[Enregistrement électronique]
Le mardi 8 avril 1997
[Traduction]
Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, l'examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, chapitre 2, Lois du Canada 1993, le comité reprend ses audiences.
Je souhaite la bienvenue à tous, et bon retour à mes collègues, qui, après un congé de deux semaines, ont pu rentrer dans leur circonscription et prendre connaissance des travaux antérieurs du comité. Je souhaite également la bienvenue à la séance d'aujourd'hui, aux nouveaux membres du comité ainsi qu'à un ancien membre du comité. C'est un signe de l'intérêt que les parlementaires portent à cette question.
Je vais commencer arbitrairement en suivant la liste qui m'a été remise et donner la parole au Board of Trade of Metropolitan Toronto, représenté par son vice-président, M. David McFadden. C'est bien ça?
M. David McFadden (vice-président, Board of Trade of Metropolitan Toronto): C'est bien ça.
Le président: Soyez le bienvenu, monsieur McFadden. Je vais commencer par vous, puis je donnerai la parole à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Témoignez-vous ensemble, comme vous l'avez déjà fait, ou avez-vous chacun un exposé?
M. McFadden: C'est moi qui vais faire l'exposé. M. Lacharité, qui m'accompagne, souffre de laryngite et il se contentera de répondre aux questions épineuses que vous lui poserez.
Le président: Cela conviendra tout à fait aux membres du comité.
Monsieur McFadden, à vous la parole.
M. McFadden: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
Nous sommes très heureux de l'occasion qui nous est offerte de présenter ensemble les mémoires des Chambres de commerce du Montréal métropolitain et du Board of Trade of Metropolitan Toronto. Les membres du comité en ont déjà reçu un exemplaire, je crois. Celui de Toronto a la couverture blanche et celui de Montréal a la reliure Cerlox. Ils sont presque pareils, sauf qu'aux pages 5 et 6 de celui de Toronto, il y a un plan où figurent toutes les usines de compagnies pharmaceutiques de la région métropolitaine. Le nôtre contient aussi des chiffres propres à l'Ontario, tandis que celui de Montréal porte évidemment sur cette région.
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour dire combien, dans une économie qui dépend autant des industries fondées sur le savoir, il importe que l'industrie pharmaceutique bénéficie de la protection qu'offrent les brevets comme n'importe quelle autre industrie de pointe.
Notre mémoire contient quatre recommandations précises que nous soumettons à l'intention du comité. Je vais maintenant vous les lire.
Les deux chambres de commerce recommandent, premièrement, que les gouvernements adoptent des mesures législatives et réglementaires pour maintenir et même accroître la protection de la propriété intellectuelle dans toutes les industries fondées sur le savoir, y compris l'industrie pharmaceutique; deuxièmement, que les gouvernements s'assurent que leur appui à l'industrie est principalement dirigé vers la recherche. Troisièmement, que tous les partenaires s'occupant de formation de la main-d'oeuvre se concertent pour continuer d'offrir une formation de qualité supérieure aux chercheurs et aux travailleurs de l'industrie afin de combler les besoins des secteurs de pointe; quatrièmement, que les gouvernements provinciaux évitent d'adopter une vue étroite quant à l'inscription des nouveaux produits sur leur liste de médicaments remboursés et reconnaissent la nécessité d'une évaluation plus globale à l'intérieur du système des soins de santé, lorsqu'il s'agit de choisir entre les médicaments et les autres formes de traitement, de même qu'entre des économies isolées à l'intérieur des budgets de la santé et une activité économique accrue engendrée par les industries fondées sur le savoir.
Il y a des années que le Board of Trade of Metropolitan Toronto réclame une plus grande protection intellectuelle. En ce qui concerne l'industrie pharmaceutique, dès 1987, nous avons remis au gouvernement un mémoire réclamant une meilleure protection pour ce secteur. Nous sommes revenus à la charge en décembre 1991, dans une lettre adressée au ministère de la Consommation et des Affaires commerciales. Je cite:
- Le chambre de commerce estimait à l'époque et estime toujours aujourd'hui que le degré de
protection des compagnies pharmaceutiques au Canada ne doit pas être moindre que celui
accordé à tout autre produit ou procédé.
Il est important que notre industrie pharmaceutique bénéficie d'une exclusivité du marché semblable à celle des autres industries de pointe et semblable à ce qu'elles recevraient dans d'autres pays. Cela nous paraît essentiel si nous voulons améliorer la compétitivité et la croissance de nos compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques novatrices.
Nous savons que la question du coût des médicaments brevetés a été soulevée. D'après les chiffres provenant des organismes publics et autres, nous constatons cependant qu'au cours des dernières années, le prix des médicaments brevetés a progressé à un rythme inférieur à celui de l'indice des prix à la consommation. Il nous semble que l'on a tort, cependant, d'aborder la question du droit des brevets uniquement sous l'angle du coût et du prix. En effet, dans ce domaine, on ne s'en prend pas aux brevets en raison du coût lorsqu'il s'agit de fabricants de disques compacts, d'éditeurs, de producteurs de logiciels, de matériel informatique, ou de quoi que ce soit d'autre. On ne se sert pas du droit des brevets pour faire baisser les prix dans ces domaines et il ne me semble pas justifié de le faire dans le domaine pharmaceutique.
C'est pourquoi la justice doit être le critère déterminant lorsque l'on compare les fabricants de médicaments et les autres fabricants ou créateurs dans les autres secteurs de la technologie de pointe.
La création et la conservation des emplois constituent évidemment un autre facteur important. Comme vous pouvez le constater dans notre mémoire, l'industrie pharmaceutique a une grande importance pour l'Ontario et en particulier pour la région métropolitaine de Toronto. Mon chiffre montre en effet que 8 400 emplois sont créés directement dans la région de Toronto par l'industrie pharmaceutique. C'est un chiffre important.
Dans la région métropolitaine de Toronto, comme ailleurs au Canada j'imagine, nous voulons encourager la création d'emplois à forte valeur ajoutée. Cela ne sera pas possible si nous nions la protection offerte par les brevets. C'est la raison pour laquelle nous nous réjouissons de collaborer avec la Chambre de commerce de Montréal métropolitain car il s'agit ici, selon vous, d'une question d'intérêt national. Même si la région métropolitaine de Toronto a des intérêts dans ce dossier et tient beaucoup à la protection qu'offrent les brevets, nous estimons qu'il s'agit d'une question qui a beaucoup d'importance pour Montréal ainsi que pour toutes les villes canadiennes qui veulent favoriser les industries de pointe.
Je suis particulièrement heureux de témoigner en compagnie de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. J'y vois là un exemple de coopération entre nos deux villes sur une question nationale très importante.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McFadden.
Nous entendrons maintenant M. John Kelsall, qui représente Map International of Canada.
Vous êtes en compagnie du dr Stephens, je crois.
M. John P. Kelsall (président, Map International of Canada): Le dr Robert Stephens.
Le président: Monsieur Kelsall, c'est vous qui allez faire l'exposé au nom du groupe?
M. Kelsall: Au nom de Map International, avec l'aide du dr Stephens.
Le président: Très bien.
M. Kelsall: Au nom de Map International, je voudrais remercier le comité d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui. Comme je l'ai dit, je suis accompagné du dr Stephens. Il siège à notre conseil de direction et est aussi directeur général de la Christian Medical and Dental Society of Canada, qui compte 2 500 médecins au pays. Il a consacré sa vie aux oeuvres humanitaires dans le monde. Il s'est rendu dans 63 pays dans le cadre de missions médicales.
Vous serez sûrement intéressés de savoir que le 12 juin dernier, il a été honoré par le Président de la Chambre des communes, M. Gilbert Parent, à la Chambre. Certains d'entre vous se sont même levés et l'ont applaudi, je crois, car il est le représentant des médecins canadiens qui consacrent leur temps et leurs efforts pour aller aider à l'étranger les pauvres et les malades. Je vous présente donc le dr Stephens.
Le Map, je vous le signale, est un organisme qui offre des programmes d'aide médicale. Il s'agit d'un organisme de bienfaisance sans but lucratif enregistré au Canada et constitué en société sous le régime fédéral. Nous collaborons avec Map International des États-Unis, mais nous fonctionnons de façon indépendante.
Monsieur le président, nous aimerions vous parler aujourd'hui de ce qui se passe dans le monde, loin des caméras et des journalistes. Il s'agit de programmes bien réels, même s'ils sont réalisés sans fanfare.
Nous fournissons aux professionnels de la santé et aux organismes de soins de santé de tout le Canada, les médicaments, les vaccins et les fournitures hospitalières dont ils ont besoin pour soigner des malades partout au monde. Les sociétés membres, dont l'Association canadienne de l'industrie du médicament, appuient la mission que s'est fixée le Map. En fait, depuis 1990, ces sociétés membres ont donné pour plus de 30 millions de dollars en médicaments - selon la valeur au prix de gros - et en aide financière pour favoriser notre travail. Cela représente environ 95 p. 100 des produits que nous expédions à l'étranger.
L'ACIM et ses sociétés membres, dont les Laboratoires Connaught et la Société Baxter, nous font parvenir les demandes de médicaments qu'elles reçoivent. Elles nous envoient ces médicaments et, pour notre part, nous constituons un guichet unique où peuvent se fournir les médecins et les organismes qui vont à l'étranger soigner les malades. Nous expédions des médicaments en grandes quantités, dans des conteneurs de vrac de 20 ou de 40 pieds, ou en petites quantités, comme par exemple dans les trousses de voyage destinées aux médecins. Nous avons amené avec nous une de ces trousses que nous vous montrerons dans un instant.
Nous organisons l'envoi de médicaments à des fins spéciales. Par exemple, lorsque des médecins dans les jungles de l'Amazone soignent une épidémie de choléra, ils nous demandent les médicaments nécessaires. Nous communiquons avec l'ACIM, obtenons les médicaments et les leur expédions.
Nous livrons également les médicaments nécessaires à des programmes d'aide humanitaire, dont un certain nombre sont organisés à l'étranger par le gouvernement canadien. Nous élaborons également des initiatives en matière de développement.
Nous réalisons donc notre travail par le truchement de tout un réseau d'organismes canadiens fiables, de partenaires et de professionnels de la santé. Parmi nos collaborateurs, on compte de nombreux médecins et dentistes de la CMDS, Canadian Physicians for Aid and Relief, etc. Vous serez sans doute intéressés d'apprendre que Vision mondiale Canada, l'une des plus grandes organisations au Canada, reçoit de nous tous ses médicaments. Nous obtenons ces médicaments des sociétés membres de l'ACIM et nous les distribuons aux diverses opérations de Vision mondiale Canada partout au monde.
De cette façon, les médicaments sont fournis rapidement et efficacement, là où ils sont nécessaires, sans chevauchement. Par conséquent, plus de 95 p. 100 de nos ressources servent aux services d'aide médicale et de développement.
Voici notre trousse de voyage destinée aux médecins - c'est l'heure de la démonstration. Voici une de nos trousses. Je demanderai au dr Stephens de décrire brièvement comment elle a été mise au point. La trousse contient des valium, au cas où les membres du comité en auraient besoin.
Dr Robert Stephens (membre, Map International of Canada): Merci.
Bon nombre de médecins consacrent quelques semaines de travail à des missions à l'étranger. Lorsqu'ils le font, ils aiment bien amener des médicaments avec eux. Souvent, ils doivent recueillir des médicaments à la dernière minute, dans des pharmacies, auprès d'agents de sociétés pharmaceutiques ou même dans leur propre armoire à médicaments. C'est une méthode fort insatisfaisante, et ils n'ont pas la liste de leurs médicaments.
Nous avons décidé d'améliorer cette façon de procéder et nous avons mis au point une trousse de voyage à l'intention des médecins. Vous trouverez à l'annexe II de vos documents, aux pages 20 et 21, une liste du contenu de la trousse. Ces médicaments viennent de 18 sociétés pharmaceutiques différentes. Nous avons créé cette liste de façon à ce que les médecins ou les infirmiers et infirmières qui utilisent ces trousses puissent traiter la plupart des maladies qu'ils diagnostiqueront pendant leurs trois semaines à l'étranger.
La trousse comprend surtout des antibiotiques et des analgésiques, mais on y trouve aussi d'autres médicaments, dont des antiparasitaires. Dans ces trousses, il y a suffisamment de médicaments pour traiter environ 1 500 personnes. La liste des médicaments se trouve sur le dessus du paquet, pour rendre plus facile le passage aux douanes. Les trousses sont conçues de façon à respecter les critères de poids et de taille appliqués par les transporteurs aériens au bagage à main.
Au sommet de la trousse, on trouve un petit paquet qui contient des médicaments contre la malaria. Ces médicaments sont destinés au médecin. Comme il n'y a pas de malaria au Canada, le médecin peut prendre ces médicaments en chemin de façon à éviter d'attraper la maladie et à être suffisamment en bonne santé pour utiliser à son arrivée le contenu de la trousse de voyage.
Merci.
M. Kelsall: Permettez-moi de décrire brièvement certains de nos projets futurs. Au moment où nous nous parlons, un conteneur de 20 pieds est en route vers la Roumanie. Vous serez sans doute également intéressé d'apprendre, monsieur le président, qu'une grande quantité de médicaments sera aéroportée...
Le président: Monsieur Kelsall, je n'interromps pas souvent nos témoins, mais dans les trois minutes qui vous restent, pourriez-vous vous concentrer sur les conséquences du projet de loi C-91 pour votre travail?
M. Kelsall: Pour ce qui est du projet de loi, monsieur le président, nous ne sommes pas des experts dans ce domaine. Nous pensions que nous pouvions vous raconter l'histoire de cette réussite, au nom de Map International et de nos partenaires, qui donnent des millions de dollars en médicaments, pour l'aide humanitaire à l'étranger.
Le président: Merci.
Notre témoin suivant est M. Jacques Messier, de Novopharm Limitée. Est-ce vous qui coordonnez votre groupe? Vous pourriez peut-être nous présenter vos collègues. Nous essayons de limiter l'exposé au témoin principal, et les personnes qui l'accompagnent peuvent répondre à des questions, de façon à respecter notre horaire. Veuillez nous présenter vos collègues et faire votre exposé.
M. Jacques Messier (président et chef de l'exploitation, Novopharm Limitée): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis accompagné de David Windross, de notre bureau chef de Toronto. Il est directeur des affaires réglementaires et des relations gouvernementales au sein de notre société. David Howard est le président de Stanley Pharmaceuticals, une des nombreuses filiales de Novopharm au Canada, située à Vancouver. Mon exposé sera assez bref et David prendra ensuite la parole.
Comme je l'ai dit, je suis président et chef de l'exploitation à Novopharm Limitée, dont le bureau chef est situé à Toronto, en Ontario. Cette année, Novopharm célébrera 32 années d'existence, à titre de fabricant de produits pharmaceutiques génériques au Canada et de fournisseur de produits de haute qualité à bas prix.
Je vous signale que notre fondateur, président et directeur général, Leslie Dan, qui est encore très actif dans l'entreprise, a reçu jeudi dernier un prix de la Chambre de commerce de Scarborough - il s'agissait d'un prix annuel à l'excellence dans le monde des affaires.
Je vous ai également fourni certains renseignements généraux, que je ne répéterai pas, et qui portent sur toutes les activités de Novopharm au Canada, ainsi que de toutes ses filiales au Canada, aux États-Unis et ailleurs au monde.
[Français]
En premier lieu, je voudrais aborder la question des restrictions aux exportations qu'impose le projet de loi. Comme notre avenir se prépare aujourd'hui, c'est une question primordiale pour Novopharm.
Le projet de loi C-91 empêche l'industrie canadienne des génériques et des produits chimiques fins de livrer une concurrence active sur le marché des exportations. Il nous interdit de fabriquer pour l'exportation des produits protégés par des brevets au Canada même s'ils ne le sont pas dans les pays où ils sont destinés.
Pour cette raison, l'industrie canadienne des médicaments génériques est forcée d'exporter des emplois de haut calibre au lieu de produits pharmaceutiques de qualité. Il s'agit là d'un point clé qui doit retenir l'attention des membres du comité. Fortement anticanadiennes, les restrictions aux exportations nuisent à l'expansion du pays et à la création d'emplois pour les Canadiens.
À titre d'exemple, Novopharm a dû prendre, il y a deux ans et demi, des décisions importantes concernant l'expansion de ses installations manufacturières. De nombreux brevets pharmaceutiques expirent aux États-Unis avant ceux au Canada. Les fabricants canadiens de produits pharmaceutiques génériques comme Novopharm sont donc forcés d'établir des installations de fabrication aux États-Unis s'ils veulent vendre ces médicaments sur le marché américain.
Les États-Unis possèdent un vaste marché, à la fois en termes de volume et de dollars, que des sociétés comme Novopharm ne peuvent pas négliger. Novopharm a donc pris la décision de bâtir une usine de fabrication de plusieurs millions de dollars à Wilson, en Caroline du Nord, pour la fabrication d'un produit dont le brevet pharmaceutique est expiré aux États-Unis mais ne l'est pas au Canada.
Pour les États-Unis, neuf produits sont actuellement en recherche et développement, des produits dont le brevet américain expirera de deux à sept ans avant le brevet canadien. Pour répondre aux besoins croissants pour ces produits, il ne fait aucun doute que l'usine devra tôt ou tard être agrandie. La question que l'on est en droit de se poser est la suivante: la loi canadienne permettra-t-elle à Novopharm de prendre de l'expansion ici, au Canada, pour répondre aux demandes du marché des États-Unis ou Novopharm sera-t-elle contrainte d'agrandir ses installations de Wilson en Caroline du Nord?
Les restrictions imposées aux exportations en vertu du projet de loi font perdre aux sociétés comme Novopharm des millions de dollars en chiffres d'affaires et des millions de dollars de recettes d'exportation au Canada. Novopharm est forcée d'investir dans de nouvelles installations à l'extérieur du Canada, détournant ainsi des fonds qui pourraient servir à financer l'expansion ici, au pays, et à créer de nouveaux emplois pour les Canadiens. Ces restrictions contribuent également à creuser le déficit commercial du Canada, qui dépasse maintenant 1,6 milliard de dollars dans le domaine pharmaceutique.
En tant que société d'appartenance canadienne ayant son siège au Canada, nous méritons le droit d'exporter des produits pharmaceutiques dans les pays où un produit n'est pas protégé par un brevet. Nous croyons fermement que les lois d'un pays où un produit est utilisé devraient déterminer si la société canadienne a le droit ou non d'y vendre ses produits.
L'autre point que je voudrais porter à votre attention est celui des dispositions Bolar. Le projet de loi C-91 comporte des dispositions connues sous le nom de dispositions Bolar, qui autorisent la recherche et le développement d'un produit avant l'expiration de son brevet, de même que les demandes d'approbation réglementaires. Elles permettent aussi la fabrication pour la constitution de stocks afin que les sociétés de génériques puissent se tenir prêtes à expédier leurs produits dès l'expiration du brevet.
Il faut maintenir ces dispositions. Sans elles, les sociétés de génériques ne pourraient pas entamer le processus d'approbation réglementaire tant qu'un brevet ne serait pas expiré, ce qui aurait pour effet de prolonger encore le monopole du brevet du produit de marque de quelque cinq à sept ans. Il faut souligner que pendant la période de recherche et développement d'un produit générique et celle du processus d'approbation réglementaire pour sa commercialisation, il est entendu que ce produit ne sera pas vendu sur le marché pendant toute la durée de son monopole commercial, soit 20 ans. En d'autres mots, on maintient une exclusivité commerciale de 20 ans.
L'abolition des dispositions Bolar empêcherait les Canadiens d'avoir accès à un produit sous sa forme générique pour une période supplémentaire de cinq à cinq ans après l'expiration du brevet, ce qui, essentiellement, prolonge encore le monopole commercial.
Finalement, je prendrai quelques minutes pour parler du Règlement sur les médicaments brevetés adopté en vertu de l'article 55.2.
Ce règlement coûte des millions de dollars aux Canadiens et aux fabricants canadiens de médicaments génériques comme Novopharm. L'effet global du Règlement adopté aux termes de l'article 55.2 se traduira, entre 1993 et 1999, par une perte possible de ventes de l'ordre de475 millions de dollars pour les fabricants de génériques selon des études menées par Santé Canada.
Dans les faits, le Règlement sur les médicaments brevetés peut accorder jusqu'à deux ans et demi supplémentaires d'exclusivité commerciale aux sociétés de marque. Il y a à ce jour plus de100 causes devant les tribunaux. Les Canadiens perdent ainsi des économies substantielles, et les fabricants de génériques doivent dépenser des millions de dollars en frais juridiques parce qu'ils se voient forcés d'aller devant les tribunaux pour tenter d'obtenir la permission de vendre leurs produits.
Je me dois de souligner que les brevets de ces produits sont tous expirés et qu'il ne s'agit que de simples allégations de contrefaçon de brevet, sans preuves à l'appui. Nous avons un appareil judiciaire dans ce pays pour faire face à ce genre d'allégations. Peut-être devrions-nous y avoir recours.
L'abrogation du Règlement entraînera un allégement immédiat et à long terme des coûts pour le système de santé. Les régimes publics et privés d'assurance-médicaments et les consommateurs pourront aussi réaliser des économies. Si le Règlement était aboli, le contexte de réglementation serait plus propice à l'industrie des génériques, ce qui favoriserait la croissance du secteur et l'aiderait à créer des emplois pour les Canadiens.
[Traduction]
Monsieur le président, merci de m'avoir permis de transmettre au comité les grandes inquiétudes de Novopharm à l'égard du projet de loi C-91.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Messier, pour votre bonne présentation.
Nous entendrons maintenant Pierre Morin du Groupement provincial de...
[Traduction]
M. David Windross (directeur, Affaires gouvernementales et professionnelles, Novopharm Pharmaceuticals): M. David Howard, président de Stanley Pharmaceuticals, a également quelques brèves remarques...
Le président: Je suis désolé, mais il faudra attendre le prochain tour. J'ai dit que vous aviez cinq ou dix minutes, et je vous ai laissé plus de 10 minutes. Nous préférons que les témoins discutent de ces choses-là entre eux et c'est pourquoi, normalement, nous entendons un exposé par groupe. Si vous avez une intervention d'une minute à faire, d'accord. S'il s'agit d'un long exposé, nous vous entendrons plus tard.
M. Windross: M. Howard est venu ici de Vancouver, en Colombie-Britannique, pour représenter la compagnie Stanley, un des fabricants de la côte Ouest. Je crois que le comité aurait intérêt à écouter un fabricant de la côte Ouest, monsieur le président.
Le président: Combien de temps vous faudra-t-il pour votre exposé, monsieur?
M. David Howard (président, Stanley Pharmaceuticals Ltd.): Il pourrait être très bref.
Comme on l'a dit, je m'appelle David Howard, et je suis président-directeur général de Stanley Pharmaceuticals. Notre société est le principal fabricant canadien de produits grand public. Comme on l'a dit également, la société est située à Vancouver-Nord, en Colombie-Britannique.
Depuis notre acquisition par Novopharm il y a une trentaine d'années, nous avons cessé d'être un fournisseur local en Colombie-Britannique pour devenir l'un des principaux fabricants canadiens de médicaments en vente libre.
En 1989, Novopharm Limitée a chargé Stanley Pharmaceuticals de revitaliser la gamme de produits, d'améliorer et de moderniser nos installations et de développer nos activités au Canada et à l'étranger. Je suis fier d'annoncer que depuis huit ans, sous la houlette de Novopharm Limitée, le chiffre d'affaires de Stanley Pharmaceuticals a sextuplé. Nous exportons maintenant nos produits vers 14 pays, et nous venons de terminer la rénovation de nos usines afin qu'elles soient conformes aux normes les plus élevées.
Nous avons créé près de 300 nouveaux emplois à temps plein. De plus, Stanley est devenue un partenaire à temps plein de l'Université de la Colombie-Britannique, non seulement dans l'enseignement de la pharmacie industrielle, mais aussi dans le cadre des programmes de R-D.
Aujourd'hui, Stanley Pharmaceuticals et l'industrie pharmaceutique sont à la croisée des chemins et attendent les résultats de vos délibérations et vos recommandations concernant le projet de loi C-91. En tant que le plus grand fabricant de produits pharmaceutiques à l'ouest de Toronto, Stanley s'intéresse essentiellement à trois aspects de ce projet de loi.
Premièrement, nous recommandons que le comité appuie la modification de l'exemption relative aux exportations pour permettre aux produits pharmaceutiques brevetés au Canada d'être fabriqués au Canada afin d'être exportés dans les pays où ils ne font plus l'objet d'un brevet. En tant que fabricant et exportateur canadiens, nous estimons que c'est tout à fait logique, car cela nous permet de conserver des emplois et des usines au pays et de générer de l'argent qui circulera dans notre économie et stimulera d'autres secteurs économiques. Cela favorise le libre-échange entre les pays, ce qui est l'objectif des accords internationaux comme l'ALENA et l'OMC. Cela nous encourage à devenir plus compétitifs par rapport aux pays qui contribuent à la croissance du marché mondial des produits pharmaceutiques, et cela permet aux compagnies canadiennes de fournir des médicaments reconnus à des pays qui n'y ont pas normalement accès.
Deuxièmement, nous recommandons que le comité appuie l'adoption de règlements imposant que les produits génériques aient la même taille, la même forme et la même couleur que le produit d'origine. En effet, de nombreuses études confirment que la similarité de la taille, de la forme et de la couleur réduit au minimum la confusion, accroît la conformité et crée de la confiance chez les personnes âgées qui doivent prendre elles-mêmes leurs médicaments. Les comprimés et les capsules sont aisément identifiés par les symboles, les noms et les logos que les fabricants y impriment. Par conséquent, l'origine précise du médicament que l'on prend ne fera jamais l'objet d'un doute. Les recommandations relatives à la similarité de la taille, de la forme et de la couleur des médicaments correspondent à celles qu'a formulées le coroner de la Colombie-Britannique dans la triste affaire où quelqu'un a perdu la vie après avoir pris par erreur un médicament qui lui avait été donné et qu'il ne pouvait pas distinguer par sa couleur. La similarité de la taille, de la forme et de la couleur est propice à une concurrence efficace sur le marché après l'expiration du brevet.
Enfin, Stanley Pharmaceuticals n'appuie pas l'idée d'étendre les pouvoirs du CEPMB pour y inclure la réglementation des PGP et des prix des produits génériques, car, tout d'abord, l'environnement commercial des PGP et des génériques est très différent de celui des produits brevetés vendus sur ordonnance qui, par définition, n'ont qu'un fournisseur. Ensuite, l'application des règlements du CEPMB risquerait d'entraîner une augmentation indue des prix afin de satisfaire aux exigences législatives. Étant donné que la définition d'un médicament vise tout produit ayant supposément un effet sur la santé, l'étendue des pouvoirs du CEPMB est potentiellement énorme. Les vieux produits faisant l'objet de brevets de procédés, tels les dentifrices, les rince-bouche, etc., pourraient maintenant être visés par les règlements du CEPMB.
Nous croyons que la concurrence sur le marché et les choix offerts dans toutes les catégories thérapeutiques, y compris les médicaments d'ordonnance, entraînent une réduction des prix dictée par les conditions du marché.
Je vous remercie de m'avoir permis de présenter la position de Stanley Pharmaceuticals sur ce projet de loi. Stanley Pharmaceuticals est le produit du réinvestissement efficace des profits au Canada par notre société mère, Novopharm Limitée, et nous sommes bien partis pour connaître une croissance phénoménale sur le marché international. Les changements dont j'ai parlé sont importants non seulement pour notre avenir en Colombie-Britannique et pour l'avenir de Stanley, mais aussi pour l'avenir et la santé de notre société mère, Novopharm Limitée.
Je vous remercie.
Le président: Je rappelle aux témoins que les membres du comité lisent tous les mémoires et qu'il n'est pas nécessaire d'en faire la lecture ici aux fins du procès-verbal.
[Français]
Nous entendrons maintenant Pierre Morin du Groupement provincial de l'industrie du médicament. Vous êtes accompagné de M. André Boivin, n'est-ce pas?
M. Pierre Morin (Groupement provincial de l'industrie du médicament): C'est bien ça, monsieur le président.
Le président: C'est la première fois que nous rencontrons votre groupe. Pouvez-vous le présenter aux membres du comité?
M. Morin: Parfait. Le Groupement est né en 1983 et réunit une vingtaine d'entreprises ou groupes d'entreprises sous gestion commune fabriquant des médicaments au sens de la loi fédérale. Les membres du Groupement avaient un chiffre d'affaires cumulatif d'environ 250 millions de dollars à la fin de 1996. Environ 15 p. 100 de leurs produits sont vendus à l'extérieur du Canada. C'est à peu près 1 300 emplois bien rémunérés, surtout dans la grande région de Montréal. M. Boivin, qui m'accompagne, est président de Laboratoire Prodoc de Laval.
J'espère que tous les membres du comité auront l'occasion de prendre connaissance de notre mémoire, si ce n'est déjà fait. Essentiellement, on voudrait porter deux points à votre attention et les soumettre à votre considération.
Le premier point, c'est qu'actuellement, les entreprises canadiennes, toutes tendances confondues, ont un avantage stratégique considérable en ce sens que jusqu'ici, très peu des médicaments importés au Canada, dont la valeur est de 1,6 milliard de dollars, sont des médicaments génériques.
Cet avantage stratégique nous vient de la loi qui existait auparavant. Dans le contexte actuel, avec C-91 et ses règlements tels qu'ils existent, on risque de perdre cet avantage stratégique, qui consiste à avoir principalement pour nous le marché canadien des médicaments génériques.
Vous avez entendu tout à l'heure un argument portant sur une exception. Si cela ne pouvait se réaliser, on aimerait quand même porter à votre attention une solution de rechange qui nous apparaît importante et qui consisterait à harmoniser les dates d'échéance des brevets canadiens avec celles des brevets américains. Ce serait une solution plus générale qui ne nous ferait pas perdre l'avantage stratégique qu'on a actuellement. De plus, ce serait peut-être politiquement un peu moins compliqué, mais je laisse cela à votre bon jugement.
Le deuxième point qu'on aimerait porter à votre attention, c'est que vous devez reconnaître que le règlement adopté en vertu de l'article 55.2 de la loi crée un précédent absolument extraordinaire au Canada. C'est la première fois que l'exécutif de ce pays dit ne pas avoir confiance dans le pouvoir judiciaire du Canada. Il le dit en toutes lettres. Dans les notes qui accompagnent le résumé de l'étude d'impact de la réglementation, on dit entre autres:
Le présent règlement est nécessaire si on veut éviter que cette nouvelle exception en matière de contrefaçon soit mal utilisée par les fabricants de produits génériques...
On concédait donc tout de suite que les tribunaux ne pouvaient pas faire le travail. Je ne suis pas certain que ce soit un précédent avec lequel la Chambre des communes voudra vivre longtemps comme législateur. C'est plutôt lourd, et on pense que les tribunaux peuvent très bien s'occuper des conflits commerciaux qui peuvent survenir entre des entreprises responsables.
Encore là, je pense qu'il faut évoquer potentiellement une position de repli, puisque la politique est l'art du possible. Cette position de repli serait peut-être de se fier à ce que les tribunaux ont jusqu'à maintenant autorisé comme inscriptions à la liste des brevets.
Il y a trois types de médicaments qui peuvent apparaître sur la liste des brevets. Les premiers sont les brevets de nouvelle molécule, les deuxièmes sont les brevets d'utilisation et les troisièmes sont les produits dérivés d'un procédé, ce qui est différent des brevets de procédé.
Si le règlement exigeait des entreprises qui insistent pour inscrire un produit à la liste qu'elles l'inscrivent en vertu d'une des trois catégories, la situation serait beaucoup plus claire pour tous, il y aurait beaucoup moins de litigation - c'est le mot qui me vient à l'esprit - , beaucoup moins de débats juridiques, et cela coûterait moins cher à tout le monde.
Ce sont les deux principaux éléments qu'on voulait faire ressortir devant vous aujourd'hui. Nous répondrons à vos questions au fur et à mesure qu'elles se présenteront.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Morin. Vos idées seront très
[Traduction]
utile pour notre comité. Je tiens donc à vous remercier.
[Français]
Monsieur Brien, voulez-vous commencer les questions?
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): J'ai beaucoup de questions.
Premièrement, j'aimerais clarifier une chose avec M. Morin. Vous avez parlé d'une position de repli par rapport à certaines propositions. J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous voulez dire quand vous parlez d'harmoniser les échéances de brevets. À l'heure actuelle, il y a des brevets qui viennent à expiration plus tôt aux États-Unis. Est-ce que vous êtes en train de dire qu'on devrait considérer que le brevet est également échu ici au même moment?
M. Morin: Oui, de la même façon que certains brevets doivent échoir aux États-Unis après la date d'échéance au Canada. On n'a pas tous les moyens ou les loisirs de nos collègues qui ont déjà consenti de forts investissements aux États-Unis. Novopharm et Apotex ont des installations de fabrication aux États-Unis. On leur reconnaît tout à fait ce droit. Je ne sais pas si j'ai des remèdes à vous recommander, monsieur le député, mais on n'a pas tous ces moyens-là. Par conséquent, on croit qu'il serait équitable d'harmoniser les dates d'échéance des brevets entre le Canada et les États-Unis. Cela aurait d'ailleurs dû être fait avec la loi d'harmonisation que vous avez adoptée plus tôt cette année. Cela aurait également dû être fait dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain. Il ne faut pas oublier que nous avons maintenant un marché soi-disant intérieur et des échéances de brevet différentes dans un même marché intérieur. J'aimerais que quelqu'un de sérieux m'explique comment on vit avec des choses comme celle-là.
M. Pierre Brien: C'est particulièrement le cas dans des périodes de transition, mais il y a une pression très forte en faveur d'une standardisation internationale des brevets. À l'heure actuelle, acceptez-vous l'hypothèse que la protection effective des brevets ici est peut-être légèrement inférieure à celle accordée aux États-Unis et en Europe?
M. Morin: Non.
M. Pierre Brien: Si c'est vrai, vous nous suggérez de donner une protection conforme aux standards internationaux afin que les brevets viennent à échéance en même temps.
M. Morin: Effectivement, ça va devenir ainsi. Maintenant, il faut regarder la situation propre au Canada. Vous me parlez de durée effective des brevets. Si on parle de 1994, vous avez passablement raison. Si on parle de 1996, on voit que déjà les délais d'approbation des nouvelles substances ont été considérablement réduits. Je vous signale qu'ils sont plus courts que pour les génériques. Au Canada, il faut moins de temps pour faire approuver une nouvelle substance par la Direction des médicaments que pour faire approuver un médicament générique. C'est indiqué dans un document de 1996 sur les résultats de performance de la Direction des médicaments. Je vous invite à en prendre connaissance. C'est surprenant. On entretient souvent des mythes sur les délais et tout cela. Il y a des correctifs qui ont eu cours ici.
M. Pierre Brien: Dans votre mémoire, vous parlez de l'aspect rétroactif de certaines choses qui sont arrivées. Votre suggestion sur l'harmonisation des échéances aurait aussi une portée un peu rétroactive. Si on harmonisait les brevets actuels, qui vont venir à échéance en 2005 ici, par exemple, mais qui vont venir à échéance en 2001 aux États-Unis, on dirait à des gens qui ont planifié des investissements dans un certain cadre que leur brevet va venir à échéance quatre ans plus tôt que prévu. Pour moi, ce serait agir de façon rétroactive.
M. Morin: Quelqu'un qui planifie des échéances d'investissement ne les planifie pas en fonction du passé, mais en fonction de l'avenir. À ce moment-là, ce ne seront pas les trois ou quatre ans de moins qui vont faire une grosse différence.
Ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'avec la Loi sur les brevets de 1969 ou 1970, qui a amené les licences obligatoires, on a créé au Canada une situation où les gens n'avaient pas intérêt à lever leurs brevets parce qu'ils savaient qu'ils allaient se faire copier.
Jusqu'à maintenant, je n'ai rien contre cela. Il est vrai que c'était dans leur intérêt de lever le brevet le plus tard possible. Vous abolissez par la suite les licences obligatoires. Encore là, je suis d'accord. J'ai des collègues qui ne sont pas d'accord, mais je le suis. Mais il y a le corollaire: il y en a qui, à cause de l'existence des licences obligatoires, ont pris le maximum de temps possible, en vertu de l'ancien régime, pour inscrire des brevets. Il ne faut pas leur donner et le gâteau et le crémage et l'enveloppe qui vient avec. On leur a donné le gâteau et le crémage. Enlevons l'enveloppe.
M. Pierre Brien: J'ai maintenant des questions pour M. Messier de Novopharm.
Vous avez mentionné plusieurs revendications concrètes dans votre mémoire. En ce qui concerne particulièrement le règlement de liaison, j'aimerais savoir ce que vous préférez. Préférez-vous le mécanisme actuel, qui comporte un règlement de liaison qui semble vous causer des embêtements profonds, ou un mécanisme comme celui des États-Unis où, lorsqu'un produit est copié et mis sur le marché, les sanctions sont très sévères, où on parle de dommages trois fois supérieurs à ceux qui ont été causés? On est donc très fortement découragé de violer un brevet. La loi a des dents, et ce n'est pas unique au secteur pharmaceutique. Préféreriez-vous qu'on s'aligne davantage sur le système américain qui, lui, prévoit des dommages très sévères dans les cas de violation de brevet et qui, à toutes fins pratiques, peut même mettre en faillite une entreprise qui viole un brevet?
M. Messier: C'est une bonne punition pour un acte illégal, non? J'ai dit dans mon document de présentation qu'on devait laisser à la cour le soin d'imposer des sanctions à ceux qui essayeront de mettre en mettre en marché des produits protégés par un brevet actif et réel. Je crois qu'on devrait laisser au ministère de la Santé le soin d'examiner un produit pharmaceutique et de décider si, oui ou non, il est suffisamment efficace et sécuritaire pour l'homme pour qu'on le mette en marché, et au ministère de la Justice le soin de sanctionner celui qui met en marché un produit protégé par un brevet.
M. Pierre Brien: Vous souhaitez qu'il n'y ait pas de règlement de liaison dans le système, mais qu'on garde la production hâtive, ce qui vous permet de mettre le produit sur le marché dès le lendemain de l'expiration du brevet. L'objectif est de faire en sorte que dès l'expiration d'un brevet, vos produits puissent être mis en marché. Cependant, dans beaucoup d'autres pays, un tel système n'existe pas. Vous vous plaignez du règlement de liaison, mais vous aimez bien l'élément de la production hâtive. Il pourrait cependant y avoir un lien entre les deux; les deux pourraient disparaître, et la production hâtive et le règlement de liaison. Préféreriez-vous la situation actuelle ou la disparition à la fois du règlement de liaison et de la production hâtive?
M. Messier: C'est une bonne question.
[Traduction]
C'est également une bonne réponse.
[Français]
Je trouve cela un peu trop compliqué pour répondre en deux secondes. Je peux envoyer au comité une réponse formelle d'ici un jour ou deux, si vous voulez me donner le temps de faire une analyse de la différence qui pourrait exister entre les deux.
M. Pierre Brien: D'accord. Pas de problème.
Le président: Cette question est très importante pour nous.
[Traduction]
Nous aimerions obtenir votre réponse au cours des prochains jours. Veuillez la télécopier au président qui en fera la distribution aux membres du comité.
M. Messier: Je serai plus que ravi de vous envoyer une réponse officielle dans quelques jours.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Messier.
Passons maintenant à M. Schmidt pour les questions.
M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président. J'ai plusieurs questions, et j'aimerais commencer par le mémoire de Novopharm, qui a été présenté parM. Messier.
Je suis particulièrement intéressé et même intrigué par une de vos observations à la page 8. Vous affirmez que le paragraphe 55.2 du projet de loi C-91 coûte des millions de dollars aux Canadiens et aux fabricants établis au Canada comme Novopharm. Cela se traduit par un manque à gagner de 475,5 millions de dollars au profit des producteurs de médicaments génériques. Cela signifie-t-il que l'équivalent, c'est-à-dire les médicaments que cet argent servirait à acheter, est maintenant fourni par les producteurs de médicaments brevetés, ou s'agit-il d'un chiffre absolu?
M. Messier: Je vais vous expliquer. Cela ne provient pas de mon document. Les chiffres proviennent d'un document de Santé Canada. Si j'ai bien compris, les chiffres fournis par le marché seraient supérieurs, car nous disons ici que cette somme représente l'équivalent générique des médicaments actuellement disponibles sur le marché. Étant donné que les produits génériques coûtent habituellement moins cher que les produits de marque, les produits qui sont fournis sur le marché canadien en ce moment représentent un montant beaucoup plus élevé.
M. Werner Schmidt: Vous voulez donc dire que cette somme représente les recettes des fabricants de produits génériques, et que les médicaments seraient toujours fournis aux Canadiens, mais à un prix plus élevé.
M. Messier: C'est exact.
M. Werner Schmidt: Je voulais m'assurer que j'avais bien compris.
Ma question suivante s'adresse aux représentants de la Chambre de commerce du Toronto métropolitain, surtout en ce qui concerne le CEPMB, et le maintien du prix des médicaments brevetés en deçà du taux d'inflation. Si j'ai bien compris, tel est l'objet même du CEPMB. L'histoire des dernières années prouve que tel est précisément le cas, car l'augmentation du prix des médicaments brevetés a été inférieure à l'indice des prix à la consommation. Si cela est vrai, qu'est-ce qui vous préoccupe au sujet du CEPMB? Ne fait-il pas son travail? Ne voulez-vous pas que l'on élargisse son mandat? Quel est le vrai problème ici?
M. McFadden: Nous n'avons rien contre le CEPMB. En fait, compte tenu des chiffres que nous avons eus et qui ont été fournis par le conseil, la loi actuelle semble fonctionner.
M. Werner Schmidt: Je vous remercie, monsieur le président.
Ma deuxième question concerne le prix de base à partir duquel le CEPMB fait la comparaison par rapport à l'indice des prix à la consommation. Craignez-vous que le prix de base des nouveaux médicaments soit défendable, ou qu'il soit peut-être supérieur à ce qu'il devrait être? Quels sont les moyens permettant au CEPMB de justifier le niveau du prix initial?
M. McFadden: Monsieur le président, Luc et moi, nous sommes les seules personnes ici qui ne travaillent pas dans l'industrie pharmaceutique. Honnêtement, je ne sais pas comment fonctionne le conseil. Je présume qu'il dispose de la compétence nécessaire pour examiner la question de façon équitable. Je ne puis vous dire sur quelle base ces prix sont calculés. Je présume que le conseil respecte le mandat que lui confère la loi.
Je suis désolé, mais je ne puis répondre à cette question. Je n'ai pas les connaissances détaillées qu'il faut pour y répondre.
M. Werner Schmidt: Je vous ai délibérément posé la question à vous, parce que je crois que c'est précisément là que réside le problème. La plupart des Canadiens supposent tout simplement, comme vous venez de le faire, monsieur, que le CEPMB prend effectivement comme point de départ un chiffre qui est défendable. Je ne suis pas du tout convaincu que ce soit le cas, car nous ne savons pas quel est exactement le coût de production d'un médicament donné. Que je sache, le conseil se fonde sur un prix médian, c'est-à-dire en quelque sorte le prix qui se situe au milieu de la fourchette des prix, mais cela ne correspond pas nécessairement au véritable coût de production du médicament.
Le président: Je ne veux pas vous voler de votre temps, mais sur ce point, nous avons posé la question aux représentants du milieu des affaires qui ont témoigné devant nous. Au moment de vos délibérations, vos membres ont-ils tenu compte du facteur coût assumé par chacune des entreprises dans le cadre d'un régime ou d'un autre?
M. McFadden: Nous n'avons pas consacré tellement de temps à examiner le fonctionnement de ce conseil. Nous nous sommes surtout concentrés sur la question de la protection du brevet, comme vous pouvez le constater en lisant le mémoire. Notre préoccupation est de faire en sorte, quoi que nous fassions, que cette industrie demeure florissante, autant à Toronto qu'à Montréal. Quant au fonctionnement de ce conseil, à titre de contribuable et en tant que membre du conseil d'administration, je peux vous dire que je trouverais inquiétant de savoir que le conseil n'établit pas des normes appropriées. Je ne suis pas en mesure, en tant que témoin, de le confirmer dans un sens ou dans l'autre.
Luc voudrait peut-être ajouter quelque chose.
[Français]
M. Luc Lacharité (vice-président exécutif, Chambre de commerce de Montréal): Si vous le permettez, on pourrait suggérer que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ait le mandat d'examiner cette question.
[Traduction]
M. Werner Schmidt: Voilà qui est excellent, car c'est justement là que je voulais en venir. Je vous remercie de votre contribution. Je trouve que c'est excellent, car c'est effectivement un élément important.
Je me reporte aux recommandations de M. Howard.
Vous avez deux recommandations, la deuxième étant que la réglementation ne modifie pas la taille, la forme et la couleur des médicaments, en particulier des génériques. Il y a une raison pour cela. Pourriez-vous nous en expliquer la raison, à part ce que vous avez dit dans votre mémoire? Je me rappelle ce que vous avez dit dans votre mémoire.
M. Howard: Oui. Il ressort de bien des sondages faits au Canada parmi les pharmaciens, les médecins et surtout les personnes âgées que le passage d'une marque de médicament à une autre peut entraîner la confusion, surtout quand il y a changement de couleur, de taille ou de forme. Cela peut créer de la confusion. Il y a des gens qui ne prennent pas leurs médicaments comme ils le devraient et, dans le cas de certains patients âgés, cela peut entraîner des conséquences catastrophiques.
M. Werner Schmidt: C'est donc dangereux pour la santé?
M. Howard: Cela peut l'être.
M. Windross: Je voudrais ajouter un mot, monsieur le président. Vous n'ignorez pas qu'au Canada, les soins de santé relèvent des provinces. Dans bien des provinces, il existe un formulaire des médicaments et c'est à même cette liste que l'on choisit les médicaments qui sont fournis aux citoyens, surtout les gens de plus de 65 ans ou les assistés sociaux. Les médicaments génériques occupent une place importante dans ces formulaires et de nombreuses provinces ont un programme dit de «remplacement automatique», dans le cas des produits qui sont fournis aux patients par les pharmaciens. Il s'agit évidemment de médicaments génériques.
Maintenant, si l'on se penche sur le respect des ordonnances par les patients, c'est là que cette question devient cruciale. Nous avons actuellement certains produits, chez nous, à Novopharm, qui sont exactement de la même couleur, de la même forme et de la même taille que les médicaments qu'un patient recevrait. Par conséquent, bien souvent, des patients décrivent leurs médicaments par la couleur: ils appellent la pilule jaune leur médicament diurétique et la pilule bleue, leur médicament pour le coeur. Il peut s'agir d'un octogénaire. C'est en ces termes que se pose la question de la taille, de la couleur et de la forme des pilules. Qui est l'utilisateur final de ces produits?
Dans notre pays, nous avons une loi qui s'appelle la Loi canadienne sur la santé. Il y a aussi des programmes des ministères provinciaux de la santé qui fournissent des médicaments aux citoyens. Par conséquent, il est important que les consommateurs canadiens qui reçoivent ces produits ne soient pas mis en danger.
[Français]
Le président: Monsieur Morin, voulez-vous commencer?
[Traduction]
M. Morin: Peut-être me permettrez-vous d'ajouter mon grain de sel. Nous avons fait des démarches auprès de Santé Canada dans ce dossier de santé publique pour appuyer les mêmes instances au sujet de la forme, de la taille et de la couleur.
M. Werner Schmidt: D'accord.
M. Morin: C'est une question de santé pour toutes les personnes visées.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.
Monsieur Morin, je pense que vous aviez trois types de brevets: le brevet moléculaire, et ensuite le deuxième... je n'ai pas compris le troisième.
M. Morin: Nous n'en avons pas trois, mais les tribunaux canadiens, depuis l'adoption du projet de loi C-91, ont reconnu qu'il était légitime d'avoir trois brevets pour des produits dérivés de trois brevets qui figurent sur la liste des brevets, c'est-à-dire le produit comme tel, ou le brevet pour l'utilisation moléculaire, et un produit dérivé par procédé. On m'a expliqué qu'un produit dérivé par procédé, c'est par exemple, quand il faut chauffer un produit pour le rendre efficace. Autrement dit, il y a transformation.
Ce sont les trois que les tribunaux canadiens ont établis et qui doivent être inscrits sur la liste.
M. Werner Schmidt: Monsieur le président, c'est une question plutôt technique, mais on a soulevé ces trois catégories et je ne peux m'empêcher de poser la question. De ces trois catégories, y a-t-il actuellement un problème de classification dans l'une ou l'autre de ces catégories qui donne lieu à un litige?
M. Morin: C'est actuellement le cas, oui.
M. Werner Schmidt: Si tel est le cas, peut-être que cette classification en catégories est en soi un problème, plutôt que le fait d'avoir copié un brevet. Je peux imaginer toutes sortes de difficultés, surtout dans ce dernier cas quand il s'agit du procédé. Comment peut-on vraiment découvrir qu'il y a eu violation d'un procédé? Comment peut-on prouver pareille chose?
M. Morin: C'est relativement facile de prouver qu'il y a eu violation du brevet, et ce n'est pas la question que nous soulevons.
M. Werner Schmidt: Quelle est donc la question que vous soulevez?
M. Morin: La question que nous soulevons est celle-ci: après l'entrée en vigueur du règlement, nos amis qui avaient des brevets et qui disposaient d'une période définie pour inscrire ces brevets sur la liste, ont tout fait inscrire, de A jusqu'à Z. Lorsque le règlement était contraignant... Si l'on examine cela, ils disaient que le produit en soi seulement... Tout y était, y compris des brevets protégeant le procédé, qui ne devaient s'y trouver.
Santé Canada s'est adressé aux tribunaux. Les tribunaux ont décidé que les brevets protégeant les procédés ne devaient pas y figurer. C'est alors que les tribunaux ont en fait décidé que les trois catégories de brevets étaient visées par le règlement pour l'inscription des produits sur la liste.
Ce que nous disons, c'est qu'actuellement, on ne sait pas, quand on examine un brevet, pourquoi il figure sur la liste et qu'est-ce qu'on enfreindrait, le cas échéant.
Nous avons actuellement un cas dont nous discutons avec Santé Canada, qui n'a aucun droit de regard sur la liste. Il s'agit d'un produit pour lequel le brevet relatif à la molécule a été donné au grand public il y a des années par une compagnie généreuse qui s'appelle Pfizer. Puis, en décembre 1996, le même produit a été tout à coup inscrit sur la liste des brevets, mais pour un comprimé à libération prolongée. On le décrit précisément «comprimé à libération prolongée». C'est la raison pour laquelle ce produit est inscrit sur la liste. L'un de nos membres avait déjà un produit en voie d'élaboration et même prêt pour l'avis de conformité; ce n'est pas un comprimé à libération prolongée, mais c'est la même molécule. Tout à coup, il doit donner préavis d'une allégation, avec possibilité de subir trois mois de difficultés et de litige. C'est ce que nous voulons éviter. Nous voulons que cette liste devienne spécifique et non pas générale.
Le président: Une très brève question, monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Si le fabricant de génériques n'était pas tenu de prouver qu'il n'y a pas eu violation, autrement dit, s'il incombait au détenteur du brevet de prouver que vous avez enfin son brevet, au lieu de l'inverse, comme c'est le cas actuellement, cela vous aiderait-il?
M. Morin: Absolument. En fait, c'est pourquoi il faudrait tout simplement supprimer le règlement.
M. Werner Schmidt: D'accord. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Morin et monsieur Schmidt.
Je donne maintenant la parole à M. Murray, qui, je crois, partagera son temps avec M. Fontana.
M. Ian Murray (Lanark - Carleton, Lib.): C'est bien cela. Merci, monsieur le président.
Je voudrais revenir à la question des restrictions des exportations dont M. Messier nous a parlé tout à l'heure. J'ai lu dans un article publié au début du mois dans le Globe and Mail que Novopharm, comme on dit dans la manchette, a obtenu le droit de vendre aux États-Unis un médicament générique pour les ulcères. C'est une version générique du Zantac. Apparemment, Novopharm vend ce produit au Canada depuis environ quatre ans et le brevet vient à échéance aux États-Unis le 25 juillet. Vous avez fait un investissement considérable pour construire une usine en Caroline du Nord pour servir le marché américain. Y a-t-il une raison qui vous empêchait de vendre ce produit à partir du Canada, après l'expiration du brevet aux États-Unis, si le brevet est déjà expiré au Canada?
M. Messier: Nous fabriquons et vendons le produit au Canada dans le cadre de l'ancien régime de licence obligatoire, ce qui nous permet de le faire pour le marché canadien. L'avantage de ce que nous avons fait avec le ranitidine pour le marché américain, c'est que nous avons fait au Canada toute la R-D permise aux termes de la loi actuelle.
Cela revient à la question que M. Brien a posée tout à l'heure. Préférerions-nous perdre le règlement de liaison, ou bien perdre les dispositions sur le stockage dans le cadre de ce que l'on appelle l'exemption Bolar? Si nous perdions le Bolar au Canada, alors il n'y a absolument aucun doute dans notre esprit que nous n'aurions plus le choix, non seulement pour le ranitidine mais aussi pour la plupart des autres produits, nous serions obligés de les fabriquer aux États-Unis.
M. Ian Murray: Voyez-vous des avantages quelconques à faire fabriquer vos produits aux États-Unis, outre l'avantage évident d'être perçu là-bas comme une compagnie américaine? Préféreriez-vous pouvoir regrouper au Canada toute votre capacité de fabrication et de R-D, pour ensuite exporter vos produits?
M. Messier: Avant 1993, avant l'avènement du projet de loi C-91, nous avions acheté un terrain de 25 acres à Stouffville. Cette ville est située juste au nord de Scarborough, où nous avons acheté de McNeil un fabricant de produits pharmaceutiques qui avait fermé ses portes. Notre intention était de continuer à développer ce site pour y implanter nos installations de R-D; nous voulions concentrer l'augmentation de notre capacité à Stouffville, puisque la plupart de nos autres sites étaient utilisés à pleine capacité. C'était notre intention jusqu'à cette date. Nous avons changé d'idée à cause de l'adoption de la loi, à cause de l'incertitude de l'avenir à long terme. C'est pourquoi nous avons construit cette usine en Caroline du Nord.
M. Ian Murray: Je voudrais demander à M. McFadden si la chambre de commerce a examiné toute cette question des contraintes à l'exportation. La question a-t-elle été abordée pendant vos discussions internes?
M. McFadden: Non. Que je sache, nous n'avons pas abordé spécifiquement cette question. Je trouve que c'est intéressant. Nous pourrions peut-être examiner la question. En tout cas, il n'en est pas question dans notre mémoire et je suppose donc que cette question n'a pas été discutée. Si elle l'a été, nous n'avons aucune recommandation là-dessus.
M. Ian Murray: Merci.
Monsieur Kelsall, j'ai trouvé votre exposé très intéressant, même s'il ne porte pas directement sur le projet de loi C-91. J'ai cru comprendre que vous ne recevez de médicaments que des membres de l'ACIM. Est-ce bien exact? Est-ce parce que vous avez des relations particulières avec cette association?
M. McFadden: Oui. Au Canada, nous avons des relations essentiellement avec l'ACIM. Il s'agit de relations bien établies, qui ont commencé en 1989-1990, et l'association a été très généreuse. Nous recevons également des produits d'une compagnie appelée Pharmascience, qui produit des médicaments génériques. Nous savons que l'industrie du médicament générique a un organisme humanitaire qui distribue également des médicaments, mais nous collaborons avant tout avec l'ACIM et Connaught.
M. Ian Murray: Merci, monsieur le président. Je cède mon temps de parole à M. Fontana.
M. Windross: Monsieur le président, je voudrais apporter une précision sur une question posée par un membre du comité concernant les activités semblables à celles de MAP auxquelles participerait l'industrie des médicaments génériques.
Le Programme canadien d'aide médicale appelé CAN-MAP a été lancé par Novopharm au milieu des années 80. Novopharm a offert plus de 10 millions de dollars de produits pharmaceutiques de sa gamme à cette initiative qui dessert également des pays du tiers monde. D'autres compagnies du secteur des médicaments génériques y contribuent également. Je vous signale que nous participons nous aussi à cette initiative, aussi bien en tant que compagnie que...
Le président: Cela concerne également nos délibérations.
M. Windross: Merci.
Le président: Avant de donner la parole à M. Fontana, je signale aux témoins qui devaient initialement intervenir à 17 heures que nous avons été retenus par un vote à 15 h 45. Nous avons donc un retard d'environ 45 minutes. Si le comité est d'accord, nous allons poursuivre jusqu'à 17 h 45, après quoi les témoins suivants pourront commencer. Nous aurons ainsi une autre ronde de questions. Cela vous convient-il? Ensuite, la séance du comité se poursuivra de 17 h 45 à 19 heures avec le groupe suivant, ce qui nous permettra de rattraper notre retard. Nous allons faire venir des sandwichs, mais nous n'interromprons pas les travaux. Nous allons continuer à siéger.
Monsieur Fontana, je vous en prie.
M. Joe Fontana (London-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais poser une question que j'ai déjà posée en 1992 lorsque nous étudiions le projet de loi C-91. Elle porte sur la part de la recherche dans l'ensemble «R-D» de cette équation. Je voudrais adresser mes questions à M. David McFadden et, éventuellement, aux autres participants.
Il me semble que M. McFadden et les autres ont parlé de croissance dans l'industrie. Dans ce secteur, la clé de la croissance est évidemment la protection assurée par les brevets, mais c'est également les activités initiales de recherche et de développement.
Je sais que l'industrie a pris des engagements en 1992. En fait, lorsque le projet de loi C-91 a été adopté, on s'attendait à ce que la plupart des compagnies fassent de la recherche et du développement. Il me semble qu'elles n'en font qu'à titre volontaire. Certaines en font, d'autres n'en font pas, et certaines réussissent beaucoup mieux que d'autres. En fait, ce sont le CRM et l'ACIM qui ont proposé aux compagnies pharmaceutiques de consacrer une partie de leurs chiffres d'affaires à la recherche.
Je sais qu'on se préoccupe avant tout de la qualité de la recherche. De quoi parle-t-on exactement lorsqu'il est question de recherche? S'agit-il de commercialisation? S'agit-il d'essais cliniques? S'agit-il plutôt de recherche fondamentale? Il me semble que si le Canada veut être à l'avant-garde de la recherche en biotechnologie et en biopharmacie, il faut faire de la recherche fondamentale pour assurer le maintien de la croissance de l'industrie.
Vous avez parlé de recherche. Je voudrais savoir s'il n'y aurait pas lieu de remplacer la formule du volontariat par un système de recherche obligatoire - et je crois d'ailleurs qu'il y a consensus à ce sujet dans l'industrie et que le CMR a même fait une proposition en ce sens. Toutes les compagnies pharmaceutiques, qu'elles fabriquent des médicaments génériques ou brevetés, devraient contribuer 1 ou 1,5 p. 100 de leurs chiffres d'affaires à un fonds de réinvestissement en recherche qui serait géré par le CRM sous la surveillance d'un conseil de pairs, comme dans la formule actuelle. Les compagnies pharmaceutiques et les petites compagnies de biotechnologie auraient accès à ce fonds pour faire de la recherche et du développement.
J'aimerais que vous me disiez si vous êtes satisfait ou non de la situation actuelle et s'il y aurait lieu, à votre avis, d'inclure la recherche dans la portée de la révision actuelle du projet de loi C-91.
M. McFadden: Je vous remercie de cette question. Vous soulevez là un problème important qui concerne non seulement notre industrie, mais l'ensemble des secteurs industriels. Si le Canada veut rester à l'avant-garde de l'économie mondiale quelle qu'elle soit, il est essentiel d'investir massivement dans la recherche et le développement. Certains secteurs industriels font mieux que d'autres dans ce domaine.
Pour l'industrie pharmaceutique, d'après les chiffres que j'ai vus... J'ai ici un rapport publié par le gouvernement du Canada en février 1997 qui fournit deux ensembles de chiffres intéressants. D'un côté, on voit que l'industrie a pris certains engagements concernant la proportion des revenus à consacrer à la recherche et au développement.
D'après les chiffres de ce document, plusieurs membres de l'Association canadienne de l'industrie du médicament ont entrepris de consacrer 10 p. 100 de leurs chiffres d'affaires à des activités de recherche et de développement. D'après les chiffres du gouvernement fédéral, cette proportion était de l'ordre de 12,5 p. 100 en 1995.
Cependant, d'autres chiffres concernent davantage votre question. Je ne sais pas si vous avez reçu copie de ce document, mais il y est question des dépenses actuelles de recherche et de développement par type de recherche, et je pense que c'est de cela que vous parlez.
D'après ce document, il semble que le budget de la recherche fondamentale, qui débouche sur de nouvelles idées, ait constamment augmenté depuis 1988. La recherche appliquée a connu une expansion encore plus remarquable, et on trouve, au haut du tableau, un chiffre plus modeste pour les autres catégories de recherche.
Dans tous les secteurs industriels, il est souvent difficile de distinguer la recherche du développement. C'est toujours une question délicate. Je fais partie du conseil d'administration d'un certain nombre de sociétés d'informatique. Il est vrai que souvent, le plus difficile est non pas de proposer un concept nouveau, mais bien de l'amener au stade de l'exploitation commerciale, puis de mettre le résultat en vente sur le marché.
Je pense qu'il n'est pas facile de déterminer la catégorie de recherche la plus souhaitable pour ce pays. Et cela me ramène à votre question. Je suppose que l'organisme gouvernemental de contrôle effectue une surveillance et en fait rapport. Dans le cas contraire, le comité devrait peut-être intervenir.
En ce qui concerne la création d'un fonds au sein de l'industrie pharmaceutique, c'est sans doute aux compagnies pharmaceutiques qu'il appartient d'en discuter. Il est arrivé que des fonds de ce genre donnent de bons résultats, mais certains n'en ont pas donné, et je ne suis donc pas sûr que ce soit la bonne solution, mais peut-être que les membres de ce comité souhaiteront en discuter encore avec des représentants de toutes les catégories de l'industrie pharmaceutique.
Le président: Merci, monsieur McFadden, et merci, monsieur Fontana.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga - Maisonneuve, BQ): Monsieur le président, c'est un plaisir de vous retrouver.
J'ai deux questions à poser aux témoins et je vais commencer par une question aux représentants de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, étant moi-même un député de l'est de Montréal, près du Stade olympique. J'aimerais également, pour que cela soit bien clair pour tous les membres du comité, que les témoins nous rappellent l'importance de la recherche pour la vitalité d'une métropole comme Montréal. Je vous demanderais donc de vous exprimer là-dessus.
À la page 5 de votre mémoire, il y a une recommandation que je souhaiterais vous faire préciser. Vous dites que les gouvernements adoptent des mesures législatives et réglementaires pour maintenir et même accroître la protection de la propriété intellectuelle dans toutes les industries fondées sur le savoir, y compris l'industrie pharmaceutique.
Je souhaiterais que vous vous exprimiez sur ce sujet afin que les membres de ce comité obtiennent un peu plus d'information. Vous faisiez même allusion à une éventuelle clause de restauration et vous pourriez peut-être vous en expliquer.
M. Lacharité: Je pense que mon collègue, M. McFadden, dans le préambule de sa présentation, a bien fait valoir l'importance de la protection de la propriété intellectuelle au Canada. Comme on veut de plus en plus que l'économie canadienne soit fondée sur l'industrie du savoir, l'industrie de la haute technologie, il faut s'harmoniser et être capable de fonctionner au niveau des standards internationaux. Ce sont les règles du jeu.
L'importance de l'industrie a également été mise en évidence par M. McFadden. L'industrie pharmaceutique, toutes proportions gardées, est aussi importante à Montréal qu'à Toronto. On parle de 7 000 emplois directs de très haut niveau en ce qui concerne l'industrie innovatrice, surtout dans le domaine de la recherche et du développement, grâce à certains avantages offerts à l'industrie par le Québec au moyen de lois fiscales, etc.
La recommandation qui demande aux gouvernements d'adopter des mesures législatives et réglementaires pour maintenir et même accroître la protection de la propriété intellectuelle va exactement dans le sens des principes qui ont été mentionnés dans l'introduction de M. McFadden. C'est vital. Il faut s'harmoniser aux standards internationaux, et l'industrie pharmaceutique de même que les autres industries du savoir n'y échapperont pas.
M. Réal Ménard: En tant que membre d'une chambre de commerce aussi importante que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et non pas seulement de l'île, est-ce qu'il vous est arrivé d'entendre des gestionnaires appartenant à une organisation internationale ou multinationale dire, dans des forums de discussion ou dans des cadres élargis qui dépassent leur entreprise, qu'à cause de la propriété intellectuelle et à cause du fait que ce soit moins concurrentiel qu'ailleurs, une ville comme Montréal pourrait encourir des pénalités?
M. Lacharité: Je pense que cela va se vérifier dans à peu près tous les domaines. Si ni l'industrie ni nos gouvernements ne peuvent nous donner un cadre qui favorise notre industrie et lui permette d'atteindre les standards internationaux de la concurrence, nous n'y arriverons pas, d'autant plus qu'on met de plus en plus l'accent sur l'exportation. La région de Montréal et le Québec misent beaucoup sur l'exportation, et il faut par conséquent que ces mesures soient appliquées pour le bien de notre économie.
M. Réal Ménard: J'ai une dernière question. Je m'excuse, monsieur le président, d'avoir manqué les présentations préliminaires, mais les élections étant à l'horizon, on a toutes sortes d'autres obligations.
Je voudrais demander à Novopharm si ce genre d'argument est déterminant dans la compréhension que l'on doit avoir du débat qui oppose l'industrie du médicament générique à l'industrie du médicament d'origine.
On prétend que l'industrie du médicament d'origine, aussi imparfaite soit-elle, a une grande vertu, qui est celle d'ouvrir ses livres et de faire rapport annuellement à un tribunal quasijudiciaire. De plus, elle a pris des engagements sur le plan de la recherche qui sont, peut-on dire, à peu près respectés.
Par conséquent, ne devrait-on pas questionner Novopharm ou d'autres entreprises sur le plan de la recherche? Je ne dis pas que Novapharm ne fait pas de recherche, car j'ai vu les chiffres et je sais qu'elle en fait. Mais ne doit-on pas se poser des questions sur le fait que Novopharm et d'autres industries génériques n'ont de comptes à rendre à personne et ne donnent que peu d'explications sur leur recherche? D'autre part, ces industries accepteraient-elles un amendement en vertu duquel le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés serait appelé à statuer sur leur effort de recherche?
M. Messier: Je crois qu'en répondant à votre question, il faut considérer plusieurs choses. Premièrement, on n'a jamais très bien défini ce que veut dire «recherche». Je crois que dernièrement, lorsqu'on a demandé à l'industrie d'investir 10 p. 100 de ses ventes dans la recherche, on a défini le mot «recherche» à partir de ce que le ministère des Finances voulait bien considérer comme une recherche.
Il y a donc beaucoup à dire pour savoir si on doit dépenser 10 p. 100, 12 p. 100 ou 8 p. 100 en recherche, et pour définir ce que l'on considère être une recherche ou une recherche première.
Comme vous l'avez dit, Novopharm investit aussi beaucoup dans la recherche. Ce n'est pas toujours une recherche première, une recherche de base, mais nous avons aussi une usine de biotechnologie et nous avons quatre sites où nous faisons de la recherche première. Nous investirons d'ailleurs environ 500 millions de dollars au cours des 10 prochaines années, ce qui montre bien que nous investissons plus de 10 p. 100 dans la recherche de base.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Il nous reste à peine 15 minutes et trois députés ont demandé à intervenir. Je vous demande de faire preuve d'une grande générosité mutuelle.
J'aimerais aussi inviter M. Leblanc à intervenir. Il a déjà été vice-président de ce comité et il a contribué très utilement aux premières étapes de ses travaux. Nous allons donc essayer d'entendre ces différentes interventions sans pour autant dépasser l'horaire.
Je vais maintenant demander à M. Lastewka d'assurer la présidence.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.
J'aimerais que vous vous reportiez à la page 10 du document intitulé «La formule de la réussite». On trouve sur cette page des déclarations très intéressantes que j'aimerais porter à votre attention. On dit qu'il faut «obtenir le meilleur rapport qualité-prix possible des fonds investis dans le système des soins de santé».
On donne ensuite un exemple:
- Dans une publication émanant du Conseil consultatif de pharmacologie du Québec, un groupe
de travail chargé de l'évaluation de l'érythropoïétine recombinante concluait:
«l'érythropoïétine chez les hémodialysés va pratiquement révolutionner la qualité de vie de ces
patients».
- Voici maintenant l'argument décisif:
- «Elle permet d'éliminer les transfusions et leurs complications telles que les infections, les
réactions, la sensibilisation cytotoxique et la surcharge de fer. Par ailleurs, la disparition de
l'anémie chez ces patients améliore la tolérance à l'effort, le bien-être ainsi que la fonction
sexuelle».
M. McFadden: Je peux revendiquer la paternité de ce passage.
M. Werner Schmidt: Voulez-vous dire qu'il va falloir totalement réorienter la pratique de la médecine au Canada?
M. McFadden: Non, ce n'est pas ce que nous voulons dire. Nous disons dans le mémoire qu'il faut envisager le système des soins de santé dans son ensemble, en incluant la chirurgie, l'activité hospitalière et l'usage des médicaments. L'évolution du système dans un secteur pourrait fort bien entraîner d'importantes économies dans un autre.
Ce que l'on signale ici, c'est que la mise au point d'un médicament qui soigne un problème relevant normalement de la chirurgie constitue une véritable innovation. Il est rentable de consacrer des fonds à un tel médicament parce qu'il permettra sans doute de faire des économies, notamment dans le domaine des soins, puisqu'on n'aura plus à hospitaliser ni à opérer ces patients.
M. Werner Schmidt: Serait-il possible que le médicament ne soit pas utilisé parce que c'est plus amusant d'opérer un patient et que cela rapporte plus aux médecins?
M. McFadden: Théoriquement, c'est possible. Il est souvent difficile, pour différentes raisons, d'imposer une procédure nouvelle.
Nous avons ici un médecin. Peut-être pourrait-il intervenir sur cette question. Il se pourrait que les chirurgiens fassent des opérations inutiles, mais il se pourrait également, évidemment, que des médicaments soient prescrits inutilement.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Schmidt. Nous passons à Mme Brown.
Mme Bonnie Brown (Oakville - Milton, Lib.): Monsieur McFadden, vous dites que la chambre de commerce était favorable au projet de loi C-91 en 1992, ce que je conçois fort bien, compte tenu de la récession que connaissait Toronto à l'époque. Vous avez décidé d'attirer l'investissement et les nouvelles entreprises, mais je suppose également que vous êtes favorables à la révision quinquennale. J'aimerais connaître le travail préparatoire effectué par la chambre de commerce en vue de la rédaction de ce document qui entre dans le cadre de la révision quinquennale, car en toute franchise, j'y vois un véritable document publicitaire qui pourrait aussi bien émaner de l'ACIM.
Par exemple, est-ce que vous vous êtes contentés d'une mise à jour de votre mémoire de 1992 à partir des documents comme ceux qui figurent au dos de la couverture, et dont la plupart viennent de l'ACIM? Avez-vous tenu des audiences auprès des compagnies pharmaceutiques inscrites à votre chambre de commerce? Vous parlez constamment de l'industrie pharmaceutique, mais on peut avoir des points de vue différents sur cette question et je ne trouve dans ce document aucune contribution des fabricants canadiens de médicaments, qui ont pourtant un certain nombre de grosses entreprises créatrices d'emplois dans la région de Toronto.
Quelle a été votre démarche? Est-ce que la chambre de commerce a demandé un document à son personnel parce qu'elle devait envoyer quelqu'un faire un exposé devant le comité parlementaire, ou est-ce que vous avez organisé des réunions pour constituer un sous-comité pour préparer cette intervention, de façon qu'elle traduise bien tous les points de vue?
Vous auriez pu également donner la parole aux grosses entreprises de production qui offrent à leurs employés de très coûteux régimes d'assurance-médicaments. Elles ont elles aussi leur opinion et elles font partie de votre association. Est-ce que vous avez consulté tout le monde, ou s'agit-il simplement d'une mise à jour d'un mémoire antérieur, qui reprendrait essentiellement le point de vue de l'ACIM?
M. McFadden: Vous posez plusieurs questions. Tout d'abord, ce mémoire a été proposé en collaboration avec la chambre de commerce du Montréal métropolitain. Deuxièmement, nous avons entrepris le suivi des questions évoquées dans notre mémoire précédent datant de 1991, pour voir si de façon générale, les compagnies pharmaceutiques avaient bien pris les initiatives que la loi de 1991 les invitait à prendre. Voilà ce que nous avons voulu faire, et pour notre démarche, nous avons consulté différentes sources.
Je n'ai pas contribué personnellement au calcul de tous ces chiffres qui figurent dans le mémoire. Je suis vice-président de la chambre de commerce. Le document a été rédigé par le personnel, au sein d'un comité. Nous avons suivi la méthode traditionnelle. Luc pourrait peut-être vous dire comment les choses se sont passées à Montréal, mais finalement, le document a été transmis à notre exécutif, qu'il l'a étudié puis approuvé avant de nous le remettre.
Nous avons suivi une procédure tout à fait normale. Nous n'avons pas tenu d'audiences particulières à ce sujet. Nous avons effectué une mise à jour en fonction de ce qui s'est passé depuis la présentation de notre mémoire précédent.
Vous voulez sans doute faire allusion au contentieux qui existe entre les compagnies innovatrices et les fabricants de produits génériques. Nous ne sommes pas là pour dénigrer qui que ce soit au sein de l'industrie, ou pour constater la contribution de ces différents secteurs. Nous sommes tout à fait persuadés que... C'est pourquoi nous avons fait figurer toutes les compagnies sur ce schéma, indépendamment de leurs origines ou de leur appartenance à tel groupe ou à tel autre.
Mme Bonnie Brown: Je comprends bien ce que vous faites. Vous essayez d'être équitables et de jouer votre rôle de chambre de commerce, mais vous rendez-vous compte que votre exposé ne présente que le point de vue d'un seul secteur de l'industrie, à l'exclusion de l'autre? Il s'agit peut-être d'une inadvertance. J'essaie de tirer les choses au clair. Est-ce que la chambre de commerce de Toronto a décidé de prendre parti pour un secteur et non pour l'autre, alors que les deux sont représentés parmi vos membres?
M. McFadden: En fait, vous faites une erreur d'interprétation. Ce que nous voulons dire, comme nous le disions déjà dans notre premier mémoire de 1987, concerne une question d'orientation générale.
Nous ne voulons pas critiquer, promouvoir ou représenter un secteur plutôt qu'un autre. Nous sommes ici parce que dans le domaine pharmaceutique aussi bien que dans l'informatique, l'édition et tous les autres secteurs, nos membres estiment que la Loi sur les brevets est importante pour l'avenir de notre pays et des industries créatrices, d'où qu'elles viennent. Nous estimons que l'industrie pharmaceutique a droit, au même titre que toutes les autres, à une protection de 20 ans. C'est là notre argument essentiel.
Mme Bonnie Brown: Je comprends.
Je voudrais vous consulter, en votre qualité de membre du Conseil d'administration de deux sociétés de logiciels. Le projet de loi C-91 assure une protection supérieure à celle qu'on trouve dans tous les autres secteurs industriels au Canada, qui sont régis par la Loi sur les brevets, alors que le secteur pharmaceutique est régi par le projet de loi C-91.
Vous vous dites favorable au projet de loi C-91, bien qu'à certains égards, il accorde aux compagnies pharmaceutiques une protection supérieure à celle dont bénéficient les sociétés de logiciels. Autrement dit, je trouve votre point de vue contradictoire, en ce sens que d'un côté, vous dites que toutes les industries de haute technologie fondées sur les connaissances devraient bénéficier de la même protection en matière de brevet, alors que de l'autre, vous dites que les compagnies pharmaceutiques ont besoin d'une loi spécifique. Est-ce que vous accepteriez que toutes les industries soient régies par la Loi sur les brevets? Que voulez-vous vraiment dire?
M. McFadden: Personnellement, cela ne me dérangerait pas que tous les règlements relèvent de la Loi sur les brevets. Nous nous sommes intéressés à la situation de l'industrie pharmaceutique à cause de l'intervention du gouvernement et de l'appui que leur ont manifesté les Canadiens. Je pense que c'est pour cela que nous avons pu décider le gouvernement à intervenir de façon aussi concrète.
Voilà une bonne raison qui devrait peut-être inciter le gouvernement à se retirer de bien des domaines d'intervention, ce à quoi la Chambre de Commerce est certainement favorable. Nous avons notamment recommandé que dans ce secteur comme dans d'autres, le rôle du gouvernement devrait être de soutenir la recherche et non pas de distribuer des subventions.
Si le gouvernement veut réglementer de nouveau ce secteur, il peut toujours le faire, mais notre position là-dessus n'a pas changé. Nous sommes d'avis que ce secteur a droit à la même protection que les autres ni plus ni moins.
Mme Bonnie Brown: Dans ce cas, vous êtes contre le projet de loi C-91.
M. McFadden: Il incombe à votre comité et à la Chambre de décider s'il faut continuer à accorder un traitement de faveur à certains groupes, si c'est bien le résultat de la réglementation gouvernementale.
Mme Bonnie Brown: Vous préféreriez donc que la Loi sur les brevets s'applique dans tous les cas?
M. McFadden: Luc est peut-être mieux en mesure que moi de répondre à cette question.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vous remercie, madame Brown.
Votre temps est écoulé. La période des questions est plus courte lorsque les exposés ont été plus longs. J'accorde les deux minutes qui restent à mon collègue, Nic Leblanc.
[Français]
M. Nic Leblanc (Longueuil, Souv.-ind.): J'ai entendu à plusieurs reprises, cette fois-ci comme d'autres fois, les représentants de l'industrie du médicament générique se plaindre des difficultés qu'ils avaient à exporter leurs produits avant qu'ils ne soient acceptés ici, au Canada. Je voudrais savoir si c'est principalement parce que le ministère de la Santé du Canada prend trop de temps, par rapport aux autres pays, pour émettre des permis pour la vente des médicaments.
Je pose la question à M. Morin et je vais ajouter quelque chose: est-ce que vous accorderiez le même privilège aux produits d'origine?
M. Morin: Quel privilège?
M. Nic Leblanc: Le privilège de pouvoir exporter des produits avant qu'ils ne soient acceptés ici, au Canada.
M. Morin: Je pense que la question est de savoir si l'on peut exporter des produits qui font encore l'objet d'un brevet au Canada car c'est une chose qui n'est pas nécessairement acceptée. Ce n'est pas accepté dans le sens où Santé Canada doit donner son avis sur la sécurité et l'efficacité de ce produit. Il y a deux choses: le brevet d'une part, et la sécurité et l'efficacité d'autre part.
Il y a donc des gens qui veulent exporter dans des pays où les brevets sont expirés alors qu'ils ne le sont pas encore au Canada. On veut pouvoir fabriquer ici et exporter vers ces pays. C'est la première chose.
À ce sujet, nous dirons que cela pose peut-être un problème, et la solution serait sans doute d'harmoniser les dates d'échéance. Si on harmonise les dates d'échéance, que ce soit pour les produits d'origine ou les produits génériques, cela ne favorisera ni ne défavorisera personne.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Nic Leblanc: Oui, mais j'ai entendu d'autres témoins qui disaient que, pour émettre un permis au Canada, il fallait beaucoup plus de temps que dans la plupart des autres pays, soit les États-Unis ou l'Europe.
M. Morin: C'était vrai jusqu'en 1994. Les données pour 1996 montrent qu'il y a une amélioration. Actuellement, pour donner un permis à une nouvelle substance active au Canada, il y a un délai moyen de de 18,4 mois, ce qui est aussi rapide, à quelques jours près, que dans le pays le plus efficace, à savoir la Grande-Bretagne.
Pour un médicament générique, par contre, il faut en moyenne 21,2 mois. Il faut donc plus de temps, au Canada, pour faire approuver un médicament générique que pour faire approuver une nouvelle substance active.
M. Nic Leblanc: Est-ce que vous en connaissez la raison?
M. Morin: Il y a plusieurs réponses à cela. Tout d'abord, on a un très lourd passé. On a une loi - commençons par là - qui garantit les produits au Canada. Le gouvernement du Canada garantit la qualité des produits. Les députés et les ministres ne veulent courir aucun risque, ce qui fait que les fonctionnaires sont très prudents; par conséquent, cela prend du temps. Mais cela s'est considérablement amélioré.
Je voudrais souligner ici qu'il n'est pas sérieux d'utiliser l'argument des lenteurs administratives pour justifier des extensions de brevet. Corrigeons l'appareil gouvernemental plutôt que d'accepter de perdre tout ce temps! Il y a des situations dont il faut se rendre maîtres. Vous nous demandez de gérer les entreprises, et nous demandons au gouvernement de gérer l'appareil gouvernemental. S'il y a des délais, il faut les raccourcir. Cela peut très bien se faire, et la preuve en est que cela se fait depuis ces deux dernières années et que cela continue à se faire.
[Traduction]
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je remercie nos témoins de nous avoir attendu patiemment pendant que nous participions au vote. Je vous remercie aussi de vos mémoires et d'avoir bien voulu répondre à nos questions.
J'invite maintenant les témoins suivants à prendre place à la table. Je vous rappelle qu'un déjeuner vous sera offert ici. Nous travaillerons pendant l'heure du déjeuner pour pouvoir respecter notre horaire. Nous poursuivrons la séance jusqu'à au moins 22 h 45.
Nous prendrons maintenant une pause de cinq minutes et nous reprendrons la séance lorsque nos témoins seront prêts.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Nous reprenons la séance. Nous accueillons plusieurs témoins ce soir.
Je demande aux témoins de résumer leur position en cinq minutes pour que nous puissions ensuite leur poser des questions. Je vous ferai signe quand vos cinq minutes seront presque écoulées. Je vous demande d'aller droit au but pour que la période des questions puisse être plus longue.
Nous devons encore entendre beaucoup de témoins. Nous voulons faire en sorte que l'échange de vue entre les membres du comité et les témoins soient aussi fructueux que possible.
J'accorde la parole au témoin dont le nom vient en tête de liste. Il s'agit de Mme McDonough du Nouveau Parti démocratique.
Mme Alexa McDonough (leader du Nouveau Parti démocratique): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant le comité ce soir.
À notre avis, l'actuel ministre fédéral a très bien justifié la raison pour laquelle, au début des années 90, il a rejeté le projet de loi C-91 présenté à l'époque par le gouvernement conservateur. Je le cite: «On fait ici cadeau aux sociétés multinationales de l'argent qui est durement gagné par les simples citoyens.» Je le cite encore:
- Le régime de protection des brevets que propose le gouvernement conservateur peut se
comparer à un énorme programme d'aide sociale destiné à venir en aide à certaines des plus
importantes sociétés au monde, programme qui coûtera aux consommateurs, aux aînés, aux
contribuables, aux employeurs et aux régimes d'assurance-médicaments du Canada des
milliards de dollars d'ici la fin du siècle.
Il vous incombe de modifier la Loi sur les brevets pharmaceutiques afin qu'elle protège mieux la santé des Canadiens. La loi décriée, adoptée par le gouvernement Mulroney doit être remplacée par une loi qui permette de commercialiser plus tôt des produits génériques efficaces et à un prix abordable quand cela est dans l'intérêt de la santé des Canadiens.
À notre avis, on atteindra cet objectif en rétablissant la concurrence dans le secteur des médicaments. À cette fin, il convient de limiter l'exclusivité des brevets pharmaceutiques à quatre ans. Les redevances payées par les sociétés de médicaments génériques pour obtenir ces licences devraient refléter la mesure dans laquelle les travaux de recherche et de développement sont effectués au Canada dans le but d'améliorer la santé des Canadiens.
Au moment même où le gouvernement libéral réduit sa contribution financière dans le domaine de la santé, il accorde une protection excessive aux fabricants de médicaments, de telle sorte que cela crée une escalade des coûts de santé. Il porte ainsi deux coups de massue au régime de soins publics.
Le projet de loi C-91 a eu un impact désastreux sur les budgets des services de santé publique. Si les coûts d'hospitalisation ont diminué, les coûts des médicaments, ne cessent de monter. À l'heure actuelle, les médicaments, représentent 15 p. 100 des coûts de santé, soit à peu près la même chose que les honoraires des médecins.
Entre 1991 et 1993, au moment où les coûts d'hospitalisation par habitant ont diminué de 17 $, les coûts des médicaments ont augmenté d'environ 21 $. Brian Mulroney a affirmé que le projet de loi C-91 créerait des emplois au Canada. Or, le projet de loi a plutôt coûté des milliers d'emplois dans le secteur des médicaments. Au lieu de créer des emplois au Canada, les grands fabricants de médicaments ont au contraire réduit leurs effectifs d'environ 2 000 employés. En revanche, les fabricants de médicaments génériques ont créé plus de 2 000 emplois depuis 1990.
C'est dans le secteur de la santé qu'on constate le véritable impact sur le plan de l'emploi des bénéfices exorbitants des sociétés de médicaments puisque c'est dans ce secteur que 60 000 emplois ont été perdus depuis 1991. Qui plus est, les réductions de dépenses fédérales dans le domaine de la santé se traduiront sous peu par encore plus d'emplois perdus. Entre 93 000 et 408 000 emplois pourraient être sauvés ou créés d'ici l'an 2010 si l'on réinvestissait dans le régime des soins de santé les économies découlant de la réduction de la durée des brevets pharmaceutiques.
Faisons rapidement le calcul. On estime qu'il en coûtera entre 3,6 et 7,3 milliards de dollars aux Canadiens au cours des 13 prochaines années pour protéger les monopoles des super sociétés pharmaceutiques établies aux États-Unis. Chaque milliard de dollars investi se traduit par la création de 56 000 emplois directs.
Si le gouvernement veut faire preuve de leadership, il lui faudra d'abord cesser d'alléguer qu'il n'est pas habilité à réglementer les brevets pharmaceutiques ou à accorder des licences aux fabricants de médicaments génériques. Les libéraux prétendent ne pas pouvoir changer quoi que ce soit au régime odieux adopté par le gouvernement Mulroney parce que l'OMC ne leur permet pas d'accorder des licences aux fabricants de médicaments génériques. Or, l'OMC permet spécifiquement l'octroi de licences obligatoires.
J'ai fait remettre aux membres du comité, monsieur le président, l'avis juridique d'un spécialiste en droit commercial international et de l'octroi de licences relatives aux médicaments qui démontre clairement que des régimes de licences obligatoires existent déjà ou sont en voie d'être mis en oeuvre dans divers pays. Les États-Unis eux-mêmes ont un régime de licences obligatoires qui s'applique à la technologie de protection de l'environnement aux termes de la Clean Air Act. En fait, selon le U.S. Information Office, la seule exigence à laquelle doivent se conformer les titulaires de licences obligatoires, c'est que la licence doit servir aux fins pour lesquelles elle a été octroyée et qu'une rémunération adéquate doit être versée aux brevetés.
Ce gouvernement se délecte à prétendre qu'il ne peut pas intervenir dans les domaines d'intérêt public qui revêtent le plus d'importance pour le Canada. En fait, étant donné qu'il ne cesse de répéter qu'il ne peut pas créer d'emplois, ni accorder des licences aux fabricants de médicaments génériques ou ni non plus relever les défis qui se présentent à lui, on se demande pourquoi il voudrait même se faire réélire. Le moment est venu d'empêcher le gouvernement de se défiler et de prendre position pour les Canadiens, pour la santé publique et pour l'intérêt général. Outre que cela permettra de créer des dizaines de milliers d'emplois au Canada, l'établissement de prix de médicaments abordables se traduira par des milliards de dollars d'économies pour les contribuables et les services de santé.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vous remercie beaucoup.
J'accorde maintenant la parole à M. Garry Cruickshank de l'Association pharmaceutique canadienne.
M. Garry Cruickshank (vice-président, Association pharmaceutique canadienne): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je ferai notre exposé en anglais, mais nous pourrons répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
Afin de pouvoir consacrer plus de temps à la discussion, nous insisterons sur certaines de nos recommandations seulement dans notre exposé en espérant que le comité tiendra compte des autres.
L'Association pharmaceutique canadienne, communément appelée l'APhC, est une association qui représente depuis 90 ans les pharmaciens qui choisissent d'en faire partie. C'est un honneur pour nous de comparaître devant votre comité aujourd'hui.
Comme préambule à sa position à l'égard de la loi C-91, l'Association pharmaceutique canadienne, qui assure le leadership des pharmaciens et pharmaciennes du Canada, aimerait déclarer ce qui suit.
Nous savons que le prix des médicaments ne constitue qu'une des composantes des augmentations de coûts qui touchent les gouvernements, les assureurs et le public. Les autres éléments qui contribuent aux augmentations sont les changements d'utilisation, de couverture, les problèmes de fidélité au traitement, les mélanges de médicaments utilisés et les nouveaux médicaments plus chers. Mais le prix d'entrée des nouveaux produits est un facteur majeur qui doit être assujetti à des contraintes.
En 1997, en tant que professionnels de la santé, nous reconnaissons que de nombreux facteurs viennent affecter le coût, en croissance rapide, des médicaments au Canada, et que le fait de privilégier l'un ou l'autre de ces facteurs ne nous aidera pas à traiter le problème d'une façon cohérente. Nous reconnaissons également que, à mesure que les gouvernements transfèrent les coûts aux employeurs et aux payeurs individuels, il est important de prendre en considération l'impact que toutes les augmentations de coûts dans les médicaments peuvent avoir sur les consommateurs et particulièrement sur notre population âgée, suite à l'instauration de mesures de partage de coûts.
À titre d'introduction, nous aimerions préciser que dans le domaine de la pharmacie au Canada, le double but consistant à encourager l'investissement étranger, d'une part, et à soutenir une industrie nationale forte, de l'autre, a été poursuivi et, dans une large mesure, atteint au cours des 10 dernières années en faisant en sorte que les deux secteurs aient une chance équitable de croître et de prospérer.
Nous aimerions cependant signaler que l'impact à long terme du prolongement à 20 ans de la période de protection des brevets n'a pas encore été pleinement ressenti et nous devrions garder ceci en mémoire tout au long de ce processus de révision. La loi existe dans un contexte plus large et, dans le cas du projet de loi C-91, la protection accordée aux médicaments brevetés doit également être évaluée quant à son impact sur notre système de soins de santé placé sous administration publique.
Ce fait est particulièrement crucial dans le contexte actuel de réduction du déficit, qui a entraîné des coupures massives dans les paiements de transfert versés aux provinces dans le domaine de la santé. L'équité que le gouvernement fédéral devrait rechercher repose sur la considération des faits suivants: que les provinces assument présentement une part importante des coûts des programmes publics de médicaments, sans aide provenant des paiements de transfert fédéraux, puisque les médicaments à l'extérieur des milieux hospitaliers ne sont pas couverts par la Loi canadienne sur la santé.
En outre, les provinces le font sans avoir le contrôle sur l'établissement des prix des médicaments brevetés et même si elles peuvent faire des commentaires, elles n'ont aucun pouvoir décisionnel. Il convient de pondérer ces observations à la lumière de l'intérêt que le Canada peut avoir à encourager les investissements, la création d'emplois et la viabilité des entreprises industrielles, qu'elles soient de provenance locale, ou qu'elles découlent d'investissements étrangers.
Nous voulons vous parler brièvement de la durée des brevets, du règlement sur les avis de conformité ainsi que du mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.
Tout comme en 1992, l'APhC croit à la nécessité d'une protection adéquate de la propriété intellectuelle, et les 20 ans présentement accordés par la Loi C-91 sont conformes à nos engagements internationaux aux termes de l'ALENA et du GATT. L'environnement positif créé par le projet de loi C-91 a mené au renforcement, au Canada, d'une forte industrie biotechnique qui, à son tour, a contribué à un accroissement de la R-D au Canada, tout comme à la création d'un grand nombre d'emplois pour les Canadiens. Ce secteur est passé de 12 compagnies, en 1990 à 224 en 1997.
À l'heure actuelle nous croyons que la protection de 20 ans est appropriée et que, parce que l'impact complet n'a pas encore été ressenti, il serait prématuré de considérer prolonger cette période au-delà de 20 ans. Cette observation, selon nous, s'appliquerait également aux tentatives de prolonger la protection des brevets sur le modèle de «restauration de brevet» présentement pratiqué aux États-Unis.
Nous voudrions maintenant parler des dispositions relatives aux liens de corrélation, qui sont les plus délicates pour les intéressés, particulièrement parce que c'est la disposition qui a été la source de la plupart des litiges, des disputes et des poursuites devant les tribunaux. Lorsque le projet de loi C-91 en était à ses premières rédactions, cette disposition fut établie précisément pour empêcher les disputes en établissant un lien de corrélation entre l'avis de conformité et le brevet initial pour un médicament. Malheureusement, l'intention de départ semble avoir été oubliée ou contournée. Nous nous inquiétons de ce que les litiges découlant de cette disposition puissent avoir pour seul résultat des augmentations de coûts à l'avenir, lorsque les fabricants tenteront de récupérer leurs frais juridiques.
Nous préférerions recommander un retour à l'intention d'origine de la réglementation relative aux liens de corrélation. On pourrait y parvenir en se fiant à la date d'expiration du premier brevet d'un produit. Les documents initiaux mentionneraient clairement chaque produit, chaque molécule et procédé utilisé par l'innovateur, pour son premier brevet enregistré sur le produit. Ce genre d'affidavit pourrait être utilisé par un comité conjoint du Bureau des brevets et de la Direction générale de la protection de la santé pour déterminer, au moment de la demande d'avis de conformité, si l'émission d'un avis d'allégation justifiée.
Nous croyons également que l'avis d'allégation devrait comprendre des renseignements plus pertinents que ce n'est le cas présentement, de façon à susciter une réponse plus rapide, plus complète et plus précise de la part de la compagnie innovatrice.
Nous voudrions également aborder la question du travail et du mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. L'APhC a le sentiment que le Conseil a été efficace. Alors que les régimes de médicaments privés et publics connaissent des augmentations de coûts de l'ordre de 8 à 11 p. 100, les prix des médicaments brevetés sont restés alignés avec l'inflation.
Cela indique clairement qu'il est nécessaire de tenir compte d'autres facteurs pour travailler à contrôler l'escalade des coûts des régimes de médicaments. On pourrait accorder une certaine attention à l'établissement des prix d'entrée pour les nouveaux médicaments que beaucoup trouvent encore passablement élevés étant donné la corbeille de prix étrangers dont on se sert comme point de comparaison lors de l'établissement de ces prix. Le CEPMB devrait sérieusement considérer adopter un système de parité du pouvoir d'achat pour déterminer les prix d'entrée des médicaments au Canada.
Pour le moment, nous recommanderions de nouveau que la mission du CEPMB soit élargie pour s'étendre à tous les médicaments, brevetés ou non. Même si d'aucuns pensent que le marché est capable d'autorégulation, les médicaments génériques comparables dans d'autres pays sont arrivés sur le marché à des prix plus bas qu'au Canada. Cela a également eu un impact sur le coût des médicaments que doivent assumer les consommateurs et les payeurs des régimes privés et publics. Les compagnies de produits génériques fixent elles-mêmes la limite du prix d'entrée à une valeur maximum de 80 p. 100 du prix de l'innovateur.
En observant l'expérience d'autres pays, il semble que le marché canadien ne s'autorégularise pas aussi bien que d'autres marchés comparables et que, par conséquent, il faudrait considérer certaines mesures de surveillance et, au besoin des mesures par voie de réglementation pour s'assurer que les coûts des produits génériques au Canada sont comparables à ceux qui prévalent dans le groupe de pays dont se sert le CEPMB dans le cas des médicaments brevetés.
Ceci pourrait être fait en se servant des mêmes principes que pour les produits brevetés de manière à établir le prix d'entrée sur le marché canadien de la première version générique d'un médicament. Le prix de ce médicament serait alors le prix à concurrencer pour les autres fabricants.
Nous voudrions maintenant dire quelque chose des autres dispositions du projet de loi C-91. Les dispositions contenues dans les amendements originaux à la Loi sur les brevets demandaient un examen au bout de quatre ans d'application. À la lumière du fait que le plein impact de ces amendements ne s'est pas encore fait sentir, l'APhC aimerait recommander que l'impact du projet de loi C-91 et des amendements possibles qui seront suscités dans le cadre du présent examen soit de nouveau évalué dans quatre ans et que ce processus d'évaluation soit intégré à la loi même.
Même si les fonds de R-D engagés par l'industrie ne faisaient pas partie intégrante du projet de loi C-91, l'Association pharmaceutique canadienne aimerait recommander qu'ils forment la base d'un document annexé à la loi. Nous recommandons que les engagements de l'industrie soient renouvelés et évalués de nouveau dans quatre ans et qu'on y inclue l'obligation d'assurer une répartition équitable des fonds de recherche sur l'ensemble du Canada.
À propos des dispositions connexes concernant l'exploitation anticipée pour les compagnies génériques, l'Association pharmaceutique canadienne est d'accord avec les avantages accordés aux compagnies génériques par le biais des dispositions portant sur l'exploitation anticipée, qui permettent à celles-ci de fabriquer et d'entreposer un produit six mois avant l'expiration d'un brevet. Ces dispositions, avec la capacité de faire une demande d'avis de conformité deux ou trois ans avant l'expiration d'un brevet, ont fait en sorte que les équivalents génériques des médicaments brevetés puissent arriver sur le marché dès l'expiration du brevet.
Il en découle une garantie que certaines alternatives à coûts moindres pourraient être disponibles à l'expiration du brevet. Malheureusement, cet avantage n'a pas été utilisé au maximum par les compagnies génériques sur une gamme plus large de médicaments. On peut espérer que l'arrivée sur le marché d'un plus grand nombre de compagnies génériques aura pour résultat la conversion d'un plus grand nombre de médicaments en produits génériques, diminuant ainsi les coûts pour plus de patients et de consommateurs.
L'APHC croit également que les limites imposées à l'exportation de médicaments génériques avant l'expiration des brevets au Canada sont discriminatoires pour les compagnies canadiennes et, à la longue, peuvent en fait coûter des emplois au Canada. Nous aimerions en conséquence recommander que le gouvernement entreprenne de réviser les règlements d'exportation liés à la protection des brevets, pour permettre aux compagnies génériques de fabriquer, à des seules fins d'exportation, avant les six mois de la période d'exploitation anticipée et que cette façon de procéder soit permise pour tout médicament dont le brevet arrive à expiration dans un autre pays plus de six mois avant l'expiration du brevet au Canada.
En terminant, nous croyons que les coûts imposés au système par la protection supplémentaire accordée aux compagnies de médicaments brevetés ont été en partie contrebalancés par le mandat et les pouvoirs du CEPMB. Nous continuons à croire que nous avons tous un intérêt à faire en sorte que les médicaments brevetés soient développés, fabriqués et bien protégés au Canada. Sans les médicaments qui sont découverts, il ne pourrait pas exister d'industrie générique forte au Canada et les consommateurs ne pourraient pas bénéficier de l'arrivée sur le marché de médicaments qui sont des nécessités médicales.
Les modifications contenues dans le projet de loi C-91 qui traitent des brevets de médicaments différemment des autres genres de brevets, confirment ce que reconnaît le Forum national sur la santé:
- Que les médicaments fassent autant partie des soins «médicalement nécessaires» que les
services des médecins et des hôpitaux semblent maintenant trop évidents pour mériter
discussion... Dans un sens fondamental, cela suppose que nous ne voulons pas traiter les
médicaments comme un «bien de consommation», à l'égal des chaussures, des bateaux et de la
cire à cacheter, et qu'il est irrationnel et inconséquent avec nos objectifs plus larges de le faire.
Merci de m'avoir écouté.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.
Nous allons entendre maintenant le représentant du Quebec Research Group on Medication Use on the Elderly, M. Robyn Tamblyn.
Allez-y, docteur Tamblyn. Bienvenu.
Dr Robyn Tamblyn (Quebec Research Group on Medication Use on the Elderly): Merci beaucoup.
Je voudrais tout d'abord dire que je suis un épidémiologiste de l'Université McGill. Je n'ai pas d'opinion sur le projet de loi C-91 mais j'ai une opinion sur l'utilisation des médicaments. Je travaille essentiellement avec les personnes âgées.
Ce qui est pressant à cet égard, ce n'est pas la somme que nous dépensons mais le fait que nos attentes soient déçues - c'est-à-dire que ces dépenses n'entraînent pas de meilleurs résultats sur le plan de la santé des personnes âgées. Les personnes âgées et les assistés sociaux coûtent annuellement environ un milliard de dollars en médicaments à la province d'Ontario. Les mêmes groupes coûtent à la province de Québec environ trois quarts de milliard de dollars. Quarante pour cent des ordonnances sont prescrites à des personnes âgées et en moyenne, annuellement, chacune d'elles présente 33 ordonnances.
En fait, il serait merveilleux que les médicaments qu'elles prennent prolongent leur vie, l'améliorent, améliorent la qualité de vie. Mais en réalité, nous nous heurtons à un énorme problème, à cause de ce qu'on sait sur les médicaments et de ce qu'on met en pratique. Il n'y a pas seulement le problème de surmédication; il y a aussi la sous-médication et la mauvaise utilisation des médicaments.
Il en résulte que chaque année, environ 12 p. 100 des admissions à l'hôpital sont causées par des problèmes relatifs aux médicaments eux-mêmes. La moitié aurait pu être évitée.
Il y a deux principaux problèmes. Le premier, c'est que les médicaments qui devraient être administrés ne le sont pas. J'ai un bon exemple: un médicament dont on sait depuis longtemps qu'il prévient efficacement les crises cardiaques secondaires. On a découvert ce médicament en 1951. En 1970, on savait qu'il était efficace. Il a fallu encore dix autres essais cliniques pour convaincre tout le monde de son efficacité. En 1980, des lignes directrices disaient qu'il devrait être administré à toute personne ayant subi un infarctus du myocarde, ou une crise cardiaque. En 1990, seulement 21 p. 100 de ce groupe recevaient le médicament.
Au Québec, il y a 14 000 crises cardiaques par an. De ce nombre, 2 100 seront suivies d'une autre crise cardiaque, dans les 12 mois qui suivent. Mais seulement 333 d'entre elles sont évitées. Cela fait que 1 000 crises cardiaques auraient pu être évitées et ne le sont pas.
Prenons un autre exemple, celui d'un médicament contre l'insomnie, problème courant chez les personnes âgées, dont on sait depuis longtemps qu'il peut être dangereux pour les personnes âgées. Des recherches ont été effectuées dans les années 70 et 80 et depuis la fin des années 80, on considère que ce médicament est contre-indiqué. En 1990, 12 p. 100 des personnes âgées en prenaient. Chaque année, il y a au Québec 6 000 fractures de la hanche dont 1 000 sont attribuables à ce médicament.
Le problème, c'est qu'on peut consacrer de 2 à 3 milliards de dollars pour mettre un médicament sur le marché, pour en évaluer l'efficacité, mais cette information n'est pas appliquée en pratique.
Il est difficile de vous dire pourquoi c'est ainsi. C'est un paradoxe. Les patients ne veulent pas se rendre malades et les médecins veulent que leurs patients soient en santé; comment se fait-il que cette information, essentielle à l'amélioration de la santé des gens, ne soit pas utilisée en pratique, sur le terrain?
Le problème vient en partie du fait qu'il y a au moins 24 000 médicaments, sinon plus, dont la mise en marché a été approuvée. Toute personne travaillant sur le terrain doit savoir qu'il y a 33 000 diverses interactions médicamenteuses, 6 500 contre-indications pour certaines maladies et encore 3 000 combinaisons de médicaments pouvant causer des allergies et qu'il faut éviter. Personne n'est capable de savoir tout ça.
L'augmentation du nombre des médicaments a été exponentielle. En 1918, il y avait sur le marché 1 000 médicaments. En 1941, le Canada a approuvé la commercialisation de deux nouveaux médicaments. Depuis deux ans, nous avons approuvé la mise en marché d'environ 1 500 nouveaux médicaments par an. Il est impossible de suivre une évolution aussi rapide. Si on ne comble pas l'écart entre ce qu'on fait et ce qui est mis en pratique, peu importe l'argent consacré aux médicaments, la population n'en profite pas vraiment.
Je veux dire au comité qu'à mon avis, les Canadiens ont une occasion unique de tirer partie de notre système universel de soins de santé pour régler en partie ce problème. Nous savons qu'il est très difficile pour les médecins - tous comme les pharmaciens - de rester au courant des médicaments pris par leurs patients. Nous savons qu'en vieillissant, on se met à voir divers médecins dont on reçoit de nombreuses prescriptions différentes. Il serait possible, dans chaque province canadienne, de donner aux médecins qui pratiquent, l'accès à cette information afin qu'ils puissent prendre la meilleure décision possible pour leurs patients, en sachant quels médicaments ils prennent déjà.
En fait, une sur cinq des conjugaisons de médicaments potentiellement impropres est due au fait que deux médecins, à l'insu l'un de l'autre, prescrivent un médicament de la même catégorie, par exemple un anticoagulant, et le malade se retrouve avec une hémorragie gastro-intestinale.
Nous sommes donc en mesure de faire cela, et nous pouvons également, en fournissant cette information, par exemple électroniquement, en tirer avantage pour guider les gens, leur dire: Voici le meilleur médicament, et voici le plus récent; voilà ce que vous devez savoir à propos de ce problème, de ce médicament; et aussi pour savoir ce qu'on peut ensuite prescrire.
Si nous parvenions à cela - je crois que c'est possible - et, sans vouloir me vanter, je vais vous remettre un dossier sur la façon dont nous avons essayé de procéder à Montréal, mais ce n'est peut-être qu'une façon entre bien d'autres - soit de tirer le maximum de la nouvelle technologie d'information et d'accès aux banques de données démographiques, nous serons en mesure de mettre en pratique cette information et de mieux tirer parti, je pense, des avantages que la pharmacopée peut procurer à la population, en particulier aux personnes âgées.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant donner la parole au dr James Wright de l'Université de Colombie-Britannique.
Le dr James Wright (Département de pharmacologie et de thérapeutique, Université de Colombie-Britannique): Je vous remercie, c'est avec plaisir que je comparais devant vous.
Je voudrais vous exposer ce que nos avons décider de faire, en 1994, en Colombie-Britannique en matière de thérapeutique.
Avant 1994 je pratiquais la médecine, et en tant que spécialiste de pharmacologie clinique j'étais prompt à adopter de nouveaux médicaments. J'avoue que je les prescrivais sans connaître vraiment à fond leurs avantages et leurs risques, sans être au courant des coûts, en faisant confiance, d'une façon générale, à ce que le laboratoire pharmaceutique affirmait être la valeur de ce médicament. Cette attitude était due principalement, à l'époque, au manque de temps, et tous les médecins se trouvent dans la même situation. Je n'avais pas vraiment le temps de m'informer à fond.
Depuis 1994 les choses ont changé. J'ai à présent le privilège de prendre part au processus de révision de l'efficacité et la sécurité de tous les nouveaux médicaments, expérience qui a modifié du tout au tout mon attitude.
Je me rends compte à présent que lorsqu'un médicament est mis sur le marché l'information donnée est souvent lacunaire, parfois suspecte, et que les affirmations, dans la publicité, quant aux effets du produit sont souvent très peu fondées. Tous les tests, y compris la conception et l'analyse des essais cliniques, sont faits entièrement dans l'établissement même par la société pharmaceutique, qui se trouve ainsi clairement en situation de conflit d'intérêts. Je pense donc que nous devrions nous efforcer d'améliorer cette situation.
Je voudrais mentionner brièvement certains des objectifs de cette initiative thérapeutique, qui sont: évaluer des thérapies pharmaceutiques nouvelles et existantes, d'après les normes de la meilleure preuve d'efficacité clinique dans la littérature scientifique. Collaborer, au plan national et international, avec d'autres groupes engagés dans l'évaluation des médicaments; nous baser sur ces évaluations pour établir un classement des médicaments selon un rapport coût-efficacité et formuler des recommandations pour leur usage clinique optimal, et concevoir et appliquer un certain nombre de stratégies éducationnelles pour faire connaître les résultats de notre enquête et formuler des recommandations à l'intention des médecins et pharmaciens.
Ce projet thérapeutique est effectué par trois principaux groupes de travail: le premier, le groupe d'évaluation des médicaments, le second la formule d'information, et le troisième l'évaluation de l'impact.
La formule d'information consiste notamment en une lettre de thérapeutique que nous adressons à tous les médecins, et dont je laisserai quelques exemplaires au comité. À ce jour nous en avons envoyé 17 sur une thérapeutique des médicaments basée sur tests.
Le processus d'évaluation des médicaments, auquel j'ai participé comprend une recherche approfondie de la littérature sur toutes les bases de données publiées, et l'utilisation des données tirées des études les plus rigoureuses au plan scientifique ainsi que des essais aléatoires contrôlés, et en double-aveugle, dans la mesure du possible.
En nous appuyant sur des principes rigoureux, les tests d'efficacité clinique de chaque médicament sont revus et compilés, et des recommandations en sont tirées pour l'utilisation pratique du médicament conjointement avec d'autres thérapies. Les nouveaux médicaments sont évalués spécifiquement aux fins de savoir s'ils représentent vraiment un avantage thérapeutique prouvé par rapport à d'autres thérapies semblables.
Dans l'examen des médicaments auxquels nous avons procédé entre 1994 et 1997, seuls7 p. 100 de ceux que nous avons étudiés apportaient, d'après nos critères, un avantage thérapeutique réel.
Ceux qui participent à ce projet de thérapeutique s'inquiètent des conséquences du projet de loi C-91. Nous craignons que trop d'argent ne soit dépensé en avocats et en tribunaux pour régler des différends sur des infractions en matière de brevet, et qu'on dépense également trop d'argent en publicité et promotion des médicaments au Canada, au détriment de la recherche et du développement.
Le projet de loi C-91 fait des perdants, et ce sont eux dont les intérêts nous tiennent à coeur. Ce sont les patients qui non seulement sont malades, mais sont encore forcés de trop dépenser pour les médicaments dont ils ont besoin, et très souvent ne reçoivent pas le médicament qui serait le meilleur, dans leur cas, d'après les tests effectués - question qu'a évoquée le dr Tamblyn. Ces mêmes malades ne peuvent profiter d'un grand nombre de nouveaux médicaments mis sur le marché, du fait qu'il y a beaucoup de nouveaux médicaments que nous ne recevons pas. Le projet de loi C-91 n'aide certainement pas à changer cet état de choses.
Les autres groupes perdants à la suite du projet de loi C-91 sont les régimes provinciaux d'assurance-médicaments et autres régimes, dont les coûts restent trop élevés et qui sont donc obligés de faire payer les patients, qui ont vu le coût de leurs médicaments augmenter considérablement depuis quatre ou cinq ans.
Autre catégorie de perdants à la suite du projet de loi C-91, les chercheurs en pharmacologie et en médecine, en particulier dans les provinces autres que l'Ontario et le Québec. Les fonds pour la recherche ne sont pas répartis de façon équitable au Canada, et il conviendrait de redresser cette situation.
Je voudrais présenter quelques recommandations. À notre avis la protection de vingt ans accordée aux brevets devrait être maintenue, afin d'encourager et de protéger les vraies innovations, mais ce devrait être une protection à la fois minimale et maximale. Au lieu d'avoir une protection minimale des brevets de vingt ans, nous considérons qu'il devrait y avoir une protection à la fois minimale et maximale de vingt ans.
Nous devrions empêcher l'extension du brevet en imposant une limite aux années de protection de l'entité chimique, et il devrait y avoir qu'un seul brevet par médicament.
Nous voudrions que la loi soit conçue de manière à empêcher, dans toute la mesure du possible, des différends juridiques. Si la distinction était clairement faite, on éviterait de gaspiller tant de ressources en avocasseries.
Nous voudrions que les dépenses en R-D deviennent obligatoires. L'un des témoins qui m'ont précédé mentionnait la possibilité de rendre obligatoire le versement de 1 à 2 p. 100 du chiffre d'affaires dans un fonds de recherche, en répartissant équitablement le produit de ce fonds dans tout le Canada, cette répartition étant basée sur le chiffre de la population dans chacune des provinces.
Nous pensons également que les laboratoires de produits génériques devront être autorisés à commercialiser un médicament sur la base du droit sur les brevets du pays d'origine, et non du Canada. Ce n'est assurément pas favoriser notre balance commerciale que de rendre cette option impossible.
Le mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments devrait inclure tous les médicaments, car la prise de certains médicaments génériques nous paraît excessifs.
Je vais m'en tenir là, bien que je n'aie pas épuiser le sujet.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vous remercie. Vous aurez certainement l'occasion de compléter ce que vous vouliez dire quand vous répondrez aux questions.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Peter Clark, de Grey Clark Shih and Associates.
M. Peter Clark (président, Grey Clark Shih and Associates): Je vous remercie, monsieur le président.
Je voudrais aider aujourd'hui à éclairer le comité sur les obligations du Canada dans ses relations économiques internationales, dans la mesure où ces obligations relèvent de l'entente du GATT sur la propriété intellectuelle, et de l'ALENA.
Il y a quelques semaines M. Appleton comparaissait devant le comité et vous donnait à entendre que vous aviez la possibilité de réviser les dispositions relatives à la protection des brevets, en invoquant l'ordre public.
Je feuilletais le livre de M. Appleton sur l'ALENA, qui nous touche probablement davantage que l'entente de l'OMC. À la page 127 il dit que, à propos de l'article 1709(6), qui porte sur les licences obligatoires: «il convient de noter qu'il serait très difficile de réunir ces conditions» - à savoir des conditions d'exclusion. En effet l'ALENA empêche essentiellement le retour au régime de licences obligatoires au Canada et au Mexique.
Les termes de l'entente sont très précis. M. Appleton donne également à penser que les obligations dépassent celles contenues dans l'entente qui découle des ADPIC du cycle de l'Uruguay. La seule différence que je puisse constater entre ces deux textes, c'est la différence entre les termes de l'Accord de l'Amérique du Nord et de l'Accord européen.
Ce que nous devrions examiner, c'est l'entente de l'ALENA, parce que si les États-Unis devaient s'élever contre un changement dans la pratique canadienne, ils pourraient invoquer soit celle de l'OMC, soit celle de l'ALENA, mais je pense qu'ils pencheraient pour cette dernière.
Je comprends que l'objectif est d'encourager la concurrence dans ce domaine: lorsqu'on accorde d'aussi longues périodes d'exploitation d'un brevet, il conviendrait de prévoir un mécanisme rendant la concurrence possible.
Il a été question de la disposition de l'article 1709 de l'ALENA relative au à bon gouvernement et à l'ordre public; ou a également fait allusion à la disposition d'exclusion de l'ALENA. Il n'est pas toujours facile d'interpréter ces accords commerciaux, voilà plus de 30 ans que je m'y essaye. Je ne suis pas avocat, docteur Wright, j'espère que vous n'y voyez pas d'objection, mais jusqu'à présent cela ne m'a pas empêché d'essayer, monsieur.
Il m'arrive de siéger à ces comités internationaux. Le gouvernement a jugé bon de me nommer au comité qui étudie les chapitres 19 et 20 de l'ALENA, et de me nommer également membre de la liste de ceux qui siègent au Comité de règlement des différends, dans le cadre de l'OMC. Ce n'est donc pas que je manque d'expérience.
L'article 1704 de l'ALENA contient une disposition portant sur la lutte contre les pratiques ou conditions abusives ou anticoncurrentielles. Il y est dit que toute Partie a le droit d'amender la protection accordée aux droits à la propriété intellectuelle si cette protection a un effet négatif sur la concurrence dans le marché considéré. Il y a deux façons de procéder: bien entendu, il suffit de six Canadiens qui demandent à M. Finckenstein, du Bureau de la concurrence d'examiner la question; il suffit que ces Canadiens écrivent une lettre en la signant de leur nom. Le ministre, en comité parlementaire peut également faire la même demande à M. Finckenstein, mais je crois savoir que nous avons déjà un comité de surveillance qui étudie les prix des produits pharmaceutiques.
Si nous considérons que les dispositions spécifiques de l'ALENA, dont il a été question, permettraient, le cas échéant, de revenir au système d'antan, à savoir d'avant 1992, et si nous étudions la disposition concernant l'ordre public, je me demande pourquoi nous devons procéder ainsi alors qu'il y a une disposition spécifique portant sur la concurrence. Au lieu d'examiner une question d'ordre général vous examineriez ainsi une question spécifique.
Quant à la disposition portant sur les exceptions limitées ou sur les licences obligatoires, je demanderais également pourquoi on n'examine pas d'abord les dispositions relatives à la concurrence, dispositions que peut invoquer clairement une Partie sans enfreindre le contrat, parce que c'est d'un contrat qu'il s'agit là, à savoir un équilibre entre les droits et les obligations, de concessions de part et d'autre.
Si la question vous intéresse, vous pourriez consulter les rapports des représentants commerciaux des États-Unis, qui remontent au milieu des années 80. Le représentant commercial des États-Unis qualifiait notre système de licences obligatoires de barrière commerciale. En 1989 les Américains nous ont placés sur leur liste dangereuse super-301, à cause de ce même système, même après que nous ayons consenti à un compromis en accordant une protection de dix ans.
Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'un nouveau problème. Ce n'est pas comme s'il s'agissait de quelque chose qu'on ne pourrait prévoir. En vertu de l'ALENA, les États-Unis pouvaient avoir recours à un système de règlement des différends. Dans ce domaine, si l'on permet des clauses d'exclusion d'un accord il faut s'assurer que sa portée est aussi étroite que possible. Il faut démontrer aussi qu'on a cherché d'autres options, et qu'aucune de ces options qui auraient un effet moins perturbateur sur le fonctionnement de l'accord ne répondrait à un besoin.
Sans les motifs prévus dans l'article 1704, l'exclusion pourrait permettre à une des parties de renégocier l'accord, de se faire dédommager, faute de quoi elle pourrait prendre des mesures de rétorsion. On s'interrogerait aussi sur la fiabilité du Canada comme partenaire de négociation dans les accords internationaux. C'est un facteur dont nous devons tous tenir compte.
Je ne vais pas vous dire que vous ne pouvez pas utiliser la disposition sur l'ordre public. Le Parlement du Canada est limité par la Constitution du pays, non pas par nos obligations internationales en matière de commerce. C'est une autre question, une question commerciale. Ce n'est pas une question politique. C'est une question diplomatique. C'est quelque chose qu'il faut décider.
Merci, monsieur.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup de votre exposé. Nous passons maintenant à la période des questions et commençons avec M. Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Je voudrais souhaiter la bienvenue aux témoins. Je souhaiterais poser une première question générale.
Il me semble qu'une des questions qu'il faut se poser, en tant que membres du comité, c'est de savoir s'il y a une certaine rationalité qui dicte la recherche. On n'intervient pas n'importe comment dans le secteur de la recherche et il est certain qu'aucune entreprise ne va intervenir ou consentir à des niveaux d'investissement de l'ordre de 200, 300 ou 400 millions de dollars. Les chiffres qui ont été avancés en ce qui concerne la commercialisation d'un médicament varient entre 300 et 500 millions de dollars. Je ne sais pas qui a raison, mais je sais qu'on s'entend pour dire que ce sont des niveaux d'investissement substantiels.
On doit donc se demander à partir de quel moment on considère que ceux qui ont investi dans la recherche, dans un cadre réglementaire très précis, vont avoir un retour sur l'investissement.
À partir du moment où on répond à cette question, on est capable de dire quel type de protection on souhaite accorder. Par conséquent, je souhaiterais que vous nous disiez si vous êtes d'accord sur le fait qu'en 1997, pour commercialiser et découvrir un médicament, cela coûte entre 300 et500 millions de dollars et si vous avez le sentiment qu'avec une proposition comme quatre années de protection, il y aurait un retour sur l'investissement, de sorte que le Canada et le Québec ne seraient pas pénalisés au chapitre de la recherche biomédicale. C'est ma première question.
Je serais très honoré d'avoir une réponse de la chef du NPD.
[Traduction]
Mme McDonough: J'aimerais faire deux commentaires.
Tout d'abord il est tout à fait évident qu'en vertu du régime actuel, les compagnies ont le droit de recevoir un certain taux de rendement sur leurs investissements. Les chiffres démontrent qu'à l'heure actuelle le taux de rendement est très très bon.
Deuxièmement, le fait d'ouvrir de nouvelles possibilités plus tôt aux fabricants de médicaments génériques ne vise pas à les priver d'un rendement sur leurs investissements. Comme l'exigent l'ALENA et l'OMC, il faudrait prévoir clairement un rendement raisonnable sous forme de redevances.
Il est donc faux de prétendre que le système actuel soit le seul système valable, et que les arguments à cet égard doivent se fonder uniquement sur des considérations d'investissements.
Il me semble que le seul facteur dont on doive tenir compte pour décider d'adopter des lois ou des règlements sur la protection des médicaments brevetés ou sur toute autre question relative aux soins de santé est de savoir si la mesure proposée va protéger ou promouvoir la santé de la population.
Je ne suis pas spécialiste en droit commercial, mais je pense qu'il faut examiner très attentivement l'interprétation étroite que préconise le gouvernement du Canada. Ce dernier laisse entendre que nous devons nous conformer à perpétuité aux dispositions conclues en vertu de l'ALENA et de l'OMC, et qu'il nous est dorénavant impossible d'apporter des modifications susceptibles d'améliorer la santé générale de la population ainsi que la santé financière de l'État.
J'aimerais donner la parole pendant quelques instants à Steve Shrybman, qui m'accompagne aujourd'hui. Il a fait d'importantes recherches à ce sujet. Ses conclusions sont quelque peu différentes de celles d'autres témoins concernant la marge de manoeuvre dont nous disposons pour déroger aux dispositions de l'ALENA et de l'OMC.
[Français]
M. Réal Ménard: Permettez-moi de vous interrompre. Je voudrais avoir une réponse précise à ma question. Vous avez peut-être raison de dire quatre ans, mais je voudrais que l'on m'en explique la rationalité.
Pourquoi quatre ans plutôt que dix ans ou vingt ans de protection effective? En définitive, c'est la question à partir de laquelle il faudra présenter un rapport et sur laquelle il faudra se prononcer. J'ai, tout autant que vous, la protection de la santé des Canadiens à coeur.
Je suis, comme vous le savez, issu d'une communauté plutôt défavorisée et je n'ai donc aucun parti pris pour les multinationales. Mais je ne crois pas à l'idée rose bonbon et naïve qui consiste à penser que les investissements vont n'importe où, selon le bon vouloir des cadres qui les favorisent.
Quand des témoins viennent nous voir en nous demandant de revoir la disposition mentionnant 17 ou 20 ans, je veux qu'on m'explique d'abord la rationalité de ce chiffre. Est-ce que vous avez le sentiment qu'avec une protection de quatre ans, le retour sur l'investissement sera effectué, ou avez-vous d'autres critères que vous pourriez partager avec le comité?
[Traduction]
Mme McDonough: J'aimerais réitérer que rien n'indique qu'une société multinationale n'aurait plus aucun rendement sur ces investissements après quatre ans. Elle continuerait de recevoir des redevances pendant un certain nombre d'années. On cherche à mieux équilibrer la responsabilité qu'a le gouvernement de protéger et d'améliorer la santé de la population avec celle de respecter les accords internationaux qu'il a conclus.
Si nous sommes très impatients et méfiants à l'égard des arguments fondés sur le rendement, c'est surtout parce que les chiffres disponibles indiquent que les taux de rendement actuels ne sont pas seulement bons mais même excessifs.
Deuxièmement, quand nous voyons des chiffres qui indiquent que les sociétés pharmaceutiques multinationales dépensent au Canada 10 fois plus pour commercialiser leurs médicaments que pour effectuer de véritables travaux de recherche, nous constatons qu'il y a un grand déséquilibre que le gouvernement doit corriger.
Steve, avez-vous des commentaires sur l'OMC?
M. Stephen Shrybman (analyste politique, Nouveau Parti démocratique): En vertu de l'OMC, une société a maintenant le droit d'obtenir un mandat mondial pour tout droit de brevets qu'elle a acquis. Cela devrait augmenter considérablement les recettes que les compagnies pharmaceutiques reçoivent pour leurs médicaments brevetés, car la période minimale de protection, qui est de 20 ans, s'appliquera dorénavant aux 120 pays et plus qui sont membres de l'Organisation mondiale du commerce. Les recettes éventuelles provenant de la vente de médicaments brevetés ont augmenté considérablement à la suite de la décision de l'Organisation mondiale de la santé d'adopter une entente sur les droits de propriété intellectuelle.
[Français]
M. Réal Ménard: Je crois que ce comité devra prendre en considération quelque chose de très important qui nous a été mentionné par plusieurs témoins. En ce qui concerne l'évaluation que l'on fait du niveau de recherche consenti par les compagnies pharmaceutiques, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'une des recommandations que ce comité devrait formuler est qu'une portion de ces investissements aille dans un fonds indépendant où l'orientation de la recherche et du développement sera dirigée non pas par les compagnies pharmaceutiques, mais par un comité indépendant formé d'experts qui connaissent bien les besoins au niveau biomédical.
Il est important d'avoir des exigences d'équité envers les compagnies pharmaceutiques. Personnellement, je crois qu'il est tout à fait normal que les compagnies pharmaceutiques fassent des profits, mais il n'est pas normal qu'elles donnent le ton à la recherche et au développement. Cela m'inquiète en tant que Québécois.
Je suis également très inquiet du fait que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés n'ait pas plus de pouvoirs qu'il en a présentement pour s'assurer qu'il y ait un accès juste et équitable aux médicaments non homologués. Il y a des milliers de Canadiens qui, chaque année, ont besoin de médicaments qui ne sont pas homologués. Parce que le législateur n'est pas allé assez loin dans les obligations qu'il a imposées aux compagnies pharmaceutiques, l'accès à ces médicaments est extrêmement restreint. Je crois donc qu'on a le devoir de se préoccuper de ces faits et j'espère que l'on pourra compter sur les témoins que vous êtes pour appuyer des recommandations comme celle-ci en comité.
[Traduction]
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Veuillez tourner le micro vers vous, sinon votre intervention pourrait être inaudible. Merci.
[Français]
Mme Noëlle-Dominique Willems (directrice des affaires gouvernementales et publiques, Association pharmaceutique canadienne): Je voudrais simplement faire un commentaire sur ce que vous venez de dire. Effectivement, ce que vous venez de dire rejoint ce que le Forum national sur la santé a recommandé. Celui-ci est cependant allé beaucoup plus loin que vous, puisqu'il dit que ce sont tous les fonds de recherche qui devraient être dirigés de cette façon-là.
Je pense qu'il faut aussi se rendre compte qu'on ne fait pas cela avec beaucoup d'autres industries. On n'oblige pas les autres à se diriger vers la recherche et le développement. De plus, le gouvernement semble oublier un principe: lorsqu'on veut jouer, il faut aussi payer. Le gouvernement devrait donc jouer un rôle de leadership et démontrer qu'il croit aussi dans la recherche et le développement en y mettant des fonds adéquats.
M. Réal Ménard: Sachez que vous avez été entendue.
[Traduction]
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Je vous remercie tous d'être venus. J'ai beaucoup apprécié vos commentaires.
J'ai plusieurs questions que j'aimerais poser particulièrement au dr Tamblyn de l'Université de Montréal, et au dr Wright de l'Université de la Colombie-Britannique.
Il est intéressant de constater que des gens venant de différentes régions du pays ont proposé des initiatives thérapeutiques si différentes car il paraît que les médecins eux-mêmes ignorent exactement ce qu'il faut faire. Êtes-vous en communication l'un avec l'autre au sujet de vos initiatives respectives?
Dr Tamblyn: C'est la première fois que je rencontre Jim Wright, bien que j'ai beaucoup entendu parler de lui. Vous ne savez peut-être pas que notre groupe est financé par le ministère de la Santé, plus précisément en vertu du Programme de recherches pour l'autonomie des aînés. Il y a un groupe en Colombie-Britannique financé essentiellement pour étudier l'initiative thérapeutique, trouver des moyens de mettre des recherches en pratique et consulter les consommateurs afin de savoir ce que ces derniers veulent.
On a reconnu que nous travaillions sur des projets très semblables. Je suis en rapport avec le chercheur de ce groupe et avec d'autres chercheurs en Colombie-Britannique. C'est la première fois que j'ai l'occasion de rencontrer Jim Wright, probablement parce qu'il est tellement occupé et a tant d'autres choses à faire.
M. Werner Schmidt: J'ai trouvé très intéressant d'entendre le dr Wright dire que seulement7 p. 100 des nouveaux médicaments offrent vraiment une nouvelle thérapie. C'est un très faible pourcentage.
Dr Wright: C'est le même pourcentage qu'ont présenté les autres groupes. Joel Lexchin a étudié la question pendant plus longtemps et a conclu que c'était 8 p. 100. C'est un des problèmes dans ce domaine. La plupart des médicaments mis sur le marché ne sont pas vraiment nouveaux, mais fonctionnent selon le même mécanisme que d'autres médicaments; c'est ce qu'on appelle des produits d'imitation. Il coûte moins cher de mettre au point un produit d'imitation qu'un nouveau médicament.
Il nous faut vraiment un nouveau système qui encouragera l'industrie pharmaceutique à travers le monde, non seulement au Canada, à concentrer sa recherche sur la mise au point de nouveaux médicaments au lieu de médicaments que nous avons déjà.
M. Werner Schmidt: Si 7 p. 100 des nouveaux médicaments sont vraiment différents, est-ce que les autres 93 p. 100 sont aussi brevetés?
Dr Wright: Oui.
M. Werner Schmidt: Qu'en est-il donc de la procédure de dépôt des brevets si seulement7 p. 100 des médicaments sont nouveaux et 93 p. 100 des copies? J'ai cru que pour être breveté, le produit doit être nouveau ou différent.
Dr Wright: C'est à l'entité chimique qu'on accorde le brevet. Parce qu'il y a différentes entités chimiques, il y a des brevets différents pour les distinguer, mais elles ne seraient différentes si le brevet ne s'appliquait qu'à l'action pharmacologique.
M. Werner Schmidt: Le problème tient donc, comme nous venons de l'entendre, au fait qu'il y a trois catégories de brevets - moléculaire ou chimique, procédés et indications? S'il n'y avait qu'une seule catégorie de brevets, cela permettrait-il de clarifier et de corriger la situation?
Dr Wright: C'est le brevet relatif à une entité chimique qui accorde la protection la plus évidente, de telle sorte que cela ne changerait rien à la situation. On peut très bien changer une molécule. L'entreprise qui fait une découverte tentera d'obtenir un brevet pour tous les produits chimiques semblables, dont elle pense que l'action serait la même. Il se peut qu'elle demande un brevet pour plus de 100 composés. Même là, cependant, le système est tellement complexe qu'une autre entreprise peut modifier légèrement la molécule de manière à pouvoir breveter un autre médicament qui aura la même action pharmacologique que le médicament initial.
M. Werner Schmidt: Le problème devient, non pas plus simple, mais plus complexe. Je me demande si c'est vraiment la formule du brevet qui convient dans le cas qui nous occupe. Est-il pratique d'utiliser un droit des brevets qui s'applique aux nouvelles idées, dans le domaine de la chimie?
Quelqu'un doit pouvoir répondre à cette question que j'estime assez fondamentale.
Si personne ne peut y répondre, monsieur le président, je passe à une autre question. Il s'agit du rôle - en fait, comme l'université est représentée ici... Je ne peux tout simplement tout simplement pas résister à la tentation d'aborder l'enseignement de la médecine à l'université. Je sais qu'il s'agit d'un des points forts de l'Université de la Colombie-Britannique, tout comme de l'université qui se trouve à Montréal. Il y en a plusieurs, y compris McGill.
Vous êtes à McGill, n'est-ce pas?
Dr Tamblyn: Oui.
M. Werner Schmidt: La faculté de médecine de McGill a une réputation assez solide. La formation que reçoivent les médecins contribue-t-elle en fait à faire augmenter le coût des soins de santé? Ou a-t-elle pour effet de le faire baisser?
Dr Tamblyn: Je ne sais pas s'il est possible de répondre de façon définitive à votre question. Il semble que ce soit surtout pendant les années de leur formation clinique que les médecins apprennent à prescrire des médicaments ou a gérer le traitement pharmacologique. C'est quelque chose qu'ils apprennent surtout sur le tas. Le coût des médicaments n'occupe pas une place bien importante dans le programme de formation, pas plus d'ailleurs que le coût de bien d'autres types de services dans le domaine de la santé. L'industrie du médicament joue un rôle très actif dans les activités de formation et dans diverses autres activités, et il a été démontré que sa participation a une incidence sur les médicaments qui sont prescrits.
Pour ce qui est de savoir si le médicament prescrit est celui qui convient le mieux dans les circonstances, et relativement à la dose et à la durée du traitement, certains diront sans aucun doute qu'il est presque impossible de former quelqu'un pour qu'il ait toutes les connaissances voulues en ce qui concerne tous les médicaments qui se trouvent sur le marché. La tâche est d'autant plus impossible que la pharmacopée évolue à un rythme effréné depuis quelque temps. Il faudrait peut-être trouver de meilleurs moyens d'appuyer les praticiens en leur fournissant des informations plus actuelles au fur et à mesure qu'ils en ont besoin.
M. Werner Schmidt: C'est votre vision des choses.
Dr Tamblyn: C'est effectivement ma vision des choses. Il existe un lien entre la note que les aspirants-médecins reçoivent à leur examen d'homologation et leurs habitudes en ce qui concerne la prescription de médicaments. Le Conseil médical du Canada et l'Ordre des médecins du Québec se penchent aussi là-dessus pour déterminer s'il y a lieu de modifier les normes de passage aux examens, modifications qui auraient une incidence sur les programmes de formation.
M. Werner Schmidt: Quelle est la note des étudiants de l'Université de la Colombie-Britannique?
Dr Wright: Je suis entièrement d'accord avec Robin, mais nous avons une vision plus optimiste en ce sens que nous estimons que les aspirants-médecins qui se trouvent maintenant à notre faculté de médecine en apprennent beaucoup plus au sujet des principes du traitement pharmacologique fondé sur les résultats et des considérations relatives aux coûts que les diplômés qui les ont précédés.
Nous espérons qu'ils seront plus susceptibles de prescrire des médicaments, en se fondant sur les résultats. Nous ferons d'ailleurs une expérience pour vérifier cette hypothèse, en faisant un suivi auprès de ces diplômés; nous vérifierons quelles sont leurs habitudes en ce qui concerne la prescription des médicaments et nous pourrons vous donner des renseignements à ce sujet plus tard.
M. Werner Schmidt: Il me semble que vous êtes vous-même dans une situation on ne peut plus unique. Monsieur, puisque vous avez exercé la médecine et que vous vous occupez maintenant de thérapeutique. Je trouve que vous pourriez très bien assurer la transition. Il semble qu'il y ait une révolution en cours, si j'ai bien compris vos propos. Est-ce aussi votre impression?
Dr Wright: Je crois que oui.
M. Werner Schmidt: Que recommanderiez-vous donc que notre comité propose pour ce qui est de modifier la loi afin de tenir compte ou de prévoir cette révolution qui est en train de se produire? Je crois qu'elle est déjà bien amorcée.
Dr Wright: Je crois qu'il faudrait encourager l'innovation véritable et qu'il faudrait prévoir des incitatifs financiers en ce sens. Je crois qu'il faudrait faire la distinction entre innovation véritable et copie. Le CEPMB déploie, d'après ce qu'on me dit, certains efforts en ce sens, mais il n'a qu'une influence très limitée sur le coût. Je crois que, à l'heure actuelle, nous avons neuf ou dix inhibiteurs utilisés pour traiter l'hypertension. Dans tous les cas, l'action est la même et le coût est très semblable. Il n'y a pas une énorme différence de coûts entre ces différents médicaments. Il me semble que, de ce fait, le travail d'innovation qui a conduit à l'élaboration du médicament initial ne se trouve pas rémunéré comme il devrait l'être; s'il l'était, la mise au point de médicaments à partir de la formule d'origine serait moins bien rémunérée.
Si nous options pour une démarche comme celle-là, les prix pourraient baisser et il en résulterait des économies pour les patients. Ce serait une façon d'aborder la question.
M. Werner Schmidt: Comment nous y prendrions-nous dans la pratique? C'est une excellente idée en théorie, mais comment pourrait-on l'appliquer? Voilà ce que nous devons faire, au bout du compte.
Dr Wright: Le problème tient à l'effet de la mondialisation. Les prix sont généralement établis en fonction, non pas du prix canadien, mais du prix mondial. J'estime qu'il faudrait à tout prix qu'il y ait davantage de concurrence entre les entreprises qui mettent sur le marché des médicaments dont l'action est exactement la même. Je ne sais pas trop comment la loi pourrait être modifiée pour prévoir des incitatifs à cet égard, mais je crois que la concurrence est essentielle. C'est ce qui permettrait de faire baisser les prix.
Il faudrait peut-être un mécanisme selon lequel les copies ne pourraient pas être mises sur le marché aussi rapidement que le médicament initial. Il faudrait peut-être prévoir une forme de protection, peut-être un délai de protection de quatre ans, avant que la copie ne puisse être mise sur le marché. La copie serait alors vendue, non pas au même prix, mais à un prix concurrentiel.
M. Werner Schmidt: Monsieur le président, je crois qu'il faudra mettre fin à cet échange, si intéressant soit-il - par souci d'équité - , mais je voudrais pouvoir approfondir la discussion sur un autre aspect plus tard.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Bodnar.
M. Morris Bodnar (Saskatoon - Dundurn, Lib.): Merci, monsieur le président.
Madame McDonough, vous avez évoqué aujourd'hui le fait que le coût des médicaments représente environ 15 p. 100 des dépenses de santé. Or, les médicaments brevetés ne représentent que 3,3 p. 100. Le reste est attribuable aux médicaments génériques. Comme vous le savez sans doute, les médicaments brevetés relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. Cependant, tous les médicaments génériques, l'établissement du prix de gros de ces médicaments de même que les frais d'exécution d'ordonnance, tout cela relève de la compétence des provinces. Je ne sais pas pourquoi vous mettez les deux ensemble quand il n'y a qu'une si faible proportion qui relève de la compétence du gouvernement fédéral.
Ne seriez-vous pas d'accord pour dire que les gouvernements provinciaux, du fait qu'ils n'ont pas de conseil d'examen du prix des médicaments génériques, se soustraient ni plus ni moins à leur responsabilité en cherchant à la rejeter sur quelqu'un d'autre?
Mme McDonough: Je dois avouer que je n'avais pas examiné le problème sous cet angle. Il me semble qu'il y a tellement de responsabilités qui sont transférées aux provinces ces jours-ci que cela conduit au transfert du coût des soins de santé aux patients.
La situation est telle ces jours-ci que des personnes malades sont maintenant obligées d'assumer elles-mêmes le coût de leurs médicaments en raison des fermetures d'hôpitaux et de tout le reste. Je suppose que j'essaierais de renverser la vapeur. Chose certaine, la solution ne consiste pas à nous enfoncer encore plus profondément dans la voie de la fragmentation pour ce qui est de cet aspect de notre régime de soins de santé, comme c'est le cas pour tant d'autres choses.
C'est pourquoi je tire un certain encouragement - et je sais que d'autres en ont parlé aussi - des recommandations du Forum national sur la santé en ce qui concerne la nécessité d'établir un programme national d'assurance-médicaments pour que notre régime de soins de santé soit vraiment universel. Il le devient de moins en moins. Par ailleurs, j'appuie la recommandation de ce groupe pour ce qui est de la façon de limiter le coût des médicaments réglementés en s'attaquant à certains des problèmes créés par la loi C-91.
M. Morris Bodnar: Madame McDonough, en ce qui a trait à la réduction des dépenses au titre des hôpitaux, étant donné que je suis d'une province où les fermetures d'hôpitaux se produisent assez fréquemment - je veux bien sûr parler de la Saskatchewan - , peut-être que si l'on ferme des hôpitaux et qu'il y a moins de patients en Saskatchewan, c'est parce que les médecins traitent leurs patients avec des médicaments au lieu de les hospitaliser.
Peut-être que le dr Tamblyn peut nous dire si, à son avis, le fait que les médecins aient recours à des médicaments pour traiter leurs patients explique qu'il y a moins d'admissions dans les hôpitaux ou que les séjours à l'hôpital sont plus courts; les médicaments seraient une solution de rechange à la chirurgie. Est-ce bien là ce qui se passe, docteur Tamblyn?
Dr Tamblyn: Il y a effectivement divers exemples de cela. Il fut un temps où nous avions beaucoup de sanatoriums pour les personnes atteintes de tuberculose - les patients étaient remisés là et la moitié d'entre eux mourraient - nous avons maintenant des médicaments très efficaces contre la tuberculose qui ont permis de ramener le taux de décès à environ 5 p. 100 et qui font que les gens peuvent maintenant guérir de la tuberculose. Il en est de même des antibiotiques, tout comme des bêta-bloquants. Ce qui est tragique, c'est que le nombre de patients traités à l'aide de ces médicaments est bien inférieur à ce qu'il pourrait être en raison du manque d'information à ce sujet.
M. Morris Bodnar: Merci.
Au fait, madame McDonough, je tiens à vous faire part d'une de mes préoccupations. Vous direz peut-être qu'elle est d'ordre politique, mais si votre parti et vous-même êtes tellement préoccupés par le coût des médicaments et par la loi C-91, je me demande pourquoi aucun membre du Nouveau Parti Démocratique, sauf une seule fois, n'assiste à une séance de notre comité sur la loi C-91. Pourquoi?
Mme McDonough: Monsieur le président, je pourrais peut-être répondre à deux des points soulevés par le député. Tout d'abord, je ne savais pas que le mandat du comité prévoyait une discussion pleine et entière de la réforme des services de santé. Je serais heureuse de discuter de ce sujet, mais je croyais que vous étiez appelés à traiter d'un aspect particulier de la réforme des services de santé, à savoir la loi C-91 et la situation relative à l'accès aux médicaments et au coût des médicaments.
J'estime que l'examen en cours laisse notamment à désirer parce qu'il n'accorde pas assez d'attention à la question de la santé et qu'il en accorde trop à l'intérêt des entreprises concernées. Le problème tient en partie au fait que le modèle selon lequel les gens obtiennent les médicaments dont ils ont besoin concerne davantage l'intérêt de l'industrie que la santé.
Je ne veux pas qu'on puisse avoir l'impression que je préconise qu'on garde des lits d'hôpital et qu'on y mette des gens qui pourraient être soignés au moyen d'autres thérapies, quelles qu'elles soient, qui seraient offertes dans une autre province et qui seraient plus efficaces et coûteraient moins cher. Je crois d'ailleurs que le dr Tamblyn a confirmé qu'il existe de nombreux exemples pour montrer que cela peut se faire. La question que le comité doit toutefois examiner est celle de savoir comment les gens peuvent obtenir des médicaments à des prix abordables. Malheureusement, en raison du transfert des coûts en matière de santé, les médicaments ne font plus partie de notre régime universel de soins de santé et leur coût doit être assumé par les malades eux-mêmes.
M. Morris Bodnar: Madame McDonough, notre comité a entendu des représentants de l'Association canadienne des individus retraités. J'ai ici le rapport qu'ils nous ont présenté. Ils concluent dans ce rapport que la loi C-91 a eu l'effet voulu en maintenant les prix et les coûts à des niveaux raisonnables et équitables. Cette association représente 250 000 Canadiens, et ses représentants sont venus devant nous pour dire qu'ils appuient la loi. Qui devons-nous croire, vous-même ou cette association d'aînés et de personnes qui seront bientôt des aînés.
Mme McDonough: Monsieur le président, je n'ai pas l'intention d'engager la lutte avec un groupe en particulier, mais permettez-moi de vous dire que, de tous les groupes qui me font connaître leur point de vue, les objections les plus vigoureuses au sujet la hausse du coût des médicaments et du fardeau croissant des frais que les malades doivent payer eux-mêmes pour leurs médicaments, proviennent de personnes âgées. Je le dis sans aucune crainte qu'on me contredise dans quelque région du Canada que ce soit. Les groupes de défense des intérêts des personnes âgées sont aussi les plus nombreux à me faire connaître leurs opinions à cet égard, de telle sorte que je ne parle pas uniquement des personnes âgées à titre particulier. Où que j'aille au Canada, les groupes de personnes âgées me font part de leur préoccupation à cet égard, et je crois que la préoccupation est bien réelle.
J'ai autre chose à ajouter, si vous le permettez, monsieur le président. On a laissé entendre de façon très directe que les députés néo-démocrates participeraient aux travaux de votre comité si la question les intéressait. Je crois que les membres du comité savent qu'aucun député du Nouveau Parti démocratique n'a le droit d'être membre à part entière de votre comité ou de n'importe quel autre comité parlementaire du Parlement actuel.
Je trouve tout à fait inadmissible qu'on laisse entendre que nous n'avons pas fait preuve de leadership sur cette question, alors que mon collègue, John Solomon, a, à maintes et maintes reprises...
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Un instant. Sachez que n'importe quel député peut participer aux séances de notre comité.
Mme McDonough: Je parle de la qualité de membre, monsieur le président, de la possibilité de pleinement participer au comité. Je crois qu'il est important de le préciser pour les fins du compte rendu.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je crois qu'il est important de préciser dans le compte rendu que tout le monde a le droit de venir ici.
Je cède la parole à M. Schmidt.
M. Morris Bodnar: Mes dix minutes ne sont pas terminées, monsieur le président.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Excusez-moi. Il vous reste effectivement une minute.
M. Morris Bodnar: Merci.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je m'étais trompé.
M. Morris Bodnar: Il y a une question que je voudrais aborder avec Mme McDonough. Il s'agit de la localité de Saskatoon, qui a une industrie biotechnologique qui se porte très bien.
Les modifications que vous proposez d'apporter à la loi auraient pour effet que certains membres du monde technologique seraient littéralement obligés de quitter le Canada pour aller s'installer, de l'autre côté de la frontière, au Montana ou dans le Dakota du Nord, puisque vous mettriez ni plus ni moins un terme à leur activité. Je me demande si vous cherchez à mettre un terme à l'activité de l'industrie biotechnologique de la Saskatchewan et des autres régions du Canada.
Mme McDonough: Monsieur le président, je crois que le député se rend compte qu'il est absolument ridicule de dire que...
M. Morris Bodnar: Ce n'est pas ridicule, madame McDonough, puisqu'ils ont dit que ce serait là la conséquence de ces modifications à la loi C-91.
Mme McDonough: Non. La question qu'on m'a posée était de savoir si je cherchais à mettre un terme à l'activité de l'industrie biotechnologique du Canada. Je crois qu'il est parfaitement ridicule de laisser entendre une chose pareille. Je tiens à indiquer clairement que je n'ai nullement cette intention. Les recommandations que nous formulons partent d'ailleurs du principe que nous avons besoin d'une industrie biotechnologique prospère au Canada et que, contrairement à la prolifération qui avait été prévue et promise par la loi C-91, les résultats ont été décevants.
Il ne fait aucun doute que des initiatives et des progrès importants ont marqué le domaine de la biotechnologie, et cette affirmation vaut certainement pour la Saskatchewan en raison précisément du leadership dont on a fait preuve et des partenariats novateurs qui ont été formés.
Rien ne permet de laisser entendre que les recommandations que nous formulons seraient motivées par le désir de mettre fin à l'activité d'une industrie biotechnologie qui se porte bien au Canada ou qu'elles auraient ce résultat.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.
J'ai trois questions qui concernent, tout d'abord, un conflit d'intérêts relatif aux essais cliniques. Je crois que c'est vous qui en avez parlé, docteur Wright.
Les essais cliniques réalisés par les entreprises pharmaceutiques sont faits à l'interne, de telle sorte que certaines procédures ne seraient peut-être pas aussi rigoureuses et bien circonscrites qu'elles devraient l'être. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet? Voulez-vous laisser entendre qu'il y aurait peut-être lieu de confier ce travail à un groupe indépendant?
Dr Wright: Si j'avais la responsabilité d'un essai réalisé pour une entreprise pharmaceutique, je voudrais que toutes les données soient analysées et présentées par un groupe indépendant. Je veillerais à ce que les données soient compilées et analysées par un groupe indépendant et je ferais en sorte de le bien préciser quand les résultats seraient publiés.
Le bon sens exige de procéder ainsi si l'on veut bien montrer que tout est transparent et qu'il n'y a aucun conflit d'intérêts. Il serait très utile de procéder ainsi. Il en résulterait même une injection de fonds dans la recherche canadienne, puisqu'il y a des groupes, comme le nôtre, qui ne demanderaient pas mieux que de faire le travail d'analyse nécessaire à la publication des résultats des essais et d'en assurer la publication indépendante.
Je trouve qu'il faudrait encourager le recours à des groupes indépendants. Quand une entreprise a un produit qui représente un progrès énorme, elle ne devrait avoir aucune raison de ne pas vouloir faire appel à un groupe indépendant.
M. Werner Schmidt: Je vous remercie.
J'ai une autre question que je pose à tous ceux qui sont là. Il s'agit du rôle du CEPMB.
On laisse entendre dans un de ces documents que le prix des médicaments génériques devrait être fixé à environ 80 p. 100 du prix exigé au départ pour le médicament d'origine. Voici ma question: comment le CEPMB fixe-t-il le prix de base - autrement dit, le prix de référence? C'est le Conseil qui fixe le prix, mais quelles en sont les composantes et dans quelle mesure le prix est-il fixé de façon objective?
Mme McDonough: Monsieur le président, je ne connais pas la réponse à cette question, mais je sais...
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je veillerai à ce que vous vous en teniez à la question qui a été posée.
Mme McDonough: ... que la confiance dans le travail du Conseil a été sensiblement ébranlée. Par conséquent, j'ai écrit au vérificateur général pour lui dire que, selon moi, il faudrait procéder à un examen complet et indépendant de toute la question de savoir comment le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés détermine effectivement le prix des médicaments, car certaines des informations qui sont ressorties des témoignages qu'a entendus le comité ont suscité beaucoup d'inquiétude, étaient parfois contradictoires et nous amènent à nous interroger sur l'impartialité du Conseil et sur le mandat qu'il exerce dans l'intérêt public.
Quand il ressort des témoignages que pour établir le prix des médicaments, le Conseil s'est fondé sur les données fournies par les multinationales pharmaceutiques et prises pour argent comptant, il me semble qu'il y a lieu d'effectuer une vérification indépendante afin de déterminer quelles sont les pratiques actuelles et de faire des recommandations quant à la façon de bien servir l'intérêt public.
On ne peut que s'interroger quand cet organisme qui est censé être un organisme d'examen se fonde sur les données...
M. Werner Schmidt: Sauf le respect que je vous dois, vous n'avez pas vraiment répondu à ma question.
Mme McDonough: C'est justement là le problème.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Plutôt que de permettre que la discussion s'éternise, je vous accorde une minute, monsieur Schmidt, pour une courte question et une courte réponse.
Dr Wright: Je suis prêt à répondre à la question.
M. Werner Schmidt: Je cède mon temps de parole au dr Wright.
Dr Wright: Tout pourcentage est a priori arbitraire. Je recommanderais que le pourcentage soit arbitrairement fixé à 50 p. 100 du coût, à moins que le fabricant du produit générique puisse démontrer que le travail de recherche et de développement qu'il a fait permettrait d'exiger un prix plus élevé. Quand toutefois le fabricant du produit générique fixe un prix qui est assez prêt de celui du produit qui se trouve déjà sur le marché, il tire un avantage considérable du travail de recherche et de développement et du marketing fait par le fabricant qui a créé le marché en question. Rien ne justifie qu'on exige un prix qui s'approcherait de celui du médicament d'origine.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Schmidt.
Je cède maintenant la parole à Mme Parrish.
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib): Merci, monsieur le président.
Je suis tout à fait fascinée par les propos que j'entends. Je poserai des questions très précises. Je les poserai toutes en même temps, puis j'attendrai qu'on y réponde. Je constate que les témoins ont tous tendance à donner des réponses assez longues, et je crains de ne pas pouvoir poser mes questions.
J'ai entendu parler des anciennes mathématiques, des nouvelles mathématiques et voilà maintenant que j'entends parler des mathématiques NDP. Je trouve intéressant queMme McDonough parle du coût des soins de santé qui monte en flèche, des bénéfices honteux qui sont réalisés et qui acculent le régime national des soins de santé à la faillite, alors que le prix des médicaments d'origine a augmenté en moyenne de 1,6 p. 100 depuis trois ans, que le coût de la vie a augmenté de 3,1 p. 100 et que la part des médicaments brevetés dans le budget des soins de santé n'est que de 3,3 p. 100. Je lui donnerai donc une autre chance de m'enseigner les mathématiques NDP, car je n'arrive pas à faire la concordance entre ces chiffres.
Deuxièmement, elle parle de concurrence, de retourner à l'attribution obligatoire de licence après un délai de quatre ans. Je voudrais savoir à quel moment débuterait le délai de quatre ans, car je crois savoir que la plupart des entreprises pharmaceutiques, quand elles inventent quelque chose, l'enregistrent pour que leurs compétiteurs, qui tentent de mettre un médicament semblable sur le marché, ne s'emparent pas de leur idée.
Si donc nous revenons à l'attribution obligatoire de licence après un délai de quatre ans, à quel moment débuterait le délai de quatre ans et quel montant serait raisonnable comme redevance selon vous? Comment allez-vous décider combien il conviendrait de verser en redevances à l'entreprise qui détient le brevet?
Ma troisième question fait suite à un point qu'a abordé M. Bodnar et qui me passionne tout particulièrement. Les médecins qui sont ici ont parlé d'innovation véritable et de la découverte de nouveaux médicaments.
Soit dit en passant, j'ai bien aimé votre exposé, docteurs Tamblyn et Wright. Nous sommes sur la même longueur d'ondes.
Quand vous parlez des résultats décevants de l'expansion biopharmaceutique depuis 1991-1992, au moment où la loi C-91 est entrée en vigueur, il convient de préciser qu'on est passé de sept entreprises à 228. Cela me paraît, non pas décevant, mais époustouflant. Il s'agit là de recherche pure dont on parle ici. Il s'agit là d'emplois pour les diplômés d'université.
Je me souviens de mes années d'université où j'ai en fait voté pour le NPD. C'est là où vous trouvez beaucoup de vos partisans, qui ont besoin quand ils terminent leurs études, de bons emplois passionnants et bien rémunérés dans le domaine scientifique. Comment pensez-vous pouvoir maintenir ce taux de croissance énorme, qui a fait passer le nombre d'entreprises de sept à 228, si vous voulez envoyer tout le travail de recherche et de développement au sud de la frontière et que vous voulez éliminer les brevets?
Je l'ai fait?
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci pour ces courtes questions. Je voudrais maintenant obtenir des réponses courtes qui répondent bien aux questions. Il y en avait quatre.
Mme McDonough: Monsieur le président, je crois en avoir noté trois. Si j'en ai oublié une, vous pourrez me la rappeler.
Je crois que le problème tient au grand nombre de contradictions avec lesquelles nous devons composer. Nous entendons beaucoup de propos contradictoires autour de cette table quand il s'agit de savoir dans quelle mesure les prix ont vraiment augmenté, comparativement à ceux qui sont pratiqués dans d'autres pays, et quels sont les chiffres qui servent de base à l'établissement des prix. C'est justement l'une des raisons pour lesquelles nous avons besoin d'un régime réglementaire qui aurait plus d'indépendance et qui pourrait s'intéresser, non seulement au prix des médicaments, mais à l'ensemble du système de brevets pour les médicaments.
Deuxièmement, je crois savoir que le système de redevances qui existait avant le projet de loi C-91 prévoyait des redevances de l'ordre de 4 p. 100, 4 p. 100 de l'investissement, selon une formule relativement aisée à appliquer. Comme l'a suggéré M. Shrybman, étant donné la protection de 20 ans automatiquement offerte maintenant par l'OMC, avec en outre la possibilité d'introduire les licences obligatoires, on pourrait justifier une redevance légèrement inférieure à 4 p. 100 puisque le mécanisme de l'OMC a maintenant mis en place un système de rendement garanti à l'échelle mondiale. Je n'aurais pas la présomption d'avancer un chiffre mais je pense qu'on peut reconnaître que les sociétés qui détiennent un brevet auront un rendement accru à cause du mandat international reconnu par l'OMC.
Mme Carolyn Parrish: À partir de quel moment reconnaissez-vous que le brevet s'applique et quand commence votre période de quatre ans?
Mme McDonough: Je vous dirais franchement que je n'ai pas les connaissances nécessaires pour dire à quel moment exactement elle devrait commencer. Mais encore une fois, comme on l'a signalé dans de nombreux témoignages au comité, un trop grand nombre de ces décisions sont fondées entièrement sur des considérations pécuniaires plutôt que par rapport à la nécessité d'organiser l'industrie pharmaceutique de la meilleure façon possible pour servir les intérêts des Canadiens en matière de santé.
Mme Carolyn Parrish: Concernant l'accroissement du nombre de sociétés biopharmaceutiques de 7 à 228, que feriez-vous pour encourager cette expansion si elles ne peuvent pas compter sur la protection qu'offrent les brevets?
Mme McDonough: Je n'ai pas présenté d'arguments contre la protection offerte par les brevets. Je dis simplement que cette protection est excessive. Puisque nous avons maintenant pris cet engagement, que ce soit dans notre intérêt ou non, et nous reconnaissons que l'ALENA et l'OMC nous obligent à offrir une protection de 20 ans grâce aux brevets, nous cherchons un régime qui permette les licences obligatoires et qui prévoit des redevances raisonnables. Ce serait contraire à la loi et au bon sens de préconiser un régime qui ne donne pas un rendement suffisant pour encourager la recherche. Ce n'est pas notre position.
Mme Carolyn Parrish: Merci.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vais permettre à Nick Discepola de poser une brève question et nous allons ensuite conclure cette séance.
M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le président, avec votre indulgence, je vais poser trois questions très courtes auxquelles on peut répondre par oui ou par non, tout simplement.
Madame McDonough, êtes-vous d'accord, vous et votre parti, avec la plupart des témoins que nous avons entendus selon lesquels le prix des médicaments génériques devrait également relever du CEPMB? Dans l'affirmative, ma deuxième question est la suivante: collaboreriez-vous avec tous les gouvernements provinciaux néo-démocrates afin d'obtenir ce résultat?
Troisièmement, dans une conférence de presse aujourd'hui vous avez mentionné que les licences obligatoires étaient permises par l'OMC et vous avez fait connaître l'opinion d'un juriste reconnu en matière du droit du commerce international. Auriez-vous l'obligeance de donner au comité un exemplaire de cette opinion juridique que vous avez mentionnée à la conférence de presse?
Mme McDonough: Je pense que vous l'avez sans doute reçu dans la documentation que j'ai donnée à la greffière. Si par hasard il ne s'y trouve pas...
M. Nick Discepola: Parlez-vous de ce document-ci? C'est le seul que nous ayons reçu.
Mme McDonough: L'opinion juridique y était annexée. Si pour une raison quelconque vous n'avez pas...
M. Nick Discepola: Je ne l'ai pas eue moi-même mais si le comité l'a reçue, c'est très bien.
Mme McDonough: Deuxièmement, je ne vais pas me prononcer au nom d'un autre gouvernement, qu'il soit néo-démocrate ou non. Je crois savoir que des gouvernements néo-démocrates vont comparaître devant votre comité, ou du moins ont demandé la permission de le faire, et j'espère que cette occasion sera...
M. Nick Discepola: Mais je vous demanderais de répondre à la question; les prix des médicaments génériques devraient-ils relever du CEPMB? Oui ou non, s'il vous plaît.
Mme McDonough: Eh bien, cela dépend des changements d'ensemble destinés...
M. Nick Discepola: Très bien, vous êtes un excellent parlementaire, vous savez vous esquiver pour ne pas répondre aux questions.
Mme McDonough: ... à créer un régime plus cohérent.
M. Nick Discepola: Vous êtes un excellent politicien.
Mme McDonough: Si nous avons l'intention d'instaurer un programme national d'assurance-médicaments, dans ce cas je pense...
M. Nick Discepola: Est-ce un oui ou un non?
Mme McDonough: Eh bien, je dirais qu'il est trop simpliste de répondre par un simple oui ou non au défi d'envergure qui se présente au comité, c'est-à-dire obtenir un meilleur équilibre entre les intérêts des sociétés pharmaceutiques...
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vous remercie.
Mme McDonough: ... et la cause de la santé publique.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Vous voyez que quand un député demande de parler 20 secondes, on lui donne une minute et il veut en prendre quatre. C'est comme ça que cela se passe ici.
Je voudrais remercier les témoins d'être venus aujourd'hui et je m'excuse du retard. Vous nous avez été très utiles et je suis sûr que vous nous avez appris des choses. Je vous remercie encore d'être restés parmi nous cet après-midi et ce soir.
Nous allons prendre une pause de 10 minutes pour les députés qui vont rester pendant le reste de la soirée. En tant que vice-président, je fais toujours partie de l'équipe de nuit.
La séance est levée, nous allons reprendre dans 10 minutes.