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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 mars 1997

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[Traduction]

Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité permanent de l'industrie reprend son examen de l'article 14 de la Loi sur les brevets de 1992 (chapitre 2, Lois du Canada, 1993).

Nous avons aujourd'hui une table ronde aux fins de notre examen du projet de loi C-93. Nos témoins sont Sheila Shulman, du Tufts Center for the Study of Drug Development; le Dr Bill McArthur, du Fraser Institute; Lillian Morgenthau, de l'Association canadienne des individus retraités; le Dr Robert Coambs, président-directeur-général de Health Promotion Research; enfin, M. Neil Palmer, de Palmer d'Angelo Consulting Inc.

Bienvenue à tous. Nous allons demander à chacun des participants de faire une déclaration liminaire d'environ cinq minutes. J'inviterai ensuite les députés à poser les questions qu'ils pourraient avoir. Ils peuvent les adresser à un participant donné, mais n'hésitez pas, si vous voulez intervenir, à attirer mon attention afin que je vous donne la parole.

Nous avons jusqu'à 17 h 30. Il y a un vote à 17 h 30. Les députés des divers partis seront peut-être prêts à clore la séance à ce moment là. Je pense que nous pouvons nous arranger par l'intermédiaire du whip. Cela dépend des députés de l'opposition, mais nous pourrons certainement reprendre la séance après le vote si nous n'en avons pas terminé. Nous verrons à 17 h 25 ce qu'il en est.

Je vais donner la parole à Sheila Shulman. Madame Shulman, du Tufts Center for the Study of Drug Development, soyez la bienvenue. Veuillez commencer.

Mme Sheila Shulman (directrice adjointe, Tufts Center for the Study of Drug Development, Tufts University): Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de votre invitation à comparaître aujourd'hui. Je me nomme Sheila Shulman et je suis directrice adjointe du Tufts Center for the Study of Drug Development, à la Tufts University, à Boston, Massachussetts.

Un mot sur le centre. C'est un groupe de recherche universitaire qui étudie depuis plus de 20 ans les enjeux économiques, juridiques et politiques relatifs à l'industrie pharmaceutique et biotechnologique internationale. Les travaux du centre sont financés en partie par l'Université Tufts et en partie par des subventions de l'industrie et d'autres sources.

Dans le cadre de nos recherches, nous avons suivi l'exécution des modifications apportées à la Loi sur les brevets canadienne en 1987 et 1993. Bien que la législation canadienne relative à la propriété intellectuelle ait été et reste originale à bien des égards, les enjeux fondamentaux sont de plus en plus universels.

Nous savons que le rétablissement de la durée des brevets est l'un des nombreux sujets que le comité a été chargé d'étudier au cours de sa série actuelle d'audiences. C'est en grande partie là-dessus que va porter mon propos aujourd'hui.

Nous avons eu la possibilité d'examiner les dispositions relatives au rétablissement de la durée des brevets de la loi américaine de 1984, plus couramment connue sous le nom de loi Waxman-Hatch. Avant d'aborder les résultats de notre étude, je pense qu'il serait utile que j'inscrive cette loi dans son contexte d'ensemble.

La loi Waxman-Hatch représentait un compromis politique entre les intérêts économiques des fabricants de médicaments génériques et ceux de médicaments de marque.

[Difficultés techniques - Éditeur]

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Le président: Poursuivez, je vous prie

Mme Shulman: Je vous remercie, monsieur le président.

Je parlais de la loi Waxman-Hatch et la replaçais en contexte. Les préoccupations relatives au prix des médicaments, à la compétitivité de l'industrie et à la nécessité d'encourager la R-D innovatrice au moyen d'incitations et de profits suffisants ont alimenté le débat au Congrès et les dispositions finales de la loi représentent un compromis entre ces intérêts divergents.

L'avantage pour les fabricants de médicaments génériques est une procédure administrative allégée en vue du dépôt d'une «ANDA», soit une demande abrégée d'agrément d'un nouveau médicament. La demande abrégée peut être présentée et l'agrément provisoire de la FDA donné avant l'expiration du brevet pionnier. Depuis l'adoption de la loi Waxman-Hatch, il n'est plus interdit de «fabriquer, utiliser ou vendre» la molécule générique, mais uniquement à des fins raisonnablement liées à l'obtention de l'agrément réglementaire. Il n'y a pas l'équivalent du travail anticipé, du point de vue de la fabrication et du stockage, que vous avez ici au Canada.

Pour contrebalancer les avantages évidents conférés à l'industrie des médicaments génériques, sur le plan de l'abaissement des barrières à l'entrée sur le marché, la loi a accordé deux avantages potentiels à des catégories très étroitement définies de médicaments de marque: premièrement, une période d'exclusivité hors brevet pour les applications nouvelles et complémentaires de médicaments agréés; et deuxièmement, une période de prolongation de brevet pour rétablir une partie de la durée du brevet accaparée par les essais cliniques et les phases d'agrément de la FDA. Le restant de mes propos sera consacré au deuxième de ces avantages: le rétablissement de la durée du brevet.

En vertu de la partie II de la loi Waxman-Hatch, le U.S. Patent and Trademark Office peut accorder la prolongation de certains brevets intéressant des médicaments destinés aux humains, y compris les antibiotiques et les produits biologiques. L'admissibilité est restrictive, liée à l'innovation, et limitée, dans le premier cas, à la première autorisation d'un produit, c'est-à-dire à de nouvelles entités chimiques dans le cas de médicaments traditionnels.

Encore une fois, la prolongation d'un brevet est de nature compensatoire. La durée de la prolongation est déterminée par la période d'examen réglementaire du médicament concerné. La période de prolongation effective représente la moitié de la phase des essais cliniques, plus la totalité de la phase d'agrément, moins le temps écoulé entre l'octroi du brevet et le début des essais cliniques et toute portion de la période d'examen réglementaire pendant laquelle on peut démontrer que le requérant n'a pas fait diligence pour obtenir l'autorisation de vente.

La prolongation maximale autorisée est de cinq ans et ne peut donner lieu à une durée effective de protection supérieure à 14 ans. La durée effective de protection est un indicateur clé: elle représente le temps écoulé entre la date de l'autorisation de vente de la FDA et l'expiration du brevet qui protège effectivement le nouveau médicament contre la concurrence générique.

Au cours des 14 années avant la loi Waxman-Hatch, la durée de protection effective moyenne a peu à peu chuté, passant d'environ 14,5 années en 1970 à environ 9,5 années en 1984 et à 8,1 années au cours de la période quinquennale 1980-1984. Nous avons calculé la durée de protection effective des nouvelles entités chimiques dont la vente a été autorisée aux États-Unis entre octobre 1984 et décembre 1995, soit les 11 années depuis l'adoption de la loi Waxman-Hatch.

Nous avons utilisé pour cela les données sur les brevets fournies par la U.S. Food and Drug Administration et les données sur le développement de médicaments figurant dans notre base de données interne sur les NEC approuvées. La figure 1 de mon texte montre la durée effective annuelle moyenne des brevets, avec et sans les prolongations Waxman-Hatch, de 157 nouvelles entités chimiques autorisées durant cette période. En l'absence de rétablissement de la durée des brevets, la durée de protection effective moyenne sur la période de 11 ans était de 8,3 années. Avec la prolongation, ce chiffre passe à 10,6 années.

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La figure 2 donne une meilleure idée des avantages apportés par la loi, et montre les prolongations moyennes de brevet des NEC, groupées selon quatre périodes triennales. La durée moyenne de prolongation a augmenté lors de chaque période pour atteindre un maximum de 3,2 années en 1993-1995. Pour cet intervalle, la durée de protection moyenne par brevet, avec la prolongation, est de 10,9 années, et sans prolongation de 7,7 années. Cette période est plus représentative, toutes autres choses étant égales, des NEC arrivant actuellement sur le marché, puisqu'elle comprend un plus grand nombre de médicaments admissibles à la prolongation maximale de cinq ans.

Nos données montrent que l'on peut attribuer à la loi Waxman-Hatch un allongement substantiel de la durée de protection effective. Il convient de noter - et je pense que c'est important - qu'en moyenne, en dépit des prolongations, seul 35 p. 100 du temps perdu entre le dépôt de la demande d'agrément et l'agrément a été restauré pendant la période la plus récente, soit 1993-1995.

Historiquement, une protection solide par brevet a été une incitation à investir dans la R-D pharmaceutique, qui est onéreuse. Waxman-Hatch a donné lieu à un renforcement sensible de la protection des nouveaux médicaments agréés ces dernières années. Cependant, je pense que lorsqu'il s'agit d'évaluer l'impact du renforcement de la protection de la propriété intellectuelle à l'égard des nouveaux médicaments innovateurs, il ne faut pas négliger non plus les effets d'autres facteurs à l'oeuvre sur le marché des années 1990, du côté de la demande cette fois.

Les interventions des tiers-payants publics et privés ont considérablement rétréci le marché des produits pharmaceutiques, par le biais de l'adoption de pharmacopées de plus en plus restrictives, de programmes de substitutions thérapeutiques, du recours à des produits génériques, de plafonnements de remboursement des médicaments d'ordonnance et divers niveaux de supervision des prix. Plus récemment, un nouveau degré de concurrence a été imposé par les compagnies de gestion de prestations pharmaceutiques assez puissantes pour négocier des rabais et ristournes considérables en échange de parts de marché garanties.

En outre, la nouvelle procédure allégée introduite par la loi Waxman-Hatch a facilité l'arrivée sur le marché de médicaments génériques, intensifiant considérablement la concurrence livrée par ces derniers. Une conséquence en a été un déclin rapide des ventes de médicaments innovateurs après l'expiration du brevet, certains grands produits pionniers perdant plus de la moitié de leur part de marché dès la première année après l'expiration du brevet.

En conclusion, de nombreux facteurs contribuent à un climat qui stimule la recherche biomédicale. Par exemple, la FDA a récemment réduit sensiblement les délais d'agrément des nouveaux médicaments, changement attribuable en partie aux incitations et ressources liées à la Prescription Drug User Fee Act et à d'autres initiatives de la FDA visant à accélérer les autorisations de mise en marché pour les nouveaux médicaments.

Dans un environnement en évolution rapide, ces mesures, combinées à la prolongation de la durée des brevets en vertu de la loi Waxman-Hatch, ont contribué à préserver un équilibre délicat entre les intérêts de l'industrie pharmaceutique innovatrice et ceux du système de santé d'ensemble, tout en améliorant l'accès à des options thérapeutiques importantes.

Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie encore une fois de votre invitation à comparaître. J'apprécierais que le texte de mon mémoire soit annexé en entier au procès-verbal.

Le président: Merci beaucoup, madame Shulman. Je vous remercie de ce rapport très concis. Je suis sûr que les députés auront plusieurs questions à vous poser, car vous abordez un certain nombre de points qui nous intéressent de près.

Le Dr McArthur, du Fraser Institute, je vous prie.

Dr Bill McArthur (visiteur stagiaire en politique sanitaire, Fraser Institute): Je vous remercie, monsieur le président. Je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître devant vous aujourd'hui. J'ai le privilège de représenter le Fraser Institute, où une bonne partie de notre travail vise à mieux comprendre de quelle manière des marchés concurrentiels améliorent le bien-être des Canadiens. Je précise que je suis également médecin en exercice, si bien que j'ai à connaître des médicaments également à ce niveau.

Un mémoire écrit est en cours de rédaction et sera transmis au comité dans le délai prescrit. Il couvrira de façon beaucoup plus détaillée ce que je vais dire dans les cinq prochaines minutes.

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Mes propos reposent essentiellement sur notre croyance que le vol est une activité humaine répréhensible qu'il convient de décourager par tous les moyens pratiques disponibles. En particulier, nous pensons que les Canadiens adhèrent au principe que le vol d'un bien est inacceptable quelles que soient les circonstances et qu'ils s'attendent à ce que le gouvernement du Canada s'efforce vigoureusement de prévenir le vol sous toutes ses formes.

Comme vous le savez, les brevets sont un moyen internationalement reconnu de protéger les droits de propriété des inventeurs. Ces droits de propriété intellectuelle sont conçus de façon à protéger les intérêts des inventeurs pendant une période de temps donnée, afin qu'ils puissent être rémunérés pour le temps, l'argent et l'effort qu'ils ont investis dans la création de leur invention.

Il est universellement admis qu'il est équitable envers l'inventeur de lui garantir ce droit à une rémunération raisonnable, mais l'expérience nous enseigne aussi que la protection de la propriété intellectuelle des inventeurs est avantageuse pour la société qui assure cette protection.

Cette protection crée un environnement tel qu'un nombre toujours croissant d'individus sont incités à exercer leur génie créatif, ce qui rapporte des retombées avantageuses pour la société dans son ensemble. De nouveaux emplois sont créés, des investissements sont effectués et la manière dont nous structurons notre vie quotidienne et notre travail devient plus efficiente et plus productive.

Cela n'est nulle part plus vrai que dans l'industrie pharmaceutique. Avec l'adoption du projet de loi C-91, le Canada a fait sienne la norme internationalement admise voulant que les brevets aient une durée de 20 ans. Cette période de 20 ans est reconnue comme la durée minimale de protection par brevet dans tous les pays technologiquement avancés, et toute durée inférieure à celle-ci ferait du Canada un renégat international en matière de protection des droits de propriété intellectuelle. Cela serait également contraire aux règles de l'OMC et de l'ALENA et pourrait avoir des effets dévastateurs sur notre économie.

Les inventeurs ne sont pas prisonniers d'un pays donné et tendent à exercer leurs activités là où ils ont la meilleure possibilité d'obtenir rémunération pour leur génie inventif. Toute diminution de la durée de 20 années constituerait en pratique un vol de propriété intellectuelle et encouragerait beaucoup d'inventeurs à fuir le Canada, entraînant une perte substantielle d'emplois et une chute sensible de l'investissement dont les conséquences se répercuteraient loin au-delà de l'industrie pharmaceutique.

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Toute limitation des droits de propriété dans un pays ferait hésiter tous les investisseurs, quel que soit leur secteur d'activité ou leur produit, à investir dans ce pays.

Des études poussées menées au Fraser Institute révèlent qu'une faible protection des droits de propriété intellectuelle et autre est associée à une croissance économique lente. Une autre caractéristique importante mise en évidence est que les pays qui ne protègent pas vigoureusement les droits à la propriété de leurs citoyens sont également moins diligents lorsqu'il s'agit de protéger la liberté individuelle de leurs citoyens. La mesure dans laquelle un pays protège les droits de propriété de ses citoyens est un important étalon de la liberté et de la justice qui règnent dans ce pays.

Il est clair que le Canada ne doit pas songer à réduire les 20 années de protection par brevet. Il doit plutôt veiller à ce que cette protection soit égale - c'est-à-dire compétitive - à celle des autres pays avancés avec lesquels nous sommes en concurrence pour attirer des innovateurs et des inventeurs dans maintes disciplines. À cet égard, cinq facteurs méritent d'être examinés plus attentivement.

Le premier est le rôle et même l'existence du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Cet élément doit être examiné.

Deuxièmement, ainsi que ma collègue l'a fait remarquer, il faut envisager un rétablissement de la durée des brevets à la lumière des pratiques internationales en la matière.

Troisièmement, il faut veiller à établir un terrain de jeu égal entre les divers fabricants de produits pharmaceutiques.

Quatrièmement, il faut envisager d'introduire des mesures législatives pour assurer une application vigoureuse des injonctions interlocutoires de façon à prévenir le piratage des brevets.

Cinquièmement, il faut revoir la légalité et l'opportunité des dispositions relatives au travail anticipé.

Ces aspects seront traités de manière plus détaillée dans le mémoire écrit qui vous sera transmis. Dans l'intervalle, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur ces éléments ou sur d'autres sujets.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, docteur McArthur. Encore une fois, je suis sûr qu'il y aura quantité de questions.

Madame Morgenthau, soyez la bienvenue à ce comité. Je vous ai déjà rencontrée dans d'autres.

Mme Lillian Morgenthau (présidente, Association canadienne des individus retraités): Tout d'abord, j'aimerais vous remercier tous de votre invitation. Nous vous en sommes reconnaissants, moi-même et nos 275 000 membres.

J'aimerais vous dire quelques mots sur notre organisation, afin de nous situer. Je me nomme Lillian Morgenthau et je suis présidente de l'Association canadienne des individus retraités, l'ACIR. Nous sommes une organisation nationale, sans but lucratif, regroupant 275 000 membres. Vous verrez dans le mémoire le chiffre de 250 000. Il a augmenté depuis.

Pour devenir membre, il suffit d'être âgé de 50 ans - il n'est pas nécessaire d'être retraité - et nous ne recevons pas de subventions publiques. Cela assure notre indépendance et notre neutralité.

Notre mission est de promouvoir et défendre les intérêts des Canadiens d'âge mûr, et de fait de tous les Canadiens, quel que soit leur âge.

Par le biais de CARP News, notre bulletin bimensuel distribué à tous nos membres, nous offrons une tribune nationale où sont abordés les grands sujets qui intéressent les Canadiens d'âge mûr. Nous fournissons également des mécanismes pour des échanges d'opinion et d'information, dans le but de parvenir à une meilleure connaissance et compréhension du processus de maturation et de ses répercussions sur tous les Canadiens.

Nous renseignons, nous offrons des économies et nous veillons à ce que les intérêts et points de vue des Canadiens d'âge mûr soient clairement exprimés. C'est ce que nous ferons aujourd'hui.

L'ACIR est intervenue en 1994 lors des audiences sur le projet de loi C-91 du comité sénatorial. Nous y avons fermement exprimé l'avis que les médicaments existants et nouveaux doivent être disponibles à des prix abordables et que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés doit maintenir les produits pharmaceutiques à des prix raisonnables.

Tout en souscrivant à la protection de la propriété intellectuelle, nous nous sommes exprimés en faveur des nouveaux pouvoirs conférés au CEPMB, tels que celui d'ordonner la baisse des prix d'introduction de nouveaux médicaments que le conseil estime excessifs et celui d'imposer des amendes.

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Nous avions conscience que l'allongement de la durée des brevets au Canada entraînerait un coût supplémentaire pour le système de santé, mais estimions qu'il serait largement compensé par l'investissement accru dans la recherche, la création d'emplois et, surtout, la découverte et la disponibilité de nouveaux médicaments potentiels qui seraient mis au point grâce au renforcement de la protection par brevet. Les faits nous ont donné raison.

L'ACIR a pleinement appuyé la coexistence au Canada des fabricants de produits pharmaceutiques génériques et de produits de marque. Nous avons estimé que chacun joue un rôle important dans la fourniture de médicaments aux Canadiens. Nous avons signalé également qu'une industrie générique forte dépend de la découverte de nouveaux médicaments par les fabricants de produits de marque. Puisque l'industrie générique se greffe sur celle des produits de marque, il est dans l'intérêt des deux d'encourager la recherche pharmaceutique au Canada.

Comme en 1994, le souci premier de l'ACIR est que les médicaments soient largement disponibles au Canada à un prix abordable et que le CEPMB veille à ce qu'ils soient de prix raisonnable. Nous avons exprimé au niveau provincial notre préoccupation face à l'érosion du système de santé et des restrictions d'accès aux médicaments imposées aux personnes âgées. Dans tout le pays, les gouvernements continuent à restreindre l'accès aux médicaments nouveaux en ne les inscrivant pas dans les pharmacopées provinciales ou en retardant leur inscription. Ils ont également imposé aux personnes âgées de prendre en charge une part plus importante du coût des médicaments existants et nouveaux.

Nous considérons que ces politiques sont à courte vue, sachant que la prise de médicaments est souvent l'intervention médicale la plus rentable puisqu'elle peut aider les personnes âgées à conserver leur indépendance, prévenir l'hospitalisation ou réduire sa durée, et prolonger la vie et en améliorer la qualité. Ce n'est pas vrai seulement des personnes âgées, mais de tout un chacun. Nous jugeons essentiel que les Canadiens aient accès à tous les médicaments et que les chercheurs continuent à s'efforcer de découvrir des médicaments capables de réduire ou d'éliminer la maladie.

Il est d'importance vitale pour tous les Canadiens que l'on continue à faire de la recherche et à découvrir des remèdes à la maladie. En 1994, l'industrie des produits pharmaceutiques de marque avait déjà atteint l'objectif promis lors du projet de loi C-22 - consacrer 10 p. 100 de son chiffre d'affaires à la R-D - soit avec deux années d'avance. Depuis l'adoption du projet de loi C-91, nous attendons de l'industrie qu'elle fasse encore plus. Selon le CEPMB, l'industrie dépense actuellement 12,5 p. 100 de son chiffre d'affaires pour la R-D, soit 2,5 p. 100 de plus que promis.

Nous sommes heureux de voir aussi que la recherche fondamentale est le volet qui connaît la croissance la plus rapide, avec une expansion de 340 p. 100 depuis 1988. En 1995, selon le rapport annuel du conseil, la recherche fondamentale représentait 22,2 p. 100 de la dépense totale, soit une hausse de 12,6 p. 100 par rapport à l'année précédente.

Par ailleurs, l'ACIR a le souci de conserver au Canada les chercheurs les meilleurs et les plus brillants. Une grande partie des dépenses de R-D finance les chercheurs des hôpitaux et universités canadiens. En 1995, les dépenses de R-D des universités et hôpitaux ont augmenté de 2,4 p. 100, pour atteindre 131,5 millions de dollars. Depuis 1988, l'industrie pharmaceutique a financé la recherche universitaire et hospitalière à hauteur de 720 millions de dollars, montant qui vient s'ajouter aux crédits publics.

Notre dernier souci est que les prix des médicaments soient à la portée des Canadiens, particulièrement des personnes âgées qui en ont besoin pour se maintenir en santé. Avec l'adoption du projet de loi C-91, l'industrie des médicaments de marque a promis des hausses raisonnables du prix des médicaments existants et nouveaux. L'industrie a tenu son engagement, selon le CEPMB, avec des hausses de prix inférieures au taux d'inflation.

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Nous notons également le succès des nouveaux pouvoirs du CEPMB sur le plan du contrôle des prix et des réductions autoritaires pouvant être imposées le cas échéant. De telles réductions ont été imposées l'année dernière.

Nous pensons qu'il est important d'avoir la faculté de choisir entre diverses pharmacothérapies en fonction des besoins de l'individu. Cela suppose une industrie dynamique des médicaments génériques et de marque et le libre choix par les médecins et patients du traitement approprié.

Nous pensons aussi que les personnes âgées doivent être pleinement informées des médicaments qu'elles prennent, et notamment savoir s'il s'agit d'un produit générique ou de marque. Selon la législation ontarienne actuelle, les bénéficiaires de l'assurance- médicaments ne sont pas tenus d'être informés de la substitution d'un produit générique à un produit de marque.

L'ACIR estime que les Canadiens doivent avoir la possibilité de choisir le produit qu'ils préfèrent. C'est le médecin qui devrait prendre la décision, et non quelque bureaucrate qui fait passer le coût avant la santé du patient.

Les Canadiens doivent avoir un accès rapide aux nouveaux médicaments, sans les retards inutiles causés par des formalités administratives dédoublées au niveau fédéral et provincial. Une fois qu'un médicament est agréé au palier fédéral, il devrait devenir immédiatement disponible dans les provinces, ce qui éliminera des années d'attente et des frais inutiles. La suppression de l'examen réglementaire provincial et l'harmonisation de l'examen fédéral avec celui d'autres pays permettront de mettre les médicaments plus rapidement à la disposition des malades.

En conclusion, l'ACIR considère que le gouvernement canadien doit veiller à ce que les générations présentes et futures aient accès dans les meilleurs délais et au meilleur prix à la technologie médicale la plus sophistiquée et la plus efficace. Il convient pour cela d'encourager les industries et les chercheurs à rester au Canada, tout en veillant que les prix et les coûts soient raisonnables et justes.

Nous pensons que le projet de loi C-91 a bien contribué à ces objectifs et attendons du gouvernement fédéral qu'il maintienne un environnement favorable au tournant du siècle. L'industrie générique apporte une concurrence qu'il convient d'encourager de manière à maintenir les médicaments à un prix abordable.

Pour résumer, la position de l'ACIR a été et reste que les médicaments d'ordonnance doivent être disponibles et abordables et qu'il incombe au CEPMB de veiller à ce qu'ils soient de prix raisonnable. Un nouvel examen de cette question ne devrait pas intervenir avant dix ans, sauf en cas de problème.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, madame Morgenthau.

Dr Coambs, je vous prie.

Dr Robert Coambs (président-directeur-général, Health Promotion Research): Je vous remercie.

L'exposé précédent était d'une telle qualité qu'il me sera difficile de l'égaler.

Mme Morgenthau: Vous y arriverez.

Des voix: Oh, oh!

Dr Coambs: Mon exposé s'appuie sur ce rapport, que vous devriez maintenant avoir reçu.

Je suis un associé du Centre for Health Promotion de l'Université de Toronto. Je suis également président d'un cabinet de conseil du nom de Health Promotion Research. Professionnellement, je suppose que vous pourriez me qualifier d'épidémiologiste éthologue. Si je me mets à parler de tabac dans cette présentation, c'est parce que je fais beaucoup de recherches sur le tabagisme et le contrôle du tabagisme.

Je suis mieux connu pour mes publications dans le domaine de l'inobservation des ordonnances. Ce rapport particulier fait partie d'un nouvel ouvrage sur la prescription inappropriée.

En quoi la prescription inappropriée intéresse-t-elle votre comité, me demanderez- vous? C'est parce que le comportement des fabricants de produits pharmaceutiques de marque, le comportement des fabricants de produits pharmaceutiques génériques et la prescription inappropriée sont tous inextricablement liés, ainsi que vous le verrez dans ce très court exposé.

La première chose à signaler est que la prescription inappropriée est très répandue. C'est un problème beaucoup plus sérieux qu'on ne le pensait. Le rapport que nous présentons contient de nouvelles estimations du coût économique de la prescription inappropriée de médicaments.

Jusqu'à 50 p. 100 des prescriptions d'antibiotiques sont inappropriées. Cette conclusion se fonde sur une vaste somme de recherches. C'est un grave sujet de préoccupation pour tout le monde dans le milieu médical.

Les benzodiazépines - c'est-à-dire le groupe de médicaments du type Valium - sont tous très sérieusement surprescrits. Une forte proportion des ordonnances dans ce groupe sont inappropriées.

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C'est un problème tant au niveau des médicaments de marque que des médicaments génériques. En d'autres termes, la prescription inappropriée intéresse les deux. Le groupe de médicaments de type Valium, les benzodiazépines, sont maintenant surtout des produits génériques et ils représentent toujours un problème sérieux.

Chez les personnes âgées, par exemple, il est extrêmement fréquent que ces médicaments soient prescrits de façon appropriée aux femmes âgées, ce qui finit par coûter très cher à l'économie canadienne, car ces femmes se retrouvent hospitalisées alors que cela aurait pu être évité. Lorsqu'elles tombent, sous l'effet de ces médicaments, elles se fracturent la hanche etc. Cela se produit donc avec les médicaments génériques.

Les anti-infectieux, eux aussi, sont sérieusement surprescrits, y compris les antibiotiques. La plupart de ces derniers sont génériques.

Donc, ce phénomène existe tant au niveau des produits génériques que des produits de marque.

Avec l'aide de l'économiste sanitaire qui collabore avec nous, nous avons estimé le coût de la prescription inappropriée. Vous trouverez une ventilation de ce coût dans l'un des tableaux du rapport. Vous pouvez voir que les frais d'hospitalisation sont substantiels. Selon notre estimation, de 1 à 4 p. 100 de toutes les hospitalisations sont liées à une prescription inappropriée. Les soins ambulatoires semblent consommer un temps de médecin similaire et des sommes d'argent substantielles.

On peut chiffrer les coûts directs pour l'économie canadienne entre 420 millions de dollars et 1,28 milliard de dollars par an - et ce sont là des estimations extrêmement prudentes. Nous travaillons encore avec des données très préliminaires et, lorsque c'est le cas, on doit se montrer très circonspect.

Les coûts indirects sont d'un montant similaire, ce qui donne un total situé entre 0,84 et 2,56 milliards de dollars par an attribuables à la prescription inappropriée de médicaments au Canada. Ce n'est là que la pointe de l'iceberg. Aucune action d'envergure n'est entreprise pour y remédier. La tendance n'est pas enrayée. En l'espace de dix ans, le coût sera de 8,4 milliards à 25,6 milliards de dollars, car cela va continuer sans cesse. En une décennie, ce seront là les chiffres cumulatifs.

Bien entendu, l'autre aspect alarmant dans tout cela, c'est que, outre les coûts, cela s'accompagne de maladies, d'invalidités et de décès inutiles. Autrement dit, ces personnes ne sont pas hospitalisées pour rien. Elles le sont parce qu'elles connaissent effectivement de sérieux problèmes de santé.

Encore une fois, ce sont là des données très préliminaires, mais il est évident que des décès sont attribuables à des prescriptions de médicaments inappropriés et que ce nombre se répète, augment et s'accumule chaque année.

Nous disons qu'il y a trois façons d'atténuer le problème. L'une consiste à éduquer les médecins. Cela peut se faire avant et après l'obtention du diplôme. Une bonne partie de cette éducation doit en fait intervenir après le diplôme. C'est ce que nous appelons «l'éducation médicale permanente». C'est un élément très crucial de tout le processus éducatif. Il en est ainsi parce que de nouveaux médicaments font leur apparition à un rythme si rapide et en si grand nombre qu'il est impossible pour un médecin de s'y retrouver sans une formation continue.

C'est donc important après le diplôme. Un facteur de très grande importance ici est que, en raison de la structure de coût des produits génériques, il n'est pas possible aux fabricants de ces médicaments d'assurer une EMP, éducation médicale permanente. Autrement dit, le fardeau de l'EMP repose entièrement sur les épaules des fabricants de médicaments de marque, ce que je juge regrettable.

La deuxième façon d'atténuer ce problème est un meilleur contrôle des prescriptions. La Saskatchewan, par exemple, possède déjà un excellent système - bien qu'il puisse être encore perfectionné - pour informer les médecins et autres cliniciens, particulièrement les pharmaciens, de la nature de la prescription inappropriée, afin de les aider à changer leurs habitudes. C'est ce qu'a recommandé le forum sur la santé, le comité parlementaire récent. Cette méthode semble prometteuse, mais elle ne résoudra pas à elle seule le problème. Il faut l'accompagner d'une éducation médicale permanente poussée.

Le troisième élément est l'éducation des patients. Les patients peuvent et doivent être éduqués. Il existe déjà quelques programmes d'éducation des patients, mais il faut faire beaucoup plus.

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En gros, ce qui se passe, c'est que les hôpitaux et les services de soins ambulatoires se trouvent inutilement encombrés, du fait de la prescription inappropriée de médicaments. Cela cause des coûts inutiles et qui peuvent être évités. En outre, ces méthodes peuvent être rentables. L'éducation médicale permanente sur ce problème peut être structurée de façon à ce qu'elle soit rentable.

Le président: Merci de cet exposé fascinant, Dr Coambs. Vous abordez là un sujet qu'au moins un député a déjà soulevé en parlant de la bonne utilisation des médicaments. Je pense que les membres auront quantité de questions à vous poser, car vous nous présentez là une étude très intéressante.

Nous en venons maintenant à notre dernier témoin. Monsieur Palmer, je vous prie.

M. W. Neil Palmer (consultant principal, Palmer d'Angelo Consulting Inc.): Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité. Je suis heureux de cette occasion de vous faire part des conclusions de cette importante étude des coûts et avantages des produits pharmaceutiques au Canada.

J'ai quelques transparents que M. Morawski va avoir l'amabilité de projeter à l'écran.

Avant la tenue de cet examen parlementaire, on a déjà assisté à de grands débats dans les médias, ainsi que dans les assemblées législatives fédérales et provinciales, sur les prix et les coûts des médicaments. Une opinion répandue veut que les prix et les coûts des médicaments grimpent en flèche ou échappent à tout contrôle. Comme vous allez le voir, tel n'est pas le cas.

Alors que l'on a énormément parlé des coûts, presque rien n'a été dit sur les avantages des produits pharmaceutiques. Pour déterminer la valeur, il faut prendre en considération tant les coûts que les avantages.

Le but de mon exposé d'aujourd'hui est de vous faire part d'une étude que je viens d'achever. Vous en trouverez une copie dans la chemise qui a été distribuée aux membres du comité et que d'autres personnes intéressées peuvent venir me demander.

Le rapport passe en revue les prix et les coûts sous l'angle des changements apportés à la Loi sur les brevets. Nous avons également mis au point un modèle macro- économique pour examiner les facteurs qui contribuent aux majorations de coût des médicaments et nous nous sommes penchés sur la valeur des produits pharmaceutiques.

Sur ce transparent vous voyez d'où nous avons tiré nos chiffres. Nous avons fait appel principalement à la publication de Santé Canada intitulée Dépenses de santé, 1975- 1994. Cependant, il nous a fallu en extraire les fournitures d'hygiène personnelle car il s'agit là d'articles tels que les bandages et déodorants. Il nous a fallu aussi ajouter les dépenses de médicaments des hôpitaux, chiffres que nous avons trouvés chez Statistique Canada. De cette façon, nous avons une image complète des dépenses de médicaments au Canada.

Nous avons également effectué des estimations pour 1995 et 1996, car si l'on veut examiner les dépenses depuis le projet de loi C-91, il importe de disposer des données les plus complètes. Nous nous sommes fiés pour cela aux chiffres de Statistique Canada et d'IMS. Pour les prix des médicaments, nous avons utilisé le volet pharmaceutique de l'indice des prix des produits industriels, qui est publié mensuellement par Statistique Canada.

Ce premier diagramme montre les hausses de coûts, la barre de gauche, et les prix, sur la barre de droite, pour chacune des trois périodes, la première étant antérieure au projet de loi C-22, c'est-à-dire lorsque les licences obligatoires s'appliquaient pleinement. Ce sont là les hausses annuelles moyennes des coûts et des prix.

.1615

Vous pouvez voir que les majorations moyennes se situaient entre 12 et 14 p. 100 avant le projet de loi C-22 et que les prix augmentaient au rythme de 8 p. 100 environ. Après le projet de loi C-22, les deux tendances ont commencé à ralentir. Depuis le projet de loi C-91, nous avons des hausses moyennes de coût inférieures à 4 p. 100 et des majorations de prix inférieures à 1 p. 100. À l'évidence, il y a eu là une modification de tendance majeure tant au niveau des coûts que des prix.

Je ne veux pas dire par là que la suppression des licences obligatoires a entraîné de moindres majorations de prix et de coût. Mais cela montre au moins que les licences obligatoires ne limitaient pas efficacement les hausses de coût ou de prix.

La raison pour laquelle les licences obligatoires ne sont pas efficaces, c'est qu'elles ne s'accompagnaient pas d'un mécanisme direct de contrôle des prix ou des coûts.

On pensait que l'existence de copies génériques engendrerait une concurrence au niveau des prix. Or, en réalité, le marché s'adaptait. Les joueurs sur le marché, les fabricants de produits de marque et ceux de produits génériques, ajustaient leur comportement sur le marché et s'efforçaient de récupérer les revenus perdus du fait de la réduction de leur part de marché.

Il faut bien voir aussi que la Loi sur les brevets et les licences obligatoires étaient principalement une politique industrielle, et non une politique sanitaire. Lorsqu'on utilise un outil de politique industrielle pour des raisons de politique sanitaire, on peut se retrouver avec ces effets imprévus.

Les régimes d'assurance-médicaments provinciaux ont tous pris des mesures de limitation des coûts. La pharmacoéconomique a vu le jour pendant cette période. Le Dr Coambs vient également de nous parler des initiatives visant à réduire l'usage inapproprié de médicaments.

Quels sont les facteurs qui contribuent à l'augmentation des dépenses de médicaments? Un facteur évident est d'ordre démographique. Lorsque la population augmente, le montant total des dépenses de médicaments va augmenter aussi. En outre, la population vieillit. Une population plus âgée consomme davantage de médicaments.

Nous avons déjà parlé des majorations de prix.

Il y a ensuite l'utilisation. Les deux éléments les plus importants du volet utilisation résident dans l'introduction de nouveaux médicaments. Les prix d'introduction et le volume des ventes de ces médicaments peuvent avoir un effet sensible sur le volet utilisation de l'augmentation des dépenses pharmaceutiques.

Les mesures de limitation des coûts peuvent modérer certaines de ces hausses. Nous en avons déjà vu certaines, mais il en existe évidemment d'autres. Au niveau micro- économique, celui des régimes d'assurance individuels, des éléments tels que la quantité et l'importance des ordonnances peuvent être importants. Il y a d'autres aspects aussi, tels que l'utilisation inappropriée de médicaments, l'éducation médicale permanente, les lignes directrices de prescriptions, qui peuvent tous influer sur l'utilisation.

Ce diagramme est une représentation de ce modèle que je viens de décrire. La grande barre représente l'augmentation totale des dépenses pharmaceutiques chaque année. La partie inférieure de la barre représente le volet prix. Vous pouvez voir que de 1987 jusqu'en 1994, environ, c'était une composante assez importante. Mais en 1996, le prix a presque disparu du diagramme. Les hausses de prix sont très faibles. Comme le CEPMB vous l'a indiqué, les prix des médicaments brevetés ont en fait baissé en 1994 et 1995.

La composante démographique est très constante dans le temps. Elle contribue environ 2 p. 100 chaque année à la hausse des dépenses totales. C'est là l'effet de l'accroissement de la population et de son vieillissement.

Enfin, en haut, calculée comme facteur résiduel, vous voyez l'utilisation. Vous voyez une ample fluctuation. Celle-ci est déterminée en partie par l'introduction ou l'absence de médicaments nouveaux, ou par les éventuelles mesures de limitation des coûts dans les provinces.

Au total, vous pouvez voir que les augmentations de dépenses depuis le projet de loi C-91 se situent en moyenne à 3,6 p. 100 environ, et que le volet hausse de prix est très minime.

.1620

En bref, pour ce qui est de l'effet de nouveaux médicaments sur les dépenses, l'arrivée d'un nouveau médicament peut augmenter ou diminuer la dépense globale. Elle va augmenter la dépense lorsque le médicament est le premier à pouvoir traiter une maladie donnée. Par exemple, l'AZT a été le premier médicament à traiter le SIDA et a manifestement fait augmenter la dépense totale. C'est le cas aussi des thérapies additionnelles, les médicaments ajoutés à un traitement existant, ou lorsque vous avez un élargissement de la population traitée parce que le nouveau médicament provoque moins d'effets secondaires.

Les médicaments nouveaux peuvent réduire la dépense globale s'ils sont le deuxième ou plus dans une catégorie thérapeutique particulière, parce qu'ils doivent alors être de prix plus compétitif. Un exemple en sont les inhibiteurs ECA, car il y a maintenant neuf ou dix de ces médicaments et les derniers arrivants doivent manifestement rivaliser sur les prix.

Mais il n'y a pas que les forces du marché. Les lignes directrices du CEPMB exigent que les médicaments ultérieurs dans une même catégorie thérapeutique ne soient pas vendus à un prix supérieur à celui du premier arrivant. Cela s'applique même lorsque le médicament est amélioré. Le neuvième ou dixième, ou troisième ou quatrième médicament dans une catégorie thérapeutique particulière peut être sensiblement meilleur que le premier, mais il ne peut être vendu plus cher que le premier de la catégorie.

Il importe de prendre en compte la valeur de ces nouveaux médicaments. Non seulement offrent-ils de meilleurs résultats sur le plan de la survie et de la qualité de vie, mais ils sont également économiques. Les provinces, tout comme les régimes d'assurance privés, exigent de plus en plus que ces produits soient économiques avant qu'ils soient inscrits sur leurs listes ou prescrits.

Dans certains cas, ces médicaments offrent des économies non négligeables au système de santé. On peut citer comme exemple les nouveaux médicaments contre la schizophrénie, qui permettent aux patients de quitter l'hôpital. Même s'ils peuvent paraître coûteux en soi, les économies qu'ils offrent en évitant d'hospitaliser les patients sont importantes.

En résumé, monsieur le président, les dépenses pharmaceutiques et les prix des médicaments ont augmenté plus rapidement avant le projet de loi C-91 qu'après. Depuis l'adoption du projet de loi C-91, les prix ont augmenté de moins de 1 p. 100 par an et les dépenses de moins de 4 p. 100 par an. L'accroissement et le vieillissement de la population ont contribué environ 2 p. 100 par an à l'augmentation de la dépense globale.

Les nouveaux médicaments ajoutent de la valeur et peuvent soit augmenter soit diminuer la dépense totale de médicaments. Les licences obligatoires n'étaient pas un moyen efficace de contenir les coûts. Elles sont une politique industrielle et non sanitaire. Ce qui a été efficace, ce sont les initiatives de limitation directe, telles que le CEPMB, les régimes d'assurance-médicaments et les mesures pharmacoéconomiques.

Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Palmer.

Je tiens à remercier tous les témoins de leur coopération. Vous avez couvert un terrain considérable en très peu de temps. Je l'apprécie beaucoup.

[Français]

M. Brien posera les premières questions.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Ma première question sera pour Mme Shulman. Dans votre document, vous parlez de la protection effective des brevets aux États-Unis. Pour 1995, il y a une protection effective d'environ 11 ans. Dans d'autres présentations, on a dit que dans le système américain, la protection effective était plutôt de 14 ans. J'aimerais que vous nous disiez si ces données-là sont bonnes et pourquoi d'autres arrivent à la conclusion qu'il s'agit de 14 ans.

[Traduction]

Le président: Allez-y.

Mme Shulman: Je veux juste prendre un instant pour préciser une chose. Il n'est pas très facile de s'y retrouver dans tous ces chiffres. Le chiffre de 14 ans intéresse la durée de validité effective maximale d'un brevet. C'est la durée possible de la protection.

La durée de protection à laquelle un fabricant est admissible et qu'il peut obtenir dans la réalité est quelque chose de très différent, et elle varie avec chaque médicament. Elle est déterminée par la durée des essais cliniques et le délai d'agrément de la FDA pour chaque médicament. Un médicament pourrait n'obtenir qu'une prolongation de deux ans et demi, en sus de la durée nominale effective de peut-être sept ans, soit une protection réelle de neuf ans en tout. Du fait qu'une partie de la durée de validité du brevet s'est écoulée avant la mise en marché, le médicament ne jouit que de cette période limitée de protection, mais le maximum possible est de 14 ans. La durée réelle peut différer très sensiblement de ce chiffre.

.1625

[Français]

M. Pierre Brien: Avez-vous fait une analyse ou une comparaison internationale de la protection effective des brevets par rapport au système américain? Dans l'affirmative, où ce dernier se situe-t-il?

[Traduction]

Mme Shulman: Cette phase de notre étude n'est pas encore terminée. L'étape suivante que nous sommes sur le point d'entreprendre consiste à examiner l'effet des certificats de protection supplémentaire disponibles dans la Communauté européenne. Ils existent depuis 1992, donc une date relativement récente, mais il serait bon à ce stade de faire le point des résultats. Nous n'avons pas encore achevé cette partie de l'étude.

[Français]

M. Pierre Brien: Est-ce que ce sera terminé bientôt? Cela pourrait nous être utile.

[Traduction]

Mme Shulman: Ce n'est pas un mince travail. Je ne voudrais pas vous faire de promesse à cet égard. Nous pourrions nous renseigner pour voir dans quel délai nous pourrions vous communiquer les données.

[Français]

M. Pierre Brien: J'ai maintenant des questions pour les gens de l'Institut Fraser. À la dernière page de votre présentation, vous nous dites qu'il y a cinq points particuliers. Je vais commencer et je suis sûr que d'autres vont poursuivre sur chacun de ces points-là, lesquels seront plus détaillés dans le mémoire qui nous sera remis plus tard.

Vous dites qu'il faut revoir le rôle et même l'existence du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. J'aimerais que vous expliquiez un peu plus ce que vous voulez dire par revoir son rôle et peut-être même son existence.

[Traduction]

Dr McArthur: Certainement. C'est un sujet difficile et complexe, mais je pense que nous savons tous, pour avoir examiné les activités des organismes réglementaires, qu'ils s'occupent de contrôler le prix du grain ou de n'importe quoi d'autre, que les résultats auxquels nous aspirons en contrôlant les prix ont parfois des effets plutôt pervers.

L'Imperial College of Science, Technology and Medicine de l'Université de Londres, a réalisé une étude européenne de très grande envergure, que j'ai ici. Les auteurs ont examiné de très près la situation dans tous les pays européens. Ils en ont conclu que, sur une période de trois à cinq ans, les pays ayant des organismes réglementaires chargés de contrôler les prix connaissent en fait des prix plus élevés que les pays qui n'ont pas de tels organismes.

En cette période d'austérité financière, il faut au moins réfléchir à cet argument et se demander si le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés remplit bien sa fonction ou s'il ne vaudrait pas mieux laisser jouer les forces du marché et peut-être, comme c'est le cas dans certains pays européens, bénéficier ainsi de prix plus bas?

Il faut ajouter à cela une réserve très importante. Ce n'est pas une chose que je recommande, c'est une considération que je vous soumets. Si vous éliminiez purement et simplement le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, on reviendrait dans la pratique à la situation antérieure au projet de loi C-91, où on peut dire sans exagérer que le piratage des brevets était extrêmement répandu. Nous pensons que si vous preniez cette mesure, il faudrait l'accompagner d'une législation très rigoureuse autorisant des injonctions interlocutoires, afin de protéger les compagnies innovatrices pendant la durée du brevet.

Les injonctions interlocutoires existent dans notre pays, mais je crois savoir qu'il est très difficile d'obtenir des tribunaux qu'ils les rendent efficaces. Il faudrait une législation d'accompagnement, pour faire les deux choses simultanément.

Ai-je répondu à votre question, monsieur?

[Français]

M. Pierre Brien: Oui, mais j'aimerais, si cela était possible, entendre les commentaires de M. Palmer sur ce qu'a dit le représentant de l'Institut Fraser.

[Traduction]

M. Palmer: Parlez-vous du CEPMB en particulier?

M. Pierre Brien: Oui.

.1630

M. Palmer: Le CEPMB a récemment indiqué avoir engendré une économie située, je pense, entre 2,9 et 4 milliards de dollars depuis sa création. Je n'ai pas regardé de près son étude, mais cela semble signifier que les coûts d'ensemble ont baissé grâce au CEPMB.

Pour ce qui est de la question soulevée par le témoin médecin, lorsqu'il a dit que les prix étaient supérieurs, il y a une certaine part de vérité dans cela. Lorsqu'on réglemente les prix, il y a une tendance à ce que les prix imposés deviennent des prix planchers plutôt que les prix plafonds. C'est parce que les fabricants craignent de ne pas pouvoir augmenter leurs prix ultérieurement. Ils peuvent donc avoir une tendance à exiger le prix maximal tout de suite, de crainte de ne pouvoir le majorer plus tard.

Un contrôle peut donc avoir cet effet. On le voit non seulement chez les fabricants de produits de marque, mais aussi chez les fabricants de médicaments génériques. Habituellement, ils mettent un produit sur le marché au prix maximal autorisé, de crainte de ne pouvoir l'augmenter plus tard.

[Français]

M. Pierre Brien: Sur un autre sujet, monsieur McArthur, vous parlez dans votre quatrième recommandation d'une application des injonctions interlocutoires. À l'heure actuelle, le règlement de liaison est un mécanisme assez complexe et très contesté par l'industrie des médicaments génériques.

Suggérez-vous qu'on remplace le règlement de liaison actuel et la production hâtive par un mécanisme qui permettrait d'obtenir des injonctions interlocutoires par le système normal de justice quand on veut empêcher les compagnies de médicaments génériques de mettre le produit sur le marché, comme c'est le cas pour tous les autres produits, ou si vous préférez le système actuel, avec son règlement spécifique pour le secteur pharmaceutique?

[Traduction]

Dr McArthur: Je crois savoir - je ne suis pas juriste - qu'il est difficile dans notre pays de convaincre les autorités judiciaires de faire respecter les injonctions interlocutoires. La manière dont les choses se déroulaient par le passé, c'est que les inventeurs, lorsque leur brevet était enfreint par d'autres parties, s'adressaient aux tribunaux et demandaient une injonction interlocutoire.

Dans la pratique, les tribunaux répondaient oui, le brevet est enfreint, vous avez donc maintenant le droit d'entamer des poursuites en justice contre la partie adverse. Il en coûte environ 600 millions de dollars pour mettre au point un médicament typique. Vous avez donc le droit de dépenser ce montant, puis encore 30 ou 40 millions de dollars pour les poursuites en justice contre le contrevenant. Évidemment, il faudra trois ou quatre ans ou plus avant que cela aboutisse et, dans l'intervalle, la production pirate se poursuit.

Donc, dans notre pays, cela n'a pas été un moyen très efficace de protéger les inventeurs contre les contrevenants, alors que dans d'autres pays, notamment les États- Unis, de telles injonctions sont un moyen d'intervention plus efficace. Donc, si l'on veut s'engager dans cette voie, il faudra faire en sorte de rendre la législation plus efficace.

Mme Shulman: Aux États-Unis, le fardeau de la preuve pour l'obtention d'une injonction interlocutoire est moins lourd. Une telle injonction est exécutoire dès le moment de l'action en justice et ce jusqu'au procès. Le contrefacteur est autorisé à vendre sur le marché en l'absence d'injonction.

Les critères diffèrent entre le Canada et les États-Unis. Je pense que les tribunaux chez nous sont davantage ouverts à des demandes d'injonctions interlocutoires, et ces dernières sont plus facilement accordées.

[Français]

M. Pierre Brien: Est-il possible qu'il y ait des sanctions beaucoup plus sévères aux États-Unis qui font en sorte qu'on accorde des dommages beaucoup plus élevés?

[Traduction]

Mme Shulman: Non, je ne pense pas que les sanctions soient sensiblement différentes. D'ailleurs, les dommages-intérêts payables ne sont pas si lourds, mais l'injonction est imposée.

Le président: Monsieur Mayfield.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je veux remercier les témoins d'être venus. Je remercie personnellement le Dr McArthur, un vieil ami, en mon nom personnel, en celui de M. Abbott et d'autres réformistes qui ne sont pas là.

.1635

J'ai apprécié vos exposés à tous et suis impatient de participer à cette discussion avec vous aujourd'hui.

Lorsque je passe en revue les documents, il me semble que les intérêts concurrents de cette industrie sont probablement aussi exacerbés que les rivalités politiques en Colombie-Britannique, d'où je viens. Il n'est pas facile de s'y retrouver dans les statistiques et les chiffres que les gens citent à l'appui de leurs arguments.

Il y a deux aspects qui m'intéressent particulièrement, et mon collègue a déjà abordé l'un d'eux. L'autre se situe à l'autre bout de la chaîne, c'est-à-dire à la période initiale - au début du brevet.

Mais auparavant, j'aimerais demander à chacun des témoins de nous dire où, selon eux, se situe le Canada par rapport à ses concurrents internationaux, du point de vue de la durée de protection des brevets et de la durée véritable des brevets pendant la période d'exploitation commerciale du produit.

Mme Shulman: En ce qui concerne les États-Unis, nous avons promulgué le 8 juin 1995 la loi de mise en oeuvre du GATT, et cette loi fixe une durée de 20 ans pour les brevets à partir de la date du dépôt, soit la même durée que vous, ici au Canada, me semble-t-il.

La différence ne réside pas dans la durée théorique du brevet mais dans sa durée effective, qui est réellement la période pendant laquelle le fabricant du produit innovateur peut récupérer son investissement dans la R-D. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, cette durée est variable. La prolongation de durée d'un brevet permet d'aller jusqu'à un maximum de 14 ans. Je crois savoir qu'au Canada la durée effective d'un brevet au début des années 1990 se situait en moyenne aux alentours de 8,5 années. C'est un chiffre approximatif. Si l'on prend la même période aux États-Unis - de 1993 à 1995 - , la durée effective était de 10,9 années, si bien qu'il y a pratiquement une différence de deux ans dans la durée effective des brevets.

Il importe de bien distinguer entre la durée théorique de 20 ans et la durée effective des brevets.

Le président: Le Dr Coambs voudrait intervenir. Docteur McArthur, souhaitiez-vous également intervenir sur cette question, ou bien non?

Dr McArthur: Nous voulions tous...

M. Philip Mayfield: Je serais très intéressé à entendre la réponse de chacun des témoins, s'il vous plaît.

Le président: Bien.

Dr McArthur: Je suis d'accord avec ce qu'a dit Mme Shulman - il y a un avantage de deux ans aux États-Unis du point de vue de la durée effective des brevets. Il est important de le comprendre. Je suis sûr que vous avez entendu cela de nombreuses fois, mais 20 ans ne représentent pas la durée de la protection accordée par un brevet; cela, c'est la durée à partir du dépôt du brevet. Il faut compter environ dix ans avant que la plupart des médicaments soient prêts à être commercialisés.

Nous avons plusieurs exemples bizarres dans notre pays, où des médicaments ont été mis au point au Canada, mais où le délai avant leur commercialisation était tellement long que le brevet était expiré, et ce sont des médicaments vendus dans le monde entier. L'un de ces médicaments est la calcitonine. Il est vendu dans le monde entier pour traiter une maladie grave, l'ostéoporose, mais il n'est pas vendu au Canada, où il a été découvert à l'Université de Colombie-Britannique, parce qu'il n'a pas été mis au point assez vite pour pouvoir être commercialisé avant l'expiration du brevet.

En ce qui concerne plus particulièrement votre question, monsieur Abbott, je pense que l'existence de la production anticipée suscite des interrogations quant à la durée réelle du brevet. En effet, lorsque vous permettez à des compagnies rivales de commencer à fabriquer des médicaments des années avant l'expiration du brevet et de les stocker, pour ensuite inonder le marché le jour même de l'expiration du brevet, je me demande, pour ma part, dans quelle mesure cela est bien conforme à l'esprit de la législation sur les brevets.

L'absence d'injonction interlocutoire dont nous avons déjà parlé est un problème. L'absence de rétablissement de la durée du brevet - qui existe aux États-Unis et dans la plupart des pays d'Europe, de même qu'au Japon et, je crois, en Australie - est un sujet de préoccupation.

Une autre préoccupation est que nous avons des révisions périodiques de la législation, et le message que reçoit quelqu'un à l'étranger, c'est que le Canada entreprend aujourd'hui un nouvel examen pour déterminer si nous allons adhérer au régime international en matière de brevets. Cela crée un certain malaise dans l'esprit des gens.

.1640

Il est parfaitement normal et approprié de procéder à des examens périodiques, mais il faudrait les combiner avec une déclaration d'intention claire, figurant dans la loi, de respecter les normes internationales.

M. Philip Mayfield: Je vous remercie.

Mme Morgenthau: Je rentre juste de Colombie-Britannique. Quand allez-vous avoir un peu de soleil?

M. Philip Mayfield: Eh bien, le soleil brillait quand je suis parti.

Mme Morgenthau: Vraiment, trois jours de pluie...

Le président: Monsieur Mayfield, voudriez-vous poser votre question à quelqu'un d'autre?

M. Philip Mayfield: Je pense que Mme Morgenthau commençait à répondre.

Le président: D'accord.

Mme Morgenthau: De fait, nous réfléchissons très sérieusement à cette question des brevets.

On dit qu'un brevet dure 20 ans, mais ce n'est pas réellement le cas. Si nous avons la chance de pouvoir mettre sur le marché un médicament qui existe déjà dans d'autres pays, la durée effective de protection par brevet est de dix ans.

Nous aimerions que le Canada reste aligné sur le GATT. Nous sommes un marché international. Le Canada jouit d'un énorme prestige à l'étranger. Il faudrait qu'il en reste ainsi, et il n'en restera pas ainsi si nous n'allons pas jouer dans la cour des grands. Je pense donc que nous devrions suivre le GATT.

Je suis ici pour le consommateur. Je n'ai pas d'intérêt particulier, je défends seulement nos membres. J'ai la forte conviction que le consommateur devrait avoir son mot à dire au sein du conseil de contrôle des prix, qu'il devrait y avoir davantage de communications entre cet organisme et les utilisateurs des médicaments.

L'une des choses que nous préconisons, pour éviter la prescription excessive de médicaments, c'est d'avoir des périodes d'essai de deux semaines d'un médicament, au lieu que l'on prescrive tout de suite les pilules pour 100 jours, afin que le patient puisse les essayer et, s'il a des effets secondaires, on ne gaspille pas tout un flacon qui dort dans l'armoire à pharmacie.

Il y a d'autres façons de contrôler la surconsommation de médicaments et il y aurait lieu de les envisager.

Le président: Dr Coambs.

Dr Coambs: Il importe de distinguer entre la protection de jure que confèrent les brevets et la protection réelle, ainsi que d'autres témoins l'ont indiqué.

Par exemple, en Europe, une crise est en train de se développer en ce moment car, du fait de l'intégration des économies et de la levée des restrictions aux frontières, il est maintenant possible d'acheter des médicaments à l'étranger. La durée des brevets est très courte en Espagne, je crois, et ainsi, par exemple, des hôpitaux allemands peuvent acheter leurs médicaments en Espagne, ce qui est techniquement légal mais néanmoins désastreux du point de vue de la protection conférée par les brevets dans les pays européens.

En d'autres termes, il y a des lois dans chacun de ces pays régissant la durée de la protection, et sur le plan pratique, cette durée est devenue très courte en Allemagne car on peut y acheter des médicaments de la façon que j'ai dite. Il y a donc une crise en cours et la durée de protection raccourcit en Europe.

Le président: Monsieur Palmer, aimeriez-vous répondre?

M. Palmer: Certainement. Je pense que la question initiale était de savoir ce que font nos partenaires commerciaux. Je crois savoir qu'il y a un régime de rétablissement de la durée des brevets en Europe, de même qu'aux États-Unis et au Japon. Je crois savoir que la prolongation peut aller jusqu'à cinq ans.

Dans l'ensemble, il faut trouver un équilibre entre, d'une part, notre compétitivité, et le contrôle des coûts et, d'autre part, la protection par brevet et les incitations à la recherche-développement et à l'investissement dans notre pays.

Si nous regardons ce que font nos principaux partenaires commerciaux - les Européens, les Japonais et les Américains - ils ont un régime de rétablissement de la durée des brevets. Nous devons procéder à un examen objectif de la manière dont cela pourrait fonctionner dans notre pays.

Le président: Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Merci beaucoup.

Je voudrais tout d'abord remercier les témoins de la qualité de leurs exposés.

J'aimerais poser une question à Mme Shulman. Voyons un peu cette affaire de la durée effective des brevets. Aux États-Unis, lorsque vous parlez de durée effective d'un brevet - la période pendant laquelle un médicament est sur le marché et rapporte à son inventeur - le législateur américain s'intéresse-t-il à la question de savoir si la recherche et le développement d'un médicament donné ont été effectués aux États-Unis?

.1645

Mme Shulman: Je ne pense pas que cela ait été une considération déterminante à ce stade. Les dispositions sur le rétablissement de la durée des brevets de la loi Waxman-Hatch ne sont qu'un petit élément de la loi. Elles ont été placées là pour contrebalancer un nouveau système plus rationnel et plus facile de mise en marché des médicaments génériques.

Il y avait quantité de facteurs pris en considération à l'époque, principalement les dépenses croissantes de médicaments et le souci des maîtriser les dépenses publiques, mais je ne suis pas certaine que l'on ait tenu compte du pays où se fait la fabrication elle- même. Je ne pense pas que c'était un facteur.

M. Joseph Volpe: Si nous admettons le principe élémentaire que celui qui réalise un investissement a droit à un rendement sur cet investissement, est-ce que l'investissement pour le médicament A est le même lorsqu'il est exporté sur un marché où cet investissement n'a pas eu lieu ou lorsque l'investissement a déjà été défrayé, par exemple aux États-Unis? Est-ce que les arguments en faveur du même type de protection par brevet sont aussi convaincants?

Mme Shulman: Je veux m'assurer de bien comprendre votre question. En pratique, si le médicament est fabriqué en Europe et importé au Canada ou aux États-Unis, mérite-t- il la même...?

M. Joseph Volpe: La même protection par brevet que dans le pays d'origine.

Mme Shulman: Je pense qu'il est difficile de considérer un médicament en particulier et les circonstances de sa fabrication, le lieu où il est breveté ou le moment de son cycle de vie où il est breveté. Je pense qu'il faut plutôt considérer le contexte d'ensemble de l'industrie, voir comment elle fonctionne à l'intérieur des frontières du pays qui vous intéresse.

Par conséquent, je pense qu'il faut évaluer l'état du système de santé et celui de l'industrie à un moment donné. Le lieu de fabrication, étant donné le caractère de plus en plus international de cette industrie, n'est peut-être plus une considération aussi pertinente que par le passé.

M. Joseph Volpe: Permettez-moi de pousser un peu plus loin. Vous semblez extrêmement au fait de toutes ces questions.

Si nous acceptons le chiffre que le Dr McArthur vient de citer, à savoir qu'il en coûte près de 600 millions de dollars pour mettre un médicament sur le marché, si je suis le fabricant A et que j'ai investi cette somme aux États-Unis, breveté mon invention aux États-Unis et fixé son prix - je le commercialise parce que je m'attends à récupérer pleinement mon investissement de 600 millions de dollars - la durée effective du brevet, selon vos chiffres, est d'environ 10,5 années. J'ai donc 10,5 années pour recouvrer cet investissement aux États-Unis.

Mais parce que j'ai une bonne stratégie commerciale, je le vends maintenant au Japon, un marché lucratif. Je le vends en Europe, un autre marché lucratif. Le Canada compte pour peu, car il ne représente que 2 p. 100 du marché mondial.

Quel type de prix vais-je fixer? Est-ce que, en tant que société innovatrice, je vais tenter de recouvrer mon investissement aux États-Unis?

Mme Shulman: Encore une fois, j'en reviens à mon propos initial. Je pense qu'il est très difficile de prendre un médicament et de généraliser à partir de là.

Je n'avais pas encore entendu le chiffre cité par le Dr McArthur. Notre propre centre a fait une étude très rigoureuse du coût de mise au point d'une entité chimique nouvelle et nous sommes sur le point d'en entreprendre la mise à jour. Les bénéfices réalisés sur cet investissement me paraissent indispensables, car pour chaque médicament nouveau, important et innovateur, un nombre énorme n'arrive jamais jusqu'au stade de la fabrication.

.1650

C'est surtout une question d'équilibre. Si l'on veut voir se matérialiser tous les avantages que l'industrie pharmaceutique peut apporter au système de santé, alors il faut lui faire une place à l'intérieur de la structure de santé. Les mécanismes de tarification varieront d'un pays à l'autre.

M. Joseph Volpe: Je pense comprendre cela. Mais j'essaie néanmoins de déterminer quel type de retour sur l'investissement les systèmes réglementaires vont autoriser. Je pense que c'est M. Coambs qui nous a dit qu'il y avait une crise en Europe parce que l'Espagne - si j'ai bien suivi - applique un système réglementaire dépareillé par rapport à ceux des pays concurrents de la Communauté économique européenne.

Il doit bien exister une incitation pour moi, en tant qu'innovateur, fabricant ou distributeur espagnol, que mes concurrents de l'étranger ne voient pas, ou que peut-être même ma propre filiale en Allemagne ne voit pas. Le rendement sur mon investissement que je peux réaliser sur place doit tenir compte du fait que je ne peux vendre mon médicament nulle part ailleurs, ou que j'en serai peut-être empêché. Si je dépense 600 millions de dollars en Espagne pour découvrir ce produit, parce que c'est le seul endroit où je fais ma recherche-développement...

Mme Shulman: Il est très peu probable que ce soit le cas.

M. Joseph Volpe: Je vois.

Mme Shulman: Je dirais également que l'écart entre les législations en matière de brevets des divers pays européens est en train de diminuer. Un processus d'harmonisation est en cours. L'Espagne, à partir de 1998, aura un système de protection beaucoup plus rigoureux.

Un phénomène qui s'est produit dans la Communauté européenne - et je ne veux pas trop nous écarter de notre sujet - est ce que l'on appelle le commerce parallèle, où des importateurs vont acheter le même médicament dans un pays à bas prix, tel que l'Espagne ou le Portugal ou la Grèce, l'importer, le vendre à un distributeur dans un pays à prix élevé, où il sera commercialisé à un prix inférieur à celui du même médicament fabriqué et conditionné dans le pays à prix plus élevé. Cela est devenu courant. Les régimes de santé publics ont soudainement perçu l'avantage de cela. C'est donc encouragé.

Mais ce qui se passe, c'est qu'il existe maintenant un système d'enregistrement centralisé dans la Communauté européenne. La nécessité de remédier aux autres disparités, notamment les disparités en matière de brevets, est devenue évidente. Je pense donc qu'au cours des cinq prochaines années, vous verrez là un système beaucoup plus harmonisé sur ce plan.

Le président: Je vous remercie, madame Shulman et monsieur Volpe.

[Français]

Monsieur Brien.

M. Pierre Brien: J'aimerais poser une question à Mme Shulman. Les États-Unis prévoient-ils des révisions statutaires en ce qui a trait à la protection des brevets? Est-ce révisé lorsqu'il y a un débat public et que la pression est forte ou si la loi prévoit obligatoirement des révisions?

[Traduction]

Mme Shulman: Il n'y a pas d'obligation dans la loi Waxman-Hatch de procéder à un examen. Cependant, 11 années se sont écoulées depuis l'adoption de cette loi. Depuis quatre ou cinq mois, on parle de plus en plus de la nécessité de réévaluer la loi et de faire le point des changements survenus dans le système de santé en général. Je songe là aux facteurs nouveaux dont j'ai fait état dans mon exposé et que certains de mes collègues autour de la table ont mentionnés également.

Le marché des médicaments est très différent aujourd'hui, en 1997, de ce qu'il était en 1984. Le cycle de vie, la durée de vie d'un médicament, a changé, non seulement après l'expiration du brevet mais déjà auparavant. C'est dû à ce que l'on appelle la substitution thérapeutique, et non pas à la seule concurrence des médicaments génériques. Il y a concurrence à l'intérieur des catégories thérapeutiques. Les remboursements sont plafonnés. Il y a des structures de tarification. Aux États-Unis, il y a beaucoup moins de régimes d'assurance publics que chez vous au Canada. Néanmoins, la pression concurrentielle entre compagnies d'assurance privées soumet à des tensions extrêmes les structures de tarification des produits pharmaceutiques.

Le président: Madame Morgenthau. Allez-y.

.1655

Mme Morgenthau: Vous rendez hommage à l'âge avant la beauté?

La question de M. Volpe m'amène à faire la réflexion suivante. Au Canada, il ne suffit pas de l'agrément fédéral, un médicament doit aussi être agréé dans 11 provinces et territoires. Cela représente un coût énorme, en argent et en temps, avant qu'un médicament puisse être mis sur le marché.

Lorsque nous disons que si un médicament est agréé au niveau fédéral il devrait l'être automatiquement dans les provinces, je pense que cela permettrait de réduire considérablement les coûts. Même un médicament importé doit passer par tout notre processus réglementaire, fédéral et provincial. Cela en fait réellement augmenter le coût. D'une façon ou d'une autre, si l'on veut maintenir les coûts, je pense qu'il faut réduire le travail de laboratoire inutile.

[Français]

M. Pierre Brien: Je devrais comptabiliser ce temps-là sur le temps du secrétaire parlementaire. Je vais continuer là-dessus.

[Traduction]

Mme Morgenthau: Oh, je ne pensais pas.

[Français]

M. Pierre Brien: Ce n'est pas grave. Madame Morgenthau, si jamais on avait une restauration ou une protection plus grande des brevets pharmaceutiques, les coûts des services de santé seraient évidemment plus élevés dans les provinces. En plus, vous souhaitez que, dès qu'un médicament est reconnu par le gouvernement fédéral, il soit automatiquement inscrit sur la liste des médicaments remboursables par les provinces.

Donc, pour aller au bout de votre raisonnement, souhaiteriez-vous que le gouvernement fédéral augmente les transferts aux provinces dans le domaine de la santé afin que ces dernières puissent assumer ces coûts supplémentaires? Allez-vous jusqu'à dire que le gouvernement fédéral devrait augmenter ses transferts aux provinces, particulièrement dans le domaine de la santé, lesquels ont été passablement réduits au cours des quelques dernières années?

[Traduction]

Mme Morgenthau: Je suis heureuse que vous ayez posé cette question. Tout d'abord, chaque fois qu'un médicament est introduit sur le marché, il l'est parce qu'il va apporter un avantage. S'il offre un avantage, cela signifie qu'une personne, sans doute une personne âgée, peut-être ou probablement une personne âgée, n'aura pas à être hospitalisée. Par conséquent, vous économiserez des tonnes d'argent parce que ces personnes se porteront mieux.

En Amérique du Nord, 100 000 personnes sont aujourd'hui âgées entre 90 et 100 ans. Lorsque Bismarck a introduit le premier régime de retraite en 1848, il a fixé l'âge à 61 ans parce que tout le monde était mort à cet âge-là. Laissons entrer ces médicaments. Enrayons la maladie. Que les gouvernements économisent par tous les moyens qu'ils peuvent, mais pas sur le dos de notre population.

Le président: Dr Coambs.

Dr Coambs: Oui, j'aimerais donner quelques chiffres à l'appui de cela. On va peut-être me prendre pour un porte-parole de l'ACIR. Cependant, la position que vous venez d'exprimer est de nature empirique. C'est aussi une question scientifique qui pourrait trouver réponse, mais nous n'avons pas encore cette réponse.

Il se pourrait bien que votre position soit la bonne. Nous ne savons pas. Autrement dit, inscrire tous les médicaments de marque dans la pharmacopée pourrait effectivement réduire l'hospitalisation et engendrer des coûts inférieurs. Nous ne savons pas.

Une chose que nous savons, c'est qu'il existe des données établissant une relation entre le nombre d'ordonnances qu'emporte avec lui un patient à la sortie de l'hôpital et le nombre de jours passés à l'hôpital. Plus il a d'ordonnances, et plus courte est son hospitalisation.

Nous avons des indications à l'appui de cette idée qu'une meilleure technologie réduit les séjours hospitaliers. Certains médicaments anti-psychotiques - vous avez mentionné ceux contre la schizophrénie - réduisent considérablement les séjours à l'hôpital.

Le président: Très bien. Quelqu'un a-t-il une dernière réponse à donner à cette question?

Dr McArthur: Oui. S'agissant de coûts, j'entends toujours parler du coût énorme des médicaments. J'aimerais attirer l'attention des membres du comité sur le fait que les médicaments représentent 14 p. 100 environ du coût global de la santé dans notre pays, soit à peu près la même chose que tous les services de médecins. Mais, pour le contribuable, le coût des produits pharmaceutiques ne représente que 5,6 p. 100 des dépenses de santé, comparé à 47 p. 100 pour les hôpitaux. Sur ce montant, 2,5 p. 100 seulement sont représentés par des médicaments brevetés.

.1700

On parle très souvent des coûts énormes, mais on ne voit pas qu'ils sont réellement mineurs. Je voudrais simplement souligner ce que mes collègues ont fait valoir. Lorsque j'étais interne à l'Hôpital général de Toronto il y a de nombreuses années, trois ou quatre fois par semaine je participais à une opération pour combattre un ulcère peptique. Les patients passaient cinq ou six jours à l'hôpital après l'opération. Cette opération n'est plus effectuée. Elle n'a tout simplement plus cours. C'était ce que l'on appelait une vagotomie et une pyloroplastie. Et pourquoi ne le faisons-nous plus? C'est grâce aux médicaments aujourd'hui disponibles, qui empêchent la formation de l'ulcère et évitent donc l'hospitalisation.

Je pense donc que le pourcentage relativement faible des coûts de santé occasionnés par les médicaments et les avantages qu'ils nous rapportent ne doivent pas être oubliés.

Le président: Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vais utiliser mon temps de parole pour obtenir quelques renseignements sur des choses qui m'auraient échappé ou déterminer la provenance de certains chiffres qui nous ont été présentés.

Tout d'abord, Mme Morgenthau a parlé de la recherche fondamentale au Canada et signalé que le rapport annuel du CEPMB assure que la recherche fondamentale représentait 22 p. 100 des dépenses de recherche totale, soit une majoration de 12,6 p. 100 par rapport à l'année précédente. Mais je ne sais pas d'où elle tire ce chiffre et j'aimerais donc des précisions là-dessus. Nos chiffres montrent que la recherche fondamentale depuis 1991 est en recul. Pourriez-vous nous éclairer là-dessus?

Mme Morgenthau: À quelle page êtes-vous?

M. Walt Lastewka: À votre page 4. Vous y faites état d'une augmentation de 12,6 p. 100 de la recherche fondamentale par rapport à l'année précédente. Peut-être pourriez- vous déposer ces renseignements auprès du comité.

Mme Morgenthau: Votre page 4 est quoi...?

M. Walt Lastewka: Page 4, premier paragraphe. Je lis:

Mme Morgenthau: Ces chiffres nous ont été fournis par le conseil.

M. Walt Lastewka: Nos chiffres montrent que la recherche fondamentale est passée de 26,5 p. 100 en 1991 à 22,2 p. 100 en 1995.

Mme Morgenthau: Les chiffres que nous avons obtenus du conseil sont qu'en 1995, selon son rapport annuel - et c'est un document public - la recherche fondamentale représentait 22... C'est tiré de son rapport annuel.

M. Walt Lastewka: D'accord.

Mme Morgenthau: Je ne sais pas s'il y a eu un rapport depuis celui-ci, mais c'était le rapport annuel de 1995.

Le président: Avec la permission de M. Lastewka, j'aimerais vous demander de revoir ces chiffres avec votre groupe...

Mme Morgenthau: Je vais les vérifier.

Le président: ...et nous faire savoir ce qu'il en est...

Mme Morgenthau: Certainement.

Le président: Je vous remercie.

M. Walt Lastewka: Lorsque vous avez fait état de la duplication des formalités aux paliers fédéral et provincial, j'imagine que vous vouliez dire par là qu'une fois que la commercialisation d'un médicament a été approuvée au niveau fédéral, il faut en sus du temps pour passer par le palier provincial...

.1705

Mme Morgenthau: Oh oui, il faut environ trois ans de plus, au minimum. Il faut obtenir l'agrément dans chacune des provinces. Il faut refaire pratiquement tout ce qui a déjà été fait au niveau fédéral. C'est inutile et coûteux. Si le gouvernement fédéral agrée un médicament, les provinces devraient l'accepter aussi. Cela représenterait certainement une économie.

M. Walt Lastewka: Je vous remercie.

Je veux poser une question au Dr McArthur. Je sais que vous allez nous faire suivre un rapport. Vous dites qu'il faut revoir le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Je suppose que dans ce mémoire ultérieur vous indiquerez ce qu'il y aurait lieu de faire et ce qu'il faudrait changer, le cas échéant.

Dr McArthur: J'ai déjà parlé de cet aspect. D'autres études ont établi que l'existence d'organismes réglementaires comme celui-ci a parfois un effet pervers et alourdit les coûts. Il faut donc envisager des solutions de remplacement, à mon avis. Une mesure importante, qui va de pair avec cela, serait la création d'injonctions interlocutoires efficaces. Mais oui, nous allons donner davantage de précisions dans le mémoire que nous vous ferons parvenir.

M. Walt Lastewka: Allez-vous parler de la question de savoir si le conseil devrait prendre un nombre limité de pays comme point de référence, par opposition à un groupe de pays plus important, ou bien votre propos est-il simplement de liquider le conseil?

Dr McArthur: Je pense qu'il faut déterminer si le conseil remplit bien la fonction que nous attendions de lui et s'il n'y a pas de meilleures solutions. Je pense qu'il faut étudier cela.

M. Walt Lastewka: J'ai encore une question. Je me réfère aux diapositives projetées. À la page 2, vous parlez d'un contrôle des prescriptions et de l'éducation des patients. Il faudrait une campagne d'éducation du grand public. Pourriez-vous nous dire ce qui a été fait pour sensibiliser tous les Canadiens à ce problème?

Dr Coambs: J'estime que les insuffisances sont grandes à cet égard. C'est pourquoi nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation grave, où un grand nombre des ordonnances sont inappropriées, ce qui coûte cher et a des conséquences sérieuses. En d'autres termes, je dis que l'éducation pourrait améliorer les choses, mais pas suffisamment. Mais on est loin d'en faire suffisamment à cet égard. Si ce travail était structuré de manière appropriée, ce pourrait être rentable.

N'oubliez pas que même si nous consacrions 2,56 milliards de dollars à la solution du problème, c'est-à-dire que nous équilibrions les comptes en ne perdant plus les 2,56 milliards de dollars d'une part, mais en dépensant 2,56 milliards de dollars pour parvenir à ce résultat, les comptes seraient équilibrés mais la santé des Canadiens serait aussi bien meilleure. Nous avons littéralement des milliers de Canadiens hospitalisés à cause de prescriptions inappropriées.

On pourrait donc faire beaucoup plus à cet égard, et la sensibilisation des patients est certes un volet important. Mais j'ai placé la formation des médecins tout en haut de la liste, car je crois que c'est réellement là qu'il faut commencer.

M. Philip Mayfield: S'agissant de la durée d'un brevet, il y a un début et une fin un peu floue, laquelle peut être retardée. Lorsque j'y songe, il est vrai que certains médicaments prennent beaucoup de temps à mettre au point, à tester, jusqu'à l'autorisation de mise en marché. Mais d'autres médicaments ne prennent pas autant de temps.

.1710

Je me demande pourquoi - et c'est peut-être une marque de mon ignorance - il n'y a pas un moment clair auquel le brevet débute? Par exemple, pourquoi la protection se poursuit-elle pendant dix ans - et dix est un chiffre arbitraire - après que le coup d'envoi a été donné et que chacun peut vendre le produit qu'il a passé deux ans ou 20 ans à préparer pour le marché, au lieu d'avoir cette période floue au début où le brevet est déjà déposé? Y a-t-il une raison à cela?

Mme Shulman: C'est un processus complexe. Les fabricants doivent protéger leur investissement dans la recherche en déposant un brevet très tôt dans le processus, habituellement au moment de la synthèse.

Il faut bien voir que nos chiffres sur le délai de développement sont des moyennes. Certains médicaments exigent plus de temps, comme vous l'avez indiqué, d'autres moins. Aux États-Unis, il peut se passer 14 ans entre la synthèse jusqu'à la mise sur le marché. Je crois que le chiffre équivalent ici est environ un an de plus.

Il est indispensable que le fabricant dépose son brevet tout au début du processus, avant que quelqu'un d'autre le fasse. Il doit mettre sa marque sur cette recherche, cette invention ou innovation.

Ensuite interviennent toutes les exigences réglementaires: le long processus d'essai en trois phases du médicament sur les humains. Ensuite, il y a la période d'examen réglementaire, mené par la Food and Drug Administration. Ce n'est qu'après tout cela que le brevet prend vie, en quelque sorte.

M. Philip Mayfield: C'est la question que je pose. Pourquoi le brevet n'est-il pas prolongé d'une certaine durée équitable à partir de la mise en marché, afin que le fabricant dispose d'un délai raisonnable pour recouvrer ses frais, réaliser un profit et satisfaire ses actionnaires? Comme vous le dites, c'est une moyenne. Dans certains cas, c'est moins long et dans d'autres c'est plus long, c'est pourquoi nous travaillons avec des moyennes. Pourquoi ne peut-on pas établir des périodes fixes?

Mme Shulman: C'est la théorie qui sous-tend le rétablissement des brevets. Il arrive qu'un médicament, après le processus des essais cliniques et l'examen de la FDA, ne soit plus protégé qu'une seule année par son brevet. C'est ce que l'on fait en reconnaissant qu'une mesure compensatoire doit intervenir.

M. Philip Mayfield: J'ai l'impression que nous ne nous comprenons pas.

Mme Shulman: Peut-être pourriez-vous préciser votre question.

M. Philip Mayfield: Si je n'ai pas été clair, je vous présente mes excuses.

Il me semble qu'il faut à une compagnie pharmaceutique une durée variable pour mettre au point, tester et obtenir les agréments pour un produit. Le brevet existe pendant toute cette période initiale, si bien que la compagnie reste propriétaire de son invention. Mais à partir du moment où le médicament peut être vendu sur le marché et où les médecins peuvent le prescrire, pourquoi ne pas établir une période de temps clairement définie, que ce soit huit ans, dix ans ou 14 ans, à partir du moment où l'autorisation de vente est donnée, au lieu de n'avoir que des périodes moyennes, comme maintenant? Me suis-je exprimé clairement, cette fois-ci?

Le président: Mme Shulman répondra en premier, puis Mme Morgenthau voudra intervenir aussi.

Mme Shulman: Pardonnez-moi de ne pas très bien vous suivre, mais il me semble que vous arguez là en faveur d'une durée de protection effective standard et raisonnable.

M. Philip Mayfield: Précisément.

Mme Shulman: C'était le but de la loi Waxman-Hatch en 1984: établir un système tel que la période maximale soit de 14 ans.

.1715

Il y avait quelque opposition à établir une période fixe pour tous les médicaments car, comme vous l'avez indiqué plus tôt, certains médicaments passent à travers le système plus rapidement que d'autres et ont donc une durée de protection effective naturelle de cette durée ou proche de cette durée. Ils ont donc besoin d'une durée de rétablissement moindre. Mais je pense qu'il y aurait pas mal d'appuis si l'on songeait à établir une période de protection effective plus longue.

M. Philip Mayfield: Peut-être dans le cas des médicaments qui prennent beaucoup de temps à mettre au point, tester et avérer, mais ceux qui prennent moins de temps n'auront pas besoin d'une prolongation de brevet aussi importante.

Mme Shulman: Ils l'ont de toute façon.

M. Philip Mayfield: Ils l'ont de toute façon.

Mme Shulman: Ils l'ont naturellement, parce qu'ils sont mis sur le marché plus vite.

Le président: Nous pourrions peut-être utiliser le restant de votre temps pour permettre à ces deux autres témoins de répondre à votre question.

M. Philip Mayfield: Oui, merci beaucoup. Oui, je vous en prie, Dr McArthur.

Le président: Mme Morgenthau attend depuis pas mal de temps, puis la parole ira au Dr Coambs, puis à quelqu'un d'autre.

Madame Morgenthau.

Mme Morgenthau: Je crois comprendre ce que vous dites et j'ai souvent pensé la même chose. Pourquoi n'accorde-t-on pas un certain nombre d'années à partir du moment où le médicament apparaît sur le marché? Ne serait-il pas possible de prévoir x nombre d'années à partir du moment où le médicament est sur le marché pour permettre au fabricant de rentrer dans ses frais? Je pense que c'est ce que vous voulez dire, à partir du moment où il fait son apparition en pharmacie. Peu importe que la mise au point dure deux ans ou 20 ans, une fois qu'il est sur le marché, il dispose de x années. N'est-ce pas là ce que vous vouliez dire?

M. Philip Mayfield: En gros, oui. Cette période pourrait être de dix ans, 15 ans ou huit ans. Je ne sais pas ce qu'est une durée de protection équitable.

Mme Shulman: C'est une notion plutôt révolutionnaire à imposer à un système si simple.

M. Philip Mayfield: Il me semble qu'un fabricant qui a un brevet de 20 ans et qui met 22 ans à mettre au point le médicament n'a pas une possibilité équitable de faire un profit.

Dr Coambs: Si je puis répondre à cela, vous préconisez là une modification de la loi. Nous tous, à ce bout-ci de la table, travaillons dans le cadre de la loi existante. Mais vous avez le pouvoir de créer une loi différente.

M. Philip Mayfield: C'est pourquoi je suis législateur.

Dr Coambs: C'est juste, et je vous renvoie donc l'idée. Pour ma part, je la trouve excellente.

Le président: Merci beaucoup, Dr Coambs.

Nous avons deux ou trois députés libéraux qui souhaitent poser des questions. Nous commencerons par M. MacDonald.

M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Je vous remercie.

Le président: N'oubliez pas, monsieur MacDonald, que la cloche va sonner dans 15 minutes.

M. Ron MacDonald: Je surveillais l'horloge de très près pendant les dernières interventions. Il est très difficile pour nous, de ce côté-ci de la table, de poser des questions parce que nous sommes si nombreux et à cause de la rotation. Très souvent, lorsque vient notre tour, notre question a déjà été posée.

J'espère que le président va se montrer un peu indulgent avec moi. Il y a cinq témoins, qui ont tous participé à un bon débat, mais il y a quatre membres de ce côté-ci qui n'ont encore pu participer.

Je voudrais juste signaler une chose afin qu'il n'y ait pas de malentendu. Le Canada respecte tous les engagements internationaux qu'il a signés. J'ai entendu certains propos qui pourraient amener quelqu'un à penser que nous chercherions, d'une certaine façon, à esquiver nos responsabilités internationales. Ce n'est tout simplement pas le cas.

De fait, et je le précise au témoin qui a mentionné cela, Mme Shulman, la loi de mise en oeuvre de l'Accord du GATT relatif aux brevets qui a été promulguée aux États- Unis en 1995 l'a été chez nous deux années plus tôt. Donc, le Canada avait deux années d'avance. L'Accord du GATT n'avait même pas été signé que nous adoptions déjà le projet de loi C-91, par anticipation. Voilà ma première remarque.

La deuxième intéresse l'examen que nous menons. Je pense que c'est le Dr McArthur qui a estimé que cela crée une incertitude. Cet examen est une exigence de la loi. Quiconque était là lorsque le projet de loi C-91 a été adopté sait que c'était en quelque sorte une assurance, afin que l'on puisse vérifier que l'industrie tenait bien ses engagements et que le système de santé canadien ne souffrait pas indûment de cette mesure.

Nul sur la scène internationale, et particulièrement pas les fabricants de médicaments brevetés, ne devrait être surpris ni inquiet devant la tenue de cet examen. Ils l'avaient approuvé à l'époque.

Voilà mes deux remarques.

Ma première question s'adresse à Mme Shulman. Je conviens tout à fait que le détenteur d'un brevet sur un produit innovateur - en l'occurrence un médicament - doit pouvoir retirer un rendement raisonnable de son investissement. Le point sur lequel nous achoppons à ce comité est que nous ne parvenons pas à déterminer ce qui est raisonnable. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés dit qu'un prix raisonnable est un prix qui se situe environ au milieu des prix dans sept autres pays.

Vous dites qu'aux États-Unis, par cette loi, qui est plutôt singulière parce qu'elle cherche à équilibrer les intérêts de part et d'autre, le gouvernement peut dans certains cas prolonger la durée effective des brevets. Comment détermine-t-on ce qu'est une prolongation raisonnable, en fonction du principe d'un retour raisonnable sur l'investissement? Le CEPMB nous dit qu'il ne possède pas les données voulues pour décider ce qu'est un rendement raisonnable sur l'investissement parce qu'il ne sait pas quel était l'investissement. Comment procède-t-on aux États-Unis?

.1720

Mme Shulman: Désolée, vous mélangez là deux concepts.

M. Ron MacDonald: Si, avec cette loi, vous accordez des prolongations de brevet aux États-Unis, c'est pour que le détenteur du brevet puisse obtenir un retour raisonnable sur son investissement dans ce médicament. Comment déterminez-vous ce qu'est un retour raisonnable et, par voie de conséquence, de combien devrait être la prolongation?

Mme Shulman: Le rendement sur l'investissement n'est pas un facteur pris en compte lorsqu'il s'agit de déterminer la durée de la prolongation.

M. Ron MacDonald: Ce n'est pas un facteur?

Mme Shulman: La seule chose qui soit prise en considération est la durée de ce que l'on appelle la période d'examen réglementaire par laquelle le médicament a dû passer. La période d'examen réglementaire est définie dans la loi comme englobant la période d'essais cliniques.

M. Ron MacDonald: Il n'y a donc pas de critère de prix.

Mme Shulman: Pas du tout.

M. Ron MacDonald: Bien. C'est une de mes préoccupations, que je partage avec d'autres de ce côté-ci de la table. Un médicament arrive sur le marché à un certain prix; nous voulons savoir si ce prix est raisonnable. En effet, il y a là une situation de monopole.

Je vais m'adresser maintenant au Dr McArthur. Vous avez dit que dans la situation actuelle, c'est-à-dire l'austérité financière et les pressions exercées sur notre système de santé, nous devrions éliminer l'organisme réglementaire chargé de modérer les majorations de prix et même le prix de mise en marché initial des médicaments. Chaque médicament breveté jouit d'un monopole, mais au Canada nous avons un système de santé qui fait partie de notre tissu national. Il est une caractéristique qui nous définit. Notre cas est donc différent de celui des États-Unis et de celui de certains pays européens.

Comment pouvez-vous penser qu'il serait dans l'intérêt public et dans l'intérêt du consommateur de supprimer le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés? Je suis convaincu qu'il a un effet modérateur sur les prix, et peut-être d'autres témoins ici partagent-ils cet avis.

Dr McArthur: J'ai exprimé ma ferme conviction que c'est là un élément qu'il faut examiner, et la raison de l'examiner est très simple. C'est une question de coût. Nous avons des indications très solides en provenance d'Europe qui montrent que dans les pays où existent des mécanismes réglementaires tels que celui-ci, les coûts mesurés sur une période de trois à cinq ans sont plus élevés que dans les pays où il n'y a pas de mécanisme réglementaire. Il faut voir si c'est le cas aussi au Canada et envisager alors des solutions de remplacement.

M. Ron MacDonald: Nous avons vu, docteur. Avant la création du CEPMB en 1987, nous étions de tous les sept pays industrialisés utilisés pour nos comparaisons, celui où les prix des médicaments étaient les plus élevés. Ce n'est qu'avec la création de CEPMB que les prix des médicaments ont baissé de façon à nous situer dans le milieu du panier.

Dr McArthur: Je pense que c'est vrai, et c'est à vérifier, mais je crois aussi que c'est au Canada que les médicaments génériques sont les plus chers.

M. Ron MacDonald: Je parle de ce qui est réglementé par le CEPMB. Vous savez que les médicaments génériques ne relèvent pas de la compétence du CEPMB. Nous parlons ici du CEPMB.

Je vous pose la question. Vous avez dit qu'il faudrait supprimer le conseil et que cela ferait baisser les prix. Je viens de vous donner la preuve irréfutable qu'avant la création du CEPMB, les prix des médicaments sur ordonnance au Canada étaient les plus élevés des sept pays industrialisés que nous utilisons pour les comparaisons.

Dr McArthur: À mon avis, il est peu sage d'ignorer les données indiquant qu'il peut y avoir une meilleure façon de faire les choses.

M. Ron MacDonald: Je viens de vous donner des preuves empiriques, et vous semblez vouloir les ignorer.

Le président: Vous avez maintenant eu la parole pour sept ou huit minutes, plus que je n'ai accordé à quiconque d'autre. Je dois me montrer équitable envers tout le monde. Madame Parrish.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais poser une question au Dr Coambs. Je suis pas mal fascinée par l'idée que nous prescrivons trop de médicaments et prescrivons de manière erronée. C'est un problème très intéressant, particulièrement si vous avez quelqu'un dans votre famille qui a souffert de cela.

Nous avons entendu M. Cherman, d'Apotex, expliquer que les fabricants de médicaments brevetés inondent les médecins de brochures à papier glacé, pour promouvoir leurs produits. J'aimerais vous demander si vous avez pris connaissance de certaines de ces publicités et à quoi elles servent.

Deuxièmement, je me demande si le comité serait disposé à formuler une recommandation. C'est un peu comme de dire à un entrepreneur en bâtiment que nous allons réglementer ses parpaings et son mortier. Nous disons aux sociétés pharmaceutiques qu'elles doivent faire 10 p. 100 de recherche chez nous.

.1725

Je me demande si notre comité ne devrait pas recommander quelque chose qu'elles ne sont pas obligées de faire pour réaliser un profit, à savoir consacrer un certain pourcentage de leurs profits à l'éducation des médecins et du public consommateur. Cela pourrait être une approche différente qui permettrait de réaliser de grosses économies, si la surprescription de médicaments coûte tant d'argent au système de santé.

J'aimerais avoir votre avis sur ces deux idées.

Dr Coambs: Elles sont toutes les deux très intéressantes.

La prescription inappropriée consiste à prescrire des médicaments inutiles mais aussi le fait de ne pas prescrire de médicaments là où ils seraient nécessaires. Un bon exemple de sous-prescription sont les opiacés pour les douleurs causées par le cancer; il en résulte de grandes souffrances.

Pour ce qui est du rapport entre les brochures publicitaires et la surprescription, nous avons examiné les causes de cette dernière et constaté que cette idée que les représentants des compagnies pharmaceutiques forceraient ou pousseraient en quelque sorte à rédiger des ordonnances ne semble pas confirmée par les faits.

Mais il est absolument prouvé qu'en l'absence de promotion, les médicaments nouveaux ne seraient pas utilisés. Un bon exemple en est le Fosamax, un recalcifiant très efficace pour lutter contre l'ostéoporose, qui resterait sur les tablettes, j'en suis sûr, et ne serait pas employé du tout en l'absence de quelques efforts de promotion, car les médecins ignoreraient son existence.

Mais est-ce que les brochures à papier glacé contribuent aux prescriptions inappropriées? Dans une certaine mesure oui, mais ce facteur est noyé parmi un grand nombre d'autres problèmes, tels que le manque de lignes directrices, la méconnaissance de celles-ci, l'insuffisance de la formation des jeunes médecins, la personnalité des médecins, l'insistance des patients et une foule d'autres raisons.

Une foule d'autres raisons contribuent à la surprescription ou à la prescription inappropriée; ce n'est pas seulement de la faute des brochures de luxe.

Mme Carolyn Parrish: Pensez-vous, dans ce cas, qu'une attaque sur deux flancs, pour améliorer la formation des médecins et aussi commencer à éduquer le public, serait opportune?

Dr Coambs: C'est une idée très intéressante. Ce que j'appelle l'EMP, l'éducation médicale permanente, est un élément clé de tout le problème.

Une meilleure approche me semblerait être un effort coopératif consistant à demander aux sociétés pharmaceutiques ce qu'elles peuvent faire pour le système de santé et comment nous pouvons collaborer avec elles en tant que législateurs pour réaliser le rapport optimal entre la législation et la santé des Canadiens. Ce serait comme dans le cas du tabac, où nous avons passé des années en efforts coopératifs et parvenons à des résultats, parce que nous avons collaboré plutôt que de procéder par contrainte.

Vous avez certainement quelque chose d'intéressant. C'est l'amorce d'une idée importante en matière de coopération.

Mme Carolyn Parrish: Je vous remercie.

Le président: M. Volpe, puis M. MacDonald.

M. Joseph Volpe: Tout d'abord, monsieur le président, je veux présenter des excuses à mon collègue à ma gauche, qui est médecin. Il en prend pour son grade aujourd'hui. Si vous pensez que c'est lui qui est responsable de toutes les majorations de coût des médicaments, vous vous trompez. C'est réellement un bon gars.

M. Bernard Patry (Pierrefonds - Dollard, Lib.): Merci, Joe.

M. Joseph Volpe: Madame Shulman, pourrions-nous revenir un instant à l'idée d'une durée de brevet fixe? Dans votre dernière réponse, vous avez semblé dire que la raison pour laquelle on prolonge les brevets est liée presque exclusivement au processus d'agrément. Cela n'a rien à voir en fait avec les frais de recherche et de mise au point jusqu'au stade de l'agrément du médicament. Cela n'a rien à voir avec les coûts et seule compte la durée du processus d'agrément et les coûts associés à ce dernier. Ai-je bien saisi?

Mme Shulman: Oui, et c'était en réponse à une question sur la méthode de calcul de la durée de la prolongation. Ce calcul ne tient nullement compte des coûts, des taux de rendement sur l'investissement, ni rien du genre.

Si l'on regarde les considérations qui président au rétablissement de la durée des brevets, il s'agit clairement d'une reconnaissance de la longue période d'essais précliniques, l'élément le plus coûteux de tout le processus comme l'a fait apparaître notre étude des coûts, puis, à l'autre bout, le processus d'examen par la FDA.

Donc, indirectement, on reconnaît que c'est là une période qui exige un investissement énorme, sans possibilité de profit.

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M. Joseph Volpe: Je comprends bien ce que vous dites et j'aimerais réellement voir cette étude afin de pouvoir vous poser des questions sur cet aspect. Je suis satisfait de la réponse que vous m'avez donnée sur les raisons de la prolongation des brevets, à savoir qu'il s'agit de compenser la longueur du processus d'agrément.

Je voulais éviter de poser une question à M. McArthur, car j'ai trouvé que son exposé était très direct et ne laissait guère de doute quant à sa position.

Dr McArthur: Je vous remercie.

M. Joseph Volpe: Sauf que vous avez parlé à sept reprises, je crois, de vol, de piratage etc. Je pensais que notre système juridique fonctionne plutôt bien et que quiconque met sur le marché un produit pharmaceutique non original - et j'utilise le mot entre guillemets - doit suivre un processus réglementaire, est très strictement régi par la législation canadienne et passible de toutes sortes de sanctions s'il contourne ce système. J'ai donc été un peu surpris.

Je voulais en savoir un peu plus sur ce médicament dont vous avez dit qu'il n'était pas sur le marché parce que son brevet est venu à expiration et qu'il ne valait plus la peine pour la compagnie de se livrer à une activité socialement souhaitable et favorable à la santé. Cela m'a frappé, car le CEPMB, qui a comparu ici il y a quelques jours, nous a dit que 44 p. 100 des médicaments non brevetés sont responsables de 44 p. 100 du coût global des médicaments d'ordonnance, ce qui signifie que les compagnies qui fabriquent ces médicaments responsables de 44 p. 100 du coût global des médicaments estiment ne pas avoir besoin de la protection d'un brevet. Je pense que c'est ce qu'ils ont dit. Avez- vous une autre explication?

Dr McArthur: Tout ce que je puis faire, monsieur, c'est vous donner les détails de cet exemple. Il se trouve que le connais personnellement car ce médicament particulier, appelé calcitonine, a été découvert à l'Université de la Colombie-Britannique lorsque j'y étais étudiant en recherche en 1960.

Il a été agréé au Canada, en 1976 je crois, pour le traitement de deux maladies obscures, la maladie de Paget et l'hypercalcémie, toutes deux des maladies très rares. Mais sa plus grande utilité est pour le traitement de l'ostéoporose, particulièrement chez les femmes. C'est littéralement un médicament miracle pour le traitement de la douleur associée à l'ostéoporose.

Il n'a toujours pas réussi à franchir toutes les étapes réglementaires imposées par la DPS. En fait, les compagnies pharmaceutiques me disent que les obstacles réglementaires dressés sur la route de ce médicament sont contraires à l'éthique et infranchissables. Je ne puis en juger - vous devriez poser la question aux fabricants - mais cela a été dit publiquement.

Nous avons donc là un médicament qui a été découvert à l'Université de la Colombie-Britannique en 1960 et agréé pour des usages limités en 1976, mais qui n'est toujours pas disponible au Canada en 1997, 37 années plus tard, pour une thérapeutique extrêmement importante. Mais il est disponible, me dit-on, pour cet usage dans plus de 100 pays du monde.

Le président: Je vous remercie de cet exemple.

Monsieur MacDonald, puis monsieur Patry.

M. Ron MacDonald: Je dois poser une question à Mme Morgenthau.

Si je me souviens bien, à l'époque du projet de loi C-91, les personnes âgées en général étaient très préoccupées par la prolongation des brevets et les répercussions possibles sur les programmes d'assurance-médicaments et ce genre de choses. Elles craignaient des majorations de prix des médicaments, ou du moins une absence de baisse de certains prix du fait qu'il n'y aurait pas de concurrence sur le marché aussi rapidement qu'avant. Le fait que les programmes d'assurance-médicaments deviennent plus restrictifs en raison de la hausse des prix des médicaments n'est-il plus un sujet d'inquiétude pour vos membres?

Mme Morgenthau: Permettez-moi de dire les choses clairement. À aucun moment n'avons-nous été préoccupés par la durée des brevets. La durée n'est pas pour nous le facteur essentiel. Ce qui est essentiel, c'est que les médicaments soient disponibles à des prix abordables, que nous puissions fixer nos chercheurs au Canada et que le Conseil de contrôle des prix ait des pouvoirs suffisants pour assurer des prix raisonnables. Nous n'avons jamais rien dit sur la prolongation ou l'absence de prolongation. Si la prolongation fait que ces médicaments deviennent disponibles sur le marché, alors nous en sommes partisans.

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Je dirais une chose sur la question de Mme Parrish concernant l'éducation. L'ACIM a mis sur pied un excellent programme, appelé «Le savoir est le meilleur remède» - et nous y avons participé - qui permet à chacun d'obtenir les renseignements voulus sur les médicaments. L'association publie ce que j'appelle un «livret de banque» que tout un chacun peut emmener chez son médecin ou son pharmacien, et dans lequel sont consignés tous les médicaments que prend la personne.

C'est fantastique, car ainsi vous n'achetez pas deux fois un même médicament et vous évitez les médicaments incompatibles. Tout ce programme est réalisé par les compagnies pharmaceutiques, et il est excellent.

Mais la durée des brevets n'est pas ce qui compte. Ce qui compte, c'est que les médicaments soient disponibles.

M. Ron MacDonald: Pourrais-je obtenir une réponse rapide, Dr Palmer? Votre rapport est très impressionnant. Qui a payé cette étude? A-t-elle été commandée par quelqu'un?

M. Palmer: La recherche a été financée par les fabricants de médicaments de marque.

M. Ron MacDonald: Je vous remercie, docteur.

Le président: Monsieur Patry.

M. Bernard Patry: J'ai une question pour M. Palmer. Elle porte sur le coût.

Il semble que la population considère que lorsqu'un nouveau médicament arrive sur le marché, son prix va rester inchangé pendant les dix prochaines années. Mais vous l'introduisez initialement à un bas prix. Pourriez-vous nous parler de la concurrence entre les fabricants de produits de marque sur les médicaments de même catégorie?

M. Palmer: Si j'ai bien saisi votre question, monsieur, ce que cherche à vendre une compagnie pharmaceutique, c'est la valeur de son produit particulier. Elle va récupérer ou non ses frais de mise au point et de fabrication, mais ses prix sont fixés en fonction de la valeur. S'il y a une catégorie thérapeutique encombrée, alors la concurrence va peser sur les prix, mais la manière dont ils sont fixés, c'est en fonction de la valeur qu'offre un produit particulier pour l'usage thérapeutique qui est le sien.

M. Bernard Patry: Non, ce n'était pas ma question.

M. Palmer: Désolé.

M. Bernard Patry: Prenons la famille des inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Le premier produit à arriver sur le marché pourrait être à prendre quatre fois par jour, comme dans le cas du Capoten. Soudain, un autre fabricant sort un produit concurrent, ce qui amène une baisse du prix du premier, car si le premier fabricant ne veut pas être évincé du marché, il doit baisser son prix.

M. Palmer: Habituellement, les premiers et deuxièmes produits sur le marché seront de prix similaire et les arrivants ultérieurs seront introduits à un prix inférieur. Le premier ne baisse pas nécessairement son prix pour soutenir la concurrence. Les données montrent que ce n'est généralement pas le cas, car le premier produit était là avant les autres, et possède un marché établi qu'il va pouvoir conserver sans baisse de prix.

Les fabricants suivants vont soit devoir offrir un meilleur produit soit un prix inférieur, ou les deux, pour livrer concurrence dans un marché tel que celui des inhibiteurs de l'enzyme de conversion, et effectivement nous savons que des produits tels que le quinapril et d'autres sont à un prix inférieur à ceux du captopril et de l'enalapril.

M. Bernard Patry: Je vous remercie.

Le président: Madame Brown.

Mme Bonnie Brown (Oakville - Milton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Madame Shulman, vous avez indiqué que votre centre fait partie de l'Université Tufts et est financé en partie par Tufts et en partie par l'industrie. Je suppose que vous entendez par là l'industrie pharmaceutique.

Mme Shulman: Oui, effectivement.

Mme Bonnie Brown: Pourriez-vous nous dire quel pourcentage de votre budget est financé par l'université, par opposition à l'industrie?

Mme Shulman: Je dirais que la contribution de l'université est d'environ un tiers.

Mme Bonnie Brown: Et l'industrie apporte 66 p. 100?

Mme Shulman: L'industrie ne fournit pas tout le reste. Nous avons des subventions gouvernementales et des subventions d'autres fondations.

Mme Bonnie Brown: Pourriez-vous nous dire précisément quel est le pourcentage de l'industrie pharmaceutique?

Mme Shulman: Il représente certainement la part majoritaire de notre financement. C'est probablement aux alentours de 55 à 60 p. 100.

Mme Bonnie Brown: Merci beaucoup.

Nous avons déjà entendu aujourd'hui que l'une des études était financée par l'Association canadienne de l'industrie pharmaceutique. Qu'en est-il de la vôtre sur la surprescription, qui était des plus intéressantes? Qui a financé cette étude?

Dr Coambs: Elle a été financée par une subvention de l'Association canadienne de l'industrie pharmaceutique.

Mme Bonnie Brown: Je vous remercie.

Dr Coambs: Je précise en passant que nous sommes un groupe scientifique indépendant. D'une certaine façon, on nous paie pour notre objectivité.

Mme Bonnie Brown: Oui, je comprends.

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Madame Morgenthau, vous avez décrit les merveilleux renseignements disponibles auprès de l'ACIP. J'aimerais savoir si c'est auprès d'elle que vous obtenez votre information. Êtes-vous également tenue informée par l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, ou uniquement par ce seul groupe?

Mme Morgenthau: Non.

Mme Bonnie Brown: Puis-je vous demander, sachant que les associations de personnes âgées du pays sont très préoccupées par cet examen et les brevets de 20 ans - durée dont nous convenons tous qu'elle est imposée par les accords internationaux - pourquoi votre groupe est-il le seul qui semble d'un avis différent? Comment expliquez- vous cela?

Mme Morgenthau: Réalité et fiction. Nous faisons ce que disent nos membres. Nous ne recevons certainement pas de subvention de l'industrie.

Mme Bonnie Brown: Je ne le pensais pas non plus.

Votre mémoire a-t-il été avalisé par le conseil d'administration?

Mme Morgenthau: Oh oui, bien entendu. D'ailleurs...

Mme Bonnie Brown: Quelle est la fréquence de vos assemblées générales?

Mme Morgenthau: Si vous me permettez d'achever, nous tirons des renseignements du Conseil d'examen des prix et du gouvernement. Nous recevons d'énormes quantités d'informations des fabricants de produits génériques et aussi des compagnies pharmaceutiques. À partir de tout cela, nous déterminons une politique. Nous ne...

Mme Bonnie Brown: Est-ce le conseil exécutif de votre association qui fait cela?

Mme Morgenthau: Oui. Tous les mémoires passent par l'exécutif et notre comité des politiques. Nous avons un certain nombre de chercheurs et de spécialistes des relations publiques. Ce sont des gens vers qui nous pouvons nous tourner pour réunir l'information. Tout le monde est ravi de nous la fournir et, à partir de là, nous rédigeons nos mémoires. Nous ne sommes payés par aucune organisation ou société...

Mme Bonnie Brown: Non, ce n'est pas ce que je pensais.

Mme Morgenthau: Et je pense que nous sommes un groupe sans équivalent dans tout le Canada. Notre croissance est très rapide. J'ai apporté des formulaires d'adhésion pour tous ceux ici qui ont plus de 50 ans.

Le président: Madame Morgenthau, je suis désolé, mais nous devons être à la Chambre pour voter dans une minute et demie.

Je remercie les membres de la table ronde de leur participation.

Deux d'entre vous ont des rapports. Pourriez-vous les déposer, je vous prie, et les donner à notre chargé de recherche?

La séance est levée jusqu'à 19 heures, lorsque nous nous réunirons dans la salle d'en face, de l'autre côté du couloir.

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