[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, Chapitre 2, Lois du Canada 1993. Nous reprenons nos travaux ce matin en souhaitant la bienvenue à nos invités à cette autre table ronde de notre série portant sur la reconsidération du projet de loi C-91 adopté en 1993.
Je souhaite donc la bienvenue aux représentants du Syndicat canadien de la fonction publique, du Conseil du travail de la ville et du district de Kingston, et du syndicat des TCA.
Notre premier intervenant ce matin sera M. Stan Marshall. Je vous prierais de prendre environ cinq minutes chacun, pas tellement plus, si vous n'y voyez pas d'objection, pour nous exposer votre point de vue. Nous entendrons d'abord nos trois témoins, puis les partis d'opposition leur poseront des questions, après quoi, ce sera au tour des députés ministériels. J'espère que nous aurons une table ronde intéressante et éclairante.
Monsieur Marshall.
M. Stan Marshall (recherchiste principal, Syndicat canadien de la fonction publique): Merci beaucoup. C'est avec plaisir que nous comparaissons devant vous.
Le Syndicat canadien de la fonction publique compte approximativement 460 000 membres répartis dans l'ensemble du Canada et dans divers secteurs d'activités, dont celui de la santé où nous avons quelque 140 000 membres.
Étant donné que, naturellement, nos membres ont tous des familles, les modalités prévues dans nos conventions collectives ont une incidence sur la vie d'un bien plus grand nombre de personnes que ces 460 000, surtout si l'on songe à certains volets comme celui de l'assurance-médicaments.
En réalité, il y a deux aspects de cette question que je tiens à aborder ici ce matin. Le premier a trait aux emplois. Sauf erreur, l'un des objectifs qu'on visait en adoptant le projet de loi C-91 était la création d'un nombre considérable d'emplois en R-D dans l'industrie canadienne des médicaments brevetés. Lors de sa comparution devant le comité, la Coalition canadienne de la santé vous a laissé entrevoir que ces promesses n'ont vraiment pas été tenues. Les nombreux emplois que l'industrie pharmaceutique prévoyait créer n'ont pas encore vu le jour, pas plus d'ailleurs que les investissements en R-D qu'elle s'était engagée à faire.
Pendant ce temps, on a imposé de lourdes compressions dans le secteur de la santé, principalement faute d'argent pour le financer. Les coupes qu'on y a effectuées, et qu'on continue d'y effectuer, par le biais de la réduction des paiements de transferts, sont énormes. Ces coupes, comme d'ailleurs le manque d'argent, je crois, - car il faut dire que, dans certains secteurs de notre système de santé, notamment dans celui des médicaments, les coûts sont hors de contrôle - ont occasionné des pertes massives d'emplois dans le domaine de la santé.
Si nos membres sont très directement touchés par cette évolution, l'ensemble de la société en souffre également, car la qualité des services et l'économie locale se dégradent quand on opère une telle ponction dans le système.
Une vérification auprès de Statistique Canada m'a permis de constater qu'entre 1991 et 1995, il s'était perdu quelque 38 000 emplois dans l'industrie de la santé. C'est autant d'emplois en moins dans vos circonscriptions. Et si jamais l'Association canadienne de l'industrie du médicament avait créé les emplois promis, ce n'aurait pu être, de toute façon, dans vos circonscriptions, à moins - peut-être - que vous ne soyez de Montréal ou de Toronto.
Prenons seulement le secteur hospitalier. Entre 1991 et 1995, plus de 32 000 emplois ont été abolis dans les hôpitaux publics canadiens, ce qui représente une diminution de 5,7 p. 100 au cours de cette période se terminant en 1995. Or, sachant que les coupes ont été en bonne partie effectuées après 1995 - autrement dit, en 1996 et en 1997 - j'ai tenu à avoir une idée de l'ampleur des pertes d'emplois au cours de cette période. Statistique Canada publie également des chiffres par secteur permettant d'établir ce qu'il en est. J'ai pu constater que, seulement dans celui de la santé et des services sociaux, il s'était perdu approximativement 32 000 emplois, dont 19 000 dans les hôpitaux, entre octobre 1995 et octobre 1996.
J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre comment on a pu porter un jugement positif sur le projet de loi C-91 du fait qu'il devait permettre de créer un petit nombre d'emplois - les 2 000 qui avaient été promis - , alors que le prix à payer pour la création - ou, devrait-on plutôt dire, pour la promesse de création - de ces 2 000 emplois allait se chiffrer dans les milliards de dollars. Nous aurions pu et dû réinvestir ces milliards dans notre système de santé pour éviter qu'on y supprime ainsi tout bêtement des emplois sans se soucier des conséquences pour le système. Ces sommes auraient dû être réinvesties dans la qualité de nos services de santé.
Le projet de loi C-91 n'est pas le seul facteur en cause ici, j'en suis conscient. Mais, gardons-nous d'en sous-estimer l'importance à cet égard. Pour y trouver notre compte, il faudrait qu'on réinjecte ces milliards de dollars dans notre système de santé.
Il m'apparaît proprement absurde qu'on tienne à protéger ainsi, sans égard à ce qu'il en coûte aux Canadiens, les brevets que détiennent les sociétés pharmaceutiques, alors que ce coût a un impact tel sur notre système de santé et sur nos économies locales que la qualité des services s'en trouve détériorée et que des dizaines de milliers de travailleurs en sont amenés à perdre leur emploi.
Le deuxième point que je veux faire ressortir très brièvement est que le projet de loi C-91 a d'énormes conséquences sur la négociation des conventions collectives. J'imagine que d'autres intervenants aujourd'hui seront mieux en mesure que moi de vous fournir des statistiques détaillées à ce sujet. Mais je sais que lorsque nous nous présentons à la table de négociations, nos employeurs réclament des concessions parce que, prétendent-ils, les régimes d'assurance de leurs employés leur coûtent trop cher, surtout à cause du prix des médicaments. C'est en grande partie ce sur quoi ils s'appuient pour nous demander des assouplissements, qu'il s'agisse de concessions salariales, de la quote-part assumée par chacune des parties, d'une augmentation des franchises ou d'un resserrement des conditions d'obtention des indemnités. Rien de tout cela n'est en réalité à l'avantage des travailleurs et de leur famille.
À la table, nous sommes très directement confrontés aux conséquences du projet de loi C-91. Les chiffres sont là pour l'illustrer. Green Shield prétend que la quote-part de l'employeur dans le financement des régimes d'assurance-santé a augmenté de 26 p. 100. Entre 1990 et 1994, le coût des médicaments par employé s'est accru de 26 p. 100. Nos employeurs ne veulent pas endosser ce fardeau. Ils nous le refilent à nous, c'est-à-dire aux employés.
Malheureusement, certains de nos membres n'ont pas d'assurance-médicaments et leurs employeurs ne veulent pas en entendre parler à la table de négociations. Nos 90 000 membres qui sont dans cette situation doivent payer leurs médicaments de leur poche. Chaque fois que le prix des médicaments augmente, ils doivent choisir entre se les procurer ou s'en priver pour pouvoir utiliser leur argent à quelque autre fin essentielle.
C'est un choix que personne ne devrait être réduit à faire. C'est un choix qui nous est imposé du fait qu'on ne s'est pas inquiété du prix des médicaments. Nous avons ici l'une des rares occasions de le faire et d'apporter les changements qui s'imposent.
En conclusion, je vous rappelle que le Forum national de la santé a beaucoup insisté sur l'importance des déterminants sociaux de la santé. Ce que je viens de faire ressortir, à propos tant de la situation de l'emploi - ou, plus exactement, du chômage - dans le secteur de la santé que de la capacité de nos membres d'obtenir à la table de négociations des conditions acceptables en matière d'assurance-médicaments, est directement lié aux déterminants sociaux de la santé. Le Forum national de la santé a établi très clairement que le chômage n'est pas un facteur propre à nous garder en bonne santé.
Pourquoi jeter des dizaines de milliers de travailleurs au chômage et mettre ainsi leur santé en péril?
Le Forum national dit aussi que le revenu d'une personne, sa sécurité d'emploi et la maîtrise qu'elle a sur sa vie ont un effet très positif sur son état de santé. Quand on est protégé par une convention collective, qu'on a un emploi bien rémunéré et qu'on est syndiqué, on peut exercer un certain contrôle sur sa vie. On a alors au moins de meilleures chances d'avoir une certaine sécurité d'emploi, de n'avoir pas à craindre d'être incapable de payer ses médicaments ou d'assumer d'autres dépenses incontournables, ce qui va directement dans le sens des discussions et recommandations du Forum national concernant les déterminants sociaux de la santé.
Nous ne devrions pas troquer la santé et les emplois des Canadiens contre les profits de nos sociétés pharmaceutiques.
Je termine sur ces mots. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Marshall.
Je vais maintenant donner la parole à M. Hope, du Conseil du travail de la ville et du district de Kingston. Soyez le bienvenu.
M. Len Hope (Conseil du travail de la ville et du district de Kingston): Bonjour et merci.
Le Conseil du travail de la ville et du district de Kingston compte un grand nombre de membres à Kingston et aux environs, depuis les travailleurs actifs aux travailleurs préretraités et aux ex-travailleurs à la retraite. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de nous présenter devant le comité pour lui exposer nos points de vue.
Nous sommes carrément contre le projet de loi C-91. À cause de ce projet de loi, beaucoup de nos membres se retrouvent avec des régimes d'assurance-santé et d'assurance-médicaments très insuffisants et n'ont pas les moyens de se payer des médicaments. Nous avons d'autant plus de mal à l'accepter que, dans le passé, nous avions entendu certains représentants du Parti libéral dire qu'ils allaient s'opposer énergiquement à l'adoption du projet de loi C-91, contrer toute notion d'augmentation des prix des médicaments d'ordonnance. Or, voilà que tout a tourné, que nous nous retrouvons devant un ministre qui juge peu probable que les dispositions découlant du projet de loi C-91 de 1993 soient modifiées.
J'exhorte le comité à examiner sérieusement les changements à apporter pour rendre possible l'instauration dans notre pays d'un régime d'assurance-médicaments qui aide vraiment la population plutôt que d'augmenter le coût des médicaments.
À Kingston, quand nous négocions une convention collective dans un secteur d'activités donné, nous le faisons généralement avec des petits employeurs qui n'ont pas les moyens de donner à leurs employés un régime d'assurance-médicaments. Chaque Canadien devrait avoir accès à un régime d'assurance-médicaments pour accroître ses chances de vivre mieux et plus longtemps si jamais il devait avoir besoin de médicaments d'ordonnance. Mais quand le prix des médicaments est à ce point élevé, il nous est beaucoup plus difficile de négocier les conventions collectives?
Les Travailleurs canadiens de l'automobile ont un programme visant à contrer l'abus des médicaments. Il a pour objectif de faire comprendre aux personnes à qui on a prescrit des médicaments que, même si un médecin leur dit qu'ils doivent prendre quatre ou cinq médicaments d'ordonnance, ils parviendront peut-être, en changeant simplement leur mode de vie, à améliorer leur état de santé au point de pouvoir se passer de médicaments.
Ce programme, qui est en place depuis environ cinq ans, a permis de prouver aux intéressés qu'ils n'ont pas toujours besoin de prendre les médicaments qu'on leur prescrit. Ils ne sont pas obligés de les prendre tout le temps. Dans bien des cas, si on leur en a prescrit cinq, par exemple, ils peuvent fort bien n'en avoir besoin que de deux, car les trois autres n'ont peut-être pour effet que de neutraliser les deux premiers. Ce genre d'anomalie peut être atténuée et enrayée.
Toutefois, quand on est réduit à mettre ainsi en place en milieu de travail des programmes visant à contrer des situations déplorables créées de toute pièce par certains médecins, il nous est très difficile de négocier efficacement avec les employeurs.
À notre avis, on devrait examiner sérieusement le plan en cinq points proposé par la Coalition canadienne de la santé et, si possible, instaurer un régime national et universel d'assurance- médicaments pour faire en sorte que les médicaments génériques arrivent sur le marché plus rapidement qu'actuellement.
Dans certains cas, les employeurs préviennent leurs employés que, s'ils veulent obtenir un régime d'assurance-médicaments, ils devront d'abord accepter d'acheter des médicaments génériques plutôt que des médicaments d'origine. S'ils doivent acheter des médicaments d'origine, ils devront prouver qu'ils ont besoin de ces médicaments, et s'ils en ont effectivement besoin, leur quote-part sera majorée en proportion du prix payé. Cela vous montre que les employeurs, y compris le gouvernement fédéral, veulent vraiment faire savoir à leurs employés que les médicaments génériques sont aussi bons que les médicaments d'origine et que, pour réduire les coûts, ils devraient prendre des médicaments génériques plutôt que des médicaments d'origine.
Compte tenu du fait que, de nos jours, l'énormité du budget de notre système de santé tient, dans une large mesure, au coût élevé des médicaments d'ordonnance, si nous pouvions concevoir un régime où le gouvernement - fédéral ou provincial, peu importe - , se servirait de tout son poids pour imposer des normes et des règles propres à inciter les gens à utiliser judicieusement leurs médicaments, nous réaliserions, je crois, d'importantes économies à ce poste. Cela vaudrait certes mieux que de s'en remettre aux dispositions du projet de loi C-91 et d'être à la merci des fabricants qui contribuent à la hausse des coûts dans les services de santé en fixant les prix en fonction des profits qu'ils entendent réaliser.
Nous estimons par ailleurs souhaitable de veiller à ce que ce secteur dispose de ressources suffisantes pour y garantir la qualité et l'efficacité de la R-D et y favoriser la création d'emplois. Le gouvernement fédéral, lorsqu'il a adopté le projet de loi C-91, s'était fait dire que les sociétés titulaires de brevets allaient créer des emplois au Canada. En fait, loin d'avoir tenu leur engagement, ces sociétés ont plutôt été à l'origine de la disparition d'une foule d'emplois dans tout le pays.
Il s'impose que nous mettions en place un système fiable et publiquement responsable qui puisse garantir la sécurité de notre industrie pharmaceutique. Il faudrait exercer une surveillance sur le prix de tous les médicaments, y compris des médicaments génériques, pour prévenir toute hausse excessive.
En conclusion, je souhaite qu'on fasse en sorte que notre système de santé nous coûte moins cher et que tous les Canadiens puissent se procurer les médicaments dont ils ont besoin à un prix abordable plutôt qu'à un prix qu'on aura gonflé pour accroître les profits de l'industrie.
Je tiens à vous raconter une histoire que j'ai entendue il y a moins de deux ou trois ans. Nous étions à un forum où les gens nous faisaient part de leurs problèmes. À cette époque, je travaillais auprès de personnes qui étaient sans emploi ou sous- employées. Une dame s'est levée et s'est mise à nous relater un fait qui lui était arrivé.
Elle s'était rendue chez un médecin parce qu'elle avait trois enfants malades. Le médecin lui remit une prescription pour chacun des enfants. Elle n'avait pas assez d'argent pour acheter les trois sortes de médicaments, mais elle en avait suffisamment pour faire remplir une des ordonnances. Elle a donc réparti entre ses trois enfants les médicaments qui avaient été prescrits à l'un d'eux. Ses trois enfants ont d'abord pris un peu de mieux, puis sont devenus beaucoup plus mal en point qu'avant d'avoir absorbé les médicaments. Il a même fallu les hospitaliser.
L'hôpital les ayant soignés, ils ont pu recouvrer la santé. Mais songez au coût de tout cela... Autrement dit, parce que les médicaments prescrits étaient très chers et que la dame n'avait pas les moyens de les acheter tous, il a fallu hospitaliser les enfants pour les ramener à la santé. Les soins hospitaliers coûtant évidemment plus cher que les médicaments, cette solution a contribué à accroître le coût de notre système de santé.
Je ne crois pas que les Canadiens veuillent vraiment d'un système qui permette que des gens soient placés dans une telle situation.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hope.
J'invite maintenant Mme Jo-Ann Hannah, représentante nationale des TCA, à prendre la parole. Soyez la bienvenue.
Mme Jo-Ann Hannah (représentante nationale, Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile): Merci. Hemi Mitic, l'adjoint de notre président, était censé m'accompagner. Il vous prie de l'excuser. Il n'a pas pu venir, parce qu'il lui a fallu se rendre d'urgence sur une ligne de piquetage ce matin. Il avait aussi le mémoire en main. Je tiens à remercier le greffier d'en avoir fait des copies très rapidement et de nous les avoir distribuées.
Je m'appelle Jo-Ann Hannah, et je travaille à la section des pensions et des avantages sociaux à notre bureau national. Je suis très heureuse d'être ici pour vous présenter notre mémoire.
Les Travailleurs canadiens de l'automobile représentent 215 000 membres répartis dans tout le Canada et dans divers secteurs de l'économie. Nous avons en outre un contingent très important et très actif d'ex-travailleurs à la retraite. Plus de 35 000 d'entre eux versent volontairement leur cotisation au syndicat. Nos membres ne sont pas employés dans le secteur de la santé, mais ils travaillent dans des endroits très stressants, souvent malsains. Malheureusement, les médicaments représentent un volet important des régimes d'assurance-santé que nous négocions.
Nous avons présenté des mémoires lors de l'étude des précédents projets de loi sur les brevets, les projets de loi C-22 et C-91. Nous nous sommes opposés à leur adoption, et nous sommes également ici pour exprimer notre opposition au maintien des dispositions découlant du projet de loi C-91. À l'instar de Stan Marshall et de Len Hope, nous sommes très préoccupés par le coût élevé des médicaments et nous sommes convaincus qu'une protection de 20 ans consentie aux industries pharmaceutiques ne pourra que se traduire par une hausse plus importante encore des prix dans ce domaine.
J'estime que la démonstration de la hausse des coûts a été amplement faite. J'en traite dans notre mémoire. À cet égard, je tiens seulement à vous signaler que la récente étude de l'Université Queen's, qui est venue confirmer celle qu'avait menée antérieurement le chercheur américain Schondelmeyer, a permis de conclure que les dispositions du projet de loi C-91 relatives à la protection par brevet entraîneront une augmentation cumulative des coûts pouvant représenter jusqu'à 7 milliards de dollars.
Selon Green Shield, l'émetteur de bon nombre des régimes d'assurance-médicaments que nous négocions, les nouveaux médicaments brevetés se vendent en moyenne 2,2 fois plus cher que les médicaments génériques qu'on trouve actuellement sur le marché.
Le problème de la progression du coût des médicaments pèse très lourd dans les négociations. Comme mon confrère du SCFP l'a expliqué, l'employeur se présente à la table de négociations et réclame des concessions en invoquant le coût majoré du régime d'assurance-médicaments. Il affirme que ses dépenses à ce poste se sont accrues de 150 p. 100, puis nous débattons de la question. Il finit normalement par admettre nos points de vue, en maintenant toutefois qu'il s'agit quand même là d'une grosse dépense, que cette progression des coûts l'inquiète et qu'il faudrait neutraliser un peu les choses en réalisant des économies quelque part.
Nous avons refusé de refiler ces coûts à nos membres. On nous propose toutes sortes de moyens pour compenser l'accroissement du coût de ces régimes. On nous réclame un assouplissement des avantages, une augmentation de la quote-part des employés, une hausse des franchises, etc., des mesures qui reviennent toutes à faire assumer par nos membres la hausse des coûts des médicaments, ce que nous ne sommes pas prêts à accepter. Nous n'en avons pas moins reconnu le problème, et nous avons fait deux tentatives pour le résoudre. Nous avons d'abord essayé de nous attaquer directement au problème des prix. Nous avons négocié une limitation de la liste des médicaments admissibles. En réalité, notre objectif était d'amener les bénéficiaires à prendre des médicaments génériques - qui sont moins chers et tout aussi efficaces - plutôt que d'opter systématiquement pour des médicaments d'origine. Nous voulions par là éviter que nos contributions aux régimes de soins de santé servent à accroître les profits des sociétés titulaires de brevets. Nous nous sommes efforcés de restreindre la liste des médicaments admissibles. Ce fut un désastre. Ca n'a pas fonctionné, et nous avons dû revenir à la table et négocier d'autres changements.
L'autre problème concerne les prescriptions excessives. Je pense que le Forum national de la santé a extrêmement bien décrit la situation. Il y a des médecins qui sont rémunérés à l'acte et qui cherchent à voir le plus grand nombre de patients possible. Les fabricants s'amènent à eux pour leur dire quels médicaments prescrire. Nous savons jusqu'à quel point les sociétés titulaires de brevets sont dynamiques et actives quand il s'agit de promouvoir leurs médicaments d'origine auprès des médecins, ce qui amène les médecins à émettre des ordonnances superflues. Len Hope en a parlé tout à l'heure.
Pour tenter de remédier à cette situation, nous avons proposé aux employeurs un programme de sensibilisation à l'abus des médicaments. Dans un premier temps, nous en avons négocié les modalités dans le cas des retraités de la société Falconbridge de Sudbury. Nous voulions encourager les retraités à poser des questions à leur médecin plutôt que d'accepter systématiquement de prendre les médicaments prescrits, et les inviter à se sentir responsables de leur santé. Le programme a eu beaucoup de succès. Nous sommes heureux des résultats.
Force nous est toutefois de reconnaître qu'il y a des limites à ce que nous pouvons faire à la table de négociations en ce qui concerne le coût des médicaments. Si les dispositions découlant du projet de loi C-91 sont maintenues telles quelles, il va y avoir très peu de succédanés peu coûteux sur le marché et nous allons assister à une nouvelle augmentation du coût des régimes d'assurance-médicaments.
Nous allons y perdre sous un autre rapport. On va nous demander de faire des concessions sur le plan salarial, ou d'amputer certains avantages liés à notre régime d'assurance-santé pour maintenir ceux de notre régime d'assurance-médicaments. Cela va créer des tensions à la table de négociations. L'atmosphère y est déjà très tendue ces temps-ci, et la situation ne fera qu'empirer.
Un autre problème qui nous préoccupe, c'est qu'alors qu'environ 60 000 membres de notre syndicat ont déjà une excellente couverture d'assurance-médicaments, comportant une franchise de 35c. et l'accès à une grande variété de médicaments, d'autres parmi nos membres n'ont pas ce genre de couverture. Certains doivent payer une quote-part très élevée, parfois si élevée que l'assuré n'a pas les moyens de se procurer les médicaments dont il a besoin. Ces travailleurs occupent généralement des emplois faiblement rémunérés. Une telle situation est inéquitable, injuste.
Un régime national d'assurance-médicaments, comme celui qu'a recommandé le Forum national de la santé, serait un moyen très efficace de garantir à tous les travailleurs et à leur famille l'égalité d'accès aux médicaments. C'est pourquoi nous appuyons cette recommandation.
Nous appréhendons toutefois un problème: si c'est le gouvernement qui finance ce programme, et que l'on maintient la protection par brevet et, partant, la présence sur le marché de médicaments brevetés vendus au prix fort, les Canadiens ne verront- ils pas une plus large part du budget de leur système de santé servir au remboursement du coût des médicaments, et ce, au détriment d'autres volets des services de santé?
En effet, notre régime de santé s'érodera au fur et à mesure qu'une part plus importante de nos dépenses servira à grossir les profits des sociétés qui fabriquent des médicaments brevetés, sociétés qui sont pour la plupart contrôlées par des Américains et dont la rentabilité est déjà très forte. Nous y voyons un réel problème et une menace à notre régime d'assurance-santé auquel nous tenons au plus haut point, à l'instar de tant de Canadiens.
Le Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile est membre de la Coalition canadienne de la santé et endosse le plan en cinq points qu'elle propose et dont Len Hope a fait état. Nous espérons que le comité l'examinera très attentivement.
Je conclus en disant que nous n'acceptons pas que des accords commerciaux lient les mains du gouvernement en matière d'octroi obligatoire de licences. John Dillon, de la Coalition oecuménique pour la justice économique, a proposé plusieurs options au gouvernement. Là encore, nous espérons que le comité étudiera très sérieusement ces propositions.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Hannah. Je tiens à vous remercier tous les trois de vos exposés très concis et très convaincants.
Je vais maintenant laisser la parole à
[Français]
M. Brien, qui posera les premières questions questions.
M. Pierre Brien (Témiscamingue, B.Q.): Merci pour vos présentations.
J'aimerais qu'on aborde le dossier d'une façon un peu plus large au départ. Je comprends vos préoccupations en ce qui a trait à la pression qui existe dans les négociations entre vous et vos employeurs, mais la base du principe des médicaments brevetés, c'est la reconnaissance de la propriété intellectuelle.
Pour l'ensemble des produits, on accorde aux gens qui font des découvertes des brevets de20 ans. On accorde la même chose dans le domaine pharmaceutique, mais comme il faut beaucoup de temps pour développer un produit pharmaceutique, le brevet, en réalité, n'est efficace que pendant 10, 12 ou 14 ans, tout dépendant de la personne à qui vous vous adressez. Finalement, vous nous dites que vous ne souhaitez pas qu'on respecte ce principe de la propriété intellectuelle dans le domaine des médicaments.
[Traduction]
Le président: Madame Hannah, voulez-vous vous charger de répondre à cette question?
Mme Hannah: La Commission Eastman s'est penchée attentivement sur la question précise que vous soulevez. Il importe de reconnaître que, compte tenu de tout le temps et de toute l'énergie que consacrent les chercheurs à développer un médicament, ils doivent disposer d'une certaine période de temps pour rendre leur découverte à terme. Selon la Commission Eastman, une période de quatre ans est suffisante.
L'autre point, c'est qu'il s'agit ici de médicaments, un volet très important du système de santé au Canada. Par conséquent, aller dire que mettre au point un médicament n'a rien de différent de mettre au point un ordinateur ou un appareil de radio ou quoi que ce soit... ces produits ne sont pas comparables, à mon avis. Au fait, en préambule à notre mémoire, nous avons placé une citation. Permettez-moi de vous la lire. C'est la question qu'on utilise dans la théorie de Kohlberg pour vérifier où un sujet situe la morale, et ce test est familier à quiconque a le moindrement étudié la psychologie.
- L'épouse de Hans se meurt d'une maladie rare. Le pharmacien a en main le médicament qui
pourrait la guérir, mais il le vend trop cher. Hans n'a pas les moyens de l'acheter. Hans
devrait-il s'introduire par effraction dans la pharmacie pour voler le médicament?
[Français]
M. Pierre Brien: Poursuivons là-dessus. Vous avez fait allusion au rapport Eastman, mais il faut le mettre en perspective. Si ma mémoire est bonne, c'était en 1984 ou 1985. Les règles du jeu ont un peu changé depuis ce temps-là, de même que le contexte. On est maintenant dans un environnement international. Qu'on y soit favorable ou non, il existe. Un standard international s'est créé et il y a des engagements.
Je sais que certaines personnes les contestent, mais il semble assez clair que les engagements sont là. Même le point de vue des deux ministres concernés a été assez clair: il s'agit d'engagements qu'on doit respecter. Dans ce cadre-là, s'il y a des engagements internationaux pour reconnaître la propriété intellectuelle, n'a-t-on pas intérêt, pour avoir des emplois dans ce secteur-là, à avoir un cadre semblable à celui des autres pays? Si la recherche se faisait dans d'autres pays, on devrait acheter les mêmes médicaments et les payer le même prix, mais les emplois seraient ailleurs.
[Traduction]
Le président: Monsieur Marshall.
M. Marshall: Je vais répondre à deux ou trois des points qui ont été soulevés. D'abord, je pense qu'actuellement la R-D se fait dans une large part ailleurs qu'au Canada, malgré la protection dont les sociétés titulaires de brevets jouissent ici en matière de propriété intellectuelle. À ma connaissance, leurs efforts de R-D n'ont pas augmenté de façon notable au Canada. Je crois qu'il n'existe pas de certitude à ce sujet à l'heure actuelle. Cet argument ne m'apparaît pas très convaincant.
Deuxièmement, la proposition de la Commission Eastman reconnaît la propriété intellectuelle, comme ma collègue Mme Hannah l'a souligné, mais nous devons également garder à l'esprit qu'après les quatre ans de protection, les titulaires de brevets toucheraient des redevances. N'allons pas penser qu'ils n'obtiendraient rien après quatre ans. En vertu de cette proposition, ils auraient encore droit à des redevances. C'est une question qui a été examinée très attentivement.
Je ne crois pas que le contexte international ait changé autant que vous le dites. Certes, de nouvelles politiques économiques et de nouveaux accords commerciaux ont été conclus depuis, mais je pense que la proposition de la Commission Eastman demeure valable malgré ces changements.
L'autre point que j'aimerais faire ressortir, c'est que, en ce qui a trait aux prix de lancement des médicaments sur le marché, il existe des accords en cette matière, mais il y a aussi le groupe des sept pays de l'OCDE qui fixe les prix des médicaments qui arrivent sur le marché, et ses décisions à cet égard ne m'apparaissent pas très heureuses. Les prix qu'il établit sont vraiment gonflés.
Ce ne sont pas tous les changements survenus depuis 1984 qui ont été positifs ou bénéfiques. Je crois que la proposition du rapport Eastman est encore bien fondée.
Le président: Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien: Il y a quand même une chose importante qui a changé sur la scène internationale. On doit reconnaître qu'il y a eu la signature des ententes de libre-échange, pas nécessairement celle avec les États-unis, mais plutôt celles de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce. Je comprends que vous contestez le fait qu'on peut se soustraire, selon vous, à ces ententes-là, mais il s'agit quand même d'une nouvelle donnée. Si on ne peut s'y soustraire, c'est quelque chose de différent par rapport à 1984 ou 1985.
Monsieur Marshall, il me semble qu'il y avait beaucoup de choses qui n'étaient pas nécessairement sans lien direct avec cela dans votre présentation. En ce qui a trait aux pertes d'emplois dans le secteur de la santé, vous semblez en attribuer une très grande part au projet de loi C-91.
On connaît le contexte des réductions des paiements de transfert dans le domaine de la santé et la dynamique dans laquelle les provinces se trouvent - elles ont dû faire des choix financiers difficiles, etc. - , et il me semble donc que vous en attribuez beaucoup au projet de loi C-91, parce qu'on nous dit que les médicaments, dans le système de la santé - je ne parle même pas des médicament brevetés, mais de l'ensemble des médicaments - représentent environ 12 p. 100 des coûts du système de la santé.
Comment peut-on attribuer à une loi une aussi grande part de responsabilité en ce qui a trait aux pertes d'emplois dans l'ensemble du secteur de la santé?
[Traduction]
Le président: Monsieur Marshall.
M. Marshall: Avant de parler de la question des pertes d'emplois, vous me permettrez de dire un mot sur la question des accords commerciaux.
Il existe des options et des opinions juridiques concernant ces options, et la Coalition canadienne de la santé en a présenté au moins une à votre comité. Le document soumis par John Dillon, auquel il a été fait allusion tout à l'heure, ainsi que l'opinion et le témoignage qui ont été donnés ici par Barry Appleton faisaient certes état de ces choix que nous avons en ce qui concerne les accords. Naturellement, je pense que votre comité devrait demander d'autres opinions juridiques sur cette question si celles dont on vous a fait part jusqu'à maintenant ne vous satisfont pas.
En qui concerne les pertes d'emplois, je ne dis pas qu'elles découlent toutes du projet de loi C-91. Il y a certes bien des choses qui se passent, y compris, comme je l'ai mentionné, les coupes dans les paiements de transfert destinés au financement des services de santé et des services sociaux, coupes qui ont obligé les provinces à refiler aux administrations locales, aux particuliers et aux familles la facture des services de santé.
Il n'en demeure pas moins que le projet de loi C-91 est en partie responsable de tout cela. Il n'est pas le seul, mais il fait partie du problème, parce qu'il opère dans le système une ponction représentant des milliards de dollars qu'on ne réinvestit pas utilement ou efficacement dans le domaine de la santé. Deuxièmement, je m'étonne de ce que l'on cherche si désespérément à faire des économies dans le système de santé, et qu'on ne soit pas plus empressé d'apporter un changement aussi indiqué et aussi simple à réaliser. Nous avons ici une rare occasion, pourvu que la volonté politique y soit, d'améliorer à long terme, en redressant la situation, les chances des Canadiens d'être en bonne santé.
[Français]
M. Pierre Brien: Il y aura deux volets à ma question. Vous parlez de deux choses, notamment des bénéfices pour les Canadiens. N'oublions pas qu'il y a 17 000 personnes qui travaillent dans le secteur des médicament brevetés. Or, je ne suis pas sûr qu'elles partagent toutes votre analyse, et il y a sûrement des gens qui font partie d'autres syndicats là-dedans.
Premièrement, si on modifie la loi et que l'on adopte les suggestions que vous proposez, affirmez-vous que cela n'aura pas d'impact sur l'emploi dans les entreprises pharmaceutiques qui font de la recherche et du développement?
Deuxièmement, reconnaissez-vous que la découverte de certains médicaments peut amener une diminution des coûts de la santé? Lorsqu'on découvre un médicament qui prévient l'hospitalisation des gens parce qu'il s'agit d'un traitement alternatif à la chirurgie ou autre, la durée de la période d'hospitalisation est raccourcie et on évite même des hospitalisations.
Dans plusieurs cas, des médicaments de grande qualité peuvent amener une diminution des coûts du système de santé. Reconnaissez-vous que les médicaments qui nécessitent beaucoup de recherche peuvent faire diminuer les coûts du système de santé?
[Traduction]
M. Marshall: Je vais d'abord répondre à la deuxième partie de votre question.
Certes, il y a des découvertes pharmacologiques qui font exactement ce que vous décrivez - elles écourtent le séjour à l'hôpital et elles fournissent aux Canadiens des moyens de lutter contre la maladie et ses conséquences. Je ne crois toutefois pas que les changements positifs que nous demandons d'apporter aux dispositions découlant du projet de loi C-91 auront pour effet d'empêcher qu'on continue d'inventer de nouveaux médicaments. On fera encore des découvertes, peut-être au Canada, peut-être pas.
Vous avez déjà entendu le témoignage de gens qui s'y connaissent mieux que moi dans ce domaine. Ils vous ont sûrement dit que les fabricants n'effectuent pas leurs recherches de nouveaux médicaments en pensant au marché canadien. Ce serait vraiment trop peu. Ils ne visent rien de moins que le marché mondial, dont, naturellement, le marché canadien fait partie. Mais je ne crois pas que les changements que nous proposons entraîneraient la moindre diminution des chances qu'on fasse des découvertes qui puissent être bénéfiques aux Canadiens.
Quant à savoir si des emplois seraient perdus ou négativement touchés dans l'industrie des médicaments brevetés, ne faisant bien sûr pas partie du conseil d'administration de l'ACIM, j'ignore ce que ces gens peuvent bien en penser. Bien sûr, les fabricants vont dire que de tels changements auraient des conséquences négatives sur l'emploi dans cette industrie, mais, chose certaine, un nombre relativement faible d'emplois sont susceptibles d'être touchés. À cet égard, les pertes possibles ont peut-être déjà été encaissées, depuis l'adoption du projet de loi C-91.
Il y a bien des facteurs autres que le projet de loi C-91 qui vont avoir une incidence négative sur l'emploi dans cette industrie. Il y a notamment les restructurations qu'on y effectuera. On voudra peut-être accroître l'efficacité des entreprises de ce secteur, et ce, indépendamment de ce qu'il adviendra des dispositions découlant du projet de loi C-91.
Naturellement, je ne peux vous donner l'assurance qu'il ne s'y produira pas des mutations dans le sens où vous l'entendez, mais je crois qu'elles ne pourraient être que minimes en regard des bienfaits que nous apporterait l'application des mesures que nous proposons.
Le président: Monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield (Cariboo - Chilcotin, Réf.): Bonjour et merci beaucoup d'avoir accepté de venir nous rencontrer pour discuter de cette question.
Je vous ai écouté nous exposer votre point de vue avec beaucoup d'intérêt. En songeant à ce que d'autres nous ont dit avant vous, il semble qu'en grande partie vos propos vont dans le sens contraire de l'information que nous ont fournie de nombreux témoins, y compris - mais non seulement - les principaux intéressés, c'est-à-dire les fabricants de médicaments tant génériques que brevetés.
D'après ce que nous avons entendu, j'ai cru comprendre que les attentes en matière de création d'emplois, d'accroissement des investissements et d'expansion des installations ont été plus que satisfaites par les sociétés en cause. En fait, les fabricants de médicaments génériques qui s'inquiétaient le plus des conséquences du prolongement de la période de protection garantie par brevet ont également été très prospères, et sont même allés jusqu'à se lancer dans des avenues de recherche qu'ils n'avaient nullement explorées auparavant. J'ai donc été quelque peu étonné d'entendre vos propos.
Vous avez soulevé la question des compressions dans notre système de santé et du nombre d'emplois qui y ont été perdus. J'ai à l'idée d'autres raisons que je trouve encore plus importantes pour expliquer tout cela. Je songe, par exemple, aux priorités de dépenses de l'actuel gouvernement, aux contributions et subventions, à mon sens, trop généreuses, qu'il accorde aux sociétés. Il aurait mieux fait d'investir ces sommes dans les soins de santé, ce qui lui aurait évité de devoir réduire les transferts aux provinces et, partant, aux hôpitaux et aux services de santé. Vos propos m'ont donc étonné un peu.
Une autre chose qui m'a vraiment frappé dans l'exposé que vous nous avez présenté au nom du Conseil du travail de la ville et du district de Kingston, c'est que vous insistez pour dire que vous étiez fermement opposé à la protection conférée par brevet. C'est ce qu'on lit ici dans votre mémoire. Je me demande comment on pourrait s'attendre à ce que des gens investissent leur temps et leur imagination pour créer cette propriété intellectuelle sans jouir d'une protection suffisante pour leur assurer un gagne-pain.
Qu'avez-vous à me répondre pour atténuer mes inquiétudes?
M. Hope: Nous nous opposons à la protection par brevet dont il est question ici, une protection de 20 ans accordée aux fabricants de médicaments d'origine pour leur permettre de fabriquer à loisir divers types de médicaments. Hypothétiquement, ils pourraient se contenter de prendre un banal ingrédient d'un médicament existant, le présenter sous un autre enrobage, et prétendre que c'est un nouveau produit. Aucune R-D n'est requise pour cela. Le produit est lancé sur le marché et on l'offre à un prix majoré. Le fabricant qui jouit d'une protection de 20 ans pour faire cela n'aura qu'à modifier légèrement tous les produits qu'il a déjà, et le tour sera joué. Nul besoin de faire de la recherche pour cela.
En accordant aux fabricants de médicaments d'origine une protection de 20 ans pour fabriquer des médicaments aussi peu novateurs, et en interdisant par ricochet aux fabricants de médicaments génériques de leur faire concurrence sur le même terrain, nous donnons en réalité aux fabricants de médicaments d'origine l'entier contrôle sur la façon dont les médicaments seront fabriqués. Les sociétés titulaires de brevets pourront se faire concurrence entre elles, mais elles s'entendront probablement pour maintenir bon nombre de prix élevés.
Dans les années 60, on a reconnu que, faute de contrôles valables permettant de protéger le consommateur, le Canada était parmi les pays où les médicaments se vendaient le plus cher. C'est pourquoi, en 1984, la Commission Eastman a recommandé l'instauration de certains mécanismes de contrôle en cette matière. Les fabricants de médicaments d'origine pourraient, par exemple, percevoir certaines redevances pour leurs efforts de R-D. Ils ne pourraient toutefois pas fixer les prix à leur guise pendant 20 ans en prétendant qu'il leur faut vendre cher pour pouvoir financer leur R-D.
Il ne fait pas l'ombre d'un doute que les fabricants de médicaments d'origine consacrent beaucoup de temps et d'argent en publicité. De nos jours, on n'enseigne plus aux médecins les effets qu'ont les médicaments un à un. Les médecins ne sachant pas trop à quoi s'en tenir, des hommes et des femmes sont chargés par les fabricants de médicaments d'origine d'aller les rencontrer pour leur expliquer à quelles fins ils devraient prescrire tel ou tel médicament. Or, c'est en bonne partie à cela que l'argent sert. C'est autant de moins pour la R-D. On investit beaucoup dans ce secteur, mais tout l'argent ne s'en va pas là.
On se rappellera, si l'on remonte à l'époque où le projet de loi C-22 a été présenté, que les fabricants de médicaments d'origine avaient jugé que la protection de quatre ans qu'on leur accordait pour vendre leurs produits en exclusivité n'était pas suffisante. On avait alors porté cette période à sept, puis à dix ans. Après un certain temps, ils sont venus vous faire part de leurs projets et, en 1993, la période de protection au cours de laquelle ils peuvent vendre leurs produits en exclusivité a été fixée à 20 ans.
Il se trouve que, sur ce chapitre, nous ne sommes pas favorables au maintien de la règle en vigueur actuellement, ni même à la protection de sept ans. Je pense que nous devrions plutôt envisager d'accorder une protection qui se limiterait tout au plus à celle que recommandait le rapport Eastman.
M. Philip Mayfield: Ce que vous affirmez n'est pas tout à fait exact, monsieur. Vous dites que les fabricants ont 20 ans d'exclusivité sur la vente de leurs produits. C'est sur la propriété intellectuelle qu'ils ont une protection de 20 ans. La durée de leur période d'exclusivité pour commercialiser le produit dépend du temps qu'il leur faut pour améliorer le produit suffisamment pour le rendre commercialisable. Pour le commercialiser, ils doivent se contenter de ce qui reste de la période de 20 ans. Ce que les fabricants nous disent, c'est qu'un bon nombre des médicaments qu'ils produisent sont si complexes à mettre au point qu'ils n'ont pas assez de cette période pour récupérer leurs coûts et pour faire les profits dont ils ont besoin pour rentabiliser leurs opérations. Autrement dit, certaines sociétés pharmaceutiques prétendent qu'il arrive parfois qu'un médicament soit tellement long à développer qu'elles auraient alors besoin d'une protection au-delà de cette période de 20 ans. Je ne crois donc pas qu'il soit exact de dire qu'elles ont 20 ans pour commercialiser leurs produits.
Je n'ai rien à voir avec les sociétés pharmaceutiques. Je ne demande pas mieux que les médicaments soient bon marché. Mais je vais vous dire ce que je voudrais. J'aimerais que ces médicaments soient disponibles quand les Canadiens en ont besoin, et que les laboratoires de recherche demeurent dans notre pays, car nous avons ici des scientifiques, jeunes et vieux, qui sont hautement qualifiés, voire de classe mondiale. Je crois que nous avons une contribution à apporter, et j'aimerais bien que nous occupions la place qui nous revient dans ce domaine.
Quand on m'explique que les prix sont plus stables maintenant qu'ils ne l'étaient auparavant et que la concurrence a contribué davantage au contrôle des prix que n'importe quel mécanisme de contrôle proprement dit n'aurait pu le faire, je me demande si vous avez des preuves qui puissent permettre de contredire ou de réfuter les témoignages qu'on nous a donnés avant aujourd'hui.
Mme Hannah: Je vous ferai d'abord remarquer que, lorsque la Commission Eastman a examiné la question du prix des médicaments, elle en est arrivée à la conclusion que, dans ce secteur, la concurrence n'avait pas l'influence souhaitée sur les prix. Nous avons donc là une commission royale qui a étudié la situation très attentivement et qui a jugé qu'il serait indiqué, pour plus d'efficacité, d'accorder des licences obligatoires aux fabricants de médicaments génériques si on voulait vraiment maintenir le prix des médicaments à un bas niveau.
L'autre chose, c'est que je serais vraiment curieuse de savoir si l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques est réellement venue vous dire que le projet de loi C-91 lui convenait, qu'il était avantageux pour ses membres, car, pour ma part, j'ai entendu un tout autre son de cloche venant de cette association.
Quand vous dites que les fabricants de médicaments d'origine, les membres de l'ACIM, affirment qu'ils doivent avoir cette protection de 20 ans pour pouvoir faire les profits dont ils ont besoin, quel est selon vous le niveau de profit acceptable? Ils ont une marge bénéficiaire de 29 p. 100 après déduction de leurs coûts de R-D. Il y a peut-être lieu de trouver qu'il s'agit là de profits excessifs. Rares sont les sociétés sur le marché qui ont une marge bénéficiaire de 29 p. 100.
Le dernier point que j'aimerais souligner en réponse aux questions que vous avez soulevées, c'est que moins de 5 p. 100 des nouveaux médicaments qui ont été lancés sur le marché - sur une période de sept ans, je crois - étaient manifestement révolutionnaires, en ce sens qu'ils apportaient véritablement une amélioration sur le plan thérapeutique en regard de ce qui existait déjà sur le marché.
Le vice-président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Merci, monsieur Mayfield. Je suis sûr que nous pourrons vous revenir.
Monsieur Murray.
M. Ian Murray (Lanark - Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bonjour madame et messieurs.
J'aimerais simplement commencer en demandant à M. Hope qu'il m'éclaire sur un point. Avez-vous bien dit que vous croyiez que même les fabricants de médicaments génériques faisaient des profits excessifs? Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Hope: Non, absolument pas. Je crois que les fabricants de médicaments d'origine font trop de profits. Quant aux fabricants de médicaments génériques, ils sont soumis à tellement de contraintes qu'ils ne sauraient réaliser de bien gros profits.
M. Ian Murray: Comment le savez-vous? La plupart du temps, il ne s'agit pas de sociétés ouvertes. Comment pouvez-vous être si au fait de leurs finances?
M. Hope: Je ne les connais pas en détail. Je me suis entretenu avec des gens qui travaillent pour des fabricants de médicaments génériques, et ils m'ont indiqué qu'en raison des restrictions que leur impose le projet de loi C-91 et du temps qu'ils ont dû consacrer à se battre devant les tribunaux pour tenter de défendre leur cause, ils ne peuvent commercialiser tous leurs produits. D'ailleurs, ils ne jouiront pas de l'entière liberté à cet égard. Étant donné que les fabricants de médicaments d'origine tiennent le haut du pavé, ce sont eux qui ont le droit de vendre leurs produits sur le marché en premier, et ce, tant que le brevet n'est pas expiré.
M. Ian Murray: Vous avez donc formulé ces commentaires en vous fondant sur des ouï-dire, et vous ne trouvez rien d'autre sur quoi les appuyer.
M. Hope: Non.
M. Ian Murray: Je vous remercie.
Monsieur Marshall, j'ai bien noté le jugement négatif que vous portez sur les fabricants de médicaments d'origine relativement à leurs efforts de R-D au Canada. J'aimerais savoir ce que vous avez fait pour vous familiariser avec le genre de recherche qu'effectuent ces fabricants au Canada.
M. Marshall: Voyez-vous, j'ai le choix entre deux choses. Ou bien écouter et croire tout ce que me dit l'ACIM, qui, soit dit en passant, a pris soin de faire une vaste campagne publicitaire à la télévision et dans les journaux pour tenter de me convaincre que ses sociétés membres consacrent à la R-D des sommes fabuleuses. Je n'ai pas vu leurs états financiers et leurs livres plus que le commun des mortels, mais je peux toujours la croire sur parole; ou bien me fier, et c'est ce que je fais, à l'opinion d'autres personnes qui ont étudié cette question plus en profondeur que moi, comme le Dr Joel Lexchin, qui, à mon avis, est l'un des experts les mieux renseignés au Canada en matière de médicaments et qui n'est lié directement ni à l'ACIM ni à aucune société pharmaceutique. Il me dit qu'il a des preuves que ces sociétés ne dépensent pas autant qu'elles le prétendent en R-D. La Coalition canadienne de la santé vous a d'ailleurs fourni quelques chiffres qui confirment ce verdict.
Voilà donc les choix qui s'offrent à moi. Je vous avoue bien honnêtement que, jusqu'à nouvel ordre, je suis porté à croire le Dr Joel Lexchin et la Coalition canadienne pour la santé.
M. Ian Murray: Nous prenons cette réponse très au sérieux. Nous devrons fouiller cette question dans tous les sens. Les membres du comité veulent vraiment connaître tous les faits et en arriver à savoir à quelles sources ils peuvent se fier.
Vous nous avez fourni des explications intéressantes. Un des témoins que nous avons entendus hier, et qui serait d'accord avec les positions que vous soutenez tous les trois sur toute cette question, s'était réclamé d'un avocat de Bay Street qui partageait lui aussi ce point de vue. À l'inverse, nous avons des conseillers juridiques du gouvernement qui ont une opinion différente sur la question de savoir si le Canada doit respecter ce que nous considérons comme les règles établies par l'Organisation mondiale du commerce et l'ALENA.
Dans le même sens, sur la question des prix, il nous faudra bien croire quelqu'un. Nous tenons du CEPMB, un organisme gouvernemental, toutes sortes de chiffres qui contredisent carrément et dans une très large mesure ce que nous entendons ici ce matin au sujet des prix des médicaments brevetés et des médicaments génériques. En gros, suivant les chiffres du CEPMB dont, j'en suis sûr, vous avez pris connaissance, les prix des médicaments d'origine ont en réalité baissé, alors que ceux des médicaments génériques ont augmenté en moyenne de 3,2 p. 100 depuis 1989. Ces chiffres sont loin de venir confirmer ce que vous nous racontez ce matin.
Trouvez-vous que les chiffres que nous fournit le CEPMB sont fiables?
M. Marshall: Voici ce que j'en pense. Le CEPMB a comparu devant vous et vous a donné ces chiffres. J'y crois dans la mesure où les porte-parole de cet organisme ont réussi à s'acquitter du mandat qui leur avait été donné. C'est sur cette base que je les crois. Le coût des médicaments d'ordonnance qui ne viennent pas d'être lancés sur le marché a effectivement progressé moins vite que l'inflation. Je n'en doute pas un instant.
Toutefois, le vrai problème, c'est celui du prix des nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché. C'est, d'après les employeurs, de là que vient la plus grande partie des coûts qu'il faut rembourser aux employés en vertu de leur régime d'assurance. Une enquête menée par le Conference Board du Canada auprès de 401 entreprises l'a d'ailleurs confirmé. Les employeurs croient que c'est là le facteur qui contribue le plus à l'augmentation du coût des médicaments. C'est donc un problème sur lequel le CEPMB doit se pencher, celui de la hausse du prix des médicaments qui arrivent sur le marché - pas tellement celui des médicaments qui y sont déjà - et des médicaments d'ordonnance.
Je tiens également à vous faire remarquer à cet égard - je n'ai peut-être pas mentionné ce point dans mon mémoire, mais il en est certes question dans celui de la Coalition canadienne de la santé et dans d'autres documents que cet organisme vous a remis - que nous souhaitons qu'un contrôle soit exercé sur les prix des médicaments tant génériques que d'origine. Nous n'estimons pas que les prix des médicaments génériques ne devraient pas être contrôlés. Nous aimerions que le CEPMB soit habilité à exercer des contrôles sur les prix de tous les médicaments.
M. Ian Murray: Vous venez de m'éviter une question, car je sais que les deux autres témoins ont déjà mentionné cette hypothèse, et je voulais simplement m'assurer que vous étiez vous aussi de cet avis.
Je vais maintenant poser une question à Mme Hannah. Au cours des dernières semaines, nous avons entendu de nombreux témoins, dont certains très intéressants. Nous avons reçu, par exemple, un groupe de représentants de l'industrie biopharmaceutique canadienne. Certains d'entre eux, des employés de toutes jeunes entreprises qui font des recherches fort prometteuses, nous ont dit très clairement que, si la protection conférée par brevet, qui est d'ailleurs de règle à l'échelle internationale, venait à disparaître au Canada, ils ne pourraient plus poursuivre leurs travaux de recherche au Canada et qu'il leur serait impossible d'attirer les investissements dont ils ont besoin pour faire ce qu'ils font. Seriez-vous prête, madame Hannah, à sacrifier cette industrie simplement pour essayer d'obtenir une hypothétique baisse du coût des médicaments?
Mme Hannah: Nous faisons constamment face à ce genre de réaction dans nos négociations: l'employeur va fermer boutique, faire ses valises et s'en aller. C'est précisément la situation dans laquelle nous sommes invariablement placés. Et très souvent, quand on pousse l'affaire un peu plus loin, on constate que l'employeur est prêt à rester, qu'il a d'autres motifs derrière la tête. Évidemment, les fabricants vont vous dire qu'on les place dans une situation tout à fait impossible et qu'ils vont devoir aller s'installer ailleurs si la loi est adoptée - ou, en l'occurrence, si les dispositions découlant du projet de loi C-91 adopté en 1993 ne sont pas maintenues. Voilà ce qu'ils vous diront. Mais je pense qu'on peut le voir autrement, se dire qu'ils vont continuer quand même de faire des affaires au Canada, et qu'il y a d'autres facteurs extrêmement importants à prendre en considération, notamment la nécessité de permettre au consommateur de se procurer des médicaments à un prix abordable. C'est une situation qui, j'en conviens, n'est pas facile à vivre, mais, comme je le disais, dans laquelle on se retrouve inévitablement dans toute négociation.
M. Ian Murray: C'est un risque que vous seriez prête à prendre.
Vous avez mentionné qu'à votre avis, le cas de l'industrie pharmaceutique ne pouvait se comparer, par exemple, à celui de l'industrie informatique en matière de propriété intellectuelle. Mais gardons-nous bien d'oublier que la nature humaine prend bien souvent le pas dans les décisions d'affaires, et que les investisseurs ne seront pas portés à placer leur argent dans des entreprises qui, à leurs yeux, présentent un risque élevé, à moins qu'ils ne jouissent d'une certaine protection.
J'essaie vraiment de savoir si vous croyez oui ou non qu'il importe d'essayer de maintenir au Canada une industrie pharmaceutique innovatrice. Sinon, comment pourrons-nous, selon vous, avoir la garantie de pouvoir nous procurer ailleurs dans le monde les médicaments les plus nouveaux à des prix raisonnables?
Mme Hannah: Je ne crois pas que les fabricants de médicaments d'origine, même s'ils aiment bien se qualifier de novateurs... Comme je le disais, moins de 5 p. 100 des nouveaux médicaments qui ont été lancés en sept ans ont vraiment ajouté quelque chose de nouveau à ce qui existait déjà sur le marché. Je ne crois donc pas que les fabricants de médicaments d'origine aient la réputation d'être très innovateurs.
Pour en revenir au rapport de la Commission Eastman, qui a examiné cette question très minutieusement, je vous répète qu'il a été établi... Comme je le disais dans mon exposé, j'admets que le chercheur mérite qu'on tienne compte du temps qu'il doit consacrer à la mise au point d'un nouveau médicament, mais de là à porter la durée de cette protection à 20 ans... Nous devons établir ce qui est raisonnable en ce qui concerne la durée de la protection. À mon avis, si on la fixait à quatre ans, ce serait raisonnable.
M. Ian Murray: Monsieur Marshall, vous avez fait un certain nombre d'affirmations à propos desquelles j'ai pris quelques notes. J'essaie toujours de les situer par rapport au projet de loi C-91. Vous avez parlé de dizaines de milliers de travailleurs qui sont jetés au chômage, et de milliards de dollars qui pourraient être réinjectés dans le système de santé. Ma question reprend, je pense, une de celles que M. Brien vous a déjà posées: en quoi tout cela est-il lié au projet de loi C-91?
M. Marshall: Je vais essayer de vous répondre le plus simplement possible. Le système de santé est à court de fonds. À l'heure actuelle, nous prenons des mesures qui ont des effets proprement dévastateurs sur l'emploi dans le secteur de la santé et sur les services de santé eux-mêmes. On tient de bien beaux discours sur le rééquilibrage du système. On nous a chanté pendant deux ans, durant les consultations du Forum national de la santé, que le système de santé était devenu hors de contrôle et qu'il fallait le restructurer. Pour le rééquilibrer, il faut d'abord trouver les fonds requis pour pouvoir offrir à la population des services adéquats. Or, si on réduisait le coût des médicaments, on réglerait déjà une partie du problème. C'est la mesure la plus manifestement indiquée que nous pourrions prendre actuellement à cet égard, et aussi la plus facile à appliquer. D'ailleurs, elle irait directement dans le sens du mandat de votre comité.
Ce ne serait certes pas suffisant pour sauvegarder tous ces emplois, ni pour remettre le système de santé dans l'état où il devrait ou pourrait être, et encore moins pour l'améliorer. Une telle mesure nous permettrait toutefois de faire résolument un grand pas en avant dans notre poursuite de cet objectif.
Le coût cumulatif de l'application des mesures prévues dans le projet de loi C-91 finira par représenter des milliards de dollars. Actuellement, cet argent sert à accroître les profits des sociétés pharmaceutiques, alors qu'il pourrait servir à améliorer nos soins de santé et à fournir des emplois aux Canadiens.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Avez-vous des commentaires à formuler? Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien: Je voudrais poser une question à Mme Hannah. J'ai un petit peu de difficulté. Je comprends votre souci et votre préoccupation quant aux coûts du système de santé. Tout le monde les partage. Mais il y a quelque chose qui ne m'apparaît pas logique dans l'une de vos affirmations.
Vous dites que depuis six ou sept ans, seulement 4 à 5 p. 100 des nouveaux médicaments brevetés sur le marché apportent quelque chose de significatif. Si c'est le cas, cela veut dire que les brevets des autres produits comparables vont bientôt venir à échéance et qu'il y aura des génériques de disponibles.
Si les nouveaux médicaments brevetés n'apportent rien, les gens peuvent consommer des génériques d'autres produits semblables, avec les mêmes effets. Donc, il n'y a pas de raisons pour lesquelles ils feraient exploser nos coûts de santé s'ils n'apportent rien de significatif pour la médecine. Les gens pourront consommer d'autres produits. Expliquez-moi le sens de tout cela.
[Traduction]
Mme Hannah: D'abord, si la protection conférée par brevet est maintenue telle quelle, les fabricants de médicaments d'origine s'imposeront et il n'y aura plus de médicaments génériques pour concurrencer les médicaments d'origine.
Comme Len Hope l'a expliqué, les grands fabricants peuvent se contenter de modifier légèrement la formule d'un médicament d'origine, puis le lancer sur le marché en le présentant comme nouveau. On les voit alors, comme le signale le Forum national de la santé, utiliser des techniques de vente très audacieuses pour commercialiser leur nouveau produit. Ils vont voir les médecins et leur disent que le nouveau médicament est celui qu'ils devraient prescrire à leurs patients, parce qu'il est meilleur. Naturellement, c'est ce qu'ils prétendent. Ils vendent d'abord l'idée au médecin, qui lui, se met à le prescrire, même s'il coûte plus cher. Il ne reste plus au patient qu'à se présenter à la pharmacie pour y acheter ce médicament au prix fort.
Ce qui est inquiétant, c'est que si nous n'avons plus de fabricants de produits génériques pour imiter les médicaments d'origine, les fabricants de médicaments d'origine vont être les seuls à demeurer présents sur le marché. Mais je vous comprends de dire que si le nouveau médicament n'ajoute rien de significatif à celui qui existait déjà on pourrait tout simplement utiliser le bon vieux médicament générique équivalent. C'est ce que vous dites, n'est-ce pas? Le problème, c'est qu'on fera une telle promotion de ces nouveaux médicaments que les médecins seront amenés à prescrire et qu'ils finiront par dominer le marché, par avoir la faveur des consommateurs.
[Français]
M. Pierre Brien: Mais là on parle d'un problème différent. Si, pour régler votre problème, on faisait davantage d'efforts aux niveaux de la promotion et de l'information... On peut reprocher toutes sortes de choses aux médecins, mais ils ont quand même porté un certain jugement sur les effets thérapeutiques des médicaments. Il serait beaucoup plus avantageux de donner de l'information adéquate. De cette façon, on stopperait ce cycle des pressions à la hausse sur les coûts. On pourrait régler le problème dont vous parlez autrement qu'en modifiant la loi. Êtes-vous d'accord sur cela?
[Traduction]
Mme Hannah: À qui donnerait-on cette information? J'ai un peu de mal à vous suivre.
[Français]
M. Pierre Brien: Par exemple, les médecins pourraient recevoir l'information. On pourrait demander aux compagnies de donner cette information au Conseil de recherches médicales du Canada qui, lui, informerait les médecins des effets thérapeutiques des nouveaux médicaments.
Je lance quelque chose en l'air, mais il me semble y avoir des façons de régler le problème que vous soulevez sans remettre en question toute l'industrie qu'on bâtit depuis des années au Canada, sans mettre en péril les compagnies. On pourrait régler le problème particulier auquel vous cherchez une solution.
[Traduction]
Mme Hannah: De votre côté, je crois, vous mettrez en péril l'industrie du médicament générique, qu'on a aussi mis des années à bâtir au Canada. Les règles actuelles régissant la protection par brevet lui ont tout de même permis de créer de nombreux emplois et de faire d'excellentes affaires.
Le Forum national de la santé a aussi présenté l'hypothèse de mieux renseigner les médecins. Sans vouloir m'en prendre aux médecins, il y a fort à parier que, compte tenu de la façon dont le système fonctionne, du mode de rémunération à l'acte, ils ne pousseront pas la recherche au-delà de la prise en considération du contenu des réclames publiées dans les revues médicales ou du discours du dernier vendeur qui leur aura rendu visite. Ce sera, grosso modo, par le fabricant qui utilisera les méthodes de commercialisation les plus dynamiques que les médecins seront informés.
Certes, les médecins font des études universitaires, mais une fois sortis de l'université, ils n'ont souvent pas le temps de prendre connaissance des dernières nouveautés en matière de médicaments.
Quant à savoir qui finance la recherche... Je vais m'en tenir à ce commentaire pour l'instant.
J'aimerais cependant ajouter juste un dernier mot à propos d'information. Quand le Forum national s'est posé ce problème, il a proposé comme solution, si jamais le gouvernement décidait de mettre en place un régime national d'assurance-médicaments, d'utiliser les moyens informatiques pour renseigner directement les médecins et les consommateurs sur tout ce qui concerne les médicaments.
[Français]
M. Pierre Brien: Je reviendrai plus tard.
Le président suppléant (M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.)): Merci, monsieur Brien. On vous donnera l'occasion de poser vos questions plus tard. Il reste encore beaucoup de temps.
Monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Je sais que je n'aurai pas assez de temps pour poser toutes les questions que j'aimerais poser, d'autant moins que ce préambule va accaparer une partie du temps dont je dispose, mais je vous prierais de vous montrer patients à mon endroit.
Madame et messieurs, vous avez soulevé un point dont nous avons été saisis hier soir. Il concerne le critère qu'il conviendrait d'utiliser pour mesurer l'incidence des coûts sur les avantages sociaux. Je m'interroge tout particulièrement à propos d'une des choses que vous avez dites aujourd'hui concernant la santé et les emplois dans le secteur de la santé. Je me demande comment nous allons mesurer cela.
Il existe une norme que nous utilisons en politique pour évaluer le nombre d'emplois générés par les ventes, c'est-à-dire le ratio emplois-ventes. Dans votre secteur d'activité, quelle norme jugez-vous acceptable? Quel serait, à votre avis, le ratio acceptable en ce qui concerne le nombre d'emplois créés par milliard de dollars de ventes?
M. Marshall: Vous savez très bien, j'en suis sûr, que la question se pose très difficilement lorsqu'il s'agit du secteur public, car, étant donné qu'on n'y vend pas grand-chose, on n'a pas de point de comparaison.
M. Joseph Volpe: Vous pourriez faire cette comparaison par rapport à un milliard de dollars de dépenses publiques.
M. Marshall: Je l'ignore. Je ne saurais vous dire avec certitude quelle est la norme dans ce cas, et encore, cette norme varie probablement d'un service du secteur public à l'autre. Dans certains secteurs du système de santé, c'est plus...
M. Joseph Volpe: Vous me pardonnerez de me montrer quelque peu insistant, de vous demander de faire un effort. Je ne cherche pas à vous contredire, mais j'aimerais me faire une meilleure idée du sens à donner à vos propos, car vous - surtout vous, monsieur Marshall - nous avez présenté une série de chiffres concernant les dépenses et les emplois perdus. N'allez donc pas croire que je cherche à vous prendre au piège; j'aimerais simplement comprendre un peu mieux ce qu'il en est.
Vous avez indiqué ici même à un certain moment que les mesures découlant du projet de loi C-91 coûteront aux consommateurs canadiens entre 3,6 et 7,3 milliards de dollars par année d'ici l'an 2010. Même en prenant le plus petit chiffre, cela revient à quelque 360 millions de dollars par année. Si j'injectais 360 millions par année dans le système de santé, combien d'emplois pourrais-je y créer, en gardant à l'esprit que je veux être sympathique et sauver des emplois dans ce secteur?
M. Marshall: J'ignore si je peux vous donner une réponse ferme à cet égard. Cela dépendrait de l'endroit ou vous investiriez ce montant dans le secteur de la santé.
M. Joseph Volpe: Disons dans les soins infirmiers.
M. Marshall: Encore là, je ne saurais vous donner de réponse précise, car je ne sais pas si vous n'allez pas me dire ensuite que, à l'intérieur même de ce secteur, vous allez utiliser cet argent pour... Vous allez devoir d'abord me dire où vous allez investir cet argent dans le secteur de la santé. Dans les hôpitaux? Probablement pas, puisqu'on les ferme de nos jours.
Le malheur avec la restructuration qui s'effectue actuellement, c'est qu'il n'existe pas de plan prévoyant ce qu'on va faire des gens qu'on sort des hôpitaux prématurément et plus malades qu'à leur admission. Nous devrions peut-être injecter ces fonds à l'intérieur même du système de santé, dans des organismes ou services communautaires qui prendraient soin de ces personnes à leur sortie de l'hôpital.
Investir dans la création d'un réseau complet de centres de santé communautaires, ce n'est pas du tout la même chose que de réinjecter des fonds dans les hôpitaux, car nous n'avons rien de tel au Canada. Je veux parler d'un réseau où l'on pourrait trouver des médecins à salaire, des infirmiers et des infirmières qui se chargeraient de dispenser, dans une large mesure, les soins de première ligne, et une équipe d'intervenants pour s'occuper des gens qui ont des problèmes sociaux directement liés à la santé.
On créerait ainsi une foule d'emplois dont je ne saurais préciser le nombre, car, croyez-le ou non, personne ne se charge de planification sur ce chapitre, même si on effectue déjà ces autres changements dans les hôpitaux. Avec ces 360 millions de dollars par année, on pourrait donc, je crois, faire un bon bout de chemin vers l'établissement dans notre pays d'un réseau complet de centres de santé communautaires, ce qui nous permettrait de créer un nombre considérable d'emplois et d'améliorer la santé des Canadiens.
C'est la meilleure réponse que je puisse vous donner pour l'instant.
Le président suppléant (M. Nick Discepola): Ce sera votre dernière question, monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe: J'aimerais poursuivre la discussion sur la question des emplois qui seraient sacrifiés dans le système de santé.
Vous avez fait allusion à une étude de la Coalition canadienne de la santé. Dans cette étude, on prétend, je crois, que la diminution des dépenses - sauf erreur, la Coalition établit les mêmes liens que vous; elle affirme que plus on dépense pour les médicaments, moins il reste d'argent à injecter dans le système proprement dit - va entraîner une perte de 14 000 emplois au Québec - si je ne m'abuse, c'est le chiffre qui y est cité - , et on nous a appris la semaine dernière que 6 000 autres emplois seraient supprimés en Ontario en raison de la fermeture d'hôpitaux, faute d'argent pour les maintenir ouverts.
Je vais donc poursuivre sur la question des emplois qui doivent êtres sacrifiés ou qui peuvent être créés selon le point de vue d'où l'on se place. Là encore, je vais être obligé de vous demander de quelle formule on se sert pour arriver à ces chiffres, car vous avez également avancé des chiffres - qui vous venaient manifestement de quelqu'un d'autre - relatifs au nombre d'emplois perdus dans l'industrie pharmaceutique par suite de l'adoption du projet de loi C-91.
J'ai fait un calcul rapide. J'en suis arrivé à la conclusion que le ratio serait de quelque 2 500 emplois par milliard de dollars de ventes dans le secteur du médicament breveté et de quelque 5 000 dans le secteur du médicament générique. J'utilise les chiffres du CEPMB. En économisant un milliard de dollars - vous avez parlé de plusieurs milliards, je peux bien y aller pour un milliard - , combien d'emplois pourrait-on créer en s'épargnant cette perte? Combien en créerait-on en moyenne par milliard de dollars?
M. Marshall: Je sais qu'Informetrica utilise une formule pour calculer le nombre d'emplois...
M. Joseph Volpe: Un millier d'emplois de plus par milliard de dollars de ventes.
M. Marshall: Est-ce le chiffre auquel arrive Informetrica?
M. Joseph Volpe: Exactement.
M. Marshall: Très bien, alors, utilisez ce chiffre si vous le voulez.
Je vais être très franc avec vous. Vous nous invitez à émettre des hypothèses en comparant la fourniture de services publics aux ventes d'une entreprise privée, et je pense que la comparaison ne tient pas, car, dans chacun de ces deux secteurs, l'argent n'est ni dépensé ni investi tout à fait de la même manière, et on ne s'y prend pas non plus exactement de la même manière pour créer des emplois.
Le président suppléant (M. Nick Discepola): Je pense, monsieur Marshall, que l'un des points sur lesquels vous insistiez dans votre mémoire était l'effet du projet de loi C-91 sur l'emploi. D'ailleurs, si vous pouviez, dans les quelques jours qui viennent, nous fournir une réponse plus précise à la question que vous a posée M. Volpe, nous vous en serions reconnaissants.
M. Marshall: Oui, certainement. Je vais trouver ce qu'il en est, et j'en ferai part au comité.
Le président suppléant (M. Nick Discepola): Merci.
Monsieur Mayfield, vous avez cinq minutes. Allez-y.
M. Philip Mayfield: Ma question s'adresse à vous, madame Hannah. Si vous me le permettez, j'aimerais avoir des précisions sur certains des commentaires que vous avez formulés.
Vous avez mentionné qu'au mieux 5 p. 100 des produits pharmaceutiques étaient novateurs. Ayant suivi cette question suffisamment de près pour savoir à quel point certaines de ces innovations sont bienvenues, puisqu'elles permettent notamment de réaliser des transplantations, et pour avoir appris la semaine dernière, de la bouche d'une personne de l'unité des soins palliatifs de l'hôpital St. Paul, qu'il n'y avait, au moment de ma visite, aucun sidatique à l'unité, je pense qu'il y a lieu de se réjouir des bienfaits de ces innovations.
D'ailleurs, si on me disait que chaque année, par exemple, 50 p. 100 des médicaments lancés sont novateurs, je pense que j'aurais bien du mal à le croire. Compte tenu du fait que ce n'est qu'au terme d'un long processus fastidieux qu'on peut en arriver à certaines de ces découvertes, je me dis que 5 p. 100 de produits novateurs, c'est peut-être une proportion raisonnable.
Il n'en demeure pas moins que vous soulevez un point valable quand vous dites qu'il peut arriver qu'un fabricant modifie légèrement la composition et la présentation d'un médicament pour le faire passer pour nouveau. Nous avons entendu dire, nous aussi, que cela se faisait.
Par ailleurs, la confiance que je place en mon médecin de famille en ces matières est à tout le moins plus grande que la vôtre envers les médecins en général. Par exemple, il lui est arrivé à deux ou trois occasions de me dire: «On m'a remis des échantillons d'un nouveau médicament. Pourquoi ne l'essaieriez-vous pas? Vous me direz s'il est efficace.»
Quoi qu'il en soit, je me demande si vous croyez vraiment que, pour un fabricant, 5 p. 100 d'innovations par année, c'est... Quel pourcentage, à votre avis, serait acceptable? Quelle devrait être la norme pour une société pharmaceutique?
Mme Hannah: Je ne suis pas sûre de pouvoir avancer un pourcentage. Ce que je trouve consternant, c'est qu'une industrie qui réalise des profits aussi énormes ne parvienne pas, sur une période de sept ans, à offrir sur le marché plus de 5 p. 100 de produits novateurs. Cela m'apparaît lamentable.
Et, contrairement à vous, je ne crois pas que le processus qui mène à ces découvertes soit long et fastidieux. Je pense plutôt que c'est un domaine qui devrait être très exaltant. D'ailleurs, à en croire la teneur des messages publicitaires de l'ACIM à la télévision, ses membres ne sont pas peu fiers d'offrir à la population ces nouveaux médicaments qui sont censés lui venir en aide. Je ne pense pas que le processus dont il est question ici soit fastidieux. J'y vois bien davantage un de ces domaines de recherche de pointe si passionnants, dans lesquels beaucoup de gens rêvent d'oeuvrer.
Je vous le répète, je reconnais que, si l'on veut que des chercheurs effectuent des travaux susceptibles de mener à des innovations, il faut que leurs découvertes puissent être protégées par brevet pendant une certaine période au cours de laquelle ils pourront les commercialiser. Je ne nie pas que ces nouvelles découvertes soient importantes, mais je pense qu'il se trouvera toujours des gens que la création de nouveaux médicaments intéressera, et qu'il n'est pas nécessaire d'escompter une marge bénéficiaire de 29 p. 100 pour investir dans ce genre de recherche.
Ici encore, je vous renvoie au Forum national de la santé, qui a recommandé qu'une partie des profits des sociétés pharmaceutiques soit versée dans un fonds géré par un organisme indépendant dans le genre du Conseil national de recherches, un fonds qu'on utiliserait pour financer la recherche universitaire. Je crois que c'est une excellente idée. À mon avis, nous assisterions alors à une foule de découvertes, car il se trouve dans les universités des gens qui adoreraient faire de la recherche et qui ont besoin de financement.
À bien y penser, je ne serais pas étonnée qu'une bonne part de la recherche qui se fait actuellement soit effectivement fastidieuse, dans tous ces cas où des fabricants demandent à leurs chercheurs de modifier légèrement des médicaments pour pouvoir les offrir sur le marché à des prix majorés et faire ainsi plus de profits. Ce n'est alors que le profit qui motive la recherche.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.
Il me semble que, selon les personnes avec qui ils négocient, les négociateurs ont tendance, lorsqu'ils négocient au nom de leurs membres, à comparer par exemple - on ne peut les en blâmer, je crois - les avantages et les salaires consentis dans d'autres milieux de travail similaires. Je pense que c'est normal. Je le fais avec mes enfants chaque fois que je négocie avec eux le couvre-feu. Ils comparent leur cas avec celui de leurs amis et ils s'évertuent à me démontrer qu'ils devraient...
Ce à quoi je veux en venir, c'est à vous expliquer qu'à mon avis, l'une de vos principales préoccupations... Vous nous avez fait part de deux d'entre elles: les coûts des services de santé et la question des pertes d'emplois. En ce qui concerne l'emploi, je vois mal que vous puissiez souhaiter à la fois que la protection conférée par brevet, c'est-à-dire la période d'exclusivité au cours de laquelle un fabricant peut commercialiser un nouveau médicament, soit limitée à quatre ans, d'une part, et qu'il se crée beaucoup d'emplois au Canada, d'autre part. J'y vois une contradiction.
Dans une perspective de négociations, avouons que le pouvoir du Canada n'est pas très considérable - vous avez vous-mêmes affirmé que le marché canadien ne représentait qu'un maigre 2 p. 100 du marché potentiel. Pourtant, ailleurs dans le monde, les fabricants bénéficient d'une bien meilleure protection. Je songe notamment aux nombreux pays industrialisés qui accordent une protection de 17 ans, voire de 20 ans. La durée moyenne des brevets dans le monde est actuellement de 20 ans, je crois. Au surplus, d'autres pays accordent maintenant une protection encore meilleure et offrent jusqu'à quatre ans de plus dans certains cas.
Vous vous présentez à notre comité pour nous demander de garder les emplois au Canada. Vous nous dites trouver souhaitable que nous ayons de ces emplois bien protégés qui s'adressent à des gens très qualifiés et très instruits. Vous nous dites du même coup que nous devrions réduire la durée de protection des brevets. Par quel principe affirmez-vous tout cela? Sont-ce les coûts des soins qui vous préoccupent, ou bien le désir d'avoir au Canada une industrie plus concurrentielle et plus innovatrice, dont nous pourrions être fiers et qui nous permettrait de garder des emplois chez nous, ce qui devrait normalement répondre à votre souhait puisque vous nous avez demandé d'essayer de maintenir l'emploi? Comment pouvez-vous concilier votre souhait, d'une part, que la durée de protection par brevet soit réduite et, d'autre part, qu'il se crée des emplois? Les deux ne s'excluent-ils par l'un l'autre?
M. Marshall: À mon sens, pas du tout. En fait, dans toute négociation, on essaie toujours de conclure le meilleur arrangement possible. Quand on négocie, on fait des comparaisons, tout comme on compare des produits en faisant ses emplettes.
M. Nick Discepola: Mais supposons qu'une société pharmaceutique multinationale fasse de telles comparaisons en vue de décider dans quel pays elle va investir, sera-t-elle portée à opter pour un pays qui ne lui permettra de pénétrer que 2 p. 100 du marché mondial et qui lui offrira moins d'avantages et de services que d'autres?
M. Marshall: Je constate que je n'avais pas bien saisi le sens de votre question au départ, mais je pourrai y revenir quand j'aurai terminé mon développement.
Il n'y a pas de contradiction entre les positions que nous défendons. Nous voulons garder les emplois au Canada, c'est vrai. Mais nous voulons aussi que les Canadiens aient accès à des services de santé de qualité. À notre avis, il n'y a pas que des emplois et des intérêts commerciaux qui sont en cause ici. Nous croyons que l'enjeu, c'est avant tout la santé, et que le comité a le devoir de se pencher sur la teneur du projet de loi C-91, qui touche en partie à la santé, en partie aux affaires et en partie à l'économie.
Nous aurions tort d'examiner cette question en ne tenant compte que de l'économie. Nous devons nous préoccuper aussi de la santé des Canadiens. L'une des recommandations du Forum national de la santé n'était-elle pas de faire en sorte que toutes les politiques économiques du gouvernement (financières et monétaires) soient analysées en tenant expressément compte de leur incidence sur la santé des Canadiens? Or, mettre à la porte des travailleurs de la santé, c'est nuire à leur santé. Même s'il serait souhaitable d'avoir des emplois hautement qualifiés et rémunérateurs, les chances semblent faibles que l'industrie pharmaceutique en crée. À ma connaissance du moins, il ne s'y crée pas tellement d'emplois.
Je ne crois donc pas que nos positions soient contradictoires. En fait, j'estime que ce sont des positions très cohérentes, qui découlent d'une analyse plus approfondie de la problématique en cause que ce qu'on nous propose ici, surtout si l'on considère que la création d'emplois va nécessairement de pair avec le maintien de l'actuelle protection conférée par brevet. J'ai bien peur que le problème ne soit plus complexe que cela.
M. Nick Discepola: J'essaie de comprendre en vertu de quel principe vous proposez que le niveau de protection par brevet soit inférieur au Canada à ce qu'il est en moyenne mondialement. Est-ce pour créer des emplois? Est-ce pour réduire le coût des services de santé? Que visez-vous principalement en proposant cela?
M. Marshall: Nous visons principalement la réduction du coût des services de santé.
M. Nick Discepola: C'est ce que je pensais.
Si vous jetez un coup d'oeil au rapport du CEPMB - et en répondant à une précédente question, vous avez dit que vous étiez porté à trouver ce rapport crédible - , vous verrez qu'on y dit que le coût des médicaments représente approximativement 10 p. 100 du coût total des services de santé et que le coût des médicaments brevetés ne représente que 3 p. 100 de ce total. Donc, quand vous dites que vous aimeriez favoriser les médicaments génériques, je présume que c'est parce que vous croyez qu'en produisant des médicaments génériques, nous allons réduire les coûts dans le système de santé - ou le coût des médicaments, pour être plus précis.
Notre comité, je crois - comme vous l'avez vous-même dit tout à l'heure - , se doit de viser un juste équilibre. Nous devrons essayer d'encourager l'innovation et la venue de nouveaux médicaments brevetés sur le marché, parce que si nous ne produisons ou ne découvrons pas de nouveaux médicaments au Canada, nous n'aurons certes pas d'industrie du médicament générique. Par déduction, si vous réussissez à nous persuader que les médicaments génériques coûtent beaucoup moins cher et qu'en en produisant nous pourrons économiser, nous allons devoir rétablir l'équilibre.
Ce qui m'intrigue, entre autres choses, c'est que, s'il faut quelque 500 à 600 millions de dollars pour développer un nouveau médicament et que seulement un nouveau médicament sur dix finit par être offert sur le marché, et si, même là, un fabricant de médicaments génériques est libre de copier ce médicament - une copie coûterait quelque 500 000 $, à ce qu'on nous a dit - , vous ne soyez pas venu dire au comité que l'écart entre les prix des médicaments génériques et ceux des médicaments d'origine devrait être de plus de 25 p. 100. Je me demande bien pourquoi vous ne l'avez pas fait.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Qui veut répondre à cette question?
M. Marshall: Je vais essayer.
Nous ne sommes pas venus ici pour dire que l'industrie des médicaments génériques devrait échapper à l'examen du CEPMB. Nous souhaitons fermement que le prix des médicaments soit contrôlé, y compris celui des médicaments génériques. C'est tout ce que j'ai à dire là-dessus, je pense.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.
Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien: J'aurais une question courte pour Mme Hannah. Vous avez cité à plus d'une reprise le chiffre de 29 p. 100 de marge de profit pour l'industrie pharmaceutique. Vouliez-vous dire qu'un produit breveté sur le marché a une marge de profit de 29 p. 100?
[Traduction]
Mme Hannah: Oui, c'est à ce niveau que se situe la marge bénéficiaire des fabricants de médicaments brevetés.
[Français]
M. Pierre Brien: Vous admettez qu'un bon nombre de produits ne verront jamais le jour. Donc, le profit sur un produit amortit toutes les pertes sur l'ensemble des autres recherches qui n'aboutissent pas à une découverte.
[Traduction]
Mme Hannah: Si je ne m'abuse, cette marge bénéficiaire tient compte des dépenses au poste des efforts de R-D qui ne mènent nulle part. Même dans l'hypothèse où ce chiffre n'en tiendrait pas compte, j'estime que leurs profits demeureraient fort copieux.
[Français]
M. Pierre Brien: À ce moment-là, je conseille à tout le monde d'investir dans l'entreprise pharmaceutique. Tous les fonds communs de placement vont donner des rendements de 29 p. 100. Il me semble que c'est un chiffre un peu élevé. En tout cas, si vous avez des choses plus précises là-dessus, j'aimerais les connaître.
J'aimerais revenir sur votre suggestion d'un système de licences obligatoires et de versement de redevances après quatre ans. Si on passe à un système comme celui-là, le prix des génériques augmentera. Il faudra trouver quelque part l'argent pour payer ces redevances. Donc, le prix des génériques sera plus élevé qu'actuellement. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?
[Traduction]
Mme Hannah: Je crois que nous avons déjà dit qu'à notre avis, le prix des médicaments, y compris celui des médicaments génériques, devrait être contrôlé. Nous ne disons pas qu'un type de fabricant devrait faire de meilleurs profits que l'autre. Nous croyons qu'il faudrait exercer un contrôle sur le prix de tous les médicaments.
[Français]
M. Pierre Brien: Oui, mais j'essaie de comprendre. J'ai une formation en économie et j'essaie de voir où serait l'économie dans un système où on aurait des licences obligatoires et où on serait forcé de verser une redevance. Les compagnies de produits génériques seraient obligées d'ajouter cela au coût du produit. Ces gens-là ne les paieraient pas eux-mêmes. Donc, le consommateur paierait les médicaments génériques plus cher pour compenser la redevance qui serait versée. Le produit générique serait plus cher qu'actuellement.
Vous vous préoccupez beaucoup des profits exagérés des multinationales. Donc, on prendrait les profits de certaines compagnies qui fabriquent des médicaments brevetés pour les mettre dans les poches de compagnies génériques. On prendrait de l'argent à un endroit et on le mettrait à l'autre. Personnellement, j'ai de la difficulté à croire que les compagnies génériques sont des compagnies altruistes qui sont là pour faire de la philanthropie. Je pense qu'elles sont en affaires pour faire de l'argent.
[Traduction]
Mme Hannah: Je vais lui répondre, si vous me le permettez. Les fabricants de médicaments génériques ont des coûts moins élevés. Ils n'ont pas à refaire la recherche qui a déjà été effectuée par les fabricants de médicaments d'origine. Déjà là, ils économisent beaucoup. Ils rendent également service à la société en ce sens qu'ils lui épargnent le gaspillage découlant de dépenses de R-D qui ne visent qu'à essayer de reproduire presque exactement un médicament qui existe déjà. Les fabricants de médicaments génériques réalisent donc des économies à ce poste.
Ils économisent aussi sous un autre rapport, car ils n'ont pas à faire la promotion d'une marque. Ce qu'ils économisent en marketing et en publicité peut être transféré aux consommateurs.
M. Pierre Brien: Mais ils doivent tout de même payer des redevances.
Mme Hannah: Oui, mais même dans la situation actuelle où ils paient des redevances, le prix de leurs produits est moins élevé que celui des médicaments d'origine.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Marshall.
M. Marshall: J'aimerais ajouter quelque chose. Un des avantages découlant de la modification des modalités relatives à la protection par brevet serait de permettre que les médicaments génériques arrivent plus rapidement sur le marché. On réaliserait des économies, là aussi.
Les fabricants de médicaments génériques n'en seraient pas moins tenus de verser des redevances, mais nous n'aurions pas à payer aussi longtemps un prix que nous estimons gonflé, à cause du panier des sept pays de l'OCDE, pour nous procurer les nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché. Chose certaine, cela nous permettrait de payer le prix fort moins longtemps qu'actuellement. Nous économiserions beaucoup en permettant que les médicaments génériques arrivent plus rapidement sur le marché.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe: Merci beaucoup.
Je vais revenir au point où nous en étions, si vous n'y voyez pas d'objection. Peut-être que je n'ai pas été assez clair. J'aimerais pousser l'analyse un peu plus loin, car vous m'avez tous les trois donné l'impression, en entendant vos exposés, que vous estimiez que nous devrions examiner cette question en nous mettant dans la peau de négociateurs.
Vous voulez faire réaliser des économies au consommateur et à vos travailleurs en négociant le prix des médicaments. Vous nous demandez de prendre en considération le fait qu'en diminuant la durée de la protection par brevet nous favoriserions la venue de nouveaux concurrents sur le marché, et qu'au bas mot, nous réaliserions des économies de 25 p. 100. Voilà le sens que je donne à vos propos.
Je vous ai également entendu dire le contraire, manifestement. En effet, vous avez dit par ailleurs que le maintien de l'actuel niveau de protection par brevet oblige carrément le gouvernement à protéger contre vos tactiques de négociations un des partenaires à la table. En réalité, vous prétendez ne pas pouvoir, dans vos négociations, demander une réduction du prix des médicaments parce que les médicaments sur lesquels vous exercez une influence ne sont pas sur le marché en vertu de la protection conférée par la loi.
M. Marshall: Je ne suis pas trop sûr de bien comprendre la question, mais je pense que vous interprétez mal notre position.
Nous nous présentons à la table de négociations avec comme objectif d'assurer à nos membres et à leur famille l'accès à un système de santé qui leur permette d'avoir une bonne qualité de vie. Et voilà que l'employeur nous annonce qu'il ne peut pas maintenir certains avantages déjà consentis et qu'il ne pourra plus négocier sur la même base qu'auparavant, parce que le coût élevé des nouveaux médicaments draine une trop grande partie de sa contribution au financement du régime d'assurance des employés.
Je ne saurais dire qui le gouvernement devrait protéger à la table de négociations. En réalité, toutes les parties seraient protégées si certains changements étaient apportés aux dispositions du projet de loi C-91. J'imagine difficilement qu'un employeur puisse venir vous dire qu'il n'a pas à se plaindre du coût des médicaments actuellement. Je vois mal comment il pourrait tenir de tels propos, car ce coût élevé lui cause un joli problème à la table de négociations, tout comme à nous, d'ailleurs.
J'ignore si vous avez eu ou si vous aurez l'occasion d'entendre des employeurs. Je me demande bien pourquoi ils refuseraient de comparaître. Je sais que vous avez entendu les représentants de Green Shield. Je n'ai pas pris connaissance de leur témoignage, mais je suis sûr qu'ils en avaient long à dire sur cette question.
Nous savons qu'il y aura des économies à faire même si ces changements entraîneront des pertes d'emploi dans l'industrie des médicaments brevetés. De toute façon, nous pouvons nous dire dès le départ qu'étant donné que les emplois promis n'ont pas été créés dans ce secteur, les emplois perdus ne seront pas très nombreux.
M. Joseph Volpe: Madame, je pensais que vous vouliez répondre, vous aussi.
Mme Hannah: J'allais tout simplement vous dire pourquoi les employeurs ne tiennent pas à comparaître. Mais il y en a peut-être qui souhaiteraient le faire, je l'ignore.
Quand on nous a annoncé la révision des dispositions découlant des projets de loi C-91 et C-22, nous avons essayé de convaincre les trois grands de l'automobile de se joindre à nous pour vous présenter un témoignage commun, car ils nous talonnent constamment au sujet du prix des médicaments. Ils nous ont dit qu'ils ne pourraient venir témoigner.
S'ils ne viennent pas, c'est en partie parce que, lorsque nous avons essayé d'implanter un régime d'assurance-médicaments génériques, il y a un certain nombre d'années de cela - c'était avant que les pharmaciens invitent systématiquement leurs clients à acheter un succédané générique à la place du médicament prescrit - , nous avons tenté de négocier avec les trois grands de l'automobile une première tentative d'instauration d'un régime d'assurance-médicaments génériques. C'était il y a plusieurs années. Les deux parties ont alors convenu d'aller de l'avant avec le projet.
Les fabricants d'automobiles ont reçu tellement de lettres des fabricants de médicaments d'origine qui les menaçaient de tout faire pour boycotter leur produit - c'est-à-dire l'automobile - s'ils prenaient une telle décision, qu'ils ont fait marche arrière. Donc, je ne pense pas qu'ils seront bien empressés de venir témoigner, car ils craignent les représailles.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Nous allons vous permettre de poser une question brève, monsieur Volpe. Mais j'aimerais auparavant saluer la présence des gens du Forum pour jeunes Canadiens et leur souhaiter la bienvenue. Ce sont des étudiants d'un peu partout au Canada qui veulent se familiariser avec le fonctionnement de nos institutions parlementaires.
Monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe: Dans les réponses, nous sommes revenus, je crois, sur la question des coûts. Pour éviter d'aggraver les tensions tant chez les témoins que chez les membres du comité, je vais m'en tenir à un commentaire, puis je laisserai la parole à d'autres.
Nous revenons sur la différence entre les prix et les coûts. J'espère que notre comité pourra se pencher là-dessus, étant donné que ce qui vous préoccupe, ce sont les coûts des médicaments en général, à cause de leur incidence sur le coût global dans le système de santé, plutôt que le prix des nouveaux médicaments qui sont lancés sur le marché. J'espère aussi que nous aurons l'occasion de nous demander jusqu'où il conviendrait d'aller en ce qui concerne l'augmentation ou la diminution des prix de lancement.
Je m'arrête là pour l'instant. S'il y a un autre tour, peut- être que j'aurai l'occasion de vous expliquer un peu mieux mon point de vue.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): La séance tire à sa fin. Vouliez-vous poser une question brève?
M. Joseph Volpe: Non, je vais laisser la chance à quelqu'un d'autre. Ce sera tout pour l'instant.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Vous voyez comme notre vice-président est gentil.
M. Joseph Volpe: Je voulais simplement formuler ce commentaire. Merci.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Étant vice-président du comité, il m'arrive souvent de n'avoir pas la chance d'intervenir. Puisque nous approchons de la fin de la séance, je vais me permettre de poser deux ou trois questions, si vous n'y voyez pas d'objection.
Ma question s'adresse à Mme Hannah. Depuis quand payez-vous cette quote-part de 35c. dans le cas des trois grands de l'automobile?
Mme Hannah: Ça remonte à loin, à 1978, je pense.
M. Philip Mayfield: J'invoque le Règlement. Pourriez-vous répéter la question. Je n'ai pas très bien entendu.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): À la page 10 du mémoire que Mme Hannah a déposé au nom des TCA...
Mme Hannah: J'ai dit cela ici, mais ce n'est pas dans le mémoire.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Il en est question dans le mémoire.
Mme Hannah: Vous parlez de la quote-part de 35c.?
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Exactement. C'est là que j'ai trouvé cette référence. C'est à la page 10, monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je demandais tout bonnement depuis quand cette quote-part de 35c. s'appliquait?
Mme Hannah: Toutes les fois que nous négocions une convention collective, nous nous demandons à quand remonte cette quote-part de 35c. Nous pensons qu'elle existe depuis 1978. Ce pourrait être même avant.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Très bien. J'ai demandé à notre attaché de recherche de s'enquérir de certaines choses. Vous nous avez donné des renseignements, entre autres à propos des catégories de Canadiens qui bénéficient de la protection de régimes d'assurance privés, et je serais curieux de savoir où vous avez pris ces renseignements. Pourriez-vous nous faire part de votre source pour nous puissions nous y référer au besoin? C'est dans le paragraphe juste au-dessus.
Mme Hannah: Ces renseignements nous ont été fournis par Joel Lexchin, notre attaché de recherche en matière de santé.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.
À moins que vous n'ayez d'autres questions, je crois que nous allons mettre un terme à la séance.
M. Philip Mayfield: J'aimerais poser encore quelques questions, monsieur.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Allez-y, monsieur Mayfield.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.
J'aimerais simplement obtenir des éclaircissements sur votre position. Je tiens à vous dire à quel point je vous suis reconnaissant d'être venus nous faire part de vos points de vue pour que nous puissions les comparer avec ceux des autres témoins que nous avons entendus. Il me semble - et je serais heureux que vous me disiez si je vous ai bien compris ou non, car je tiens à ce que tout soit bien clair dès maintenant - vous avoir entendu dire que vous souhaiteriez que des contrôles soient exercés sur les prix. J'aimerais que vous nous disiez comment, à votre avis, ces contrôles devraient être exercés.
Par ailleurs, je pense que vous avez dit que la durée de la protection par brevet devrait être de quatre ans. Je me demande si vous vouliez dire quatre ans de protection en tout. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'il en est.
Pourriez-vous répondre aux deux questions, s'il vous plaît? Ai-je bien saisi ce que vous avez dit à propos de ces deux points?
Mme Hannah: Oui, et cela fait partie du plan en cinq points que la Coalition canadienne de la santé a proposé d'adopter et que nous endossons. Nous avons discuté de ces propositions avec les membres de la Coalition, et nous partageons leurs vues.
La proposition visant à limiter à quatre ans la durée de la protection par brevet vient de la Commission Eastman.
En ce qui concerne les contrôles sur les prix, je vous conseille de vous adresser à quelqu'un qui connaît bien ce domaine. Vous et moi ne nous entendons pas tout à fait sur un point. Vous avez une vision très différente de la mienne en ce qui concerne les profits qu'on devrait permettre aux fabricants de réaliser pour les inciter à développer de nouveaux produits.
M. Philip Mayfield: Je n'ai pas discuté de cette question avec vous. Je trouve qu'il est bien tôt pour vous prononcer sur ce que je pense.
Mme Hannah: Je m'en excuse.
M. Philip Mayfield: C'est un préjugé que vous trouveriez peut-être inopportun si vous compreniez vraiment quelle est ma position. Mais je suis impatient de vous entendre parler de la vôtre. Allez-y, s'il vous plaît.
Mme Hannah: Comme je le disais, nous souscrivons aux modalités de contrôle des prix énoncées dans le plan en cinq points. Vous devriez toutefois demander à quelqu'un de la Coalition canadienne de la santé de vous donner plus d'explications concernant le fonctionnement du mécanisme qui serait mis en place. Mais je crois personnellement qu'on pourrait permettre à un fabricant de faire des profits lorsqu'il développe un nouveau produit, tout en lui imposant certaines limites quant au prix qu'il pourrait demander. On ne devrait pas l'autoriser à fixer ce prix en fonction de la tolérance du marché, car il faut concilier la capacité de payer des Canadiens et leurs besoins en matière de soins.
M. Philip Mayfield: Laissez-moi vous expliquer un peu comment, de mon côté, je vois la chose. Ce que je souhaite, c'est que nous ayons une industrie viable qui produise des médicaments au coût le plus avantageux possible pour le consommateur. En un sens, nous sommes tous des consommateurs. Nous dépendons tous de ce qui est en cause ici. Nous avons tous besoins de médicaments pour notre santé et celle des membres de notre famille. Je ne voudrais voir personne privé de ce qui lui est nécessaire pour se garder en bonne santé.
Mais ce qui me préoccupe dans votre proposition visant à limiter la durée de la protection à quatre ans, c'est que, même s'il faut parfois moins de quatre ans pour développer certains de ces produits, il semblerait, d'après ce que nous ont dit d'autres témoins, qu'il s'écoule souvent, sinon le plus souvent, beaucoup plus que l'entier du délai que vous proposez, mise en marché comprise, avant d'avoir obtenu l'approbation, d'avoir fait tous les essais, etc. Je me demande si vous croyez vraiment que cela est juste pour ceux qui ont investi des fonds et embauché des gens pour faire ce genre de recherche. Je trouve cette période vraiment très courte, et je me demande comment vous pouvez justifier qu'elle le soit autant.
Mme Hannah: Elle m'apparaît d'une durée raisonnable. Encore une fois, je vous renvoie au rapport de la Commission Eastman qui a examiné la question de très près et qui a déterminé que quatre ans suffisaient. Elle a aussi établi que la licence obligatoire ne mettait pas vraiment en péril les profits des fabricants de médicaments d'origine.
M. Philip Mayfield: L'autre point dont j'aimerais que vous nous parliez juste un petit peu, si vous le voulez bien, c'est de la façon dont, selon vous, on pourrait exercer un contrôle sur les prix des médicaments.
Mme Hannah: Comme je le disais, je ne suis pas une experte dans ce domaine. Je pense que la Coalition canadienne de la santé a mis beaucoup plus de temps que moi à examiner cet aspect, et je vous suggérerais de poser la question à des gens qui s'y connaissent mieux que moi.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Volpe.
M. Joseph Volpe: Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de clarifier en toute impartialité une question qui a déjà été soulevée, et à laquelle on a répondu, à trois ou quatre reprises. Elle a trait à ce que M. Mayfield a dit. Sans vouloir l'offenser, je pense que ce que la Commission Eastman a dit, entre autres choses, c'est qu'elle jugeait que les fabricants avaient besoin, pour amortir leurs coûts et réaliser un profit raisonnable, d'une période de quatre à cinq ans d'exclusivité une fois que la mise au point du produit est vraiment terminée. Elle s'est dite d'avis qu'il serait raisonnable et équitable de leur accorder une période d'exclusivité d'une durée de quatre à cinq ans à compter du moment où toute la recherche a été accomplie, que le certificat de conformité a été obtenu et que le produit est mis en marché.
J'espère qu'aucun de nos témoins ni M. Mayfield ne trouveront déplacé que je demande si les précisions que j'essaie d'apporter reflètent bien votre interprétation du rapport de la Commission Eastman.
M. Marshall: Oui, je crois comme vous que la Commission Eastman a recommandé de limiter la période d'exclusivité à quatre ans après que le produit a été approuvé. Votre éclaircissement est donc opportun.
M. Joseph Volpe: Cela répond donc à certaines des questions qu'on se pose à propos de la durée souhaitable de la protection par brevet. Il s'agit ici uniquement de la période d'exclusivité pour la vente du produit, un point c'est tout. Merci.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Y a-t-il d'autres commentaires concernant ce point? Sinon, je vais conclure la séance en posant une dernière question.
J'aimerais que chacun des témoins nous dise brièvement quel point lui semble prioritaire ou quel message il aimerait laisser à notre comité. Je vous prie de pas regrouper cinq messages en un. Tenez-vous-en à votre principal souhait.
Je vais commencer par Mme Hannah.
Mme Hannah: Personnellement, j'estime que du fait qu'au sein de notre système de santé le volet médicaments soit privé - donc à but lucratif - il en coûte de plus en plus cher pour se procurer des médicaments. C'est tout notre système de santé, tel que nous le connaissons aujourd'hui, qui est menacé et qui finira par se dégrader. Voilà à mon sens l'aspect le plus inquiétant de cette question.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci. Monsieur Hope.
M. Hope: Je suis d'accord avec Jo-Ann lorsqu'elle dit que le fait qu'on s'en remette à l'entreprise privée pour la fourniture des médicaments et des produits pharmaceutiques contribue à faire augmenter les coûts du système de santé. Si, au moment où toutes les provinces cherchent à réduire radicalement les coûts des soins de santé, nous examinions sérieusement la question des prix des médicaments et veillions à ce que des médicaments génériques soient disponibles sur le marché pour que les gens puissent se procurer à un prix raisonnable les produits pharmaceutiques dont ils ont besoin, nous contribuerions à faire baisser le coût des services de santé, et les provinces pourraient utiliser à d'autres fins les sommes ainsi économisées.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Marshall.
M. Marshall: Si vous me permettez de réunir les quatre ou cinq points dont je tenais à vous faire part, je vous dirai que je suis d'accord avec les deux précédents intervenants, et que...
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Si vous vous mettez à nous transmettre deux ou trois messages, je vais vous couper la parole. Je veux que vous m'indiquiez quel est le point que vous jugez le plus important, quel est votre message.
Des voix: Oh!
M. Marshall: ... je souhaite que le gouvernement mette en place un régime abordable, facilement accessible et universel d'assurance-médicaments; il faudrait pour cela modifier les dispositions découlant du projet de loi C-91 de façon à y prévoir le recours aux médicaments génériques, ce qui contribuerait à rendre le régime abordable.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Si je vous ai posé cette question, c'est que, parfois, lorsque nous entendons des témoins - et nous avons eu droit, ce matin, à un dialogue très fructueux et très éclairant - , je tiens à m'assurer que nous tentions au moins de dégager de l'exercice une idée dominante. Les membres du comité discuteront abondamment de ce que les témoins ont dit et seront alors heureux de pouvoir se référer à un message unique. Je suis sûr que vous me pardonnerez de vous avoir compliqué un peu la tâche, mais, compte tenu de vos antécédents, vous avez sans doute l'habitude de ce genre de situation.
Pour conclure, je rappelle aux membres du comité que notre prochaine séance, qui prendra la forme d'une téléconférence, se tiendra le mardi 18 mars, de 8 heures à 10 heures, dans la pièce 371 de l'édifice de l'Ouest.
M. Philip Mayfield: Pourriez-vous nous rappeler qui participera à cette téléconférence?
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Nos premiers interlocuteurs seront terre-neuviens, puis nous nous entretiendrons avec des gens d'un peu partout au Canada. Il y aura des intervenants des divers secteurs d'activité. Le greffier vous renseignera davantage à ce sujet dès que possible.
Merci, monsieur Mayfield.
La séance est levée.