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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 9 avril 1997

.1610

[Traduction]

Le président (M. David Walker (Winnipeg-Nord-Centre, Lib.)): Je souhaite la bienvenue aux témoins pour la reprise de nos audiences. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous examinons l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, chapitre 2, Lois du Canada, 1993. Nous allons poursuivre nos délibérations en entendant des témoins.

Avant de céder la parole aux témoins, je tiens à informer les partis de l'opposition et les membres du gouvernement que nous devons discuter de notre budget et l'approuver officiellement. Tout à l'heure, ou dès qu'il y aura quorum, si vous êtes d'accord avec ce budget, nous adopterons une motion. Il s'agit du budget dont nous avons parlé. Nous n'allons pas le faire maintenant, mais je voulais vous avertir que nous le ferons aujourd'hui ou demain. Si vous avez des questions au sujet du budget, pourriez-vous en parler d'ici là avec moi ou avec la greffière?

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga - Maisonneuve, BQ): Est-ce que vous en avez débattu au comité directeur?

Le président: Oui. C'est la même chose.

M. Réal Ménard: Et Pierre Brien a donné son accord?

Le président: Oui.

[Traduction]

Je vous ai avertis qu'une motion serait proposée, étant donné que nous tenons des audiences. Je voulais seulement que vous sachiez... ce sera peut-être demain, d'accord?

[Français]

M. Réal Ménard: D'accord.

[Traduction]

Le président: Je voudrais souhaiter la bienvenue à deux éminents invités qui ont participé au Forum national sur la santé: le dr Noseworthy, de l'Université de l'Alberta, et M. Evans, de l'Université de la Colombie-Britannique. Vous êtes les bienvenus. Nous nous réjouissons de votre participation.

L'un de vous pourrait peut-être commencer. Je crois que vous avez tous les deux une déclaration liminaire à faire. Ensuite, je céderai la parole aux membres du comité, qui vous poseront des questions. N'oublions pas que nous disposons d'un temps limité à cause du vote.

Dr Tom W. Noseworthy (président du Département des sciences de la santé publique, Université de l'Alberta): Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci et bonjour.

Nous savons que vous tenez ces audiences depuis des semaines et que vous avez entendu toutes sortes de points de vue différents. Au nom des 24 membres du Forum national sur la santé, nous nous réjouissons de pouvoir, cet après-midi, apporter notre contribution à vos délibérations sur ce sujet important.

.1610

Je commencerai par quelques observations personnelles. En tant que médecin exerçant dans le domaine des soins intensifs, je m'émerveille souvent des avantages extraordinaires que nous apporte la pharmacothérapie moderne et de ce que l'avenir nous promet. Mais nous ne sommes pas ici, cet après-midi, pour adresser des louanges.

Monsieur le président et membres du comité, le premier ministre a chargé le Forum national sur la santé de consulter et d'informer le public, et ensuite de conseiller au gouvernement fédéral des façons novatrices d'améliorer la santé et les soins dispensés aux Canadiens. Lorsque nous avons abordé le sujet des médicaments, nous avons estimé que les principales questions qui se posaient dans ce domaine étaient celles de l'équité d'accès, de la prescription et de l'usage ainsi que de la surveillance des prix.

Nous avons considéré les médicaments comme l'un des éléments de l'ensemble du système de santé, et non pas comme de simples produits, et nous n'avons pas considéré non plus l'industrie pharmaceutique comme une simple industrie mondiale cherchant à réaliser des profits. Nous avons examiné les choses dans une optique plus vaste. Néanmoins, pour ce qui est de cette dernière question, je vais céder la parole au professeur Evans, qui traitera de ces sujets.

M. Robert G. Evans (professeur, Département d'économie, Université de la Colombie-Britannique): Merci.

Monsieur le président et membres du comité, nous sommes maintenant passés du médecin à l'économiste.

Il existe une différence importante entre l'industrie pharmaceutique et les autres éléments du secteur de la santé. Je vais faire quelques observations qui sont sans doute des évidences, mais j'ai toujours trouvé utile qu'un économiste ne perde pas les évidences de vue. Elles serviront de contexte à plusieurs des recommandations qui sont formulées dans le document du forum.

Les fabricants de produits pharmaceutiques sont des sociétés à but lucratif qui ont des comptes à rendre à leurs actionnaires. Et c'est là leur première responsabilité. Elles sont au service non pas du grand public, des patients et des médecins, mais de leurs actionnaires. C'est ce qui les différencie des autres éléments du secteur de la santé, et c'est ce qui conditionne l'ensemble de leur comportement.

Pour dire les choses crûment, ils ne sont pas là pour rendre les gens en bonne santé. Ils ne sont même pas là pour fabriquer des médicaments. Ils sont là pour gagner de l'argent. Ce n'est pas une accusation; c'est tout simplement ainsi qu'est organisé le secteur à but lucratif. C'est une chose qu'il ne faut pas perdre de vue lorsqu'on essaie de comprendre son comportement.

Je ne veux pas dire non plus que personne d'autre, dans le secteur de la santé, n'est motivé par des intérêts économiques, car c'est parfaitement faux. Ce secteur a des responsabilités différentes, et c'est ce qui explique une bonne partie de ce que nous allons dire. En réponse à notre rapport, on a fait toutes sortes de déclarations laissant entendre que la mission première du secteur pharmaceutique était l'éducation et qu'il s'agissait, en fait, d'une forme d'entreprise éducative. Il n'en est rien.

Le deuxième aspect à considérer est que la plupart des actionnaires des principales sociétés pharmaceutiques de notre pays ne sont pas canadiens. C'est, là encore, un aspect à ne pas perdre de vue.

Il y a également une caractéristique importante de la structure des coûts de l'industrie pharmaceutique à considérer; en fait, la situation se compare beaucoup à celle de l'industrie du logiciel. Plus que la plupart des autres industries, ces secteurs se caractérisent par des frais fixes très élevés et des coûts variables relativement bas. Autrement dit, vous devez faire un investissement initial considérable avant d'obtenir un produit. Une fois que vous avez votre produit, vous devez récupérer les dizaines, centaines et millions de dollars que vous avez investis en vendant le produit en question. Cela vous incite donc énormément, et c'est même une question de survie, à exiger un prix qui dépasse vos coûts de production et à vendre le plus possible. Telle est la loi de la jungle à laquelle les entreprises pharmaceutiques sont soumises. C'est incontournable. Là encore, ce n'est pas une accusation; c'est le résultat de la structure des coûts de ce secteur.

Cela nous amène à considérer que l'industrie pharmaceutique doit négocier avec les Canadiens et les représentants du Canada, c'est-à-dire finalement vous-mêmes. Vous cherchez à obtenir une réglementation qui soit la plus favorable possible aux actionnaires en échange d'avantages pour les Canadiens, qui, à certains égards, compenseront les avantages obtenus sur le plan de la réglementation.

.1615

La Loi sur les brevets que vous examinez représente donc un avantage économique très important qui est accordé à cette industrie en lui permettant d'obtenir des prix supérieurs à ce qu'ils auraient été autrement, pour accroître les profits qui reviennent à ses actionnaires. Vous devez donc vous demander dans quelle mesure les Canadiens obtiennent des avantages en rapport avec les coûts que nous nous sommes imposés en protégeant les bénéfices de l'industrie. C'est dans ce contexte que nous avons examiné la possibilité d'une assurance publique universelle pour les médicaments.

Je vais repasser le flambeau à mon collègue, le dr Noseworthy, qui vous décrira brièvement ce que nous avons à dire à ce sujet.

Dr Noseworthy: Permettez-moi de répéter qu'à notre avis les trois grandes questions à se poser au sujet des médicaments sont celles de l'équité d'accès, de l'amélioration de la prescription et de l'utilisation et de la limitation des coûts.

Pour ce qui est de l'équité d'accès, comme vous l'avez certainement entendu dire depuis des semaines, nous faisons face à une utilisation accrue de médicaments à l'extérieur des hôpitaux, à un usage plus important des médicaments pour la prévention et le traitement, à un virage ambulatoire et à une assurance-médicaments généralement assez limitée.

Lorsque le patient quitte l'hôpital, ce n'est plus à l'établissement, mais au patient ou à son assureur d'assumer le coût des médicaments. Notre objectif devrait être de rationaliser les coûts, et non pas seulement de les transférer. Il n'y a aucune raison logique pour laquelle le coût des médicaments devrait être transféré des hôpitaux aux patients, simplement au nom de l'amélioration de l'efficacité hospitalière.

D'innombrables études indiquent que les médicaments sont prescrits à l'excès et mal utilisés. Je ne reviendrai donc pas sur ce sujet.

Pour ce qui est des coûts, leur gestion devient particulièrement importante lorsqu'elle touche tout le secteur de la santé, mais surtout parce que les dépenses que représentent les médicaments continuent d'augmenter à un rythme plus rapide que toutes les autres composantes des soins de santé. Ce n'est sans doute pas une simple coïncidence si l'élément de coût qui augmente le plus rapidement dans le secteur de la santé est celui pour lequel le financement privé est le plus important. Ce n'est sans doute pas une simple coïncidence.

À notre réunion d'avril, où nous avons consulté le public et les décideurs, les participants ont fait valoir plusieurs choses. Ils estimaient que la politique à l'égard des médicaments devait être rajustée sur de nombreux plans: la surconsommation, les méthodes de prescription des médecins, la commercialisation directe aux médecins, l'absence de systèmes d'information efficaces, le rôle mal défini des médicaments dans les services de santé, les incitatifs pervers au remboursement des paiements à l'acte, etc.

Pour ce qui est de la loi C-91, chaque fois que la question a été soulevée aux réunions avec le public, certains participants ont laissé entendre qu'il y a un lien direct entre la hausse du coût des médicaments délivrés sur ordonnance ou en vente libre et la loi C-91.

Il y aurait bien des choses à dire au sujet de la position que nous avons adoptée à cet égard. Nous avons conclu que la meilleure façon d'aborder l'équité d'accès, la prescription et l'utilisation ainsi que la limitation des coûts, c'était de faire de l'assurance-médicaments un élément à part entière du système de santé financé par l'État. La tâche ne sera pas facile. Nous répondons à ceux qui ont critiqué nos recommandations que nous ne préconisons certainement pas qu'on se lance rapidement dans cette voie. Il faut procéder par étapes, et il faut prendre le temps nécessaire.

Il n'y a aucune raison pour que les médicaments délivrés sur ordonnance soient jugés moins nécessaires et soient moins couverts par l'assurance-maladie que les soins hospitaliers ou les visites chez le médecin. Cela dit, si nous étendons l'assurance-maladie aux médicaments il faut veiller attentivement à mettre en place des mécanismes de contrôle des coûts très précis et efficaces.

De nombreuses personnes ont laissé entendre qu'en préconisant d'étendre l'assurance-maladie aux médicaments délivrés sur ordonnance nous allions accroître le coût des services de santé au Canada. Selon nous, ce n'est pas nécessairement le cas. Il faut trouver un mécanisme pour transférer au système public le financement privé du coût des médicaments. Une somme d'environ 4 milliards de dollars est en jeu. Le transfert de cet argent ne sera pas facile et ne se fera pas rapidement, mais c'est un maillon essentiel de la chaîne.

Je répète qu'à notre avis cela ne se traduira pas nécessairement par des dépenses plus importantes pour les médicaments. Cela ne veut pas dire non plus que le gouvernement fédéral va imposer aux provinces la responsabilité de financer une part plus importante du coût des soins de santé.

.1620

À notre avis, la première étape de cette réforme doit être la mise en place prochaine d'un système d'information sur les médicaments. Comme ces bases de données contiennent des renseignements très confidentiels, elles doivent être gérées par les pouvoirs publics et contenir la totalité des ordonnances, quel que soit le payeur. Elles peuvent relier les médecins, les pharmaciens, les patients, etc. À notre avis, c'est une étape essentielle, et peut-être la première à prendre, pour s'orienter vers une assurance-médicaments nationale.

D'autre part, avant que je ne cède la parole au professeur Evans, je parlerai du financement de la recherche dans le contexte de la loi C-91. Dans le cadre de notre examen de la loi, nous avons tenu compte de la contribution à la R-D par rapport au chiffre d'affaires total de l'industrie pharmaceutique - et nous désirons en souligner les conséquences.

En fait, nous croyons que l'industrie joue le rôle de meneur, étant donné qu'à l'heure actuelle elle finance à peu près 30 p. 100 de toute la recherche médicale au Canada. Le gouvernement fédéral dépense moins, les universités deux fois moins, et les provinces trois fois moins. À première vue, ces dépenses semblent être un excellent résultat de la loi C-91, mais étant donné la direction donnée par l'industrie, la recherche médicale s'est maintenant beaucoup plus orientée vers les produits et les préparations pharmaceutiques.

Selon nous, ce n'est pas là le modèle qui devrait résulter de cette part de 10 p. 100 qui devait être consacrée à la recherche. Nous soutenons même que l'industrie pharmaceutique devrait verser la totalité de sa contribution à cet égard à un fonds de recherche dans le domaine de la santé qui serait défini de façon très large, qui serait indépendant de l'industrie et qui serait géré par un ou plusieurs organismes subventionnaires nationaux qui attribueraient les fonds à des travaux de recherche méthodologiquement solides et soumis à l'examen par les pairs.

À notre avis, la situation actuelle, où les entreprises pharmaceutiques financent entre les deux tiers et les trois quarts de la recherche relative aux produits pharmaceutiques et aux essais cliniques, n'est pas une solution. Cela ne nous donne pas le rendement sur cet investissement de 10 p. 100 dans la R-D dont le public a un si grand besoin.

Nous pourrions faire des observations sur plusieurs autres questions, mais je cède de nouveau la parole au professeur Evans.

M. Evans: J'essaierai d'être bref, conscient de votre exhortation en ce sens.

Je voudrais insister principalement sur le fait que l'expérience que nous avons de l'assurance-maladie, des hôpitaux et des médecins, expérience qui s'étend maintenant sur plus d'un quart de siècle, montre que le financement public par un payeur unique conduit à des gains de rendement considérables sur le plan de l'administration et conduit aussi à une réglementation efficace des coûts si les gouvernements ont la volonté d'agir en ce sens. Les expériences tentées par d'autres pays renforcent cette conclusion, autant celles qui sont des réussites que celles qui sont des échecs monumentaux, comme ce fut le cas aux États-Unis.

Il n'en est pas nécessairement ainsi toutefois. Si, d'une part, nous affirmons avec une certitude considérable qu'un régime universel financé à même les deniers publics coûterait moins cher que le financement mixte, c'est qu'il est en place chez nous depuis le début. D'autre part, l'acheteur unique, qui serait le gouvernement de chaque province si nous options pour le modèle d'assurance-maladie que nous proposons, aurait accès à une multitude d'options. Cet acheteur pourrait choisir les médicaments en provenance de différentes sources.

Voilà où intervient la loi C-91, en ce sens que si la protection accordée aux fournisseurs de médicaments qui détiennent des brevets est améliorée, il devient plus difficile de trouver des solutions de rechange à un médicament en particulier. Il devient plus difficile pour l'acheteur prudent d'exercer le pouvoir qui découle de son rôle comme acheteur de gros et d'en tirer parti.

Il faudrait, selon nous, veiller à ce que le cadre réglementaire, quel qu'il soit, prévoie que les provinces seront les payeurs ultimes dans un régime universel et qu'elles auront la liberté d'action voulue, les options dont elles ont besoin pour pouvoir se comporter en acheteurs prudents. Nous pourrions ainsi assurer aux Canadiens de meilleurs soins à un coût moins élevé, puisque les acheteurs auraient la possibilité de choisir les médicaments qui correspondent le mieux aux besoins.

Il existe déjà des systèmes où ce principe est appliqué dans une certaine mesure, comme c'est le cas dans ma province, mais il s'agit d'une démarche limitée, et la gamme des options disponibles se rétrécit au fur et à mesure que les effets de la loi C-91 se font sentir avec le temps. C'est pour cette raison que nous sommes tellement préoccupés.

.1625

Nous sommes aussi très préoccupés, comme l'a signalé le dr Noseworthy... Un des principaux éléments du mandat du forum était de se pencher sur les facteurs qui ont une incidence sur la santé et qui dépassent le cadre du régime des soins de santé, afin de déterminer les voies qui pourraient être suivies à cet égard. Ces facteurs sont très importants, et il y en a beaucoup.

Si nos priorités en matière de recherche sont axées, non pas exclusivement sur les soins de santé, mais aussi sur les soins de santé définis en fonction de l'élaboration de produits commerciaux, nous allons dans le sens qui est exactement à l'opposé de celui que le forum devait explorer dans le cadre de son mandat et dont nous avons constaté l'importance.

Le président: Merci beaucoup à vous deux, professeur Evans et docteur Noseworthy.

Nous commençons la période de questions, comme c'est notre habitude,

[Français]

avec M. Ménard. Vous avez dix minutes.

M. Réal Ménard: Vous n'aurez jamais été aussi généreux, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Je n'ai pas le choix. Autant être généreux.

[Français]

M. Réal Ménard: Ne dites donc pas cela! Je sais que ça vous fait plaisir. Notre affection est mutuelle et durable; il n'y a pas de médicament qui pourra contrôler ça.

Notre comité a deux grandes recommandations à faire. La première consiste à se demander si les travaux du Forum national nous ont permis d'évaluer un peu plus précisément ce qu'il en coûte de façon contemporaine pour mettre sur pied un médicament. L'industrie du médicament d'origine se présente devant nous en disant qu'il lui faut un retour sur investissement et qu'investir pour découvrir et commercialiser un médicament, grosso modo, toutes nuances confondues, lui coûte à peu près 500 millions de dollars. Compte tenu de ces coûts, elle dit avoir besoin d'une protection effective d'au moins 10 ans - 20 ans en tout - , mais cela ne tient pas compte de la période où il y a les essais cliniques et tout le processus réglementaire. Comme industrie, si on n'a pas ce type de protection, on ne sera pas en mesure non seulement de continuer à faire de la recherche, mais aussi de découvrir de nouveaux cycles de médicaments. Comment réagissez-vous devant ce type d'arguments dans un premier temps?

[Traduction]

M. Evans: En faisant remarquer que le Canada n'est pas le seul pays au monde. Il ne représente que 2 p. 100 du marché mondial des médicaments, et il est à mon avis complètement irréaliste et trompeur de laisser entendre que le niveau des recherches faites par la communauté internationale des fabricants de médicaments ou que le rythme auquel de nouveaux médicaments sont élaborés dépend de quelque façon de ce que fait le Canada relativement au financement des médicaments.

Il se peut très bien que notre cadre réglementaire ait une incidence sur la décision de faire la recherche au Canada ou ailleurs, mais le rythme auquel la recherche se fait dans le monde - et il s'agit bien ici de l'industrie mondiale - ne dépend pas de ce que fait le Canada. Il est juste de dire que, dans un contexte mondial, toute entreprise - et j'ai bien insisté là-dessus au début - dont l'activité se fonde sur la science et qui a des coûts initiaux élevés doit pouvoir recouvrer ces coûts, mais il ne s'ensuit pas qu'elle doit les recouvrer dans un pays en particulier ou qu'elle doit les recouvrer par le prolongement de la protection accordée aux détenteurs de brevets. Il y a plein de façons de recouvrer une partie de ces coûts.

Pour répondre directement à votre question, le forum n'a pas tenté de faire la ventilation de ces coûts ou de déterminer quels étaient les frais de lancement, mais je crois qu'il ne serait pas du tout sage de se fonder sur l'évaluation qu'en fait l'industrie elle-même pour décider de la protection qu'il convient d'accorder aux détenteurs de brevets. Toute la question de l'attribution des coûts, quel que soit le contexte, tient en quelque sorte de l'occulte, comme le savent bien les comptables.

C'est une question qui, à mon sens, n'a essentiellement rien à voir avec la politique gouvernementale canadienne.

[Français]

M. Réal Ménard: Je crois que vous y allez un peu fort quand vous dites que la ventilation des coûts n'a rien à voir avec cela, ce qui m'amène à vous poser une autre question. Est-ce que vous êtes d'accord qu'historiquement, il y a eu une période où l'industrie pharmaceutique faisait peu de recherche autonome au Canada? Admettez-vous que quelque part, vous et moi pouvons discuter du type de recherche? Croyez bien que je suis assez informé pour savoir que le type de recherche qui est admissible et qui est évalué par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est quand même très spécifique et s'apparente à celui qui est admissible au crédit d'impôt en recherche et développement expérimental.

Cela étant dit, est-ce que vous reconnaissez qu'il y a eu une progression dans les efforts qui ont été consentis par les sociétés de médicaments d'origine et êtes-vous en mesure d'affirmer qu'eu égard au projet de loi C-91, cette recherche-là aurait quand même eu lieu de toute façon?

.1630

Il y a une logique qui doit nous animer. L'industrie a dit que faute d'une protection sur la propriété intellectuelle concurrentielle, elle n'avait pas été en mesure de consentir les niveaux d'investissement qu'on lui avait dit de faire.

Lorsque l'industrie s'était présentée devant les parlementaires en 1992, elle s'était engagée à investir 10 p. 100, ce qui représente à peu près 600 millions de dollars. Cette obligation a été réalisée. Je ne vous dis pas que c'est satisfaisant et je ne vous dis pas qu'il n'y a pas un certain nombre de griefs qui doivent être entretenus par l'industrie du médicament d'origine, mais j'ai de la difficulté à vivre avec une réponse qui nous dit quasiment qu'il n'y a pas de lien à faire entre le cadre réglementaire ou législatif et la recherche. Vous allez devoir m'expliquer cela.

[Traduction]

M. Evans: Bien sûr. Quand on essaie d'encourager l'industrie à choisir le Canada comme emplacement de ses recherches, à faire plus de recherches au Canada, et qu'on lui offre à cette fin des incitatifs financiers, il me semble qu'il devrait en résulter un accroissement de la recherche effectuée à partir du Canada.

La question qui se pose financièrement est de savoir si l'on est préoccupé par le rythme d'élaboration de nouveaux médicaments et par la disponibilité de ces médicaments pour les Canadiens, qui sont tributaires du processus mondial, ou si l'on se préoccupe davantage de savoir où la recherche se fait. Quand on offre suffisamment d'incitatifs financiers à une industrie pour l'amener à faire de la recherche dans un endroit en particulier, il va sans dire que l'industrie choisira cet endroit comme lieu de son activité de recherche.

Reste à savoir toutefois s'il faut y voir un progrès ou un avantage quelconque pour les Canadiens. On se trouve ni plus ni moins à accorder à l'industrie un avantage considérable du fait qu'elle peut ainsi fixer ses prix à un niveau plus élevé, et l'on s'attend en retour à ce qu'elle réinvestisse une partie de ses bénéfices supplémentaires - pas la totalité, mais une partie - dans des activités de recherche au Canada. Nous soutenons que ce compromis - nous vous donnerons plus d'argent si vous acceptez d'en réinvestir une partie au Canada - a un effet déterminant sur l'orientation de tout le processus de recherche au Canada.

Si tel est l'objectif visé, nous soutenons qu'il serait bien plus avantageux d'exiger de l'industrie qu'elle remette ses fonds de recherche à un consortium des organismes subventionnaires canadiens pour que ces fonds de recherche supplémentaires puissent être utilisés pour la recherche sur des sujets qui sont des priorités pour les Canadiens, au lieu de s'en tenir à une formule où l'on s'en remet complètement à l'industrie et où l'industrie élabore des produits au nom de ses actionnaires, produits qui sont la propriété de ces actionnaires.

[Français]

M. Réal Ménard: D'accord.

[Traduction]

Dr Noseworthy: Puis-je aussi dire quelque chose à ce sujet?

Nous parlons ici de la pertinence de la recherche, et il me semble qu'en termes simples la loi C-91 dit essentiellement qu'en échange du prolongement de la protection qui leur est accordée, les détenteurs de brevets s'engagent à investir dans la recherche qui sert le bien public.

Si par bien public il faut entendre santé publique, je crois qu'il convient de se rappeler de nouveau qu'il n'existe qu'un lien marginal entre, d'une part, la santé et le bien-être de la population et, d'autre part, le régime de soins de santé, qui se fonde presque exclusivement sur les médicaments, les médecins, les hôpitaux, etc. Nous avons plein d'objectifs de recherche dont l'industrie ne se préoccupe aucunement, et je voudrais bien savoir pourquoi nous avons accepté que cette part de 10 p. 100 qui devrait être réinvestie dans la R-D pour le bien public soit presque entièrement consacrée à la recherche pharmaceutique et à l'élaboration d'un nouveau produit. Je ne crois pas que ce soit là la façon d'améliorer la santé des Canadiens, et j'estime que cet argent pourrait être utilisé à meilleur escient, notamment de la façon que nous proposons.

Si l'industrie juge bon et utile de faire de la recherche en vue d'élaborer de nouveaux produits, qu'elle le fasse non pas à même la part de 10 p. 100 qui doit être consacrée au bien public, mais à même la part de 90 p. 100 de son chiffre d'affaires qui reste.

[Français]

M. Réal Ménard: Dans le fond, vous plaidez avec beaucoup d'éloquence pour que l'on assiste à l'établissement de ce qui pourrait s'apparenter à un régime national de soins de santé le plus étatisé possible, où l'État pourrait jouer un rôle extrêmement important en assumant le remboursement des ordonnances. Je suis assez sympathique à cette idée. Vous savez que le Québec a quand même une longueur d'avance en la matière.

Est-ce que vous pouvez nous dire comment les provinces, à l'exception du Québec qui a déjà une longueur d'avance - et je le dis très candidement, monsieur le président - , ont réagi à votre rapport? Est-ce que vous êtes en mesure de dire que trois, quatre, cinq ou six provinces sont extrêmement solidaires des recommandations qui ont été les vôtres?

[Traduction]

Dr Noseworthy: Nous pouvons affirmer que toutes les provinces sont préoccupées par la part de plus en plus importante qu'occupent les médicaments dans leur budget et que toutes celles avec qui nous nous sommes entretenus cherchent à se doter de mécanismes pour que l'importance de ce poste budgétaire soit plus acceptable et pour faire en sorte que les médicaments soient prescrits à meilleur escient. Les provinces déploient donc beaucoup d'efforts en ce sens.

.1635

Le Québec n'est bien sûr pas la seule province à avoir décidé de se doter d'une véritable structure provinciale; bien d'autres provinces l'ont fait aussi. Dans l'ensemble, cependant, la couverture demeure assez inégale, souvent au détriment des défavorisés ou des personnes âgées.

La couverture qui existe à l'heure actuelle est dans une large mesure assurée par des compagnies d'assurance privées. Nous avons donc permis cette configuration de financement privé et multiple pour les médicaments qui, à mon avis, contribue de façon très évidente à la croissance des coûts.

Il est évident que toutes les provinces ont envisagé d'étendre la couverture qu'elles offrent à l'heure actuelle aux médicaments. Il convient toutefois de signaler aux provinces que cela pourrait intéresser que pareille démarche pourrait les amener à assumer de nouveaux frais et à assumer une plus grande part du financement du régime de soins de santé. Ce n'est certainement pas ce que nous préconisons.

[Français]

M. Réal Ménard: Un des enjeux qui vont se présenter aux membres de ce comité est évidemment le rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, que certains apprécient beaucoup et que d'autres détestent royalement. Il ne s'agit pas pour vous de vous situer dans l'une ou l'autre de ces catégories, mais est-ce que vous seriez plutôt favorable à l'éventualité que le Conseil d'examen puisse avoir de nouveaux pouvoirs lui permettant de regarder un peu ce qui se fait du côté de l'industrie du médicament générique?

À l'instant où on se parle, il ne faudrait quand même pas dire que l'industrie du médicament générique ne fait pas d'efforts de recherche. Il y a des exemples très concrets qui ont été portés à notre connaissance, mais on doit quand même reconnaître qu'elle n'a pas de comptes à rendre à qui que ce soit, contrairement à l'industrie du médicament d'origine qui, à chaque année, doit déposer un rapport de recherche qui est évalué, rendu public et dont les associations de consommateurs peuvent s'emparer. Est-ce que vous seriez favorable à l'éventualité que le Conseil puisse regarder de plus près les activités de l'industrie du médicament générique?

[Traduction]

M. Evans: Je ne crois pas pouvoir répondre à cette question au nom du forum, car je ne crois pas que le forum ait pris position là-dessus.

Nous avons discuté du rôle du conseil d'examen. À ce sujet, nous trouvons qu'il y a une contradiction fondamentale à accroître la protection accordée aux détenteurs de brevets, protection qui vise précisément à leur permettre d'augmenter leurs prix, et à établir du même coup un conseil qui a pour fonction d'essayer de réglementer ces prix. C'est comme essayer de ménager la chèvre et le chou, et je ne sais trop quoi encore.

Ainsi, bien que nous n'ayons pas voulu nous mettre à évaluer ou à critiquer le conseil d'examen - et nous ne l'avons pas fait - , la politique gouvernementale à l'égard du conseil semblait par contre témoigner d'une contradiction fondamentale, et ce, dès le début, en 1987. Si toutefois l'on veut essayer de réglementer les prix, je suppose qu'il faut qu'ils puissent être réglementés de la façon la plus large possible.

La réponse vient donc de moi, plutôt que du forum. Je ne saurais prétendre que c'est là une conclusion à laquelle le forum est arrivé.

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président. J'ai un certain nombre de questions à poser.

Si je me souviens bien, monsieur Evans, vous avez semblé dire au début que les dispositions de la loi C-91, la loi existante, permettent de fixer les prix à un niveau plus élevé que ce ne serait le cas si la loi n'était pas là. Pouvez-vous nous expliquer exactement ce que vous avez voulu dire?

M. Evans: Je crois avoir dit que l'objectif du brevet est de permettre de pratiquer des prix plus élevés que ceux qui seraient exigés en l'absence d'un brevet. Si j'ai formulé ma pensée en ces termes - des prix plus élevés que les prix qui auraient été exigés en l'absence d'un brevet - c'est précisément pour éviter d'entrer dans les complexités techniques qu'exigerait le calcul des indices de prix des médicaments. Comme le sait sûrement le comité, ou comme il le saura sûrement, ces complexités sont particulièrement périlleuses.

L'objectif même du brevet au stade initial... On espère bien sûr qu'il aura aussi d'autres conséquences, comme l'accroissement des investissements dans la recherche, et le reste. N'empêche que l'objectif premier du brevet est de créer un monopole. Il vise à conférer au détenteur du brevet un pouvoir de monopole, de façon qu'il puisse empêcher d'autres de faire concurrence au produit visé par le brevet.

La concurrence a généralement pour effet de faire baisser les prix. Ainsi, le détenteur du brevet est effectivement récompensé du fait qu'il peut exiger des prix plus élevés que ceux qu'il aurait dû exiger s'il avait dû faire face à la concurrence d'autres produits, et peut en tirer des bénéfices en conséquence.

.1640

M. Werner Schmidt: Puisque vous êtes tous deux des professionnels de la connaissance, de la formation et de la compréhension, et puisque vous comprenez très bien ce qu'est la propriété intellectuelle, pourriez-vous me dire en quoi un brevet diffère d'un droit de propriété intellectuelle?

M. Evans: Eh bien, les brevets ont toujours été... On trouve des énoncés très clairs à ce sujet dans certaines des mesures législatives dont vous avez été saisis dans ce domaine. On nous dit que le but d'un brevet n'est pas de récompenser un accomplissement passé, mais plutôt d'encourager les accomplissements futurs. Le brevet ne signifie pas que vous avez acquis une propriété quelconque, mais que l'État vous offre un monopole dans l'espoir de vous inciter à d'autres réalisations. Il y a donc une distinction extrêmement importante...

M. Werner Schmidt: Excusez-moi, mais n'est-ce pas exactement ce qui se produit lorsque quelqu'un rédige un ouvrage? Le nom est différent. On parle de propriété intellectuelle ou de droit d'auteur. On ne parle pas de brevet, mais l'effet n'est-il pas le même, comme vous l'avez décrit?

M. Evans: J'en arrive à ma réponse à votre question. La notion de propriété intellectuelle est intéressante, car il est évident que, dans le cas des brevets, cette propriété est créée par l'État. En droit naturel, il n'y a pas de définition de la propriété. C'est un droit créé par l'État à des fins publiques. Ce droit est créé de façon à encourager certaines activités.

Il ne s'ensuit pas qu'il existe une propriété intellectuelle uniforme applicable à tous les États, à toutes les époques et à tous les lieux, comme ce vers quoi nous oriente, semble-t-il, l'Organisation mondiale du commerce.

Pour ce qui est de la rédaction d'ouvrages, le droit d'auteur s'applique aux mots écrits, mais rien n'empêche un autre auteur de rédiger un ouvrage sur le même sujet, pour autant qu'il n'utilise pas les mêmes mots dans le même ordre. Néanmoins, un autre auteur peut utiliser les mêmes mots, les mêmes lettres et les mêmes arguments.

M. Werner Schmidt: Je dois vous avouer, monsieur Evans, que vous êtes un très habile rhétoricien. Je vous en félicite. Malheureusement, vous ne m'avez absolument pas convaincu de ce qu'il existe une différence d'ordre pratique entre ces trois choses. Je vais donc passer à un autre aspect...

Dr Noseworthy: Mais s'il n'y en avait pas, de différence? Puis-je vous demander quelle importance cela aurait?

M. Werner Schmidt: Oui, et la différence est très simple. Dans un cas comme dans l'autre, ce n'est pas le marché qui détermine la valeur de la propriété intellectuelle ou du brevet. C'est ce que j'essaie d'expliquer. Dans les deux cas, le droit existe pour que le particulier ou l'entreprise puisse en tirer des profits. Voilà quel est l'enjeu. C'est ce que l'on essayait d'expliquer. Le brevet existe afin de protéger les revenus des investissements d'une société. Quant à la propriété intellectuelle, je prétends que c'est la même chose, applicable à un particulier.

M. Evans: De quel brevet s'agit-il?

M. Werner Schmidt: Dans la pratique, l'effet est exactement le même.

Permettez-moi de passer à une autre question.

M. Evans: De quel brevet s'agit-il? Du brevet qui existe maintenant? Du brevet qui existait au milieu des années 80? Du brevet des années 70? C'est au gouvernement du Canada de décider quelle politique serait la plus avantageuse pour ses citoyens en matière de brevets...

M. Werner Schmidt: Précisément.

M. Evans: ... plutôt qu'aux actionnaires des sociétés en cause.

M. Werner Schmidt: Vous venez de changer les prémisses, très bien. C'est un beau renversement de logique. Non seulement vous savez utiliser les mots, mais vous êtes également un bon argumentateur.

Permettez-moi de passer à un autre domaine. Il s'agit du contrôle des coûts. Vous avez dit que pour contrôler les coûts il faudrait avoir un régime universel à payeur unique. De quelle façon un tel régime permettrait-il de contrôler les coûts?

Dr Noseworthy: De la même façon qu'un tel régime a permis de contrôler les coûts des hôpitaux et les honoraires des médecins. C'est grâce à un tel régime que ces coûts ont pu passer de 10,2 p. 100 du produit intérieur brut en 1992-1993 à environ 9,4 p. 100 maintenant.

Selon la façon dont on choisit de procéder, on a constaté qu'il était possible de réprimer totalement l'augmentation des coûts, et ce, à l'intérieur du système public. Cette solution n'est pas toujours populaire du point de vue politique, et c'est un coup dur pour bien des bureaux dont les revenus et les emplois du personnel sont touchés. Mais il ne faut pas oublier que, en y mettant la volonté politique nécessaire, on a ainsi un régime prospère d'assurance-maladie dont on est capable de contrôler les coûts.

M. Werner Schmidt: N'est-ce pas ce que fait également le CEPMB?

M. Evans: Non. Il y a quelques différences. Premièrement, le CEPMB contrôle les prix, pas le total des coûts. Deuxièmement, et il est très important de le noter...

M. Werner Schmidt: N'y a-t-il pas un lien entre les coûts et les prix?

M. Evans: Oui, mais ce sont deux choses différentes.

M. Werner Schmidt: Eh bien, s'il y a un lien, l'un n'existe pas sans l'autre.

M. Evans: Dans le cas des régimes d'assurance-maladie, chaque province a découvert qu'il n'est pas suffisant de mettre en place un barème régissant les frais pour réglementer les honoraires des médecins. C'est pourquoi toutes les provinces contrôlent maintenant un budget global à l'égard des honoraires des médecins au lieu d'essayer de négocier avec ceux-ci des barèmes de frais, puisqu'elles ont constaté qu'il n'était pas suffisant de réglementer les prix.

.1645

Mais il y a une grande différence, puisqu'un payeur unique court des risques financiers à l'égard de ces coûts. Le CEPMB ne court aucun risque à l'égard des produits pharmaceutiques.

Le dr Noseworthy a fait valoir un argument très important. S'il y a des hécatombes, c'est en comptabilité, où chaque dollar dépensé correspond à un dollar de revenu pour quelqu'un d'autre. C'est toujours le cas. Lorsque vous essayez de contrôler les dépenses, vous vous attaquez au revenu de quelqu'un, et il y aura énormément de résistance.

C'est pourquoi dans les régimes à payeurs multiples on exerce d'énormes pressions pour convertir le contrôle des coûts en mouvement des coûts. C'est exactement ce qu'on a constaté dans les régimes pharmaceutiques à payeurs multiples au Canada. Jusqu'à présent, il a toujours été plus facile de faire payer les coûts par les patients, par les employeurs du secteur privé ou par quelqu'un d'autre, plutôt que de les contrôler. On n'entreprend cet exercice brutal du contrôle des coûts que lorsqu'il n'existe aucun autre recours.

M. Werner Schmidt: Dans vos observations, il me semble que vous avez parlé de deux types distincts de coûts. Il y a les coûts payés par le patient ou le payeur, mais il y a aussi le coût total que paye le Trésor public dans ce secteur économique consacré aux soins de santé.

Il me semble que lorsque les régimes publics d'assurance-maladie ou d'assurance-médicaments s'engagent dans cette voie, le total des coûts ou le fardeau financier du secteur public s'en trouve encore accru. Du contrôle de quels coûts parlez-vous donc?

M. Evans: Eh bien, le coût total de l'assurance-maladie n'a pas augmenté au cours des dernières années; il s'est aplani. Ce coût s'est aplani considérablement dans les années 70.

De quels coûts je parle? Eh bien, je parle du coût total que payent les Canadiens, que ce soit par le truchement du secteur public, de régimes d'assurance privés ou de paiements directs. Tant qu'il existera des sources multiples de paiement, il sera toujours tentant pour les parties qui bénéficient de ces paiements de permettre une hausse constante des coûts et de contrôler leur part du gâteau - c'est exactement le piège dans lequel sont tombés maintenant les Américains, par exemple - , alors que dans un régime à payeur unique il n'est pas possible de transférer les coûts à quelqu'un d'autre. C'est ce que la Loi canadienne sur la santé a permis de réaliser à l'égard des médecins et des services hospitaliers. C'est au payeur unique qu'il incombe dans un tel régime de prendre les décisions difficiles relatives au contrôle des coûts.

M. Werner Schmidt: J'ai une dernière question à poser, sur l'établissement du prix initial des médicaments. Que ce soit dans un régime à payeur unique ou à payeurs multiples, il faudra bien commencer quelque part. Il faut que le médicament soit découvert, inventé, mis au point, avant d'être commercialisé. Comment devrait-on déterminer le prix initial des médicaments?

M. Evans: Je ne saurais vous répondre à partir de ce qu'a fait le forum, mais on peut comprendre de façon implicite dans ce que nous disons qu'une fois mis en place un programme ou un processus d'assurance-médicaments universel, la société qui met au point le médicament devra y réfléchir à deux fois avant d'établir le prix initial, car si le prix est trop élevé, l'organisme chargé de faire les achats pour la province n'achètera pas le médicament. C'est ce qui se passerait de toute façon sur le marché.

M. Werner Schmidt: En serait-il de même s'il s'agissait d'un excellent médicament, d'un médicament qui s'est révélé très utile pour le public, qui constitue un énorme progrès et qui permettrait d'améliorer la santé de la nation?

M. Evans: Voilà qui nous amène sur un terrain intéressant. Devrait-on laisser à la société qui a mis au point ce médicament le droit exclusif d'en établir le prix? Dans un tel cas, la société pharmaceutique ne vous placerait-elle pas le fusil sur la tempe?

M. Werner Schmidt: Vous êtes très habile à renverser les arguments, n'est-ce pas?

M. Evans: Excusez-moi, est-on en train de me critiquer?

M. Werner Schmidt: Je trouve que le témoin est un peu impertinent. Il ne répond pas du tout à ma question.

M. Evans: Oh, j'en suis désolé. Je peux essayer d'y répondre à nouveau.

Le président: D'après ce que je vois, le cours d'économie est terminé.

M. Werner Schmidt: D'accord.

Le président: Merci, monsieur Schmidt. Monsieur Bodnar.

M. Morris Bodnar (Saskatoon - Dundurn, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Evans, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que les sociétés privées n'ont qu'un seul motif, le profit, à cause de leurs actionnaires, etc. Ne croyez-vous pas que les sociétés privées peuvent avoir plus d'un motif? Par exemple, elles pourraient être motivées par le profit, mais aussi être désireuses d'aider la population, car l'un dépend de l'autre.

.1650

M. Evans: Dans la mesure où l'un dépend de l'autre, c'est donc qu'il y a un motif principal et que l'autre motif est accessoire. Si l'on remonte jusqu'à Adam Smith, on trouve cette notion que le profit du secteur privé dépend des avantages que ce secteur offre au public. C'est pourquoi tous les arguments en faveur des marchés privés se sont toujours fondés sur cette idée que les sociétés privées doivent présenter des avantages pour le public pour réaliser des profits.

Dans certains cas, c'est vrai. Mais ce sur quoi j'insistais, c'est que ces motifs ne sont pas en concurrence. La raison d'être des sociétés privées, leur responsabilité légale, c'est de rapporter des profits à leurs actionnaires. Pour cela, elles peuvent créer des avantages pour le public, mais ce n'est pas obligatoire.

M. Morris Bodnar: Monsieur Evans, je vous poserai la question suivante à titre de simple député d'une circonscription de la Saskatchewan, et non pas à titre de secrétaire parlementaire du ministre. J'ai récemment eu l'occasion de discuter avec le ministre de la Santé de ma province, la Saskatchewan. Je lui ai dit que si les profits réalisés par les fabricants de médicaments génériques et de médicaments brevetés sont si élevés, pourquoi le gouvernement d'une province comme la Saskatchewan ne pourrait-il pas établir des partenariats avec des universités - plus particulièrement avec l'Université de Saskatoon - pour créer sa propre industrie pharmaceutique? Que pensez-vous de cette idée?

M. Evans: C'est à lui que vous posiez la question, mais deux de mes collègues ont rédigé un rapport sur la main-d'oeuvre médicale, en 1990, à l'intention des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux. MM. Morris Barer et Greg Stoddart étaient tous les deux professeurs d'université. J'ai eu le privilège de siéger au sein d'une commission en compagnie de l'un des partenaires de gestion de Coopers et Lybrand. Il a examiné le rapport de ces deux professeurs dans l'optique d'un expert-conseil en gestion. Il a déclaré que c'était le meilleur rapport qu'il ait jamais lu sur ce sujet et que si les professeurs avaient rédigé ce rapport pour son entreprise, ils auraient été immédiatement renvoyés.

Nous n'avons pas les moyens de prendre ce genre de mesures. Il ne faut pas demander aux universitaires d'essayer de réaliser des profits - voilà ma réaction à moi - et en tout cas il ne faudrait pas me le demander à moi.

Dr Noseworthy: Du point de vue médical, il y a une réponse simple à cette question. Il suffit de voir la structure et la taille de l'industrie pharmaceutique. Aucune entreprise pharmaceutique d'envergure provinciale ne dessert une population de 900 000 âmes. Ce sont d'énormes entreprises internationales qui ont de nombreux bureaux partout dans le monde, réalisent d'énormes recettes sur leurs investissements et peuvent exercer un lobbying très puissant. Je doute qu'une entreprise comme celle que vous proposez puisse acquérir une part du marché et entamer cette industrie internationale dans laquelle le Canada n'est en fait qu'un tout petit intervenant.

M. Morris Bodnar: Pour ce qui est de l'augmentation des coûts, vous avez dit, lorsque vous faisiez partie du forum, que certaines personnes avaient indiqué, dans leurs témoignages devant le forum, qu'il y avait un lien entre l'augmentation des coûts des médicaments et la loi C-91. Avez-vous examiné la question pour voir si c'était vrai ou non?

Dr Noseworthy: Vous voulez dire si la loi C-91 contribue directement à l'augmentation des coûts ou si c'était l'impression que les gens avaient.

M. Morris Bodnar: Non. Vous avez dit que certaines personnes estimaient que c'était le cas. Avez-vous examiné cette question pour déterminer si c'était vraiment le cas?

Dr Noseworthy: Si la loi C-91 entraînait une augmentation du coût des médicaments?

M. Morris Bodnar: Vous avez parlé d'augmentation rapide du coût des médicaments.

Dr Noseworthy: Les très nombreuses personnes à qui nous avons parlé estiment, à tort ou à raison, que ce projet de loi sur les brevets a contribué à l'augmentation du coût des médicaments qu'ils payent.

M. Morris Bodnar: D'accord, vous avez dit...

M. Evans: Puis-je répondre à cela?

M. Morris Bodnar: Je vous en prie.

M. Evans: Je ne puis peut-être pas répondre à toute la question, mais je puis peut-être donner une réponse partielle.

Il est vrai que l'augmentation du prix des médicaments s'est considérablement accrue durant les années 80, comparativement à ce qui se faisait lorsque les licences étaient obligatoires. Il existe de nombreuses preuves de ce que le régime de licences obligatoires a limité de façon considérable les coûts au Canada. Depuis l'abolition de ce régime, les coûts ont augmenté. Ce ne sont pas des preuves concluantes, mais c'est en quelque sorte une corrélation dans le temps.

D'autre part, comme je l'ai dit, le principe même de la loi C-91 - peut-être pas de la loi C-91, mais cela se trouvait déjà dans le projet de loi C-22 - , c'est-à-dire la protection accrue des brevets, vise l'augmentation du coût des médicaments. C'est le but de la mesure.

.1655

M. Morris Bodnar: Docteur Noseworthy, vous avez dit que dans un régime d'assurance-médicaments universel les provinces n'auraient pas nécessairement à assumer des coûts accrus. Je me demande sur quoi vous vous fondez.

Dr Noseworthy: Je voulais dire que les dépenses totales au titre des médicaments n'augmenteraient pas. Au forum, toutes les opinions que nous avons élaborées à l'égard des dépenses liées aux soins de santé et à l'égard des éléments de ces dépenses se fondaient à la fois sur les dépenses publiques et privées. Prenons le cas des dépenses faites par les hôpitaux au titre des médicaments en 1994 et dont le total s'élève à 9,2 milliards de dollars. À notre avis, ces dépenses représentent une proportion très importante du coût total des soins de santé. Ces dépenses ont fortement augmenté au cours des 20 dernières années. Et il est très possible de limiter ces coûts, d'améliorer le profil des coûts, et ce, sans égard aux avantages certains que présentent les nouveaux médicaments.

M. Morris Bodnar: Je vois. Si j'ai posé la question, c'est que j'avais l'impression, d'après ce que vous avez dit, qu'il n'y aurait pas de coûts additionnels ou que, quels que soient ces coûts, les provinces n'auraient pas à les assumer. J'en avais conclu que c'est le gouvernement fédéral qui devrait payer la facture.

Dr Noseworthy: Je comprends.

Mais commençons par le début. Nous pensons que le régime de soins de santé au Canada est suffisamment riche pour payer les médicaments qui sont nécessaires, aux coûts actuels. En fait, il serait possible de dépenser moins en améliorant la gestion.

M. Morris Bodnar: Je vois.

Dr Noseworthy: Cela dit, ce que nous préconisons pour améliorer la gestion, c'est de mettre en place des systèmes informatiques de gestion pour entreprendre un contrôle de la gestion, contrôle qui s'intégrerait mieux à un régime public.

M. Morris Bodnar: Vous avez dit quelque chose d'intéressant en réponse aux questions deM. Schmidt. Vous avez dit que si nous avions la volonté politique de contrôler les coûts, il serait possible de prendre certaines mesures. Je me demande ce qui pourrait être fait, à votre avis, si nous avions la volonté politique de contrôler les coûts sous le régime de la loi C-91.

Dr Noseworthy: Il y a toutes sortes de choses possibles sous le régime de la loi C-91, mais permettez-moi de parler d'une façon générale des sociétés pharmaceutiques. Il faudrait trouver le moyen de transférer au secteur public les quatre milliards de dollars en dépenses que paie actuellement le particulier, soit directement, soit par le truchement d'une assurance privée. C'est le défi qu'il faut relever pour régler ce problème.

M. Morris Bodnar: Y a-t-il autre chose? Pourriez-vous être plus précis?

Dr Noseworthy: C'est assez précis. Ce que nous disons en fait, c'est que nous ne préconisons pas de nouvelles dépenses. Nous avons proposé un fonds de transition pour favoriser l'innovation dans des domaines comme celui des produits pharmaceutiques, et nous disons qu'en mettant en place un système d'information dès le début de cette entreprise, nous pourrions progressivement inclure un plus grand nombre de Canadiens dans un régime national.

M. Evans: Je crois que nous pourrions préciser encore un peu, si j'ai bien compris votre question. Si je vous ai mal compris, vous pouvez m'interrompre.

Le forum a recommandé que les efforts soient accrus dans certains domaines, dont le financement des soins de base offerts par les médecins généralistes, ou les soins équivalents à ces services. Ce qu'ont constaté d'autres pays, entre autres, c'est que si les services des médecins généralistes sont payés au moins en partie à même un budget par tête - c'est-à-dire que l'on paie un nombre déterminé de dollars au médecin pour chaque patient inscrit sur sa liste - et que si on inclut dans ce montant une allocation au titre des médicaments, il y a un changement considérable dans la façon dont les médecins prescrivent les médicaments.

C'est un principe qui pourrait être mis à l'essai au Canada. Vous ne pourrez jamais importer directement le régime allemand ou britannique. Il vous faudra de toute évidence mettre sur pied un régime qui corresponde au contexte canadien. Mais c'est une mesure qui pourrait être prise et qui, dans d'autres pays, a modifié les habitudes de prescription de façon à réduire les coûts.

Nous avons également mentionné le régime d'établissement des prix en fonction d'un prix de référence instauré en Colombie-Britannique qui, jusqu'à présent, semble avoir permis de réduire les coûts tout en mettant l'accent sur l'à-propos de l'ordonnance.

M. Morris Bodnar: Si j'ai mentionné cela, c'est qu'après avoir entendu les membres de notre comité, et je ne parle qu'au nom des députés de ce côté-ci, il semble que cette volonté politique existe. Il suffit que nous recevions les renseignements nécessaires pour bien analyser cette question et essayer de résoudre le problème, à titre de simples députés. C'est pourquoi j'essaie de voir si vous avez des propositions.

Mon temps est peut-être écoulé. Merci beaucoup.

.1700

[Français]

Le président: Monsieur Ménard, si vous me le permettez, je poserai des questions.

[Traduction]

Pour commencer, puisqu'il s'agit d'audiences si structurées, j'aimerais préciser tout de suite votre relation avec le Forum sur la santé. Vous avez dit que vous représentez le Forum sur la santé. En avez-vous eu le mandat officiel? J'aimerais obtenir cette précision aux fins du compte rendu.

Dr Noseworthy: Le forum a été officiellement inauguré en octobre 1994. Nous avons déposé notre rapport final auprès du premier ministre le 4 février. Nous continuons notre travail de communication et de diffusion de ces renseignements. Mais le Forum national sur la santé n'existe plus comme organisme officiel structuré.

Le président: Les opinions que vous exprimez dans votre mémoire reprennent donc, d'aussi près que possible, celles exprimées par le forum. Vous avez également fait la distinction entre les réponses qui sont les vôtres et celles qui viennent du forum.

Dr Noseworthy: Oui, dans la mesure du possible. Mais nous aimerions également souligner que les opinions du forum ne se limitaient pas à celles des 24 membres de l'organisme. Nous avons tenu de vastes consultations. Il y a eu 71 groupes de discussion différents dans 34 localités.

Le président: Je voulais que ce renseignement figure au compte rendu.

Permettez-moi de poser à M. Evans une question qui m'intéresse. On a dit que beaucoup de choses s'étaient produites au cours des quatre dernières années, depuis l'adoption du projet de loi C-91. J'aimerais revenir à cette question de la causalité et de la coïncidence, du point de vue théorique, pour essayer de comprendre ce qui a causé quoi à votre avis. Je dirai en préambule que les témoins que nous avons entendus nous ont présenté différents régimes en application de la Loi sur les brevets. Au bas extrême de la gamme, certains se réfèrent au rapport Eastman, du milieu des années 80, d'après lequel, si j'ai bien compris, la protection des brevets serait au total de 10 ou 11 ans, si l'on inclut les six années de base, auxquelles on ajoute le temps nécessaire aux essais et aux approbations réglementaires.

Dans un tel cas, si le régime Eastman s'était appliqué jusqu'à maintenant, de 1993 à 1997, qu'y aurait-il de foncièrement différent?

Dr Noseworthy: Je ne saurais répondre à cette question d'après ce qui a été discuté au forum, puisque cette question n'a jamais été débattue. Je ne saurais même pas confirmer si c'est vrai. Il faudrait que je vérifie les chiffres ou que je demande l'avis de quelqu'un plus au courant que moi. Mais, en fin de compte, le problème se résumerait à la disponibilité de médicaments de rechange que pourraient se procurer les secteurs public ou privé. Ce que nous recherchons ici, foncièrement, c'est l'établissement d'un climat réglementaire dans lequel un organisme public, ou même un organisme privé qui veut faire des achats prudents, pourrait se prévaloir de diverses possibilités. À mon avis, plus la période de protection des brevets est courte, plus les acheteurs auront rapidement d'autres options.

Le président: Je comprends très bien cette question de la 19e année. Ce que je ne comprends pas, c'est celle des six premières années, parce que les témoins ont établi une relation de cause à effet dans ce débat. Si vous me permettez de redevenir théoricien un instant, je ne comprends pas parfois cette relation de cause à effet. Je comprends toutefois les attentes et les doutes qui surgiront dans l'avenir à moins que ce problème ne soit réglé.

Dr Noseworthy: Pourquoi cela devrait-il se produire maintenant?

Le président: Mais si vous examinez les quatre premières, qu'est-ce qui d'après vous serait foncièrement différent selon le régime du seuil le plus bas qui a été proposé par les critiques de ce procédé?

Dr Noseworthy: Je vois. D'accord. C'est une bonne question, mais je ne puis y répondre. Cela prendrait beaucoup plus de temps.

Le président: Si vous avez des observations à faire à ce sujet au cours de la semaine prochaine...

Dr Noseworthy: Je peux faire une observation, cependant. Pourquoi s'agit-il du seuil le plus bas? Harry essayait de trouver une idée applicable. Il avait déjà cédé beaucoup de terrain lorsqu'il a déposé ce rapport - d'après ce dont je me souviens.

Le président: Je ne me fonde pas sur mes propres conjectures. Je me fonde sur la liste des témoins et sur les questions qui me viennent à l'esprit d'après ce qu'ils ont dit.

Dr Noseworthy: Je me fonde, moi, sur les souvenirs lacunaires que j'ai d'une longue conversation avec Harry. Si vous dites que c'est le plus petit dénominateur commun qui a été proposé au cours de vos audiences, je n'ai aucun motif de le mettre en doute. Je vous crois sur parole. Mais pour ce qui est du plus petit dénominateur commun quant à la protection qui pourrait être consentie, il y a toujours le régime antérieur. Mais ce régime est maintenant aboli. C'est de l'histoire ancienne.

.1705

L'une des choses que nous avons suggérées dans le rapport du forum et que nous n'avons pas mentionnées ici, c'est le fait que les changements apportés dans le contexte réglementaire mondial résultaient de politiques tout à fait conscientes et délibérées de certaines personnes et de certaines industries. Nous pensons qu'il y a peut-être là une occasion de coordonner nos efforts avec ceux d'autres pays pour essayer de réduire certaines de ces restrictions, et le Canada devrait certainement envisager cette possibilité.

Si nous constatons qu'il y a des choses que nous voudrions faire et que nous ne pouvons pas faire à cause de certaines obligations internationales, n'oubliez pas que ces obligations ont été prises par des gens également. Elles ne sont certainement pas venues de Dieu. C'est pourquoi la notion d'un droit naturel à la propriété intellectuelle et au brevet n'est qu'une absurdité. Ce sont des créations humaines, et elles peuvent être modifiées.

Le président: Merci.

Nous pouvons peut-être avoir un autre tour de cinq minutes, si vous le voulez.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Je ne crois pas me tromper, du moins je l'espère, en affirmant que votre revendication principale, ce vers quoi ont convergé tous les efforts du Forum national, c'est finalement de convaincre le plus de Canadiens et le plus de décideurs possibles que nous devrions mettre en place un régime de prise en charge par l'État du financement intégral des médicaments d'ordonnance. C'est un objectif auquel je souscris entièrement personnellement, étant issu d'une province qui y tend. Est-ce que vous pourriez nous faire le lien avec l'objectif que vous souhaitez voir se réaliser?

Vous avez été extrêmement sévère et extrêmement draconien à l'endroit de l'industrie pharmaceutique, à un tel point qu'à un moment donné, j'ai pensé que vous étiez vous-même avocat, mais je comprends que ce n'est pas le cas. Vous disiez que des économies pourraient être réalisées sur le plan de la surconsommation, que les médecins sont un peu complaisants et qu'il existe une complicité entre l'industrie pharmaceutique et les médecins qui va dans le sens d'une surconsommation de médicaments et que, finalement, vous souhaitez qu'il y ait plus d'information et un meilleur contrôle.

Est-ce que vous pouvez nous faire le lien entre l'objectif extrêmement généreux et extrêmement pertinent qui est le vôtre, d'un régime de financement intégral des médicaments sur ordonnance, et le voeu que vous formulez qu'il y ait un meilleur contrôle de l'information concernant les médicaments et de la complicité que vous voyez entre l'industrie pharmaceutique et les médecins?

[Traduction]

Dr Noseworthy: Le premier lien, dans nos recommandations concernant l'expansion de la couverture de la population, c'est bien sûr qu'à notre avis c'est le mécanisme fondamental qui permettra d'entamer le processus visant à mieux endiguer les coûts. Nous tenons cela d'autres renseignements à l'échelle internationale, mais aussi plus spécifiquement de l'exemple de notre propre système. Nous savons ce que nous pouvons contrôler, et je répète que ce n'est pas par hasard que l'élément de financement le plus privé de notre régime de soins de santé est celui dont les coûts augmentent le plus rapidement, doublant en 20 ans.

Nous devons tirer des leçons de notre propre situation. Le reste du monde tire des leçons de notre expérience, et nous estimons que le système public peut essentiellement contrôler les coûts.

Comment en arrive-t-on à cela? Aucun d'entre nous n'est assez naïf pour croire que cela peut se faire facilement, sans conséquences politiques, ou avec l'accord de l'industrie pharmaceutique et de bien d'autres. Cela se fera parce qu'il y aura une volonté ferme et que nous croirons disposer d'un cadre et d'une structure qui rendront cela possible. En élargissant cette structure pour inclure les sociétés pharmaceutiques, nous connaîtrons le même succès que celui que nous avons connu avec les médecins et les hôpitaux.

Pour y arriver, nous avons besoin d'informations. À une exception près, peut-être, nous ne possédons tout simplement pas à l'heure actuelle dans les provinces ou dans l'ensemble du pays de systèmes d'information qui puissent nous fournir des renseignements valables et à jour au sujet des ordonnances, c'est-à-dire qui prescrit quoi, pour qui, quand et comment. Sans cette information, on peut gérer seulement ce qu'on peut mesurer.

Nous avons à l'heure actuelle dans le pays un système pratiquement non géré en ce qui concerne les produits pharmaceutiques. C'est ainsi que nous pourrons commencer à nous attaquer à ce problème, et il nous faudra peut-être un certain temps avant de le résoudre. La solution consiste à trouver un mécanisme astucieux pour faire passer ces dépenses d'environ 4 milliards de dollars du secteur privé au secteur public.

[Français]

M. Réal Ménard: D'accord. Une des choses qui m'inquiètent beaucoup, c'est qu'au début, vous avez un peu déploré le fait que les gouvernements n'investissent pas toujours ce qu'ils devraient en recherche et développement. On sait que le gouvernement actuel a sabré considérablement dans les différents organismes subventionnés. J'avais pourtant l'impression que c'étaient les fonds privés, les fonds de l'industrie qui donnaient le ton à l'orientation de la recherche biomédicale.

.1710

Je vais vous donner un exemple de manifestation malsaine d'un phénomène comme celui-là. Il existe d'un bout à l'autre du Canada ce qu'on appelle le Réseau canadien d'essais cliniques sur le VIH. Ce réseau, financé dans le cadre de la Stratégie nationale sur le SIDA, a un financement d'à peu près 3 millions de dollars. C'est donc relativement marginal. Le gouvernement fédéral, croyez-le ou pas, ne finance que l'infrastructure de recherche. Pour le reste, tous les essais cliniques, qui se chiffrent à ce jour à une cinquantaine, sont menés par l'industrie pharmaceutique, qui décide quel protocole de recherche sera primé et donc quel essai clinique sera réalisé.

Je crois qu'il y a un aspect positif, bien sûr, mais il y a aussi un aspect négatif. Une compagnie pharmaceutique va quand même se préoccuper du potentiel de commercialisation, ce qui est très correct et qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des étapes antécédentes où une compagnie pharmaceutique prend un risque, ce que nous devons admettre. Mais je suis très inquiet du fait qu'il n'existe pas vraiment de fonds public qui permette de donner une orientation de recherche. C'est vrai dans le domaine du sida, mais c'est également vrai dans d'autres domaines. Est-ce que vous partagez mon inquiétude?

[Traduction]

Dr Noseworthy: Je ne suis pas certain d'avoir tout bien compris, mais si vous le permettez, j'essaierai de résumer ce que je crois être votre argument. Les sommes consacrées à la recherche à l'heure actuelle... Premièrement, je ne critiquais pas le gouvernement fédéral pour ses dépenses dans ce domaine, ou l'absence de dépenses; je comparais seulement les sommes consacrées à la recherche par les sociétés pharmaceutiques à celles du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des universités. C'est beaucoup plus. Je vous dis franchement que cela me préoccupe beaucoup - d'autres ont la même opinion, ainsi que le forum national, car nous y voyons une petite minorité qui mène.

Il y a une foule de médecins investigateurs comme nous qui ont fait des recherches à 2 500 $ par patient inscrit. Il y a beaucoup de travaux de recherche qui se font au Canada sur les succédanés, et plusieurs personnes se sont lancées d'elles-mêmes dans les essais cliniques. Cela ne veut pas dire que les essais cliniques ne sont pas utiles; ils ont énormément de valeur. Ils sont d'une importance cruciale pour l'élaboration de nouveaux produits.

Nous disons que les programmes de recherche en matière de santé sont énormes, beaucoup plus que ceux des sociétés pharmaceutiques, et pourtant 30 p. 100 des programmes de recherche en matière de santé sont payés par des sociétés pharmaceutiques, ce qui en soi représente un succès pour la loi C-91. Nous disons que le programme de recherche n'est pas le bon. C'est un programme de recherche axé sur les produits pharmaceutiques, les essais cliniques, les médicaments, à cause de l'identité de ceux qui paient. Nous ne croyons pas que ce soit la bonne méthode.

Le président: Monsieur Schmidt, je vous en prie.

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.

Je voudrais parler justement de cette question, mais j'irai encore un peu plus loin. Comment pensez-vous qu'on devrait déterminer les recherches à entreprendre, et qui devrait le faire?

Dr Noseworthy: Il faudrait le faire de la même manière que pour les autres domaines dans lesquels on effectue des recherches dans notre pays, avec l'appui des gouvernements et d'autres secteurs, et il faut avoir recours à un processus d'évaluation par des pairs, où un protocole de méthodologie solide sera examiné impartialement et indépendamment par un groupe de personnes qui s'intéressent aux programmes plus vastes de recherche en matière de santé du pays, et non aux programmes de recherche pharmaceutique en particulier. On aura ainsi un mécanisme de sélection et un processus d'évaluation par des pairs. Il pourra en résulter des recherches de plus grande qualité.

Une grande partie des recherches dont nous parlons ici, il faut bien le comprendre, est accompagnée d'un protocole déjà écrit par la société. On recherche et on trouve des médecins qui sont des experts cliniques et qui sont prêts à effectuer des essais et qui le font. Il n'y a rien de mal à cela, mais il ne s'agit pas de recherches intellectuelles habituelles dans le domaine des sciences médicales. Il s'agit de recherches sous contrat pour des sociétés pharmaceutiques qui veulent faire étudier leurs produits.

M. Werner Schmidt: Oui, je suis tout à fait d'accord. Je suis persuadé que c'est ce qui se passe.

Il existe des recherches suscitées par la curiosité. Si je vous comprends bien, vous préférez probablement qu'on aille dans cette direction. Est-ce exact?

Dr Noseworthy: Je préfère qu'on s'oriente vers des programmes de recherche en matière de santé qui vont beaucoup plus loin que le système de prestation des soins médicaux, dans son contexte le plus large. Nous manquons malheureusement d'argent dans notre pays pour la recherche dans le domaine des facteurs non médicaux qui contribuent à la santé. On a prévu très peu d'argent pour étudier les influences socio-économiques sur la santé et les comprendre. Le dernier budget du Programme national de recherche et de développement en matière de santé (PNRDS), par exemple, comportait 200 000 $ pour des travaux de synthèse et des travaux concernant les facteurs socio-économiques, non médicaux, qui contribuent à la santé. À mon avis, le programme de recherche sur les produits pharmaceutiques est beaucoup plus considérable et plus important, et nous ferions mieux de repenser nos priorités.

.1715

M. Werner Schmidt: J'aimerais parler encore un peu de la recherche fondamentale. À l'heure actuelle, je pense qu'elle se fait principalement au niveau universitaire.

Dr Noseworthy: Plus ou moins.

M. Werner Schmidt: Nous pourrions peut-être répartir les différents types de recherche en trois étapes. Il y a d'abord les nouvelles idées suscitées par la curiosité, et il peut y en avoir des milliers. Il y en a probablement une ou deux seulement qui pourraient se rendre jusqu'à l'étape du développement. Ensuite, une ou deux pourraient finir par devenir un produit. Quelqu'un d'autre devrait-il gérer cette partie des recherches, ou tous les aspects de la recherche devraient-ils faire l'objet de l'évaluation par des pairs?

M. Evans: Excusez-moi, puis-je vous interrompre? Cela ne vous dérange pas?

M. Werner Schmidt: Non, je vous en prie.

M. Evans: Vous ne m'accuserez pas encore de trop argumenter? Non, vous pourriez le faire. Vous ne pouvez pas vous engager à ne pas le faire.

M. Werner Schmidt: Je n'ai pas encore entendu ce que vous allez dire.

M. Evans: En effet.

Je pense que ce que vous décrivez pourrait être considéré comme un processus vertical, et ce que le dr Noseworthy essaie de décrire serait un processus horizontal. Vous regardez le progrès, comme vous l'avez très bien dit, du point de vue d'une idée suscitée par la curiosité, une idée qui évolue en différentes étapes pour devenir éventuellement un produit. Le dr Noseworthy estime que si la santé des Canadiens nous intéresse, il y a beaucoup de choses qu'on doit savoir qui n'ont rien à voir avec des produits.

M. Werner Schmidt: Je suis certain que c'est vrai.

M. Evans: Un grand nombre de documents qui seront publiés par le forum, ainsi que les documents d'information, examinent cette question de façon très détaillée. En bref, il s'agit notamment de l'environnement socio-économique des Canadiens et de leurs familles, ou quelque chose de ce genre. C'est une expression passe-partout, mais elle sous-entend une foule de choses.

Rien de tout cela ne donnera en un produit, et par conséquent ce n'est pas vraiment la responsabilité d'entreprises privées dont la mission consiste à amener un produit sur le marché. Vous avez dit que j'étais sévère envers les membres de l'industrie. Je pensais que je ne disais rien là de nouveau: c'est leur mission d'amener des produits sur le marché. C'est pour cela que ces sociétés existent. Si la question qui vous préoccupe est l'incidence de la politique des taux d'intérêt de la Banque du Canada sur la santé publique, par exemple, à cause de ses répercussions sur les taux de chômage, vous ne ferez pas financer des recherches à ce sujet par l'industrie des produits pharmaceutiques.

M. Werner Schmidt: Vous avez absolument raison. Pensez-vous cependant que c'est le type de recherche en matière de santé qu'il faudrait financer après une évaluation par des pairs?

M. Evans: Certainement. De fait, il y a maintenant une section au Conseil de recherches médicales du Canada qui s'intéresse aux questions liées à la santé de la population.

M. Werner Schmidt: Si je vous comprends bien, vous dites que ce fonds de recherche médicale devrait s'occuper de tous les projets de recherche, allant de l'analyse de marchés et de toutes les questions liées à la santé de la nation jusqu'à l'incidence des facteurs économiques, sociologiques, psychologiques, pharmaceutiques et géographiques. Tout cela devrait en faire partie.

Dr Noseworthy: Tout ce qu'on définit comme étant de la recherche en matière de santé.

M. Werner Schmidt: S'agit-il vraiment de santé?

M. Evans: Je pense que oui.

M. Werner Schmidt: Bien, c'est oui. De combien d'argent avons-nous besoin pour cela?

Dr Noseworthy: On voudra peut-être y transférer l'argent que l'on consacre actuellement aux préparations pharmaceutiques et aux succédanés, car cela représente beaucoup plus d'argent que les crédits présentement disponibles, et l'accès à des fonds de cette nature est terriblement difficile. S'il faut effectuer des recherches sur des produits, comme c'est évidemment le cas dans une telle industrie, il faut alors trouver l'argent nécessaire dans les 90 p. 100 qui restent.

Le président: Merci.

Vous avez droit à une dernière question, monsieur Bodnar.

M. Morris Bodnar: Merci, monsieur le président.

En ce qui concerne la loi C-91, puisque c'est cette mesure que nous examinons, je me demandais ce que nous devrions en garder ou ce que nous devrions en faire. Autrement dit, pour être plus précis, devrions-nous maintenir la protection de 20 ans pour les brevets? Devrions-nous la raccourcir? Devrions-nous la prolonger? Qu'en est-il des licences? Et du stockage? Que pensez-vous des autres éléments? Avez-vous une opinion sur ces points particuliers?

M. Evans: À mon avis, l'opinion implicite dans la position adoptée par le forum - j'essaie encore ici de contourner les déclarations du forum, les opinions qu'on y a exprimées et mes propres opinions - c'est qu'il ne faut pas prolonger la protection. Il faudrait en effet la raccourcir.

Les licences seraient une solution préférable, parce que la nature de l'interfinancement serait transparente et explicite. Le fait qu'on paie le titulaire du brevet et qu'on paie une somme connue, qu'on peut augmenter ou diminuer au besoin, semble une façon beaucoup plus sensée de récompenser l'innovation que le fait d'avoir recours à un moyen non transparent et à une couverture générale. Voilà ma réponse à ces questions.

.1720

M. Morris Bodnar: Y a-t-il d'autres modifications que vous aimeriez voir apporter à la loi C-91?

Dr Noseworthy: Il ne s'agit pas d'une modification, mais peut-être d'une mise en garde. Comme nous n'avons pas soulevé cette question tantôt, il s'agira d'un clip de 30 secondes.

Nous sommes fort préoccupés par ce que nous estimons être un phénomène grandissant - et c'est encore tout à fait au niveau subliminal - soit le fait d'adresser de la publicité directement aux consommateurs. Nous pensons que c'est une pratique dangereuse.

Jeudi soir dernier, j'ai demandé à ma femme de parcourir l'Edmonton Journal. Elle est elle-même médecin. Je lui ai demandé de trouver tout ce qu'elle pourrait décrire comme de la publicité dans laquelle une société pharmaceutique faisait de la commercialisation auprès du public. Le journal contenait ce soir-là quatre annonces de cette nature. Il ne s'agissait pas d'annonces de produits très spécifiques ou pour un usage très spécifique, dans lesquelles on essayait de susciter une réaction de la part du consommateur, mais il s'agissait d'une publicité implicite, d'une sorte de publicité qui commence à devenir beaucoup trop courante. Je pense que nous sommes dangereusement au bord d'un précipice et que nous devrions faire respecter vigoureusement l'interdiction de faire de la publicité destinée au public.

Le président: Merci. Je tiens à remercier nos deux invités, M. Evans et le dr Noseworthy, d'être venus représenter devant nous le forum sur la santé. Nous avons eu une réunion très intéressante où l'on a soulevé des idées intéressantes. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous rencontrer et de nous présenter vos idées.

Le comité suspend maintenant sa séance jusque vers 18 heures. Nous ne savons pas exactement combien de temps le vote prendra, mais je suggère aux témoins suivants de revenir dans cette salle vers 17 h 50 ou 17 h 55, car nous reprendrons la séance dès que les votes seront terminés. Merci beaucoup.

.1723

.1829

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Mesdames et messieurs, nous revenons à notre ordre du jour qui est, conformément à l'article 108(2) du Règlement, l'examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, chapitre 2, Lois du Canada, 1993.

Je tiens à remercier les témoins et les personnes-ressources de leur patience, mais les députés doivent se rendre à la Chambre lorsque la sonnerie les y appelle.

Nous avons essayé de limiter les déclarations préliminaires de chacun des témoins à environ cinq minutes. Étant donné notre horaire, nous ferons de notre mieux pour ne pas dépasser ces cinq minutes, et je devrai vous prévenir si vous dépassez ce délai. Nous passerons ensuite aux questions et réponses. Bien souvent, les députés se hâtent afin de poser le plus de questions possible, et j'espère donc que nous pourrons dialoguer aussi longtemps que possible.

Nous allons commencer. Nous accueillons Alain Godmaire, secrétaire du conseil de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA). Qui fera l'exposé?

M. Alain Godmaire (secrétaire du conseil d'administration, COCQ-SIDA): Oui, bonjour.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Commencez, je vous en prie.

[Français]

M. Godmaire: Monsieur le président, messieurs les députés, bonsoir. Je voudrais d'abord vous remercier de permettre à la Coalition de présenter sa position en ce qui a trait à la révision de la loi.

La Coalition est le porte-parole de 36 organismes québécois de lutte contre le sida, organismes qui sont situées aux quatre coins de la province. Notre présentation de ce soir ne sera pas en lien avec les compagnies pharmaceutiques et leurs positions, mais avec les préoccupations des personnes vivant avec le VIH/sida et l'amélioration de leur qualité de vie.

Au tout début de l'infection au VIH, en raison de l'évolution rapide et du peu d'intérêt que suscitait cette nouvelle maladie, les personnes infectées se sont prises en main très rapidement et ont développé plusieurs ressources pour répondre aux besoins des personnes qui étaient infectées par le VIH. Elles ont mis sur pied des services d'information, des services d'éducation, mais aussi un lobby important auprès des compagnies pharmaceutiques pour obtenir l'accès aux thérapies qui pouvaient les aider à améliorer ou à prolonger leur vie.

.1830

Cette capacité à prendre en main leur destinée a fait en sorte que les compagnies pharmaceutiques ont vite compris l'intérêt qu'elles pouvaient avoir à se rapprocher des personnes vivant avec le VIH/sida, que le fait de se rapprocher des personnes vivant avec le VIH pouvait les aider dans leurs pressions en vue de faire accepter de nouveaux médicaments.

Nous voulons vous présenter cinq points, dont le premier est le contrôle des coûts. En termes d'infection au VIH, plusieurs nouveaux médicaments arrivent sur le marché. Leur coût est vraiment exorbitant. Compte tenu que, dans la majorité des provinces canadiennes, ces coûts sont assumés par les gouvernements, nous rencontrons de plus en plus de problèmes à les faire inscrire sur les listes de médicaments gratuits.

Lorsque les coûts de ces médicaments ne sont pas assumés par les provinces, ce sont les personnes vivant avec le VIH qui doivent les assumer, et 95 p. 100 d'entre elles ne sont pas capables de les assumer.

Actuellement, on observe que le gouvernement canadien se reporte à une comparaison des prix moyens de certains pays de l'Amérique et de l'Europe pour fixer le prix; ces prix-là sont très élevés. Souvent, les pays qu'on prend comme référence sont des endroits où les compagnies pharmaceutiques décident d'établir leur siège social.

Quant aux coûts, nous demandons que le gouvernement canadien élargisse sa base de comparaison au marché international du médicament plutôt que de se limiter à ces pays d'Europe et d'Amérique.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'accès humanitaire, plusieurs nouveaux médicaments arrivent sur le marché et plusieurs personnes qui sont dans des situations sans retour avec les médicaments actuels désirent avoir accès rapidement à ces médicaments-là. Les essais cliniques ou l'accès humanitaire sont les seuls moyens.

Les essais cliniques ne sont actuellement fonctionnels que dans les grands centres du Canada comme Montréal, Toronto et Vancouver, et les personnes vivant avec le VIH/sida et résidant dans les régions éloignées ne peuvent avoir accès rapidement à de nouveaux traitements que par le biais de l'accès humanitaire.

Constatant le peu de disponibilité de cet accès humanitaire ou le manque de volonté des compagnies à rendre disponibles ces traitements-là, pour des questions financières ou d'insensibilité - ce n'est pas à nous de juger - , nous recommandons que la Loi sur les brevets soit assortie d'une obligation d'offrir l'accès humanitaire dans le cas des molécules ayant atteint la phase II des essais cliniques et que les personnes vivant dans des régions où il n'y a pas d'essais cliniques ne soient pas obligées d'avoir épuisé toute autre solution potentielle pour y être admissibles.

Troisièmement, nous aimerions parler d'un fonds de recherche indépendant. Le financement de la recherche fondamentale est de plus en plus difficile à trouver. On considère que le Canada est un pays riche en termes de chercheurs renommés et, plus particulièrement, en ce qui a trait à la recherche sur le VIH. Plusieurs nouvelles découvertes se font ici au Canada mais, malheureusement, le financement pour ces gens-là n'est souvent pas suffisant.

Pour les compagnies de produits pharmaceutiques, la recherche d'une solution finale au VIH est la moins rentable. Si le VIH passait du statut de maladie mortelle à celui de maladie chronique, cela assurerait à plusieurs compagnies des revenus incalculables, probablement pour des décennies.

Nous ne voulons pas porter d'accusations contre ces entreprises. Toutefois, nous devons être réalistes. Le but premier de ces compagnies est de faire de l'argent. Ces compagnies sont à but lucratif et il est normal qu'elles développent d'abord des produits rentables.

.1835

Donc, pour ce qui est d'un fonds de recherche indépendant, notre recommandation est la même que celle du Forum national sur la santé, à savoir que lors de la révision du projet de loi C-91, l'engagement pris par l'industrie pharmaceutique, au moment de l'adoption initiale de la loi, d'augmenter ses dépenses de recherche soit transformé en contribution précise et obligatoire à un fonds de recherche en soins de santé, au sens large du terme, qui serait indépendant de l'industrie et administré par les organismes subventionnaires nationaux, les demandes de subvention étant soumises au processus habituel d'évaluation par un comité de pairs.

Quatrièmement, nous voulons soulever un point qui est surtout d'ordre moral ou éthique au niveau de la recherche, soit la production des états financiers. Nous demandons aux compagnies de réinvestir en recherche, mais les coûts relatifs au marketing des produits sont inclus dans ces sommes au niveau de la présentation des budgets. Actuellement, les coûts du marketing ne sont pas clairement identifiés. Chaque fois que nous avons posé à ces compagnies ou à leurs associations des questions afin de connaître les montants exacts investis en recherche, nous n'avons pu obtenir de réponse.

Pourquoi ne pourrait-on pas séparer, dans les états financiers, les bourses de voyage, les postes de secrétaires ou d'infirmières dans les établissements qui participent aux effets cliniques et le coût du lancement de produits?

Nous recommandons que le gouvernement canadien exige des compagnies qui font de la recherche qu'elles identifient clairement dans leurs états financiers les éléments de recherche pure et ceux relatifs à la mise en marché, au marketing, au soutien et au développement pour s'assurer que les compagnies pharmaceutiques respectent leurs engagements.

En terminant, parlons du règlement 55.2 en ce qui a trait à l'avis de conformité. Nous tenons à dire que nous avons beaucoup de réserves vis-à-vis de ce point qui, pour nous, ne fait qu'avantager et protéger les compagnies de marque, les compagnies qui produisent des médicaments d'origine, et non favoriser la sécurité ou le bien-être des personnes vivant avec le VIH/sida.

Merci beaucoup.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.

Notre témoin suivant est M. Rodney Kort, spécialiste des programmes de la Société canadienne du sida. Bienvenue.

M. Rodney Kort (spécialiste des programmes, Société canadienne du sida): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître.

Je veux d'abord vous présenter brièvement la Société canadienne du sida et vous parler de son rôle par rapport au VIH et au sida. La Société canadienne du sida (SCS) est une coalition nationale regroupant plus de 100 organismes communautaires de lutte contre le sida, qui offre une multitude de programmes d'éducation, de soutien et de défense des droits aux personnes vivant avec le VIH/sida (PVVIH/sida) ainsi qu'aux communautés touchées par le VIH et le sida.

La SCS joue un rôle de porte-parole national et agit en qualité de tribune nationale de la réaction communautaire à l'infection au VIH et au sida. La SCS défend aussi les droits des personnes vivant avec le VIH/sida et des communautés qui sont touchées par cette maladie. Elle sert également de ressource à ses organismes membres sur les questions entourant le VIH et le sida et coordonne la participation communautaire à une stratégie nationale de lutte contre le VIH et le sida, et je dois mentionner que cette stratégie se terminera à la fin de mars de l'an prochain.

En ce qui concerne le coût des médicaments de marque déposée et des traitements pour le VIH et le sida, comme l'a dit le représentant de la COCQ-SIDA, ces traitement sont extrêmement dispendieux. Ils peuvent facilement coûter de 1 000 $ à 2 000 $ par mois dans le cas des médicaments antiviraux et des autres traitements prophylactiques. Les traitements pour le VIH et le sida doivent être suivis conformément à des schémas thérapeutiques stricts durant des périodes indéfinies. On peut donc faire face à des coûts de dizaines de milliers de dollars pendant des années. Il est donc très clair que le sort de la loi C-91 est d'un intérêt vital pour les personnes vivant avec le VIH ou le sida et pour ceux qui représentent ces groupes de consommateurs.

Dans le mémoire écrit que la Société canadienne du sida a présenté au comité, nous donnons une grande quantité de détails ainsi qu'un bon nombre de recommandations. Je ne lirai pas en détail le contenu du document d'information. J'encourage les membres du comité à lire le mémoire qui appuie nos recommandations, que je vais vous présenter maintenant.

.1840

La Société canadienne du sida recommande que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et l'industrie pharmaceutique mettent immédiatement sur pied un groupe de travail pour examiner la question du coût des médicaments et élaborer une stratégie provisoire afin de garantir le remboursement universel des médicaments aux personnes atteintes de maladies invalidantes au Canada.

La SCS recommande au gouvernement fédéral de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux à la mise en oeuvre de la recommandation du Forum national sur la santé concernant l'établissement d'un programme national de remboursement des médicaments.

La SCS appuie la recommandation du Forum national sur la santé concernant l'élaboration d'un système interprovincial et coordonné d'information sur les médicaments visant à faciliter un partage d'information entre les différentes sphères de compétence.

La SCS recommande l'élaboration d'un formulaire national unique administré par les provinces, afin d'éliminer les variantes entre les différentes sphères de compétence en ce qui touche le remboursement des médicaments et leur accessibilité. Je reviendrai sur la question de l'accessibilité un peu plus loin dans mon exposé.

La Société canadienne du sida recommande de ne pas prolonger la protection des brevets au-delà de la période actuelle de 20 ans.

La SCS recommande que le paragraphe 55(2) des règlements applicables à la Loi sur les brevets soit rayé des règlements applicables à la Loi sur les brevets, par voie de décret administratif.

En outre, la SCS n'a aucune raison de croire que l'industrie pharmaceutique devrait bénéficier d'une protection interlocutoire.

La SCS recommande que le mécanisme par lequel le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) évalue les prix de détail initiaux des nouveaux traitements soit modifié afin d'y inclure un examen rigoureux du processus utilisé par le fabricant pour déterminer le prix de détail initial. Ce processus est opaque présentement et est très problématique.

La SCS recommande que les règlements applicables à la Loi sur les brevets soient amendés afin d'obliger les fabricants pharmaceutiques à soumettre une déclaration d'intention relativement à l'accès compassionnel, avant l'introduction des essais cliniques de phase II et de phase III. Comme le représentant de la COCQ-SIDA l'a dit, c'est vraiment crucial pour ceux qui ont épuisé les traitements approuvés et qui ont besoin d'avoir accès à des traitements expérimentaux.

La SCS recommande que le programme de médicaments d'urgence soit rationalisé afin de faciliter l'accès aux médicaments nécessaires et d'exiger des fabricants qu'ils expliquent les motifs pour lesquels un médicament a été refusé.

La SCS appuie le projet de loi d'initiative parlementaire déposé par Réal Ménard, le13 décembre 1996, qui oblige les compagnies pharmaceutiques à rendre compte chaque année au CEPMB de leurs efforts en vue de faciliter l'accès aux traitements au moyen de programmes d'accès compassionnel.

La SCS recommande que le CEPMB élabore, en consultation avec l'industrie et la communauté scientifique, des définitions strictes de ce que l'on entend par recherches fondamentales et recherches cliniques (appliquées) et les utilise au moment de définir et d'évaluer les efforts de recherche des compagnies pharmaceutiques de médicaments de marque déposée.

La SCS recommande que le gouvernement fédéral crée un fonds indépendant, appuyé par l'industrie pharmaceutique de marque déposée et de médicaments génériques, pour promouvoir la recherche scientifique fondamentale au Canada sans qu'on vise spécifiquement la création d'un produit et qu'on recherche des profits.

La SCS recommande que le mandat du CEPMB soit élargi afin d'y inclure l'analyse des efforts de recherche des fabricants de médicaments génériques, afin que nous puissions les considérer sur le même pied que les fabricants de médicaments de marque déposée.

En terminant, je tiens à réaffirmer la nécessité, pour les personnes vivant avec le VIH et le sida, d'un programme national d'assurance-médicaments accessible à tous les Canadiens. Comme l'a fait remarquer le Forum national sur la santé, le système du payeur unique réduirait les frais administratifs et garantirait le respect du principe d'accessibilité prévu dans la Loi canadienne sur la santé. Ce n'est pas le cas actuellement.

Je voudrais seulement ajouter un dernier mot au sujet de l'accès équitable. Il y a environ un mois et demi, j'ai reçu un appel d'un homme qui était désespéré au sujet du traitement qu'il subissait. Il avait présenté une demande au programme Trillium de l'Ontario, et comme nous le savons tous, il y a un arriéré important chez Trillium. Son dossier n'avait pas été traité. Il ne voulait pas quitter son emploi et demander des prestations d'aide sociale, quelque chose que le gouvernement peut comprendre, je pense. Il avait emprunté tout ce qu'il pouvait de sa famille et de ses amis pour payer les médicaments qu'il prenait, y compris des analogues de nucléoside et l'un des nouveaux inhibiteurs de la protéase.

.1845

Il essayait de savoir si je pouvais l'aider à faire accélérer le traitement de sa demande au programme d'assurance-médicaments Trillium, car autrement il allait cesser son traitement. La conséquence de l'arrêt de traitement, comme tout clinicien vous le dira, c'est une reprise très rapide de la reproduction du virus et la progression éventuelle de la maladie.

Il ne s'agit pas d'un cas isolé. C'est une situation qui se produit au Canada. Cela dépend des programmes existant dans chacune des provinces. Ils sont tous différents. Plusieurs ont des règlements différents pour déterminer qui y a accès, ce qui est payé et ce qui ne l'est pas.

Cet homme a eu de la chance, car exactement deux jours avant qu'il ne manque de médicaments, il a finalement reçu un chèque du programme Trillium et a pu avoir accès au programme. Mais il y en a d'autres qui ne sont pas aussi chanceux.

Je pense qu'il incombe aux décideurs de collaborer avec les provinces, avec le secteur privé et avec les groupes de consommateurs pour faire en sorte que nous ayons vraiment un régime canadien fort et véritablement universel de soins de santé.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.

Nous entendrons maintenant Louise Binder, du Canadian Treatment Advocates Council.

Mme Louise Binder (coprésidente, Canadian Treatment Advocates Council): Bonsoir. Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à prendre la parole.

Je suis une femme qui vit avec le sida et je vous parle à titre de coprésidente du Canadian Treatment Advocates Council, un organisme communautaire national relativement nouveau de défense des droits des personnes atteintes du sida, qui s'efforce de faire appliquer les meilleures pratiques et les meilleures normes en matière de soins et d'accès aux traitements pour les personnes vivant avec le VIH et le sida.

Comme vous pouvez vous en rendre compte par ma voix, je souffre d'une bronchite depuis environ deux semaines et je vous demande donc de faire preuve d'indulgence, si ma voix n'est pas aussi bonne que d'habitude.

Nous pensons que l'un des grands atouts de notre organisme est la participation au sein du conseil de personnes atteintes du sida, en particulier au sein du conseil d'administration. Notre conseil compte des représentants de toutes les régions du pays, de chaque province, de même que des trois grands organismes de personnes vivant avec le sida au Canada. Nous avons un représentant du groupe AIDS Action Now!, un groupe très fort d'activistes, du Canadian Aboriginal AIDS Network, et il y a également une représentante des femmes.

La vaste majorité des gens qui font partie de notre conseil sont atteints du sida. De fait, je suis ici pour parler au nom des personnes vivant avec le sida, en particulier des répercussions du projet de loi C-91 sur la santé des Canadiens qui vivent avec le sida.

Il y a deux choses en particulier dont les personnes vivant avec le sida ont désespérément besoin au Canada, sur le plan des traitements. Il faut premièrement de la R-D valable - et je souligne valable - jusqu'au moment de l'approbation et au-delà, ce qu'on oublie souvent. Bon nombre de sociétés pharmaceutiques semblent renoncer à s'occuper du médicament une fois qu'elles ont reçu l'autorisation voulue et ne poursuivent pas les recherches pour savoir comment ce médicament fonctionne vraiment, une fois qu'on l'utilise dans le monde réel.

En plus de R-D valable, nous avons besoin de l'accès aux médicaments. Il est particulièrement important pour nous d'être capables de payer ces médicaments. Il est extrêmement difficile aux Canadiens de pouvoir payer les coûts élevés des médicaments d'ordonnance et en vente libre pour traiter le sida.

Je vais vous parler brièvement de ma propre expérience, pour vous donner un exemple. Je prends actuellement un cocktail de trois médicaments, et je vous assure que c'est loin d'être aussi plaisant que de prendre des martinis, en plus de plusieurs médicaments prophylactiques pour empêcher que je sois atteinte d'un certain nombre de maladies, y compris la pneumonie. Je prends aussi des suppléments vitaminiques et minéraux.

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Je dépense au moins 2 000 $ par mois en médicaments d'ordonnance et autres. Je suis l'une des rares personnes chanceuses, très chanceuses, qui jouissent d'un régime privé d'assurance-médicaments. Autrement, je peux vous dire que je n'arriverais jamais à payer les médicaments dont j'ai besoin pour rester relativement en santé et jouir d'une certaine qualité de vie. Essentiellement, je suis de ces personnes qu'on qualifie d'asymptomatiques, c'est-à-dire que je ne souffre pas encore d'une affection grave résultant de ma maladie.

Si vous voulez faire le calcul, vous pouvez vous rendre compte que c'est un problème aux coûts énormes. Très peu de personnes affligées de cette maladie bénéficient de régimes privés d'assurance-médicaments - très peu.

Comme l'a dit mon collègue, M. Kort, même les programmes provinciaux d'assurance-médicaments sont bien souvent irrémédiablement submergés. Les gens sont obligés de faire des déboursés initiaux considérables pour leurs médicaments, et ils n'en ont pas les moyens. C'est pourquoi ils sont nombreux à quitter leur emploi et à aboutir à l'assistance sociale, non pas parce qu'ils le veulent, mais parce que c'est le seul moyen qu'ils ont de survivre et d'avoir une qualité de vie quelconque.

Voilà pourquoi nous tenons tellement à de la R-D valable. Nous tenons absolument à être soignés. Nous ne voulons pas vivre de l'aide sociale et nous ne voulons pas vous coûter trop cher pour l'assurance-médicaments. Mais nous voulons aussi avoir les moyens d'acheter les médicaments qui nous garderont en vie.

On a dit que le libellé actuel du projet de loi C-91 contribue au prix élevé des médicaments, et j'aimerais maintenant parler de cela. Certaines choses vous auront déjà été dites par mes collègues, mais j'espère que vous aurez la patience de m'écouter. Je pense que ces arguments méritent d'être répétés.

La première chose que je tiens à dire, c'est que moi et mon organisation ne sommes pas ici pour vous dire que les fabricants de médicaments de marque n'ont pas droit à un rendement raisonnable pour les investissements qu'ils ont faits dans la R-D et dans l'économie du pays de manière générale. Nos croyons qu'ils ont certainement droit à cela, mais qu'ils ne sont pas les seules parties prenantes dans cette situation. L'une des parties prenantes - et je crois, franchement, que c'est de toute évidence la partie prenante la plus importante - est la personne qui doit acheter ces médicaments.

L'un des problèmes que pose pour nous le projet de loi C-91 a trait au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Cet organisme a été créé censément pour réglementer le prix des médicaments brevetés.

Le problème particulier que pose ce conseil pour nous, c'est le fait qu'il n'examine pas indépendamment la méthodologie que les fabricants de médicaments emploient pour établir le prix de leurs médicaments au Canada. Ce que le conseil fait, c'est qu'il examine les listes de prix des médicaments des autres pays membres de l'OCDE, dont les États-Unis. Sachez qu'il n'y a presque pas de médicaments qui sont brevetés au Canada avant que ceux-ci ne soient brevetés aux États-Unis, du moins pour ce qui concerne le sida; je ne prétends pas parler des autres domaines. Donc ce qui arrive en réalité, c'est que nous aboutissons à un prix qui n'est pas déterminé indépendamment pour le Canada et pour les moyens que les Canadiens ont. À la place, on aboutit avec une formule qui se fonde sur le prix qu'on exige pour les médicaments dans les autres pays développés.

Nous pensons que l'on a tort de procéder ainsi. Nous pensons que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés doit être nanti de véritables pouvoirs afin qu'il examine indépendamment les méthodologies que les fabricants de médicaments emploient pour déterminer leurs prix.

En outre, ce conseil est censé surveiller le prix des médicaments pour s'assurer qu'ils ne dépassent pas le taux d'inflation qui est établi par notre indice des prix à la consommation. L'un des problèmes que cela pose, c'est que le prix des nouveaux médicaments qui est approuvé pour une année en particulier ne tient pas compte du fait que le fabricant s'est acquitté de ses obligations dans ce domaine ou non. Les médicaments anti-sida sont très nouveaux sur le marché, et souvent, on n'inclut pas dans la liste les médicaments anti-sida très cher pour cette année-là, si bien qu'on ne sait pas si le fabricant s'est acquitté ou non de ses obligations.

L'autre problème que pose le projet de loi C-91, c'est ce que nous et d'autres appelons «le renouvellement perpétuel» des médicaments. Le renouvellement perpétuel a pour effet dans certains cas d'allonger considérablement la période de protection de 20 ans des brevets. En fait, on permet à l'entreprise de demander des brevets différents à diverses étapes de développement du médicament.

.1855

On permet aussi le brevetage d'un dosage différent du médicament. Et ça devient tout de suite un brevet totalement nouveau. De même, si le médicament est administré d'une manière différente - si l'on passe de la pilule, par exemple, à la gélule - on peut obtenir un nouveau brevet.

Le renouvellement perpétuel a permis ainsi à de nombreux fabricants de médicaments de marque de conserver leurs brevets pour beaucoup plus de 20 ans. Et cela, à notre avis, ajoute beaucoup au coût de ces médicaments.

Bien sûr, les fabricants de médicaments de marque nous répondent qu'ils consacrent beaucoup d'argent à la R-D pour mettre leurs produits sur le marché, et par conséquent, ils ont droit à un longue période de protection du brevet ainsi qu'à des prix élevés pour récupérer leur mise. Nous disons, d'accord, 20 ans, ce doit être raisonnable, parce que ces entreprises continuent, semble-t-il, de réaliser des profits importants.

Cela nous préoccupe. Nous ne comprenons pas vraiment combien on dépense pour la R-D. Ces entreprises soulignent le coût élevé de la R-D, mais nous sommes incapables d'obtenir...

Le vice-président (M. Lastewka): Je vais être obligé de vous demander de résumer. Vous avez eu droit à quatre minutes de plus que les autres.

Mme Binder: Ah, désolée.

Chose certaine, nous avons de très sérieuses réserves quant au sens qu'on donne à la R-D.

Nous sommes également d'accord avec la Société canadienne du sida pour dire qu'il faut retrancher l'article 55.2 du Règlement. Rien ne justifie que les fabricants de médicaments aient droit à un redressement par voie d'injonction en vertu de la loi alors qu'aucune autre entreprise n'a droit à cela. Les fabricants devraient pouvoir s'adresser aux tribunaux comme tout le monde.

Ce projet de loi pose donc un grand nombre de difficultés. Le CACT a fait plusieurs recommandations. Je pense qu'elles sont très bonnes. Nous pensons qu'il devrait y avoir une autre révision au bout de quatre ans. On devrait pouvoir continuer de surveiller l'évolution de ces prix. L'évolution de ces prix doit rester liée à la création d'emplois, à une R-D authentique et à l'endiguement des prix. L'accès compassionnel aux médicaments doit également demeurer un facteur. Personne dans notre pays ne devrait se voir refuser l'accès aux médicaments parce que les médicaments sont...

Le vice-président (M. Lastewka): Je vais être obligé de vous arrêter. Vous avez pris le double de votre temps.

Mme Binder: Je suis désolée.

Le vice-président (M. Lastewka): Vous devez vous rappeler qu'au bout du compte, c'est moi qui dois vivre avec ces députés-là.

Mme Binder: Eh bien, vous voyez que ce sujet me passionne.

Le vice-président (M. Lastewka): Vous pourrez peut-être reprendre certains de vos arguments lorsque nous allons passer aux questions.

Mme Binder: Merci.

Le vice-président (M. Lastewka): Nous allons maintenant entendre du Réseau canadien pour les essais cliniques, M. William Cameron, directeur général pour l'Ontario. Bienvenue.

M. William Cameron (directeur régional, Réseau canadien pour les réseaux cliniques): Merci, monsieur le président, et bonsoir.

Je suis médecin à l'Hôpital général d'Ottawa et chercheur clinique; je suis également directeur régional pour l'Ontario du Réseau canadien pour les essais cliniques. Je suis ici pour dire que le RCEC appuie la protection de la propriété intellectuelle que propose le projet de loi C-91.

Un comité d'examen fédéral a demandé aux parties prenantes de se prononcer sur les effets de ce projet de loi. Le Réseau canadien pour les essais cliniques constitue l'une des parties prenantes relativement au projet de loi C-91 parce que la volonté des entreprises d'investir dans les essais cliniques au Canada dépend de cette loi. Selon notre expérience, dans le domaine du VIH et du sida, les entreprises qui ont accepté d'investir dans la recherche clinique étaient exclusivement des entreprises qui s'employaient à produire des médicaments novateurs.

Le RCEC, ou Réseau canadien pour les essais cliniques, est un organisme financé par le gouvernement fédéral. Nous facilitons la recherche clinique sur le VIH et le sida dans 26 sites cliniques au pays. Au cours des six dernières années, nous avons pris part à plus de 50 essais cliniques qui ont fait intervenir 5 500 Canadiens séropositifs ou atteints du sida.

Nous avons également collaboré à plusieurs programmes d'étiquetage en clair et d'accès compassionnel aux médicaments pour plus de 3 000 patients. Notre infrastructure offre l'accès aux essais cliniques hors des grands centres aux Canadiens qui seraient autrement exclus de ce processus. Cependant, notre mandat et nos ressources limitées ne nous permettent pas de parrainer directement des essais cliniques. Le RCEC ressemble à l'AIDS Clinical Trial Group que finance le gouvernement des États-Unis, sauf qu'il y a une différence importante - à savoir l'argent que l'on consacre aux essais cliniques.

Contrairement à leurs homologues américains, les chercheurs canadiens ne peuvent conduire de recherches cliniques sans le parrainage des fabricants de médicaments. En conséquence, nous sommes naturellement favorables à une loi qui encourage les entreprises pharmaceutiques à investir dans les essais cliniques. C'est particulièrement vrai pour ce qui est de la recherche sur le sida pour trois raisons.

.1900

Premièrement, la recherche sur le sida n'a accès à aucune source importante de financement. À cause du stigmate qui colle à cette maladie, il est difficile de réunir des fonds, et les dons de charité comptent pour bien peu comparativement à ceux que l'on réunit pour d'autres maladies.

Deuxièmement, la découverte de thérapies et de remèdes, comme nous l'espérons, pour des maladies aussi dévastatrices que le sida nécessite une R-D intensive, qui n'a été assumée jusqu'à ce jour que par des entreprises pharmaceutiques innovatrices, et aucune autre. Au cours des six dernières années et demie, le Réseau canadien pour les essais cliniques n'a pas reçu la moindre demande de protocole de la part des fabricants de médicaments génériques. Tous les essais que nous avons facilités ou menés ont reçu le soutien financier d'une entreprise pharmaceutique innovatrice.

Troisièmement, les affections que provoquent des virus mortels et adaptables comme le VIH nécessitent un effort de R-D soutenu et coûteux. Le sida est encore une maladie nouvelle, et c'est encore une maladie mortelle. Le VIH s'adapte rapidement et développe en peu de temps une résistance à la plupart de nos agents qui sont aujourd'hui efficaces. C'est grâce aux entreprises innovatrices, qui acceptent de prendre part au processus lent et coûteux de découverte de nouveaux médicaments, que nous avons aujourd'hui de nombreux médicaments capables de contrer le VIH.

Les nouvelles thérapies combinées qui donnent espoir aux séropositifs résultent directement et uniquement des efforts de R-D des entreprises pharmaceutiques innovatrices.

Quoique l'on pense de ces entreprises et de leurs stratégies et tactiques d'affaires, nous reconnaissons que la qualité de vie des séropositifs canadiens a été améliorée grâce aux investissements de ces entreprises et au développement de la toute dernière génération de nouveaux médicaments.

Cela dit, nous reconnaissons que ce sont en effet les citoyens canadiens qui doivent payer le prix de ces médicaments coûteux, et que les régimes d'assurance-médicaments provinciaux et privés ainsi que les ressources du secteur de la santé sont débordés. Il y a tout le spectre de la recherche clinique qui peut contribuer à redresser la situation, mais cette recherche n'est pas financée naturellement par les enveloppes budgétaires actuelles.

Nous songeons ici à ce que l'on appelle les essais de traitement clinique et aux études qui visent à améliorer le traitement clinique des patients. Prenez par exemple, dans le domaine du sida, les études qui ont suivi les premières études sur l'AZT. Selon ces premières études l'AZT donnait des résultats dans des doses de 1 500 milligrammes par jour. Il en coûtait 1 000 $ US par mois lorsque ce médicament a fait son apparition, et c'est ce prix qu'on imposait à tout le pays. Mais d'importantes études du traitement ont démontré plus tard qu'on aurait pu obtenir les mêmes résultats avec seulement un tiers de cette dose, à un coût beaucoup moindre et avec une toxicité beaucoup moindre, ce qui aurait donné une bien meilleure qualité de vie aux séropositifs qui avaient accepté ce traitement.

Ces études plus récentes avaient été financées par les gouvernements et ne présentaient de toute évidence que peu d'intérêt pour les entreprises pharmaceutiques qui avaient obtenu leurs licences et leurs brevets. Il y a d'autres exemples qui sont tout aussi spectaculaires et qui sont le résultat d'essais de traitement clinique.

Par souci de commodité, nous allons utiliser l'expression «optimisation de la recherche clinique» pour désigner ces essais qui cherchent à optimiser le traitement clinique des patients atteints d'affections spécifiques et à qui l'on offre les thérapies disponibles. Ces essais ne concordent pas avec les intérêts naturels des commanditaires pharmaceutiques. Une telle recherche peut viser à déterminer si des doses plus faibles de médicaments sont tout aussi efficaces que les doses prescrites par licence et si des pistes spécifiques de soins peuvent conduire à de meilleurs résultats pour les patients.

À l'heure actuelle, on consacre peu de ressources financières à cette recherche si importante, qui présente des intérêts pour plusieurs raisons.

Il ne faut pas compter sur le soutien du programme de santé du CRM et de l'ACIM parce qu'il faut avoir un commanditaire industriel pour faire une demande.

Le CRM lui-même, même s'il constitue une source possible, n'a dans son enveloppe de recherche clinique que les fonds voulus pour entreprendre un très petit nombre d'études de ce genre. Il s'agit d'études coûteuses, et le soutien gouvernemental à la recherche en santé au CRM décline au Canada. Même si l'on a annoncé la création d'un nouveau fonds de recherche en santé, encore là, le montant annuel dont on dispose pour la recherche clinique est limité. Nous croyons qu'en échange de cette protection des brevets, l'industrie devrait contribuer à ce domaine de recherche sous-alimenté et d'une importance critique pour les patients, les contribuables et nos gouvernements.

Le RCEC désire faire les recommandations suivantes afin d'encourager la recherche canadienne dans l'optique du projet de loi C-91.

Si les dispositions régissant la protection des brevets que contient le projet de loi C-91 doivent être renouvelées, nous recommandons qu'une part importante des «10 p. 100 des ventes canadiennes» soit mise de côté pour mener des recherches d'optimisation clinique ou des essais de traitement clinique que l'industrie n'entreprendra vraisemblablement pas étant donné que ces recherches ne répondent pas à leurs intérêts naturels. Ces fonds ainsi libérés seraient administrés dans le cadre d'un processus de révision confraternelle et serviraient à financer des études qui n'ont aucune autre source de commandite.

.1905

Deuxièmement, s'il y a des fonds qui ne sont pas dépensés parce qu'on n'a pas atteint cette cible de 10 p. 100, nous recommandons que l'on verse dans ce fonds tous les montants ciblés qui n'ont pas été alloués.

Troisièmement, nous recommandons qu'un pourcentage accru - idéalement de50 p. 100 - du financement à la R-D de l'ACIM soit consacré à la recherche extra-muros. À l'heure actuelle, le gros de la recherche fondamentale est accompli dans les laboratoires de l'industrie.

Quatrièmement, nous recommandons que le fonds de R-D fixe des objectifs régionaux pour les investissements dans la recherche.

Merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, j'espère que vous aurez noté, comme la majorité ministérielle également, un appui non équivoque à mon projet de loi. J'avoue que cela me fait plaisir. Cela me fait d'autant plus plaisir que j'ai vraiment le sentiment que le gouvernement appuiera les amendements que nous allons présenter comme Opposition officielle.

Je veux rappeler à mes amis de AIDS Action Now! que la première personne qui est venue me rencontrer après mon élection en octobre 1993, comme un certain nombre de mes collègues, a été Brian Farlinger. Il est venu au mois de décembre. On peut dire qu'il n'avait pas perdu beaucoup de temps. C'est vraiment lui qui m'a expliqué l'importance d'avoir des dispositions très claires dans la loi.

Les gens qui vivent avec une personne atteinte et qui connaissent un peu la réalité du sida savent combien c'est une réalité qui est cyclique et combien les médicaments peuvent faire la différence entre une qualité de vie acceptable et une qualité de vie détestable.

Comme comité, nous devons nous convaincre du rôle que les compagnies pharmaceutiques peuvent jouer. J'ai dit à plusieurs reprises à mes collègues que, dans la réalité des compagnies pharmaceutiques, le pire côtoie le meilleur. Il y a des gens qui sont très très impliqués. Il y a des compagnies pharmaceutiques qui sont très généreuses et d'excellents citoyens corporatifs, mais il y en a d'autres qui, au contraire, sont extrêmement fermées.

Peut-être que Louise ou les gens de la Société canadienne du sida peuvent vraiment expliquer ce que veut dire la possibilité d'avoir accès à des médicaments homologués et également ce que veut dire la possibilité de participer à un essai clinique contrôlé pour que ce soit clair pour l'ensemble des mes collègues. Si ce n'est pas moi qui le dis, ils vont vous écouter.

[Traduction]

M. Kort: Je n'en suis pas sûr

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Ce n'est pas vrai, vous savez. M. Ménard est un membre important de notre comité et nous avons maintes fois discuté ensemble.

[Français]

M. Réal Ménard: C'était une blague, monsieur le président.

[Traduction]

M. Kort: La question de l'accès compassionnel est absolument essentielle pour les personnes séropositives ou atteintes du sida.

Le processus de R-D pour ces médicaments consomme beaucoup de temps avant que le médicament soit même prêt à être soumis à l'approbation des autorités, et le processus d'approbation peut prendre aussi beaucoup de temps.

Pour les gens qui sont atteints de cette maladie et qui ont déjà consommé les médicaments existants, ce peut être littéralement une question de vie ou de mort que d'avoir accès à un traitement expérimental grâce à un programme d'accès compassionnel ou grâce à un programme d'accès urgent aux médicaments de Santé Canada avant qu'un médicament soit approuvé. Cela peut avoir toutes sortes d'effets pour ce qui est de la qualité de la vie, de la santé et de l'espoir des personnes séropositives ou atteintes du sida. C'est l'une des raisons pour lesquelles on a fait état avec autant d'énergie de l'accès compassionnel dans tous les exposés que vous avez entendus.

[Français]

M. Réal Ménard: Mme Binder voudra peut-être ajouter quelque chose.

[Traduction]

Mme Binder: Je pense qu'il faut distinguer l'accès compassionnel de la participation à des essais cliniques. Ce n'est pas la même chose.

Les essais cliniques - qui ont été mentionnés plus tôt par l'un de mes collègues, je pense - sont pratiqués généralement dans les grands centres uniquement parce qu'on a besoin d'une masse critique pour ces essais cliniques. Et les gens prennent part à ces essais parce qu'ils désirent aider la science et la recherche à avancer.

.1910

L'accès compassionnel est une question différente. L'accès compassionnel permet à quelqu'un qui a essayé tous les médicaments qui sont à sa disposition de recourir à d'autres médicaments qui ne sont pas encore prêts pour être soumis à l'approbation des autorités dans notre pays. Et l'accès compassionnel intervient quand il est établi que la personne ne survivra pas si on ne lui donne pas au moins la possibilité de faire l'essai des médicaments dont la mise au point se poursuit encore. C'est cela, l'accès compassionnel. Nous croyons vivement dans l'accès compassionnel, et gratuit, si possible, pour la personne qui en est au stade critique de sa maladie. Pour nous, c'est très différent d'une décision qu'on peut prendre pour faire avancer la recherche.

[Français]

M. Réal Ménard: Est-ce vraiment important, finalement? J'ai la conviction qu'on aura fait un grand pas le jour où les compagnies pharmaceutiques seront aussi fières de donner des médicaments non homologués à des personnes qui en ont besoin. Je ne parle pas seulement de personnes atteintes du sida, mais aussi de personnes atteintes d'un autre type de maladie catastrophique. Le jour où les compagnies pharmaceutiques se feront un point d'honneur d'offrir de façon vraiment très élargie ce type d'accès, je crois qu'on aura accompli un grand pas comme société, mais je ne me fais pas d'illusions.

Personnellement, je suis convaincu que la politique est un rapport de forces. En politique, un problème dont on ne parle pas est un problème qui n'existe pas. Je crois qu'il doit y avoir une obligation législative.

Je propose que le Conseil évalue chaque année, au moins pour les sociétés titulaires de brevets - si jamais le comité élargit le mandat du Conseil d'examen, on s'ajustera en conséquence - et les associations comme la vôtre et d'autres à travers le Canada, les efforts qu'elles ont faits à cet égard. Ces sociétés devraient répondre publiquement de cela.

Lorsque le ministre de la Santé dépose à la Chambre des communes et au Sénat le rapport du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, cela entraîne une mobilisation dans l'entourage du ministre. Il y a aussi des consommateurs et des gens qui ont intérêt à suivre ce qui se passe au niveau de l'évolution du contrôle du coût des médicaments qui analysent cela.

Pensez combien il serait intéressant pour les activistes que le Conseil dépose chaque année, au mois de mai ou au mois de juin, un rapport qu'ils pourraient commenter. Cela pourrait être extraordinaire aussi pour les compagnies pharmaceutiques. Je ne doute pas qu'il y en a parmi elles qui ont à coeur d'aider les personnes atteintes, mais je crois que, s'il n'y a pas d'obligation législative, elles n'auront pas cette pression-là. Les compagnies carburent à la pression, et c'est normal. Lorsqu'on n'est pas obligé de faire des choses un certain nombre de fois, on ne les fait pas. Je suis convaincu que cela ferait une grande différence pour nous si cette obligation était inscrite dans la loi.

Cela étant dit, je crois que vous avez été extrêmement éloquents sur la nécessité de donner au Conseil de nouveaux pouvoirs concernant l'accès aux médicaments. Je veux revenir à la COCQ-SIDA, parce que la COCQ-SIDA est un organisme extrêmement important pour le Québec. En effet, vous représentez plus d'une trentaine d'organismes. Je crois que vous avez dit 36 dans votre note d'introduction.

Pourriez-vous nous parler de l'appréciation que vous faites de la collaboration que vous entretenez avec les compagnies pharmaceutiques, et pourriez-vous nous dire également pourquoi vous croyez que le comité devrait recommander d'élargir la base de comparaison en ce qui a trait aux pays de référence? Actuellement, il y a sept pays avec lesquels le Canada pourrait faire une certaine comparaison. Vous n'êtes pas les premiers à nous parler de cela, mais ce serait intéressant de connaître votre point de vue.

M. Jean-Pierre Bélisle (représentant des personnes vivant avec le VIH-SIDA, COCQ-SIDA): La COCQ-SIDA m'a demandé d'être ici pour la période des questions. Pour ce qui est de notre relation avec les compagnies pharmaceutiques, les organismes communautaires du Québec, actuellement, commencent à se poser beaucoup de questions sur le type de relations qui doit exister entre la communauté sida et l'industrie pharmaceutique. On a de plus en plus l'impression qu'il y a des liens presque incestueux qui existent entre les chercheurs, les médecins, certains représentants communautaires et les compagnies pharmaceutiques de produits d'origine.

.1915

La semaine dernière, nous avons publié notre journal d'information sur les traitements, et la grande question qu'on se pose porte sur le pharmaceutique et nous.

Comment se fait-il que l'univers du sida se soit transformé en un modèle aussi industriel que celui qu'on observe? Plusieurs des Québécois qui ont participé à la conférence internationale de Vancouver en sont revenus avec un goût amer. La question qu'on se posait était: Conférence scientifique ou foire commerciale? Pour nous, cela illustre bien ce qui se produit quand, dans un domaine de recherche, le financement provient presque uniquement d'un secteur à but lucratif. Les personnes vivant avec le sida - je vis avec le sida - savent bien que, lorsqu'une compagnie pharmaceutique les regarde, ce qui l'intéresse, c'est l'argent qu'elles vont leur verser pour les médicaments.

L'objectif de ces compagnies est la maximisation des profits. D'un strict point de vue d'éthique de recherche, on peut se demander si l'objectif de maximisation des profits est compatible avec l'objectif de la recherche biomédicale. C'est une question qui a été posée d'une façon différente par les gens du Forum national sur la santé plus tôt.

Pour ce qui est du deuxième aspect de votre question, qui portait sur l'élargissement de la base des coûts, actuellement, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, pour les médicaments de classe 2, qui sont ceux qui nous intéressent, c'est-à-dire ceux qui représentent vraiment une innovation, se base habituellement... Ce qu'on sait, c'est qu'ils ne dépasseront pas le prix médian du prix du médicament aux États-Unis et dans six pays d'Europe. Nous nous demandons si cette base de comparaison est vraiment la bonne, parce que certains des pays qui sont utilisés sont des pays où le prix d'une tasse de café n'a rien à voir avec le prix d'une tasse de café ici. Donc, on voudrait que la base de référence soit plus large.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Je tiens à vous remercier d'avoir accepté notre invitation ce soir.

Question de procédure, monsieur le président, nous allons être ici jusqu'à minuit au rythme où nous allons.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Nous avons dit que nous étions sur le quart de nuit, nous devons donc procéder et nous devons y aller aussi vite que nous pouvons.

M. Werner Schmidt: Je me demande s'il n'y aurait pas moyen d'avancer plus rondement. On pourrait peut-être limiter à cinq minutes le premier tour de dix minutes, et ensuite à deux minutes.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): J'ai écourté quelque peu le temps de parole de M. Ménard.

M. Werner Schmidt: Donc vous allez faire ça sans nous le dire? Vous avez pris cette petite décision en secret.

Ça va, monsieur le président, parce que je crois sincèrement que certains de nos témoins ont dû trouver très difficile d'avoir à nous attendre.

Mais j'ai quelques questions.

Dans l'une de ses recommandations, le CACT dit que 50 p. 100 de la recherche devrait être extra-muros. D'autres témoins nous ont dit qu'environ 30 p. 100 des crédits de recherche de l'ACIM sont voués à la recherche, et le reste, 70 p. 100, sont voués aux essais cliniques. Il y a donc une différence ici d'à peu près 20 p. 100. Comment proposez-vous de compenser ces 20 p. 100?

M. Cameron: Je ne suis pas sûr de vous comprendre.

M. Werner Schmidt: Un simple calcul arithmétique permet de constater que vous voulez20 p. 100 de plus de crédits de recherche, étant donné qu'on a besoin du même montant d'argent pour faire les essais cliniques, comme c'est actuellement le cas.

M. Cameron: Je pense que le problème ici, ce sont les dépenses réelles faites à l'intérieur de l'entreprise, où les recherches sont menées sous le contrôle de l'entreprise ou par contrat, ou par transfert de fonds vers un processus qui échappe au contrôle de l'entreprise.

La recherche intra-muros, bien sûr, s'applique à toutes les recherches en commercialisation qu'on a mentionnées ici, ainsi qu'au processus de création des médicaments, aux coûts des essais cliniques au Canada, qui font partie du coût de découverte d'un médicament, que cela soit fait en vertu de ce projet de loi ou... c'est fait de toute façon.

Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous dites lorsque...

M. Werner Schmidt: À l'heure actuelle, 10 p. 100 du chiffre d'affaires est censé aller à la recherche, et vous dites que la moitié de ce montant devrait être vouée à la recherche extra-muros.

.1920

M. Cameron: Non, je pense que nous parlons de choses différentes. Il s'agit ici du financement de la R-D de l'ACIM pour la recherche extra-muros par opposition au fonds de 10 p. 100, qui est une source de financement tout à fait différente.

M. Werner Schmidt: Un instant, s'il vous plaît. La R-D de l'ACIM... Vous songez à la disposition du projet de loi C-91, n'est-ce pas? C'est bien cela?

M. Cameron: Nous recommandons que le financement de la R-D de l'ACIM soit consacré aux initiatives extra-muros, et je cite:

M. Werner Schmidt: Je comprends ça... ce qui veut dire que la R-D de l'ACIM que le projet de loi C-91 exige, c'est 10 p. 100 du chiffre d'affaires. On est d'accord.

M. Cameron: Oui.

M. Werner Schmidt: Dites-vous que 50 p. 100 de cette somme doit être consacré à la recherche extra-muros? Est-ce bien ce que cela veut dire?

M. Cameron: Je crois que oui - idéalement, 50 p. 100 de cela.

M. Werner Schmidt: En ce cas, ou bien vous voulez cela ou vous n'en voulez pas, parce que ce que ça veut dire, c'est qu'on va apporter un changement important à la façon dont les crédits sont alloués par le fonds de R-D de l'ACIM.

M. Cameron: Oui, je crois que les entreprises pharmaceutiques vont consacrer une part plus importante de leurs crédits de recherche à leurs plans d'affaires.

M. Werner Schmidt: D'accord.

M. Cameron: Une part des crédits de recherche plus importante que prévoit le projet de loi C-91 doit être réservée aux intérêts des cotisants des régimes de santé et aux consommateurs de services de santé, par opposition aux fournisseurs et aux plans d'affaires des gens qui fabriquent ces médicaments.

M. Werner Schmidt: D'accord, merci.

J'aimerais maintenant savoir quelle distinction vous faites entre la recherche scientifique et la recherche appliquée.

M. Cameron: Les distinctions que j'ai employées ici renvoient à la recherche fondamentale, à savoir la recherche en biologie moléculaire qui se fait essentiellement dans les laboratoires. La recherche appliquée est clinique, dans le champ clinique, et fait intervenir la santé des êtres humains dans ce milieu. La recherche en commercialisation, soit une autre part importante de ce dont il est question ici aujourd'hui, c'est la façon dont une entreprise choisit, par des méthodes scientifiques, de mieux positionner ses produits pour faire des ventes graduelles ou augmenter ses profits.

M. Werner Schmidt: On a dit aussi - et je ne me rappelle plus qui - que les médicaments dont on se sert pour contrer le sida viennent exclusivement des entreprises pharmaceutiques qui pratiquent l'innovation. Donc ce groupe fait ce genre de travail exploratoire, et ce travail doit se fonder sur des recherches très fondamentales, pour commencer. Donc ce sont les entreprises pharmaceutiques ou des entreprises innovatrices qui font cela. Je pense que celles-ci font partie de l'ACIM. N'est-ce pas exact?

M. Cameron: C'est parfois le cas, parfois non.

M. Werner Schmidt: Pouvez-vous nous donner des noms d'entreprises qui n'en font pas partie?

M. Cameron: Je crois savoir qu'Abbott Laboratories n'est pas à l'heure actuelle membre de l'ACIM.

M. Werner Schmidt: D'accord, merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Bodnar.

M. Morris Bodnar: Merci, monsieur le président.

J'ai quelques questions, et elles semblent se rapporter au même sujet. Je vais donc vous les lancer et vous pourrez me faire part de vos observations.

Ayant écouté Mme Binder, je crois comprendre que cette nouvelle génération de médicaments antisida a eu un effet sur la santé des sidatiques - et vous voudrez peut-être m'en parler aussi - mais il y a ceux qui ont fait valoir que ces médicaments antisida ne font pas qu'améliorer la qualité de la vie mais qu'ils font aussi économiser beaucoup d'argent aux hôpitaux parce qu'on hospitalise moins et tout le reste. J'aimerais savoir ce que vous dites de cela.

De même, j'aimerais que vous me parliez des médicaments antisida en particulier. Croyez-vous que la protection des brevets a contribué à la découverte de ces médicaments? Je songe en particulier aux 3TC.

.1925

M. Kort: Si vous me permettez, je répondrai à la première question, et je laisserai à quelqu'un d'autre le soin de répondre à la seconde.

Tout d'abord, vous devez savoir que les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques ici à Ottawa sont sur le point de produire un texte décrivant le fardeau économique du VIH et du sida et examinant des questions précisément comme celles que vous posez au sujet des avantages des thérapies, de l'avantage qu'il y a à éviter aux sidatiques la nécessité de vivre en milieu hospitalier de soins actifs, où les coûts sont beaucoup plus élevés. Je crois donc qu'on peut facilement affirmer que la thérapie permet aux sidatiques d'éviter les séjours en milieu hospitalier de soins actifs qui sont évidemment beaucoup plus cher. Les RCRPP se penchent sur cela à une plus grande échelle, et je crois savoir que leur document devrait paraître au début mai.

Mme Binder: Si vous me permettez, en réponse à votre question, je crois que vous vouliez savoir si les inhibiteurs de protéinase aident vraiment les gens à vivre mieux et plus longtemps. Nous ne le savons pas encore. Ces médicaments sont relativement nouveaux. Chose certaine, nous voyons qu'il y a des gens qui ont beaucoup de mal à consommer ces médicaments. Certains ne peuvent pas en prendre du tout; les effets secondaires sont tout simplement trop pénibles pour eux. Ces médicaments n'existent pas depuis assez longtemps pour que nous sachions de manière certaine s'ils vont sauver des vies à long terme, ou s'ils ne font que tenir en échec un peu plus longtemps des maladies graves qui finissent par tuer le patient. Nous ne le savons pas encore.

Je peux vous dire personnellement que j'ai des amis qui étaient très, très malades, et qui ont pris des inhibiteurs de protéinase et qui semblent avoir connu une guérison qui n'est rien de moins que miraculeuse. Mais est-ce que ça va durer? Je peux vous assurer que nous l'espérons tous, mais je ne crois pas que nous ayons des réponses définitives.

Vous avez demandé si ces médicaments permettaient d'éviter les soins actifs. En effet, c'est le cas d'une façon générale. Cependant, d'après les statistiques aux États-Unis, il y a un groupe qui meurt plus rapidement: il s'agit des femmes. Ainsi, si la mortalité a baissé en général aux États-Unis, elle a augmenté de 3 p. 100 dans le cas des femmes. Il reste donc beaucoup de travail à faire pour ce qui est de cibler certains groupes qui ne l'ont généralement pas été en termes de prévention et de services éducatifs. Toutefois, d'une façon générale, je dirais que les médicaments permettent de réduire le recours aux soins actifs.

L'autre question m'a échappée.

M. Morris Bodnar: Je vous ai demandé si, d'après vous, la protection conférée par les brevets a contribué à la commercialisation de certains médicaments comme le 3TC.

Mme Binder: Sans pouvoir l'affirmer dans le cas précis du 3TC, je suis convaincue que la protection conférée par brevet incite les sociétés à faire de la recherche et du développement.

M. Morris Bodnar: Merci.

Je partage mon temps avec M. Volpe.

Le président: Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre comparution. J'ai déjà rencontré certains d'entre vous. Le professionnalisme de vos interventions m'a toujours impressionné.

J'ai lu l'ensemble des recommandations. Même si certaines de vos recommandations ne m'étonnent pas particulièrement, j'aimerais formuler un certain nombre d'observations.

Tout d'abord, la recommandation qui semble la plus sensée, du moins à mon esprit, exige une très grande collaboration entre divers paliers de compétences. Je vous suis reconnaissant de l'avoir soumise à l'attention des membres du comité.

Mon autre observation a rapport à ce que disait mon collègue il y a un instant. Je devrais peut-être poser la question tout d'abord à M. Cameron, qui a semblé aborder cet aspect avec plus de ferveur que les autres. Il s'agit de l'aspect recherche.

Ainsi, même si tout le monde s'accorde pour dire que la recherche joue un rôle important dans la mise en marché de nouveaux médicaments, on ne pourrait dire qu'aucun nouveau médicament ne serait commercialisé s'il ne se faisait pas de recherche au Canada. La production est asservie au marché, comme c'est le cas à peu près partout et tout producteur s'intéressera au marché canadien dans la mesure où cela lui convient.

Cependant, de façon plus particulière, puisque vous avez déploré l'insuffisance de la recherche, je vous prie de m'aider à comprendre quelle a été l'importance de la stratégie canadienne de lutte contre le sida au cours des quatre ou cinq dernières années, des cinq années prenant fin l'an prochain.

.1930

Le gouvernement canadien a constitué un fonds de 200 millions de dollar pour combattre le VIH/sida. De ce montant, 17,5 millions de dollars ont été affectés annuellement à la recherche fondamentale, et 2 millions de dollars proviennent du CRM. Et je crois bien, d'ailleurs, que le renouvellement a été approuvé dans ces deux derniers cas. Pourtant, vous dites, monsieur Cameron, que tout le financement provient des fabricants de médicaments brevetés. Faut-il donc faire abstraction des montants dont j'ai parlé? N'ont-ils pas une certaine importance? Ne sont-ils pas appliqués à la production de médicaments comme le 3TC?

M. Cameron: À ma connaissance, aucune partie du financement dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre le sida n'a été affectée à la mise au point du 3TC. Le financement est venu entièrement du secteur privé. La participation du milieu universitaire a été entièrement financée par l'entreprise privée.

Sans vouloir vous livrer en ce moment même une critique de la stratégie nationale de lutte contre le sida, je suis en mesure de vous dire que la proportion du financement qui a été attribuée aux réseaux canadiens pour les essais VIH a servi aux infrastructures et non pas aux essais cliniques eux-mêmes. Par conséquent, pour effectuer les essais, le réseau doit trouver non seulement les appuis financiers nécessaires, mais également les médicaments qui permettront d'effectuer la recherche appliquée.

Lorsque le processus est parrainé par une société pharmaceutique, cette dernière exerce en retour un certain contrôle. Par conséquent, les études qui ont été effectuées l'ont été en fonction des intérêts du bailleur de fonds.

M. Joseph Volpe: Pour terminer, si ces crédits du gouvernement fédéral et des autres gouvernements n'existaient pas, il faudrait que vous alliez à la recherche d'autres fonds pour fournir l'infrastructure qui rend le processus réalisable.

M. Cameron: Je pense que la R-D qui conduit à la mise en marché de médicaments s'effectue en grande partie à l'extérieur du pays. Pour ce qui est du réseau pour les essais cliniques, la question est de savoir si le Canada sera ou non un intervenant dans le processus de recherche, ce qui représente des investissements considérables.

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Ménard, vous pouvez poser une très courte question si le témoin répond rapidement.

[Français]

M. Réal Ménard: Ma question va dans le même sens que celle de M. Volpe. Nous devons voir, comme membres du comité, que le problème n'est pas que le gouvernement n'a pas affecté de ressources à la recherche, mais plutôt qu'il n'en a pas affecté suffisamment.

L'aberration devant laquelle on se retrouve, c'est que le Réseau canadien d'essais cliniques voit son infrastructure financée à raison de 3,3 millions de dollars par année et ne peut pas engager de façon autonome la conduite de recherche.

Il est insensé que dans un pays ou dans un des territoires de ce pays, ce soit l'industrie pharmaceutique qui dicte les orientations de recherche. M. Cameron pourrait-il nous dire en quoi les choses seraient différentes si le Réseau d'essais cliniques avait des budgets autonomes qui lui permettraient non seulement de financer l'infrastructure, mais aussi de conduire de la recherche?

[Traduction]

M. Cameron: Si nous avions un fonds d'exploitation, soit en provenance de l'industrie en vertu du projet de loi C-91 soit autrement en provenance du gouvernement, le réseau pour les essais cliniques pourrait entreprendre des essais sur la conduite du traitement clinique. Il ne s'agit pas ici de création de nouveaux médicaments. C'est le processus qui permet de déterminer comment on peut utiliser des médicaments qui existent déjà d'une façon plus sûre et plus rentable pour améliorer la santé des gens par opposition au processus de réglementation, de commercialisation et de positionnement pharmaceutique.

Si nous avions des fonds de fonctionnement comme ceux-là, nous pourrions réaliser des études qui vont peut-être à l'encontre des intérêts, des tactiques et des stratégies de commercialisation des entreprises qui produisent de nouveaux médicaments, mais nous espérons que cela favoriserait la santé des Canadiens.

Ce sont des essais cliniques...

M. Joseph Volpe: Vous vous tournez vers moi. Je me demandais seulement si vous alliez obtenir d'autres fonds de ces compagnies après avoir dit ce que vous venez de dire. Mais j'applaudis à votre courage.

.1935

M. Cameron: Ce n'est pas une question de courage. On me demande quels sont les faits, et je réponds. Nous allons mener des essais dans le but d'optimiser les soins de santé grâce à ces fonds. C'est l'avantage-coût et l'avantage-santé. Mes collègues de l'industrie sont très heureux de l'entendre. Eux aussi sont de bons citoyens. Leur travail est dans l'industrie mais ils sont heureux de pouvoir aider l'ensemble de la population.

Le vice-président (M. Lastewka): Il n'y a rien à dire contre ceux qui travaillaient dans l'industrie.

Des voix: Oh, oh!

Le vice-président (M. Lastewka): Je tiens à vous remercier de votre résumé et à remercier les témoins. Vous voyez ce qui arrive lorsque les exposés sont plus longs que prévus. C'est à moi qu'on s'en prend. Mais l'objectif au comité a toujours été d'entendre le plus grand nombre de témoins possible. Nous en avons entendu plus de 100. J'ignore combien exactement.

Je vous remercie encore de l'effort que vous avez consacré et de la patience que vous avez manifestée.

Nous allons maintenant nous interrompre pour deux minutes.

Merci beaucoup.

.1937

.1941

Le vice-président (M. Lastewka): Nous reprenons la séance.

Je remercie les témoins d'être venus. Je m'excuse de l'heure tardive mais c'est à cause d'un vote à la Chambre et nous n'y pouvons rien. J'invite maintenant la représentante de l'Association des consommateurs du Canada, Mme Marnie McCall, directrice de la recherche sur les politiques et directrice générale suppléante. Vous disposez de dix minutes. Pour avoir entendu nos échanges de tout à l'heure, vous comprenez je crois qu'il faut limiter la durée des exposés à dix minutes. Chaque tour de question durera sept minutes et nous essayerons d'en avoir deux.

Je vous cède la parole.

Mme Jean Jones (présidente, Conseil national de la santé, Association des consommateurs du Canada): Pourrais-je vous présenter les personnes de l'association?

Le vice-président (M. Lastewka): Bien sûr. Allez-y.

Mme Jones: L'Association des consommateurs du Canada est heureuse d'être des vôtres ce soir, en dépit de l'heure tardive, et de faire son exposé au comité de l'industrie. Je m'appelle Jean Jones, présidente bénévole du Conseil national de la santé de l'ACC. J'ai avec moi Marnie McCall, directrice de la recherche sur les politiques et directrice exécutive par intérim de l'ACC; Christine Miskell, associée à la recherche, et André Ouellette, analyste en politique commerciale.

Monsieur le président, membres du comité, je sais que vous avez pris beaucoup de temps pour entendre un grand nombre de témoins qui ont fait valoir les vues les plus diverses concernant la révision du projet de loi C-91. Au nom des consommateurs canadiens, nous tenons à vous remercier. Lorsqu'un aspect aussi important de la santé publique fait l'objet d'un débat, il importe d'entendre tout le monde. Je crois que vous serez d'accord avec nous pour dire que la préservation de notre système de santé publique est une priorité pour tous les Canadiens. Nous espérons que l'exposé de Marnie McCall qui va suivre vous sera utile dans vos délibérations, et nous serons heureux de prendre part à la discussion sérieuse qui suivra son exposé.

Mme Marnie McCall (directrice, Recherche sur les politiques, et directrice exécutive par intérim, Association des consommateurs du Canada): Merci, monsieur le président, membres du comité, d'avoir accepté de nous entendre. Je sais que le choix des témoins n'a pas dû être facile, sachant qu'il a beaucoup de monde au Canada qui veulent vous faire connaître leur opinion, et je sais que vous vous êtes donnés beaucoup de mal pour entendre autant de groupes que vous le pouviez.

Vous avez reçu ou venez de recevoir le texte de notre mémoire, qui fait une quarantaine de pages, ainsi qu'une version abrégée qui comprend un sommaire. Ce que je vais vous dire ce soir s'inspire du sommaire, mais dans certains domaines, j'entrerai dans les détails. Ayant pu entendre les deux derniers groupes de témoins, je m'abstiendrai de répéter certaines chose que je comptais vous dire et qui vous ont été expliquées en détail. Pour faciliter le travail des interprètes, lorsque je ferai cela, je tâcherai de vous faire savoir où j'en suis.

Avant de commencer, j'aimerais vous parler un peu de la situation des consommateurs du Canada. Vous devriez avoir reçu un texte d'une page qui s'intitule «Quelques faits au sujet de l'Association des consommateurs». Je tiens à vous dire que nous fêtons cette année notre cinquantenaire. Nous en sommes très fiers. Nous avons certainement témoigné devant votre comité plus d'une cinquantaine de fois, et vous allez probablement nous revoir ici encore cinquante autres fois.

L'Association des consommateurs du Canada est un organisme national. Je crois qu'à l'heure actuelle, nous avons des chapitres dans 11 des 12 provinces et territoires, et nous espérons ouvrir un chapitre dans la région qui nous manque. Il s'agit d'un organisme bénévole, et nous avons beaucoup de chance de pouvoir compter sur des gens comme Jean Jones, qui préside notre comité de la santé depuis 1988. Nous comptons beaucoup sur le travail de bénévoles comme Jean, et nous sommes très heureux de la savoir avec nous ce soir.

.1945

Pour ce qui est de la législation concernant les médicaments brevetés, nous nous intéressons à cette question depuis plus de 40 ans. Nous avons toujours réclamé un système ouvert, fondé sur les forces du marché, qui soit équitable pour les producteurs, les consommateurs et les chercheurs. Même si nous avons affirmé que les modifications de 1987 et 1992 à la Loi sur les brevets nuiraient au consommateur, ces modifications ont été adoptées.

Les questions relatives aux brevets de médicaments préoccupent beaucoup le consommateur. On vous a déjà parlé ce soir de l'effet du coût des médicaments sur les Canadiens. De 1960 à 1992, les dépenses consacrées à la santé dans l'ensemble des pays de l'OCDE, exprimées en tant que part du produit brut intérieur dans ces pays ont plus que doublé, passant d'un peu moins de 4 p. 100 à plus de 8 p. 100. Même si les achats de médicaments comptent rarement pour plus de 15 p. 100 de l'ensemble des dépenses consacrées à la santé, l'industrie pharmaceutique serait devenue une cible d'intervention évidente. Réagissant aux politiques d'endiguement des coûts des gouvernements, les entreprises pharmaceutiques du monde entier ont déployé beaucoup d'innovation pour refaçonner leurs structures organisationnelles. Les consommateurs partout dans le monde sont les victimes des profits élevés que réalisent un nombre restreint d'entreprises.

Je vais résumer rapidement les éléments essentiels de notre mémoire. En premier lieu, je parlerai de la nécessité d'établir une politique pharmaceutique complète pour le Canada.

L'Association des consommateurs du Canada est d'avis qu'une stratégie pharmaceutique nationale et complète, qui conduira à une pharmacothérapie optimale et qui contribuera à la santé générale des Canadiens, est nécessaire si l'on veut ralentir l'augmentation des dépenses consacrées aux médicaments d'ordonnance. De l'avis de l'ACC, il est essentiel qu'une telle stratégie pharmaceutique comprenne un programme national d'assurance-médicaments. L'ACC croit également qu'une pharmacothérapie optimale doit reposer, comme vous l'a dit un des derniers témoins, sur l'exactitude clinique et l'efficience, et non sur l'emploi, l'investissement et la R-D.

Notre mémoire porte sur cinq aspects essentiels de la politique gouvernementale: la santé publique, la protection du consommateur, les avantages pour l'industrie, la propriété intellectuelle et les obligations internationales. J'expliquerai les éléments saillants de chacun de ces domaines.

Pour ce qui est de la santé publique au Canada, les entreprises pharmaceutiques en constituent un élément très important. L'ACC tient cette industrie en haute estime car ce sont ses recherches qui conduisent à la fabrication de médicaments qui sauvent la vie ou en améliorent la qualité. Cependant, le coût élevé des médicaments, particulièrement des nouveaux médicaments, pose de plus en plus de problèmes aux citoyens du Canada. On remplace les thérapies traditionnelles et les soins hospitaliers par des pharmacothérapies coûteuses en milieu communautaire. Ces dépenses créent des obstacles et des fardeaux pour les familles canadiennes. Les derniers témoins vous en ont dit plus long à ce sujet.

Les régimes provinciaux ainsi que les régimes privés d'avantages sociaux ont vu leurs dépenses augmenter considérablement au titre des médicaments, et ils sont nombreux à avoir réduit leur protection. En outre, un nombre croissant de chômeurs et de travailleurs temporaires ou à contrat, qui sont de plus en plus présents dans l'économie d'aujourd'hui, n'ont tout simplement pas les moyens de se permettre les primes qu'exigent les régimes d'assurance-médicaments privés. Les consommateurs ont donc évidemment intérêt à encourager une recherche innovatrice en matière de santé parce que nous avons besoin de nouvelles thérapies pour corriger des problèmes nouveaux et pour mieux régler les problèmes existants. Ce qui ne veut pas dire toutefois que les médicaments d'imitation ou les clones coûteux qui n'offrent aucune valeur thérapeutique ou très peu répondent à l'intérêt du consommateur. Si l'on investit des ressources précieuses à mauvais escient, à notre avis, dans la fabrication de clones, la recherche visant à découvrir des médicaments véritablement innovateurs en souffre et la santé et le bien-être de tous les Canadiens se trouvent compromis.

L'ACC recommande à nouveau au gouvernement fédéral d'établir un programme national d'assurance-médicaments. Nous recommandons au gouvernement fédéral d'investir directement dans la découverte de produits pharmaceutiques innovateurs, et en retour, le gouvernement fédéral toucherait des redevances sur leur vente. Le gouvernement fédéral pourrait aussi envisager - et encore là c'est une recommandation que nous avons faite lorsqu'on a débattu du projet de loi C-91 - d'exiger des redevances qui seraient versées en échange d'autres formes d'investissements dans la R-D pharmaceutique, et cela comprendrait des incitatifs comme des crédits d'impôt à la R-D. Ces redevances pourraient être versées dans un fonds pharmaceutique fédéral qui s'assurerait que tous les Canadiens ont accès aux services médicaux et pharmaceutiques nécessaires, à un coût raisonnable pour le système national de santé publique.

.1950

La protection du consommateur a essentiellement trait aux prix et au contrôle des prix. Le projet de loi C-91 élargit les pouvoirs du CEPMB, et l'ACC est d'accord pour dire que le conseil se tire bien d'affaire avec son mandat limité. Nous pensons que le mandat a été limité, et peu importe les efforts diligents que le CEPMB peut déployer pour contrôler les prix des médicaments brevetés, les entreprises vont maintenir des stratégies commerciales qui leur permettront d'introduire de nouveaux médicaments à des prix élevés, afin de remplacer les produits existants qui sont moins lucratifs, étant donné que l'on peut aisément contrôler les augmentations des prix.

Les témoins précédents ont fait état de divers problèmes relatifs au CEPMB. Je me contenterai de résumer et de passer à la page 5. L'ACC a collaboré avec le conseil, à titre officieux et officiel, depuis sa création, et il y a deux choses que nous faisons valoir depuis toujours. Les consommateurs devraient être représentés au conseil. Nous croyons de manière générale que toutes les parties prenantes devraient faire entendre leurs voix au conseil lorsqu'il prend des décisions qui les concernent, et le CEPMB n'entend pas la voix du consommateur à l'heure où nous nous parlons.

Deuxièmement, nous croyons que ce mécanisme est défectueux du fait de cette pratique qui consiste à utiliser les prix américains et des comparaisons de prix internationales pour les médicaments de catégorie deux. Il faut donc éliminer l'étalon américain. On vous l'a déjà dit.

On a déjà mentionné ce soir la difficulté de séparer les coûts de commercialisation des dépenses de R-D. Nous pensons que l'intérêt du consommateur serait mieux protégé si l'on étudiait plus à fond la marge qui existe entre les coûts de la R-D et les coûts de fabrication des entreprises pharmaceutiques, afin de voir exactement de quelles dépenses on parle, comme le mentionnaient les derniers témoins.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je tiens seulement à vous avertir que vos 10 minutes sont écoulées. Il vous faudra résumer dans la minute qui suit.

Mme McCall: Très bien.

Nous tenons également à attirer votre attention sur cet aspect essentiel que constituent les obligations internationales. On vous a déjà parlé longuement des licences obligatoires et des moyens de contrôler les coûts.

Nous croyons qu'il relève parfaitement des obligations internationales du Canada en vertu de l'ALENA et de l'accord APIC de l'Organisation mondiale du commerce, d'inscrire le principe des licences obligatoires dans la loi sur les brevets de manière générale. Nous ne croyons pas nécessaire de faire valoir la nécessité de l'exception pour les brevets pharmaceutiques. Nous croyons que les dispositions de l'ALENA et de l'accord APIC du GATT permettent la création d'un système général de licences obligatoires qui serait accessible à quiconque veut exploiter un brevet.

Certains semblent croire que si l'on peut rétablir les licences obligatoires, il faut invoquer l'une des exceptions. À notre avis, et c'est l'avis de nos conseillers juridiques, ce n'est pas nécessaire. La Loi sur les brevets pourrait permettre les licences obligatoires de manière générale. La loi dit qu'il ne saurait y avoir la moindre discrimination fondée sur la technologie, et une disposition générale autorisant les licences obligatoires serait conforme à cette exigence.

Il faudrait s'assurer que le système ne compromettra pas déraisonnablement les droits du détenteur du brevet. On définirait au cas par cas ce qui constituerait une mesure déraisonnable. Mais nous pensons que dans tout système de licences obligatoires, la compensation à verser par voie de redevances au titulaire du brevet devrait être déterminée au cas par cas.

.1955

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je dois vous interrompre. Vous avez pris deux minutes de plus.

Mme McCall: Toutes mes excuses. Nous nous reprendrons en répondant aux questions.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): J'ai la certitude que vous pourrez conclure au cours de la période des questions. Comme vous l'avez dit, nous tâchons autant que possible d'entendre tout le monde, et vous représentez un très grand nombre de consommateurs. Voilà pourquoi nous voulons avoir du temps pour poser des questions.

Nous allons maintenant passer à la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et Nancy Trépanier, intervenante en consommation, ACEF. Serez-vous la première à prendre la parole?

[Français]

Mme Nancy Trépanier (intervenante en consommation de l'ACEF Rive-Sud et porte-parole du Comité santé de la Fédération nationale des associations des consommateurs du Québec): Oui, c'est cela.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): D'accord, je vais vous demander de commencer.

[Français]

Mme Trépanier: Je vous remercie, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais commencer par mentionner que la Fédération nationale des associations des consommateurs du Québec, la FNACQ, a pour mandat de veiller à la représentation des droits et des intérêts des consommateurs et des consommatrices, plus particulièrement de ceux et celles à faibles et modestes revenus.

Notre participation aux travaux du réexamen du projet de loi C-91 tient à l'importance des questions débattues sur les brevets pharmaceutiques et surtout aux répercussions qui se font sentir chez les consommateurs à faibles et modestes revenus. C'est pourquoi la FNACQ apprécie l'invitation qui lui a été faite d'être entendue par le Comité permanent de l'industrie.

Au moment où le régime public de santé et des services sociaux est remis en question, au moins partiellement, un peu partout au Canada, à cause notamment de l'augmentation des coûts et des difficultés financières des gouvernements, alors qu'un grand nombre de consommateurs et de consommatrices au Canada et au Québec vivent des situations économiques précaires, il nous semble inopportun que le gouvernement fédéral maintienne la Loi sur les brevets telle que modifiée par les conservateurs.

Notre système de santé fait partie des valeurs fondamentales partagées par la population canadienne et québécoise. En fait, la santé est perçue non seulement comme une valeur, mais comme un besoin essentiel auquel nous devons collectivement répondre.

Au fil des années, les médicaments sont devenus l'extension même des soins de santé. Ils permettent de diminuer les coûts de chirurgie et d'hospitalisation, de réduire le nombre de consultations et d'accélérer la convalescence.

La FNACQ est d'avis que les médicaments ne sont pas des biens de consommation comme les autres. On ne choisit pas de les consommer. Ils font partie des soins, d'où leur caractère essentiel. C'est pourquoi la FNACQ recommande que le gouvernement fédéral préserve l'accessibilité et l'universalité des soins de santé, qu'il reconnaisse les médicaments comme un soin de santé et non comme un produit de consommation, et qu'il augmente les transferts octroyés aux provinces afin de tenir compte des médicaments.

Le deuxième point que nous désirons soulever concerne la période des brevets. La FNACQ reconnaît l'importance de la propriété intellectuelle et de la recherche et du développement. Toutefois, nous sommes d'avis que la Loi actuelle sur les brevets dépasse largement le stade de la reconnaissance et glisse pernicieusement vers des privilèges considérables qui n'ont pas leur raison d'être.

Les multinationales pharmaceutiques sont les seules gagnantes à ce jeu. Elles ont développé une série de pratiques monopolistiques visant à créer des entraves à une saine concurrence, qu'il s'agisse de la multiplication indue des brevets, de la prolongation volontaire de la période d'exclusivité, des modifications des caractéristiques du marché avant l'arrivée des produits génériques, de l'utilisation fréquente des injonctions interlocutoires ou de l'utilisation des restrictions aux exportations.

Nous constatons que ces façons de faire allongent impunément la période des 20 années de protection, retardent la concurrence avec les produits génériques et défavorisent les consommateurs, qui ne pourront jamais récupérer les économies perdues.

C'est pourquoi la FNACQ recommande que le gouvernement fédéral limite la période de protection des brevets à 12 années suivant la commercialisation du médicament breveté, qu'il prévoie une exclusivité commerciale de 4 ans, qu'il permette le retour aux licences obligatoires à partir de la cinquième année du brevet et qu'il assure que les montants des redevances payées au détenteur du brevet soient établis en fonction des véritables coûts de recherche et développement.

.2000

Troisièmement, la Fédération se sent très préoccupée par les pratiques des compagnies pharmaceutiques concernant la publicité et le marketing. Il semble que les montants alloués à la recherche et au développement se volatilisent en publicité-marketing du fait que les budgets ne sont pas dissociés l'un de l'autre.

En fait, l'industrie engloutirait des sommes équivalent au double des montants alloués à la recherche et au développement. La finalité des activités publicitaires et promotionnelles n'est pas de servir les intérêts des consommateurs mais bien de faire des profits. C'est en allouant des sommes importantes à la publicité-marketing que les industries influencent le type de prescription offert par les professionnels de la santé et qu'elles font augmenter la consommation de leurs produits chez les consommateurs.

Cette logique contribue à engendrer des pratiques de marketing tout à fait inacceptable, où les professionnels de la santé se font complices des fabricants de produits pharmaceutiques. Pensons par exemple aux cadeaux offerts comme des ordinateurs, aux subventions versées afin de payer de luxueuses conventions aux médecins ou encore à la fréquence des visites auprès des étudiants dans le domaine de la santé, etc.

Il s'agit là de pratiques visant à créer un lien de dépendance douteux sur le plan de l'éthique professionnelle. Les consommateurs n'ont pas les moyens de payer des médicaments plus cher qu'ils ne le devraient afin de couvrir ce type de dépenses. C'est pourquoi la FNACQ recommande que le gouvernement fédéral oblige les industries pharmaceutiques à dissocier les budgets de publicité-marketing de ceux de la recherche et du développement; qu'il oblige l'application rigoureuse des lois, règlements et code d'éthique existants, entre autres les codes du Conseil consultatif de la publicité pharmaceutique, de l'ACIM et des corporations professionnelles, et qu'il assure que leur existence soit mieux connue des consommateurs et des professionnels.

Quatrièmement, la FNACQ considère que les résultats du projet de loi C-91 concernant la recherche et le développement ne sont pas acceptables. Huit pour cent des fonds pour la recherche et le développement sont alloués à la recherche fondamentale et seulement deux nouveaux médicaments dits révolutionnaires ont été découverts en 1995. De plus, le taux d'investissement en recherche et développement s'avère largement inférieur au taux international de 18 p. 100.

Actuellement, les subventions octroyées par l'industrie pharmaceutique ne s'avèrent pas désintéressées. Le but implicite est d'engendrer des complicités lucratives entre les fabricants et les prescripteurs et d'orienter la recherche et le développement vers des médicaments payants au lieu de favoriser la meilleure gestion des soins de santé. C'est pourquoi la FNACQ recommande que le gouvernement fédéral crée un fonds national de recherche et de développement en santé tel que proposé par le Forum national sur la santé.

Ce fonds accepterait des contributions obligatoires des industries pharmaceutiques. Il veillerait de manière indépendante à assurer la gestion de la recherche et du développement en distribuant les subventions au mérite des projets proposés, tout en assurant une répartition équilibrée entre la recherche impliquée, clinique et fondamentale.

Finalement, la FNACQ considère que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, bien qu'utile, n'a pu exercer un contrôle efficace des prix des médicaments. Le rapport Castonguay soulignait d'ailleurs l'an dernier que pas moins de 55 p. 100 des médicaments brevetés lancés au Canada après 1987 coûtent plus cher que la moyenne internationale.

De plus, selon l'OCDE, le Canada compte les taux les plus élevés de tous les pays de l'OCDE en ce qui a trait aux produits pharmaceutiques. C'est pourquoi la FNACQ recommande que le gouvernement fédéral renforce le rôle du Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés afin qu'il fixe le prix des médicaments tout en assurant un contrôle périodique de l'évolution de leur prix; qu'il clarifie le rôle de contrôle des prix des médicaments du Conseil en lui accordant le pouvoir de limiter les profits des industries pharmaceutiques; et qu'il élargisse le rôle du Conseil afin qu'il soit en mesure d'intervenir sur le prix des produits génériques et des médicaments en vente libre, sur le prix de vente au détail et en gros, ainsi que sur les honoraires des pharmacies et des pharmaciens.

.2005

Nous concluons en affirmant que les consommateurs n'ont pas les moyens d'entretenir et d'élargir les privilèges monopolistiques des compagnies pharmaceutiques afin de payer des médicaments plus cher en bout de ligne.

La croissance du coût des médicaments exerce une pression à la baisse sur notre système de santé et occasionne des problèmes aux consommateurs, aux contribuables, aux régimes privés d'assurances ainsi qu'à l'État. La part des médicaments occupe précisément la troisième place en importance après les hôpitaux et les médecins dans le budget de la santé. Toutefois, c'est le seul domaine où les coûts ne sont pas contrôlés à l'heure actuelle.

Maintenir les privilèges des industries pharmaceutiques diminue l'accessibilité des médicaments et, par le fait même, des soins de santé. Le prix des médicaments ne doit pas devenir un frein au respect des cinq principes d'universalité, d'accessibilité, de transférabilité, d'administration publique et d'intégralité enchâssés dans la Loi canadienne sur la Santé.

C'est en se basant sur ces principes que le gouvernement devra évaluer les impacts du projet de loi C-91. Il appartient donc maintenant au gouvernement libéral d'effectuer un virage vers les consommateurs et les consommatrices et de respecter les positions qu'il soutenait en 1992.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Bienvenue à tous. Je vais tout d'abord poser une question à Mme Trépanier. Vous avez dit beaucoup de choses, et il m'a semblé que vous vouliez en quelque sorte le meilleur des deux mondes.

Vous êtes préoccupés par la recherche fondamentale. Vous dites qu'il en faudrait le plus possible et qu'il faudrait maintenir, et nous sommes tous d'accord, les médicaments au plus bas prix possible. Mais vous dites aussi qu'il faudrait que nos entreprises atteignent, au niveau des recherches, les standards internationaux et fassent plus d'efforts de recherche et de développement. Je pense que nous sommes d'accord à ce sujet, mais comment peut-on le faire quand une autre de vos recommandations dit qu'il faut diminuer la protection qui leur est accordée à l'heure actuelle? Si on veut qu'elles fassent la même chose qu'ailleurs en recherche et développement, il faut qu'elles aient une protection similaire. On ne peut pas leur demander de faire le même niveau d'efforts en recherche et développement d'un côté et, de l'autre, leur accorder une protection inférieure à celle qui existe ailleurs. Comment peut-on concilier ces deux choses-là?

Mme Trépanier: Parlez-vous de la protection au niveau de l'exclusivité commerciale ou de la protection des brevets dans leur ensemble?

M. Pierre Brien: Ça se rejoint puisque c'est la protection des brevets qui donne la protection effective au niveau commercial.

Mme Trépanier: Je ne crois pas que ces deux éléments soient diamétralement opposés. Je voudrais dire qu'effectivement, notre fédération souhaite avoir le meilleur des deux mondes.

Notre objectif n'est pas de défendre les intérêts d'une industrie ou d'une autre, mais plutôt de défendre les consommateurs à faibles et modestes revenus. Depuis plusieurs années, on voit le prix des médicaments augmenter sans cesse. Ce qu'on voit aussi, ce sont des coupures dans le réseau de la santé qui font que les gens se sentent dépassés par les événements.

Or, on sait que les médicaments sont le seul domaine où il n'y a pas de contrôle au niveau des prix. Cela nous importe beaucoup. Au niveau des brevets, pour répondre plus précisément à votre question, la recherche et le développement qui se font actuellement profitent de toutes sortes de politiques qui coûtent cher aux consommateurs.

Pour ce qui est de la publicité et du marketing, il ne faut pas oublier - et même le Forum national de la Santé le précisait - que les montants qui sont investis en publicité-marketing sont inclus dans les prix qui sont fixés aux consommateurs. Lorsqu'on pourra dissocier ces montants et assurer une meilleure transparence au niveau des budgets de recherche et de développement, les consommateurs seront sûrement d'accord pour participer aux frais de recherche et de développement, pour autant que soit précisément de la recherche et du développement.

D'autre part, étant donné que sur 180 médicaments qui sortent chaque année, seulement deux ou trois sont «révolutionnaires» dans le sens où ils ont des propriétés qui mènent certainement à des progrès thérapeutiques, il est tout à fait inacceptable que l'on injecte des millions, voire des milliards de dollars dans la recherche et le développement quand la grande majorité des médicaments qui sortent sur le marché ne sont que des variantes des produits existants. Les consommateurs ne sont pas prêts à accepter cela.

.2010

M. Pierre Brien: Vous avez soulevé plusieurs points. En ce qui concerne le dernier d'entre eux, est-ce que le commissaire aux brevets, avant d'accorder un brevet, ne doit pas juger si la demande qui est faite porte sur un produit qui constitue une innovation véritable? Quand un brevet est octroyé, c'est que le produit comporte une amélioration significative.

Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas nécessairement et toujours révolutionnaire. Cependant, si on en a deux dans une année... Par exemple, prenons le cas du 3TC. Une découverte comme celle-là au cours d'une année, une découverte qui a un impact mondial, ce n'est pas marginal. C'est une découverte importante. On ne peut pas s'attendre à en avoir 50 de ce type chaque année.

Mme Trépanier: Je suis heureuse que vous abordiez la question du 3TC, d'autant plus que vous êtes un député du Bloc québécois. Je me permettrai de vous souligner que le 3TC a été découvert à Montréal, que le brevet a été vendu en Angleterre et que la fabrication se fait dans les industries de Toronto. C'est loin d'être rentable pour le Québec, et je ne comprends pas comment on a pu vendre un brevet comme celui-là.

La question des brevets comporte beaucoup de ramifications. Je ne crois pas qu'aujourd'hui, la Fédération nationale ait été invitée à développer ces points-là. Toutefois, je trouve important de vous mentionner que les consommateurs trouvent aberrant qu'un médicament comme le Céfaclor, qui sert dans les cas d'otite chez les enfants, fasse l'objet de 75 brevets. On se retrouve avec un médicament qui a une durée réelle de protection de beaucoup plus que 20 ans.

M. Pierre Brien: [Inaudible - La rédactrice]

Mme Trépanier: Premièrement, les sociétés pharmaceutiques procèdent de diverses façons. La première, c'est la multiplication des brevets pharmaceutiques, comme dans le cas du Céfaclor, par exemple. On utilise des brevets différents selon le procédé, la teneur des éléments, la teneur en agents liants, etc.

M. Pierre Brien: Lorsqu'un premier brevet sur un procédé a, par exemple, vient à échéance, il peut alors être copié intégralement. Si un deuxième brevet protège le même produit, la société générique n'aura qu'à produire le médicament en employant le procédé a et à le mettre sur le marché. Donc, l'appareil...

Mme Trépanier: Excusez-moi. Actuellement, le produit générique ne peut pas être mis sur le marché; on doit attendre que le brevet soit expiré.

M. Pierre Brien: Sur le procédé a, d'accord, mais pas sur le procédé b. On ne peut pas étirer son brevet pendant 35 ans sur un même produit. Dès que le premier brevet vient à échéance, la vingtième année, le secteur générique peut mettre sur le marché le même produit fabriqué selon le même procédé.

Mme Trépanier: Oui, je suis tout à fait d'accord.

M. Pierre Brien: Donc, même s'il n'y a pas eu d'amélioration sensible sur le produit couvert par d'autres brevets, la compagnie générique peut, sans aucun problème, mettre sur le marché le même produit fabriqué de façon différente.

Si le premier fabricant a changé la dose, qu'on administre dorénavant aux quatre heures ou aux huit heures au lieu d'une fois par jour, c'est une autre chose. Si le produit est le même, il pourra être disponible à meilleur marché après 20 ans parce que le secteur du générique pourra alors le produire.

Ce prolongement perpétuel des brevets dont on parle me semble être entouré d'un halo mythique.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Brien. Au suivant maintenant.

[Français]

M. Pierre Brien: J'aimerais avoir une réponse à ma question auparavant.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Si vous voulez répondre brièvement à cette question, allez-y.

[Français]

Mme Trépanier: Effectivement, on n'ajoute pas continuellement des périodes de 20 ans supplémentaires. Cependant, il y a quand même une prolongation qui s'effectue.

Il y a deux choses importantes que j'aimerais souligner. La première, c'est qu'il faut voir que20 ans équivalent à la vie d'une génération complète de personnes, de citoyens, de consommateurs. On met cette génération en attente pendant 20 ans, avant que la concurrence fasse baisser les prix.

Le deuxième point que j'aimerais vous mentionner... J'ai perdu le fil de mon idée; j'aurais dû l'écrire. Cela me reviendra probablement plus tard.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.

Je tiens à féliciter les deux groupes pour la profondeur et l'organisation de leurs exposés ce soir. Je pense qu'ils ont été très bons.

.2015

Mes questions vont porter sur quelques domaines en particulier. Tout d'abord, à titre d'observation générale, je constate que vous vous intéressez tous deux au contrôle des coûts de santé en général, et que vous avez reconnu que la pharmacothérapie constitue un élément important de ce contrôle. Le coût de ce volet pour les particuliers a beaucoup augmenté. La pharmacothérapie n'était auparavant qu'un élément minime du système. C'est maintenant beaucoup plus important. Les diminutions qu'on a constatées dans d'autres domaines n'ont pas été compensées par l'augmentation qu'il y a eu à ce niveau. Quoique l'on note quelques cas de ce genre.

Madame Trépanier, je pense que vous avez mentionné le remplacement de certaines interventions chirurgicales par la pharmacothérapie. Cela représente une différence de coûts et cela peut être avantageux pour le patient ainsi que pour le système de santé publique de manière générale. Mais comme nous évoluons vers une pharmacothérapie de plus en plus intense pour diverses maladies, est-ce que cela vous touche, vous les consommateurs, et pensez-vous que nous devons privilégier la pharmacothérapie, par rapport à d'autres thérapies?

Mme McCall: Vous posez deux questions. À l'heure actuelle, la plupart des pharmacothérapies dispensées hors de l'hôpital ne s'inscrivent pas dans l'assurance-santé au sens où nous l'entendons généralement. Ailleurs, nous avons exigé à maintes reprises que les principes de la Loi canadienne sur la santé soient élargis pour assurer le maintien des soins. Le système d'assurance-santé devrait prévoir tous les soins requis pour restaurer et maintenir la santé, et cela comprend les médicaments à notre avis.

Il est important et plus rentable que les gens n'aient pas à aller à l'hôpital pour être soignés. C'est une évolution dans le bon sens. Mais il faut aussi reconnaître que cette évolution fait porter le coût des soins de santé sur les particuliers. Bon nombre de personnes que nous avons entendues plus tôt...

M. Werner Schmidt: Ce n'était pas vraiment pas question. Ma question est celle-ci. Peu importe l'évolution des choses, est-ce que le volet des services de santé, pris de manière générale aujourd'hui, peu importe qui paye, doit englober les médicaments ou doit-on restreindre ce volet? Nous avons été témoins dernièrement d'un essor considérable de la pharmacothérapie.

Mme McCall: Il y a deux éléments ici. De manière générale, oui, c'est une évolution positive, il vaut mieux procéder par pharmacothérapie que par intervention chirurgicale ou quoi que ce soit d'autre. C'est avantageux.

On a mentionné plus tôt l'une des difficultés que cela pose. Nous ne faisons pas toujours un bon usage des médicaments. On en consomme trop parfois. Où l'on prend des doses qui sont trop fortes.

M. Werner Schmidt: Il en coûte moins cher de procéder ainsi. Le fait est qu'il y a un cas où...

Mme McCall: Bien sûr, mais cela fait augmenter le coût général des soins de santé si nous ne faisons pas bien les choses.

M. Werner Schmidt: Bien sûr. Vous avez absolument raison.

Mme McCall: Nous avons tous intérêt à bien faire les choses. C'est l'essentiel.

M. Werner Schmidt: Vous avez parfaitement raison. Mais je suis au courant - et vous aussi - d'un tas d'abus d'autres éléments du système de santé publique.

Mme McCall: Bien sûr.

M. Werner Schmidt: J'aimerais maintenant passer à une autre question, le CEPMB. J'ai bien aimé ce que vous avez dit à ce sujet - je pense que c'est exact - , à savoir que vous voulez voir le CEPMB limiter le profit des entreprises pharmaceutiques, dont les fabricants de médicaments génériques, et cela inclurait le contrôle des frais d'ordonnance et des prix de gros. Tout cela devrait être fait par le CEPMB. Vous ai-je bien compris?

[Français]

Mme Trépanier: Actuellement, de la façon dont le prix des médicaments est établi, 33 p. 100 du prix du médicament revient au pharmacien. C'est quand même un pourcentage important du prix d'un médicament.

On dit qu'il faut un meilleur contrôle des coûts et que l'outil pour faire un meilleur contrôle des coûts des médicaments, c'est le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Si nos recommandations étaient appliquées, ce conseil ne serait plus le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, mais des médicaments tout court.

La problématique entourant les honoraires des pharmaciens et des pharmacies devra également être encadrée. Nous croyons que 33 p. 100, c'est quand même une part importante du prix de chacun des médicaments qui sont sur le marché.

[Traduction]

M. Werner Schmidt: Qu'on l'appelle le CEPMB ou quoi que ce soit d'autre, vous voulez qu'un organisme quelconque contrôle la rentabilité des entreprises pharmaceutiques, les frais d'ordonnance, le prix de gros des médicaments, et l'établissement initial du prix d'un nouveau médicament qui apparaît sur le marché.

.2020

À l'heure actuelle, bien sûr, le CEPMB n'a que le droit de contrôler l'établissement du prix initial. Il ne fait rien d'autre. Vous voulez donc élargir considérablement le mandat du CEPMB.

[Français]

Mme Trépanier: Exactement. Nous croyons que, dans la situation actuelle, on ne peut pas exercer certaines actions de façon aléatoire et non planifiée dans un ensemble. Alors, les décisions sur le prix des médicaments doivent se prendre dans le cadre d'une politique d'ensemble. Si on veut exercer un meilleur contrôle des prix, cela doit se faire à tous les niveaux possibles. C'est ce que nous suggérons.

[Traduction]

M. Werner Schmidt: D'accord. Si tel est le cas, comment devrait-on déterminer le prix initial? Lorsqu'un nouveau médicament apparaît sur le marché, comment devrait-on en fixer le prix?

[Français]

Mme Trépanier: Actuellement, le prix des médicaments est fixé en fonction du prix de vente des médicaments de la même catégorie, des prix à l'étranger et des variations de l'indice des prix à la consommation. Il peut arriver que le Conseil d'examen utilise, par exemple, les coûts de réalisation et de mise en marché lorsqu'il le juge nécessaire, mais il ne le fait pas de façon systématique.

Ce que nous avons de la difficulté à comprendre, c'est comment il se fait que le Conseil d'examen ne tienne pas compte des profits dans son étude. En fait, si les profits diminuent, les prix des médicaments vont diminuer et vont être beaucoup plus en rapport avec la valeur réelle du médicament.

Il faut donc qu'il y ait une intervention sur ce plan. Actuellement, il se fait des profits énormes. Sur le dos de qui? Sur celui des consommateurs et de l'État.

Si nous voulons avoir un meilleur contrôle des prix...

[Traduction]

M. Werner Schmidt: Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. C'est le premier prix que je veux. Je sais tout le reste. Nous savons ce que c'est. Comment devrions-nous procéder à votre avis?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): La question était de savoir comment on devrait procéder à votre avis. Comment le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés devrait-il établir les prix? Pensez-y, et nous reviendrons à vous plus tard.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark - Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Madame McCall, vous nous avez dit que vous avez comparu à plusieurs reprises devant des comités parlementaires, y compris celui qui étudiait les projets de loi précédents sur les médicaments brevetés. Beaucoup de gens avaient prédit que l'adoption du projet de loi C-91 aurait des conséquences graves. Certains de ces critiques semblent s'inquiéter moins qu'il y a quelques années.

J'aimerais savoir si vous estimez que vos prévisions se sont réalisées. Dans votre exposé, vous préconisez un système de marché ouvert qui serait juste et équitable à l'égard des producteurs, des consommateurs et des chercheurs.

Dois-je conclure que vous pensez que le système actuel a été juste à l'égard des producteurs et des chercheurs mais non pas des consommateurs? Serait-ce juste de dire cela?

Mme McCall: Je pense qu'il serait juste de dire cela. Comme on l'a signalé, nous nous étions opposés à l'abrogation de la concession de licence obligatoire. Nous pensons que la concession de licence obligatoire permet d'établir un certain équilibre.

Nous avons accepté la position des fabricants de médicaments brevetés qui soutenaient qu'une redevance fixe de 4 p. 100 ne leur donnait pas souvent un taux de compensation suffisant. Nous proposons maintenant, comme nous l'avons fait à l'époque, la création d'un système plus souple pour établir le taux de compensation que devrait recevoir le titulaire d'un brevet. Nous pensons qu'une telle démarche répondrait d'une façon plus équilibrée à la nécessité d'encourager l'innovation, qui de toute évidence est essentielle tant au développement industriel qu'à la croissance économique. Ces activités sont nécessaires au Canada, mais non pas au prix de détruire notre système de santé.

.2025

Un des avantages concurrentiels du Canada par rapport aux États-Unis est notre régime d'assurance-maladie. Nos coûts par travailleur sont nettement moindres qu'aux États-Unis. Il est donc très important pour la société canadienne, surtout pour assurer notre croissance économique, de maintenir un système de santé viable qui inclurait l'utilisation de produits pharmaceutiques.

Il faut essayer d'équilibrer ces différents facteurs. Nous croyons que la concession de licence obligatoire est un moyen raisonnable d'y arriver, à condition de respecter certains critères. Le système était déséquilibré dans un sens auparavant. Nous pensons qu'avec l'abrogation totale des licences obligatoires, on est allé trop loin dans l'autre sens.

M. Ian Murray: Un certain nombre de compagnies biopharmaceutiques qui ont comparu devant nous ont soutenu qu'elles ont survécu seulement grâce aux changements apportés par le projet de loi C-91. Auparavant elles ne pouvaient pas attirer les investissements dont elles ont besoin. Depuis l'adoption du projet de loi C-91, le nombre de ces compagnies a augmenté de façon exponentielle de 12 à plus de 200.

Quelles sont vos observations à ce sujet? Vous parlez de l'importance de ce genre de croissance économique au Canada, mais...

Mme McCall: Une telle affirmation pourrait bien être vraie étant donné l'autre option, c'est-à-dire l'octroi de licence obligatoire et un taux de redevance fixe de 4 p. 100 qui, dans bien des cas, était nettement insuffisant même pour recouvrer les coûts de recherche et de développement. Étant donné les deux options, l'affirmation est donc exacte.

Nous pensons qu'il y avait une troisième option, soit de tenir compte des coûts réels de recherche et de développement et d'établir le taux en conséquence. Dans certains cas, cela aurait pu signifier que le taux des redevances aurait été si élevé qu'un concurrent générique n'aurait pas voulu demander une licence, par exemple, ou que deux ans plus tard le taux des redevances aurait diminué un peu car les sociétés auraient eu plus de temps pour recouvrer l'investissement, et les compagnies de médicaments génériques seraient maintenant en mesure de s'adapter au taux établi.

Je conviendrai donc que le projet de loi C-91 a probablement stimulé l'investissement. Comme on vous l'a probablement répété à satiété, les compagnies de médicaments brevetés n'ont pas encore réalisé tous les investissements promis. Peut-être qu'elles auront tenu leurs engagements d'ici à la fin de l'année, mais pour l'instant, elles accusent un certain retard. Le fait que la recherche fondamentale ne représente que 8 p. 100 de leurs investissements, comparativement à 18 p. 100, qui est le pourcentage international, est évidemment quelque chose qui nous inquiète.

M. Ian Murray: Un des problèmes que présentent ces chiffres contradictoires est de savoir si les compagnies ont effectivement respecté leurs obligations.

Mme McCall: Mais on y inclut aussi les coûts de commercialisation. Il y a un montant global au chapitre de la recherche, mais vous ne savez pas exactement la proportion affectée à la vraie recherche, à la mise au point et aux essais des médicaments, et combien est consacrée à la commercialisation.

M. Ian Murray: Mme Trépanier a fait la même observation. Si vous faites de la recherche et du développement au Canada, vous pouvez demander des crédits d'impôt pour l'investissement. Revenu Canada doit vérifier la demande selon des critères très sévères pour déterminer ce qui constitue exactement la R-D scientifique. Je comprends mal comment on peut inclure les coûts de commercialisation et de publicité dans ceux de la recherche et du développement. Je peux vous assurer que les vérificateurs de Revenu Canada n'accepteront jamais cela.

Mme McCall: C'est peut-être exact, mais il n'est pas certain que ces renseignements soient présentés au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Si c'est le cas, ce n'est sûrement pas évident aux gens qui regardent de l'extérieur. Peut-être pourrait-on régler facilement ce problème. Je n'en suis pas sûre.

M. Ian Murray: Est-ce qu'il me reste quelques minutes, monsieur le président?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): En fait, vous avez épuisé votre temps. Je vous permettrai de poser une courte question.

M. Ian Murray: J'essayerai d'être bref.

Notre première préoccupation est le système de santé et nous voulons encourager la recherche sur la mise au point de nouveaux médicaments, mais en écoutant ce que vous proposez, j'ai l'impression qu'on créerait au Canada une structure bureaucratique destinée à obliger les compagnies concernées à verser des redevances dans un fonds de recherche.

Ne serait-il pas plus logique que les travaux de recherche se fassent par un grand nombre de compagnies différentes dans toutes les régions du monde, de manière à partager les coûts, les risques et les récompenses? Un pays comme le Canada ne peut jamais espérer faire toutes ces recherches tout seul.

Mme McCall: Non, et plus il y a de travaux de recherches, mieux c'est. Nous croyons fermement en ce principe. Cependant, nous ne croyons pas que dans le domaine médical il faille se limiter à la recherche pharmaceutique.

.2030

Nous partageons l'avis des témoins précédents qui soutenaient qu'il faut faire plus de recherches sur les autres facteurs qui influencent la santé générale de la population. Nous sommes loin de faire assez de recherches sur les facteurs sociaux et économiques qui touchent la santé. Comme on vous l'a expliqué, nous n'essayons pas de connaître la façon la plus efficace d'utiliser les médicaments disponibles.

Cette situation s'explique peut-être par le fait que les connaissances médicales ont tellement évolué au cours des 15 ou 20 dernières années. Nous pouvons maintenant appliquer beaucoup plus effacement les découvertes faites en microbiologie sur le fonctionnement du système humain, et nous pouvons mieux utiliser les nouvelles entités chimiques découvertes. Tout le domaine de la médecine s'est complètement transformé. Nous devons prendre le temps de réfléchir à toutes ces questions et nous fixer de nouvelles priorités en matière de recherche.

Le problème essentiel est que les plans établis ne correspondent plus à la réalité actuelle. Si on recommençait aujourd'hui, sur quels domaines devrions-nous nous concentrer? Quels sont les facteurs qui ont la plus grande incidence sur la santé? Quels sont les domaines où on peut mieux utiliser les fonds de recherche disponibles?

Nous aimerions voir un examen plus large de cette question. Nous avons présenté ce point de vue à M. Dingwall, au Comité sur la santé, au Forum national et devant d'autres instances.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.

Je vous demanderais maintenant de poser des questions très courtes. Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien: Madame Trépanier, j'essaie de faire la synthèse de votre mémoire. Finalement, le système idéal, selon vous, ne serait-il pas que le domaine pharmaceutique échappe au secteur privé et que ce soit l'État qui s'en occupe entièrement?

Mme Trépanier: Nous n'avons jamais adopté une position aussi extrême. Nous désirons favoriser une saine concurrence. On n'a pas dit que la recherche et le développement devaient être étatisés.

Ce que nous disons, et je reviens à votre question de tout à l'heure, c'est que les quatre années d'exclusivité commerciale pendant lesquelles des redevance sont payées aux détenteurs des brevets permettent aux chercheurs de recouvrer les fonds qu'ils ont investis dans la recherche et le développement. Ce n'est donc pas une nuisance à la recherche et au développement, loin de là.

Maintenant, de là à savoir si 4 p. 100, ce qui était prévu par exemple dans le Rapport Eastman, est suffisant... Nous n'avons pas l'expertise économique nécessaire pour nous prononcer là-dessus. Nous n'avons pas fait d'étude plus poussée dans le domaine. Nous vous laisserons le soin de déterminer cela. Nous pensons que la recherche et le développement doivent être favorisés, d'une part, et que la recherche fondamentale doit être augmentée, d'autre part. Actuellement, elle est beaucoup trop faible.

Cela nous amène à dire que les crédits d'impôt alloués à la recherche devraient être octroyés seulement à la recherche fondamentale pour donner un élan à ce type de recherche et pour que le Canada se distingue par son avance dans le domaine des médicaments.

M. Pierre Brien: Très bien. Je vous reviendrai plus tard.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Schmidt. Une question très courte, s'il vous plaît.

M. Werner Schmidt: Merci. À propos, vous étiez très patient avec moi. Je ne me rendais pas compte d'avoir pris tant de temps.

J'ai une question très simple, que j'aimerais poser de façon différente. Dans le cas de tout nouveau médicament mis sur le marché, est-ce que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés devrait avoir le pouvoir de vérifier les détails des coûts que la compagnie concernée réclame pour la mise au point du médicament?

[Français]

Mme Trépanier: Si je comprends bien, nous revenons à la question de tout à l'heure.

Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés doit avoir des pouvoirs accrus et je crois qu'actuellement, il a en main les données pour fixer les prix. Il fait toute la recherche en ce qui a trait aux comparaisons sur le plan international.

Cependant, de la façon dont il fonctionne, il réglemente les prix plutôt que de les fixer en tant que tels. Il a des pouvoirs quasi judiciaires mais il ne les utilise pratiquement pas.

.2035

Le rapport annuel de l'ACIM mentionnait que le Conseil mise davantage sur la conformité volontaire pour remplir son mandat.

Nous sommes en accord, si tout va bien. Mais quand tous les prix sont trop élevés, comment se fait-il que le Conseil, qui a des dents, ne les utilise pas? C'est ce que nous remettons en question. C'est là que nous disons que le Conseil n'a peut-être pas des pouvoirs suffisants pour intervenir. Au lieu d'établir les prix par réglementation, il devrait peut-être simplement les fixer.

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Schmidt, je pense qu'on a déjà répondu à cette question deux ou trois fois.

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

Est-ce que quelqu'un de ce côté veut poser une brève question? Madame Brown.

Mme Bonnie Brown (Oakville - Milton, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais parler de l'inclusion des coûts de la publicité et de la commercialisation dans le budget de recherche et de développement. Madame Trépanier en parlait dans son mémoire.

Mon collègue, M. Murray, a déjà demandé comment cela peut se faire puisque Revenu Canada analyse toutes les demandes de crédits en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu: pour être admissible à de tels crédits, il faut respecter certains critères.

Vous semblez laisser entendre qu'on réclame un crédit d'impôt pour la R-D dans le cas de certaines activités qui relèvent plutôt de la commercialisation. Je vous demanderai de nous expliquer la situation, car vous voulez que les deux activités soient clairement séparées dans le budget. Vous voulez que les coûts de commercialisation et de publicité soient séparés de ceux de la R-D dans le budget. Est-ce exact? Pourriez-vous nous expliquer comment on mêle ces deux activités?

[Français]

Mme Trépanier: Comme vous le verrez dans le mémoire que nous vous avons présenté, il nous est apparu inacceptable que, par exemple, la compagnie Bristol-Myers offre un ordinateur en prime aux médecins qui prescrivent 10 fois le médicament Capoten, un hypertenseur et un antiangineux employé pour les problèmes cardiaques.

[Traduction]

Mme Bonnie Brown: Les noms des médicaments ne sont pas importants. Est-ce que vous soutenez que les coûts de recherche et de développement indiqués représentent le recrutement des gens que les médecins et groupes de médecins utilisent dans leurs essais cliniques, et que ces activités devraient relever plutôt de la commercialisation et de la publicité? Est-ce ce que vous dites? Peut-être que Mme Jones aimerait répondre.

Mme Jones: Ce qu'elle soutient est qu'on pourrait imputer ces coûts aux essais cliniques. Cela fait partie du coût de ces essais. Ce n'est pas vraiment un coût réel indispensable, mais une façon de mettre le produit sur le marché.

C'est aussi un moyen de faire participer les médecins. Il y a diverses études qui indiquent que les médecins qui participent à ces essais ont une forte tendance à prescrire le médicament par la suite.

Mme McCall: On inclut aussi ou on pourrait inclure le coût de l'ordinateur dans le coût général de l'infrastructure de recherche.

Mme Bonnie Brown: Non seulement les ordinateurs, monsieur le président, mais aussi les paiements faits aux médecins pour avoir réalisé les essais.

J'aimerais remercier Mme Jones et Marnie McCall de la qualité de leurs exposés. Vous avez démontré clairement qu'il n'y aucun lien entre la protection des brevets et l'investissement étranger.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, madame Brown.

J'aimerais remercier aussi les deux groupes. Au nom du comité, permettez-moi de souligner à votre association la qualité remarquable des exposés que vous avez préparés. Le résumé et les informations détaillées nous aideront beaucoup dans nos délibérations. J'aimerais vous remercier à nouveau de votre exposé et de vos réponses à nos questions. Vous représentez un groupe important de citoyens, et nous voulions vous donner l'occasion de faire entendre votre voix.

Je ne sais si vous avez d'autres observations, surtout sur le dernier point, où il semblait y avoir une certaine confusion tant dans les questions que dans le message que vous vouliez transmettre. Si vous voulez, n'hésitez pas à faire parvenir au greffier un résumé d'une ou deux pages. Merci beaucoup.

Nous prendrons une pause de deux minutes pour permettre aux témoins suivants de prendre place. Merci. Nous reprendrons dans deux minutes.

.2039

.2044

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Mesdames et messieurs, nous reprenons, conformément à l'article 108(2) du Règlement, l'examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, Chapitre 2, Lois du Canada 1993.

Tout d'abord, j'aimerais remercier les témoins de leur patience.

Comme vous l'avez vu, nous avons demandé aux témoins précédents de limiter leurs exposés à cinq minutes, pour nous donner plus de temps de discuter ensemble.

J'attends que M. Brien se joigne à nous.

.2045

Nous commençons les exposés avec Dennis Morrice, président et directeur général de la Société d'arthrite. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Dennis Morrice (président et directeur général, Société d'arthrite): Merci, monsieur le président.

Étant donné l'heure tardive et les yeux qui commencent à avoir l'air fatigué autour de cette table, je ne lirai pas notre mémoire. J'ai fourni des copies du mémoire à tous les membres du comité. Si cela vous convient, je vais simplement relever quelques points saillants.

Il y a quatre millions de personnes au Canada qui souffrent d'arthrite. Deux millions d'entre elles prennent des médicaments tous les jours pour soulager la douleur et l'inflammation. Il y a 600 000 personnes qui ont une invalidité à long terme. L'arthrite est la cause la plus fréquente d'invalidité à long terme au Canada aujourd'hui. Cinquante pour cent de ces personnes gagnent moins de 20 000 $ par an.

Comme vous le savez très bien, les 9,8 millions de baby-boomers vont atteindre leur cinquantième anniversaire cette année, justement l'âge auquel l'arthrite se manifeste. C'est l'âge où on doit commencer à prendre des médicaments. En fait, l'arthrite est en quelque sorte le géant endormi des coûts de soins de santé.

Il n'existe actuellement aucun remède pour guérir l'arthrite. Il n'y a pas de prévention possible. On ne peut dire, arrêtons de fumer, commençons à faire du jogging, changeons nos habitudes alimentaires et ainsi de suite. Ces choses-là ne préviennent pas l'arthrite. Il n'y a aucun médicament actuellement qui modifie le cours de l'ostéoarthrite, par exemple, une des formes d'arthrite les plus communes. Il existe plus de 100 formes d'arthrite.

En outre, les médicaments contre l'arthrite présentent des effets secondaires très sérieux. Les Canadiens et les Canadiennes souffrant d'arthrite ont désespérément besoin de médicaments plus sécuritaires et plus efficaces. Nous estimons que les compagnies titulaires de brevets sont les seules capables d'en produire. Nous croyons que les compagnies de biotechnologie sont probablement celles qui vont finir par trouver de nouveaux médicaments. Or, nous croyons que les compagnies de biotechnologie devraient recevoir une certaine protection de leurs brevets.

Nous estimons que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés devrait également s'occuper de compagnies de produits génériques et de médicaments génériques.

Nous estimons que les compagnies titulaires de brevets devraient investir dans la recherche fondamentale dans ce pays. C'est ce que nous avons entendu à plusieurs reprises aujourd'hui.

Nous croyons aussi que ces compagnies devraient investir dans l'éducation des patients. Si nous croyons sincèrement que les médicaments ne sont qu'une partie du système de soins de santé et des coûts en résultant, nous devrions investir beaucoup plus dans l'éducation des patients.

Je peux vous donner deux exemples très brefs de domaines dans lesquels les compagnies de l'ACIM ont investi, certainement chez nous. Dans un cas, il s'agissait de notre site Web. Cela signifie que les Canadiens et les Canadiennes de tout le pays obtiennent de l'information, information que nous ne pourrions jamais leur fournir seuls. Notre site Web contient plus de 3 500 pages. Nous n'aurions pas pu accomplir cela sans l'investissement d'une compagnie dans ce genre d'éducation. Cela signifie véritablement que la population de l'Île-du-Prince-Édouard a accès exactement à la même information que celle de l'Ontario, de la Colombie-Britannique ou des autres plus grandes provinces.

Monsieur le président, en guise de conclusion, je dirais que nous croyons que les gens souffrant d'arthrite ont besoin de recherche innovatrice. Les compagnies titulaires de brevets sont les seules disposées à prendre les risques nécessaires. Ces sociétés méritent une protection de leur propriété intellectuelle.

La réglementation devrait assurer que la recherche scientifique fondamentale se fera, probablement en collaboration avec le Conseil de recherches médicales du Canada. Cette réglementation devrait également reconnaître l'investissement dans les programmes d'éducation des patients. En outre, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés devrait être plus musclé et devrait s'occuper des médicaments génériques et des compagnies de produits génériques.

Je vais m'arrêter là, monsieur le président, et j'espère pouvoir répondre aux questions techniques pendant la période de questions.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup, et je vous remercie pour votre compréhension.

Nous allons maintenant entendre un témoignage à titre personnel, celui de Linda Kemp, qui est infirmière diplômée. Est-ce exact?

Mme Linda Kemp (témoignage à titre personnel): Oui.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Veuillez commencer.

Mme Kemp: Monsieur le président, distingués membres du comité, j'aimerais attirer votre attention sur les préoccupations suivantes dans le cadre de cet examen. Mon objectif est de vous fournir une illustration d'une lacune importante dans notre système de soins de santé qui résulte directement de la tendance à la hausse des prix des médicaments. C'est une situation qui démontre clairement le besoin de contrôler le prix des médicaments afin d'assurer l'accès à ces médicaments.

.2050

Après avoir joui toute ma vie d'une excellente santé, j'ai récemment dû subir des interventions chirurgicales importantes. En outre, nous avons trois jeunes enfants souffrant d'asthme et d'allergies. Notre demande d'assurance privée a été refusée au chapitre du service d'hospitalisation en chambre privée ou semi-privée ainsi qu'au chapitre de l'assurance-médicaments pour moi, et pour tous les médicaments contre les allergies et l'asthme pour nos enfants. J'ai été refusée à cause de mes antécédents chirurgicaux récents, et nos enfants à cause d'une affection préexistante.

Les médicaments nécessitant une police d'assurance incluaient des anticoagulants suite à une embolie pulmonaire, des antibiotiques, des médicaments contre les ulcères, des analgésiques, tous les médicaments contre l'asthme pour moi-même et mes trois enfants, et le produit Episens pour un de mes enfants pour traiter l'anaphylaxie. Le coût de tous ces médicaments représente environ 900 $ par mois.

Il est important de noter que l'un des médicaments essentiels est celui contre les ulcères qui remplace la chirurgie et l'hospitalisation qui seraient couvertes par l'assurance-maladie.

La deuxième affection qui exigerait des hospitalisations et des services d'urgence fréquents est l'asthme. L'utilisation de médicaments préventifs comme le Ventolin, et en particulier le Ventolin administré par compresseur dans des situations aiguës, a réduit le nombre d'hospitalisations mais dans cette situation-ci, ces médicaments ne sont pas couverts dans l'assurance.

Les questions sur lesquelles on doit se pencher dans le cadre de ce projet de loi sont: l'universalité et l'accès à l'assurance-maladie; la restructuration du système de soins de santé; les nouvelles approches à la gestion médicale; l'augmentation des prix des médicaments qui alourdissent le fardeau des consommateurs, l'assurance-santé privée et les programmes gouvernementaux pour assumer ce fardeau, en plus de menacer notre capacité de préserver tous les autres services de soins de santé; la sélection et l'exclusion de certaines personnes dans l'assurance privée à cause de l'escalade des coûts et les lacunes de plus en plus importantes dans notre système à cause de tous ces facteurs.

Au cours des deux dernières semaines, il est devenu de plus en plus clair que la structure et les politiques actuelles sont inadéquates pour ce qui est des prix des médicaments. On a noté qu'au fur et à mesure que le prix des médicaments continue d'augmenter, non seulement il devient difficile, voire même impossible, d'obtenir de l'assurance-santé privée, mais tous les régimes d'assurance, que ce soit l'assurance collective ou individuelle, le régime de la fonction publique fédérale ou les régimes d'assurance-médicaments des provinces sont maintenant en train de réduire les prestations. On augmente les primes, les franchises et les copaiements, on retarde l'addition de nouveaux médicaments à la liste, et d'autres médicaments sont radiés de la liste.

Tous les régimes d'assurance-santé individuels font l'objet de souscription médicale, mais ce n'est pas le cas des régimes collectifs, puisque la participation est normalement obligatoire pour les employés. Puisqu'il n'est pas obligatoire d'avoir de l'assurance-santé privée, les entreprises à but lucratif sont permises. Par conséquent, la Loi sur les assurances ne réglemente pas l'assurance-santé de la même façon que l'assurance-automobile.

On ne peut pas simplement jeter le blâme du coût des médicaments sur les ordonnances inappropriées, le prix des médicaments non brevetés, la majoration des prix, les frais d'exécution d'ordonnances et le vieillissement de la population. Ce sont là des facteurs, mais ce n'est pas la question centrale.

Il est possible de contrôler le prix des médicaments. On ne peut pas réglementer l'âge et la maladie. Il existe un vrai danger de dirigisme dans les soins de santé et les ordonnances que proposent les médecins. Ceux-ci doivent pouvoir prendre en considération toutes les variantes lorsqu'ils prodiguent des soins médicaux.

J'ai ici des recommandations. Je suis encouragée par l'appui qui nous est fourni par le ministre de la Santé fédéral pour la recommandation du Forum nationale sur la santé concernant un régime d'assurance-médicaments universel, de même que par l'annonce du ministre des Finances du financement d'un projet pilote d'assurance-médicaments. J'applaudis également à la déclaration faite par M. David Walker, président du comité, concernant les options de réglementation. On ne peut pas examiner ce projet de loi de façon isolée puisqu'il a un effet direct sur la qualité des soins que nous recevons tous.

Pour ce qui est de la réévaluation du rôle de l'assurance-santé privée dans notre système financé publiquement, et sa capacité de respecter les cinq principes de l'assurance-maladie dans ce contexte: tout rôle que jouera l'assurance privée doit être étroitement réglementé afin de s'assurer que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes peuvent compter sur des soins de santé, qui, en principe, sont notre droit.

Je vous encourage fortement à réfléchir et à faire suite aux excellentes recommandations présentées ces dernières semaines. Le plan en cinq points de la Coalition canadienne de la santé; les recommandations du Forum national sur la santé; l'examen de la politique et des rôles du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés dans la réglementation du prix des médicaments; la modification de la politique qui refuse aux fabricants de produits génériques le droit d'exporter; l'abrogation des règles concernant l'avis de conformité; et les avertissements émis par l'Association médicale de la Colombie-Britannique concernant l'établissement du prix en fonction d'un point de référence et les compromis possibles aux soins auxquels sont exposés les patients

.2055

Les soins de santé sont en voie de transformation. Une assurance complète, l'universalité et l'accès aux soins médicalement nécessaires, y compris les médicaments d'ordonnance, sont essentiels.

J'espère que les circonstances que je vous ai présentées vous ont bien démontré l'urgence du problème sur lequel on doit se pencher. En guise de conclusion, je tiens à vous remercier et de vous exprimer ma reconnaissance pour m'avoir donné l'occasion de vous présenter ces préoccupations.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

Au nom de Faith Partners, nous recevons messieurs Murray Angus et Ron Chaplin, porte-parole. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Murray Angus (Faith Partners): Merci beaucoup. Nous sommes également conscients de l'heure, alors nous allons tenter d'être aussi efficaces que possible. Merci de nous avoir donné cette occasion.

Nous sommes ici au nom d'un réseau de personnes dans la région de la capitale nationale affilié à une gamme de communautés de foi partageant un intérêt pour la santé et le bien-être de notre collectivité, localement et à l'échelle du pays. Nous nous réunissons régulièrement pour examiner ce qui se passe.

L'intérêt que nous portons au projet de loi C-91 tient à notre préoccupation pour la santé du système de soins de santé. Pour diverses raisons, nous croyons sincèrement qu'un système de soins de santé universel et publiquement financé au Canada est quelque chose de sacré, si vous me passez ce terme, et pour lequel il faut se battre vigoureusement. Nous tirons notre force de notre engagement à défendre le système de santé public, parce que des personnes comme nous dans des communautés de foi organisées sont de plus en plus souvent appelées à s'occuper de ceux et celles qui souffrent des mesures d'austérité, non seulement dans le système de soins de santé, mais dans d'autres secteurs de notre société. Nous voyons la douleur causée par ces tendances dans nos communautés et cela, entre autres, nous motive à vouloir prendre la parole publiquement.

Le projet de loi C-91 intervient dans ce contexte parce qu'il est relié à notre détermination de défendre le système de soins de santé universel et public, car nous sommes conscients de l'impact du coût des médicaments sur la santé générale et le bien-être de notre système d'assurance-maladie. Nous nous inquiétons à ce sujet, et c'est pourquoi nous voulions prendre quelques minutes pour dire que nous estimons qu'il s'agit là d'une menace, très franchement, pour quelque chose qui est sacré dans notre communauté. Nous voulons déclarer que nous sommes contre la continuation du projet de loi C-91 sous sa forme actuelle, pour les raisons suivantes.

Avant de m'expliquer davantage, je tiens à dire clairement au départ que nous ne contestons pas, et en fait que nous appuyons en principe, le fait que ces sociétés, et membres de l'ACIM, etc., qui investissent beaucoup d'argent et de ressources dans la R-D, méritent certainement une récompense juste pour ces investissements. Nous ne sommes pas ici pour remettre en question la validité de ce principe. Nous appuyons ce principe.

Nous ne sommes pas ici non plus pour remettre en question le droit du gouvernement de prendre des décisions de politique publique qui redirigent des ressources d'un secteur de la société vers un autre. C'est le droit du gouvernement. C'est la responsabilité du gouvernement. Bien sûr, celui-ci doit rendre compte à la population de ses décisions; et cela se produira bientôt. Mais nous respectons le droit des autorités publiques de procéder ainsi.

Dans ce cas-ci, il est certain que le projet de loi C-91 redirige délibérément les ressources surtout vers les sociétés pharmaceutiques multinationales. C'est une décision de politique prise par l'ancien gouvernement. Le gouvernement actuel s'y opposait lorsqu'il était dans l'opposition. Il est trop tôt pour savoir si, maintenant qu'il est au pouvoir, ce gouvernement prendra des décisions conformes à son opposition d'autrefois. Nous l'encourageons à le faire.

Mais il est certain que le projet de loi C-91 redirige les ressources. Cela ne pose aucun problème moral si l'on peut démontrer que cette réorientation de ressources est dans l'intérêt public pour toute la communauté, voire pour le pays entier.

.2100

Nous avons consacré beaucoup de temps à l'examen de l'information provenant des deux côtés de la question. Nous avons étudié les documents publiés. Dans la revue Report on Business par exemple, l'ACIM a certainement dépensé beaucoup d'argent pour communiquer sa position au public canadien. Nous avons été très attentifs à ce sujet. Nous avons également étudié les mémoires qui ont été présentés ici au cours des dernières semaines. Et notre conclusion, en tant que membres de la communauté, est que les relations publiques ne constituent pas une preuve définitive et ne devraient pas être interprétées comme telle par les membres du comité. Nous espérons que le montant d'argent dépensé ne sera pas un facteur déterminant dans votre évaluation de la situation véritable.

Nous sommes sûrs que les groupes qui s'opposent à la reconduction du projet de loi C-91 tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle ont à coeur les intérêts plus généraux de la communauté, à en juger par ce que nous avons lu, et nous sommes ici pour leur accorder notre appui. Nous ne croyons pas que les avantages à en tirer soient suffisants pour justifier, au niveau de la politique gouvernementale, la réorientation des ressources vers ces compagnies. Nous demandons au comité de recommander que soit diminuée la période de protection offerte par les brevets en vertu d'un nouveau régime. C'est la raison fondamentale de notre présence ici.

Je n'abuserai pas davantage de votre patience, mais j'aimerais donner l'occasion à Ron Chaplin de vous faire part de certaines observations fondées sur son expérience. Merci.

M. Ron Chaplin (Faith Partners): Merci, Murray. Merci, monsieur le président. Ce ne sera pas long.

Je ne veux insister que sur l'un des points soulevés par Faith Partners dans son mémoire présenté à votre comité, à la première page du document: que nous entreprenions notre étude du projet de loi à partir du point de vue que l'accès à des soins de santé adéquats à coût abordable est un droit fondamental pour toute personne humaine et je renchéris en disant que ce droit doit être égal pour tous.

Il n'existe pas de tel système au Canada, à l'heure actuelle. Nous avons un régime de soins de santé universels dans le cas des soins offerts à l'hôpital et dans les cliniques, mais il n'y a pas de régime de soins de santé pour ce qui est des médicaments prescrits par ordonnance. Il y a un véritable méli-mélo de régimes publics et privés dont les gens peuvent se prévaloir un peu partout au pays pour se faire rembourser leurs médicaments, mais il y a encore trop de gens qui n'ont accès à rien à ce niveau.

Je vis avec la sida. Je suis inscrit à un programme thérapeutique médicamenteux de base pour combattre mon infection par le VIH et qui se trouve être, en quelque sorte, la thérapie minimale en la matière aujourd'hui. Les médicaments que l'on me prescrit coûtent 1 250 $ par mois. L'an dernier, de ma poche, j'ai dû débourser plus de 8 000 $ pour les médicaments que l'on m'a prescrits par ordonnance. J'ai eu les moyens de me les payer. J'ai la chance de pouvoir me les payer. La plupart de mes amis et de mes collègues dans la collectivité de ceux qui souffrent du sida n'ont pas ce genre de luxe.

Je ne parlerai pas que du VIH et du sida, mais aussi d'autres personnes qui sont aux prises avec des dépenses catastrophiques dans ce domaine des médicaments. Je pense à nos amis qui ont des problèmes de santé mentale, des gens atteints du cancer, des gens qui souffrent d'immunodéficience comme la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques. Ces gens-là dépendent tous des technologies de pointe, des médicaments les plus récents, et ces choses sont toutes hors de prix. Nous savons qu'il existe un système à deux paliers lorsqu'il s'agit d'avoir recours à ces médicaments qui se trouvent à la fine pointe du progrès.

Je ne suis pas venu ici pour débattre de la question de savoir s'il convient d'offrir, par l'intermédiaire d'un brevet, 20 ans de protection pour un médicament, ni de savoir si cette période est trop longue ou trop courte. Je laisse ces choses à ceux qui sont plus experts que moi dans les domaines des politiques économiques ou des politiques industrielles. Aujourd'hui, je ne m'intéresse qu'aux besoins de ces patients pour qui l'égalité d'accès aux soins médicaux de la meilleure qualité possible est indispensable.

Merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup. Je commence par M. Brien.

.2105

[Français]

M. Pierre Brien: Merci. Je pense que votre présentation et votre message étaient assez clairs et que personne ne peut rester insensible à des revendications comme celles-là.

J'aimerais poser une question à M. Angus au sujet de quelque chose qu'on voit souvent et qui nous pousse à nous poser la question nous-mêmes. Vous suggérez que nous recommandions au gouvernement de remplacer la durée de protection des brevets, qui est de 20 ans, par une période d'exclusivité de 4 ans. Plusieurs mémoires nous ont fait cette recommandation.

J'aimerais savoir sur quoi se fonde ce terme de quatre ans. Pourquoi pas six? Pourquoi pas trois? Pourquoi avoir retenu le chiffre quatre? Est-il fondé sur une étude ou une analyse? D'où sort-il finalement? Ce même chiffre revient dans un certain nombre de mémoires et personne ne m'a jamais expliqué sur quoi il reposait.

[Traduction]

M. Angus: Comme Ron le disait, et je partage son avis, nous ne sommes pas ici à titre d'experts techniques. Nous n'avons pas cette prétention. Nous ne sommes pas des professionnels de l'industrie pharmaceutique. Et nous avons obtenu ce chiffre auprès des diverses coalitions qui se sont intéressées à la question et nous le faisons nôtre par égard à la logique. Ces groupes ont fait le travail et en sont venus à cette conclusion. Nous sommes satisfaits de la qualité de l'information qu'ils semblent avoir colligée et nous nous sentons à l'aise face aux valeurs sociales plus larges que ces gens avancent; nous nous en sommes donc tenus aux chiffres qu'ils ont proposés et nous essayons d'appuyer leurs recommandations. Voilà comment nous avons fait notre choix.

[Français]

M. Pierre Brien: Là où vous établissez une distinction dans votre présentation, c'est dans votre recommandation suivante. Vous y parlez de la qualité des découvertes. Vous dites qu'on pourrait avoir des brevets différents pour des produits qui seraient le résultat de découvertes majeures. Donc, vous voudriez qu'il y ait différentes catégories de brevets, si je comprends bien.

[Traduction]

M. Angus: C'est quelque chose que nous n'avons exprimé qu'au niveau des principes, à cette étape-ci. Encore une fois, nous n'avons eu ni le temps ni les ressources pour développer le sujet. C'est un principe dont nous saisissons le comité pour étude.

Nous avons été frappés par ce que nous avons vu et entendu à propos de la distinction à faire entre les diverses catégories de médicaments en développement et dont nous ont entretenus ici, ce soir, certains témoins. Certains de ces médicaments sont révolutionnaires et beaucoup plus importants et méritent peut-être la protection d'un brevet beaucoup plus que d'autres catégories de médicaments.

Encore une fois, nous ne connaissons ni les tenants ni les aboutissants et ne pouvons donc pas en faire le compte ici, mais il y a quand même un principe à respecter et c'est possible pour ceux qui possèdent la compétence technique. Nous croyons que le principe est bon et qu'on devrait en tenir compte.

[Français]

M. Pierre Brien: Dans vos recommandations, vous dites souhaiter qu'on soit plus sévère par rapport à l'argent qui est dépensé en recherche et développement, de même que dans les programmes d'éducation. J'aimerais que vous expliquiez cette recommandation-là en particulier.

Dans la mesure où le Canada assure une protection qui s'accorde avec les normes internationales en ce qui a trait aux brevets, est-ce qu'on peut s'attendre à des engagements plus grands de la part de l'industrie par rapport à ses engagements actuels, soit d'appliquer 10 p. 100 du revenu de se ventes à la recherche et au développement? Vous attendez-vous à des engagements supplémentaires plus contraignants?

[Traduction]

M. Morrice: Je crois que toute compagnie qui jouit de la protection d'un brevet dans ce domaine, voudrait partager avec le pays et investir dans la recherche. C'est ce que font certaines des compagnies et nous savons que certaines compagnies pourraient quand même en faire plus dans ce domaine.

Le dr Friesen du Conseil de recherches médicales du Canada se bat pour cela depuis fort longtemps. Quelqu'un doit décider ce qui est juste et raisonnable et comment on devrait s'y prendre pour étudier l'infrastructure consacrée à la recherche au Canada. L'industrie doit créer des partenariats. Personne ne peut faire cavalier seul désormais. Notre organisme consacre des millions de dollars à la recherche, mais il nous faut être secondés. Le CRM n'y parviendra pas à lui seul, non plus que l'industrie. Quelqu'un doit inspirer ce partenariat et s'assurer que nous bâtirons une entité de recherches viable, de façon à attirer les dollars et les meilleurs chercheurs chez nous. À mon avis, c'est ce qu'il faut faire.

.2110

Quant au détail du pourcentage précis qu'il faudrait consacrer à la recherche, si nous dépensons quelque 72 milliards aux soins de la santé, peut-être pourrait-on songer à 1 p. 100 de ce montant pour la recherche ou quelque chose du genre. Il est certainement aberrant de voir le budget du Conseil de recherches médicales du Canada diminuer de... Il ne s'agit pas de 10 p. 100, mais de 13 p. 100 à l'heure actuelle, tandis que d'autres pays augmentent les montants consacrés à la recherche.

La réponse est tarabiscotée, mais c'est à la mesure de la complexité que j'y vois.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.

Madame Kemp, d'après vous, l'un des changements essentiels serait dans le domaine des ulcères, où l'on remplace la chirurgie et l'hospitalisation par un traitement à base de médicaments. Le programme des soins de la santé assume les frais de chirurgie et d'hospitalisation, mais il existe apparemment un médicament qui remplacera l'intervention chirurgicale. C'est exact?

Mme Kemp: Il existe un médicament pour traiter les ulcères. Le patient n'a plus besoin d'avoir recours à la chirurgie.

M. Werner Schmidt: Bon. Ces deux façons de traiter le problème sont donc interchangeables. Le patient pourrait choisir la chirurgie de préférence aux médicaments et vice-versa. C'est bien cela?

Mme Kemp: Non. La médecine d'aujourd'hui choisit de préférence le traitement à base de médicaments et n'a recours à la chirurgie qu'exceptionnellement, s'il s'agit d'un ulcère hémorragique ou si les médicaments sont sans efficacité. Le choix n'appartient pas au patient.

M. Werner Schmidt: Je comprends. Donc, les seuls cas, où l'on se sert de la chirurgie pour traiter l'ulcère, c'est s'il y a lésion profonde.

Mme Kemp: Ou hémorragie, oui.

M. Werner Schmidt: Ou hémorragie. C'est la même chose.

Mme Kemp: C'est beaucoup moins dangereux d'entreprendre un traitement à base de médicaments d'abord. Il ne faut pas oublier tous les risques de la chirurgie. C'est pour cela que nous avons choisi cette voie.

M. Werner Schmidt: Oui. Ce à quoi je voulais en venir, évidemment, c'est que je croyais que nous avions ici, l'exemple d'un choix entre deux procédures dont l'une coûte moins cher que l'autre. C'est du moins la conclusion à laquelle on pourrait en venir sur la foi de cette phrase là. Si tel était le cas, est-ce que vous recommanderiez, dans les cas où l'on a le choix de plus d'une procédure, qu'alors le plan d'assurance-santé financé à même l'argent des contribuables, c'est à dire le plan public, ne devrait assumer les frais que cette procédure, qui, tout compte fait, est la moins chère?

Mme Kemp: Non, à mon avis, c'est la procédure ou le traitement qui répond le mieux aux intérêts du patient. Pour l'un, c'est peut-être la chirurgie, pour l'autre, c'est peut-être les médicaments. Il y a peut-être d'autres facteurs de complication. Le patient subit peut-être d'autres traitements simultanément.

M. Werner Schmidt: Parfait.

L'autre question intéresse le groupe Faith. Quelle distinction faites-vous entre votre première recommandation et votre deuxième? À vrai dire, je reprends un peu la question de M. Brien à propos des médicaments révolutionnaires et de ceux qui n'en sont pas. Il y a toute une série de questions. Tout d'abord, comment faire la distinction entre ces deux catégories? Deuxièmement, qui ferait cette distinction? Enfin, qui veillerait à son application?

M. Angus: Je reviens à ma première réponse. Quant à la deuxième question, plus précisément, elle ne fait qu'introduire un principe qui favoriserait une certaine variation. Nous-mêmes n'avons pas...

M. Werner Schmidt: Et qui ferait cela?

M. Angus: Probablement un organisme de réglementation. Le CEPMB si... Je sais qu'il y a beaucoup de recommandations... Le Forum national sur la santé a fait beaucoup de recommandations à ce propos. Encore une fois, nous ne sommes pas en mesure de vous parler d'autorité à ce propos, qu'il s'agisse de la méthode ou de l'organisme. Nous ne voulons pas parler sans y avoir réfléchi ni de façon précipitée...

M. Werner Schmidt: Ce n'est pas ce que je vous demande de faire. Ce que vous dites...

M. Angus: Si vous me permettez de vous donner un exemple précis, c'est le genre de décisions que prennent maintenant les tribunaux. Par exemple l'AZT, le médicament première génération pour combattre le sida et le VIH, n'est pas un nouveau médicament. C'est quelque chose qui existe depuis bien des années déjà et qui n'est pas très utile pour traiter le cancer. On a eu recours aux tribunaux où certains des fabricants de médicaments génériques ont demandé si le fait de refaire le médicament pour combattre une autre maladie en faisait un nouveau médicament qui méritait un brevet d'une durée de 20 ans ou si ce brevet devait être d'une durée moindre. Ce sont les tribunaux qui ont pris ces décisions.

.2115

M. Werner Schmidt: Est-ce satisfaisant? Cela devrait-il revenir aux tribunaux?

M. Chaplin: C'est au gouvernement d'étudier la question. À l'heure actuelle, ce sont les tribunaux qui décident.

M. Werner Schmidt: Je vous demande ce que vous en pensez? Voulez-vous que ce soit au gouvernement d'en décider? Si c'est le cas, c'est très bien.

M. Chaplin: Dans le mémoire, nous soulevons la question des médicaments reformulés par opposition aux nouvelles découvertes et nous nous demandons si on devrait leur consacrer une catégorie différente.

M. Werner Schmidt: J'ai bien compris. Qui veillerait à leur mise en application? Les tribunaux, encore une fois, à votre avis?

M. Chaplin: C'est normalement ce que font les tribunaux.

M. Werner Schmidt: Merci.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Madame Brown.

Mme Bonnie Brown: Merci, monsieur le président.

Je remercie M. Angus d'avoir élargi la portée du débat; il nous a rappelé que nous avons la responsabilité de songer au bien commun en étudiant les détails de notre politique industrielle. «Élargissez vos horizons! Ne vous contentez pas du statu quo. Songez plutôt à trouver des façons nouvelles et innovatrices pour penser de ces choses afin que le monde ordinaire en profite»: voilà le sens de son message.

Je fais le contraste avec le message de M. Morrice où j'ai eu l'impression bien des fois qu'il nous proposait du nouveau tout en étant très étonné, à la fin d'apprendre qu'il nous recommande essentiellement de maintenir le statu quo.

Je crois qu'il y a là contradiction avec certaines choses que vous dites à la page 3, monsieur Morrice. Vous avez dit:

Je crois savoir comment cela fonctionne, maintenant, et vous vous en dites tout à fait satisfaits. Un peu plus tôt ce soir, et vous avez peut-être entendu exposer ces idées alors, il a été question d'un fonds ou d'un système en vertu duquel des redevances seraient payées au gouvernement pour les crédits d'impôt en matière de recherche et de développement dont se servent les compagnies pharmaceutiques au début, pour créer un fonds qui, au moyen duquel un programme de recherche fondé sur les besoins des Canadiens en matière de santé, serait l'élément moteur pour décider de l'utilisation de ce fonds? Vous êtes d'accord avec ce genre de choses?

M. Morrice: Je pense que c'est tout à fait raisonnable. Ce que nous voulons en fin de compte c'est une bonne recherche et assurer de bons soins pour les Canadiens.

Nous parlons constamment des prix. C'est curieux, je viens d'acheter un médicament générique et j'ai fait un petit sondage par téléphone en Alberta, au Québec et en Nouvelle-Écosse. Le prix pour le même produit variait de plus de 100 p. 100. Il s'agit d'un produit générique délivré sur d'ordonnance. Je me suis vraiment demandé ce qui se passait.

J'envisage la question de la recherche un peu de la même façon. Pour les gens atteints d'arthrite, les médicaments que nous avons ne sont pas très efficaces. Il faut se demander qui a les fonds voulus pour courir le risque et faire les travaux de recherche nécessaires. En ce moment, ce sont les compagnies de médicaments de marque. Donc, du point de vue égoïste de ceux qui souffrent d'arthrite, il faut miser sur ces recherches. C'est notre seul espoir en ce moment.

Mme Bonnie Brown: Vous comptiez sur les compagnies pharmaceutiques pour investir davantage dans la recherche sur l'arthrite. Ne serait-il pas préférable pour vous si le gouvernement, sur lequel vous pouvez exercer des pressions n'importe quand, pouvait prendre certaines décisions et disposait d'un fonds affecté à la recherche, dont une partie servirait à la recherche sur l'arthrite?

M. Morrice: C'est raisonnable. C'est logique.

Mme Bonnie Brown: Puis-je donc suggérer que, contrairement à ce que vous avez dit dans votre mémoire, il n'est pas tout à fait vrai que vous ne voulez pas que le projet de loi C-91 soit modifié? À la dernière page de votre exposé, vous dites que le projet de loi C-91 ne doit pas être modifié. Mais s'il était possible de fixer des priorités publiques dans le domaine de la recherche, comme on l'a proposé ce soir, je pense qu'à ce moment-là vous n'êtes pas forcément d'avis qu'il ne faille pas modifier le projet de loi.

M. Morrice: Lorsque vous exprimez ainsi votre position, je suis d'accord avec vous.

Mme Bonnie Brown: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Murray.

M. Ian Murray: Merci, monsieur le président. Je n'ai qu'une petite remarque et une courte question.

.2120

J'ai bien aimé les exposés des Faith Partners, madame Kemp. Vous nous avez donné matière à réflexion; en tant que parlementaires, en nous montrant qu'il fallait envisager le système de soins de santé en général, au lieu de nous concentrer sur la question étroite du projet de loi C-91.

J'ai une question brève pour M. Morrice au sujet des nouveaux médicaments qui sont disponibles pour soigner l'arthrite. Je ne suis pas au courant des médicaments qui existent pour soigner l'arthrite. Il est évident, comme vous l'avez dit, qu'il n'y a pas de remède pour en guérir. Je suppose qu'il y a des analgésiques. Y a-t-il des médicaments révolutionnaires qui coûtent si cher que ceux qui n'ont pas de régime de remboursement des médicaments ne peuvent se les permettre? Est-ce un problème?

M. Morrice: Il y a des nouveaux médicaments qui sont sur le point d'être commercialisés. Il y a le Cox2. Plusieurs compagnies pensent le commercialiser. Il s'agit d'un médicament dont ceux qui sont atteints de l'arthrite ont grand besoin.

Beaucoup des médicaments utilisés maintenant par les arthritiques servaient également à traiter le cancer. Le méthotrexate, entre autres, est un médicament utilisé pour traiter le cancer, et comporte beaucoup d'effets secondaires. En effet, les statistiques démontrent que plus de morts sont dues aux effets secondaires causés par les médicaments pour soigner l'arthrite qu'à toute la consommation des drogues illégales en Amérique du Nord. Ces chiffres sont époustouflants. C'est la raison pour laquelle nous nous intéressons tellement à trouver de nouveaux médicaments qui seraient le traitement de base contre l'arthrite. Nous nous demandons qui peut faire ce travail.

Il y a de nouveaux médicaments qui seront sur le marché sous peu. À l'heure actuelle, il y a22 AINS qui sont disponibles. On pourrait dire que parmi ces médicaments, il y a beaucoup de produits d'imitation. À cause de la combinaison des thérapies utilisées par les rhumatologues maintenant il est très difficile de donner les bons médicaments aux personnes atteintes d'arthrite. On utilise les AINS et les DMARDs (médicaments de lutte contre l'arthrite qui modifient la maladie). Cela devient très compliqué. Il serait merveilleux de trouver un médicament miracle pour traiter le lupus, la sclérodermie ou la spondylarthrite ankylosante. Ce médicament nous permettrait de dire aux malades qu'ils ne souffriront plus et qu'ils pourront continuer à travailler.

M. Ian Murray: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.

À titre de président, j'ai l'occasion de poser une question de temps à autre.

Nous avons souvent entendu qu'il faut investir de plus en plus dans un programme d'éducation des malades, des programmes d'évaluation et des programmes d'information au sujet des médicaments. Vous l'avez dit dans votre exposé, monsieur Morrice. Je demanderais à Mme Kemp ou à M. Angus de répondre à la question aussi. Pouvez-vous nous donner davantage de détails à ce sujet pour nous expliquer ce qui s'est passé et pourquoi vous mentionnez cela dans votre exposé?

M. Morrice: Je peux vous dire qu'il y a presque 50 p. 100 de ceux qui sont atteints d'arthrite grave qui ne prennent pas leurs médicaments, les AINS ou les DMARs parce que les coûts sont astronomiques. De plus, les médecins ne prescrivent pas toujours les bons médicaments. Beaucoup d'arthritiques ne voient que le médecin de famille et n'ont jamais de consultations avec un spécialiste. L'arthrite doit être considérée presque comme un problème urgent. Il faut l'arrêter sinon la ralentir tout de suite, car on ne peut pas vraiment l'arrêter. Il faut donner les bons médicaments tout de suite. D'où l'importance de l'éducation. Il faut avoir de bons programmes d'éducation, plutôt que des annonces dont nous avons tous entendu parler. Il s'agit de bien instruire les consommateurs, pour qu'ils assument certaines responsabilités.

Tous les gouvernements et tous les ministères de la santé au pays disent aux citoyens d'assumer une plus grande responsabilité vis à vis de leur propre santé. Mais comment faire cela si on n'a pas l'information nécessaire et si les mêmes responsables restent en place? C'est la raison pour laquelle je voulais avoir un très bon site Web où les gens peuvent se renseigner et ensuite demander au médecin s'ils ne doivent pas prendre tel ou tel médicament.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Madame Kemp.

Mme Kemp: L'éducation des malades est très importante, c'est vrai, mais elle ne sert pas à grand-chose si les gens n'ont pas accès aux médicaments dont ils ont besoin.

À l'heure actuelle, il y a tant d'obstacles à franchir si on n'a pas accès aux médicaments. À mon avis, c'est le premier problème à régler. Oui, l'éducation est importante, mais je pense que les gens vont se décourager s'ils ne peuvent même pas avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin.

.2125

M. Chaplin: J'aimerais ajouter une brève remarque.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Certainement.

M. Chaplin: Dans le cas des nouveaux médicaments pour traiter la maladie VIH, il faut que le malade continue à les prendre pendant toute sa vie, dans le cas d'une nouvelle combinaison de thérapies. Si le malade ne prend pas ses médicaments absolument tous les jours, il développera une résistance au médicament. C'est un danger non seulement pour la santé de la personne mais également pour la santé publique, car de nouvelles souches de VIH pharmacorésistantes peuvent commencer à se répandre.

Pour répondre à la question de M. Murray aussi, le problème c'est que l'accès au traitement par médicaments est inégal. Je connais trop de personnes qui attendent avant de commencer à prendre de nouveaux médicaments car elles ne peuvent pas les payer, ou bien elles arrêtent de les prendre pendant un certain temps parce qu'ils ont du mal à changer d'un régime de remboursement des médicaments à un autre. Il s'agit de pratiques très dangereuses dans le cas de la maladie VIH.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je tiens à vous remercier tous de vos exposés et de votre patience.

M. Chaplin: Est-ce qu'il est 19 h 30?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Quelque part dans le monde il est 19 h 30.

Comme M. Murray et Mme Brown l'ont dit, chaque témoin a étoffé un peu plus la somme de nos connaissances, et nous espérons que grâce à votre patience et à vos mémoires, nous pourrons rédiger un bon rapport qui formulera des recommandations au gouvernement. Je tiens à vous remercier beaucoup.

M. Werner Schmidt: Est-ce que la réunion de demain aura lieu à 10 heures?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): C'est exact.

M. Werner Schmidt: Et nous allons examiner ce document?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Nous nous réunissons le jeudi 10 avril, 1997 dans la salle 253-D, et les documents sont...

M. Werner Schmidt: Qui va nous présenter ces documents? Ce sont des fonctionnaires du ministère?

La greffière du comité: Nous allons entendre trois avocats demain.

M. Werner Schmidt: Ah bon.

La greffière: Il s'agit d'Emma Grell, Edward Hore et David Vaver.

M. Werner Schmidt: Est-ce qu'ils sont indépendants, ou est-ce qu'ils travaillent pour le gouvernement?

La greffière: Je crois savoir qu'ils sont tous indépendants.

M. Werner Schmidt: D'accord.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Dormez bien. Préparez-vous pour les avocats.

Merci beaucoup. La séance est levée. Nous nous réunissons demain à 10 heures.

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