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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 19 mars 1997

.1901

[Traduction]

Le président (M. David Walker, (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous entreprenons l'examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, chapitre 2 des Lois du Canada de 1993. La séance est ouverte.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous avons l'occasion, ce soir, d'explorer le monde fascinant de la recherche. En tant qu'ancien chercheur universitaire, je suis heureux de pouvoir ainsi rester en contact avec votre domaine et de voir où vous en êtes.

Le comité souhaite un véritable débat. Pour lancer la table ronde sans tarder, je vais vous demander de faire une brève déclaration d'introduction en tenant compte du fait que nous avons votre mémoire en main et que tous les membres du comité en ont pris connaissance - on ne s'attendrait pas à moins d'un bon comité comme le nôtre. Mais nous souhaitons amorcer la discussion le plus tôt possible, de façon que les membres du comité puissent y participer.

Sans plus attendre, je donne la parole à M. Barry McLennan, de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, pour la première intervention. Soyez le bienvenu.

M. Barry McLennan (président, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé; doyen adjoint de la recherche, Faculté de médecine, Université de la Saskatchewan): Monsieur le président, je vous remercie d'avoir invité la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé à comparaître devant le comité. Je vais partager avec mon collègue, le Dr Michel Bergeron, le temps imparti à l'exposé de la CRBS.

Dans l'ensemble, notre mémoire indique notre appui à la nouvelle loi sur les brevets, qui protège la propriété intellectuelle et favorise la concurrence, ce qui devrait permettre au Canada d'affronter avec succès ses concurrents du G-7. Notre mémoire met aussi l'accent sur des domaines à améliorer, comme la recherche fondamentale extra-muros et la distribution régionale des dépenses de R-D et de soutien du personnel.

Ma première recommandation figure à la page 5. Pour attirer l'investissement en R-D et pour créer de l'emploi au Canada, nous recommandons que la période d'exclusivité pour les produits innovateurs soit totalement protégée et qu'elle soit rallongée d'un maximum de cinq ans pour les produits mis au point au Canada, par exemple par la remise en oeuvre sélective des conditions du brevet.

Je voudrais maintenant commenter un graphique réalisé à partir des données nouvelles produites par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés pour la CRBS. Ce graphique indique que les dépenses de recherche et de développement des compagnies pharmaceutiques novatrices et de la recherche fondamentale effectuée par les centres universitaires de sciences de la santé ont été multipliées par un facteur de 8,5. Monsieur le président, cette tendance est encourageante, mais elle ne représente que 15,4 p. 100 de l'ensemble des dépenses en recherche fondamentale de l'industrie. Ces chiffres sont importants pour les Canadiens, car ils indiquent un effort qui, d'une part, contribue à l'innovation, mais qui, en outre, joue un rôle essentiel dans l'appui aux chercheurs, aux spécialistes en soins médicaux et à la mise au point de thérapeutiques nouvelles dans les hôpitaux universitaires de l'ensemble du pays.

La recommandation numéro 4, qui figure à la page 6 - je n'ai pas le temps de toutes les énoncer - présente les conditions dans lesquelles le gouvernement fédéral devrait négocier un nouvel accord avec l'industrie pharmaceutique, qui fixerait des objectifs d'envergure internationale pour l'investissement dans la recherche et le développement au Canada en contrepartie d'une protection d'envergure internationale pour les brevets.

Notre recommandation numéro 4 comporte quatre éléments; le gouvernement devrait fixer des objectifs de dépenses globales en R-D que devrait atteindre l'industrie pharmaceutique canadienne novatrice d'ici à l'an 2000. Ces objectifs doivent être fondés sur la moyenne industrielle du pourcentage des ventes dans les pays de référence du CEEPMB.

On indique, au deuxième élément, que les dépenses en recherche fondamentale doivent correspondre à la moyenne industrielle dans les pays de référence. La recherche fondamentale extra-muros effectuée dans les universités, les hôpitaux et les instituts de recherche affiliés devrait augmenter de un pour cent par an pour atteindre 25 p. 100 de l'ensemble des dépenses de recherche fondamentale d'ici à l'an 2007. Autrement dit, il s'agit d'une augmentation de un pour cent pendant 10 ans.

Le troisième élément concerne la fixation d'objectifs régionaux en matière d'investissement en recherche et en développement extra-muros, tant dans le domaine clinique qu'en sciences fondamentales.

Enfin, le quatrième élément concerne le maintien du programme de santé du CMR et de l'ACIM, mais les coûts du partenariat, actuellement assumés par le CMR, devraient donner lieu à des crédits d'impôt à la RS-DE. Vingt-cinq pour cent de l'ensemble du financement du programme de santé devrait être consacré au personnel et à la formation.

.1905

Le CEPMB a prouvé son efficacité. Je n'entrerai pas dans les détails, mais la CRBS recommande les améliorations suivantes - qui figurent dans la recommandation no 5 - au CEPMB: celui-ci devrait surveiller les prix de tous les médicaments et les dépenses en R-D des compagnies pharmaceutiques innovatrices et génériques; il devrait être habilité à récupérer auprès des compagnies pharmaceutiques, l'équivalent des objectifs annuels de recherche et de développement qui n'ont pas été atteints et à en restituer le montant à un fonds de recherche géré par le CRM; finalement, le CEPMB devrait être habilité à demander une refonte de la législation, si, pendant deux années consécutives, l'industrie n'a pas atteint ses objectifs, en matière de prix des médicaments ou de dépenses en R-D au Canada.

Monsieur le président, vous admettrez sans doute qu'il est difficile, mais non impossible, de concilier les intérêts du système de santé au Canada et réalités de la gestion financière, tout en essayant de rester compétitifs au niveau mondial. Les milieux universitaires sont bien conscients de ce défi, et je tiens à dire au comité que nous sommes tout à fait disposés à contribuer à l'effort nécessaire.

Je cède maintenant la parole à mon collègue, qui va terminer notre exposé.

[Français]

Dr Michel Bergeron (membre du Bureau de direction et président, Société canadienne de recherches cliniques et chef du Département de microbiologie de l'Université Laval; Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, le XXe siècle a été caractérisé par la révolution industrielle, et l'innovation technologique révolutionnera le XXIe siècle. Cette innovation technologique ne pourra se faire sans un appui important à la recherche biomédicale, tout particulièrement à la recherche fondamentale.

Depuis 1990, le Canada néglige la recherche biomédicale. Comme le démontre ce graphique, le Canada est le seul pays industrialisé à avoir diminué ses investissements dans la recherche biomédicale.

Enfin, alors que les États-Unis ont augmenté de près de 63 p. 100 le budget du NIH, l'équivalent américain du Conseil de recherches médicales du Canada, le CRM, au cours des sept dernières années, le budget du CRM aura diminué de 10 p. 100 d'ici 1997. Si l'on prend en considération un facteur d'inflation de 2 p. 100 par année, le budget du CRM aura diminué de 36 p. 100 au cours des sept dernières années.

La recherche biomédicale est un multiplicateur extraordinaire d'emplois. Par exemple, l'addition supplémentaire de 30 millions de dollars annuellement au budget du CRM que nous demandons créerait 1 000 emplois très qualifiés en plus de centaines d'emplois de soutien et permettrait la formation d'au moins 1 300 étudiants diplômés et postdiplômés tout en générant des découvertes qui procureraient à la population de meilleurs soins de santé.

La Loi C-91 doit avant tout protéger les inventions faites ici, car seules les inventions bien protégées peuvent aboutir à des investissements importants qui vont permettre le développement de l'industrie pharmaceutique déjà existante ainsi que la création de nouvelles compagnies canadiennes dans le domaine de la biotechnologie et du pharmaceutique.

L'industrie canadienne de biotechnologie, qui est en pleine expansion, est le résultat direct de recherches financées par le CRM. En 1994, il existait 121 compagnies de biotechnologie canadiennes. Aujourd'hui, il y en a 224, ce qui crée des milliers d'emplois de haute technologie et permet la fabrication de produits canadiens distribués et exportés à l'étranger.

Le Canada s'éveille aux nouvelles technologies. On ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas devenir une puissante et géante Silicon Valley de la biotechnologie.

En protégeant la propriété intellectuelle découlant de nos inventions et de nos découvertes par la Loi C-91, nous favoriserons la création d'emplois canadiens dans nos universités, dans nos centres de recherche et dans notre industrie canadienne.

Enfin, nous allons pouvoir exporter nos produits sur toute la planète. C'est ainsi que le Canada deviendra un pays prospère, compétitif et en santé.

Merci.

.1910

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Nous passons maintenant à M. Mark Bisby, professeur et chef du département de physiologie de l'Université Queen's.

M. Mark Bisby (professeur et chef du Département de physiologie, Université Queen's): Merci. Contrairement à mes collègues ici présents, je ne représente que moi-même. Je voudrais vous donner le point de vue d'un chercheur sur le projet de loi C-91, en insistant sur ses conséquences pour le programme des réseaux de centres d'excellence.

Mon argument principal - sur lequel je voudrais insister un instant, sans toutefois le développer intégralement - , c'est que le projet de loi C-91 est essentiel pour créer un environnement qui permettra aux réseaux de centres d'excellence de s'acquitter de leur mandat, c'est-à-dire tout d'abord, de stimuler les activités canadiennes en sciences et en technologie, et deuxièmement, de créer un nouveau secteur de collaboration avec l'industrie. J'indique que dans la mesure où le gouvernement a décidé de renouveler le programme des réseaux, il doit préserver l'environnement dans lequel les réseaux peuvent s'épanouir.

Je suis enquêteur principal au réseau des neurosciences, l'un des réseaux de centres d'excellence qui ont été créés en 1990. Mon réseau a été renouvelé en 1994. Ce réseau des neurosciences réunit environ 125 enquêteurs et 70 stagiaires, des étudiants diplômés et des boursiers de recherches post-doctorales relevant de 18 universités et instituts de recherche au Canada. Il met l'accent sur les troubles résultant de maladies ou de traumatismes du système nerveux, comme les lésions de la moelle épinière, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, et les accidents cérébraux-vasculaires.

Peu de temps après sa création, le réseau a découvert qu'il n'existait au Canada que très peu de sociétés capables d'utiliser la propriété intellectuelle créée au sein du réseau. Cette insuffisance des possibilités du secteur privé empêchait le réseau de s'acquitter de son obligation de mettre en contact le milieu universitaire et l'industrie. Après avoir courtisé des sociétés américaines et des multinationales, le réseau a décidé qu'au lieu de breveter ses technologies à l'étranger, il était préférable de stimuler la capacité des entreprises canadiennes. Il a décidé de constituer un fonds de capital de risque appelé Neuroscience Partners Fund, qui servirait à stimuler la capacité des compagnies canadiennes à tirer parti de notre propriété intellectuelle.

De grands organismes se sont intéressés à ce fonds, compte tenu de l'excellence et du caractère novateur des travaux scientifiques effectués au sein du réseau. Certains de ces organismes sont bien connus au Canada: on y trouve la Banque Royale du Canada, la Caisse de dépôts et de placements du Québec et MDS Health Ventures Inc. Avec d'autres, ils ont fourni 52 millions de dollars, ce qui a permis de lancer le Neuroscience Partners Fund en septembre 1994.

Ce qui importe, c'est que la création de ce fonds n'aurait pas été possible si les investisseurs n'avaient pas eu l'assurance que les éléments nouveaux de propriété intellectuelle possédant un potentiel thérapeutique et mis au point au sein du réseau allaient être bien protégés par des brevets. Cette assurance était indispensable. Le projet de loi C-91 a apporté cet élément essentiel au secteur de la recherche et du développement.

Par la suite, un certain nombre de sociétés ont été lancées grâce au financement du Neuroscience Partners Fund. Vous trouverez dans mon document une liste provisoire de ces compagnies, mais je ne vous en donnerai pas lecture. Je voudrais simplement indiquer que ce réseau des neurosciences n'est que l'un des réseaux qui font partie du Neuroscience Partners Fund et que celui-ci n'est pas le seul à fournir du capital de risque destiné à la recherche et au développement en créant de nouvelles compagnies biomédicales canadiennes. Depuis l'adoption du projet de loi C-91, on a vu apparaître plusieurs autres sources de capital de risque, notamment le Fonds de découvertes médicales canadiennes Inc., un fonds commun de capital de risque parrainé par les travailleurs sous l'égide du Conseil de la recherche médicale du Canada, et dont mon collègue vient d'évoquer les difficultés.

Le Fonds de découvertes médicales canadiennes et le Neuroscience Partners Fund ont des objectifs semblables, à savoir la commercialisation au Canada des découvertes canadiennes. Ce fonds de capital de risque dépasse actuellement 250 millions de dollars et jusqu'en janvier 1997, il avait investi 57 millions de dollars dans de nouvelles sociétés canadiennes de biosciences.

Je vous donne également une liste de compagnies qui font partie du réseau des maladies génétiques, du réseau des maladies bactériennes et du réseau du génie protéique, lesquels appartiennent eux-mêmes aux réseaux de centres d'excellence consacrés aux sciences de la vie.

En général, plus de 80 p. 100 des fonds accordés à ces nouvelles sociétés sont consacrés à la création d'emplois bien rémunérés. À mon avis, il est certain que le programme des réseaux - du mien, mais aussi des autres - a réussi à accélérer la constitution de la base industrielle de biotechnologie au Canada. Mais comme tout autre secteur de haute technologie, l'innovation et la découverte constituent pour lui des éléments vitaux.

.1915

Le renouvellement du programme des réseaux, annoncé dans le budget du 18 février, va permettre aux laboratoires de recherche de continuer à faire des découvertes. Il est essentiel de bien protéger cette nouvelle propriété intellectuelle. À défaut d'une bonne protection, le secteur privé refusera de faire les investissements nécessaires pour transformer les découvertes fondamentales en agents thérapeutiques utilisables.

Toute réduction de la protection des brevets des compagnies pharmaceutiques porterait gravement atteinte au fondement même de la démarche gouvernementale, qui consacre chaque année 47 millions de dollars au programme des réseaux. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

Nous accueillons maintenant Peter Thompson, de la Société Atlantique des essais cliniques. Soyez le bienvenu, monsieur Thompson.

M. Peter Thompson (directeur général, Société Atlantique des essais cliniques): Je tiens à remercier le président et les membres du Comité permanent de l'industrie de me permettre d'assister à cette séance.

Je suis le directeur général de la Société Atlantique des essais cliniques, dont le siège social se trouve à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Ce soir, je présente le point de vue du conseil d'administration de ma société sur le projet de loi C-91.

Je voudrais vous donner un aperçu de ma société et de son action dans le Canada atlantique, de façon à vous permettre de mieux comprendre notre point de vue. La CTAC est une société à but non lucratif qui appartient aux grands établissements et hôpitaux universitaires du Canada atlantique; nous représentons l'ensemble du secteur de la recherche dans le Canada atlantique. Nous avons élaboré un réseau de plus de 500 cliniciens qualifiés regroupant des généralistes et des spécialistes. Nous avons également plus de 200 coordinateurs qualifiés parmi le personnel infirmier chargé de recherche clinique, et tous ces participants ont pour objectif d'attirer davantage de recherche clinique dans la région du Canada atlantique.

La CTAC a été constituée en 1994 et a reçu pour mandat de créer une infrastructure d'essais cliniques dans le Canada atlantique, de façon à augmenter la masse critique des chercheurs susceptibles de faire des essais cliniques dans cette région. La CTAC a été créée grâce au programme de santé du CRM et de l'ACIM, à l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et aux gouvernements de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard.

En ce qui concerne le projet de loi C-91, le conseil d'administration de la CTAC affirme que le Canada doit continuer à offrir une structure nationale concurrentielle, favorisant la découverte, l'innovation et l'expansion. Cette structure doit nécessairement comporter un ensemble de normes sur la propriété intellectuelle permettant de faire face à la concurrence internationale, et j'estime que le projet de loi C-91 assure précisément ce genre de protection aux services de recherche pharmaceutique et biomédicale.

Grâce au projet de loi C-91, le Canada est désormais membre à part entière de la structure commerciale multilatérale qui s'est constituée. Le conseil d'administration de la CTAC estime essentiellement que ce genre de protection doit être maintenu. L'amélioration de la protection des brevets grâce au projet de loi C-22 puis au projet de loi C-91 a permis au Canada d'attirer davantage d'investissements. Comme vous le savez, les dépenses de R-D effectuées par l'industrie pharmaceutique novatrice ont augmenté considérablement à l'échelle nationale. Entre 1988 et 1995, l'augmentation a été de l'ordre de 276 p. 100, ce qui donne un total de 3 milliards de dollars. Les chiffres concernant les dépenses de 1995, qui sont les plus récents dont je dispose, indiquent pour l'ensemble du Canada un total d'environ 624 millions de dollars.

Qu'est ce que cela signifie pour le Canada atlantique? Comme vous le savez, nous formons une petite région, avec une population totale d'environ 2,5 millions. Dans le Canada atlantique, les dépenses de recherche et de développement sont passées de 1,9 million de dollars en 1988 à 8,4 millions de dollars en 1995, ce qui représente un taux de croissance de 341 p. 100, soit le taux le plus élevé au Canada, même si on peut expliquer ce phénomène par la base très modeste dont nous disposions au départ.

Le conseil d'administration de la CTAC trouve encourageante cette situation de forte croissance depuis l'adoption du projet de loi C-22 et, plus récemment, du projet de loi C-91, mais des améliorations restent possibles. Par ailleurs, l'industrie pharmaceutique se trouve confrontée à un dilemme classique dans le Canada atlantique, puisque pour être en mesure d'investir dans cette région, elle a besoin d'une infrastructure et d'une masse critique de cliniciens prêts à faire de la recherche.

Nous sommes donc convaincus qu'en finançant la création de la CTAC, l'industrie pharmaceutique a aidé le Canada atlantique à progresser dans la bonne direction. Si l'industrie poursuit son effort de soutien, on devrait assister à une augmentation spectaculaire des dépenses de recherche et de développement dans le Canada atlantique. Depuis notre création il y a deux ans et demi, nous assistons du moins à une recrudescence d'activités dans ce domaine.

.1920

En résumé, nous estimons que le projet de loi C-91 est essentiel pour maintenir la compétitivité du Canada à l'échelle mondiale. Nous estimons que la CTAC et le projet de loi C-91 offrent la meilleure recette de succès pour le Canada atlantique.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Thompson.

Je crois que l'exposé suivant est celui d'Arnie Aberman, de l'Association des facultés de médecine du Canada. D'après les notes manuscrites... Voilà une écriture digne d'une ordonnance. Est-ce que vous faites partie du même groupe, monsieur Walker?

M. Arnie Aberman (membre du Conseil des doyens, Association des facultés de médecine du Canada): Merci.

Je m'appelle Arnie Aberman et je suis doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Toronto. Je suis accompagné de Peter Walker, doyen de la Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa. M. Walker et moi-même n'intervenons pas ici en tant que représentants de l'Université d'Ottawa ni de l'Université de Toronto. Ces deux universités n'ont pas exprimé de point de vue concernant le projet de loi C-91. Nous nous prononçons au nom du Conseil des doyens de l'Association des facultés de médecine du Canada.

Ce conseil est formé des doyens des facultés de médecine des 16 universités canadiennes qui ont une faculté ou une école de médecine, et nous sommes heureux de pouvoir exprimer notre point de vue devant le Comité permanent de l'industrie, qui étudie actuellement le projet de loi C-91.

Le Conseil des doyens approuve le principe de la protection de la propriété intellectuelle des institutions et des chercheurs qui se consacrent à la mise au point de nouveaux médicaments. Cette propriété intellectuelle mérite d'être protégée pour les mêmes raisons fondamentales que la propriété intellectuelle des compositeurs, des auteurs, des producteurs de logiciels et des inventeurs.

Tout d'abord, chaque institution a le droit de profiter de son travail. Deuxièmement, si ce droit n'est pas protégé, il n'y aura plus de travail créateur, de découvertes ni d'inventions de produits. Au Canada et dans les pays développés, la propriété intellectuelle de ceux qui se consacrent à la découverte et à la mise au point de nouveaux produits pharmaceutiques est protégée par un régime de brevets. Le Conseil des doyens estime que l'application de notre système de brevets, doit donner des résultats comparables à ce qu'obtiennent nos principaux partenaires commerciaux.

Le Conseil des doyens estime qu'un tel système de protection par des brevets profite à l'ensemble des Canadiens, puisqu'il permet la mise au point et la commercialisation de nouveaux médicaments. Un tel système permet également aux scientifiques canadiens, qu'ils travaillent dans l'industrie, dans les universités, dans les instituts de recherche ou dans les hôpitaux universitaires, de participer à la révolution mondiale de la recherche biomédicale, qui se déroule actuellement. Sans la protection des brevets, il ne peut y avoir d'industrie canadienne de la biotechnologie.

Le Conseil des doyens reconnaît que le coût des produits pharmaceutiques constitue une préoccupation légitime pour les patients et pour leurs assureurs, qu'ils soient privés ou publics. Cependant, quand ces médicaments sont utilisés, leurs coûts viennent en déduction de toutes les dépenses qu'ils permettent d'éviter, notamment les coûts d'hospitalisation et de perte de travail. Le cas échéant, on peut diminuer le coût des médicaments en utilisant des solutions de rechange moins coûteuses par la négociation de ristournes ou par d'autres méthodes commerciales, mais on ne saurait y parvenir en refusant de reconnaître les droits de propriété intellectuelle de ceux qui ont participé à la découverte et à la mise au point de médicaments. Une telle non-reconnaissance ne peut aboutir qu'à une augmentation des frais médicaux ou à une diminution de l'efficacité des soins.

Je vous remercie de m'avoir donné la parole.

Le président: Merci beaucoup.

Peter, est-ce que vous voulez intervenir maintenant ou plus tard?

M. Aberman: Mon collègue se joindra à nous lors de la discussion.

Le président: Parfait. C'est très bien. Je vous remercie.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga - Maisonneuve, BQ): Monsieur le président, les interprètes demandent qu'on parle un peu plus lentement, étant entendu qu'un philosophe du XIXe siècle disait que la vitesse est l'ennemie de la compréhension.

[Traduction]

Le président: Je rappelle aux témoins que nous avons un service d'interprétation. Parfois, les témoins lisent trop vite pour les interprètes et je vous demande donc...

Nous accueillons maintenant M. Bressler, de l'Université de la Colombie-Britannique.

M. Bernard H. Bressler (vice-président de la recherche, Université de la Colombie-Britannique): Merci. Je vais parler un peu moins vite. Par ailleurs, l'interprète a reçu copie de mes notes.

Je tiens à remercier les membres du comité de m'avoir invité à participer à cette table ronde.

Je suis le vice-président de la recherche de l'une des grandes universités canadiennes à forte intensité de recherche. Je n'essayerai pas de définir le concept de forte intensité de recherche, mais je voudrais indiquer que d'après une étude de 1995, publiée récemment, on trouve au Canada cinq universités dont les revenus pour la recherche commanditée dépassent 100 millions de dollars. À l'Université de Toronto, ce montant atteint presque 275 millions de dollars.

En outre, neuf autres universités ont à ce chapitre des revenus annuels de plus de 50 millions de dollars. Cette activité de recherche, qui se greffe à la mission d'enseignement des universités, profite à l'ensemble de la société et, plus particulièrement, en ce qui concerne la formation de spécialistes hautement qualifiés et les retombées commerciales de la propriété intellectuelle, elle profite à l'ensemble des contribuables canadiens. Je vais donc consacrer mon intervention de ce soir à l'importance de la protection de la propriété intellectuelle, sans laquelle les universités ne peuvent pas remplir leur mission.

.1925

Je voudrais résumer les différentes parties de mon exposé. Je le signale à l'intention de l'interprète, qui a reçu le texte complet.

La protection de la propriété intellectuelle vise avant tout à favoriser l'innovation. Par définition, la protection par un brevet consacre une véritable invention. Les droits à la protection qui existent pendant la durée d'un brevet sont essentiels à l'obtention des incitatifs financiers nécessaires à la concrétisation des idées. L'absence d'une telle protection ne peut que limiter l'effort d'invention et de création de nouvelles technologies. C'est particulièrement vrai dans le cas des industries biotechnologiques et biopharmaceutiques, où le coût d'élaboration des produits est très élevé, atteignant en moyenne 400 millions de dollars par an.

Il convient également de souligner l'importance de la relation entre le principe de la protection de la propriété intellectuelle - parfois jugé un peu abstrait - et ses avantages directs pour les Canadiens. En tant qu'outil économique fondamental dans une société industrialisée, il crée de l'emploi et favorise l'investissement, ce qui permet ensuite de créer de nouveaux emplois. C'est ce qu'on appelle le «cycle de l'innovation», dont on vous a déjà parlé.

Il suffit d'étudier rapidement les décisions d'investissement du secteur privé d'après le nombre des nouvelles compagnies biopharmaceutiques cotées en bourse à l'échelle mondiale, comme la nôtre, et d'après la structure de leurs capitaux, qui atteignent des milliards de dollars, pour se convaincre de l'effet bénéfique de cette industrie sur le bien-être économique des nations.

Depuis l'adoption des projets de loi C-22 et C-91, l'économie canadienne a largement bénéficié des investissements de l'industrie pharmaceutique traditionnelle et de l'effet stimulant de cette législation sur la croissance de l'industrie biotechnologique. Je dirais, pour reprendre l'argument de Michel Bergeron, qu'il y a actuellement 224 compagnies de biotechnologie au Canada et que depuis 1994, le nombre de ces compagnies qui sont cotées en bourse est passé de 21 à 59. En 1996, ces compagnies représentaient une structure de capitaux de 8 milliards de dollars.

On estime qu'entre 1991 et 1996, l'investissement total dans le secteur de la biotechnologie a atteint un milliard de dollar, et on prévoit actuellement qu'il devrait atteindre un milliard de dollars pour la seule année 1996.

Je sais que ce message n'est pas nouveau, mais je pense qu'il convient de rappeler, à l'heure actuelle, que le Canada a une industrie biotechnologique florissante qui peut soutenir la concurrence à l'échelle mondiale, à la condition que nous comprenions deux choses, à savoir qu'il a fallu et qu'il faudra encore des mesures pour assurer le succès de cette industrie, et qu'elle a besoin d'aide pour atteindre son plein potentiel.

À cet égard, quel rôle jouent les universités comme celle de la Colombie-Britannique et les autres institutions représentées ici ce soir? Nous participons à chaque étape du cycle, de la recherche fondamentale et appliquée, en passant par la mise au point des produits prototypes et les essais de commercialisation, jusqu'à la cession sous licence des technologies créées dans nos laboratoires, le plus souvent à des compagnies régionales que nous avons créées nous-mêmes.

Derrière les activités de recherche et de commercialisation des universités comme la nôtre, on trouve des chercheurs et des partenariats: des chercheurs universitaires chevronnés, des étudiants diplômés, des disciplines scientifiques et techniques et des experts en transfert de technologie qui peuvent assurer le lien entre la science et son application.

Je voudrais vous donner quelques exemples spécifiques à l'Université de la Colombie-Britannique. En 1995-1996, notre service de recherche dans les sciences de la vie a reçu plus de la moitié des 139 millions de dollars du budget de recherche de l'université. Dans l'histoire du programme de transfert de technologie de l'université, qui a terminé sa douzième année à la fin de mars 1996, la recherche des sciences de la vie à l'Université de la Colombie-Britannique a totalisé 374 divulgations d'invention, 500 demandes de brevet et 119 licences de technologie. Encore une fois, il ne s'agit là que de la recherche des sciences de la vie. Près de la moitié des 77 sociétés créées par l'Université de la Colombie-Britannique procèdent des sciences de la vie.

Ces sociétés, bien que relativement jeunes, contribuent à la diversification et à l'expansion du secteur de haute technologie de la Colombie-Britannique. D'après notre plus récente étude, terminée en 1994, elles employaient 364 personnes, et nous pensons que ce chiffre a dû dépasser les 500 employés à la fin de l'année dernière. Le modeste investissement de 2,9 millions de dollars de l'université et les 11 millions de dollars provenant de sources gouvernementales diverses ont permis une structure de capitaux de 173 millions de dollars en investissements privés pour ces nouvelles sociétés en Colombie-Britannique.

.1930

Je signale entre parenthèses, et sans fausse modestie, que d'après les résultats les plus récents, l'Université de la Colombie-Britannique se classe en troisième position, après le MIT et Stanford, en ce qui concerne la création de sociétés affiliées en Amérique du Nord.

Finalement, les données que je présente ici concernent évidemment l'Université de la Colombie-Britannique, mais l'on trouve des données semblables pour la plupart des universités à forte intensité de recherche dont j'ai parlé au début, et dont certaines sont représentées ici.

Je passe maintenant au milieu de la page 6.

Le transfert technologique et la croissance de nouvelles industries ne sont pas sans comporter des risques. L'Université de la Colombie-Britannique protège son investissement dans la recherche, la mise au point de prototypes et l'octroi de licences pour certaines technologies par le droit à la propriété intellectuelle, le plus souvent par l'enregistrement de brevets.

Le cycle qui part de la recherche initiale en passant par l'octroi de licences de nouvelles sociétés et qui aboutit à un rendement financier s'étend sur une période assez longue allant de sept à 12 ans et est extrêmement complexe. Ceux qui investissent dans les sociétés doivent avoir l'assurance que leurs efforts sont protégés. En l'absence de cette protection, l'Université de la Colombie-Britannique n'aurait pas un bilan de commercialisation aussi important et le Canada n'aurait pas le fondement industriel en biotechnologie qu'il a maintenant. Les nouvelles sociétés ont tout particulièrement besoin d'appui pour qu'elles puissent devenir, comme elles sont en bonne voie de le faire, le pivot d'une nouvelle industrie au Canada.

Enfin, je conclurai en insistant sur les liens important entre la croissance de l'industrie de la biotechnologie et la présence des sociétés de produits pharmaceutiques de marque au Canada.

Depuis 1988 et l'adoption du projet de loi C-22, le Canada bénéficie d'une croissance spectaculaire de l'investissement de cette industrie dans la recherche et le développement, aussi bien dans les universités et leurs centres de recherche affiliés que dans les laboratoires - qui sont bien souvent de nouvelles créations - des sociétés pharmaceutiques elles-mêmes. Leur investissement fournit le carburant, c'est-à-dire la recherche fondamentale, qui alimente le moteur de l'innovation.

L'adoption des deux projets de loi dont j'ai parlé a conduit à un partenariat en R-D à laquelle l'industrie s'est engagée à consacrer 10 p. 100 de son chiffre d'affaires. Nous savons que cet objectif a été atteint en 1992. Chose plus importante, cependant, j'estime que la croissance et la viabilité de l'industrie biopharmaceutique canadienne de souche auraient été impossibles sans la synergie créée par la présence d'une industrie pharmaceutique mûre.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bressler.

J'ai souri en vous écoutant. Je connais l'Université de la Colombie-Britannique comme une institution soeur. J'ai siégé avec Doug Kenny pendant cinq ans au Conseil des sciences sociales quand ce conseil en était encore à ses débuts.

M. Bressler: Ah, oui.

Le président: Il parlait de son institution avec la même fierté que vous, mais il n'a jamais avoué qu'il pouvait faire preuve de fausse modestie, comme vous l'avez fait.

Des voix: Oh, oh!

M. Bressler: Je devais bien le reconnaître devant mes collègues ici présents, puisqu'ils me l'auraient reproché après.

Le président: Merci beaucoup.

M. Bressler: Merci

Le président: Monsieur Goyer.

[Français]

doyen de la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, vous êtes le prochain.

M. Robert Goyer (doyen, Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, Association des doyens de pharmacie du Canada): Merci, monsieur le président.

Messieurs les membres du comité, je vais présenter notre communication au nom duDr Moskalyk, le président de l'Association des doyens de pharmacie. Ensuite, avec votre permission et tel que suggéré par le bureau du greffier, je ferai quelques commentaires qui me semblent pertinents à titre d'ancien vice-président du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, entre 1987 et 1994.

Je vais lire la déclaration des doyens en anglais.

[Traduction]

Les doyens des neuf facultés de pharmacie au Canada appuient énergiquement la protection de la propriété intellectuelle. La recherche et l'innovation jouent un rôle critique dans nos universités et dans nos industries axées sur le savoir et elles sont absolument essentielles à la croissance économique future du Canada. La protection de la propriété intellectuelle est l'élément clé et la composante critique qui appuient l'avancement et l'innovation et qui y conduisent. En conséquence, nous tenons à nous prononcer énergiquement en faveur d'une loi de protection des brevets pour les industries pharmaceutiques et les autres industries canadiennes axées sur le savoir.

À notre avis, l'industrie pharmaceutique d'innovation s'est acquittée de son engagement à accroître ses dépenses au titre de la recherche et du développement au Canada.

Les facultés de pharmacie souhaiteraient toutefois que la recherche fondamentale bénéficie d'un appui encore plus important tant de l'industrie que du gouvernement. De l'avis de la plupart des doyens de pharmacie, l'industrie ne s'est toujours pas acquittée de son engagement à appuyer la recherche fondamentale dans les facultés de pharmacie.

Les facultés de pharmacie canadiennes ont l'intention de maintenir leurs rapports très étroits avec les deux secteurs de l'industrie, et la présente lettre d'appui aux principes énoncés dans le projet de loi C-91 ne doit pas être interprétée de quelque façon comme une approbation inconditionnelle de l'un ou l'autre secteur.

.1935

Selon nous, la loi actuelle a apporté des avantages au Canada depuis son adoption, et elle servira aussi à l'avenir l'intérêt des grands fabricants canadiens de produits génériques quand ils mettront sur le marché leurs propres médicaments pouvant être protégés par un brevet. Ce qui est peut-être encore plus important, c'est que la loi augure bien pour l'avenir des soins de santé au Canada, tant du point de vue de la promotion de la découverte de nouveaux médicaments que de celui de l'avenir professionnel des diplômés de nos programmes de premier cycle et de nos programmes d'études supérieures.

Nous sommes profondément convaincus que les fabricants doivent avoir le droit et la possibilité d'obtenir l'accès au marché pour tout produit qui n'est plus protégé par un brevet.

Nous ne saurions toutefois appuyer une loi qui compromettrait de quelque façon la protection de la propriété intellectuelle pendant la durée d'application du brevet et qui autoriserait ainsi d'autres fabricants à mettre le produit sur le marché avant que le brevet n'ait expiré. Pour cette raison, nous appuyons aussi les objectifs visés par les règles sur le passage, à condition que les questions problématiques puissent être réglées de manière qu'il existe un mécanisme équitable pour assurer le maintien et l'application des dispositions de la loi relatives à la protection de la propriété intellectuelle.

Les règles de passage doivent faire en sorte qu'aucun produit ne puisse être mis en marché tant que le brevet n'est pas expiré. Elles doivent aussi, par contre, prévoir la possibilité de mettre le produit sur le marché sans tarder une fois que le brevet est bel et bien expiré. Je dirais même que, s'il y avait moyen de régler les questions problématiques que posent les règles actuelles en ce qui concerne le passage de manière qu'elles soient équitables pour les deux parties, le mécanisme retenu devrait être consacré dans la loi comme telle. On pourrait ainsi espérer qu'il ne serait plus nécessaire d'inclure une disposition prévoyant l'examen automatique de la loi.

[Français]

À titre personnel, et aussi comme ancien vice-président du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, je dois dire que le secteur pharmaceutique innovateur est d'une très grande importance, puisque c'est lui qui génère de nouvelles pharmacothérapies et qui donne accès à des médicaments génériques ultérieurement.

Cependant, le secteur générique est aussi d'une grande importance, puisque c'est lui qui génère des médicaments équivalents à prix inférieurs. De la sorte, il contribue à mieux contrôler l'évolution de l'enveloppe des médicaments, permettant ainsi au système de la santé d'atteindre ses objectifs d'universalité et d'accessibilité.

Compte tenu des rôles essentiels et complémentaires des deux secteurs, tant innovateur que générique, il est primordial pour les Canadiens d'assurer les conditions optimales à l'accomplissement de leurs missions respectives. La Loi C-91 a restauré l'entière protection en matière de brevets, et le Canada offre maintenant la même protection que tous les pays industrialisés. Nous croyons que cette approche doit être maintenue.

Cependant, la période nécessaire de mise en marché s'est considérablement allongée, ce qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Il y a bien sûr les exigences réglementaires qui sont plus grandes; il y a évidemment des problèmes de gestion au niveau du directorat des médicaments ou des agences réglementaires dans l'approbation des médicaments; il y a aussi des problèmes de gestion du développement des médicaments à l'intérieur de l'industrie elle-même, qui doit s'assurer de pouvoir fournir ses produits le plus rapidement possible pour éviter elle-même l'érosion de ses brevets.

L'impact des délais est important puisqu'on calcule qu'un délai d'une année, qu'il soit dû à une cause gouvernementale ou industrielle, est équivalent à une durée de brevet de trois ans. Face à l'augmentation des coûts de développement, les gouvernements des pays où existe une industrie pharmaceutique nationale forte, en particulier ceux des États-Unis, du Japon et de l'Union européenne, ont voulu protéger et maintenir la capacité d'innovation. En ce sens, en 1984, les sociétés américaines, à cause des grands délais d'approbation de la FDA aux États-Unis, ont vu leur compétitivité diminuer, d'où les pressions qui se sont exercées aux États-Unis en faveur de la Loi Waxman en 1984, qui a donné un certificat complémentaire aux brevets.

.1940

C'était pour leur permettre de mieux concurrencer l'industrie d'Europe, où l'approbation des médicaments se faisait beaucoup plus rapidement. Le Japon a fait de même en 1988 et l'Union européenne, en 1992.

Le Canada ne possède pas une industrie pharmaceutique nationale traditionnellement forte, à l'exception du secteur des médicaments génériques, qui est localisé principalement en Ontario. Le secteur pharmaceutique innovateur traditionnel se répartit à peu près entre le Québec et l'Ontario. Par contre, on voit naître un secteur de biotechnologie extrêmement important. On y a fait allusion au cours des dernières années.

Si on regarde l'historique de la Loi sur les brevets, on voit que le Canada a toujours voulu favoriser le développement d'une industrie chimique et pharmaceutique locale, d'où la première intervention en 1923. Lorsqu'il a institué la licence obligatoire, il a imposé aux licenciés de synthétiser le produit au Canada.

La loi C-22 a eu un effet similaire pour les durées d'exclusivité. Il ne m'apparaît pas approprié d'accorder un certificat complémentaire de protection pour tout produit commercialisé au Canada puisque les pays qui ont étendu la période d'exclusivité étaient ceux qui avaient une industrie pharmaceutique nationale très forte.

Cependant, dans la lignée de nos préoccupations historiques canadiennes, il m'apparaît important de soutenir les efforts visant à favoriser notre contribution à la découverte de nouveaux médicaments en conférant aux sociétés qui s'y engagent, canadiennes ou étrangères, des avantages équivalents à ceux des trois autres grands pays producteurs.

Dans ce sens, je suggère, dans l'intérêt du Canada, qu'on envisage d'étendre la période de protection effective par un certificat complémentaire de brevet pour les produits découverts et développés au Canada. Lorsqu'on dit «développés», on inclut le développement jusqu'à la phase II, c'est-à-dire la phase clinique.

En ce qui concerne le lien ou le patent linkage, on a beaucoup parlé d'un retard dans la commercialisation et de l'impact de ce retard sur le secteur des médicaments génériques. Mais l'impact ne se fait pas sentir seulement là. Il est subi par la société en général. Il y a deux tiers des cas qui ont été résolus en faveur de l'industrie novatrice et un tiers en faveur de l'industrie générique. Lorsque l'approbation des médicaments génériques est retardée, c'est le consommateur et les provinces qui, en fait, paient la différence des prix.

Aux États-Unis, on a quelque chose de similaire, mais à l'inverse, avec des dommages qui peuvent être trois fois plus élevés dans les cas de patent infringement.

Alors, les provinces et les autres consommateurs doivent être protégés, d'abord contre la contrefaçon des brevets par les fabricants du secteur générique, mais aussi contre la falsification des registres par les compagnies novatrices.

Il s'avère donc nécessaire de revoir la réglementation actuelle. Je suggère que lorsqu'un tribunal statuera en faveur d'un fabricant de produits génériques pour un médicament donné, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés estime la valeur monétaire payée en trop pour ce médicament par les provinces et les consommateurs durant la période de retard de commercialisation du médicament générique. Ce montant serait établi en fonction du volume des ventes et pourrait être remboursé de la même façon que lorsque les prix sont excessifs.

Pour terminer, je désire suggérer qu'en ce qui concerne ce qu'on appelle l'exploitation hâtive d'un brevet, la loi actuelle soit maintenue, comme le Bolar provisions aux États-Unis et comme ce que l'Union européenne vient d'approuver en avril 1996, qui va permettre aux compagnies de produits génériques de fabriquer des médicaments pour pouvoir les commercialiser au moment de l'expiration des brevets.

Finalement, dans une présentation que j'enverrai par écrit au comité, je parlerai certainement du problème de cession des brevets, des pattern dedications dont le Conseil vous a certainement parlé. Je vous parlerai peut-être aussi d'une suggestion qui a été faite ici, soit d'arriver à ce que l'ensemble des médicaments soit couvert par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Ce serait un cauchemar administratif. En effet, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est le plus puissant au monde, mais ses processus requièrent un nombre d'années phénoménal. Sans un ajustement important de sa réglementation, il serait impossible d'implanter cela.

Merci.

.1945

Le président: Merci, monsieur Goyer.

J'invite maintenant M. René Simard et Mme Suzanne Bisaillon de l'Université de Montréal à prendre la parole.

M. René Simard (recteur, Université de Montréal): Je ferai ma présentation au nom de l'Université de Montréal, une université dans le secteur des sciences de la santé qui est l'une des plus importantes au Canada, qu'il s'agisse de programmes d'enseignement, de recherche ou de développement. Je suis accompagné de Mme Suzanne Bisaillon, professeure à la Faculté de pharmacie, qui a le double avantage d'être à la fois pharmacienne et avocate.

En 1991, j'ai présidé, à la demande du ministère de la Santé de l'époque, le Conseil consultatif sur la recherche pharmaceutique, dont faisait d'ailleurs partie le Dr Bernard Bressler. Ce conseil était composé de 13 membres provenant de l'industrie du médicament, qu'elle soit novatrice ou générique, des universités et du gouvernement. Les membres du conseil ont fait consensus sur 27 recommandations qui ont pavé la voie à l'élaboration de la Loi C-91, dont l'implantation devait doter le Canada d'une infrastructure et d'une réglementation compétitive pour le développement de la recherche et de l'industrie pharmaceutique. Les recommandations sont contenues dans le rapport intitulé Le temps d'agir - une stratégie pour le développement d'un secteur en croissance: la recherche pharmaceutique. En anglais, le rapport s'intitule It's Time to Act - A Strategy for the Development of a Growing Sector: Pharmaceutical Research.

Je ne voudrais pas reprendre ici les discussions qui ont eu lieu à l'époque sur le prix des médicaments brevetés ou non brevetés pour les consommateurs et notre système de santé, non plus que sur le rôle très important que jouent les compagnies génériques, comme mon doyen de la Faculté de pharmacie le disait tout à l'heure, qui ont de toute évidence leur place dans le contrôle des coûts de notre système de santé et dont l'apport à l'industrie du médicament ne doit pas être sous-estimé.

Je m'attarderai cependant à revoir un certain nombre de recommandations faites à l'époque, à voir le chemin parcouru et à tenter de démontrer comment le Canada pourrait conserver et même améliorer sa place dans le marché global de l'industrie pharmaceutique.

[Traduction]

Le premier domaine auquel je voulais m'intéresser a déjà été abordé. Il s'agit du degré de protection assuré aux médicaments brevetés. À ce propos, je me contenterai de dire que le Canada doit offrir un milieu réglementaire compétitif, et j'entends par là compétitif par rapport à celui où évoluent nos partenaires commerciaux, c'est-à-dire aux pays avec lesquels nous sommes en concurrence, comme les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Communauté européenne.

Il a été dit, et je reprends cette affirmation à mon compte, que la protection actuelle de 20 ans est la protection minimale nécessaire pour que le Canada réponde aux obligations qui découlent de l'accord qu'il a signé avec l'Organisation mondiale du commerce. Nous ne pouvons donc pas revenir en arrière.

Je le répète, si nous voulons demeurer compétitifs par rapport à nos partenaires commerciaux et si nous voulons nous acquitter de nos engagements, nous ne pouvons pas mettre en doute cette protection minimale de 20 ans. Nous devrions même envisager de l'allonger.

Votre comité aura l'occasion de se pencher sur cette question. Il ne m'appartient pas de juger à l'avance de ce que pourraient être vos recommandations, mais il convient de se rappeler que des pays comme les États-Unis, le Japon et l'Union européenne ont déjà allonger de cinq ans la durée de la protection des produits pharmaceutiques pour compenser les retards entraînés par l'élaboration et l'approbation des nouveaux médicaments.

[Français]

On n'a pas beaucoup traité du deuxième commentaire que j'émettrai et qui portera sur le développement harmonieux de l'industrie pharmaceutique depuis quatre ans, soit depuis l'adoption de la Loi C-91. On nous avait promis des résultats catastrophiques dans certains cas, une hausse des prix qui serait aussi catastrophique, ce qui n'a pas eu lieu. Je pense que si le développement se fait de façon harmonieuse, c'est à cause de la surveillance du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, dont le mandat vise essentiellement l'examen des prix des médicaments brevetés au moment de leur première commercialisation.

Le Conseil a aussi exercé depuis sa création, mais tout particulièrement depuis l'élargissement de ses pouvoirs par la Loi C-91, une grande influence sur l'ensemble du système de santé canadien par ses analyses de l'évolution des prix, non seulement des médicaments brevetés, mais de tous les produits pharmaceutiques. Le Conseil est en quelque sorte le chien de garde en matière de contrôle des prix. Il faut maintenir ses principales attributions.

.1950

Le Conseil fait aussi rapport des dépenses de recherche et développement des fabricants de produits pharmaceutiques brevetés. Dans son rapport pour l'année 1995, il note que l'indice du prix des médicaments brevetés a connu une baisse de 1,75 p. 100 par rapport à 1994, alors que la tendance des prix de tous les produits médicamenteux brevetés et non brevetés s'établit à 0,09 p. 100 comparativement à une augmentation de 2,14 p. 100 pour l'indice des prix à la consommation.

On doit donc conclure que l'intervention du Conseil a permis que l'augmentation des prix des médicaments brevetés soit maintenue sous le taux de l'inflation. Je pense qu'il faut rappeler aussi que le Conseil conclut que les prix des médicaments brevetés ont augmenté moins que l'indice des prix à la consommation, qu'ils ont augmenté moins que les prix des médicaments non brevetés et qu'ils ont augmenté moins que les prix des médicaments aux États-Unis.

[Traduction]

La troisième question que je veux aborder est celle de la nature même des dépenses au titre de la recherche et du développement. Il ressort clairement que l'accroissement des dépenses internes brutes des sociétés pharmaceutiques au titre de la R-D a influé sur le régime de subvention de la recherche dans le domaine de la santé au Canada. Si l'on examine la répartition des fonds de recherche, l'on constate que ces fonds sont surtout investis dans la recherche clinique et appliquée. La recherche fondamentale, par contre, demeure sous-financée, ne représentant que 22,2 p. 100 des dépenses totales de R-D, même si elle constitue le creuset - passé, présent et futur - d'où émergent les chercheurs de grand calibre qui jettent les fondements des nouvelles recherches cliniques et appliquées.

Le CRM et le CNRSG devraient disposer de fonds accrus pour la R-D. Les fonds de recherche dont disposent ces organismes sont à ce point limités que le taux d'acceptation des demandes qui leur sont présentées est inacceptable, n'ayant atteint que 25 p. 100 dans le cas du CRM en 1996, alors que chacun sait qu'environ 40 p. 100 des demandes répondaient aux critères de qualité.

Il conviendrait que l'industrie pharmaceutique envisage d'accroître considérablement les fonds qu'elle investit dans la recherche fondamentale, puisque les installations existent déjà, qu'il en résultera de nouveaux emplois et que les laboratoires universitaires constituent un milieu idéal pour former une main- d'oeuvre très qualifiée, qui sera à l'avantage du Canada.

Je reconnais qu'il pourrait être difficile d'établir un seuil idéal, mais je crois que nous devrions nous fixer pour objectif de tenter d'atteindre un niveau de dépenses comparable à celui de pays qui sont des chefs de file dans la recherche pharmaceutique. La réduction de 4,3 p. 100 des fonds consacrés à la recherche fondamentale qui s'est produite entre 1991 et 1995 est déplorable. En 1991, la proportion des fonds consacrés à la recherche fondamentale était de 26,5 p. 100 comparativement au total des fonds investis dans la R-D. La situation actuelle laisse beaucoup à désirer.

[Français]

Ma quatrième remarque porte sur les processus d'approbation des médicaments. Mes propos seront très brefs bien qu'on n'ait pas déjà traité de ce sujet. Ce processus d'approbation des médicaments est fait par la Direction générale de la protection de la santé de notre ministère de la Santé. Même si des progrès importants ont été faits depuis l'adoption de la Loi C-91 et depuis les recommandations qui étaient incluses dans le rapport Le temps d'agir, la période d'approbation des médicaments est plus longue que dans plusieurs autres pays. Cette lenteur de nos processus d'approbation fait en sorte qu'on réduit d'autant la protection de 20 ans accordée à nos brevets. Pourtant, les délais d'introduction de nouveaux produits sur le marché sont une dimension importante pour la détermination du site d'investissement en recherche et développement. Si le Canada souhaite attirer une plus grande partie des capitaux, il lui faudra raccourcir la durée du processus d'évaluation et d'approbation tout en continuant à garantir aux Canadiens et aux Canadiennes des médicaments sécuritaires.

Ma cinquième et dernière remarque concerne l'harmonisation des mécanismes d'approbation des médicaments aux niveaux fédéral et provincial, une question dont n'ont pas traité mes prédécesseurs. Les compagnies pharmaceutiques sont inquiètes du fait que les provinces exigent de plus en plus de données relatives à l'innocuité, l'efficacité et l'interchangeabilité des nouveaux produits. Dans certains cas, ces exigences sont redondantes au processus de la Direction générale de la protection de la santé. En particulier, les comités provinciaux des formulaires exigent des quantités de plus en plus volumineuses de données épidémiologiques sur la santé et la sécurité et reprennent partiellement l'examen effectué par le ministère fédéral.

.1955

Il est plausible que les critères d'approbation pour une commercialisation et ceux conduisant à l'inclusion ou non dans une liste provinciale puissent varier, mais on devrait éviter que ces études se déroulent totalement en séquence et prévoir un mécanisme concomitant afin d'accélérer les réponses.

En conclusion, il faut noter que le Canada n'est pas le seul pays à offrir des avantages au secteur pharmaceutique. D'autres nations avec lesquelles nous sommes en concurrence sur le plan des investissements offrent des avantages plus ou moins équivalents ou même supérieurs. La protection que nous offrons en matière de propriété intellectuelle des produits pharmaceutiques par rapport à celle d'autres nations développées en est un exemple. De plus, il faut se rappeler que le marché canadien des produits pharmaceutiques est fragmenté par les politiques différentes de 10 gouvernements provinciaux, ce qui n'est pas à notre avantage. C'est pourquoi nous croyons que le développement de la recherche pharmaceutique devrait faire l'objet d'une attention toute spéciale de la part du gouvernement du Canada.

Je vous remercie.

Le président: Merci, docteur Simard.

[Traduction]

Nous passons maintenant au volet table ronde. Les membres du comité poseront à tour de rôle des questions. Leurs questions s'adresseront tantôt à une personne en particulier tantôt à l'ensemble des témoins. Quand une question est adressée à quelqu'un d'autre que vous, n'hésitez pas à intervenir. Faites-moi simplement signe si vous avez quelque chose à dire. Sentez-vous parfaitement libres d'exprimer vos opinions que vous soyez d'accord ou non, de façon que nous ayons vraiment un bon aperçu des divers points de vue. C'est très important pour nous.

[Français]

Je vous présente maintenant un ancien étudiant de l'Université de Montréal, M. Ménard.

M. Réal Ménard: Je ferai deux commentaires préliminaires. Je crois qu'il nous faudra considérer la possibilité de faire deux tours, compte tenu de la richesse du matériel qu'on nous a présenté.

Vous savez que je suis très nostalgique et que je m'ennuie beaucoup de l'Université de Montréal où j'ai poursuivi des études en histoire et en sciences politiques, bien que j'aie suivi mes cours d'administration à l'UQAM. J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop. Mais il n'y a pas un mauvais département de sciences sociales non plus à l'UDM, vous savez. Ne déduisez pas du temps qui m'est alloué ces commentaires d'introduction.

À plusieurs reprises, on nous a parlé de la lenteur du processus d'homologation sur lequel j'aurai l'occasion de revenir. On nous a également parlé de la clause de restauration selon laquelle aux États-Unis, on accorde une compensation d'un certain nombre d'années, pouvant atteindre jusqu'à cinq ans, pour la protection des brevets lorsqu'on estime qu'il y a eu des carences dans le délai d'homologation. Vous avez introduit une variable nouvelle que je ne connais pas et dont j'aimerais que vous nous parliez avec un luxe de détails: c'est l'introduction sélective de certificats de prolongation. Je vous invite à faire comme si j'étais un béotien, un ignare qui n'y connaît rien. J'aimerais que vous puissiez faire notre éducation concernant cette modalité.

M. Simard: M. Goyer saurait peut-être mieux répondre à votre question.

M. Réal Ménard: D'accord.

M. Goyer: Vous parlez d'un certificat complémentaire de brevet. Supposons que l'on découvre un médicament en 1980 et qu'il nous faille 10 ans pour le commercialiser, ce qui nous amène en 1990; il nous reste une protection de brevet de 10 ans, soit de 1990 à l'an 2000.

En 1984, on adoptait aux États-Unis une loi qui accordait une protection supplémentaire, qui permettait une durée d'exclusivité plus longue. On faisait un calcul en comptant le temps de l'étude clinique, supposons 5 ans pour l'essai clinique, auquel on ajoutait peut-être 2 ans pour l'approbation gouvernementale, ce qui fait 7 ans, qu'on divisait par 2, ce qui nous donne 3,5 années. On ajoutait ce nombre à la protection de 10 ans, ce qui donnait une durée d'exclusivité de 13,5 années. Cette durée d'exclusivité ne doit jamais dépasser 14 ans, tandis que le certificat complémentaire de brevet ne peut jamais dépasser 5 ans. En Europe et au Japon, on a une formule similaire: la période maximale est toujours fixée à 5 ans, tandis que la durée totale de protection ne peut jamais être supérieure à 15 ans.

M. Réal Ménard: C'est la clause de la restauration, finalement.

M. Goyer: C'est la clause de la restauration qu'ils appellent le certificat complémentaire de protection.

M. Réal Ménard: D'accord. Nous avons touché à un point très important. Nous avons interrogé des fonctionnaires du ministère de la Santé parce que la question de l'homologation nous préoccupe beaucoup. C'est une donnée importante à maîtriser. On nous a fait parvenir un tableau que je souhaiterais beaucoup que vous puissiez consulter. On nous dit qu'au Canada, à l'exception de la procédure fast track, le délai moyen d'approbation est d'environ 600 jours.

.2000

En nous basant sur les données qu'on nous a fournies et en les comparant avec celles des États-Unis et des autres pays, on constate que notre processus est concurrentiel, comparable. On sait de part et d'autre que les ressources humaines dont est dotée la Direction générale de la protection de la santé ne sont évidemment pas les mêmes que celles de son homologue américain. Mais sur la base des données qu'on nous a fournies, qui sont des données à jour, on nous assure que la Direction générale de la protection de la santé est concurrentielle.

Est-ce que vous êtes d'accord sur cette analyse? J'espère que notre greffier vous fera parvenir ce tableau.

M. Goyer: Par rapport aux États-Unis, notre délai est concurrentiel, soit à peu près deux ans, bien qu'en Europe, il soit d'à peu près d'un an.

M. Simard: C'est la réponse que j'avais aussi. On me disait qu'au Royaume-Uni, c'était six mois. À l'époque où nous rédigions le rapport Le temps d'agir, c'était trois ans. Il y a donc a eu une amélioration d'une année dans le processus d'homologation. Des progrès ont été réalisés et on pense que ça pourrait aller plus loin.

Mme Suzanne Bisaillon (professeure à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal et avocate): Notre objectif actuel est de faire un premier examen de l'ensemble du dossier et de nous assurer que toutes les pièces y sont dans un délai de de 45 jours et d'ensuite procéder à une étude en profondeur du dossier qui peut durer 300 jours, soit presque un an. Il y a toutefois maintes prolongations qui peuvent survenir si jamais il y a des défectuosités ou des manques dans le dossier. C'est ça qui prolonge finalement le processus. Si on signale à la compagnie un notice of non-compliance, elle a 90 jours pour y répondre. Le cadran repart ensuite à zéro à 190 jours. Il est vrai que le délai a été réduit à deux ans, mais on pense qu'à la lumière de l'expérience des autres pays, il serait possible de le réduire à un an ou un an et demi.

M. Réal Ménard: Je crois comprendre que vous seriez favorables à une homologation conjointe. Plusieurs témoins nous ont demandé pourquoi, si des monographies avaient été déposées aux États-Unis et que la FDA disposait des données nécessaires et entamait le processus d'homologation, nous ne pourrions pas nous prévaloir d'un processus d'homologation conjoint.

Mme Bisaillon: Le processus d'harmonisation entre les principaux pays est assez avancé et mènera éventuellement à cela, ce qui est à espérer.

M. Réal Ménard: Monsieur Goyer, vous êtes vous-même un ancien; vous avez des états de service au Conseil. J'espère que cela a été une belle expérience de votre vie, mais vous n'êtes pas obligé de vous ouvrir là-dessus.

M. Goyer: Malheureusement, il m'a convaincu de prendre le travail de doyen.

M. Simard: Quand on est doyen, c'est pire encore.

M. Goyer: Malheureusement. J'en pleure tous les matins.

M. Réal Ménard: Écoutez, dans un cas comme dans l'autre, j'imagine que quotidiennement, il faut parfois prendre sa pilule.

Voici la question que je souhaite vous adresser. Plusieurs témoins nous ont fait valoir qu'il serait intéressant qu'on dote le Conseil de pouvoirs supplémentaires pour surveiller le coût des produits génériques. Vous semblez nous dire que compte tenu du dédale réglementaire ou du volume de données que vous avez à traiter, à l'instant où on se parle, vous n'avez pas la conviction que le Conseil, si le statu quo était maintenu, voudrait s'acquitter de ce mandat. Est-ce que j'interprète bien votre pensée en disant cela?

M. Goyer: Vous aimeriez peut-être demander à vos avocats de vérifier mon affirmation, mais je crois qu'en théorie, le fédéral n'a pas le droit de s'impliquer dans le contrôle des prix parce que c'est une compétence provinciale.

M. Réal Ménard: On est sûrs de ça, monsieur.

M. Goyer: Il a réussi à le faire dans la Loi C-22, par l'entremise des brevets, en demandant s'il y avait une utilisation excessive du monopole conféré par le brevet qui se traduisait par des prix excessifs. Donc, la jonction s'est faite.

Je crois que pour les médicaments non brevetés, il nous faudrait avoir l'aval, et ce serait probablement possible, de toutes les provinces qui lui demanderaient s'il veut ou non surveiller le prix des médicaments brevetés. Souvent le prix du premier médicament non breveté qui arrive sur le marché est très élevé en raison des investissements qui ont été faits, tandis que les prix des médicaments génériques subséquents sont moindres.

M. Réal Ménard: Une chose est certaine, et là c'est le petit côté bloquiste en moi qui va vous parler.

.2005

On sait très bien qu'il faudra une délégation de pouvoir de la part des provinces si on veut réaliser cela. Mais il y a des fois où cela peut être envisageable compte tenu du fait que le Conseil n'a pas une mauvaise réputation. Plusieurs acteurs reconnaissent que le Conseil s'est extrêmement bien acquitté des trois mandats qui lui avaient été confiés.

Puisque l'on parle du Conseil et que le président est dans une période où il fait preuve de générosité à mon endroit, je m'empresse de vous adresser la question suivante. Il y a des esprits très critiques, qui sont sûrement passés par l'Université de Montréal, qui disent que l'évaluation que fait le Conseil doit être relativisée parce que l'échantillonnage des sept pays de référence qui nous a permis de mesurer et de comparer l'évolution de nos prix n'est pas représentatif. Il faudrait établir des comparaisons avec 24 pays, soit l'ensemble des pays de l'OCDE. Est-ce que vous partagez cette opinion?

Excusez-moi pour ces données; je sais que ça va vous casser la tête.

M. Goyer: Quand M. Eastman et moi avons commencé, nous n'avions que trois ou quatre critères. On s'est demandé ce qu'on allait faire.

Le ministère de la Justice nous a dit de nous pencher sur les prix dans tous les 125 pays, ce qui était impossible. Certaines gens nous ont suggéré d'étudier ce qui se passait dans les pays membres de l'OCDE. Nous aurions établi des comparaisons avec des pays comme le Portugal et la Turquie; il aurait été incroyable d'aller chercher ces informations et, par surcroît, les niveaux de vie ne sont pas les mêmes. Nous nous sommes donc arrêtés sur les pays industrialisés. Dans certains pays, les niveaux des prix étaient élevés, tandis que dans d'autres, comme l'Italie et la France, ils étaient inférieurs, bien que le taux de consommation y soit presque quatre fois supérieur à celui des pays anglo-saxons. Nous nous sommes aussi penchés sur des prix qui étaient plus dans le milieu, comme en Suède et en Angleterre. Nous aurions peut-être pu étudier huit ou neuf pays, mais nous croyions donner ainsi une bonne vue d'ensemble.

[Traduction]

Le président: Puis-je vous demander une précision pour être sûr de bien comprendre? Vous croyez que les comparaisons utilisées par le conseil sont acceptables et défendables. Est-ce bien ce que vous dites?

[Français]

M. Goyer: Oui.

[Traduction]

Le président: Je voulais simplement que ce soit bien consigné au compte rendu.

M. Goyer: Oui, bien sûr.

Le président: Réal.

[Français]

M. Réal Ménard: Ma question s'adresse cette fois-ci aux représentants de la Coalition qui ont présenté un mémoire qui me semble excellent. Que souhaitez-vous que le comité recommande concernant la bonification du crédit d'impôt à la recherche et au développement expérimental? Vous semblez dire qu'on pourrait bonifier le crédit d'impôt.

En ce qui concerne la recommandation no 3, qui figure à la page 6 de votre mémoire, j'ai un peu le sentiment que c'est une mesure qui aurait pu être dictée par l'industrie du médicament générique. Est-ce que je me trompe en lisant votre mesure? Est-ce que vous souhaitez que les gouvernements fédéral et provinciaux puissent finalement évaluer le rapport coût-avantage et l'efficacité des nouveaux médicaments? Cet argument est revenu à plusieurs reprises dans les représentations de l'industrie du médicament générique. On dit que, finalement, très peu des nouveaux médicaments qui viennent sur le marché ont une nouvelle valeur curative. Pourriez-vous nous expliquer plus en détail la recommandation no 3?

Je crois que vous avez joué de beaucoup d'audace dans la recommandation no 5. Est-ce que je comprends que vous seriez d'accord pour que le Conseil puisse demander une réouverture de la loi ou une révision de la loi si les objectifs ne sont pas atteints?

Vous dites:

Pourriez-vous nous expliquer cette recommandation? Doit-on comprendre que vous trouvez qu'avec ses pouvoirs actuels, le Conseil est un peu émasculé?

[Traduction]

M. McLennan: Permettez-moi de répondre à votre seconde question en premier. Je crois que nous l'expliquons assez clairement à la recommandation 5. Vous avez entendu notre ancien représentant, M. Goyer, vous en parler amplement. Nous estimons que le CEPMB s'est révélé un mécanisme efficace, de sorte que nous recommandons, à la recommandation 5, que plusieurs nouveaux rôles lui soient confiés. Il devrait notamment avoir un rôle de surveillance, comme nous le proposons à la recommandation 5, à la page 6. Nous disons que le conseil devrait continuer à faire rapport annuellement au Parlement sur les prix des médicaments et sur les dépenses au titre de la recherche et du développement.

Nous avons indiqué ce que pourrait être la pénalité si l'industrie ne respectait pas ces objectifs préétablis. La pénalité serait que l'équivalent de l'écart serait retourné à la communauté des chercheurs.

.2010

Nous l'expliquons donc clairement dans nos recommandations. Votre première question concernait...

[Français]

M. Réal Ménard: Quand on lit le rapport du Conseil, on apprend qu'une soixantaine de sociétés sont titulaires de brevets et que 49, je crois, sont membres de l'ACIM. Est-ce que vous nous dites que celles qui n'ont pas fait de rapports de recherche - l'exemple est peut-être mauvais parce que certaines n'ont pas un brevet actif - et ont des données inférieures à la moyenne de ce que fait l'ACIM devraient être sanctionnées? Est-ce que je comprends bien?

[Traduction]

M. McLennan: Oui. Nous avons établi des objectifs qui, à mon avis, sont plutôt modestes et qui tiennent compte non seulement de ce qu'elles ont fait par le passé, mais de ce que nous pensons qu'elles pourraient faire au cours des 10 années à venir. Ces chiffres, vous les trouverez à la recommandation 4. Je ne crois pas que les objectifs soient irréalistes.

Nous proposons effectivement que, si elles ne répondent pas aux objectifs, les sociétés s'exposent à des sanctions, comme vous dites. L'envers de la médaille, c'est bien entendu que nous établirions ainsi des règles du jeu équitables. Autrement dit, nous pourrions maintenir une protection convenable pour les médicaments brevetés. Il ne faut pas oublier que le Canada n'est qu'un petit acteur sur la scène mondiale, c'est-à-dire par rapport à l'industrie mondiale. S'agissant des sociétés qui décident d'investir au Canada, si nous voulons qu'elles investissent chez nous et que nous visions à en tirer tous ces avantages dont on a parlé ici ce soir, notamment sur le plan de la création d'emplois, nous devons offrir des règles du jeu assez équitables. D'autres se sont déjà prononcés longuement là-dessus. Il est terriblement important de remettre les pendules à l'heure et de les garder à l'heure, parce que nous ne sommes pas des grands acteurs sur la scène mondiale.

Si nous persuadons une société d'investir au Canada et que nous voulons qu'elle investisse chez nous, il faudrait alors faire deux choses. Il faudrait d'abord leur fournir le cadre qui leur permette de protéger leur brevet. Ensuite - et c'est quelque chose qui a été abordé ici ce soir, mais sur lequel on n'a pas vraiment insisté - , il faudrait aussi maintenir un milieu propice à la recherche au Canada. D'autres témoins en ont déjà parlé ce soir. Nous devons faire en sorte d'avoir un bassin de personnes formées dans nos universités qui puissent faire la recherche et faire profiter cet investissement.

Si je peux maintenant revenir à votre première question, qui concernait, je crois...

Une voix: Le numéro un.

M. McLennan: Excusez-moi. Oui, c'était le numéro un. Merci.

Dans le deuxième paragraphe, sous la recommandation 1, à la page 5, nous disons qu'il faudrait envisager de bonifier les crédits d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental relatifs à des brevets canadiens pour lesquels les recherches ont été faites au Canada.

Le président: Merci.

Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Bressler: Oui, au sujet des crédits d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, je voudrais tout simplement présenter la chose sous un autre angle. C'est une question dont nous discutons avec Revenu Canada depuis maintenant plusieurs années. C'est que, voyez-vous, l'industrie exclut certains types d'investissement. Elle exclut, par exemple, les investissements dans des chaires d'études universitaires, dans l'aide aux étudiants en maîtrise et en doctorat et aux boursiers de recherches post-doctorales.

Les investissements de ce genre peuvent dans certains cas être faits aux termes du programme CRM-ACIM, mais pas aux termes de la disposition afférente dans la Loi de l'impôt sur le revenu. D'autres industries subissent aussi les mêmes pressions. Nous avons passé un certain temps cette semaine à discuter à Ottawa avec l'industrie de la télécommunication sans fil. Je n'entrerai pas dans le détail de ces discussions, mais je vous dirai simplement que cette industrie est aussi touchée par la définition de la recherche scientifique et du développement expérimental qui se trouve énoncée dans la disposition idoine de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette disposition a une incidence sur les décisions que prennent les sociétés relativement à leurs investissements dans le secteur universitaire.

Le président: Quelqu'un a-t-il autre chose à ajouter à ce sujet? Je cède donc la parole au député suivant.

Monsieur Mayfield, s'il vous plaît.

M. Philip Mayfield (Cariboo - Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis très heureux de pouvoir être ici ce soir et écouter toutes ces personnes qui sont sur la ligne de front de la recherche. Vous êtes les professionnels mais vous êtes finalement entre les mains des laïcs que nous sommes et qui, dans notre ignorance, décideront de la façon dont vous pourrez exercer votre activité.

Je me demande à qui appartient la propriété intellectuelle. Dans cette relation croissante entre l'industrie, les universités et les chercheurs, qui se trouve finalement à détenir la propriété intellectuelle? Existe-t-il une règle générale à ce sujet?

M. Bressler: Cela dépend. Dans le cas de notre université, c'est nous qui détenons la propriété intellectuelle si nous décidons d'aller de l'avant avec l'invention. Quand les chercheurs se présentent chez nous, comme ils doivent le faire aux termes de leur contrat d'embauche avec l'université, ils divulguent les détails de leur invention et nous avons un certain délai - de 60 à 90 jours - pour leur dire si nous voulons faire la recherche. Dans la négative, nous leur cédons la propriété intellectuelle; ils en sont les détenteurs.

.2015

Le plus souvent, nous déciderons de faire la recherche, de sorte que c'est nous qui conserverons le droit de propriété intellectuelle. Cependant, dès que nous trouvons une société qui veut obtenir une licence pour la technologie en question, nous lui octroyons une licence exclusive, dont la durée va bien souvent jusqu'à 20 ans. Ainsi, l'effet net est que la société qui se retrouve titulaire de la licence - il s'agit parfois d'une société créée par le laboratoire du professeur concerné - a le droit d'usage exclusif.

Soit dit en passant, dans certaines universités, la politique se situe quelque part entre la nôtre et l'autre extrême.

Chez vous, est-ce un peu comme chez nous?

M. Simard: Oui, c'est à peu près la même chose.

M. Bressler: Oui, à l'Université de Montréal, c'est à peu près comme chez nous. À l'Université de Toronto, c'est différent. À Laval...?

Dr Bergeron: Je crois que Laval s'en tient aussi à cette politique traditionnelle, selon laquelle elle conserve la propriété intellectuelle et ne fait qu'octroyer une licence.

Dans le cas d'une de nos sociétés dérivées qui a été créée récemment, l'Université Laval a accepté un copartenariat avec l'industrie et a accepté de céder le droit de propriété intellectuelle afin de donner une plus grande marge de manoeuvre à cette jeune industrie, à cette jeune société de biotechnologie. Il a fallu aller devant le conseil de l'université pour faire modifier les règles à ce sujet.

Voilà donc une autre approche, qui est à mon sens très positive et qui donne une plus grande marge de manoeuvre à la jeune industrie qui émerge. Il s'agit d'une approche tout à fait nouvelle. L'université devient donc copartenaire; elle devient actionnaire de la société, quoique actionnaire minoritaire. À ma connaissance, c'est la première fois que quelque chose de semblable se produit au Canada.

M. Philip Mayfield: Je suis vraiment très impressionné par tout l'enthousiasme, la passion et l'énergie que vous semblez tirer de l'avancement de la recherche à laquelle vous vous intéressez. C'est quelque chose de formidable pour vous et pour notre pays. Nous entendons souvent parler de ces chercheurs, de nos jeunes cerveaux, qui s'en vont ailleurs parce qu'ils n'ont pas de possibilités ici. Je crois donc que ce que vous faites est formidable, et je tiens à vous dire comme je suis heureux de vous en entendre parler.

Je me demande cependant si, dans ces relations qui prennent de plus en plus d'ampleur, nous pensons de manière générale aux fabricants de produits génériques comme étant ceux qui prennent la relève une fois que les fabricants de produits de marque ont perdu la protection que leur accordait leur brevet. Nous entendons toutefois parler des fabricants de ces produits génériques qui participent eux aussi à ces activités de recherche qui prennent de plus en plus d'ampleur. Y a-t-il des ententes entre certaines de vos organisations et, mettons, certains des fabricants de produits génériques?

M. Bressler: Absolument. Beaucoup.

M. Philip Mayfield: Vous dites «beaucoup», mais aimeriez-vous nous donner certains des chiffres à cet égard? Seriez-vous en mesure de nous les donner?

M. Bressler: Je ne peux pas vous donner les chiffres...

M. Goyer: Les chaires d'études, les centres d'excellence...

M. Bressler: Oui, j'allais le dire, des chaires d'études, des centres d'excellence, des fonds pour aider les étudiants diplômés, des fonds pour aider nos chercheurs qui ont leur doctorat et pour appuyer le programme de pharmacie à l'Université de la Colombie-Britannique. Je n'ai pas les chiffres - je ne m'attendais pas à ce qu'on me pose la question - , mais je sais que l'appui est considérable.

M. Simard: Au Québec, le ministère de l'Industrie a d'ailleurs ce qu'il appelle des grappes industrielles. Une de ces grappes est dans le domaine de la biotechnologie, et l'industrie pharmaceutique, y compris le secteur des produits génériques, y joue un rôle important. Les fabricants de produits génériques font donc partie d'une stratégie globale pour accroître la compétitivité du Québec dans ce domaine. Ils en font partie intégrante, et ils participent aux décisions de façon très active.

Mme Bisaillon: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose...

Le président: Oui, allez-y.

Mme Bisaillon: ... les fabricants de produits génériques ont notamment fait beaucoup de recherche appliquée dans le domaine des formules médicamenteuses: comprimés, capsules, liquides, etc. Il y a beaucoup de recherche qui se fait dans ce domaine, notamment en collaboration avec les facultés de pharmacie, et il y a beaucoup de travail d'élaboration qui s'est fait ces vingt dernières années. Dans certains cas, les fabricants de produits génériques ont pris tellement d'ampleur et ont acquis une telle compétence dans la production, la fabrication de médicaments, qu'ils sont même appelés maintenant à fabriquer des médicaments pour les sociétés de produits brevetés, de produits de marque.

M. Philip Mayfield: Notre comité a été sensibilisé à une préoccupation en particulier, qui nous a été présentée de façon très énergique à la téléconférence que nous avons tenue hier soir. Les Travailleurs canadiens de l'automobile nous ont présenté beaucoup de chiffres pour nous montrer que les prix des médicaments ont augmenté considérablement depuis 1992.

.2020

Je me demande sur quoi ils se fondent pour nous présenter ces chiffres, puisque vous nous donnez un tout autre son de cloche, à savoir que les prix ont baissé, qu'ils sont en fait plus bas que les indices nationaux. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il y a cette différence d'opinion quant aux prix? Selon eux, il y aurait eu des hausses de prix très considérables.

M. Goyer: Je ne sais pas s'ils ont parlé de hausses de prix ou de hausses des coûts.

Quels sont les coûts liés aux médicaments? Ce sont les coûts des médicaments qui en déterminent le prix.

Par ailleurs, qu'est-ce qu'il faut prescrire? Faut-il prescrire une Mercedes ou bien un billet d'autobus? Si vous voulez vous rendre à tel endroit, vous pouvez choisir l'un ou l'autre, puisque celui qui rédige l'ordonnance n'a pas à la payer et le patient non plus. Les choix qui sont faits au moment de la rédaction de l'ordonnance pèsent pour 35 p. 100 dans la hausse de l'enveloppe que représentent les médicaments. Les professionnels font très mal leur travail.

Troisièmement, combien y a-t-il de personnes qui dépendent de l'assistance sociale ou de l'assurance-chômage? À la fin des années 80, à Toronto - je ne me souviens pas du nombre exact - , l'accroissement du nombre d'assistés sociaux et de prestataires de l'assurance-chômage avait une incidence qui se chiffrait aux alentours de 100 millions de dollars par an parce que l'état de santé de la population, de la société, est tel que, tant il y a appauvrissement, il y a incidence sur les médicaments.

Quatrièmement, combien de personnes vivent plus longtemps et ont besoin des médicaments pour lesquels nous devons payer? Nous vivons plus longtemps, mais pas nécessairement bien portants.

Les hommes et les femmes vivent en santé pendant exactement le même nombre d'années. Heureusement, nous, les hommes, tirons notre révérence plus tôt.

Il y a aussi les maladies dégénératives qu'il faut traiter, et nous avons maintenant de nouvelles maladies: l'alzheimer, le sida.

Au Québec, par exemple, nous avons décidé d'assumer le coût des médicaments pour les enfants de moins de douze ans, de sorte que nous avons créé une nouvelle population de bénéficiaires.

Quand j'étais au conseil, un des plus grands reproches que nous faisaient les provinces - elles ne cessaient de s'en prendre à nous - était notre inaction relativement au coût des médicaments. Or, nous ne pouvions pas réglementer le coût, mais seulement le prix.

Le président: Quelqu'un d'autre avait-il quelque chose à ajouter à ce sujet? La réponse était satisfaisante?

M. Bressler: J'ajouterais peut-être que c'est la consommation qui fait surtout problème, de sorte que les travailleurs de l'automobile n'ont sans doute pas tort. C'est la consommation et le coût total par opposition au prix des médicaments. Voilà ce que dit le professeur Goyer. Il faut s'y attaquer d'une autre façon.

En Colombie-Britannique, 21 sociétés de produits pharmaceutiques ont formé un partenariat avec le gouvernement pour la mise en place d'un projet pilote dans une collectivité appelée White Rock, qui a une importante population de personnes âgées. Il s'agit de mettre à l'essai un programme d'éducation appelé Excellence et Santé qui est géré par la population concernée et qui devrait permettre de déterminer si la consommation aura diminué en raison de l'accroissement de l'information. Je crois que c'est dans cette voie qu'il faut se diriger, en collaboration avec l'industrie, afin de faire baisser le coût des médicaments.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Goyer.

M. Goyer: Je voudrais ajouter à cela que, quand Kessler, le commissaire de la FDA, a présenté son budget au Sénat il y a de cela quelques mois, il a dit que le manque de diligence dont faisaient preuve les patients quand ils recevaient leur nouvelle ordonnance coûtait 22 milliards de dollars au régime des soins de santé aux États-Unis. En Floride, Hepler a évalué à 74 milliards de dollars le coût de la mauvaise utilisation des médicaments, alors que les ventes de médicaments se chiffrent à 70 milliards de dollars. Il faut donc en conclure que nous ne faisons pas notre travail, mais que l'argent est là.

Mme Bisaillon: Je voudrais ajouter un chiffre, une donnée statistique. Parmi les personnes âgées, quand on leur demande combien de médicaments sur ordonnance elles consomment, la moyenne se situe entre 12 et 15 par personne par jour.

.2025

M. Philip Mayfield: S'agit-il là de la moyenne nationale?

Mme Bisaillon: C'est la moyenne pour le Québec, mais je doute qu'elle soit très différente ailleurs.

M. Philip Mayfield: Monsieur le président, je ne sais pas trop comment aborder le sujet suivant, parce que je n'ai pas vraiment les connaissances voulues pour en discuter en profondeur. Je voudrais toutefois l'examiner de la façon la plus utile possible. M. Goyer a parlé de la loi et de la nécessité de l'examiner. J'ose croire que c'est là quelque chose qui relèverait de la compétence de notre comité. Je ne sais pas s'il en est ainsi, monsieur le président.

Le président: Tout dépend de leur réponse.

Des voix: Oh, oh!

M. Philip Mayfield: En tout cas, je serai très intéressé par l'information que vous ferez parvenir au comité.

Je me demande si vous avez des observations générales à faire au sujet de l'équité ou du manque d'équité de la loi existante et des améliorations que le comité pourrait envisager d'y apporter dans le cadre de son examen. Avez-vous des observations à faire à ce sujet autres que celles que vous avez déjà faites?

M. Goyer: La loi est-elle équitable? Tout dépend de la personne à qui on pose la question.

M. Philip Mayfield: Tout à fait. Mais quand Salomon a eu à trancher, il cherchait justement la perfection.

M. Goyer: Avant l'adoption de la loi, la hausse du prix des médicaments était le double du taux d'inflation. Elle est maintenant nulle.

De toute évidence, le CEPMB a l'appui des provinces en ce sens que les provinces ont décidé que, dans leurs formulaires, elles appliqueraient aux médicaments non brevetés les directives du CEPMB relatives aux médicaments brevetés. Ainsi, les provinces pourraient, à un moment donné, interdire toute nouvelle hausse du prix des médicaments, de sorte qu'elles ont un pouvoir encore plus grand que celui du conseil en ce qui concerne la hausse des prix.

Pour ce qui est maintenant des nouveaux médicaments, nous nous situions au deuxième rang parmi les pays avec lesquels la comparaison a été faite. Nous nous situons maintenant au milieu, sinon un peu plus bas. Il se pourrait bien que nous puissions pratiquer le prix qui se pratique au Portugal, mais les médicaments ne seront pas mis en marché ici à ce prix-là. Même nos voisins, les Américains, sont mécontents de la différence de prix qui existe entre les États-Unis et le Canada. Ils se demandent comment une société canadienne peut mettre en marché des médicaments à des prix de beaucoup inférieurs à ceux qui sont pratiqués aux États-Unis. Mais qu'est-ce qu'un prix équitable? Il est très difficile de le savoir. Je crois donc que les comparaisons sont valables.

Je crois que nous imposons aux sociétés un fardeau réglementaire excessif. Même pour celles qui ne pratiquent pas des prix excessifs, le fardeau réglementaire est excessif. La réglementation les oblige à déposer des documents tous les six mois pour les quatre catégories de clients, et ce, dans les 10 provinces et les deux territoires. C'est incroyable. Ça, c'est injuste. Voilà quelque chose que je voudrais changer.

Chose certaine, je changerais la façon dont l'on cède les brevets. Dans un cas qui a été rendu public, le cas de Genentech, on a cédé le brevet une semaine après avoir payé la cotisation annuelle, de sorte que la compagnie ne savait même pas elle-même qu'elle allait céder son brevet. Donc comment un fabricant de produits génériques peut-il le savoir? Il faut cinq ans pour se préparer. On s'est servi de la cession pour échapper au CEPMB. C'est injuste, et c'est injuste pour ceux qui se conforment à la loi. Je pense donc qu'il faudra changer ça.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Mayfield.

Nous allons maintenant passer à M. Bodnar, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie.

M. Morris Bodnar (Saskatoon - Dundurn, Lib.): Merci, monsieur le président.

Avec tous ces savants qui sont réunis aujourd'hui, est-ce qu'il y en a un d'entre vous qui peut guérir ma toux?

M. Bressler: Prenez le losange Fisherman's Friend.

Des voix: Ah, ah!

M. Bodnar: Non, j'ai essayé ça. Le goût est excellent, mais...

Dr Bergeron: Je suis spécialiste des maladies infectieuses, passez donc me voir après la séance.

.2030

M. Morris Bodnar: Proposition intéressante.

Parmi les faits intéressants qui sont apparus au cours des quelques derniers mois, on note particulièrement le rapport du Forum national sur la santé. On y faisait la recommandation suivante:

Qui approuve cette recommandation?

M. McLennan: Monsieur le président, je vais essayer de répondre à cette question.

Ce n'est pas une idée nouvelle. Vous avec parfaitement raison de dire que le forum national a repris cette recommandation récemment, mais il y a des années qu'elle circule. Je pense qu'elle circulait même avant les discussions qui ont conduit à la création du programme CRM-ACIM.

Ça fait longtemps qu'on y songe, et l'on pensait dans le temps à une sorte de prélèvement, si vous voulez, sur l'ensemble des ventes de produits découlant de la recherche et du développement au Canada, en vue... On y a donné divers noms - le fonds du millénaire, le fonds de la recherche médicale et bien d'autres - mais l'idée n'est pas nouvelle. Je pense qu'elle mérite sérieuse réflexion.

Comme nous le disons dans notre recommandation... Nous avons pris des engagements dans le cadre du programme CRM-ACIM, qui en est maintenant à la quatrième année de son mandat de cinq ans. Pour ce qui est de savoir si ce mandat sera renouvelé ou non sous sa forme actuelle, je pense que la réponse est évidente. Je pense que l'on tient vivement à avoir un programme comme celui-là. Je pense que le milieu industriel y tient, et c'est sûrement le cas du milieu de la recherche.

Ce programme, soit dit en passant, était l'un des premiers du genre au monde. Oui, il a connu des difficultés de croissance, mais j'ai la certitude, et je pense que c'est une certitude partagée, qu'il s'acquittera de son mandat fort aisément.

En réponse à votre question, oui, je pense que l'idée de ce fonds est bonne. Qu'il s'agisse d'un prélèvement, ou d'une taxe sur la vente des produits, je pense que l'idée est bonne.

Bernie, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Bressler: Je suis ce dossier depuis 1987, lorsque nous avons entendu parler pour la première fois de la Loi sur les brevets. J'étais à l'époque président de la Fédération canadienne des sociétés de biologie, et j'ai avec moi aujourd'hui deux anciens présidents.

Nous avons téléphoné à Judy Erola, que nous ne connaissions pas - Howie et moi - et nous avons demandé à la rencontrer. Elle a accepté. Sans préavis, nous lui avons téléphoné le matin - nous étions ici à Ottawa - et nous l'avons tout de suite rencontrée pour discuter de la création d'un fonds parce que nous croyions dans le temps que le 10 p. 100 servirait à cela. L'idée n'est donc pas nouvelle. Bien sûr, il a fallu attendre la création du programme CRM-ACIM pour aller de l'avant.

J'avais des réserves quant au fonds. Je pense que ce projet a commencé en 1988. Ce projet visait - en fait, c'était une aventure - à travailler en collaboration avec l'industrie afin d'investir dans ce qu'on pouvait trouver de mieux partout au pays. C'est comme ça qu'on a commencé.

Voici ce qui est arrivé au cours des 10 ou 11 années qui ont suivi - et j'étais là avec le Dr Simard au moment du rapport Le temps d'agir; je siégeais à cette commission. On pensait que tout allait assez bien, mais à ce moment - ce n'était peut-être pas à cause de notre rapport - , nous avons constaté que la distribution régionale faisait problème. Encore là, cependant, il s'agissait de trouver ce qu'il y avait de mieux dans toutes les régions du pays. On espérait que les décisions seraient prises selon ce critère.

C'était inégal. On se concentrait dans deux provinces, essentiellement l'Ontario et le Québec. On a eu beaucoup de mal à s'éloigner de ces deux régions. C'était en partie attribuable aux réalités politiques des régions elles-mêmes. C'est pourquoi je me suis mis à rire lorsque vous avez abordé le sujet. Je pensais que vous alliez me parler de l'établissement référentiel des prix en Colombie-Britannique, que je veux seulement signaler. Mais je pensais que vous songiez à cela, monsieur Bodnar. Vous allez peut-être en parler maintenant. J'espère que non.

.2035

Ce qui m'amène à parler du problème particulier que nous avons en Colombie-Britannique.

Je pense aussi qu'imposer l'industrie - et c'est l'effet que ce fonds aurait si on y allait tous azimuts et qu'on oubliait tout le reste - ne ferait qu'aggraver la situation. C'est ce qui me préoccupe. Voilà donc une réponse sans équivoque.

Je pense que nous avons aujourd'hui un produit hybride, qui est le CRM-ACIM, qui sert à concentrer les ressources, même si ce n'est pas un fonds dans lequel investissent les entreprises pharmaceutiques. Le programme trouve lui-même ses partenariats. Je n'ai pas de réponse, mais je pense que cela nécessite une sérieuse réflexion. Je ne crois pas qu'il existe une solution unique à tout cela.

M. Morris Bodnar: Peut-on prouver que la collaboration de l'ACIM et du CRM influence le genre de recherche qu'on fait?

M. Bressler: Non, parce que le processus est encore plus - si telle chose est possible - libre de tout parti pris, vu que chaque projet est soumis à l'évaluation confraternelle dans le système du CRM. Avant la création de ce programme, et même outre ce programme... Si quelqu'un veut investir à l'Université de la Colombie-Britannique - l'entreprise X - nous donnons nos meilleurs... Disons qu'on choisit un domaine - la neuroscience - , nous allons donner ce que nous avons de mieux en neuroscience. L'entreprise envoie ses scientifiques travailler avec les nôtres. Souvent, ces scientifiques nous viennent des États-Unis ou des sièges sociaux européens, et c'est ainsi qu'on établit une synergie. Mais l'évaluation confraternelle dans ce processus est faite au niveau de l'entreprise, si bien que le programme CRM-ACIM ajoute cette dimension nouvelle qui est l'évaluation confraternelle indépendante.

M. Morris Bodnar: Le professeur Goyer a mentionné les problèmes - je pense que c'est vous qui avez mentionné ces problèmes - que pose le manque de fonds en recherche fondamentale. Avez-vous des correctifs à nous proposer?

M. Goyer: D'abord se pose le problème de la définition de la recherche fondamentale. Nous en avons parlé plus tôt, et nous devrions utiliser la définition de la recherche que donne l'OCDE. Nous ne le faisons pas, mais je pense que nous devrions le faire.

Chose certaine, dans les facultés de pharmacie, il faut prendre en compte le fait que nous relevons aussi nos activités, et dans certains cas, nous n'avons pas toutes les compétences qui existent dans d'autres facultés - la faculté de médecine par exemple, pour ne pas la nommer. Nous sommes donc dans un processus d'édification, et j'espère que nous serons plus performants d'ici quelques années.

Il nous faut trouver de l'argent parce que nous avons les compétences voulues. Nous devons aussi savoir ce que les autres font. Si nous ne cherchons pas à connaître les intérêts des autres, ça va évidemment être très difficile.

J'aimerais faire une observation au sujet de la répartition de la recherche dans notre pays. Au Canada, environ 55 p. 100 des crédits de recherche-développement - du moins il y a trois ans, c'est peut-être différent aujourd'hui - étaient consacrés à la recherche clinique, mais de ces 55 p. 100, environ 50 p. 100 étaient consacrés à ce qu'on appelle entre nous l'infrastructure de l'entreprise chargée de faire ces recherches.

Donc, évidemment, si l'industrie est située au Québec ou en Ontario, l'infrastructure est déjà là. Il est très difficile de déplacer 25-50 p. 100 de 55 p. 100. Donc près de 25 p. 100 est investi là où l'entreprise est établie.

Deuxièmement, pour ce qui est des 25 ou 30 p. 100 qui restent, la recherche clinique va où les gens se trouvent, on va donc évidemment trouver plus de chercheurs cliniciens dans les provinces plus peuplées. Je pense qu'il y a des compensations à cela à certains égards parce qu'il y a des d'excellents centres de recherche clinique dans d'autres provinces, mais ils n'attirent peut-être pas autant de crédits de recherche-développement parce qu'ils ne peuvent faire qu'un nombre limité d'études.

La recherche clinique au Canada représente 55 p. 100 des crédits. Aux États-Unis et en Europe, c'est environ 20 p. 100. Dans ces pays, on consacre plus de recherche-développement à la conception pharmaceutique, à la chimie pharmaceutique, à la formulation pharmaceutique, à la toxicologie et à la pharmacologie. C'est là que se fait le vrai transfert de technologies.

Je pense qu'au commencement, lorsque l'industrie se met à investir davantage au Canada, on peut se retrouver dans une situation temporaire - et j'espère qu'elle est temporaire - où l'on trouve plus d'argent dans la recherche clinique. Mais au fil du temps, les entreprises vont investir davantage, comme l'a fait Bio-Méga, comme l'a fait Astra, comme l'a fait Merck, et peut-être d'autres.

.2040

Le président: Nous allons entendre M. Simard sur la même question, ensuite nous entendrons quelqu'un d'autre.

[Français]

M. Simard: Je pense que la question est très pertinente et qu'il faudrait demander aux compagnies novatrices d'investir davantage dans la recherche fondamentale. Encore une fois, c'est une recherche qui facilite les transferts de technologie et qui crée des emplois de qualité. On a connu une baisse de 26 p. 100 il y a quatre ou cinq ans, au moment de l'adoption de la Loi C-91, mais qui résultait de la Loi C-22, et la baisse actuelle s'établit à 22 p. 100. C'est certainement une chose que l'on devrait améliorer. J'ose espérer que dans le rapport de votre comité figureront des recommandations à ce sujet-là.

Il est trop facile pour une compagnie qui n'est impliquée que dans la recherche clinique de bouger ce type de recherche d'une frontière à l'autre. C'est extrêmement facile, tandis que bouger des installations de recherche de qualité, c'est beaucoup moins facile. Il faudrait demander aux compagnies d'investir peut-être un peu moins dans la recherche clinique au Canada, si on leur procure un environnement réglementaire favorable, et d'investir dans des laboratoires de recherche où on pourrait faire de la recherche fondamentale et où nos étudiants, de quelque province qu'ils soient, auraient des débouchés. Je pense que c'est une recommandation tout à fait normale et tout à fait honnête à faire aux compagnies pharmaceutiques.

[Traduction]

Le président: Merci. Nous allons maintenant entendre le docteur McLennan sur cette même question.

M. McLennan: Je veux seulement ajouter une petite observation. Le problème de la recherche fondamentale au Canada est très grave, et je peux vous montrer ce tableau-ci qui vous donne une autre dimension de la situation... Mon collègue vous a montré que l'investissement dans la recherche et la formation conduit à des inventions, à la création d'emplois et à tout le reste. Il y a une autre façon de voir les choses. L'ingrédient essentiel dans tout cela, c'est la recherche fondamentale. C'est le point de départ. C'est la recherche fondamentale qui mène à l'innovation, à l'invention, aux entreprises dérivées et à tout le reste, mais on ne peut rien faire sans la recherche fondamentale.

Qui soutient la recherche fondamentale au Canada? Il n'y a que deux grands intervenants ici. Il y a le Conseil de recherches médicales du Canada pour la recherche en santé, et l'autre, c'est le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie pour la recherche qui n'a rien à voir avec la santé. Ces deux conseils ont essentiellement pour mandat et pour responsabilité de subventionner la recherche fondamentale.

Comme quelqu'un l'a dit plus tôt ce soir, notre taux de réussite au Canada à l'heure actuelle est d'environ 20 ou 30 p. 100 pour les demandes qui sont adressées à ces deux conseils. C'est absolument inacceptable. Voyez le gaspillage qui se fait dans notre pays.

Ce sont nous, les contribuables, vous, moi et tout le monde ici présents qui paient des impôts pour subventionner la formation des étudiants, la formation à la recherche et tout le reste. Ces étudiants arrivent, ils ont obtenu leur diplôme, ils obtiennent enfin un emploi, et ils envoient leur première demande de subvention. C'est une vraie foire. C'est une loterie. Vous obtiendrez peut-être une subvention, peut-être pas. Notre société a investi dans ces jeunes gens, et voyez tout ce gaspillage parce que ces jeunes ne peuvent pas trouver de travail, parce que nous ne soutenons pas la recherche fondamentale qui nous permettrait de subventionner leurs travaux.

Je vais donc m'arrêter là, monsieur le président, et rappeler notre quatrième recommandation, où nous établissons des objectifs précise pour le soutien à la recherche fondamentale. Merci.

Le président: Ce qui arrive normalement tard le soir, c'est que les gens reviennent à leurs dadas. Je vais vous demander de faire preuve de discipline. Je vais céder la parole au Dr Bergeron. Je vais vous céder la parole sur cette question. Je dirai aux membres du comité que s'ils veulent cinq minutes de plus chacun, ça va, et nous tâcherons de terminer d'ici 9 heures. Tout le monde est d'accord?

Docteur Bergeron.

[Français]

Dr Bergeron: Je tiens à insister, comme je le précisais plus tôt, sur ce graphique où on démontre que les fonds accordés au Conseil de recherches médicales du Canada ont baissé de 10 p. 100 depuis sept ans par rapport à ce que font tous les autres pays industrialisés. On sait que d'ici cinq ans, le Japon doublera ses investissements en recherche fondamentale. Les gens sont toujours un peu confus à ce sujet et se demandent ce qu'est la recherche fondamentale.

Le président: N'aviez-vous pas discuté de ce point?

Dr Bergeron: Non. Il est extrêmement important que nous reconnaissions que la recherche fondamentale est en amont.

.2045

Je pense qu'il faut bien comprendre que c'est la source de jouvence qui nous amènera à développer des centres d'excellence et évidemment à créer des compagnies de biotechnologie. Au moins 75 p. 100 des compagnies de biotechnologie qui se sont développées au cours des dernières années, et tout particulièrement au cours des deux dernières années, proviennent de la recherche fondamentale, et plus précisément de la recherche qui a été subventionnée par le CRM. C'est extrêmement important et je pense qu'il y a un lien direct entre la Loi C-91 et cette recherche. En l'absence de recherche fondamentale, votre Loi C-91 ne servira à rien parce qu'il n'y aura pas de découvertes. Il ne faut pas l'oublier.

[Traduction]

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Je suis allé à mon bureau pour chercher le document sur l'homologation pour que vous puissiez repartir avec les données en main.

Je souhaiterais revenir sur le mémoire déposé par la Coalition pour que vous puissiez répondre à ma question qui avait trait à la recommandation no 3. J'aimerais que vous nous l'expliquiez pour nous assurer qu'on en a une compréhension claire pour la suite des événements.

Ma deuxième question est aussi importante. Avant d'entreprendre la révision, je suis allé passer une matinée au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, où Mme Dupont-Kirby m'a accueilli. Je ne sais pas si ça veut dire quelque chose pour M. Goyer, mais j'ai demandé qu'on me donne une formation et qu'on me dise ce que veut dire l'expression «recherche et développement» et quelles sont les définitions qui sont utilisées. Je crois me rappeler que c'est la Coalition qui disait qu'on utilisait la définition énoncée par Revenu Canada pour établir le droit à un crédit d'impôt de recherche et développement expérimental.

On nous disait également que les activités de recherche et développement étaient évaluées comme des dépenses financières et que des dépenses qui se qualifient selon les critères du crédit d'impôt pour l'investissement sont admissibles. Les dépenses sont divisées comme suit: les dépenses courantes et les dépenses d'immobilisation. Les dépenses courantes comprennent les salaires, les achats de matériaux, les approvisionnement, les services, les montants à payer aux universités, hôpitaux et autres, et les dépenses d'immobilisation, on le comprend, comprennent les équipements et les amortissements sur les édifices.

On nous dit que ces définitions sont conformes aux définitions qu'on retrouve dans les principaux pays de l'OCDE. En quoi jugez-vous que la définition que l'on applique au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est préjudiciable?

Vous savez peut-être que j'ai déposé un projet de loi privé que les libéraux sont en voie d'accueillir très favorablement, je crois. Je crois même que le secrétaire parlementaire est un peu excité à l'idée de voter en faveur de ce projet de loi qui prévoit accorder plus de pouvoirs au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés parce qu'il touche toute la question de l'accès humanitaire aux médicaments, tous les médicaments qui ne sont pas homologués et que les Canadiens ne peuvent obtenir que par trois véhicules, dont le programme de distribution des médicaments d'urgence et dans le cas des essais cliniques. Il faut bien se rendre compte que dans le milieu pharmaceutique, le pire côtoie le meilleur.

Certaines compagnies pharmaceutiques sont extrêmement engagées et d'excellents citoyens corporatifs. Par contre, d'autres compagnies pharmaceutiques sont extrêmement détestables. Est-ce que vous seriez d'accord pour que notre comité formule une recommandation afin que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés puisse instituer une enquête lorsqu'une personne atteinte d'une maladie dégénérative estime qu'elle n'a pas eu droit à un accès juste et raisonnable à un médicament non homologué?

Le président: Pour répondre à votre troisième question...

M. Réal Ménard: Soyez prudent!

Le président: ...on pourrait tenir une séance privée avec vous.

M. Réal Ménard: Ça me ferait plaisir, monsieur le président. Voulez-vous avoir une proposition tout de suite?

Le président: M. Ménard a toujours une longue liste de questions.

[Traduction]

Vous pouvez choisir parmi les trois.

M. Réal Ménard: Non, on ne peut pas choisir. Je veux...

Le président: Ah, non.

[Français]

M. Réal Ménard: Un peu de calme. Commençons par la première.

[Traduction]

Le président: Quelqu'un veut-il répondre?

[Français]

À qui adressez-vous votre question?

M. Réal Ménard: Je crois que la Coalition meurt d'envie de répondre à ma première question au sujet de la recommandation no 3.

.2050

Le président: Vous en êtes encore...

[Traduction]

Allez-y, docteur McLennan.

M. McLennan: Je ne sais pas si nous avons vous et moi le même numéro 3. Mais chose certaine, vous avez posé une question à un moment donné sur la recommandation 3 de notre rapport. Il y était question du coût et de l'efficacité des nouveaux médicaments. J'aimerais reprendre l'analogie que le professeur Goyer a faite plus tôt.

Vous parliez de la Mercedes et du billet d'autobus?

M. Goyer: J'ai dit l'autobus et le billet d'autobus.

M. McLennan: Oui, vous avez dit le billet d'autobus. Merci. Je pensais que vous aviez mentionné la Volkswagen plus tôt. Mais chose certaine, c'est une question importante. Il faut que notre pays ait un organisme indépendant chargé d'évaluer les coûts-avantages et l'efficacité des nouveaux médicaments.

Vous avez aussi posé une question sur la définition de la recherche fondamentale. C'est une question très importante. Je sais que le CEPMB a une définition précise, et je pense qu'il a essayé de normaliser sa définition selon les pays avec lesquels on compare les prix.

Essentiellement, la recherche fondamentale, ce sont ces activités de recherche qui génèrent le savoir. Si vous songez à la création d'un médicament, par exemple, l'idée initiale commence avec la recherche fondamentale, au niveau du chercheur lui-même. À l'autre bout du spectre - j'essaie d'être bref, monsieur le président - on met une étiquette sur la fiole et on la vend au pharmacien ou à la province.

C'est donc un long continuum qu'on a. Mais c'est avec la recherche fondamentale que tout commence: la conception, l'innovation, la génération du savoir. Quels sont les frais? Il y a le coût de la recherche, des matériaux, le salaire des techniciens et tout le reste. C'est ce qu'on entend par la recherche fondamentale, la recherche qui génère du savoir.

Je pense que la troisième question avait trait au CEPMB, et je vais demander ici au docteur Goyer de répondre.

M. Goyer: Eh bien, je ne sais pas très bien en quoi consistait cette question.

[Français]

Je crois que la dernière question portait sur les médicaments d'urgence ou l'accès humanitaire aux médicaments. Je pense en avoir compris une partie.

Lorsque des patients se prêtent à des études cliniques, ils prennent un risque au profit des autres patients. Je crois que lorsque l'étude se termine, on devrait leur permettre de continuer à avoir accès aux médicaments. Quant à savoir si l'industrie devrait fournir aux autres patients des médicaments avant qu'ils ne soient approuvés, avant que le produit ait fait ses preuves et se soit avéré efficace, j'ai un point d'interrogation à ce sujet.

M. Réal Ménard: Mais vous savez que tous les patients...

M. Goyer: Je ne crois pas que c'est le CEPMB qui devrait faire cela, mais plutôt le directorat des médicaments.

M. Réal Ménard: Ah bon.

Le président: Excusez-moi.

[Traduction]

Vous avez parlé trop longtemps.

[Français]

M. Réal Ménard: Moi?

Le président: Nous étions surpris.

M. Réal Ménard: Vous me faites du mal pour rien.

[Traduction]

Le président: Monsieur Mayfield, avez-vous une ou deux dernières questions?

M. Philip Mayfield: J'ai deux questions. La première, c'est simplement celle-ci. Vous avez parlé d'une formule qui permettrait d'étendre la période de protection des médicaments que l'on met beaucoup de temps à créer. J'ai simplement songé à cela, et j'ai la certitude qu'on y a déjà pensé auparavant. Quel problème y aurait-il à ce que la période de commercialisation commence à partir du moment où il y a eu approbation, et ce, pour une période qui serait juste pour tous les intéressés?

Apparemment, il y des médicaments qu'on peut fabriquer en peu de temps. D'autres exigent énormément de temps. Si tel est le cas, on pourrait par exemple avoir une période de commercialisation de 15 ans pour un médicament, et peut-être de cinq ans pour un autre. Pourquoi la période de protection ne commence-t-elle pas au moment où le médicament est mis sur le marché, au lieu d'avoir cette formule compliquée? Il faut qu'il y ait une raison. Vous pouvez peut-être m'expliquer ça.

M. Aberman: Je peux vous donner une raison. On peut gagner de quoi à retarder les choses. Une entreprise n'a qu'à déposer un paquet de brevets et ne rien faire avec.

Une voix: Elle peut les laisser sur une tablette.

M. Aberman: Je ne dis pas que la compagnie ferait cela, mais il y a un avantage à le faire. Imaginez qu'une entreprise ait un médicament recherché et qu'elle a la possibilité d'en retarder la fabrication, à ce moment-là, elle n'a qu'à attendre. Ce serait une raison. Il peut y en avoir une douzaine d'autres.

.2055

M. Philip Mayfield: Y a-t-il moyen de contourner cela, ou ne serait-il pas plus simple de procéder de la manière difficile dont nous parlons.

Mme Bisaillon: Que la protection du brevet commence le jour où le médicament est certifié.

M. Goyer: Je pense que c'est la meilleure solution.

M. Philip Mayfield: Bon, très bien.

J'ai une autre question, et elle fait suite à ce que d'autres témoins ont dit, à savoir qu'avant 1992, les entreprises pharmaceutiques d'ici faisaient encore un peu de recherche. Ces témoins ont dit que les choses n'ont pas beaucoup changé depuis, et que si l'on réduisait la période de protection d'un brevet, pas grand-chose ne changerait.

À vous écouter ce soir, je soupçonne que vous ne partagez pas cet avis, mais j'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ceux qui disent que les entreprises pharmaceutiques ne partiraient pas, que la recherche se poursuivrait, et que pas grand-chose ne changerait si la période de protection des brevets était réduite de 20 à 17 ans, comme c'était le cas avant - et certains ont dit qu'il devrait y avoir une période de commercialisation de quatre ans au plus.

M. Bressler: Je dirais que cela nous ramènerait à la fin des années 50 ou au début des années 60, à l'époque où nous avons modifié toutes nos lois et où toutes ces entreprises ont quitté le pays. En 1988, nous les avons ramenées avec le projet de loi C-22. En 1991, nous avons modifié un peu le projet de loi C-22, mais ce n'était qu'un raffinement visant à étendre de trois ans la période de protection moyenne d'un brevet, et c'était moins pour certains. Cela nous fait donc reculer.

Comme l'a dit le professeur Simard, on ne peut plus reculer de toute façon parce que le GATT a normalisé cela à l'échelle internationale. Peu importe le GATT, c'est un pas dans la mauvaise direction. On a parlé de Mark's, Michel's, et j'ai parlé de la croissance de l'industrie de la biotechnologie chez nous. C'est une bonne raison pour ne pas vouloir reculer parce que cela donne de la valeur ajoutée à notre pays. Tout reste ici: les emplois de création restent ici, etc. Il est avantageux pour nos citoyens d'être les premiers à avoir nos médicaments.

Je tiens donc à prendre position ici. Je pense que ce serait un recul, et je sais que vous ne voulez pas reculer. J'espère que votre comité ne veut pas reculer; même s'il pensait pouvoir reculer, ce serait une grave erreur. Les entreprises déménageraient-elles? Les choses changeraient-elles? J'imagine que oui, et vous devez vous souvenir que nous devons acheter ces médicaments de toute façon.

Je me rappelle un exposé qui a été fait plus tôt. Je songe à l'exposé sur le projet de loi C-92 que René et moi avons fait ensemble. J'ai mentionné le discours que nous avions écrit pendant la fin de semaine avant de faire notre exposé. Dans ce discours, nous disions que nos citoyens vont exiger ces médicaments de toute façon. Nous avons donc à tout le moins ajouté de la valeur aux médicaments, et nous avons abaisser le coût des médicaments. Nous avons fait cela, alors pourquoi reculer?

Le président: M. Bisby voulait répondre à cela.

M. Bisby: J'ai deux brèves observations. En me préparant pour la séance d'aujourd'hui, j'ai parlé à des gens du réseau neuroscientifique qui ont participé à la création du fonds de capital-risque Neuroscience Partners. Ils m'ont dit sans détour qu'une protection des brevets suffisante était absolument essentielle pour réunir ce capital-risque. C'est la première chose.

La deuxième chose, c'est que trois ans sur vingt, ça n'a pas l'air beaucoup, mais à cause de la longueur du processus d'approbation, ça peut être en fait trois ans sur dix. C'est une diminution importante.

Le président: Une dernière observation.

Mme Bisaillon: Dans toute entreprise pharmaceutique, vous avez le volet production et vous avez le volet recherche. On ne verra peut-être pas toute l'entreprise pharmaceutique quitter le pays, mais ses services de recherche vont certainement déménager dans un autre pays. C'est ce qui est arrivé à l'époque. Maintenant, ça va être encore pire à cause de la globalisation de l'économie et des fusions d'entreprises. Aujourd'hui, chaque entreprise a deux ou trois usines pour la production des médicaments. Donc à moyen terme, non seulement la recherche va émigrer, mais l'usine de production aussi. L'économie va en souffrir beaucoup.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

Le président: M. Volpe est le dernier à poser des questions.

M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je n'étais pas ici pour la première partie de la conversation stimulante que vous avez eue, mais je n'y pouvais rien. Je n'ai que quelques observations à faire.

.2100

Lorsque M. Bressler rédige ses discours, il doit se préparer pour la vie publique. Nous aussi, nous écrivons nos discours pendant la fin de semaine. Nos recherches sont habituellement très bonnes, et nous avons des points de référence pour tous ceux qui étudient le processus parlementaire. J'espère que c'est un peu différent du côté de la recherche.

M. Goyer: Il compte se présenter pour le Bloc en Colombie-Britannique.

Des voix: Ah, ah!

M. Bressler: Eh bien, je suis du Québec.

M. Joseph Volpe: On aime toujours croire que ces gens ont du plomb dans la tête.

De toute manière, j'ai aimé la discussion que nous avons eue sur la recherche fondamentale par opposition à, disons, la recherche appliquée. Je me demandais, docteur Bergeron, si vous avez calculé combien d'emplois par millions de dollars d'investissement sont créés dans la recherche fondamentale par opposition à la recherche appliquée? Si oui, pouvez-vous nous donner ces chiffres?

Dr Bergeron: Oui. Je vais vous donner les chiffres du CMR. Comme vous le savez, le budget du CMR en 1995-1996 était de 241 millions de dollars, et l'on a subventionné ainsi 7 500 chercheurs. Maintenant, ces chercheurs...

M. Joseph Volpe: Il ne s'agit pas d'emplois à plein temps.

Dr Bergeron: Oui, d'emplois. Et ce sont des chercheurs qui ont des emplois très bien rémunérés, des professeurs qui font de la recherche dans les universités. Deuxièmement, ces gens génèrent habituellement des emplois pour environ trois personnes, et l'on estime le nombre de ces employés à environ 29 500 personnes. Il y a aussi les diplômés, les étudiants, les étudiants en maîtrise, les étudiants de niveau post-doctoral, et les étudiants au post-doctorat. On estime qu'il y a environ 11 000 étudiants.

Il faut savoir qu'un dollar investi dans la recherche fondamentale suscite environ entre 2,50 $ et 4 $ de recherche subventionnée. Par exemple, dans mon laboratoire, je suis le directeur du Centre de recherche sur les maladies infectieuses à l'Université Laval. J'ai 132 personnes dans mon groupe de recherche. De ces 132 personnes, 19 sont des chercheurs indépendants. Ces personnes touchent des subventions au titre de la recherche fondamentale du CMR et d'autres organismes comme le FRSQ ou le CNRC. Cet argent génère aussi d'autres formes de recherche, par exemple la recherche industrielle.

Plus nous avançons, plus nous faisons des découvertes, et lorsque nous passons aux expérimentations animales, on constate que nous sommes plusieurs à travailler sur l'antibiorésistance dont vous avez entendu parler. Dans notre recherche fondamentale sur l'antibiorésistance, on voit que des microbes se mettent à résister aux médicaments qui ont été utilisés. Nous étudions les mécanismes fondamentaux de cette résistance. Cette recherche est subventionnée par le CMR, et il s'agit vraiment d'une recherche fondamentale. Une fois qu'on a trouvé l'enzyme qui est secrétée ou produite par la bactérie qui démantèle l'antibiotique et qui rend le médicament inutile, il faut passer à la phase intermédiaire de ce qu'on appelle le transfert de technologie.

M. Joseph Volpe: Un instant. J'ai l'impression d'être retourné à l'école. J'aime bien la leçon, mais voici mon problème: le président est un homme autoritaire. Il m'a accordé une ou deux minutes, pas plus. Donc pouvez-vous répondre à ma petite question?

Dr Bergeron: Chaque emploi créé en crée trois autres.

M. Joseph Volpe: Très bien. Ça va parce qu'à vous entendre, ça me rappelle ma femme à ma gauche ici qui me disait: «Ça va, tu peux»...

M. Morris Bodnar: Je ne suis pas votre femme.

Des voix: Ah, ah!

M. Joseph Volpe: J'en suis fort heureux!

Dr Bergeron: Un emploi en crée trois autres.

M. Joseph Volpe: De toute façon, quand ma femme me dit que je devrais demander une augmentation de salaire au peuple canadien, elle m'explique dans le détail combien d'argent chaque dollar que je rapporte génère pour le dépanneur du coin. Quand elle a fini, je suis convaincu que mon maigre salaire de parlementaire fait vivre la moitié du voisinage et que tout le monde compte sur moi. Je suis heureux de voir qu'il y a quelqu'un d'autre qui pense comme elle.

Puisque vous êtes si enthousiaste au sujet de toute cette recherche fondamentale, étiez-vous heureux d'apprendre que le gouvernement canadien avait consacré environ 800 millions de dollars à ce type de recherche dans son dernier budget?

Dr Bergeron: Oui, et savez-vous pourquoi? En fait...

M. Joseph Volpe: Un instant. Laissez-moi finir.

Dr Bergeron: Je suis très heureux, oui.

.2105

M. Joseph Volpe: J'avais l'impression que vous n'étiez peut-être pas au courant.

Dr Bergeron: Oh, je suis tout à fait au courant.

M. Joseph Volpe: Eh bien, je pense que vous étiez tous très enthousiastes.

Je lisais quelques notes que m'ont envoyées des professeurs et des départements de recherche en Ontario. Ils m'ont écrit pour me dire: «Monsieur Volpe, merci de nous avoir écoutés, car 800 millions de dollars c'est un peu comme si nous avions trouvé de l'or en Indonésie.»

Dr Bergeron: Puis-je répondre à votre question?

Le président: Ce sera le dernier échange.

Dr Bergeron: Permettez-moi d'expliquer tout cela en deux phrases. Ces 800 millions de dollars seront consacrés à l'infrastructure.

M. Joseph Volpe: Sans laquelle vous ne pouvez faire votre recherche.

Dr Bergeron: Ce que je vous dis, c'est qu'il vous faudrait faire des investissements supplémentaires pour que nous puissions faire travailler des gens dans cette infrastructure.

M. Joseph Volpe: Eh bien, 800 millions de dollars ce n'est pas un mauvais départ.

Dr Bergeron: Non, et si vous avez l'intention de participer à ces 800 millions de dollars et donner, disons, 30 millions de dollars au Conseil de recherches médicales, ça ne poserait pas de problème. Je pense que cela serait très logique. L'infrastructure c'est une bonne idée, car l'infrastructure de nos universités est vraiment insuffisante, elle n'est pas à la page, et nous avons besoin de nouveaux matériels et d'espace. Nous devons cependant continuer à faire travailler des gens dans cette infrastructure, car une infrastructure de 800 millions de dollars nous servira à rien à elle seule. Il faut les deux.

M. Joseph Volpe: Nous devons procéder une étape à la fois.

Dr Bergeron: Nous avons besoin des deux.

Le président: Très bien, messieurs, c'est tout le temps dont vous disposez.

Monsieur Volpe, vous devriez savoir qu'il ne faut jamais poser une question à moins de connaître la réponse.

M. Joseph Volpe: Je connaissais la réponse, mais je ne croyais pas que cette question allait l'exciter autant. Si j'avais dit ma femme à ma droite, alors peut-être, mais...

Le président: Je peux vous dire que les députés ont beaucoup aimé cette séance. Nous avons eu un peu de difficulté car il a été très difficile de faire la part des choses dans les témoignages. Nous vous remercions de votre honnêteté professionnelle et de votre capacité à nous aider à comprendre une question importante, c'est-à-dire s'il y a eu ou non des gains du côté de la recherche.

Personnellement, je pense que nous devons nous pencher sur la façon dont nous devons aborder la question de la recherche fondamentale et de son évolution afin de nous assurer que nous contribuons à la recherche fondamentale. Je ne vais pas parler de mon propre travail ici, mais c'est une idée qui a fait surface au début des années 90 lorsqu'on se demandait s'il devait y avoir un fonds distinct ou non. Si vous avez des idées dont vous aimeriez nous faire part sur cette question, vous pouvez nous envoyer un mot ou en parler aux attachés de recherche.

Vous avez abordé de nombreux points importants ici aujourd'hui, et vous avez très bien fait cela étant donné les limites qu'impose cette table ronde. Comme vous le savez, nous avions une longue liste de témoins, et nous vous remercions de la façon dont vous avez accepté de venir passer une soirée avec nous malgré le peu de préavis que vous avez reçu. Vos conseils sont très importants pour nous, car je ne pense pas qu'il y ait un membre du comité qui ne veuille pas que la recherche se fasse et soit financée de façon adéquate.

Vous entendrez parler du comité sous peu lorsqu'il entreprendra ses délibérations. Merci, et bonsoir.

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