[Enregistrement électronique]
Le mardi 4 mars 1997
[Traduction]
Le président: Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous reprenons l'examen de l'article 14 de la loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (chapitre 2, Lois du Canada 1993).
Je remercie tout d'abord les témoins de leur patience. En régime parlementaire, il faut toujours de la patience lorsque nous interrompons nos travaux pour aller voter. C'est ce qui est arrivé. Il est difficile de s'en tenir à l'emploi du temps si un vote est tenu. Encore une fois, veuillez accepter mes excuses ainsi que mes remerciements pour être resté parmi nous.
Nous entendrons ce soir M. Robert Elgie, président du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Je l'invite à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
Je précise que les membres du comité sont à proximité. Certains sont au fond de la salle et avalent une bouchée en vitesse et vont se joindre à nous à l'instant. Que leur absence ne vous laisse pas perplexes.
Nous n'allons pas nous presser pour entendre votre exposé, mais nous nous en tiendrons à une heure et demie. Si les membres du comité veulent vous entendre à nouveau, nous nous réservons le droit de vous inviter une autre fois, puisqu'un autre témoin sera entendu à 21 heures.
Sans plus attendre, je vais inviter M. Elgie à faire sa déclaration, après quoi les membres du comité lui poseront des questions.
M. Robert Elgie (président, Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés): Merci beaucoup. J'allais vous dire bonjour, mais je vous dirai plutôt bonsoir si cela ne vous dérange pas, monsieur le président.
Des voix: Oh, oh!
M. Elgie: M'accompagnent ce soir M. Réal Sureau, vice-président et M. Wayne Critchley, directeur exécutif du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.
Nous sommes particulièrement heureux d'avoir l'occasion, ici aujourd'hui, de vous exposer l'incidence de la réglementation fédérale sur le prix des médicaments brevetés. Vous avez devant vous le texte de notre exposé, la plus récente étude du conseil, intitulée L'incidence du règlement fédéral sur le prix des médicaments brevetés, et le rapport annuel de 1995.
Mon exposé vise essentiellement deux points: décrire les principales caractéristiques de la réglementation fédérale du prix des médicaments brevetés; et expliquer l'incidence de la réglementation des prix sur le système canadien des soins de santé.
L'année 1997 marque le 10e anniversaire du conseil. Celui-ci a été créé en vertu de modifications à la Loi sur les brevets, à titre d'organisme autonome quasi-judiciaire chargé de protéger les Canadiens en réglementant le prix des médicaments brevetés. Le conseil fait aussi rapport annuellement au Parlement sur les tendances des prix de tous les médicaments au Canada, dont les médicaments non brevetés, et sur le ratio entre le financement de l'activité R-D et les ventes des détenteurs de brevets pharmaceutiques.
Le conseil se compose de cinq membres à temps partiel nommés par le gouverneur en conseil pour une durée de cinq ans. Le conseil réglemente les prix des médicaments brevetés, lesquels représentent quelque 44 p. 100 de tous les médicaments vendus par les fabricants.
Les 56 p. 100 restants sont répartis entre les médicaments génériques, qui constituent 12 p. 100 des ventes de tous les produits pharmaceutiques, et les médicaments de marque non brevetés, qui totalisent 44 p. 100 des ventes de tous les médicaments.
Il vous arrivera à l'occasion d'entendre des chiffres un peu différents, parce que Santé Canada a rendu publiques aujourd'hui les données de 1995 et 1996. Les chiffres que je vous donne portent sur 1994 et 1995. Mais dans l'ensemble, il n'y a pas eu beaucoup de changements.
Ce que nous disons, c'est qu'à notre avis, la réglementation des prix est efficace. Il est important de noter que seuls les produits pharmaceutiques brevetés sont soumis à la réglementation des prix. Le conseil s'est acquitté de sa mission telle qu'elle a été établie par le Parlement en 1987 et révisée en 1993. Nous sommes convaincus que le système est efficace.
Le conseil contribue effectivement à faciliter l'accès des soins de santé à tous les Canadiens, en veillant à ce que les médicaments brevetés soient offerts à des prix équitables.
Je ne fais pas ces déclarations à la légère. L'étude de l'incidence, qui a été rendue publique la semaine dernière et dont vous avez un exemplaire entre les mains, indique que la réglementation des prix des médicaments en 1995 a fait économiser aux Canadiens un milliard de dollars environ. Cela signifie qu'en 1995 seulement, les Canadiens ont payé entre 24 p. 100 et 29 p. 100 de moins pour des médicaments brevetés qu'ils ne l'auraient fait s'il n'avait eu ni réglementation des prix, ni conseil.
Vous conviendrez sans doute avec moi qu'il s'agit là d'une réalisation remarquable pour un organisme qui ne coûte aux contribuables canadiens qu'un dixième de 1 p. 100 environ des ventes globales de tous les médicaments brevetés au pays.
Qu'est-ce qui est équitable? Avant de commenter davantage l'étude, j'aimerais apporter quelques précisions sur la mission du conseil et son fonctionnement. Il a pour fonction première de s'assurer que les médicaments brevetés vendus au Canada le sont à des prix raisonnables. Vous reconnaîtrez sans doute qu'il s'agit là d'une mission non négligeable.
Nous connaissons mieux les Canadiens aujourd'hui, comme l'indique le tout récent rapport du Forum national sur la santé, à savoir qu'ils attachent une importance capitale à leur système de soins de santé et ce, avec raison d'ailleurs, puisqu'il fait l'envie de nombreux autres pays.
Selon le rapport du forum, l'universalité des soins de santé et de l'accès aux médicaments nécessaires compte parmi les grandes priorités canadiennes. Mais assurer l'équité du système de soins de santé signifie, dans une large mesure, devoir protéger les consommateurs contre les prix excessifs des produits pharmaceutiques et des services médicaux dont ils ont besoin, médicaments compris.
Au cours de votre examen, les partis qui comparaîtront devant vous débattront sans doute de la nécessité de renforcer ou de réduire la protection des brevets. Vu l'importance des soins de santé et la vulnérabilité des consommateurs, il convient d'accroître la responsabilité des fabricants de médicaments brevetés. Pourquoi? Parce que nous reconnaissons que les médicaments sont différents des autres produits de consommation. La santé n'est pas une option.
La Loi sur les brevets ne définit pas ce qu'est un prix équitable, ni ce qu'est un prix excessif. Plutôt, elle intègre le principe d'équité dans une norme codifiée qui décourage la pratique de prix excessifs, que le conseil applique en se fondant sur les facteurs aussi prévus par la loi, notamment les variations de l'indice des prix à la consommation, les prix des autres médicaments qui servent à traiter les mêmes maladies et les prix des médicaments en vigueur dans les autres pays. Le conseil a transposé cette norme dans des lignes directrices précises, en consultation avec les principaux intervenants, c'est-à-dire les consommateurs, les ministres provinciaux de la santé, l'industrie pharmaceutique et les associations de services de santé. Voici ce que préconisent ces lignes directrices.
Premièrement, dans la majorité des cas, le prix de lancement d'un nouveau médicament ne doit pas excéder le prix des autres médicaments qui servent déjà à traiter la même maladie.
Deuxièmement, dans le cas des médicaments révolutionnaires et des médicaments qui présentent une amélioration importante par rapport aux médicaments existants, les prix ne doivent pas excéder la médiane des prix en vigueur dans les autres pays industrialisés.
Troisièmement, le prix des médicaments déjà sur le marché ne doit pas augmenter plus rapidement que l'indice des prix à la consommation.
Quatrièmement, comme mesure de protection supplémentaire, le prix d'un médicament vendu au Canada ne peut pas être le plus élevé parmi les prix en vigueur dans les autres pays.
Grâce à ces lignes directrices, le consommateur a été protégé contre les prix excessifs.
Pour bien saisir l'incidence de notre système de réglementation des prix, reportons-nous au milieu des années 80, avant la création du conseil. À cette époque, pour stimuler la concurrence dans l'industrie pharmaceutique et maintenir les prix des médicaments à des niveaux raisonnables, soit en offrant des solutions de remplacement moins coûteuses, le Canada imposait un régime de licences obligatoires. Or, elle ne garantissait pas systématiquement la protection du consommateur, puisqu'il n'existait pas toujours de médicaments de remplacement.
Les fabricants de médicaments originaux ou de marque étaient libres de décider du prix de lancement, puis de les majorer ensuite à volonté. Dans le cas des médicaments les plus vendus, mais non dans celui de tous les médicaments, des médicaments génériques, à prix inférieurs, apparaissaient sur le marché dans les années suivantes. Cela n'entraînait pas nécessairement une baisse du prix du médicament d'origine, mais permettait néanmoins au consommateur de se procurer un médicament de remplacement à meilleur prix.
Lorsque le Parlement a étudié, en 1987, les propositions visant à modifier l'octroi des licences obligatoires dans le but de renforcer la protection des médicaments brevetés, on a craint que cela n'entraîne une hausse des prix pour le consommateur. On a alors créé le conseil pour protéger les intérêts du consommateur, en s'assurant que les brevetés ne pourront abuser de leur protection supplémentaire en imposant des prix excessifs.
Le projet de loi C-91 a reconduit le mandat du conseil tout en lui conférant de plus grands droits de recours. Le but de ces modifications, tel qu'il a été énoncé dans une décision de la Cour d'appel fédérale, en 1996:
- «... visait à investir le conseil du pouvoir d'influencer l'établissement des prix des médicaments
brevetés, comme le faisait auparavant la concurrence suscitée par le régime des licences
obligatoires.»
Examinons les tendances de prix. L'effet montre très clairement que ces tendances ont subi un changement majeur, au Canada, en 1987. Avant cette date, les prix des médicaments augmentaient beaucoup plus rapidement que l'indice des prix à la consommation.
Cette situation s'est renversée en 1987 et, aujourd'hui, les prix des médicaments brevetés progressent nettement moins vite que l'IPC.
Avant 1987, les prix des médicaments augmentaient beaucoup plus vite au Canada qu'aux États-Unis. Cette tendance a aussi été renversée en 1987 et se maintient depuis.
La même tendance se dégage lorsque nous examinons la ventilation de l'écart entre la tendance des prix des médicaments brevetés et celle des médicaments non brevetés. Les prix augmentent plus lentement qu'en 1987 pour les deux groupes de médicaments, mais ceux du groupe non breveté croissent plus rapidement que ceux du groupe breveté.
Examinons maintenant l'incidence de la réglementation sur les prix de lancement. Dans le cas de la plupart des médicaments, le prix de lancement ne doit pas excéder les prix des autres médicaments qui existent déjà sur le marché canadien pour traiter la même maladie. Qu'en est-il des médicaments dits «découvertes» qui ne peuvent être comparés à aucun autre médicament vendu au Canada? Dans leur cas, le conseil examine, à la lumière des facteurs prévus dans la Loi sur les brevets, le prix de lancement du même médicament dans les autres pays et applique la ligne directrice qui veut que le prix retenu n'excède pas le prix médian du médicament dans les pays de comparaison.
Les prix canadiens n'ont pas toujours été avantageux par rapport aux prix étrangers. Comme le montrent l'étude sur l'incidence et le rapport annuel de l'an dernier, en 1987, les prix des médicaments brevetés au Canada étaient dans l'ensemble 23 p. 100 supérieurs aux prix médians internationaux. En 1987, nos prix étaient plus élevés que dans les autres pays, à l'exception des États-Unis.
Huit ans plus tard, la position du Canada s'est considérablement améliorée. Nos prix sont aujourd'hui inférieurs à ceux de l'Allemagne, de la Suisse et des États-Unis et correspondent plus ou moins à ceux de la Suède. Autrement dit, du deuxième pays le plus cher, nous sommes parvenus à nous classer aujourd'hui à peu près au milieu des sept pays industrialisés retenus aux fins de comparaison.
Soulignons ici que le Canada a été le seul pays à changer son classement entre 1987 et 1995, les autres pays conservant à peu près le même rang alors que le Canada se retrouve au milieu de la fourchette.
Les Canadiens ont donc pu apprécier des tendances de prix plus favorables, non pas en raison de l'élimination des licences obligatoires, mais en dépit de celles-ci. Aujourd'hui, le système de soins de santé canadien bénéficie de la combinaison unique d'éléments telle la réglementation des prix des médicaments brevetés exercés par le CEPMB et la concurrence exercée par l'industrie des médicaments génériques.
Il serait prétentieux de croire que ces résultats auraient pu être obtenus sans l'action d'un organe de réglementation vigoureux. Nous avons réussi à faire respecter nos lignes directrices grâce aux outils qui ont été mis à notre disposition. Au fil des années, notre action auprès des brevetés a fait adopter plus d'une centaine de mesures de rectification des prix. Ces mesures spécifiques à l'endroit des médicaments brevetés ont fait économiser aux Canadiens près de 30 millions de dollars en 1995 et 107 millions de dollars depuis 1990.
Le conseil a appliqué ses lignes directrices avec rigueur, responsabilité et affirmation. Depuis que le projet de loi C-91 lui a conféré de plus grands droits de recours, le conseil a obtenu des brevetés qu'il compense 100 p. 100 des revenus excessifs tirés de la vente de leurs médicaments, chaque fois que leurs prix ont été jugés non conformes aux lignes directrices.
Sauf dans un cas, nous avons toujours réussi à faire adopter les mesures correctrices qui s'imposaient sans tenir des audiences publiques longues et coûteuses. Ce cas d'exception s'est présenté l'an dernier, lorsque le conseil a jugé que ICN Canada Limitée avait majoré excessivement le prix de l'un de ses médicaments, le Virazole, utilisé pour traiter la pneumonie respiratoire chez les nouveau-nés et les nourrissons.
Fort des droits de recours que lui avait conféré le projet de loi C-91, le conseil a ordonné à la société ICN de baisser le prix du Virazole et de verser une somme compensatoire égale au double des revenus excessifs dont elle avait bénéficié en commercialisant le médicament visé à un prix excessif.
L'ordre émis par le conseil exigeait que ICN paie au gouvernement du Canada la somme de 1,2 million de dollars et ramène le prix du médicament visé à la moitié de ce qu'il était avant sa majoration, c'est-à-dire de 400 $ par traitement à 200 $ par traitement, jusqu'à l'an 2000. Le prix rajusté doit demeurer en vigueur jusqu'à ce que ICN ait versé la somme supplémentaire de 2,3 millions de dollars à titre compensatoire.
ICN s'est adressée à la Cour d'appel fédérale, soutenant que, puisque l'un des brevets reliés au Virazole avait expiré en 1993, le médicament ne relevait plus de la compétence du conseil. Après avoir considéré si certains autres brevets détenus par ICN se rattachaient ou non au Virazole, la Cour fédérale a rejeté l'appel.
La cour a déclaré qu'un lien, aussi ténu soit-il, entre le médicament visé et l'invention ou le produit pour lesquels les autres brevets avaient été octroyés, suffisait à maintenir la compétence du conseil. Le tribunal a précisé que:
- Exiger davantage fournirait l'occasion aux sociétés pharmaceutiques de se soustraire de la
compétence du conseil et limiterait la compétence du conseil de protéger les consommateurs
canadiens contre les prix excessifs.
Cette affaire a aussi révélé que la réglementation des prix des médicaments brevetés n'est pas une simple tâche. Certains fabricants ont usé de plusieurs astuces nouvelles afin d'échapper à la compétence du conseil. Celui-ci a relevé les défis ainsi posés, mais non pas toujours sans devoir livrer bataille. La conformité volontaire est rarement volontaire dans le sens réel du terme.
La réglementation des prix des médicaments en fonction du statut du brevet soulève nécessairement des questions juridictionnelles complexes et difficiles. Puisque la compétence du conseil est liée au statut du brevet, il existera toujours la possibilité qu'un breveté tente d'interpréter la loi en sa faveur. En conséquence, le conseil continuera de se consacrer à la résolution de tels défis.
Son expérience lui permet de croire que les tribunaux reconnaîtront sa compétence. Dans l'éventualité où des problèmes exigeraient des modifications législatives, nous avons confiance que le Parlement apporterait alors les correctifs nécessaires pour garantir la protection adéquate des consommateurs.
Je vais maintenant ajouter quelques mots sur l'étude d'impact. Nous avons démontré que la réglementation des prix est efficace. Tâchons maintenant de quantifier son incidence, laquelle dépasse largement l'économie de 107 millions de dollars que j'ai mentionnée plus tôt et qui découle directement des activités que nous avons menées en vue de garantir l'application et le respect de la loi.
L'étude de l'incidence de la réglementation des prix des médicaments durant la période visée s'appuie sur trois modèles qui ont permis d'évaluer les économies globales réalisées grâce à la majoration contrôlée des prix. Un quatrième modèle a servi à démontrer les économies attribuables au contrôle des prix de lancement.
Dans tous les cas, l'incidence bénéfique sur les prix s'est accrue d'année en année, et, pour 1995 seulement, les économies se situaient entre 800 millions et 1,1 milliard de dollars. Selon l'étude, la réglementation fédérale des prix des médicaments brevetés a permis au système de soins de santé canadien de réaliser des économies globales de 2,9 à 4,2 milliards de dollars entre 1988 et 1995.
Point n'est besoin d'expliquer ni d'interpréter la valeur de ces économies. Il importe cependant de souligner qu'elles ont été évaluées à partir de l'étude la plus exhaustive réalisée à ce jour sur le sujet. Ces économies représentent un avantage énorme pour les Canadiens - un avantage qu'ils doivent essentiellement à la réglementation des prix. En termes plus concrets pour chacun, disons qu'en 1995 le conseil a coûté 10c. à chaque Canadien, alors qu'il lui a permis d'économiser 30 $.
Je suis certes heureux d'avoir pu esquisser pour vous le bilan de la réglementation des prix au Canada aujourd'hui, mais je ne serais pas tout à fait franc si je vous laissais croire que je suis satisfait de la dépense que représentent les médicaments pour notre système de soins de santé. Les Canadiens déboursent toujours plus chaque année pour les médicaments. Les prix des médicaments brevetés ont diminué - en fait, ils sont maintenant inférieurs au seuil de référence - mais les dépenses effectuées pour l'ensemble des médicaments progressent beaucoup plus rapidement que celles des autres éléments du système de santé canadien.
Pour bien saisir pourquoi il en est ainsi, il faut déborder l'examen des prix, autrement dit le prix fixé par le fabricant à la sortie de l'usine. Notre analyse nous amène à la même conclusion: plusieurs facteurs autres que les prix contribuent à majorer les coûts des médicaments, notamment les ordonnances inappropriées et l'usage accru de médicaments.
En complément de la réglementation fédérale, les provinces ont pour leur part adopté des trains de mesures visant à juguler les dépenses de leurs régimes de soins de santé au titre des médicaments. Les provinces ont des choix difficiles à faire, mais la réglementation fédérale leur permet de choisir des médicaments brevetés à des prix moindres.
Les assureurs privés se sont aussi efforcés de limiter l'augmentation des coûts. Mais plusieurs questions demeurent: utilisons-nous les bons médicaments dans les bonnes circonstances et sans en abuser? Y a-t-il lieu de mieux tirer parti des lignes directrices sur la délivrance des ordonnances, comme on le fait au Royaume-Uni, où l'on a établi un centre national des ordonnances? Les consommateurs payent-ils le juste prix pour les médicaments de marque et les médicaments génériques?
Permettez-moi de conclure en résumant quatre énoncés du mémoire officiel du conseil au comité, que vous avez en votre possession.
Premièrement, nous croyons que les prix des médicaments brevetés sont sous contrôle. Avant la création du CEPMB, les prix des médicaments à la sortie de fabrique augmentaient à un taux nettement supérieur à celui de l'inflation, mais depuis sa création, les prix des médicaments brevetés ont augmenté la moitié moins rapidement que l'IPC. Aujourd'hui, les prix canadiens sont dans l'ensemble inférieurs aux prix internationaux médians, tandis qu'ils étaient auparavant au deuxième rang.
Deuxièmement, grâce à la réglementation des prix exercée par le CEPMB, l'élimination des licences obligatoires n'a pas entraîné une hausse excessive des prix des médicaments brevetés. Les économies globales du système de soins de santé canadien découlant de la réglementation fédérale des prix des médicaments brevetés se situent entre 2,9 milliards et 4,2 milliards de dollars pour une période de huit années. Les Canadiens ont déboursé pour les médicaments brevetés en 1995 de 24 à 29 p. 100 de moins qu'ils n'auraient déboursé sans une réglementation des prix.
Troisièmement, le conseil a protégé tous les consommateurs contre l'établissement de prix excessifs pour les médicaments brevetés. De 1990 à 1995, le CEPMB a suscité l'adoption formelle, par les brevetés, de plus d'une centaine de mesures de rectification des prix. Les économies ainsi réalisées par les consommateurs sont évaluées à 107 millions de dollars. Sauf dans un cas, aucune audience publique coûteuse et longue n'a été tenue.
Cette protection du consommateur n'a nullement nui au financement de la R-D. Les fonds consacrés à la R-D par les brevetés soumis à la réglementation du CEPMB sont passés de 6,1 p. 100 des ventes en 1988 à 11,8 p. 100 en 1995. Les prix des médicaments ont été ramenés à des niveaux comparables à ceux de nos partenaires commerciaux; l'action du CEPMB n'est pas un obstacle à l'investissement.
Merci beaucoup. Si vous avez des questions, j'y répondrai volontiers.
Le président: Je vous remercie pour cette vue d'ensemble, monsieur Elgie.
Je voudrais seulement rappeler aux membres du comité, puisque certains sont arrivés un peu en retard, que nous nous sommes fixé une échéance provisoire pour terminer cet exposé, c'est-à-dire 21 heures. Nous les réinviterons par la suite au besoin, car il y a un autre groupe de témoins qui doivent comparaître après eux. Je vous invite donc à en tenir compte.
[Français]
Monsieur Ménard, vous êtes toujours très bref.
M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Monsieur le président, vous me connaissez. Vous savez qu'il s'agit là d'une de mes marques de commerce. Mais de l'autre côté, il faut bien parler et échanger. Nous sommes là pour ça.
Je crois comprendre qu'une de vos contributions positives pour les consommateurs, et je dirais pour la société en général, est que depuis que vous existez, vous évaluez année après année les efforts consentis par les compagnies pharmaceutiques titulaires de brevets au chapitre de la recherche et du développement. Vous savez que ce sera un élément central de nos travaux.
Il est important que vous expliquiez clairement au comité ce que vous entendez par recherche et développement. Dans vos rapports annuels, vous dites appliquer les mêmes crédits qu'exigent le ministère des Finances et Revenu Canada d'un individu qui demande le crédit d'impôt pour la recherche et le développement expérimental. L'opinion publique perçoit quelquefois que la notion de recherche comprend non seulement la recherche, mais aussi les conventions des compagnies pharmaceutiques ou des dépenses très éloignées de la définition plus restrictive qu'on peut avoir de la recherche et du développement. J'aimerais que vous donniez ce premier niveau d'information aux membres du comité.
Je vais vous poser trois questions et vous laisser la parole et je reviendrai ensuite avec trois autres questions, connaissant la générosité du président, bien sûr.
Vous évaluez les efforts de recherche et de développement des compagnies qui doivent déposer un rapport annuel. Si on ne le fait pas, on peut même se faire imposer une amende. C'est une infraction qui est clairement explicitée dans la loi. Je crois qu'il y a en moyenne une soixantaine de sociétés qui déposent annuellement des rapports et qu'une quarantaine sont membres de l'ACIM. Peut-on voir concrètement que la plupart des compagnies membres de l'ACIM font un niveau d'effort supérieur à la moyenne? Que faites-vous dans le cas des compagnies qui ne vous présentent pas de rapports? Faut-il comprendre que lorsque l'on ne vous présente pas de rapport, c'est parce qu'on n'a pas de brevet actif? Arrive-t-il qu'on ait un brevet actif public, mais qu'on ne fasse pas de recherche? Nous conseilleriez-vous comme législateurs de prévoir une forme de sanctions? Comment réagir face aux compagnies pharmaceutiques qui ont des brevets et qui ne font pas de recherche et de développement?
Voici ma dernière question avant de vous donner la parole. Vous avez dit en commençant votre exposé qu'il fallait accroître la responsabilité du fabricant. Qu'aviez-vous à l'esprit? Imaginons un fantasme collectif: l'un d'entre vous devient ministre un jour. Qu'auriez-vous tendance à faire? De quel type de pouvoirs supplémentaires le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés aurait-il besoin pour continuer de faire l'excellent travail qui est le sien?
Je ne veux insulter personne en disant qu'un jour vous pourriez faire de la politique active.
[Traduction]
Le président: On vous a posé trois questions. Monsieur Elgie, voulez-vous répondre en premier et céder ensuite la parole à l'un ou l'autre de vos collaborateurs?
M. Elgie: Eh bien, à l'instar d'Alice, je vais essayer de commencer par le commencement, si vous le voulez bien.
Premièrement, pour ce qui est du respect de l'obligation de présenter des rapports chaque année, nous n'avons jamais été dans l'impossibilité d'obtenir ces rapports, que ce soit par persuasion ou par d'autres mesures éventuelles. Bien sûr, si une compagnie refusait de dévoiler des renseignements, nous tiendrions une audience, et toute décision de l'un de nos comités est exécutoire devant les tribunaux.
Toutefois, comme vous pouvez l'apprendre en consultant notre rapport annuel, nous avons été saisis l'année dernière d'un cas qui ne mettait pas en cause une compagnie de médicaments brevetés, mais plutôt une compagnie de médicaments génériques, nommément Novopharm, qui vendait un produit sous licence d'une compagnie de médicaments brevetés. Nous avions la conviction qu'aux termes de cette licence volontaire l'affaire relevait de notre compétence. Toutefois, le brevet devait expirer en octobre 1996. Il ne restait donc que trois mois.
Nous avons été en mesure de rassembler suffisamment d'information pour établir que les prix demandés n'étaient pas excessifs; c'était conforme aux lignes directrices. À titre de président, j'ai rendu la décision qu'étant donné l'intérêt public en cause, les dépenses consacrées à ce dossier n'étaient pas justifiées, mais je ne voudrais pas que l'on interprète cela comme une indication que nous n'avons ni le désir ni la volonté de veiller à vous fournir les meilleurs renseignements disponibles.
Passons maintenant à la question suivante, qui portait sur la R-D. Dans le rapport annuel que vous avez sous les yeux, à la page 24, on trouve un tableau donnant une ventilation des dépenses pour la recherche fondamentale et appliquée et d'autres types de recherche. On y voit qu'en 1995 les dépenses totales ont été de 596,2 millions de dollars. Cela ne comprend pas certaines dépenses en capital et un certain amortissement, qui vient s'ajouter à cela. Tous ces montants peuvent être utilisés comme déductions, aux termes de la Loi de 1987 de l'impôt sur le revenu, pour l'obtention de crédits d'investissement à des fins scientifiques. Tous ces renseignements que nous recevons sont en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu.
[Français]
M. Ménard: Ce que je voudrais que vous disiez clairement aux membres du comité, c'est qu'il y a un mythe qui circule voulant que dans la définition même de la recherche et du développement, pour laquelle vous vous inspirez de ce qui existe à Revenu Canada, figurent les dépenses de votre organisme en frais de déplacements, de conventions et d'autres choses qui gravitent autour de cela. Est-ce que je comprends bien que ces choses sont exclues de la définition que vous avez? Le marketing ne fait pas partie de la recherche.
[Traduction]
M. Elgie: Non, cela ne fait pas partie de leur R-D. Permettez-moi de vous expliquer de quoi il s'agit.
En 1995, par exemple, deux montants ont été consacrés à la recherche fondamentale. Le premier portait sur la recherche fondamentale en chimie et le deuxième sur la recherche fondée sur des études biologiques. Le total pour la recherche fondamentale est de 94 millions de dollars. C'est ce que dépensent les brevetés seulement.
Par ailleurs, des compagnies ont acheté du temps à ces derniers pour leur faire faire leur recherche, ce qui représente 13,6 millions de dollars. Les universités ont reçu environ 12,2 millions de dollars pour la recherche, les hôpitaux ont été payés 8,2 millions de dollars, et d'autres ont touché 3,4 millions de dollars. Cela donne un total de 132,1 millions de dollars. C'est la recherche fondamentale, à savoir la recherche en chimie et en biologie.
Maintenant, pour ce qui est de la recherche appliquée, à savoir la recherche sur les procédés de fabrication, les essais précliniques des deux premières étapes, et les essais cliniques, qui comptent trois étapes, tout cela nous donne le total pour la recherche appliquée. D'autres dépenses de R-D comprennent ce que l'on appelle la quatrième phase des essais cliniques et une évaluation plus poussée de la biodisponibilité du médicament lui-même, c'est-à-dire quelle quantité du médicament est absorbée par l'organisme en un certain temps. Ce sont seulement des études suivies, avant l'approbation finale et l'inscription. Tout cela est inclus dans la R-D.
Le président: On a posé aussi une troisième question.
M. Elgie: Je ne m'en souviens pas. Quelle était la troisième question?
[Français]
M. Ménard : Il y avait deux autres éléments. Il serait intéressant que vous nous disiez si on peut avoir un brevet actif quand on est une société qui ne fait pas de recherche. Je sais par exemple que les membres de l'ACIM ont un rendement supérieur à la moyenne. Est-ce que vos statistiques font état de sociétés qui ont un brevet actif et qui ne font pas de recherche? Est-ce que vous vous posez des questions à ce sujet? Quels sont les nouveaux pouvoirs que vous souhaiteriez que votre conseil ait?
[Traduction]
M. Elgie: Comme vous le savez, on trouve dans le rapport annuel certaines compagnies qui sont titulaires de brevets, mais qui n'affichent aucune dépense de R-D. Oui, cela existe. Elles doivent quand même nous faire parvenir ces renseignements, et je suppose que c'est l'un des points que vous examinerez de plus près. Je ne suis pas disposé à rendre une décision là-dessus. Il existe en effet certaines compagnies - pas beaucoup, mais il y en a - qui font un rapport, mais qui ne font pas du tout de R-D.
[Français]
M. Ménard : Quels sont les nouveaux pouvoirs que vous souhaiteriez avoir comme conseil? Plus tôt, dans un élan de générosité qui n'est pas commun mais qui est quelquefois présent, le ministre semblait laisser sous-entendre qu'il ne serait pas mauvais que le conseil se préoccupe des médicaments génériques et ait des pouvoirs de contrôle accrus. Comme gestionnaire, est-ce que vous avez l'impression qu'il vous manque des pouvoirs pour exécuter votre mandat? Je reviendrai à mon projet de loi privé au deuxième tour.
[Traduction]
M. Elgie: Je pense que notre tâche est de nous assurer de signaler les éléments qui nous causent des difficultés et ensuite de vous laisser vous colleter avec ces questions. Je crains que ce ne soit à vous qu'il incombe de décider des modifications qu'il y a lieu d'apporter à une loi; ce n'est pas ma tâche à moi, à titre de représentant d'un organisme quasi judiciaire qui s'est vu confier un mandat par vous.
Le président: Je vous remercie. Monsieur Schmidt.
M. Schmidt (Okanagan-Centre): Il y a toutes sortes de questions qui me préoccupent. Je suis heureux que vous ayez fait l'étude d'impact: c'est de bon augure pour l'avenir du conseil. C'est un bon résultat, mais il y a certaines questions que je voudrais vous poser.
Vous parlez d'une «médiane», à savoir le nombre mathématique que vous utilisez pour déterminer le prix d'un médicament nouvellement mis sur le marché. Pour calculer la médiane, vous prenez le cas de sept pays et faites la comparaison: dans quelle catégorie s'établissent généralement vos prix? Donnez-nous, s'il vous plaît, un exemple précis.
M. Elgie: Monsieur Critchley, pourriez-vous répondre à cette question?
M. Wayne Critchley (directeur administratif, Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés): Nous avons constaté de grandes différences, selon les pays, entre les prix des médicaments brevetés, mais nous n'avons pas fait d'analyse de ces écarts pour les divers médicaments. Nous pourrions essayer de vous procurer une partie de cette information, non pas par médicament, mais pour l'ensemble des médicaments, mais nous n'avons pas essayé de procéder de cette façon.
Nous utilisons la médiane parce que ce chiffre ne sera pas influencé par l'un ou l'autre extrême. D'après l'information comparant les prix canadiens avec les prix étrangers, vous constaterez qu'il y a des variantes considérables selon les pays, et il peut y avoir encore de plus grandes variantes pour les médicaments individuels. Avec la médiane nous savons tout au moins que nous ne nous basons pas sur une moyenne qu'un prix excessif risque toujours de faire glisser dans un sens ou dans l'autre.
M. Schmidt: Il ne fait aucun doute que la moyenne risque d'être influencée par un extrême, j'en suis parfaitement conscient, et c'est pourquoi je soulevais cette question de la médiane, pour voir comment elle fonctionne.
Vous disiez que la médiane n'était pas influencée par les extrêmes, qu'elle n'est jamais poussée vers le haut. Pourrait-elle être poussée vers le bas?
M. Elgie: Vous me demandez si la médiane serait poussée vers le bas?
M. Schmidt: Non, pas du tout. C'est la contradiction que je constate dans votre rapport. Vous vous servez de la médiane, mais vous dites que ce ne sera jamais le chiffre le plus élevé. Comment pourrait-il en être ainsi si vous prenez une médiane? Je ne vois pas très bien pourquoi vous dites cela ici.
M. Elgie: Les directives ont été élaborées en consultation avec le secteur pharmaceutique, les groupes de consommateurs, les ministres de la Santé dans tout le pays, et autres. Il a été décidé que pour les médicaments novateurs - et seulement pour eux et pour ceux qui constituent un progrès considérable - le prix ne dépasserait pas la médiane des prix des autres pays. Nous avons également spécifié qu'aucun prix, au Canada, n'atteindrait le niveau le plus élevé.
Cela a eu un effet considérable. Si vous examinez l'étude d'impact à la page 16, vous constaterez l'effet de tous ces changements, y compris les autres que je vous mentionnais. En 1987 le ratio moyen des prix, au Canada, était de 100; il s'établit maintenant au milieu, avec la Suède, tandis qu'en Allemagne, en Suisse et aux États-Unis les médicaments coûtent beaucoup plus cher. Il y a donc eu un effet.
M. Schmidt: Cela ne fait aucun doute. Votre étude d'impact est très claire: je l'ai lue et j'en ai été fort impressionné.
Mais ma question porte toujours encore sur ce ratio moyen. Les laboratoires de médicaments brevetés sont internationaux ou multinationaux, de sorte qu'il n'y a pas tant d'intervenants dans les sept pays. Ce pourrait être les mêmes dans plusieurs d'entre eux. Se pourrait-il que le ratio moyen lui-même soit influencé du fait que les mêmes laboratoires pharmaceutiques existent dans divers pays?
M. Critchley: Je dois répondre par l'affirmative, encore que six des sept pays sont européens et ont des régimes universels pour les produits pharmaceutiques, et d'autres mesures qui permettent le contrôle des coûts et des prix des médicaments. Dans la mesure où ces influences s'exercent, le ratio moyen peut nous servir de point de comparaison, et nous ici sommes en bonne position.
M. Schmidt: Mais ce dont nous parlons maintenant, ce sont des médicaments novateurs. Leur prix serait-il limité dans le cadre d'une assurance-médicaments, par exemple? Dans l'affirmative, pourquoi se trouveraient-ils dans les pays européens dont vous parlez?
M. Elgie: C'est qu'il n'y a pas d'autres médicaments aussi appropriés que celui-ci pour traiter des cas pareils.
M. Schmidt: L'autre question que j'allais vous poser est également celle que j'ai posée tout à l'heure au ministre, ou au sous-ministre.
C'est vous-mêmes, pour l'essentiel, qui faites rapport sur votre système de R-D. Que vous utilisiez la définition de la Loi de l'impôt sur le revenu telle qu'elle s'applique, les formulaires de l'impôt sur le revenu ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui vous parviennent, à moins que vous n'utilisiez exactement les mêmes nombres. C'est pourquoi je voudrais vous poser les questions suivantes: utilisez-vous ces mêmes nombres, ou vous fiez-vous simplement au système d'autodéclaration et à son exactitude? Procédez-vous à une vérification de ces chiffres?
M. Critchley: Mes collaborateurs procèdent, pour leur déclaration, à une vérification avec ces sociétés. Les déclarations sont très détaillées et soigneusement vérifiées. En cas de doutes ou de difficultés mes collaborateurs les revoient avec les sociétés en question et demandent des éclaircissements et, le cas échéant, des ajustements.
Le conseil, vous ne l'ignorez pas, n'a aucun pouvoir de réglementation sur les dépenses de R-D, mais nous faisons rapport, de façon très détaillée, sur l'ensemble des dépenses et sur les ratios de R-D par rapport aux ventes de chaque société. Cette publication permet au public - par exemple le milieu universitaire - de vérifier combien les sociétés déclarent en dépenses dans les universités, par exemple, et d'en vérifier l'exactitude.
Nous avons constaté, d'une façon générale, que nos agents connaissent très bien les sociétés dont ils sont responsables et leurs projets de dépenses de recherche au cours des années. Ils sont donc en mesure de consulter les archives pour voir quelles sont les sommes qui ont été consacrées à la recherche et pour vérifier de cette façon que les rapports sont exacts.
M. Schmidt: Je voudrais en venir, à vrai dire, à une tout autre question, qui porte sur les déclarations de dépenses de R-D des laboratoires de produits génériques, qui ne relèvent pas de vous. Pensez-vous alors que les chiffres déclarés pour ceux-ci sont aussi exacts que ceux qui vous sont déclarés?
M. Elgie: Je ne pense pas que nous ayons la réponse à cette question. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'un laboratoire en particulier n'a pas voulu nous divulguer cette information.
M. Schmidt: Monsieur le président, c'est là, je crois, la question que nous devrions poser à ce conseil. S'il a vraiment l'intention de contrôler les coûts des médicaments au Canada, nous devrions demander s'il ne devrait pas avoir accès à ce genre d'information, afin qu'une comparaison puisse être faite entre des éléments comparables, plutôt que de déclarer un chiffre arbitraire concocté par quelqu'un.
M. Elgie: C'est une question dont le comité voudra certainement discuter.
M. Schmidt: Qu'en pensez-vous?
M. Elgie: Ce sont là des questions dont vous devez discuter entre vous et résoudre vous-mêmes.
M. Schmidt: Nous n'y manquerons pas.
M. Elgie: C'est là votre rôle, je pense.
Le président: Une vraie ordonnance médicale.
M. Elgie: Prenez une aspirine et allez vous coucher.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je vous remercie, monsieur Schmidt. Il reste une minute, si vous avez encore une question à poser.
M. Schmidt: Certainement, monsieur le président, j'en ai une autre sur la manière dont fonctionne le règlement concernant l'avis de conformité, et ses incidences sur votre travail.
M. Elgie: À ma connaissance il n'y a pas d'incidence sur notre travail.
M. Schmidt: Vraiment, aucune? Je vous remercie.
C'est tout pour l'instant, monsieur le président, je reviendrai plus tard poser d'autres questions.
Le président: Monsieur Volpe.
M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Je vous remercie.
Monsieur Elgie, j'ai assisté à l'exposé que vous avez fait à la presse avant de comparaître devant le comité; votre répétition générale, je dois le dire, s'est bien passée.
Permettez-moi d'aborder une des questions que vous avez soulevées à cette occasion-là et aujourd'hui encore, à savoir celle des prix équitables et excessifs et des coûts. Voilà quatre termes que je m'efforce de bien comprendre.
Tout d'abord votre exposé ainsi que le rapport me font supposer qu'il existe un lien quelconque entre les prix, la R-D et les engagements des sociétés pharmaceutiques en matière de dépenses de R-D. Vous établissez un tel rapport lorsque vous comparez les prix à un panier de médicaments des divers pays.
J'ai constaté à la page 31 que 23 seulement des 69 détenteurs de brevets atteignaient ou dépassaient le ratio des 10 p. 100 de R-D par rapport aux chiffres de vente. En parcourant la liste, j'ai constaté également que pour certains de ces 23 détenteurs les ratios atteignaient 103 p. 100,159 p. 100, 75 p. 100, etc. Je me demande donc s'il est vrai, comme vous l'avez dit, que les engagements des détenteurs de brevets ont été respectés dès 1979 et s'ils ont été faits dans le cadre des négociations entourant le projet de loi C-91.
M. Elgie: En moyenne, en effet, ils ont été respectés.
M. Volpe: Y compris...?
M. Elgie: Y compris dans tous les cas où il n'y a pas eu de contributions.
M. Volpe: Vous avez bien dit «en moyenne», n'est-ce pas?
M. Elgie: En effet.
M. Volpe: J'aimerais maintenant examiner le terme «excessif». En effet, l'expression «prix excessif» me dérange passablement. Si j'ai bien compris votre exposé devant la presse et votre rapport ainsi que votre témoignage d'aujourd'hui, vous parlez de la médiane des prix par rapport à un panier donné sur lequel vous n'exercez aucune influence. Vous prenez les prix tels qu'ils sont acceptés dans ces pays et vous en faites le point de référence. Cependant, nous ne savons pas si ces prix sont justifiés ou justifiables dans ces pays, n'est-ce pas?
M. Elgie: Non, nous n'avons pas cette information. Cependant, permettez-moi de revenir là-dessus, puisqu'il s'agit d'une question qui sème la confusion chez la plupart des gens.
Nous n'avons aucune information détaillée sur le coût de fabrication, de recherche et de préparation d'un médicament avant qu'il ne soit expédié de l'usine.
M. Volpe: Devrions-nous avoir cette information?
M. Elgie: Ce serait extrêmement intéressant et extrêmement difficile. Peu de pays, à ma connaissance, ont tenté de le faire.
M. Volpe: Et si je vous fournissais un exemple, docteur?
M. Elgie: Au Royaume-Uni, par exemple, on adopte la perspective opposée: on détermine tout simplement les marges bénéficiaires des sociétés. On ne va pas jusqu'à déterminer le coût de chaque médicament, puisque ce serait une tâche ahurissante, comme le comprendront ceux qui ont eu connaissance des audiences relatives à l'affaire ICN.
M. Volpe: Permettez-moi de vous interrompre, monsieur Elgie, étant donné qu'il ne me reste que six minutes.
M. Elgie: J'ai tout mon temps; ne vous en faites pas.
M. Volpe: Ce n'est pas mon cas.
Des voix: Oh, oh!
M. Volpe: Je me suis intéressé à la formule de l'Ontario pour voir comment on détermine de tels prix. Un médicament en particulier a attiré mon attention. Le comprimé de 5 milligrammes coûte 1,28 $. Or, le coût de la matière première n'est que de 300 $ le kilo environ. D'après mes calculs très rudimentaires, cela donne une marge d'environ 1 000 p. 100 par rapport à la matière première. Fait-on ce genre d'analyse au CEPMB lorsque vient le moment de déterminer si les prix sont excessifs ou non?
M. Elgie: Non, nous n'étudions pas les coûts de fabrication du médicament.
Cependant, vous n'avez pas tout à fait raison de dire que nous retenons toujours les prix médians internationaux. Dans le cas d'un médicament de catégorie un - à savoir une extension de série, soit une augmentation de dosage de 50 milligrammes à 100 milligrammes - il doit y avoir un rapport étroit entre les deux. Le comprimé de 100 milligrammes ne peut coûter plus que deux fois plus cher que deux comprimés de 50 milligrammes. Ainsi, pour la catégorie un on ne peut dépasser un rapport raisonnable.
La catégorie deux vise les médicaments révolutionnaires. C'est dans ce cas que nous maintenons la médiane du prix international, ce qui a entraîné une baisse des prix au Canada.
M. Volpe: Mais il n'y a eu qu'un très petit nombre de découvertes de ce genre au cours des cinq dernières années.
M. Elgie: Non, depuis 1988, il y en a eu 33 environ, je crois. Et, d'après ce que j'ai pu lire...
M. Volpe: Sur un total de 21 190 médicaments sur le marché?
M. Elgie: C'est exact. D'après ce que j'ai pu lire l'autre jour, c'est la même chose en Italie. Il y a eu 33 médicaments prototypes au cours de la même période.
M. Volpe: Voilà bien la pire des comparaisons possibles puisque ce pays est celui, dans le groupe de pays sur lequel vous fondez votre comparaison, où les prix sont les plus bas.
Ce qui m'a frappé dans votre rapport, c'est que vous y avez signalé que les médicaments brevetés dont nous parlons ne représentent que 4,2 p. 100 de l'ensemble du marché des médicaments. J'ai bien dit 4,2 p. 100. J'ai fait le calcul à partir des chiffres que vous nous avez donnés, et ils représentent 44,1 p. 100 de l'ensemble des coûts.
Je sais fort bien que vous établissez une distinction entre le coût et le prix, mais par rapport aux consommateurs et au régime de soins de santé, pour bien régler la question des prix excessifs, nous devons savoir où nous dépensons notre argent.
Si 4,2 p. 100 de l'ensemble des produits pharmaceutiques vendus représentent 44,1 p. 100 de l'ensemble des dépenses, vous pardonnerez le monsieur Tout-le-Monde que je suis d'imaginer qu'il y a peut-être là un prix excessif à payer.
M. Elgie: Nous avons reçu le mandat de déterminer si des prix sont excessifs par rapport aux prix d'autres produits sur le marché, par rapport à un groupe repère de pays. Je ne crois pas que44 p. 100 soit le total du chiffre des ventes de médicaments brevetés... Qu'est-ce que le ministre a déclaré aujourd'hui? Il me semble que 44 p. 100 de 14,7 p. 100 donnent plus que 4 p. 100.
M. Volpe: Je me fie tout simplement aux chiffres de votre rapport; je ne les ai pas inventés.
M. Elgie: Non, mais votre ministre vous a dit aujourd'hui qu'il avait modifié le mode de calcul, ce qui n'était pas le cas pour notre rapport de 1995.
M. Volpe: Je suis impressionné par le fait qu'on a réussi à éviter les augmentations de prix, et je comprends bien que, dans le cadre de vos attributions, vous avez mené à bien votre tâche. Cependant, vous nous signalez très justement, aussi bien dans votre rapport que dans votre rapport annuel, qu'un certain nombre d'autres facteurs ont fait en sorte que les prix n'ont pas augmenté. Vous avez signalé, je crois, les pratiques et les politiques des gouvernements provinciaux.
En Ontario, par exemple, comme vous le savez très bien, aucun médicament générique ne peut être vendu à moins que... Le premier doit être lancé à 75 p. 100 du coût du prix courant. Le deuxième doit faire l'objet d'une réduction additionnelle de 10 p. 100. Mais, ce qui importe encore davantage, l'Ontario a établi les règles du jeu, dans le contexte des compressions qui sont visées dans cette province. Les autorités ontariennes ont déterminé quel était le prix qu'elles souhaitaient payer pour tel ou tel produit. Voilà une façon fort efficace de contrôler les prix.
Également, je suppose que mes collègues députés, lorsqu'ils vont devoir déterminer en quoi un prix est équitable ou excessif, vont se demander dans quelle mesure on tient compte, comme j'en ai parlé tout à l'heure, du coût des matières premières, du coût de la R-D, et dans quelle mesure on tient compte du prix du marché libre, déterminé de façon concurrentielle. Quant à vous, est-ce que vous effectuez une comparaison par rapport à un marché concurrentiel?
M. Elgie: Comme vous l'a dit M. Critchley, nous étudions les prix établis dans un groupe de pays. Ce sont tous des pays où la politique en matière de dépenses de santé est très rigoureuse et où l'on s'efforce de contrôler de façon très efficace le prix final des médicaments.
Nous constatons donc tout simplement quels sont les résultats des efforts de contrôle des prix des médicaments dans ces pays et nous faisons la transposition sur notre propre marché pour veiller à ce que nos prix ne soient pas excessifs.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Elgie. Merci beaucoup, monsieur Volpe.
[Français]
Monsieur Brien.
M. Brien (Témiscamingue): Cet après-midi, le ministre a parlé d'envisager d'étendre votre mandat en demandant aux provinces de déléguer un pouvoir pour vous permettre de contrôler le prix des médicaments non brevetés. Dans un premier temps, j'aimerais que vous nous disiez si, à votre connaissance, des mécanismes de surveillance existent déjà et sont mis en application par les provinces. On vient d'en parler un petit peu, mais j'aimerais que vous m'expliquiez ce qui existe comme contrôle du prix des médicaments non brevetés à l'heure actuelle. S'il devait y en avoir, est-ce que vous seriez capables de vous acquitter de ce mandat adéquatement et assez rapidement?
[Traduction]
M. Elgie: Il n'y a aucune activité de contrôle des prix dans la province sauf celle du genre dont a parlé M. Volpe, à savoir le fait de plafonner le prix à payer pour un produit.
Comment pourrions-nous gérer ce genre de phénomène? Nous avons déjà établi toutes les lignes directrices, et nous avons déterminé quels sont les renseignements que doivent fournir les sociétés... Je ne suis pas en mesure de vous dire quelle augmentation des budgets serait nécessaire, mais il s'agirait tout simplement d'un élargissement du genre d'activités que nous menons déjà.
Il faudrait évidemment déterminer si vous souhaitez tout d'abord une période de surveillance ou si vous souhaitez une réglementation immédiate des prix.
Il ne faut pas perdre de vue que lorsque l'on étudie les médicaments autres que les médicaments brevetés on doit englober un grand nombre de produits non brevetés produits par les fabricants de médicaments d'origine, ainsi que les médicaments génériques, qui représentent de 12 à 14 p. 100 du marché.
[Français]
M. Brien: Je crois que les médicaments non brevetés comptent quatre types de produits et non pas seulement les produits génériques. Vous avez défini cela dans votre document. Nous sommes souvent confrontés à deux associations assez bien organisées qui nous donnent des chiffres au niveau de la recherche et du développement. Les chiffres fournis par l'industrie générique reposent simplement sur une relation de confiance; on ne peut les vérifier.
Existe-t-il des moyens de vous donner le pouvoir de vérifier le niveau d'investissement que font les compagnies en recherche et développement?
[Traduction]
M. Elgie: Non, pas à ma connaissance. Le conseil n'a pas le pouvoir d'exiger que cette information lui soit fournie.
[Français]
M. Brien: Il s'agit de compagnies privées. Si c'était notre volonté, pourrions-nous, de par nos pouvoirs législatifs, leur demander de fournir cette information pour que vous en fassiez une compilation?
[Traduction]
M. Elgie: Je crois que vous devez en discuter avec votre ministre et avec les provinces. Cependant, sans être un expert en la matière, je dirais qu'il est effectivement possible d'obtenir ce genre d'information.
Je veux dire par là que je suis avocat, mais que vous ne me rémunérez pas pour mes avis juridiques.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Brien: Vous êtes un vrai avocat!
Des voix: Ah, ah!
[Traduction]
M. Elgie: D'accord, je suis également médecin, et vous avez donc intérêt à faire attention.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
M. Brien: Lorsque vous déterminez qu'il y a eu un prix excessif, vous demandez aux compagnies de verser une compensation au Trésor fédéral ou d'abaisser le prix du médicament. Prenons le cas d'ICN où c'est arrivé et où vous demandez qu'au cours des trois prochaines années, on abaisse le prix du médicament. Je m'interroge sur ce qui motive une compagnie à continuer de produire ce médicament si elle doit le mettre sur le marché à un prix qui, dans ce cas-ci, est inférieur à ce qui serait nécessaire pour avoir un rendement normal.
Comment ce mécanisme peut-il être efficace dans le cas d'ICN après l'échéance de 1999? Est-ce que le brevet s'appliquera encore et est-ce qu'une zone de profit est possible? Si ce mécanisme prévaut simplement pour les dernières années de protection effective du brevet, les compagnies n'auront pas tendance à vouloir fabriquer ce produit et à le vendre à perte sur le marché pendant quelques années. Ce mécanisme est-il efficace si on est vers la fin du brevet?
[Traduction]
M. Elgie: Au cours des audiences, les comptables ont longuement débattu les coûts. On a rarement réussi à s'entendre. Pour les uns, les bénéfices ne posaient pas problème. Pour les autres, c'était le cas contraire. En fin de compte, on continue de fournir le produit.
L'autre facteur pertinent dans cette affaire, c'est que des instructions claires du siège social situé dans un autre pays imposaient une augmentation de manière à ce que le prix corresponde au prix dans ce pays. C'est de cette politique que j'ai parlé.
[Français]
M. Brien: À plusieurs reprises dans votre document, vous parlez de cas où vous êtes confiants de gagner des clarifications devant les tribunaux. Ne souhaiteriez-vous pas qu'on apporte dès maintenant des changements législatifs en vue de préciser certaines choses? Finalement, au lieu de dire que vous pensez pouvoir gagner ces causes devant les tribunaux, vous pourriez dire: Voici quelques secteurs bien précis où des éléments plus clairs dans la loi nous éviteraient d'aller devant les tribunaux. Vous éviteriez ainsi cette contestation juridique entre vous et l'entreprise. Est-ce qu'il y a en ce moment des secteurs précis sur lesquels vous voudriez avoir des clarifications dans la loi?
[Traduction]
M. Elgie: Dans le rapport qui vous est destiné, nous nous sommes efforcés de signaler les situations qui nous ont causé des problèmes. Je pense notamment à un cas où la cession d'un brevet était devenue une question épineuse, du fait que l'intéressé voulait se soustraire à notre compétence. Nous avons pu régler la question de façon très efficace par un changement de politique, et, à cet égard, les tribunaux ont tranché en notre faveur.
Par rapport à la même affaire ICN, il fallait déterminer si le brevet en cause s'appliquait. C'est désormais chose faite, les tribunaux ayant déterminé qu'il suffit d'un lien, aussi ténu soit-il, pour que notre compétence soit maintenue.
Comme hypothèse de départ, je suppose donc que tout ce qui ressemble à un canard, marche comme un canard et est traité comme tel est effectivement un canard. Je crois donc que nous allons pouvoir régler la plupart des problèmes auxquels nous allons faire face. Cependant, dans la mesure où nous aurons des difficultés, nous les soumettrons à votre attention et nous vous inviterons à prendre toute mesure nécessaire pour qu'elles puissent être réglées.
Le président: Merci beaucoup. Monsieur MacDonald.
M. MacDonald (Dartmouth): Merci beaucoup.
Je ne vais m'intéresser dans mes questions qu'à certains aspects de l'établissement des prix. En matière de prix de lancement, je me suis toujours inquiété du fait que vous soyez à peu près dans l'obscurité totale.
En effet, lorsqu'un médicament est lancé, le CEPMB n'a absolument aucun moyen de calculer avec certitude le coût du brevet du nouveau médicament. Dans bien des cas, la recherche est effectuée dans plusieurs pays, et il n'y a tout simplement pas moyen d'avoir accès à l'information.
J'ai bien compris que le coût des médicaments que vous avez étudiés a moins augmenté au cours des dernières années que le taux d'inflation. Fort bien. Cependant, il y a tout de même lieu de se demander si le prix du médicament n'était pas trop élevé au départ.
Il ne faut pas perdre de vue que les grands détenteurs de brevets, les grandes sociétés pharmaceutiques, ont des activités non seulement au Canada, mais aussi partout dans le monde. Il y a donc lieu de se demander quel serait le prix de lancement raisonnable d'un médicament, quel serait le prix qui assurerait un rendement raisonnable de l'investissement consenti pour la mise au point du produit. À partir de là, il faut évidemment déterminer quel serait un taux de rendement raisonnable, et sur quelle période. Il serait peut-être alors possible de déterminer quel serait le prix de lancement équitable d'un médicament. Mais ce n'est pas tout.
Au moment de l'étude du projet de loi C-91, je me souviens très bien que les professionnels de la santé et les groupes de consommateurs s'inquiétaient notamment du fait que la prolongation d'un brevet visant un médicament déjà en vente permettait aux intéressés de récolter des bénéfices additionnels au cours de la période d'extension. Nous parlions à l'époque de la fameuse prime d'un milliard de dollars. C'est tout au moins comme cela que je l'appelais. Or, pour ma part, je continue d'avoir des inquiétudes à ce sujet.
Pouvez-vous me convaincre que ces médicaments ne sont pas lancés sur le marché à un prix trop élevé? Plus précisément, pouvez-vous m'expliquer pourquoi nous n'étudions que sept pays industrialisés? Pourquoi ne pas déterminer par exemple comment nous nous situons par rapport à l'ensemble des pays de l'OCDE? Si j'ai bien compris, avec une telle comparaison, les prix seraient inférieurs de 20 p. 100.
Sommes-nous donc dans l'ignorance totale? À partir du prix de vente dans sept pays, vous supposez que le prix mitoyen doit être le bon. Y aurait-il moyen de quantifier cela?
M. Elgie: Je ne dis pas que c'est le bon. La baisse ne fait que commencer. Je crois qu'il s'agit d'une tendance qui va se poursuivre, mais nous devrons attendre les résultats de notre étude de suivi.
Plus précisément, comme je l'ai dit à M. Volpe, nous ne sommes pas en mesure d'analyser l'ensemble des coûts qui correspondent à chaque médicament et ainsi justifier le coût de fabrication, les dépenses relatives à la R-D, la commercialisation, et tous les autres aspects. Nous n'en avons tout simplement pas la capacité.
Par contre, dans le cas des médicaments de catégorie un, le multiple d'une dose de base, nous veillons à ce qu'il existe un rapport raisonnable avec la dose de base. Le prix du comprimé de 100 milligrammes ne peut être plus élevé que le prix de deux comprimés de 50 milligrammes. Les fabricants ne peuvent tout simplement pas augmenter le prix en changeant le dosage.
Je crois que l'aspect qui vous inquiète considérablement, c'est celui des prix internationaux des médicaments révolutionnaires ou des médicaments qui représentent une amélioration importante. Dans ce cas, nous vous disons que le fait d'avoir imposé la limite de la médiane des prix internationaux et la condition selon laquelle le prix du médicament canadien ne peut être le plus élevé a entraîné des résultats spectaculaires.
De façon générale, je vous prierais de vous reporter au rapport que je vous ai remis sur les conséquences du règlement fédéral. À la page 16, on montre de façon dramatique comment les prix au Canada se sont comparés au prix médian international depuis 1987. Les prix étaient au départ supérieurs de 23 p. 100 à la médiane et ont baissé à 7 p. 100 au-dessous de la médiane. Le prix des produits les plus vendus se situe maintenant 11 p. 100 au-dessous de la médiane. Les choses vont donc assez bien.
M. MacDonald: Oui, je le reconnais, mais ne devrait-il pas y avoir un meilleur moyen de fixer les prix pour un nouveau produit lancé sur le marché au Canada et dans ces autres pays industrialisés, vu que les prix maintenant n'ont aucun rapport avec les montants investis dans la mise au point du produit, que ce soit 100 millions de dollars ou 50 millions de dollars, et que ce nouveau produit jouit d'une exclusivité sur le marché pendant une très longue période, ce qui lui donne une espèce de monopole?
Lorsqu'un produit est lancé sur le marché, le fabricant ne devrait-il pas prouver que son prix n'est pas excessif? Pourquoi devons-nous accepter que les prix au Canada se situent dans la médiane des prix dans ces autres pays?
Ne croyez-vous pas que nous pourrions trouver un mécanisme plus approprié qui obligerait les compagnies innovatrices à justifier leur prix lorsqu'elles lancent un nouveau produit sur le marché au lieu de dire simplement que le prix est acceptable s'il se situe au milieu des prix dans ces autres pays?
Le président: Ce sera la dernière réponse.
M. Elgie: Vous avez posé une question au sujet de l'éventail de pays choisis, et je répondrai à celle-là pour commencer.
Cet échantillon a été ajouté au règlement par le gouvernement en 1987. Ce n'est pas notre conseil qui l'a choisi. Cependant, en 1993, quand nous avons examiné les lignes directrices pour en resserrer certains aspects, un groupe de travail formé de représentants des ministères provinciaux de la Santé, des ministères fédéraux, des compagnies pharmaceutiques, des consommateurs et des associations de pharmaciens a examiné la possibilité de modifier cet échantillon, et tous les membres du groupe de travail ont conclu que les pays choisis étaient probablement les plus appropriés qu'on puisse trouver.
Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas nous pencher encore sur la question. Je peux cependant vous dire que si vous parlez à un groupe particulier, il voudra qu'on ajoute le Japon parce que les prix y sont très élevés. Un autre groupe voudra ajouter plutôt un autre pays. Il faut tenir compte de tous ces facteurs et se demander si cela vaut la peine de changer quelque chose ou non. Nous sommes cependant toujours prêts à le faire si votre comité juge que c'est utile.
Par ailleurs, pour l'instant, ni moi ni personne d'autre ne pourra vous dire s'il y a moyen de refléter le coût réel de chaque produit pharmaceutique. Je pense que cela représente un travail énorme. Vous pourrez peut-être poser la question à des comptables.
Le président: Merci beaucoup.
Parmi les membres du comité, nous entendrons maintenant M. Schmidt, M. Patry,M. Lastewka, et ensuite, brièvement, M. Solomon et M. Ménard. Cela nous mènera à 21 heures. Si tout le monde collabore, nous devrions pouvoir terminer à temps.
Monsieur Schmidt.
M. Schmidt: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai deux questions à poser, et elles portent toutes deux sur votre rapport, monsieur Elgie. La première porte sur un passage de la page 4 de vos notes pour une allocation à notre comité. À l'avant-dernier paragraphe de la page 4, vous dites que:
- Les prix augmentent plus lentement qu'en 1987 pour les deux groupes de médicaments, mais
ceux du groupe non breveté croissent plus rapidement que ceux du groupe breveté.
M. Elgie: Cela dépend de la province. En Colombie-Britannique, il y a un prix de référence, et l'on compare les effets thérapeutiques.
J'ignore comment on fixe les prix. Je sais que le Dr Eastman et les membres de sa Commission royale d'enquête se sont penchés sur cette question. La commission a constaté que, en moyenne, lorsqu'il n'y avait qu'un produit générique sur le marché, il coûtait d'habitude de 70 à 75 p. 100 du prix du produit breveté. S'il y avait deux produits génériques, leur prix était d'environ 65 p. 100 du prix du produit breveté. Plus il y avait de produits génériques sur le marché, plus le prix baissait. De façon générale, la commission a constaté qu'il y avait un rapport pourcentuel entre le prix des produits brevetés et le prix des produits génériques.
M. Schmidt: C'est tout à fait exact. Je reviendrai là-dessus plus tard. Pour gagner du temps, je ne le ferai pas tout de suite.
Je voudrais maintenant passer à autre chose. Vous en parlez à la page 8 de vos notes. Il s'agit des ordonnances inappropriées et de l'usage accru de médicaments. Je comprends ce que vous entendez par «usage accru», mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire par «ordonnances inappropriées».
Vous dites dans vos notes que c'est là-dessus que vous vous fondez pour expliquer quelque chose. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur ce que vous entendez par «ordonnances inappropriées»?
M. Elgie: C'est lorsqu'on prescrit un médicament qui réagit mal avec un autre médicament que prend déjà le consommateur. Il faut donc laisser tomber le deuxième médicament, ce qui entraîne des coûts pour le système, vu que l'on met de côté et jette des médicaments.
Il y a aussi des cas où l'on prescrit un médicament alors qu'il existe un médicament équivalent qui coûte beaucoup moins cher, où l'on prescrit une quantité de médicaments qui dépasse les besoins du malade, où l'on autorise un renouvellement de l'ordonnance sans vérifier s'il est utile ou non de le faire. C'est de ce genre de choses que je veux parler.
M. Schmidt: C'est donc ce que vous entendez par là.
Vous dites que cela entraîne des coûts plus élevés pour le régime de soins de santé.
M. Elgie: Je n'ai pas effectué d'étude à ce sujet. Je tiens à bien le préciser.
M. Schmidt: Très bien, mais je veux en venir aux preuves. Il est logique de tirer de telles conclusions à première vue. C'est une conclusion tout à fait sensée, mais à moins d'avoir des données pour l'étayer, ce pourrait être une allégation très grave à propos des professionnels de la santé.
Il faut donc se demander si l'on peut faire une telle affirmation générale pour imputer le coût du régime à un tel facteur. C'est peut-être vrai, mais ce ne l'est peut-être pas non plus, ou bien ce n'est peut-être pas un facteur très important. Quel est le pourcentage d'ordonnances inappropriées dans les régimes de soins de santé?
M. Elgie: Je ne peux pas vous donner une réponse précise.
M. Schmidt: Non, j'en suis certain, mais est-ce une chose qu'il faudrait examiner? Est-ce une chose qui intéresserait le conseil?
M. Elgie: Je dois tout d'abord vous signaler que ce n'est pas un reproche que j'adresse aux professionnels de la santé, dont je fais moi-même partie.
M. Schmidt: Je comprends. C'est une conclusion logique.
M. Elgie: Je sais que les professionnels de la santé ont organisé des conférences un peu partout dans le pays pour examiner la façon dont les médecins prescrivent des médicaments. Je sais que des médecins dans tous les genres de milieux participent à l'établissement de lignes directrices pour la préparation d'ordonnances en situation clinique.
Les médecins s'efforcent donc vraiment de rectifier la situation. Ils savent tout comme moi qu'il y a un problème, mais nous ne l'avons pas encore quantifié.
Les groupes de travail que le ministre vous a mentionnés ce matin se penchent sur diverses questions, notamment l'utilisation et les prix des médicaments. Je ne suis pas certain qu'ils examinent la façon de préparer les ordonnances. Je pense qu'ils examinent plutôt la sous-utilisation.
Une autre chose sur laquelle nous n'avons pas de données, c'est la mesure dans laquelle les malades suivent les ordonnances à la lettre. Je ne sais pas combien de gens obtiennent une bouteille de pilules et ne la finissent jamais. S'ils se sentent mieux quand ils en ont pris la moitié, ils se débarrassent du reste. Nous savons aussi qu'il y a des gens qui obtiennent une ordonnance pour trois mois et ne prennent le médicament que pendant un mois.
M. Schmidt: La durée prescrite sur l'ordonnance dépasse de loin ce que le traitement exige réellement.
M. Elgie: Particulièrement si l'on va aux États-Unis: ils aiment bien avoir des ordonnances de trois mois à la fois.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Schmidt.
M. Schmidt: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Monsieur Patry.
M. Patry (Pierrefonds - Dollard): Merci, monsieur le président; merci, monsieur Elgie.
Le CEPMB définit la recherche de façon extrêmement limitative; ce sera ma première question. Même si certains produits ne peuvent être classés dans les innovations ou les améliorations importantes, ils peuvent véritablement changer la vie du patient par rapport à ce que permettaient de faire des médicaments du passé. Pourquoi ne pas alors leur donner le label «amélioration importante»?
M. Elgie: Je ne suis pas allé jusqu'à la troisième catégorie de médicaments lorsque je vous en ai parlé. Avec la première catégorie on en reste au produit tel qu'il existait. La catégorie deux marque une amélioration importante.
Il y a aussi une troisième catégorie, que l'on pourrait appeler une «réplique», bien que ce ne soit pas une façon très juste de désigner cette catégorie. Il s'agit de médicaments qui sont présentés de façon différente, avec peut-être quelques améliorations, ou peut-être l'adjonction de nouveaux produits chimiques.
Si cette troisième catégorie ne se traduit pas par une véritable amélioration, si c'est simplement une petite amélioration, ce n'est pas véritablement un gain qui justifie une augmentation importante du prix, jusqu'à aller par exemple à être plus cher que le meilleur des médicaments de la catégorie. Cela veut dire que l'on peut regarder le prix des autres médicaments disponibles, pour le même résultat, et autoriser le prix maximum.
De cette façon nous essayons d'être justes, en tenant compte de l'argument que vous avez présenté, mais cela ne mérite pas plus.
M. Patry: J'ai une autre question à poser. Il y a en ce moment de jeunes compagnies de biotechnologie, sans grande expérience, qui contribuent cependant de façon importante à la recherche, sans vendre encore de produits sur le marché. Est-ce que le conseil enregistre la contribution de ces jeunes compagnies à la recherche? Sinon, pensez-vous qu'il faille le faire?
M. Elgie: Notre travail porte sur le secteur breveté. Ces compagnies ne sont pas là pour vendre des médicaments brevetés. Elles font de la recherche pour la mise au point de médicaments qui vont peut-être ensuite être brevetés, comme 3TC à Montréal et Fotofin à Vancouver.
M. Patry: Merci.
Le président: Monsieur Discepola, qui remplace M. Lastewka.
M. Discepola (Vaudreuil): Je pense être l'exemple vivant de ce à quoi M. Schmidt a fait allusion. Je suis allé voir mon médecin, avec ma femme, dimanche dernier. La première question du médecin, après avoir diagnostiqué chez l'un et l'autre le même symptôme, dont je souffre encore, a été: «Avez-vous une assurance privée?» Je n'en revenais pas. Ensuite il nous a prescrit un médicament, le même à ma femme et à moi, qui nous a coûté 125 $ chacun. Je peux d'ailleurs dire que pour moi ça marche, mais pas pour ma femme.
M. Elgie: Est-ce que vous vous recontaminez l'un l'autre?
M. Discepola: Non, mais si vous voulez nous allons laisser cela de côté. Je suis par contre fermement convaincu que le comité devrait se concentrer sur la façon de rendre notre secteur pharmaceutique plus compétitif par rapport à la concurrence internationale.
Ce qu'il faudra dire autour de vous, lorsque vous aurez quitté le comité, c'est que nous ne sommes absolument pas satisfaits de l'importance de la R-D au Canada. Si nous sommes prêts à assurer la protection des brevets conformément aux normes internationales, nous nous attendons également à ce que la R-D au Canada soient de statut international. C'est-à-dire que nous voulons que cette R-D se fasse au Canada, avec des ressources canadiennes.
À côté de cela, lorsque nous sommes en train de débattre le prix et de chercher qui dégage les meilleurs bénéfices par rapport aux autres, nous nous trompons d'adresse. Ce n'est pas de cette façon que nous parviendrons à nos fins.
J'aimerais donc que vous répondiez à ma première question: quelles mesures devrions-nous prendre pour que tout ce secteur soit plus concurrentiel face à la concurrence internationale? Il est quand même préférable que nous puissions faire faire toute la R-D au Canada.
Si l'on regarde de loin les secteurs à la fois générique et breveté, on s'aperçoit qu'ils s'en sortent très bien. Est-ce que cela veut dire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible? D'après votre rapport, les prix sont maîtrisés, et de ce fait il n'y a pas de problème. Devons-nous donc laisser faire, ou au contraire chercher des moyens d'être plus compétitifs?
M. Elgie: Notre position, c'est que vous nous avez donné un certain nombre de directives sur la façon de réagir au problème du prix des médicaments au Canada. Nous estimons avoir bien fait le travail, mieux que l'on n'aurait pu s'y attendre au moment de l'adoption du projet de loi.
Pour ce qui est de la R-D, d'après le rapport de la Commission royale d'enquête Eastman, elle représente effectivement une petite part du gâteau mondial. Sur 340 milliards de dollars à la sortie de l'usine, nous ne représentons que 2 p. 100, soit 6 milliards environ. En réalité je ne sais pas de quels moyens vous disposez pour maîtriser l'implantation de la R-D.
En ce moment, avec les groupes de travail que le ministre vous a cités, nous étudions toute cette question de la R-D au Canada par rapport au reste du monde. Nous espérons que les conclusions de l'étude seront remises au ministre avant que le comité n'ait terminé ses audiences. Cela pourra vous aider dans vos délibérations.
M. Discepola: Merci.
Le président: Monsieur Solomon.
M. Solomon (Regina - Lumsden): Merci, monsieur le président.
Lorsque le conseil fait des comparaisons de prix à l'échelle internationale, comment établit-il ensuite sa propre liste de prix? Est-ce que vous tenez compte du prix de catalogue ou du prix de vente?
M. Elgie: Dans notre pays, comme vous le savez, nous tenons compte du prix de vente. C'est-à-dire que s'il y a eu des ventes en bloc, donc avec un rabais, le prix courant sera d'autant diminué. Mais nous tenons également compte des cadeaux, etc., faits aux médecins, etc. C'est donc bien le prix de vente qui nous intéresse. Lorsque c'est possible, nous essayons d'avoir le même genre d'information pour les autres pays.
Voilà donc notre premier objectif. Nous avons en général pas mal de succès pour ce qui est de l'information concernant le prix de vente. Lorsque ce n'est pas possible, nous nous en tenons au prix courant, et nous vous l'indiquons clairement.
M. Solomon: Quelle peut être alors la différence entre le prix courant et le prix de vente? Vous dites que vous utilisez le prix de vente, les prix du marché international. Quelle différence y a-t-il entre les prix mondiaux et les prix au Canada?
M. Critchley: En moyenne, nos études montrent que les prix de vente réels au Canada sont inférieurs de 6 p. 100 environ aux prix courants publiés. Cela peut varier en fonction du médicament, mais c'est une moyenne.
Nous ne sommes pas en mesure de le savoir avec certitude pour les autres pays, mais nous savons que dans la plupart des pays européens les prix publiés que nous utilisons sont comparables à ceux que l'on trouve dans les formulaires provinciaux, tel que celui de l'ODB. Lorsque nous avons le prix de l'ODB, cela veut dire que c'est le prix pour toute la province de l'Ontario pour le médicament considéré.
Nous pouvons être à peu près certains que les prix que nous utilisons sont les prix de vente, comme l'a dit le Dr Elgie.
Pour les États-Unis c'est un petit peu différent. Vous n'avez pas les mêmes réglementations en place, mais il y a un certain nombre de bases de données américaines auxquelles nous pouvons avoir accès et qui nous permettent de vérifier l'information. Nous avons donc une assez bonne idée des prix de vente pour les États-Unis.
M. Solomon: Cela concernerait aussi les médicaments de la catégorie deux, c'est-à-dire les nouveaux médicaments, aussi bien que les médicaments plus anciens?
M. Critchley: Oui.
M. Solomon: Est-ce que les détenteurs de brevets fournissent eux-mêmes l'information, ou y a-t-il dans ces pays des registres des médicaments?
M. Elgie: L'information sur les prix nous vient effectivement des détenteurs de brevets. De temps en temps, si nous avons de bonnes raisons de vouloir le faire, nous faisons une vérification dans les autres pays.
M. Solomon: Quand le conseil a-t-il décidé de changer son unité de mesure du prix d'un médicament? Si je ne me trompe, vous utilisez maintenant le comprimé, le millilitre, l'inhalateur, etc. Vous faisiez cela en dollars par kilogramme. Pourquoi, et à quelle époque était-ce?
M. Critchley: Nous avons modifié notre unité de mesure en fonction des lignes directrices de 1992-1993, comme l'a dit le Dr Elgie.
Je pense que l'on utilisait le kilogramme à une certaine époque, au moment où le conseil a été créé. Mais la notion de comprimé parle plus aux consommateurs et aux régimes provinciaux d'assurance-médicaments, qui utilisent également le prix par comprimé ou par unité de médicament administrée. Cela a été également une des conséquences du processus de consultation dont a parlé le Dr Elgie. Tous les intéressés y ont participé et ont approuvé cette nouvelle façon de comptabiliser les choses.
M. Solomon: Est-ce que cela a eu des conséquences pour les prix des produits vendus?
M. Elgie: Non.
M. Solomon: Comment faites-vous des comparaisons lorsqu'un médicament vendu au Canada ne l'est pas dans les pays qui vous servent de référence?
M. Elgie: Nous avons eu effectivement cette difficulté une fois. Nous avons donné notre agrément provisoire au prix proposé, sous réserve que celui-ci serait abaissé, si nécessaire, dès que le médicament serait vendu dans un autre pays.
Le président: Avez-vous une autre question à poser, monsieur Solomon?
M. Solomon: J'aimerais parler du rapport, monsieur le président.
Apparemment, et d'après ce rapport, vous êtes très satisfaits de votre travail. Vous estimez que votre action a permis de maîtriser la courbe des prix des médicaments d'ordonnance.
Mais regardez ce qui se passe ailleurs. En Saskatchewan, par exemple, on avait par le passé un formulaire des médicaments remboursés. On y trouvait beaucoup de médicaments. À plusieurs reprises on a vu comment le prix des médicaments brevetés a fait monter le coût des programmes de remboursement. À tel point que maintenant beaucoup de médicaments ne sont plus sur la liste.
Certaines études, de la Coalition de la santé, ou de médecins, ou de certaines universités, montrent très clairement que le prix des médicaments d'ordonnance a terriblement augmenté depuis l'adoption du projet de loi C-22. L'augmentation est frappante, et cela va de 93 p. 100 pour le prix d'un médicament d'ordonnance courant jusqu'à 250 p. 100 pour certains médicaments brevetés.
Comment comprendre cette évolution? Et que répondez-vous à ceux qui vous disent, après avoir fait une recherche, que le conseil n'a pas véritablement de pouvoir lui permettant de faire rajuster les prix à la baisse?
M. Elgie: Tout d'abord, vous n'avez pas dit de quelles études en particulier il s'agissait, mais on me dit effectivement souvent que les prix des médicaments ont augmenté de 13,4 p. 100 par an, et en l'occurrence il s'agit des conclusions de l'étude Green Shield. Comme vous le savez, tout dépend de l'échantillon des médicaments dont on suit les prix. Selon que l'on prendra plus de médicaments de telle ou telle catégorie ou de telle autre, ou au contraire plus de nouveaux médicaments, tout est changé. Il faut être sûr que l'on parle de la même chose.
Si vous êtes obligé d'administrer un médicament breveté, et qu'il n'y a pas de médicament générique équivalent, il est vrai que cela va coûter plus cher. Je ne sais pas d'où vous sortez le chiffre de 250 p. 100 d'augmentation, ni même l'autre, mais nos données nous montrent que les prix des médicaments brevetés dans notre pays, et de façon générale les prix des médicaments administrés, ont chuté depuis huit ans. Si vous voulez nous communiquer vos chiffres et vos sources, je serai ravi d'en prendre note.
Le président: Peut-être que M. Solomon pourra déposer l'information dont il dispose.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Ménard : Monsieur le président, vous voyez qu'il y en a qui parlent plus que moi.
Monsieur Elgie, dans quelques heures, les membres de l'ACIM vont enfin se présenter devant nous. Mme Erola et son équipe sont des gens de défi. Ils vont nous dire quel niveau d'engagement on peut prendre pour vous donner satisfaction. C'est à peu près le discours qu'ils vont tenir, parce que ces gens-là ne vont pas se contenter du statu quo. Ils s'étaient engagés à quelque 10 p. 100 ou12,8 p. 100 pour l'industrie du médicament d'origine et à 13,1 p. 100 pour les membres de l'ACIM. Si je me rappelle bien, la Commission Eastman, que présidait votre prédécesseur, illustre s'il en est, avait tenté d'évaluer, sur la base de comparaisons internationales, les efforts consentis par différents pays.
Êtes-vous en mesure de faire connaître au comité des données sur l'effort qui se fait dans d'autres pays industrialisés? Je sais que la protection effective des brevets n'est pas la même. Supposons que nous avons un défi à donner aux gens de l'ACIM, qui sont insatiables. Nous n'allons pas les laisser se rendre à 25 p. 100, mais si jamais ils nous proposaient d'aller à 16, 17 ou 18 p. 100, pensez-vous que vous seriez en mesure de citer un chiffre si vous aviez à vous prononcer?
Une dernière et brève question, monsieur le président. Soyez magnanime avec moi. Mon projet de loi prévoit l'octroi de nouveaux pouvoirs à votre organisme concernant toute la question de l'accès humanitaire aux médicaments. Je vous fais grâce de ce que ça veut dire pour les gens, car je crois que vous le savez. Avez-vous le sentiment que si, dans un élan d'enthousiasme collectif, mon projet de loi était adopté, vous seriez en mesure de vous acquitter de ce mandat? Si c'est non, ne répondez pas à la question.
[Traduction]
M. Elgie: Si vous le voulez bien, j'en parlerai au Seigneur.
Le président: Voilà une bonne réponse. Merci beaucoup.
M. Elgie: Vous avez parlé de comparaisons des prix au niveau international. En 1990, nous avons fait un premier travail de recherche. Il était à la disposition des intéressés, mais nous ne l'avons jamais publié parce que nous voulions faire ce travail plus en détail. À l'époque, de 1988 à 1990, nous avons constaté qu'en 1990 le Royaume-Uni était en première position pour la R-D, avec 18,2 p. 100; venaient ensuite la Suisse, avec 17,4 p. 100, la Suède, 17,4 p. 100, l'Allemagne fédérale, 16 p. 100, les États-Unis, 11,8 p. 100, et le Canada, 8,2 p. 100. Voilà pour 1990, à une époque où la R-D n'était pas là où elle en est aujourd'hui. Nous étions même devancés par l'Italie, qui était à 9,5 p. 100. Nous espérons être en mesure de donner une liste de chiffres à jour au groupe de travail du ministre.
[Français]
M. Ménard: Est-ce qu'on peut en avoir un exemplaire? Ça va rester entre nous.
[Traduction]
M. Elgie: Vous avez dit que vous vouliez aller déjeuner? Est-ce bien exact?
[Français]
M. Ménard: Monsieur le président, il serait intéressant d'en avoir une copie.
[Traduction]
Le président: Je n'ai qu'une petite question à vous poser. Quand nous étions enfants, nous avions l'habitude de jouer avec des ciseaux, des cailloux et du papier; j'aimerais savoir comment vous jouez mentalement le rôle de chirurgien, d'avocat et de président.
Merci beaucoup. Votre témoignage était excellent, et nous vous en remercions beaucoup.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Une seule observation, monsieur le président. Après avoir entendu les témoins et après en avoir discuté avec des collègues, je pense qu'il faudrait peut-être les convoquer de nouveau après avoir entendu d'autres témoins.
Le président: Nous avons tous trouvé le temps très court et nous voulons veiller à ce que tous les députés aient l'occasion de vous poser d'autres questions, par écrit ou en personne. Nous avons apprécié la franchise de vos réponses aujourd'hui ainsi que les données que vous nous avez présentées. Merci beaucoup.
M. Elgie: Je serai occupé le 10 mai; j'assisterai à un mariage à Dartmouth. Cela vous convient-il?
M. MacDonald: Oui.
Le président: Merci beaucoup.
Prenons une pause de cinq minutes pour nous préparer à recevoir les témoins suivants.
Le président: Nous reprenons nos travaux.
J'invite le témoin à commencer. Mme Kathleen Connors est la coordinatrice du groupe représentant la Coalition canadienne de la santé.
Veuillez vous présenter, vous et vos collègues, avant de commencer. Merci beaucoup d'être venus. Le comité vous sait gré d'avoir bien voulu attendre. Nous savons que nous accusons quelques heures de retard. Merci encore.
Mme Kathleen Connors (présidente, Coalition canadienne de la santé): Merci, monsieur le président.
En tant qu'infirmière, je me suis demandé si j'avais besoin de vous apporter un petit stimulant pour vous apprêter à entendre cet exposé, mais il y a de la passion à cette extrémité de la table, et je ne pense donc pas que vous ayez besoin de médicament. Nous commencerons dans cette perspective.
Je m'appelle Kathleen Connors et je suis présidente de la Coalition canadienne de la santé. Ce soir, nous avons une importante délégation, ce qui montre la profondeur et l'ampleur de notre coalition. Maintenant, permettez-moi de présenter les membres de notre délégation.
Je suis accompagnée du Dr Ross Chapman, qui comparaît à titre de personne âgée, mais qui est plus qu'une personne âgée, car il a été fonctionnaire fédéral à compter de 1948. Avant de prendre sa retraite, il était sous-ministre adjoint à la Direction des aliments et drogues. Il a travaillé sous neuf premiers ministres et beaucoup plus de gouvernements dans ce domaine. Ross est un homme passionné et engagé en faveur des médicaments abordables, et il comprend bien des aspects de l'industrie pharmaceutique et des considérations ministérielles.
Il y a aussi avec nous le Dr Joel Lexchin, médecin et militant au sein du Groupe de réforme médicale; M. John Dillon, de la Coalition oecuménique pour la justice économique; M. Barry Appleton, de Appleton & Associates, une firme d'avocats spécialistes en droit commercial international; le révérend Bill Jay, de l'Église unie du Canada, membre du conseil d'administration de la Coalition canadienne de la santé; et, pour terminer, M. Michael McBane, coordonnateur exécutif de la Coalition canadienne de la santé.
L'essentiel de notre exposé, c'est-à-dire ses points saillants, seront présentés par Joel, John et Barry, mais nous sommes tous ici.
Je commencerai ma brève déclaration liminaire par une citation:
- Les Canadiens se rendent bien compte que, comme pour toute loi sur les brevets, cette nouvelle
loi vise à réduire la concurrence et à augmenter les prix ainsi que les bénéfices de l'industrie,
contribuant ainsi à la forte hausse des dépenses de santé au Canada.
La Coalition canadienne de la santé, organisation sans but lucratif et politiquement indépendante, a vu le jour en 1979. Elle regroupe des organismes nationaux, provinciaux et locaux représentant des personnes âgées, des syndicats, des personnes défavorisées, des femmes, des fournisseurs de soins de santé, des étudiants et des Églises. Collectivement, la coalition constitue un mouvement social qui travaille pour la sauvegarde et l'amélioration du régime d'assurance-maladie.
Le document intitulé Dix objectifs pour l'amélioration de la santé résume le point de vue de la coalition. La campagne menée actuellement par la coalition est: «Défendons les soins de santé publics de la cupidité des entreprises.» La campagne poursuit deux objectifs: gagner l'appui de la population pour la mise en place d'un régime d'assurance-médicaments universel et attirer l'attention du public sur le fait que les intérêts de l'entreprise privée menacent le régime d'assurance-maladie au Canada.
En raison de ces objectifs, nous saisissons l'occasion de présenter notre point de vue devant le Comité permanent de l'industrie eu égard à la révision de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets.
Pour l'ensemble de la population canadienne, la loi C-91 sert les intérêts des entreprises pharmaceutiques multinationales au détriment de la population. Votre parti politique, monsieur le président, a fait bloc avec nous pour contrer le projet de loi C-91.
Quatre ans plus tard, nous avons enfin l'occasion de rétablir l'équilibre dans les politiques pharmaceutiques au Canada. De plus, la population canadienne, en collaboration avec les personnes élues, a l'occasion de rétablir l'intégrité et la crédibilité de ce gouvernement. Nous attendons avec impatience de voir ce que le ministre de la Santé, M. Dingwall, a décrit devant ce comité comme une révision réfléchie, équilibrée et complète de la loi C-91.
Nous sommes toutefois préoccupés par le fait que plusieurs études préparées par différents ministères en vue de cette révision n'ont pas été rendues publiques. En particulier, le ministère de l'Industrie devait rendre publique une étude sur les coûts relatifs à la loi C-91 ainsi qu'un document sur la concurrence dans le secteur. Il est essentiel que les ministères de l'Industrie, de la Santé, et même du Commerce, présentent devant ce comité une analyse étayée, complète, impartiale et fiable au plan méthodologique.
Nous croyons que le président de ce comité donnera suite à la suggestion du ministre de la Santé d'inviter des responsables du Forum national sur la santé ayant travaillé à une étude portant sur la politique pharmaceutique à examiner attentivement avec les membres du comité leurs importantes recommandations. Le Forum national sur la santé a mené une enquête échelonnée sur deux années auprès de la population canadienne et il transmet le point de vue du public sur les questions touchant le domaine pharmaceutique dans l'ensemble et sur les effets néfastes de la loi C-91 en particulier.
Au cours des quatre dernières années, nous avons entendu les Canadiens parler de cette question. Nous savons qu'ils parlent à leurs députés. Je sais que j'ai rencontré certains d'entre vous dans des aéroports et dans des immeubles où je vous ai coincés pour vous présenter la position de la Coalition canadienne de la santé.
En tant que coalition, nous avons entendu deux gouvernements successifs, d'abord le gouvernement Mulroney avec l'Accord de libre-échange, et ensuite le gouvernement Chrétien avec l'ALENA, nous dire: «Nous pouvons adopter ces lois. Il n'y a pas de problème; elles comportent des mécanismes d'examen. Si elles ne correspondent pas aux meilleurs intérêts des Canadiens, si elles ne répondent pas à leurs besoins, nous avons la possibilité de déchirer l'accord. Nous avons la capacité de l'abroger et de nous en retirer.» Nous aimerions que les membres du comité s'en souviennent.
Deux documents accompagnent ce mémoire. Le premier est une étude qui examine d'un point de vue critique les droits relatifs à la propriété intellectuelle et les obligations en matière de commerce international. Je ne suis certainement pas et je ne prétendrai jamais que je suis avocate spécialiste des questions commerciales, mais nous croyons qu'après notre témoignage de ce soir il sera clair pour les membres de ce comité qu'il existe des options et que, en tant que gouvernement, vous avez des options pour remédier aux aspects négatifs de la loi C-91.
Je vais d'abord donner à Ross l'occasion de faire quelques brèves observations avant que d'autres membres de notre délégation ne vous présentent ces options. Je vous remercie.
M. Ross Chapman (membre, Coalition canadienne de la santé): Monsieur le président, en tant que personne âgée, je suis parfaitement conscient de l'importance des délibérations de ce comité. On vous demande de concilier deux objectifs contradictoires: encourager judicieusement la R-D dans l'industrie pharmaceutique tout en permettant au consommateur d'accéder pleinement à des médicaments génériques à des prix abordables.
Comme vous le savez peut-être, les personnes âgées représentent à peu près 12 p. 100 de notre population, mais elles consomment plus de 30 p. 100 des médicaments vendus sur ordonnance. L'année 1996 a marqué un tournant quant aux changements apportés aux programmes provinciaux d'assurance-médicaments pour les personnes âgées. Actuellement, toutes les provinces imposent une franchise et une participation aux coûts qui varient d'une province à l'autre, mais qui représentent des centaines de dollars de frais supplémentaires pour les aînés. Cela découle de l'augmentation exponentielle du coût des régimes d'assurance-médicaments.
Cette situation est essentiellement due à l'accroissement des prix des nouveaux médicaments sans l'effet compensatoire de nouveaux médicaments génériques moins chers depuis l'adoption du projet de loi C-91.
Nul doute que votre tâche est difficile, mais je suis sûr que vous relèverez le défi. Je vous remercie.
Dr Joel Lexchin (Groupe de réforme médicale, Coalition canadienne de la santé): Je vais passer brièvement en revue les cinq points qui constituent l'essentiel du mémoire de la Coalition canadienne de la santé.
Le premier concerne l'établissement d'un régime d'assurance-médicaments universel. Actuellement, l'on estime que de 12 à 15 p. 100 des Canadiens n'ont aucune assurance-médicaments. Il ne s'agit pas simplement d'une proportion fixée au hasard, mais de personnes qu'on appelle généralement des travailleurs pauvres, dont le revenu est un peu trop élevé pour qu'elles puissent bénéficier des régimes provinciaux d'assurance-médicaments, mais qui travaillent dans des domaines où l'on n'offre pas d'assurance privée.
Étant donné que ce sont des personnes à faible revenu, leur état de santé est également moins bon que celui du Canadien moyen. Paradoxalement, ceux qui ont plus besoin de médicaments ont moins de moyens pour les acquérir.
Si on le compare aux 23 ou 24 autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économique en ce qui concerne l'accès aux régimes publics d'assurance-médicaments, on constate qu'à l'exception des États-Unis le Canada est en dernière position. Autrement dit, nous sommes le pays où la plus faible proportion de la population a accès à des régimes financés par les gouvernements. Ces régimes paient le plus faible pourcentage de la facture totale de médicaments.
Actuellement, les provinces ont des régimes d'assurance- médicaments, mais ces régimes sont inégaux. Tous imposent maintenant des tickets modérateurs à la population. D'après des études effectuées aux États-Unis, nous savons que, lorsque les gens doivent payer leurs médicaments, lorsqu'ils doivent payer des tickets modérateurs, ils renoncent aux médicaments et utilisent l'argent à d'autres fins. Malheureusement, ces gens-là sont souvent incapables de faire la distinction entre les médicaments essentiels et non essentiels, ce qui signifie que, parfois, ils renoncent aux médicaments essentiels. Cela fait augmenter le nombre d'admissions dans les maisons de repos et dans les hôpitaux psychiatriques.
Nous pensons qu'un régime d'assurance-médicaments universel et financé par les gouvernements est nécessaire - non seulement cela est nécessaire, mais nous pensons que ce serait économique à maints égards.
Premièrement, le pouvoir d'achat des provinces. Si le gouvernement provincial était l'unique acheteur, il pourrait contrôler davantage les prix des produits.
Deuxièmement, les régimes privés d'assurance ont actuellement des frais d'administration et des frais généraux beaucoup plus élevés que les régimes publics. Si nous prenons le cas des États-Unis, dont le régime d'assurance médicale est essentiellement privé, les frais généraux représentent 14 p. 100 du coût total. Au Canada, grâce à l'assurance-maladie, ils représentent à peu près 1 p. 100. Si l'on peut établir ce genre de différence dans le domaine des médicaments, sur les 6,25 milliards de dollars que nous consacrons aux médicaments, nous pourrions probablement économiser 800 millions de dollars environ en éliminant une partie substantielle des frais généraux.
En deuxième lieu, il faut faire en sorte que les médicaments génériques soient lancés rapidement sur le marché. Depuis que le projet de loi C-22 a été adopté en 1987, le coût d'une ordonnance - c'est-à-dire le montant que le consommateur, la province ou le régime privé paie - a augmenté de façon considérable. En effet, l'augmentation a été d'environ 93 p. 100 entre 1987 et 1993. Cela est dû essentiellement à l'accroissement du coût des nouveaux médicaments brevetés. Le prix d'une ordonnance comportant un nouveau médicament breveté s'est accru d'environ 13 p. 100 par an.
D'aucuns pourraient prétendre que ce serait justifié si ces nouveaux médicaments représentaient des progrès considérables. Mais d'après les chiffres publiés par le Conseil d'examen du prix des médicaments breveté, seulement un peu plus de 8 p. 100 des produits qui arrivent chaque année sur le marché peuvent être considérés comme nouveaux.
L'autre facteur d'augmentation du coût des ordonnances contenant ces nouveaux médicaments brevetés, c'est le manque de concurrence des produits génériques. Avant l'adoption du projet de loi C-22, la concurrence des produits génériques se faisait sentir après la cinquième année de mise en marché. Le premier produit générique arrivait sur le marché à un prix réduit d'environ 25 p. 100 par rapport au prix du produit de marque. À partir du moment où il y avait trois ou quatre produits génériques sur le marché, la différence pouvait aller jusqu'à 50 p. 100 par rapport au prix du produit de marque.
C'est pour ces raisons que nous estimons que l'arrivée sur le marché des médicaments génériques devrait être plus rapide. Contrairement à ce qu'a dit le ministre de l'Industrie, nous croyons qu'on peut adopter des solutions sans porter atteinte à l'ALENA ou aux dispositions des APIC. John Dillon y reviendra tout à l'heure.
Troisièmement, il faut contrôler la qualité et l'efficacité des recherches faites par l'industrie pharmaceutique. L'industrie fait plus de recherches qu'auparavant, et aujourd'hui elle y consacre 625 millions de dollars par an. Cependant, l'industrie oublie de signaler qu'elle bénéficie d'un crédit d'impôt de 40 p. 100 pour la recherche et qu'en réalité elle ne lui revient qu'à environ 375 millions de dollars.
Ce qui importe encore plus, c'est de savoir quel genre de recherche elle fait. Elle ne consacre qu'environ 22 p. 100 de ses efforts de recherche à la recherche fondamentale. C'est peu comparativement aux 40 p. 100 qu'y consacrent le Royaume-Uni et les États-Unis.
Pour avoir une idée des efforts de recherche fondamentale des multinationales au Canada, il suffit de consulter l'accord conclu entre l'ACIM et le Conseil de recherches médicales. Il contient un programme d'investissement de 200 millions de dollars sur cinq ans. Ce programme a été annoncé en novembre 1994; donc, la moitié de cet argent aurait dû être investi. Il s'en faut d'au moins 20 millions de dollars, ce qui nous incite à nous poser des questions sur la réalité de leur engagement en matière de recherche fondamentale dans notre pays.
Étant donné la réduction de la participation du gouvernement à la recherche médicale, il faut nous demander si nous souhaitons que la majeure partie de la recherche médicale au Canada soit financée par l'industrie. L'industrie ne financera que la recherche qui a des débouchés commerciaux. Est-ce que c'est le genre de recherche médicale le plus utile pour notre pays? Est-il nécessaire de faire de la recherche pure qui n'a pas forcément de débouchés commerciaux? Si c'est l'industrie qui finance la majeure partie de la recherche, s'en souciera-t-elle?
Pour finir, il reste la question de savoir combien il faut vraiment d'argent pour mettre un nouveau médicament sur le marché. L'industrie cite le chiffre de 231 millions de dollars américains, fondé sur une étude de 1991, mais un examen de cette étude montre qu'elle laisse beaucoup à désirer.
Pour commencer, elle ne couvre que quelques nouvelles substances chimiques dont la recherche était uniquement assumée par les fabricants de médicaments. Elle néglige les médicaments mis au point en coopération avec les gouvernements, les universités, les hôpitaux et les facultés de médecine. Elle néglige les médicaments vendus sous licence par d'autres fabricants. Elle néglige toute une série de produits.
Deuxièmement, plus de la moitié des 231 millions de dollars correspondent à ce qu'on appelle les coûts d'opportunité. Les coûts d'opportunité sont des capitaux investis dans la recherche plutôt que dans d'autres choses. Ce sont des coûts économiques théoriques, et non pas une mesure de ce que la compagnie dépense en réalité. Ils ne figurent pas dans le bilan financier, ils ne figurent pas dans les pertes et les profits, ils ne servent pas à calculer les dividendes et ils ne sont pas pris en compte quand les compagnies essaient d'attirer des investisseurs.
De plus, bien que ce soit l'industrie qui probablement mette la majorité des produits sur le marché, quand on considère les nouveaux produits vraiment importants qui arrivent sur le marché - importants selon la définition donnée par la Food and Drug Administration américaine - on s'aperçoit que pour un grand nombre de ces produits il y a eu une forte participation financière du gouvernement.
En conséquence, sur le plan de la recherche les sommes véritablement investies par l'industrie dans le nouveau médicament sont contestables. De plus, pour les nouveaux médicaments importants, il semble que le gouvernement, tout du moins le gouvernement américain, investisse beaucoup dans ce genre de recherche.
Nous vous demandons également de rendre le processus d'approbation des médicaments plus strict et plus public. Nous voyons deux problèmes sérieux dans la procédure de réglementation canadienne actuelle.
Le premier est le manque de transparence. Par exemple, les renseignements sur les médicaments qui sont soumis au processus d'approbation des médicaments sont très difficiles à obtenir. La direction générale de la protection de la santé ne dit pas si un produit est examiné, s'il est soumis au processus d'approbation. Même une fois le médicament approuvé, à moins que la compagnie qui le commercialise ne soit d'accord ou à moins que les études n'aient été publiées, il est impossible d'avoir accès à ces renseignements.
Il n'y a aucune vérification indépendante de la qualité de l'évaluation faite par la direction générale de la protection de la santé. Si un médicament est rejeté par la direction générale de la protection de la santé, ce renseignement n'est pas rendu public pas plus que les raisons du rejet. Nous ne savons donc pas si c'est pour des raisons de sécurité ou d'efficacité.
Le président: Je me permets d'interrompre le témoin. La façon dont vous utilisez votre temps vous regarde mais les membres du comité peuvent lire les mémoires. Ce que nous aimons c'est un bon échange entre les témoins et les députés. J'apprécierais votre coopération. Cela fait presque 25 minutes et si vous pouviez faire quelque chose, nous vous en serions gré.
Dr Lexchin: Tout à fait d'accord.
Le deuxième problème du processus d'approbation est provoqué par les réductions d'effectifs et la déréglementation. Nous serons heureux d'y revenir avec vous tout à l'heure.
Enfin, nous voulons un meilleur contrôle sur le prix des médicaments.
Vous venez d'entendre M. Elgie du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Les lignes directrices de ce conseil présentent de nombreuses lacunes graves. Entre autre, lorsque le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés fait la comparaison avec le prix moyen international, il ne tient compte que des prix en vigueur dans le groupe des sept.
Si on comparaît les prix des produits de ce groupe de sept pays à ceux de tous les pays de l'OCDE, on verrait qu'en moyenne dans ce groupe les prix sont de 10 p. 100 à 15 p. 100 plus élevés que la moyenne de l'OCDE. Cela signifie que les prix canadiens sont supérieurs à la moyenne des prix de l'OCDE. Nous estimons en conséquence qu'il y a lieu d'apporter des changements importants à la manière dont le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés réglemente le prix des nouveaux produits. Il suffit de modifier les règlements, il n'y a pas à toucher à la loi.
Merci.
Mme Connors: John.
M. John Dillon (membre, Coalition canadienne de la santé): Monsieur le président, nous estimons que les options du gouvernement, que votre comité devrait examiner, pour la nouvelle loi sur les médicaments du Canada ne sont pas aussi limitées par les ententes commerciales internationales que M. Manley ait pu vous le faire croire.
Je vous incite ainsi que M. Manley à réexaminer le contenu du chapitre 17 de l'Accord de libre-échange nord-américain et le chapitre concernant les échanges commerciaux liés à la propriété intellectuelle de l'Organisation mondiale du commerce à la lumière du rapport du Forum national sur la santé qui recommande la dédenrisation des médicaments et à la lumière de notre recommandation, c'est-à-dire la Coalition canadienne de la santé, en vue d'un régime d'assurance-médicaments universel. Quand on considère le détail de ces ententes commerciales on s'aperçoit bien qu'ils contiennent une clause de protection de 20 ans des brevets, ils contiennent un certain nombre d'autres clauses. En fait, c'est en vain qu'on peut chercher une mention quelconque de licence obligatoire. Les spécialistes du droit commercial ne sont même pas d'accord pour dire quelle clause pourrait à la rigueur couvrir un régime de licences obligatoires.
Ce qui est clair, cependant, c'est qu'il y a des clauses qui permettent des exceptions. Il y en a une connue sous le nom de clause d'exception limitée. Une autre sous le nom de clause d'autre utilisation. J'estime que si un programme national de médicaments était mis en place et que si les produits pharmaceutiques étaient traités comme un bien public et non pas comme une denrée à acheter à et à vendre, en vertu des ces clauses il serait possible de rédiger une loi qui serait conforme aux ententes commerciales et qui nous permettrait de bénéficier de produits pharmaceutiques plus économiques et d'une diffusion plus juste des ces produits pharmaceutiques dans le pays.
Supposons un instant que cette option soit exclue par une forte réaction des fabricants transnationaux de médicaments. Supposons qu'ils montent une contre-attaque énergique. Il s'agit alors de savoir si ce gouvernement veut une loi qui défende les intérêts de la majorité des Canadiens ou s'il se soumet sans résistance au lobby des fabricants transnationaux de médicaments.
Nous ne manquons pas d'options. Il y a un certain nombre de pays où il y a aussi des gens qui souhaitent restaurer la justice en matière de prix de médicaments. Il n'est pas impensable que des changements puissent être apportés aux accords de commerce internationaux. Nous avons des alliés dans le monde entier qui aimeraient aussi qu'on restaure les licences obligatoires.
Bref, monsieur le président, si le projet de loi C-22 est prorogé, il est possible d'en limiter les conséquences mais si l'objectif est la mise en place d'un régime national pour les médicaments, les ententes commerciales nous offrent plusieurs options.
J'aimerais maintenant vous présenter Barry Appleton, qui est l'associé directeur général d'Appleton & Associates, International Lawyers, le cabinet de droit international le plus important du Canada. Il est membre des barreaux de l'Ontario, de New York et de la Cour américaine de commerce international, l'auteur du livre Navigating NAFTA et spécialiste de droit commercial international.
M. Barry Appleton (membre, Coalition canadienne de la santé): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis ici ce soir pour vous informer de vos options juridiques internationales dans le cadre de votre examen du projet de loi C-91.
On a dit à votre comité et à la population canadienne que le gouvernement n'avait pas le choix et qu'il devait renouveler le projet de loi C-91 sous sa forme actuelle. Le droit commercial international est cité comme étant la raison pour laquelle nous ne pouvons pas apporter de modifications à cette loi. Ce n'est pas vrai. Je suis venu ce soir pour vous dire que nous pouvons apporter des modifications au projet de loi C-91 tout en respectant nos obligations commerciales internationales. Je veux que vous n'ayez absolument aucun doute sur mes propos. En vertu du droit international, le Parlement dispose d'options pour réformer le projet de loi C-91 dans le contexte des obligations qui lui impose le droit commercial international.
S'il y a un message que j'aimerais voir les députés rapporter chez eux ce soir, c'est que le Parlement a à sa disposition des options pour protéger la santé et le bien-être des Canadiens.
Permettez-moi de vous rappeler brièvement la législation. Votre comité a entendu dire que l'ALENA et l'APIC garantissaient une période de 20 ans de protection des brevets. Cette période de protection qui est énoncée dans ces ententes, est assujettie à un certain nombre d'exceptions. Mon collègue John Dillon vous a présenté un document que vous retrouverez dans vos classeurs ce soir et auxquels il vient de se référer. Ce document énonce le droit concernant certaines de ces options. Il a correctement identifié un certain nombre d'exceptions limitées qui sont contenus dans le code du programme de l'APIC et dans l'ALENA et nous nous ferons un plaisir d'en discuter ainsi que d'autres questions avec vous au cours de la soirée.
En plus de ces exceptions limitées, il y a un autre domaine dans le code de l'APIC et dans l'ALENA où le Parlement peut prendre des mesures. Mais vous n'avez pas à me croire sur parole; permettez-moi de vous en donner la preuve. Voici l'ALENA. Laissez-moi simplement vous en lire un petit extrait et vous pourrez décider. Ne jugez pas en fonction de ce que je vous dis, jugez en fonction de ce que vous comprenez vous-mêmes.
Le paragraphe 1709(2) de l'ALENA stipule:
- Une Partie pourra exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d'empêcher
l'exploitation commerciale sur son territoire pour protéger l'ordre public ou la moralité, y
compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver des végétaux,
ou pour éviter de graves atteintes à la nature ou à l'environnement, à condition que cette
exclusion ne tienne pas uniquement au fait que la Partie interdit l'exploitation commerciale sur
son territoire du produit qui fait l'objet du brevet.
Ces articles permettent aux gouvernements d'exclure de la brevetabilité certains produits, si cela est nécessaire pour protéger l'ordre public. Qu'entend-t-on par ordre public? Les députés ici dont la langue maternelle est le français savent ce qu'est l'ordre public. L'ordre public est une expression employée en droit international qui renvoie à la capacité des gouvernements de prendre des mesures dans l'intérêt public.
Ce vocable offre la plus vaste protection possible. Voilà pourquoi il n'a pas été traduit dans la version anglaise de l'ALENA. On l'a conservé dans la version française car il s'agit d'un concept très large. C'est le concept qui permet au Parlement de juger de ce qui est dans l'intérêt national et de prendre les mesures qui s'imposent en fonction de ce jugement. Pour autant que les gouvernements prennent des mesures dans l'intérêt national, selon une définition très large, et que ces mesures ne consistent pas à interdire uniquement l'exploitation commerciale, un changement dans la législation canadienne sur les brevets est possible également de cette façon.
À mon avis, un gouvernement qui voudrait instaurer un régime universel d'assurance-médicaments, comme le préconise le Forum national sur la santé, par exemple, pourrait se réclamer de la définition de l'ordre public. Il y a toute une gamme d'options que permet cette exclusion - je ne parle pas uniquement de celle-ci, mais d'autres également - , qui donneraient au Parlement le moyen de garantir aux Canadiens l'accès, à faible coût, à des produits pharmaceutiques de haute qualité.
En conclusion, permettez-moi de réitérer que l'APIC et l'ALENA permettent tous deux au Canada de choisir la façon dont il souhaite protéger les brevets. Pour assurer l'intérêt public légitime, le Parlement, s'il le souhaite, peut modifier les droits relatifs aux brevets ou même les abroger.
En somme, le droit commercial international ne restreint pas entièrement la capacité du gouvernement d'adopter une politique novatrice pour assurer et dispenser les services sociaux et de santé au Canada. Ce qui est le plus important, c'est qu'il existe des options que le comité peut envisager. En fait, à l'égard de ces options, les seules limites du comité sont celles de sa propre créativité et de sa volonté de protéger le régime de soins de santé unique du Canada. Merci.
Mme Connors: Nous sommes maintenant disposés à répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Brien.
[Français]
M. Brien : Évidemment, je vais revenir sur la question des règles internationales. Dans un premier temps, il faut évidemment faire la distinction entre ce qu'on veut faire et ce qu'on peut faire. Commençons par ce qu'on pourrait vouloir faire. Il m'apparaît y avoir une vue à sens unique dans votre présentation, alors que nous avons plutôt pour rôle de trouver le point d'équilibre.
Je prends la perspective du consommateur qui souhaite avoir accès à des médicaments au meilleur coût possible. Nous sommes tous d'accord à ce sujet. Mais nous souhaitons aussi avoir accès à des médicaments qui offrent les meilleurs types de traitements possibles, à des médicaments de haute qualité, constamment mis à jour, évolués et qui savent combattre les nouvelles maladies qu'on découvre. Ceci nécessite des investissements importants en recherche et en développement. Parce qu'on vit dans une économie mixte où interviennent les entreprises privées et le gouvernement, les compagnies privées ne font pas de la recherche dans un but philanthropique, mais parce qu'elles souhaitent un retour sur leurs investissements.
J'ai de la difficulté à croire qu'une entreprise qui injecte 250, 300 ou 400 millions de dollars pour développer un produit et à laquelle on accorderait très peu de protection au niveau des brevets serait intéressée à effectuer ce genre de recherche.
D'une part, vous voulez rendre les médicaments accessibles au meilleur prix possible, mais d'autre part, est-ce que vous vous souciez du fait que ces médicaments, pour être accessibles, doivent tout d'abord être découverts ici? Souhaitez-vous plutôt que notre économie copie les médicaments découverts ailleurs?
[Traduction]
Dr Lexchin: Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a un compromis à faire entre obtenir des médicaments au plus bas coût et promouvoir la mise au point de nouveaux produits. Cependant, compte tenu de la taille du marché canadien - le marché des médicaments au Canada représente moins de 2 p. 100 du marché mondial - , ce n'est pas le fait de pouvoir obtenir un brevet, pour telle ou telle durée, ici au Canada, qui fait pencher la balance lorsque les sociétés pharmaceutiques décident ou non de mettre au point un nouveau produit.
Le marché canadien est trop petit pour influencer les décisions de R et D. Les sociétés en question fondent leurs décisions de R et D sur la possibilité que leurs médicaments pénètrent les trois principaux marchés mondiaux, qui sont les États-Unis, l'Union européenne et le Japon.
De plus, si l'on considère la période précédant le projet de loi C-22 - et nous faisons en l'occurrence référence aux conclusions du rapport de la Commission Eastman - , on constate que même avec la licence obligatoire, les produits génériques ont réussi à gagner 3,1 p. 100 seulement de l'ensemble du marché canadien.
À la même époque, d'après M. Eastman, le Canada était le pays le plus rentable au monde pour l'industrie pharmaceutique, juste après les États-Unis. De toute évidence, la licence obligatoire n'a pas soustrait une part importante du marché aux multinationales. Elles ont continué d'afficher des profits fort intéressants.
[Français]
M. Brien: Vous comprendrez que d'un côté comme de l'autre, que ce soit du côté des fabricants de médicaments génériques que de celui des fabricants de médicaments d'origine, on ne parle pas de gens qui sont cassés. Les deux secteurs sont rentables.
J'aimerais poursuivre ce débat plus longuement, mais je n'aurai pas assez de temps. Je passerai donc tout de suite à mes questions qui concernent le droit international. Les ministres de l'Industrie et de la Santé sont venus ici et tous deux nous ont dit qu'il n'était pas possible, dans le cadre des accords de l'OMC et de l'ALENA, de rétablir l'ancien système de licences obligatoires comme vous le souhaitez. Vous dites exactement le contraire. Évidemment, l'un de vous se trompe dans son interprétation. Nous dites-vous finalement que les ministres nous mentent volontairement, qu'ils nous donnent de faux renseignements? Avez-vous plusieurs avis juridiques qui confirment votre position? Si oui, vous est-il possible de nous les transmettre?
[Traduction]
Le président: Qui veut répondre?
Mme Connors: J'aimerais que John et Barry répondent.
M. Dillon: À notre avis, il est possible d'instaurer un régime national d'assurance-médicaments dans le respect des accords internationaux existants.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, l'ALENA et l'APIC renferment tous deux des articles qui permettent des exceptions et, si vous lisez le libellé de ces articles, il y est précisément question d'une exploitation publique, non commerciale. En l'occurrence, un gouvernement ou une partie au contrat peut avoir recours à un médicament breveté ou à tout autre produit breveté. En vertu de ces articles, pour autant qu'il s'agisse d'un usage public, non commercial, il serait conforme aux accords existants de rédiger une loi instaurant un régime national d'assurance-médicaments.
Je pense que Barry veut intervenir.
M. Appleton: Monsieur Brien, les ministres ont tous deux fait ces déclarations. Je vous ai cité un exemple directement tiré de l'ALENA. Vous pouvez constater par vous-même que cette disposition prévoit une exception. Les ministres ont dit explicitement qu'il n'y avait pas d'exceptions. Pas besoin d'être un avocat spécialisé en droit international pour voir cela. Je suis un avocat spécialiste du droit international, et ce n'est pas leur cas, mais nul besoin d'en être un pour comprendre ce qui est dit ici.
Voilà ce que je ne comprends pas. Si je suis venu comparaître aujourd'hui c'est que je comprends mal comment les ministres peuvent tenir de tels propos. Vous ont-ils fourni des copies de leurs opinions? Vous ont-ils fourni des copies des opinions des experts du ministère du Commerce international? Ils ne sont pas en mesure de vous les fournir car la bonne réponse n'est pas celle qu'on vous donne.
En toute déférence, il est très important que les membres du comité comprennent qu'en droit commercial international, il existe des exceptions. Il existe une protection pour la propriété intellectuelle en droit international mais également des exceptions pour permettre à un Parlement souverain de régler des problèmes en employant des solutions raisonnables.
L'ALENA prévoit l'une des meilleures protections au monde de la propriété intellectuelle. C'est d'ailleurs ce qui a dicté sensiblement le même processus dans l'APIC de l'OMC. Cette protection n'est cependant pas absolue. Le Parlement est souverain, mais certaines modalités sont précisées.
Tout ce que je vous dis, c'est que les ministres sont manifestement mal informés si c'est effectivement ce qu'ils vous disent. Je suis convaincu que ce n'est pas là ce qu'ils veulent dire. Je suis certain qu'ils veulent dire qu'il existe des règles rigoureuses, mais qu'il existe certaines exceptions. S'ils vous disent autre chose, c'est sans doute qu'ils ne parlaient pas de la même chose.
Dans le passé, votre comité, ainsi que d'autres comités de la Chambre et du Sénat se sont penchés sur cette question et ont entendu d'autres opinions. Mais peu importe qu'il y ait 100 opinions d'un côté et 100 de l'autre. Les membres du comité peuvent voir par eux-mêmes. D'ailleurs, c'est tout ce que je leur suggère. Je ne leur demande pas de me croire sur parole. Je les invite instamment à examiner les textes écrits. À titre de membre du clergé, je ne voudrais pas comparer cela à la Bible, mais en matière de commerce international, c'est effectivement la Bible.
[Français]
Le président: Une dernière question, monsieur Brien.
M. Brien: Dans votre dernière réponse, vous nous avez lu un article. À la lumière de votre jugement, je pense qu'on va devoir faire un travail plus rigoureux et plus méthodique. Nous avons la responsabilité de demander au ministre ses propres avis juridiques, de la même façon que je vous les demande à vous aussi. On ne saurait simplement se baser sur l'interprétation d'un article que vous nous lisez. À ma connaissance, des ententes internationales, particulièrement l'ALENA, peuvent être portées devant la Commission de règlement des différends qui, en bout de ligne, tranche ce genre de conflits.
Vous avez fait allusion à une clause qui peut être très large ou très restrictive, soit l'ordre public. Au nom de l'intérêt et de l'ordre publics, le gouvernement pourrait dire qu'il est d'intérêt national d'agir. Nous n'avons toutefois pas tous la même définition de ce que peuvent être l'intérêt et l'ordre publics qu'on veut assurer. Il m'apparaît qu'il est clair, net et précis qu'advenant le cas où on procéderait, cette question finirait devant la Commission de règlement des différends et on devrait présenter des arguments pour soutenir notre position. Ce n'est donc pas si évident que vous le dites. On ne saurait porter des conclusions à partir de la lecture d'un article.
Est-ce que vous avez quelques avis juridiques différents qui confirment votre position? Si vous avez un peu de temps, je vous invite à définir l'intérêt public ou l'ordre public national, ainsi que l'état d'urgence qui pourrait justifier notre intervention.
[Traduction]
Le président: Je vous demanderais de vous en tenir à un point seulement, car nous devons permettre à d'autres de poser des questions. Veuillez préciser la définition d'ordre public pourM. Brien.
M. Appleton: Ensuite, je m'entretiendrai volontiers en privé avec M. Brien, et je lui fournirai des documents.
En fait, j'ai apporté certains documents pour m'aider, car M. Brien pose une très bonne question. Qu'est-ce que l'ordre public? L'ordre public est un concept plus vaste que les autres termes utilisés, qui ont d'ailleurs été définis. Je laisserai volontiers aux membres du comité un document publié par le CIRDI, soit le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, qui s'occupe de ce genre de questions.
Il existe une publication récente à ce sujet où l'on dit, spécifiquement, que dès lors qu'il s'agit d'une politique gouvernementale, telle que définie par le Parlement, elle entre dans le champ de l'ordre public. Je fournirai volontiers aux députés tous les documents pertinents à ce sujet.
L'ordre public est employé assez souvent en droit international, je suis sûr que cela devrait le satisfaire. Mais si cela ne suffit pas, nous pourrions certainement lui fournir, ainsi qu'aux autres membres du comité, davantage de documentation.
Le président: Monsieur Schmidt.
M. Schmidt: Merci, monsieur le président. Il y a de nombreuses questions que je voudrais poser à votre groupe.
Tout d'abord, je vous remercie d'être venus. Nous sommes heureux que vous soyez avec nous.
Je vous demanderais de préciser ce que vous entendez par améliorer le régime de santé.
Mme Connors: Cela pourrait être le sujet d'un autre témoignage de deux heures.
Je pense que le problème tient au fait que lorsque le régime de soins de santé a été créé, il l'a été à une certaine époque et il a été assorti de certaines restrictions politiques. La Coalition canadienne de la santé au fil des ans a proposé diverses façons d'améliorer le régime de santé, notamment en permettant aux médecins de contrôler le système. Nous avons dressé une liste de dix objectifs visant à améliorer le système, et nous vous la fournirons volontiers. Nous pourrions avoir une discussion sur ces questions.
Parmi les dix objectifs mentionnés, citons en deux: répondre aux besoins de la population en leur fournissant des médicaments à un prix raisonnable et instaurer un système équilibré. Ce que la Coalition canadienne de la santé souhaite, cette fois-ci, c'est faire comprendre à la population qu'il y a d'autres façons que celles proposées dans le projet C-91 pour régler le problème du coût des produits pharmaceutiques. Il existe de nombreuses options. Nous croyons qu'il y a des solutions de rechange et voilà pourquoi nous voulons vous fournir, à titre de membre du comité, des options.
M. Schmidt: Votre mémoire comportait en exergue la citation suivante:
- Les Canadiens se rendent bien compte que comme pour toute loi sur les brevets, cette nouvelle
loi vise à réduire la concurrence et à augmenter les prix ainsi que les bénéfices de l'industrie,
contribuant ainsi à la forte hausse des dépenses de santé au Canada.
Mme Connors: La réponse est bien simple. Il devrait évidemment y avoir concurrence. On a vendu à la population canadienne l'idée de l'Accord de libre-échange nord-américain en faisant valoir que c'est un moyen de stimuler la concurrence et d'améliorer les choses, et nous savons ce qui s'est passé dans l'industrie pharmaceutique. On a vu la création d'un monopole de protection des brevets pour les nouveaux produits pharmaceutiques; ce qui a poussé le coût des soins de santé à la hausse, comme le rapporte notre mémoire.
Nous sommes des adeptes de la concurrence. Nous avons constaté que dans le secteur pharmaceutique, la concurrence avait été entravée par le projet de loi C-91.
M. Schmidt: Croyez-vous qu'un régime national d'assurance- médicaments accroîtrait la concurrence?
Mme Connors: Il devrait y avoir un moyen. Pour répondre simplement à votre question, si ce régime national d'assurance-médicaments que nous envisageons consistera à maintenir le statu quo et à transformer les deniers publics en profits pour les grandes sociétés, alors ce n'est pas le genre de régime que nous souhaitons. Nous souhaitons qu'il y ait concurrence et que la rentabilité entre en jeu dans tous les aspects du régime de soins de santé.
M. Schmidt: Je suis heureux d'entendre cette précision.
Puis-je attirer votre attention sur votre recommandation quant à la nécessité de consacrer des fonds publics, en quantité suffisante, pour surveiller la qualité et l'efficacité de la recherche menée dans le secteur privé et pour créer également un fonds de recherche, administré par l'État. L'argent nécessaire pour financer un tel fonds proviendrait d'une contribution obligatoire recueillie auprès de toutes les sociétés pharmaceutiques présentes au Canada, en fonction d'un pourcentage de leur chiffre d'affaires au Canada. De quelle façon cela diffère-t-il de la disposition actuelle?
Dr Lexchin: Tout d'abord, ni le projet de loi C-22, ni le projet de loi C-91 n'obligeait les sociétés pharmaceutiques à consacrer des fonds à la R et D. Les sociétés avaient fait une promesse verbale en ce sens. Advenant qu'elles ne tiennent pas leur promesse, aucun recours n'était possible.
M. Schmidt: Seriez-vous satisfait s'il y avait une loi à cet effet?
Dr Lexchin: Non, probablement pas. J'y reviendrai.
On n'a rien dit non plus à propos de la façon de dépenser ces sommes, notamment si l'argent allait être dépensé à des essais cliniques, c'est-à-dire des essais pour évaluer l'innocuité et l'efficacité de médicaments une fois mis au point; si les sommes seraient consacrées à la recherche fondamentale, ou même si elles serviraient à des fins non commerciales. Puisque le secteur fonctionne sur une base commerciale, elle va, de toute évidence, dépenser l'argent à mettre au point des produits qui risquent d'être profitables.
Mais comme nous l'avons déjà dit, ce genre de recherche n'est pas toujours dans l'intérêt des Canadiens. Le secteur devrait faire des recherches plus poussées dans certains domaines, mais il n'est pas prêt à le faire. Prenons l'exemple de l'infertilité. La question a été soulevée dans un article paru dans le journal de l'Association médicale canadienne par le Dr Patricia Baird, qui a présidé la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction. Le secteur financera plutôt la recherche sur les médicaments qui pourraient accroître la fertilité. Mais il ne va vraisemblablement pas financer la recherche visant à déceler les causes d'infertilité - autrement dit, les habitudes sexuelles, les maladies transmises sexuellement, et ce genre de choses-là.
Il doit y avoir un mécanisme pour garantir que les priorités en matière de recherche définies par la population canadienne soient respectées. L'une des façons de le faire - et cette recommandation reflète le contenu du rapport préparé par le Forum national sur la santé - est de mettre les sommes que les entreprises sont prêtes à investir dans un fonds public qui serait ensuite administré par un organisme indépendant du gouvernement pour que les recherches effectuées répondent aux besoins de la population et non pas aux besoins commerciaux.
M. Schmidt: S'il y avait des contributions telles que le Conseil de recherches médicales, seriez-vous satisfait?
Dr Lexchin: Je crois que oui. Je n'ai pas étudié comment le Conseil de recherches médicales établit ses priorités, mais c'est une possibilité.
M. Schmidt: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur MacDonald.
M. MacDonald: Je voudrais souhaiter la bienvenue aux membres de la coalition. Vous avez été des ardents défenseurs de la promotion et de la protection de soins de santé partout au Canada et vous continuez de l'être. Je suis heureux de voir que vous continuer à faire passer votre message.
La loi que nous examinons a une très grande importance. Nous prenons notre travail au sérieux. Au début, quelques journalistes nous ont demandé si ce serait une véritable étude. Il vous suffit de constater le nombre d'opinions de part et d'autre de la question pour savoir qu'il s'agit bel et bien d'un véritable examen.
Je suis heureux de voir que vous avez repris certaines des questions que j'ai soulevées par le passé en ce qui concerne le Fonds de découvertes médicales canadiennes. Je suis encore très convaincu que le niveau de la recherche fondamentale qui se fait au Canada, surtout par ces compagnies pharmaceutiques, n'est pas assez élevé.
Monsieur le président, je me souviens des discussions sur le projet de loi C-91. Une des choses que nous avons tenté de faire, et sur laquelle je croyais avoir l'engagement du secteur, n'était pas juste d'augmenter les dépenses en matière de R-D pour qu'elles représentent 10 p. 100 des dépenses de commercialisation; nous voulions qu'il y ait plus de R-D non commerciale, le genre de recherche qui n'aboutit pas nécessairement à la mise en marché d'un produit. Ce serait le genre de choses que vous venez de mentionner.
Cela dit, j'ai un document ici, le huitième rapport annuel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Je n'ai pas entendu la question posée par le conseil, mais lorsque j'examine leurs dépenses pour 1995, je constate que 586,2 millions de dollars ont été dépensés pour la R-D. Sur cette somme, 369,3 millions de dollars sont pour la recherche appliquée, et seulement 132,2 millions de dollars pour la recherche pure.
De fait, il est intéressant de regarder le graphique à bandes; vous verrez qu'à mesure que les dépenses ont augmenté depuis 1990, le pourcentage réel des dépenses annuelles en R-D servant la recherche pure, a baissé. En dollars absolus, cela a monté, mais en pourcentage de dollars dépensés, il y a eu une baisse. En 1990, ce pourcentage était de 27,2 p. 100, ensuite de 26,5 p. 100 en 1991, puis de 26,4 p. 100, 25,3 p. 100, 21,9 p. 100, et enfin de 22,2 p. 100 en 1995.
La première question que j'aimerais poser à notre groupe est de savoir si nous devrions envisager d'exiger en vertu de la loi qu'un plus fort pourcentage ou un pourcentage fixe des ces dépenses soit consacré à la recherche pure.
Dr Lexchin: J'aimerais commencer en disant qu'en accordant à l'industrie 20 années de protection pour leurs brevets, nous sommes en train de leur donner indirectement une subvention. Nous leur donnons paraît-il une subvention pour effectuer des travaux de R-D. Quant à savoir si c'était le secteur de l'économie canadienne auquel il convenait le mieux d'accorder une subvention, directe ou indirecte, pour les travaux de R-D, c'est une question qui n'a jamais été débattue.
Nous n'avons pas vraiment fait nos preuves en matière de R-D pharmaceutique. Si on veut savoir quels médicaments ont été mis au point uniquement au Canada, il y a eu l'insuline en 1921 et ensuite le 3TC il y un an ou deux. Est-ce qu'on aurait dû investir dans ce domaine de R-D, ou est-ce qu'on aurait dû accorder la subvention pour effectuer des travaux de R-D dans des domaines où nous avons fait nos preuves tels que la technologie minière, les communications ou la recherche agricole? Nous n'avons jamais eu ce genre de débat. J'espère qu'il aura lieu.
Cela étant dit, il faut décider si oui ou non nous voulons effectuer de la recherche pharmaceutique au Canada. Si nous voulons le faire au même niveau que les pays connus pour ce genre de recherche, tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, alors oui, il faut augmenter les sommes affectées à la recherche pure et au développement.
Malheureusement, lorsqu'il s'agit de recherche appliquée et de développement - c'est-à-dire des études sur les médicaments qui ont déjà été mis au point - il est fort possible que ces études servent à de la recherche sur des produits d'imitation. En d'autres mots, on refait de la recherche qui a déjà été effectuée ailleurs, ou encore de la recherche qu'il aurait fallu effectuer de toute façon pour satisfaire aux règlements.
M. MacDonald: Je poserai deux ou trois brèves questions.
D'aucuns diraient que l'avis de conformité, les règlements rattachés au projet de loi, ont effectivement ajouté entre deux et demie et trois années à la période d'exclusivité dans le marché de certains produits. Je suis certain que des fabricants de médicaments génériques nous diront que ces règlements ont été peut-être utilisés de façon frivole, ont donné lieu à beaucoup de litiges et enrichi beaucoup d'avocats et qu'en fin de compte, il y a des produits qui ont été exclus du marché pour des périodes allant jusqu'à 45 mois.
J'aimerais que vous me disiez ce que nous devrions faire, les changements qui devraient être effectués, et si oui ou non ces règlements devraient être éliminés.
Dr Lexchin: C'est un domaine dont nous n'avons pas parlé dans notre mémoire surtout parce que, comme vous l'avez dit, je suis sûr que l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques aura beaucoup à dire là-dessus.
De notre point de vue, les règlements retardent l'introduction de produits génériques sur le marché. Le retard dans l'introduction des produits génériques, même s'il s'agit seulement d'un produit générique simple, signifie qu'on retarde des économies de 25 p. 100 que les produits génériques pourraient entraîner. En plus, vers la fin de la vie du brevet des produits de marque, les ventes totales de ce produit de marque commencent à baisser et si on retarde l'introduction du produit générique, cela veut dire que les produits génériques entraînent des économies de 25 p. 100 sur une partie moins grande du marché, car ce marché n'aura plus que les trois-quarts de la taille qu'il avait.
Donc, retarder l'introduction des produits génériques signifie qu'on retarde le moment où l'on commencera à faire des économies et aussi qu'on économisera moins d'argent lorsque le produit générique se retrouvera enfin sur les étagères.
M. MacDonald: Ma dernière question porte sur le CEPMB.
Plus tôt aujourd'hui, le ministre m'a carrément surpris ainsi que d'autres membres du comité aussi peut-être, en nous disant qu'il avait écrit aux ministres provinciaux de la Santé, les encourageant à lui faire parvenir leur point de vue sur une question d'inter-délégation d'autorité qui permettrait au conseil de réglementer non seulement le prix des médicaments brevetés, mais aussi de tous les médicaments prescrits sur ordonnance au Canada. À l'heure actuelle, nous ne pouvons toucher qu'aux médicaments brevetés; le reste est de compétence provinciale.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si oui ou non vous croyez qu'il devrait exister un certain régime de réglementation pour essayer de modérer les prix, non pas seulement des médicaments brevetés, mais aussi de tous médicaments d'ordonnance.
Mme Connors: Allez-y, Joel, mais peut-être Barry voudra-t-il ajouter son grain de sel.
Dr Lexchin: Dans la cinquième partie de notre document, nous disons bien que le prix de tous les médicaments devrait être réglementé. Cependant, je crois que lorsque le ministre a prononcé son discours, il se reportait à une étude de Broughan Consulting où le prix des produits non brevetés avait été étudié.
En gros, quoiqu'il y ait des exceptions, l'augmentation des prix des produits non brevetés est bien en deçà des maximums fixés par les directives du conseil. Soumettre ces produits à l'autorité du conseil pourrait peut-être servir à modérer les augmentations de prix dans le cas de certains de ces produits d'exception, produit dont l'augmentation du prix a dépassé l'augmentation de l'indice des prix à la consommation, mais nous ne croyons pas que cela aurait une énorme influence sur le prix des médicaments. Nous croyons plutôt que le facteur important au niveau du prix des médicaments est le prix d'introduction de nouveaux produits.
M. MacDonald: Le prix d'introduction de nouveaux produits est une question qui ne cesse de m'étonner depuis la première fois où j'ai eu le bonheur de me pencher sur la Loi sur les médicaments brevetés il y a quelques années. Ce qui me dépasse absolument c'est que le conseil ne réussit pas, même s'il en est capable, à calculer combien coûte la mise au point d'un nouveau médicament.
Lorsqu'on a affaire à un médicament d'ordonnance, les coûts de mise au point de ce nouveau médicament auront peut-être été impartis à plusieurs installations différentes un peu partout au monde. Comment tenir compte de ce facteur lorsqu'il s'agit de fixer le prix du médicament lors de son lancement sur le marché? Les augmentations de prix peuvent être de zéro pendant cinq ou six ans et le conseil semble donc bien faire son travail, mais si le prix de lancement consenti était trop élevé et n'était pas raisonnable par rapport à ce qu'il en a coûté pour produire le médicament, cela signifie que le consommateur paie trop cher.
Que pourrait-on faire pour mieux calculer quel serait le prix de lancement raisonnable d'un nouveau médicament breveté?
Dr Lexchin: Il est très difficile de répondre à cette question. Comme vous dites, trouver les chiffres et les interpréter pour savoir combien il en coûte pour mettre au point un nouveau produit est quelque chose d'extrêmement difficile surtout dans le domaine de la recherche fondamentale et du développement.
La recherche fondamentale et le développement peuvent servir à créer un certain nombre de produits différents, pas seulement un nouveau médicament; il est donc difficile d'en ventiler les coûts. Il est aussi extrêmement difficile d'obtenir les documents pertinents si l'on n'a pas les pouvoirs nécessaires. On pourra peut-être obtenir les chiffres des fabricants de médicaments installés au Canada, mais si le gros de la recherche se fait en Grande-Bretagne ou en Suisse, sera-t-il aussi facile d'obtenir ces chiffres de la maison mère?
Au départ, nous croyons que le conseil doit cesser de se servir de son groupe de sept pays pour établir la comparaison avec le prix international. Comme nous l'avons fait remarquer dans le mémoire, la moyenne des prix des médicaments de ces sept pays est plus élevée que pour la moyenne des prix de tous les pays de l'OCDE. Cela signifie qu'au départ le prix de lancement au Canada sera probablement plus élevé que le prix moyen de l'OCDE.
Le président: Monsieur Ménard.
[Français]
M. Ménard: Je vous remercie de votre présentation et de votre mémoire qui sont extrêmement séduisants et extrêmement intéressants. C'est une voie qui mérite d'être entendue et qui n'a pas laissé mon collègue indifférent.
Cependant, il ne faut jamais que la générosité cède à la rigueur. Je puis vous assurer que je suis très sensible à toute la question de l'accès aux médicaments et je crois que vous avez raison de nous la rappeler. Je ne sais pas si la solution passe par la venue rapide des médicaments génériques sur le marché. Si je me rappelle bien, dans votre conférence de presse, vous aviez parlé d'une protection des brevets de quatre années. Je souhaite que ce comité fasse des recommandations extrêmement positives et concrètes concernant l'accès humanitaire aux médicaments.
J'ai eu l'occasion de rencontrer votre directeur général et de lui présenter mon projet de loi. Je souhaite aussi que vous reconnaissiez que la société a l'obligation de protéger les gens qui font des investissements.
Est-ce que vous remettez en cause les chiffres qu'on nous donne sur le coûte de la découverte d'un médicament? Vous disiez que seulement 8 p. 100 des médicaments constituaient une véritable percée. Dans le processus de découverte de médicaments, entre le moment où on isole une molécule et le moment où le médicament se retrouve sur les tablettes d'une pharmacie, il y a un cycle d'investissement d'à peu près 600 millions de dollars. Si on n'est pas concurrentiel sur le plan international, on va devoir se priver d'investissements. On peut toujours philosopher en se disant que c'est triste et qu'il y avait toutes sortes de considérations qui entraient en ligne de compte.
En terminant, je vous donnerai un exemple. Je travaille beaucoup avec la communauté des personnes atteintes du sida, pour toutes sortes de raisons dans ma vie dont je vous ferai l'économie. Depuis à peu près huit ans, deux générations de médicaments ont fait que le sida, qui était une maladie mortelle, va devenir une maladie chronique. Vous avez parlé du 3TC qui a été découvert par BioChem Pharma Inc., une industrie de Laval. Quand vous nous invitez à nous demander si ce sont de bons investissements, nous devons être conscients que si on veut qu'il y ait des générations de médicaments et que des maladies mortelles deviennent chroniques, il faut qu'il y ait des investissements dans la recherche. Mais pour qu'il y ait des investissements dans la recherche, il faut offrir une propriété décente.
On peut revoir un certain nombre d'éléments en vue d'accorder une plus grande place aux médicaments génériques. Je crois que votre appel à la générosité sera entendu. Nous devons nous donner des moyens plus concrets que la simple interprétation que maître a faite de l'article de l'ALENA. Comment concilier les objectifs que vous souhaitez atteindre et la nécessité d'offrir une protection intéressante à ceux qui devront consentir des montants importants à la recherche? Admettez-vous qu'il en coûte actuellement quelque 600 millions de dollars pour découvrir un médicament?
[Traduction]
Le président: Dr Lexchin, une réponse.
Dr Lexchin: En tant que médecin, je ne sais que trop qu'il nous faut de meilleures thérapies dans beaucoup de domaines qui laissent actuellement à désirer.
Quant à certains des points spécifiques que vous avez soulevés, quatre n'est pas un chiffre lancé au hasard. Il a été recommandé par le comité Eastman dans son rapport de 1984 ou 1985. C'est à partir de là que devaient augmenter les redevances que paieraient les fabricants de produits génériques aux sociétés sources.
Deuxièmement, je tiens à vous signaler que les décisions touchant le développement d'un nouveau produit ne reposent pas sur les lois canadiennes concernant les brevets. Le marché canadien est tout simplement trop restreint pour qu'une entreprise en tienne compte lorsqu'elle choisit de mettre un produit au point. Aucune entreprise ne le ferait uniquement pour le marché canadien. Quand elles le font, c'est parce qu'elles pensent pouvoir commercialiser le produit sur les trois grands marchés du monde: les États-Unis, la Communauté européenne et le Japon.
Cela dit, les compagnies décideront peut-être de leurs investissements en fonction de la législation canadienne sur les brevets. Mais la décision concernant un nouveau produit n'a rien à voir avec les lois canadiennes.
Enfin, pour ce qui est du montant...
[Français]
M. Ménard: Sur quoi vous basez-vous pour faire cette affirmation? Vous n'êtes pas issu de l'industrie. Vous prétendez mieux savoir que les porte-parole gestionnaires de l'industrie du médicament d'origine quels sont les facteurs de localisation. J'accepte que vous nous disiez que vous n'êtes pas d'accord sur la protection qui est offerte et que vous contestiez les coûts. Sur quoi vous basez-vous pour nous parler des facteurs de localisation? En quoi le 3TC ne réussit-il pas à vous convaincre que même à l'intérieur d'un marché domestique, certaines industries peuvent être amenées à investir des ressources considérables pour un nouveau produit?
[Traduction]
Dr Lexchin: C'est exact. Une modification aux lois sur les brevets peut influencer une entreprise à investir ou non dans tel ou tel pays. Si le Canada a une meilleure législation concernant les brevets que le Brésil, l'entreprise choisira peut-être d'investir au Canada. Mais elle ne renoncera pas à mettre au point un nouveau produit simplement parce qu'elle n'obtient pas la protection de son brevet pendant 20 ans ici au Canada.
Dernier point. Le montant qui est jugé nécessaire pour mettre au point un nouveau produit - là encore, je vous renvoie à ce chiffre de 231 millions de dollars américains - c'est un chiffre qui n'est pas du tout sûr et qui peut être contesté à des tas d'égards. Permettez-moi simplement de vous indiquer une façon dont on pourra le contester.
Aux États-Unis, les entreprises obtiennent un crédit d'impôt de 50 p. 100 pour mettre au point ce que l'on appelle des médicaments orphelins, c'est-à-dire, des médicaments contre des maladies rares. C'est un crédit d'impôt de 50 p. 100 pour les dépenses faites dans le cadre d'essais cliniques. Entre 1989 et 1993, l'industrie a demandé plus de 86 millions de dollars de crédits d'impôt. S'il s'agit de 50 p. 100 de crédit, cela signifie qu'elle a dépensé environ 170 millions de dollars pour des essais cliniques. Essais cliniques pour 60 produits. Si l'on divise 170 millions de dollars par 60, on constate que les essais cliniques n'ont coûté qu'environ trois millions de dollars pour chacun de ces produits.
D'autres études citées par l'industrie concluent que les essais cliniques coûtent quelque 40 millions de dollars. Les chiffres sont donc très discutables. Nous n'avons pas de renseignements précis.
Le président: Puis-je vous interrompre? Il y a cinq autres députés qui voudraient poser des questions et si je veux donner à tout le monde un peu de temps, cela risque de nous mener très tard.
Monsieur Bodnar.
M. Bodnar: Merci, monsieur le président.
J'ai remarqué que l'un des mémoires commence par une citation: «Comme les requins, les fabricants de médicaments sont de merveilleuses machines d'alimentation». Je crois que tout dépend de la santé de l'individu; si on est en bonne santé, on peut considérer que ce sont en effet des requins, mais si l'on est atteint d'une maladie mortelle, on peut les considérer au contraire comme des sauveurs. Je n'aime donc pas ce genre d'expression, de même que je n'aime pas quand Shakespeare déclare: «La première chose à faire, c'est de tuer tous les avocats».
Cela m'amène à M. Appleton. Vous dites que vous avez votre LLB, de quelle université?
M. Appleton: De l'Université Queen's et mon LLM de l'Université de Cambridge en Angleterre.
M. Bodnar: En quelle année avez-vous obtenu votre LLB?
M. Appleton: Je crois que c'était en 1989.
M. Bodnar: Et votre LLM?
M. Appleton: Je crois que c'était en 1990.
M. Bodnar: Qu'avez-vous étudié pour votre LLM?
M. Appleton: Je me suis spécialisé en droit international. Voulez-vous que je vous donne d'autres détails? Ce sera avec plaisir. En 1994...
M. Bodnar: Monsieur, je n'ai pas beaucoup de temps.
M. Appleton: ... j'étais le conseiller du Comité du conseil des ministres de l'Ontario...
M. Bodnar: Je n'ai pas beaucoup de temps.
M. Appleton: Je me ferai un plaisir de vous fournir...
M. Bodnar: J'accepte votre LLM. La raison pour laquelle je vous ai posé cette question, c'est que j'ai remarqué dans votre lettre que vous faites allusion à l'étude de M. Dillon mais sans dire si vous êtes d'accord ou non. Vous dites simplement qu'il reflète bien le débat et expose de façon précise les questions en jeu. Vous ne dites pas si vous acceptez son analyse. Qu'en est-il?
M. Appleton: Oui, je suis d'accord avec lui.
M. Bodnar: Bien. J'essaye simplement d'avoir des précisions parce que je sais que d'autres vont poser des questions lorsque vous serez parti et que nous ne pourrons avoir de réponse. Vous dites que le Parlement pourrait modifier la législation canadienne en matière de brevets en invoquant l'exception. Connaissez-vous la législation canadienne concernant les brevets? L'avez-vous étudiée?
M. Appleton: Je l'ai étudiée et j'ai d'ailleurs écrit certains textes sur la question.
M. Bodnar: Sur la législation en matière de brevets?
M. Appleton: Oui en ce qui concerne le droit international.
M. Bodnar: Vous avec parlé de l'expression «ordre public», combien a-t-on invoqué d'exceptions en vertu des ententes commerciales internationales, en invoquant «ordre public»?
M. Appleton: Il vous faut comprendre, monsieur, que l'ALENA est une nouvelle entente, tout comme l'OMC.
M. Bodnar: En effet et y a-t-il eu des demandes en vertu de ces ententes?
M. Appleton: On utilise assez régulièrement l'expression ordre public dans les traités bilatéraux en matière d'investissement, dans les déclarations de l'ONU portant sur la souveraineté en matière de ressources naturelles, etc. C'est une expression très courante que l'on utilise depuis des centaines d'années.
M. Bodnar: Est-ce que l'on a invoqué des exceptions dans ces ententes ou non? La question est très simple.
M. Appleton: Non, monsieur Bodnar, c'est beaucoup plus compliqué que cela. Me demandez-vous s'il y a déjà eu des exceptions au titre de l'ordre public ou voulez-vous dire dans le contexte de l'ALENA?
M. Bodnar: De l'ALENA et de l'OMC.
M. Appleton: Il n'y a eu aucun cas semblable dans le contexte de l'ALENA ni de l'OMC. Toutefois, il y a eu beaucoup de questions que l'on qualifie de «la pratique des États». C'est ce qui est à l'origine du droit international, monsieur. Cela se fait très régulièrement en utilisant l'expression ordre public. Les tribunaux l'utilisent aussi fréquemment dans l'application des ententes internationales dans chaque pays. Les documents sur les conflits de droit traitent régulièrement d'ordre public. En fait, c'est une expression très usitée que l'on retrouve très souvent dans les lois des États-Unis et du Canada.
Je réponds simplement à votre question, monsieur.
M. Bodnar: Non, je vous ai demandé si l'on avait fait des demandes d'exception. Vous allez plus loin et je n'ai pas beaucoup de temps.
Dans votre lettre, vous déclarez: «À notre avis, un régime public universel d'assurance-médicaments pourrait satisfaire à la définition d'ordre public». Je ne le conteste pas. Je ne vois simplement pas ce qui le justifierait dans votre lettre ni dans le mémoire, et c'est tout ce que je demande.
M. Appleton: Monsieur Bodnar, je me suis déjà engagé vis-à-vis de M. Brien à fournir des documents au comité. Je les ai. On y précise la signification de ces termes. Cela a été fait par la Banque mondiale, par l'intermédiaire de son Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements ainsi que par le professeur Robert Paterson, de l'Université de la Colombie-Britannique. Je serai heureux de vous fournir cette documentation.
M. Bodnar: Pourriez-vous la remettre au greffier pour qu'il puisse la distribuer?
M. Appleton: Je me ferai un plaisir de le faire. Cela n'a rien de nouveau.
M. Bodnar: Merci.
Pour ce qui est du coût des médicaments - et j'avance rapidement parce que je n'ai pas beaucoup de temps - l'un d'entre vous a utilisé l'expression «meilleur contrôle sur le prix des médicaments». Il y a toute la question des coûts. Je sais que les fabricants de médicaments, qu'il s'agisse de médicaments brevetés ou génériques, demandent un certain prix pour tel ou tel médicament mais que d'autres coûts s'ajoutent au prix demandé par le fabricant. Le prix du grossiste, le prix du détaillant, le prix de l'exécution de l'ordonnance, etc.
Avez-vous la possibilité de nous indiquer ce que représente dans le prix que paie le consommateur le prix qui a été demandé par le fabricant? C'est important. Nous avons compétence en matière de médicaments brevetés. Par contre, nous n'avons pas compétence sur tous les autres coûts. Connaissez-vous le pourcentage moyen que représente le prix demandé par le fabricant?
Dr Lexchin: Cela dépend du produit.
M. Bodnar: Avez-vous un chiffre moyen? Un ordre d'idée?
Dr Lexchin: Si vous considérez un nouveau médicament breveté, le coût d'une ordonnance moyenne en Ontario en 1993, était de 24 $. Cela représente simplement le coût du médicament. Si l'ordonnance était exécutée dans le cadre d'un régime provincial d'assurance- médicament, il fallait y ajouter 6 $ et des poussières. Si c'est dans le cadre d'un régime privé, il faudra probablement ajouter de 10 $ à 12 $ pour l'exécution de l'ordonnance.
M. Bodnar: Quelle est la marge du grossiste et du détaillant?
Dr Lexchin: La marge du grossiste est de 10 p. 100. Il n'y a pas de marge pour le détaillant.
Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Murray.
M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.
Monsieur Appleton, vous nous dites en fait que si le Parlement en avait le courage, nous pourrions faire ce que vous nous demandez de faire. Vous nous arrivez avec des diplômes impressionnants en droit international. Je dois vous dire toutefois que ce ne sont pas des diplômés de droit international qui orientent la politique du Canada ni des pays qui sont nos principaux partenaires commerciaux. Nous devons faire face à la réalité.
Si le Canada décidait de se soustraire à ce que nous considérons être nos obligations dans le cadre de l'OMC et de l'ALENA, telles que les a définies le ministre de l'Industrie, croyez-vous réellement que le Congrès des États-Unis ou l'Union européenne s'interrogerait sur les petits détails du droit international et sur des choses telles que l'ordre public - s'ils pensaient un instant que l'action du Canada menaçait les ententes que nous avons conclues avec eux?
M. Appleton: Monsieur Murray, qui définit la politique internationale dans notre pays? Est-ce le ministre de l'Industrie ou le ministre du Commerce international ou encore le secrétaire d'État aux Affaires étrangères, le ministre des Affaires étrangères? J'ai l'impression que vous avez bien raison: ce ne sont pas les avocats spécialisés en commerce international qui dirigent le pays. Je suis heureux que vous reconnaissiez mes diplômes. Je vous en remercie.
Le fait est que vous me dites que nous nous soustrayons à nos obligations. Je vous dis simplement quelles sont ces obligations. Tout ce que je dis c'est que l'on vous a déclaré de façon catégorique qu'il n'y avait pas d'options. Je vous en ai montré au moins une. Il y en a d'autres, il y a là d'autres exceptions. En fait, il y a tout un chapitre de l'ALENA entièrement fait d'exceptions.
Tout ce que je vous dis, c'est que le comité devrait disposer de plus d'informations plutôt que de moins. Je n'aime pas entendre dire que le Parlement, qui est souverain - et l'ALENA a été créé pour affirmer la souveraineté des Parlements - se fait dire qu'il ne peut pas prendre de décisions.
Le Parlement peut et est tenu de gouverner et vous détenez ce pouvoir. C'est exactement la raison pour laquelle les choses ont été faites de cette façon, pour permettre au Parlement de prendre des décisions.
Vous, monsieur, et vous - tous les membres du comité - décidez de la politique du pays. Ce n'est pas moi, ce ne sont pas les fonctionnaires ni même un ministre. C'est le Parlement du Canada qui décide. Et lorsque vous décidez de ce que vous voulez faire, vous pouvez utiliser cet accord pour le justifier si c'est en fait pour le bien public.
C'est tout ce que je veux dire. Et cela me dérange, parce que je traite de questions de droit international tous les jours, d'entendre dire que nous n'avons pas le choix, pas d'autre option. Je vous réponds que nous avons au contraire différentes options; c'est tout.
M. Murray: Ma foi, peut-être que le Canada a choisi de s'associer au reste du monde et de faire partie de...
M. Appleton: Mais c'est un choix d'orientation. C'est bien. Si le comité choisit, c'est juste...
M. Murray: C'est exact.
M. Appleton: ... mais ce n'est pas que vous n'avez pas le choix.
M. Murray: Je crois qu'un de vos collègues voulait faire un commentaire.
Le révérend Bill Jay (membre du conseil, Coalition canadienne pour la santé): En effet, je crois que nous entendons un certain nombre d'autorités et vous entendrez certainement un autre groupe au cours des prochains jours qui se déclarera aussi une autorité en la matière. N'oubliez pas toutefois que l'assurance-maladie, telle que nous la connaissons, et l'idée initiale d'intégrer l'assurance-médicaments universelle à l'assurance-maladie est le résultat de pressions venues de la base.
L'une des raisons pour lesquelles les Églises se félicitent de participer à cette coalition est que nous sommes en contact avec les gens et avec ce qui leur arrive, des gens qui dépendent de l'assurance-maladie, qui attendent que l'on découvre de nouveaux médicaments. Il y a plus de 30 ans, le gouvernement canadien a institué un régime d'assurance-maladie fondé sur un principe inviolable et nous espérons que l'assurance-médicaments en fera partie.
Le défi que nous lançons ainsi aux parlementaires est d'entendre cette voix, la voix du peuple canadien, des hommes et des femmes, de leurs enfants et de leurs petits-enfants, en particulier les gens de l'Ouest qui furent parmi les premiers à lancer cette idée de régime public d'assurance-maladie. Nous voulons donc que cette voix soit entendue, en même temps que le droit international, les avis médicaux, etc.
M. Murray: Je suis désolé d'interrompre...
Une voix: Vous ne pouvez interrompre; vous ne pouvez empêcher...
M. Murray: ... mais c'est que nous n'avons pas beaucoup de temps. La population canadienne communique avec nous continuellement.
Je veux simplement poser une autre question.
Le révérend Jay: Je voulais vous rappeler cela.
M. Murray: Certainement, nous sommes tout à fait au courant et nous vous en remercions.
Docteur Lexchin, vous avez beaucoup critiqué les fabricants de produits pharmaceutiques de marque au cours de votre exposé. J'aimerais savoir quel est votre avis des fabricants de produits génériques en ce qui concerne les prix, la quantité de R-D qu'ils effectuent et leur contribution aux sciences médicales au moyen de la recherche.
Dr Lexchin: Malheureusement, étant donné que les fabricants de produits génériques sont des sociétés privées, il est difficile d'obtenir des renseignements à leur sujet. Mes informations sont donc limitées. Si vous considérez la façon dont ils établissent les prix, le premier produit bénéficie d'une ristourne de 25 p. 100, qui peut aller jusqu'à 50 p. 100 lorsqu'il y a trois ou quatre produits. Cela se compare en gros aux autres pays où le secteur des produits génériques a le même statut qu'au Canada. Je parle ici du Royaume-Uni et des États-Unis.
Quant à la quantité de recherches qu'ils effectuent, ils ont publié des chiffres indiquant qu'ils dépensent environ 13 p. 100 de leurs chiffres d'affaires à la recherche. Par contre, je ne sais pas à quel type de recherche ils se livrent.
Le vice-président (M. Lastewka): Merci, monsieur Murray.
Je suis aimable envers tout le monde. Je vous ai tous donné une minute ou deux de plus mais le président va m'attraper à la fin.
Monsieur Schmidt.
M. Schmidt: Merci, monsieur le président.
J'ai une seule question. Elle porte sur l'amélioration de l'assurance-maladie et sur l'opinion que vous pourriez avoir quant à cette amélioration grâce au développement de la recherche médicale, aux découvertes médicales et à la technologie médicale ainsi qu'au développement de la capacité de recherche médicale.
Je me demande simplement si vous pensez que le projet de loi C-91, qui finance un peu tout ce secteur joue un rôle important dans le développement de cette capacité de recherche et des techniques médicales ou si vous pensez plutôt que ces dispositions ne devraient pas exister. Pourriez-vous répondre à cela?
Dr Lexchin: Quand vous parlez de l'amélioration de l'assurance-maladie, ou de l'amélioration des services de santé, vous parlez de quelque chose qui dépasse la thérapie pharmaceutique. Vous parlez de la façon dont on offre les services - quelle est la meilleure façon de s'organiser, qui est le mieux placé pour assurer tel ou tel service, quelles installations semblent les plus appropriées et quelles sont les nouvelles technologies à privilégier.
Toutefois, si vous considérez d'où vient l'argent pour mener ces recherches dans ces différents domaines, vous constaterez que le gouvernement se retire de ces secteurs. Il diminue les budgets du Conseil de recherche médicale et d'autres organismes de financement. De plus en plus, c'est un rôle qui est repris par l'industrie pharmaceutique, pas simplement ici mais également aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Malheureusement, l'industrie pharmaceutique, étant donné que c'est une industrie commerciale, a des priorités de recherche qui ne sont pas forcément les priorités des Canadiens et des parlementaires. Nous ne pensons pas que nous devrions nous en tenir exclusivement aux recherches orientées par le secteur privé.
M. Schmidt: Vous venez de dire «exclusivement» et ce n'est pas du tout ce dont je parlais. Je n'ai jamais pensé que ce devait être la seule contribution. C'est vous qui avez introduit cette dimension. Est-ce bien ce que vous voulez dire? Vous voulez qu'ils contribuent mais ne soient pas les seuls à le faire?
Dr Lexchin: Actuellement, le plus gros...
M. Schmidt: J'ai l'impression que le message est peut-être un peu différent. Vous semblez dire qu'il ne devrait pas du tout en faire; que c'est le gouvernement qui devrait le faire?
Dr Lexchin: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Schmidt: Bien. Je suis heureux que vous ayez précisé cela parce que c'est ce que je comprenais.
Dr Lexchin: À l'heure actuelle, le plus gros financier de la recherche médicale au pays est l'industrie pharmaceutique. Je suis certain que l'ACIM serait heureux de confirmer en temps voulu.
M. Schmidt: Ce serait intéressant. Je ne le crois pas du tout.
Dr Lexchin: Ma foi, je suis désolé que vous ne le croyiez pas mais c'est vrai.
M. Schmidt: Nous nous renseignerons.
Dr Lexchin: Pour le financement direct de la recherche - pas pour le financement indirect, quand vous considérez le coût des facultés de médecine et des hôpitaux, mais pour ce qui est des subventions directes de la recherche-développement - l'industrie pharmaceutique est celle qui apporte la plus grosse contribution au pays. Quand on en arrive là, qui détermine les priorités?
Mme Connors: J'ajouterais que bien que ce soit vrai pour les subventions directes, la recherche se fait dans nos établissements publics. La position de la Coalition canadienne pour la santé est qu'il y a là des subventions privées qui orientent le programme de recherche au Canada, qui a accès à des budgets réduits et des ressources publiques réduites dans nos universités. Pour qui? Pour les marges bénéficiaires de ces sociétés. Cela nous consterne un peu et nous aimerions que la question soit examinée.
Le président: Merci, madame Connors.
Monsieur Discepola, aviez-vous une question à poser?
M. Discepola: J'en aurais deux en vitesse.
Un des panélistes a dit qu'il voulait que les produits génériques arrivent sur le marché aussi vite que possible et a insisté pour que l'on fasse davantage de R-D. Je suppose que l'élément R-D, dont je veux tout d'abord parler, concernait les fabricants de produits de marque qui font la majorité de la R-D.
J'ai tout d'abord trouvé que c'était une recommandation assez ahurissante. Si vous voulez essayer de faire faire plus de R-D, les compagnies pharmaceutiques de marque font la R-D, ce qui permet ensuite aux fabricants de produits génériques de copier leurs médicaments. Sans les sociétés titulaires de brevets, il n'y aurait pas de secteur générique. Je crois qu'il ne faut pas l'oublier. Toutefois, vous dites ensuite que si l'on veut encourager la R-D, que l'on ne prévoit pas une protection suffisante, cela déséquilibre un peu les choses.
Vous avez dit que vous n'appréciiez pas qu'on examine les choses après 20 ans. Si l'on veut essayer d'encourager la recherche et le développement et assurer l'équilibre et la protection nécessaires pour que les fabricants vendent leurs produits, pour qu'ils récupèrent les gros investissements auxquels on faisait allusion tout à l'heure, quelle durée vous semblerait suffisante, pour le marché?
Dr Lexchin: Je reviendrai au rapport de la Commission Eastman qui a très bien examiné toute la question. On y recommandait une période d'exclusivité de quatre ans puis une redevance qui serait liée au montant dépensé par le fabricant en R-D au Canada. Donc, plus ils dépenseraient pour la R-D, plus le taux de redevances qu'ils percevraient sur les détenteurs de licences de fabrication de produits génériques serait élevé.
M. Discepola: Si vous considérez qu'il faut de 8 à 10 ans ou de 10 à 12 ans de recherche et de développement puis de démarches avant d'obtenir une approbation de mise sur le marché, vous demandez que l'on ne donne aux fabricants du produit breveté que quatre ans d'exclusivité. Autrement dit, cela ne fait pas une grosse différence par rapport à la loi actuelle.
Dr Lexchin: La loi actuelle prévoit 20 ans à partir de la date où est déposée la demande de brevet. Toutefois, la plupart des produits qui sont mis sur le marché ont plus d'un seul brevet et ceux-ci ne sont pas forcément demandés au même moment. Avant que tous les brevets pertinents ne soient expirés, cela peut faire plus de 20 ans. Puis nous avons ce que M. MacDonald disait à propos de l'avis de conformité qui ajoute un minimum de deux ans et demi si la société titulaire d'un brevet...
M. Discepola: Mais que recommandez-vous? Est-ce que c'est simplement quatre ans d'exclusivité et c'est tout?
Dr Lexchin: C'est une recommandation contenue dans le rapport Eastman qui...
M. Discepola: Que recommandez-vous vous, je ne parle pas du rapport Eastman?
Dr Lexchin: Je pense que quatre ans, avec un taux de redevance suffisant reposant sur les efforts que fait la société au Canada, ce qu'elle investit en R-D au pays est raisonnable.
M. Discepola: Enfin, vous me semblez dire qu'en donnant beaucoup plus rapidement accès au marché aux produits génériques, nous allons réduire les coûts de santé. Je crois que c'est le Dr Elgie, avant vous, qui a déclaré dans son mémoire que bien que les prix pour les deux groupes de médicaments, génériques et non génériques, augmentent plus rapidement qu'en 1987, les prix des médicaments non brevetés augmentent plus vite que ceux des médicaments brevetés.
Comment l'expliquez-vous? Peut-être que les fabricants de produits génériques devraient offrir de meilleurs prix plutôt que des prix plus élevés et obliger ainsi les fabricants de produits brevetés à baisser également leurs prix.
Dr Lexchin: Je suis désolé de ne pas avoir entendu ce que disait le Dr Elgie mais si vous considérez l'étude de Green Shield qui a été faite sur le prix des ordonnances en Ontario, à la page 4 de notre mémoire...
M. Discepola: Je ne compare pas le prix des ordonnances ici.
Dr Lexchin: Mais c'est ce qui compte. C'est ce qui est important pour les gens. Ce n'est pas ce que les fabricants font payer le médicament, c'est ce que les gens doivent payer quand ils vont présenter leur ordonnance. Si un médicament coûte 5 dollars mais que je ne l'ai jamais, qu'on ne me le prescrit jamais, peut importe qu'il coûte 50 dollars mais s'il me faut aller l'acheter, ça devient très important.
M. Discepola: Alors comment pouvons-nous contrôler les coûts de l'exécution d'ordonnances et les marges du détail?
Dr Lexchin: L'étude Green Shield parlait du coût du médicament lui-même, de l'élément médicament de l'ordonnance, et non pas des frais d'exécution d'ordonnance ni des autres choses. Il s'agissait de la composante médicament.
Lorsqu'on regarde les ordonnances, on constate que le prix des nouveaux médicaments brevetés augmente de 13 p. 100 par année. Dans le cas des médicaments non brevetés, ils augmentent d'environ 5 p. 100 par année. C'est cela qui compte pour les consommateurs, pour les régimes provinciaux de remboursement de médicaments, ainsi que pour les régimes privés. Ce qui compte pour tous ces régimes, ce sont les montants qu'ils doivent rembourser pour les ordonnances.
Le président: Compte tenu de l'heure tardive, je vous demanderais monsieur de limiter la durée de vos réponses si possible.
Madame Parrish, c'est vous qui poserez les dernières questions.
Mme Parrish (Mississauga-Ouest): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier le révérend Jay et Ian d'avoir ramené le débat à un niveau où je peux le suivre. Je ne suis pas avocate internationale; je suis une ménagère de Mississauga. Lorsqu'on me fait des discours, je perds le fil de ce qu'on me dit et je cesse d'écouter.
J'aimerais soulever deux ou trois points, et j'espère que vos réponses seront très courtes.
Vous avez dit que le Canada avait un régime de soins de santé unique. Je sais qu'il est unique, et j'espère que quand vous aurez terminé aujourd'hui de critiquer le projet de loi C-92, en tant que Coalition de la santé, vous tiendrez compte du fait que le Canada est situé en deuxième place, juste derrière les États-Unis, pour ce qui est du nombre abusif de visites au médecin, de la consommation de médicaments en vente libre ainsi que de médicaments en général. Je vois toujours cette publicité où le type ouvre l'armoire à pharmacie et il dit, «Bonjour, mon ami, comment ça va aujourd'hui?», et on voit quelqu'un dans l'armoire en train de distribuer des médicaments.
Il est grand temps qu'on s'arrête de dire que les compagnies qui fabriquent des médicaments brevetés nous coûtent cher. Je pense que notre prochain combat devrait porter sur d'autres facteurs, comme par exemple la publicité, notre proximité aux États-Unis et notre désir irrésistible de tout simplement prendre une pilule afin de remédier à toute sensation de douleur ou de vertige.
Vous avez parlé aussi de l'ordre public et de la possibilité de protéger les brevets pendant quatre ans. On pourrait peut-être aller un peu plus loin, faire fi de l'opinion internationale et proclamer que le Canada n'offrira aucune protection pour les brevets et n'aura que des médicaments génériques. Pourra-t-on garder alors nos 21 000 emplois dans le secteur de la technologie de pointe? Et tous ces chercheurs, où iront-ils? Que fera-t-on pour sauvegarder la recherche qui se fait également dans les universités? Comment va-t-on employer ces 21 000 diplômés universitaires qui cherchent un emploi dans le domaine de la haute technologie? Ils ne cherchent pas des petits boulots.
Il faut se demander aussi pourquoi les entreprises privées comme les compagnies pharmaceutiques doivent consacrer 10 p. 100 ou 8 p. 100 de leurs bénéfices à la recherche pure, comme nous leur demandons de le faire, alors que le gouvernement dépense 2 milliards de dollars pour combattre la pauvreté chez les enfants tout en essayant de réduire le déficit? Nous avons décidé de ne pas financer la recherche pure. Pourquoi obliger une société privée qui veut fonctionner au Canada à le faire? Pourquoi ne pas obliger General Motors à en faire autant?
Je vous demanderais de me donner des réponses brèves et d'éviter les longues explications. Auparavant, j'étais enseignante.
Mme Connors: En tant qu'infirmière, je pense aussi que nous avons beaucoup de défis à relever dans ce contexte. Je comprends votre point de vue. La question essentielle ici est celle de l'intégrité d'un gouvernement souverain. En tant que Canadiens, nous disons, surtout aux membres de ce côté-ci, que nous vous avons élus, et nous vous demandons d'écouter nos préoccupations.
Vous avez parlé des emplois pour les jeunes diplômés, mais qu'en est-il des 45 000 travailleurs dans le secteur de la santé qui ont perdu leur emploi depuis 1991? Il faut examiner la cause de ces pertes d'emploi.
Le président: Madame Connors, excusez-moi. Peut-être que les questions de Mme Parrish vous ont enflammée, mais c'est la dernière question de la séance aujourd'hui. Je vous demanderai de vous en tenir plus directement à la question.
Dr Lexchin: Permettez-moi d'expliquer pourquoi il faut obliger les compagnies à faire de la recherche et du développement.
Mme Parrish: C'est ce que le gouvernement a décidé de ne pas faire.
Dr Lexchin: Qui paye une grande partie des médicaments que ces compagnies fabriquent? Les régimes provinciaux de remboursement de médicaments. Ces compagnies sont remboursées à même les deniers publics.
Vous avez posé une question au sujet de General Motors. Nous n'offrons pas de l'aide financière aux gens pour qu'ils puissent acheter une voiture de General Motors. Si c'était le cas, peut-être que nous demanderions à General Motors de faire des recherches sur les transports. Mais nous n'offrons pas d'aide financière aux gens pour les aider à acheter une voiture. Cependant, nous utilisons les deniers publics pour aider ces compagnies à mettre au point un grand nombre de leurs produits. Si nous contribuons ainsi aux bénéfices que réalisent ces compagnies de la vente de leurs produits, j'estime que nous avons le droit de leur dire qu'elles ont certaines obligations envers la population canadienne, soit d'investir une partie de l'argent que nous leur donnons.
Mme Parrish: Elles font ce qu'on leur a demandé de faire. Nous leur avons demandé d'investir 10 p. 100.
Le président: Merci beaucoup. Nous préférons ne pas terminer la soirée en nous disputant.
Docteur, vous serez content d'apprendre que lors de notre examen de la science et de la technologie, nous nous sommes demandé précisément pourquoi General Motors ne fait pas davantage de recherche au Canada.
J'aimerais remercier la coalition de sa comparution. La séance d'aujourd'hui a été longue, et les derniers commentaires ne sont pas toujours les meilleurs. Comme M. MacDonald l'a signalé, vous nous avez présenté un point de vue qu'il nous fallait entendre. Le comité prend très au sérieux vos commentaires. Merci d'être venus en si grand nombre et d'avoir été si patients avec nous.
La séance est levée.