[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, prévoyant l'examen de l'article 14 de la Loi sur les brevets de 1992, chapitre 2, Lois du Canada, 1993, le comité reprend ses travaux et entend les témoins.
Nous accueillons aujourd'hui sept témoins qui sont invités à faire connaître leur opinion dans un délai de cinq minutes environ chacun. Ensuite, nous inviterons les députés à poser leurs questions. Les témoins sont tout à fait libres de répondre à une question qui leur sera posée par un député, mais aussi, si vous voulez ajouter quelque chose à la réponse d'un autre témoin, levez la main pour attirer l'attention du président, et nous nous assurerons de vous donner la possibilité d'intervenir.
Sans plus attendre, je demande à Mme Helen Heeney, présidente de Stories Project/Life Before Medicare, de s'avancer.
Bienvenue madame, nous sommes heureux d'entendre votre témoignage.
Mme Helen Heeney (présidente, Stories Project/Life Before Medicare): Merci. J'arrive tout juste d'une réunion avec le premier ministre Jean Chrétien au cours de laquelle nous lui avons présenté l'ouvrage intitulé Life Before Medicare. Le livre a été financé par le programme Horizons nouveaux de Santé Canada. Lors de notre conversation au sujet du Forum national sur la santé,M. Chrétien a réitéré son intention de piloter un régime d'assurance-médicaments qui viendrait se greffer à celui de l'assurance-maladie. Les récits tirés de cet ouvrage vous convaincront que les Canadiens doivent pouvoir se procurer des médicaments à prix abordable afin de contrôler le coût qu'ils représentent pour le volet de l'assurance-maladie financée par les fonds publics.
Nous avons eu la chance de recueillir les récits de plus de 100 personnes dans tout le Canada, des provinces atlantiques à la Colombie-Britannique, lorsque nous avons compilé toute la documentation pour rédiger cet ouvrage. Vous vous demanderez peut-être ce que cela a à voir avec l'examen du projet de loi C-91. Certains récits d'aujourd'hui ressemblent beaucoup aux désastres de cette époque. J'invite le comité à tenir compte des 3,6 millions de Canadiens qui, actuellement, ne profitent d'aucun régime d'assurance-médicaments mais qui, néanmoins, tentent de combler la lacune de notre système de santé en ce qui concerne leur traitement, face à l'augmentation du coût des médicaments.
Voici un récit tiré de l'ouvrage écrit par Mme Donalda Pilling, de Brandon, au Manitoba. Les faits qu'elle relate se sont produits lorsqu'elle n'était qu'une enfant, mais cela l'a beaucoup impressionnée. Nous étions juste avant la Première Guerre mondiale, à l'époque où les Canadiens des régions rurales tentaient de se sortir de la Dépression.
Une jeune voisine venait de se faire diagnostiquer un cancer. À cette époque, il n'y avait ni traitement ni remède; le patient atteint de cancer était condamné à mourir. Habituellement, les victimes passaient les dernières semaines de leur vie à l'hôpital à absorber de fortes doses de morphine. Comme les gens n'avaient pas d'aide pour payer les frais médicaux, cela voulait dire habituellement que la famille de la victime perdait tout ou devait tout vendre pour assumer ces frais.
Cette jeune femme refusa de quitter sa maison, et au fur et à mesure que progressait la maladie, la douleur devenait insupportable. Lorsque son mari partait au travail, elle lui demandait de verrouiller la porte afin que personne ne vienne répondre à ses appels et à ses cris de douleur. Ses cris et ses souffrances ont duré pendant deux mois, mais elle n'a jamais cédé. De tout son coeur, elle voulait éviter à sa famille et à son mari la dette des soins médicaux qui auraient ruiné ce dernier.
Mais de telles dettes existent aussi aujourd'hui. Nous pouvons comparer ce récit à celui d'un homme de 51 ans, M. C., qui a trois adolescents, à qui on a diagnostiqué un cancer et qui a reçu dernièrement des traitements de chimiothérapie. Même s'il travaille, M. C., à l'instar de 3,6 millions de Canadiens, n'a pas de régime d'assurance-médicaments et le coût estimatif mensuel que doit absorber sa famille se chiffre dans les milliers de dollars. Même pour combattre les effets secondaires du traitement quotidien de chimiothérapie, M. C. doit acheter le médicament antinauséeux Zofran, par exemple, qui coûte 20$ par comprimé de 8 milligrammes, soit 60$ par jour. Calculez le montant à débourser après des mois et des années. Comment un patient ordinaire peut-il s'en tirer, sans compter qu'il doit assumer ses autres dépenses et frais courants? Le coût que cela représente pour sa famille le hante et retarde sa guérison.
Voici un autre récit tiré de notre livre qui provient d'une infirmière de la santé publique,Mme Lemke. Elle dit ceci:
- En 1951, je travaillais dans l'est de la ville en tant qu'infirmière de la santé publique... J'avais
parmi mes clients une famille de trois enfants qui vivait dans un sous-sol humide, exigu et peu
salubre pour les enfants. La plus jeune, qui avait environ un an, prenait des médicaments pour
un problème cardiaque. Cette enfant devait souvent être admise au Hospital for Sick Children
(HSC) pour y faire traiter une pneumonie. Cette famille était emprisonnée dans cette situation à
cause des dépenses que nécessitaient les soins à donner à cette enfant. Le père avait deux
emplois pour essayer de joindre les deux bouts.
- Il vint un temps où le HSC refusa d'admettre l'enfant tant que les comptes n'auraient pas été
payés.
- Ces gens-là ont dû s'adresser à des hôpitaux différents auxquels ils ne devaient pas d'argent.
- En tant qu'infirmière de la santé publique, je me sentais impuissante à les aider. Nous avons
essayé de nous adresser à des organismes communautaires pour trouver de l'aide. Nous avons
obtenu une paire de lunettes pour un enfant, mais c'était là une solution temporaire.
Cette mère célibataire a aussi un enfant plus jeune. Son salaire horaire de 10$ ne lui permet pas de s'offrir des petites gâteries à cause des coûts élevés des médicaments de Crissy. Elle paie 269$ par mois et plus lorsqu'elle remplace l'Epipen à 60$. Calculez cela pour un an. Crissy prend du Pulmicort, du Becloforte, du Ventolin, du Seravent et de l'Atrovent, et elle a besoin d'un masque Combicent. Le vaporisateur nasal qu'elle utilise coûte 30$ par mois aussi. Les grands-parents de Crissy sont très attentifs et s'assurent qu'elle s'alimente bien puisque les dépenses pour ses médicaments font en sorte que le choix de la nourriture vient en dernier lieu dans la famille.
Voici le récit d'un patient atteint de cancer qui prend du Zoladex. Cela soulève beaucoup de questions sur le plan éthique. Il s'agit du traitement médical tout désigné pour M. M. Il souffre d'un cancer de la prostate. Il reçoit cette injection une fois par mois. Il a 60 ans et n'a pas de régime d'assurance-médicaments, mais il s'est rendu compte qu'environ 500$ par mois ou 6 000$ par année, cela constituait une dépense absolument accablante. Depuis, le couple a perdu sa maison. L'urologue qui est bien gentil, le Dr D., a informé Harold au sujet des effets secondaires - bouffées de chaleur, modification de la capacité sexuelle, accroissement de la douleur pendant plusieurs jours, diminution de l'appétit, étourdissements, difficulté à dormir et nausées. Harold a connu tous ces effets secondaires à divers moments, mais le plus pénible a été de voir disparaître les économies que sa femme et lui avaient réussi à amasser pour la retraite. Cependant, il devait prendre le Zoladex pour le reste de ses jours.
La dernière fois que j'ai communiqué avec Harold, il a dit qu'il avait cessé le traitement. Il est maintenant impotent. Sa tumeur a disparu et son médecin le suit régulièrement. Le désespoir de Harold qui a décidé de cesser de prendre le Zoladex pour le reste de ses jours n'est pas seulement attribuable aux dépenses et aux effets secondaires, il soupçonnait également qu'il n'en avait pas besoin pour le reste de ses jours.
Même si le Dr D. a deux autres patients qui ont cessé les injections, jusqu'à maintenant, Harold n'a pas été pressenti pour participer à une étude à long terme sur le Zoladex. C'est là un dilemme éthique, oui, et une dépense énorme pour les contribuables.
La technique télémédia s'est également implantée à l'hôpital d'Orillia, la ville soleil, et les médecins du Sick Kids Hospital peuvent voir les chevilles enflées d'Amanda sur un écran de télévision et rassurer la mère de la fillette de 10 ans grâce à un échange par télémédia. La transplantation de la moelle osseuse d'Amanda tient en échec sa leucémie aiguë. Elle prend des médicaments, dont la Thalidomide, qui coûtent 1 200$ par mois ou 14 400$ par année, et sa mère est désespérée. Elle a demandé bien gentiment à l'administrateur, qui était près de moi, où elle pourrait obtenir de l'aide pour payer les ordonnances de son enfant. Aucun de ces enfants ne veut retourner à l'hôpital pour ses traitements, parce qu'au lieu de cela, ils pourraient aller à l'école, rester avec leurs amis et dormir dans leur propre lit. Mais ce sont maintenant les parents qui doivent absorber les coûts qui leur sont transférés par l'hôpital. Les enfants ont adopté la nouvelle technologie et tout le monde aussi.
Cependant, le médicament Thalidomide, quand on pense aux effets désastreux qu'il a eus dans le passé, soulève des questions au sujet de l'avenir d'Amanda, que seul Dieu connaît. L'Assurance- maladie de l'Ontario en assume les coûts.
Le président: Excusez-moi. J'interviens très rarement lorsqu'un témoin parle. C'est à vous de décider comment vous voulez utiliser votre temps, mais si tout le monde prend 10 ou 12 minutes, nous n'en finirons simplement pas avec les témoins, sans compter que nous n'aurons pas de temps pour les questions.
Mme Heeney: Je m'excuse d'avoir dépassé mon temps.
Le président: J'aimerais vraiment que tout le monde ait la chance d'intervenir, et je voudrais aussi que nous puissions poser quelques questions. Nous reviendrons à vous. Nous aurons de nombreuses occasions de le faire. C'est que vous avez dépassé de plus de 10 minutes maintenant, de sorte qu'avec 7 témoins, ça fait 140 minutes. Et cela va nous amener après le vote.
Mme Heeney: Monsieur Walker, puis-je vous remettre un de ces ouvrages?
Le président: Absolument.
Mme Heeney: Ces récits vous montreront à quel point les Canadiens et les personnes âgées ont besoin de l'assurance-médicaments, et à quel point un programme universel d'assurance-médicaments est nécessaire aujourd'hui, comme l'a recommandé le Forum national sur la santé.
Le président: Merci beaucoup, madame Heeney.
[Français]
Mme Liliane Lecompte (présidente, Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées): L'AQDR tient à préciser que sa prise de position est d'abord et avant tout en faveur du consommateur.
Des millions de Canadiens se rappellent que le gouvernement libéral a promis d'abolir le monopole des brevets pharmaceutiques. C'est pourquoi l'AQDR se penche sur cette question controversée de la protection des brevets pharmaceutiques et formule la position contenue dans ce document.
Le projet de loi C-91 a drainé plusieurs milliards de dollars du système de santé du Canada pour les verser dans les poches des compagnies pharmaceutiques multinationales. Peu à peu, le système de soins de santé canadien tel qu'on le connaissait s'est effondré et finalement, tous les contribuables, dont les plus pauvres, doivent maintenant financer les compagnies pharmaceutiques milliardaires.
Quelles sont les causes du prix sans cesse croissant des produits pharmaceutiques? Tout d'abord, il n'y a pas de contrôle des prix ou des profits sur la vente des médicaments au Canada. Les multinationales, par l'intermédiaire de gouvernements étrangers, font pression sur le gouvernement canadien pour l'amener à modifier ses politiques dans l'intérêt de l'industrie. Le gouvernement, tiraillé entre la santé, le commerce et la finance, favorise régulièrement le commerce et la finance: c'est l'industrie qui devient sa première pensée. Les contribuables et les malades se voient maintenant relayés au dernier rang et négligés, excepté quand le moment est venu de payer la facture.
Les entreprises pharmaceutiques consacrent d'énormes ressources à des campagnes de promotion et de marketing très subtiles. Les ventes augmentent de même que la consommation des médicaments. Nous constatons qu'il y a surprescription, et donc surconsommation et mauvais usage de médicaments.
Quand on parle de médicaments maintenant, on ne pense plus à un bien public auquel tous ont droit. Le médicament est devenu un bien de consommation comme un autre. C'est plutôt le bien de l'industrie que le bien d'une personne. Il faut consommer, car c'est bon pour l'industrie.
Avons-nous fait les bons choix? Selon le Forum national sur la santé, les dépenses pharmaceutiques ont grimpé de 1,1 milliard à 9,2 milliards de dollars. M. David Dingwall rendait publiques les statistiques de 1996 sur l'ensemble des coûts de la santé au Canada. Sur un total de 75,22 milliards de dollars en 1996, 10,84 milliards de dollars étaient consacrés aux médicaments. Il notait que les dépenses liées aux produits pharmaceutiques ont augmenté plus rapidement que toute autre dépense de santé. Il ajoutait qu'il était peu probable que les coûts des produits pharmaceutiques cessent d'augmenter.
Nous voudrions nous attarder un peu sur le traitement des multinationales. Pourquoi plusieurs appellent-ils le Canada le paradis fiscal des multinationales? Parce que ces compagnies sont, à notre avis, surprotégées chez nous. Les multinationales jouissent du taux d'imposition des entreprises le plus bas de tous les pays du G-7 et des impôts sur la masse salariale les plus bas de tous les pays du G-7. Les multinationales peuvent déclarer comme dépenses beaucoup de dépenses pour la recherche, jusqu'à 40 p. 100. Elles peuvent également déduire diverses dépenses pour le lobbying mené auprès des gouvernements, pour la promotion de leurs intérêts, pour la publicité et pour d'autres formes de promotion.
Les statistiques indiquent que les niveaux de profit dans l'industrie pharmaceutique ont dépassé la moyenne industrielle canadienne par une marge substantielle, cela même sans la protection des brevets pharmaceutiques.
Les niveaux de profit de ces compagnies ont été à l'épreuve de la récession. Au début des années 1980, quand le niveau moyen de profit des industries canadiennes a chuté jusqu'à 5,4 p. 100, les profits moyens avant impôt de l'industrie pharmaceutique n'ont jamais tombé en bas de 30 p. 100 sur les actions.
L'augmentation du coût des médicaments est une menace pour la qualité de vie au Canada. Le Canada est classé comme l'un des meilleurs pays au monde où il fait bon vivre. Ironie du sort, au moment même où l'industrie pharmaceutique exerce plus de pressions pour qu'on prolonge la protection des brevets pharmaceutiques, les milieux d'affaires et les gouvernements vantent à qui mieux mieux les mérites de la concurrence commerciale. Nous voyons là une énorme contradiction.
L'AQDR demande donc au gouvernement fédéral que les principes de gratuité, d'universalité et d'accessibilité contenus dans la Loi canadienne sur la santé soient respectés par le gouvernement tout au long du processus de redistribution de l'argent dans le domaine de la santé.
L'AQDR demande que tous les contribuables aient accès à un traitement pharmacologique équitable lorsque requis.
Notre association demande également la mise sur pied d'un système de contrôle des prix et des profits sur la vente des médicaments au Canada.
L'AQDR s'interroge également sur le rôle réel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ainsi que sur sa neutralité.
L'AQDR demande qu'on abrège le temps de protection des brevets et qu'on favorise l'entrée sur le marché des médicaments génériques le plus tôt possible.
Nous aimerions que le gouvernement fédéral s'acharne avec autant de zèle sur la publicité de l'industrie pharmaceutique que sur l'industrie du tabac.
Voilà les principales demandes de l'AQDR.
Le président: Merci beaucoup pour votre brève présentation et votre style.
[Traduction]
Je crois que notre prochain témoin est Mme Connie Delahanty du Older Women's Network. Soyez la bienvenue. Nous aimerions entendre votre point de vue maintenant.
Mme Connie Delahanty (directrice à Ottawa, Older Women's Network): Merci. Le Older Women's Network est un groupe d'environ 600 femmes actives sur le plan politique.
Nous savons que l'objectif de votre examen est de déterminer s'il faut conserver, révoquer ou reconduire le projet de loi C-91. Nous avons soupesé les revendications contradictoires des fabricants de médicaments génériques et de marque à tous les niveaux: profits, propriété étrangère, emplois, efficacité des médicaments, recherche et développement.
Nous croyons que le monopole que détiennent actuellement les fabricants de médicaments de marque est l'un des principaux facteurs qui ont provoqué l'augmentation du coût des médicaments au Canada, et par conséquent, l'augmentation du coût des soins de santé. Comme les femmes âgées sont parmi les membres de la population à qui on prescrit le plus de médicaments, de même que l'un des groupes les plus pauvres compte tenu des rôles plus traditionnels qu'elles ont joués dans le passé et de la discrimination systématique à l'égard des femmes au sein de la population active canadienne, la question nous intéresse particulièrement.
Par suite de la diminution des crédits affectés aux soins de santé et de la fermeture des hôpitaux généraux, des hôpitaux psychiatriques et des établissements pour malades chroniques, nous, les femmes âgées, continuerons d'être victimes de prescription excessive et d'être placées dans des établissements de soins à long terme moins chers au lieu de recevoir les traitements exhaustifs dont nous avons besoin au fur et à mesure que nous prenons de l'âge, tout comme le reste de la population.
Notre position est claire. Nous nous opposons à ce qu'on accorde pendant plus longtemps une protection des brevets aux multinationales et nous encourageons fortement le gouvernement à imposer une période de protection plus courte afin d'accroître la production de médicaments moins chers au Canada.
Nous favorisons la remise en place d'une certaine forme de licence obligatoire pour permettre la mise en marché plus hâtive de médicaments génériques, assortie de redevances qui refléteraient le coût réel de la mise au point de ces médicaments.
À notre avis, il faut apporter des changements pour supprimer les dispositions plus controversées du projet de loi C-91, comme la possibilité pour les sociétés de médicaments brevetés de bloquer la mise en marché hâtive de médicaments génériques au lieu d'intenter plus tard des poursuites pour violations de brevets, disposition qui ne fait pas partie des autres types de lois sur les brevets. Dans les cas où la loi permettait la révocation rétroactive des licences, disposition qualifiée de répugnante par le premier ministre actuel, ces licences devraient être remises en vigueur.
Ce ne sont pas là des problèmes simples et nous savons qu'il n'y a pas de solution simple. Jusqu'à maintenant, la preuve désigne les fabricants de médicaments génériques comme le groupe dont les activités servent le mieux les intérêts internes du Canada. Cependant, le coeur du problème est que cette bataille entre deux groupes de géants industriels ne réglera pas le problème du prix des médicaments, peu importent les décisions de votre comité.
Il ne fait aucun doute que toutes les sociétés pharmaceutiques, qu'elles produisent des médicaments génériques ou des médicaments de marque, et actuellement les grandes entreprises biopharmacologiques sont parmi celles qui permettent les investissements les plus rentables, en dépit du fait que très peu de nouveaux médicaments sont mis au point au Canada. Les fonds que les fabricants de médicaments de marque avaient promis d'affecter à la recherche et au développement au Canada ne servent pas, pour la plupart, à des recherches nouvelles, mais bien à faire approuver des médicaments pour la vente, ce qui est une forme de marketing.
Le prix des médicaments ne reflète pas le coût de leur fabrication ni de leur conception, et les prétendus contrôles de prix effectués par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ne sont là que pour maintenir les prix des médicaments en rapport avec ceux d'autres médicaments semblables et, contrairement aux contrôles exercés par d'autres organismes de réglementation canadiens, ne permettent pas de refléter le prix équitable du produit. En réalité, le prix des nouveaux médicaments qui constituent une percée n'est établi qu'en fonction de leur prix dans d'autres pays, habituellement par la même multinationale qui commercialise le médicament au Canada, exercice légitime au mieux, qui ne sert qu'à empêcher ces fabricants de demander encore plus aux Canadiens.
Comme la majeure partie du coût des médicaments est déjà assumée par le système de soins de santé ou est déductible des impôts, la protection des brevets accordée à l'industrie multinationale du médicament est une forme de subvention à une industrie qui est déjà l'une des plus rentables au Canada. Nous croyons que cet argent devrait être réinjecté dans notre système de soins de santé et consacré à la recherche sur les causes des maladies, et non à la mise au point de plus de médicaments pouvant être brevetés.
Mieux encore, et je cite le rapport final de 1997 du Forum national sur la santé: «Nous croyons que le Canada devrait prendre les mesures nécessaires pour inclure les médicaments dans le cadre de son système de soins de santé financé par les fonds publics».
Enfin, on dit que le débat sur le projet de loi C-91 est un débat sur les consommateurs, la population aînée du Canada étant considérée comme un important groupe de consommateurs qui fait des pressions pour défendre ses propres intérêts. Les Canadiens âgés s'intéressent effectivement à cette question, comme tous les autres Canadiens. Cependant, le terme «consommateur» est trompeur. Utilisé dans ce contexte, il évoque un modèle de marché. Ceux d'entre nous dont les médicaments sont prescrits ou obligatoires ne sont pas des consommateurs au sens reconnu du terme. Nous n'avons pratiquement aucun choix. Il ne nous est même pas toujours possible de préférer un médicament générique à un médicament de marque, et le premier n'est pas toujours aussi efficace que le second.
La commercialisation des médicaments se fait au niveau de la fabrication, de la livraison, de la promotion et de la publicité au sein même de l'industrie des médicaments, auprès des médecins, des pharmaciens et des hôpitaux et non au niveau de ce que l'on appelle le consommateur.
Ce n'est pas le genre de choix qu'une personne devrait avoir à faire. Les médicaments d'ordonnance et les soins de santé ne sont pas des problèmes de consommation. Ce sont des problèmes politiques et des problèmes humains qui ne devraient pas être discutés dans le cadre des travaux d'un comité permanent de l'industrie.
Merci.
Le président: Merci beaucoup pour vos observations.
C'est la première fois que les gens se lèvent pour ovationner quelqu'un.
Je cède maintenant la parole à Mme Gisèle Bérubé de la Coalition des aîné(e)s du Québec.
[Français]
Bienvenue. Commencez maintenant.
Mme Gisèle Bérubé (Coalition des aînées et aînés du Québec): Monsieur le président, quand ce sera le temps de faire des échanges, j'aimerais que vous permettiez àM. David Woodsworth, qui est ici, de participer.
[Traduction]
Le président: Nous n'y voyons pas d'objection.
[Français]
Mme Bérubé: Il nous semble, à la Coalition des associations d'aînées et aînés du Québec, que les médicaments d'ordonnance ne devraient pas être traités de la même façon que d'autres produits dont les prix et l'usage sont déterminés par le marché privé. Les individus ne se prescrivent pas leurs propres médicaments parce qu'ils n'ont pas l'information qui leur permettrait de magasiner pour leurs médicaments.
On a justifié la protection de 20 ans accordée par le projet de loi C-91 aux médicaments brevetés en disant que les risques et les coûts de la recherche et du développement sont élevés et que les emplois générés par les manufacturiers seraient à risque si ces produits n'étaient pas protégés. Cependant, nous savons que moins de 12 p. 100 du produit des ventes est affecté à la recherche et au développement. Seulement 22 p. 100 du montant est consacré à la recherche fondamentale, alors que le reste va à la recherche appliquée et à la préparation en vue de la production.
Pour ce qui est de l'emploi, la Coalition canadienne sur la santé a démontré que le nombre total des emplois dans les compagnies membres de l'Association des manufacturiers des médicaments brevetés est en déclin depuis 1993-1994. En partie en raison du coût élevé des médicaments, plusieurs autres milliers d'emplois sont perdus dans d'autres secteurs de la santé. Donc, l'argument de la protection des emplois doit être mis en perspective par rapport à l'ensemble de la situation des emplois, particulièrement au Québec.
Nous avons certaines recommandations à vous faire. D'abord, il nous faudrait une agence de révision qui s'attacherait non seulement aux prix des médicaments brevetés, mais aussi aux prix des médicaments génériques. Il faudrait que cette agence révise les coûts et bénéfices des médicaments en rapport avec les solutions de rechange. Elle devrait aussi informer et éduquer le public sur ces questions.
L'une des fonctions de cette agence de révision serait d'évaluer l'utilisation et le coût des médicaments pour certains groupes de la population qui sont de gros consommateurs de médicaments, par exemple les personnes âgées, mais aussi ceux qui souffrent de maladies pour lesquelles les médicaments coûtent très cher, notamment le sida.
Il faudrait aussi promouvoir le développement de programmes d'information destinés aux médecins, aux pharmaciens, aux autres professionnels de la santé et à toute la population, et aussi présenter de l'information comparative sur l'utilisation, le coût, les avantages et les limites des médicaments disponibles sur le marché. Dans ce programme d'information, il faudrait trouver une évaluation des nouveaux médicaments, tant ceux produits par les manufacturiers de produits brevetés que ceux produits par l'industrie générique.
Depuis quelque temps, les manufacturiers dépensent beaucoup d'argent en publicité et en relations publiques. Souvent, les manufacturiers donnent des échantillons aux médecins afin de promouvoir les ventes. Les médecins peuvent même recevoir d'autres biens et services. Nous recommandons que ces pratiques soient découragées, pour les mêmes raisons que l'on limite la publicité sur les produits du tabac, comme Mme Lecompte l'a avancé.
Le président: Merci beaucoup, madame Bérubé. Je suis sûr que les députés auront beaucoup de questions à vous poser.
Nous entendrons maintenant M. Jean-Guy Soulière,
[Traduction]
qui est de l'Association nationale des retraités fédéraux. Soyez le bienvenu, nous aimerions maintenant entendre votre exposé.
[Français]
M. Jean-Guy Soulière (directeur exécutif, Association nationale des retraités fédéraux): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je représente l'Association nationale des retraités fédéraux, laquelle compte 100 000 membres. Ces derniers sont des retraités de la fonction publique, des Forces canadiennes et de la GRC. Ces gens ont bien servi le Canada, et ils sont aujourd'hui très inquiets de voir que l'augmentation du coût des médicaments vient ronger leurs revenus fixes.
Nous avons déposé un mémoire plus détaillé auprès de votre comité. Je ne ferai que souligner les principaux points de ce mémoire.
Nous espérons que votre comité sera en mesure de formuler des recommandations et de modifier certaines dispositions du projet de loi. À vrai dire, je crois que le ministre responsable a laissé miroiter cette possibilité lorsqu'il a comparu devant le comité.
Nous allons examiner la situation peut-être d'un point de vue historique. En 1993, l'ANRF a écrit à l'ancien premier ministre pour lui dire que le projet de loi C-91 allait faire augmenter considérablement le coût des médicaments pour les consommateurs. Nous avons malheureusement vu juste. Par exemple, le coût des médicaments pour le Régime de soins de santé de la fonction publique, qui est en partie un régime d'assurance-médicaments, a augmenté de 13 p. 100 par an entre 1991 et 1995.
En 1987, au moment du dépôt du projet de loi C-22, le gouvernement de l'époque a déclaré que le projet de loi aurait peu d'effet sur les Canadiens, car 95 p. 100 des aîné(e)s et 85 p. 100 de tous les consommateurs étaient couverts par un régime d'assurance-médicaments. À cette époque, l'ANRF n'était pas d'accord. L'augmentation des coûts étant couverte par les régimes d'assurance-médicaments, elle se traduirait en bout de ligne par une hausse des primes pour le consommateur. Et c'est exactement ce qui se produit, surtout aujourd'hui. Cette démarche manquait de vision tout en étant trompeuse.
Le projet de loi C-22 protégeait les brevets pendant sept à dix ans en excluant du marché les fabricants de médicaments génériques, mais le projet de loi C-91 a complètement aboli la licence obligatoire. En outre, selon les règlements actuels, il est possible pour une société de médicaments de marque de prolonger de 30 mois la durée de la protection d'un brevet si quelqu'un interjette appel. Alors, qu'est-ce qu'elles font? Elles interjettent appel. La Cour fédérale est actuellement saisie de 103 appels. Durant les 30 mois que la Cour fédérale prend pour examiner la cause, l'entreprise continue de jouir d'une protection de brevet.
En ce qui concerne la protection accordée aux médicaments brevetés, nous trouvons également que la position du gouvernement est ambiguë. Le Parti libéral du Canada était d'accord avec nous et de nombreux autres en 1992 pour dire que la portée du projet de loi C-91 semblait excessive. Dans deux lettres qu'il nous a adressées en 1992 et en 1993, le chef de l'opposition de l'époque disait que le Parti libéral s'opposait au projet de loi C-91. Il mentionnait en outre que les Libéraux surveilleraient de près les effets du projet de loi C-91 sur le régime d'assurance-maladie du Canada et sur le coût des médicaments pour les Canadiens.
Quatre ans après l'entrée en vigueur du projet de loi C-91, nos craintes au sujet de l'augmentation du coût des médicaments se sont concrétisées. Nombre de provinces, dont le Québec, l'Ontario et la Nouvelle-Écosse, ont imposé des restrictions ou des primes à leurs régimes d'assurance-médicaments qui touchent les aînés. Les régimes de soins médicaux supplémentaires, comme le propre régime de soins de santé de la fonction publique, ont dû augmenter les primes et les franchises pour absorber les augmentations continues du coût des médicaments.
Je suis certain que vous êtes tous au courant de l'étude récente réalisée par l'Université Queen's dans laquelle on parle de «pérennité». En gros, cette méthode consiste à prendre un autre brevet sur un médicament pour prolonger la protection accordée par la Loi sur les brevets. Le gouvernement doit prendre des mesures pour empêcher les abus de la part des fabricants de médicaments brevetés et les empêcher de profiter de toutes les échappatoires disponibles pour accroître la durée de la protection dont ils jouissent en vertu de la loi et des règlements.
Comme toujours, le grand perdant est le consommateur qui doit payer plus pour ses médicaments. La personne âgée, qui est toujours un consommateur, est même encore plus vulnérable car elle a moins de souplesse en raison de son revenu fixe.
Nous sommes prêts à appuyer toute proposition raisonnable visant à accorder aux sociétés qui mettent au point de nouveaux médicaments une protection qui leur permettrait de recouvrer les coûts qu'elles engagent pour la recherche et le développement avant que l'on permette aux fabricants de médicaments génériques de produire des copies de médicaments brevetés. Cependant, nous ne sommes pas d'accord pour que l'on accorde une protection blindée uniquement dans le but d'empêcher les fabricants de médicaments génériques d'avoir accès au marché.
Nous sommes également conscients que les fabricants de médicaments oeuvrent au sein d'un marché mondial et que les traités doivent être respectés. Néanmoins, nous estimons qu'il y a place pour l'amélioration et que l'on peut faire des efforts pour réduire l'augmentation du coût des médicaments à l'avenir.
Nous voulons donc vous présenter quatre recommandations précises: premièrement, retour au système de licence obligatoire prévu par le projet de loi C-22 en 1987; deuxièmement, fin du système de «pérennité»; troisièmement, élargissement des pouvoirs quasi-judiciaires du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés afin de lui permettre de surveiller tous les médicaments, et non pas seulement 44 p. 100 des médicaments, actuellement sous sa compétence; et quatrièmement, révision de tous les règlements afin d'éliminer ceux qui semblent permettre de prolonger la durée d'un brevet pour des motifs purement administratifs.
À notre avis, si ces recommandations sont incluses dans le projet de loi C-91, il sera équitable pour toutes les parties et pour l'ensemble des intervenants.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Soulière.
Notre témoin suivant est Mme Mary Eady, représentante de Seniors on Guard for Medicare. Madame, soyez la bienvenue. Nous aimerions maintenant entendre votre exposé.
Mme Mary Eady (directrice générale, Seniors on Guard for Medicare): Merci beaucoup. Je remplace notre président, M. Arthur Kube, qui n'est pas bien. Je suis accompagnée de notre directeur, M. Romeo Maione, qui ajoutera peut-être quelques commentaires une fois que j'aurai terminé.
Seniors on Guard for Medicare est un groupe de citoyens du troisième âge provenant de milieux divers, désireux de protéger et d'améliorer le régime d'assurance-maladie. C'est notre génération qui s'est battue pour établir l'assurance-maladie. La plupart de nos membres sont nés avant 1930. Nous avons vécu une période de l'histoire canadienne où il y avait de la maladie, mais pas d'assurance-maladie, nous avons enduré la douleur de la Dépression et nombre de nos membres ont combattu lors de la Seconde Guerre mondiale contre le fascisme et pour la protection de la démocratie. Témoin de cette histoire, notre génération a fait de notre pays une société plus attentive aux autres et plus démocratique, je m'empresse d'ajouter, et croyez-nous, cela n'a pas été facile.
Cependant, au cours des dernières années, nous n'avons pas assisté à une amélioration, mais bien plutôt à une érosion du système d'assurance-maladie en raison du sous-financement, des frais d'utilisation, et de l'escroquerie manifeste de la part des spécialistes médicaux et des sociétés pharmaceutiques. Nous comprenons que certains éléments de la profession médicale s'en prennent à l'assurance-maladie - le secteur privé de la santé aux États-Unis et l'Institut Fraser - mais il ne se trouve pas un seul chef de parti politique qui, au moins deux fois par jour, ne se dit pas en faveur de l'assurance-maladie. Par conséquent, il est vraiment gênant de voir les changements qui y sont apportés par suite des transferts fédéraux, des mesures législatives comme les projets de loi C-22 et C-91, le projet de loi 26 en Ontario et des mesures semblables qui ont été adoptées dans d'autres provinces. Est-ce bien ce que nous voyons, une tentative pour éliminer l'assurance-maladie par la porte de derrière?
Nous comprenons que vous n'êtes pas ici pour discuter de la Loi sur la santé du Canada. Par conséquent, nous nous en tiendrons aux questions qui découlent du projet de loi C-91 et à l'extorsion par l'industrie pharmaceutique des fonds affectés à la santé. Pour bien vous faire comprendre, nous aimerions vous citer certaines statistiques de Santé Canada.
En 1975, les dépenses au chapitre des soins de santé au Canada s'élevaient à 12 milliards de dollars, soit 7,1 p. 100 du produit intérieur brut, et les dépenses étaient réparties de la façon suivante: environ 44 p. 100 pour les hôpitaux, 15 p. 100 pour les médecins, 9,7 p. 100 pour les autres établissements, 8,9 p. 100 pour les médicaments, et pour les autres coûts, y compris les dépenses en immobilisations, 21 p. 100.
En 1993, le Canada a dépensé au total pour les soins de santé 72 milliards de dollars, soit10,1 p. 100 du produit intérieur brut, et les crédits étaient affectés de la façon suivante: 38 p. 100 pour les hôpitaux, 15 p. 100 pour les médecins; 10 p. 100 pour les autres établissements; pour les médicaments, je vais vous le dire, 15,1 p. 100, et pour les autres postes, y compris les coûts d'immobilisations, 21 p. 100.
Comme vous le voyez, non seulement les dépenses de santé ont augmenté en termes réels d'environ 40 p. 100, mais les dépenses pour les médicaments durant cette période ont grimpé de66 p. 100 - en dollars, ces dépenses sont passées de un milliard qu'elles étaient en 1975 à 10 milliards de dollars en 1993.
À notre avis, ces augmentations massives ont été provoquées par les projets de loi C-22 et C-91, par les pressions excessives qu'ont exercées les vendeurs de médicaments brevetés, la prescription excessive de médicaments par les médecins et l'absence d'information du consommateur au sujet des problèmes reliés aux médicaments.
Je m'empresse d'ajouter que si le Parlement n'élimine pas la protection des brevets accordée aux sociétés pharmaceutiques en vertu du projet de loi C-22 et ensuite du projet de loi C-91, la spirale d'augmentation du coût des médicaments persistera.
Pour les personnes âgées, les répercussions de cette majoration massive du coût des médicaments sont très négatives. La plupart des programmes de médicaments pour les personnes âgées ne sont plus universels, mais sont maintenant assortis de frais d'utilisation pour lesquels les aînés n'ont jamais rien prévu. Ces hausses du coût des médicaments représentent également un véritable danger pour la survie de l'assurance-maladie parce que pour beaucoup de personnes âgées vivant dans des établissements pour malades chroniques, le coût des médicaments devient une charge pour les fonds publics. Il incombe donc à votre comité de formuler des recommandations visant à rejeter le projet de loi C-91 ou à le modifier en profondeur.
Nous avons dit au gouvernement conservateur précédent que les projets de loi C-22 et C-91 feraient augmenter le coût des médicaments d'ordonnance de façon draconienne sans pour autant que les Canadiens en profitent. Le chef de l'opposition loyale de Sa Majesté à l'époque, l'honorable Jean Chrétien, était d'accord avec nous.
Se cachant derrière cet écran de fumée qu'est la protection des droits de la propriété intellectuelle, l'industrie pharmaceutique tire profit de ces brevets pour arracher tout ce qu'elle peut au public qui ne se méfie pas.
Cela nous rappelle l'exemption fiscale de trois ans accordée pour l'exploitation d'une nouvelle mine. Les sociétés minières ont donc choisi d'exploiter le même gisement au moyen de cinq puits différents, obtenant ainsi une exonération fiscale de quinze ans. C'est de là que doit venir l'expression «se faire avoir».
Des voix: Oh, oh!
Mme Eady: La présidente de l'Association canadienne de l'industrie du médicament,Mme Judy Erola, qui vient de Sudbury, doit bien comprendre cela.
Si quelqu'un croit encore que des brevets ne sont accordés que pour les nouveaux médicaments, nous avons des nouvelles pour cette personne. Plus de 90 p. 100 de tous les nouveaux brevets sont accordés pour des variations mineures de médicaments existants. Soit dit en passant, la plupart des découvertes en médecine ont été réalisées grâce à la recherche financée par les fonds publics qui a été transférée à des prix ridiculement bas aux entreprises privées.
Le fait que les sociétés pharmaceutiques consacrent un milliard de dollars par an à la promotion de leurs produits et seulement 89 millions de dollars à la recherche, devrait couper court à ce genre d'argument vide à propos des droits à la propriété intellectuelle. Nous croyons que l'on peut apporter des arguments moraux beaucoup plus solides pour exiger le contrôle du prix des médicaments parce que la médecine n'est pas un luxe, mais une nécessité permettant de prolonger la vie des gens et pour laquelle ils ne devraient pas être floués.
L'argument souvent invoqué au sujet du projet de loi C-91, à savoir que l'industrie pharmaceutique a besoin de recettes additionnelles, ne tient pas le coup. Le rendement moyen sur l'avoir avant impôt dans l'industrie pharmaceutique entre 1990 et 1995 était de 29,6 p. 100, ce qui se compare plus que favorablement à la moyenne de toutes les industries manufacturières au cours de la même période qui était d'à peine 10 p. 100
Les Conservateurs, lorsqu'ils ont adopté le projet de loi C-91, ont fait grandement état du rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Je crois savoir que les membres de ce comité ont comparu devant le vôtre et vous ont informés qu'ils étaient capables d'empêcher les sociétés pharmaceutiques d'exiger le gros prix pour leurs médicaments.
Quelqu'un devrait dire aux membres du comité que le Canada, avant l'adoption du projet de loi C-22, était le pays de l'OCDE où le prix des médicaments était le plus bas. Maintenant, nous nous battons pour obtenir la position contraire. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés n'est que de la frime et ne rend pas le projet de loi C-91 plus acceptable.
Nous savons aussi que le ministre de l'Industrie a comparu devant votre comité et vous a dit que tout était parfait, et que même si cela ne l'était pas, rien ne peut être fait parce que les restrictions ne seraient pas acceptées par l'Organisation mondiale du commerce.
La dernière fois que nous avons examiné la situation, l'Italie faisait partie l'OMC et avait imposé des restrictions très sévères sur le prix des médicaments. C'est elle qui a remplacé le Canada au sein de l'OCDE en tant que pays où le prix des médicaments est le moins élevé.
Nous croyons savoir également que le ministre de la Santé doit comparaître, ou a comparu, devant votre comité. Tout récemment, le Forum national sur la santé - présidé par le très honorable Jean Chrétien et dont la vice-présidence était assurée par l'honorable David Dingwall - a publié son rapport - je n'entrerai pas dans les détails, je vais tenter de me dépêcher -, rapport que nous appuyons puisqu'il préconise l'élaboration d'une politique pharmaceutique. Bien sûr, nous avaliserions le principe d'un régime national d'assurance-médicaments.
Cependant, si vous décidez d'accepter l'argumentation du ministre de l'Industrie qui dit que tout va bien, alors vous mériterez d'être accusés d'avoir miné le régime d'assurance-maladie et de servir les intérêts d'une industrie pharmaceutique qui appartient en grande partie à des intérêts étrangers. À vous de choisir. Rappelez-vous simplement que vous aurez à vivre avec votre décision, comme nous tous d'ailleurs.
Je vous soumets tous ces arguments avec tout le respect que je vous dois, et nous espérons que la sagesse des membres de Seniors on Guard for Medicare saura porter fruit. Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Eady.
Le seul commentaire que j'aimerais ajouter, c'est que puisque je suis moi aussi de Sudbury, j'ai une très bonne idée de ce que c'est que de se faire avoir.
Nous passons maintenant à notre dernier témoin, M. Bruce Mutch, de la Coalition des aîné(e)s de l'Ontario.
M. Bruce Mutch (représentant, Coalition des aîné(e)s de l'Ontario): Au nom de la Corporation canadienne des retraités concernés, section nationale et division de l'Ontario, de l'Ontario Coalition of Senior Citizens Organizations, du Comité du maire de Toronto sur le vieillissement et de l'Alliance of Seniors for the Protection of Canada's Social Programs, je tiens à remercier le comité de me donner la possibilité de représenter ces organismes et de comparaître devant vous dans le cadre de ce processus d'examen.
Les organisations que je représente aujourd'hui sont toutes des organisations sans but lucratif et non sectaires. Elles visent toutes à faire en sorte que les systèmes nécessaires visant à assurer la santé et le bien-être des citoyens soient en place et qu'ils soient mis en oeuvre de façon responsable pour tous les Canadiens.
Bien que nous concentrions nos efforts sur les questions qui touchent les citoyens âgés, comme les soins de santé, le logement, le transport et la sécurité du revenu, nous nous préoccupons également du bien-être de nos enfants, de nos petits-enfants, de nos amis et de nos voisins. Autrement dit, nous travaillons à l'établissement d'une société qui s'occupe des autres, société que nous avons aidée à bâtir et que nous chérissons.
Nous avons demandé à comparaître devant votre comité aujourd'hui parce que nous croyons fermement que le projet de loi C-91 est néfaste pour la santé de notre pays.
Ce n'est pas d'hier que nous nous intéressons au projet de loi C-91. Nous avons fait part de nos préoccupations au sujet des effets négatifs de la protection de brevets à long terme accordée aux médicaments de marque avant que le projet de loi ne soit adopté. Deux semaines avant les dernières élections fédérales, nous avons écrit, animés de beaucoup d'espoir, que le nouveau gouvernement libéral respecterait ses obligations à l'égard de la population canadienne en abrogeant une mesure aussi négative que le projet de loi C-91.
Nous nous souvenions à l'automne de 1993, et nous nous en souvenons encore aujourd'hui, que lorsqu'ils étaient dans l'opposition, les Libéraux, y compris notre premier ministre actuel, le ministre de la Santé, l'honorable Lloyd Axworthy et de nombreux autres, disaient avec éloquence dans leurs discours qu'ils étaient contre le projet de loi C-91. Par conséquent, lorsque nous avons félicité les nouveaux ministres fédéraux, à commencer par le premier ministre, à l'automne de 1993, nous ne pensions pas que nous proposions des changements qui seraient rejetés du revers de la main lorsque nous demandions que le projet de loi C-91 soit abrogé.
L'examen de ce projet de loi offre au gouvernement fédéral la possibilité de recommander des changements à la loi de sorte qu'elle reflète les revendications des Libéraux avant qu'elle ne soit adoptée et qu'elle soit bonne pour la société dans son ensemble. Nous voulons assurer la protection des citoyens canadiens qui ont besoin de médicaments de qualité à des coûts raisonnables.
Nous croyons que le bien-être des Canadiens devrait passer avant les intérêts des sociétés pharmaceutiques qui cherchent à faire du profit et dont le siège social est installé dans des pays étrangers. C'est la santé des Canadiens et de la société canadienne qui est en jeu.
Avant même que vous ne commenciez vos audiences, un représentant du gouvernement aurait dit que premièrement, celui-ci ne peut changer la loi sur la protection des brevets à cause des obligations qui lui incombent en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain et des règlements de l'Organisation mondiale du commerce et que, deuxièmement, on ne pouvait pas revenir en arrière.
En ce qui concerne le premier point, M. Robert Waspe, président de la Generic Pharmaceutical Industry Association des États-Unis, a déclaré lors d'un forum à Montréal en janvier qu'il n'y avait pas de règlement dans l'ALENA qui empêchait le gouvernement canadien de modifier le projet de loi C-91 afin de créer un climat plus équilibré pour les fabricants de médicaments génériques établis au Canada.
À la même conférence, M. Greg Perry, directeur des médicaments génériques pour l'Union européenne, a précisé catégoriquement que l'Organisation mondiale du commerce n'avait aucun règlement empêchant le gouvernement canadien de modifier le projet de loi C-91 afin qu'il y ait concurrence équitable entre les fabricants de médicaments de marque et les fabricants de médicaments génériques. Cela pourrait être un moyen de stabiliser le prix des médicaments et de contrôler le prix des nouveaux médicaments qui entrent sur le marché.
Quant à savoir si l'on peut retourner ou non en arrière, nous présumons qu'en disant cela, le gouvernement actuel ne peut pas ou ne veut pas modifier la loi adoptée par le gouvernement précédent.
Notre réaction est la suivante: pourquoi, bon sang, aurions-nous voté pour un changement de gouvernement si ce n'est pour rétablir et améliorer les mesures qui ont été éliminées ou détruites par un gouvernement si impopulaire que seulement deux de ses représentants ont été réélus à la Chambre des communes?
Le fait d'abroger ou de modifier le projet de loi C-91 afin que les sociétés pharmaceutiques établies au Canada ou appartenant à des Canadiens soient favorisées au détriment des multinationales étrangères et que le système de santé universel du Canada ne soit pas saigné à blanc par le coût élevé des médicaments de marque, ne constituerait pas un retour en arrière, mais permettrait de réparer les pots cassés afin que tout aille mieux à l'avenir.
Le 4 mars, les quotidiens ont rapporté que l'honorable David Dingwall avait dit aux députés que le gouvernement fédéral ne pouvait pas raccourcir la période de protection des brevets parce qu'elle était prévue dans des ententes commerciales. Cependant, l'avocat de Bay Street, M. Barry Appleton, a dit que cela n'était tout simplement pas vrai. Il ajoute ceci, et je cite:
- Je connais l'ALENA et l'OMC, et ils comportent des exceptions, des exemptions qui
permettraient au comité de faire ce qu'il veut.
- Autrement dit, ce ne serait pas un retour en arrière.
Avant que l'examen de votre comité ne commence, les fabricants de médicaments de marque et de médicaments génériques ont fait connaître leur opinion à nos organisations. Nous avons des piles de documents des deux côtés.
Nous avons étudié les publications. Nous croyons toujours qu'il est du devoir de nos représentants élus d'amender le projet de loi C-91 afin que, premièrement, les Canadiens de tous les groupes d'âge qui ont besoin de médicaments soient en mesure d'acheter des médicaments de qualité à des prix raisonnables, inférieurs aux prix élevés des médicaments actuels.
Deuxièmement, le système de soins de santé au Canada ne devrait pas être attaqué davantage qu'il ne l'est par les coûts des médicaments de marque qui sont actuellement hors de contrôle et qui augmentent d'environ 10 à 12 p. 100 par an.
Troisièmement, à une époque où l'on demande aux Canadiens de sacrifier leur qualité de vie à cause de compressions dans tous les domaines, il n'est pas acceptable que le gouvernement protège des multinationales étrangères quand des sociétés canadiennes peuvent fabriquer les mêmes produits à presque la moitié du prix.
Un sondage effectué par The Toronto Star il y a deux semaines a établi clairement que 84 p. 100 des gens interrogés étaient contre le projet de loi C-91. Le sondage a été mené auprès de groupes d'adultes de tous âges, non seulement de citoyens aînés.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mutch.
Je tiens à remercier tous les témoins, avant de céder la parole pour la période des questions àM. Brien, pour la diligence dont vous avez fait preuve en nous faisant connaître vos idées. Je sais que cela est très difficile et que chacune des organisations a mis beaucoup d'efforts pour préparer son mémoire. Nous l'apprécions. Nous avons fini dans un délai raisonnable afin de permettre aux membres du comité de poser des questions.
[Français]
Monsieur Brien, voulez-vous commencer?
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Merci, monsieur le président. Bienvenue à tous au Comité de l'industrie même si certains d'entre vous auraient souhaité se présenter devant le Comité de la santé.
Je ferai deux commentaires avant de poser mes questions. Sur un certain nombre de points, on pourra s'entendre très rapidement. Depuis quelques années, notre système de santé a subi un impact très négatif, en grande partie attribuable à la réduction de son financement, laquelle résulte en bonne partie de la réduction des paiements de transfert aux provinces dans le secteur de la santé.
Je comprends aussi la difficulté que vous avez à suivre les libéraux quant à leurs positions. Ce fut la même chose pour nous dans le dossier de la TPS, celui du libre-échange et d'autres dossiers. Il n'existe aucun médicament pour ce genre de situations. On n'en a pas encore trouvé. Il y sûrement des chercheurs qui vont se pencher là-dessus.
Des voix: Ah! Ah!
M. Pierre Brien: J'aimerais aussi qu'on s'entende sur un autre principe. Tout le monde veut avoir accès à des médicaments en payant le moins cher possible. Il faut au préalable que ces médicaments existent. Des gens nous ont dit, et j'aimerais savoir si vous êtes en accord avec eux, que la découverte d'un médicament apporte souvent une modification à un traitement. Ainsi, par le passé, la maladie pouvait exiger une opération chirurgicale, mais la découverte d'un médicament transforme le traitement médical et fait diminuer les coûts des services de santé.
Je vous ai tous entendu dire que les médicaments découverts faisaient augmenter les coûts du système de santé. Est-ce que vous admettez que ces nouveaux médicaments peuvent aussi contribuer à réduire, dans certains cas, les coûts du système de santé?
Y en a-t-il qui veulent répondre? Je ne me suis adressé à personne en particulier, mais comme les mémoires se ressemblaient beaucoup, monsieur le président... Je peux commencer parMme Lecompte.
Le président: Madame Lecompte, avez-vous une réponse?
Mme Lecompte: Il est sûr que certains nouveaux médicaments peuvent avoir un impact favorable sur le coût des médicaments, à la condition qu'ils soient vraiment plus efficaces que les médicaments existants. La preuve n'est pas faite que tous les nouveaux médicaments ont absolument un effet positif sur l'amélioration de la santé et des coûts.
On pense toujours que les nouveaux médicaments sont supérieurs dans leur action sur la maladie, mais tel n'est pas toujours le cas.
M. Pierre Brien: Oui. Pourtant, vous savez que le commissaire aux brevets, avant d'accorder un brevet, se base sur un certain nombre de critères. Parmi ceux-là, il y a le caractère de nouveauté quant à ce qu'apporte le médicament. Donc, normalement, il y a quelqu'un qui a pour mandat de vérifier si un produit devant être breveté apporte un élément nouveau et significatif.
Autrement, vous remettez en cause l'efficacité du commissaire aux brevets. Vous dites qu'il accorde des brevets qu'on ne devrait probablement pas accorder.
Mme Lecompte: Ce que je vous dis, c'est que les nouveaux médicaments ne sont pas nécessairement supérieurs aux anciens; ils ne sont pas toujours et infailliblement supérieurs aux médicaments qui existaient déjà. Avez-vous des statistiques nous prouvant que les nouveaux médicaments qui sont introduits sur le marché sont infailliblement supérieurs à ceux qui existaient déjà?
M. Pierre Brien: Non, je ne suis pas en train d'affirmer cela, non plus que le contraire d'ailleurs. Si on s'entend pour dire qu'il y a des découvertes qui peuvent amener des pressions à la baisse sur les coûts du système de santé, et on touche à ce débat à un moment donné, cela signifie qu'il faut, finalement, accorder aux chercheurs une protection suffisante, un incitatif à la recherche.
Il est certain que notre société pourrait décider qu'elle ne veut absolument rien avoir à faire avec la recherche, de n'avoir qu'une industrie qui copie les médicaments. Ce serait un choix possible sur le plan industriel. Cependant, cela n'aurait pas nécessairement pour résultat de faire diminuer les coûts du système de santé, cela pour deux raisons. On pourrait tout d'abord conclure des ententes internationales qui permettraient aux compagnies qui font des découvertes ailleurs de les vendre ici. Donc, le prix des médicaments resterait sensiblement le même. En contrepartie, on perdrait le côté positif, soit des gens qui travaillent, des chercheurs et tout le reste. Cela, on le perdrait.
Dans l'environnement économique international que nous connaissons, si nous n'avons pas ici une infrastructure attrayante pour les chercheurs ou les industriels, ceux-ci s'en iront produire ailleurs et pourront revenir nous vendre leurs produits ici.
Mme Lecompte: Oui, mais je pense que nous avons dit, tous et chacun, dans nos rapports que les compagnies pharmaceutiques, avant même d'être protégées par la Loi sur les brevets pharmaceutiques, réalisaient des profits faramineux. Donc, il est déjà prouvé que ces industries-là, pour être en bonne santé financière, n'ont pas besoin d'une protection aussi complète que celle qui leur est accordée au Canada.
[Une personne applaudit dans la salle - La rédactrice]
M. Pierre Brien: Vous avez un partisan dans la salle.
Nous allons nous parler franchement sur un certain nombre de points. D'un côté comme de l'autre, celui des produits génériques et celui de l'industrie novatrice, nous sommes devant des géants financiers. Un secteur n'est pas plus dans la rue que l'autre.
Mme Lecompte: Non.
M. Pierre Brien: Le produit générique est très rentable et même, dans le marché canadien, il est dominé par deux joueurs; 75 p. 100 du marché générique est contrôlé par deux joueurs, par deux entreprises. Donc, la concurrence dans le secteur des produits génériques est assez limitée au Canada. Elle le sera de moins en moins lorsque les produits génériques d'autres pays seront importés. Mais à l'heure actuelle, l'industrie des produits génériques est dominée par deux joueurs.
Ce qui se passe à l'extérieur, et cela va se passer ici un jour, c'est que ces compagnies se fusionnent de plus en plus. Des gens qui font de la recherche se portent acquéreurs d'entreprises génériques et cela devient une entreprise intégrée. Nous n'échapperons pas à cette tendance.
Le choix qui nous reste est le suivant: dans le contexte où une certaine protection est accordée, ce n'est pas pour suivre des standards internationaux. Votre réponse, c'est que vous préférez choisir le type d'industrie le moins coûteux possible pour notre système de santé, quitte à perdre les emplois qui y sont rattachés.
Mme Lecompte: Je pense, monsieur, que vous nous honorez grandement en nous posant des questions aussi longues, parce qu'à la fin de votre question, je me demande quel en était le début.
Je vous dirai que vous ne me ferez pas prendre position en faveur des génériques contre les brevetés. Je vous dirai que ce que nous demandons au gouvernement fédéral, c'est d'adopter la politique qui sera la plus favorable aux citoyens et aux consommateurs.
M. Pierre Brien: D'accord. On s'entend là-dessus. Cependant, dans vos documents, j'ai senti un penchant très fort dans un sens, de là ma question. Vous dites que vous ne voulez pas prendre position en faveur des produits génériques.
Oui, monsieur Soulière. J'aurai ensuite une autre question plus technique au sujet d'un des mémoires.
M. Soulière: Dans votre présentation, il vous manque certains éléments. Premièrement, concernant le coût des médicaments, nous recommandons dans notre mémoire que le système soit équitable. Qui nous dit que 20 ans, c'est une bonne période de protection? Cela nous semble très long.
Si vous permettiez aux producteurs de génériques de copier les médicaments après un certain nombre d'années, de les vendre et de verser aux initiateurs une somme d'argent qui compenserait pour la recherche, cela réduirait peut-être le coût des médicaments. Un des enjeux est la période de protection additionnelle de 30 mois, qu'on obtient seulement en faisant appel. Cela déplaît aux gens. Ce sont 30 mois de protection qui ne coûtent rien aux manufacturiers.
Vous posez des questions assez techniques auxquelles sauraient mieux répondre des personnes qui sont du domaine. Nous recevons toutes sortes de statistiques et de déclarations des deux côtés. Il y a toutes sortes de déclarations politiques qui se contredisent, même au sein d'un même parti. C'est un peu difficile pour les personnes... Ce qui compte pour les aînés, qu'on l'accepte ou non, c'est que les médicaments leur coûtent plus cher dans un système qui n'est pas équitable pour tout le monde. Ce sont, je pense, les recommandations qui ont été faites autour de la table.
M. Pierre Brien: J'aimerais vous poser une question sur un des points que vous avez mentionnés parce que vous faites quand même beaucoup d'affirmations dans vos documents, dont celle que vous venez de faire sur l'appel automatique de la période de 30 mois. Je vous comprends, car nous avons le même problème. Nous sommes vis-à-vis d'arguments totalement contradictoires d'un côté comme de l'autre. On est un peu comme un groupe de juges qui auraient à trancher à la fin du processus. Les mêmes pressions ont été exercées sur vous, j'en suis convaincu.
Vous parlez d'une période de 30 mois accordée automatiquement à la suite d'un appel. J'aimerais vous expliquer qu'ici au Canada, on permet que les génériques soient produits avant l'expiration du brevet. Il y a deux pays qui le permettent: le Canada et les États-Unis.
Donc, quand on interjette appel par rapport aux 30 mois, deux processus parallèles commencent: l'approbation du médicament générique par Santé Canada et les délais des débats devant les tribunaux, qui durent en moyenne 26 mois. Le processus d'approbation est plus court. Donc, il n'y a pas de perte pour les consommateurs puisqu'ils n'auraient pas accès de toute façon à ces médicaments qui n'ont pas encore été approuvés par Santé Canada.
C'est un des arguments qui sont avancés par le secteur des produits génériques et qu'on retrouve dans votre présentation. Vous venez de me le réaffirmer. Est-ce que vous étiez conscients de cet enjeu? Est-ce que vous aviez eu ces informations?
M. Soulière: Nous en étions plus ou moins conscients. Nous étions conscients du délai assez marqué entre le moment de l'appel et le moment où la Cour fédérale peut examiner la cause. Oui, nous étions au courant de cela. Nous sommes au courant aussi des enjeux.
Comme je le disais, nous ne sommes pas des experts dans le domaine des médicaments. C'est pourquoi on vous recommande de consulter les experts avant de jouer le rôle important qui est le vôtre et de prendre vos décisions.
Les recommandations que nous avons faites ont pour but de garantir que le système est équitable pour tout le monde, mais surtout pour les citoyens, surtout pour ceux qui ne sont pas capables d'assumer des coûts additionnels de 13 ou 15 p. 100 chaque année.
M. Pierre Brien: Une dernière question rapide, monsieur le président. Il y a des choses qui nous ont été proposées mais qui ne nous ont pas encore été expliquées.
Vous représentez des groupes de retraités pour la plupart et vous dites souvent qu'il faudrait qu'il y ait plus d'information disponible sur les médicaments. Avez-vous en tête quelque chose de particulier, des suggestions à faire sur ce plan? Quel genre d'information devrait être rendue disponible et de quelle façon devrait-elle l'être pour que vos membres, les consommateurs en fin de compte, puissent faire des choix plus éclairés? Quand vous faites allusion à cela dans vos mémoires, à quoi pensez-vous particulièrement?
M. Soulière: Je vais vous donner un exemple de la façon dont fonctionne notre plan de santé, qui est le plan de santé de la Fonction publique aussi disponible pour les personnes retraitées de la Fonction publique. Il y a maintenant une règle qui s'applique; la personne doit prendre le médicament générique s'il est disponible. Donc, selon ce système, on consulte le médecin et on l'avertit de recommander un médicament générique à moins qu'un autre soit absolument essentiel.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Madame Eady, je vous reviens dans une minute. Je veux passer à la ronde de questions suivantes.
Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield (Cariboo - Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je tiens d'abord à vous remercier beaucoup de votre exposé. Je comprends que vous parlez au nom de vos membres et que vous êtes ici pour nous faire part des préoccupations qu'ils vous ont exprimées et que vous nous transmettez en toute sincérité.
Peut-être comprenez-vous un peu mieux certaines des difficultés que nous, en tant que comité, avons lorsque nous entendons les gens défendre des intérêts divers. Je tiens à vous dire, au moment où je m'apprête à poser quelques questions, que je ne prétends pas être un expert. Ce que je souhaite le plus au sein du comité, c'est de trouver une solution qui soit équitable pour tout le monde, et je suis sûr que vous partagez mon point de vue.
Cela est difficile, cependant, lorsqu'on entend les représentants des sociétés des deux côtés dire qu'ils doivent avoir une certaine base et certaines conditions, et que s'ils ne les ont pas, sur le marché mondial, ces entreprises ne pourront pas résister. Ce sont les arguments que j'entends, et je vous entends dire clairement que les consommateurs doivent disposer des produits dont ils ont besoin et être capables de les payer.
Non seulement vous aujourd'hui, mais d'autres groupes qui ont comparu devant le comité, avez parlé de «prescription excessive». J'aimerais vraiment comprendre pourquoi cette expression a été mentionnée dans la conversation au moment où nous examinons la Loi sur les brevets.
Je crois comprendre ce que veut dire la prescription excessive. Je sais que des personnes souffrent de deux ou trois maladies et qu'elles doivent prendre un médicament pour ceci, un médicament pour cela et un autre médicament pour quelque chose d'autre, et que la combinaison de toutes ces substances ne semble pas être très recommandable pour la personne.
Je me demande en quoi vous vous attendez à ce que notre comité traite de la question de la prescription excessive qui, d'après ce que je sais, relève fondamentalement du patient, de la famille du patient et du médecin qui prescrit les médicaments. Pouvez-vous me dire pourquoi nous parlons de prescription excessive?
M. Mutch: À vrai dire, la prescription excessive n'est pas en réalité une question qui est du ressort de votre comité, mais elle a été soulevée. L'Association canadienne de l'industrie du médicament essaie de faire croire que si le coût des médicaments augmente, c'est à cause des gens, particulièrement des personnes âgées, qui prennent trop de médicaments.
Les personnes âgées ne prennent pas de médicaments qui ne leur sont pas prescrits par des médecins, ça c'est une chose. Quant aux sociétés pharmaceutiques qui invoquent cet argument, elles veulent détourner l'attention du véritable problème qu'est la protection des brevets.
Tout juste hier, j'ai reçu par la poste de Mme Erola une étude, effectuée au nom des sociétés pharmaceutiques, qui impute vraiment le blâme pour le problème en question à la prescription excessive. Je ne crois pas que vous devriez accepter cela comme étant un problème fondamental.
M. Philip Mayfield: Est-ce là une réponse sur laquelle vous êtes tous d'accord en général?
Des voix: Oui.
M. Philip Mayfield: D'après ce que je comprends, je vais laisser les choses là où elles en sont.
En ce qui concerne le brevet lui-même et sa durée, nous avons entendu les fabricants de médicaments brevetés parler des difficultés qu'ils ont au sujet des violations de leurs brevets, de la difficulté de faire respecter les brevets en vertu de la loi canadienne. Selon eux, ils ont la vie plus facile aux États-Unis.
Nous avons également entendu les fabricants de médicaments génériques parler du manque d'équité en ce qui concerne cette injonction de 30 mois.
Je me demande si vous avez des idées ou des propositions précises sur ce qui serait une façon équitable de régler ce dilemme.
[Français]
Mme Bérubé: Je crois que la durée de 20 ans est beaucoup trop longue pour les nouveaux médicaments. Il ne faut sans doute pas autant de temps pour faire des expériences et des essais. Dire qu'il faut absolument 20 ans et même plus du côté des médicaments brevetés, c'est exagéré. Il faudrait que la protection soit moins longue parce que le principe de base doit être qu'il ne faut pas que ces médicaments coûtent si cher aux consommateurs, surtout aux personnes âgées.
Je vais parler pour le Québec. Maintenant, au Québec, les personnes âgées sont obligées de payer 25 p. 100 du prix de leurs médicaments. Alors, plus le médicament coûte cher, plus les personnes âgées doivent débourser de leur propre argent. Donc, si on veut que le consommateur soit protégé, il faut mettre une barrière à un moment donné afin que les entreprises pharmaceutiques ne fassent pas de profits éhontés sur notre dos.
[Traduction]
M. Philip Mayfield: Les sociétés pharmaceutiques ont dit à notre comité qu'en réalité, même si elles jouissent d'une protection de brevet de 20 ans, la période au cours de laquelle elles sont en mesure de commercialiser leurs médicaments est beaucoup moins longue. Certaines ont dit qu'elles n'avaient peut-être que 8 ou 10 ans pendant cette période de 20 ans au cours desquels elles disposent d'une licence pour commercialiser le médicament et que, en réalité, cette période n'est pas suffisamment longue pour leur permettre de recouvrer leurs coûts et de faire un profit raisonnable sur les produits qu'elles ont fabriqués.
À vrai dire, les sociétés pharmaceutiques ont comparé leur situation à d'autres pays, et elles disent qu'en prolongeant cette période pour les médicaments qui sont plus longs à mettre au point, il faudrait peut-être leur accorder 14 ans au lieu de 10 ans de protection pendant que le produit est sur le marché, ce qui voudrait dire une prolongation de 20 à 24 ans.
Je sais que ce n'est probablement pas ce que vous voulez entendre, mais à votre avis, quelle serait une période de protection équitable pour permettre à un fabricant de médicament breveté de voir son produit protégé sur le marché?
[Français]
Mme Bérubé: Je ne sais pas combien de temps. Mais vous ici, qui êtes les élus du peuple, vous devez représenter le peuple et non pas les entreprises qui font de l'argent. Nous vous disons que les médicaments coûtent trop cher. C'est à vous de penser comment encadrer l'industrie pharmaceutique pour que les consommateurs, les gens qui vous élisent, paient moins cher. C'est ce qu'on vous dit. C'est le message qu'on vous donne.
[Traduction]
Des voix: Bravo, bravo!
Le président: M. Mayfield a presque épuisé son temps de parole, mais je vais accepter deux autres interventions.
M. Soulière, suivi de M. Mutch.
M. Soulière: Je comprends votre argumentation et la difficulté à laquelle vous ferez face, mais je ne crois pas que vous puissiez demander aux gens de nos associations si une protection de 10 ans ou de 14 ans est trop longue ou trop courte. Le fait est que depuis que cette protection des brevets est entrée en vigueur, on a constaté d'importantes augmentations du coût des médicaments. Comme l'étude de M. Mutch l'indique, le Canada était le pays où le prix des médicaments était le moins élevé, mais nous figurons maintenant parmi les pays où le prix est le plus haut.
Deuxième point que nous soulevons, les fabricants de médicaments vous disent qu'il est plus facile d'obtenir un brevet aux États-Unis ou ailleurs que cela ne l'est au Canada. Je me demande ce qu'ils disent lorsqu'ils vont faire leurs observations aux États-Unis. Qui peut dire qu'ils n'invoquent pas les mêmes arguments? Ce sont des multinationales. Ces gens-là savent quoi dire et savent comment présenter leurs arguments aux divers politiciens. Ils disent peut-être exactement la même chose aux États-Unis, que c'est plus facile d'obtenir un brevet au Canada. Je vérifierais avant de prendre une décision.
Je crois également comprendre que si un brevet est accordé aux États-Unis, il devient automatiquement officiel au Canada. C'est ce que je comprends. Si l'on adopte un brevet dans l'un ou l'autre des pays, l'autre le respecte automatiquement. Ai-je raison?
Le président: Je ne crois pas que ce soit juste.
M. Soulière: J'ai mal compris donc.
L'autre point que vous soulevez, c'est le temps qu'il faut compter entre l'établissement d'un brevet et l'acceptation par le ministère de la Santé pour commercialiser un médicament. D'après ce que vous comprenez, peut-être que pour mettre un produit sur le marché le plus tôt possible, il devrait y avoir un examen simultané du médicament par Santé Canada et par le bureau des brevets. Au lieu d'attendre que le bureau des brevets ait fini son travail, ce qui peut prendre de deux à trois ans, et ensuite soumettre le médicament à Santé Canada pour voir s'il est bon pour les Canadiens, le processus devrait se faire en même temps. C'est là une mesure administrative qui pourrait peut-être réduire les coûts.
Le président: Merci beaucoup.
Un bref commentaire de M. Mutch, s'il vous plaît?
M. Mutch: Monsieur le président, je m'excuse, mais pour prendre mon train, je dois quitter dans quelques minutes. J'aimerais vous répondre, cependant, monsieur.
D'après ce que vous nous demandez, je sens une résistance de votre part à modifier le projet de loi afin qu'il protège les Canadiens. Il me semble que lorsque vous... je n'ai pas de mémoire à vous soumettre pour ce qui concerne le prix exigé par les fabricants, mais je crois que ce prix devrait diminuer.
Aucune de nos organisations ne reçoit de fonds ou de subventions de l'une ou l'autre de ces sociétés pharmaceutiques. Il me semble, cependant, que si vous avez des doutes, vous devriez appuyer une entreprise établie au Canada et appartenant à des Canadiens plutôt qu'une multinationale.
Le président: Merci.
Monsieur Bodnar.
M. Morris Bodnar (Saskatoon - Dundurn, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je n'ai pas d'objection à appuyer une entreprise ou un groupe d'entreprises canadiennes dans la mesure où ces entreprises, pour reprendre les termes de l'un des témoins, «ne flouent pas le public».
J'essaie de faire preuve le plus possible d'objectivité dans mon examen de la situation, mais je pense que d'après l'une des expressions qui a été utilisée, on n'était pas loin de dire que nous ne devrions pas représenter les grandes entreprises, mais bien plutôt le public. Ce sont des gens que nous représentons, mais il faut aussi se rendre compte que le public comprend les aînés, les gens qui travaillent pour ces sociétés, tant les sociétés de médicaments génériques que de médicaments de marque, et le public comprend tout le monde qui vit au Canada et qui est citoyen canadien.
Je voudrais simplement clarifier quelque chose avant de poser ma première question, et il s'agit de certains commentaires qui ont été faits par le premier ministre actuel avant les dernières élections. Certains ont lancé des commentaires, de sorte que j'aimerais vous signaler une observation tirée d'un journal du 5 décembre 1992 où on disait:
- Le chef libéral Jean Chrétien dit qu'il est opposé au projet de loi du gouvernement visant à
prolonger la période de brevet pour les médicaments d'ordonnance, mais il ne peut pas
promettre d'abroger le projet de loi s'il devient premier ministre.
- Il n'a donc pas promis d'abroger le projet de loi.
On poursuit en disant:
- Mais, signalant que l'Accord de libre-échange nord-américain que l'on se propose d'adopter et
l'Accord général sur le commerce et les tarifs, qui est à l'état d'ébauche, exigent l'élimination
des licences obligatoires, M. Chrétien a laissé entendre qu'un gouvernement libéral ne serait
peut-être pas capable de revenir en arrière.
- Autrement dit, il a laissé toute la question complètement ouverte. Je tiens simplement à le
préciser.
- Les Libéraux surveilleront étroitement les effets du projet de loi C-91 sur le système de santé du
Canada, et sur le coût des médicaments pour les Canadiens.
Voici certains des renseignements que j'ai reçus aujourd'hui, et j'ai essayé d'en prendre connaissance rapidement. Ces renseignements viennent de Seniors on Guard for Medicare, et ils portent sur le coût des médicaments de 1975 à 1993, ce coût s'élevant à 8,9 p. 100 du PIB en 1975 et à 15,1 p. 100 en 1993. Le problème que me posent ces chiffres, c'est qu'ils ne sont pas répartis entre l'industrie du médicament générique et celle du médicament breveté. Comme vous le savez probablement très bien, nous n'avons pas compétence sur l'industrie du médicament générique, qui relève complètement des provinces. J'aimerais par conséquent avoir vos commentaires quant à savoir si oui ou non cette industrie devrait être sous les auspices de notre Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés afin que leur prix soit contrôlé, comme c'est le cas des sociétés qui fabriquent des médicaments brevetés. De toute façon, nous n'avons pas de ventilation détaillée.
Deuxièmement, ces renseignements portent sur le pourcentage d'argent qui est dépensé, on ne nous dit pas quel est le pourcentage d'augmentation des prix. Autrement dit, il ne faut pas confondre coûts et prix, les premiers pouvant grimper à cause de l'augmentation des ventes, même si les prix peuvent avoir diminué. Donc, je n'ai pas de ventilation de cela non plus. C'est le genre de renseignements que j'aimerais avoir, mais je ne les ai pas. Je me demande si vous avez ces renseignements, et si oui, pouvez-vous nous les donner?
Le président: Est-ce que vous adressez votre question à M. Soulière?
M. Morris Bodnar: Non, à la dame qui a présenté le mémoire pour Seniors on Guard for Medicare.
Le président: Madame Eady, voulez-vous faire un commentaire?
Mme Eady: Oui. Nous avons essayé de présenter un mémoire court, mais oui, nous avons une partie de ces renseignements et je me ferai un plaisir de les soumettre au comité.
M. Morris Bodnar: Si vous pouviez les donner au greffier, nous pourrions les distribuer à tout le monde.
Mme Eady: Certainement, mais j'aimerais également que mon collègue donne un exemple personnel des répercussions des coûts.
M. Romeo Maione (directeur, Seniors on Guard for Medicare): Je pense que le gouvernement fédéral pourrait obtenir facilement ces statistiques simplement en communiquant avec les gouvernements provinciaux. On exige tout simplement trop de nous, qui travaillons dans ce domaine, en nous demandant de faire un travail dont le gouvernement devrait se charger.
M. Morris Bodnar: Monsieur, je ne vous ai jamais demandé d'obtenir l'information pour moi. Je vous ai demandé si vous pouviez nous la donner si vous l'avez. Si vous ne l'avez pas, dites-le-nous, et nous l'obtiendrons ailleurs.
M. Maione: Nous avions compris que vous vouliez que nous vous donnions l'information.
M. Morris Bodnar: Aussi, dans votre mémoire, vous dites «qu'au cours des dernières années, nous n'avons pas assisté à une amélioration mais à une érosion du système de soins de santé à cause du sous-financement», etc. Le Forum national sur la santé dit que notre système de soins de santé n'est pas sous-financé, mais qu'il est simplement mal géré. Que pensez-vous de cette observation?
Mme Eady: Je pense que la question devient... On assiste à de nombreuses restructurations dans tout le pays. Beaucoup de citoyens estiment que les services qu'ils avaient l'habitude d'avoir ne sont plus offerts. Ce n'est pas toujours clair pour le public. Nous sommes des bénévoles au sein de notre organisation, et nous consacrons notre temps à essayer de comprendre ce qui se passe.
Je pense qu'il y a sous-financement en ce qui a trait à l'augmentation des coûts. Les provinces reçoivent moins, elles touchent peut-être les mêmes montants, mais les crédits ne sont peut-être pas accordés pour les mêmes fins. Autrement dit, le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux vient changer la façon dont nombre de programmes sociaux au Canada sont financés.
On ferme des lits dans les hôpitaux de tout le pays, et je pense que c'est là une préoccupation pour notre organisation. Si le système n'est pas modifié - et nous sommes certainement en faveur de changements réfléchis. Ce qui nous inquiète, c'est que nombre de ces changements, particulièrement ceux qui se produisent dans la province actuellement, n'ont pas été évalués quant à leurs conséquences à long terme.
M. Morris Bodnar: L'un des problèmes - et là encore je parle par expérience personnelle - plus que toute autre chose, c'est l'établissement des prix. Il me semble que chaque fois qu'on achète un médicament ou qu'on obtient une nouvelle ordonnance, le prix du médicament semble plus élevé. C'est mon expérience. Pourtant, d'après certains renseignements que nous avons sur les médicaments brevetés, leur prix a baissé au cours des deux dernières années.
Et ensuite, je me rends compte que même si j'ai besoin de mon médicament de façon permanente, sur une base annuelle, et que mon ordonnance vaut pour toute l'année, elle est répartie en 12 éléments de sorte que 12 ordonnances me sont données, et que je dois payer des frais d'ordonnance chaque fois. Ces frais d'ordonnance représentent à eux seuls 25 p. 100 du coût de mes médicaments, seulement les frais d'ordonnance.
Là encore, ce n'est pas une question qui relève de notre compétence. Mais de la compétence des provinces exclusivement. Cela n'est pas une chose pour laquelle on peut blâmer les fabricants de médicaments génériques parce que j'utilise un médicament générique. Je ne veux pas du tout blâmer Apotex pour le prix en particulier ni toute autre entreprise. C'est là une question de réglementation provinciale.
Je demande donc à tous ceux qui veulent répondre, en ce qui concerne les médicaments génériques plus particulièrement - et j'en ai déjà parlé - croyez-vous que le prix des médicaments génériques ou le prix des médicaments en général devrait être réglementé par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ou par un organisme semblable? Quelqu'un veut-il faire un commentaire?
Le président: Est-ce que vous y avez réfléchi?
Monsieur Soulière.
M. Soulière: Je vais vous donner une solution à votre problème de frais d'ordonnance payés12 fois. Il y a toutes sortes de façons de le contourner. Premièrement, cela dépend de votre pharmacie, mais vous pourriez probablement... et vous payez probablement plus de 7$ par ordonnance. Dans certaines des pharmacies comme... je ne donnerai pas de noms ici parce que je ne veux pas faire de publicité, mais on vous demande à peine 3$ pour les frais d'ordonnance. Vous pouvez aussi commander vos médicaments par la poste. Si vous devez prendre un médicament en permanence, on vous le livrera une fois par mois ou tous les trois mois et on ne vous demandera des frais d'ordonnance qu'une fois. Il y a des façons de contourner le problème. Si les Canadiens étaient plus informés au sujet des économies qu'ils peuvent faire, les coûts diminueraient.
Quant à savoir qui devrait faire quoi, c'est toujours la même question au Canada. Vous posez là une question qui est plus que fondamentale. Pour la personne à la retraite qui dispose d'un revenu fixe, cela n'a pas d'importance. Quelque part, un jour, il faudra examiner la situation des soins de santé dans son ensemble et non seulement à la pièce pour voir qui doit faire quoi. Si vous voulez permettre à la personne qui a besoin du médicament de faire des économies, et si nous voulons protéger notre système de soins de santé, tout le monde doit se donner la main. Peu importe d'où vient la protection, ce pourrait être un processus collectif.
Dans notre mémoire, nous recommandons que le prix de tous les médicaments soit examiné par un organisme, parce que nous ne croyons pas qu'il s'agit d'une décision politique. C'est une décision qui concerne notre système de soins de santé. Bien sûr, lorsque vous envisagez le problème de cette façon, les politiques doivent se donner la main et faire en sorte qu'un système soit établi qui permette aux aînés de réaliser des économies.
Le président: M. David Woodsworth.
M. David Woodsworth (président, Comité des politiques sociales, Coalition des aînées et aînés du Québec): Dans son mémoire, la Coalition des aîné(e)s du Québec a essayé de ne pas prendre position ni pour les fabricants de médicaments génériques ni pour les fabricants de médicaments brevetés. Mais nous croyons qu'il faudrait élargir les pouvoirs du Conseil d'examen des prix. Nous avons fait cette recommandation tant en ce qui concerne le contrôle et la limitation des prix qu'en ce qui touche l'élargissement des pouvoirs du Conseil, afin d'assurer la qualité et l'utilisation des médicaments.
L'un des éléments majeurs à propos duquel quelqu'un a posé une question, c'est la prescription excessive. Il ne s'agit pas seulement de cela, mais de mauvaises prescriptions, du mauvais usage des médicaments et de la mauvaise information qu'on donne. Manifestement, le besoin est là, qu'il s'agisse du Conseil d'examen des prix ou du ministère de la Santé, je n'en suis pas certain. Je pense qu'il faudrait exiger, pour que des brevets puissent être maintenus ou accordés, une certaine assurance que les intéressés seront bien renseignés sur les motifs pour lesquels un médicament est prescrit, sur les fins auxquelles il doit être utilisé et sur les dangers que peut comporter une mauvaise utilisation, parce que d'après nos chiffres, environ 25 p. 100 des personnes âgées qui sont admises à l'hôpital le sont parce qu'elles ont mal utilisé leurs médicaments. Je pense que c'est là un problème de coût très grave pour le particulier et pour l'État.
Je ne connais donc pas en détail les pouvoirs du Conseil d'examen des prix, mais je pense que nous devrions envisager la possibilité d'établir en matière de brevets un certain lien avec, non seulement les coûts, mais aussi le contrôle de la qualité.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Woodsworth.
Je cède maintenant la parole à M. Ménard et à M. Murray. M. Lastewka a levé la main. Monsieur Mayfield, vouliez-vous ajouter quelque chose? Je pense qu'ensuite la sonnerie se fera entendre, et nous prendrons une décision à ce moment-là.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga - Maisonneuve, BQ): Merci beaucoup d'être ici.
J'ai la même opinion concernant deux aspects. Il faudrait tout d'abord, tant du côté du médicament d'origine que du côté du médicament générique, questionner les profits et les pratiques des multinationales. Il ne faut certainement pas verser dans la facilité, et je pense que vous avez raison de vous en préoccuper.
Vous avez également raison de souhaiter qu'il y ait une campagne concernant la surconsommation de médicaments. Je pense que c'est très honorable de votre part de vous préoccuper.
Je vais maintenant poser mes quatre questions. La première concerne l'ACIM, qui a publié dans les journaux une lettre dans laquelle elle disait qu'elle faisait des campagnes pour inviter les gens, particulièrement les aînés, à modérer leur consommation de médicaments. Est-ce que vous croyez que c'est une pratique courante? Avez-vous été associés à cette campagne? Êtes-vous au courant de cette façon de faire? N'avez-vous pas également le sentiment que depuis quelques années, on assiste, de la part de certains fabricants en tout cas, à une prise de conscience selon laquelle, finalement, personne ne sort gagnant d'une consommation abusive des médicaments? C'est ma première question.
Si vous êtes d'accord, je vais poser mes autres questions tout de suite en essayant d'être clair et concis.
Deuxièmement, vous êtes très critiques envers le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés et on a raison de l'être. Par ailleurs, j'avoue qu'il serait intéressant que vous puissiez nous fournir des données. Ce n'est pas par paresse que je vous les demande, mais nous avons le sentiment que le Conseil peut nous aider. En fait, le Conseil nous a dit qu'en comparant le Canada et d'autres pays industrialisés, on voit que l'évolution du coût des médicaments est beaucoup moins prononcée au Canada qu'ailleurs. C'est une chose qui a été chiffrée mathématiquement par le Conseil. Je sais que personne parmi nous n'a l'expertise technique pour le faire sur une base individuelle, mais si vous aviez d'autres références qui donneraient à penser que ce n'est pas fondé, vous rendriez un service au comité en nous les faisant partager.
Troisièmement...
Le président: Il reste seulement deux minutes. Voulez-vous la question ou la réponse? C'est votre choix.
M. Réal Ménard: Il ne me reste qu'une question. Le premier témoin nous a parlé de limiter la publicité des fabricants. Je trouve ça intéressant, mais je voudrais que vous nous expliquiez pourquoi vous avez des griefs envers la publicité des fabricants, que vous jugez excessive. Pouvez-vous nous en parler davantage?
J'ai fini, monsieur le président.
[Traduction]
Mme Delahanty: Je pense que l'un des problèmes que vous soulevez, la prescription excessive et la publicité, devrait être exposé au corps médical. Nous prenons simplement les médicaments qu'on nous prescrit. Nous n'avons pas idée de ce qu'ils sont. Ce sont les médecins qui ne doivent pas faire de prescription excessive. Qui d'autre? Les gens prennent des médicaments parce qu'on les leur prescrit. Ils ne comprennent pas toujours l'équilibre entre les divers médicaments. Nous ne comprenons pas toujours. Nous ne sommes pas stupides, mais nous prenons ce que notre médecin nous dit de prendre.
Donc c'est le médecin qui devrait recevoir la publicité. Cette publicité vient de toutes parts, des fabricants de médicaments génériques et de médicaments de marque... Les médecins acceptent ce qui leur paraît bien et nous le prescrivent. Comme je le dis, nous ne sommes pas des consommateurs à cet égard.
[Français]
M. Réal Ménard: Ma question était de savoir si vous pensez que l'ACIM et certains de ses représentants ont pris conscience de la surconsommation de médicaments et veulent vraiment la freiner. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a une responsabilité de la part du médecin, mais je connais des aînés qui n'acceptent pas les avis, cela même dans ma famille. Il ne faut pas être naïf et il faut savoir qu'il y a des aînés qui réclament des médicaments. Personne ne force qui que ce soit à prendre des pilules.
Il y a certainement une responsabilité collective des médecins et des fabricants, mais il y en a aussi une de la part du consommateur.
Mme Lecompte: Nous sommes conscients des efforts que fait l'ACIM. Nous avons effectivement lu ses documents et visionné la vidéocassette qu'elle a produite. Nous allons d'ailleurs la faire circuler dans nos sections. Je dois dire qu'effectivement, cette vidéocassette ne vise ni la sous-consommation ni la surconsommation mais une consommation adéquate, une consommation pertinente. Je pense que ceci est positif et témoigne vraiment d'une préoccupation, de la part de l'ACIM, d'éviter tant la sous-consommation que la surconsommation.
J'aimerais revenir sur ce que madame vient de dire. On ne peut pas parler de médicaments sans parler de santé et on on peut pas parler de santé sans parler de pratiques médicales. C'est la raison pour laquelle, quand vous parlez de surconsommation, on vous conseille de parler aussi de surprescription.
[Traduction]
Le président: Je cède la parole à M. Woodsworth pour un dernier commentaire à ce sujet. Merci beaucoup, monsieur Ménard.
M. Woodsworth: Nous avons parlé de la nécessité d'imposer une limite à la publicité. Je pense qu'il est tout à fait vrai que certaines des sociétés collaboreraient dans une certaine mesure pour limiter leur publicité, mais dans l'ensemble je crois, comme l'a dit quelqu'un, que ces entreprises sont là pour faire de l'argent et qu'on ne peut pas s'attendre à ce qu'elles restreignent trop leurs activités à cet égard.
C'est pour cette raison que nous avons tracé un parallèle avec l'industrie du tabac. Le gouvernement a adopté une position assez rigoureuse en ce qui concerne l'utilisation du tabac pour des raisons évidentes.
À notre avis, la même situation existe en ce qui concerne le mauvais usage des médicaments, et les sociétés ne devraient pas être laissées libres de faire leur publicité, compte tenu de l'ignorance du public au sujet des conséquences de l'usage des médicaments. Par conséquent, nous croyons qu'il y a place pour l'intervention du gouvernement, que ce soit par le biais du Conseil d'examen des prix ou d'un autre organisme, pour limiter la nature de la publicité sur les médicaments.
Le président: Merci.
Monsieur Murray.
M. Ian Murray (Lanark - Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président. Certains des témoins ont fait des affirmations plutôt osées cet après-midi. Je suis désolé que M. Mutch ait dû partir, mais peut-être que s'il lit le compte rendu plus tard, il verra que l'une de ses déclarations m'a préoccupé, c'était... Il parlait du système qui était saigné à blanc par le prix élevé des médicaments de marque. Je crois qu'il a parlé d'augmentations de 10 à 12 p. 100 par an. Mais en réalité, comme nous l'a dit le CEPMB, le prix des médicaments de marque a diminué, à tout le moins au cours des deux à trois dernières années. Et si vous regardez la situation des quatre dernières années, la croissance annuelle des ventes de médicaments génériques a été de 26,4 p. 100 alors que celle des ventes de médicaments de marque a été de 1 p. 100. Je me suis dit qu'il fallait que j'en parle. Peut-êtreM. Mutch voudra-t-il lire le compte rendu et me répondre à un moment donné.
Madame Delahanty, vous avez dit que la preuve indique que les activités des sociétés qui fabriquent des médicaments génériques sont les plus avantageuses pour les intérêts du Canada.
Mme Delahanty: Les intérêts internes.
M. Ian Murray: Oui. Eh bien, les intérêts du Canada.
J'aimerais savoir ce que vous connaissez de la rentabilité des fabricants de médicaments génériques.
Mme Delahanty: C'est ce qu'on m'a dit.
M. Ian Murray: Et c'est quoi?
Mme Delahanty: Que les profits sont très élevés, mais pas autant que ceux des fabricants de médicaments de marque parce qu'on les retient. Je n'en sais pas beaucoup plus.
M. Ian Murray: Je suis désolé. Qui retient-on?
Mme Delahanty: Ils ne peuvent pas faire autant de profits à cause des médicaments de marque.
M. Ian Murray: Même si les médicaments de marque sont réglementés et que les médicaments génériques ne le sont pas?
Mme Delahanty: Oui.
M. Ian Murray: C'est intéressant. Dans le même ordre d'idée, madame Lecompte, vous avez dit que les profits vont aux sociétés pharmaceutiques qui sont milliardaires.
Est-ce que vous savez combien les propriétaires ou les actionnaires des sociétés qui fabriquent des médicaments génériques reçoivent?
[Français]
Mme Lecompte: Je vous répondrai en vous parlant des niveaux de profit des industries pharmaceutiques canadiennes. Alors que le niveau moyen des profits des industries canadiennes chutait jusqu'à 5,4 p. 100, les profits de l'industrie pharmaceutique ne sont jamais tombés en bas de 30 p. 100. Les compagnies pharmaceutiques semblent avoir été à l'abri de la récession.
Je ne peux pas répondre par un chiffre à la question que vous me posez, mais je pense que si, partout au Canada, les profits des industries ont baissé jusqu'à 5,4 p. 100 alors que les profits de l'industrie pharmaceutique n'ont jamais baissé au-dessous de 30 p. 100, il ne faut pas s'apitoyer sur la situation financière de cette industrie.
[Traduction]
M. Ian Murray: Là encore, vous dites que ce sont les sociétés pharmaceutiques qui font d'énormes profits quand vous ne connaissez pas les faits au sujet des fabricants de médicaments génériques.
[Français]
Mme Lecompte: Je peux vous répondre tout de suite aussi bien pour les médicaments génériques que pour les médicaments brevetés. Quand ces compagnies vous parlent de profits raisonnables, est-ce qu'elles vous donnent des chiffres? Qu'est-ce que cela veut dire pour ces compagnies, des profits raisonnables? Je ne pense pas que les consommateurs et les compagnies pharmaceutiques aient la même conception de ce terme.
Nous sommes bien d'accord sur le fait que ces compagnies doivent faire des profits, mais je suis sûre que ce qui leur paraît raisonnable nous semble certainement excessif.
[Traduction]
Le président: Monsieur Maione, voulez-vous intervenir?
M. Maione: Au sujet de la prescription excessive...
M. Ian Murray: Je ne parlais pas de cela.
M. Maione: J'aimerais simplement dire aux membres du comité qu'ils devraient lire ce document que j'ai reçu...
Le président: Vous pouvez le déposer...
M. Maione: ...il y a deux jours. C'est le seul exemplaire que j'ai. Je ne veux pas m'en défaire.
Le président: Le greffier en fera des copies immédiatement.
M. Maione: C'est un document qui vient du gouvernement, de notre gouvernement, sur le Régime de soins de santé de la fonction publique dans lequel on dit que des changements sont imminents.
Le président: Monsieur, nous...
M. Maione: Ce document porte sur la question essentielle. Est-ce que le projet de loi C-91 a fait augmenter le coût des médicaments au Canada? Le gouvernement me dit - le Conseil du Trésor dit:
- Le Conseil d'administration du RSSFP a adopté des mesures immédiates pour parer aux
répercussions financières importantes qu'ont eues la hausse constante du prix des médicaments
d'ordonnance et la modification des régimes de santé provinciaux, lesquelles se sont traduites
par un transfert considérable des coûts de soins de santé pour les régimes privés.
C'est là une augmentation de 50 p. 100. Pourquoi? À cause de l'augmentation des coûts. C'est ce que dit le Conseil du Trésor. Je ne le saurais peut-être même pas.
Enfin - une autre petite chose - on dit:
- ...il faut parler à votre médecin et à votre pharmacien de la possibilité d'utiliser le médicament
de rechange le moins cher...ou un médicament générique...
- On dit également qu'il faut comparer pour trouver les frais d'ordonnance les plus bas.
Le président: Merci, monsieur.
M. Maione: J'aimerais que vous demandiez au RSSFP de répondre à cela, parce que je pense que c'est un élément essentiel. D'une part, on vous enlève quelque chose, et d'autre part, on essaie de vous le redonner.
Le président: Nous entendrons ensuite M. Mayfield, M. Lastewka et M. MacDonald. Le vote aura lieu dans 12 minutes ou à peu près. Agissez en conséquence. Je vous demande de faire preuve de collaboration, si vous n'y voyez pas d'objection.
M. Philip Mayfield: Je suis désolé lorsque j'entends quelqu'un comme M. Mutch - et j'aimerais qu'il soit ici pour entendre ce que j'ai à dire - affirmer que je prends position. Mon intention est d'essayer, avec mes collègues du comité, de voir le plus clairement possible ce que serait une solution raisonnable et équitable à ce problème.
Le problème, d'après ce que je comprends, porte sur la durée du brevet que nous examinons. Ce qui m'inquiète, quand je parle d'équité pour tout le monde...c'est bien de dire que les sociétés font assez d'argent. Ce qui m'inquiète, c'est la nécessité d'avoir des médicaments pour remplacer les antibiotiques qui ne sont pas efficaces contre certaines des maladies mutantes qui nous assaillent. Je suis conscient du coût du sida, je suis conscient des choses qui se produisent lors des transplantations et des médicaments qui sont nécessaires.
Il y a plein de place pour l'exploration, et quelqu'un doit payer pour cela. Je ne pense pas que nous puissions simplement blâmer les sociétés pharmaceutiques parce qu'elles offrent un service dont nous avons besoin. Je serais très déçu de voir ces entreprises dont nous dépendons quitter notre pays et dire qu'elles ne peuvent plus faire de profits ici, si bien qu'elles doivent déménager ailleurs.
Je comprends ce que vous dites. Ces sociétés ne votent pas pour moi non plus. Ceux qui votent pour moi, ce sont mes électeurs, et ils ont les mêmes préoccupations que vous. Croyez-moi, j'essaie vraiment de faire preuve ici d'équité. Vous êtes venus ici pour parler d'un problème assez technique et complexe. Quand je vous pose des questions, vous dites que je dois me faire une idée. Vous êtes ici pour m'aider et aider le comité à se faire une idée sur cette question.
J'aimerais maintenant aborder le problème de la durée du brevet. Je veux en parler avec vous et je veux que vous y pensiez. Ma famille compte suffisamment de personnes âgées pour savoir que ces gens ont beaucoup à offrir. J'attends la même chose de vous.
Le problème, d'après la façon dont je le comprends, est que le système juridique du Canada a placé des sociétés dans une position telle qu'elles ne sont pas capables de régler leurs difficultés. L'actuel gouvernement libéral ou le prochain gouvernement changeront-ils les choses? Je ne le sais pas; je ne siège pas parmi les ministériels. Mais je veux vraiment savoir comment nous pouvons envisager le problème et en venir à une décision équitable. Tout le monde sait, et c'est à cela que nous devons en venir, que chacun sort gagnant d'une bonne transaction: les fabricants de médicaments génériques, de médicaments brevetés et les consommateurs, qui sont ceux qui ont besoin de ces médicaments.
Le président: Vous soulevez là un point très intéressant, monsieur Mayfield. Peut-être pourrions-nous demander aux témoins de répondre avant que votre temps de parole ne soit écoulé.
M. Philip Mayfield: Je crois que c'est juste, monsieur le président, merci.
Le président: Madame Eady, je vais commencer avec vous, si vous voulez.
Mme Eady: J'aurais une suggestion à faire rapidement, j'espère. Lorsque j'ai lu le rapport du Forum national sur la santé, il m'a semblé que dans la section concernant cette question, on a fait beaucoup de bonnes recommandations. Il va falloir un certain temps pour éclaircir certains points, et il faudra la collaboration des diverses parties. Le Forum n'offre pas de solution toute faite, mais propose certains principes aux parties qui cherchent une solution à ce problème. Et ce n'est pas seulement le projet de loi C-91. À mon avis, il faudra instaurer d'autres mesures pour que cela fonctionne.
Je pense que les fabricants de médicaments de marque ont beaucoup exagéré la question de la recherche et du développement. S'ils dépensent tout cet argent, je pense qu'il devrait aller dans un fonds, comme on le propose dans le rapport du Forum national, et que cet argent devrait être versé aux universités et aux établissements où la plus grande partie de la recherche initiale se fait. La recherche ne se fait pas dans le laboratoire de la société pharmaceutique. Si les sociétés dépensent tant d'argent, je me suis posé la question, pourquoi ont-elles besoin de 20 ans pour concevoir un autre médicament encore meilleur? Je pense tout simplement que ces entreprises ne dépensent pas l'argent de façon créative, comme elles devraient le faire.
Il faut examiner toutes ces questions, mais je pense que dans le rapport, il y a amplement matière à réflexion. À mon avis, les gens devraient examiner la situation en détail et en discuter avec les parties qui doivent trouver une solution.
Le président: Monsieur Soulière.
M. Soulière: Je comprends votre problème, mais je ne pense pas que vous ayez mis le doigt sur le bon problème. Le hic, ce n'est pas la durée de la protection, la durée du brevet, mais bien l'augmentation du coût des médicaments. Les consommateurs qui paient ces médicaments constatent que depuis 1987, les prix des médicaments ont grimpé. Ils ont grimpé quand la Loi sur les brevets a été modifiée pour prolonger la durée du brevet et lorsqu'on a éliminé les licences obligatoires. C'est ça qu'ils comprennent, peu importe sous quel angle ils examinent le problème. C'est leur expérience.
C'est cela que vous devez étudier et vous demander quelles sont les autres causes de l'augmentation du prix des médicaments. Vous devez voir si c'est la durée du brevet ou la licence. C'est là qu'est votre défi.
Le président: Quelqu'un veut faire un commentaire au sujet du point qu'a soulevéM. Mayfield? Nous entendrons un dernier commentaire, et nous donnerons ensuite la parole àM. Lastewka.
[Français]
Mme Bérubé: En réponse à votre question, je dirais qu'il est exact que nous ne sommes pas des spécialistes. Nous ne pouvons donc pas vraiment juger si une durée de 20 ou 24 ans est suffisante. Mais je pense que nous sommes tous d'accord sur une chose: nous voudrions que les médicaments coûtent moins cher. C'est la première chose.
Il faudra donc trouver un moyen pour que les médicaments ne coûtent pas aussi cher. D'autre part, nous avons besoin, nous les aînés, de plus d'information afin d'être capables de demander au médecin de nous prescrire le médicament le moins cher.
Nous vous demandons donc d'essayer de couper la poire en deux, en donnant des avantages à chacun des fabricants, aux fabricants de produits d'origine et à ceux de produits génériques. Nous disons aussi que les deux doivent continuer à coexister parce que cela donne des emplois à nos enfants et à nos petits-enfants. Nous ne voulons pas, bien sûr, que l'on favorise seulement les compagnies qui produisent des médicaments d'origine. De plus, il faut compter avec les consommateurs que nous sommes.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suis très content de votre dernière observation. Vous répondez à quelques questions que nous nous sommes déjà posées, je suis donc très content que vous souleviez la question.
Je voudrais résumer un certain nombre de points, et s'il me reste du temps, je le partagerai avec mon collège, M. MacDonald.
Mme Heeney nous a parlé très clairement d'un programme d'assurance-médicaments. Je le comprends. D'autres témoins ont parlé des médicaments génériques et de leur examen par le CEPMB. L'une des questions que je voulais poser - et je ne suis pas certain que M. Mayfield ait obtenu réponse à sa question là-dessus - est de savoir si vous avez discuté avec les gouvernements provinciaux de la possibilité de soumettre ce cas au CEPMB. Est-ce que vous avez déjà discuté avec les provinces de la possibilité d'intégrer les fabricants de médicaments génériques à ce programme?
Une voix: Nous n'avons pas eu l'occasion de le faire.
M. Walt Lastewka: Ah non. Est-ce que vous seriez disposés à le faire?
Mme Delahanty: Nous y avons réfléchi un peu, et oui.
M. Walt Lastewka: Je pense qu'on pourrait englober tous les fabricants.
Nous avons entendu l'autre jour des témoins de l'Association canadienne des individus retraités qui représente je crois aux alentours de 270 000 personnes. Leur principal message a été de nous dire qu'ils étaient d'accord pour que les fabricants de médicaments de marque disposent d'une certaine protection de leur brevet, mais ce qui les inquiétait, c'est qu'une fois le brevet disparu, il faudrait mettre un processus moins rigoureux en place afin que les fabricants de médicaments génériques puissent entrer en scène immédiatement une fois le brevet expiré. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce que vous êtes d'accord avec ces gens-là ou non?
M. Woodsworth: Pour ce qui est des chiffres, monsieur le président, je ne crois pas que nous ayons dit que la Coalition des aîné(e)s du Québec représente environ 350 000 membres.
En principe, je pense qu'on peut dire que nous sommes d'accord avec vous au sujet de la position de l'ACIR. C'est difficile de répondre à la question concernant la période, que ce soit 20 ans, 18 ans ou n'importe quelle période. C'est là une question très délicate, et nous hésitons à fixer une limite. En principe, nous sommes d'accord pour dire que les sociétés ont besoin de protection pendant un certain temps, mais que tout cela dépend du facteur coût.
La question de l'intégration, des liens qui existent entre les fabricants de médicaments génériques et les fabricants de médicaments brevetés, nécessite un certain ajustement. Il n'est pas uniquement question d'équité entre les catégories de producteurs, mais aussi de contrôle des coûts. Là encore, en ce qui concerne les coûts, il a été prouvé que les médicaments génériques sont considérablement moins chers que les médicaments brevetés. Quant à savoir pendant combien de temps il faut accorder une protection, c'est discutable, mais nous croyons effectivement qu'il devrait y avoir une meilleure intégration graduelle des fabricants de médicaments génériques qui mettent leurs produits sur le marché.
M. Walt Lastewka: Une dernière question avant de céder la parole à mon collègue.
Les représentants de Seniors on Guard for Medicare ont dit que les sociétés pharmaceutiques consacrent un milliard de dollars par an à la promotion des produits contre seulement 89 millions de dollars à la recherche. Tout ce que j'ai à leur demander, c'est s'ils ont des données à ce sujet et où ils ont obtenu leur information. Cela serait très utile pour nos délibérations.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.
Nous allons céder la parole à M. MacDonald qui posera une ou deux questions, après quoi nous devrons mettre un terme à nos travaux autour de 17 h 30.
M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux d'avoir entendu les témoins d'aujourd'hui. Je commençais à penser que nous assisterions simplement à une bataille de titans entre les fabricants de médicaments génériques et les fabricants de médicaments brevetés. Je suis très satisfait de la teneur des exposés qui ont été faits aujourd'hui parce que vous avez défendu les intérêts que nous sommes sensés protéger d'abord et avant tout, et il s'agit des intérêts du consommateur.
Nous tenons actuellement un débat très difficile. J'ai vécu la même chose lors de l'étude du projet de loi C-91. Je dois vous dire qu'il a été question ici de tous les suspects habituels, comme c'était le cas à l'époque du projet de loi C-91. Mais le comité doit défendre d'abord et avant tout les intérêts du consommateur, et les exposés que j'ai entendus aujourd'hui m'ont démontré jusqu'à un certain point qu'il y en a encore quelques-uns qui se préoccupent des consommateurs.
Je sais une chose cependant - et je poserai quelques questions - , c'est que l'absence de concurrence maintient les prix plus hauts qu'en situation de concurrence. Quand vous parlez de prolonger la période de brevet, et je pense que c'est ce que certains députés du Bloc québécois aimeraient voir... Ils veulent que la période de brevet soit prolongée dans certains cas, même au-delà de ce que prévoyait le projet de loi C-91. C'est ce que l'on appelle le rétablissement de brevet.
Je sais que lorsqu'un produit jouit d'un monopole sur le marché, s'il n'y a pas de concurrence, il faut imposer un régime de réglementation rigoureux pour s'assurer que les prix ne constituent pas une escroquerie, comme l'un des membres du comité l'a dit. Je déplore que le régime actuel, instauré en vertu du projet de loi C-91, n'oblige pas, même par le biais du CEPMB, les fabricants de médicaments, les sociétés de médicaments brevetés, à justifier le prix minimum qu'elles fixent pour les médicaments.
Nous avons posé la question l'autre jour, et les représentants de l'ACIM qui étaient là ont parlé d'une moyenne d'environ 500 millions de dollars. Mais lorsqu'elles soumettent un médicament au CEPMB, les sociétés n'ont pas à justifier leur prix minimum. Elles n'ont qu'à prouver qu'il se situe dans la bonne moyenne de sept autres pays. Est-ce que quelqu'un pourrait faire un commentaire là-dessus quant à savoir s'il est juste pour le CEPMB d'évaluer de cette façon si le prix est équitable ou non?
Le président: Quelqu'un voudrait-il commencer? Quelqu'un voudrait faire un commentaire? Nous ne demandons pas une opinion d'expert, mais simplement une opinion.
M. Maione: Il faudrait peut-être demander aux grandes sociétés pharmaceutiques, si leurs représentants viennent témoigner devant vous, combien d'argent elles dépensent au juste pour renseigner les médecins sur leurs nouveaux médicaments. Nous avons parlé de un milliard de dollars, et je dois dire bien calmement que sur trois médecins, il y en a un qui est un vendeur de drogue. C'est la situation. Ces médecins-là vendent des drogues. Ce sont des drogues légales, mais c'est ce qu'ils font.
Pouvez-vous imaginer le pauvre médecin qui doit aller prendre un repas une fois par mois avec ces gens-là qui vont lui faire la promotion de leurs médicaments, etc.? Si nous voulons mettre un frein à la prescription excessive, tout l'argent qui est consacré à l'information des médecins ne devrait pas être considéré comme une dépense. Autrement dit, les compagnies ne devraient pas pouvoir les déduire de leurs impôts. Je commencerais par contrôler cela. On se retrouverait peut-être ensuite avec un vendeur de drogue sur cinq médecins.
Le président: Monsieur MacDonald, vous voulez faire un dernier commentaire?
M. Ron MacDonald: Oui, j'aimerais entendre l'opinion de quelqu'un à l'avant là.
L'une des choses que nous devons faire, c'est de travailler avec les provinces pour qu'elles établissent des formulaires afin de faire baisser le prix des médicaments d'ordonnance en général, qu'il s'agisse des médicaments génériques ou brevetés. Est-ce que les représentants qui sont à l'arrière croient que le gouvernement fédéral devrait intervenir pour établir un formulaire national nous permettant d'atteindre cet objectif?
C'est ce qu'a fait l'Ontario, et ça réussit. L'Ontario, qui est un gros consommateur, en général informe les sociétés pharmaceutiques du prix que la province est disposée à payer. On établit des prix de référence dans d'autres provinces. Ce n'est pas encore le cas au Québec. Croyez-vous qu'un formulaire national serait efficace, grâce auquel le gouvernement fédéral travaillerait en collaboration avec les provinces afin que nous puissions forcer tant les sociétés de médicaments génériques que les sociétés de médicaments brevetés à acheter en grande quantité afin de réduire le prix des médicaments pour les consommateurs dans le système de soins de santé?
M. Soulière: Vous soulevez là un point intéressant, qui vient ajouter à ce que j'ai dit tout à l'heure.
Le problème avec votre comité et les autres, c'est que nous examinons isolément certains éléments du système de soins de santé. Aujourd'hui, ce sont les médicaments, qui ne forment qu'un volet de l'ensemble du système des soins de santé. La réponse à votre question est plus vaste que cela. Les provinces et le gouvernement fédéral doivent considérer le système de soins de santé comme un programme global. Ils doivent voir ce qui se passe au sujet du transfert des fonds et des modifications dans les programmes de santé dans tout le pays, notamment examiner la question de la fermeture des hôpitaux en Ontario et du nouveau programme d'assurance-médicaments au Québec - créer toutes sortes de choses. Vous pourriez entreprendre cet examen pour avoir un aperçu national de la question des médicaments, mais au regard de l'ensemble du système de soins de santé. Certaines recommandations du Forum national sur la santé à ce sujet ont une portée plus large.
Le président: Merci beaucoup, messieurs Soulière et MacDonald.
Je parle au nom de tout le comité quand je vous dis que je vous remercie beaucoup, non seulement pour la préparation de vos mémoires, mais pour les réponses très directes que vous nous avez données; comme l'a dit M. MacDonald, vous nous rappelez qui nous défendons, parce qu'il s'agit du comité de l'industrie et qu'il y a un problème de nature industrielle, et la santé de tous les Canadiens est au coeur de ce problème. Nous vous sommes reconnaissants de porter ce problème à notre attention et de vous assurer que nous ne l'oublions pas. Merci encore.
Est-ce que M. Chiles de Green Shield, notre prochain témoin, est dans la salle? Très bien. Dès que le vote sera terminé, soit probablement dans 25 minutes, nous nous réunirons pour entendre ce témoin. Au départ, nous devions recevoir trois témoins ce soir, mais deux se sont décommandés. Nous n'avons pas été capables de restructurer notre programme, si bien que nous entendrons seulement un témoin dès que le vote sera terminé.
Merci beaucoup. Le comité se réunira de nouveau dans cette salle dès que le vote sera terminé.
Le président: Au nom du comité, je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Vernon Chiles, vice-président du conseil d'administration de Green Shield. Il fera un exposé d'environ 15 minutes.
Monsieur, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie de nous avoir attendus pendant que nous étions en train de voter.
D'autres membres du comité se joindront à nous, mais vous pouvez commencer dès maintenant.
M. Vernon K. Chiles (vice-président du conseil d'administration, Green Shield Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, de nous donner la possibilité de comparaître devant le comité. Je suis Vernon Chiles, vice-président du conseil d'administration de Green Shield Canada.
Green Shield a été fondée il y a 40 ans à Windsor, en Ontario, et nous offrions alors le premier régime d'assurance-médicaments prépayé du secteur privé en Amérique du Nord. Nous sommes la seule entreprise de soins de santé sans but lucratif au Canada, et nous offrons toute une gamme de régimes d'assurance-maladie dans nos bureaux de Windsor, notre siège social, ainsi qu'à Toronto, London, Halifax et Vancouver.
Outre le fait que nous administrions des régimes de soins de santé pour des groupes du secteur privé et des particuliers, nous nous occupons également du programme de médicaments du ministère de la Santé de l'Ontario, programme qui établit un lien entre les pharmacies et le ministère de la Santé et qui fait aussi un examen de l'utilisation des médicaments.
En 1996, nous avons remboursé environ 3,6 millions de dollars de réclamations du secteur privé, alors que celles du ministère de la Santé ont dépassé les 40 millions de dollars. Je vous signale que l'information que je vais donner ici aujourd'hui ou que l'on retrouve dans le mémoire n'a absolument rien à voir avec les données du ministère de la Santé.
Notre but premier était, grâce au mécanisme de prépaiement, de donner accès aux gens à des soins qu'ils n'auraient pu se payer autrement. La pharmacothérapie, comme l'a noté le Forum national sur la santé, fait partie des soins primaires. Nous sommes d'accord avec les membres du Forum pour dire que les médicaments ne devraient pas être considérés comme un bien au même titre que les chaussures, les vêtements et le reste. Les médicaments sont différents, et il est même plus important aujourd'hui qu'il y a 40 ans que les gens y aient accès. Il en est ainsi parce que nous avons des médicaments plus efficaces et des remèdes pour plus de problèmes de santé que ce n'était le cas auparavant. D'un point de vue économique, nous avons des médicaments qui peuvent nous faire économiser en frais d'hospitalisation et au chapitre de l'absentéisme. Green Shield, 40 ans plus tard, met toujours l'accent sur l'accès. En outre, nous nous intéressons grandement à la qualité, aux soins et aux coûts des soins.
Green Shield reconnaît que les sociétés pharmaceutiques ont besoin d'une protection de leurs brevets et de profits raisonnables, mais nous ne sommes pas ici pour nous ranger d'un côté ou de l'autre dans ce débat.
Nous témoignons aujourd'hui dans l'intérêt de nos clients qui sont préoccupés par le coût des médicaments fournis. Nous sommes inquiets de voir que des coûts excessivement élevés, dans ce cas-ci pour les médicaments, amènent les responsables à adopter des mesures qui peuvent compromettre l'accès à ces médicaments. C'est là notre point de vue qui n'est peut-être pas objectif.
En 1992, nous avons fait connaître notre opinion au comité de la Chambre des communes qui étudiait le projet de loi C-91 et nous lui avons fourni des données tirées d'une étude exhaustive sur les facteurs qui influent sur le coût moyen des réclamations de médicaments. C'était la première étude du genre. Elle a été mise à jour en 1994, nous y avons ajouté les données de deux autres années couvrant la période de 1988 à 1993. J'ai distribué, pour l'information des membres du comité, des exemplaires de ce rapport de 1994 dans les deux langues.
Permettez-moi de faire ressortir quelques données très brièvement. Je ne veux pas embrouiller les gens avec des chiffres, de sorte que je vais donner seulement des approximations plutôt que des détails précis sur tout.
Notre étude de 1994 montrait que le coût des médicaments dans la réclamation moyenne est passé de 12$ pour l'année de référence de 1987 à 24$ en 1993, soit une augmentation annuelle de 11,6 p. 100 comparativement au taux d'inflation de l'époque qui était de 3,8 p. 100. Lorsque je parle du coût des médicaments pour l'ordonnance moyenne, je parle du coût de la composante médicaments, y compris le coût de la distribution, mais en excluant les frais d'ordonnance.
Pour ce qui est de la majoration du coût moyen de la réclamation de médicaments, 54 p. 100 de ce coût sont attribuables à la mise en marché de nouveaux médicaments durant cette période. Les prix, durant la même période, n'ont crû que de 2,9 p. 100. La principale raison qui explique la différence entre l'augmentation de 2,9 p. 100 des prix et de 11,6 p. 100 des coûts, c'est que des médicaments plus coûteux en ont remplacé d'autres moins chers.
Je peux vous dire que les nouveaux médicaments qui ont été mis sur le marché entre 1984 et 1993... au cours de cette période de six ans... en 1993, ils avaient augmenté pour inclure 49 p. 100 des coûts. C'est là un taux remarquablement élevé d'acceptation de nouveaux médicaments plus coûteux. Au cours de cette période, les médicaments brevetés, en 1993, coûtaient en moyenne46$ par réclamation, comparativement aux médicaments non brevetés qui coûtaient 16$. Les médicaments brevetés qui ont été mis sur le marché pour la première fois entre 1988 et 1993 affichaient un coût moyen de 56$ comparativement à 36$ pour ceux commercialisés avant 1988.
Ces données indiquent que le coût des médicaments brevetés est à peu près trois fois supérieur à celui des médicaments non brevetés. Pas étonnant donc que les médicaments récemment brevetés coûtent plus cher que les médicaments brevetés depuis plus longtemps.
J'aimerais maintenant vous fournir des données un peu plus récentes, que l'on trouve à la partie 3 du mémoire. Le coût moyen a été haussé à partir de 1992, soit l'année précédant l'adoption du projet de loi C-91, pour passer de 22$ à 30$ en 1996. C'est là un taux d'augmentation annualisé de 7,8 p. 100. Ce taux d'augmentation du coût des médicaments est beaucoup plus faible que les 11,6 % dont il est question dans notre étude de 1994, mais il est toujours d'environ trois fois supérieur au taux annualisé d'inflation de 1,7 p. 100.
Dans notre mémoire, vous verrez que nous parlons d'une étude sur les 200 médicaments les plus utilisés en 1996. Ces médicaments représentaient 69 p. 100 de tous les coûts des médicaments dans les réclamations que Green Shield a payées. De tous ces coûts, les médicaments sur le marché depuis plus de 10 ans représentent seulement 32 p. 100 de la valeur marchande, et ceux qui étaient sur le marché depuis 15 ans, à peine 18 p. 100 de la valeur du marché.
Dans le mémoire, nous donnons également quelques exemples de nouveaux médicaments qui en remplacent d'autres plus anciens et qui sont vendus bien moins cher. Par exemple, un nouveau médicament contre les ulcères qui coûte 72$ en remplace un ancien qui coûte 8$; un nouveau médicament contre la dépression à 53$ en remplace un ancien à 2$; un nouveau médicament contre les infections à 48$ se substitue à un ancien qui coûtait 3$, et un nouveau médicament contre l'insomnie qui coûte 10$ rend désuet un ancien à 1$.
Nous n'avons pas l'intention de laisser entendre que les médicaments sont exactement les mêmes dans tous les cas - de toute évidence, ce n'est pas le cas. Cela montre simplement les différences dans les coûts, pour vous donner une idée du prix de certains médicaments plutôt que des données combinées.
Dans notre mémoire, nous présentons également des données qui indiquent qu'aussi importants que soient les prix, ils cachent le véritable coût de la pharmacothérapie. Nous recommandons à votre comité de se concentrer non seulement sur la question des prix, mais sur celle plus vaste du coût de la pharmacothérapie. Plus précisément, nous recommandons que le mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés soit élargi pour inclure les médicaments non brevetés et que le Conseil puisse examiner la question des coûts et non seulement les prix.
Le médicament qui coûte un dollar par jour et qui en remplace un qui coûtait un cent par jour n'est peut-être pas vendu à un prix excessif par rapport aux dispositions du projet de loi C-91, ou d'après le mandat qui a été donné au CEPMB. Le coût est peut-être excessif si le médicament est utilisé couramment pour en remplacer un autre qui coûte un cent et qui est tout aussi efficace, voire meilleur. Par contre, le coût d'un dollar peut être raisonnable si le médicament est utilisé comme il se doit et qu'il offre des avantages pour la santé qui en justifient le coût.
Du point de vue de la société, le coût de la recherche ne justifie pas le coût; ce sont plutôt les avantages sur le plan de la santé et de l'économie qui le justifient. C'est l'équilibre que le CEPMB, avec un mandat élargi, pourrait permettre d'atteindre, nous l'espérons.
Nous décrivons dans notre mémoire certaines réactions du marché au projet de loi C-91. On y aborde des thèmes comme les changements dans les stratégies de gestion des formulaires, les restrictions pour les médicaments qui y sont décrits, l'utilisation de lignes directrices sur l'ordonnance, et l'établissement des prix de référence.
En outre, de nombreux employeurs et gouvernements provinciaux ont haussé les franchises et les co-paiements dans le cadre de leurs stratégies de partage ou de transfert des coûts. Il serait exagéré de dire que toutes ces stratégies découlent du projet de loi C-91, ce n'est pas ce que je prétends. Mais en partie, elles constituent une réaction aux coûts et aux perceptions de coûts plus élevés.
En ce qui concerne les mesures prévues dans le projet de loi C-91, dans notre mémoire, nous exhortons le comité à ne pas accorder de prolongation de protection du brevet au-delà de la période actuelle de 20 ans. Les fabricants ont divers moyens à leur disposition pour prolonger la vie du produit sur le marché ou leur monopole. Pensons notamment à l'utilisation de brevets supplémentaires pour le même médicament, à l'ajout de nouvelles formules brevetées comme la capsule à effet prolongé, à la commercialisation de la propre version générique du fabricant pour devancer les autres sociétés de médicaments génériques et à la défense du droit exclusif à la seule présence du produit original.
Un médicament qui conserve son exclusivité sur les marchés pendant 10 à 15 ans n'a pratiquement pas à craindre la concurrence des médicaments génériques. Toute prolongation au-delà de la période de 20 ans à partir de la date de l'enregistrement du médicament accorderait une protection de monopole pour pratiquement toute la durée de vie de la plupart des médicaments. Pour les Canadiens qui ont accès à des produits moins chers occupant encore une part substantielle du marché, la période d'exclusivité ne doit pas être excessive.
Les dispositions d'application hâtive et de mise en réserve du projet de loi C-91 permettent aux Canadiens d'avoir accès à des versions moins coûteuses très peu de temps après que le brevet initial est expiré. Si un fabricant de médicaments génériques veut avoir un produit prêt pour la vente, il doit passer par le processus de la formulation et des études de bioéquivalence, il doit soumettre le médicament à Santé Canada et le fabriquer.
Dans le mémoire que vous a présenté l'ACIM, on dit que les dispositions d'application hâtive permettent à un fabricant de médicaments génériques d'entrer sur le marché jusqu'à 60 mois plus tôt.
Aujourd'hui, dans certains de ses documents, l'industrie du médicament générique parle de six ou sept ans. Je ne suis pas en mesure de vous dire quelle est cette période, mais nous, chez Green Shield, nous croyons certainement que les dispositions d'application hâtive et de mise en réserve devraient être retenues. Si l'on accordait l'exclusivité du marché pendant cinq ans de plus, cela voudrait dire que très peu de médicaments auraient une version générique moins coûteuse pendant la période où ils sont utilisés intensivement.
Dans certaines provinces, les pharmaciens ne peuvent pas utiliser des versions moins coûteuses de médicaments tant que les autorités provinciales n'ont pas établi de règles en se fondant sur les mêmes preuves que Santé Canada examine avant de délivrer un avis de conformité.
Dans notre mémoire, nous recommandons de trouver un mécanisme pour faire en sorte que des marques comparables de médicaments qui ont déjà fait l'objet d'un examen par Santé Canada soient disponibles dans l'ensemble des provinces et des territoires.
Dans les mémoires que nous avons présentés aux comités parlementaires en 1969, 1987, 1992 et 1993, nous avons appuyé la licence obligatoire. Bien que ce mécanisme soit toujours celui que nous préférons, nous prenons note de la décision du gouvernement que vous ont communiquée les ministres Manley et Dingwall, à savoir que les ententes internationales qu'a signées le Canada rendent cette mesure impossible.
Dans son témoignage, le ministre Manley a dit: «Selon les points de vue, des petites nuances peuvent altérer considérablement l'équilibre.» S'ils veulent obtenir l'équilibre sur la scène mondiale, les fabricants de médicaments de marque doivent jouir d'une protection de brevet. Pour les fabricants de médicaments génériques, l'équilibre prend la forme d'une diminution de la protection des brevets de sorte qu'ils puissent préserver et accroître leur part de marché. Pour nous, chez Green Shield, l'équilibre, c'est la nécessité d'une protection raisonnable des brevets, laquelle reconnaît également la nécessité pour les Canadiens d'avoir accès à des médicaments à des coûts qui sont abordables pour les employeurs, les particuliers et les gouvernements.
Au moment où le comité examine les arguments techniques et théoriques - et je suis certain que vous avez entendu beaucoup des deux - nous disons qu'il ne faut pas adopter le point de vue des groupes d'intérêts, mais plutôt considérer la nécessité pour les Canadiens d'avoir accès à des médicaments à prix abordables.
Monsieur le président, je me ferai un plaisir de participer à la discussion et de répondre aux questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Chiles, de cet exposé très clair. Je suis certain que les membres du comité auront beaucoup de questions à poser. Je vais commencer...
[Français]
par M. Ménard. Avez-vous des questions?
M. Réal Ménard: Oui, monsieur le président, j'ai une question.
Le président: Une liste de questions ou seulement une ou deux questions?
M. Réal Ménard: Une question, monsieur le président.
Vous nous avez dit dans votre exposé que votre société existait depuis plus de 50 ans et que vous ne souhaitiez prendre parti ni pour l'un ni pour l'autre des protagonistes, mais j'ai l'impression que vos propos ont trahi un certain favoritisme envers l'industrie du générique, ce que je comprends parfaitement puisque c'est aussi votre spécialité.
Je voudrais commencer par une première question. Si vous connaissez le fonctionnement du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, vous savez qu'il a un statut de tribunal quasi judiciaire et qu'il doit présenter chaque année un rapport qui donne deux types de données: l'introduction de nouveaux médicaments et l'évaluation des efforts de recherche et de développement consentis par chacune des sociétés titulaires de brevets.
Je voudrais donc vous demander si vous avez le sentiment que le coût des médicaments, au Canada, a progressé plus rapidement que dans d'autres pays. Il s'agit là de médicaments brevetés, mais si vous avez d'autres informations sur les médicaments non brevetés, vous pourriez nous en faire part. Avez-vous le sentiment que le Canada est dans une position non concurrentielle par rapport à l'évolution du coût des médicaments brevetés?
[Traduction]
M. Chiles: Je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse détaillée sur les prix dans les autres pays. Je sais que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés a donné des renseignements là-dessus. J'ai son rapport ici, mais je ne me souviens vraiment pas de tous les détails à ce sujet.
J'ai cependant remarqué une partie de son rapport que j'estimais intéressante. Au cours des cinq dernières années, le prix des médicaments brevetés a augmenté au total de 14 p. 100 alors que celui des médicaments non brevetés a grimpé de 39 p. 100 au Canada.
C'est là une des raisons qui expliquent l'une de nos recommandations, à savoir que le mandat du Conseil devrait être élargi afin qu'il puisse examiner non seulement la portion de 44 p. 100 des médicaments qui ont augmenté de 14 p. 100 au cours de cette période, mais également les 56 p. 100 qui restent et qui ont augmenté de 39 p. 100.
Est-ce que vous voudriez que je vous donne plus de détails là- dessus? Cela dépasse votre question, je m'en excuse.
[Français]
M. Réal Ménard: Je pense que c'est tout à fait possible. Il ne faut pas présumer de l'issue des travaux du comité et il est très possible que vous ne soyez pas déçus par les décisions que pourrait prendre le comité, à savoir ne pas limiter le Conseil à la seule évaluation des médicaments brevetés et élargir son mandat.
Ai-je bien compris également que vous souhaiteriez que le Conseil évalue aussi un autre critère, soit la fréquence d'utilisation des médicaments? Vous souhaitez qu'il y ait plus d'équilibre dans les évaluations du Conseil, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Chiles: Oui, nous estimons qu'aussi important que soit l'accent que mette le Conseil d'examen du prix des médicaments, lorsqu'il examine un nouveau médicament et qu'il en évalue le prix par rapport au prix des autres pays... très bien.
Mais si l'on regarde la valeur qu'un médicament apporte à la société, il faut réellement examiner les coûts, comment le médicament est utilisé et comment il se compare à d'autres dans les catégories connexes, ou dans la même catégorie. Pour reprendre mon exemple du médicament d'un dollar par jour qui en remplace un autre moins coûteux, est-ce que ce médicament apporte vraiment plus à la société, ou s'il est seulement valable dans un petit pourcentage des cas?
Durant ce qu'on pourrait décrire comme la période de gestation du projet de loi C-91, en 1991 et 1992, s'est profilée une nouvelle science que l'on appelait la pharmaco-économie. Aujourd'hui, plusieurs années plus tard, cette science est beaucoup plus développée. On peut maintenant procéder à l'examen de la valeur des médicaments, de leur pertinence, tant du point de vue de l'état de santé des individus que de celui de la société. Ces évaluations sont difficiles, mais nous sommes de plus en plus en mesure de les faire.
J'estime donc que le Conseil d'examen a un rôle à jouer pour soupeser la valeur de nouveaux médicaments lorsqu'il en examine le coût, et non pas seulement l'étroite question des prix.
[Français]
M. Réal Ménard: Donc, vous souhaitez que le Conseil puisse utiliser le critère de la fréquence d'utilisation des médicaments. Ça, c'est une chose. Vous nous dites aussi que la pharmacoéconomie, une science qui est apparue en 1969, a atteint aujourd'hui une vitesse de croisière et permet d'avoir une meilleure compréhension du consommateur. Et finalement, vous nous dites que si le Conseil pouvait s'occuper d'un nouveau critère d'évaluation, qui est la fréquence d'utilisation des médicaments, ce serait favorable non pas aux fabricants mais aux consommateurs. Est-ce que je vous ai bien compris?
[Traduction]
M. Chiles: Oui, c'est exact, je suis d'accord. C'est un bon résumé.
[Français]
M. Réal Ménard: Il me semble qu'il y a deux écoles de pensée parmi les témoins qui ont comparu devant nous. Certains nous disent que, même s'il y a des avancées importantes au niveau de la recherche et du développement, seulement 8 p. 100 des médicaments qui sont introduits sur le marché, particulièrement les nouveaux médicaments brevetés, apportent un plus sur le plan thérapeutique. Les autres, 92 p. 100, sont donc des médicaments qui ne répondent pas à une nouvelle réalité thérapeutique.
Votre conclusion est que les prétendues avancées, sur le plan de la recherche et du développement, réalisées par les compagnies de médicaments d'origine, avec les 600 et quelques millions de dollars qui ont été investis depuis C-91, ne sont pas telles qu'on le dit et qu'il y a en fait très peu de nouveaux médicaments sur le marché. Ayant fait cette constatation, vous invitez le comité à se montrer beaucoup plus libéral, dans le sens philosophique du terme, envers l'introduction de médicaments génériques.
[Traduction]
M. Chiles: Je demande au Conseil d'examiner non seulement le prix, mais aussi le coût et les avantages, le coût des nouveaux médicaments qui sont mis sur le marché et leurs avantages.
Maintenant, en ce qui concerne le petit pourcentage dont vous avez parlé... je pense que l'expression que l'on utilise est médicament révolutionnaire, je ne dis pas que les autres médicaments qui sont mis sur le marché et qui ne font pas partie de ce petit groupe de médicaments révolutionnaires n'ont pas de valeur. Ils présentent souvent des améliorations par rapport aux médicaments qui étaient disponibles auparavant. Je dis simplement que lorsque l'on examine ces médicaments, il faut examiner le coût, la façon dont ils vont être utilisés dans la société, ce qu'ils vont coûter et quels avantages ils auront pour les consommateurs, et non pas uniquement leur prix.
[Français]
M. Réal Ménard: Puis-je poser une dernière question?
Le président: Non, vous aurez une autre chance.
M. Réal Ménard: Vraiment?
Le président: Oui.
[Traduction]
Monsieur Mayfield, allez-y.
M. Philip Mayfield: Monsieur, je m'excuse de ne pas avoir été là au début de votre exposé. En un sens, j'essaie de me rattraper, et j'espère que vous serez patient avec moi.
Il me semble que vous avez dit que nous devrions nous concentrer sur la possibilité d'offrir aux Canadiens un accès plus large aux médicaments. J'aimerais simplement savoir exactement ce que vous voulez dire et comment nous pourrions y arriver.
M. Chiles: Ce qui me préoccupe, c'est que les Canadiens aient accès aux médicaments. Diverses provinces ont adopté certaines mesures visant à s'assurer que les citoyens ont accès aux médicaments dans des situations catastrophiques. En Ontario, il y a le Trillium Drug Fund, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique ont adopté des régimes, tout comme le nouveau régime qui est en place au Québec.
Donc, ces régimes existent, mais ils prévoient parfois des franchises très élevées. Pour certaines personnes, cela pose un problème, et à cause du coût de certains médicaments, des citoyens doivent probablement s'en passer. La question de l'accès nous préoccupe.
Je ne suis pas certain de savoir où vous voulez en venir. Est-ce que vous vouliez que je fasse des observations sur les recommandations du Forum national ou...
M. Philip Mayfield: Non, je voulais simplement que vous éclaircissiez ce que vous avez dit.
M. Chiles: Est-ce que ça va maintenant?
M. Philip Mayfield: Oui.
M. Chiles: Merci.
M. Philip Mayfield: J'aimerais poursuivre un peu mes questions sur le thème des remèdes et de l'utilisation des médicaments. J'ai l'impression que nous devons profiter de votre présence et vous poser des questions pendant que vous êtes là.
Je me demande ce que vous pensez des efforts déployés par les fabricants de médicaments de marque et de médicaments génériques en ce qui a trait à la gestion des maladies et à la fourniture de médicaments efficaces. Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?
M. Chiles: Je ne sais pas ce que font les sociétés de médicaments génériques en ce qui concerne la gestion des maladies. Je me trompe peut-être, mais l'industrie des médicaments de marque fait beaucoup dans ce domaine.
Par exemple, si elles fabriquent des médicaments contre le diabète, la tension artérielle ou l'asthme, les entreprises essaient d'élaborer des modèles de traitement, elles travaillent de concert avec les gouvernements, les employeurs et ainsi de suite, pour établir, en matière d'ordonnance et de traitement, des lignes directrices qui conviennent à ces situations. Les entreprises mettent beaucoup l'accent là-dessus, pas seulement au Canada mais aussi aux États-Unis.
M. Philip Mayfield: Pour aller un peu plus loin là-dedans, il me semble qu'on nous a dit que depuis 1992, les fabricants de médicaments génériques ont fait beaucoup plus de recherche qu'auparavant. Vous n'avez pas l'impression que leurs recherches portent là-dessus?
M. Chiles: Je sais que les fabricants de médicaments génériques font actuellement de la recherche sur les médicaments. Si vous me permettez un petit à-côté historique, il y a de nombreuses années, 50 ou 60 ans, un certain nombre de fabricants de médicaments de marque ont vu le jour sous l'appellation de fabricants de médicaments génériques et ils sont devenus des fabricants de médicaments de marque. Je ne sais pas si cela va se produire de nouveau, c'est simplement un à-côté.
Je sais que les fabricants de médicaments génériques examinent actuellement la possibilité de breveter leurs propres médicaments, qu'ils font de la recherche et ainsi de suite, mais je ne saurais pas vous donner de détails.
M. Philip Mayfield: Très bien. Par contre, je me demande si vous pourriez faire des commentaires au sujet des fabricants de médicaments de marque et de médicaments génériques. Qu'est-ce que ces fabricants font, disons, au sujet de la prescription excessive ou de la surutilisation de médicaments? Est-ce que vous savez si ces entreprises ont soulevé cette préoccupation?
M. Chiles: Oui. Par le biais de leurs associations, les fabricants essaient certainement de travailler avec différents organismes de la collectivité pour améliorer l'utilisation des médicaments. Lorsque nous employons le terme surutilisation... Oui, il y a beaucoup de médicaments qui sont surutilisés, je suppose, mais il faut aussi parler de sous-utilisation et d'utilisation inadéquate des médicaments.
C'est ce qui explique pourquoi on entend tellement parler de lignes directrices sur la prescription, de lignes directrices basées sur les preuves pour traiter différentes maladies, pour utiliser une catégorie de médicaments d'une certaine façon par opposition à une autre catégorie et ainsi de suite. C'est exactement ce qui se passe dans le domaine médical et pharmaceutique aujourd'hui, et de toute évidence les fabricants sont impliqués.
M. Philip Mayfield: Pourriez-vous nous donner plus de précisions en ce qui concerne certaines des activités, comment les fabricants pourraient aborder tout le problème?
M. Chiles: J'ai remarqué dans le mémoire de l'ACIM, par exemple, que l'association a mis sur pied un projet avec des médecins pour établir une politique sur les antibiotiques dans une collectivité de l'Ontario. Le gouvernement de l'Ontario a formulé des politiques concernant l'utilisation des antibiotiques, les médicaments contre les infections. Il les a distribuées sur une grande échelle aux pharmaciens et médecins, et a pris l'initiative dans ce domaine.
Donc, les fabricants disent aujourd'hui que c'est une bonne idée et ils semblent être d'accord. Je crois que vous devriez poser la question aux fabricants pour avoir plus de détails. Je ne suis probablement pas en mesure de parler en leur nom.
M. Philip Mayfield: Je pose la question à quelqu'un comme vous qui doit payer une bonne partie de ces médicaments, si bien que la question vous intéresse.
Je me demande également si vous pourriez faire des commentaires au sujet de, disons, ce que fait Santé Canada à propos du problème de la prescription excessive ou de la surutilisation des médicaments. Savez-vous si le Ministère se préoccupe de ce problème?
M. Chiles: Je ne sais pas exactement ce que fait Santé Canada, sinon qu'il a adopté des mesures visant à informer les consommateurs et ainsi de suite.
Pour revenir à l'autre point que vous avez soulevé, vous disiez que nous nous intéressons à ce qui se passe, et nous parlions d'antibiotiques, par exemple. Bien sûr, à condition de disposer d'une bonne politique concernant la prescription, si un médicament de 3$ est aussi efficace qu'un traitement de première ligne, soit un médicament de 40$, nous voulons certainement que le médicament de 3$ soit utilisé.
Je suis certain que lorsque le gouvernement paie le médicament, contrairement à un employeur qui recourt aux services de Green Shield, ce problème l'intéresse également. Par contre, nous sommes intéressés par la qualité, et lorsque le patient a besoin du médicament de 40$, c'est celui-là qu'il devrait avoir.
Souvent, en ce qui concerne les nouveaux médicaments, les fabricants vont faire beaucoup de promotion auprès de ceux qui les prescrivent. Dans bien des cas, les médecins ont probablement tendance à utiliser davantage les nouveaux médicaments plus coûteux que ce qu'ils devraient faire.
Le président: Vous voulez poser une question, monsieur Mayfield?
M. Philip Mayfield: Je veux simplement poser la même question au sujet des écoles de médecine et des universités. Que font-elles au sujet de ce problème, si la prescription excessive et la surutilisation des médicaments constituent un problème?
M. Chiles: Je ne crois pas être en mesure de répondre.
M. Philip Mayfield: Vous n'avez pas la moindre idée de ce qui se fait?
M. Chiles: Non, je ne crois pas que je puisse faire de commentaire.
Je sais, par exemple, qu'à l'Université McMaster, on a établi des lignes directrices détaillées concernant les circonstances dans lesquelles les diplômés et les résidents en médecine devraient traiter avec les représentants des fabricants et ainsi de suite. On s'inquiète à l'université que les fabricants donnent de l'information qui soit trompeuse. Je sais ce qui se passe, mais quant à savoir ce qui se fait comme tel dans les cours, je ne suis pas en mesure de répondre.
M. Philip Mayfield: En ce qui concerne le problème des antibiotiques et des maladies que l'on ne peut guérir avec ces médicaments, avec les mutations, les antibiotiques vont devenir de plus en plus un sujet d'intérêt.
M. Chiles: C'est vrai.
Le président: Monsieur Volpe, allez-y.
M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Vous avez abordé au moins trois des points qui intéressent notre comité. J'espère que vous me permettrez d'explorer ces trois questions.
Avant de commencer, ce qui vous intéresse là-dedans, c'est que vous payez les factures?
M. Chiles: Oui, au nom de l'employeur ou de la personne.
M. Joseph Volpe: Vos recommandations sont donc teintées par votre intérêt premier.
M. Chiles: C'est exact.
Peut-être devrais-je clarifier ma pensée, si vous me le permettez. Pour la plupart des régimes qu'offre Green Shield, nous imposons des frais d'administration sur la base des réclamations. Une partie de nos activités, mais une petite partie - environ 20 p. 100 - est calculée en fonction des primes. La plupart des gros employeurs paient les réclamations auxquelles nous ajoutons un pourcentage. En réalité, ce n'est pas habituellement un pourcentage mais un montant fixe.
Donc, c'est vraiment dans l'intérêt de nos clients d'empêcher la surutilisation ou les coûts excessifs. C'est notre point de vue. Je vous le dis clairement.
Je m'excuse, je m'éloigne du sujet.
M. Joseph Volpe: Ça va.
L'une des choses que vous avez dites - et vous l'avez fait pendant que j'essayais de lire votre mémoire - c'est qu'un médicament qui apparaît sur le marché a en réalité une vie active de10 à 15 ans, période pendant laquelle le fabricant peut récupérer un profit acceptable. Je crois que c'est ce que vous avez dit.
M. Chiles: Ce ne sont pas les chiffres que j'ai utilisés. L'industrie du médicament de marque utilise le chiffre de 10 ans et je pense que l'industrie du médicament générique parle de 12 à 14 ans, à vous de choisir. Je ne suis pas en mesure de donner une limite précise. Il s'agit là de la période d'exclusivité du marché pour un produit.
Ce que j'ai dit également, c'est que seulement environ 32 p. 100 des médicaments les plus vendus sont sur le marché depuis 10 ans ou plus, et quand on passe à 15 ans, ce pourcentage n'est plus que de 18 p. 100. Donc si un médicament, disons simplement pour les fins de l'argumentation, jouit d'une période d'exclusivité sur le marché de 15 ans, alors la grande majorité des médicaments ne disposeront plus tellement d'une grande part de marché après cette période.
M. Joseph Volpe: Dans la même veine, mais simplement pour aller vers autre chose pendant un instant, les formulaires provinciaux influent largement sur la manière dont cette part de marché, cette exclusivité s'élimine d'elle-même. Les formulaires ne sont pas tous les mêmes. Par exemple, l'Ontario a un système qui diffère de celui du Québec, lequel est différent de celui de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique. Est-ce que je comprends bien?
M. Chiles: Eh bien, il est vrai qu'il existe des différences relativement mineures - pas majeures, je ne crois pas - entre ces formulaires. Ce que je dis, c'est que pour le médicament qui arrive sur le marché aujourd'hui, il est peu probable qu'il sera encore très utilisé dans 15 ans, pas parce qu'il a été ou n'a pas été inscrit sur le formulaire d'une province, mais plutôt parce qu'il a été remplacé par un autre.
Prenez par exemple les médicaments qui ont été mis sur le marché l'an dernier contre le sida. Je ne suis pas un spécialiste du sida et je ne connais pas beaucoup la question, mais je sais que le domaine évolue rapidement, et je doute que dans 10 ans ces médicaments soient encore utilisés. Il y en aura eu des meilleurs qui les auront remplacés.
M. Joseph Volpe: D'après votre expérience, combien de temps cela prend-il pour qu'un médicament soit inscrit sur un formulaire provincial une fois qu'on a reçu l'avis de conformité de Santé Canada?
M. Chiles: Certains médicaments ne sont jamais inscrits sur les formulaires. Vous pourriez probablement obtenir une réponse précise à cette question de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, mais si vous voulez des chiffres approximatifs, je vous dirais au moins six mois. Parfois, les fabricants se dépêchent vraiment beaucoup et inscrivent le médicament sur les formulaires en six mois, mais cela prend habituellement plus de temps - jusqu'à deux ans pour les médicaments qui sont effectivement inscrits. Certains ne le sont absolument pas parce que l'évaluation des comités d'examen est telle qu'ils jugent que le médicament n'offre pas suffisamment de valeur pour quelque raison que ce soit qui justifie de l'ajouter au formulaire.
M. Joseph Volpe: Cela ne les empêche pas d'accéder au marché.
M. Chiles: Les gens peuvent toujours se les procurer en dehors du régime, mais ils doivent payer eux-mêmes. Le médicament n'est pas couvert.
M. Joseph Volpe: Vous avez fait une série d'autres déclarations dont l'une, et je pense que je vous cite correctement, mais n'hésitez pas à me corriger si ce n'est pas le cas, voulant que la recherche-développement ne devrait pas être l'élément qui justifie un prix, mais le coût ou l'avantage du médicament pour la société.
M. Chiles: Je dis que d'un point de vue social, la valeur d'un médicament devrait déterminer ce qu'il en coûtera à la société, non pas seulement l'argent qui est consacré à la recherche.
M. Joseph Volpe: Comment mesurez-vous cela chez Green Shield?
M. Chiles: Nous ne le faisons pas. Nous ne sommes pas capables de le faire de façon exhaustive. Nous y arrivons dans une certaine mesure. Nous pouvons nous en remettre à d'autres documents qui font autorité comme les formulaires provinciaux, mais nous ne pouvons pas faire les calculs pharmaco-économiques parce que nous n'avons pas les ressources pour les faire.
M. Joseph Volpe: Est-ce que vous analysez ce que vous estimez être les véritables coûts du médicament une fois qu'il arrive sur le marché?
M. Chiles: Nous le faisons parfois, mais permettez-moi de revenir un peu en arrière. Jusqu'à récemment, la plupart des régimes d'assurance-médicaments, non seulement celui de Green Shield, ajoutaient automatiquement les nouveaux médicaments dès qu'ils arrivaient sur le marché. Ça se faisait automatiquement. On n'y réfléchissait pas.
Il y a quelques années, beaucoup étaient préoccupés par les coûts. À leur avis, les nouveaux médicaments onéreux coûtaient si cher qu'ils ont décidé de geler les formulaires et de ne plus y ajouter d'autres médicaments. C'est l'avantage que nous avons négocié pour nos employés, si bien que nous n'ajoutons pas de nouveaux médicaments. L'autre approche qui a été prise, c'est que les gens ont dit qu'ils ne paieraient que les médicaments inscrits sur le formulaire provincial et qu'ils n'en ajouteraient pas de nouveaux.
Aujourd'hui, il existe une autre approche que certains groupes d'employeurs comme les grands fabricants d'automobiles ont adoptée. La valeur des médicaments doit être examinée avant qu'on les ajoute au formulaire. Alors qu'auparavant nous ne faisions jamais cela, maintenant, il nous faut établir la valeur des médicaments pour nombre de nos clients employeurs. Certaines de ces analyses peuvent être faites à l'interne, en les appuyant sur des références facilement disponibles, mais nous n'avons pas suffisamment de ressources à l'interne pour faire tout cela, donc nous engageons des organismes de recherche externes pour nous aider.
M. Joseph Volpe: Lorsque le président du CEPMB était dans votre fauteuil il y a une semaine environ, il a dit qu'au cours des cinq dernières années, il n'y a eu qu'environ 32 ou 33 médicaments révolutionnaires. Le reste des médicaments représentaient essentiellement des variations de médicaments existants.
Est-ce que vous évaluez si ces médicaments ont véritablement une valeur différente de ceux qu'ils vont remplacer?
M. Chiles: Pour le dernier groupe dont j'ai parlé, oui. Si c'est un nouveau médicament qui n'est pas révolutionnaire, si c'est un succédané... je suis certain que vous avez déjà entendu le terme.
M. Joseph Volpe: Non, seulement dans le domaine de la concurrence.
M. Chiles: Si c'est un autre médicament de la même catégorie et qu'il n'est pas très différent, nous allons essayer de voir si oui ou non il vaut la peine de l'ajouter aux formulaires. Si son coût est plus élevé, il ne sera pas inscrit. S'il est du même prix et d'une efficacité égale, il le sera probablement. Si son coût est inférieur, il est certain qu'il le sera.
Par exemple, dans le domaine des médicaments pour faire baisser le taux de cholestérol, l'un des fabricants de médicaments de marque, il y a quelques années, est arrivé avec un succédané, un médicament dont le CEPMB vous a probablement parlé. Il s'agissait simplement d'un autre médicament de la même catégorie, mais qui a été mis sur le marché à la moitié du prix, afin que personne n'hésite à l'accepter.
Le président: Merci.
Monsieur Lastewka, êtes-vous prêt à poser vos questions? Je céderai ensuite la parole àM. Ménard, et à Mme Parrish. Si vous avez des questions, posez-les. Peut-être souhaiteriez-vous poser une question, madame Brown. Nous entendrons simplement quelques questions rapides après quoi nous mettrons un terme à notre séance. C'est d'accord?
M. Walt Lastewka: Je crois qu'on a commencé à répondre à une partie de ma première question, mais je voulais simplement y revenir. Je reviens à votre recommandation première, à savoir que le comité devrait tenir compte non seulement du prix mais de l'impact des coûts de la protection des brevets dans ses recommandations.
Pourriez-vous préciser un peu plus votre pensée? Qu'est-ce que vous voulez dire exactement, et à votre avis, qu'est-ce que nous devrions faire?
M. Chiles: Quand je dis que nous voudrions nous concentrer davantage sur le coût que sur les prix, je pense aux médicaments coûteux qui remplacent des médicaments moins chers.
Donc, si vous avez un médicament qui coûte un dollar par jour qui vient remplacer un médicament qui coûte un cent par jour, il se trouve que dans beaucoup de nouvelles réclamations, la demande pour le premier médicament monte alors que celle pour le second s'atténue. Les coûts augmentent de façon remarquable, mais le prix ne monte probablement pas. Le prix du médicament le plus cher peut demeurer le même ou en fait diminuer un peu, et la situation ne serait certainement pas jugée excessive par le CEPMB, mais il peut aussi grimper en flèche.
Si le médicament est très utilisé par les patients pour guérir la maladie qu'il est censé traiter et non pas mal utilisé ou surutilisé, alors ce coût peut être justifiable, acceptable.
J'essaie de me concentrer sur le coût par rapport à l'avantage. Si le médicament est très utilisé pour traiter des maladies pour lesquelles il ne devrait pas l'être, alors que le médicament moins cher est ce qui convient, nous parlons alors de coûts excessifs, mais pas nécessairement de prix excessifs.
M. Walt Lastewka: N'est-ce pas à ce moment-là que le médecin qui prescrit le médicament joue un rôle très important?
M. Chiles: C'est exact.
M. Walt Lastewka: Et si un médicament est inscrit ou non sur le formulaire... Des décisions sont prises qui sont au coeur même de votre déclaration, à savoir remplacer un médicament peu coûteux par un médicament très cher.
M. Chiles: Le médicament auquel je pense quand je donne ces chiffres en est un qui est utilisé pour traiter l'hypertension artérielle. Il est aussi utilisé pour traiter l'insuffisance cardiaque globale. C'est un très bon choix dans ce cas et il permet aux patients d'améliorer de beaucoup leur état. Le fabricant pourrait probablement dire que le prix n'est pas excessif pour cela.
Par contre, lorsque le médicament est utilisé pour traiter l'hypertension alors qu'une solution de rechange moins coûteuse fonctionne tout aussi bien, ou que c'est peut-être même le premier choix, il y a alors un énorme gaspillage des ressources. C'est ce le genre de points que je veux faire comprendre.
Je suis désolé de ne pas pouvoir vous préciser davantage comment le CEPMB s'y prend dans ce cas-là. Il dispose d'un personnel compétent qui serait capable de vous décrire plus précisément que moi comment on procède, mais je suis certain que les ressources que l'on pourrait affecter à ce problème seraient très avantageuses pour la société.
M. Walt Lastewka: J'ai lu vos recommandations 3 et 4. Si nous préservons la protection des brevets pendant 20 ans, d'après votre recommandation numéro trois, nous devrions conserver les dispositions d'application hâtive et de mise en réserve. Votre recommandation numéro quatre propose essentiellement d'abroger ou de modifier le règlement qui fait état d'absence de lien pour faire en sorte que les médicaments génériques puissent être commercialisés plus tôt. Est-ce équitable? Vos recommandations trois et quatre sont-elles équitables? Cette fois-ci, je vais me mettre à la place des fabricants de médicaments de marque puisque j'ai pris partie pour les deux côtés.
M. Chiles: Selon nous, la protection de 20 ans accordée à partir de la date d'enregistrement est adéquate. Si l'on retirait les dispositions d'application hâtive du projet de loi C-91, on aboutirait probablement à une période d'environ cinq ans. C'est le chiffre qu'a donné l'ACIM. Je ne peux vraiment pas vous donner de précision moi-même. Je fais simplement donner une référence.
M. Walt Lastewka: C'est volontairement que je n'ai pas abordé cette question. Je n'ai pas parlé d'application hâtive, mais seulement de la mise en réserve.
M. Chiles: Le chiffre que je vous ai donné tenait compte des deux types de dispositions.
M. Walt Lastewka: Je vois.
M. Chiles: En ce qui concerne les règlements touchant l'avis de conformité, je ne crois pas que Green Shield et moi-même soyons en mesure de faire quelque commentaire détaillé que ce soit. Notre seule préoccupation est que dans la mesure où ces règlements retardent l'entrée sur le marché de médicaments génériques moins coûteux, alors là ils constituent un problème. Nous ne préconisons pas nécessairement d'abolir les règlements, mais s'il existe une façon de les modifier afin de faire diminuer grandement le nombre de litiges et d'empêcher les retards... Je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais j'ai l'impression que lorsqu'ils ont été conçus, les règlements mettaient l'accent sur le premier brevet pour le médicament. Il y a tellement de brevets pour les médicaments que l'application des règlements devient très confuse et difficile à administrer.
Peut-être Santé Canada, Industrie Canada et le Bureau des brevets pourraient-ils trouver de meilleures procédures afin que les règlements soient concentrés sur le premier brevet du médicament. Je crois que cela est équitable. C'est injuste si un médicament générique arrive sur le marché avant que le premier brevet ne s'applique, et c'est l'objectif que visaient ces règlements. Mais lorsqu'il y a des brevets subséquents, cela n'est peut-être pas équitable.
Je ne veux pas m'attarder plus longtemps là-dessus parce que ce n'est pas véritablement mon domaine de spécialité.
Le président: Dernière question.
M. Walt Lastewka: J'ai trouvé que votre rapport et votre exposé étaient excellents. Ce que vous avez écrit et ce que vous nous avez dit me rassurent un peu. Il s'agit de données effectives tirées des résultats de votre organisation. Ensuite, j'ai lu votre communiqué dans lequel on dit que les médicaments brevetés coûteux les rendent difficiles d'accès pour les Canadiens et que le principal problème, ce sont les nouveaux médicaments coûteux, habituellement des médicaments brevetés, qui remplacent les médicaments moins chers. Je suppose qu'on peut y comprendre tout ce qu'on veut.
M. Chiles: Si vous n'en lisez qu'une seule ligne, les communiqués sont plus trompeurs que si vous les lisez au complet.
M. Lastewka: Est-ce que c'est ce que vous vouliez dire dans votre première recommandation, lorsque les employeurs -
M. Chiles: Non, ce n'était pas la recommandation, mais simplement un résumé qui nous amenait aux recommandations.
Ce que nous avons voulu dire, c'est que les coûts élevés des médicaments ont fait en sorte que les Canadiens pensent qu'il faut se concentrer sur cet aspect. Les gens retirent des médicaments des formulaires alors qu'ils ne devraient peut-être pas. Les gens n'ont pas accès à ces médicaments en vertu du régime d'assurance de leur employeur, par exemple, donc il se peut qu'ils ne les achètent pas eux-mêmes. Parfois les gens n'ont pas accès à ces médicaments et c'est parce que les coûts ont augmenté. Dans la mesure où la protection des brevets est responsable de ce problème, c'est une partie du coût.
M. Walt Lastewka: Merci beaucoup.
[Français]
M. Réal Ménard: Merci. Je voudrais juste dire, en espérant que je traduis bien votre pensée et parce que je crois que vous allez faire une recommandation importante, que vous souhaitez que le Conseil exerce ses pouvoirs de réparation sur les compagnies qui n'ont pas suivi ses lignes directrices et qui ont mis sur le marché des médicaments à un prix excessif.
Vous savez peut-être et ceux qui nous écoutent vont apprendre que le Conseil se base sur trois critères, établis dans ses lignes directrices, pour déterminer si le prix d'un médicament est excessif.
Tout d'abord, le Conseil dit que le prix de tout nouveau médicament ne doit pas dépasser le prix des médicaments déjà sur le marché qui traitent la même maladie. Deuxièmement, les prix pratiqués au Canada ne doivent pas dépasser la moyenne des prix pratiqués dans d'autres pays industrialisés. Troisièmement, les prix ne doivent pas augmenter plus rapidement que l'indice moyen des prix à la consommation.
Vous souhaitez qu'il y ait un quatrième critère en plus de ces trois-là, mais je ne crois pas que l'on rende justice à votre témoignage en l'appelant «coût du médicament». S'il s'agissait seulement du coût du médicament, il faudrait que le Conseil tienne compte de toutes les variables inhérentes à sa production, à partir de l'usine même en ce qui concerne l'approvisionnement des matières premières. Cela rendrait, à mon point de vue, les choses extrêmement difficiles.
Il me semble que vous souhaitez, au fond, qu'on tienne compte de l'utilité sociale du médicament, non seulement de l'ampleur de son effet curatif mais aussi de ses retombées sociales. C'est peut-être une chose qui doit être envisagée. Il est évident qu'une compagnie pharmaceutique qui commercialise par exemple le 3TC - c'est un exemple pris au hasard - , qui est appelé à une plus grande diffusion et qui sera couvert par les régimes d'assurance des provinces, devrait tenir compte de ces facteurs dans la détermination du prix du médicament.
Alors, est-ce que je comprends bien que ce n'est pas tant le coût de production du médicament qu'il faut évaluer, mais plutôt son utilité sociale? C'est ma première question et je vais poser directement la deuxième pour ne pas avoir à revenir.
Vous souhaitez que l'on s'intéresse à toute la question de l'accès humanitaire aux médicaments. Aujourd'hui, comme je me sens en confiance, je vais vous faire part d'une chose qui me tient à coeur: j'ai déposé un projet de loi privé à ce sujet.
Vous parlez du coût de l'accès humanitaire aux médicaments. J'aimerais que vous me disiez clairement s'il s'agit de médicaments non homologués ou de médicaments homologués.
Si vous parlez de médicaments non homologués, je pense que vous allez accepter ma proposition de donner un pouvoir supplémentaire au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Les compagnies pharmaceutiques ne diront jamais comment le pire côtoie le meilleur. Il y a d'excellents citoyens corporatifs, comme Glaxo Wellcome, qui ont offert un accès humanitaire extrêmement généreux, tandis que d'autres, comme Abbott, sont absolument détestables et n'offrent à peu près aucun accès humanitaire.
Si jamais vous pensiez que mon projet de loi méritait d'être appuyé, je vous serais reconnaissant de le dire clairement au comité pour que cela puisse figurer dans le rapport final que nous allons adopter. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Une brève réponse à cette question.
[Français]
Vous avez déjà présenté votre projet de loi?
M. Réal Ménard: Je voudrais me présenter comme témoin, monsieur le président.
Si vous le permettez, mon collègue va déposer une motion pour que j'aille à la barre des témoins présenter mon projet de loi. Je pense que ce serait utile.
Le président: Je préfère le projet de loi privé tout simplement.
[Traduction]
M. Chiles: Vous avez parlé du médicament 3TC, par exemple. Oui, je pense qu'il ne suffit pas simplement d'examiner les prix dans les autres pays et ainsi de suite. Je pense que le Conseil d'examen devrait examiner le coût du médicament et ses avantages, mais il n'est pas véritablement mandaté pour faire ce genre d'études à l'heure actuelle.
L'autre point que j'ai soulevé au sujet du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés et que je ne voulais pas perdre, c'est que le Conseil devrait aussi examiner la marque, pour les médicaments non brevetés, et les médicaments brevetés.
Monsieur le président, est-ce que vous vouliez que je réponde à l'autre question? Je n'en étais pas certain.
Le président: Non. Il veut simplement savoir si votre entreprise et les autres ont suivi cette démarche particulière.
M. Chiles: Pour ce qui nous concerne, les contrats que nous signons avec nos employeurs, qui impliquent parfois les syndicats également, précisent clairement ce que nous payons ou ne payons pas. Mais nombre de nos employeurs sont eux-mêmes assez généreux et ils nous demandent d'utiliser notre jugement pour permettre des concessions dans des cas exceptionnels. Donc, nous faisons preuve de compassion aussi. Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus, mais nous essayons de faire preuve de compassion, disons-le comme ça.
[Français]
M. Réal Ménard: Vous savez qu'on est à la télévision.
[Traduction]
M. Chiles: Oui, mais nous essayons de faire preuve de compassion quand nous le pouvons.
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Bienvenue.
Quand j'étais jeune, notre voisin était Bud Willis. Il a travaillé chez Green Shield il y a des années. C'était un bon ami de la famille.
M. Chiles: Oh, oui.
Mme Carolyn Parrish: J'aimerais aborder deux questions. L'une concerne la recommandation voulant que le rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés soit élargi pour inclure les médicaments non brevetés et le coût de la pharmacothérapie. Manifestement, en tant que courtier pour des ordonnances de médicaments pour les soins primaires, vous êtes davantage préoccupé par le fait de payer des ordonnances que vous ne l'êtes, par exemple, par le fait de payer 1 000$ ou 2 000$ par jour pour un séjour à l'hôpital.
M. Chiles: C'est exact.
Mme Carolyn Parrish: Donc, pour ce qui concerne le coût de la pharmacothérapie, cela ne relève pas de vous, mais ne serait-il pas raisonnable de penser que l'examen devrait tenir compte des coûts, par exemple, du nouveau médicament contre les ulcères dont vous avez parlé, même s'il s'agit d'un médicament qui coûte 10$ par jour par opposition à un séjour à l'hôpital à 1 000$ par jour? À votre avis, est-ce que cela serait raisonnable?
M. Chiles: Oui, je pense qu'il faut tenir compte du point de vue social.
Mme Carolyn Parrish: Et des jours d'absence au travail. Je suis certaine que les gens qui vous engagent seraient très heureux de savoir combien de jours les gens s'absentent du travail.
M. Chiles: Oui, c'est exact.
Mme Carolyn Parrish: Mon beau-père souffre d'une maladie cardiaque et chaque fois qu'il avait un problème, il devait rester à l'hôpital pendant cinq, six, sept ou huit jours. Maintenant, il y va pour une journée et il en ressort. On a également changé son médicament de sorte qu'au lieu de prévoir les heures de prise de médicaments pendant toute la journée, il avale seulement une pilule le matin. C'est une pilule qui coûte très cher, mais qui améliore beaucoup son sort. Est-ce que cela ferait partie du mandat dont vous parlez?
M. Chiles: Il faudrait se demander si cela constitue un avantage considérable pour les gens en général et combien coûte cet avantage supplémentaire. Parfois, cela en vaut la peine, et dans d'autres situations, on peut soutenir que ce n'est pas le cas parce que le médicament sera utilisé abondamment quand il n'est pas vraiment nécessaire et le coût... C'est là une des choses qui méritent une analyse détaillée.
Mme Carolyn Parrish: L'une des choses qui m'ont intéressée, et je voulais être certaine d'avoir bien compris, c'est que vous avez dit que beaucoup de médicaments qui arrivent sur le marché en tant que nouveaux médicaments brevetés n'y sont plus 15 ans plus tard parce qu'ils sont remplacés par un meilleur médicament. Est-ce ce que vous avez dit?
M. Chiles: Oui.
Mme Carolyn Parrish: Par exemple, M. Mayfield a fait remarquer que si une mère prend de la pénicilline qui coûte 3$ et qu'elle en surconsomme, elle se retrouve avec de nombreuses infections qui doivent peut-être être traitées avec un médicament de 48$.
M. Chiles: C'est exact.
Mme Carolyn Parrish: Je suis très satisfaite de cette recommandation, monsieur le président. Je crois qu'on devrait examiner les économies au chapitre des coûts que nécessitent des séjours à l'hôpital et des opérations et tous les autres éléments qui sont remplacés par des médicaments brevetés.
Le président: Je cède maintenant la parole à M. Mayfield pour les dernières questions aux témoins.
M. Philip Mayfield: J'aimerais poser des questions sur un ou deux détails. Vous avez dit qu'après 10 ans d'usage, un médicament n'était probablement plus nécessaire et qu'une période de 15 ans était probablement l'extrême limite. Comment arrivez-vous à cela?
M. Chiles: Ce n'est pas tout à fait comme ça que je l'ai dit, mais...
M. Philip Mayfield: Vous avez probablement raison de dire que vous n'avez pas exprimé votre idée de cette façon, mais je serais heureux que vous la formuliez dans vos propres termes à ce moment-ci.
M. Chiles: Nous avons examiné les médicaments qui sont les plus utilisés, et à partir de là, nous avons essayé de voir depuis combien de temps ils étaient sur le marché. De ces médicaments,32 p. 100 avaient été sur le marché pendant plus de 10 ans et seulement 18 p. 100 pendant 15 ans ou plus. Je fais simplement extrapoler à partir de là pour dire qu'après 15 ans ou à peu près, la part de marché qui reste pour un médicament qui est en vente depuis 15 ans n'est pas tellement grande pour la plupart des médicaments. Pour les 18 p. 100 encore vendus après 15 ans... ces médicaments disposent encore d'une part importante du marché.
M. Philip Mayfield: Je comprends.
M. Chiles: Est-ce que cela éclaire votre lanterne?
M. Philip Mayfield: Oui, merci.
Je sais que les médicaments apparaissent puis disparaissent. Pour faire un petit aparté, j'ai des contacts à l'hôpital Saint-Paul à Vancouver, plus particulièrement à l'unité des soins palliatifs. Il a été intéressant de remarquer dans la conversation qu'à ce moment-là, il n'y avait pas de patients atteints du sida dans cette unité, ce qui m'a semblé un gros progrès et la preuve réelle de la valeur de la pharmacothérapie. Il est à espérer que d'autres médicaments amélioreront encore davantage le traitement.
Quand on parle de médicaments et de prix, je m'interroge sur le CEPMB. Est-ce que vous savez comment le Conseil calcule les augmentations de prix qui sont acceptées?
M. Chiles: D'après ce que je sais, les augmentations ne peuvent pas dépasser l'indice des prix à la consommation.
M. Philip Mayfield: Vraiment? Très bien.
M. Chiles: Je suis assez certain que c'est comme ça qu'on calcule. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres critères. Je me trompe peut-être, mais je pense que c'est ainsi que ça se passe.
M. Philip Mayfield: Les prix augmentent, et je me demande quelle a été la véritable augmentation des prix des médicaments depuis que la loi est entrée en vigueur. En avez-vous une idée?
M. Chiles: Dans son rapport à votre comité, le CEPMB a donné des renseignements détaillés sur les augmentations de prix pour tous les médicaments, et ensuite pour les médicaments qui ne sont pas brevetés et les médicaments brevetés. Certes, le prix des médicaments brevetés a grimpé moins rapidement.
M. Philip Mayfield: Je crois qu'il s'agit d'une augmentation de prix de 20 à 32 p. 100 ou de22 à 30 p. 100. Est-ce de cela dont vous parliez?
M. Chiles: Oui, c'est l'augmentation qui s'est produite. Dans le mémoire, le chiffre que je donne pour les dernières années est que le coût moyen d'une réclamation a augmenté de 7,8 p. 100 par an, sur une base annualisée. Si vous regardez les détails, ce n'est pas tout à fait aussi élevé, en réalité c'est de 6 p. 100, je pense, parce que la taille de l'ordonnance moyenne a augmenté. Donc il n'est pas vraiment juste de dire que ça a augmenté de 7,8 p. 100, mais vous trouverez les détails dans le mémoire.
M. Philip Mayfield: De quels pouvoirs le CEPMB dispose-t-il? Quelles sanctions peut-il imposer lorsqu'on découvre que des fabricants demandent trop pour leurs produits?
M. Chiles: Eh bien, le CEPMB a les pouvoirs juridiques nécessaires pour aller de l'avant. Je ne crois pas être en mesure de les résumer, parce que cela n'est pas réellement mon domaine de spécialité, mais je sais que le Conseil peut amener le fabricant devant les tribunaux et récupérer les dommages et intérêts et même le double si nécessaire. Donc ses pouvoirs sont assez étendus.
M. Philip Mayfield: Les médicaments génériques sont de compétence provinciale, mais quels règlements en régissent les prix? Est-ce que vous en avez une idée?
M. Chiles: Les provinces n'ont pas de mécanisme d'examen réglementaire comme le CEPMB. Il s'exerce une certaine surveillance du fait que les régimes d'assurance-médicaments provinciaux essaient de faire pression sur les fabricants de médicaments génériques pour qu'ils maintiennent leurs prix le plus bas possible. En outre, le marché les aide à cet égard. Comme plus de médicaments génériques apparaissent sur le marché, habituellement les prix ont tendance à diminuer.
M. Philip Mayfield: J'aimerais conclure en vous remerciant beaucoup. Je suis très content que vous ayez été avec nous.
Le président: Une dernière question de M. Volpe, très rapidement.
M. Joseph Volpe: Je vous remercie aussi.
Dans votre réponse, vous avez soulevé une question dans mon esprit au sujet de la part de marché et de la durée de vie habituelle d'un médicament sur le marché. Notre comité a entendu parler entre autres de l'importance de la commercialisation de nouveaux médicaments. À votre point de vue, d'après les données historiques que vous avez été en mesure de nous fournir, croyez-vous que le fait de prolonger la période de protection a des conséquences sur le désir des fabricants de mettre de nouveaux produits sur le marché?
M. Chiles: Vous parlez de la période qui s'écoule entre le moment où le fabricant présente sa demande à Santé Canada et celui où le médicament est approuvé?
M. Joseph Volpe: Oh non. Si un médicament est sur le marché depuis 10 ans, je crois que vous avez dit que dans l'ensemble, il a atteint sa durée de vie utile. Cela peut aller jusqu'à 15 ans, mais probablement pas beaucoup plus que ça.
M. Chiles: Quelques-uns ont une vie plus longue. Il y en a certains qui restent beaucoup plus longtemps sur le marché.
M. Joseph Volpe: Je le sais, mais vous avez dit que c'était à peu près cet ordre de grandeur, un peu plus ou un peu moins. Est-ce qu'une société serait plus encline à sortir un nouveau produit si la loi rallongeait la période au-delà de ces 10 à 15 ans ou un peu plus, ou si elle jouissait d'une exclusivité sur le marché qui irait au-delà de la période de 15 ans? Est-ce que la loi empêche ou décourage un fabricant de mettre un nouveau produit sur le marché?
M. Chiles: Ce pourrait être le cas d'une entreprise en particulier qui se demanderait s'il vaut la peine de mettre un autre médicament sur le marché quand elle en a déjà un, ou encore qui songerait peut-être à retarder son arrivée sur le marché. Mais il y a beaucoup de fabricants sur le marché et leurs concurrents diraient... Compte tenu du nombre de fabricants qui voudraient avoir une part du marché, je ne pense pas que cela soit une préoccupation majeure. Mais je ne fais que deviner ici.
M. Joseph Volpe: Je voulais simplement savoir ce que vous en pensiez.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup. Permettez-moi de reprendre les commentaires de deux membres du comité pour vous dire à quel point nous apprécions votre présence ici. Vous avez été avec nous pendant plus d'une heure ce soir. Vous avez été très généreux de votre temps et de vos réponses, et nous apprécions votre franchise et votre mémoire. À en juger d'après la réaction des membres ici, je puis vous dire que votre témoignage aura beaucoup d'impact sur la façon dont nous commencerons à formuler notre position à l'égard de cette question très difficile.
M. Chiles: C'est un plaisir.
Le président: Pour les membres du comité, avant que nous nous arrêtions, je tiens à vous faire remarquer que demain matin...
[Français]
nous commencerons à 9 h 00 et non pas à 9 h 30, dans la même salle.
[Traduction]
Le comité reprendra ses travaux à 9 heures, à la pièce 253-D de l'Édifice du Centre.