[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 février 1997
[Traduction]
Le président: Bienvenue à notre comité. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité permanent de l'industrie poursuit son étude des taux d'intérêts sur les cartes de crédit et des questions connexes.
J'aimerais accueillir les témoins. Avant de vous présenter aux membres du comité, M. Bodnar a un point relatif aux affaires courantes; nous reprendrons ensuite nos travaux sur les cartes de crédit.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Monsieur le président, nous avions prévu mercredi prochain une séance pour l'examen du projet de loi C-91 et la comparution du ministre devant le comité. Le ministre ne sera pas en mesure d'être ici mercredi prochain à cause de ses engagements par suite du dépôt du budget le jour précédent, mais il pourra comparaître devant le comité lundi à19 heures.
Le président: Merci beaucoup. La première séance de la semaine prochaine relative à l'examen du projet de loi C-91, projet de loi renvoyé au comité par la Chambre des communes, aura lieu le lundi 17 février à 19 heures et nous y accueillerons M. Manley et les fonctionnaires qu'il aura choisis.
[Français]
Monsieur de Savoye, j'ai discuté de ce sujet avec M. Leblanc.
[Traduction]
M. de Savoye (Portneuf): D'accord.
Le président: De l'Association des consommateurs du Canada, nous accueillons Rosalie Daly Todd, je crois. Est-ce bien cela?
Mme Rosalie Daly Todd (directrice générale de l'Association des consommateurs du Canada): Oui.
[Français]
Le président: De l'Association coopérative d'économie familiale, nous recevonsM. Gilles-André Paquin, à qui je souhaite la bienvenue.
M. Gilles-André Paquin (coordinateur, Association coopérative d'économie familiale de l'Outaouais): Bonjour.
[Traduction]
Le président: Du Service d'aide aux consommateurs de Shawinigan, nous accueillons Madeleine Plamondon.
[Français]
Mme Madeleine Plamondon (présidente, Service d'aide au consommateur de Shawinigan): Bonjour.
[Traduction]
Le président: Est-ce que M. O'Narey, de la Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec, est arrivé? Pas encore? Il ne va sans doute pas tarder. De Démocratie en surveillance, nous accueillons Duff Conacher qui, d'après ce que je comprends, n'est pas encore arrivé. Il y aura donc d'autres témoins sans doute.
J'aimerais commencer par indiquer aux témoins que nous adoptons aujourd'hui la formule de la table ronde. Les comités de la Chambre des communes utilisent de plus en plus cette formule, ce qui leur permet d'écouter l'exposé des témoins. On vous a peut-être donné quelques indications à ce sujet, mais en général un exposé de dix minutes est suffisant si vous voulez retenir l'attention de vos auditeurs. Nous passons ensuite à l'étape de la discussion.
Les membres du comité dirigent les échanges de façon très détendue en général. Si une question vous est posée, nous aimerions bien sûr que vous y répondiez. Si quelqu'un d'autre répond et que vous pensez avoir quelque chose à dire, n'hésitez pas à l'indiquer au président. Nous ne procédons donc pas de manière linéaire. Il s'agit d'échanges et nous voulons faire en sorte que tout un chacun ait la possibilité de participer.
À mon avis, c'est pour un quorum que résonne la sonnerie d'appel et je ne crois pas que le comité soit visé pour l'instant; il arrive toutefois que nous soyons interrompus par les travaux de la Chambre.
Ceci étant dit, je vais demander à Mme Todd, de l'Association des consommateurs du Canada, de commencer son exposé.
Mme Todd: Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité.
J'aimerais commencer par une citation:
- Au début d'un exposé de cette nature, il est courant de remercier le comité d'avoir été invité à
comparaître devant lui. Au risque de paraître ingrats, voire impolis, nous tenons à dire d'emblée
que l'Association des consommateurs du Canada trouve regrettable d'avoir à comparaître
devant ce comité, ou tout autre comité, pour traiter en particulier du sujet qui nous occupe.
À l'époque, j'espérais, comme ceux qui m'accompagnaient, que l'examen public de la question et les pressions du gouvernement allaient entraîner, dans le secteur des cartes de crédit, des changements qui aboutiraient à une véritable concurrence. Nous espérions de la concurrence au niveau des taux et pas seulement au niveau des incitatifs visant à s'assurer la clientèle fidèle des quelque 50 p. 100 de consommateurs qui ne se servent pas de leur carte comme instrument de crédit.
Comme en témoigne la citation ci-dessus, en 1991, l'ACC était déjà frustrée devant l'incapacité des mécanismes traditionnels - examen public et pressions gouvernementales - d'entraîner des changements spontanés dans l'industrie des cartes de crédit.
Depuis cinq ans, nous avons comparu trois fois devant un comité au sujet des taux d'intérêt sur les cartes de crédit. Après examen de notre témoignage de 1991 et de nos mémoires de 1986 et 1989, nous trouvons troublant de constater que les choses ont bien peu changé, mis à part l'urgence d'alléger le fardeau des consommateurs et la frustration de se retrouver de nouveau ici pour traiter des mêmes problèmes.
Lorsque nous avons préparé l'exposé d'aujourd'hui, un des membres de mon équipe a dit, à la blague, que nous pourrions nous contenter de ressortir le mémoire de 1991 et d'y mettre une nouvelle page couverture.
Je voudrais récapituler les arguments invoqués par l'ACC en 1986, en 1989 et en 1991. Cela permettra à tout le moins de montrer combien les choses ont peu changé, en dépit des bonnes intentions de certains comités parlementaires.
En 1986, l'ACC a comparu devant le Comité permanent des finances et des affaires économiques de la Chambre des communes. Nous traitions alors, comme maintenant, d'une lacune du marché, à savoir le fait que les taux d'intérêt pratiqués sur les cartes de crédit ne réagissaient pas à la baisse des coûts. Il existe des similitudes remarquables même au niveau des chiffres de 1986, 1989 et 1991. Pour reprendre ce que nous avons dit dans notre exposé de 1986:
- Pour les institutions financières et pour les sociétés émettrices de cartes de voyage et de
réception, rien dans les coûts ne peut justifier des taux de plus de 18 p. 100, soit plus du double
du coût de l'argent pour ces institutions, et il faut chercher ailleurs l'explication de ces taux
élevés.
En 1986, l'ACC avait imputé l'absence d'ajustement des taux d'intérêt des cartes de crédit aux conditions du marché à des problèmes d'ordre structurel dans la commercialisation des services de cartes de crédit. Nous avions dit que c'était un marché non concurrentiel, un oligopole classique générant des profits excessifs. Les taux d'intérêt manquaient de souplesse à la baisse lorsque les coûts baissaient.
À notre avis, cette explication demeure toujours valable, 11 ans plus tard. Les taux de cartes de crédit bancaires classiques tournent encore autour de 18 p. 100, en dépit du fait que le taux d'escompte est plus bas que jamais. En fait, l'écart considérable que l'on observe aujourd'hui entre les taux des cartes de crédit et le taux d'escompte montre que la situation s'est aggravée. En outre, les taux des cartes de détaillants n'ont pas bougé de 28,8 p. 100 depuis 11 ans.
L'élément nouveau, c'est la distinction à laquelle je viens de faire allusion en parlant des cartes bancaires «classiques». En 1992, pas longtemps après le dernier rapport du comité parlementaire à ce sujet, une banque s'est démarquée des autres et a décidé d'offrir aux consommateurs une nouvelle carte «bon marché» ou à faible taux d'intérêt.
D'après des chiffres de décembre 1996 du Bureau de la consommation d'Industrie Canada, les taux pratiqués sur les cartes Visa et MasterCard à faible taux varient actuellement entre 9,25 p. 100 et 14,5 p. 100. Voilà pour les bonnes nouvelles. La mauvaise nouvelle, c'est que les consommateurs ne se prévalent pas de ces cartes-là. L'explication la plus évidente nous ramène à ce que nous disions déjà en 1986, en 1989 et en 1991, à savoir que la commercialisation des cartes de crédit présente des problèmes d'ordre structurel.
Si les problèmes n'ont pas changé, les solutions non plus. En 1986, l'ACC avait dit privilégier l'adoption de mesures visant à accroître le degré de concurrence sur ce marché. Nous avions aussi réclamé une meilleure information des consommateurs et demandé que tous les relevés indiquent le taux courant et le mode de calcul de l'intérêt. Nous avions demandé l'utilisation d'une méthode clairement expliquée et uniforme de calcul de l'intérêt sur les paiements partiels. Nous avions recommandé que le niveau des frais et d'autres renseignements intéressant le consommateur soient affichés bien en évidence dans les banques et les autres institutions appropriées.
Nous avons sans doute eu une prémonition en 1986, parce que l'ACC a alors fait preuve d'un pessimisme inhabituel quant aux chances d'introduire un réel élément de concurrence sur le marché des cartes de crédit. Nous sommes même allés jusqu'à souscrire à l'adoption de mesures réglementaires pour subordonner les taux d'intérêt à une moyenne mobile du taux d'escompte.
Trois ans plus tard, soit en 1989, l'ACC a comparu devant un autre comité de la Chambre des communes. Avec une impression de déjà vu, nous avons une fois encore fait remarquer que les taux des cartes de crédit n'avaient pas baissé comme le taux d'escompte et nous avons avancé la même explication, à savoir l'absence de concurrence sur le marché de ce genre de services.
Nous avons réitéré la préférence de l'ACC pour le libre jeu des forces du marché par opposition à une intervention gouvernementale. Cependant, nous avons indiqué qu'il pourrait s'avérer nécessaire de plafonner les taux par voie de réglementation si les taux d'intérêt pratiqués sur les cartes de crédit continuaient d'être inélastiques. Nous avons aussi fait remarquer que nos recommandations antérieures en vue d'accroître l'information des consommateurs et de calculer les frais d'intérêt de manière uniforme, recommandations auxquelles avait pourtant souscrit le comité de la Chambre des communes, étaient restées lettre morte.
En 1991, nous avons dit qu'Industrie Canada ne faisait rien de concret. Le taux d'escompte diminuait tandis que les taux des cartes bancaires demeuraient généralement stables, à deux fois le taux d'escompte. Les taux des cartes de détaillant semblaient fixes. La sensibilisation des consommateurs n'était pas meilleure, dans l'ensemble, et les émetteurs de cartes de crédit n'employaient pas de méthodes uniformes de calcul des frais d'intérêt.
Nous sommes maintenant en 1997, et rien n'a changé. L'Association des consommateurs du Canada continue de considérer l'imposition d'un écart fixe ou d'une limite des taux d'intérêt comme une solution de dernier ressort qui pourrait, au pire, entraîner une perte de crédit pour les consommateurs même que nous nous efforçons de protéger contre des taux excessivement élevés. Au lieu de cela, nous demandons instamment au comité de faire ce que d'autres avant lui n'ont pas réussi à faire, soit exercer suffisamment de pressions sur les émetteurs de cartes de crédit pour qu'aient enfin lieu les réformes attendues depuis plus de 10 ans.
Tout d'abord, il faut simplifier l'information relative aux cartes de crédit et la normaliser pour permettre au consommateur de faire des comparaisons. Cela veut dire, comme l'ACC le réclame depuis 11 ans, une méthode uniforme de calcul de l'intérêt facturé sur les paiements partiels, clairement exposée aux intéressés. La formule de déclaration type devrait s'appliquer à toutes les sociétés émettrices de cartes de crédit. Il faudrait aussi que le comité examine l'expérience des États-Unis en matière de déclaration obligatoire uniforme. Il est grand temps que le Canada normalise la communication des renseignements au consommateur et qu'il adopte d'autres règles en la matière.
Il faut se rappeler aussi que deux personnes sur cinq ont du mal à lire et à compter au Canada. Il est fort probable qu'elles représentent une très forte proportion des 50 p. 100 de Canadiens qui ne savent pas exploiter le système des cartes de crédit à leur avantage. Elles ont besoin qu'on leur indique clairement et simplement, ainsi qu'en temps utile, ce qu'elles paient en intérêt.
De plus, il faudrait fournir à tous les consommateurs qui ne règlent pas leur solde deux mois d'affilée de l'information sur les cartes de crédit à taux réduits et sur les frais connexes. Cette information pourrait être jointe au relevé mensuel envoyé aux détenteurs de cartes de crédit. Elle serait rédigée en termes simples que pourraient comprendre des personnes qui ont du mal à lire et être imprimée en caractères suffisamment gros pour que la lecture n'entraîne pas de fatigue oculaire.
Enfin, tous les émetteurs de cartes de crédit devraient être tenus de divulguer les coûts, recettes et profits associés à leurs opérations sur cartes de crédit. On demande depuis trop longtemps aux consommateurs et aux gouvernements de croire les émetteurs sur parole lorsqu'ils ressortent les mêmes vieux arguments pour expliquer le manque de souplesse des taux d'intérêt des cartes de crédit.
L'ACC se prononce officiellement en faveur de l'adoption, par le groupe de travail Baillie, des recommandations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui aimerait voir la concurrence de ce marché avivée grâce aux banques étrangères et aux quasi-banques.
En guise de conclusion, nous aimerions reprendre nos propos de 1991: «Nous vous remercions de nous avoir permis d'exposer le point de vue des consommateurs sur la question des taux d'intérêt pratiqués sur les cartes de crédit. Nous espérons que le comité saura prendre les mesures énergiques nécessaires pour que nous n'ayons pas à témoigner à nouveau à ce sujet.»
C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président
Le président: Madame Todd, je vous remercie beaucoup d'être venue. Vous avez parlé avec beaucoup d'à propos, car nous avions demandé aux témoins de parler en fonction de recommandations antérieures. Je suis convaincu que d'autres membres du comité vous poseront des questions à ce sujet.
Mme Todd: Merci, monsieur le président.
[Français]
M. Paquin: Je vous remercie, messieurs et madame - je vois qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui sont membres du Comité permanent de l'industrie - de nous fournir cette occasion de nous présenter devant vous.
L'Association coopérative d'économie familiale existe depuis 1966 dans la région de l'Outaouais. Nous offrons des services d'aide concrète aux personnes qui se trouvent dans une situation d'endettement grave. Nous pouvons dire que nos services sont très appréciés par les différents intervenants sociaux de l'Outaouais, soit le CLSC, la Direction de la protection de la jeunesse et tous les autres organismes qui viennent en aide à des gens faisant face à des problèmes d'endettement.
Nous offrons quotidiennement des services à des gens qui connaissent des problèmes d'endettement ou de crédit, qui sont en chômage ou vivent une séparation, et dont la situation financière est en état de crise aiguë. C'est donc tous les jours que nous rencontrons des gens dont l'endettement se rattache à leur carte de crédit. Nous pensons pouvoir parler à partir d'une expérience fondée sur le vécu quotidien de ces gens.
Pour les aider, nous avons mis au point une démarche éducative qui leur fournit outils et conseils pour leur permettre de se prendre en main. Mais parfois la situation est tellement catastrophique que la seule solution est celle que nous considérons dans notre domaine comme la «solution finale», c'est-à-dire la faillite. De plus en plus fréquemment, c'est la solution que nous devons appliquer. C'est malheureux, mais ce sont les conditions qui prévalent actuellement chez les vraies gens.
Donc, aujourd'hui, nous nous présentons devant vous forts de toute cette expérience et aussi forts de l'appui des 40 associations québécoises de consommateurs et consommatrices qui ont appuyé la demande que nous avons faite au ministre Manley d'imposer un plafond flottant de8 p. 100 sur le taux d'intérêt des cartes de crédit.
Cette proposition est à l'ordre du jour depuis longtemps. Déjà, en 1992, l'ACEF Outaouais l'avait présentée à d'autres députés et organismes. Pour reprendre les propos de la représentante de l'Association des consommateurs du Canada, je pense qu'il est temps d'agir. Pour ma part, j'espère ne pas avoir à me représenter ici une deuxième fois. Certaines personnes ont eu à le faire trois fois. Quant à moi, je viens ici pour la première fois et j'espère bien que ce soit la dernière. Je souhaite que le gouvernement et les députés s'emploieront à régler cette situation catastrophique.
Je ne vais pas vous lire le mémoire que j'ai déposé. Je vais essayer de vous le résumer et de vous le rendre le plus vivant possible.
Depuis quelques mois, de nombreuses voix se sont élevées partout au Québec et au Canada pour réclamer une baisse des taux d'intérêt devant la volonté d'agir, ou plutôt l'absence de volonté d'agir, des banques; les taux d'intérêt étaient ridiculement élevés par rapport au taux d'escompte de la Banque du Canada.
Comme je le disais, nous avions déjà en 1992 déposé un mémoire réclamant une baisse des taux d'intérêt, mais aucune action ne s'en est suivie. Nous avons aussi déposé une plainte ou, à tout le moins, demandé au Bureau fédéral de la concurrence de faire enquête sur la collusion qui existe, selon nous, entre les grands détaillants. Comment se fait-il, en effet, que depuis 1981, le même taux d'intérêt soit imposé par tous les grands détaillants du Canada, soit 28,8 p. 100? S'il ne s'agit pas d'une collusion ou d'un monopole, je ne m'y connais pas. Toutefois, le Bureau fédéral de la concurrence n'a pas cru bon de faire enquête sur le sujet.
Je vous ferai remarquer que les députés qui avaient pris position en novembre ou décembre dernier avaient eux aussi constaté une situation de quasi-collusion entre les grands détaillants.
Nous avons aussi souvent appuyé les projets de loi privés qui ont été présentés par les députés pour réclamer des plafonds, dont celui de M. Paul DeVillers.
En 1996, un document avait été émis par Industrie Canada, un petit bulletin intitulé Coûts d'utilisation des cartes de crédit, où il était dit que le taux d'intérêt des cartes de crédit bancaires comportait entre 11,65 et 14,65 points de différence avec le taux d'escompte. C'est beaucoup plus que le 8 p. 100 que nous demandons ou du moins beaucoup plus qu'un taux raisonnable. Dans le cas des détaillants, comme je le disais, à 28,8 p. 100, l'écart est de 24,55 p. 100. C'est un écart qui se maintient depuis 1981.
Quand ce document est sorti, le président de l'Association des banquiers canadiens, M. Protti, justifiait cet écart par le fait qu'il y avait des pertes imputables aux faillites et aux fraudes. Le ministre Manley lui-même n'a été guère impressionné par ces arguments. Il a déclaré que le président de l'Association des banquiers canadiens ne comprenait pas qu'actuellement, les consommateurs en avaient assez de payer des taux d'intérêt exorbitants et de se faire littéralement voler par les sociétés détaillantes ou par les grandes banques.
C'est alors qu'au mois de novembre, plusieurs députés - près de 150 jusqu'à aujourd'hui - se sont prononcés en faveur d'une baisse draconienne de 50 p. 100 des taux d'intérêt. Ils se sont faits les porte-parole des consommateurs qui, selon nous, en ont assez de ces taux d'intérêt exorbitants. Le ministre Manley lui-même l'avait mentionné.
Si on se reporte au communiqué de presse de ces députés, on peut y lire:
- Le groupe estime que le taux d'intérêt que prélèvent les banques et les détaillants sur les soldes
des cartes de crédit est excessif et inacceptable. Ces derniers jours, le taux préférentiel des
banques a atteint son plus bas niveau en 40 ans.
- Or, le taux d'intérêt sur les cartes de crédit, lui, n'a pas baissé depuis ce temps-là.
À cette même époque, l'ACEF de l'Outaouais lançait une campagne auprès de toutes les associations de consommateurs du Québec pour demander au ministre Manley de légiférer en matière de taux de crédit. Comme je le disais en introduction, nous avons reçu l'appui de plus de 40 associations de consommateurs. À peu près tout ce qui existe en tant qu'associations de consommateurs au Québec nous a appuyés. Dans la région de l'Outaouais, ce sont des syndicats, des groupes populaires, des groupes d'assistés sociaux, dont les clientèles sont elles aussi aux prises avec la pression énorme des taux d'intérêt des cartes de crédit.
Nous disions alors qu'il fallait que le législateur légifère. Entre-temps, les banques ont répondu qu'elles mettaient à la disposition des consommateurs des cartes préférentielles. Encore là, le taux de ces cartes oscille entre 9 et 14 p. 100 et comporte des frais annuels variant entre 12 $ et 29 $.
M. Bérubé, analyste financier au journal Le Devoir, jugeait que c'était encore beaucoup et difficilement justifiable. Selon lui, la question n'aurait rien à voir avec les profits que font les banques. Celles-ci s'ingénient à prétendre que le taux moyen des cartes traditionnelles se situe à17,6 p. 100 au lieu de justifier pourquoi elles exigent sur ces cartes entre 4,5 et 9,25 p. 100 de plus que le taux préférentiel. Un taux plus élevé de 3 p. 100 que le taux préférentiel ne serait-il pas moins indécent, disait-il?
En plus, le marché des cartes de crédit couvre environ 27 produits différents. C'est une vraie forêt de plastique actuellement. Quant aux cartes à rabais, il en existe neuf différentes.
Industrie Canada soutient qu'il renseigne les consommateurs en publiant le bulletin Coûts d'utilisation des cartes de crédit. Entre vous et moi, qui reçoit ce bulletin à part les députés, les syndics, les ACEF et les autres groupes de consommateurs? Il n'est pas vrai que le consommateur reçoit ce guide qui lui permettrait de choisir judicieusement sa carte de crédit en fonction du taux d'intérêt qu'elle affiche. Si on consulte le bulletin en ce qui concerne les cartes à taux réduit, il faut faire un calcul actuariel pour savoir s'il est vraiment avantageux d'opter pour la carte à taux d'intérêt moins élevé mais comportant des frais annuels. Il est indécent de dire qu'Industrie Canada renseigne la population, parce que ce n'est pas vrai. Seule une minorité reçoit ce bulletin. La population en général ne le reçoit pas.
En plus, actuellement, on assiste à l'émergence de deux sortes de service: des services à taux préférentiel de crédit, mais associés à des frais annuels. Pensez-vous vraiment que le consommateur à faible revenu aura les moyens de débourser 29 $? Encore là, Industrie Canada se dit préoccupé des gens à faible revenu. Les gens à faible revenu n'ont pas 30 $ à dépenser pour avoir du crédit. C'est insensé de le croire.
Nous savons que vous connaissez tous les faits par rapport au crédit à la consommation et sur la question des cartes de crédit. Nous avons produit un tableau qui se trouve à la page 13 du document. Je pense qu'il serait intéressant d'examiner quels sont nos clients, les vraies gens, le vrai monde qui viennent nous voir à l'ACEF. Quelle est la part des cartes de crédit dans leur problème d'endettement? Nous rencontrons des gens qui ont entre trois et cinq cartes de crédit dont le solde varie autour de 2 000 $ et atteint parfois 10 000 $.
Ce ne sont pas des gens fortunés qui viennent à l'ACEF de l'Outaouais. Ce sont des travailleurs ordinaires, des gens à faible revenu, des gens qui luttent pour survivre jour après jour, avec des emplois à temps partiel ou contractuels. Dans la région de l'Outaouais, à la suite des coupures dans la Fonction publique, il n'y a plus d'emplois réguliers, il n'y a plus de revenus qui entrent régulièrement. Les gens sont obligés de travailler comme contractuels. Ils ne savent pas quel sera leur revenu la semaine ou le mois prochain. Donc, obligés de s'endetter pour survivre, ils doivent en plus payer des taux d'intérêt exorbitants.
C'est la situation concrète qui existe. En janvier seulement, la situation a été telle que nous n'en avions jamais vu de pareille depuis le début de notre existence. Il en a été question dans LeDroit, à la suite d'une consultation auprès d'un nombre impressionnant de personnes dans la région de l'Outaouais. Je suis sûr qu'ailleurs au Québec et au Canada, dans les autres associations qui font le même travail que nous, la situation est la même et va se détériorant.
Les chiffres publiés il y a quelques semaines, dont je ne voudrais pas abuser, révèlent les taux de faillites les plus élevés qu'on ait jamais vus au Canada. Le taux d'endettement du consommateur est de 95 p. 100 et son taux d'épargne, de 5 p. 100: encore là du jamais vu. C'est une situation dramatique.
Il est donc temps d'agir, monsieur le président. C'est pourquoi, en terminant, je vous rappelle nos recommandations: d'abord établir un plafond que nous proposons à 8 p. 100 au-dessus du taux d'escompte de la banque du Canada; ensuite, comme le proposent plusieurs associations de consommateurs - il y en a trois ici justement - , légiférer et réglementer dans le domaine des cartes de crédit.
Il ne faut plus laisser ce marché aux mains du monopole des banques qui font des milliards de profits sur le dos des gens. Il faut réglementer dans ce domaine. On le fait pour les conditions de travail, pour l'environnement et dans bien d'autres domaines pour protéger la population. Dans le cas des cartes de crédit, je crois qu'il faut réglementer aussi. Il ne faut plus laisser à des personnes richissimes le soin de fixer les taux d'intérêt sans intervenir par aucune réglementation.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Paquin.
Madame Plamondon, avez-vous un exposé à nous faire?
Mme Plamondon: Oui, monsieur le président.
J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée. Du même souffle, je dois vous dire que je suis pessimiste quant à l'issue de cet exercice, surtout si des élections se tiennent au printemps ou même à l'automne. Nous sommes venus parce que c'est notre devoir de le faire, mais comme Rosalie Todd l'a dit, le problème des taux élevés des cartes de crédit a été étudié plusieurs fois et jamais rien n'a été fait.
J'aimerais d'abord vous présenter rapidement notre organisme, qui est évidemment à but non lucratif. Nous avons fait plusieurs études sur le crédit. Au début, on a voulu établir le crédit à tout prix, en implantant toutes les formes de crédit. On découvre que le pire problème provient évidemment des cartes de crédit.
On s'est attardés aux cartes de crédit du point de vue de la responsabilité, qui est portée par les consommateurs et non par les émetteurs de cartes. Dans une étude, on s'est aperçu que beaucoup de faillites étaient liées aux cartes de crédit. D'ailleurs, le surintendant des faillites avait déjà déclaré qu'une deuxième ou une troisième faillite était presque toujours attribuable uniquement aux cartes de crédit et que l'accès facile aux cartes de crédit était un facteur de surendettement.
Arrêtons-nous à la notion de responsabilité. Du point de vue environnemental, si un créancier s'aperçoit qu'un terrain est contaminé, il devra le décontaminer avant de le vendre. Dans un autre domaine, si un barman sert une consommation de trop, il peut être tenu responsable de l'état d'ébriété de quelqu'un qui prend la route.
Dans le cas des institutions financières, une banque peut émettre une carte de crédit à une personne qui n'a pas la capacité de rembourser, en augmenter le plafond, en émettre une ou plusieurs autres et se laver les mains des conséquences. Je dirais même que ces conséquences malheureuses sont planifiées. En effet, en bas de 4 p. 100, le portefeuille des cartes de crédit est considéré rentable; on prévoit d'avance qu'il y a 4 p. 100 des cas, ou 3 p. 100 selon les cas, qui vont faire faillite. Il est donc prévu qu'une bonne partie de ces gens vont faire faillite. Il faut donc en arriver à responsabiliser les émetteurs de cartes.
On ne peut pas parler des taux élevés des cartes de crédit sans parler en même temps de leur accessibilité et de l'information qu'on fournit. Ces sujets ont été abordés dans les deux présentations qui ont précédé la mienne. Il faut que le consommateur, au moment où il fait la demande d'une carte de crédit, ait l'information sur toutes les cartes de crédit que l'émetteur met à sa disposition afin de pouvoir effectuer un choix. Ensuite, il pourra faire un choix si l'information lui est communiquée à lui, par les médias par exemple. Mon collègue de l'ACEF de l'Outaouais a mentionné que les communiqués d'Industrie Canada rejoignent des clientèles spécialisées, mais pas le consommateur moyen.
On a souvent dit aussi - les banquiers en particulier - que 50 p. 100 des gens paient leur carte de crédit à temps et que ce n'est donc pas un problème. Moi, je vous dirai que dans le sondage que nous avons fait en 1994, dans tout le Canada, 20 p. 100 des répondants ont déclaré avoir remboursé leur carte de crédit grâce à une autre forme de crédit. Donc, c'est toujours l'institution financière qui fait de l'argent, même si elle ne le fait pas tout de suite au moyen de la carte de crédit.
Dans les consultations sur les budgets, on a vu des gens à la veille de la faillite dont le dossier de crédit avait la cote R-1. On peut avoir un très bon dossier de crédit et être en train de faire faillite. Pourquoi? Parce qu'une fois qu'on a obtenu une première carte de crédit, on peut plus facilement en obtenir une deuxième, puis une troisième. Après quatre cartes, il est plus difficile d'en obtenir une autre et on demande donc une marge de crédit.
La marge de crédit est associée à une carte de débit. Celle-ci porte mal son nom puisqu'elle devient vite une carte de crédit quand on l'utilise pour avoir accès à sa marge de crédit. Par la suite, quand l'institution financière se rend compte que vous n'arrivez pas à payer toutes vos cartes, elle vous rappelle et vous offre de vous «encadrer» en vous offrant un prêt personnel. Le consommateur, à ce moment-là, se voit offrir encore d'autres cartes, puisque son dossier est encore très bon.
Examinons le mode de crédit chez Equifax. Les gens peuvent ne rembourser que le montant minimum chaque mois, payer ce minimum avec une autre carte ou bien avec leur marge de crédit et faire ainsi un genre de kiting parmi les diverses formes de crédit qui leur sont accordées.
Avant de blâmer le consommateur, il faudrait examiner comment le gouvernement perçoit l'émergence de toutes ces cartes. Le gouvernement est complice de l'orientation vers laquelle on se dirige, celle d'une société sans monnaie. On sait que tous les gouvernements favorisent les dépôts préautorisés comme les retraits préautorisés. Les billets de 1 $ et de 2 $ ont été retirés du marché et n'ont plus cours légal. Vous ne pouvez pas les échanger dans quelque institution que ce soit. On ne peut les échanger à la Banque du Canada ou se les faire rembourser par la Monnaie royale canadienne. On peut seulement se faire remplacer les pièces quand elles sont abîmées. Il y a donc1,2 milliard de dollars flottants dans les institutions financières et ce sont tous les billets de 1 $ et de 2 $.
Donc, les billets de 1 $ et de 2 $ n'ont plus cours légal, on multiplie les formes de cartes, on favorise l'installation de machines où les cartes peuvent être utilisées et on achève une étude sur l'utilisation des cartes de crédit dans les épiceries, dans le nord du Québec et dans le nord de l'Ontario. Si les cartes de crédit se généralisent un peu partout, les ristournes seront assez élevées pour les émetteurs de cartes. Il y aura augmentation des coûts pour tous les commerces qui vont accepter la carte de crédit et cela fera monter les prix.
D'ailleurs, dans le domaine alimentaire, la situation pourrait devenir critique si, à un moment donné, les cartes de crédit étaient acceptées partout.
Les banques ont fait des milliards de profits, à une période où les gens faisaient de plus en plus faillite. Les gens sont surendettés, les emplois sont précaires, les jeunes ne se trouvent pas d'emploi et les emplois qui sont perdus ne seront jamais retrouvés parce que leur disparition est attribuable à la technologie. Ils ne seront donc pas remplacés. Le nouvel emploi sera celui de chercheur d'emploi.
Je pense qu'il va y avoir de plus en plus de faillites. Il y a de plus en plus de cartes en circulation. Le marché est pratiquement saturé puisqu'on compte 2,6 ou 2,9 cartes par personne. Or, les taux de chômage publiés dans les journaux sont manipulés. Il faudrait compter les personnes de 18 ans et plus qui ont un emploi à longueur d'année et considérer tous les autres comme étant en chômage ou sans emploi.
C'est une attitude d'extrême droite qui cherche à culpabiliser les gens qui s'endettent quand ils n'ont souvent pas d'autre choix et qu'on continue de leur offrir des cartes de crédit ou la possibilité de payer seulement un an plus tard. Voyez la publicité! Sur le financement, elle est plus importante que sur le produit lui-même. Ce qu'on cherche à nous vendre, c'est du financement. Cela est vrai partout, que ce soit pour l'achat d'une auto, d'un meuble ou de n'importe quoi d'autre.
La carte de crédit ne sert pas qu'à de petits achats banals. On peut se procurer un réfrigérateur avec une carte de crédit et, en en combinant plusieurs, acheter bien plus qu'un réfrigérateur.
Mon objectif aujourd'hui n'était pas de vous citer des chiffres. Industrie Canada vous les a tous fournis dans un document assez complet. C'est au moins un très bon travail de compilation de ces données, qui sont mises à votre disposition ainsi qu'à celle des groupes.
Maintenant, c'est à vous d'agir. On dit souvent que le pouvoir est là où est l'argent. Or, ce sont les banques qui ont l'argent. Allez-vous leur permettre de prouver qu'elles ont aussi le pouvoir? Ce n'est pourtant pas elles qui vous ont élus. C'est la population qui vous a élus et vous allez très bientôt vous adresser à nouveau à la population. C'est à vous de vous arranger pour rendre compte à la population de ce que les gens vous demandent, soit baisser les taux d'intérêt des cartes de crédit, baser l'accès aux cartes de crédit sur la capacité de remboursement des gens et rendre l'information disponible à tous les consommateurs.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Plamondon. Vous avez mentionné que vous aviez fait un sondage, concernant a survey of some sort. Est-il possible de nous le communiquer afin qu'il soit porté au dossier?
Mme Plamondon: Oui.
[Traduction]
Le président: Monsieur O'Narey, vous êtes arrivé un peu en retard. Nous sommes en train d'entendre les exposés. Nous avons demandé aux témoins d'être brefs.
[Français]
Avez-vous un commentaire à faire, de moins de dix minutes, s'il vous plaît? Nous tenons une table ronde.
M. Ronald O'Narey (membre du bureau de direction, Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec): J'ai un exposé à faire, mais je n'ai pas de commentaires pour l'instant.
Le président: Bon.
M. O'Narey: Je peux faire ma présentation?
Le président: Oui.
M. O'Narey: D'accord. Je représente la Fédération des ACEF du Québec. Comme pour plusieurs autres intervenants qui m'ont précédé, une de nos tâches principales est de rencontrer les consommateurs qui sont aux prises avec des problèmes d'endettement sérieux.
C'est de là que nous tenons une expérience qui nous permet d'observer les problèmes que peut causer l'utilisation des cartes de crédit, plus particulièrement à cause des taux d'intérêts élevés, question que nous étudions aujourd'hui.
Effectivement, l'écart entre le taux de la Banque du Canada et les taux des cartes de crédit a atteint en moyenne 12,5 p. 100 l'an dernier. On peut dire que depuis dix ans, cet écart n'a cessé d'augmenter, de manière inacceptable quant à nous.
En 1986, le Comité permanent des finances et des affaires économiques, qui avait examiné les taux d'intérêt imposés sur les transactions effectuées à l'aide des cartes de crédit, concluait que rien ou presque rien n'incitait les banques à baisser leur taux d'intérêt sur leurs cartes de crédit. La plupart des utilisateurs de cartes de crédit constituent en fait un groupe captif que les banques ne perdent pas, même en maintenant des taux élevés.
De façon générale, les Canadiens sont peu ou mal renseignés sur le marché des cartes de crédit et leur coût d'utilisation. Pour la grande majorité d'entre eux, il est pratiquement impossible de passer d'une carte de crédit à une autre rapidement et fréquemment de façon à profiter au maximum des meilleures conditions offertes sur le marché.
À la fin de ses travaux, le comité recommandait donc différentes mesures. Il renonçait à plafonner les taux d'intérêt mais demandait expressément aux émetteurs de cartes de crédit d'abaisser leur taux d'intérêt et autres frais connexes. Il demandait également au ministre de la Consommation et des Corporations d'enquêter sur un éventuel comportement anticoncurrentiel des grandes banques canadiennes si celles-ci ne prenaient pas les mesures nécessaires pour diminuer les taux d'intérêt et autres frais.
De toute évidence, les recommandations du Comité permanent des finances n'ont pas eu l'effet qu'on pouvait espérer.
Le comité soulignait également dans son rapport que le prix d'utilisation des cartes de crédit revêtait d'autres formes que celui des taux d'intérêt. Les frais fixes, la durée de la période de grâce, le calcul du solde portant intérêt sont autant de facteurs qui déterminent le coût d'utilisation des cartes de crédit.
Il insistait particulièrement sur la confusion entourant le calcul de l'intérêt, une confusion qui découle, d'une part, de la complexité de la carte de crédit en tant qu'instrument d'emprunt et, d'autre part, de l'utilisation par les émetteurs de cartes de crédit de méthodes différentes pour calculer l'intérêt.
En fin de compte, la très grande majorité des Canadiens ne s'y retrouvent pas et sont incapables de vérifier la justesse des intérêts qu'on leur facture.
Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur stipule que l'intérêt sur les cartes de crédits doit être calculé à partir de la date d'émission du relevé mensuel. Cependant, depuis 1983, progressivement, toutes les banques, incluant la Fédération des caisses populaires du Québec, ont cessé de respecter la loi et calculent l'intérêt à partir de la date d'achat en se basant généralement sur le solde quotidien moyen.
Une consommatrice vient d'ailleurs de déposer une demande d'autorisation pour exercer un recours collectif contre Visa Desjardins. Les banques pourraient également être poursuivies parce qu'elles ne respectent pas la loi, elles non plus.
Cependant, au Canada, il y a une zone grise en ce qui a trait au calcul des intérêts sur les cartes de crédit. Actuellement, il est difficile de dire qui, du gouvernement fédéral ou des provinces, a juridiction pour légiférer en cette matière.
Par contre, il est évident que la multiplicité des méthodes de calcul embrouille les consommateurs et ne leur offre aucun avantage réel. De plus, la complexité de la majorité des méthodes de calcul ne permet même pas aux consommateurs de vérifier leurs frais d'intérêt ou de faire un choix éclairé entre les différentes cartes de crédit qui leur sont offertes.
Le Comité permanent des finances demandait d'ailleurs au ministre des Finances de s'entendre avec les ministres provinciaux compétents en vue de l'adoption de mesures législatives obligeant les émetteurs de cartes de crédit à se servir d'une méthode de calcul des soldes portant intérêt. C'est une autre recommandation qui n'a pas eu de suite, mais qui devrait être reprise en portant une attention très particulière à la simplification de la méthode et à sa transparence. Pour que le jeu de la concurrence puisse s'exercer au niveau des frais d'utilisation et des taux de crédit, il faut absolument que la méthode de calcul des intérêts soit simple, limpide et uniforme.
Malgré cette mesure indispensable, le jeu de la concurrence ne s'exercerait pas encore pleinement.
L'arrivée sur le marché des cartes de crédit bancaires à taux réduit pourrait laisser croire que le problème de la concurrence est pratiquement réglé, puisque les consommateurs ont maintenant un plus grand choix de cartes de crédit. Malheureusement, pour obtenir une de ces nouvelles cartes de crédit, il faut dans presque tous les cas acquitter des frais annuels d'utilisation qui réduisent de beaucoup les avantages que procure le taux d'intérêt réduit.
De plus, il est extrêmement difficile pour les consommateurs de déterminer quelle est ou quelles sont les cartes de crédit dont les coûts sont les moins élevés. Pour y arriver, il faut tenir compte de cinq facteurs importants: les frais annuels, les taux d'intérêt, le délai de grâce, les méthodes de calcul des intérêts et le solde impayé. Le ministère de l'Industrie publiait le 10 février dernier un tableau identifiant les cartes pour lesquelles les frais annuels et les taux d'intérêt combinés sont les moins élevés pour les personnes qui reportent tous les mois un solde impayé. Ce tableau précise également, pour chaque carte, le montant du solde impayé au-delà duquel il est préférable d'utiliser une carte sans frais d'utilisation.
Ce tableau en lui-même démontre qu'il est impossible pour un consommateur moyen de faire par lui-même toutes ces comparaisons. Elles sont beaucoup trop complexes pour qu'il puisse y arriver. L'arrivée de ces nouvelles cartes ne permettra donc pas aux consommateurs de faire un choix plus juste et plus éclairé. Au contraire, elles contribuent à augmenter la confusion pour les consommateurs. Il y a plus de choix, mais il est encore plus difficile de s'y retrouver. Il faut également souligner que seul un très petit nombre de consommateurs ont pu profiter jusqu'à maintenant des cartes à taux réduit, dont on ne fait pas beaucoup la promotion.
En conclusion, nous considérons que les taux d'intérêt actuels des principaux émetteurs de cartes de crédit sont trop élevés malgré l'introduction de cartes de crédit à taux réduit. Nous croyons toujours que les consommateurs constituent, pour diverses raisons, une clientèle captive qui ne peut changer facilement de cartes de crédit afin de bénéficier des avantages relatifs de la concurrence dans ce secteur.
Nous sommes également convaincus que les consommateurs sont mal informés en ce qui a trait aux coûts d'utilisation des cartes de crédit et que la complexité de l'évaluation comparative des coûts des différentes cartes ne leur permet pas de faire des choix éclairés.
Depuis de nombreuses années, les émetteurs de cartes de crédit profitent de cette situation. Ils ne sont soumis à aucun contrôle. Ils font la sourde oreille aux recommandations et aux mises en garde des comités de la Chambre des communes et ignorent même les lois provinciales mises en place pour protéger les consommateurs.
Conséquemment, nous croyons que le gouvernement doit prendre rapidement des mesures pour assurer une meilleure protection des consommateurs.
Parmi ces mesures, nous voudrions en souligner deux principalement. La première est d'uniformiser et de simplifier les méthodes de calcul des intérêts des cartes de crédit pour que les consommateurs puissent vérifier par eux-mêmes les intérêts qui leur sont imputés et pouvoir ainsi mieux comparer les avantages des différentes cartes.
Nous proposons également d'exiger de tous les émetteurs de cartes de crédit qu'ils contribuent substantiellement à un fonds spécial destiné à informer adéquatement et objectivement les consommateurs sur les coûts réels d'utilisation des différentes cartes de crédit. Ce fonds spécial pourrait également être utilisé pour prévenir le surendettement des consommateurs, un problème de plus en plus inquiétant attribuable en bonne partie à l'utilisation des cartes de crédit.
La gestion de ce fonds pourrait être confiée à un organisme indépendant au sein duquel les émetteurs de cartes de crédit, le gouvernement et les associations de consommateurs seraient représentés. Si cette dernière mesure n'était pas retenue, à notre avis, le jeu de la concurrence s'en trouverait biaisé.
Nous recommandons donc d'établir un plafond flottant sur les taux d'intérêt des cartes de crédit. Ce taux d'intérêt de plafond serait rattaché à un certain taux de référence et ce taux serait également différent pour les cartes des détaillants.
Le président: Merci beaucoup. Monsieur de Savoye
[Traduction]
aimerait poser les premières questions. Il aura 10 minutes environ, après quoi ce sera au tour du parti ministériel.
[Français]
M. de Savoye: Madame Todd, madame Plamondon, monsieur Paquin, monsieur O'Narey, c'est agréable de vous recevoir ici aujourd'hui. J'allais porter un jugement de valeur en disant «comparativement à hier», mais je ne porterai pas ce jugement de valeur.
Monsieur Paquin, on a eu l'occasion de se rencontrer au mois de décembre alors que j'appuyais, par ma présence, une conférence de presse que vous teniez dans la foulée de cette démarche qu'ont entreprise 150 députés de la Chambre des communes pour enjoindre les banques de mettre un peu de raison dans ces taux d'intérêt farfelus, abusifs, voire inacceptables. Je sais aussi que vous avez fait circuler la pétition qui a été préparée par mes collègues pour demander au Parlement d'intervenir par voie législative. Je reviendrai sur cette question dans quelques instants.
Madame Plamondon, cela fait un moment que j'ai lu votre rapport. Vous vous rappellerez qu'au début de l'année 1994, alors que la législature débutait sa session, j'avais été - mais je n'ai pas été le seul, parce qu'aujourd'hui il y a M. DeVillers - le premier député à présenter un projet de loi privé qui visait justement à mettre un plafond flottant sur les taux d'intérêt des cartes de crédit. À ce moment, votre recherche m'avait été d'un précieux secours pour bien comprendre la problématique. Je suis heureux que vous ayez pu en faire état ici cet après-midi.
Monsieur O'Narey, je n'ai pas eu l'occasion auparavant de vous lire ou de vous entendre, mais je me rattrape un peu avec Mme Todd.
Madame Todd, vous étiez ici le 20 novembre 1991. À ce moment-là, vous avez fait tout comme aujourd'hui: vous nous avez rappelé vos précédentes incursions dans le territoire du Comité de l'industrie. À ce moment-là, vous avez tenu des propos que vous nous avez répétés aujourd'hui, mais je vais vous demander de me confirmer certains d'entre eux.
Vous aviez dit en 1989 que votre association préférait fortement les forces du marché à la réglementation directe par l'État. Mais vous disiez en 1991: «Autrement, il faudrait réglementer l'industrie et, dans ce cas, l'association appuierait à contre-coeur l'imposition d'un plafond ou d'une autre mesure qui obligerait l'industrie bancaire à faire ce qu'elle devrait faire de son propre gré.»
Après la prise de position de la coalition de députés de la Chambre des communes, en novembre dernier, vous avez eu l'amabilité, par l'entremise de votre présidente, Mme Lacombe, d'écrire un mot à M. Zed pour appuyer notre démarche, et je vous cite:
[Traduction]
- Si les efforts déployés par votre coalition en faveur d'une réduction immédiate des taux ne
portent pas fruit, l'ACC est disposée à appuyer des mesures plus rigoureuses. Dans le passé,
nous avons dit que nous appuierions, bien qu'à contrecoeur, le plafonnement, par voie
législative, des taux ou l'imposition d'un écart fixe entre le taux d'escompte et le taux d'intérêt
maximal des cartes de crédit. Il faudrait le proposer à nouveau si les émetteurs de cartes
n'agissent pas de leur propre gré.
Madame, hélas, comme vous le déplorez, les banques ne bougent pas. Elles étaient ici hier. Si j'avais encore le moindre espoir qu'on puisse les amener à la raison de la moralité sociale et non pas à la raison du profit corporatif, si j'avais le moindre espoir qu'il y a encore quelque chose à faire de ce côté, je serais tenté de tenir maintenant un discours moins ferme. Mais, dans mon esprit, je n'ai plus aucun doute: si le gouvernement ne met pas des balises en place, la situation demeurera un free-for-all, sauf, bien sûr, pour les pauvres gens qui doivent payer ces taux d'intérêts.
Madame, aujourd'hui, contrairement à ce que vous nous disiez en 1991...
[Traduction]
Le président: Monsieur de Savoye,...
M. de Savoye: J'y arrive.
Le président: Comment pouviez-vous savoir ce que je vous demanderais? Je tenais simplement à préciser qu'il y a quatre témoins et que j'aimerais qu'ils aient tous la possibilité de parler.
[Français]
M. de Savoye: En 1991, vous étiez prête à attendre encore un peu, mais dans la ligne de ce que Mme Lacombe déclarait, votre association est-elle maintenant prête à appuyer une action législative pour mettre un plafond à ces taux d'intérêt?
Le président: Qui préfère répondre en premier?
M. de Savoye: Ma question s'adresse à Mme Todd.
Le président: D'accord.
[Traduction]
Mme Todd: Encore une fois, j'en ai parlé très brièvement dans mon exposé. Nous craignons que vous ne tentiez de légiférer sans avoir toute l'information voulue. Ces gens ne sont pas obligés de fournir des renseignements. Si l'écart que vous recommandez est mal calculé et que leurs coûts sont réels - ou près de l'être - , vous privez de crédit les consommateurs qui sont au bas de l'échelle et qui n'auront plus, à ce moment-là, d'autre choix que de faire appel aux usuriers.
Ce que nous aimerions avant tout, c'est qu'on les oblige à nous communiquer des faits et que l'on donne suite à mes autres propositions. Si cela ne marche pas, alors oui, nous proposerions quelque chose, bien qu'à contrecoeur. Cependant, il ne faudrait pas, selon moi, agir sans avoir au départ toute l'information. Nous ne connaissons pas les faits; les émetteurs ne sont pas obligés de nous les communiquer actuellement.
M. de Savoye: Par souci de clarté, je précise que j'ai demandé à obtenir ces données statistiques plusieurs fois, hier. De nombreux députés membres du comité ont demandé qu'on leur fournisse ces faits. Ce fut peine inutile. Que faut-il faire maintenant?
[Français]
D'autres personnes voudraient-elles donner leur opinion?
[Traduction]
Mme Todd: Je répète que si vous n'arrivez pas à obtenir l'information et à effectuer les changements, nous vous appuierions, bien qu'à contrecoeur. Nous espérons toutefois que vous réussirez là où les autres ont échoué.
[Français]
M. de Savoye: Merci, madame Todd. Monsieur Paquin?
M. Paquin: La réponse de Mme Todd est un petit peu contradictoire avec son introduction, parce qu'elle disait elle-même que cela fait trois fois qu'elle se présente ici et qu'aucune action n'a été prise contre les taux d'intérêt exorbitants des cartes de crédit. C'est pour cela que nous avons lancé cette campagne en novembre.
Il est essentiel qu'un plafond flottant soit adopté le plus tôt possible par le Parlement du Canada pour limiter les taux d'intérêt. C'est une question de quasi-justice sociale. Les prêteurs sur gage, on peut maintenant les appeler aussi les prêteurs sur carte de crédit ou sur plastique. Ce sont quasiment des prêts usuraires portant 28 p. 100 d'intérêt.
Les taux d'intérêt des cartes des grands détaillants, à 28 p. 100, sont des taux d'intérêt usuraires. Cela n'a pas de sens, surtout quand on peut obtenir des prêts à court ou à moyen terme à moins de10 p. 100 actuellement. Donc, il faut agir le plus vite possible.
M. de Savoye: Madame Plamondon?
Mme Plamondon: Je voudrais vous faire part d'une préoccupation concernant les détaillants. Lorsqu'on parle de 28,8 p. 100, il s'agit des détaillants. À 28,8 p. 100, s'il n'y a pas de paiements durant un an, cela représente 32,9 p. 100 en frais d'intérêts.
Par contre, c'est un marché qui est convoité par les banques et il faudrait faire attention de ne pas donner ce marché aux banques pour les renforcer et renforcer l'oligopole qui existe en ce moment. Il faudrait que nos recommandations s'appliquent autant aux cartes bancaires qu'aux cartes des grands détaillants, parce qu'en ce moment, les banques se cherchent des boucs émissaires et les cartes des grands détaillants sont une cible parfaite pour les banques. Cela distrait l'attention de ce qu'elles font.
Donc, selon nos propositions, il ne devrait pas y avoir de frais pour obtenir une carte de crédit à taux réduit. On devrait cibler une réduction des taux et éliminer les frais annuels pour obtenir une carte de crédit. Certaines mesures pourraient être prises par les émetteurs de cartes. Par exemple, si, pendant un certain nombre de mois, les gens ne paient que le montant minimum, c'est peut-être une alerte rouge. Au lieu de leur offrir un nouveau plafond plus élevé, on pourrait leur offrir de l'aide. À cet égard, la proposition de M. O'Narey est parfaite, parce que ces gens-là ont besoin d'aide, et non pas de faire augmenter le plafond sur leur carte.
M. O'Narey: Comme je le disais dans ma présentation, l'un des problèmes qui se posent avec le plafonnement des taux d'intérêt sur les cartes de crédit est qu'on laisse ouvertes différentes autres portes. Ce qui fait le coût réel de la carte de crédit, ce sont différents facteurs comme le délai de grâce, les frais d'utilisation et la méthode de calcul de l'intérêt. Ces facteurs font le prix total de la carte de crédit.
En légiférant uniquement pour plafonner le taux d'intérêt, on risque de se retrouver dans une situation où d'autres coûts vont augmenter de façon importante. On pourra alors se retrouver avec des cartes dont le mode de calcul va changer.
J'ai parlé de l'exemple du Québec parce que, concrètement, pendant une période d'une quinzaine d'années, les banques, l'une après l'autre, ont modifié de façon unilatérale toutes leurs méthodes de calcul sur les intérêts et les consommateurs n'ont pas réagi. Pourquoi? Parce que, dans la plupart des cas, les gens n'ont pas compris et n'ont pas vu ce qui se passait. Le fait de ne plus respecter la Loi sur la protection du consommateur au Québec a permis aux banques de réaliser des profits importants sur chacune des transactions. Certaines le font depuis 1983.
C'est le problème devant lequel on se retrouve aujourd'hui. Si on se retrouve dans une situation où les banques ne veulent rien entendre et ne veulent pas bouger d'aucune manière, on devra plafonner les taux d'intérêt. Mais, si on le fait, on devra aussi regarder ce qu'on fait des autres composantes.
Le sens de notre intervention était davantage de favoriser une véritable concurrence. Les consommateurs ne peuvent pas actuellement exercer le libre choix qu'ils pourraient avoir, ce qui forcerait peut-être les institutions financières à bouger vers une réduction des taux.
C'est pour cela que je parlais plus tôt d'uniformiser la méthode de calcul pour que ce soit clair et limpide, pour que les consommateurs puissent s'y retrouver. La méthode de calcul serait la même et je pourrais dire: Cette carte me coûte tel taux d'intérêt et l'autre, tel taux. Il s'agirait de voir quelle est la situation pour que les consommateurs puissent la vérifier plus facilement.
Deuxièmement, on devrait mettre en marche de véritables mécanismes qui permettraient aux consommateurs d'être informés, de savoir comment cela fonctionne et non pas uniquement ce à quoi ils ont accès actuellement, qui provient directement des institutions financières et qui est très limité ou qui provient d'Industrie Canada, dont on sait que les moyens sont limités au niveau de l'information.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Je cède maintenant la parole à M. Murray.
M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.
Mes questions s'adresseront d'abord à Mme Todd, une habituée de ce genre d'audiences.
Comme l'Association des consommateurs du Canada est engagée depuis si longtemps dans ce dossier, je suppose que les émetteurs de cartes de crédit en auraient pris note et verraient l'organisme soit comme une menace éventuelle, soit comme un allié. Voici ma question. Arrive-t-il qu'ils communiquent avec vous? Communiquent-ils périodiquement avec les membres de votre association pour discuter des frais de crédit?
Mme Todd: Certains le font, d'autres pas. Je ne la nommerai pas, mais je connais une banque particulièrement progressiste en ce sens qu'elle a essayé de simplifier l'information et de la rendre plus limpide. Elle avait fait appel à nos conseils.
De concert avec l'Association des banquiers canadiens, nous participons à un programme visant à sensibiliser le personnel des succursales au fait que beaucoup de leurs clients ont de la difficulté à lire et à compter. Nous avons produit des films vidéo et une liste de points dont les succursales peuvent se servir pour faire en sorte que leurs employés s'adaptent à cette clientèle.
Nous collaborons donc effectivement avec l'industrie. Certains membres sont plus éclairés et réceptifs que d'autres.
Il existe, je le répète, un très grand écart entre le consommateur averti et celui qui ne l'est pas. Les 50 ou 55 p. 100 de consommateurs qui savent tirer avantage du système sont qualifiés par l'industrie bancaire de mauvais payeurs parce qu'ils ne payent pas d'intérêt, mais qu'ils profitent des avantages. Ils utilisent vraiment le système à leur profit. Les 45 ou 50 p. 100 de consommateurs qui restent sont ceux qui nous préoccupent. Comme je l'ai dit dans mon exposé, beaucoup d'entre eux ont de la difficulté à lire et à compter.
Comme l'a déclaré le monsieur à ma gauche, il est difficile pour le consommateur non averti de calculer les quatre ou cinq facteurs différents. Le consommateur averti, lui, n'a pas à le faire parce qu'il sait qu'il peut payer le solde et qu'il le fera. C'est donc le consommateur pauvre, le consommateur non averti, celui qui a de la difficulté à lire, qui est la victime de toutes ces machinations. C'est pourquoi nous réclamons constamment, entre autres, une réforme du système qui faciliterait la vie à ces consommateurs. Tous ici l'ont dit, je crois.
J'espère avoir répondu à votre question.
M. Murray: Oui.
Qu'en est-il des détaillants et des pétrolières?
Mme Todd: La méthode est commune à tous les émetteurs, à toutes ces entreprises qui refusent de vous fournir les faits de leur plein gré.
M. Murray: Je vous demande plutôt si vous leur avez parlé. Chercherez-vous à les rencontrer ou seront-ce eux qui viendront à vous?
Mme Todd: Nous avons rencontré des porte-parole du Conseil canadien du commerce de détail, par exemple.
M. Murray: J'aimerais en apprendre davantage au sujet de cette question d'information. Je suppose que vous êtes au courant de la plupart des brochures, des formulaires de demande et de je ne sais quoi encore que les banques et autres émetteurs de cartes de crédit envoient, pour voir comment...
Mme Todd: Nous sommes un organisme bénévole qui a à sa disposition environ 300 personnes s'occupant de questions d'envergure nationale. Si ces personnes trouvent quelque chose, elles nous l'envoient, puis nous essayons de régler le problème. Cependant, encore une fois, il est très difficile de s'attaquer à ce genre de problème de cette façon.
Nous avons produit à l'intention des consommateurs des fiches d'information que nous avons fait parvenir aux journaux afin de renseigner sur la meilleure façon, selon nous, de conclure de bons marchés. Néanmoins, la moitié environ de la population a des difficultés, et il nous faut de l'aide pour lui faire parvenir notre message. Même quand on est bien informé, il demeure très difficile de tirer avantage du système si l'on s'en sert pour acheter à crédit. Encore une fois, le monsieur à ma gauche a expliqué qu'il faut tenir compte d'au moins quatre ou cinq facteurs. Il nous serait difficile de le faire.
M. Murray: En réalité, j'aimerais interroger M. O'Narey au sujet de sa proposition de créer un fonds spécial destiné à informer le consommateur. Cette information a aussi un prix. Vous avez proposé, si j'ai bien compris, que le fond réagisse au surendettement des consommateurs. J'aimerais des éclaircissements à ce sujet.
Comment proposeriez-vous de financer pareil fond? Seriez-vous ouvert à l'idée d'exiger des frais nominaux des détenteurs des cartes de crédit pour financer le fond?
[Français]
M. O'Narey: On n'a pas encore réfléchi sur la façon dont ces fonds pourraient être amassés. Dans le fond, nous disons que les institutions financières et les magasins qui émettent des cartes de crédit ont une certaine responsabilité vis-à-vis de l'éducation des consommateurs face à leurs produits et aussi une responsabilité face à l'éducation des consommateurs au niveau des conséquences de l'utilisation de leurs produits. C'est pourquoi, selon nous, la principale partie des fonds devrait provenir des institutions financières. Par contre, je ne pourrais vous dire de quelle manière ces fonds-là pourraient être amassés. Notre idée n'allait pas encore aussi loin.
[Traduction]
M. Murray: D'autres témoins ont-ils quelque chose à ajouter à ce sujet?
[Français]
Mme Plamondon: Cela devrait être pris à même leurs profits, car ils en ont suffisamment.
[Traduction]
M. Murray: Quoiqu'il en soit, en bout de ligne, c'est le consommateur qui paie.
Le président: Puis-je vous interrompre monsieur Murray? Pour ce qui est d'améliorer l'information, pour l'instant l'initiative est laissée aux différents établissements financiers. Selon eux, et je refuse de porter jugement... ils disent qu'ils essayent d'aider le consommateur à se renseigner.
Toutefois, voici ce qui nous intrigue. Si les gouvernements ont à jouer un rôle plus dynamique, vos propositions renferment- elles des recommandations précises qu'il nous faudrait examiner très attentivement en vue d'aider à améliorer l'information communiquée dans les salles de classe, pour faire en sorte que les jeunes soient bien informés au sujet du crédit avant de commencer à l'utiliser? Nous avons des questions au sujet de la distribution nationale de ces documents.
Il est encore trop tôt, dans le cadre de ces audiences, pour dire si nous sommes heureux ou mécontents. Nous avons seulement des questions et, puisque vous êtes ici pour représenter les consommateurs, nous aimerions bien comprendre votre point de vue.
Madame Todd, avez-vous un commentaire à ce sujet?
Mme Todd: Je vous soumets encore une fois simplement une idée qui m'est venue à l'esprit. Nous essayons de montrer à nos enfants comment utiliser l'ordinateur. Nous pourrions donc intégrer ce genre d'information à cet enseignement. Nous pourrions rendre cela amusant et commencer très tôt à leur donner des renseignements pratiques pour bien les préparer à la vie.
[Français]
Le président: Monsieur Paquin.
M. Paquin: Ce matin, j'ai reçu la revue Accès de l'Association des banquiers du Canada. À l'intérieur de la revue, il y a un petit jeu pour les enfants. C'est recommandé pour les élèves du niveau débutant. Ce petit jeu s'appelle «La carte à puce». On parle dans ce bulletin du nouveau concept des paiements directs avec des cartes à puce. On n'a plus besoin d'argent. On donne aux enfants un petit jeu à faire. On leur dit comment il va être facile, avec une carte à puce, d'aller au restaurant et de s'acheter des jouets dans un magasin. C'est le genre d'éducation que font les banques actuellement. J'en ai des copies si vous en voulez. C'est cela, le genre d'éducation qu'elles font. On fait croire aux enfants que l'argent va tomber du ciel, qu'ils vont avoir une belle carte à puce. On demande même aux enfants de leur proposer une carte à puce au moyen d'un dessin. Si c'est le genre d'éducation qu'on veut faire, eh bien, je ne fais pas du tout confiance aux institutions bancaires pour informer et éduquer la population.
Ce sont des associations de consommateurs comme nous, des associations qui travaillent avec le vrai monde qui font l'éducation en donnant des cours sur le budget et en faisant des consultations budgétaires. Il nous faut plus d'argent pour desservir le plus de monde possible.
À l'heure actuelle, dans l'Outaouais, on est deux permanents pour couvrir un territoire immense, une population de 300 000 habitants. Il y a un besoin d'éducation si on veut avoir une vraie formule pour former de vrais consommateurs qui soient capables de compétitionner avec des institutions qui sont riches à milliards et qui font de telles publicités.
Hier, à l'émission La facture, on analysait une publicité sur les REER qui n'était pas frauduleuse, mais quasiment. On disait que quelqu'un pouvait amasser un fonds de retraite de quelques centaines de milliers de dollars, mais on oubliait un paquet de renseignements. La personne devait investir - je ne me souviens plus vraiment des chiffres - 300 $ par mois, mais ce n'est pas ce qu'on disait.
[Traduction]
Le président: Monsieur Paquin, si vous pouvez nous laisser la revue, nous vous en saurions gré. Veuillez la remettre au greffier, si possible. Voilà qui est parfait.
C'est maintenant au tour de M. Ianno de poser des questions. Un des témoins vient d'arriver. Nous le laisserons faire son exposé, puis nous reviendrons aux questions de M. de Savoye.
Monsieur Ianno.
M. Ianno (Trinity - Spadina): Merci, monsieur le président.
Je trouve votre information fort utile.
En ce qui concerne Industrie Canada, qui est responsable du portefeuille de la consommation, à quel point ce ministère aide-t-il vos associations à informer les consommateurs de manière à les protéger contre les taux d'intérêt élevés, etc.?
[Français]
Mme Plamondon: Depuis qu'il n'y a plus de ministère de la Consommation et des Corporations, depuis qu'on a amputé les services aux consommateurs, le petit groupe d'Industrie Canada, au Bureau de la consommation, fait un très bon travail.
À ce bureau, on peut facilement obtenir de l'information et, depuis que le site Internet est disponible, tous ceux qui ont un ordinateur et qui sont branchés sur Internet peuvent facilement avoir accès à des milliers de documents.
Cela dit, tant que le gouvernement du Canada ne reconnaîtra pas l'importance de la consommation et ne nommera pas un ministre de la consommation, comme il y en avait un autrefois, on fera jouer un rôle mineur au Bureau de la consommation. Quand le ministre de l'Industrie se présente au caucus, il s'y présente à titre de ministre de l'Industrie. Il a beau avoir une oreille attentive au Bureau de la consommation, il reste qu'il est le ministre de l'Industrie. C'est dans les actions qu'on va voir si cela donne des résultats. Il faut que les banques soient mises au pas. Sinon, j'en déduirai qu'il n'est que le ministre de l'Industrie tout court.
[Traduction]
M. Ianno: Je vous remercie.
J'aimerais aussi savoir si vous avez un plan pour encourager les consommateurs à obtenir un prêt personnel pour rembourser le solde impayé de leurs cartes de crédit, compte tenu de l'intérêt sur les prêts personnels qui est probablement de 8 à 9 p. 100, contre un taux de 18 p. 100 à peu près pour les cartes de crédit.
Mme Todd: C'est l'une des choses que nous recommandons. Toutefois, ceux qui ont le plus besoin de ces prêts sont ceux qui y sont probablement les moins admissibles. Je crois qu'un autre que moi l'a déjà dit.
M. Ianno: Avez-vous des exemples? Hier, j'ai essayé de faire dire aux banques si elles avaient un plan. Par exemple, l'étudiant gagnant un revenu de 1 200 $ peut facilement obtenir, sans qu'on lui pose de questions, des cartes de crédit dont la limite est de 500 $ à peu près. Par contre, le travailleur gagnant - c'est seulement un cas hypothétique - 20 000 $ par année qui demande un prêt personnel de 2 000 $ ne l'obtiendra probablement pas s'il est incapable de donner un bien en garantie. Pourtant, sa carte de crédit l'autorise à dépenser 2 000 $ à un taux de 16 à 18 p. 100.
Je me demande si les associations de consommateurs, de concert avec Industrie Canada, tentent d'informer les Canadiens - avec, espérons-le, notre aide - de certaines stratégies dont ils pourraient se servir pour réduire les risques qu'ils prennent ou leur fort niveau d'endettement assorti de taux d'intérêt élevés.
Mme Todd: Vous avez très exactement décrit la situation à laquelle font face bien des gens. Ils n'arrivent tout simplement pas à les obtenir, et donc...
M. Ianno: Pouvez-vous nous donner des exemples, sans fournir les noms, de ce qui arrive à ces gens lorsqu'ils se présentent à la banque et demandent un prêt? Quel est le taux de rejet? Pouvez-vous nous fournir de tels renseignements?
Mme Todd: Je ne puis vous fournir ce genre de données.
M. Ianno: Existe-t-il un moyen de demander à vos membres s'ils recueillent ce genre d'information?
Mme Todd: D'après moi, vous buterez contre le mur de la protection des renseignements personnels. Cependant, un autre que moi peut peut-être vous le dire.
M. Ianno: Cependant, si les noms ne sont pas fournis...
Mme Todd: Je comprends, mais j'estime que même la collecte de ce genre de renseignements serait difficile.
[Français]
Le président: Avez-vous d'autres commentaires? Monsieur Paquin.
M. Paquin: Comme je le disais dans l'introduction, il devrait y avoir un contrôle des gens qui ont ce genre de problèmes. Ils sont tellement endettés que lorsqu'ils demandent un prêt personnel, peut-être pour faire une consolidation pour rembourser ces prêts de cartes de crédit à hauts taux d'intérêt, les institutions le leur refusent tout simplement. Donc, elles n'aident pas les gens qui ont des problèmes d'endettement avec des taux d'intérêt élevés à rembourser un peu moins d'argent par mois, à étaler leur solde, etc. Elles n'aident pas les gens. Elles refusent des prêts de consolidation, des prêts personnels, des prêts à court terme.
On a des statistiques là-dessus. Je suis sûr que toutes les associations de consommateurs du Québec pourraient vous fournir des statistiques à la tonne là-dessus. Si on avait les moyens de les analyser, on aurait pu arriver avec des dossiers beaucoup plus étoffés. Mais il nous faut aider les gens en premier. Donc, on n'a pas la capacité de faire des enquêtes et de dresser des dossiers à chaque mois sur les clients qui viennent nous visiter.
Mme Plamondon: Je pourrais vous donner l'exemple d'une consultation budgétaire récente. La personne était persuadée, en entrant au bureau avec plus de 25 000 $ de dettes, et il n'y avait pas d'hypothèque là-dessus, que son dossier de crédit était coté R-1 parce qu'elle remboursait le montant minimum exigé sur toutes ses cartes. Elle payait le montant minimum avec une autre carte de crédit. Elle avait une marge de crédit qui était associée à sa carte de débit. Elle avait aussi un prêt personnel. Donc, selon elle, elle n'avait pas besoin de faire faillite. Elle disait: «Mon dossier est bon, car on m'offre d'augmenter mon plafond sur mes cartes de crédit.»
Lorsque vient le temps de trouver des solutions pour consolider ses dettes, la personne rencontre le directeur de la banque, mais ce dernier ne veut pas lui accorder un prêt de consolidation. Cependant, en ce qui a trait aux cartes de crédit, elle peut obtenir un montant plus élevé. D'ailleurs, c'est l'une des rares formes de crédit où vous ne rencontrez jamais votre banquier, ni au téléphone ni autrement. Vous remplissez un formulaire. Même sans vous le demander, on va vous offrir d'augmenter le plafond de votre carte de crédit.
Comment peut-on s'étonner que le consommateur dise qu'il a un bon dossier de crédit quand on lui offre encore plus de crédit? Cependant, s'il veut consolider tout cela, à un moment donné, on va lui dire: «Écoute, tu as de la difficulté à arriver. Regarde ta capacité de remboursement.» Pourtant, la capacité de remboursement des cartes n'est pas assez examinée.
[Traduction]
Le président: Merci.
M. Ianno: Si je puis seulement ajouter...
Le président: Un dernier commentaire.
M. Ianno: Pour ma part, je m'efforcerai au sein du comité d'obtenir les rapports trimestriels des banques et des commerces de détail. Ainsi, nous arriverons peut-être à trouver un moyen de régler ce problème pour que les Canadiens ne soient pas toujours désavantagés dans ces circonstances. Le profit me semble être le véritable moteur qui incite les banques à consentir du crédit facile parfois à l'origine des faillites.
[Français]
Le président: Un très court commentaire, s'il vous plaît.
Mme Plamondon: Si vous allez emprunter 300 $ au cours de la matinée et que vous retournez emprunter une autre somme de 300 $ un peu plus tard au cours de la journée, personne ne va vous les prêter dans une banque. Cependant, si vous vous endettez pour une somme de 1 200 $ avec votre carte de crédit au cours de la même journée, cela va passer comme du beurre dans la poêle. Ce sont deux approches différentes.
Pour obtenir un prêt personnel, vous devez rencontrer le banquier. Pour une carte de crédit, vous ne rencontrez personne. Vous ne remplissez qu'un formulaire, et cela à distance. De plus en plus, on va faire notre banking à distance. Donc, on aura encore plus de faillites et de cas de surendettement.
M. O'Narey: Il est difficile pour les consommateurs qui se retrouvent avec des problèmes de cartes de crédit d'obtenir une transformation de ce type de dette en un prêt personnel dans une institution financière. Les Canadiens possèdent en moyenne 2,6 cartes de crédit par personne. De façon générale, les gens qu'on rencontre ont plus d'une carte de crédit. Ils en ont deux, trois, quatre ou plus, et ont d'autres types de dettes.
Lorsqu'il s'agit de consolider ces dettes pour ramener le paiement à un taux raisonnable, particulièrement au niveau de l'intérêt, aucun des créanciers qui ont risqué un petit montant n'est prêt à en risquer davantage, connaissant le risque que présente l'individu. Donc, on crée un problème que, par la suite, personne ne veut résoudre.
Bien souvent, des consommateurs qui viennent nous voir se retrouvent dans une situation où même l'émetteur de leur carte de crédit leur dit qu'ils devraient faire faillite. Ils aiment mieux perdre 2 000 $ que risquer un autre montant supplémentaire en tentant de consolider leurs dettes.
Donc, on libéralise la distribution des cartes, mais aussitôt qu'il y a un problème, chacun se protège le mieux qu'il le peut. Ce n'est pas l'intérêt des consommateurs qui est visé, mais la protection de l'institution.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Duff Conacher, de Démocratie en surveillance, vient de se joindre à nous. M. Conacher nous a transmis un long mémoire détaillé que vous avez devant vous. Il a accepté de nous faire un exposé oral d'environ 10 minutes et je l'ai assuré que les attachés de recherche et nous-mêmes lirions l'ensemble de son mémoire.
Monsieur Conacher, je sais qu'il est difficile d'arriver au milieu de débats. Je vous remercie de votre présence. Peut-être pouvez-vous commencer par présenter vos idées.
M. Duff Conacher (coordinateur, Démocratie en surveillance): Merci beaucoup de votre invitation. Veuillez excuser mon retard; je pensais en fait être en avance, car on m'avait dit que chaque témoin présenterait son exposé, ce qui voulait dire que je devais comparaître vers 17 h 15.
Je vais être bref, étant donné que vous avez tous mon mémoire devant vous, j'espère. Je vais simplement passer en revue les points saillants, ce qui ne devrait pas prendre plus de 10 minutes.
Tout d'abord, pour vous situer dans le contexte, Démocratie en surveillance ne voit pas les banques de la même façon que les banquiers. Les banquiers aiment dire que les banques sont des sociétés privées qui doivent donner la priorité aux intérêts des actionnaires.
Toutefois, les banques ne seraient pas aussi importantes ou aussi rentables qu'elles le sont si les Canadiens n'y déposaient pas leur argent et si les gouvernements canadiens ne leur accordaient pas les privilèges et les protections dont elles bénéficient depuis plusieurs années; on peut donc dire qu'elles ressemblent davantage à des entreprises de service public. Par conséquent, tout comme les entreprises de service public ont des droits pratiquement exclusifs en ce qui concerne la production et l'exploitation d'une ressource naturelle, les banques ont le privilège important de jouer le rôle principal dans la production et l'exploitation d'une ressource créée par l'homme, soit l'argent.
Autant les entreprises de service public que les banques ont la confiance du public en ce qui concerne la gestion de leurs ressources. Compte tenu de tout ceci et des privilèges et des protections dont jouissent les banques, nous pensons que leurs normes devraient être plus élevées dans de nombreux secteurs de leurs activités que celles d'autres sociétés. Par ailleurs, l'intérêt du consommateur ou du déposant devrait l'emporter sur les intérêts des banques dans toute politique relative au secteur financier envisagée par le gouvernement.
Malheureusement, l'attitude du gouvernement fédéral actuel à l'égard de la réglementation en général et du renforcement de la protection du consommateur en particulier, ne convient pas. Elle est inadéquate, parce que le gouvernement a produit conjointement avec l'Association des manufacturiers canadiens et Industrie Canada, un questionnaire-test de l'impact sur les entreprises qui est envoyé à toutes les entreprises chaque fois qu'une nouvelle réglementation ou une nouvelle loi visant ces entreprises sont proposées. La page couverture de l'un de ces questionnaires donne une idée très claire de l'utilité d'un tel test:
- Essentiellement, le questionnaire ci-joint vous permet d'influer sur le processus d'élaboration
des décisions du gouvernement en indiquant comment les mesures du gouvernement pourraient
aider les entreprises canadiennes ou les desservir.
Cela ne convient tout simplement pas, d'autant plus que les études effectuées, y compris celle d'Industrie Canada, sont arrivées à la conclusion que les codes d'autoréglementation et l'autodiscipline ne fonctionnent que dans des cas très précis et rares. Par conséquent, nous croyons qu'une application efficace doit toujours entraîner une application indépendante disposant de toutes les ressources nécessaires, un organisme d'application responsable devant le public, des mécanismes d'appel offerts aux consommateurs non satisfaits, des sanctions en cas de violation et l'appui du gouvernement. D'après nous, la question des taux d'intérêt des cartes de crédit et les autres questions liées aux services financiers auxquelles sont confrontés les consommateurs s'inscrivent dans ce contexte et nous pensons que toute mesure visant à résoudre le problème devrait être évaluée en fonction de ces cinq critères.
Pour ce qui est des taux d'intérêt des cartes de crédit en particulier, nous sommes en faveur d'une divulgation uniforme du coût du crédit et recommandons que chaque émetteur de cartes de crédit soit légalement tenu d'utiliser des tableaux standard pour la présentation du matériel publicitaire et des formulaires de demande. Vous trouverez à l'annexe A une copie de la «Schumer box» prévue par la Fair Credit and Charge Card Disclosure Act américaine de 1988. Il s'agit d'un formulaire standard de divulgation qui doit être présenté avant toute offre de crédit au consommateur.
Deuxièmement, nous pensons qu'il serait possible de résoudre partiellement le problème dont est saisi le comité en exigeant que tous les émetteurs de cartes de crédit divulguent dans leurs états financiers trimestriels le total des recettes de leurs opérations de cartes de crédit et le total du coût de ces opérations, ventilés en diverses catégories. Cela indiquerait la marge de profit globale des sociétés de cartes de crédit; leurs profits et la marge de profit de leurs opérations de cartes de crédit. Si la marge de profit paraît excessive, les pressions du public ne devraient pas tarder, selon nous, à faire radicalement baisser les taux d'intérêt des cartes de crédit.
Par ailleurs, dans le cadre de la divulgation, tous les émetteurs de cartes de crédit devraient être tenus de divulguer le montant total qu'ils versent aux vendeurs pour les dépenses portées au débit des cartes de crédit, ainsi que le montant total des frais d'administration versés par les vendeurs pour de telles transactions. En effet, les banques prétendent notamment que si leurs taux d'intérêt sont si élevés, c'est parce qu'une période de 21 jours sans intérêt est prévue et qu'elles doivent recouvrer le coût de cette période au moyen d'un taux d'intérêt plus élevé. Cependant, les vendeurs versent des frais d'administration aux émetteurs de cartes de crédit et ces frais couvrent les coûts de cette période de 21 jours. C'est la raison pour laquelle cette information doit être divulguée afin de déterminer leurs profits réels.
Le comité devrait également se pencher sur les rapports entre les cartes de crédit bancaires et la TPS. Les vendeurs versent des frais d'administration en fonction du coût total porté au débit de la carte, coût qui comprend la TPS. Par conséquent, les vendeurs versent une commission sur la TPS, même s'ils doivent supporter tous les coûts de perception de la TPS qu'ils doivent remettre au gouvernement.
En décembre 1995, dans le cadre de la CTV National News, ce total a été divulgué. Depuis 1991, les banques ont récolté 260 millions de dollars de ces commissions TPS. C'est complètement injustifié. Il s'agit d'une somme que les vendeurs, y compris de nombreuses petites entreprises, versent au profit des banques. Pour corriger ce problème, les banques devraient être tenues de rendre aux vendeurs le montant des frais d'administration des cartes de crédit imputables à la TPS.
On a beaucoup parlé de l'imposition d'un plafond pour les taux d'intérêt des cartes de crédit. Le problème, c'est de savoir à quel taux fixer ce plafond. Nous pensons que si l'on n'exige pas que les banques divulguent leurs recettes par rapport à leurs coûts, et par conséquent leur marge de profit, le gouvernement n'aura aucune idée du taux auquel fixer ce plafond, car il ne saura pas s'il le fixe trop bas, à un point tel qu'aucune société émettrice de cartes de crédit ne ferait de profits et que par conséquent aucune n'offrirait le service. Par conséquent, la divulgation de leur marge de profit est essentielle.
Toutefois, si elles refusent de divulguer cette information, nous pensons que le gouvernement devrait fixer un plafond en fonction de la meilleure information possible. Nous croyons également que si les sociétés émettrices de cartes de crédit refusent de divulguer cette information, les Canadiens et le gouvernement auront parfaitement raison de croire qu'elles cachent des profits excessifs et qu'elles exploitent les consommateurs et que, par conséquent, l'imposition d'un plafond est une réaction raisonnable.
La question de la disponibilité des cartes de crédit est également posée. D'après les représentants des banques qui sont venus témoigner hier, près de la moitié des demandes de carte à faible taux ou à taux élevé sont rejetées. D'après nous, de telles données devraient être divulguées pour déterminer réellement la disponibilité de tous les divers types de cartes de crédit et pour vérifier s'il est effectivement facile d'obtenir des cartes à faible intérêt. Ils ont également dit que seulement7 p. 100 de toutes les cartes de crédit au Canada sont des cartes à faible intérêt, ce qui semble indiquer qu'il n'est peut-être pas aussi facile de les obtenir que ne le prétendent les banques.
Enfin, nous pensons que le comité devrait examiner la question des rapports qui existent entre les avantages des cartes de crédit et les taux d'intérêt. D'après les banques, certaines cartes ont des taux d'intérêt plus élevés à cause des avantages qui sont offerts. Nous ne voyons pas pourquoi des avantages devraient être liés au taux d'intérêt d'une carte de crédit et aucun émetteur de carte de crédit n'a pu nous donner de raison à cet égard. Pourquoi faudrait-il payer un taux d'intérêt plus élevé pour bénéficier du programme Air Miles, par exemple? Nous croyons que si les banques et les autres sociétés rattachaient de tels avantages aux frais annuels de la carte, la situation serait beaucoup plus claire pour les consommateurs.
Dans la même veine, comme d'autres membres du comité l'ont dit, nous pensons qu'il faudrait exiger que les sociétés émettrices de cartes de crédit divulguent aux consommateurs, au moins une fois par an, le montant total qu'ils ont porté au débit de leur carte de crédit, et le montant et le taux réel des intérêts qu'ils ont versés sur ce total. Il est important de divulguer ces renseignements, car cela permet d'informer les consommateurs et de les aider à comprendre les coûts d'une carte de crédit.
Pour vous donner une idée des difficultés qui vous attendent, selon nous - je crois que vous le comprendrez - replacez-vous dans le contexte des séances des dernières années portant sur les statistiques de prêt aux entreprises.
Le président: Je dois malheureusement vous demander de résumer. Je présente mes excuses aux témoins, mais c'est là l'inconvénient de la Chambre des communes. Il y a un vote auquel tous les membres - les membres de notre côté, à tout le moins - doivent participer.
Monsieur de Savoye, je vais vous demander, ainsi qu'aux autres membres qui souhaitent parler, d'être précis. Il faudrait également que chacun des quatre membres puissent poser leurs questions d'ici les 20 prochaines minutes.
M. de Savoye: Pourrais-je au moins poser une question?
Le président: Oui.
M. de Savoye: D'accord, merci.
Le président: Monsieur Conacher, vous avez épuisé vos 10 minutes et nous sommes ici fort disciplinés. Vous pourrez donner votre point de vue au fur et à mesure que les membres vous poseront des questions.
[Français]
Monsieur de Savoye, vous êtes le premier.
M. de Savoye: Je vais être bref. Les cartes de crédit sont une jungle, et vous l'avez souligné. On a des points, des milles, des cadeaux; il y a des frais, il n'y a pas de frais, il y a des taux différents, des méthodes de calcul qui sont différentes. Bref, une chatte y perdrait ses chatons.
Cela dit, je ne suis pas très sûr moi-même quelle carte me conviendrait le mieux. Quand je vois, monsieur Paquin, toutes ces personnes pour qui vous avez dû faire des interventions au mois de janvier, la question que je me pose est la suivante: Ces gens-là agissent-ils de façon normalement irresponsable dans la vie ou sont-ils des gens responsables qui ont été pris dans un labyrinthe de cartes qui, finalement, les a perdus? Comparativement à l'année dernière, avez-vous autant ou davantage de cas?
M. Paquin: Depuis le début de l'année, il y a une recrudescence assez marquée de cas de personnes qui viennent nous consulter, qui ont besoin d'aide. Je ne pense pas que les gens qui viennent nous voir sont irresponsables. Ce sont des gens qui sont tombés dans le piège du crédit parce que le crédit est tellement accessible. Comme on le voit, il y a beaucoup de cartes de grands détaillants. On se rue littéralement sur le client pour lui donner cette carte. On lui offre, comme vous le disiez, des cadeaux ainsi que toutes sortes d'avantages.
Dès que le client est en possession de cette carte, s'il se présente un problème ponctuel, social, de chômage, de baisse de revenus, etc., il est tenté d'utiliser cette carte pour subvenir à des besoins immédiats. C'est cela, le piège du crédit. Ce n'est pas la solution. On accumule des montants exorbitants sur sa carte. Comme on peut le voir, c'est parfois des dizaines de milliers de dollars. Ce ne sont pas des acheteurs compulsifs. Ce sont des gens qui, malheureusement, ayant un accès facile au crédit, l'utilisent et tombent dans ce piège.
Ce n'est pas du tout la réponse aux problèmes sociaux qu'on vit, mais, malheureusement, les banques en profitent parce qu'elles sont toujours capables d'aller récupérer des montants. Ces gens-là ont payé pendant plusieurs mois beaucoup d'intérêt ainsi que leur solde pour pouvoir éliminer cette dette-là. Quand les gens viennent consulter une association comme la nôtre, c'est parce qu'ils veulent s'en sortir. Ils veulent des moyens et des outils pour s'en sortir.
[Traduction]
Le président: M. Conacher veut intervenir.
M. Conacher: Oui et cela se rapporte également à une question posée précédemment au sujet des solutions et de l'éducation du consommateur en général.
Nous pensons qu'il existe une solution fort simple. Le gouvernement devrait simplement exiger que les banques incluent dans leurs envois à leurs clients, dans la même enveloppe, un dépliant d'une page les invitant à adhérer à un groupe de défense des intérêts financiers du consommateur. L'envoi de ce dépliant ne coûterait rien au gouvernement et aux banques et tous les intéressés seraient informés. Il décrirait le groupe en question et inviterait les consommateurs à verser des frais d'adhésion annuels minimes. Ce groupe disposerait alors d'amples ressources pour atteindre les consommateurs, pour faire de la recherche et éduquer les consommateurs au sujet de ces questions et aussi défendre d'autres intérêts. Comme vous le savez peut-être, John Manley, ministre de l'Industrie, a publiquement appuyé la création d'un groupe de défense des intérêts financiers du consommateur selon cette méthode.
Le président: C'est une idée intéressante. Merci.
Monsieur Schmidt.
M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis désolé de ne pas être arrivé au début de la séance. J'ai toutefois une question à poser.
Quel est le problème? Est-ce la disponibilité du crédit? Les taux d'intérêts? Les frais supplémentaires ajoutés aux cartes de crédit? Quel est véritablement le problème?
Mme Todd: Tout ce que vous venez de citer.
M. Schmidt: Tout cela.
M. Conacher: Potentiellement. Nous n'avons pas suffisamment d'information au sujet de chacun de ces points pour connaître exactement la disponibilité du crédit ou pour savoir si les taux d'intérêts sont justifiés.
M. Schmidt: J'aimerais poser deux questions rapides. Tout d'abord, est-ce que la protection du public contre les abus, comme vous le dites, ou les difficultés, que représentent les cartes de crédit, devraient revenir essentiellement au consommateur ou au gouvernement?
Mme Todd: La protection du consommateur n'est pas assurée et je crois que le gouvernement doit apporter une forme d'aide. L'Association des consommateurs présente des recommandations très concrètes à ce sujet depuis maintenant 11 ans. Il est évident que l'industrie n'y prête pas attention. Je crois que le gouvernement doit aider.
M. Schmidt: C'est une réponse partielle. Pouvez-vous me dire si le consommateur a une responsabilité à cet égard?
M. Conacher: Oui, mais le gouvernement...
M. Schmidt: Je ne vous demande pas de répondre: «oui, mais». Oui ou non?
M. Conacher: Oui. Mais le gouvernement a simplement conseillé de magasiner, ce qui est très difficile. Tout ce que nous disons, c'est qu'il suffit de créer un organisme du consommateur qui ne coûtera rien au gouvernement ou aux banques et qui permettra aux consommateurs de s'aider eux-mêmes.
Mme Todd: Mieux encore, appuyer les groupes qui essayent depuis cinquante ans de le faire. Les groupes existent déjà; nous n'avons tout simplement pas de mécanisme de financement.
[Français]
Mme Plamondon: Vous n'étiez pas ici quand j'ai parlé de la responsabilité que les émetteurs de cartes de crédit devraient avoir. Les émetteurs de cartes de crédit, lorsqu'ils jugent un portefeuille de cartes de crédit, prévoient d'avance qu'il y aura une délinquance pouvant aller jusqu'à 4 p. 100. Ils font des profits en basant tous leurs portefeuilles de cartes de crédit là-dessus. Il y a des millions de cartes de crédit. Vous avez vu les chiffres. Cela veut dire que plusieurs consommateurs sont surendettés et font faillite.
Parmi les causes de l'insolvabilité, les dettes à la consommation excessive sont de l'ordre de 24 p. 100 des cas et les emprunts excessifs, de 8 p. 100 des cas. Cela fait 32 p. 100. Si vous allez sur Strategis, le site du gouvernement, on vous dira que les taux de chômage sont élevés - on vous dit que l'insolvabilité y est attribuable dans 30,4 p. 100 des cas - et qu'il y a une incidence accrue du chômage à long terme. Les cas de chômage de plus d'un an sont passés de 6 p. 100 du chômage total en 1990 à 15 p. 100 en 1994. C'est une augmentation du roulement de l'emploi et des périodes sans revenus.
Vous nous demandez si le consommateur est responsable. Au moment où il a pris sa carte de crédit, il avait l'intention de payer. Il avait même l'intention de payer aussitôt que le compte allait arriver. Mais, quand il tombe en chômage, il passe une période de cinq, six ou même huit semaines avant de recevoir ses prestations de chômage. À ce moment-là, la carte de crédit devient une source de revenus temporaires et d'endettement. Comme le montant des prestations de chômage est pas mal moins élevé que celui des revenus, le surendettement commence. Il essaie de boucher un trou d'une carte avec l'autre carte ou avec la marge de crédit, et le surendettement survient. Vous devriez aller sur le site Strategis du gouvernement. C'est très rare...
[Traduction]
M. Schmidt: Il ne s'agit pas pour moi d'aller vérifier. Je connais parfaitement bien cette histoire. J'ai conseillé de nombreuses personnes dans ce domaine. Je sais exactement ce dont vous parlez. La question toutefois est de savoir s'il faut que ce soit une initiative coopérative. Je crois qu'il faut admettre qu'il n'est pas obligatoire d'avoir du crédit. Parfois, dans les cas extrêmes que vous mentionnez, il le faut peut-être. Le fait est que vous n'êtes pas nécessairement tenu d'augmenter le plafond du crédit.
[Français]
Mme Plamondon: On vous le propose à coups de grandes pages. On vous sollicite par la poste et, même quand vous ne demandez pas une augmentation de votre plafond, on vous en propose une.
[Traduction]
M. Schmidt: Vous pouvez toujours refuser.
Le président: J'aimerais que M. Shepherd puisse poser une ou deux questions et ensuite, si possible, M. Lastewka.
M. Shepherd (Durham): Merci.
Ma question s'adresse à Mme Todd et ensuite à Mme Plamondon. C'est une question de choix rationnel. Les banques prétendent qu'il s'agit d'une économie de marché libre et que les gens devraient avoir le droit de faire des choix rationnels.
Il me semble que toute cette stratégie de commercialisation comporte deux caractéristiques qui rendent très difficile, voire impossible, de faire des choix rationnels. Premièrement, les gens n'ont probablement pas les compétences voulues. Vous avez parlé de la capacité de calculer et de l'alphabétisme. Les gens ne disposent pas non plus de l'information nécessaire, même s'ils ont ces compétences. En fait, même la vice-présidente des cartes de crédit de la Banque royale a dit l'autre jour qu'elle ne paye pas son solde. Je ne peux donc pas vraiment comprendre pourquoi nous pensons qu'il est si exceptionnel que 45 p. 100 des gens ne payent pas leur solde.
Toute cette question nous ramène à celle de l'accès et de ceux qui ont accès au marché du crédit. Nous vendons du crédit grâce à toutes sortes de stratagèmes. Il y a même des consommateurs qui se font berner par de tels subterfuges - le paiement initial d'une voiture, etc. Les gens ne cessent de dire qu'ils pensaient avoir gagner du crédit qui finalement leur a été refusé, uniquement parce qu'ils n'avaient pas lu toutes les clauses du contrat. Une femme a déclaré qu'elle pensait économiser, alors qu'en fait qu'elle devait acheter une nouvelle voiture. Un homme a indiqué que comme il était en retard de deux jours, il avait perdu tous ses points. Même la façon dont nous commercialisons...
Même si nous faisons tout ce que vous proposez et demandons toutes ces divulgations, les institutions financières continueront à profiter du système, car bien des gens n'ont pas les compétences voulues pour faire ces choix.
Mme Todd: Exactement. Nous ne nous inquiétons pas au sujet de cette vice-présidente dont vous avez parlé, mais plutôt au sujet du consommateur ordinaire qui veut gagner des points pour une voiture et qui a la bonne carte de crédit. Il va faire faillite avant d'avoir suffisamment de points pour avoir accès à cette voiture.
Vous avez parlé des marchés libres. L'industrie bancaire du Canada est la plus concentrée au monde. Les banques parlent de concurrence, mais il y a moins de concurrence au Canada que dans n'importe quel autre pays comparable. Nous avons besoin de concurrence étrangère pour réorganiser les choses. Nous avons besoin de banques et d'institutions parabancaires. Comme je le disais plus tôt, c'est ce que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a recommandé et nous espérons que le groupe de travail Baillie examinera ces recommandations sérieusement.
Le président: Une autre question rapide.
M. Shepherd: Il a été dit aux représentants de l'industrie qu'il s'agissait simplement d'une question d'offre et de demande. Quand les taux d'intérêt montent, on pourrait s'attendre à ce que la demande de crédit diminue. Ce n'est pas le cas. La question qui se pose de nouveau est de savoir s'il faudrait imposer une limite d'accès au crédit. En d'autres termes, devrions-nous commencer par rehausser les normes pour en fait limiter l'accès au système? Nous avons le cas d'un étudiant qui a un prêt de 500 $ et dont le revenu s'élève à 1 200 $. Devrait-il avoir accès au crédit?
Mme Todd: Je crois que la multiplicité des cartes est le problème. Pour certains consommateurs à faible revenu, c'est la seule forme de crédit dont ils disposent. Je ne voudrais donc pas les empêcher d'avoir accès à cette industrie. Il y a sûrement une meilleure façon de procéder.
Le président: Merci.
M. Lastewka peut poser sa question et nous passerons ensuite aux derniers commentaires.
Nous disposons de cinq minutes environ.
M. Lastewka (St. Catharines): J'avais des questions à poser à chacun des témoins, mais je vais me limiter.
J'entends les deux points de vue. D'une part, on dit très clairement qu'il faut limiter les cartes à cause de l'incapacité à les payer... etc. D'autre part, Mme Plamondon a dit que les gens ont en moyenne 2,9 cartes. On sert d'une carte pour payer l'autre, etc. Puis certains disent que non, ils ne veulent pas limiter l'accès au crédit.
Est-ce la disponibilité des cartes qui fait problème ou non? J'ai entendu les deux côtés, les deux histoires. Certains disent oui, d'autres non.
[Français]
Mme Plamondon: L'accès aux cartes de crédit, ce n'est pas en soi mauvais. Ce qui n'est pas bon, c'est quand on paie le montant minimum pendant un certain temps et qu'on prend d'autres cartes de crédit. Si vous avez trois cartes de crédit et que vous payez les montant requis sur réception ou avant la date d'échéance, vous n'avez pas de problème. Si vous avez seulement une carte et que, pendant six mois, vous ne remboursez que le montant minimum, à ce moment-là, vous n'êtes vraiment pas d'affaires.
J'espère que le vice-président de la banque, qui ne paie pas sa carte et qui ne prend pas la meilleure forme de crédit, ne fait pas la même chose avec les fonds de la banque, parce qu'il serait congédié. Le gouvernement du Canada, s'il empruntait à des taux semblables à ceux des cartes de crédit, ne ferait pas un bon travail non plus.
[Traduction]
M. Lastewka: Tenons-nous en à la question.
[Français]
Mme Plamondon: Cela veut dire que l'accès en soi est bon, en autant que ce n'est pas un accès illimité et qu'on ne donne pas le montant minimum. Il devrait y avoir une alerte, un arrêt de l'augmentation du plafond de crédit quand cela fait six mois qu'une personne ne rembourse que le montant minimum sur sa carte. C'est un des points d'alerte quand on fait de la consultation budgétaire. Quand cela fait six mois que tu ne rembourses que le montant minimum, tu as un problème.
[Traduction]
M. Lastewka: M. O'Narey a parlé de l'incapacité de passer d'une carte à une autre et je n'ai pas bien compris ce qu'il voulait dire. Peut-être pourrait-il me répondre brièvement.
[Français]
M. O'Narey: La concurrence ne joue pas beaucoup pour un consommateur qui utilise, par exemple, une carte d'une institution financière particulière et qui constate qu'une autre institution financière offre des taux plus avantageux. Ce n'est pas toujours facile, en l'espace de peu de temps, de changer d'institution financière. Il faut faire des démarches, faire une demande, attendre la réponse, s'habituer au nouveau système de l'autre institution financière et, très souvent, on se rend compte après un certain temps que l'autre institution offre quelque chose de plus intéressant et il faut changer encore. C'est simplement pour illustrer le fait que les consommateurs sont généralement une clientèle captive, particulièrement des grandes cartes de crédit universelles. Le jeu de la concurrence joue moins dans ce domaine-là.
Je voudrais ajouter un commentaire à la question qui avait été posée précédemment. Il n'y a pas seulement au niveau des cartes de crédit que les institutions financières vont souvent dépasser la capacité de rembourser de leurs clients.
Il y a quatre ans, dans la région de Montréal, on a visité quatre institutions financières à propos d'un dossier d'une famille, deux adultes et deux enfants en garderie, qui avait un déficit dans son budget. Il lui manquait 200 $ par mois pour faire face à toutes ses dépenses.
Les quatre institutions financières qu'on a visitées ont accordé un prêt personnel de 7 000 $ à cette famille-là. Quand on montrait finalement le dossier complet de la personne, l'agent de crédit disait qu'on avait bien raison, qu'ils n'avait pas tenu compte de telle ou telle chose, etc. Par exemple, on ne tient pas compte, dans bien des institutions financières, du fait que les gens paient des frais de garderie. Dans ce dossier, cela représentait 800 $ par mois. Très souvent, au bout du compte, on va dépasser la capacité de rembourser du client.
Le président: Est-ce un commentaire très bref?
[Traduction]
Il nous reste trois minutes et demie.
[Français]
Mme Plamondon: J'espère que l'exercice qu'on a fait aujourd'hui et les déplacements n'ont pas été inutiles et que vous aurez des résultats qui feront que nous ne devrez pas nous rappeler l'année prochaine.
M. Paquin: C'est la même chose pour nous.
[Traduction]
Le président: Je ne peux pas vous le garantir.
Monsieur Conacher.
M. Conacher: Il apparaît clairement à Démocratie en surveillance que le gouvernement peut faire bien des choses pour aider les consommateurs à cet égard et à bien d'autres mais, malheureusement, le gouvernement a, jusqu'à présent, largement abandonné la protection du consommateur et a indiqué qu'il fallait magasiner et se protéger soi-même. Il y a toutefois beaucoup de mesures qui peuvent être prises et nous espérons que le gouvernement s'engagera à en prendre certaines.
Le président: C'est la raison pour laquelle nous vous avons fait venir, pour voir plus précisément...
M. Conacher: Merci beaucoup.
Le président: C'est à moi de vous remercier.
[Français]
Merci beaucoup pour votre contribution.
[Traduction]
Elle a été fort utile. Nous aimons avoir ces tables rondes, car cela nous donne la possibilité de faire venir diverses personnes. Cela ne vous fait peut-être pas plaisir, mais nous sommes ainsi mis au courant de diverses positions et approches.
Merci beaucoup. Je suis désolé que le vote ait lieu, mais c'est la vie.
Le comité lève la séance jusqu'à demain 9 h 30, dans la même pièce; nous y entendrons d'autres témoins sur la même question.