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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 mars 1997

.0902

[Traduction]

Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité reprend son examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, chapitre 2, Lois du Canada, 1993; aujourd'hui nous avons prévu une discussion en table ronde.

Nous avons donc des témoins, et je leur demanderais de nous excuser pour notre retard; d'habitude, nous sommes ponctuels.

En même temps, je dois prévenir nos témoins que la sonnerie va commencer à sonner vers 10 h 5, mais elle doit sonner pendant une demi-heure. Nous continuerons donc à travailler pendant cette période, ce qui devrait nous donner le temps de terminer. Ne vous laissez pas distraire par la sonnerie.

Le Dr Michael Rachlis est parmi nous, et nous lui souhaitons la bienvenue. Nous avons déjà eu l'occasion de nous rencontrer. Vous aussi, vous êtes de Winnipeg? Nous avons également le Dr Philip Berger, qui me dit que lui aussi a habité à Winnipeg.

Monsieur, vous êtes M. Brucel, de la Communauté urbaine de Montréal...

M. Jean-François Brucel (représentant, Office de développement économique, Communauté urbaine de Montréal): Oui.

Le président: Bienvenue.

Le greffier du comité: Et de l'autre côté, nous avons Mme Toupin.

Le président: Excusez-moi, Lynne, je ne vous avais pas vue; je regardais de l'autre côté. Je vous souhaite la bienvenue. Lynne est accompagnée de M. Farrell.

M. Mike Farrell (directeur adjoint, Organisation nationale anti-pauvreté): Oui.

Le président: Merci.

Lorsque nous nous réunissons en table ronde nous demandons à nos témoins de parler chacun environ cinq minutes et de nous donner une idée générale de leur exposé. Ne vous sentez pas obligés de lire votre mémoire, car, de toute façon, il fera partie du procès-verbal, et les membres du comité et les attachés de recherche le liront. Nous voulons surtout que vous participiez à la conversation. Après ces exposés, nous aurons environ une heure ou une heure et demie à consacrer à une discussion en table ronde. Nous aurons certainement beaucoup de choses à nous dire les uns les autres.

Je vais maintenant donner la parole à Philip. Est-ce que vous voulez amorcer la discussion? Je vous demanderais de vous présenter et de nous dire ce que vous faites, après quoi vous pourrez faire votre exposé.

Dr Philip Berger (témoignage à titre personnel): D'accord.

Je suis Philip Berger, je suis le chef du Département de médecine familiale et communautaire à l'Hôpital Wellesley Central de Toronto; je suis également professeur adjoint à la Faculté de médecine de l'Université de Toronto. Je traite des patients atteints du sida depuis que l'épidémie a commencé au début des années 80, et à ce titre, depuis 10 ans, j'ai des rapports avec l'industrie pharmaceutique.

.0905

À mon avis, il convient d'appliquer aux compagnies pharmaceutiques des conditions pour protéger les intérêts du public, et cela, en échange de la protection par brevet offerte par le gouvernement fédéral, et quelle que soit la longueur de cette protection déterminée par le gouvernement. Je n'ai pas d'opinion bien arrêtée en ce qui concerne la durée de cette protection, et je me contenterai de discuter des conditions qu'il convient de fixer en échange de cette protection.

Le traitement du VIH a fait des progrès considérables depuis 10 ans, et depuis un an en particulier des patients qui étaient en train de mourir du sida ont grandement profité des recherches de l'industrie pharmaceutique. Certains patients, qui étaient sur le point de mourir, et je l'ai constaté moi-même, ont vu leur état s'améliorer d'une façon spectaculaire.

L'industrie pharmaceutique a financé généreusement les manifestations éducatives à l'intention des médecins et des groupes de consommateurs. Les obstacles qui empêchaient les patients d'être autonomes sont tombés, et des médicaments expérimentaux sont devenus beaucoup plus accessibles. Dans une large mesure, les droits des patients atteints du sida sont aujourd'hui respectés.

Toutefois, pendant qu'on assistait à ces victoires, on a vu l'industrie violer comme jamais auparavant les principes qui s'appliquent aux conflits d'intérêts, et les dispositions de la Loi sur les aliments et drogues concernant la publicité, et conclure des arrangements financiers avec certains activistes du sida et de nombreux médecins, des arrangements qui vont à l'encontre, du moins dans le cas des médecins, des directives de l'Association médicale canadienne.

Le comportement de l'industrie pharmaceutique menace l'intégrité des recommandations en ce qui concerne le traitement des patients et porte atteinte aux règles du «common law» sur le consentement donné en toute connaissance de cause pour les patients qui envisagent un traitement contre le VIH. Si l'on décide d'accorder aux compagnies une protection par brevet, quelle que soit sa durée, il est impératif d'assortir les brevets de certaines conditions pour protéger l'intérêt public.

Permettez-moi de citer rapidement certains exemples de comportements inadmissibles - à mon avis - de la part de l'industrie pharmaceutique en ce qui concerne les médecins et les patients.

En 1991, une compagnie pharmaceutique m'a offert sans aucune condition 5 000 $ pour assister à une conférence internationale sur le sida. J'ai refusé cette offre. Je me suis aperçu plus tard que la compagnie, sans que je le sache ou que j'y consente, m'avait inscrit à la conférence et avait payé les frais de 600 $. En janvier 1996 une autre compagnie m'a offert 1 000 $ pour assister à une conférence sur le sida. La situation n'avait donc pas changé depuis cinq ans, sauf que la somme offerte avait diminué.

Des médecins qui traitent des patients atteints du sida et des activistes du sida se voient régulièrement nommés à de soi-disant «comités consultatifs de la compagnie» et touchant des honoraires qui peuvent aller jusqu'à 1 000 $ par jour, et pendant ces séances de consultation on leur demande surtout d'assister à des dîners fins et d'écouter pendant une journée des exposés faits par la compagnie.

On annonce ce qu'on prétend être de nouvelles découvertes lors de conférences de presse extravagantes organisées par des compagnies de relations publiques embauchées par l'industrie pharmaceutique, et ce genre de chose est d'une inanité supérieure à la récente campagne de publicité financée par l'Association canadienne de l'industrie du médicament.

Des activistes, des chercheurs et des médecins bien connus prennent la parole à ces conférences et, ce faisant, leur prêtent une apparence de légitimité alors qu'il s'agit en réalité d'opérations publicitaires. Santé Canada garde le silence et n'a jamais fait respecter les dispositions relatives à la publicité de la Loi sur les aliments et drogues lors de ces conférences de presse.

En 1996, une compagnie pharmaceutique a ignoré son propre système de loterie pour un nouveau médicament pour le sida qui existait en quantité limitée et l'a offert aux principaux activistes du sida un peu partout au Canada. Dans un cas au moins, la compagnie a offert le médicament à un activiste à condition qu'il vienne vanter ce médicament lors d'une conférence de presse. Certains activistes se trouvent dans une situation intenable, et doivent faire la part de leurs propres intérêts personnels, c'est-à-dire l'accès à des médicaments qui peuvent prolonger leur vie, et de l'équité offerte par le système de loterie. Certains d'entre eux ont accepté cette offre et vendu leur âme pour obtenir un sursis temporaire pour leur corps.

Enfin, en octobre 1996, le Réseau d'essai du VIH, financé par le gouvernement fédéral, a organisé une conférence nationale sur le traitement du VIH, et des compagnies de mise en marché et des agents de vente ont participé activement à cette conférence et participé également à l'élaboration de recommandations sur le traitement du VIH par les médicaments fabriqués par ces mêmes compagnies.

Dans le groupe de travail dont je faisais partie, sept des 18 membres étaient des représentants de compagnies pharmaceutiques. Notre groupe a fait des recommandations sur le meilleur moment pour commencer un traitement contre le VIH. Ces recommandations avaient une incidence directe sur les intérêts financiers des compagnies dont les représentants participaient à la discussion. Ces médicaments se vendraient d'autant mieux que nous aurions recommandé de commencer le traitement plus tôt.

De plus, beaucoup de représentants de compagnies étaient assis côte à côte avec des chercheurs et des cliniciens dont les travaux étaient financés par ces mêmes compagnies. Tous les assistants niaient qu'il y avait conflit d'intérêts, et c'était à qui prendrait la défense des compagnies en faisant appel à des tours de prestidigitation terminologique et en citant «partenariat», «communaut;, etc.

Dans de telles conditions, l'intégrité de l'information et des recommandations est compromise, et les patients sont ensuite forcés de prendre des décisions en ce qui concerne leur traitement sur la base des conclusions de ces conférences, qui sont organisées sous les auspices d'un réseau d'essai financé par le gouvernement fédéral, mais dont les résultats sont faussés. Lorsque les patients appuient leurs décisions sur ces recommandations nationales en ce qui concerne leur traitement, le principe du consentement donné en toute connaissance de cause devient vicié, car ces recommandations ont été préparées avec la participation de compagnies qui ont un intérêt financier direct dans les conseils donnés aux patients par les médecins et les gouvernements en ce qui concerne leur traitement.

.0910

La représentante de Santé Canada à la réunion sur le traitement a écarté d'office toute possibilité de conflit d'intérêts et a demandé sur un ton sarcastique si le gouvernement du Canada ne devrait pas, lui aussi, s'absenter pour des raisons de conflit d'intérêts. Toutefois, elle n'a jamais expliqué ce qu'elle voulait dire. La représentante de Santé Canada n'avait aucune raison de s'absenter pour des raisons de conflit d'intérêts; par contre, elle aurait mieux fait de s'absenter parce qu'elle avait échoué dans son devoir de protéger le public des informations déformées qui lui parviennent.

Étant donné l'intimité dangereuse qui existe entre les médecins, les activistes du sida, le gouvernement fédéral et l'industrie pharmaceutique, je recommande que le Comité de l'industrie envisage d'imposer à l'industrie pharmaceutique les conditions suivantes en échange de la protection dont elle jouit grâce aux brevets.

Pour commencer, exiger qu'on publie chaque année l'identité de toutes les personnes et organisations, y compris les représentants des patients, qui reçoivent des fonds des compagnies pharmaceutiques, quelle qu'en soit la raison.

Deuxièmement, appliquer les dispositions relatives à la publicité de la Loi sur les aliments et drogues et interdire les conférences de presse organisées par l'industrie avant la publication de découvertes scientifiques dans les journaux médicaux. La seule exception devrait être les découvertes extraordinaires qui prolongent considérablement la vie des patients ou qui améliorent leur qualité de vie de façon substantielle.

Troisièmement, interdire aux compagnies pharmaceutiques d'offrir aux patients des médicaments disponibles en quantités limitées en dehors d'un système public bien établi de distribution équitable.

Quatrièmement, interdire aux organismes financés par le gouvernement fédéral, comme le Réseau canadien d'essais sur le VIH, d'inviter des représentants des compagnies pharmaceutiques aux conférences qui ont pour but de formuler des recommandations sur les options de traitement.

Cinquièmement, exiger que les médecins et les chercheurs qui conseillent Santé Canada sur l'approbation des médicaments déclarent leurs relations financières passées et actuelles avec les compagnies qui cherchent à faire approuver leurs médicaments.

Enfin, interdire aux médecins et aux chercheurs qui ont des relations financières permanentes avec une compagnie pharmaceutique qui souhaite faire approuver un médicament de donner au gouvernement des conseils sur ce même médicament.

Les compagnies pharmaceutiques s'attendent à jouir d'une protection en vertu des brevets qu'elles détiennent, mais de son côté le public a le droit de s'attendre à ce que ces brevets s'assortissent de conditions qui protègent ses intérêts.

Merci de m'avoir écouté.

Le président: Merci, docteur Berger.

Docteur Rachlis.

Dr Michael Rachlis (témoignage à titre personnel): Bonjour. Pour commencer, j'aimerais dire la chose la plus agréable qu'un Canadien puisse dire à un autre: c'est le printemps!

Des voix: Oh, oh!

Dr Rachlis: Sur cette bonne nouvelle, j'aimerais remercier le comité d'avoir accepté de m'entendre ce matin. C'est un véritable plaisir de prendre la suite de mon bon ami et collègue, le Dr Philip Berger.

Pour commencer, je tiens à signaler que le Forum national sur la santé a publié un excellent rapport, un rapport qui contient d'excellentes analyses et recommandations et, bien sûr, entre autres choses, qui recommande la création d'un programme pharmaceutique national, un programme que la Commission royale d'enquête sur les services de santé avait déjà recommandé en 1964.

Voilà plus de 30 ans que les Canadiens attendent l'accomplissement de leur rêve en ce qui concerne la santé. C'est un rêve qui est toujours incomplet, puisqu'il ne comprend pas certains services d'une importance primordiale, comme les produits pharmaceutiques et les soins à domicile.

J'ajoute qu'un tel programme est une véritable possibilité, et en particulier sur le plan financier, c'est parfaitement faisable. L'administration d'un programme d'assurance-médicaments public coûterait moins cher que le mélange actuel de programmes publics et privés. Tout comme le juge Emmett Hall avait conclu en 1964, l'administration publique de l'assurance-maladie est plus efficace que l'administration privée, et les économies réalisées sur ce plan-là seulement devraient nous permettre de financer le programme.

On a accusé le gouvernement fédéral de dissimuler son véritable programme derrière le Forum national sur la santé pendant son premier mandat, ou peut-être pendant ses deux ou trois premiers mandats. Vous avez donc une occasion de rectifier cela. Si on a accusé le gouvernement fédéral, c'est que pour beaucoup le véritable programme a tout simplement pour but de faire disparaître les paiements de transfert aux provinces dans les domaines de la santé, des services sociaux et de l'éducation post-secondaire.

Les députés de la majorité qui siègent à ce comité ont aujourd'hui l'occasion de prouver que ces critiques ne sont pas fondées en appuyant fermement les recommandations du forum en ce qui concerne la création d'un programme national d'assurance-médicaments. Pour ce faire, le comité dispose de plusieurs possibilités.

.0915

Pour commencer, le comité et le gouvernement devraient solliciter des opinions plus autorisées sur la durée actuelle des brevets. J'ai été peiné d'apprendre par les journaux que le ministre de la Santé, M. Dingwall, a déclaré qu'à son avis on n'avait pas à solliciter une opinion juridique indépendante en ce qui concerne la possibilité de diminuer la durée des brevets, qui est actuellement de 20 ans. Je ne suis pas avocat, mais j'ai lu les arguments très convaincants de MM. Barry Appleton et John Dillon à ce sujet. Si le gouvernement est vraiment sérieux dans son projet d'instituer un programme national d'assurance-médicaments, il est fort possible qu'il puisse limiter la durée des brevets, et cela, même dans le cadre de nos traités commerciaux actuels. Dans ces conditions, même s'il est vrai qu'on n'a pas sollicité l'opinion des plus grands experts en la matière, c'est une chose que le gouvernement devrait faire, et le comité a besoin de ces opinions avant de formuler ses recommandations.

Deuxièmement, je pense qu'il convient d'étendre le mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. À l'heure actuelle, ce conseil examine uniquement les médicaments brevetés, mais plus de la moitié des médicaments prescrits au Canada sont des médicaments génériques ou à source unique, non brevetés. Le CEPMB devrait également réglementer le prix de ces médicaments-là.

À l'heure actuelle, le conseil doit se contenter d'examiner le prix d'un nouveau médicament en regard du prix pratiqué dans sept autres pays, et ces pays-là ont tendance à avoir les prix les plus élevés du monde. C'est comme dire que notre système de santé doit coûter moins cher que le système américain. C'est loin d'être le meilleur critère. Le CEPMB devrait donc comparer le prix des nouveaux médicaments aux prix pratiqués dans tous les pays de l'OCDE, et non pas seulement à ce qui existe dans les sept pays où les prix sont les plus élevés.

À l'heure actuelle, le conseil traite les médicaments de la catégorie 3, les succédanés, exactement comme ceux de la catégorie 2, ce qui fait monter les prix des médicaments des catégories thérapeutiques. Au lieu de cela, le CEPMB devrait réduire le prix de lancement des succédanés en tenant compte du nombre de médicaments de cette catégorie thérapeutique qui existent déjà.

À l'heure actuelle, le conseil ne tient pas compte du revenu général tiré des investissements des compagnies qu'il réglemente. D'autres organismes fédéraux de réglementation, comme le CRTC, tiennent compte de ces revenus. À mon avis, le conseil devrait tenir compte du revenu des compagnies sur leurs investissements pour réglementer les prix. Depuis une trentaine d'années, c'est le secteur de l'industrie qui tire le plus de revenus de ses investissements.

Troisièmement, bien qu'il s'agisse d'un règlement, et à ce titre cela pourrait être fait immédiatement, une recommandation de votre comité permettrait peut-être de changer plus facilement les règlements sur l'avis de conformité, qui retardent actuellement la mise en marché des médicaments génériques. Vous avez dû voir des articles dans le Globe and Mail, et d'autres personnes ont dû vous en parler. Il n'y a aucune raison pour que les brevets protègent mieux les compagnies pharmaceutiques que d'autres types d'entreprises, et cela, simplement parce qu'elles intentent des poursuites sans fondement.

Quatrièmement, je suis extrêmement dgu d'entendre que plusieurs groupes du secteur médical, comme l'Association médicale canadienne, n'ont pas l'intention de témoigner devant ce comité. C'est une preuve de plus de ce que vous avez déjà entendu, et peut-être même de la part de mes collègues ce matin, une preuve de plus de l'existence d'une alliance malsaine entre les médecins, les chercheurs dans le domaine biomédical et les compagnies pharmaceutiques. C'est une véritable honte nationale. Ce comité devrait exiger que l'Association médicale canadienne et d'autres groupes clés, comme le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, viennent lui expliquer comment le projet de loi C-91 a influencé la recherche biomédicale, les services médicaux et les autres services de santé. Ces gens-là devraient être tenus de venir témoigner. On ne devrait pas leur permettre d'éviter le regard de ce comité et le regard des Canadiens, alors que dans certains cas ils ont touché de l'argent des compagnies pharmaceutiques. L'Association médicale canadienne, qui représente notre profession médicale, est la gardienne d'un dépôt sacré, d'un ensemble de connaissances qui sont particulièrement importantes pour notre société, et elle devrait être tenue de témoigner devant ce comité.

Cinquièmement, je pense que la plupart des Canadiens considèrent que tout ce qui a trait à la politique pharmaceutique est une affaire de santé, et j'ai le plus grand respect pour le comité et pour son président, mais à mon avis le Comité permanent de la santé devrait également tenir des audiences sur cette question. En effet, les médicaments sont beaucoup plus une affaire de santé qu'une affaire commerciale dans l'esprit de la majorité des Canadiens.

Sixièmement, le programme de recherche biomédicale ne devrait pas être fixé par des compagnies pharmaceutiques dont les sièges sociaux sont à l'étranger. Comme vous le savez, le Dr Patricia Baird, ancienne présidente de la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction a publié l'année dernière un excellent éditorial dans le Journal de l'Association médicale canadienne.

De nombreux médecins et chercheurs s'inquiètent du fait que dans notre pays le programme de recherche biomédicale n'est pas arrêté par des organismes responsables devant le public. Si on considère les bénéfices des compagnies pharmaceutiques, il serait normal que chaque compagnie soit tenue de verser une partie de ses bénéfices aux organismes publics de recherche. Comme le Dr Eastman l'a recommandé dans son rapport il y a 10 ans, il pourrait y avoir des conditions et des réserves; par exemple, les compagnies qui font moins de recherche au Canada pourraient être tenues de contribuer davantage.

.0920

Septièmement, je ne sais pas si cela relève de ce comité, mais nous devons faire quelque chose pour empêcher la publicité qui s'adresse directement aux consommateurs; d'autre part, on devrait interdire le marketing des médicaments axé sur les médecins.

Dans le domaine pharmaceutique, le marketing n'a aucune raison d'être. Cela sert simplement à encourager l'abus de produits pharmaceutiques. Les médecins peuvent très bien être informés grâce à des sources neutres, sociétés professionnelles, journaux médicaux, etc. Plusieurs études ont démontré que les médecins se laissent convaincre par la publicité des compagnies pharmaceutiques et que cela influence leurs ordonnances d'une façon négative.

La perspective d'une publicité destinée directement aux consommateurs est encore plus menaçante. Si les médecins se laissent avoir par la publicité des compagnies pharmaceutiques, quelles sont les chances des patients? En interdisant le marketing destiné aux médecins, on libérerait des centaines de millions de dollars qui pourraient servir à la recherche fondamentale ou qui pourraient permettre de baisser les prix.

Les membres de ce comité ont entendu des arguments compliqués et détaillés sur les effets de la loi C-91 sur les prix des produits pharmaceutiques au Canada. Toutefois, je prie instamment les membres du comité, et en particulier les députés de la majorité, d'écouter leurs coeurs et non pas leurs calculatrices.

Nous devons d'abord nous interroger sur les valeurs qui nous tiennent à coeur avant de déterminer la politique à suivre dans ce domaine. Le rapport récent du Forum national sur la santé a rappelé une fois de plus l'importance de ces valeurs. Le forum a conclu que les Canadiens sont extrêmement attachés à leur système de santé et accordent une valeur toute particulière aux notions d'équité et d'efficacité, les deux piliers qui supportent notre régime d'assurance-maladie.

Je prie instamment les membres de ce comité de commencer par s'interroger sur leurs propres valeurs. Pensent-ils, comme la plupart des Canadiens, que les soins de santé doivent être dispensés aux gens avec prudence et en tenant compte des besoins de chacun en matière de santé, ou bien pensent-ils au contraire que le système de santé du Canada est une entreprise commerciale comme une autre?

Vous ne pouvez pas mener à bien cet examen de la loi C-91 tant que vous n'aurez pas réfléchi à vos valeurs personnelles. Dans cette affaire, il n'y a que deux options: vous êtes soit du côté des compagnies pharmaceutiques multinationales, soit du côté des Canadiens. Il n'est pas possible d'être à mi-chemin entre les deux.

J'aimerais ajouter également que vous n'aurez pas accompli votre travail comme vous auriez dû le faire si les compagnies pharmaceutiques ne hurlent pas que vous empiétez sur leurs prétendus droits et intérêts. En effet, si les compagnies ne se mettent pas à hurler, c'est que vous n'aurez pas accompli votre travail.

Merci.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Brucel.

M. Brucel: J'aimerais que quelqu'un d'autre prenne la parole avant moi puisque c'est le Dr Paquet...

[Traduction]

Le président: De temps en temps nous demandons aux témoins et aux gens qui sont dans l'assistance de s'assurer que leurs téléphones cellulaires sont éteints.

[Français]

M. Brucel: C'est que j'attends un message du Dr Paquet qui est en route. Je vais le débrancher pour l'instant, mais si quelqu'un d'autre pouvait prendre la parole avant nous...

[Traduction]

Le président: Vous voulez que nous donnions la parole aux autres témoins avant vous. Très bien.

[Français]

Mme Lynne Toupin (directrice exécutive, Organisation nationale anti-pauvreté): Je voudrais simplement remercier le comité de nous permettre de présenter nos points de vue ici ce matin. Nous les avions présentés lors de la dernière ronde. Nos préoccupations sont encore à peu près les mêmes, mais nos recommandations sont probablement plus spécifiques qu'il y a quatre ans.

Je cède la parole à M. Farrell qui, ce matin, va faire l'exposé au nom de l'Organisation nationale anti-pauvreté.

[Traduction]

M. Farrell: Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui. Je vais vous résumer très rapidement la position de l'ONAP au sujet du C-91.

À notre avis, c'est avant tout une affaire d'équilibre. En effet, il s'agit de trouver le juste milieu entre des intérêts opposés: d'une part les intérêts d'une compagnie pharmaceutique, d'autre part les intérêts de la population canadienne. La protection accordée par les brevets tente de trouver un point d'équilibre entre ces deux intérêts. D'une part, on permet aux compagnies pharmaceutiques de faire des bénéfices excessifs en leur accordant un monopole, et cela, pour les encourager à innover, et également pour compenser les coûts de développement qu'elles ont encourus. D'autre part, le public subit ces coûts excessifs dans l'espoir de profiter plus tard des avantages de ces innovations. Nous considérons que sous sa forme actuelle, le projet de loi C-91 n'a pas su trouver ce point d'équilibre.

Quand j'ai commencé à étudier le projet de loi C-91, je me suis d'abord intéressé au prix des médicaments, essayant de déterminer si les prix étaient trop élevés, et dans quelle mesure ils avaient augmenté. Cela devenait de plus en plus compliqué. Mais au bout d'un moment, je me suis rendu compte qu'une chose était certaine: que les prix augmentent plus vite ou moins vite que l'inflation, qu'ils augmentent plus ou moins que dans d'autres pays de l'OCDE, nous savons une chose, c'est qu'ils sont plus élevés qu'ils ne le seraient si la protection des brevets était plus courte ou si nous avions toujours un système de licences obligatoires. Il va sans dire que la concurrence ferait baisser les prix.

.0925

Je me suis demandé ensuite ce que les Canadiens pensent du prix des médicaments. En effet, en dépit des analyses effectuées par les compagnies pharmaceutiques ou par le CEPMB, à mon avis ce qui importe, c'est l'opinion des Canadiens en ce qui concerne le prix des médicaments. D'après un sondage d'Environics, 80 p. 100 des Canadiens à faible revenu pensent que les médicaments coûtent trop cher. À mon avis, c'est un nombre significatif et nous devrions écouter ce que ces Canadiens nous disent.

Cela m'a fait penser à une analogie: supposons que je décide d'installer une étagère dans ma cuisine et que je fasse venir un menuisier, un expert en menuiserie qui a des années d'expérience et de formation. Il vient voir ma cuisine et il me dit: «Sur la base de mon expérience, je pense que l'étagère devrait être à huit pieds du sol». Je n'ai pas besoin d'un expert pour me dire que c'est trop haut. C'est la même chose avec le prix des médicaments. Les Canadiens pensent que les médicaments coûtent trop cher, c'est une raison suffisante pour faire quelque chose.

D'autre part, j'aimerais parler également de l'impact du prix des médicaments sur les Canadiens à faible revenu. En effet, la loi C-91 impose aux Canadiens à faible revenu un fardeau tout particulier. En règle générale, les Canadiens à faible revenu n'ont pas de régimes d'assurance-médicaments privés, et ils sont donc particulièrement touchés par le prix des médicaments.

Les Canadiens à faible revenu sont particulièrement touchés dans deux domaines. D'une part, les assistés sociaux sont très souvent couverts par des régimes provinciaux d'assurance- médicaments, mais les médicaments coûtent si cher que les provinces limitent de plus en plus leurs régimes en imposant une quote-part, une franchise, ou en rayant certains médicaments de marque de la liste des médicaments remboursables. On entend déjà parler de certaines personnes à qui on a prescrit un médicament de marque. Ce médicament est rayé de la liste des médicaments remboursables par la province, et ces personnes sont forcées de prendre un médicament générique qui est moins efficace et qui a également des effets secondaires.

D'un autre côté, il y a des Canadiens à faible revenu qui travaillent, la plupart du temps ils ont des emplois à temps partiel ou très mal payés, et ils ne sont couverts par aucun régime d'assurance-médicaments. Ces Canadiens-là doivent payer leurs médicaments de leur propre poche.

Ce qui aggrave encore le problème, c'est que très souvent les Canadiens à faible revenu sont en moins bonne santé que les autres Canadiens, et cela, à cause du stress de la pauvreté. Non seulement doivent-ils payer plus cher, mais ils ont également besoin de plus de médicaments. Voilà donc la situation des Canadiens à faible revenu.

Dans ces circonstances, il semble évident que la loi C-91 a érigé un obstacle financier qui empêche les Canadiens à faible revenu de jouir des mêmes soins de santé que les autres Canadiens. À mon avis, c'est une affaire très grave.

Cela me rappelle un passage du Livre rouge des libéraux, et je le cite:

Je prends cela très au sérieux. À mon avis, le projet de loi C-91 menace cette promesse des libéraux, et à mon avis, le gouvernement devrait apporter des modifications importantes à la loi C-91.

J'ai des suggestions et des recommandations que j'aimerais parcourir rapidement.

Premièrement, nous pensons qu'il faut élaborer et mettre en place immédiatement un régime d'assurance-médicaments universel. L'absence d'un tel régime est inexcusable, et c'est le seul moyen de s'assurer que tous les Canadiens jouissent des mêmes services de santé.

Deuxièmement, nous aimerions qu'on étende le mandat du CEPMB à tous les médicaments, et non simplement aux médicaments brevetés.

Troisièmement, les nouveaux médicaments brevetés devraient être catégorisés par le CEPMB selon les avantages thérapeutiques réels qu'ils représentent par rapport à ce qui existait auparavant. Cela servirait à contrôler dans une certaine mesure le phénomène d'«imitation» qui existe actuellement. Le prix des nouveaux médicaments devrait être fixé sur la base de ce classement, et également sur la base d'une analyse indépendante des coûts de développement et en permettant une marge bénéficiaire raisonnable.

En quatrième lieu, les brevets devraient bénéficier d'une protection exclusive de quatre ans à partir de la date de commercialisation, et cette protection pourrait être prolongée en fonction de la classification du médicament: cette protection pourrait être prolongée pour les médicaments de pointe, jusqu'à un maximum de six ans. C'est une durée que les Canadiens jugent suffisante, la majorité d'entre eux considérant que quatre ou cinq ans devrait être la durée de protection accordée aux brevets.

.0930

Les licences obligatoires devraient être rétablies, et les redevances devraient être proportionnelles afin que des redevances plus élevées soient versées à la société qui produit des médicaments novateurs. Une partie de ces redevances devrait être versée à un organisme indépendant, responsable envers le Parlement et chargé d'allouer des subventions à la recherche dans le domaine de la santé, les priorités étant fixées par le gouvernement fédéral.

C'est à peu près tout ce que j'avais à dire.

Le président: Je vous remercie, monsieur Farrell. Certaines de vos idées sont excellentes. Votre point de vue est tout à fait louable, et nous comprenons tous, je pense, les incidences que les produits pharmaceutiques ont sur les Canadiens à faible revenu. Je voulais m'assurer que vous seriez l'un des témoins.

[Français]

Maintenant nous avons un groupe de la Communauté urbaine de Montréal. Qui est le porte-parole? C'est vous, docteur Paquet? Soyez le bienvenu. Vous pouvez commencer à exposer votre mémoire.

Dr Bernard Paquet (président, Commission de développement économique, Communauté urbaine de Montréal): Monsieur le président, mesdames et messieurs, excusez-nous de notre retard.

En premier lieu, j'aimerais vous remercier en mon nom personnel et au nom des collègues élus de la Communauté urbaine de Montréal pour votre aimable invitation à participer aux travaux de votre comité et au débat entourant l'examen de la protection des brevets pharmaceutiques au Canada.

Avant que j'entre dans le vif du sujet, permettez-moi de rappeler brièvement que la Communauté urbaine de Montréal est un organisme regroupant les 29 maires de l'île de Montréal et représentant 1,8 million de résidents.

La Communauté est responsable de l'administration de la sécurité publique, du transport en commun, de l'environnement, de l'évaluation foncière pour fins de taxation et de l'attraction des investissements sur l'île de Montréal, pour ne citer que ses principaux secteurs d'activités. La Communauté dispose de commissions permanentes dont les principaux rôles sont l'élaboration des orientations stratégiques et la défense des intérêts de l'agglomération montréalaise.

Il y a la Commission de développement économique dont je suis le président; je succède à M. Nick Discepola, qui est devenu député fédéral et membre de ce comité. M. Discepola, les députés fédéraux du Québec et certains ministres se rappelleront certainement les efforts déployés par la Communauté urbaine de Montréal en général et la Commission de développement économique en particulier dans ce dossier.

En effet, en 1984, alors que des sociétés telles que Abbott, Smith Kline & French, Recherche Pharma et Ayerst, entre autres, fermaient leurs centres de recherche canadiens, la Communauté urbaine de Montréal avait demandé au ministre responsable de Consommation et Corporations Canada de modifier au plus tôt le paragraphe 41(4) de la Loi sur les brevets afin d'éviter que l'érosion de l'industrie canadienne des produits pharmaceutiques ne se poursuive.

Aujourd'hui, alors que le projet de loi C-91 est réexaminé, nous désirons à nouveau faire connaître notre appui à l'industrie des médicaments brevetés, si présente sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal et de la grande région de Montréal.

Dans le contexte des 7 000 emplois et des 260 millions de dollars d'investissements annuels en recherche et développement générés par cette industrie au Québec et principalement dans la région de Montréal, l'intérêt de la Communauté urbaine de Montréal est clair: protéger et favoriser le développement des entreprises de produits pharmaceutiques originaux établies dans la région de même que celui des entreprises en biotechnologie, qui doivent pouvoir compter sur un système de protection intellectuelle pour leurs nouveaux produits.

En effet, ce qui distingue le plus l'industrie des médicaments brevetés de celle des génériques, c'est le degré de recherche et de développement effectué pour de nouveaux médicaments. Dans ce domaine, l'industrie encore jeune des biotechnologies, laquelle investit déjà deux fois plus sans une protection intellectuelle adéquate, et des sociétés telles que Biochem, Algene et Haemacure n'auraient certainement pas vu le jour.

De ces dépenses en recherche et développement, il découle également des retombées économiques indirectes évidentes et d'autres qui le sont moins tout en étant bien réelles. Tout effort de recherche et de développement exige une main-d'oeuvre hautement qualifiée, bénéficiant de salaires plus élevés que dans l'industrie des génériques, et les dépenses de consommation s'en trouvent naturellement plus élevées pour l'économie locale.

.0935

Ce qui est cependant moins facilement quantifiable, c'est la possibilité pour nos jeunes diplômés universitaires de trouver des emplois qualifiés dans un domaine de pointe, non pas à des centaines de kilomètres de chez eux ou au sud de la frontière, mais au Canada même.

Certes, les médicaments génériques permettraient des économies dans le cadre du budget de la santé. À notre avis, il s'agit là cependant d'une vue à très court terme car cela équivaudrait à nier les découvertes du passé, qui ont non seulement sauvé des vies mais également contribué à diminuer les coûts d'hospitalisation et le nombre d'interventions chirurgicales.

Le dernier élément sur lequel j'aimerais terminer cette brève présentation concerne la compétitivité internationale du Canada dans la course aux investissements étrangers, et même canadiens, et aux emplois dans le secteur pharmaceutique. En raison d'une protection inférieure à celle accordée en Europe ou aux États-Unis, le Canada serait handicapé à ce point de vue. Les retombées économiques indirectes d'investissements tels que Astra Pharma, Bio Intermediair, etc. ne concernent pas seulement la région d'implantation mais aussi, il ne faut pas l'oublier, l'accroissement de la visibilité du Canada dans la communauté pharmaceutique internationale.

Pour toutes ces raisons que nous venons brièvement d'exposer - et nous avons déposé notre mémoire - , la Communauté urbaine de Montréal a tenu à présenter aujourd'hui ce mémoire à votre comité pour que soit connu le soutien qu'elle accorde à l'industrie des médicaments brevetés ainsi qu'à l'extension du délai de protection des brevets pharmaceutiques, ce qui placerait le Canada au même niveau de protection que les États-Unis et l'Europe.

Ceci termine ma présentation. Je vous remercie pour l'attention que vous nous avez accordée.

Le président: Merci beaucoup. C'était très bien, surtout après avoir fait le voyage de Montréal jusqu'ici.

[Traduction]

Nous venons d'horizons différents, et les points de vue qui sont exprimés ici diffèrent souvent considérablement. C'est la raison pour laquelle nous organisons des tables rondes, afin de mieux comprendre et confronter ces points de vue.

Je vais donner la parole en premier lieu à M. Brien, mais je voudrais tout d'abord dire aux témoins qu'il arrive qu'un député pose une question à l'un des témoins en particulier. Si tel est le cas et si vous voulez intervenir, faites-moi signe. Parfois la question est posée à la ronde, et il vous suffit de lever la main, si vous voulez participer aux réponses à cette question.

[Français]

À vous, monsieur Brien.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Bienvenue à tous. Je vais poser ma première question à M. Berger.

Mon collègue, M. Ménard, n'est pas ici ce matin, mais il aurait été très intéressé par votre présentation. Lui-même a un projet de loi privé - je ne sais pas si vous êtes au courant, mais je suis convaincu qu'il va vous le faire savoir lorsque je lui transmettrai votre mémoire - qui a pour objectif d'accroître les pouvoirs du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés pour qu'il ait le mandat de faire rapport et d'étudier tout le volet de l'accès humanitaire des entreprises pharmaceutiques considérées comme des industries novatrices. De façon générale, seriez-vous d'accord sur un tel projet?

[Traduction]

Dr Berger: Merci de la question. C'est bien sûr un projet que j'approuve. Je reconnais d'ailleurs, pour rendre hommage au gouvernement canadien, que le Canada, de toutes les nations industrialisées, est probablement celui qui est le plus ouvert aux médicaments d'expérimentation pour traiter le VIH-sida et ce, depuis le début de 1988.

La plupart des sociétés pharmaceutiques mettent en circulation leurs médicaments dans le cadre de programmes humanitaires, dont les systèmes de loterie, auxquels il leur arrive, comme je le disais tout à l'heure, de passer outre. Il est donc donné accès à ces médicaments, avant que ne soit délivré l'avis de conformité. Le seul inconvénient que j'y vois, c'est que cette mise en circulation des médicaments n'est pas entre les mains d'organismes canadiens, mais des sièges internationaux des multinationales. Il est arrivé que ces derniers limitent notre accès à ces médicaments. En outre, la collecte et la distribution de l'information sur ces médicaments sont souvent faites par des sociétés américaines, et non canadiennes.

.0940

Tout ce que je voudrais donc ajouter à la motion, c'est que les procédures de distribution des médicaments soit entre nos mains, et que la filiale canadienne de la société pharmaceutique soit en mesure de prendre ses propres décisions quant à la mise en circulation des médicaments, sans être vassale des politiques des bureaux internationaux.

[Français]

M. Pierre Brien: Merci.

Je vais maintenant poser une question à M. Paquet de la Commission économique de la Communauté urbaine de Montréal. Vous dites dans votre mémoire, et vous y avez brièvement touché à la fin de votre exposé, que vous souhaitez qu'il y ait une restauration des brevets pour permettre au Canada de s'aligner sur les standards internationaux.

Lorsque la protection des brevets avait été accrue, on avait défini des obligations que l'industrie pharmaceutique devait respecter et qui l'ont été à toutes fins utiles. Si, comme vous le suggérez, on restaurait les brevets, pourrait-on s'attendre à des engagements supplémentaires de la part de ce secteur quant aux investissements en recherche et développement ou à d'autres types d'engagements? Peut-être même pourraient-ils s'engager plus spécifiquement dans le domaine de la recherche fondamentale. Pensez-vous qu'en contrepartie de ce que vous demandez, on serait en droit de poser des exigences particulières quant aux engagements de l'industrie?

Dr Paquet: Lorsque nous avions appuyé le projet de loi, en 1993, nous avions établi des exigences quant au contrôle des prix des médicaments et quant au réinvestissement d'au moins 10 p. 100 des profits en recherche et développement. On s'est aperçu que ces promesses avaient été tenues; on s'est rendu à environ 12,5 p. 100 d'investissements en recherche et développement.

Idéalement, si on donnait aux brevets la même durée qu'aux États-Unis ou en Europe, soit 14 ou 15 ans de protection effective et vraie, on pourrait idéalement exiger une augmentation du pourcentage d'investissements en recherche et développement, surtout en recherche fondamentale afin de permettre l'arrivée continue de nouveaux produits sur le marché pour qu'on soit en mesure de mieux traiter les nouvelles maladies.

[Traduction]

Dr Rachlis: Si vous le permettez, je voudrais simplement mentionner ce qui me parait être une erreur dans votre exposé. Vous disiez que les fabricants de médicaments génériques ne financent pas la recherche et le développement dans la même mesure que les laboratoires de produits brevetés. Bien qu'elle ait été faite pour l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, une étude de Price Waterhouse, de septembre 1996, soutient que les sociétés membres de l'AFPP dépensent en moyenne, en R-D, 13 p. 100 de leurs ventes, soit un pourcentage du même ordre que celui des sociétés multinationales de médicaments brevetés.

[Français]

M. Pierre Brien: Monsieur Paquet, le problème que posent ces données que vous communiquez au comité, c'est que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés n'a pas accès à ces vérifications de recherche et de développement faites dans l'industrie générique. Cela nous pose un problème quant à la crédibilité des chiffres qui sont fournis sur la recherche et le développement qui se font dans le secteur des produits génériques. Mais nous pourrons y revenir.

Au Québec, en particulier, on a des crédits d'impôt assez généreux qui s'appliquent à la recherche et au développement. On a un cadre législatif très favorable dans l'ensemble, qui pourrait peut-être être encore meilleur, à l'industrie du médicament. Toutefois, dans le contexte international que nous connaissons, si nous visons principalement la conservation ou la création d'emplois en recherche et développement, n'y a-t-il pas danger que la fabrication se fasse ailleurs une fois que seront faites les découvertes?

Donc, on investit beaucoup pour appuyer la recherche et le développement et, par la suite, une fois faites les découvertes, la fabrication s'effectue l'étranger. En conséquence, on se trouve à importer le médicament à la fin du processus. On a une balance commerciale déficitaire dans le domaine des médicaments, malgré tout le soutien qu'on donne. Avez-vous réfléchi à cet aspect de la situation? Auriez-vous des recommandations à faire pour qu'on soit meilleurs dans le domaine de la fabrication aussi?

Dr Paquet: Je pense que le point fondamental qu'on voulait faire ressortir ce matin, c'est que les emplois cris par des entreprises qui font de la recherche et du développement permettent la création d'emplois beaucoup mieux rémunérés pour nos jeunes. Est-ce que les industries iront fabriquer ailleurs les médicaments à moindre coût parce qu'on aura favorisé la recherche et le développement ici? Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Je ne crois pas qu'on puisse établir un tel lien.

.0945

En 1983, les industries pharmaceutiques de produits d'origine quittaient le Québec et le Canada pour faire de la recherche ailleurs. Depuis qu'on a étendu la période de protection à 20 ans, en 1993, nous avons attiré au Québec et au Canada des investissements de compagnies pharmaceutiques étrangères. On peut en nommer seulement une de Suède, Astra Pharma, qui est venue s'installer au Québec il y a quelques années, ainsi que Bio Intermediair, qui est une compagnie des Pays-Bas. Pourquoi sont-elles venues? C'est parce qu'on leur a permis de conserver cette propriété intellectuelle.

Pour nous, au Canada et au Québec, il s'agit d'être concurrentiels avec les autres pays. Nous ne l'étions pas et c'est pour cette raison que les compagnies nous quittaient en 1993.

M. Pierre Brien: J'ai une autre question pour Mme Toupin ou M. Farrell. Vous avez sauté un bout de texte dans votre présentation par rapport aux engagements internationaux. Vous dites qu'il serait possible de revenir aux licences obligatoires tout en respectant nos engagements internationaux. J'aimerais savoir si c'est un point de vue qui vous a été fourni par une personne qui a des connaissances juridiques.

Beaucoup de gens sont venus nous en parler jusqu'à maintenant, mais à peu près tout le monde s'appuie sur une même analyse ou sur les conclusions d'une seule personne. Est-ce que vous avez une source différente? J'aimerais que vous m'expliquiez davantage sur quoi vous avez basé votre affirmation.

[Traduction]

M. Farrell: J'ai entendu, en fait, deux opinions juridiques de deux juristes différents, l'un ayant une expérience considérable des questions de commerce international, à savoir John Dillon, de la Coalition oecuménique pour la justice économique; vous connaissez sans doute la deuxième personne dont je parle, à savoir J. G. Castel, et la troisième est André Ouellet, qui a donné une opinion juridique à l'Association des consommateurs du Canada. Tous trois reconnaissent que le Canada a une latitude considérable dans ses ententes internationales, qu'il s'agisse de l'ADPIC ou de l'ALENA. Les licences obligatoires sont explicitement mentionnées comme méthode à laquelle peuvent faire appel les gouvernements pour protéger l'intérêt public.

[Français]

M. Pierre Brien: S'il n'était pas possible de modifier ces ententes internationales, s'il fallait fonctionner dans le cadre qu'elles définissent et si on ne pouvait pas revenir au système de licences obligatoires, auriez-vous d'autres suggestions? Si nous arrivions à la conclusion qu'on ne peut pas le faire et qu'il nous faut respecter nos engagements internationaux, qu'est-ce que vous souhaiteriez à ce moment-là?

[Traduction]

M. Farrell: Je ne me suis peut-être pas clairement exprimé, mais je voulais dire que tout en respectant les ententes internationales, nous pouvons quand même instaurer les licences obligatoires: je n'y vois pas de conflit.

[Français]

M. Pierre Brien: S'il y en a un.

[Traduction]

M. Farrell: Dans la négative, il y a certainement d'autres recommandations visant à élargir les mandats de contrôle des prix des médicaments par le CEPMB. Ce devrait être facilement réalisable.

[Français]

Mme Toupin: Puis-je ajouter quelque chose? Pour revenir à votre première question, monsieur Brien, je pense qu'il est du ressort du gouvernement, comme le dit le Dr Rachlis, de déterminer à un moment donné si nos engagements internationaux, entre autres l'ALENA, nous laissent de la place pour bouger. Je pense que vous avez tout à fait raison; certains nous disent que oui, mais c'est le gouvernement qui devra très bientôt déterminer quelle latitude nous est laissée dans le cadre de cette entente.

M. Pierre Brien: D'accord. Je vous remercie. Je reviendrai plus tard.

[Traduction]

Le président: Monsieur Schmidt et monsieur Hill, s'il vous plaît. Bienvenus au comité.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Je vous remercie.

Je voudrais, si vous le permettez, m'adresser d'abord au Dr Rachlis. Je comprends qu'en tant que médecin vous tenez à ce que vos malades soient raisonnablement soignés, avec des médicaments de qualité à prix raisonnable. Vous avez parlé d'un régime national d'assurance-médicaments et d'un régime national de soins à domicile. Existe-t-il, dans le monde, un État où les contribuables financent et l'assurance-maladie, et l'assurance-médicaments et les soins à domicile? Pouvez-vous m'indiquer qui est en mesure de se permettre ces trois régimes?

.0950

Dr Rachlis: Vous pourriez poser la même question à d'autres. Pour autant que je sache, toutefois, cela dépend de la façon dont vous définissez les soins à domicile: comprennent-ils, par exemple, tous les auxiliaires et les travaux domestiques? La Grande-Bretagne, par exemple, par le National Health Service, a un régime pharmaceutique à faible ticket modérateur; elle a également un excellent programme de soins à domicile. Voilà l'exemple qui me vient à l'idée, mais je ne sais pas s'il y en a d'autres.

Ce que je veux dire par là, c'est que tant le Forum national sur la santé que d'autres ont fait remarquer qu'il serait absurde d'avoir un régime national d'assurance-médicaments qui ne coûterait pas davantage que ce que nous payons actuellement pour les médicaments si nous nous laissions guider par l'intérêt des Canadiens au lieu de nous laisser guider par celui des multinationales pharmaceutiques, ce qui est le cas actuellement.

M. Grant Hill: J'aimerais poser une question à Philip, qui vient d'apprendre que l'Hôpital Wellesley, dans lequel il travaille, est menacé de fermeture. C'est tout notre système d'assurance-maladie qui me semble ainsi mis en danger. Cet établissement jouit d'une bonne réputation, et lui-même sera touché par cette mesure.

Si l'on considère que l'assurance-maladie est menacée et qu'il va y avoir compression radicale des transferts fédéraux à celle-ci, cette proposition n'est-elle pas extrêmement utopique?

Dr Berger: De quelle proposition parlez-vous?

M. Grant Hill: La proposition d'un régime d'assurance-maladie, d'assurance-médicaments et de soins à domicile universellement financé.

Dr Berger: Vous demandiez dans quels pays un régime pareil existait actuellement: à mon avis, c'est ce que connaît actuellement la province de l'Ontario. Grâce à notre régime provincial et aux principes de la Loi canadienne sur la santé, les Ontariens reçoivent des services médicaux financés par la nation. Nous avons également des soins à domicile, généralement pour tous ceux qui en ont besoin, en tout cas là où je travaille, à savoir la région métropolitaine de Toronto. Nous avons également, en Ontario, une assurance-médicaments pour ceux qui sont au bien-être social, ou, grâce au programme Trillium, pour ceux qui travaillent, programme qui couvre, dans une grande mesure, les frais de médicaments. L'Ontario possède donc, d'ores et déjà, les éléments de ces trois régimes, éléments qu'il serait facile de compléter et d'étendre à tout le pays.

À mon avis, monsieur Hill, il y a des choses dans la vie qu'il vaut la peine de payer, ce qui est contraire aux idées de plusieurs gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral. Le confort, la sécurité et la santé des Canadiens valent que l'on paie pour eux, afin qu'ils puissent avoir accès aux médicaments et puissent être soignés à domicile. Y a-t-il assez d'argent pour cela? N'y en a-t-il pas assez? Tout dépend du point de vue philosophique qui est le vôtre. Personnellement, je pense qu'il y a amplement assez d'argent pour tous ces programmes.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire, pour diminuer les impôts des riches, de supprimer les programmes des pauvres. Si c'est là votre philosophie, si vous approuvez que l'on tonde la laine sur le dos des pauvres pour diminuer les impôts des riches, débarrassez-vous des programmes sociaux, mais ce n'est pas ainsi que je vois les choses. À mon avis ce n'est pas l'argent qui manque: il y a un grand nombre de Canadiens prospères et riches, dont moi-même, qui pouvons nous permettre de payer des impôts sur le revenu pour assurer la sécurité et le confort de nos concitoyens.

Je n'ai pas d'objection à payer des impôts sur le revenu, cela me paraît une nécessité. Je crois en leurs vertus. J'approuve l'impôt sur le revenu, afin qu'en me promenant dans les rues de Toronto je voie qu'il est pris soin de mes concitoyens. C'est là mon opinion. L'argent, il y en a à foison, il n'y aurait aucune difficulté à mettre sur pied des programmes nationaux dans les trois domaines que vous avez mentionnés.

M. Grant Hill: Pour en revenir à mon premier commentaire, s'il y a tant d'argent, qu'advient-il de votre propre établissement?

Dr Berger: Ce qui arrive, c'est que le gouvernement de l'Ontario veut réduire l'impôt provincial de 30 p. 100 et pour cela il lui faut bien trouver l'argent quelque part; alors, à l'instar d'autres, il s'en prend aux secteurs les plus faibles et les plus pauvres de la société.

J'habite dans une partie du Canada où vivent toutes sortes de groupes marginaux: gens des Premières nations, mères célibataires, toxicomanes - dont des vedettes de rock ou des fumeurs de crack - des travailleurs du sexe, un grand nombre de réfugiés et d'immigrants de toutes origines, beaucoup de malades mentaux, beaucoup des services correctionnels, une masse de jeunes sans foyer, toutes gens sans pouvoir politique. Regrettablement, le Canada semble avoir une tradition de s'acharner sur ceux qui ont le moins de pouvoir et d'influence, pour en faire bénéficier les classes moyenne et supérieure.

Ce n'est pas l'argent qui manque. Ainsi mon établissement va être fermé parce qu'il est sans pouvoir, et le premier ministre de l'Ontario doit trouver un moyen de comprimer de 30 p. 100 les impôts. Si ce n'était pas là le but qu'il poursuit, il y aurait suffisamment d'argent pour prendre soin de tous. En tant qu'Ontarien, je suis disposé à me passer de cette réduction d'impôt et, pour vous dire la vérité, j'en suis même honteux.

.0955

M. Grant Hill: Les transferts fédéraux du gouvernement libéral ont-ils joué un rôle dans cette décision de fermer votre hôpital?

Dr Berger: Vous devriez poser la question au premier ministre de l'Ontario. Tout ce que je sais, c'est le sort que va subir mon hôpital et tout ce que je sais également, c'est que le sort des hôpitaux de l'Ontario relève de la province, et non du gouvernement fédéral.

M. Grant Hill: Mais le fait que les transferts du gouvernement fédéral ont été radicalement réduits pour l'Ontario a-t-il eu des incidences sur votre hôpital?

Dr Berger: Comme vous le savez, monsieur Hill, le gouvernement fédéral ne finance pas les hôpitaux, ces derniers sont financés par les gouvernements provinciaux. À la façon dont je vois les choses, les gouvernements aussi bien que les gens sont responsables de leur propre comportement.

Si le gouvernement de l'Ontario ordonne la fermeture d'hôpitaux c'est à lui de rendre des comptes: il est le seul gouvernement à avoir le pouvoir de les fermer, un point c'est tout. Je vois mal pourquoi on s'en décharge sur le gouvernement fédéral, alors qu'on sait qui est responsable de la fermeture des hôpitaux.

Depuis que l'Ontario a décidé de réduire les impôts et de comprimer les coûts, de nombreuses influences s'exercent sur elle. C'est peut-être ainsi que vous devriez formuler votre question. L'une des influences est peut-être la réduction des paiements de transfert du gouvernement fédéral, mais je peux vous dire qu'une autre influence capitale est l'objectif politique de réduire les impôts. Ceci dit, je suis certain que d'autres influences s'exercent également sur le gouvernement provincial.

M. Grant Hill: Enfin, l'un d'entre vous pourrait-il me dire ce qu'il advient de la demande quand les médicaments sont gratuits? Qu'advient-il, en ce cas-là, de la demande?

Le président: Docteur Berger.

Dr Berger: Il est fallacieux de penser que les médicaments sont gratuits lorsqu'ils sont payés par l'État: ils ne sont pas gratuits, ils sont payés par les impôts et les recettes provenant des citoyens. C'est un argument spécieux que de répandre l'idée que les médicaments sont gratuits, car c'est faux, ils sont payés par tous les contribuables.

En second lieu, comme le savent tant M. Hill que le Dr Rachlis, la grande majorité des gens qui prennent des médicaments le font sur la recommandation de leur médecin. J'espère de tout coeur que les médecins continueront, dans leurs recommandations, à observer un comportement tant moral que scientifiquement valide. Tant que les médecins feront correctement leur travail, tant qu'ils ne se laisseront pas influencer par les pressions du secteur pharmaceutique et qu'ils ne tiendront compte que d'articles et de revues scientifiques publiés sous la supervision de leurs pairs, et provenant de sources indépendantes d'information, rien, à mon avis, ne devrait changer.

Le président: Je vous remercie, docteur Berger.

Docteur Rachlis.

Dr Rachlis: Je voulais simplement faire de nouveau remarquer que le ticket modérateur pour les médicaments... Vous ne pouvez obtenir d'ordonnance que d'un médecin. J'aurais des réserves si l'on envisageait d'introduire un programme ouvert de médicaments.

Le Forum national sur la santé a proposé certaines mesures qui pourraient être prises pour instituer un ticket modérateur pour les médicaments d'ordonnance, mesure qui comprendrait un tarif fondé sur l'efficacité avérée, comme il existe en Colombie-Britannique, et a souligné qu'il y a bien des façons, bonnes et ou mauvaises, pour établir un tel tarif. En Colombie-Britannique, il a eu pour effet d'économiser environ 40 millions de dollars dans la première année.

Si nous adoptions un programme national de prix ainsi calculés, et si nous envisagions d'acheter davantage de médicaments en gros - entre autres recommandations faites par le forum - , et si nous envisagions également de modifier la pratique médicale, de sorte que les médecins ne travaillent plus, dans l'ensemble, individuellement en étant rémunéré à l'acte, ce qui les encourage à prescrire des médicaments et encourage les multinationales pharmaceutiques à faire de grosses dépenses pour commercialiser leurs produits aux médecins comme elles le font pour la recherche... dans un milieu pareil, vous n'arriverez jamais à avoir un régime d'assurance-médicaments satisfaisant.

Le forum national a insisté sur le fait qu'il fallait non seulement changer le mode d'achat des médicaments, mais également la façon dont se pratiquait la médecine, et qu'alors nous pourrions certainement nous permettre un régime d'assurance-médicaments, qui ne serait pas plus coûteux.

Le président: Monsieur Hill, je vous remercie.

Madame Brown, vous avez la parole pour la partie gouvernementale.

Mme Bonnie Brown (Oakville - Milton, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins, qui, une fois de plus, ont élargi nos vues sur cette question.

Docteur Rachlis, vous avez fait certaines remarques fort intéressantes sur des questions que je connais mal, et je vous demanderais donc de nous en parler un peu davantage. Vous disiez qu'aux États-Unis, «les représentants des sociétés pharmaceutiques n'ont pas le droit de contacter directement les médecins.» Comment y est-on parvenu? Il semblerait que c'est de plus en plus ce qui se passe aux États-Unis.

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Dr Rachlis: C'est exact. Vous savez certainement que les États-Unis, pour le meilleur ou pour le pire, ont dû réorganiser leur régime d'assurance-maladie en fonction de ce qu'ils appellent «gestion des soins». J'ai bien dit «pour le meilleur ou pour le pire» car il y a certains exemples qui ont donné satisfaction, par exemple la coopérative de services médicaux à but non lucratif à Puget Sound dans la région de Seattle, ou le système de clinique Kayser Permanente, qui ont une longue tradition de dispenser des soins de qualité en faisant appel aux meilleures méthodes de pratique de groupe et de travail d'équipes interdisciplinaires.

Ces établissements - dont j'ai visité certains personnellement - considèrent que le marketing de la plupart des sociétés pharmaceutiques ne présente aucun avantage et peut être nuisible à la façon de pratiquer la médecine. Ils n'autorisent les représentants des laboratoires pharmaceutiques à ne venir que sur invitation. Si un représentant se présente sans invitation à l'une de ces coopératives de services médicaux, par exemple de Puget Sound, la société pharmaceutique qui l'emploie risque de se voir exclue de ce marché.

Ces grandes organisations dans le domaine de la santé ont tendance à traiter ensemble au niveau des scientifiques principaux pour déterminer quels médicaments figureront sur le formulaire des services de soins de santé intégrés. C'est ainsi, je pense, que cela devrait se passer de plus en plus au Canada. Il n'y a aucune raison pour que nous n'interdisions pas tout le marketing des produits pharmaceutiques. Je pense que c'est quelque chose qui devrait être fait. Je pense que ce sont les médecins et les scientifiques principaux de la province ou des organismes de santé qui devraient traiter avec l'industrie pharmaceutique. Encore une fois, ils devraient traiter avec les scientifiques et les médecins du secteur pharmaceutique, non pas avec les représentants du marketing.

Mme Bonnie Brown: Merci. Vous dites par ailleurs, et cette idée a été soulevée par d'autres témoins, que le programme en recherche biomédicale devrait être établi par des organismes publiquement responsables, que c'est un rôle inapproprié pour les dirigeants des compagnies de produits pharmaceutiques. Y a-t-il un organisme à l'heure actuelle au Canada qui pourrait à votre avis jouer ce rôle, ou faudrait-il en créer un nouveau?

Dr Rachlis: J'ai donné des exemples, notamment le CRM et le CRSH. Je tiens cependant à souligner ce qu'autres personnes ont dit au cours des dernières années, c'est-à-dire que si nous voulons que notre recherche vise de plus en plus les facteurs sociaux de la maladie et les interventions sociales, nous devrions alors envisager la mise sur pied d'un organisme spécial de financement de la recherche dans le domaine de la santé et des sciences sociales, organisme qui serait distinct du CRSH et du CRM. Comme d'autres, le fait que le CRM puisse prendre une orientation plus biomédicale me préoccupe. Il y a déjà des organismes de recherche qui pourraient recevoir des fonds.

Mme Bonnie Brown: Merci.

Docteur Berger, tout d'abord, je vous remercie du travail que vous avez fait et de votre grande franchise avec nous aujourd'hui. J'ai été tout à fait choquée lorsque vous avez parlé dans votre exposé de la réunion de réseaux. C'est très choquant.

Vous avez dit par ailleurs dans votre exposé que le ministère de la Santé n'avait jamais fait respecter les dispositions de la Loi sur les aliments et les drogues concernant la publicité. Je vois avouer que je ne connais pas vraiment ces dispositions. Pourriez-vous me donner un exemple d'une disposition ou d'un règlement de cette loi qui est violé de façon régulière?

Dr Berger: L'article 2 de la Loi sur les aliments et les drogues donne la définition suivante du terme «publicit;: S'entend normalement de la présentation, par tout moyen, d'un aliment, d'une drogue, d'un cosmétique ou d'un instrument en vue d'en stimuler directement ou indirectement l'aliénation, notamment par vente. Tous les médicaments contre le sida devraient être visés par cette définition.

Donc, ce que les compagnies de médicaments font au Canada, et ce qui se fait également beaucoup aux États-Unis, c'est que lorsqu'il y a une recherche mineure, et la recherche est souvent mineure, la compagnie organise une conférence de presse, parfois à plusieurs reprises, au sujet de la même découverte. Elle organise également une conférence de presse lorsqu'un avis de conformité est émis. Elle fait toute une histoire au sujet de la découverte ou de l'avis de conformité sous prétexte d'informer le public.

En fait, l'effet que cela a sur les patients - et je le sais car je l'entends moi-même - c'est qu'ils pensent qu'ils devraient alors prendre ce médicament immédiatement. Les appels commencent à arriver dans nos bureaux, et les gens viennent nous voir. Chaque fois qu'il y a une conférence de presse, cela crée énormément d'anxiété au sein de la collectivité. Les gens pensent qu'ils devraient vite aller chercher le médicament. Pour moi, c'est promouvoir l'utilisation du médicament. Le processus ne passe pas par le médecin, et il devient très difficile pour nous de conseiller les gens lorsque nous devons contrer les activités promotionnelles des compagnies pharmaceutiques.

.1005

Il y a un an et demi, lors d'une conférence, j'ai posé publiquement la question suivante à une représentante de Santé Canada - je suis désolé, j'ai oublié son nom: «Pourquoi est-ce que vous ne faites pas respecter cette disposition? Pourquoi n'interdisez-vous pas ces conférences de presse qui font la promotion de médicaments?» Elle m'a répondu: «Eh bien, c'est une zone grise.»

Je peux vous dire cependant que Santé Canada n'a pas empêché une seule conférence de presse - et pour moi, les conférences de presse équivalent tout à fait à de la publicité. Ce sont les exemples que je peux vous donner.

Mme Bonnie Brown: Alors j'ai une question sommaire qui s'adresse à la fois au Dr Rachlis et au Dr Berger. J'ai l'impression, d'après ce que vous avez dit dans vos exposés, que les compagnies pharmaceutiques mènent le bal mais que personne ne les contrôle elles, et que dans un sens, le gouvernement du Canada a reculé devant ses responsabilités - qu'il prenait auparavant au sérieux - et que nous devrions renforcer le rôle du gouvernement dans ce domaine. Est-ce que cela résume bien la situation?

Dr Berger: Je pense que cela résume assez bien la situation. Personnellement, j'estime que l'État a le devoir d'assurer l'équilibre entre l'intérêt public et les droits privés des particuliers et des entreprises. C'est ce qui se voit dans tous les secteurs - transport, assurance, énergie. L'État doit protéger le public des monopoles et du pouvoir des sociétés afin de s'assurer que ces dernières n'empiètent pas trop sur les droits individuels.

Je crois cependant qu'au Canada, on estime qu'il est acceptable de supprimer certains droits - même certains droits des entreprises - si on le fait pour protéger l'intérêt public. S'il y a un comportement où il est justifié de le faire et qui a désespérément besoin de contrôle et de réglementation, c'est bien le comportement de cow-boy de l'industrie - je ne dis pas cela pour manquer de respect à l'Alberta ou à l'Ouest canadien. On se croirait dans le far west.

Malheureusement, il est très difficile pour les médecins et les activistes du sida dans le domaine où je travaille de dire ce qu'ils pensent, car s'ils disent ce qu'ils pensent, l'industrie retire son financement pour les punir.

J'aimerais terminer rapidement en abordant les deux points qui ont été soulevés initialement par le Dr Rachlis.

Un domaine aux États-Unis qui est beaucoup plus avancé qu'au Canada est celui de la divulgation du financement commercial des entreprises par les cliniciens et les scientifiques. Aux États-Unis, bon nombre d'universités et les principaux journaux médicaux, notamment le New England Journal of Medicine, obligent les cliniciens et scientifiques à divulguer tout type d'affiliation ou d'appui financier que ces scientifiques et médecins reçoivent de l'industrie, information qui est publiée dans les journaux médicaux.

Deuxièmement, en ce qui concerne la recherche biomédicale, il et bien connu en ce qui concerne le sida qu'il existe des médicaments prometteurs contre le sida que les compagnies pharmaceutiques pourraient mettre au point, mais elles ont choisi de ne pas le faire pour des raisons commerciales. Cette opinion est exprimée par les chercheurs les plus en vue, avec lesquels je suis parfois en désaccord au sujet de l'industrie, mais ils ont dit que ces médicaments n'étaient pas mis au point essentiellement parce que les représentants des ventes estiment qu'ils ne se vendront pas.

C'est une honte, si un médicament est prometteur, que ce soit uniquement des considérations commerciales qui déterminent si ce médicament sera mis à la disposition des gens ou non. Si les compagnies disent qu'il devrait y avoir un partenariat égal, pourquoi les citoyens ne sont-ils pas présents dans les salles de conseil pour décider quels médicaments devraient être mis au point?

Le président: J'aimerais demander conseil aux membres du comité, car on vient de m'informer que le vote se fera beaucoup plus vite que je ne le pensais et on préférerait que le comité suspende la séance pour aller voter en Chambre.

Nous pouvons revenir à 10 h 40, ou si les membres du comité estiment qu'on a répondu à la plupart de leurs questions importantes, nous pouvons remercier les témoins. Je suis entre vos mains.

[Français]

Le vote va se tenir tout de suite.

[Traduction]

Nous pourrions revenir à 10 h 40 au plus tôt.

M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Monsieur le président, je me demandais si nous pourrions explorer la possibilité de pairage avec les partis de l'opposition.

Le président: Désolé. Les directives étaient - comme on dit - très claires.

M. Joseph Volpe: Très bien. Puis-je proposer alors que nous demandions aux témoins de rester ici en attendant que nous revenions?

Une voix: Oui.

Le président: Oui? Est-ce que cela convient aux témoins? Nous irons voter, mais nous aimerions passer davantage de temps avec vous. Nous reviendrons vers 10 h 40. Je ne peux vous le garantir exactement, mais disons vers 10 h 40, et nous poursuivrons nos travaux.

Nous allons donc suspendre la séance jusqu'à 10 h 40 pour aller voter, et nous reviendrons aussi tôt que possible.

Cela fait partie de la vie sur la Colline.

.1009

.1055

Le président: Le comité va reprendre ses travaux. Je remercie les témoins de leur patience, mais c'est ça la vie parlementaire. Il y a souvent des perturbations. Ce que je propose au comité, c'est un autre tour de table de cinq minutes pour chacun des trois partis.

Pierre arrive. Je vais lui demander s'il est prêt. S'il n'est pas encore prêt, je donnerai la parole à l'un des députés du parti ministériel.

.1100

Avant de reprendre l'échange avec les témoins, il y a trois motions que nous devons mettre aux voix pendant que les députés sont ici. Cela prendra deux minutes. Les membres du comité ont déjà discuté de ces motions.

Il a été proposé par M. Bodnar que le président soit autorisé, conjointement avec la greffière, à organiser des repas de travail qui seront payés à même le budget du comité. Cela se produit très peu souvent, mais j'ai besoin de l'autorisation.

Des voix: D'accord.

Le président: La deuxième motion, proposée par M. Bodnar, propose que les services de John B. Dossetor soient retenus en tant que conseiller auprès du comité pendant son examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets. Son curriculum vitae a été distribué aux membres du comité.

Des voix: D'accord.

Le président: La troisième motion concerne un changement au niveau des membres du comité. La motion a été proposée par...

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je propose mon collègue M. Brien.

Le président: Il est proposé par M. Bachand que M. Brien soit élu vice-président du comité.

[Traduction]

Aimeriez-vous ou non avoir un vote par appel nominal? Je voulais tout simplement m'en assurer. Nous allons donc faire l'appel nominal. C'est pour remplacer Nic Leblanc, qui n'est plus membre du comité.

Je ne sais pas ce qui s'est passé. Que lui est-il arrivé? Il était ici tous les jours, puis... Il a le coeur à la bonne place, mais pas le vote.

La motion est adoptée à sept voix contre trois

Le président: Bienvenue au comité de direction. Merci beaucoup d'être ici.

Nous avons réglé la question des motions, nous pouvons maintenant revenir à nos témoins. Pour ceux qui attendent la prochaine table ronde, nous commencerons aussitôt que nous en aurons terminé avec ces gens, qui sont de très bons témoins. Nous venons d'avoir une petite interruption.

Je propose aux membres du comité de faire un autre tour de table de cinq minutes, puis nous verrons ce qu'ils souhaitent faire.

M. Joseph Volpe: Monsieur le président, je pense que Mme Brown a été la dernière à poser une question. Nous pourrions peut-être permettre aux membres du groupe de finir de répondre à la question. Je ne sais pas s'ils avaient ou non terminé.

Le président: Docteur Berger, est-ce que vous ou le Dr Rachlis aviez fini de répondre?

Dr Rachlis: Elle nous a posé la question à tous les deux.

Le président: Allez-y.

Dr Rachlis: Si j'ai bien compris, elle nous a demandé si nous avions des préoccupations au sujet du pouvoir de l'industrie pharmaceutique au pays. Je pense qu'en fin de compte dans mon exposé - et vous avez sans doute entendu la même chose de Philip et d'autres également - , je dis que la balance penche un peu trop de leur côté. On le voit bien par la présence dans cette salle et dans vos bureaux des représentants des compagnies pharmaceutiques multinationales. Elles sont tenaces. Elles ont beaucoup plus de ressources que le gouvernement - que n'importe quel gouvernement au pays - pour s'attaquer à ces questions.

Je dirais que le pouvoir des compagnies pharmaceutiques au Canada, malgré le bon travail qu'elles font, a mis et met en danger notre régime de soins de santé et empoisonne le discours public.

Je pense que vous devrez vous-mêmes poser la question à l'Association médicale canadienne. Vous devriez lui demander de comparaître ici. Demandez-lui pourquoi elle n'a pas demandé à comparaître. Je pense qu'elle ne veut pas comparaître et peut-être critiquer l'industrie pharmaceutique de crainte de perdre par exemple la publicité dans leur journal, ou je ne sais quoi d'autre. Je ne connais pas vraiment ses raisons. Je trouve surprenant que l'association ne comparaisse pas.

.1105

Le pouvoir des compagnies pharmaceutiques a empoisonné le débat public sur les questions pharmaceutiques. Je dirais que vous, à titre de comité, particulièrement à titre de députés, avez l'occasion de riquilibrer l'équation. Je pense qu'il vous incombe de faire valoir les droits des Canadiens, plutôt que les intérêts des compagnies pharmaceutiques multinationales.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Brien.

M. Pierre Brien: Monsieur Paquet, récemment, j'ai lu dans des cahiers économiques qu'il y avait eu des études sur le positionnement de différentes provinces canadiennes au niveau international en ce qui a trait à la compétitivité dans le domaine pharmaceutique. J'aimerais que vous nous disiez où se situent Montréal et le Québec à l'heure actuelle dans le domaine pharmaceutique. Quel serait, selon vous, l'impact d'un retour à un système de licences obligatoires avec une protection de quatre ou six ans?

Dr Paquet: On pourrait dire que ce serait probablement catastrophique, au moins pour le Québec. Dans la grande région de Montréal et même au Canada, nous avons attiré des investissements étrangers dans le domaine pharmaceutique strictement à cause de la Loi C-91 adoptée en 1993.

Le Québec et même le Canada, au point de vue pharmaceutique, ont encore une place dominante, surtout dans la recherche et le développement de nouveaux produits, de même que les compagnies génériques. Cette protection de la propriété intellectuelle avait été introduite en 1984, 1987 et 1993 strictement parce que les compagnies pharmaceutiques quittaient le Québec et le Canada pour aller faire leur recherche aux États-Unis.

Le fait qu'on ait approuvé de nouveau, en 1987 et en 1993, la protection de la propriété intellectuelle nous permet de créer au Québec et au Canada de nouvelles industries, surtout en biotechnologie. Dans les 10 dernières années, la biotechnologie s'est développée de façon extraordinaire. C'est l'avenir de la santé au Canada.

La santé, c'est plus que le simple coût des médicaments. Le coût des médicaments est une variable minime dans les coûts de la santé. S'il n'y avait pas eu la production de nouveaux médicaments, les coûts de la santé seraient encore beaucoup plus élevés. Je suis médecin en pratique générale. Il y a 30 ans, on faisait énormément de gastrectomies, à cause d'ulcères. Vous savez qu'aujourd'hui, on n'opère plus à cause des médicaments qui sont entrés sur le marché. Donc, les coûts hospitaliers ont été réduits.

S'il n'y avait pas de compagnies faisant de la recherche et du développement de nouveaux produits, les compagnies de médicaments génériques ne pourraient évidemment pas produire et on freinerait l'avancement de la science. On a avancé à cause de la recherche et du développement. On a beaucoup parlé ce matin du coût social des médicaments. Je pense que chaque province a un rôle à jouer dans l'aspect social de la santé. Chaque province le joue, mais il ne faudrait pas essayer de tenter de réduire la recherche et le développement, à mon point de vue.

M. Pierre Brien: J'aurais une question pour M. Berger. Vous parlez beaucoup de la relation entre les compagnies et les médecins en ce qui a trait à l'information qui leur est fournie. J'aimerais que vous expliquiez vos propositions. Si jamais il avait une entité indépendante qui devait fournir l'information et si on limitait le contact entre l'industrie et les médecins, on risquerait que cette seule source d'information devienne un monopole. J'ai toujours un peu de misère avec cela. Donc, quelles sont les recommandations qui nous permettraient de contourner ce problème?

.1110

[Traduction]

Dr Berger: Avant de répondre, j'aimerais demander au président de bien vouloir m'accorder une minute pour dire qu'il y a un groupe d'étudiants d'un peu partout au Canada qui sont venus ici pour observer notre Parlement. Je voulais tout simplement qu'ils sachent, puisqu'ils semblaient croire que j'étais un fonctionnaire ou un député - Dieu m'en garde - lorsque je suis arrivé, que tous les citoyens ont la responsabilité de demander des comptes au gouvernement pour sa conduite et également d'enseigner aux législateurs. C'est la seule raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui - en tant que citoyen ordinaire, non pas en tant que représentant de quelque organisme que ce soit. J'espère que c'est une chose que vous aurez apprise, lorsque vous retournerez chez vous.

Je pense que vous avez peut-être mal compris ma position. Je n'ai pas proposé de limiter les contacts entre l'industrie et les médecins. Ce dont je parle, c'est de la mauvaise conduite dans les rapports entre les médecins et l'industrie. Je pense qu'il convient tout à fait que des représentants de l'industrie engagent des médecins pour discuter des essais cliniques futurs, par exemple, ou de la distribution des médicaments, etc. Mais les compagnies ne devraient pas être présentes ni participer aux discussions lorsque les résultats de ces discussions profiteront directement à ces compagnies sur le plan financier. Je ne parle absolument pas de limiter les contacts ou d'empêcher la dissémination de l'information.

Une autre chose que le comité devrait savoir et que tous les citoyens devraient savoir, c'est que les renseignements les plus dignes de foi que l'on puisse obtenir sont ceux qui sont publiés dans les journaux médicaux qui font l'objet d'un examen par les pairs. L'examen par les pairs signifie que les manuscrits dans lesquels on retrouve les résultats de la recherche sont examinés par des parties indépendantes - indépendantes des compagnies et des chercheurs, pour s'assurer que la méthodologie est la bonne et que les résultats sont vérifiables et fiables. C'est l'examen par les pairs qui protège l'intérêt public et c'est la meilleure source d'information. Il n'y a pas de conflit d'intérêts.

Les journaux médicaux américains et certains journaux médicaux britanniques ont une politique en vigueur qui oblige les auteurs des articles à divulguer leurs liens financiers avec l'industrie.

Si vous prenez le numéro du 10 juillet 1996 du Journal of the American Medical Association dans lequel on a publié des recommandations concernant le traitement du sida, il y a une longue liste à la fin de l'article qui indique les rapports de 12 des 13 auteurs avec l'industrie: deux de ces auteurs ont des actions dans les compagnies pharmaceutiques au sujet desquelles ils font des recommandations au public et les 10 autres ont reçu toutes sortes de fonds de ces compagnies pharmaceutiques. Au moins, cette information a été divulguée au public, de sorte que les lecteurs peuvent juger eux-mêmes de la fiabilité de ces recommandations. Rien de tout cela ne limite le contact. Ce que je préconise, c'est la divulgation publique, afin que nous puissions faire nos propres évaluations.

[Français]

M. Pierre Brien: Merci.

[Traduction]

Le président: M. Schmidt fait partie de ce tour de table, n'est-ce pas?

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aurais quelques questions concernant l'alliance pas trop catholique, comme vous l'avez dit, entre les médecins et les compagnies pharmaceutiques. Pourriez-vous expliquer un peu plus clairement, tout d'abord, quelle est l'alliance à laquelle vous faites allusion, et qu'est-ce qui n'est pas très catholique au sujet de cette alliance?

Dr Rachlis: L'alliance, c'est que les compagnies de produits pharmaceutiques offrent aux médecins des subventions de recherche et leur fournissent des fonds sous d'autres formes, comme le Dr Berger l'a dit. En retour, les compagnies pharmaceutiques demandent aux médecins - plus particulièrement aux spécialistes qui sont considérés comme étant les chefs de file dans leur domaine - d'approuver leurs produits.

J'estime qu'il s'agit d'une alliance pas très catholique parce qu'à mon avis, la profession médicale - comme d'autres professions au pays, mais peut-être encore plus que d'autres - détient les connaissances médicales que les médecins ont le mandat public de détenir. Ces connaissances ne sont pas notre propriété privée, nous en sommes les dépositaires au nom du public. Il s'agit donc d'un abus de confiance lorsque nous sommes prêts à accepter l'argent de l'entreprise en échange de l'approbation de ses produits. Voilà ce qui me préoccupe.

J'estime que l'environnement actuel encourage une telle chose car le gouvernement a réduit ses engagements vis-à-vis de la recherche, obligeant ainsi de nombreux médecins et scientifiques à trouver de l'argent ailleurs. On s'est ainsi retrouvé dans une situation parfaite pour que les médecins deviennent redevables aux compagnies pharmaceutiques.

Encore une fois, je voudrais souligner que je suis extrêmement contrarié que l'Association médicale canadienne ne soit pas ici pour témoigner. Je pense que votre comité devrait faire tout en son pouvoir pour s'assurer que ses représentants viendront ici répondre eux-mêmes à cette question.

M. Werner Schmidt: Pourrais-je, pour m'assurer que j'ai compris exactement ce que vous dites... Est-ce que vous dites que les médecins ne devraient pas accepter d'argent des compagnies de produits pharmaceutiques pour faire de la recherche?

Dr Rachlis: Non, mais je dis...

M. Werner Schmidt: Qu'est-ce que vous dites?

Dr Rachlis: Il y a toute une série de politiques distinctes qui devraient à mon avis être adoptées. À cet égard, j'estime que l'industrie des produits pharmaceutiques ne devrait utiliser son propre argent pour commanditer la recherche et en quelque sorte «acheter» les médecins, mais que cet argent devrait provenir d'organismes subventionnaires publics comme le Conseil de recherches médicales de façon à ce que les médecins qui reçoivent des fonds ne se sentent pas redevables de quelque façon à l'industrie.

.1115

M. Werner Schmidt: Vous dites donc que les compagnies de produits pharmaceutiques ne devraient pas payer les médecins. Elles devraient remettre cet argent à un autre groupe plutôt que de le donner directement aux médecins. Est-ce bien ce que vous dites?

Dr Rachlis: Le Forum national sur la santé a fait des recommandations semblables - c'est-à-dire que les fonds devraient aller à des organismes d'examen par les pairs avant d'être distribués. Les fonds devraient provenir des compagnies pharmaceutiques, je suppose, mais indirectement. Je suis préoccupé par les subventions directes accordées aux médecins par les compagnies pharmaceutiques, car j'estime que cela peut présenter des occasions de corruption.

M. Werner Schmidt: Très bien, donc l'association indirecte c'est bien, mais l'association directe n'est pas bien. Est-ce que vous dites? Je veux vraiment comprendre cela, car c'est une question très importante que vous soulevez.

Dr Rachlis: Oui, je dis que je préférerais que les fonds de recherche provenant des compagnies de produits pharmaceutiques soient distribués par des organismes d'examen par les pairs comme le Conseil de recherches médicales. J'espère que c'est assez clair.

M. Werner Schmidt: Voilà donc la situation.

Dr Rachlis: Oui.

[Français]

Le président: Monsieur Paquet.

Dr Paquet: J'aimerais intervenir. C'est très grave que de dire que les compagnies pharmaceutiques achètent les médecins. Ce sont des accusations très graves. Je suis un médecin en pratique privée. Cela veut dire qu'on enlève tout sens critique, tout sens de l'honnêteté et de l'intégrité à la classe médicale canadienne. Je trouve de telles affirmations excessivement déplorables.

On ne demande pas à un plombier de faire de la recherche médicale. Il faut faire de la recherche fondamentale ainsi que de la recherche clinique. Qui peut la faire?

Si les compagnies subventionnent les centres de recherche, que ce soit à l'Université de Toronto, à l'Université York, en Colombie-Britannique ou à Montréal, à McGill, est-ce que, par ce fait même, on achète le médecin qui va faire cette recherche afin qu'il dise que c'est un bon produit?

On sait que, pour produire un produit efficace, il faut des investissements d'à peu près 500 millions de dollars. Il y a des chercheurs en recherche fondamentale dans les compagnies et dans les centres de recherche. Dans d'autres centres, on a des organismes de recherche sous contrat. Il y en a au moins 156 au Canada qui font de la recherche. Ce ne sont pas toujours des médecins qui sont là. Donc, quand on déclare que les compagnies achètent les médecins, je pense qu'on va beaucoup trop loin. Il y a certainement encore des gens intègres, peu importent les professions, et on a encore un sens critique et un sens de l'intégrité. Je n'accepte pas de telles déclarations.

De toute façon, on est ici aujourd'hui. Quel est l'objet principal de cet exercice? Devrait-on maintenir cette propriété intellectuelle? Aujourd'hui, on révise le projet de loi C-91. Depuis qu'il a été adopté, il y a quatre ans, avec les critères d'investissement et de contrôle des prix, les compagnies ont-elles respecté les promesses faites? On peut dire que oui.

Si le Canada veut devenir compétitif au plan international et créer de la richesse chez nous, il doit savoir que des investissements de 500 millions de dollars en recherche créent des emplois.

Quel est le problème au Québec et au Canada en ce qui a trait aux jeunes? Des emplois pour nos jeunes, il n'y en a pas. Il ne faudrait pas revenir à 1987, alors que nos centres de recherche s'en allaient aux États-Unis. On est capables de le faire chez nous. Combien d'emplois a-t-on cris? Il y a 17 300 emplois au Canada dans les industries de médicaments d'origine, comparativement à 5 300 dans les compagnies de médicaments génériques.

Au Québec, 5 255 personnes travaillent dans des compagnies de médicaments d'origine, contre 1 800 dans des compagnies de médicaments génériques.

[Traduction]

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: J'aimerais relancer la question en revenant sur l'autre aspect de votre déclaration, lorsque vous avez dit que le fait que les médecins approuvent des produits en particulier constituait une alliance peu catholique. C'est l'autre aspect de la question. Que voulez-vous dire exactement par là?

.1120

Dr Berger: Le Dr Rachlis ou...?

M. Werner Schmidt: Peu importe, l'un ou l'autre. Vous êtes tous les deux du même côté de la question.

Dr Berger: Pourriez-vous répéter la dernière partie de la question, s'il vous plaît?

M. Werner Schmidt: Pourquoi l'approbation d'un produit par un médecin est-elle une mauvaise chose?

Dr Berger: Pourquoi c'est une mauvaise chose? Je vais répondre à la question dans le contexte que je connais, c'est-à-dire celui des thérapies contre le VIH, où bon nombre de ces approbations se font avant qu'un avis de conformité ait été émis par Santé Canada, le gouvernement du Canada, qui a le dernier mot en ce qui a trait aux directives sur la façon d'utiliser le médicament, aux prescriptions, aux effets secondaires - à tout ce dont il faut pour que quelqu'un soit au courant. Il s'agit de la protection du public. C'est là où les procédures de réglementation entrent en jeu.

Lorsqu'un médecin se rend à une conférence de presse parrainée par l'industrie en vue de promouvoir un médicament avant qu'il ait fait l'objet d'un avis de conformité, le danger, c'est que l'on n'y représente que le point de vue de la compagnie de produits pharmaceutiques lorsqu'on donne de l'information. Souvent, on n'a pas encore franchi l'étape de la publication dans un journal selon le processus d'examen par les pairs et le médicament n'a pas encore reçu l'approbation finale du gouvernement du Canada. À mon avis, c'est une activité illégale et on n'a jamais appliqué ces dispositions. L'information risque d'être biaisée puisqu'elle provient d'une partie intéressée. C'est pour cette raison que cela est dangereux.

La deuxième raison pour laquelle cela est dangereux - je pense que vous devez savoir que c'est mon point de vue personnel - c'est que ces annonces ou ces publicités ont un effet psychologique sur les gens qui ont une maladie incurable.

J'ai un cousin qui est décédé du sida il y a environ deux ans et demi. Trois mois avant son décès, une de ces compagnies a fait une conférence de presse au sujet d'un médicament contre le sida qui devait sauver des vies, avec grand titre à la une dans le Globe and Mail. Un autre membre de ma famille m'a téléphoné pour me dire que c'était dommage que cet homme n'ait pu vivre trois mois de plus, car il aurait pu prendre ce médicament.

Voilà l'effet que cela a sur les gens, même si ce médicament lui aurait été inutile. Il s'agit donc de protéger le public afin d'empêcher qu'une telle chose se produise tant que le médicament n'a pas été officiellement approuvé, pour éviter ce genre d'effet psychologique chez les gens; on ne veut pas décourager les gens.

M. Werner Schmidt: Je suis désolé. Pour que ce soit bien clair, alors, ce à quoi vous vous opposez vraiment, ce n'est pas au fait que le médecin approuve le médicament, mais qu'il le fasse illégalement, qu'il se passe quelque chose là. La Direction générale de la protection de la santé approuve ou désapprouve clairement les médicaments, et vous ne critiqueriez certainement pas un médecin qui appuierait un médicament après qu'il a été approuvé.

Dr Berger: Oui, je le critiquerais.

M. Werner Schmidt: Oh, vous feriez cela également.

Dr Berger: Oui, je le critiquerais.

M. Werner Schmidt: L'approbation de la Direction générale de la protection de la santé ne fait pas de différence?

Dr Berger: Non, je n'ai pas dit que cela ne faisait pas de différence. La Direction de la protection de la santé s'assure que les règles et les prescriptions s'appliquant aux médicaments d'ordonnance sont en place. C'est leur travail, et j'appuie cela. Mais j'aimerais vous lire, et plus particulièrement à mon collègue à ma droite, la première déclaration de l'Association médicale canadienne.

Le président: Vous avez dit ce que vous aviez à dire, et je crois que cela est suffisant, car je veux m'assurer que M. Murray aura la chance de poser ses questions.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark - Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai une petite question, ensuite je devrai partir pour aller à un autre comité.

Le mémoire de M. Farrell et de l'Organisation nationale anti-pauvreté recommande que les priorités en matière de recherche dans le domaine des soins de santé soient établies par le gouvernement fédéral.

Docteur Berger, est-ce que vous voulez dire qu'une partie des profits des compagnies pharmaceutiques devrait être...

Dr Berger: Vous n'avez pas le bon docteur.

M. Ian Murray: Oh, c'est le Dr Rachlis. De toute façon, une partie de ces profits devrait être canalisée par un organisme du gouvernement pour la recherche.

Nous avons entendu lors de témoignages précédents qu'il en coûte entre 200 et 500 millions de dollars pour mettre au point un nouveau médicament. Par ailleurs, la nature de la recherche et du développement dans les compagnies multinationales aujourd'hui fait en sorte que la recherche et le développement ne se font pas nécessairement dans un seul laboratoire dans un seul pays, et que la recherche se poursuit 24 heures sur 24, essentiellement, dans le monde entier, alors que différents chercheurs travaillent à de nouveaux produits.

Ce qui me préoccupe en réalité, c'est qu'il serait dans l'intérêt du Canada, étant donné les coûts énormes de la mise au point de nouveaux médicaments, qu'un organisme gouvernemental établisse les priorités en matière de recherche dans le domaine de la santé au Canada. En d'autres termes, qu'est-ce que nous pourrions espérer accomplir au Canada, étant donné les coûts énormes et le fait que la R-D, dont nous pouvons tous profiter, se fait partout dans le monde?

Dr Rachlis: Je voudrais dire que le chiffre de 500 millions de dollars est tout à fait erroné. C'est un chiffre qu'on a pratiquement fait apparaître comme par magie.

Le mémoire qui vous a été présenté par la Coalition canadienne de la santé conjointement avec le Médical Reform Group, vous donne une excellente analyse qui montre la façon dont ce chiffre a été gonflé au moins deux fois et probablement trois fois par rapport à la réalité.

Deuxièmement, vous parlez du comité de l'industrie. On ne peut tout simplement pas regarder seulement les quelques milliers d'emplois dans le secteur pharmaceutique, car pour d'autres secteurs au pays, les médicaments ne représentent pas un revenu mais plutôt un coût.

.1125

Je crois que l'année dernière, Industrie Canada et Santé Canada ont parrainé une étude qui a été réalisée par KPMG, et d'après laquelle les villes canadiennes sont, parmi toutes les villes nord-américaines, celles où on peut faire des affaires au moindre coût, notamment grâce à notre programme de soins de santé et notre régime public de pension, qui tous les deux subissent de graves assauts.

Pour améliorer la compétitivité de l'industrie dans notre pays, il faudrait réduire le coût des médicaments. Cela profiterait grandement à l'industrie qui n'intervient pas dans la fabrication de ces médicaments.

M. Ian Murray: Sauf votre respect, docteur Rachlis, vous ne répondez pas à ma question, qui était la suivante: si la recherche était dirigée par le gouvernement au Canada, comment est-ce que vous...? Encore une fois, tout cela prend des années, et pour répondre à la question du coût de la recherche et du développement, il faut aussi tenir compte des nombreux échecs qui se produisent en cours de route. On ne frappe pas un coup de circuit chaque fois que l'on investit dans la recherche et le développement.

Dr Rachlis: Je ne prétends pas que les compagnies pharmaceutiques devraient cesser de faire de la recherche; je dis qu'une partie de leurs profits devrait être consacrée au financement de la recherche publique, de façon qu'on puisse de nouveau établir des priorités publiques de recherche. Je ne dis pas que cette fonction doive nécessairement être dirigée par Santé Canada; elle devrait être dirigée par un organisme indépendant comme le Conseil de recherches médicales.

M. Ian Murray: Bien; monsieur Farrell, voulez-vous faire un commentaire?

M. Farrell: Oui. Je ne demande pas au gouvernement du Canada de prendre entièrement en charge la recherche sur les médicaments. Ce n'est pas de cela que nous parlons.

M. Ian Murray: Mais je m'inquiète des crédits nécessaires pour faire une recherche crédible dans les domaines où les compagnies pharmaceutiques en font actuellement.

M. Farrell: Non, je pense que le Dr Rachlis a raison; ce que nous voulons, c'est utiliser une partie des profits prélevés pour définir les priorités de recherche. C'est comme cela qu'il faudrait les utiliser.

On parle beaucoup de la nécessité de préserver l'emploi et la compétitivité. Je reconnais que ce sont de bons objectifs, mais je pense qu'il faut aussi considérer l'intérêt public. Il semble assez évident que le projet de loi C-91 n'établit pas un bon équilibre entre ces deux nécessités. J'estime qu'il faudrait agir pour protéger un peu mieux l'intérêt public.

M. Ian Murray: Bien; il va falloir que je parte. Je vous prie de m'excuser et je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci de votre réponse, monsieur Farrell.

Monsieur Volpe, je vous donne la parole, mais je vous demande de surveiller l'horloge et de terminer pour 11 h 30.

M. Joseph Volpe: J'essaierai d'être très bref, monsieur le président. Je vous remercie.

Je remercie tous nos témoins, non seulement pour leur patience puisque la séance a été interrompue, mais également pour le dynamisme de leur exposé.

Ils ont exprimé divers points de vue que je pourrais qualifier de diamétralement opposés aux miens, sur lesquels je voudrais faire un commentaire avant de solliciter une réponse.

Le groupe de Montréal utilise un vocabulaire qui me paraît très intéressant. Comme ce soir, j'ai entendu hier soir et à d'autres moments des mots comme catastrophe, désastre, etc, et je me demande si cette inflation verbale ne risque pas de nous cacher la vérité.

Si vous me permettez d'en revenir à la question des brevets, je me demande si l'élément le plus dynamique concernant l'investissement dans certaines des compagnies que vous approuveriez ne vient pas des politiques gouvernementales en matière d'investissement - et je voudrais faire particulièrement référence à un article du Globe and Mail où l'on conseille au gouvernement fédéral de modifier ses règles concernant les REER pour permettre un dépassement des limites des investissements outre-mer; deuxièmement, je me demande si vos préoccupations ne concernent pas principalement le formulaire du Québec et son incidence sur les choix d'implantation des compagnies pour les tests cliniques, la R-D clinique et la fabrication; je ne sais pas si vous seriez d'accord avec les gens qui ont comparu devant le comité hier soir, qui étaient membres à part entière de la profession et qui ont dit que la meilleure source de financement pour toute la recherche fondamentale devait être le Conseil de recherches médicales, et non pas une source de financement liée à l'industrie.

.1130

Finalement, monsieur Paquet, vous avez entendu ce matin - comme nous l'avons entendu hier et les autres jours - que l'un des problèmes fondamentaux du système de soins de santé en matière de coût concerne les habitudes de prescription de médecins qui, d'après une étude, représenteraient un minimum de 15 p. 100 de l'ensemble des coûts imputables aux médicaments d'ordonnance.

Si l'on prend notre total d'environ 6,8 milliards de dollars, 15 p. 100 nous donnent environ 900 millions de dollars, près d'un milliard de dollars. Nous utiliserons le chiffre d'un milliard pour faciliter les calculs; si des coûts totalisant un milliard sont directement imputables aux habitudes de prescription des médecins, auxquels nous faisons confiance et qui sont capables de comprendre le système, n'est-ce pas là qu'il faudrait intervenir plutôt qu'au niveau de la protection par les brevets? Si l'on pouvait réduire ce coût, ne pourrait-on pas investir ce milliard de dollar dans quelque chose de plus utile?

[Français]

Dr Paquet: Devrait-on changer les habitudes d'ordonnance des médecins? Je ne crois pas que ce soit le facteur primordial. Je ne pense pas que les médecins prescrivent d'emblée des médicaments pour prescrire des médicaments, ou prescrivent des doubles et des triples. Personnellement, je ne le crois pas. Il peut y avoir abus de médicaments de la part de certains patients, mais il est très difficile de dire exactement quel pourcentage cela représente.

Il faut quand même revenir aux coûts. Vous parlez du coût des médicaments dans une province par rapport aux autres, mais il y a un coût direct du médicament. Si la venue d'un nouveau médicament sur le marché peut réduire le nombre de journées d'hospitalisation ou même empêcher des hospitalisations et des opérations, et cela se fait de plus en plus dans les provinces, on est gagnants du côté santé. C'est ce que la recherche sur de nouveaux médicaments a pu apporter.

M. Joseph Volpe: Je vous ai demandé des statistiques exactes.

Dr Paquet: Je n'ai pas de statistiques.

M. Joseph Volpe: Pas du tout?

Dr Paquet: Non. Je peux vous dire qu'il y a 30 ans, chaque année, je faisais subir des gastrectomies à au moins 10 patients pour des ulcères qui saignaient, qui ne guérissaient pas et qui perforaient. Au cours des 10 dernières années, aucun de mes patients n'a subi une gastrectomie, parce que les médicaments traitent l'ulcère et le guérissent sans complications.

Quel est le coût de l'opération à l'estomac d'une personne? La personne n'a plus son estomac. Il y a 30 ans, il n'y avait pas de médicaments pour le sauver. Il faudrait voir. Vous savez qu'autrefois, on hospitalisait pour des pneumonies. Aujourd'hui, on n'a même plus besoin d'hospitaliser; on les traite à domicile avec de nouveaux médicaments, des antibiotiques, à la condition qu'on n'en abuse pas. Je n'ai pas de chiffres, mais je sais qu'en pratique, ce sont les faits.

Dans le fond, notre but aujourd'hui est de savoir si on doit réviser le projet de loi C-91 à la suite de ce qui s'était dit en 1993. Selon moi, les compagnies pharmaceutiques ont respecté leurs promesses. L'industrie du médicament générique n'est pas contrôlée par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.

[Traduction]

Le président: Nous allons entendre un dernier commentaire du Dr Rachlis avant de passer à autre chose.

Dr Rachlis: Très brièvement sur cette question, de nombreux faits indiquent que malheureusement, mes collègues et moi-même prescrivons les médicaments comme un marin ivre dépense son argent.

Je voudrais citer l'un des nombreux articles de Robyn Tamblyn de Montréal, l'un des chercheurs les plus connus au Canada. Le Journal de l'Association médicale canadienne a consacré en 1994 un article à un échantillon scientifique de l'ensemble des personnes âgées du Québec sur un an. Plus de 50 p. 100 de ces patients ont connu au moins un cas de prescription à haut risque pendant cette année.

Le président: Je vous remercie de votre témoignage. Il allait parfois à contre courant, comme vous avez pu le voir, il prêtait parfois à controverse, mais nous avons besoin de points de vue différents autour d'une même table. Il est important pour le comité de confronter les points de vue et de bien comprendre un tel sujet, qui n'est pas facile à traiter.

.1135

[Français]

Je pense que M. Brucel vous prendre une photo.

[Traduction]

Avec votre permission, je vais suspendre la séance pour laisser aux nouveaux témoins le temps de s'installer et pour permettre à M. Brucel de prouver aux gens de Montréal qu'il est effectivement venu à Ottawa.

Des voix: Oh, oh!

.1135

.1142

Le président: Le comité reprend son étude du projet de loi C-91. Je voudrais souhaiter la bienvenue à tous les participants à cette table ronde. Je vous invite à faire une brève déclaration; ensuite, les membres du comité pourront vous poser des questions et entamer un dialogue avec vous.

Sans plus attendre, je donne la parole à David Alper, du projet Genèse. Soyez le bienvenu.

[Français]

M. David Alper (organisateur de la communauté, Projet Genèse): Le Projet Genèse est un organisme communautaire du quartier Côtes-des-Neiges, à Snowdon, un quartier multi-ethnique et très pauvre de Montréal. On offre des services de défense des droits. On voit des milliers de personnes, surtout des personnes âgées, de nouveaux arrivants au pays, des personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté et beaucoup de gens sans emploi.

On voit quotidiennement des dizaines de personnes qui, de plus en plus, n'ont pas accès aux soins de santé et aux services sociaux. Nous croyons qu'une partie de leur casse-tête provient de la Loi C-91.

On a une certaine expertise au niveau de la Loi sur l'assurance-médicaments, qui est entrée en vigueur le 1er août 1996 au Québec. Depuis ce temps-là, nous constatons presque chaque jour que de plus en plus de gens de notre quartier n'ont tout simplement plus les moyens de payer leurs médicaments et de manger. D'ailleurs, une personne du quartier est venue avec nous aujourd'hui et elle pourra témoigner plus tard.

Nous voyons que les prix des médicaments sont extrêmement élevés. Il y a de moins en moins d'emplois. On voit même qu'il y a des diminutions au niveau des emplois dans le secteur pharmaceutique. Quand on parle d'emplois, il faut être très équilibré. Il faut regarder aussi les coupures au niveau des emplois dans le domaine de la santé. On sait qu'il y a autour de 15 000 emplois dans le domaine de la santé, au Québec, qui vont disparaître. On voit qu'il n'y a presque pas de contrôle sur le prix des médicaments. Chaque jour des gens nous disent: J'arrête de prendre mes médicaments ou je réduis la nourriture, pour moi ou mes enfants.

Nous avons même effectué une étude là-dessus. Seulement dans notre quartier, on a documenté des dizaines de cas de personnes qui ont mis fin à leurs traitements partiellement ou totalement, et même 10 cas de personnes qui ont dû être hospitalisées.

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Aux États-Unis, où une loi semblable a été adoptée dans l'État du New Hampshire, une étude démontre qu'en obligeant les gens à faible revenu à payer leurs médicaments quand ils n'en avaient pas les moyens, on a fait augmenter à long terme les coûts du système de santé étaient majeurs. On a donc renversé cette loi.

Donc, nous pensons qu'il n'y a pas d'économies à faire sur le dos des citoyens. On considère que l'accès aux médicaments doit être reconnu comme un droit à la santé, comme tout autre droit de base.

On croit que C-91, avec la protection qu'il offre aux compagnies pharmaceutiques, constitue un obstacle à ce droit et que le gouvernement a le devoir de changer cette loi. C'est une question de volonté politique et de justice sociale, et le gouvernement doit absolument réviser à la baisse la protection qui est offerte aux compagnies pharmaceutiques.

On est aussi d'accord sur l'idée - c'est d'ailleurs l'une des recommandations - d'un plan national d'assurance-médicaments, mais avec un bémol. Ce plan doit avoir pour objectif premier l'accès aux médicaments. Au Québec, ce n'est pas le but de la loi; c'est plutôt de faire des économies sur le dos des citoyens les plus démunis. Au Québec, les deux tiers des économies réalisées avec le plan d'assurance-médicaments se font aux dépens des gens démunis.

Donc, nous pensons qu'Ottawa, de concert avec les provinces, doit introduire un plan national d'assurance-médicaments.

Notre dernière recommandation propose des contrôles pour les produits pharmaceutiques, non seulement pour les médicaments d'origine, mais aussi pour les médicaments génériques.

Le président: Maintenant

[Traduction]

Je donne maintenant la parole au Dr Khatter, du Centre de santé communautaire de la Côte de sable. Soyez le bienvenu.

Dr Kapil Khatter (membre du conseil, Centre de santé communautaire de la Côte de sable): Je m'appelle Kapil Khatter. Je pratique la médecine familiale et je fais partie du conseil d'administration du Centre de santé communautaire de la Côte de sable. Je suis ici pour représenter les centres de santé communautaires d'Ottawa-Carleton.

Je voudrais vous parler quelques instants des centres de santé communautaires. Nous proposons des services cliniques et autres services de santé, grâce à des équipes multidisciplinaires. Nous avons une approche holistique qui met l'accent sur la prévention des maladies et la promotion de la santé. Surtout, nous nous plaçons sous la direction de la communauté, à qui nous devons rendre des comptes, et nous devons donc être parfaitement informés des besoins de la communauté. Par ailleurs, notre mandat nous met au service de groupes nécessiteux, comme les familles à faible revenu et leurs enfants, les sans-abri, les personnes âgées isolées, les nouveaux venus, etc.

Ce que nous reprochons au projet de loi C-91, c'est que les nouveaux médicaments ne sont pas assujettis à un contrôle adéquat des prix et qu'à cause du brevet de 20 ans, ces médicaments à prix trop élevés restent inaccessibles pendant une trop longue période. En outre, il existe des mécanismes réglementaires qui font obstacle à un accès rapide aux équivalents génériques. Par ailleurs, le projet de loi C-91 a notamment pour objectif d'intensifier la recherche et le développement dans le domaine pharmaceutique, mais les études montrent qu'une bonne partie de la recherche et du développement portent sur des médicaments équivalents qui ont pour objet d'augmenter les profits et n'ont que peu d'effets sur la santé. Ils ne sont pas conçus pour améliorer la santé des Canadiens.

Nous en voyons l'effet sur la communauté: par exemple, les travailleurs pauvres et ceux qui n'ont pas de régime de soins de santé ne peuvent pas s'acheter ces nouveaux médicaments et lorsque ceux-ci apporteraient une solution idéale, le patient n'obtient que des soins moins efficaces. Comme les nouveaux médicaments sont chers, ils ne figurent pas sur les formulaires. Les personnes âgées et les bénéficiaires des régimes publics de prise en charge des médicaments, comme le régime de médicaments de l'Ontario, n'ont pas accès à ces médicaments.

Par ailleurs, la plus forte augmentation des coûts des soins de santé au Canada correspond à l'augmentation des coûts des médicaments. Cette augmentation constitue un fardeau financier pour nous tous. C'est un fardeau financier pour les communautés et pour l'ensemble des Canadiens, qui risquent de ne plus pouvoir assumer les coûts du régime d'assurance-maladie.

Je voudrais citer quelques exemples concrets d'usage clinique. Dans le cas de l'asthme, les stéroïdes en inhalateur appelés Beclomethasone, qui constitue l'ancien traitement de l'asthme, coûtent 16 $ l'inhalateur. Le nouveau médicament, qui constitue désormais le choix idéal et que les médecins aimeraient prescrire à tout le monde, coûte 90 $ et n'est évidemment pas couvert par les régimes de prise en charge des médicaments, et ne le sera pas avant bien longtemps. S'il est vrai que ce nouveau médicament constitue le choix idéal et qu'il devrait permettre d'éviter des hospitalisations, la situation présente risque de nous coûter plus cher à long terme.

Je voudrais aussi citer l'exemple du médicament Finasteride ou Proscar, qu'on utilise dans le traitement du grossissement de la prostate. Il coûte 65 $ par mois. Évidemment, il est lui aussi exclu des régimes de gratuité des médicaments, et n'est pas disponible gratuitement aux personnes âgées, auxquelles il est destiné.

On se trouve donc dans une situation où ceux qui ont les moyens de débourser 65 $ par mois peuvent obtenir ce médicament qui est destiné à prévenir ou à retarder l'intervention chirurgicale, tandis que ceux qui n'ont pas les moyens doivent subir cette intervention chirurgicale, avec toutes les complications et les risques qu'elle comporte, et bien sûr, les coûts qu'elle impose à l'assurance-maladie et à la société.

.1150

Nos recommandations sont donc les suivantes: tout d'abord, la création d'un régime national référentiel qui assurera la prise en charge universelle des produits pharmaceutiques, qui les assujettisse à la Loi canadienne sur la santé et qui nous permette un meilleur contrôle sur les coûts. Nous voulons que les prix des médicaments, notamment leur prix de lancement, soient mieux contrôlés. Ce prix de lancement devrait être déterminé par les coûts de l'élaboration du produit, et non pas en fonction de ce que le marché peut supporter.

Nous souhaitons que le gouvernement assure une disponibilité rapide des médicaments génériques équivalents. Nous souhaitons une surveillance plus étroite de la qualité et de l'efficacité de la recherche et du développement dans le domaine pharmaceutique, de façon que les fonds soient consacrés non pas à des recherches fictives, mais à une recherche qui profite véritablement à la société.

Finalement, nous préconisons la création d'un réseau d'information objective sur les médicaments et sur les solutions de rechange à l'intention de tout le personnel soignant, de façon à réduire les prescriptions abusives dues à la publicité pharmaceutique.

Merci de nous avoir donné la parole.

Le président: Merci beaucoup, docteur Khatter. Votre déclaration d'ouverture était aussi claire que celle de M. Alper.

Nous allons maintenant écouter Francis Arbour, de la Coalition pour la santé d'Ottawa-Carleton.

Mme Francis Arbour (consultante en développement, Coalition pour la santé d'Ottawa-Carleton): Nous intervenons également au nom de la Coalition de la santé de l'Ontario et à sa demande.

Le président: C'est parfait. Merci.

Mme Arbour: La Coalition pour la santé d'Ottawa-Carleton est un organisme non partisan à but non lucratif affilié à la Coalition de la santé de l'Ontario et de la Coalition canadienne de la santé. Nos adhérents sont des personnes et des organismes locaux qui représentent des personnes âgées, des travailleurs, des personnes à faible revenu, des femmes, du personnel soignant, des étudiants, des universitaires et des organismes religieux. Nous avons approuvé le mémoire présenté au comité par la Coalition canadienne de la santé le 4 mars dernier.

Nous voulons aujourd'hui vous fournir de l'information et des exemples concrets concernant les effets du projet de loi C-91 au niveau local, de façon à exprimer le point de vue des citoyens, du moins ceux de la région. Nous demandons instamment au comité de reconnaître que ces anecdotes sont le résultat direct des politiques et des pratiques en vigueur, et que chacune de ces histoires constitue une situation regrettable. Vous savez que les politiciens comme vous devraient multiplier par dix le nombre de lettres qu'ils reçoivent pour avoir une idée de la réalité. Nous vous demandons d'écouter ces histoires qui vous indiqueront à quel point le prix des médicaments pénalise les Canadiens ordinaires.

Voici le cas d'une mère célibataire qui a des jumeaux adolescents et qui ne peut plus obtenir de traitements préventifs pour leur asthme par l'intermédiaire du régime provincial de gratuité des médicaments. Ce régime a exclu un certain nombre de médicaments qui visent à prévenir des maladies chroniques plutôt qu'à les traiter. La province a déclaré que ce changement était dû au prix élevé des médicaments d'ordonnance. Pour les adolescents en question, cela signifie qu'ils peuvent obtenir un médicament pour soigner leurs crises d'asthme une fois qu'elles se sont déclenchées, mais qu'ils ne peuvent plus prévenir de telles crises. Si elles sont suffisamment graves pour nécessiter une hospitalisation, le coût d'un séjour hospitalier pour le régime d'assurance-maladie équivaut à plus d'une année de traitements préventifs pour les deux jumeaux. Je ne parlerai même pas des autres coûts, mais évidemment lorsqu'un adolescent fait une crise d'asthme, il doit renoncer à tout ce qu'il voudrait faire.

La deuxième histoire est celle d'une femme atteinte du cancer du sein; elle connaît un médicament qui atténuerait son inconfort, mais qui n'est pas disponible par l'intermédiaire du régime provincial de gratuité des médicaments, sous prétexte qu'il ne soigne pas la maladie, mais qu'il en atténue simplement les effets.

Une personne nous a dit: «Je ne peux plus payer mon loyer et il faut attendre de trois à sept ans pour obtenir un logement subventionné. Je souffre de dépression chronique. Le gouvernement provincial a-t-il véritablement besoin de me soutirer 2 $ par mois?» C'est le montant du ticket modérateur imposé à cause du coût élevé des médicaments.

Des parents nous dont dit: «Nos filles sont atteintes de mucoviscidose. Elles ont besoin d'une médication importante en permanence, mais à cause des compressions budgétaires imposées actuellement aux services médicaux et sociaux, leurs besoins ne sont plus pris en charge. Nos filles ne peuvent plus travailler à plein temps pour y faire face.» Pour ces familles, les perspectives sont très inquiétantes.

La dernière histoire est celle d'une patiente hospitalisée qui s'est fait dire en décembre dernier que le budget des soins à domicile ne permettait plus de venir en aide à sa famille pour qu'elle puisse mourir chez elle. On a ajouté que si elle pouvait durer jusqu'au 1er janvier, il y aurait alors de nouveaux crédits pour réaliser ses dernières volontés. Une telle histoire semble à peine croyable dans un pays comme le Canada.

.1155

Aujourd'hui, nous ne vous avons raconté que quelques-unes des nombreuses histoires dont nous font part les gens qui vivent dans la région d'Ottawa-Carleton. Nous aimerions attirer maintenant votre attention sur les différents thèmes qui se dégagent de ces anecdotes.

Tout d'abord, pour les personnes à faible revenu, les coûts sont un facteur déterminant lorsqu'il faut décider si l'on va se conformer ou non à une ordonnance. Ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter leurs médicaments doivent faire des choix très difficiles. Certains d'entre eux doivent décider s'ils vont acheter de quoi se soigner ou de quoi se nourrir. C'est une situation sans issue, car une mauvaise alimentation contribue à la détérioration de la santé.

Deuxièmement, certains choisissent de n'acheter qu'un ou deux des médicaments prescrits, même lorsque ceux-ci doivent être pris conjointement pour être efficaces. En fait, la prise d'un seul médicament peut être dangereuse ou peut susciter une résistance de l'organisme qui rendra le médicament inefficace à l'avenir.

Troisièmement, dans d'autres cas, une personne qui doit commencer un traitement chronique, comme c'est le cas pour certains médicaments utilisés contre le VIH, peut choisir de retarder le début du traitement tant qu'elle n'a pas les moyens d'en assumer les coûts en permanence. De ce fait, la maladie risque de s'aggraver avant le début du traitement, qui aura donc moins de chance d'amener une guérison. La vie de cette personne risque d'être écourtée parce qu'elle n'a pas les moyens d'acquitter le prix élevé d'un traitement.

Le deuxième thème important, c'est que les compressions budgétaires imposées à l'assurance-maladie, qui sont directement imputables aux versements de péréquation du Canada pour la santé et les affaires sociales, ont pour effet d'augmenter les dépenses individuelles dues aux médicaments. Comme le comité ne va pas quitter Ottawa, peut-être n'entendrez-vous pas parler des effets de ces compressions sur la situation des Canadiens. Nous avons voulu exprimer le point de vue de la population d'Ottawa-Carleton, mais nous savons que les effets sont les mêmes dans l'ensemble de l'Ontario, et que d'autres provinces sont touchées de la même façon.

Ces préoccupations sont particulièrement préoccupantes dans notre région, puisque nous avons déjà atteint la plus faible proportion de jours-patient de la province, avant même les plus récentes suppressions de lits. En outre, il est difficile d'évaluer les effets de la proposition provinciale annoncée récemment, selon laquelle le régime de gratuité des médicaments de l'Ontario va être délégué aux municipalités et son coût sera réparti par moitié entre les autorités provinciales et municipales.

Les patients doivent attendre plus longtemps avant d'être accueillis dans un service de soins chroniques et pendant qu'ils sont sur les listes d'attente, certains doivent payer leurs médicaments eux-mêmes. En janvier de cette année, 25 p. 100 des personnes inscrites sur les listes d'attente d'Ottawa-Carleton n'avaient pas de régime de gratuité des médicaments. Une fois qu'elles sont accueillies dans un tel service, les coûts des médicaments sont pris en charge par l'assurance-maladie. Mais pendant qu'elles attendent, elles doivent payer leurs médicaments de leur poche.

Les hôpitaux renvoient rapidement les patients chez eux, par le recours à la chirurgie d'un jour ou au congé anticipé. Ce raccourcissement des hospitalisations est parfois dû aux progrès de la médecine, mais dans d'autres cas, il est imputable aux compressions du budget provincial de la santé. L'assurance-maladie ne prend en charge que le coût des médicaments fournis aux patients hospitalisés. Ainsi, plus l'hospitalisation est courte, plus le coût sera élevé pour le patient. Dans certains cas, l'impossibilité, pour le patient, d'acquitter le prix d'un traitement post-opératoire a eu de graves conséquences, comme la réhospitalisation, le patient étant plus malade à la fin qu'au début.

Un autre thème récurrent est celui du manque d'accès à un régime de gratuité des médicaments pour les travailleurs des couches intermédiaires et inférieures de la société canadienne. D'après le document rédigé par les ministères de l'Industrie et de la Santé dans le cadre de cette étude, 12 p. 100 des Canadiens ne bénéficient d'aucun régime de gratuité des médicaments. Cependant, d'après d'autres sources, ce chiffre serait beaucoup plus élevé.

En outre, les personnes à revenu élevé peuvent se doter de régimes privés, tandis que les moins fortunés ont accès au régime provincial. Mais ceux qui travaillent à temps partiel pour un petit employeur ou ceux qui occupent un «petit boulot» n'ont généralement pas accès à un régime de gratuité des médicaments. Votre document indique qu'un peu moins de 7 p. 100 des Canadiens relèvent de cette catégorie, ce qui signifie qu'au moins deux millions de travailleurs canadiens doivent payer les médicaments de leur poche.

Tous les Canadiens devraient avoir accès à un régime d'assurance-maladie qui leur permette de se faire soigner lorsqu'ils en ont besoin. L'accessibilité ne doit pas être assujettie aux moyens financiers. Les thérapies indispensables au plan médical, notamment les médicaments d'ordonnance, font partie intégrante d'un système complet de soins de santé. On peut donc considérer que les prix élevés des médicaments portent atteinte aux cinq principes de l'assurance-maladie. Le Forum national sur la santé a récemment recommandé d'inclure la gratuité des médicaments à l'assurance-maladie et de réexaminer les réductions de financement imposées aux provinces dans le cadre des transferts en matière de santé et de services sociaux.

Le ministre de l'Industrie John Manley a déclaré en introduction que la politique canadienne en matière de médicaments avait notamment pour objectif d'assurer la disponibilité des médicaments brevetés à des prix non excessifs. Lorsqu'un médicament est vendu à un prix tel qu'il n'est pas accessible à des milliers de Canadiens à revenu faible ou moyen, ce prix est excessif et devrait être plafonné au niveau actuel jusqu'à la mise en place d'un programme national de gratuité des médicaments.

.1200

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Arbour, pour cet exposé très explicite.

Je donne maintenant la parole à Donald Baird, de la Community Coalition on Health Care.

Soyez le bienvenu, monsieur.

M. Donald Baird (président, Community Coalition on Health Care): Merci. C'est Debbie Ferguson qui a rédigé notre mémoire. Si vous voulez bien, elle va participer à l'exposé.

Le président: Certainement.

Soyez la bienvenue, madame Ferguson.

Mme Debbie Ferguson (membre, Community Coalition on Health Care): Merci.

La Community Coalition on Health Care est un comité formé de personnes et d'organismes, d'utilisateurs et de fournisseurs de services sociaux et de services de santé dans la collectivité de Notre-Dame-de-Grâces. Les organismes représentés au sein de la coalition travaillent auprès de divers éléments de la collectivité, notamment les personnes âgées, les jeunes et les pauvres. La coalition a pour mandat d'évaluer les besoins existants et nouveaux de la collectivité en matière de soins de santé et de faire des recommandations aux gouvernements et aux fournisseurs de soins de santé.

En tant qu'organisme chargé d'évaluer la politique de la santé et de faire des recommandations aux autorités en fonction des besoins des résidants de Notre-Dame-de-Grâce, notre coalition se doit d'exprimer son opposition fondamentale à l'encontre du projet de loi C-91. Comme nous le verrons en détail dans un moment, ce projet de loi ne met pas l'accent sur ce que devrait viser toute réglementation du domaine de la santé proposée par le gouvernement canadien, à savoir l'accès à la santé pour tous les Canadiens.

M. Baird: Le gouvernement fédéral promet, face à l'adoption du projet de loi C-91, de soutenir le développement de l'industrie pharmaceutique au Canada, de faire en sorte que les médicaments brevetés soient disponibles à des prix non abusifs et d'assurer le respect des obligations internationales du Canada. Nous voudrions faire à ce propos les commentaires suivants.

Le projet de loi C-22 obligeait les compagnies pharmaceutiques à consacrer au moins 10 p. 100 de leur chiffre d'affaires à la R-D. Nous estimons que le projet de loi C-91 ne comporte aucune exigence explicite en matière de R-D.

Le gouvernement prétend que la protection par les brevets permet d'attirer les fonds nécessaires à la R-D; cependant, une étude réalisée par l'industrie pharmaceutique canadienne établit que le régime fiscal canadien est le plus généreux du monde industrialisé pour la R-D. À notre avis, c'est un incitatif suffisant pour l'industrie pharmaceutique.

En ce qui concerne la disponibilité des médicaments à des prix non abusifs, nous nous prononçons sur la situation qui prévaut au Québec, où le gouvernement provincial a pris des mesures pour assurer un accès universel aux médicaments. Malheureusement, les personnes à faible revenu n'ont souvent pas les moyens d'acquitter le minimum requis pour avoir droit à des médicaments gratuits. Il s'agit d'un forfait de 25 $ et d'un montant d'assurance correspondant à 25 p. 100 du coût du médicament, le tout pouvant atteindre 187 $ par trimestre. Auparavant, les assistés sociaux et les retraités n'avaient pas à acquitter de tels montants.

En ce qui concerne le respect des obligations internationales du Canada, nous savons que d'autres pays imposent une période de 20 ans de protection par les brevets. Cependant, le gouvernement fédéral a joué un rôle de leader dans les négociations commerciales internationales, essayant toujours de faire prévaloir la raison. Notre coalition estime qu'il est possible de faire valoir les intérêts des Canadiens dans les négociations sur le commerce international, à condition qu'il existe une volonté politique en ce sens.

Mme Ferguson: Nous avons également fait quelques recommandations.

Le gouvernement fédéral affirme que le projet de loi C-91 va favoriser l'appui au développement de l'industrie pharmaceutique au Canada, qu'il va assurer la disponibilité des médicaments brevetés à des prix non abusifs et qu'il va assurer le respect des obligations internationales du Canada. Nous estimons que le gouvernement devrait accorder la priorité à la suppression de tout obstacle financier à l'accès aux médicaments pour tous les Canadiens, et veiller à ce que les compagnies pharmaceutiques continuent à développer leur industrie au Canada en faisant de la création d'emplois et du financement des travaux novateurs de recherche et de développement un élément fondamental de la réglementation de la concurrence - tout cela figurait du reste, explicitement dans le projet de loi C-22, comme l'a indiqué Don. Nous estimons que le gouvernement devrait faire pression auprès des organismes internationaux pour qu'ils se conforment à des politiques correspondant aux intérêts des Canadiens.

.1205

Nous pensons également qu'il convient de maintenir l'orientation actuelle de la politique de santé sur la prévention.

Nous considérons que les régimes publics de gratuité des médicaments devraient comprendre le financement de thérapeutiques de remplacement comme l'homéopathie, qui a prouvé son efficacité dans le contrôle de la prévention de certains problèmes.

Nous reconnaissons avec le Forum national sur la santé que les médicaments gratuits ne devraient pas être réservés aux patients hospitalisés ou en institution. Il faudrait étendre la prise en charge des frais de médicaments de façon à y inclure tous les Canadiens.

Nous reconnaissons avec les auteurs du budget fantôme que le gouvernement devrait établir un fonds national de la santé comprenant un régime national de gratuité des médicaments.

En contrepartie de leur monopole, les multinationales pharmaceutiques devraient être obligées de contribuer à un fonds qui assurerait l'accès aux médicaments pour tous les Canadiens.

Le projet de loi C-91 élargit le mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, ou CEPMB, mais nous estimons qu'il faudrait créer un organisme communautaire composé des gouvernements, des compagnies pharmaceutiques, des travailleurs communautaires et des citoyens, semblable au CRTC, qui serait chargé de surveiller les coûts de commercialisation des médicaments, leur utilisation, etc. Un tel organisme pourrait représenter les intérêts des Canadiens. Il serait habilité à imposer des pénalités et des restrictions aux compagnies qui ne se conforment pas aux prix fixés et aux normes.

Nous croyons également que les prix des médicaments doivent être fondés sur les coûts véritables de recherche, de développement et de production.

Enfin, nous recommandons que le processus de détermination du prix des médicaments soit ouvert au public. Les médecins et leurs patients doivent être en mesure de choisir les meilleurs médicaments non seulement en évaluant leur efficacité mais aussi en comparant leurs prix.

En 1995, on a introduit en Colombie-Britannique un système de prix fondé sur l'efficacité avérée. Le système aurait permis au gouvernement d'économiser 21 millions de dollars durant les 10 premiers mois de sa mise en application. Nous estimons qu'on devrait adopter une politique similaire à l'échelle nationale.

Le président: Merci beaucoup. Les bonnes idées que vous proposez au comité sont nombreuses.

Je passe maintenant à

[Français]

M. Claude St-Georges de la Coalition Solidarité-Santé de Montréal. Bienvenue.

M. Claude St-Georges (Coalition Solidarité-Santé (Montréal)): La Coalition Solidarité-Santé existe depuis 1991. Il s'agit d'une vaste coalition qui regroupe des organisations de consommateurs et d'aînés, des organismes communautaires et des organisations syndicales.

Nous nous consacrons à la défense et à la promotion d'un système public de santé universel, accessible, de qualité et gratuit. Nous sommes aussi intervenus devant le comité sénatorial, au moment de l'étude du projet de loi C-91, pour nous opposer au prolongement de la durée des brevets pharmaceutiques, contrairement à beaucoup d'organismes québécois qui, à l'époque, avaient appuyé l'adoption du projet de loi C-91.

L'étude par votre comité de la Loi sur les brevets pharmaceutiques survient à un moment crucial dans l'histoire de notre système de santé. Il y a 10 ans, la majorité des citoyens approuvaient facilement, dans les sondages, l'idée que nous avions probablement le meilleur système au monde. Aujourd'hui, les mêmes sondages nous disent que les gens ont beaucoup de doutes quant à la qualité de notre service et à son avenir.

On peut faire des parallèles entre le Québec les autres provinces. On a assisté au cours des dernières années à des coupures dramatiques dans notre système de santé. Au Québec, c'est plus de 1 milliard de dollars en deux ans. Dans l'ensemble du système de santé, on assistera probablement à des réductions de 8 p. 100, ce qui aura pour effet de mettre à pied 13 000 équivalents temps plein. Si y on ajoute les personnes travaillant à temps partiel, il y aura peut-être de 20 000 à 25 000 personnes qui n'auront plus d'emploi dans le système de santé au Québec.

Au Québec, on observe deux grandes causes importantes du démembrement progressif de notre système de santé. D'abord, il y a la réduction des transferts fédéraux. En 1986, le système de santé au Québec était financé à 42 p. 100 par les transferts fédéraux. Aujourd'hui, ce n'est plus que 30 p. 100. Cette diminution est l'équivalent des compressions qu'on a vécues au cours des deux dernières années.

.1210

Par ailleurs, et j'en arrive au sujet étudié par le comité, la croissance du coût des médicaments met une pression importante sur le système de santé au Québec et je suis persuadé que c'est la même chose dans les autres provinces.

Pour vous donner une illustration, au cours des deux dernières années, au Québec, il y a eu des coupures de 80 millions de dollars dans les hôpitaux, les CLSC, les centres communautaires de santé et les centres pour handicapés.

Au cours des deux mêmes années, les paiements aux médecins ont augmenté de 78 millions de dollars et les paiements pour les médicaments dans le système ont augmenté de 100 millions de dollars. Donc, on voit qu'il y a eu un déplacement progressif des dépenses de santé vers la rémunération des médecins et les coûts accrus des médicaments. Cela se traduit par des diminutions de services. Comme on a des budgets fermés, ce qu'on dépense en médicaments, on ne le dépense plus pour les soins infirmiers, les soins à domicile, les soins aux handicapés ou la santé mentale.

De façon très générale, notre coalition appuie les points de vue qui ont été énoncés par la Coalition canadienne de la santé, avec laquelle nous avons d'excellents rapports. Nous sommes aussi très intéressés par les conclusions du rapport du Forum national sur la santé.

Plusieurs ont parlé aujourd'hui de notre nouveau système québécois d'assurance accessible à tous, mais qui comporte des paiements importants pour les usagers, particulièrement les personnes assistées sociales et les aînés. Le Forum national proposait que les provinces adoptent des systèmes à payeur unique, sans frais pour les usagers. Ce serait la façon la plus économique et la meilleure de rendre accessibles les médicaments indispensables. En somme, nous appuyons la proposition voulant que les médicaments fassent partie d'un régime universel.

Quant à la question de la protection et de la recherche, je pense qu'on doit faire des choix. Doit-on protéger une industrie de 5 200 emplois de la région de Montréal, alors qu'il y a dans la même région 90 000 personnes qui travaillent dans le secteur de la santé? Il y aura probablement 10 000 pertes d'emplois dans le système de santé à Montréal. Pour préserver quelques centaines d'emplois dans l'industrie, ce qui est loin d'être sûr, on accepte d'en sacrifier des milliers dans le domaine des soins de santé.

Pour toutes ces raisons, nous sommes en faveur des grandes propositions du Forum national de la santé sur la création d'un fonds national de recherche.

En conclusion, je voudrais vous livrer un point de vue qui a été émis par le Dr Pierre Biron, un spécialiste en pharmacologie de l'Université de Montréal, qui dit que la vraie recherche fondamentale, désintéressée, tournée vers l'acquisition de connaissances nouvelles et propulsée par la liberté de penser et de poser des vraies questions est en déclin.

Donc, la recherche fondamentale, dans le contexte actuel, est en déclin, d'autant plus que les gouvernements la soutiennent de moins en moins.

On voit par contre augmenter la recherche donnée en sous-traitance, qui est bien faite, mais ciblée, privée et secrète. Cela soulève toutes sortes de problèmes d'éthique, de formation des étudiants, de pressions possibles quand vient le moment de publier les résultats. Qu'adviendra-t-il de l'esprit et de la liberté universitaires quand plus de la moitié des chercheurs trouveront leur financement uniquement auprès de commanditaires uniquement intéressés par les résultats de leur recherche?

Nous sommes une voix de plus qui soutient l'idée d'un fonds national. Quant à toutes les positions du Forum national de la santé et de la Coalition canadienne de la santé, nous les voyons dans la perspective d'un profond respect des juridictions provinciales. Nous pensons qu'il est possible d'adopter des normes et des principes au plan national tout en respectant les juridictions telles qu'elles existent dans le système de santé.

Le président: Merci beaucoup. Votre présentation est très importante pour nous.

[Traduction]

Le prochain témoin est le Dr Brill-Edwards de l'Alliance for Public Accountability.

Je crois que vous êtes membre du comité consultatif.

Dr Michele Brill-Edwards (membre, Conseil consultatif, Alliance for Public Accountability): C'est exact.

.1215

Je suis médecin, spécialiste du développement de médicaments et experte en matière de réglementation pharmaceutique canadienne. Je représente aujourd'hui l'Alliance for Public Accountability, un groupe de défense de l'intérêt public, sans but lucratif et nouvellement formé, qui préconise des normes rigoureuses de responsabilité pour toutes décisions ayant des répercussions importantes sur le public.

Nous sommes ici pour mettre le comité en garde contre les répercussions du droit des brevets sur la sécurité des médicaments et pour recommander trois changements, trois engagements que le comité souhaitera peut-être prendre pour contrer un peu le déséquilibre qui d'après nous, résulte de la législation visant les brevets.

Quels sont les effets de cette législation sur la sécurité des médicaments? La course effrénée au profit qui caractérise tout monopole exclusif de 20 ans visant un produit engendre des forces commerciales et politiques d'envergure qui entravent de façon significative une évaluation honnête et complète de la sécurité des produits pharmaceutiques, une telle évaluation étant exigée aux termes de la loi canadienne visant la protection des citoyens canadiens qui utilisent de tels produits.

Bref, le souci de rentabilité est souvent en conflit avec celui de la sécurité, surtout à court et moyen termes.

Compte tenu d'enjeux très considérables sur le plan financier, l'industrie pharmaceutique dans son ensemble est incitée à précipiter le processus d'évaluation des médicaments, aussi bien avant l'étape de mise en marché que par la suite, de manière à limiter l'intervention des organismes de réglementation en raison de nouveaux risques pour la santé.

Aspect encore plus grave, la perspective de bénéfices se chiffrant dans les milliards de dollars incite parfois de façon pratiquement incontournable - en fait incontournable - certaines entreprises, à un moment donné, à chercher à inciter les organismes de réglementation et leurs maîtres politiques à ne pas prendre toutes les précautions en matière de sécurité, à minimiser les risques reliés à leurs produits, de manière à pouvoir plus facilement avoir accès à un marché donné le plus tôt et le plus complètement possible.

Les allégations que je viens de formuler sont graves. Je les fais néanmoins et je suis prête à les étayer.

Est-ce ainsi que l'on devrait faire les choses au Canada? Non. Les droits afférents aux brevets ne sont pas les seuls droits prévus dans la Loi canadienne en matière de commercialisation des médicaments. D'autres droits importants existent - notamment le droits des citoyens à la sécurité. Les citoyens ont le droit de savoir que, avant qu'un médicament ne soit mis en marché au Canada, on a pris soin de veiller à ce que ce médicament ne puisse faire du tort à la population, dans la mesure où le danger découlant de l'utilisation du médicament est évitable. Les citoyens ont également le droit de se faire prescrire des médicaments par des médecins qui prennent leurs décisions en pleine connaissance de cause, notamment pour ce qui et de la sécurité du produit.

L'équilibre nécessaire entre les droits afférents aux brevets et le droit à la sécurité est compromis par toute mesure législative visant les brevets qui mettent l'accent sur la rentabilité. En réalité, la loi exige que le droit à la sécurité des citoyens soit prioritaire.

La Loi sur les brevets stipule très clairement qu'aucun avantage ne peut découler d'une droit de brevet tant que le médicament n'a pas été mis en marché, et que le médicament ne peut être mis en marché tant que n'auront pas été respectées les exigences en matière de sécurité de la Loi sur les aliments et drogues, entre autres choses. Par ailleurs aucun médicament ne peut continuer à être commercialisé sans que ne soient divulgués et évalués en permanence les renseignements sur sa sécurité.

On doit alors de demander, s'il est vrai que le droit à la sécurité est prépondérant par rapport au droit attaché aux brevets et au droit à la rentabilité, en quoi il y a problème.

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Un problème existe du fait que, en pratique, après deux décennies de déréglementation, nos régimes de réglementation qui visent la validation des renseignements sur les médicaments ne sont plus en mesure de protéger comme il se doit les intérêts des Canadiens et de déterminer la validité de l'information sur l'innocuité des médicaments.

Il faut se demander si l'on peut compter sur le milieu médical dont il a été question ce matin pour prendre la relève. Si les organismes de réglementation sont démoralisés, déprofessionnalisés et sur le point d'être désinstitutionnalisés, une autre collectivité, celle de la recherche médicale, est-elle en mesure de prendre la relève? En bref, il faut bien dire que non. Comme nous avons pu le constater ce matin, le milieu médical est tout aussi inféodé à l'impératif de la rentabilité que ne le sont les organes de réglementation et leurs maîtres politiques.

Dans le mémoire nous avons donné deux exemples - et il y en a bien d'autres - de cas où certains produits n'ont pas fait l'objet des précautions voulues dans le cadre du processus d'approbation des médicaments en vigueur à l'heure actuelle, le processus d'évaluation des risques pour la santé qui relève de la Direction générale pour la protection de la santé de Santé Canada.

Le président: Ces renseignements ont été versés au procès-verbal. Pourriez-vous maintenant passer à vos recommandations. Nous sommes impatients de les connaître pour bien comprendre quels sont d'après vous, les enjeux clés du débat.

Dr Brill-Edwards: Tout à fait. Permettez-moi tout simplement de dire que les deux exemples portent sur des situations où le Canada permet la commercialisation de médicaments qui coûtent des millions de dollars mais qui présentent des dangers pour la santé et la sécurité qui n'ont pas été définis comme il se doit.

Nous recommandons que le comité rétablisse l'équilibre entre les droits afférents aux brevets et le souci de la rentabilité dans le secteur pharmaceutique d'une part et, d'autre part, le droit à la sécurité de la population. À cet égard, nous recommandons trois mesures au comité.

Tout d'abord, il y a lieu d'enquêter sur l'indifférence manifestée par la Direction générale de protection de la santé, à l'heure actuelle, pour la sécurité des Canadiens, comme le stipule la Loi sur les aliments et drogues. Les exemples cités dans le mémoire sont pertinents à cet égard. Le ministre de la Santé a convenu publiquement en octobre 1996 de la nécessité d'une telle enquête. Il en avait même convenu plus tôt à la Chambre. Sa réponse au sujet de l'un des scandales, a induit la Chambre en erreur. Je suis tout à fait disposée à vous en dire davantage là-dessus.

Nous demandons au comité de rétablir l'équilibre en faisant enquête au sujet de l'insuffisance des examens visant la sécurité des médicaments à l'heure actuelle.

En deuxième lieu, il convient de mettre sur pied un mécanisme qui permettra un examen continu de l'organe de réglementation affaibli qui devra agir dans l'intérêt public mais qui ne le fait pas.

En troisième lieu, le comité doit recommander des mesures qui vont mettre fin au secret qui caractérise les renseignements médicaux critiques visant les nouveaux médicaments. Il s'agit là d'un problème qui déforme tout le processus. Si la question du secret n'est pas traitée comme il se doit, aucune des autres recommandations ne peut avoir vraiment d'utilité.

Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie d'avoir soumis ces trois recommandations au comité.

Notre dernier témoin est Maude Barlow du Conseil pour les Canadiens.

Bienvenue, Maude.

Mme Maude Barlow (présidente nationale bénévole, Conseil pour les Canadiens): Merci beaucoup. Je suis accompagnée de Peter Bleyer, notre directeur exécutif, et de Brent Thompson, qui a rédigé notre mémoire.

Le Conseil pour les Canadiens est un organisme national indépendant, sans but lucratif et sans affiliation politique. Nous comptons plus de 75 000 membres à l'heure actuelle. Je suis ici aujourd'hui pour exprimer les inquiétudes de nos membres au sujet des effets qu'a eus et que continue d'avoir le projet de loi C-91 sur les services de santé et les prix des médicaments au Canada.

Nous estimons que cette mesure législative, que nous ont imposé nos engagements en matière de libre-échange, a pour effet d'appauvrir les Canadiens et le régime de santé publique tout en enrichissant les sociétés pharmaceutiques transnationales.

En rétrospective, nous pouvons dire que nous avions raison d'être inquiets il y a cinq ans. Il importe de revenir en arrière pour ne pas oublier comment s'est déroulé le débat à l'époque. Dans le cadre du débat entourant l'adoption du projet de loi C-91, le gouvernement rappelait régulièrement aux Canadiens que la mesure était nécessaire pour que le Canada respecte ses obligations aux termes de l'ALENA et, plus tard, comme membre de l'Organisation mondiale du commerce.

.1225

En réalité, c'est à cause de l'influence du puissant lobby pharmaceutique que les droits de propriété intellectuelle ont été consacrés dans ces ententes commerciales. Aux États-Unis, le lobby pharmaceutique était tout à fait conscient des énormes avantages financiers qui résulteraient de la protection des droits de brevet dans les accords commerciaux internationaux. Le secteur pharmaceutique s'est associé aux secteurs de l'informatique et de l'information pour créer le comité de la propriété intellectuelle, un lobby qui a exercé une influence considérable sur les négociateurs commerciaux américains.

Au Canada, l'Association canadienne de l'industrie du médicament a fait valoir auprès du gouvernement canadien les mêmes arguments. À la suite de ces démarches les dispositions relatives à la propriété intellectuelle ont été incluses dans l'ALENA et dans l'Accord du GATT, ainsi que l'adoption du projet de loi C-91 au Canada.

Dans le cas qui nous intéresse, l'enjeu fondamental est celui de la démocratie. Des sociétés pharmaceutiques transnationales ont pu, par le passé, sous le gouvernement antérieur dicter au Canada sa politique en matière de médicaments, et elles continuent de le faire jusqu'à ce jour. Or, il est nécessaire aujourd'hui, selon nous, de tenir une discussion franche et ouverte pour déterminer qui énonce les règles.

Au moment de son dépôt, le projet de loi C-91 a suscité une assez forte réaction publique du fait qu'on s'inquiétait de ses répercussions sur les prix des médicaments. À l'époque, le Parti libéral avait condamné la mesure, tout comme des groupes de personnes âgées, des groupes de femmes, des organisations de lutte contre la pauvreté, des étudiants et des Églises.

Tout comme bon nombre d'autres Canadiens, ces opposants reconnaissaient que le projet de loi risquait de faire monter en flèche le prix des médicaments, de faire grimper les bénéfices des sociétés pharmaceutiques transnationales tout en appauvrissant les Canadiens ordinaires et notre régime de soins de santé.

Permettez-moi de citer ici l'honorable Lloyd Axworthy, qui prenait la parole à la Chambre le 31 mars 1993:

Nous tenons à vous dire aujourd'hui à quel point nous sommes inquiets de constater que certains des principaux ministres du cabinet libéral, notamment le ministre de la Santé et le ministre de l'Industrie, laissent entendre que nous sommes devant un fait accompli et que nous n'avons pas le choix.

Puisque nous avons signé l'Accord de libre-échange nord- américain et l'Accord du GATT et puisque nous faisons partie de l'Organisation mondiale du commerce, nous sommes désormais devant une obligation. Or, pour nous, une telle position est doublement néfaste pour les Canadiens.

Lorsque les Libéraux étaient dans l'opposition, ils ne se gênaient pas pour dire ce qu'ils pensaient du libre-échange. Or, aujourd'hui, ils s'affairent à élargir l'ALENA pour qu'il englobe le Chili et les pays de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, à favoriser des accords multilatéraux d'investissement entre pays de l'OCDE et de l'OMC et à favoriser des mesures de libéralisation du commerce avec l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, que nous allons accueillir cette année.

Selon moi, le Canada favorise la plus néfaste des mesures législatives mondialistes jamais imaginée, soit celle qui vise l'Accord multilatéral sur les investissements, une mesure qui nous empêchera de revenir sur des questions comme celles dont nous parlons aujourd'hui. La proposition sera soumise à l'OCDE au mois de mai.

Nous n'allons pas revenir sur les promesses de création d'emploi qui, pour l'essentiel, n'ont pas été tenues. Nous voulons surtout faire valoir notre position, que nous avons élaborée de concert avec d'autres organisations.

Nous vous invitons essentiellement à soutenir la Coalition de la santé du Canada, dont nous faisons partie et dont le plan en cinq points est répété dans notre mémoire.

Voici les deux premières propositions. Tout d'abord, créer - comme bon nombre de groupes qui ont comparu l'ont proposé - un régime national, universel d'assurance-médicaments. Deuxièmement, faire en sorte que les produits génériques soient mis en marché rapidement en autorisant l'homologation obligatoire après quatre ans de protection d'exclusivité par brevet.

Cependant, en plus de cette recommandation, le Conseil pour les Canadiens incite les Canadiens et le gouvernement du Canada à s'interroger en toute lucidité sur le fait que nous faisons la promotion d'accords de libre-échange qui empêchent les gouvernements d'agir au nom de leurs citoyens.

Les gouvernements du Canada n'agissent plus au nom des citoyens mais bien des sociétés transnationales. C'est ce vers quoi nous nous dirigeons à très brève échéance dans le cadre des prochaines rondes de discussion relatives à l'OCDE, à l'ALENA, à l'Accord multilatéral sur les investissements et à l'Organisation mondiale du commerce.

Nous devons comprendre que nous ne pouvons pas aspirer à la maîtrise de l'activité industrielle au Canada tout en signant des accords par lesquels nous nous engageons à ne pas agir de telle ou telle façon dans aucune circonstance. En réalité, l'accord multilatéral sur les investissements donnerait aux sociétés pharmaceutiques transnationales le droit de poursuivre notre gouvernement s'il prend une initiative qui va à l'encontre de leurs droits d'investir sans entrave comme bon leur semble.

Au-delà des inquiétudes et des bons sentiments des membres de votre comité, il nous faut comprendre que certaines forces très puissantes sont à l'oeuvre. Les gouvernements actuels ne semblent pas disposés à agir à l'encontre de certains intérêts puissants et nous sommes donc ici pour manifester de graves inquiétudes au nom de nos 75 000 membres.

.1230

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à la partie intéressante, celle où nous revenons sur certaines de vos idées et nous permettons aux membres du comité d'obtenir certaines précisions, de poser des questions, et de faire en sorte qu'ils comprennent bien vos points de vue. Ils vont, eux aussi, vous livrer certaines réflexions.

[Français]

Monsieur Brien.

M. Pierre Brien: Merci à vous tous pour votre participation à nos travaux.

L'objectif de votre présentation est d'assurer un accès aux médicaments, particulièrement aux clientèles plus démunies de notre société. Je pense que tout le monde peut s'entendre sur les objectifs. Évidemment, il peut y avoir des divergences sur les moyens.

J'ai entendu dire à plusieurs reprises qu'il fallait avoir le plus possible de recherche fondamentale et des médicaments peu coûteux mais de qualité. La situation de l'emploi doit aussi être prise en considération. Vous êtes aussi unanimes à dire qu'il faut réduire la portée actuelle des brevets.

J'aimerais clarifier une chose avec vous avant d'aller plus loin. Vous avez parlé notamment de la situation au Québec et la pression exercée par le projet de loi C-91 sur les coûts de la santé. Vers la fin, vous avez fait une allusion ou une comparaison qui, à la limite, pourrait frôler la démagogie. Je suis sûr que ce n'était pas votre intention et c'est pour cela que je veux vous donner une chance de préciser ce que vous avez dit.

Vous avez dit que maintenir C-91 aurait pour effet de protéger quelques centaines d'emplois au maximum, mais d'en faire perdre environ 10 000 par ailleurs. Plus tôt dans votre présentation, vous aviez dit que les diminutions de 1 milliard de dollars du budget québécois de la santé étaient le le résultat de la réduction des paiements de transferts et de l'augmentation de 100 millions de dollars du coûts des médicaments. Comment le coût des médicaments, qui représente à peu près 10 p. 100 de l'ensemble des coupures, peut-il à lui seul être responsable de toutes ces pertes d'emplois?

M. St-Georges: J'avais bien indiqué au début de mon exposé que le facteur principal de la situation au Québec était la baisse des transferts fédéraux et la lutte contre le déficit au Québec. On est en désaccord sur les choix qui sont faits par le gouvernement du Québec.

Toutefois, la croissance du coût des médicaments est un facteur très important. Je parle de 100 millions de dollars en deux ans, mais pour sept ou huit ans, il s'agira peut-être de 200 ou 300 millions de dollars de dépenses supplémentaires pour les médicaments, qui sont dans une trajectoire inflationniste beaucoup plus marquée que les autres dépenses en santé. On peut dire, par exemple, que 100 millions de dollars peuvent facilement représenter 1 500 emplois dans le réseau. Je ne fais pas évidemment de relation directe, mais dans un budget constant, augmenter constamment la facture des médicaments aura nécessairement des effets sur les autres parties du système. Tout le monde reconnaît cela.

M. Pierre Brien: Allons-y de façon plus spécifique, parce que je veux essayer d'isoler l'effet de C-91 dans tout cela.

On parle d'augmentation du coût des médicaments dans le budget de la santé. J'aimerais que vous me donniez les différents facteurs parce que, selon moi, il peut y en avoir plusieurs. On peut parler de l'impact de l'arrivée de nouveaux médicaments brevetés qui sont en situation de monopole sur le marché et dont le prix est par conséquent élevé. Il peut y avoir les habitudes de consommation des citoyens. Il peut y avoir le vieillissement de la population. De plus, il n'y a a pas seulement les médicaments brevetés, mais aussi tous les médicaments non brevetés. Il faut peut-être aussi prendre en considération ce facteur quand on veut expliquer l'augmentation des coûts. Donc, pour moi, il y a plusieurs variables et le projet de loi C-91 n'en est qu'une.

M. St-Georges: Je suis parfaitement d'accord sur cela, et c'est pour cela qu'on appuie le Forum national quand il dit qu'il devrait y avoir une politique globale du médicament qui prenne en considération à la fois les coûts d'achat des médicaments ainsi que l'ensemble des facteurs de mise en marché comme les achats regroupés et la gestion du système par l'État, par les provinces, plutôt que d'avoir un système éclaté. Un tel système à payeur unique aurait un effet bénéfique sur la réduction des coûts et sur toute la question du comportement des médecins, qui donnent les ordonnances.

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Les aînés du Québec ont 30 ordonnances par année, et tout le monde sait que c'est trop. Le nombre d'ordonnances augmente constamment d'année en année. Ce n'est pas C-91 qui crée cela, bien sûr, mais il faut aborder toute la question des médicaments dans son ensemble et viser la réduction des coûts. La question des brevets est un élément parmi d'autres et il est très important.

M. Pierre Brien: Tout à l'heure, un témoin de la Communauté urbaine de Montréal, qui est aussi médecin, disait qu'il y a beaucoup de découvertes médicales, de médicaments qui permettent aujourd'hui d'éviter des traitements chirurgicaux.

Donc, les nouveaux médicaments, aussi coûteux soient-ils, sont souvent moins coûteux que des hospitalisations ou des interventions chirurgicales. Les nouveaux médicaments, qui nous apparaissent très coûteux, doivent être considérés comme des traitements médicaux alternatifs à ceux qui existaient auparavant. Donc, il peut arriver que ces médicaments entraînent une diminution des coûts du système de santé.

M. St-Georges: Je ne suis pas un expert de ces questions-là, mais il y a aussi des développements dans d'autres domaines de la science médicale. Par exemple, il y a de nouvelles interventions chirurgicales, que ce soit en orthopédie ou ailleurs. Les développements technologiques ne se font pas uniquement du côté des médicaments. Quand le médicament prend une part de plus en plus grande du budget, il diminue l'accès à d'autres technologies et aux soins à domicile, parce qu'on consacre trop d'argent à rembourser les médicaments.

M. Pierre Brien: Je vais poser une question à M. Alper, parce que je vois qu'il a envie de répondre à certaines questions que j'ai posées.

Vous avez mentionné l'impact de l'arrivée de l'assurance-médicaments au Québec chez certaines clientèles particulières, mais il y a quand même une clientèle pour qui cela a eu un impact très positif. Il y avait 1 million ou 1,1 million de personnes qui n'étaient pas assurables par le passé. On parle particulièrement des travailleurs à temps partiel, à faible salaire, à qui c'est maintenant accessible. Pour eux, c'est une amélioration significative. Je sais que cela a des conséquences pour deux clientèles qui auparavant n'avaient pas à débourser ce qu'elles déboursent maintenant: les gens qui vivent de l'assistance sociale et les personnes âgées.

Votre préoccupation est de servir ces clientèles. J'habitais Côte-des-Neiges il y a quelques années, lorsque je vivais à Montréal. Donc, je connais bien cette réalité. Est-ce qu'on ne pourrait pas l'atteindre autrement qu'en travaillant à réduire la portée des brevets? Est-ce qu'il n'y aurait pas une façon différente d'arriver à des solutions pour les clientèles que vous défendez? On pourrait avoir une solution d'ensemble aux problèmes, qui ne viserait pas nécessairement à réduire la portée des brevets.

M. Alper: Je ne suis pas un expert en brevets, mais ce qui est clair, c'est que le coût des médicaments est trop élevé. Pourquoi? On pense que c'est à cause de C-91. On est d'accord que l'introduction du régime d'assurance-médicaments québécois est un pas en avant pour certaines personnes, mais c'est une minorité infime de la population qui bénéficie de cette loi, vu les primes élevées, les franchises et la coassurance.

Vous parlez d'économies en termes d'hospitalisation. Un de mes collègues a été invité à siéger sur un comité qui avait été mis sur pied par le ministère de la Santé au Québec sur la problématique de la santé mentale. On reconnaît que les hospitalisations ont énormément augmenté à cause de l'assurance-médicaments. Ce comité-là voulait identifier un ou deux médicaments qu'on pourrait peut-être donner gratuitement aux gens ayant des problèmes de santé mentale graves pour éviter des coûts d'hospitalisation.

On sait que le gouvernement québécois a déjà changé ses règlements pour que les gens aient accès gratuitement aux médicaments pour soigner la tuberculose, mais qu'en est-il des gens qui sont atteints d'autres maladies graves ou terminales, comme le sida, le cancer, la fibrose kystique et j'en passe?

.1240

Donc, pour nous, l'objectif est d'assurer l'accès aux médicaments à tous les citoyens. Pour nous, il est clair que la Loi C-91 constitue un obstacle et qu'on doit trouver des moyens d'assurer cet accès aux citoyens.

J'aimerais passer la parole à l'une de mes collègues, une citoyenne du quartier qui vit ces problèmes-là.

[Traduction]

Mme Ruth Friedman (membre, projet Genèse): Je suis une personne âgée et je prends des médicaments parce que je suis cardiaque et que je souffre d'asthme. Je dois prendre de nombreux médicaments et mon médecin m'a bien dit que je dois tous les prendre. Cependant, il m'arrive parfois de ne pas avoir le choix puisque je suis retraitée et que mon revenu de retraite est plutôt maigre. J'ai travaillé toute ma vie durant pour pouvoir vivre en paix. Mon revenu de retraite me sert à payer mon loyer, à acheter de la nourriture et des vêtements, une paire de chaussures par exemple. Je ne sais pas si je devrais accorder la priorité aux médicaments, aux aliments, aux vêtements, aux chaussures pour l'hiver, ou à quoi encore.

Le mois dernier, je n'ai pas pris tous mes médicaments. Je suis passé à la pharmacie l'autre jour pour dire que j'allais prendre ceux qui me manquaient et le pharmacien me les a donnés. Il m'a dit que cela coûterait 24 $, mais que je devais prendre le reste des médicaments. Lorsque je lui ai répondu que je n'avais pas d'argent, il m'a fait confiance et m'a remis les médicaments. Il m'a dit que je devais prendre ces médicaments, sinon je risquais la crise cardiaque. Il m'a dit de revenir la semaine suivante. Je lui ai répondu que je repasserais lorsque j'aurais reçu mon chèque de pension.

Je suis bien à plaindre. Je n'ai pas l'argent qu'il faut pour acheter mes médicaments à la pharmacie. Le pharmacien me connaît bien puisque j'habite le quartier depuis 11 ans. Le fait de ne pas avoir ce qu'il faut pour le payer sans devoir me priver de nourriture me rend encore plus malade et déprimée que le fait de ne pas prendre de médicaments. Je préférerais avoir le choix de prendre ou de ne pas prendre de médicaments.

Voilà où nous en sommes. Voilà le choix que nous donne le gouvernement. Vous nous faites payer les médicaments. Pourquoi vous en prendre aux faibles, aux vieux et aux pauvres? Je ne suis pas pauvre. J'ai travaillé toute ma vie et je reçois une pension du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec. Par contre, si je dois dépenser la moitié de mon revenu en médicaments, qu'est-ce qu'il va me rester pour le loyer, la nourriture, les vêtements, le transport et ainsi de suite? J'aimerais bien que vous me donniez des conseils qui pourraient me guider dans la vie.

Le président: Merci. Voilà qui peut servir de rappel opportun à tout le monde.

Mme Friedman: Merci.

Le président: Monsieur Brien, est-ce que ça va pour le moment?

[Français]

M. Pierre Brien: Je reviendrai plus tard.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hill, je vous en prie.

M. Grant Hill: Docteur Brill-Edwards, vous n'avez pas mâché vos mots en disant que le ministre de la Santé avait induit les Canadiens en erreur. Auriez-vous l'obligeance de m'en dire davantage, s'il vous plaît?

Dr Brill-Edwards: Oui. Je parlais plus particulièrement des inhibiteurs du transfert de l'ion calcium, des médicaments qui servent à traiter à traiter l'angine, une douleur à la poitrine, et à réduire la tension artérielle. La controverse et le scandale à ce sujet ont fait beaucoup de bruit. Le public en a pris connaissance en 1996 grâce à une enquête des médias.

Le ministre a été mis en demeure de s'expliquer à la Chambre, en fait, par vous. Il vous a répondu qu'il ferait enquête. Il a dit à l'époque qu'il estimait qu'il était faux de prétendre que les évaluations entourant la nifedipine et la catégorie des médicaments inhibiteurs du transfert de l'ion calcium n'avait pas fait l'objet des précautions voulues.

En conséquence, on a mené une enquête au sein de la direction générale. Il ressort des dossiers que l'enquête était insuffisante. Elle a toutefois révélé qu'un conflit d'intérêts entachait gravement la décision du ministère de la Santé. Le ministre n'est pas venu à la Chambre pour donner des explications à ce sujet. Il a prié son sous-ministre de vous adresser une lettre comme député de l'opposition et également aux Canadiens qui avaient demandé de l'information à ce sujet.

.1245

Il était précisé très clairement dans cette lettre que, au moment où le médicament avait été mis en marché au début des années 80, les données à long terme sur son innocuité justifiaient la commercialisation. Voilà qui va à l'encontre de l'allégation. D'après le dossier confidentiel de la Direction générale de la protection de la santé, l'énoncé cité dans la lettre transmise aux députés de l'opposition ainsi qu'aux personnes intéressées provient d'une évaluation du médicament selon laquelle les données sur l'innocuité étaient relativement abondantes. La lettre du ministre n'en dit pas davantage.

Or, selon le dossier, ce sont les données en question qui justifient les inquiétudes. Le dossier décrit en détail les raisons pour lesquelles l'organisme de réglementation s'inquiétait du médicament au cours des années 80. Or, personne n'en a tenu compte durant une quinzaine d'années, même s'il devenait de plus en plus évident que des problèmes

Voilà qui, selon moi, est tout à fait inacceptable. Comme citoyen, je juge inacceptable qu'un ministre puisse dire des demi-vérités dans une lettre adressée à des citoyens et à des députés de l'opposition et qu'il puisse le faire en sachant que ses dires seront contestés puisque les dossiers sont confidentiels et que toute personne connaissant leur contenu risquerait de perdre son poste en le divulguant, d'être congédiée pour une raison valable, et que personne de l'extérieur n'a accès aux dossiers.

M. Grant Hill: Comment donc avez-vous mis la main sur le dossier?

Dr Brill-Edwards: À l'époque où le scandale pointait à l'horizon, en 1995, j'étais membre du Bureau des médicaments humains prescrits de la Direction générale de la protection de la santé. La question m'inquiétait à tel point que j'ai pris la peine de consulter à nouveau les anciens dossiers pour savoir dans quel contexte nous avions pris la décision à l'époque de permettre la commercialisation de cette catégorie de médicaments dangereux. Ayant pris connaissance de l'information contenue aux dossiers, j'en ai saisi mes collègues. Il m'a semblé très clair qu'il ne fallait pas soulever cette question.

J'ai finalement fait part de l'information au sous-ministre adjoint et au sous-ministre à l'occasion de ma démission du ministère, au moment où j'ai décidé que je ne pouvais plus continuer d'accepter ce qui était en train de se passer. J'en suis arrivée là après avoir été témoin de nombreux cas d'évaluation de médicaments ou on n'avait pas pris toutes les précautions qu'on aurait pu et qu'on aurait dû prendre conformément à la loi et dans l'intérêt public.

M. Grant Hill: C'est assez grave de prétendre que la Direction générale de la protection de la santé agit à l'encontre de l'intérêt public des Canadiens. Comment corriger la situation? Les sociétés pharmaceutiques ont intérêt à obtenir l'approbation le plus rapidement possible. Serait-il préférable que la période de protection du brevet commence à la date de l'approbation plutôt qu'à la date de la demande?

Dr Brill-Edwards: Dès lors, l'incitation à écourter le processus d'examen ne serait plus la même. Malheureusement, la situation internationale influe très lourdement sur le droit des brevets, de telle sorte que je ne puis vous dire si une proposition du genre aurait l'heur de plaire aux intérêts pharmaceutiques un peu partout dans le monde.

Mais nous pouvons tout au moins envisager la chose. Nous pouvons tout au moins en faire la proposition. Nous pouvons tout au moins reconnaître que le fait qu'un brevet de 20 ans ne commence à être rentable que lorsque le médicament est commercialisé - c'est-à-dire après des années d'évaluation qui ont écourté la durée du brevet - a un effet perturbateur sur l'examen méthodique concernant l'innocuité des médicaments.

M. Grant Hill: Merci.

J'aimerais maintenant m'adresser au Dr Khatter. Vous avez parlé du Béclométhazone, produit relativement peu coûteux administré par aérosol qui était devenu la norme. Or, le nouveau médicament que vous souhaiteriez prescrire, d'une façon générale est très coûteux. Comment pouvez-vous penser que ce nouveau produit pourrait arriver sur le marché s'il n'existait pas de mesures d'incitation à la recherche. Je vois difficilement comment l'innovation pourrait avoir lieu.

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Dr Khatter: Les fondations de recherche sur les maladies pulmonaires et sur l'asthme ainsi que les groupes sans but lucratif qui représentent la clientèle et qui pourraient être soutenus financièrement par le gouvernement et par les sociétés pharmaceutiques, sont certainement intéressés, tout comme le sont les clients et les consommateurs - à savoir les patients eux-mêmes - à ce que soient mis au point des médicaments nouveaux et meilleurs pour traiter ou guérir l'asthme.

Mon expérience comme chercheur en laboratoire, parfois dans un contexte universitaire, m'a appris que ce n'est pas nécessairement par souci de rentabilité que les chercheurs visent tout naturellement à obtenir les meilleurs résultats possibles dans l'intérêt public.

M. Grant Hill: Cela aurait-il pour effet de mettre un terme à toute recherche dans le secteur privé?

Dr Khatter: Comme les témoins qui m'ont précédé l'ont dit également je crois, le financement direct des chercheurs par les sociétés pharmaceutiques constitue un conflit d'intérêts.

D'après les enquêtes d'Industrie Canada auprès de chercheurs canadiens, 90 p. 100 d'entre eux ont déclaré qu'un conflit d'intérêts en puissance existe; 80 p. 100 d'entre eux ont reconnu qu'il s'agit de recherche sur des produits d'imitation et 40 p. 100 d'entre eux ont déclaré que s'ils n'aboutissent pas à des résultats éventuellement favorables, ils risquent des retards de publication.

En raison de ce conflit d'intérêts, il est nécessaire qu'un organisme indépendant veille à ce que la recherche corresponde aux vrais besoins, à ce que les résultats soient fiables et véridiques et à ce que l'étude de solution de pharmacothérapie bénéficie du soutien financier voulu.

Si ce sont de plus en plus les sociétés pharmaceutiques qui financent l'ensemble de la recherche visant les soins de santé, nous allons aboutir à une situation où les médicaments seront toujours plus nouveaux, toujours plus coûteux et toujours plus essentiels durant plus longtemps. Qui donc va financer les recherches qui permettront de prouver que de tels médicaments ne sont pas nécessaires, ou de développer des médicaments moins coûteux.

M. Grant Hill: Nous entendons souvent dire que les médecins ne s'informent pas au bon endroit. Pourtant, nous avons accès régulièrement à des journaux dont les articles sont révisés par des pairs. Ainsi obtenons-nous des mauvaises sources, les renseignements à partir desquels nous prescrivons de nouveaux médicaments?

Dr Khatter: Très certainement. C'était même le sujet de ma thèse de résidence, lorsque j'étais en formation. Les journaux qui bénéficient de l'examen des pairs existent effectivement, mais les médecins n'ont pas nécessairement le temps ou l'énergie voulus pour parcourir tous les nouveaux renseignements.

Par contre, le représentant pharmaceutique est toujours là lorsqu'on a besoin de lui. Il frappe à la porte, il fournit des renseignements - qui peuvent vous paraître objectifs et qui, incidemment, n'abordent jamais la question du prix. Or de tels renseignements proviennent d'une personne qui a naturellement un préjugé.

Je crois donc que les deux principales sources d'information, sont les représentants pharmaceutiques et les conférences, auxquelles les sociétés pharmaceutiques accordent généralement un bon soutien, et où circule en abondance le matériel publicitaire. Des études confirment que les ventes augmentent effectivement après de telles conférences. Il y a tout au moins des études qui établissent une corrélation entre les médecins qui ont tendance à se fier le plus à des sociétés pharmaceutiques et les médecins dont les pratiques peuvent être qualifiées d'irrationnelles en matière de prescription.

Wendy Muckle, qui m'accompagne et qui dirige le centre de la Côte de sable aura peut-être quelque chose à ajouter.

Mme Wendy Muckle (directrice, Services de santé, Centre de santé communautaire de la Côte de sable): Au départ, le Centre de santé avait comme politique de ne pas autoriser les visites des représentants pharmaceutiques. Nous voulions que les médecins obtiennent leurs renseignements au bon endroit. D'après nous, c'était la bonne manière de faire les choses.

Au fur et à mesure que les prix des médicaments augmentaient, une proportion de plus en plus grande de notre clientèle, n'avait plus les moyens de s'acheter des médicaments. Nous comptons de plus en plus sur les échantillons que nous fournissent les fabricants de médicaments. Sans ces échantillons, nos patients ne pourraient pas obtenir les médicaments dont ils ont besoin. Nous avons dû modifier notre politique du tout au tout.

Nous avons deux grands placards, au centre, où nous gardons des médicaments que nous pouvons donner à ceux qui ne peuvent les obtenir d'aucune autre façon. Nous venons tout juste d'acheter pour 10 000 $ de médicaments pour des Canadiens moyens, qui n'ont pas les moyens de se les payer eux-mêmes. Les autres scénarios sont inhumains, et ils sont aussi les plus coûteux. C'est le bon sens qui veut que nous agissions de la sorte.

Je suis tout à fait d'accord, avec Kapil pour dire que nous obtenons nos renseignements de la mauvaise source, et nous le savons. Je ne crois pas toutefois que nous ayons le choix vu notre situation actuelle.

M. Grant Hill: Merci.

Le président: Monsieur Murray.

M. Ian Murray: Merci, monsieur le président.

Je crois que nous avons perdu nos témoins du Conseil des Canadiens. Peut-être que je pourrais alors poser une question à M. Alter.

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Permettez-moi de dire tout d'abord, que, dans le cadre du débat qui se poursuit au sujet de la hausse du coût par opposition à la hausse du prix, vous attribuiez la hausse du coût au projet de loi C-91. Or, d'après les témoignages que nous avons reçus du CEPMB, depuis la loi C-91, le prix des médicaments de marque a ou bien augmenté très peu ou bien a même diminué certaines années, tandis que celui des médicaments génériques s'est accru de 3,2 p. 100 par an.

Première question, avez-vous confiance dans le CEPMB? Voilà essentiellement ce que j'essaye de savoir. Faites-vous confiance aux chiffres qu'il avance? Sinon, avez-vous une autre source que vous utilisez pour obtenir l'information en question?

M. Alper: Je le répète, je travaille comme animateur communautaire pour un organisme de quartier. Je n'ai aucune formation médicale. Je ne suis pas spécialiste de ces questions. Chose certaine, cependant, nous pouvons le voir nous-mêmes et on nous le répète chaque jour, les gens n'ont simplement pas les moyens de se payer les médicaments dont ils ont besoin; le prix de ces médicaments ne cesse d'augmenter. Depuis quelques années, d'après les chiffres que nous savons exacts... au Québec, la part du coût attribuable aux médicaments dans l'ensemble du budget des soins de santé, a augmenté de 23 p. 100 de 1990 à 1995, tandis que les dépenses au titre des hôpitaux et des CLSC n'a augmenté que de 3,4 p. 100.

Nous savons aussi que c'est au Québec que l'on prescrit le moins de médicaments génériques et une bonne part des médicaments qui sont payés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec sont des médicaments brevetés. Étant donné l'existence de la loi C-91, qui assure aux médicaments brevetés une protection de 20 ans et étant donné que les forces du marché n'entrent pas en ligne de compte, qu'elles ne semblent avoir aucune incidence sur le prix des médicaments, il nous apparaît très clairement que les fabricants demandent essentiellement le prix que, selon leur estimation, le marché est prêt à supporter. À nos yeux, il semble qu'il n'y ait absolument aucune réglementation du prix des médicaments brevetés.

M. Ian Murray: Je pourrais peut-être m'adresser maintenant à Mme Friedman. Nous avons tous beaucoup de compassion pour les circonstances difficiles que vous vivez. Vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre à cette question, mais je me demandais si vous saviez si les médicaments que vous prenez sont des médicaments de marque.

Mme Friedman: Oui, ils le sont.

M. Ian Murray: D'accord, merci.

Docteur Brill-Edwards, si je reviens à cette accusation très grave que vous avez portée contre la Direction générale de la protection de la santé, vous disiez qu'il en était ainsi à cause du désir de rentabilité des fabricants de médicaments. Cela vaut-il uniquement pour les fabricants de médicaments de marque, ou est-ce là une tendance qui se remarque dans l'ensemble du secteur, qu'il s'agisse de médicaments génériques ou de médicaments de marque?

Dr Brill-Edwards: Je crois que le souci de la rentabilité existe dans tous les secteurs de l'industrie, qu'il s'agisse de produits de marque ou de produits génériques. Le fait est que les fabricants de produits de marque ont depuis toujours la part de lion du marché, tandis que les fabricants de produits génériques n'ont eu jusqu'à maintenant qu'une influence assez modeste. Vous avez parfaitement raison de dire que le souci de la rentabilité motivera autant le fabricant de médicaments génériques que le fabricant de médicaments de marque.

Je vous ferais toutefois remarquer, en ce qui concerne notamment le lien à faire avec la loi C-91, bien souvent, la Direction générale de la protection de la santé n'intervient pas comme elle devrait aux termes de la loi pour éliminer les risques pour la santé en raison justement de considérations relatives aux brevets.

Il y a, par exemple, la question de la nifédipine dont nous discutions. Il existe un lien très clair entre le délai que nous a demandé le fabricant pour lui permettre d'essayer de prouver l'innocuité du médicament avant que nous n'intervenions pour interdire la vente de ce médicament qui présenterait des risques pour la santé... alors bien entendu que l'inverse aurait dû se passer. La loi exige le contraire, mais nous autorisons le fabricant à effectuer une étude pour prouver l'innocuité du médicament. Il lui faudra plusieurs années pour réaliser cette étude. Il faudra attendre jusqu'à vers l'an 2000 pour obtenir une réponse. C'est intéressant, il se trouve justement que c'est à ce moment-là que le brevet expirera.

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Comprenez-vous ce que je dis? Il s'agit d'une question très compliquée. Je ne dis pas que le Comité de l'industrie devrait tenter d'entrer dans le détail de ces questions complexes. Je vous demande seulement de tenir compte du fait que, quand nous assortissons un brevet d'une protection de 20 ans, nous déclenchons, à mon avis, des forces que nous sommes impuissants à maîtriser par la suite.

M. Ian Murray: La DGPS n'a donc pas le droit d'intervenir pendant la durée de la protection accordée par le brevet pour dire: Nous nous sommes trompés; nous avons découvert quelque chose de nouveau et nous allons interdire la vente de ce médicament.

Dr Brill-Edwards: C'est tout le contraire. Non seulement nous avons ce droit aux termes de la loi, mais nous avons aussi l'obligation d'intervenir en ce sens. La loi habilitante de Santé Canada confère au ministre de la Santé l'obligation d'appliquer la Loi sur les aliments et drogues. Il s'agit, non pas d'un pouvoir discrétionnaire, mais d'une obligation.

M. Ian Murray: C'est bien ce qu'on serait en droit de penser.

Dr Brill-Edwards: Récemment, le ministre a tenté de faire modifier la loi habilitante pour en éliminer cette obligation, et c'est seulement à la suite d'interventions de groupes de citoyens que cet effort a été contrecarré. Il y a donc dans tout cela des forces extrêmement puissantes qui travaillent en coulisses et don l'influence se fait sentir par des moyens qui, le plus souvent ne sont pas bien compris ni du public ni de ceux d'entre nous qui ne sommes pas directement concernés par ces questions.

M. Ian Murray: Je vous remercie.

Je partagerai mon temps de parole avec M. Shepherd, monsieur le président, à moins que je l'aie déjà tout utilisé.

Le président: Allez-y.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Docteur Brill-Edwards, votre association se nomme l'Alliance for Public Accountability. Combien de membres avez-vous? Qui représentez-vous ici aujourd'hui?

Dr Brill-Edwards: Nous sommes un groupe de citoyens. Nous avons une centaine de membres. Nous avons formé notre association l'an dernier seulement, en 1996. Pour l'instant, nous nous employons surtout à aider les particuliers et les groupes à comprendre les outils, les mécanismes par lesquels ils peuvent obtenir des réponses convenables de la part des autorités quant aux décisions qui ont une certaine importance pour le public, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public.

M. Alex Shepherd: Vous faites des allégations très graves.

Dr Brill-Edwards: En effet.

M. Alex Shepherd: Vous dites finalement qu'il y a en quelque sorte collusion entre ceux qui travaillent à la DGPS et l'industrie pharmaceutique.

Dr Brill-Edwards: Je n'utilise pas le terme «collusion», car il n'est pas nécessaire, selon moi, de supposer l'existence de ce genre d'activités.

M. Alex Shepherd: Vous dites que le processus d'évaluation est fait à la hâte parce qu'il y a des sociétés très riches qui veulent qu'il en soit ainsi. Comment les choses se passent-elles? Y a-t-il des pots de vin qui s'échangent? Pourquoi le processus est-il accéléré simplement parce qu'il y a une société pharmaceutique qui en attend les résultats? Que se passe-t-il au juste?

Dr Brill-Edwards: Ce qui se passe est assez simple. Quand une société a un intérêt particulier, elle passe par divers mécanismes pour bien le faire comprendre aux autorités, que ce soit dans le domaine politique ou le domaine administratif. L'intérêt est alors communiqué par des moyens traditionnels et tout à fait ordinaires selon la procédure en place dans l'appareil gouvernemental. Ainsi, il peut arriver que l'évaluateur se rende compte que ses supérieurs s'intéressent au cheminement d'un dossier en particulier dont il a à s'occuper.

Quand j'étais moi-même responsable du processus d'homologation des médicaments, il n'était pas rare que mes employés viennent me dire: Comment expliquer que le directeur général m'est appelé au sujet du médicament X? En effet, pourquoi le directeur général, qui se trouve à trois ou quatre échelons plus haut que l'évaluateur, l'appellerait-il directement au sujet d'un produit en particulier, surtout quand le directeur général n'a aucune formation médicale et ne connaît rien au travail de l'évaluateur?

L'intérêt se trouve donc communiqué de façon tout à fait ordinaire, sans que rien n'y paraisse. Les pressions s'exercent, non pas par l'intervention subreptice d'hommes en imperméable noir et à chapeau melon agissant dans les coulisses, mais dans le cadre des activités normales. Il entre tout simplement dans les fonctions des dirigeants des sociétés de réfléchir aux dossiers qui pourraient menacer ou compromettre la rentabilité de leur entreprise.

M. Alex Shepherd: Nous trouvons-nous à contourner les règles de conformité? Est-ce là ce que vous dites?

Dr Brill-Edwards: Non seulement nous les contournons, mais nous les violons. Je puis vous donner le nom de médicaments qui se trouvent sur le marché de façon illégale.

Le président: Dernière question, monsieur Shepherd.

M. Alex Shepherd: Vous avez dit dans votre exposé qu'un grand nombre de Canadiens meurent inutilement. Avez-vous des preuves à l'appui.

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Dr Brill-Edwards: Bien sûr que j'ai des preuves à l'appui. Monsieur Shepherd, je dois vous dire que, dans le cadre des fonctions que j'occupais auparavant à Santé Canada, je devais chaque jour faire preuve de beaucoup de rigueur à ma façon de répondre à des questions comme celle-ci de manière à résister à toute contestation juridique de la part de sociétés pharmaceutiques dont la valeur s'élevait à plusieurs millions de dollars. Je ne fais pas d'affirmation de ce genre à la légère.

L'affirmation en question se fonde sur les preuves selon lesquelles le traitement à la nifédipine à action brève accroît le taux de mortalité par rapport aux autres médicaments utilisés pour traiter la même maladie, à savoir l'hypertension. Il s'agit d'une question dont la Direction générale de la protection de la santé refuse de s'occuper de façon convenable. Elle s'en est occupée en se contentant de signaler aux médecins qu'il pourrait y avoir un problème et elle a refusé d'interdire la vente du médicament.

Vous avez toutefois été à même de vous rendre compte de la façon dont les omnipraticiens prennent leurs décisions quant au médicament à utiliser? Tant que le médicament est vendu sur le marché canadien, les médecins canadiens et leurs patients y voient l'assurance du ministre qu'il a conclu après évaluation rigoureuse de données confidentielles relatives à son innocuité, que le médicament peut effectivement être vendu au Canada. Pourtant, celui qui s'était fait le défenseur international de la nifédipine a récemment donné une entrevue au New York Times, où il disait très clairement que, selon lui, le médicament ne devrait pas être vendu. Cette affirmation vient, non pas de critiques du médicament, mais de celui qui en était le défenseur, d'un spécialiste international très réputé qui préconisait l'utilisation de la nifédipine.

[Français]

Le président: Monsieur Brien, avez-vous des questions?

M. Pierre Brien: On parle d'une entreprise qui mettrait un produit sur le marché tout en sachant qu'il présente des risques pour la santé. Ne pensez-vous pas que le jour où ce sera connu du public, sa réputation sera complètement ruinée et elle aura des difficultés incroyables à vendre ses médicaments? N'est-ce pas un risque pour une entreprise que d'avoir ce genre de comportement? Le jour où cela serait connu du public, une entreprise qui ferait cela volontairement ferait face à des conséquences potentiellement très graves pour sa propre survie.

[Traduction]

Dr Brill-Edwards: Vous verrez que, dans notre mémoire, nous parlons d'incitatifs à court et à moyen terme. À très long terme - et je parle d'une période de 20 à 30 ans - , il se peut que la société pharmaceutique qui décide de jouer le jeu de l'innocuité où les risques sont très élevés finisse par perdre, qu'elle soit finalement découverte et que sa réputation en subisse un tort irréparable. À court et à moyen terme, cependant, il est presque impossible que cela se produise, et cela s'explique presque uniquement par le fait que le caractère confidentiel de l'information est très difficile pour les médecins sur le terrain de savoir qu'il y a des risques pour la santé. Je peux vous en donner de nombreux exemples. Il est tout aussi clair qu'il est très difficile même dans les tribunaux de découvrir la vérité.

Il n'y a qu'à voir comme, dans toutes les catastrophes liées à l'usage de médicaments qui sont survenus depuis 10 ou 20 ans et qui se sont soldés, non seulement par un préjudice pour la réputation, mais par la faillite des sociétés en cause, les données concernant les risques inutiles, voire criminels dans certains cas, se trouvaient bien enfouies au stade initial de la procédure judiciaire.

Quand une société est poursuivie au civil, il y a généralement de cinq à 10 ans qui s'écoulent avant que l'affaire ne soit réglée, et les dossiers sont scellés. J'ai moi-même été en cause dans une affaire de ce genre, l'été dernier. Dès qu'on s'est rendu compte d'après les documents juridiques déposés par le ministère que je serais autorisée à dire sous serment ce que je savais du médicament en question, l'affaire a été réglée, les dossiers ont été scellés et le tout s'est arrêté là.

C'est donc une formule qui à court ou moyen terme, donne de bons résultats, et les sociétés qui prennent ces risques récoltent des bénéfices énormes - cela ne fait aucun doute.

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[Français]

M. Pierre Brien: Si on avait un mécanisme de restauration des brevets, c'est-à-dire prolonger le brevet pour compenser la période des mécanismes d'approbation, cela ne diminuerait-il pas cette pression des processus accélérés qui peuvent avoir des effets sur la santé?

Actuellement, la protection est de 20 ans. Si le mécanisme réglementaire a fait perdre deux, trois ou quatre ans et qu'il y a restauration du brevet pour une période équivalente, cela ne diminuera-t-il pas la pression ou l'influence négative qui existe à l'heure actuelle?

[Traduction]

Dr Brill-Edwards: Je crois que l'on pourrait ainsi atténuer les pressions qui s'exercent sur le système de réglementation. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne sais pas dans quelle mesure le Canada pourrait ne pas suivre la législation internationale en matière de brevets, mais la proposition présenterait néanmoins une lacune en ce sens que les autorités chargées de la réglementation n'en seraient pas moins réticentes à intervenir en cas de risque pour la santé, une fois que le médicament se trouve sur le marché.

Alors, moyennant cette réserve, je dirais que votre proposition permettrait effectivement de s'attaquer, dans une certaine mesure du moins, au problème des pressions qui s'exercent sur les autorités de réglementation avant qu'un médicament ne soit homologué.

[Français]

M. Pierre Brien: Merci.

[Traduction]

Le président: Je tiens à remercier nos témoins. Je crois que nous avons tous été fort impressionnés par la façon directe dont vous nous avez présenté vos recommandations. Votre témoignage, qu'il s'agisse de celui du groupe de la Côte de sable ou du groupe montréalais, était très convaincant.

Je conclurai en vous disant - et si vous avez d'autres observations à nous faire et que vous voulez nous écrire une note à ce sujet, n'hésitez pas - que la difficulté du rôle du comité tient, non pas tellement au fait que nous nions que le coût des médicaments soit élevé, mais au fait que nous cherchons à établir le lien qui pourrait exister entre le projet de loi C-91 et les constatations que vous avez faites dans vos localités.

David, votre réaction était tout à fait authentique, et je ne sais pas si je peux y répondre. Vous savez, nous sommes à mi-chemin dans notre processus d'examen, et je ne sais pas s'il y a un membre du comité de ce côté-ci qui voudrait répondre à cette question maintenant.

Toujours est-il que nous avons pour tâche d'essayer de déterminer dans quelle mesure si c'est l'accès au médicament contre l'asthme à 16 $ qui fait problème - et l'accès fait indéniablement problème dans le cas du médicament à 90 $... ou si la question qui se pose est plutôt de savoir si le médicament à 90 $ est effectivement disponible et comment il faut s'y prendre pour que la recherche qui permettrait de rendre ce médicament accessible puisse se faire? Faudrait-il que l'État finance ces recherches ou faudrait-il que les sociétés les financent elles-mêmes?

J'espère que vous comprenez la difficulté de notre tâche. Il n'est pas facile de s'attaquer à ces questions ou de les régler de façon définitive, mais nous voulons avoir la certitude que nous comprenons tous bien de quelles façons la loi C-91 a contribué à la fois à la santé des Canadiens - ou l'inverse, le cas échéant - et au développement d'une industrie dont on dit qu'elle procure certains avantages au Canada.

Vous avez soulevé des questions et vous nous avez présenté des observations judicieuses. Je le répète, notre tâche consistera à examiner toutes ces observations et à essayer d'établir un lien de cause à effet. Si vous avez quelque chose à ajouter à votre témoignage, n'hésitez pas à nous écrire ou à communiquer avec votre député ou encore avec n'importe lequel des membres du comité. Nous serions heureux d'entendre les autres observations que vous auriez à faire.

Merci, et à ceux qui sont venus de Montréal, merci d'être venus nous rendre visite. Nous vous en sommes reconnaissants.

La séance est levée.

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