous doter de cette capacité si nous ne voulons pas risquer de perdre notre capacité scientifique et technique en faveur de pays qui savent la mettre à profit et la commercialiser et qui nous revendront ensuite les produits à valeur ajoutée qui en résultent.

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Je voudrais évoquer aujourd'hui le problème de la création d'entreprises et préciser les secteurs dans lequel le gouvernement se doit de réexaminer son rôle s'il veut jouer un rôle significatif pour améliorer la performance du Canada. Certes, je propose que les gouvernements réexaminent leur rôle, mais pour autant il n'est pas question pour moi de considérer que tout dépend uniquement des gouvernements. Je ne pense pas non plus que tout dépende uniquement des banques. Tout ne dépend pas non plus uniquement des universités ou de l'industrie. Je suis convaincue que tout le monde a un rôle fondamental à jouer, que notre action se complète et qu'il nous faut nous concerter comme nous ne l'avons jamais fait jusqu'à présent. Il est fini le temps des anathèmes et des excuses et nous devons travailler maintenant ensemble. C'est ce que j'appelle une conspiration fondée sur l'entraide. Je ne sais plus où j'ai trouvé cette formule, mais j'aime ses connotations.

Nous devons tous collaborer, nous avons un objectif commun. Nous voulons tous obtenir la même chose. Nous voulons que le Canada soit en pointe dans le monde pour ce qui est de la commercialisation de sa science et de ses techniques. Nous devons tous trouver le moyen de jouer notre rôle pour qu'il en soit ainsi. Oublions les batailles de pouvoir, les arrière-pensées et les rôles traditionnels.

Quels sont donc les déficits que je relève et qui doivent être comblés pour que le Canada puisse véritablement jouer un rôle de chef de file? Je dirai tout d'abord que c'est au niveau de l'esprit d'initiative dans le secteur de la science et de la technologie. J'entends par là que notre pays n'a pas pris de véritable résolution et n'a pas déclaré son intention de figurer parmi les six premières nations au monde dans le domaine de la science et de la technologie. Six, ce n'est peut-être pas le bon chiffre, mais nous n'avons pas pris résolument la décision et je pense qu'il nous faut le faire. Il nous faut pour cela nous pencher sur ce que font de mieux les nations qui obtiennent de bons résultats et nous décider pour savoir quels doivent être nos domaines de prédilection. Je pense qu'on ne dira jamais assez à quel point il est bon d'avoir une orientation et des objectifs clairs. Je considère par ailleurs qu'il faut que des voix crédibles se fassent entendre clairement au plus haut niveau des gouvernements, des universités et des entreprises, tous allant dans le même sens et insistant en coeur sur l'importance fondamentale que revêt la science et la technique pour l'avenir économique du Canada.

J'aimerais aussi que nous nous penchions tous sur le secteur de la réglementation et de la fiscalité. Je ne m'étendrai pas sur la fiscalité - Richard en a parlé - mais je dirai que le cadre de réglementation est terriblement important. Il faut que ce cadre de réglementation soit compétitif vis-à-vis du reste du monde. Il nous faut penser par exemple à la biotechnologie.

La biotechnologie est considérée comme un secteur de la science et de la technologie - c'est bien normal - mais c'est un secteur qui conditionne les progrès réalisés dans d'autres domaines: forêt, agriculture, soins de santé, mines, etc. Il couvre tout un éventail de techniques. Dans le système actuel, chacun de ces domaines relève de ministères différents, qui pour la plupart ont des conceptions différentes des politiques et des règlements qui s'imposent. Notre incapacité à dépasser ces clivages, à harmoniser ces fonctions et à mettre en oeuvre des politiques efficaces et compétitives sur le plan mondial, va nous faire prendre du retard dans le secteur de la biotechnologie - et c'est un secteur dans lequel je considère que nous pouvons être compétitifs vis-à-vis du reste du monde.

Sur le plan de la fiscalité, je pense qu'il nous faut pouvoir mettre en place un régime global devant nous permettre d'attirer et de conserver nos scientifiques, nos ingénieurs, nos investisseurs, nos travailleurs qualifiés dans les différentes techniques ainsi que nos gestionnaires à la pointe dans le monde.

Le troisième point que je veux évoquer est celui du manque de compétence en gestion. Je considère que les gestionnaires dont on a besoin pour gérer ces nouvelles entreprises qui exercent leurs activités dans un cadre bien plus complexe font véritablement défaut dans notre pays comparativement à ce qui se passait à l'époque où l'on pouvait concevoir et fabriquer des objets qui étaient ensuite vendus au coin de la rue. Je pense aussi qu'il faut se pencher sur le niveau de qualification exigé des employés appelés à travailler dans le secteur de la technologie. Nous avons besoin de former davantage de gens. Ces gens vont devoir travailler dans des entreprises où la qualification acquise au départ devient dépassée en quelques années. Nous devons nous donner les moyens de leur fournir une formation professionnelle et de les recycler sur place et nous devons être nombreux à le faire dans le cadre de cette conspiration en faveur de l'entraide.

Le quatrième secteur est celui de la compétence en matière de commercialisation. Ces entreprises, même si elles sont très petites, opèrent à l'échelle mondiale. Elles auront peut-être très peu d'employés, mais elles vont devoir faire leur première vente au Japon, en Allemagne ou aux États-Unis; il se peut qu'elles ne vendent rien dans notre pays. Imaginez le cadre dans lequel opèrent des gestionnaires qui sont avant tout des ingénieurs ou des titulaires d'un doctorat et qui s'efforcent d'exploiter une entreprise opérant dans un domaine scientifique complexe et qui vendent sur des marchés internationaux.

Cinquièmement, il nous faut nous mettre à la recherche, à mon avis, d'investisseurs bien informés et expérimentés. Il ne suffit pas d'avoir de l'argent. Il nous faut des investisseurs qui ont de l'argent, mais aussi qui savent le placer. Si nous réussissons à apporter de bonnes solutions aux quatre premiers problèmes que j'ai soulevés, nous aurons alors davantage de capitalistes prêts à investir de l'argent dans des entreprises à risque et les banques auront de meilleures possibilités d'intervenir.

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Il est indéniable que dans les premières phases des projets d'investissement, les risques sont plus élevés, et que les responsabilités le sont aussi. Il est donc fondamental que l'on se dote des compétences et des mécanismes devant nous permettre de mieux définir les possibilités dans un premier temps et de collaborer pour réduire le coût des responsabilités.

Sixièmement, nous avons besoin d'entrepreneurs mieux informés au sein de la communauté scientifique et technique. Il faut qu'ils comprennent mieux le rôle et les attentes de leurs partenaires financiers et nous avons tous un rôle à jouer dans ce domaine. Nous avons besoin aussi d'un public mieux informé, qui comprenne l'importance de la science et de la technologie lorsqu'il s'agit de faire suivre des études à leurs enfants, d'améliorer la qualité de vie de chacun d'entre nous et d'offrir à chacun de bonnes possibilités d'investissement. Je dirais qu'ici les médias ont un rôle tout à fait fondamental à jouer dans le cadre de cette conspiration en faveur de l'entraide, mais nous avons tendance à ne pas les inviter à des tribunes comme celle-ci. Il y a des gens au sein des médias qui connaissent bien la science et la technologie et je pense qu'ils devraient prendre part à la recherche des solutions.

Je dirais enfin que l'on a moins besoin aujourd'hui que par le passé de stratégies et de politiques parfaites. Je pense que dans le monde nouveau qui nous attend, si nous voulons procéder à des changements et ne pas manquer les chances qui s'offrent à nous, il nous faut adopter des principes généraux et être prêts ensuite à expérimenter, à concevoir des modèles, à lancer des projets pilotes et à collaborer tout en affinant nos politiques.

Voilà les sept domaines dans lesquels je pense que nous devons collaborer. J'aimerais terminer sur une note positive: il y a de magnifiques choses qui se font dans notre pays. En le parcourant, j'ai vu d'excellents projets scientifiques et techniques qui sont à la pointe dans le monde et qui font intervenir des partenaires stratégiques du monde entier. Nous avons un bon système de crédits d'impôt à la recherche et au développement, une bonne qualité de vie, une main-d'oeuvre relativement qualifiée, ce que je considère comme un esprit d'entreprise de plus en plus développé et ce que je considère aussi comme une conspiration fondée sur l'entraide qui prend de plus en plus d'ampleur dans notre pays. Je pense donc qu'il nous faut encore largement progresser dans les secteurs que je viens de répertorier, mais que nous avons déjà fait un bon bout de chemin.

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de comparaître. J'en suis très heureuse.

Le président: Merci. J'apprécie la liste que vous nous avez donnée. Vous avez dégagé un certain nombre d'idées précises sur lesquelles je pense, là aussi, que le comité reviendra.

Nous allons maintenant entendre Jacek Warda, chargé de recherche principal, groupe information, innovation et technologie, du Conference Board du Canada.

Monsieur Warda, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

M. Jacek Warda (chargé de recherche principal, Groupe information, innovation et technologie, Conference Board du Canada): Merci de m'avoir invité à comparaître sur cette question importante. Pour vous donner une idée de ma formation, je suis un économiste qui depuis 10 ans fait de l'analyse comparative des mesures d'incitation fiscale. J'ai procédé à un certain nombre de mises à jour de la situation canadienne vis-à-vis d'autres pays en ce qui a trait aux mesures d'incitation fiscale. Je m'en tiendrai dans mon exposé à ces mesures d'incitation sans entrer dans l'étude des autres moyens de financement de la R-D.

Cet exposé vise à fournir au Comité permanent de l'industrie un cadre politique de discussion du rôle des instruments fiscaux en tant qu'outils de financement des entreprises novatrices. Toutefois, avant d'entrer dans la discussion des résultats de l'étude effectuée récemment par le Conference Board à ce sujet, j'aimerais insister sur le fait que les entreprises novatrices ne sont pas toujours celles qui consacrent le plus d'argent à la recherche et au développement et qui ont un fort pourcentage de R- D. Vous n'ignorez pas que lorsqu'on dit que le Canada a un «déficit d'innovation», c'est en grande partie lorsqu'on compare le faible niveau de notre R-D par rapport à celui d'autres pays. Nous avons peut-être effectivement un déficit en matière de R-D, mais s'agit- il d'un «déficit d'innovation»? Ce n'est pas si évident. Ce que nous pouvons dire sans risque de nous tromper, cependant, c'est que nous avons un déficit pour ce qui est de mesurer les activités novatrices. Nous avons de la difficulté à mesurer l'innovation et à définir les critères de mesure correspondants.

Prenons l'exemple de l'industrie du textile. Alors que cette industrie est en grande partie considérée comme un secteur de fabrication traditionnel qui investit peu dans la R-D, le secteur des textiles est l'un des chefs de file au Canada pour ce qui est des découvertes canadiennes et de l'introduction des innovations à l'échelle mondiale. Le textile passe avant des secteurs comme les machines, le papier et les produits légers, le caoutchouc, les plastiques et le matériel de transport - cela d'après les chiffres fournis par le catalogue numéro 88-513 de Statistique Canada. Par ailleurs, le secteur du textile achète et utilise des machines et de l'équipement à la pointe de la technique dans le cadre de ses opérations de fabrication. On facilite évidemment l'innovation dans l'industrie lorsqu'on se tient au courant de ces nouvelles techniques, lorsqu'on les utilise et lorsqu'on les diffuse, mais il n'en reste pas moins que nos statistiques ne rendent pas bien compte de ce genre d'activité novatrice.

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On voit par cet exemple que l'innovation va bien plus loin que la simple R-D. Il faut que le comité en tienne compte lorsqu'il discute du «déficit d'innovation» au Canada, et plus particulièrement du rôle que doit jouer le financement pour combler ce déficit.

On nous dit dans un rapport récent du Conference Board, Rendement et potentiel: Évaluation du rendement social et économique du Canada:

Cela étant dit, je dois reconnaître qu'il est extrêmement difficile de discuter des instruments fiscaux devant promouvoir l'innovation, parce que nous n'avons pas une définition et des mesures claires de l'innovation. Compte tenu de ce problème, je m'en tiendrai dans mes observations aux mesures d'incitation fiscale s'appliquant à la R-D.

Nous manquons tout simplement de données sur les mesures d'incitation fiscale à l'innovation. Comme vous le savez, le Canada et les autres pays, lorsqu'ils accordent des mesures d'incitation fiscale, se conforment à la définition pratique du manuel de Frascati, qui fait essentiellement de la R-D la principale source d'innovation.

Je vais maintenant vous communiquer les résultats d'une étude qui est sur le point de sortir. Elle sera publiée conjointement par le Conference Board et par l'Organisation de coopération et de développement économique au début de l'année 1997. Elle doit s'intituler Le traitement fiscal de la R-D dans les pays membres de l'OCDE. Elle a pour but de comparer les mesures d'incitation fiscale à la R-D qui existent dans 25 pays et de déterminer quelles sont les politiques en vigueur au sujet de ces mesures d'incitation fiscale à la R-D. Elle doit permettre aussi d'évaluer l'intérêt relatif des différentes mesures d'incitation fiscale à la R-D en usage au Canada. J'espère qu'elle nous permettra de nous faire une bonne idée de cet intérêt relatif.

Très brièvement, quelles en sont les principales conclusions? Le traitement fiscal accordé par le Canada à la R-D est très favorable par rapport aux normes internationales. L'étude nous démontre que les mesures d'incitation fiscale prises par le gouvernement fédéral du Canada en association avec les deux provinces examinées, le Québec et l'Ontario, mettent notre pays au deuxième rang au sein de l'OCDE.

Quarante pour cent des 25 pays étudiés ont recours aux crédits d'impôt ou à des déductions spéciales sur le revenu imposable des entreprises qui font de la R-D. De manière générale, ces pays occupent un meilleur rang que les 15 autres pays de l'OCDE pour ce qui est des avantages fiscaux accordés à la R-D.

Les pays qui offrent les mesures d'incitation fiscale les plus généreuses sont en premier lieu l'Espagne, suivie du Canada et de l'Australie. Des pays comme la Corée, les Pays-Bas, la France, l'Autriche et les États-Unis offrent des crédits d'impôt ou des dégrèvements moins généreux, tout en faisant un effort significatif pour abaisser le coût de la recherche.

Le Canada est au deuxième rang pour ce qui est des mesures d'incitation fiscale favorisant la R-D des petites entreprises. Six pays: l'Italie, le Canada, les Pays-Bas, la Corée, le Japon et la Belgique, ont des programmes accordant précisément des crédits d'impôt aux petites entreprises qui font de la R-D. Il s'agit là d'un groupe assez restreint. D'autres pays s'en tiennent essentiellement aux mesures d'incitation fiscale générales en ce qui a trait aux petites entreprises.

Seuls quelques pays, dont le Canada, autorisent un amortissement immédiat des coûts d'investissement en R-D. Le coût des machines et de l'équipement peut être déduit dans des pays comme l'Australie, le Canada, le Danemark, la Finlande, l'Irlande, l'Espagne, la Turquie et le Royaume-Uni.

Que ressort-il de tout cela? Il faut d'abord voir l'ampleur des crédits. La fiscalité canadienne reste la plus favorable pour les entreprises qui font de la R-D, si on excepte l'Espagne. Le rang élevé qu'occupe le Canada pour ce qui est du traitement fiscal accordé à la R-D est le résultat des mesures très favorables accordées par le gouvernement fédéral, auxquelles vient s'ajouter le traitement fiscal spécial qu'accordent les provinces.

Nous avons examiné le cas du Québec et de l'Ontario, mais nous savons aussi que quatre autres provinces offrent des mesures d'incitation fiscale, c'est le cas du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, du Manitoba et de Terre-Neuve.

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Il ressort de cette étude que les mesures d'incitation fiscale restent un moyen important d'encourager les activités de R-D dans les pays membres de l'OCDE. Cinquante-six pour cent, soit 14 pays, ont une certaine forme d'incitation fiscale à la R-D. Toutefois - et je tiens à ce que vous vous en souveniez dans toute la mesure du possible - il est vrai aussi que les 11 autres pays n'ont pas adopté de mesures d'incitation fiscale à la R-D alors que nombre d'entre eux semblent avoir pourtant des économies très novatrices. Il est vrai aussi peut-être que ces pays - c'est le cas de l'Allemagne - ont recours à d'autres incitatifs que les crédits d'impôt, à des prêts et à des subventions par exemple.

Je conclurai mes observations en citant l'étude que doit publier le Conference Board: Building Innovative Canada: A Business Perspective. Cette étude a pour objet de faire mieux comprendre aux entreprises toute l'importance des questions qui ont de profondes répercussions sur l'efficacité du système national d'innovation du Canada. Grâce à la contribution du groupe de travail du Conference Board du Canada sur la politique exercée en matière de technologie, cette étude se penche sur les ressources humaines, le cadre de réglementation et les régimes fiscaux en insistant sur la nécessité d'équilibrer les règles du jeu à l'intention de toutes les entreprises qui exercent leurs activités au Canada dans ces secteurs.

Nous considérons que les mesures d'incitation fiscale à la R-D doivent être replacées dans le cadre global de notre fiscalité. Elles jouent un rôle important pour stimuler l'innovation au Canada, mais leurs incidences positives peuvent être affaiblies - ou renforcées - par d'autres éléments de notre fiscalité, tel que l'impôt sur le revenu des sociétés et des personnes physiques.

Il y a d'autres éléments importants en dehors de la fiscalité, telles que subventions directes ou politiques d'approvisionnement, qui sont largement utilisés dans d'autres pays et qui influent sur la décision des entreprises d'investir dans la technologie. Il faut donc considérer que les crédits d'impôt à la R-D font partie d'une tentative globale qui vise à s'assurer que les entreprises canadiennes, grandes et petites, sont au moins placées sur un pied d'égalité lorsqu'il s'agit d'innover et d'être véritablement compétitifs sur les marchés internationaux. Leur rôle, en tant que coefficient multiplicateur des investissements effectués dans le secteur de la technologie par les sociétés transnationales, plus particulièrement, ne doit pas être négligé.

Les mesures d'incitation fiscale, en tant qu'instruments de politique non discrétionnaires axés sur le marché et à la disposition des gouvernements, doivent permettre de renforcer la stabilité du cadre de la R-D et de mieux prévoir à l'avance. Les mesures d'incitation fiscale pourront ainsi accroître la participation du secteur privé dans la R-D. Pour que l'on puisse atteindre cet objectif, il faut que les mesures d'incitation elles- mêmes soient stables et prévisibles. À cet égard, le Canada a un bon dossier. Nos mesures d'incitation fiscale à la R-D ont fait la preuve de leur stabilité et de leur fiabilité et sont à la base de la politique d'innovation du Canada.

Il faut reconnaître, toutefois, que les règles du jeu changent constamment. Les politiques que le gouvernement a choisi d'adopter pour encourager l'innovation ont besoin d'être replacées dans le cadre de la concurrence internationale. Leur efficacité est relative par rapport à ce que font d'autres pays pour stimuler l'investissement en général, et l'innovation en particulier. Il faut donc continuer à superviser la situation dans ce domaine pour s'assurer que les entreprises qui exercent leurs activités au Canada opèrent sur un pied d'égalité.

Enfin, j'insiste à nouveau sur le fait que les mesures d'incitation fiscale ne sont que l'un des moyens dont dispose un pays pour appuyer l'action de ses entreprises. Il y a bien d'autres éléments qui influent aujourd'hui sur les décisions des entreprises et sur lesquels doivent se pencher aussi bien les entreprises que le gouvernement. Pour n'en citer que quelques-uns, il y a l'offre de personnel très qualifié, l'accessibilité des sources de financement - des capitaux à risque - et la proximité d'une base d'acquisition des connaissances, tels que les universités ou les laboratoires du gouvernement. À cet égard, les mesures d'incitation fiscale à la R-D jouent un rôle important et global en favorisant un bon climat d'investissement dans les connaissances, renforçant ainsi les effets exercés par les autres éléments entrant en jeu. La fiscalité n'est donc de toute évidence que l'un des nombreux facteurs qui interviennent, mais il est important.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Warda, d'avoir passé en revue notre fiscalité et ses conséquences pour notre action.

Je vais maintenant passer la parole à David Mowatt, premier vice-président, marchés émergents, à la Banque de développement du Canada. Je vous souhaite la bienvenue.

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M. David Mowatt (premier vice-président, Marchés émergents, Banque de développement du Canada): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. C'est un plaisir pour moi de venir ici vous parler des produits de la Banque de développement du Canada, plus particulièrement en ce qui a trait aux entreprises de haute technologie. Comme Susan, j'ai pris part à la nouvelle orientation de notre banque en faveur de la promotion des entreprises axées sur la technologie et sur les connaissances.

J'ai la chance de pouvoir parler toutes les semaines et tous les mois aux représentants de nombreuses entreprises de notre pays. Je peux vous dire qu'il est très difficile aujourd'hui de savoir exactement en quoi consiste la technologie, la haute technologie ou les activités axées sur la connaissance. On en trouve de toutes sortes à l'intérieur d'une large gamme de secteurs. Il est facile de déceler les entreprises qui mettent effectivement au point les nouvelles techniques, mais nous voyons tout aussi souvent des entreprises assez traditionnelles qui adaptent les nouvelles techniques et qui améliorent ainsi considérablement leurs propres procédés. La ligne de démarcation entre les entreprises qui opèrent dans le secteur de la technologie et les autres est devenue floue.

Je vais adopter un point de vue davantage micro-économique et vous parler des possibilités d'accès aux capitaux dont disposent ces entreprises et de la façon dont elles peuvent financer la croissance de leurs activités.

Je tiens à vous dire trois choses aujourd'hui. La première, c'est qu'il y a un déficit pour ce qui est de la façon dont opèrent les marchés pour mettre à la disposition des entreprises les investissements disponibles. C'est ce que vient de nous dire Susan. En second lieu, je veux vous donner une idée des produits sur lesquels travaille notre banque en compagnie d'autres intervenants du marché. Troisièmement, j'évoquerai le produit que nous avons spécialement mis au point à l'intention des entreprises du secteur de la haute technologie pour répondre aux besoins relevés par Richard au tout premier stade du démarrage, soit la fourniture de capitaux à risque devant permettre de lancer les entreprises du secteur de la technologie.

J'ai apporté une toute petite brochure en français et en anglais à l'intention des membres du comité. La première diapositive fait état de la situation des entreprises sur les marchés des capitaux. Sans vouloir entrer dans les généralisations, lorsqu'une entreprise a un produit bien établi, des marchés bien établis, des techniques connues et des éléments d'actif traditionnels, elle a tendance à trouver ses capitaux et son financement en s'adressant à des sources classiques.

Les banques à charte ont de très solides réseaux lorsqu'il s'agit d'accorder des prêts à terme et des crédits d'exploitation. De manière générale, plus l'entreprise domine la technique qu'elle emploie, plus il lui est facile de trouver un financement.

À partir du moment où une entreprise met au point de nouvelles solutions, a des marchés non établis et des éléments d'actif non conventionnels qui entrent dans l'équation, elle a tendance à se détourner des sources de prêts à terme classiques pour s'adresser à des entreprises comme celle de Richard, qui financent des projets à plus haut risque.

Les sociétés émergentes se trouvent donc entre les deux. D'une part, il y a les sources classiques de capitaux. D'autre part, les financements à plus haut risque. Entre les deux, il y a un grand nombre d'entreprises qui ont beaucoup de succès mais qui, pour une raison ou pour une autre, que ce soit leur stade de développement, le type d'actif qu'elles possèdent, ou éventuellement le montant d'argent dont elles ont besoin, n'ont pas les pieds fermement ancrés dans l'un des deux camps. Notre banque s'efforce de mettre au point toute une gamme de financement pour le développement qui combine à la fois les caractéristiques des obligations et des prises de participation de façon à s'adapter à la fois aux besoins des petites et des moyennes entreprises.

À la deuxième page de cette brochure, vous trouverez un certain nombre des produits financiers que propose la banque. Nous offrons à la fois des fonds de croissance, des prêts à redevances, du capital patient, des prêts à terme, des programmes micro- entreprises et du capital de risque. Ce ne sont là que des noms qui figurent dans cette page, mais c'est plutôt la troisième page qui nous intéresse surtout. Je vais la passer en revue à votre intention.

Nous nous efforçons de positionner les entreprises. Nous opérons en fait selon deux axes. Il y a d'une part le montant d'argent dont elles ont besoin et d'autre part le stade de développement auquel elles en sont arrivées. Je vais m'efforcer de positionner différents produits de la banque pour vous donner une idée de l'opération. Je soulignerai ce qui à mon avis s'applique précisément aux entreprises du secteur de la science et de la technologie.

Les prêts à terme, tout d'abord, sont probablement ceux que vous connaissez le mieux et qui interviennent lorsque les entreprises peuvent présenter des garanties classiques et avoir accès à des sources classiques de financement à terme. Nous avons un programme de prêts aux petites entreprises qui donne d'excellents résultats dans notre pays.

Il y a cependant toute une gamme d'entreprises qui ne relèvent pas de cette catégorie. Il faut probablement citer tout d'abord - et entre vous, Susan et moi, nous savons qu'elles sont très nombreuses - les entreprises qui ont besoin de moins de 50 000$. Nous avons un programme micro-entreprises qui fournit des fonds, à concurrence de 25 000$, aux entreprises qui démarrent, et à concurrence de 50 000$ aux entreprises qui veulent étendre leurs activités.

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On assiste aussi à une forte demande dans le secteur du financement des fonds de roulement, notamment dans certaines entreprises et certains secteurs fondés sur la connaissance qui croissent très rapidement. Souvent, les besoins en fonds de roulement de ces entreprises dépassent le rythme auquel elles sont en mesure de se financer par des moyens classiques et auquel elles peuvent exploiter avec une marge de crédit. Nous avons mis sur pied un financement des fonds de roulement en vue d'assurer la croissance des entreprises en collaboration avec les banques à charte de manière à compléter les marges de crédit existantes des entreprises, en plus de leur fonds de roulement, pour leur permettre de soutenir leur croissance.

Le troisième produit financier est celui des prêts à redevances. Nous nous adressons plus particulièrement ici aux entreprises opérant dans le secteur de la technologie et de la connaissance. De manière générale, ces entreprises sont trop petites pour bénéficier d'un financement à l'aide d'un capital de risque. Les projets à risque ont tendance à avoir besoin d'un investissement de 1 million de dollars ou davantage, mais ils n'ont pas suffisamment d'éléments d'actif corporels pour justifier un prêt à terme.

Nos prêts en capital de risque sont en fait des prêts à terme, mais il n'y a pas besoin de garantie. Ils opèrent comme des prêts à terme, mais ils possèdent aussi les caractéristiques d'une prise de participation. Il n'y a pas d'exigence de garantie. Le risque est plus élevé en raison de cette absence de garantie, mais la prime de risque qui s'y rattache dépend du succès de l'entreprise. Donc, plutôt que d'appliquer des taux d'intérêt élevés, nous faisons payer à la fois des taux d'intérêt et des redevances.

Voici comment fonctionnent les redevances. Les rentrées d'argent procurées par l'entreprise sont assez faibles au démarrage du projet ou lors de sa phase de développement, et la prime de risque est appliquée sur le chiffre d'affaires de l'entreprise. Par conséquent, lorsque l'entreprise paie la prime de risque dans ce genre de financement, elle le fait sur ses rentrées d'argent et conserve pour elle ses profits.

Le troisième produit financier est celui du capital patient. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un financement plus patient. Il s'apparente tout à fait au financement en capital de risque en ce sens qu'il s'agit d'un prêt à terme. Il possède à la fois les caractéristiques du versement d'un taux d'intérêt et du paiement d'une redevance, mais nous nous adressons ici aux entreprises qui sont en train par exemple de développer leurs produits et qui probablement ont déjà des commandes mais qui ont besoin d'augmenter leurs stocks, leur production et parfois même leur force de vente. C'est toujours de l'argent qui doit être versé dans l'entreprise, mais il faudra un certain temps pour qu'il procure un rendement versé par l'entreprise.

Par l'intermédiaire des capitaux patients, nous pouvons avancer des sommes pouvant aller jusqu'à 250 000$, qui resteront placées dans l'entreprise sans que l'on ait à rembourser le principal ou encore à payer des intérêts ou des redevances pendant un délai pouvant aller jusqu'à trois ans. Nous laissons cet argent fructifier dans l'entreprise pour que celle-ci puisse s'accroître. Cela s'apparente tout à fait à une prise de participation à ce moment-là. Aucun versement d'intérêt n'est exigé. Toutefois, lorsque l'entreprise réalise sa croissance, tout fonctionne alors comme s'il s'agissait d'un financement sous forme d'obligations. C'est ainsi que lors des quatre à sept années qui suivent, l'entreprise rembourse le capital et verse des intérêts et des redevances.

La dernière catégorie de produits financiers est celui du capital de risque. Richard a très bien su nous exposer en quoi consistaient les capitaux de risque et quel était leur fonctionnement. Il a fait remarquer entre autres, et notre banque s'en est aussi aperçue, qu'il y avait un déficit au tout début de l'exploitation des entreprises du secteur de la technologie. Notre banque a récemment annoncé la création, et procède à la mise au point, d'un produit financier qui se présente sous la forme d'une prise de participation au moment du démarrage des entreprises du secteur de la technologie.

C'est un produit qui intervient au tout début. Il s'agit de montants allant de 100 000$ à 500 000$ et qui sont versés presque avant que l'entreprise soit constituée. C'est en fait au stade de l'élaboration d'une technique ou d'une science. Il faut qu'il y ait à la fois une équipe de gestion et un financement. Je pense que Susan a employé l'expression «création d'entreprises». C'est la création d'une entreprise au niveau tout à fait micro-économique. Nous nous associons à des entreprises de financement en capitaux de risque et à d'autres investisseurs institutionnels pour réunir une très large gamme de compétences et pouvoir mettre notre réseau de ressources à la disposition de ces entreprises et les aider en fait à se créer autour des sciences et des techniques qu'elles ont mises au point. C'est un financement à un stade extrêmement précoce de l'entreprise.

À titre d'exemple, nous travaillons à l'heure actuelle avec une scientifique de la côte Ouest qui a mis au point un nouveau test de détection des substances cancéreuses. Tout ce que nous mangeons et tout ce que nous mettons sur notre corps doit être testé pour savoir s'il y a des risques de cancer. Le procédé scientifique qu'elle a découvert lui permet de faire ces tests plus facilement et à un coût moindre qu'avec les techniques d'essai actuelles. Ce n'est pour l'instant qu'un procédé scientifique de laboratoire, mais on peut voir qu'il présente un énorme potentiel pour une entreprise et pour différents secteurs industriels.

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C'est donc quelque chose qui ne nécessite qu'un très petit investissement. C'est moins de100 000$ lors de la première phase. Il faudra probablement verser des millions de dollars en capital de risque avant que le produit soit effectivement mis sur le marché. Nous nous efforçons donc de promouvoir des découvertes scientifiques comme celle-là au tout début de leur apparition pour faire en sorte que l'on puisse se doter d'une équipe de gestion et mettre effectivement cette technique sur le marché.

Je m'arrêterai là, monsieur le président. Je dirai qu'il y a un déficit de financement au niveau intermédiaire. La banque intervient alors et s'efforce de combler ce déficit avec un certain nombre de ses produits financiers et, plus particulièrement, en versant des capitaux facilitant le démarrage des entreprises du secteur de la technologie.

Le président: Merci, monsieur Mowatt. Je suis heureux d'apprendre ce que fait de nos jours la BDC. Je pense avoir même entendu une annonce la semaine dernière au sujet du nouveau produit financier.

M. Mowatt: C'était au sujet des capitaux de démarrage. C'est exact.

Le président: Très bien. Nous allons maintenant passer la parole à Claude McMaster, qui est arrivé après le début de notre séance et qui représente le groupe conseil AVINGCO. Je vous souhaite la bienvenue devant notre comité, vous pouvez faire maintenant votre exposé.

[Français]

M. Claude McMaster (président, AVINGCO groupe conseil inc.): Je vous ferai une présentation plus interactive que directive. Les recommandations sortiront durant la présentation.

Avant de commencer, j'aimerais me présenter en 30 secondes. Je dois vous avouer que j'ai été un peu surpris de me retrouver ici aujourd'hui.

Je vais d'abord vous expliquer le nom AVINGCO: AV pour avocat, ING pour ingénieur et CO pour comptable. À notre connaissance, nous sommes la seule firme au Québec regroupant sous un même toit trois ressources en gestion de la technologie. On ne fait que de la gestion de la technologie. On est dans 14 centres de recherche, dont deux universités, et notre but est de faire sortir les technologies et de valoriser les technologies que les centres de recherche ont développées pour les mettre sur le marché. On a également une quarantaine de clients en technologie, principalement au Québec et deux en Ontario. L'un d'entre eux vient justement d'entrer sur le marché public.

La documentation qu'on nous a remise contenait six questions et je vais essayer de répondre aux six. Quant au rôle des industries et des technologies, on est tous d'accord que les entreprises à valeur ajoutée sont la base de l'économie de l'avenir. Je n'ai pas beaucoup de choses à dire à ce sujet-là.

Cependant, je vais faire une mise en situation du rôle du gouvernement dans la promotion des technologies. En technologie, lorsque j'investis un dollar en recherche et développement, je risque d'avoir un coût cinq fois plus élevé simplement pour la précommercialisation et la mise à l'échelle de la technologie et dix fois plus élevé pour la commercialisation.

Je suis heureux de constater qu'il y a ici aujourd'hui des représentants des banques. J'ai d'ailleurs travaillé pour le compte de la Banque fédérale de développement en 1989. À l'époque, j'étais une bête noire parce que je faisais la promotion de la technologie. Personne n'y croyait, mais maintenant on y croit. J'ai aussi des dossiers de la Banque Royale. Contrairement à ce qu'on dit tous, il y a peut-être beaucoup de capital, mais pour les entreprises, les capitaux ne sont pas nécessairement là parce que les financiers veulent contrôler le risque.

Pour être en mesure d'identifier le risque et de le contrôler, il faut comprendre ce qui se passe. La grande problématique pour les investisseurs actuellement, c'est de comprendre ce qui se passe. Donc, actuellement, pour la phase de recherche et développement, on a le principe des crédits d'impôt, le principe des subventions des programmes du Conseil national de recherches du Canada, du CRSNG et du FCAR. Donc, différents programmes de subventions couvrent une bonne partie des fonds.

Lorsqu'on arrive pour faire la mise à l'échelle et la préproduction, les financiers ne sont pas là. Les financiers seront là quand on va arriver pour la commercialisation, quand le marché sera disponible. Il y a du capital de risque, et les banques et les appels publics à l'épargne seront là. Mais, pour la mise à l'échelle, les gens veulent savoir s'il y a un marché potentiel, s'il y a des ventes possibles. Prouvez-moi qu'il y a des ventes potentielles et je vais investir. C'est peut-être là que le gouvernement pourrait jouer un rôle. Les financiers ont besoin de confort ou de prendre un risque moindre. C'est amusant. La semaine dernière, j'étais avec le président de la SDI et ce matin, j'étais avec le président de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, de Sofinov qui est leur filiale de capital en haute technologie.

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Actuellement, le problème est exactement celui que nous avons identifié là. On parle de nouveaux programmes, de la Banque fédérale, etc., et c'est excellent, mais j'ai hâte de voir comment ce sera administré. Si on a de la difficulté à faire du capital de risque quand on arrive aux 10$ alors qu'on sait qu'il y a un marché et que cela fonctionne, comment fera-t-on pour évaluer les projets dans une phase antérieure? J'ai bien hâte de voir comment on va s'y prendre. C'est peut-être à ce niveau-là que ces organismes auraient besoin d'un appui gouvernemental quelconque.

Quant au rôle du gouvernement, voici mes suggestions potentielles ou recommandations. Travaillant beaucoup avec les PME, je recommande que les sommes émanant de l'État soient remboursables par l'entreprise. Les subventions ne sont pas nécessairement appropriées. Il y a eu beaucoup d'abus dans ce secteur. Donc, l'État devrait donner des appuis financiers qui soient remboursables. Par exemple, les entreprises qui ont à démontrer que leur technologie fonctionne ont énormément de difficulté à obtenir des fonds.

Peut-on faire quelque chose? Pour la préproduction et le début de la commercialisation, je parle d'un crédit d'impôt à l'investissement, sur le même principe que le crédit d'impôt à la recherche et au développement. Comment le formuler et l'encadrer? Les entreprises avec lesquelles on travaille ont cette problématique et elle est marquante au niveau du financement.

Parlons des obstacles à l'émergence des technologies naissantes. On sait tous que, pour qu'un projet fonctionne, il faut du management, une bonne technologie et un bon marché. Pour ce qui est du financement, il faut un bon management, un bon management et un bon management, parce que, théoriquement, la technologie va fonctionner et, théoriquement, des études ont prouvé que le marché existait.

On peut avoir une très bonne technologie et un très bon marché, mais avec un mauvais management, l'entreprise n'ira nulle part. Par contre, si on a une mauvaise technologie, un mauvais marché et un bon management, on réussira à vendre autre chose. Comment évaluer cela? Actuellement, il nous manque des promoteurs expérimentés.

Il y a d'autres organismes qui travaillent au Canada avec des fonds similaires. Comment seront-ils organisés? Je ne le sais pas encore. Quant à nous, nous sommes en train de monter un fonds de 30 millions de dollars avec des partenaires américains.

Il y a un besoin criant. Je sais que les gouvernements ont moins d'argent, mais il s'agit de trouver une façon de sécuriser tout cela pour que des sommes d'argent soient investies dans ce secteur.

Il y a une autre problématique. Comment alléger le fardeau des entreprises innovatrices? Dans un premier temps, il faut reporter le remboursement du financement à plus tard. On parle du capital patient de la BDC et de la Banque Royale, qui sont actuellement les deux banques à avoir ce système de capital.

Un demi-million de dollars, c'est beau, mais après deux ans, on commence à rembourser et ce sont des remboursements assez élevés. Les banques n'ont pas assez de patience pour la technologie, qui met beaucoup plus que deux ans à atteindre une maturité sur le marché.

Il y a cinq ans, personne ne s'intéressait à cela. Nous avons donc fait un pas de géant, mais nous ne sommes pas encore rendus assez loin pour permettre à nos entreprises de prendre l'envol nécessaire pour devenir rentables.

Il faut diminuer la paperasse car cela tue nos entreprises, compte tenu des ressources que cela demande. Et ces ressources ne sont pas productives.

Il faut faciliter l'accès à la protection de la technologie. Personne ne parle de la protection de la technologie. C'est amusant. C'est l'élément numéro un pour la technologie. Si on n'est pas capable de se protéger, on va se faire copier. On n'a aucune source pour se protéger.

J'ai une entreprise à Québec. C'est un spin-off, une entreprise qu'on lance de l'Université Laval. Son chiffre d'affaires est de l'ordre de 5,6 millions de dollars et c'est dans le domaine de la vision. Tout est beau. Savez-vous combien il en coûte pour enregistrer la propriété intellectuelle à travers le monde? C'est 200 000$. Où trouvera-t-on ces 200 000$?

C'est un start-up et on a fini par décider d'investir des capitaux de risque parce que c'est vraiment une très belle compagnie, mais c'est une exception. La plupart des entreprises n'ont pas les moyens de se protéger. Les financiers exigent que la technologie soit protégée, avec raison d'ailleurs. Et que fait-on?

C'est une porte intéressante pour le gouvernement, qui peut certainement trouver un moyen de faciliter l'accès à la protection de la technologie en prévoyant certaines ententes de crédit et de report des frais des avocats qui travailleront à ce dossier. En tout cas, il y a des choses à envisager de ce côté-là.

Parlons du climat pour favoriser l'entrepreneuriat technologique. Dans un premier temps, il faudrait promouvoir les cas succès. On n'en parle pas assez.

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Dans un deuxième temps, il faudrait démontrer l'importance du partenariat. Je pense que nous l'avons démontrée. Rassembler des avocats, des ingénieurs et des comptables, c'est difficile. À l'université, il faut favoriser les projets conjoints. Cela est à la base de tout, parce que les nouvelles entreprises émanent souvent d'étudiants des universités.

Donc, au lieu de laisser les facultés s'isoler dans leur tour d'ivoire, on pourrait faire des projets conjoints. Il faudrait favoriser cela. Les gens vont apprendre à se connaître. Au lieu d'avoir un chercheur qui démarre son entreprise sans avoir de connaissances du marché ou quelqu'un qui connaît très bien le marché, mais qui ne sait pas quoi commercialiser, on pourrait rassembler ces deux personnes et on aurait des chances d'avoir des projets qui se tiennent. C'est l'une des choses qu'on pourrait tenter.

Finalement, on nous a demandé de parler des critères de suivi de l'application de la stratégie gouvernementale qui sera mise en place. J'appelle cela des indicateurs objectivement mesurables; c'est-à-dire qu'on peut mesurer les ventes de l'entreprise avant l'implication du gouvernement. On peut regarder les nouveaux marchés qui ont été développés et le nombre de nouveaux brevets. On a une carence au Canada au niveau des brevets qui sont émis. On est très déficitaires par rapport aux autres pays du monde. Quant à la recherche, c'est au Canada, et principalement au Québec, qu'elle coûte le moins cher.

Donc, c'est paradoxal. Il y a quelque chose quelque part qui ne fonctionne pas dans le système. Le Canada est l'endroit où la recherche coûte le moins cher, mais est le pays où il y a le moins de brevets. Si on veut conserver une position enviable sur le marché, il faudra faire quelque chose.

C'est ce que j'avais à vous dire. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McMaster, pour votre présentation. J'espère que votre témoignage fera l'objet de beaucoup de commentaires.

[Traduction]

Je vais passer maintenant la parole aux députés. Chaque député va poser une question précise à un témoin en particulier, mais il ne faut pas que les autres hésitent à intervenir. Vous n'avez qu'à attirer mon attention si vous voulez répondre à une question ou faire consigner une observation dans notre procès-verbal.

[Français]

Monsieur Leblanc, voulez-vous commencer?

M. Leblanc (Longueuil): J'aimerais poser ma première question à Mme Susan Smith de la Banque Royale du Canada, qui a parlé de la commercialisation de la technologie. C'est une chose qui m'intéresse beaucoup. Comment peut-on améliorer la commercialisation de la technologie, soit à l'étranger, soit à l'intérieur du pays, entre les entreprises? C'est quelque chose qui m'intéresse depuis longtemps. J'aimerais donc que vous élaboriez là-dessus.

[Traduction]

Mme Smith: Puis-je répondre en anglais?

Je parlais d'une conspiration devant mener à une entraide comme d'un moyen de rassembler différentes personnes pour trouver des solutions efficaces concernant la commercialisation de la technologie du Canada.

Je vais vous donner deux ou trois exemples de ce que nous faisons en réalité. L'un d'entre eux a trait à un partenariat appelé ViaTech. Il s'agit d'un partenariat de professionnels. Il pourra y avoir un avocat spécialisé dans la protection de la propriété industrielle. Il pourra y avoir aussi un cabinet comptable qui a une clientèle dans le secteur de la haute technologie et qui ne fait que s'occuper de ce secteur. Il pourra y avoir une entreprise de marketing qui aide surtout les petites entreprises à élaborer des plans de mise en marché à l'échelle mondiale. Il pourra aussi y avoir plusieurs sources de financement, y compris, bien souvent, la Banque de développement du Canada. Tous ces gens, et dans un cas aussi le Conseil national de recherches du Canada, font partie de ViaTech.

Nous avons lancé 10 ViaTech au Canada dans les derniers mois. Dans chaque cas, ils s'installent dans une pépinière d'entreprises ou louent un bureau sur lequel ils apposent le panneau ViaTech. Ils dispensent gratuitement des conseils professionnels aux jeunes entreprises émergentes sur les principaux problèmes qu'elles risquent de rencontrer. Des gens qui ne savent même pas s'ils doivent effectivement monter une entreprise ont donc la possibilité de consulter cinq professionnels d'un seul coup. Nous avons ainsi réussi à collaborer efficacement en contribuant à lancer un certain nombre d'entreprises.

Mon objectif, c'est d'arriver à un moment donné à faire en sorte que tous ces ViaTech soient raccordés entre eux à l'échelle du Canada pour que chacun puisse faire profiter les autres de son expérience, non seulement à l'intérieur de chaque centre et de chaque collectivité, mais dans tout le Canada.

C'est là une entreprise ou un partenariat que nous avons lancé avec un grand succès d'audience et qui s'est révélé particulièrement utile. Il y a aussi le projet de lancement de la technologie. C'est un projet qui a réuni plusieurs entreprises du secteur privé: Quorum Growth Inc., une société de financement en capital de risque, Andersen Consulting et la Banque Royale du Canada. Chacun d'entre nous a une audience et des partenaires à l'échelle mondiale. Chacun d'entre nous s'intéresse en priorité à son secteur économique. Nous nous sommes rassemblés pour lancer un projet de création d'entreprises.

Ce n'est pas un fonds. Nous considérons qu'il y a beaucoup d'argent disponible mais que ce sont d'autres choses, dont je vous ai parlé, qui font défaut. Nous avons donc mis sur pied le projet de lancement de la technologie. Nous l'appelons TLI.

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Le TLI oeuvre partiellement au sein d'un partenariat avec différentes universités ainsi que leurs bureaux de transfert de technologie. Nous allons en fait chercher dans les universités les meilleurs projets scientifiques dont elles disposent et qui nous paraissent avoir des applications et des débouchés à l'échelle mondiale. Nous fournissons la gestion, la commercialisation, le plan d'entreprise et toutes les autres compétences nécessaires au tout début d'un projet. Nous mettons alors l'entreprise sur le marché pour lever des capitaux. Lorsque la Banque Royale, Quorum et Andersen mettent une entreprise sur le marché, ce n'est pas la même chose que lorsqu'un scientifique isolé s'efforce de faire les choses de son côté.

Nous venons de lancer ce projet cette année. Nous commençons tout juste à être pleinement opérationnels et à examiner des projets. Je n'en considère pas moins que c'est un modèle qui nous aidera à déceler les véritables écueils et à prendre les devants pour mettre les découvertes scientifiques canadiennes sur les marchés. Ces entreprises ont un gros intérêt à entrer les premières ou les deuxièmes sur les marchés. Lorsque vous arrivez en troisième, quatrième ou cinquième position, les retombées économiques diminuent fortement.

[Français]

M. Leblanc: Je vais préciser ma question. Nous sommes un petit pays comparativement aux États-Unis, à la France, au Japon et à d'autres pays industrialisés beaucoup plus importants. On n'a pas les moyens de mettre au point des technologies avancées.

N'y aurait-il pas moyen que les entreprises canadiennes se donnent une espèce de lieu où on pourrait garder les données de la technologie, qui seraient alors accessibles à d'autres personnes? Ce serait une espèce de lieu où on pourrait mettre à la disposition des entreprises certaines technologies qu'on n'utilise plus. Elles pourraient alors être plus accessibles à ceux qui en ont besoin.

Pour ce qui est de la commercialisation, les gens pourraient vendre les technologies dont ils n'ont plus besoin et d'autres qui en ont besoin pourraient payer pour les obtenir. On pourrait rentabiliser la recherche que nous faisons et augmenter en même temps notre productivité à tous points de vue.

Le président: Monsieur McMaster.

M. McMaster: Pour créer une base de données, il faut avoir accès aux technologies. Vous devez vous douter que, dans certains centres de recherche, dans certaines universités, on ne sait même pas que des professeurs ont mis au point de bonnes technologies. Ils font ce qu'on appelle du bypassing du système pour devenir les principaux bénéficiaires de leur technologie.

Dans un deuxième temps, il faut savoir que tous les centres de recherche ou institutions n'ont plus d'argent. J'assistais à un autre colloque ou comité qui était organisé par le fédéral il y a deux semaines pour voir comment valoriser la technologie. Comment vont-ils faire pour payer Andersen Consulting ou une autre firme pour les aider à préparer leurs plans d'affaires et la commercialisation de leurs produits? C'est une problématique assez importante.

Comme on le disait plus tôt, plutôt que de parler de grandes firmes, il faudrait voir à ce que dans ces centres de technologie, on parle, à la base, d'entrepreneurs ou d'individus. Ils ont plus peur de ces grandes firmes que de l'aide qu'ils pourraient recevoir. Ils ne sont pas sur la même longueur d'onde, et c'est un problème. La solution serait d'avoir une interface science-finance où quelqu'un ayant une connaissance technologique serait à l'écoute de ces gens-là.

Cela se fait rarement au Canada. Des gens qui ont de la formation en finance et en science, il y en a, mais pas beaucoup. Et quand il y en a, ils se retrouvent dans de grandes sociétés. Ils ne sont pas là pour aider les petites entreprises, mais pour détenir des postes de gestion. Il n'y a pas beaucoup de gens qui aident nos universités ou nos centres de recherche. Personnellement, je ne manque pas de travail. Je manque plutôt de personnes qualifiées pour le faire.

Il y a beaucoup de technologies. Il y a de très belles technologies dans l'Armée. Comment fait-on pour mettre la main sur les technologies de la Défense nationale? Premièrement, elles sont classifiées. Deuxièmement, quand elles sont prêtes à être commercialisées, c'est parce qu'elles n'ont plus d'attrait au niveau militaire. Cependant, les belles technologies qui ont un potentiel énorme s'y retrouvent parce qu'on a investi beaucoup d'argent pour les développer.

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Je ne peux sortir trois dossiers que je connais pourtant très bien. Une technologie militaire est-elle prête à être commercialisée? Qu'est-ce que je fais? C'est comme cela dans tous les cas.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres témoins qui veulent intervenir à ce sujet?

Monsieur Mowatt.

M. Mowatt: Susan vous a parlé de la création d'entreprises et de l'entreposage de la technologie. Il y a beaucoup de techniques disponibles à l'heure actuelle. Ce qu'il faut pour les faire sortir, c'est quelqu'un qui s'en fait le champion, quelqu'un qui est en mesure de visualiser les applications des techniques qui sont mises au point. Notre société est en train de rattraper son retard lorsqu'il s'agit de mettre en pratique tout ce que nous avons déjà inventé.

Je pense que l'on a déjà pensé à ouvrir les portes d'un certain nombre de ces institutions. Je sais que le Conseil national de recherches s'efforce de faciliter l'accès à ses techniques. C'est bien entendu en laissant ces portes ouvertes et en faisant en sorte que nos entrepreneurs créent des entreprises autour des techniques que nous avons déjà mises au point dans notre pays que l'on réussira à créer une valeur ajoutée.

J'aimerais évoquer en passant la technologie en matière militaire. J'ai eu le plaisir d'entendre certains responsables d'Israël. Ce pays possède une économie et une machine de guerre formidables. Il consacre énormément de temps à l'heure actuelle à ses projets de développement et à leur application dans les entreprises. C'est une véritable pépinière qui a beaucoup de succès. Les efforts du gouvernement, du pouvoir militaire et de l'industrie privée se marient. L'aide du gouvernement n'est pas très grande, elle est suffisante pour amorcer la pompe. Ce pays a obtenu d'immenses succès pour ce qui est de la commercialisation des techniques existantes.

[Français]

M. Leblanc: Je veux répéter encore une fois le mot «commercialiser». Cela veut dire rentabiliser les fruits de la recherche. Cela veut dire que, si on peut arriver à commercialiser les fruits de la recherche, nous allons réinvestir ces sommes-là, être plus productifs, etc. C'est cela que je dis.

Pourra-t-on un jour en arriver à commercialiser plus facilement la technologie? On sait que les grandes entreprises comme Pratt & Whitney vendent des brevets. Elles ne s'en servent plus, mais cela peut servir à d'autres entreprises. Cela se fait dans les grandes sociétés, mais comment peut-on arriver à trouver une façon de commercialiser et de rentabiliser la recherche afin qu'elle serve à quelque chose? Ainsi, tout le monde ne chercherait pas les mêmes choses, et on pourrait épargner des sommes énormes, améliorer notre productivité, etc.

Comment peut-on en arriver à acheter et vendre les fruits de la recherche à un moment donné?

[Traduction]

Le président: Nous allons peut-être passer à quelqu'un d'autre. Nous vous reviendrons plus tard, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Monsieur Schmidt.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président.

J'ai trouvé tout cela très intéressant. Ce qui m'a paru particulièrement intéressant, c'est l'esprit d'ouverture de la communauté bancaire. Il y a bien longtemps, je pense, que je n'avais pas entendu cela. Quand on pense qu'elle a effectivement mis sur pied un projet de lancement de la technologie - je n'avais encore jamais entendu dire qu'elle pouvait entreprendre ce genre de projet. Je pense qu'elle mérite d'être félicitée.

Pour reprendre un certain nombre des arguments présentés ici par Nic, je dirais que la technologie peut parfois être dépassée elle aussi, et il peut donc y avoir un côté négatif. Il y a des techniques qui ne peuvent pas trouver de débouchés. Elles deviennent périmées. À l'heure actuelle, ce n'est pas ce qui nous préoccupe. Nous nous efforçons d'adapter la technologie que nous possédons.

J'ai été particulièrement intrigué par le commentaire fait par Susan Smith, de la Banque Royale. Elle nous a dit que notre nation devrait occuper le sixième rang dans le monde. Voilà qui me paraît excellent. Je pense que c'est la première fois que quelqu'un ose dire que le Canada devrait occuper un meilleur rang que le sien. Il y a bien des universitaires qui l'ont déjà dit, mais il me semble que c'est la première fois que je l'entends dire par un responsable du secteur privé. C'est fondamental.

Si j'ai une recommandation à faire, c'est que l'on dise cela au premier ministre. Le premier ministre devrait déclarer qu'il faut que notre pays occupe le sixième rang au monde en matière de technologie.

Je pense que nous pouvons y parvenir. Toutefois, pour ce faire, nous avons besoin de rassembler toutes nos ressources, non seulement celles du groupe qui est ici aujourd'hui, mais toutes celles dont nous avons entendu parler jusqu'à présent.

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Cela me fait penser au problème très important des chasses gardées. Il y a deux sortes de chasses gardées dont il faut prendre conscience à mon avis. Il y a tout d'abord celles du monde industriel. Il y a ensuite celles qui divisent les bureaucrates.

La Banque Royale et tous ses entrepreneurs ont beau aller dans les universités pour leur demander quels sont leurs meilleurs projets scientifiques afin de les commercialiser. Je me demande cependant comment ils vont bien pouvoir faire pour s'y retrouver parmi les 13 ministères scientifiques que compte le gouvernement du Canada.

Chacun a sa propre chasse gardée. Il se charge de l'ensemble de la recherche et du développement mais, la moitié du temps, il ne parle même pas aux autres. Il lutte en fait pour obtenir les mêmes crédits. L'un va dire que tel autre projet ne vaut rien alors que le sien est mille fois plus important. L'autre ne bénéficiera donc d'aucun fonds alors que le premier recevra tous les crédits.

La question que je veux vous poser est celle-ci: comment faites-vous au sein d'une grosse organisation comme celle de la Banque Royale pour éviter ces chasses gardées ou du moins en minimiser les effets?

Mme Smith: C'est une excellente question. Nous avons effectivement un ou deux problèmes de chasse gardée au sein de notre organisation. Je me suis en effet heurtée à ce problème. Si l'on veut mettre en place le changement - je reviens à ce qu'a dit David - il faut que quelqu'un soit prêt à s'en faire le champion. Il faut que quelqu'un soit disposé à prendre des mesures impopulaires parce qu'il croit aux objectifs qu'il s'est fixés en définitive.

Dans le cadre de cette conspiration en vue de l'entraide, je ne me suis pas toujours adressée à la même personne dans chacune des organisations du Canada. Je suis allée voir des gens qui sont prêts à se faire les champions de la cause. Ce sont des gens dont le regard s'illumine comme le vôtre lorsque nous parlons de ces choses. Il suffit de les mettre ensemble dans une pièce pour que le travail soit fait. Les bureaucrates peuvent toujours aller dans la salle d'à-côté, nous n'avons pas besoin d'eux.

M. Schmidt: Peut-on logiquement conclure de cette réponse, monsieur le président, qu'il nous faut mettre sur pied un groupe indépendant de type non bureaucratique qui dirait à ces 13 ministères scientifiques où ils doivent s'adresser et qui déciderait de l'affectation de cet argent? Ainsi, le budget de R-D, qui se situe aux environs de 7 milliards de dollars, pourrait être distribué par ce groupe non bureaucratique, non gouvernemental.

Mme Smith: Puis-je faire un commentaire?

Je crois que nous n'avons pas le choix. À mon avis, si nous restons les bras croisés et si nous nous contentons de belles paroles en attendant que des réponses et que des politiques parfaites soient apportées, la chance qui s'offre aujourd'hui au Canada aura disparu.

C'est peut-être un peu vite dit, mais je pense que c'est vrai. Je pense qu'il y a des pays qui s'approchent du haut de la liste des pays de l'OCDE parce qu'ils ont vraiment décidé qu'ils allaient se retrouver le plus haut possible sur cette liste. Si nous ne décidons pas, quoi qu'il arrive, d'en faire de même, nous serons encore assis ici dans cinq ans à évoquer les mêmes questions.

M. Schmidt: Monsieur le président, c'est un magnifique scénario.

M. Mowatt: C'est un énorme problème. C'est presque comme une boule de neige qui serait déjà trop grosse pour être roulée.

Voici ce qui à mon avis aura des effets significatifs. Bien souvent, nous voyons des choses telles que celles que vous avez mentionnées. Ça nous paraît illogique. Pourquoi se ferait-on concurrence ou pourquoi faire les choses différemment? C'est souvent parce que l'on a des objectifs différents. Ces gens-là font ce qu'il faut. Ce sont d'excellents employés, conscients de leurs devoirs, qui font ce qu'ils ont à faire dans leur ministère, mais nous n'arrivons pas à coordonner les objectifs.

Je peux prendre l'exemple de notre banque et de la Banque Royale. Il nous est arrivé de ne pas nous entendre par le passé. Toutefois, nous avons réussi à bien comprendre ce que nous essayons de faire, comment nous le faisons ainsi que nos différences. En cherchant à atteindre un objectif commun, nous avons bâti une certaine alliance. Nous travaillons de concert avec des produits et des objectifs différents, mais en ayant le même but à l'esprit.

Il y a donc peut-être quelque chose à faire pour coordonner les objectifs. Il n'est pas nécessaire de tout regrouper au sein d'une énorme organisation et d'un seul ministère, mais il faudrait au moins coordonner les objectifs de certains de ces ministères.

M. Schmidt: Monsieur le président, il est très important de faire remarquer que la Banque de développement du Canada a un nouveau président. C'est un changement majeur.

Le deuxième élément nouveau, c'est que l'on a maintenant affaire à des gens commeM. Mowatt et Susan Smith, qui font exactement ce genre de choses. Ce sont les champions de cette cause.

J'aimerais consacrer le reste de l'après-midi à évoquer ce sujet, mais j'ai aussi une question à poser à M. Warda. Elle a trait à l'évaluation de la R-D en tant que critère de classement des différentes nations dans le monde.

J'ai eu l'impression que les réserves étaient plus importantes que les résultats effectifs de cette étude. J'en ai été assez surpris. Il me semble que si nous sommes vraiment décidés à occuper le sixième rang parmi les nations, il faut qu'une organisation comme le Conference Board du Canada puisse nous dire exactement en quoi ça consiste.

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C'est bien beau de dire que l'OCDE a tort pour ensuite changer d'idée et nous présenter une étude fondée exactement sur les mêmes critères. Toutefois, quand va-t-on pouvoir se fonder sur ce qui doit finalement nous permettre d'établir en quoi consiste le déficit d'innovation? Nous avons un déficit d'innovation en matière de technologie au Canada. Nous n'opérons pas au niveau qui devrait être le nôtre.

Vous avez entendu les déclarations de la Banque Royale. Vous avez entendu celles de différents secteurs industriels. Je pense qu'il incombe en fait au Conference Board du Canada de montrer la voie et de ne pas simplement reprendre les critères de l'OCDE. Nous devons nous doter de nos propres critères. Je crois qu'on peut les trouver quelque part. Si nous nous contentons de reprendre le cadre de l'OCDE en reconnaissant qu'il est faussé, comment allons-nous pouvoir progresser?

M. Warda: Voilà une question très dure, intéressante et motivante. Le Conference Board a procédé à un certain nombre d'études. Il y en a une qui porte sur l'évaluation du rendement et du potentiel du Canada. Cette étude a été publiée à la fin septembre 1996.

Cette étude révèle l'existence d'un manque de productivité, qui résulte d'un certain nombre de facteurs. Nous constatons que l'un de ces facteurs est la faiblesse de l'innovation technique. Nous avons constaté cependant que ce n'est pas dû seulement au faible niveau de R-D. Nous pensons que ce qui manque aux entreprises canadiennes, c'est la capacité de recevoir et d'adapter la technologie quelle qu'en soit la source.

Nous avons pensé que la diffusion de la technologie, le côté lié à la distribution, revêtait une très grande importance au Canada. C'est dans ce secteur que nous avons peut-être des difficultés. La R-D devrait être considérée comme une ressource naturelle permettant de développer de nouvelles idées et de nouvelles connaissances.

La diffusion de la technologie correspond au niveau de l'application. Il y a un déficit dans ce secteur, notamment dans les secteurs d'industries traditionnels du Canada et dans les petites entreprises. Il y a bien entendu d'autres facteurs qui expliquent la performance relativement faible du Canada, mais il est évident que la technologie est l'un des plus importants, notamment à ce niveau de la diffusion.

Il y a aussi la qualité des personnes. Nous avons aussi tenu compte de ce facteur en analysant notre rendement et notre potentiel. Nous avons constaté que le Canada formait de nombreuses personnes très qualifiées mais qu'il y avait une pénurie potentielle dans les domaines techniques et scientifiques. Cela nous pose des difficultés. En consultant les statistiques qui portent sur le nombre d'ingénieurs et de diplômés scientifiques que comptent les entreprises canadiennes sur 1 000 personnes qu'elles emploient, nous voyons que nous sommes un peu moins bien classés que les autres pays.

Nous en avons discuté. Nous avons même demandé que l'on prenne des mesures dans notre analyse de notre rendement et de notre potentiel. Nous avons une copie de ce document. Je peux la laisser au greffier du comité.

Je voulais montrer que pour l'essentiel nous appliquions des mesures d'incitation fiscale généreuses. La question est la suivante: comment se fait-il que notre performance ne soit pas bonne dans le secteur des sciences et de la technique? Nous n'avons pas de réponse toute faite.

M. Schmidt: Monsieur le président, nous sommes au coeur de ma question. Tout ce qui touche aux progrès technologiques comporte des enjeux multiples. Il faut affecter comme il se doit des crédits à la R-D, faire de la recherche fondamentale, mais il faut aussi appliquer les résultats de cette recherche et diffuser ces applications parce qu'il ne suffit pas d'une application, il faut encore qu'elle soit diffusée.

.1650

Il m'apparaît, monsieur le président, que si nous voulons maîtriser le sujet, il nous faut nous tourner vers des organisations comme l'OCDE, l'institut Fraser, les universités... Je ne sais pas si c'est le meilleur groupe d'intervenants, mais il faut que quelque part on regroupe les différents paramètres en jeu, cinq ou six paramètres, et que l'on teste et évalue l'entreprise en fonction de tous ces paramètres. Les institutions financières devraient être évaluées en fonction de chacun d'entre eux. Je pense que nous pourrions alors réussir à diffuser des techniques qui doivent être mises en oeuvre.

Je suis tout à fait convaincu que notre comité ne fait qu'effleurer le sujet comparativement à ce qu'il devrait faire. Nous devons approfondir bien davantage. J'espère donc que les témoins d'aujourd'hui ainsi que ceux que nous avons déjà entendus nous ferons des recommandations plus précises. J'ai apprécié les sept ou huit recommandations qui ont été faites par la Banque Royale et je pense qu'il nous faut elles aussi les approfondir quelque peu.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Schmidt.

Monsieur Lastewka.

M. Lastewka (St. Catharines): Merci, monsieur le président. J'ai quelques brèves questions à poser à nos témoins.

Dans son rapport, M. Charlebois parle d'un crédit d'impôt à l'investissement et de certains changements apportés aux mesures administratives à Revenu Canada. Cela reviendrait-il à dire que nous avons accordé, à tort, des crédits d'impôt à l'investissement dans le passé?

M. Charlebois: Je n'en suis pas sûr. Je parle plutôt d'éléments que les entreprises considèrent comme faisant partie de leur programme de recherche et de développement et qui sont donc des activités nécessaires à la mise en marché d'un produit.

Certains de ces éléments ne font pas forcément l'objet d'une grande incertitude. Le passage d'un concept scientifique à un produit commercialisable est synonyme d'un travail fastidieux, banal, et c'est à propos de ces aspects-là que Revenu Canada semble se livrer à une interprétation différente. Le ministère semble vouloir découper les projets en unités plus petites et soutenir que l'incertitude n'est pas assez grande dans tel ou tel cas pour que tel ou tel volet donne droit à un crédit d'impôt à l'investissement.

Je ne suis pas spécialiste du domaine. Nombre de comptables travaillant pour des firmes nationales pourraient vous expliquer beaucoup mieux que moi ce dont il en retourne, mais comme je siège à des comités de vérification, j'ai vu passer des rapports indiquant que Revenu Canada semble suivre une démarche différente pour définir ce qui constitue effectivement de la recherche et du développement. Mais je ne peux vous dire si, auparavant, l'approche était bonne ou mauvaise.

M. Lastewka: J'aimerais qu'on me donne des exemples, monsieur le président, parce qu'à plusieurs reprises j'ai eu la possibilité d'apporter mon appui à ces crédits d'impôt bien que, personnellement - moi qui appartiens pourtant au milieu des affaires et à l'industrie - je n'aurais pas considéré qu'il s'agissait effectivement de recherche et de développement. J'aimerais bien qu'on me donne d'autres exemples.

M. Charlebois: Eh bien, pour qu'il soit effectivement question de recherche et de développement, on pourrait dire que les travaux entrepris doivent déboucher sur la mise au point d'un produit vendu par la compagnie.

Nous avons aujourd'hui tendance à considérer l'activité sans nécessairement exiger qu'il soit question d'un produit que l'entreprise vendra au terme du processus. Je crois que tout le monde s'y retrouverait si l'on adoptait ce genre de critère, sans qu'on doive aller jusqu'à être aussi spécifiques quant au genre d'activités permises ou à découper tout un processus en petits morceaux.

M. Lastewka: Merci. Je vais poser quelques questions à Susan Smith pour savoir ce qu'elle entend vraiment par création d'entreprises.

Si je vous pose cette question à vous, c'est parce que vous avez insisté sur ce sujet, qui m'intéresse également beaucoup. Ce qui m'intéresse ici, ce sont les aides disponibles, notamment les institutions bancaires et financières, le gouvernement, les universités, et ainsi de suite. Pourriez-vous m'en dire un peu plus au sujet de la création d'entreprises.

Mme Smith: Eh bien, voilà exactement ce dont il est question. Nous avons commencé par nous demander comment nous pourrions devenir de meilleurs banquiers pour aider les entreprises existantes. Nous nous sommes d'abord fixés pour objectif de mieux comprendre le genre d'entreprises dont l'actif est essentiellement intellectuel, qui traitent sur les marchés internationaux, et qui, même si elles sont parfois très petites, ont besoin de meilleurs services bancaires.

.1655

Voilà donc l'objectif que nous nous sommes fixé et je me suis très vite rendu compte qu'il nous incombe une responsabilité peut- être plus grande encore - quand je dis «nous», je veux dire nous tous - parce que si nous ne parvenons pas mieux à faire sortir toute notre science et notre technologie des laboratoires et des sous-sols, pour les mettre sur les marchés mondiaux, notre avenir en pâtira. C'est pourquoi nous en avons fait une de nos responsabilités. Je targuerais cette démarche d'égoïsme éclairé. Si nous nous rassemblions et si nous parvenions à trouver des façons - - et des façons, nous en trouverons, si nous faisons unissons nos meilleurs cerveaux - de mettre davantage notre science sur les marchés mondiaux, je crois que nous en bénéficierons tous.

Voilà pourquoi nous avons organisé des partenariats comme ViaTech, parce que nous avons tous conclu aux mêmes besoins en la matière. Il y a d'abord le côté juridique des choses, parce qu'il faut s'assurer qu'on bénéficie d'une bonne protection des brevets et nous devons savoir comment il faut s'y prendre pour protéger notre propriété intellectuelle. Les universités ont un rôle énorme à jouer en ce qui a trait à la commercialisation de leur technologie, au recensement des technologies et à la formation des gens, le tout en collaboration avec nous. Tout comme nous, les cabinets de comptables ont reconnu qu'ils doivent assumer un certain rôle et certaines responsabilités. Dans plusieurs provinces et territoires, nous collaborons avec les gouvernements. Quand le PARI n'est pas au nombre des partenaires, il est mis à la disposition de ces groupes.

Je pense que la seule façon de procéder consiste à adopter ce genre de mesures et à bien faire ce que nous devons faire. Je ne pense pas qu'il existe une réponse toute faite. Si quelqu'un possédait ce genre de réponse, si quelqu'un savait comment parvenir à commercialiser la science et la technologie, eh bien, passez-moi l'expression, il s'en mettrait plein les poches. Nous possédons tous une partie de la réponse, et nous mettons ce genre de connaissances en commun. C'est ainsi qu'il faut procéder.

M. Lastewka: Je suis heureux d'avoir entendu ce que vous venez de dire, parce que je demande toujours aux banquiers pourquoi nous ne parvenons pas, les régions ou les collectivités et les institutions financières, à travailler ensemble à l'élaboration d'un programme de création d'entreprises. Il y a toujours une certaine distance qui nous sépare, parce que nous sommes en concurrence. Ne serait-il pas temps que des banques ou des institutions financières, notamment des coopératives de crédit et autres, se mettent à collaborer avec le gouvernement, avec les universités locales, surtout dans les régions éloignées dépourvues de grandes universités de génie?

Mme Smith: J'estime qu'il est absolument essentiel que nous collaborions ensemble. Nous avons conclu deux alliances stratégiques avec la Banque de développement du Canada grâce auxquelles nous pouvons offrir un service à guichet unique à nos clients. Si quelqu'un a un besoin de liquidité, il se présente au guichet et nous décidons, avec la BDC, si c'est elle ou nous qui allons offrir le produit ou si nous allons combiner nos efforts. Cela, nous le faisons déjà.

Pour être franc, je ne pense pas la solution consiste à réunir un plus grand nombre de banquiers autour de la table. Ce n'est pas le nombre qui compte. Ce qu'il faut, c'est réunir des gens qui pensent bien et qui représentent les pièces manquantes. Donc, je ne crois pas que le fait de réunir trois banques de plus serait plus valable que de s'assurer qu'on peut compter sur l'assortiment voulu de comptables, d'avocats, de spécialistes du marketing, d'entrepreneurs, d'institutions financières et de scientifiques.

Le président: Monsieur McMaster.

[Français]

M. McMaster: On met beaucoup l'accent sur les banques comme source de fonds, mais, à mon humble avis, ce n'est pas dans la culture ou la mentalité des banques que de prendre des risques. Quand on parle de technologie, on parle de risques.

Je ne sais pas comment vous allez traiter cela, mais ce n'est pas pour rien qu'auparavant, lorsqu'on investissait dans du béton, on exigeait des garanties sur l'équipement, sur les bâtisses, etc. En technologie, il n'y a pas de garantie. J'ai des employés qui rentrent chez eux à cinq heures le soir et qui reviennent au bureau le lendemain matin, à six heures. Comment vais-je garantir cela? Comment va-t-on traiter cela, compte tenu que la mission des banques n'est pas de faire de l'investissement à risque? C'est sûr que ce sont elles qui ont le plus d'argent, mais comment...

[Traduction]

M. Lastewka: J'ai trouvé que c'était une bonne question.

[Français]

M. McMaster: Ce n'était pas une question, mais plutôt une remarque. Tout le monde dit que les banques sont la pierre angulaire pour faire fonctionner la technologie. Je ne suis pas convaincu qu'au niveau des ressources, elles ont les connaissances nécessaires pour attaquer ce marché-là actuellement. Dans 20 ans, elles le pourront probablement, parce que les ressources seront alors formées, mais aujourd'hui, elles n'ont tout simplement pas les ressources nécessaires.

Par exemple, quand on parle de royautés, de comptes à recevoir, de marges de crédit sur des royautés, il faut expliquer aux banques ce qu'est une royauté.

.1700

Certaines personnes le savent, mais allez voir dans les succursales en région et vous allez être surpris de constater qu'ils ne savent même pas ce qu'est une royauté. On parle de technologie, de licences, de brevets. Merde, c'est la base!

[Traduction]

M. Lastewka: Je dirais que cela ne repose pas uniquement sur les épaules de la banque. Il est temps, je pense, de reconnaître que nous avons tous un rôle à jouer, et plus tôt on s'arrêtera de blâmer les autres, plus tôt nous collaborerons ensemble... Plus tôt nous serons nombreux à le faire, plus tôt nous pourrons instaurer un climat favorable à la création d'entreprises.

Voici la question que je veux poser à votre groupe. Le gouvernement dépense de l'argent, à l'échelle du Canada, par le biais des subventions accordées au titre de la recherche et du développement ou en investissant dans ses propres laboratoires, pour qui il a conclu des partenariats et dont il essaie de commercialiser les produits. Personnellement, j'estime que nous avons tous notre place dans les réseaux de centre d'excellence.

Mme Smith: Je siège à deux conseils d'administration. L'un d'un centre provincial en Ontario et l'autre d'un centre d'excellence fédéral. Je suis en train d'apprendre, parce que je ne suis experte dans aucun de ces domaines, mais je trouve que cette façon de faire est fantastique. Nous sommes en train de réaliser exactement ce dont nous parlons, c'est-à-dire d'organiser une conspiration positive. Cela permet de regrouper les gens autour d'un même objectif. Je trouve sensationnel que chacun de ces conseils ait invité un banquier.

Ces conseils remplissent un rôle très utile et ils rassemblent des gens très intéressants. Encore une fois, ils nous permettent d'agir ensemble, de collaborer de nombreuses façons.

Le président: Monsieur Mowatt, avez-vous une contribution à apporter ici?

M. Mowatt: Je ferai écho à ces remarques. Si l'on rattache cela à la création d'entreprises et qu'on cherche des façons dont le gouvernement pourrait intervenir... La création d'entreprises relève principalement du secteur privé. Elle est le fait de champions de la cause, de gens qui possèdent une vision, qui possèdent la motivation voulue pour mettre une compagnie sur pied et pour créer une certaine valeur.

Tout se déroule très vite. Quand une entreprise prend de l'expansion, c'est parce que Jane connaissait Joe, qui avait un contact dans la Silicon Valley, lequel contact connaissait quelqu'un à Boston... avant qu'on aboutisse finalement à Montréal ou ailleurs. Ce n'est pas un monde parfait, et les entreprises sont créées selon un processus très imparfait. Donc, s'il y a un rôle à jouer, ce sera sur le plan des banques de données et de la communication.

Les commentaires se ramènent encore et toujours à une chose: cette entreprise a beaucoup de capital et cette banque a beaucoup d'argent et, ce qu'il faut faire, c'est réunir les deux... Il n'est pas question de faire de la liaison, il est simplement question d'ouvrir le canal de communication, pour que les gens puissent se parler entre eux et déterminer de concert ce qui les intéresse.

Si je mets au point une télévision à écran plat, est-ce que je vais aussi appliquer cette technologie à la fabrication de montres, de tanks, de postes de télévision ou d'ordinateurs? Le monde s'offre à moi. D'une façon ou d'une autre, je dois me sortir de ce dédale et pouvoir parler à quelqu'un qui fabrique des montres. Est- ce que cette technologie peut lui être utile? Dans la négative, je passerai à la personne suivante. Vous seriez étonnés de la rapidité à laquelle les choses s'enclenchent.

C'est ce genre de réseau qui permet de mettre les gens en contact les uns avec les autres. Mais personne n'y investit. Il est possible que l'administration d'un tel réseau ne rapporte rien.

M. Warda: Je voudrais dire quelque chose à propos des réseaux. Je pense que l'innovation est à la base de tous les réseaux. Nous ne devrons pas oublier qu'elle est la chose la plus importante. L'innovation est affaire de gens et les réseaux aussi.

Par exemple, je connais un réseau de centres d'excellence qui, pour l'essentiel, assure la mise en liaison des universités et de l'industrie. Plus important encore, il dispose d'un mécanisme permettant de rassembler deux parties que rien n'unit - on pourrait parler de deux solitudes - pour les amener à former une seule entité. Il s'agit du Réseau de centres d'excellence de l'Ontario. Il vient de remporter un prix d'excellence du Conference Board pour avoir permis la création de partenariats entre l'université et l'industrie.

Le président: M. Shepherd veut poser des questions.

M. Shepherd (Durham): Merci, monsieur le président.

Je suis rentré de Taïwan la semaine dernière. C'est une nation modèle, un des tigres du sud-ouest asiatique. Bien sûr, je me suis entretenu avec quelques-uns de leurs spécialistes de la science et de la technologie, mais surtout avec le président de la bourse de Taïwan.

.1705

Susan - je dois préciser ici que nos chemins, à Susan et à moi, se sont croisés il y un an environ - dans votre premier point, vous avez parlé des meilleures pratiques des nations. Taïwan est une économie hautement dirigée. Ce pays a fait une chose que j'ai trouvée tout à fait unique. Il a adopté un processus d'agrément permettant de certifier que telle ou telle technologie est commercialisable. Je ne suis pas certain de ce qui arrive dans le cas des technologies qui ne sont pas agréées. Autrement dit, un conseil indépendant, ou un autre organisme peut décider s'il estime qu'une technologie est commercialisable ou non. Dès qu'une technologie a obtenu ce genre d'agrément - agrément qui est utilisé à la bourse et ailleurs - les gens y font plus confiance et l'entreprise qui la possède peut, notamment, avoir accès à des capitaux.

Que donnerait ce genre de processus au Canada?

Mme Smith: J'aimerais beaucoup savoir autour de quoi il s'articule. Je suis intimement convaincue que nous devons cerner les quatre ou cinq éléments qui sont essentiels au succès, que nous devons trouver les meilleures pratiques en place ailleurs, que nous devons les rapatrier et savoir ce que nous pouvons faire au Canada.

Je ne pense pas que nous devons être absolument les meilleurs dans les sept éléments que j'ai mentionnés. Il nous faut trouver les deux, trois ou quatre qui, ensemble, font que nous pouvons être concurrentiels sur les marchés internationaux.

J'estime que c'est exactement comme cela qu'il faut penser: qui fait quoi de tout à fait particulier et qui semble fonctionner? Voyons ensuite comment nous pouvons le reprendre à notre compte.

M. Charlebois: Je tiens à préciser, en passant, que certaines de ces pratiques sont déjà en vigueur au Canada. La bourse de Vancouver, et peut-être même dans une certaine mesure celle de l'Alberta, exigent que les petites sociétés minières leur fournissent un prospectus, préparé par un spécialiste, déclarant notamment que le produit est commercialisable. Donc, à l'heure actuelle, certaines de nos bourses appliquent déjà ce genre de pratiques.

M. Shepherd: Je ne pensais pas essentiellement à la bourse. Je suis intéressé par un processus d'agrément universel, peut-être national, un peu comme il en existe pour ce qui touche à la sécurité et à ce genre de chose. Si nous disposions d'un processus d'agrément national, grâce auquel tout le monde pourrait dire...

Cela m'amène à ma prochaine question, monsieur le président. Nous avons parlé de crédits d'impôt à l'investissement et j'ai l'impression que vous avez presque entièrement fondé votre analyse sur les intrants plutôt que sur les extrants.

Il est également intéressant de constater que le vérificateur général a effectué une étude sur les crédits d'impôt à l'investissement et qu'il a essentiellement posé la même question. Soixante-quinze pour cent des crédits d'impôt à l'investissement profitent principalement à des sociétés qu'on pourrait qualifier de multinationales - je ne veux pas dire que les sociétés multinationales sont nécessairement mauvaises, mais tout semble indiquer qu'elles ne conduisent pas beaucoup de leurs recherches fondamentales au Canada.

Donc, ne devrions-nous pas faire porter de nouveau toute cette question des crédits d'impôt à l'investissement sur les extrants et sur leurs effets en tant que moteurs de l'économie, plutôt qu'en tant que simples dépenses?

M. Warda: J'ai effectué une analyse de tendance sur les crédits d'impôt en R-D, dans les divers pays de l'OCDE et, comme vous pouvez le constater, certains ont commencé à adopter des crédits d'impôt ciblés. J'entends par là un crédit d'impôt qui concerne une technologie ou une activité donnée.

C'est, par exemple, ce qui se passe au Japon. Il y a quelques années, ce pays a adopté un crédit d'impôt destiné à promouvoir exclusivement la recherche fondamentale dans le plus grand nombre de disciplines possibles. Il s'agit donc d'un crédit d'impôt accordé au titre de la recherche fondamentale. Le Danemark offre aussi un crédit très généreux aux entreprises qui effectuent de la recherche fondamentale.

.1710

On constate donc d'importants changements dans le régime fiscal des pays pratiquant les crédits d'impôt. La tendance est au maintien de ces crédits, pour diverses raisons, notamment parce que les pays en question veulent retenir les entreprises sur leur territoire. Je ne parle pas que du Canada, je parle des autres pays aussi.

L'autre tendance consiste à modifier les crédits d'impôt pour les rendre plus sélectifs, pour qu'ils s'apparentent beaucoup plus à une subvention tout en continuant d'être appliqués au niveau du marché. Quand on voit les programmes de réduction du déficit qu'ils ont adoptés, de plus en plus de pays vont être enclin à cibler les crédits d'impôt pour la R-D sur certaines activités. Personnellement, je me réjouis de voir que certains pays misent vraiment sur la recherche fondamentale.

Il y a un autre aspect à toute cette question des encouragements fiscaux consentis au titre de l'innovation. Comme je le disais dans mon exposé, la R-D est une des activités d'innovation. Il faut considérer toutes les activités consistant à utiliser, à adopter et à distribuer des nouvelles technologies dans les différents secteurs de l'économie, bref à la diffuser. Or, nous ne disposons peut-être pas des stimulants voulus pour favoriser ce genre d'activités. On pourrait permettre un amortissement accéléré. Par exemple, quelqu'un utilisant des ordinateurs de dernière génération, pourrait en déduire le prix au titre des dépenses. On pourrait certainement trouver des façons d'inciter nos entreprises à être consommatrices de nouvelles technologies, parce qu'elles s'y retrouveraient. Peut-être ne devrions-nous pas nous contenter, comme la plupart d'autres pays le font, d'offrir des encouragements limités à la production de nouvelles technologies.

M. Shepherd: Pour en revenir à ce que je disais au début, je suppose que l'idéal serait d'établir un lien entre l'agrément d'un processus donné et les rabais fiscaux accordés au titre de l'investissement. Autrement dit, nous garantirions que telle ou telle application est commercialisable. Dans tous les cas, il faudra établir un lien entre les réductions fiscales au titre de la science et les revenus, de sorte qu'on aura bien affaire à des produits commercialisés. Dans certains cas, vous pourriez même franchir une étape de plus et aller jusqu'à déclarer que nous sommes intéressés dans telle ou telle technologie. Vous pourriez agir ainsi pour cibler le milliard de dollars que nous coûtent actuellement les crédits d'impôt scientifiques. On pourrait les destiner davantage à certaines technologies.

M. Warda: Habituellement, les gouvernements y parviennent par le truchement des subventions, mais c'est ce que nous ne voulons plus faire. Cependant, nous ne devons pas perdre de vue que certains pays ont grandement recours aux subventions. Cette formule permet de cibler une technologie ou un secteur donné. Bien sûr, on court toujours le risque que le marché n'en veuille pas, et il y a toujours le danger qu'on favorise certaines industries et certaines technologies au détriment d'autres.

M. Shepherd: Ce que je trouve de très bien avec le crédit d'impôt à l'investissement, c'est qu'il est lié à la réalisation de profits. Il dépend du succès à l'étape de la commercialisation, alors qu'une subvention peut ne pas... Autrement dit, pour obtenir un crédit d'impôt à l'investissement, il faut d'abord avoir réussi et être imposable.

M. Warda: Dans cette étude de l'OCDE, j'ai remarqué que certains pays font preuve d'une grande innovation. Par exemple, les pays qui réussissent particulièrement, quand on analyse la chose à partir d'indicateurs comme le ratio R-D au PIB, n'offrent pas de stimulants fiscaux. C'est surtout vrai dans le cas des pays scandinaves. Ils ont plutôt opté pour de faibles taux d'imposition des sociétés. En revanche, nous ne devons pas perdre de vue que ces mêmes pays appliquent des TVA élevées sur les dépenses privées de consommation et, en fin de compte, leur structure fiscale globale n'est pas vraiment généreuse.

.1715

En ce qui concerne les sociétés, cependant, ces mêmes pays ont adopté des taux d'imposition généralement bas, qui oscillent entre 25 et 30 p. 100. Le Canada n'est comparativement pas si mal. Dans le secteur manufacturier, notre impôt moyen sur les sociétés est sans doute d'environ 35 p. 100.

Le président: Monsieur Murray.

M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir sur cette idée de conspiration positive. Je ne veux pas vous paraître trop cynique, mais je crois que, dans ce pays, nous souffrons depuis longtemps d'un «syndrome de la roue qui tourne». Il n'y a pas si longtemps, en 1984, après son arrivée au pouvoir, le gouvernement nous a promis de doubler la valeur de la R-D au Canada. À l'époque, je crois que nous en étions aux environs de 1,24 p. 100 du PIB, et cette proportion doit être à peu près la même aujourd'hui. Le Canada déborde de capitaux et le seul autre pays qui offre de meilleurs stimulants fiscaux que nous est l'Espagne, un pays déterminé à percer sur le plan technologique, si bien qu'on commence à se demander ce que nous faisons de travers.

Je trouve que le mot «conspiration» décrit tout à fait ce qu'il faut faire. C'est très difficile, dans la société égalitaire qui est la nôtre, où nous ne valorisons pas publiquement une activité plus qu'une autre et où nous ne récompensons pas les gens qui sont derrière. Voilà la question que je veux poser au panel.

On vient juste de nous parler des pays scandinaves et des taux d'imposition des sociétés. Pour ce qui est du genre de personnes que nous devons attirer et retenir, afin de leur faire faire ce que nous voulons qu'ils fassent, je crois que notre problème au Canada tient plus au taux d'imposition des particuliers qu'à celui des sociétés. Nous ne voulons pas... et je ne suis même pas certain que c'est ce que je veux proposer. J'aimerais que vous nous fassiez profiter de votre avis éclairé. Tout ce que je dis, c'est qu'en tant que pays, et dans le cadre de cette conspiration, nous devons décider de valoriser tel ou tel type de particulier, par rapport à tel ou tel autre, que ce soit des politiciens, des avocats ou autres. Nous voulons les encourager à faire ce qu'ils peuvent faire et, par conséquent, nous devons les récompenser, peut-être par le truchement du système fiscal.

Est-ce possible dans ce genre de société, ou est-ce que je fais complètement fausse route? Dites-moi simplement ce que vous en pensez.

M. Charlebois: Je peux effectivement vous confirmer que le taux d'imposition des particuliers au Canada... Par exemple, quand nous essayons d'attirer des Américains pour les intégrer dans des équipes de gestion d'entreprises canadiennes, le taux d'imposition des particuliers pose problème et, pour contourner cette difficulté, nous devons leur faire un pont d'or au point que les impôts ne soient plus un obstacle.

Il ne fait aucun doute que c'est là un problème. Quant à savoir ce que nous pouvons faire, je crains de ne pas être en mesure de vous faire part de suggestions constructives, mais je puis vous garantir qu'il n'est pas facile de convaincre nos voisins du sud de venir au Canada, et j'en parle en connaissance de cause.

Mme Smith: Je suis d'accord, il existe des mesures d'incitation et des mesures de dissuasion, et nous devons nous doter d'un régime qui soit intéressant. Cela ne veut pas dire forcément que nous devons avoir le taux d'imposition le plus bas, mais nous ne pouvons certainement pas avoir le taux d'imposition le plus élevé et, en même temps, le système réglementaire le plus vaseux qui soit, en plus tout le reste dont nous avons parlé. Donc, nous devons nous intéresser à cet aspect-là.

Pour ce qui est de l'autre point que vous avez soulevé, je dirais que nous devons apprendre à cibler notre action. Cela ne revient pas à dire que nous devons considérer que tel ou tel secteur ou tel ou tel groupe est meilleur que les autres. Nous devons plutôt savoir dans quels domaines particuliers nous possédons des compétences de classe internationale, et si nous agissons dans ces domaines, nous en tirerons tous de grands avantages économiques. Il est donc logique que nous nous concentrions sur ces domaines. Nous ne pouvons être les premiers partout. Nous devons nous concentrer sur certains domaines. Personnellement, je pense que cela veut dire que nous devons envisager le système fiscal dans sa globalité pour voir s'il comporte des facteurs de dissuasion importants qu'il conviendrait de rajuster quelque peu.

M. Murray: Autrement dit, vous suggérez que nous récompensions les gagnants potentiels ou, du moins, que nous essayions de les soutenir, les autres devant éventuellement être laissés à eux- mêmes. Ai-je raison?

Mme Smith: Je suis convaincue que pas plus un pays qu'une entreprise ne peut être numéro un en tout. Il faut faire des choix et appuyer nos choix avec nos ressources si nous voulons vraiment réussir au plan international et être concurrentiels à l'échelle mondiale.

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M. Murray: Cela se traduirait-il par certaines choses comme ce que nous avons vu dans le cas de Bombardier, il y a quelques semaines: des subventions, des stimulants fiscaux? Pensez-vous qu'il faudrait faire quelque chose pour les particuliers? Quelle forme ces mesures de soutien devraient-elles prendre?

Mme Smith: Eh bien, je ne prétends posséder toutes les réponses, mais j'ai entrepris d'analyser le lien que constitue le processus de commercialisation pour en découvrir les points faibles et déterminer où nous devrions tous faire porter notre attention. Les aspects de ce processus qui revêtent une importance critique sont, selon moi, le régime réglementaire et le régime fiscal.

Ce sont deux gros morceaux dont nous devons parler. Je ne pourrais vous répondre aujourd'hui, mais j'estime qu'il est temps de penser que nous pouvons tout faire pour tout le monde et parvenir à être les meilleurs dans le monde sur certains plans. Rien n'arrivera par magie, il nous faudra concentrer notre attention.

M. Murray: Vous savez, il n'est pas facile non plus à un politicien de prendre ce genre de décision, et je suis certain que vous le comprenez.

Mme Smith: Ce n'est pas facile et c'est pour cela qu'il faut des défenseurs de la cause, des gens qui soient prêts à s'affranchir de ce genre de contraintes. C'est difficile. Mais c'est aussi difficile au sein des entreprises.

M. Murray: Certes.

M. Warda: J'ai quelques remarques à formuler au sujet des impôts sur le revenu et de l'exode des cerveaux. Nous avons produit un rapport à ce sujet, non pas pour analyser la question, mais pour en souligner l'importance.

Je crois savoir qu'un autre groupe, du Conference Board celui là, va entamer un projet portant sur les incidences possibles - d'abord, pour déterminer s'il y a effectivement exode des cerveaux, et sur les incidences possibles de cet exode. Donc, cette question va faire l'objet de recherches.

Il est cependant intéressant de remarquer, quand on s'entretient avec des cadres supérieurs, que le salaire net est bien sûr fondé sur le niveau salarial qu'on offre ici par rapport aux États-Unis, parce que c'est avec ce pays qu'on établit généralement la comparaison. C'est donc sur ce niveau salarial qu'on applique le taux d'impôt sur le revenu.

Donc, j'estime que ce n'est pas seulement le taux d'imposition des particuliers qui est peut-être plus élevé ici qu'ailleurs, mais que le niveau salarial nominal l'est aussi, surtout quand on fait la comparaison avec les États-Unis. Il faut bien comprendre cette réalité quand on parle de revenu net, après impôt.

M. Murray: Revenons-en à cette idée voulant qu'on doive se doter d'une stratégie révolutionnaire; c'est cela que j'essaie de tirer au clair et j'ai l'impression que nous devrons aller au-delà de tout ce que nous avons fait jusqu'ici.

Il y a eu des groupes de penseurs qui ont conseillé directement le premier ministre, et cela remonte à une bonne dizaine d'années au plus. Aujourd'hui, madame Smith, vous siégez à l'organisme consultatif sur la science et la technologie. Je ne vois pas où est la percée révolutionnaire, sauf si les Canadiennes et les Canadiens sont disposés à accepter le fait que nous recherchons ce genre de culture et que nous faisons ce qu'il faut pour y parvenir et bénéficier de l'appui du plus grand nombre. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, il est possible, madame Smith, que les médias jouent un rôle important, sur ce plan également.

Mme Smith: Excusez-moi, monsieur le président? J'interviens sans arrêt.

Je vais revenir sur le premier point que j'ai soulevé au sujet du leadership. J'estime que si nous ne retrouvons pas ce genre de philosophie aux plus hauts échelons de la société, si nous n'avons pas un leadership déterminé et engagé, rien n'arrivera.

M. Murray: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Monsieur Mayfield, c'est à vous.

M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Merci, monsieur le président. Cet échange est très stimulant et plutôt intéressant.

Je vais aborder trois aspects qui découlent de votre mémoire, monsieur Charlebois. Je ne veux pas les commenter, je veux simplement les mettre en évidence et vous demander à chacun de vous de les commenter, parce que j'estime qu'ils sont importants. Mais j'aimerais vous entendre nous dire pourquoi.

Par exemple, monsieur, vous avez dit que le coût élevé des impôts et les responsabilités importantes que les règlements gouvernementaux imposent aux administrateurs sont de véritables obstacles pour les entreprises, surtout au stade du lancement. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos réflexions à ce sujet, pour que les responsables de cette loi puissent vous entendre et décident de la modifier éventuellement.

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J'aimerais également que vous réagissiez tous à propos de l'élimination des subventions; dites-nous pourquoi cela est tellement important, surtout dans une économie de libre marché comme la nôtre. Pourriez-vous élaborer sur ces trois points?

M. Charlebois: Si je me rappelle bien, vous avez d'abord parlé de la question de la responsabilité des administrateurs.

M. Mayfield: J'ai parlé de la responsabilité des administrateurs, du coût élevé des impôts, puis des subventions.

M. Charlebois: Selon moi, le problème de la responsabilité des administrateurs est bien réel. Il empêche les jeunes entreprises... parce que ce sont les jeunes entreprises qui ont le plus tendance à faire faillite.

Quand on parle de risque, c'est de celui-là qu'on veut parler. L'entreprise disparaît, elle est en faillite, d'une façon ou d'une autre. Le cas échéant, les administrateurs sont responsables d'effectuer certains paiements: pour les employés, au titre des retenues de taxes de différents types, comme la TPS, je crois. D'après une étude que j'ai consultée, je crois que 30 ou 40 lois régissent les responsabilités des administrateurs. À cause de cela, les gens n'interviennent pas pour aider les jeunes entreprises.

Dans certains cas, il s'agit pourtant de gens qui ont réussi, qui ont déjà aidé des entreprises à se lancer et qui pourraient apporter une véritable contribution. Nous avons tous reconnu que pour lancer une entreprise technologique, il faut plus que de l'argent. Il faut de l'expérience. Ce n'est pas une tâche facile, c'est même une tâche difficile. Plus on peut obtenir d'aide et plus on a de chance de réussir.

Je ne vais pas me livrer à une énumération de toutes les lois entrant en jeu - il y en a plusieurs - mais si on peut faire quoi que ce soit pour revoir cette situation, pour aider ces gens- là, pour qu'il leur soit plus facile de siéger aux conseils d'administration, je crois que les entreprises y gagneront.

Peut-être que mes copanélistes voudraient ajouter quelque chose.

Le président: Monsieur Mayfield, voulez-vous poursuivre?

M. Mayfield: Oui, si vous me le permettez, j'aimerais également...

M. Charlebois: À propos de la question des impôts, une grande partie des investissements dont il est question dans ce cas porte sur le très long terme.

Si vous décidez d'investir dans une entreprise émergente - et il se trouve que, de façon typique, nous investissons très peu, qu'une très faible proportion de nos investissements profite aux jeunes entreprises - vous le ferez essentiellement dans des entreprises ayant déjà un chiffre d'affaires de 2 ou 3 millions de dollars. Celui qui investit dans une entreprise émergente, doit s'attendre à devoir patienter cinq à dix ans avant que l'entreprise en question n'ait atteint un stade de développement lui permettant d'être cotée en bourse et de commencer à rapporter aux investisseurs.

Dans notre cas, il est généralement question de cinq à sept ans, mais comme nous investissons souvent dans des entreprises existant déjà depuis deux, trois ou quatre ans, le délai d'attente est moindre.

Il est donc question d'un investissement à très long terme, ce qui augmente considérablement les risques. Cela étant, les mesures d'incitation destinées aux investisseurs devraient être relativement restrictives, pour ne s'appliquer qu'aux entreprises émergentes, ou aux entreprises du genre, afin d'encourager ces investisseurs à placer leur argent dans de très jeunes compagnies.

Le troisième aspect que vous avez abordé...

M. Mayfield: Le fait de ne plus avoir recours aux subventions.

M. Charlebois: Très bien. Je crois que le gouvernement a raison. Au cours des dernières années, le gouvernement a essentiellement décidé d'abandonner les subventions.

Je pense que cela nous ramène peut être à une remarque formulée par M. Shepherd à propos du choix des secteurs pour lesquels nous financerions les CII. J'estime que cela est excessivement difficile à réaliser. Je n'aimerais pas avoir à trancher entre les secteurs dans lesquels nous devrions investir et ceux qu'il faudrait délaisser. D'après la nature même des subventions, les gouvernements qui les accordent se trouvent à faire ce genre de choix, mais j'estime que les marchés sont bien mieux placés pour cela. Voilà, je crois, une raison pour laquelle il ne faut plus accorder de subventions.

.1730

Souvent, les subventions encouragent les entreprises à opter pour une certaine orientation, à conduire tel ou tel type de R-D, à mettre au point un certain produit, tout cela afin de se conformer aux critères du programme de subvention. Il n'est pas forcément bon pour une entreprise qui, par exemple, pilote à gauche, de devoir mettre un coup de barre à droite afin de se plier aux critères établis, et, le cas échéant, je suis sûr que ces sociétés demandent à bénéficier des programmes offerts pour les mauvaises raisons.

M. Mayfield: J'apprécie beaucoup ce que vous dites, Susan Smith, quand vous affirmez que nous devrions nous lancer dans une conspiration positive. Toute notre vie sans doute, on nous aura ressasser à quel point nous avons de la chance, au Canada, de disposer de tant de ressources. Je ne parle pas ici de minerais sol ni de nos forêts, mais de nos concitoyens, de l'intelligence avec laquelle les Canadiennes et les Canadiens ont su traiter notre pays, et composer avec notre climat et notre culture. J'entends maintenant les gens me dire: nous avons beaucoup d'argent, nous aussi, et ce serait bien si nous pouvions l'investir dans les bonnes choses.

Quoi qu'il en soit, j'ai l'impression que le gouvernement demeure un joueur de premier plan dans votre conspiration positive. Il est présent entre le moment de notre naissance et celui de notre mort, et il ne va pas rester sur la touche dans ce cas-là. Mais si nous pouvons cibler son influence sur un point très précis, même si cela doit se faire sur un plan réglementaire, alors il pourra rester un peu de côté et permettre à ceux qui ont l'intelligence, l'initiative et le désir de faire ce genre de chose... Ce que vous dites, c'est qu'il faut connaître les règles, pouvoir les suivre et bâtir un pays qui soit au moins en sixième position dans ce domaine.

Merci beaucoup. Si vous voulez ajouter autre chose, je vous en prie allez-y.

[Français]

Le président: Monsieur Leblanc, avez-vous une autre question?

M. Leblanc: Je suis encore un peu obsédé par ma dernière question. Je n'ai pas eu de réponse. M. Warda disait que le grand problème au Canada était la distribution et la diffusion de la technologie. Plus tôt, M. McMaster disait que les coûts d'obtention des brevets étaient très élevés. Tout le monde parle de la difficulté de développer la technologie, de l'obtenir.

On a donné aux banques la possibilité de gérer notre argent. Les banques sont les courtiers de notre argent. Donc, je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas un courtier qui gérerait nos technologies. Personnellement, après la politique, je serai peut-être intéressé à me lancer en affaires. Je pourrai chercher une nouvelle façon de faire de l'argent; je suis un commerçant. Je me demande, encore une fois, s'il serait possible que je devienne millionnaire rapidement en faisant le commerce de la technologie.

Je pourrais devenir un courtier en technologie. Les gens qui possèdent des technologies pourraient m'informer afin que je puisse prendre des choses des banques de données technologiques, et ceux qui seraient intéressés pourraient venir me voir. Je leur demanderais alors une commission. Je me demande si cela ne serait pas une bonne chose. J'aimerais obtenir une réponse à ma question. Je me la pose depuis plus de 10 ans. Tous me disent qu'ils ont de la difficulté à diffuser la technologie et à en faire la distribution.

Tout le monde garde le secret de la technologie et personne ne peut me dire s'il serait possible d'avoir une espèce de courtier en technologie qui pourrait faire de l'argent avec cela. Cela pourrait être une entreprise privée, qui pourrait être appuyée au début par le gouvernement. On confie notre argent aux banques. Alors, pourquoi ne pourrait-on pas avoir des banques de données technologiques qui pourraient servir à ceux qui veulent en vendre ou en acheter?

M. McMaster: Le British Technology Group s'est spécialisé là-dedans. Après la guerre, il a acheté un bon nombre de technologies pour lesquelles il émet des licences à travers le monde à raison de 50 millions de dollars en royautés. Pour être un bon courtier en technologie, il faut une bonne formation et il faut être un bon scientifique et également un bon vendeur. Il est très rare qu'un individu très fort en science soit également un bon vendeur. Donc, il faudrait un bon entrepreneur.

M. Leblanc: Vous pourriez avoir des avocats, des scientifiques, etc. dans la même boîte.

M. McMaster: C'est exactement ce que je fais pour les centres de recherche. On sort les technologies et on les vend sur le marché.

M. Leblanc: C'est pour cela que je voulais une réponse de votre part.

M. McMaster: Oui, c'est possible. Les listes de technologies existent. Les universités sont en train d'en faire. Le Réseau canadien de technologie, mis en place par le Conseil national de recherches du Canada, a préparé une liste des technologies qui existent dans différents centres et différents organismes.

.1735

Il faut un promoteur, mais le promoteur, pour commercialiser des technologies, a besoin de fonds, sinon il ne pourra se lancer.

M. Leblanc: Il ne pourrait pas simplement être un courtier? Il n'est pas obligé d'acheter pour revendre. Il peut simplement prendre...

M. McMaster: Oui, mais entre les deux, il faut de l'argent pour aller chercher le client.

M. Leblanc: C'est normal.

M. McMaster: La problématique est là. Trouvez-moi des fonds pour que je puisse faire cela.

M. Leblanc: Les banques font des profits avec notre argent. On pourrait peut-être leur en emprunter un peu.

M. McMaster: Ce serait formidable.

M. Charlebois: Je pense que M. McMaster a bien répondu à la question. Il faut beaucoup plus que de la technologie pour construire une compagnie qui aura du succès. Moi aussi, je connais des courtiers en technologie. Donc, le marché existe.

M. Leblanc: Est-ce possible pour un pays comme le Canada de faire cela?

M. Charlebois: Demandez-vous si le gouvernement du Canada pourrait...

M. Leblanc: Je demande s'il pourrait prendre charge de cela.

M. Charlebois: Non, c'est impossible.

M. Leblanc: Pourquoi?

M. Charlebois: Parce que ce devrait être une entreprise privée à but lucratif. Selon moi, le gouvernement ne devrait pas être actif dans ce domaine.

M. McMaster: Plusieurs universités ont un bureau de liaison entreprises-université qui a pour rôle de faire savoir au marché que la technologie existe. Mais ces bureaux sont dans la structure universitaire. Donc, rien ne se passe avec l'industrie parce qu'on ne négocie pas sur un pied d'égalité.

Il faut donner cela à des gens d'affaires pour que les relations d'affaires se fassent sur une base d'égalité, sans avoir toute la structure... C'est l'un des problèmes auxquels font face les universités.

M. Leblanc: C'est toujours le problème. On dit qu'on a de la difficulté à diffuser la technologie et à en faire la distribution. Pourquoi? C'est peut-être parce qu'il n'y a pas d'intérêt à la vente.

M. McMaster: L'intérêt est nouveau. Je m'excuse, mais j'ai fait ma maîtrise il n'y a même pas 20 ans, et l'intérêt n'y était pas. Je vous ai dit plus tôt qu'en 1989, alors que je travaillais pour la Banque fédérale, j'ai fait ma maîtrise. Ils me l'ont payée et ils l'ont mise sur une tablette. Je suis parti parce que j'étais 10 ans en avance.

Cela fait trois ans qu'on commence à penser technologie. On commence à trouver cela critique parce que tout le monde coupe et qu'il n'y a plus d'argent. On se demande comment on va en faire d'autre. Pour faire de l'argent, il faudrait des solutions nouvelles, autrement dit commercialiser ce qu'on a dans nos tiroirs. Mais auparavant, on ne le commercialisait pas. On s'en foutait parce que l'argent entrait. Pourquoi se serait-on cassé la tête? C'est la même chose, même pour les grandes entreprises qui ont moins de fonds maintenant. Elles veulent orienter leurs recherches vers des bénéfices qu'elles vont pouvoir idéalement récupérer à court terme. On fait beaucoup moins de recherche de base.

Une chose importante n'a pas été mentionnée. Vous remarquerez que les grandes industries se retirent de plus en plus de la recherche. Elles font faire leur recherche à risque par les petites et moyennes entreprises. Quand on parle des crédits d'impôts, c'est très important. Cela a deux rôles: cela permet à la petite entreprise de continuer à faire de la recherche et ensuite d'aller voir la grande entreprise pour lui donner de nouvelles sources de technologie à moindre risque et, deuxièmement, cela permet aux petites entreprises, lors d'un financement d'appel de capital de risque ou autre, de ne pas être diluées à plus de 50 p. 100.

Quand les entreprises américaines à capital de risque entrent dans une entreprise, elles en prennent 51 p. 100. La plupart du temps, elles prennent le contrôle tandis qu'ici, au Canada, avec les effets de la fiscalité en matière de recherche, nos entrepreneurs sont capables, lors de la première ronde, de garder le contrôle de leur entreprise. Le deuxième intérêt viendra de l'argent lorsqu'elles pourront aller sur le marché.

[Traduction]

Le président: Voilà, on vous a répondu.

[Français]

M. Leblanc: Monsieur le président, je ne deviendrai pas millionnaire là-dedans, à ce qu'il paraît!

[Traduction]

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: Merci, monsieur le président.

Susan, le septième point de votre mémoire de la Banque royale m'intrigue. C'est en fait le mot «principes» et l'idée voulant que l'adoption de politiques et de plans parfaits ne favoriserait pas notre position compétitive dans le monde d'aujourd'hui, qui m'intriguent. Je crois savoir que les textes sur l'administration publique disent que si l'on a des politiques et des plans parfaits, tout va bien fonctionner; mais voilà que vous nous affirmez le contraire. Vous avez pourtant dit que nous avions besoin de certains principes.

Alors, pour nous éclairer, j'aimerais que vous nous disiez quels sont les deux ou trois principes, ou peut-être tous les principes, que nous devrions adopter pour réaliser ce qui est dit au point sept. Vous avez touché là à quelque chose de très important. Pourriez-vous nous donner une idée d'un principe ou deux? Il y en a forcément. Avez-vous pu établir ce que certains de ces principes devraient être?

Mme Smith: C'est une question difficile.

M. Schmidt: Certes.

.1740

Mme Smith: Pour bien vous répondre, il nous faudrait un peu de temps pour y penser et je pourrais sans doute vous écrire un livre. Mais en partie, je dirai qu'il vous faut accepter le fait que certaines choses ont changé de façon fondamentale et que la manière dont nous avons abordé les problèmes jusqu'ici n'est plus forcément la bonne.

J'ai constaté, en travaillant pour une grande entreprise qui fait des affaires d'une certaine façon depuis 127 ans, qu'on ne peut attendre de disposer d'un plan parfait pour se lancer sur le marché. Le cas échéant, on risque de passer à côté d'une occasion et ce n'est certainement pas la meilleure façon d'investir dans un nouveau marché. Selon moi, le mieux consiste à réduire au minimum ses points faibles, à optimaliser ses points forts et à se lancer à l'eau, en tâtonnant, en essayant, en pilotant le navire, le tout en comptant sur des gens qui sont plus compétents que vous. Faites toujours appel à des gens qui sont meilleurs que vous et qui en savent plus que vous. Voilà le principe que j'ai retenu du réseautage et de la façon dont on tire le meilleur des réseaux au Canada.

Je vais vous raconter une petite histoire sur notre organisation, c'est un fait qui n'a été ni enregistré sur bande, ni télévisé. Il y a deux ou trois ans, quand j'ai commencé à faire cela, nous nous sommes dits que nous n'y arriverions pas. Nous nous sommes dits que nous ne pourrions pas faire sortir Léo, c'est notre logotype, pour travailler en partenariat avec des gens que nous ne connaissions pas vraiment. Nous risquions beaucoup et nous n'allions pas nous lancer sur le marché pour annoncer que nous ne savions pas ce que nous faisions au milieu des industries du savoir. Eh bien, je me suis dit que le marché, lui, savait ce dont il en retournait et que nous ne provoquerions pas un grand choc si nous annoncions que nous ne savions pas exactement où nous allions, mais que nous étions résolus à trouver notre chemin. Ceux à qui nous demanderions de l'aide trouveraient peut être cela rafraîchissant. Voilà, je crois, le genre de raisonnement que nous nous devons tous d'adopter.

Je ne veux pas pêcher par excès d'optimisme, mais je crois que si nous continuons à chercher à perfectionner notre politique dans ce domaine, à parvenir à une politique parfaite, nous passerons à côté du marché. C'est là une des autres raisons pour lesquelles le gouvernement ne devrait pas trop se mêler de ce genre de choses, parce qu'il n'a tout simplement pas assez le pied léger pour pouvoir évoluer dans ce genre d'environnement. Quelqu'un a parlé de la nécessité de s'appuyer sur de bonnes politiques fondamentales, après quoi le gouvernement pourrait se retirer et laisser le champ libre aux autres, et je crois que nous devrions beaucoup plus faire cela.

M. Schmidt: Je pense que vous venez d'énoncer un principe. Mais je me demande si ces messieurs - surtout MM. Charlebois et McMaster - ont découvert ce que sont certains de ces principes, parce que nous voilà en présence de deux entreprises qui ont réussi dans un domaine novateur et qui le font maintenant un peu avec la Banque Royale. Pensez-vous à d'autres principes qui pourraient nous aider? Je suis sûr que vous êtes encore en train de chercher à en formuler. Nous ne les avons pas encore tous découverts, c'est certain, mais peut être pourriez-vous nous en proposer quelques- uns, grâce auxquels nous pourrions franchir une étape supplémentaire.

[Français]

M. McMaster: Vous parlez de modèles, n'est-ce pas? En fait, je n'en ai pas vraiment. Ce que vous me dites là est amusant, parce que plusieurs auraient aimé savoir ce qu'était le modèle. Vous n'êtes pas le premier. La particularité est de réussir à identifier les bons joueurs pour que le projet fonctionne, pour que l'entreprise parte. En bout de ligne, c'est une question de feeling, d'expérience et de connaissance de la technologie. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est tout ce que je peux dire pour l'instant.

[Traduction]

M. Charlebois: Je veux simplement m'assurer que je saisis bien le genre de principes que vous recherchez. S'agit-il des principes devant régir la mise sur pied d'entreprises saines ou des principes à respecter pour faire ce qu'il faut faire?

M. Schmidt: Sans doute les deux, mais nous commencerons par le dernier.

M. Charlebois: Autrement dit les principes nécessaires pour aller de l'avant. Eh bien, je pense qu'il en existe quelques-uns. D'abord, il ne faut pas essayer d'avaler de trop grandes bouchées à la fois. Il faut progresser par petites étapes, sans s'arrêter. J'estime qu'il s'agit-là d'un bon principe de gestion pour n'importe quelle entreprise. Dans certains cas, il faut faire un pas plus important, je m'en rends bien compte, mais dans la plupart des cas, je pense qu'il faut progresser par petites étapes. Quand on fait des pas de géant et qu'on trébuche, on risque de se faire très mal, alors que si l'on progresse par petites étapes, vous vous récupérerez beaucoup mieux d'une éventuelle chute.

Il ne faut pas s'arrêter. Il faut sans cesse solliciter la réaction des autres. Va-t-on dans la bonne direction? Fait-on des progrès?

[Français]

M. McMaster: Soyez persévérants.

[Traduction]

M. Charlebois: Oui, il faut persévérer. Absolument.

.1745

[Français]

M. McMaster: J'ai une anecdote intéressante. Quand les calculatrices ont été inventées, Hewlett-Packard Co. n'avait pas de marché pour ce produit, semblait-il. Regardons où en sont rendues les calculatrices maintenant. Il faut donc faire attention aux études de marché, mais si on a un entrepreneur qui croit en ce qu'il fait, qui a la technologie et le réseau, cela va fonctionner.

[Traduction]

Le président: Monsieur Warda, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Warda: J'aimerais réagir à votre question.

Je commencerai par dire quelque chose au sujet de la commercialisation du point de vue des partenariats université- industrie, parce que c'est un aspect que j'ai découvert dans le cadre d'une des recherches que j'ai effectuées sur les meilleures pratiques dans les partenariats technologiques université- industrie.

D'abord, on dit souvent de la technologie qu'elle s'apparente à un sport de contact, et qu'il faut être deux pour valser. Si la fonction de courtage peut aider, elle peut, parfois, être un obstacle. Il faut voir.

En ce qui nous concerne, nous avons sélectionné plusieurs partenaires ayant remporté des prix d'excellence pour ce genre de collaboration dans le domaine de la technologie entre l'université et l'industrie. Il est question ici de partenariats université- industrie. Nous avons constaté que, pour réussir sur un plan commercial, ou pour en arriver au stade de la commercialisation et de l'innovation, ce sont en fait les deux partenaires qui importent. Il y a, d'un côté, le champion de l'industrie et, de l'autre, le champion de l'université. Du côté des universités, nous n'avons pas affaire aux bureaux de relations avec les entreprises, mais simplement à des professeurs, à des inventeurs, à des gens qui ont joué un rôle réel dans la mise au point d'une innovation.

Nous avons relevé quelques caractéristiques de partenariats qui réussissent: besoins clairement définis et objectifs, rôles et attentes bien cernés pour l'ensemble des participants. Donc, dans ce cas, l'aboutissement des projets a essentiellement dépendu de l'action de gens de l'industrie et de professeurs d'université. Les projets étaient conduits à la manière du secteur privé, c'est-à- dire dans certains délais, en fonction de certains objectifs, et ils étaient soumis à une gestion financière. Si nous avons réussi, c'est que nous avons pu compter sur des spécialistes du milieu pour parvenir à des résultats tangibles, dans les délais opportuns.

Il est également intéressant de constater que, d'une certaine façon, les gagnants de ces prix étaient des vieux routiers du partenariat. Il ne s'agissait pas de partenariats remontant à un ou deux ans seulement. Nous avions affaire à des relations de longue date. La plus récente était vieille de quatre ans et la plus ancienne avait 20 ans. Nous n'avons pas calculé l'âge moyen des partenariats, mais comme vous pouvez le constater, il y a certains points communs.

Ce qui est important, ici - et c'est quelque chose, je pense, qu'on développe avec le temps - c'est que nous avions affaire à des communications ouvertes, continues, sans formalité. C'est comme si les chercheurs d'université avaient été pleinement intégrés aux équipes de l'industrie.

Toutes les questions de propriété intellectuelle ont été résolues au début du processus. Il a été intéressant de voir que les universités se sont retirées. Elles se sont contentées d'offrir un cadre ou une infrastructure. En fait, elles désiraient effectivement offrir ce genre d'infrastructure et encourager leurs professeurs en leur accordant du temps libre, en tenant compte de leurs activités para-universitaires, et ainsi de suite.

Fait également intéressant, les administrations des universités ne sont pas directement intervenues dans les projets. C'est peut-être là une façon de faire qu'on pourrait ériger en principe dans le cas du gouvernement. Celui-ci pourrait participer de façon moins directe, tout en assurant un cadre.

Nous avons parlé de fiscalité, nous avons parlé de règlements et d'autres questions comme l'éducation. Cela nous a été très facile, parce que nous pensons la même chose, mais il faut beaucoup plus pour parvenir à instaurer une politique.

.1750

Le président: Merci, monsieur Warda.

Monsieur Mowatt, vous voulez dire quelque chose à ce sujet? J'aimerais poursuivre et donner la possibilité à M. Lastewka de poser une dernière question.

M. Mowatt: Une intervention rapide. Peut-être pourrions-nous combiner ce que recommandent MM. Shepherd et Schmidt avec ce que Susan et d'autres ont déclaré. C'est sur le leadership que doit porter la stratégie révolutionnaire, le grand coup dont on a besoin. C'est en disant ce que nous voulons faire, en énonçant les grands objectifs que nous y parviendrons.

Pour l'instant, en fait, nous y parviendrons en franchissant de petites étapes. Il y a 20 ans, la Chine de Taïwan a déclaré qu'elle voulait être chef de file dans le domaine du transbordement et de l'éducation, ce qu'elle est aujourd'hui. Quand Kennedy a annoncé qu'il allait envoyer un homme sur la lune, il ne savait pas comment on allait y arriver. Il a fallu ensuite franchir plusieurs petites étapes.

Deuxièmement, je veux vous parler des principes. J'estime qu'il faut en rajouter un à ceux que vous avez mentionnés: celui de la concentration. Nous sommes un petit pays et, tous les jours, dans le milieu des affaires... Je suis certain que les gens présents ici savent à quel point nous sommes petits. Parfois, nous entreprenons des projets qui nous font paraître plus grands que nous sommes. Nous tentons de nous étaler et si nous parvenons à nous concentrer... Si vous voulez faire passer l'industrie de l'aéronautique au premier plan, bâtissez une université et dites qu'on n'y enseignera rien d'autre que l'aéronautique, dotez-la de professeurs et de moyens de recherche. Elle attirera des gens. Or, les entreprises aéronautiques ont besoin de chercheurs et de personnel formé.

J'ai employé l'exemple des universités, mais si nous parvenons à nous concentrer - à notre époque, on peut regrouper les gens de façon physique ou de façon virtuelle, grâce à l'informatique et aux bases de données - nous devrons réduire tous les problèmes de transactions interpersonnelles et financières. Si nous parvenons à rapprocher tous les joueurs, je crois que nous obtiendrons des résultats, assez vite.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mowatt.

Monsieur Lastewka.

M. Lastewka: Merci, monsieur le président. Tout allait bien pour moi avant que Mme Smith ne déclare que les gouvernements devraient formuler des politiques, puis laisser le champ libre.

Des voix: Ah, ah!

M. Lastewka: Et je n'étais pas très certain de ce que vous vouliez vraiment dire, après que nous avons parlé de la nécessité de nous regrouper, de collaborer entre nous et de faciliter les choses.

Mme Smith: Ce que je voulais dire à propos des politiques et de la fonction publique, c'est qu'il ne faut pas ajouter de politiques inutiles. Le gouvernement doit apporter un plus grand soutien aux activités, mais pas nécessairement en formulant des politiques. Est-ce que je me fais bien comprendre?

M. Lastewka: C'est toujours très bien pour des banquiers ou des industriels ou encore des universitaires de venir nous dire: «si nous avions les bonnes politiques», mais on ne franchit jamais l'étape suivante qui consiste en fait à poser la question: qu'entendez-vous par là?

Alors, on laisse les fonctionnaires établir les politiques, puis vous revenez nous voir pour dire qu'elles ne sont pas bonnes. Eh bien, nous voulons nous sortir de ce cercle infernal, n'est-ce pas?

Mme Smith: Oui.

M. Lastewka: Ce que je vais dire s'adresse à tous nos panelistes: passons aux réalisations et dites-moi pour quelles politiques ou dans quels dossiers, selon vous, le gouvernement pourrait intervenir, et dans quels cas il devrait demeurer sur la touche, en ce qui concerne la science et la technologie.

Ne me donnez pas une réponse générale. Soyez précis!

Mme Smith: Y a-t-il quelqu'un qui s'estime compétent pour répondre?

M. Charlebois: Je pense vous avoir mentionné deux ou trois éléments dont vous avez pris note plus tôt et qui étaient sur ma liste. Je pourrais ajouter, et vous n'avez pas sauté sur cette idée, qu'il faut essayer d'encourager davantage les diplômés du secteur technique qui sortent de nos universités et collèges.

Les entreprises à vocation technologique ont besoin de beaucoup de gens. Elles offrent de bons emplois. Souvent, elles ne parviennent pas à trouver le personnel qu'il leur faut. L'offre varie dans le temps. Plusieurs années de suite, elles parviendront à trouver une main-d'oeuvre suffisante, mais actuellement, dans la région d'Ottawa, je puis vous affirmer que presque toutes les entreprises à vocation technologique sont désespérément à la recherche d'un personnel supplémentaire et qu'elles ont de la difficulté à le trouver.

M. Lastewka: Je vais peut-être revenir sur les questions que M. Shepherd a posées plus tôt, c'est-à-dire sur la façon d'attirer plus de spécialistes du génie. Comment parvenez-vous à attirer plus de diplômés des programmes coopératifs? On nous a cité l'exemple de l'Université de Waterloo, dont 75 p. 100 des diplômés se retrouvent aux États-Unis. C'est une école qui offre des programmes coopératifs. Comment peut-on inciter plus d'universités à offrir des programmes coopératifs?

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Nous avons accueilli les gens de l'industrie... Ils nous ont déclaré qu'ils offrent des débouchés. Je me suis moi-même plusieurs fois retrouvé dans la situation où j'ai pu engager des diplômés de programmes coopératifs des universités, et je l'ai toujours fait. Ce genre de programme permet beaucoup mieux qu'une entrevue de savoir à qui on a affaire.

Donc, estimez-vous que le gouvernement devrait intervenir pour contraindre les universités à jouer un rôle sur ce plan?

M. Charlebois: Je pense que le gouvernement joue un rôle, en ce sens qu'il finance une grande partie de l'éducation universitaire au Canada et je crois que nous y gagnerions si nous pouvions trouver une façon d'encourager les universités à se concentrer beaucoup plus sur ce genre de disciplines. Mais cela ne revient pas à dire que nous n'avons pas besoin de diplômés dans les arts. Je crois que nous en avons effectivement besoin. Nous avons aussi besoin de diplômés en gestion des entreprises et dans d'autres disciplines. Mais il est certain que nous avons besoin de diplômés ayant une orientation résolument technique et s'il y a quoi que ce soit que vous puissiez faire... Malheureusement, je ne suis pas un spécialiste du domaine de l'enseignement. Je n'en sais pas suffisamment sur les universités pour vous faire des recommandations particulières sur la façon dont vous pourriez modifier vos politiques pour parvenir à ce résultat, mais je pense que c'est là quelque chose dont les secteurs infoculturels de ce pays auraient besoin.

[Français]

M. McMaster: Je pense que le gouvernement pourrait essayer de faire plus d'efforts pour promouvoir la science. Par exemple, au niveau des professionnels, les ingénieurs et les scientifiques sont encore les parents pauvres au Canada. Ils ne font que commencer à être reconnus depuis quelques années. Qu'on s'intéresse aux scientifiques est un fait nouveau.

Auparavant, on s'intéressait à toutes les autres professions, et ces gens-là n'étaient pas nécessairement reconnus à leur juste valeur sur la place publique. Si on va en Allemagne et qu'on est ingénieur, on est mis sur un piédestal. Un ingénieur au Canada n'est pas reconnu comme n'importe quel autre professionnel.

Si on veut encourager les jeunes à aller dans des domaines scientifiques, il faut qu'ils voient un retour sur leur investissement, parce que le domaine scientifique, à l'université, c'est ce qu'il y a de plus difficile. J'ai trois diplômes: un en comptabilité, un en droit et un en génie. Je les compare et je peux vous dire que le génie est pas mal plus difficile que les deux autres. En tant qu'étudiant, quand on a le choix d'aller dans un domaine ou un autre, on choisit le plus payant et le moins difficile. Il y aurait peut-être des efforts à faire à ce niveau. On pourrait aider nos gens à aller dans des secteurs...

[Traduction]

Le président: Pour une dernière intervention, excusez-moi: Monsieur Lastewka. Allez-y.

M. Lastewka: J'aurais voulu que nos invités nous donnent des idées de mesures à prendre.

Le président: Excusez-moi. Quelqu'un d'autre veut-il répondre à cette question?

M. Lastewka: Soyons pratico-pratiques! Quelles mesures voudriez-vous que nous prenions ou encore qu'est-ce que vous voudriez que nous ne fassions pas?

M. Warda: Je pense que le gouvernement devrait offrir un cadre et se retirer. D'ailleurs, je ne devrais même pas employer le conditionnel. J'imagine que le gouvernement pourrait intervenir moins directement sur le plan de l'innovation et plus directement sur celui des forces du marché. Il pourrait instaurer un climat favorable à l'innovation. J'entends par là un climat où la réglementation serait plus transparente. La transparence signifiant, ici, que l'information sur la réglementation circule beaucoup mieux, et qu'on connaît les coûts de conformité, etc.

Deuxièmement, il y a les politiques fiscales. Comme je l'ai dit plus tôt, à quoi sert d'avoir de bonnes mesures de stimulation fiscale si l'on ne dépense pas autant en R-D que les autres pays dont le régime fiscal n'est pas aussi intéressant. Nous subissons peut-être un déséquilibre quelque part et il est très important de rééquilibrer la politique fiscale.

Il y a aussi une politique sur le genre de ressources humaines a attirer. Le gouvernement pourrait se concentrer sur ce domaine d'activités en encourageant les universités et les collèges à produire des diplômés véritablement employables, sans aller trop loin toutefois, parce qu'il faut encore laisser aux gens la liberté de choisir. C'est ça qui est important dans notre système d'éducation, surtout au niveau universitaire. Il faut retenir la notion d'employabilité et favoriser les compétences qui débouchent sur un emploi. Vous savez, il est très difficile pour le gouvernement fédéral de participer à cela, à cause des provinces qui ont compétence en matière d'éducation, mais ce genre d'attitude doit être cultivé dès le jardin d'enfants et être entretenu à tous les niveaux, jusqu'à l'université.

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Si vous avez de tels diplômés d'université, c'est sans doute qu'il manque quelque chose. Je ne peux pas dire que nous ne pouvons pas compter sur les diplômés d'université. Ils ne constituent pas le résultat final, parce qu'ils représentent un processus en pleine évolution. Encore une fois, il faut pouvoir s'appuyer sur une politique concertée selon laquelle le gouvernement fédéral, dans les limites de sa compétence, pourrait offrir un cadre à l'éducation, de compétence provinciale.

M. Lastewka: Quand vous parlez de «cadre», vous ne voulez pas parler de mesures d'incitation, n'est-ce pas?

M. Warda: Les mesures d'incitation dont je veux parler ici, ne sont pas des mesures de nature pécuniaire. Nous pourrions sans doute essayer de limiter le nombre de mesures d'incitation. Par exemple, il arrive souvent que les entreprises déclarent qu'elles assureront plus de formation si elles obtiennent des stimulants fiscaux ou des crédits d'impôt au titre de l'emploi, parce que c'est là un investissement. La formation, par exemple, est un investissement. À l'instar de la R-D, elle constitue essentiellement un investissement à long terme, parce qu'on s'adresse à des gens. Mais qui devrait fournir les encouragements pour cela?

J'estime que nous devrions tous être encouragés à investir dans notre propre formation. Si c'est un employeur, comme une entreprise, qui nous forme gratuitement, alors nous devrions faire preuve de diligence et nous atteler à cette formation avec sérieux, plutôt que de voir cela comme du bon temps passé en compagnie de collègues de travail. Cela, c'est très important. On en revient à ce qui a été dit à propos du changement de culture ou de perception, qui est également important. Pourquoi offririons-nous des stimulants fiscaux pour former des gens qui ne prennent pas vraiment la chose au sérieux?

Donc, tout commence au bas de l'échelle - à la maternelle, si je puis dire - pour que ce soit un processus qui dure dans le temps.

M. Schmidt: Vous parlez ici d'un changement d'attitudes et des valeurs, d'un changement en faveur d'une culture de la science et de la technologie au sein de notre société, de sorte que les gens qui possèdent ce genre de compétences et de capacités seront mis en valeur.

Le président: Pouvons-nous passer à Susan? Elle veut dire un mot.

Mme Smith: Je vais être un peu plus précise. Je ne prétends pas vous apporter les réponses que vous cherchez, je ne pense d'ailleurs pas que qui que ce soit les possède. Mais j'estime que le gouvernement a un rôle très clair à remplir sur le plan du climat réglementaire. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il doit offrir un système d'inscription des brevets qui soit concurrentiel à l'échelle internationale, autrement dit qu'il ne soit pas sans arrêt encombré de dossiers en retard, et ainsi de suite, ainsi qu'un processus d'approbation de la biotechnologie qui soit également concurrentiel. Si nous ne pouvons y parvenir nous-mêmes, alors ayons recours à un processus d'approbation d'un pays étranger, parce que toutes ces questions sont de nature internationale et qu'elles ne nous sont pas spécifiques. Nous ne pouvons pas prétendre que si nous n'aimons pas quelque chose le problème se résoudra de lui-même. En fait, il sera résolu ailleurs. C'est dans ce genre de chose, je crois, que le gouvernement a un rôle réglementaire très clair à jouer.

Dans les sept aspects que j'ai mentionnés, je crois que le rôle du gouvernement consiste beaucoup plus à travailler de concert avec nous, qui sommes tenus de faire aboutir les choses. Vous devez réfléchir à ce qu'il convient de faire, vous devez traiter avec nous et nous donner le meilleur de ce que vous avez à offrir - l'information, l'influence, la capacité, la connaissance - pour nous permettre de parvenir aux résultats escomptés. Mais nous devons d'abord établir un objectif clair, et c'est ce que nous essayons de faire. Il ne nous suffit pas d'être une société où l'on jouit d'une bonne qualité de vie et où l'on estime que la science et la technologie sont dignes de mention. Ce n'est pas là un objectif unificateur.

M. Murray: Je voulais brièvement répondre à la préoccupation exprimée par M. McMaster à propos de la façon dont on perçoit les ingénieurs dans notre société, et je ne parlerai pas ici des rites d'initiation des étudiants de première année.

Des voix: Ah, ah!

M. Murray: Je ne vais pas fouiller bien loin. Tout ce que je veux vous dire, c'est que les élèves du secondaire qui estiment qu'on fait de l'argent quand on est ingénieur, seront naturellement attirés vers ce métier, parce que c'est simplement la nature humaine qui entre en jeu. Il en va de même pour la plupart des sujets que nous avons abordés autour de cette table: ils tiennent à la nature humaine.

Mais il y a cependant une chose qui m'inquiète: si nos ingénieurs récemment diplômés méritent tout de suite de hauts salaires, alors nous risquons de perdre une partie de nos futurs professeurs des écoles de génie, les gens n'étant pas tentés de poursuivre leurs études pour accéder à ce genre de fonctions. Dans l'avenir nous aurons aussi besoin de ces gens-là.

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Grâce au jeu de l'offre et de la demande, le marché fera le tri de lui-même, tout le monde ne pouvant être ingénieur ou chercheur. Vous avez raison, c'est très dur. C'est très difficile et je suis sûr que nous devrons continuer d'importer un grand nombre de diplômés - surtout des femmes - même si je crois que de plus en plus de jeunes sont convaincus que c'est une carrière qu'il vaut la peine d'entreprendre. Ils n'auront pas à grimper en haut d'un mât plein de graisse dans leur premier mois à l'université, pour décrocher un prix au sommet, mais il est possible que toute la façon dont on perçoit le génie va changer.

Soit dit en passant, je dois vous signaler que j'ai travaillé plusieurs années dans des compagnies de haute technologie en tant que non-ingénieur, au contact d'ingénieurs.

Une voix: Des types bien, n'est-ce pas?

M. Murray: Eh bien, ce n'était pas les plus vantards, si je puis m'exprimer ainsi. C'est sans doute pourquoi ils ont besoin que quelqu'un d'autre fasse leur article et assure leur promotion à l'échelon national. Ainsi, je suis d'accord avec vous, nous avons besoin de plus d'ingénieurs.

[Français]

M. McMaster: En fait, je disais simplement que la meilleure façon d'intervenir pour le gouvernement était de valoriser cette profession, mais pas nécessairement de façon monétaire. C'est la reconnaissance qu'on peut lui donner. Certains avocats ne gagnent pas un «rond». Ils tirent de la patte comme 25, mais quand ils arrivent au magasin, tout le monde se met à genoux parce qu'ils sont avocats. Pourquoi ce ne serait pas la même chose pour d'autres? Pourquoi ne pas valoriser d'autres professions?

Je les appelle les anciennes professions versus les nouvelles professions d'avenir. On est en train de contingenter en droit, en médecine et en comptabilité. Pour ce qui est de l'ingénierie, on dit qu'il manque d'ingénieurs, de scientifiques, ce qui est la base de la société pour la création de la valeur ajoutée. Donc, faisons la promotion de ce champ d'activités et valorisons-le. C'est tout. Si on le valorise, les gens décideront où ils voudront aller, mais ils sauront, en prenant cette décision, que cela aura un impact. Parlez avec des jeunes: cela a un impact.

[Traduction]

Le président: Merci.

Eh bien je crois pouvoir maintenant m'exprimer au nom de tous les membres du comité. En voyant mes collègues qui ont fait preuve d'une telle attention jusqu'au bout, je peux vous assurer qu'ils ont vraiment apprécié les quelque trois heures qu'ils ont passé en votre compagnie. Vous nous avez beaucoup aidés et nous allons maintenant essayer de digérer tout cela.

Je me suis étonné de la juxtaposition des idées en vous entendant dire, d'un côté, qu'on a besoin d'un gros coup de main sur le plan du leadership politique et que, de l'autre, il faut progresser par petites étapes. Personnellement, j'estime que nous devons changer l'humeur de nos compatriotes et relancer le débat au Canada sur la science et la technologie. Par ailleurs, nous devons nous garder de proposer des solutions tellement poussées que les gens ne sauront pas par où s'y prendre. Voilà le genre de délibérations auxquelles nous devrons nous livrer et, même si nos points de vue diffèrent, on peut être certain que tous les partis politiques veulent vraiment faire passer cette question à l'avant plan, pour utiliser un cliché parmi tant d'autres. Il faut projeter ce dossier à l'avant scène pour que tout le monde comprenne bien qu'il nous préoccupe vraiment.

Au nom du comité, je tiens encore une fois à vous remercier. Nous avons apprécié que vous ayez trouvé le temps de venir passer cette journée avec nous, vous qui êtes tellement occupés dans vos activités du secteur privé et du milieu bancaire.

La séance est levée. Nous reprendrons jeudi à 10 heures.

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