[Enregistrement électronique]
Le jeudi 17 avril 1997
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ)): Bienvenue à tous en cette dernière journée de nos audiences sur le projet de loi C-91. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à l'examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (Chapitre 2, Lois du Canada 1993).
Nous recevons ce matin dans un premier temps, du gouvernement de la Saskatchewan, l'honorable Eric Cline, ministre de la Santé, Glenda Yeates, sous-ministre adjointe, et Kevin Wilson, directeur, Pharcameutical Services, Saskatchewan Drug Plan. Sans plus de préambule, puisque nous disposons d'une heure et que les membres du comité aiment beaucoup poser des questions, je vous invite à prendre la parole, souhaitant que votre présentation soit le plus brève possible afin de permettre à tous de vous adresser des questions par la suite.
Monsieur Cline, la parole est à vous.
[Traduction]
M. Eric Cline (ministre de la Santé, gouvernement de la Saskatchewan): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de comparaître devant le comité aujourd'hui pour présenter notre position et nos inquiétudes au sujet des brevets. Je suis très heureux de représenter ici le gouvernement de la Saskatchewan.
En tant que ministre de la Santé, je m'inquiète de voir que nous allons discuter de cette question devant un comité qui s'occupe des questions d'industrie. Nous passerons en revue une loi qui a eu et qui continuera d'avoir, si elle est conservée, des conséquences complexes sur le régime de santé du Canada et sur la santé à long terme de ses citoyens. Par définition, ce qui intéresse le comité, c'est la solidité de l'industrie pharmaceutique. Moi, comme ministre de la Santé, ce qui m'intéresse, c'est la santé des citoyens et les effets de cette loi sur la santé de l'ensemble de la population.
Il va sans dire que vos décisions toucheront tous les consommateurs de soins de santé au Canada. Cette loi a eu et aura des conséquences profondes sur l'industrie pharmaceutique, sur les gouvernements provinciaux et, à terme, sur tous les citoyens qui doivent recourir à la pharmacothérapie. Voilà donc le contexte dans lequel se situe mon intervention sur les effets du projet de loi C-91. Je vous prie également instamment de tenir compte de toutes les positions qui sont exprimées devant vous à l'occasion de vos travaux sur l'avenir de cette loi.
Lorsque mon collègue de la Saskatchewan, M. Lorne Calvert, a fait un exposé devant le comité du Sénat qui étudiait le projet de loi C-94 en 1993, il a clairement laissé entendre que le renforcement des brevets et la multiplication des obstacles à l'arrivée sur le marché des médicaments génériques feraient augmenter le coût des médicaments pour la population et pour les régimes publics de produits pharmaceutiques. À notre avis, c'est bien ce qui est arrivé. Le comité a entendu de nombreux témoignages qui montrent clairement que le coût des médicaments ne cesse de grimper. De fait, le rythme de croissance des dépenses pharmaceutiques est le plus rapide de tous les postes des budgets de santé depuis de nombreuses années.
Ces dépenses croissantes créent des difficultés considérables pour les provinces qui essaient de stabiliser leurs coûts de santé, tâche d'autant plus difficile depuis la chute spectaculaire des dépenses fédérales en matière de santé.
Divers témoins vous ont dit que le projet de loi C-91 s'est soldé par le renchérissement des médicaments pour le consommateur. Des groupes de personnes âgées notamment vous ont parlé des difficultés très réelles que crée le prix élevé des médicaments.
Notre gouvernement accepte mal d'avoir dû restructurer son programme de fournitures pharmaceutiques pour faire face à la montée constante des coûts, compte tenu surtout de la réduction des fonds fédéraux consacrés à la santé. Pourtant, on commence à peine à ressentir les effets de cette loi. Lorsque l'on parle de l'augmentation des coûts, il faut savoir qu'il ne s'agit pas uniquement des coûts consécutifs à l'adoption du projet de loi C-91, mais aussi des coûts à venir. En Saskatchewan, on a calculé que le coût supplémentaire pour le consommateur et pour notre régime d'assurance-médicaments en 1996 pour les produits qui ont été frappés par l'effet rétroactif du projet de loi C-91 était de 3 millions de dollars. En 1997, ce chiffre passera à 7 millions de dollars et, d'ici à la fin du siècle, uniquement pour cette catégorie de médicaments, c'est-à-dire les produits en voie de commercialisation, on s'attend à ce que le coût cumulatif s'établisse à 31 millions de dollars, et c'est là une estimation prudente.
Notez qu'il s'agit de la consommation réelle et que ce chiffre est modéré parce qu'il n'inclut ni les médicaments en milieu hospitalier ni les nouveaux produits. Ces estimations minimisent également l'effet à long terme de la loi parce qu'elles ne tiennent pas compte du coût des nouveaux médicaments. Une étude de l'Université Queen's sur le coût estimé des nouveaux médicaments indique que pour la Saskatchewan, l'augmentation se situera entre 13 et 18 millions de dollars. La somme équivalente dans une province comme l'Ontario varie sans doute entre 140 et 200 millions de dollars par année.
Quel que soit l'angle sous lequel on examine la question, le coût des médicaments a augmenté et continuera de le faire. On aura beau débattre des chiffres, la conclusion restera la même. Le projet de loi C-91 s'est soldé par le renchérissement des médicaments et, à moins de changer la loi, les coûts pour le consommateur et les pouvoirs publics ne cesseront d'augmenter.
Le coût global des produits pharmaceutiques est un dossier complexe, je le reconnais. Les médicaments brevetés, toutefois, sont un élément important du problème. J'admets également que le prix de vente n'est pas le seul facteur qui détermine l'ensemble des coûts. La consommation est aussi un facteur important. Toutefois, si l'on veut parler de consommation, il faut tenir compte de l'effet que le coût des médicaments a sur leur consommation.
Pour illustrer l'effet que la loi a eu sur le consommateur, il suffit d'examiner le cas d'un médicament bien connu, le Prozac. Depuis le lancement de son pendant générique en janvier 1996, le coût pour le consommateur de la Saskatchewan a baissé de 70 p. 100. Vous n'avez aucune peine à imaginer ce qu'une baisse comme celle-là signifie pour le consommateur et pour le régime provincial d'assurance-médicaments.
Dans la plupart des cas où il existe plus d'un fournisseur, la concurrence est la meilleure façon de veiller à ce que les prix soient abordables. Il est évident qu'il faut au Canada une stratégie de lutte contre l'augmentation du coût des produits pharmaceutiques.
Votre propre Forum national sur la santé, présidé par le premier ministre, a réalisé de nombreux travaux sur l'effet positif des médicaments sur la santé et, pour cette raison, a recommandé la création d'un programme national global pour les médicaments délivrés sur ordonnance. La Saskatchewan s'intéresse depuis toujours à ce genre de couverture et elle l'offre, d'ailleurs, dans la mesure de ses moyens, depuis plus de 20 ans. Comme les participants au forum, nous estimons que les médicaments devraient idéalement faire partie d'un régime complet d'assurance-maladie. La question est de savoir comment s'y prendre. Ce régime ne deviendra une réalité que si le gouvernement fédéral prend les devants et veille à ce que le prix des médicaments prescrits soit abordable. Pareil régime ne pourrait survivre que si le coût des médicaments prescrits est vigoureusement contenu. Ce que recommandera le comité déterminera largement la viabilité future d'un programme comme celui-là.
Permettez-moi de revenir un instant sur l'augmentation du coût des médicaments. Voyons quel compromis il a fallu opérer. Nous admettons que la loi a été avantageuse pour l'industrie pharmaceutique. Même si cela est un résultat souhaitable, il faut néanmoins poser la question: à quel prix? Et qui va payer la note? Ce prix est-il juste?
Jusqu'à présent, on semble avoir fait peu de cas de la santé des Canadiens. Oui, la compétitivité internationale est une chose importante, tout comme le juste degré de protection de la propriété intellectuelle. La recherche et le développement le sont aussi. Ces considérations doivent toutefois être mises en regard de la nécessité d'améliorer l'état de santé de la population en lui offrant des programmes abordables.
Nous aurions préféré que le Canada conserve le régime des licences obligatoires accompagnées de redevances équitables pour les innovateurs, ou qu'il envisage d'y revenir. Les ministres Dingwall et Manley ont déclaré que la période de protection du brevet et les licences obligatoires ne sont pas négociables d'après l'interprétation qu'ils font des obligations internationales du Canada. Si c'est le cas, il reste néanmoins plusieurs points de la loi où des modifications doivent être envisagées, des modifications qui permettront de nous assurer que l'objectif d'une industrie pharmaceutique solide ne se réalise pas aux dépens des consommateurs, des provinces et des autres payeurs.
Comment soulage-t-on le lot des consommateurs et des gouvernements provinciaux qui assument le fardeau de cette loi? Si l'on ne veut pas revenir sur la durée du brevet, des modifications d'ordre technique pourraient améliorer sensiblement la situation des consommateurs. Si la durée du brevet doit être de 20 ans, veillez au moins à ce que cette règle soit appliquée comme il se doit. Est-il normal qu'une compagnie pharmaceutique puisse retarder la concurrence sous une avalanche de brevets successifs alors que cette pratique empêche clairement les fabricants de produits génériques de commercialiser leurs produits même après l'expiration du brevet initial?
Je sais qu'il peut y avoir de multiples brevets pour de nombreux médicaments. Est-il acceptable qu'une légère modification du produit d'origine soit jugée innovatrice et justifie la protection d'un brevet?
Je sais que d'autres groupes proposent des changements qui accorderaient une meilleure protection. Nous n'appuyons pas l'idée de la restauration du brevet parce que cela ne fait qu'ajouter au coût des produits pharmaceutiques pour le consommateur et retarde davantage la pénétration du marché par les fabricants génériques.
Comme d'autres vous l'ont déjà dit, le règlement pris en vertu du projet de loi C-91 est une source d'inquiétude pour beaucoup et comme le ministre Manley, je pense que le nombre de poursuites intentées en vertu de cette loi est inadmissible. Il semble que dans certains cas, le règlement n'a fait que retarder davantage l'arrivée des produits de substitution. Il faut absolument abroger le règlement pour éliminer les prétentions sans fondement qui ont cet effet. De plus, les litiges concernant les brevets pharmaceutiques devraient être traités comme le sont tous les autres litiges touchant la propriété intellectuelle.
Je suis aussi d'avis qu'il faut conserver les dispositions sur la fabrication précoce et le stockage d'ingrédients pour les produits génériques. La suppression de ces dispositions retarderait encore davantage l'arrivée sur le marché des produits génériques et se traduirait par un rallongement de la durée de protection.
Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés a présenté des données qui laissent entendre que son action a eu des effets spectaculaires sur le prix des médicaments au Canada. Toutefois, les faits montrent clairement que le coût des produits pharmaceutiques ne cesse d'augmenter. En vertu de ses pouvoirs actuels, le conseil semble contenir les augmentations annuelles de prix. Toutefois, le vrai problème, c'est que ces prix doivent être abordables. Or, il est loin d'être établi que le mandat actuel du conseil soit suffisamment vaste pour qu'il puisse avoir une incidence réelle sur le coût d'ensemble des médicaments.
Je crois comprendre que le coût des médicaments est moins élevé dans les autres pays de l'OCDE. Il faut donc se demander si le mandat du Conseil est suffisamment vaste pour lui permettre d'accomplir ce qu'il était censé faire.
Les provinces doivent s'assurer qu'elles font une utilisation optimale de leurs ressources. Le conseil devrait, de même, examiner plus que le seul prix de vente. À mon avis, plusieurs traits caractéristiques du Conseil ainsi que les critères employés pour déterminer ce qu'est un prix excessif doivent être revus.
Je pense d'abord au prix de lancement des produits pharmaceutiques. Comme vous le savez, à peine 7 p. 100 des produits, c'est-à-dire 41 sur 581, ont été désignés produits révolutionnaires depuis la création du conseil. Les autres, sont donc des imitations ou ne font qu'élargir la gamme de produits.
Les critères actuels sont-ils appropriés? Permet-on au prix de ces produits d'être fixé trop haut? De plus, les lignes directrices du conseil devraient-elles être modifiées pour favoriser une innovation véritable?
Deuxièmement, le conseil choisit-il les bons pays pour établir ses comparaisons? Je crois savoir que l'effort de R-D est plus important dans ces pays qu'au Canada. S'il faut accepter des prix plus élevés pour élargir la recherche, il n'est pas évident que le Canada y trouve son compte. Je crois aussi savoir que les fonds consacrés à la recherche devraient équivaloir à la moyenne des pays de référence du Conseil, c'est-à-dire aller jusqu'à 18 p. 100.
Il est certain que la promesse de l'industrie pharmaceutique d'accroître la recherche et le développement était la contrepartie des avantages qu'elle devait obtenir de la mise en oeuvre du projet de loi C-91. Il semble que les budgets de recherche ont augmenté depuis l'adoption du projet de loi. Malheureusement, le montant total et la répartition de ces fonds sur le territoire font encore problème.
Les coûts supplémentaires occasionnés par cette loi sont répartis à égalité sur l'ensemble du territoire. Il serait donc raisonnable de s'attendre à ce que le financement de la recherche le soit aussi. Par exemple, le conseil a indiqué que la Saskatchewan a reçu 0,85 p. 100 du budget national de la recherche et du développement en 1993, soit 4,07 millions de dollars, alors qu'en 1995, le chiffre était de 0,78 p. 100. Pourtant, si les fonds de recherche étaient répartis plus équitablement, la Saskatchewan aurait dû recevoir une somme avoisinant les 21 millions de dollars si l'on fait une répartition par habitant.
Il ne fait pas de doute que les fonds de recherche que nous avons reçus ont coûté extrêmement cher à la province et aux consommateurs. Les chiffres montrent que l'industrie pharmaceutique est maintenant le principal bailleur de fonds de la recherche médicale au pays. Ce travail est sans conteste important, mais il faut placer cet effort dans le contexte plus vaste de la santé de la population.
Qu'en est-il de la recherche destinée à améliorer notre connaissance des facteurs qui influent sur la santé? Qu'en est-il de la recherche destinée à accroître nos connaissances en matière de gestion des services de santé? Avons-nous conçu une stratégie qui permet aux compagnies pharmaceutiques de déterminer une trop grande part du programme de recherche canadien? L'industrie financera-t-elle le genre de travaux nécessaires à l'amélioration de la rentabilité du système de soins de santé ou guidera-t-elle la recherche médicale en fonction de ses propres priorités?
J'aimerais parler d'une autre recommandation du Forum national sur la santé: que l'administration et l'affectation des fonds de recherche cessent de relever de l'industrie elle-même et soient confiées aux organismes subventionnaires.
Le comité devrait aussi étudier sérieusement la recommandation qui obligerait l'industrie pharmaceutique à contribuer à un fonds national destiné à la recherche en matière de santé. Son mandat serait vaste et ce fonds serait indépendant de l'industrie, administré par les organismes subventionnaires de la recherche et son produit réparti selon le processus normal d'octroi par des spécialistes en tenant compte de l'équité régionale.
Le Forum national sur la santé a déclaré que ce serait quelque chose de raisonnable vu que les Canadiens payent déjà le prix de la recherche grâce aux privilèges qui ont été accordés à l'industrie par le projet de loi C-91.
Si nous acceptons que des coûts pharmaceutiques plus élevés sont le prix à payer pour davantage de recherche scientifique, il faudra à tout le moins que les avantages qui en découlent profitent équitablement à toutes les régions du pays. Il faut que le comité admette qu'il faut une formule plus globale en matière de R-D.
Pour terminer, je vous remercie à nouveau de l'occasion qui nous est donnée de vous faire part de nos inquiétudes en ce qui concerne les conséquences du projet de loi C-91. Je vous invite également à continuer à faire ces examens périodiques.
Les faits montrent que l'extension de la protection par brevet a eu des conséquences importantes pour les consommateurs de la Saskatchewan. Je vous prie instamment de réexaminer les ententes commerciales que nous avons signées pour vous convaincre vous-mêmes et pour convaincre les consommateurs que vous avez bien étudié toutes les options. Si cette protection plus longue doit rester, il vous appartient d'améliorer l'efficacité de la loi pour réduire au minimum les effets négatifs que le prix élevé des médicaments a sur la santé des citoyens. Il faut supprimer le règlement de liaison qui exclut trop longtemps du marché des médicaments génériques, ce qui a pour effet de relever les coûts.
Est-il possible d'établir une distinction entre la protection offerte aux médicaments révolutionnaires et celle accordée aux modifications mineures?
Je vous demande de revoir le mandat du Conseil. Les pays choisis pour la comparaison nous font-ils aboutir à des prix de lancement plus élevés que nécessaire? Le fait que le Conseil n'examine que le prix de vente ne limite-t-il pas son influence sur les prix?
La majoration du coût des produits pharmaceutiques attribuable au projet de loi C-91 a frappé de plein fouet les payeurs publics et privés ainsi que les régimes publics d'assurance-médicaments. Si la progression de ces coûts n'est pas freinée, on ne saurait même envisager un programme national d'assurance-médicaments. Les régimes d'assurance publics, les assureurs privés et les consommateurs sont sans cesse appelés à payer pour des médicaments dont ils ont besoin. Si nous n'arrivons plus à le faire, c'est la santé de toute la population qui en pâtira.
Je sais que vous porterez une attention objective à mes propos et que vous les accepterez dans l'esprit où ils ont été formulés, à savoir dans le but de défendre l'intérêt des résidants de la Saskatchewan et de tout le pays. Notre objectif commun doit être de continuer à améliorer la santé de tous les citoyens en veillant à ce que des programmes abordables soient accessibles à tous.
Merci.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Je vous remercie beaucoup. Monsieur Ménard, je vous accorde 10 minutes.
M. Réal Ménard (Hochelaga - Maisonneuve, BQ): Monsieur le président, c'est un plaisir de vous retrouver et je me joins à vous pour souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos témoins de la Saskatchewan.
Vous avez mentionné dans vos notes d'introduction, monsieur le ministre, que l'introduction du projet de loi C-91 avait entraîné pour le régime de santé de la Saskatchewan, et donc également pour les consommateurs, des coûts supplémentaires qui pourront atteindre plus de 31 millions de dollars d'ici la fin du siècle. Vous êtes de ceux qui croient que le projet de loi C-91 a eu des impacts plutôt négatifs sur les régimes publics de soins de santé. Est-ce que vous seriez en mesure de nous parler davantage de cette réalité des 31 millions de dollars?
Je vais vous poser tout de suite mes trois questions, ce qui devrait permettre un échange un petit peu plus direct.
Deuxièmement, vous plaidez en faveur de l'abolition du règlement de liaison, mais je comprends que vous souhaitez qu'il y ait toujours possibilité de stocker, avant l'expiration de la protection, des ingrédients actifs conformément aux dispositions Bolar. N'avez-vous pas l'impression que c'est une proposition qui nous amène à réclamer le meilleur des deux mondes et qu'on ne peut pas, en toute cohérence, souhaiter l'un et l'autre parce que dans les régimes extérieurs, dans des bases de comparaison qu'on a portées à notre attention, on n'a pas l'un et l'autre? Soit que les brevets sont moins longs, soit qu'on a la possibilité de recourir à des procédures judiciaires dès qu'il y a a des éléments de contrefaçon, mais on ne peut pas tout de suite commencer à stocker des ingrédients actifs ou des ingrédients qui vont permettre à terme de produire le médicament. N'avez-vous pas l'impression qu'il y a quelque chose d'audacieux dans une telle recommandation? J'aimerais que vous nous donniez des exemples où de telles dispositions sont possibles.
[Traduction]
M. Cline: Monsieur Ménard, en réponse à la question sur les 31 millions de dollars, il s'agit de notre projection du coût majoré uniquement en ce qui concerne les médicaments en voie de commercialisation, c'est-à-dire ceux qui ont été assujettis rétroactivement au projet de loi C-91 mais qui étaient déjà sur le marché.
Je peux vous dire que la Saskatchewan est connue partout dans le monde pour la qualité de sa base de données sur les médicaments parce que nous avons créé un régime d'assurance-médicaments dès les années 70. Nous pensons que nos chiffres sont très fiables mais ils ne portent que sur une partie du coût des médicaments.
Pour ce qui est des règlements régissant la liaison et des dispositions relatives au stockage d'ingrédients, nous ne voyons pas de rapport entre les deux. De toute évidence, ces deux aspects ont trait au projet de loi C-91 et aux médicaments brevetés. Mais, pour ce qui est des règlements régissant la liaison, nous ne voyons pas pourquoi les fabricants de médicaments devraient jouir d'une position supérieure à celle des autres parties qui pourraient avoir le droit de demander la protection du brevet et de faire valoir les droits à la propriété intellectuelle auxquels ils ont droit. Personne d'autre n'a l'avantage que présentent les règlements sur la liaison.
Je sais que certains témoins ont dit à votre comité qu'il y a une différence qualitative entre les fabricants de médicaments - parce qu'ils oeuvrent dans le domaine de la santé - et les autres détenteurs de brevets. Ces témoins ont dit que la protection qu'on accorde aux fabricants de médicaments devrait être moindre que la protection qu'on accorde à ceux qui détiennent des brevets dans d'autres domaines.
Ce que nous disons, nous, c'est qu'à tout le moins dans le domaine de la santé, des médicaments délivrés sur ordonnance et des médicaments brevetés, on ne doit pas accorder aux fabricants de médicaments une protection blindée à laquelle personne d'autre n'a droit. Telle est notre position.
Pour ce qui est des fabricants de produits génériques, nous croyons qu'ils ont le droit de se préparer à l'expiration d'un brevet, de se soustraire aux règlements sur la liaison et de profiter dès maintenant des dispositions sur le stockage d'ingrédients. Nous savons qu'ils ont parfaitement le droit de faire des stocks et de se préparer de telle sorte que le jour où ils auront le droit de vendre, ils pourront aller de l'avant. Nous ne voyons aucune contradiction entre ces deux positions. Ces positions sont peut-être différentes de celles des autres - chose certaine, des fabricants de médicaments de marque - mais nous ne croyons pas qu'elles sont illogiques.
[Français]
M. Réal Ménard: Je n'attaque pas la cohérence de la chose, mais j'ai un peu le sentiment que vous voulez le meilleur des deux mondes. Partons du principe que l'on maintient une protection de l'ordre de 20 ans. Vous êtes contre une clause de restauration qui permettrait un délai supplémentaire pour des considérations de délais d'homologation. Y a-t-il d'autres pays au monde où, avant l'expiration du délai et avant que ne soient échues les garanties que l'on donne concernant la propriété - puisque qu'il ne s'agit pas que d'une question de droit ou de quelque chose d'académique - on reconnaît, à partir de la 17e année, aux compagnies de médicaments génériques le droit de stocker des ingrédients actifs qui, ultimement, vont leur permettre d'occuper une part du marché?
Vous dites que les deux ne sont pas liés. C'est vrai que sur le plan intellectuel, les deux ne sont pas liés, mais reconnaissez-vous qu'il y a là quelque chose d'extrêmement avantageux pour les compagnies génériques? Avez-vous des indications ou des exemples, puisque vous avez vous-même mentionné que la province de la Saskatchewan s'était penchée sur ces questions, de cas similaires ou de dispositions similaires dans d'autres pays, où on permet, avant l'expiration d'un brevet, aux compagnies génériques de stocker des ingrédients qui leur permettront d'occuper un jour une part du marché?
[Traduction]
M. Cline: Non, monsieur Ménard, nous n'avons pas d'exemple d'autres pays où on permet aux fabricants génériques de faire des stocks. Mais, nous ne croyons pas non plus que ce soit là le problème. Nous croyons qu'il est parfaitement légitime pour nous, Canadiens, d'appliquer des règles que nous jugeons appropriées et conformes à une bonne politique gouvernementale. À notre avis, il n'y a absolument aucune raison qui interdirait au Canada de prendre l'initiative dans certains de ces domaines. Lorsqu'on discute de politique gouvernementale, il y en a qui disent - et je ne suis pas de ceux-là - que nous avons les mains liées et que nous devons faire ce que font tous les autres pays, et que dans une certaine mesure, nous tournons le dos ainsi à toute initiative et à toute innovation. Je ne peux pas nommer de pays où existent des dispositions semblables, mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas préserver ces dispositions.
[Français]
M. Réal Ménard: Vous dites qu'une problématique se pose, et j'y suis extrêmement sensible: il s'agit de la recherche et du développement. Vous nous avez bien fait valoir que vous aviez obtenu seulement 0,85 p. 100 des fonds qui sont consentis par les compagnies pharmaceutiques. Vous avez tout à fait raison de nous sensibiliser à cette question. Il y a là quelque chose d'extrêmement problématique.
Dans son rapport, la Commission Eastman a constaté que peu d'efforts autochtones, maison ou made in Canada avaient été faits en recherche et développement. Reconnaissez-vous qu'un des effets positifs du projet de loi C-91 a été de susciter un effort de recherche considérable de l'ordre de 650 millions de dollars? Je sais qu'un problème se pose au niveau de la ventilation régionale, mais croyez-vous qu'on a réalisé quelque chose de positif au niveau de la recherche et du développement et de l'effort consenti par les compagnies concernées?
[Traduction]
M. Cline: Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous admettons que les fabricants de médicaments de marque ont investi davantage d'argent dans la recherche. Cela ne fait aucun doute.
D'autres témoins que vous avez entendus ont fait valoir quelques idées. Certains ont parlé d'équité régionale. Ce problème ne se pose pas seulement pour la Saskatchewan, mais aussi pour d'autres petites provinces. C'est une question qui dépasse les fabricants de médicaments brevetés et qui intéresse plutôt le CRM, et surtout le nouveau fonds d'innovation du gouvernement fédéral. J'en ai discuté avec le ministre Dingwall. Je crois que six provinces sont très menacées dans le domaine de la recherche. Donc, la question de l'équité régionale se pose dans le contexte de la recherche.
Il y a aussi la question qui a été soulevée par le Forum national et également devant votre comité par la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, à savoir qu'on devrait procéder à un examen public quelconque pour s'assurer que la recherche se fait dans l'intérêt public. Nous ne disons pas que la recherche ne répond pas à l'intérêt public, mais qu'il faut maximiser cet aspect des choses, pour ainsi dire. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous croyons que l'augmentation des prix attribuable au projet de loi C-91 a été investie dans une recherche accrue. Nous croyons donc que le public devrait avoir son mot à dire dans la recherche, et que toutes les régions du pays devraient en profiter sur une base plus équitable.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Merci.
Monsieur Hill.
[Traduction]
M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci beaucoup.
Je vous souhaite la bienvenue.
Monsieur Cline, vous avez dit entre autres choses que les différends portant sur les brevets sont traités différemment dans cette industrie que dans d'autres. J'aimerais que vous me donniez plus de détails à ce sujet. Dans quelle mesure procède-t-on différemment?
M. Cline: Je crois savoir qu'on procède différemment dans la mesure où si un fabricant de produits génériques veut mettre en marché un médicament générique, le fabricant de médicaments qui détient un brevet susceptible de s'y rapporter a la possibilité de déposer un document qui aura automatiquement pour effet d'interdire l'accès au marché au médicament générique en question pendant 30 mois ou jusqu'à l'expiration du brevet, je crois.
Dans tout autre domaine où quelqu'un détient un brevet et une autre personne se présente et veut fabriquer un produit susceptible d'être une contrefaçon dans le cours normal des choses, le détenteur du brevet doit s'adresser au tribunal et demander une injonction au juge. Le juge décide alors s'il existe ce que les avocats appellent une cause prima facie ou un argument solide selon lequel il y a eu effectivement infraction, auquel cas le juge interdit la vente du produit. Dans certains cas, le juge prend la décision contraire parce que le détenteur du brevet n'a pas une bonne cause. Mais dans ce domaine-ci, les fabricants de médicaments peuvent automatiquement arrêter la vente du produit générique qu'un juge ait pu ou non décider que l'argument était justifié. Nous croyons qu'il faut traiter les fabricants de médicaments de la même manière qu'on traite tout autre titulaire d'un brevet. Mais les sociétés de produits pharmaceutiques bénéficient d'une protection spéciale qui remonte, je crois, au projet de loi C-91. Je ne suis pas sûr si ça vient de là.
M. Grant Hill: Très bien.
Vous avez parlé du montant d'argent qu'on a dépensé en Saskatchewan depuis l'adoption du projet de loi C-91. Je pense qu'il serait juste de dire combien on dépensait en Saskatchewan avant l'adoption de cette loi. Pouvez-vous revenir en arrière et nous dire combien on dépensait avant?
M. Cline: Je n'ai pas de chiffres, mais en Saskatchewan, nous recevons probablement des fabricants de médicaments plus d'argent pour la recherche que par le passé, je crois, depuis l'adoption du projet de loi C-91. Cela ne fait aucun doute. Bien sûr, à cause de ça, nous payons plus cher pour nos médicaments. Par exemple, en 1997, nous estimons qu'on dépensera 5,5 millions de dollars de plus pour la recherche en Saskatchewan, mais à cause du projet de loi C-91, il en coûtera 7,3 millions de dollars de plus pour les médicaments. Nous sommes donc heureux du financement de la recherche, mais nous apprécions moins le prix plus élevé des médicaments. Chose certaine, il y a eu compensation, mais jusqu'à présent, nous n'avons pas reçu ce à quoi nous croyons avoir droit.
M. Grant Hill: L'une des choses qu'on a mentionnées au cours de cette révision, c'est le fait qu'une bonne part des informations d'ordonnance sont communiquées aux médecins par les fabricants de médicaments. J'ai tâché de voir s'il avait un consensus favorisant une méthode plus indépendante pour la communication d'information d'ordonnance aux médecins. Cela rejoint ce que vous dites au sujet de la réactivation continuelle de la protection sur le renouvellement perpétuel et les progrès à faire. J'aimerais savoir si vous avez réfléchi à cette façon de procéder.
M. Cline: Oui, je pense que c'est une excellente idée. Je n'en ai pas parlé dans mon exposé mais nous nous préoccupons de la vente directe aux consommateurs. Je crois savoir que vous êtes médecin, vous êtes donc au courant de cela, et vous savez aussi que les opérations de commercialisation de fabricants de médicaments sont très coûteuses.
Nous tâchons de faire deux choses. Nous avons un formulaire de médicaments dans le cadre du régime d'assurance-médicaments, et nous tâchons d'approuver le médicament qui coûte le moins cher et qui donne d'aussi bons résultats, si je peux dire. Le prix n'est pas fondé sur l'efficacité avérée. C'est simplement un formulaire qui permet au régime d'assurance-médicaments d'assurer certaines choses et non d'autres.
Ce qu'il faut faire aussi, à notre avis, c'est obtenir un avis d'universitaires, ce dont vous êtes sans doute au courant. Nous tâchons de réunir des personnes objectives, par exemple du Collège de pharmacie et de nutrition de Saskatoon, qui se penchent directement sur ces problèmes en vue de présenter aux médecins une vision équilibrée et objective des choses, et pas seulement la vision du fabricant de médicaments. Je crois que le ministère de la Santé de la Saskatchewan est justement sur le point de lancer un projet pilote en collaboration avec le District de la santé de Saskatoon pour voir ce qu'il y a moyen de faire avec ces avis d'universitaires.
Nous pensons que si nous pouvons communiquer ces informations aux médecins, nous pourrons réaliser des économies substantielles - certains pensent même qu'on pourrait économiser environ 10 p. 100 sur le coût des médicaments. Que ce soit le cas où non, cela reste à voir, mais c'est certainement une chose à laquelle nous devons tous rester attentifs.
M. Grant Hill: Vous avez dit également que cette révision obligatoire était utile. Bien sûr, elle était obligatoire, c'était dans la loi, et ça devait se faire. Croyez-vous qu'il vaudrait la peine d'exiger cette révision de nouveau dans la loi, pour que l'on puisse y revenir une fois de plus dans cinq ans?
M. Cline: Oui, absolument, et ce, pour deux raisons. L'expérience que nous avons vécue jusqu'à présent avec le projet de loi C-91 n'est pas complète. Nous n'en avons pas vraiment vu tous les effets. C'est pourquoi je crois qu'il doit y avoir une nouvelle révision. L'autre raison tient à la reddition de comptes. Si les fabricants de médicaments ont des obligations en matière de recherche, développement et emploi - et c'est évident - je pense que cette révision offre une belle occasion aux parlementaires de voir si les objectifs fixés ont été atteints ou non et d'exiger les comptes des fabricants. Sans une révision comme celle-là, on risque de perdre de vue ce qui constitue en fait un enjeu très important, étant donné surtout que le Forum national sur la santé et certains politiciens fédéraux parlent d'étendre l'assurance-santé aux médicaments.
M. Grant Hill: Il manque une chose dans ces discussions, et c'est le fait qu'on parle tellement de prix qu'on en oublie de parler des avantages que présente l'industrie pharmaceutique. Je ne parle pas d'emploi ici, mais bien de santé. On connaît l'exemple de ce politicien célèbre qui a été récemment victime d'une maladie tellement grave qu'il a failli perdre la vie. Il en a coûté une fortune pour le soigner - son amputation, ses soins de santé intensifs et tout le reste. Si son mal avait été diagnostiqué et traité plus tôt grâce à un médicament très coûteux - disons que ce médicament aurait coûté 10 000 $ - on aurait pu épargner une fortune.
Ma question est presque théorique; il n'y a pas seulement ce qu'il en coûte pour entreprendre la recherche, mais il faut tenir compte aussi du coût global. Avez-vous réfléchi à cela?
M. Cline: Je crois que vous avez raison de dire cela, docteur Hill. Les gens comme moi qui soulèvent des objections relativement au projet de loi C-92 sont loin de dire que les gens qui sont innovateurs, qui travaillent d'arrache-pied et investissent dans la recherche ne devraient pas être récompensés. Comme le laisse entendre votre question, nous croyons que les innovateurs qui investissent dans la recherche devraient être récompensés. Cela ne nous pose pas de problèmes, et sur ce plan, la protection du brevet ne nous pose pas de problème non plus. Bien sûr, la question est de savoir en quoi elle doit consister la protection des brevets.
Voici mon point de vue. On pourrait faire valoir qu'on ne récompense pas l'innovation autant qu'on le devrait, dans la mesure où l'on accorde à un fabricant de médicaments qui découvre un produit révolutionnaire comme celui qui aurait l'effet bénéfique que vous disiez, la même protection qu'au fabricant qui renouvelle un produit.
Donc même dans le cadre du projet de loi C-91, qui est bien sûr censé encourager l'innovation, on ne sait pas vraiment discerner à compter de quel moment une entreprise est vraiment innovatrice.
Et je pense qu'il faut se pencher sur la quantité de recherche qu'exige la découverte d'un médicament, d'un point de vue pratique et factuel, et il faut aussi se pencher sur le degré d'innovation. Le CEPMB détermine si un médicament est innovateur ou non. Peut-être que toutes les entreprises innovatrices ont droit à toute la protection relative aux brevets dont elles jouissent déjà et peut-être que les autres non. C'est ce que j'ai voulu dire dans mon exposé. Il faudrait peut-être créer certaines distinctions.
Chose certaine, nous vous suivons à 100 p. 100. Nous ne disons nullement qu'il faut abolir toute protection. Nous disons qu'à notre avis, il faut arriver à un meilleur équilibre.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Merci. Je donne maintenant la parole à M. Bodnar.
[Traduction]
M. Morris Bodnar (Saskatoon - Dundurn, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, c'est un plaisir que de vous voir ici aujourd'hui, dans un milieu différend de celui où nous nous voyons normalement.
Vous avez parlé de l'escalade des prix des médicaments dans la province de Saskatchewan. Bien sûr, vous l'avez attribuée à l'abaissement des paiements de transfert. Je ne veux pas engager de discussion avec vous à ce sujet, sans quoi l'on risque d'y consacrer beaucoup de temps, mais...
M. Cline: À votre place, Morris, je ne voudrais pas en parler non plus.
Des voix: Ah, ah!
M. Morris Bodnar: Cependant je vais peut-être en parler un peu quand même, parce qu'il y a un rapport avec les taux d'intérêt plus faibles dont la province jouit et qui neutralisent les compressions qui ont été effectuées dans les paiements de transfert.
Mais pour ce qui concerne l'escalade du prix des médicaments dont vous avez parlé, vous n'avez pas établi de distinction entre les médicaments génériques et les médicaments brevetés. Les médicaments brevetés relèvent de notre autorité, et notre comité a constaté que le montant que les consommateurs versent aux fabricants de produits génériques est beaucoup plus considérable que celui qu'ils versent aux fabricants de médicaments brevetés. Et nous n'avons aucune autorité sur l'industrie des produits génériques, ce qui pose un petit problème au gouvernement fédéral.
Monsieur le ministre, la coopération est tellement essentielle dans ce domaine particulier si l'on veut réglementer les prix, et étant donné que les fabricants de médicaments génériques ne sont pas contrôlés à l'heure actuelle - alors que le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés réglemente le prix des médicaments brevetés - je me demande si vous êtes d'accord avec la façon dont on exerce ces contrôles. C'est un autre problème que l'on peut peut-être rationaliser. Mais le gouvernement de la Saskatchewan est-il disposé à céder son autorité au CEPMB afin qu'il puisse contrôler le prix des médicaments génériques?
M. Cline: Tout d'abord, Morris, je vous dirais moi aussi le plaisir que j'éprouve à vous voir dans votre élément - même si la Saskatchewan l'est également je m'empresse d'ajouter.
Permettez-moi de vous dire tout d'abord que selon Santé Canada et les informations qui ont été communiquées à votre comité, les médecins prescrivent aux Canadiens chaque année des médicaments dont la valeur totalise 4,8 milliards de dollars, je crois - ma note ne le dit pas, mais je crois que c'est chaque année - et il s'agit donc de médicaments brevetés, et il y a 2,9 milliards de dollars de médicaments non brevetés. J'imagine que certains d'entre eux sont des médicaments génériques.
Mais le fait est que la majorité des médicaments prescrits sont des médicaments brevetés. En Saskatchewan, les 50 premiers médicaments, comptent pour 40 p. 100 des acquisitions totales de médicaments que prévoit notre régime, et plus de 50 p. 100 des 50 premiers médicaments sont brevetés. Pour un médicament non breveté parmi les 50 premiers, il en coûte en moyenne 22,54 $. Pour les médicaments brevetés, le coût moyen est de 41,34 $.
Donc pour ce qui est des ordonnances, on me dit que la plupart des médicaments prescrits sont des médicaments brevetés. Mon ministère me dit que les médicaments génériques ont tendance à être meilleur marché que les médicaments brevetés.
Quant à savoir si l'on devrait céder au CEPMB le pouvoir de contrôler aussi le prix des médicaments génériques - et cela nécessiterait une délégation intergouvernementale quelconque - la réponse est oui. Nous sommes parfaitement disposés à coopérer avec le gouvernement fédéral pour réglementer le prix des médicaments pour les Canadiens.
J'ajoute que j'ai bien dit au gouvernement fédéral, que dans les circonstances voulues, nous coopérerons également avec lui s'il entreprend de créer un régime national d'assurance-médicaments.
M. Morris Bodnar: Monsieur le ministre, le coût d'un médicament ne comprend pas que le prix de revient du fabricant. Il y a d'autres coûts qui interviennent dans la commercialisation de n'importe quel médicament, y compris les frais d'ordonnance.
Je vous ai dit lorsque nous nous sommes rencontrés auparavant que je suis parfaitement au courant de cela, parce que je prends des médicaments moi aussi. J'ai d'ailleurs le malheur de prendre un médicament breveté ainsi qu'un médicament générique.
L'un des plus grands problèmes dans le coût des médicaments, à mon avis - visible - ce sont les frais d'officine. En Saskatchewan, il est impossible d'obtenir un approvisionnement d'un an d'un médicament. Il faut payer les frais d'officine tous les mois. En d'autres termes, il faut payer 12 fois.
Voici ce qui se produit. Un des médicaments que je prends coûte 18 $ par mois dont 6 $ pour les frais d'officine. La différence entre 12 $ et 18 $ représente 50 p. 100 en frais d'officine. Si vous faites le calcul inverse, cela représente un tiers du coût. Cela représente une augmentation de 50 p. 100 du prix du médicament en frais d'officine. Il suffirait d'un changement de politique pour éliminer ce coût.
La province a-t-elle songé à contrôler cet aspect du coût des médicaments? Évidemment dans le cas des médicaments brevetés, nous en contrôlons le prix, mais en ce qui concerne la commercialisation, au niveau du consommateur, est-ce que votre province, notre province, a examiné la possibilité de réglementer les prix à ce niveau?
M. Cline: En fait, c'est ce que nous faisons puisque les frais d'officine vont évidemment au pharmacien et non pas au gouvernement.
Nous avons conclu une entente avec les pharmaciens, à l'échelle de la province, afin de fixer des frais maximum. Les pharmaciens peuvent demander des frais inférieurs s'ils le souhaitent, ce que certains font. Certaines des grandes chaînes demandent des frais d'officine inférieurs à certains pharmaciens indépendants.
Toutefois, en toute justice à l'égard des pharmaciens, j'aimerais dire qu'en ce qui concerne le coût des médicaments, ce ne sont pas les frais d'officine des pharmaciens qui nous préoccupent. Je comprends votre point de vue, mais il s'agit ici de médicaments très coûteux qui représentent un problème pour les Canadiens et les consommateurs. Le grand problème, ce ne sont pas les frais d'officine. Pour être juste envers les pharmaciens, ils sont nombreux dans les petites villes de la Saskatchewan à jouer un rôle très important dans leurs collectivités. C'est là qu'ils ont leurs petites entreprises. Ils comptent sur les frais d'officine en partie pour maintenir la rentabilité de leurs entreprises.
Je comprends votre point de vue, mais je ne considère pas que c'est là un aspect important, et je ne pense pas non plus que les pharmaciens touchent une rémunération excessive bien que je comprenne que c'est parfois agaçant.
M. Morris Bodnar: Monsieur le ministre, en ce qui concerne le projet de loi C-91, je pense que vous avez dit qu'on y traite du problème de l'escalade des prix des médicaments. Toutefois, lorsque j'examine les rapports de Statistique Canada, je constate que de 1991 à 1992, en Saskatchewan, le prix des médicaments a diminué. De 1992 à 1993, il a diminué encore. De 1993 à 1994, une autre diminution et je n'ai pas de données statistiques pour les années suivantes.
Le prix a diminué chaque année, et pourtant, vous vous dites frustrés dans votre lutte contre l'augmentation du prix des médicaments en Saskatchewan. Or, le prix diminue. En fait, dans leur témoignage ici, les membres du CEPMB nous ont dit que le prix des médicaments d'ordonnance avait diminué depuis trois ans alors que le prix des médicaments génériques avait augmenté. Existe-t-il vraiment un problème en ce qui concerne le prix des médicaments ou s'agit-il simplement de la rhétorique habituelle entre les gouvernements fédéral et provinciaux qui se renvoient la balle pour expliquer l'augmentation des prix, des coûts, ou quelque difficulté que ce soit?
M. Cline: Non, ce n'est pas le cas. Si nous étions ici pour nous gargariser de mots, notre exposé aurait pris un ton tout à fait différent.
Comme vous le savez et comme vous l'avez entendu, il existe une différence entre le prix de revient des médicaments et le prix de vente des médicaments. Nous comprenons la situation en ce qui concerne le prix des médicaments d'ordonnance qui relèvent du conseil. Néanmoins, le prix de revient global des médicaments a augmenté. Manifestement, c'est dû à toute une gamme de facteurs, y compris l'utilisation - que j'ai mentionnée dans mon exposé - et peut-être en partie à cause de ce qui se passe du côté des médicaments génériques.
En ce qui concerne le montant global que nous consacrons aux médicaments, je n'en suis pas certain. Vous semblez avoir des chiffres. Mes collaborateurs me disent que ce ne sont pas nécessairement les mêmes que les nôtres, mais il y a peut-être des raisons à cela comme par exemple des différences dans le régime d'assurance-médicaments. Je n'en sais rien, mais nous serions heureux d'en discuter d'une façon plus détaillée.
Le fait que le prix des médicaments d'ordonnance qui relèvent de l'autorité du ressort du CEPMB, a diminué ne signifie pas nécessairement que les prix sont justes. Pour les autres raisons que j'ai données, ils étaient peut-être trop élevés au départ.
Je pense que l'on peut dire que dans tous les secteurs de la santé, partout au pays, on a freiné la hausse des coûts. Or nous apprenons des représentants du ministère de la Santé et de M. Dingwall qui ont témoigné ici que ce n'est pas le cas en ce qui concerne les médicaments. C'est un problème très réel. Le projet de loi C-91 ne représente pas le seul élément du problème - je l'ai signalé également au cours de mon exposé - mais constitue incontestablement un élément du problème.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Ce sera la dernière.
[Traduction]
M. Morris Bodnar: J'ai une question. Évidemment j'en ai d'autres, mais je n'aurai pas le temps de les poser.
Si nous modifions la période de protection des brevets des médicaments, on va assister à la destruction de l'industrie biotechnologique dans ma province. Ce genre d'industrie peut facilement plier arme et bagage comme ce fut le cas lors des changements relatifs à un retour à l'homologation survenus dans l'industrie pharmaceutique il y a quelques années. Il en fut également de même quelques années plus tôt pour l'industrie agrochimique qui a quitté le pays. Je ne veux pas que cela arrive à l'industrie biopharmaceutique.
Comme vous l'avez mentionné, monsieur le ministre, confier à un organisme distinct des fonds de recherche - qu'il s'agisse ou non d'un organisme fédéral - pour qu'il les répartisse équitablement partout au pays peut effectivement relever du gouvernement fédéral, mais uniquement pour les médicaments d'ordonnance. La province est-elle disposée à collaborer pour qu'une somme semblable destinée à la recherche soit prélevée sur le secteur générique pour servir également à des travaux de recherche?
M. Cline: Tout d'abord, permettez-moi de dire qu'en ce qui concerne l'industrie agrobiotechnologique et les industries biotechnologiques qui s'implantent dans notre province, vous savez certainement que cela s'inscrit dans le plan stratégique de développement économique de notre gouvernement. Il en est ainsi depuis quelque cinq années depuis que nous sommes arrivés au pouvoir...
M. Morris Bodnar: Les deux gouvernements.
M. Cline: ...oui, et votre gouvernement - dans le but d'en faire la promotion en Saskatchewan. En fait, nous avons connu beaucoup de succès. Permettez-moi de vous signaler que lorsque je dis que les compagnies pharmaceutiques n'ont pas droit à la protection spéciale que le Règlement de liaison offre, cela ne signifie pas que l'industrie biotechnologique en Saskatchewan n'a pas droit à la protection des droits de propriété intellectuelle dont elle jouit actuellement. Néanmoins, il y a divers niveaux d'équité.
Nous proposons comme je l'ai expliqué en détail que même si vous ne modifiez pas le projet de loi C-91, le gouvernement pourrait apporter toute une gamme de modifications d'ordre technique qui seraient équitables. Ces modifications n'auraient aucune incidence sur les droits de propriété intellectuelle dont bénéficie l'industrie biotechnologique en Saskatchewan. Évidemment, nous ne demandons pas que l'on touche à ces droits, pas du tout.
En ce qui concerne votre question sur l'industrie des médicaments génériques, je dois reconnaître que je n'ai pas examiné cet aspect. Je dois toutefois reconnaître que ce secteur a réussi à créer bon nombre d'emplois au Canada. C'est un secteur qui fait certainement de la recherche. Je ne connais pas l'état de leurs finances, mais si ce secteur est en mesure de contribuer à la recherche ce qui nous paraît être le cas, puisqu'elles obtiendraient des bénéfices comme les compagnies de produits brevetés et s'il était équitable qu'elles contribuent à un fonds de recherche qui serait réparti équitablement partout au pays, dans ce cas il ne serait que juste et raisonnable pour la province de la Saskatchewan d'être disposée à collaborer avec le gouvernement fédéral pour mettre en place un tel régime.
Nous sommes très préoccupés, entre autres, par la répartition inéquitable des fonds de recherche au Canada, y compris ceux qui sont accordés par le Conseil de recherches médicales, où la tendance est telle que, si elle n'est pas inversée, six provinces n'auront bientôt plus aucun accès aux fonds fédéraux pour la recherche dans le domaine de la santé. Alors, oui, nous ne demandons pas mieux que de collaborer avec vous à cet égard.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Je vais accorder une question par parti dans le cadre d'un deuxième tour. Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Merci, monsieur le président; vous êtes très attachant.
D'abord, je m'excuse d'avoir manqué une partie de vos échanges, mais j'ai dû quitter la séance parce que le ministre Allan Rock a annoncé des mesures très importantes pour la circonscription que je représente.
Vous avez mentionné à deux reprises qu'à l'instant où l'on se parle, il y a six provinces - vous ne les avez pas identifiées, mais c'est quand même considérable - qui qui n'auront plus de soutien de la part du gouvernement fédéral en matière de recherche et développement. Faites-vous allusion aux réductions dans les transferts? À quoi faites-vous allusion?
[Traduction]
M. Cline: Non. Les six provinces sont les provinces autres que le Québec, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Ce sont les six provinces les plus petites. Je crois, monsieur Ménard, que le budget du Conseil de recherches médicales pour le Canada a été réduit d'environ 10 p. 100, de telle sorte que les fonds fédéraux pour la recherche médicale ont subi une réduction réelle de 36 p. 100 ces dernières années.
Depuis quelques années, la part des fonds que reçoit le Conseil de recherches médicales qui va aux quatre grandes provinces, est passée d'environ 83 p. 100 à environ 92 p. 100. Si la tendance se maintient, au début du siècle prochain, tous les fonds que distribue le Conseil de recherches médicales iront aux quatre grandes provinces. Cette situation n'est pas problématique que pour la Saskatchewan, elle l'est aussi pour la Nouvelle-Écosse et toutes les autres provinces.
Nous essayons notamment, en collaboration avec M. Dingwall, d'insister sur la nécessité d'incorporer des facteurs régionaux dans le système. Il en va de même du fonds d'aide à l'innovation qui a récemment été annoncé dans le budget fédéral. Nous estimons par ailleurs qu'il faut faire quelque chose en ce qui concerne les fonds de recherche fournis par les fabricants de médicaments brevetés.
M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Monsieur Cline, je n'ai pas vraiment de questions à poser, mais je voudrais simplement faire une courte observation, si vous me le permettez.
Tout d'abord, j'ai trouvé votre exposé très équilibré. Le ton m'a plu. Je suis toutefois quelque peu indigné par ce que vous avez dit au début, à savoir que c'est le Comité de l'industrie qui examine le projet de loi à l'étude. C'est aussi le Comité de l'industrie qui défend les intérêts des consommateurs et c'est le Comité de l'industrie auquel on a ajouté un représentant du Comité de la Santé, en l'occurrence le secrétaire parlementaire de la santé, pour veiller à ce que l'examen que nous avons entrepris tienne compte des questions relatives à la santé des Canadiens.
La question que je voudrais poser en mon nom et au nom des patients et des consommateurs de tout le Canada est la suivante: si, selon vous, le statu quo n'arrive pas à faire baisser les prix et les coûts, les cinq propositions que vous avez soumises à l'examen du comité auront-elles pour effet d'abaisser les prix et les coûts pour les consommateurs?
M. Cline: Je tiens tout d'abord à vous dire, monsieur Volpe, que je comprends bien que le Comité de l'industrie se préoccupe aussi des intérêts des consommateurs. Nous ne l'avions pas dit dans notre exposé, et je crois que vous avez eu raison de le souligner.
Nous croyons que les cinq propositions que nous faisons feraient en sorte que les Canadiens auraient accès plus rapidement à des médicaments génériques notamment celles concernant l'abolition du Règlement de liaison et le maintien du pouvoir d'accumuler des réserves. D'après l'expérience que nous en avons, le prix des médicaments génériques correspond aux deux tiers environ de celui des médicaments brevetés. Nous sommes donc effectivement d'avis qu'il serait ainsi possible d'abaisser le prix des médicaments, pas seulement de le freiner, mais de l'abaisser du fait que les médicaments génériques arriveraient sur le marché plus rapidement.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Merci, monsieur le ministre, madame Yeates et monsieur Wilson, d'avoir comparu devant nous ce matin. Je vous remercie pour votre présentation. Je vais maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes pour permettre à nos nouveaux témoins de prendre place.
Le vice-président (M. Pierre Brien): Nous reprenons la séance. Bienvenue aux représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique, l'honorable Mme MacPhail, ministre de la Santé, Mme McFarlane et M. Hudson. Bienvenue au Comité permanent de l'industrie, qui étudie le projet de loi C-91. Nous vous demandons de faire une brève présentation afin que nous ayons plus de temps pour les questions des députés. Nous disposons d'une heure en tout. Donc, sans plus tarder, je vous donne la parole, madame MacPhail.
[Traduction]
L'honorable Joy K. MacPhail (ministre de la Santé, gouvernement de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'être ici. J'aurais sans doute dû apporter de quoi déjeuner pour vous mettre de bonne humeur, mais je n'ai malheureusement rien pu trouver. Je sais que je suis le dernier témoin que vous entendrez aujourd'hui, et je tiens à vous dire comme je vous suis reconnaissante de prendre le temps de nous entendre, d'autant plus qu'il s'agit de votre heure de déjeuner.
En ma qualité de ministre de la Santé, et étant donné que je suis le dernier témoin de la journée, je voudrais faire porter l'attention davantage sur les patients que sur l'industrie. Je sais que mon collègue, l'honorable Eric Cline, vous a aussi parlé dans cette optique.
Je sais bien, que de par son mandat, le comité n'est pas appelé à se pencher sur toute la gamme des questions relatives à l'industrie du médicament, mais il est très important d'examiner la loi sur les médicaments brevetés dans le contexte plus large des soins à donner aux patients.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a de graves préoccupations quant à la façon dont les entreprises pharmaceutiques multinationales exercent actuellement leurs activités au Canada. Nous reconnaissons leur activité qui leur est dictée par le souci de réaliser des bénéfices, mais les médicaments ne sont pas des produits comme les autres. Il ne s'agit pas ici de shampooing ou de grille-pain. Il s'agit d'un élément essentiel du Régime canadien des soins de santé. Nous sommes d'avis que les entreprises pharmaceutiques multinationales ont eu beau jeu jusqu'à maintenant, et il est temps de mettre fin à cela. Il est temps de faire passer l'intérêt des patients avant celui des bénéfices des entreprises pharmaceutiques.
Il me semble que nous sommes aujourd'hui - j'entends par là le comité et nos gouvernements provinciaux - à une croisée de chemins. Le comité a l'occasion de faire beaucoup plus que d'approuver simplement le maintien du statu quo. Vous aurez en fait à choisir entre servir l'intérêt des patients canadiens ou le mettre de côté pour que les entreprises pharmaceutiques multinationales puissent continuer à s'emplir les poches.
Le Forum national sur la santé soutient qu'il nous faut adopter un régime national d'assurance-médicaments pour les Canadiens. La Colombie-Britannique est aussi de cet avis et est disposée à donner l'exemple pour assurer la mise sur pied d'un régime national, mais cet objectif demeurera irréalisable tant que l'actuelle Loi sur les médicaments brevetés sera maintenue telle quelle. Le coût serait tout simplement trop élevé. Si vous n'êtes pas prêts à apporter les modifications nécessaires à la Loi C-91, j'estime qu'il sera impossible de mettre sur pied un régime national d'assurance-médicaments viable et que l'avenir du régime d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique continuera à être menacé.
Il suffit d'extrapoler à partir des estimations les plus prudentes de l'étude de l'Université Queen's pour se rendre compte que la Loi C-91 coûte chaque année des centaines de millions de dollars aux Canadiens. Chaque année, les habitants de ma province, la Colombie-Britannique payent donc à eux seuls quelque 40 millions de dollars de trop en frais de médicaments. Vous trouverez des graphiques à ce sujet dans votre documentation, mais nous les avons ici aussi. Ces 40 millions de dollars pourraient être utilisés à meilleur escient pour étendre la couverture du régime d'assurance-médicaments. Le graphique que vous avez là montre ce qu'il serait possible d'acheter avec un montant pareil: de quoi assurer à 20 000 diabétiques pendant un an environ l'insuline dont ils ont besoin pour survivre; de quoi opérer 2 500 cardiaques dans ma province; de quoi assurer à 8 000 cancéreux pendant un an le traitement dont ils ont besoin. Le coût de la Loi C-91 est bien réel, et il compromet le régime d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique.
Si vous avez le courage de modifier la Loi C-91 et d'apporter d'autres modifications afin de mieux réglementer les entreprises pharmaceutiques multinationales, il sera alors possible d'aller de l'avant et de créer un régime national d'assurance-médicaments viable. La Colombie-Britannique a élaboré un certain nombre d'initiatives qui pourraient contribuer de façon vraiment importante à la réussite d'un régime d'assurance-médicaments national. Ces dernières années, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour améliorer et protéger notre régime d'assurance-médicaments, mais nous savons maintenant que nous ne pouvons pas agir seuls.
Dans l'exposé que je vous présente aujourd'hui, je m'intéresse en particulier à deux grands problèmes. Le premier est le prix excessif des nouveaux médicaments et le second, l'utilisation excessive et abusive des médicaments.
Le prix de la plupart des nouveaux médicaments qui sont mis sur le marché au Canada est excessif, surtout dans le cas des nouveaux médicaments qui ne sont pas vraiment une innovation. Le gouvernement de la Colombie-Britannique est fermement convaincu de la nécessité de protéger au moyen d'un brevet les médicaments révolutionnaires. Nous avons en Colombie-Britannique une industrie de la biotechnologie en pleine croissance, et nous sommes bien conscients des risques que comporte la mise au point de médicaments complètement nouveaux. Les Canadiens ont un urgent besoin que l'on fasse de la recherche fondamentale sur des affections comme la chorée de Huntington ou la maladie d'Alzheimer, pour lesquelles il n'existe pas à l'heure actuelle de traitement pharmacologique.
Il est essentiel de protéger par des brevets les médicaments révolutionnaires si nous voulons encourager la recherche de grande qualité sur les nouveaux médicaments. Pensez aux réalisations des scientifiques canadiens, à commencer par la découverte de l'insuline par Banting et Best. Nous avons une riche tradition de recherche qui nous a permis récemment, par exemple, de mettre au point des médicaments révolutionnaires comme le 3TC pour les sidatiques. Ces percées scientifiques ont profité aussi bien aux patients qu'à l'industrie; elles sont d'une grande valeur et il faudrait les encourager.
Malheureusement, au lieu de concentrer leurs efforts de recherche dans des domaines où les traitements pharmacologiques sont peu nombreux ou inexistants, les entreprises pharmaceutiques se concentrent sur la recherche et la commercialisation de médicaments qui ne diffèrent que très légèrement de ceux qui sont déjà sur le marché. Cela s'explique par le fait qu'il est moins onéreux de mettre au point des médicaments d'imitation qui peuvent plus rapidement être mis sur le marché et rapporter des bénéfices importants tout en étant protégés par la Loi C-91. Un des graphiques que vous avez dans votre documentation indique que plus de 90 p. 100 des nouveaux médicaments qui sont introduits au Canada chaque année, sont des imitations ou des extensions de gamme. Moins de 1 médicament sur 10 représente une véritable percée scientifique.
Étant donné qu'ils ne présentent aucune amélioration thérapeutique d'importance par rapport aux médicaments existants - ils ne font que suivre dans le sillage des véritables innovations - les imitations ne méritent pas d'être protégées par un brevet semblable à celui des médicaments vraiment novateurs ni d'être vendus au même prix de lancement. Il faut modifier la Loi C-91 afin d'encourager l'innovation plutôt que l'imitation.
Vous avez entendu d'autres témoins vous dire que les hausses de prix des médicaments réglementés ont été modestes ces dernières années. Ces assertions sont toutefois affaiblies par une omission importante. Il importe peu que les hausses de prix aient été faibles quand le prix fixé au départ était excessivement élevé, et c'est ce qui se produit de façon systématique, notamment dans le cas des imitations. Je veux simplement vous donner un exemple fondé sur le calcul du coût quotidien pour notre régime d'assurance-médicaments.
Le toradol est sans doute le 15e ou le 16e anti-inflammatoire non stéroïdien à apparaître sur le marché. Comme dans le cas des autres médicaments d'imitation, rien ne prouve qu'il est supérieur à l'ibuprofène, qui coûte 3c. par jour par patient. Cependant, le prix de lancement du toradol a été fixé à 61c. par jour, soit 20 fois plus que le premier.
Vous pouvez voir d'après le graphique suivant à quel point une stratégie de marketing bien pensée permet de s'approprier une part de marché considérable même sans qu'il y ait d'avantages thérapeutiques. Ce graphique montre la situation dans notre province de 1992 à 1995. Le toradol a été prescrit 165 000 fois, comparativement à 140 000 fois pour l'ibuprofène dont le rapport qualité-prix est de beaucoup supérieur, et la différence peut être attribuée entièrement à une stratégie de marketing très énergique.
Je dois vous dire que l'inquiétude que nous avons au sujet des prix élevés ne vise pas que les médicaments brevetés. Nous sommes aussi préoccupés par le prix des médicaments qui, bien qu'ils ne soient pas brevetés, sont produits par un fournisseur unique, en raison du marché très petit ou très spécialisé. Les patients qui ont besoin de ces médicaments sont bien souvent à la merci ni plus ni moins des gros fabricants de médicaments. Les médicaments en question sont susceptibles d'être vendus à des prix excessivement élevés, et ils sont aussi susceptibles de hausses de prix scandaleuses.
Vous trouverez dans votre documentation copie de deux lettres qui montrent bien le problème. Il s'agit de lettres de ma province. L'activase est le puissant déchiqueteur de caillots qui a transformé la façon dont nous gérons la crise cardiaque au stade aigu. Hoffmann-La Roche a récemment imposé une hausse de prix de 500 $ par dose, faisant passer les prix à 2 700 $. Dans ce cas-ci, le fabricant a en fait renoncé à la protection des brevets pour échapper à l'autorité réglementaire du CEPMB. Je sais que cette pratique est depuis peu soumise à la réglementation. Cependant, parce que le médicament en question, l'activase n'est toujours pas visé par la nouvelle réglementation, cette hausse de prix fera augmenter chaque année de 680 000 $ les dépenses de la Colombie-Britannique pour ce seul médicament.
La myasthénie est un trouble neurologique chronique rare qui était autrefois inévitablement fatal. Des médicaments ont été mis au point il y a 40 ans qui peuvent, à condition qu'ils soient pris quotidiennement, restaurer les fonctions normales. En 1995, un fournisseur unique a arbitrairement triplé le prix des médicaments pour les patients souffrant de myasthénie. Encore là, le cadre réglementaire du projet la Loi C-91 ne prévoit aucun recours contre une inflation de prix aussi excessive.
À cause d'exemples comme ceux-là, nous considérons que la réglementation du prix des médicaments devrait s'appliquer aux médicaments qui, sans être brevetés, proviennent d'un fournisseur unique.
Par ailleurs, les obstacles injustes que la Loi C-91 impose aux médicaments génériques qui voudraient concurrencer les médicaments brevetés une fois la protection expirée, contribuent aussi au coût excessivement élevé des médicaments. Cette préoccupation a aussi été exprimée par d'autres.
Les dispositions du projet de la Loi C-91, en ce qui concerne l'avis de conformité, viennent retarder encore plus, et de façon déraisonnable et inutile, l'introduction de médicaments génériques à un prix moins élevé qui pourraient être utilisés par les patients. Le droit canadien en matière de brevets ne prévoit nulle part ailleurs de disposition semblable. Cette disposition dépouille les fabricants de médicament génériques de leurs droits et accorde une protection particulière aux fabricants de médicaments de marque. Elle pourrait facilement être abrogée par le Cabinet fédéral et elle devrait l'être.
La réactivation continuelle de la protection, pratique qui consiste à demander un brevet supplémentaire juste au bon moment afin d'étendre la protection, constitue un autre obstacle à l'arrivée sur le marché des médicaments génériques. Je vous en donne un exemple. Il semble que l'énalapril, antihypertenseur très répandu, soit protégé par plus de 40 brevets distincts. Il s'agit en fait d'un des médicaments dont le brevet a été rétabli aux termes de la loi C-91.
Tous ces obstacles qui s'opposent à l'arrivée sur le marché des médicaments génériques nous nuisent à tous. Aucun d'eux ne résiste aux critères du bon sens comme vous et moi pourrions nous y attendre en tant que Canadiens moyens qui pourraient un jour être des patients.
Qu'il s'agisse d'imitations qui prennent la place de médicaments novateurs, de prix excessifs ou d'obstacles à la mise en marché de médicaments génériques, le résultat est le même. Les entreprises pharmaceutiques multinationales jouissent d'une protection qui n'a rien de comparable avec celles dont jouissent les autres industries. Par conséquent, leur marge bénéficiaire est plus élevée que celle de n'importe quel autre secteur manufacturier. Elle est deux fois plus élevée que celle des banques. Ceux qui paient la note sont les patients et les régimes d'assurance-médicaments, comme notre régime d'assurance-médicaments en Colombie-Britannique, qui est financé à même les deniers publics.
Mettre sur pied un régime national d'assurance-médicaments sans modifier la loi C-91 ne ferait que perpétuer la situation actuelle où l'argent est pris dans les poches des patients et se retrouve dans celles des entreprises pharmaceutiques multinationales. Cela est tout simplement inacceptable.
Je voudrais vous expliquer ce que nous faisons en Colombie-Britannique afin d'en avoir le plus possible pour notre argent en dépit des lacunes de la loi C-91 et pour nous accommoder de la réduction des paiements de transfert au titre de la santé. Vous n'êtes pas sans le savoir, la Colombie-Britannique est, de toutes les provinces, celle qui a le régime d'assurance-médicaments le plus complet, mais ce régime est soumis à des pressions financières énormes en raison du prix des médicaments qui augmente, du prix des nouveaux médicaments et de la prolifération de médicaments d'imitation fort coûteux.
Je veux vous faire part des progrès que nous avons réalisés en Colombie-Britannique afin de préserver et d'étendre en fait notre régime d'assurance-médicaments malgré ces contraintes. Je commencerai par vous décrire notre programme du prix fondé sur l'efficacité avérée des médicaments, qui est le premier de ce genre au Canada. En vertu de ce programme, quand il y a plusieurs médicaments qui ont la même efficacité, le régime paie le prix de celui qui offre le meilleur rapport coût-efficacité. Le programme ne limite en aucune façon ce que peut prescrire le médecin. Ainsi, s'il y a une raison de prescrire un médicament plus coûteux, le régime en assumera néanmoins le coût sur la recommandation du médecin. Le programme du prix fondé sur l'efficacité avérée des médicaments protège les habitants de la Colombie-Britannique contre le coût attribuable à l'utilisation d'imitations coûteuses dans certaines pharmacothérapies répandues. Pour ce faire, le programme fait appel aux meilleures données scientifiques disponibles afin de déterminer quelle est la thérapie qui offre le meilleur rapport coût-efficacité pour une affection donnée.
Permettez-moi de vous montrer comment ce programme d'achat judicieux fonctionne. Le programme devrait nous permettre d'économiser 74 millions de dollars sur deux ans. Voici comment les choses se passent. Nous avons un médicament qui coûte 14c la dose. Ce médicament est aussi efficace sur le plan thérapeutique qu'un nouveau médicament d'imitation qui coûte 1,12 $. Nous payons le prix du médicament qui se vend 14c. la dose. Si le médecin nous dit, «désolé, mais mon patient a besoin de ranitidine», il n'a qu'à envoyer un formulaire et, dans les 24 heures, on peut obtenir l'autorisation de payer le prix du médicament plus coûteux.
Je le répète, ce programme nous aura permis de réduire de 74 millions de dollars sur deux ans les dépenses au titre de notre régime d'assurance-médicaments, dont le coût annuel s'élève à 430 millions de dollars. De cette façon, nos budgets très limités peuvent être utilisés pour assurer au public le meilleur avantage possible, et le régime d'assurance-médicaments paie le prix de traitements thérapeutiques dont l'efficacité est prouvée. Le programme du prix fondé sur l'efficacité avérée des médicaments a été critiqué par les entreprises pharmaceutiques multinationales, mais il donne de bons résultats pour les habitants de la Colombie-Britannique.
En fait, comme l'a fait remarquer le Forum national sur la santé, étant donné l'équilibre de l'intérêt économique, il n'est sans doute pas farfelu de penser que l'effet probable sur le coût des médicaments d'un régime public ou privé de remboursement des médicaments peut se mesurer au ton et à vigueur de la réaction de l'industrie. Je vous dirai que la réaction de l'industrie à notre programme du prix fondé sur l'efficacité avérée des médicaments a été énergique, vigoureuse et implacable. L'industrie a perdu la première poursuite judiciaire qu'elle a intentée contre nous, mais elle ira en appel.
Je me permets d'ajouter que nous avons réinvesti dans notre régime d'assurance-médicaments toutes les économies que nous avons réalisées grâce à notre programme du prix fondé sur l'efficacité avérée des médicaments. Nous remboursons maintenant de nouveaux médicaments aux patients atteints de la fibrose cystique. Nous venons d'inscrire sur la liste des médicaments remboursés, le betaseron, un médicament qui constitue une découverte dans le domaine du traitement de la sclérose en plaques.
Le programme du prix fondé sur l'efficacité avérée des médicaments est une réussite en Colombie-Britannique, mais à long terme, il faudra que le gouvernement fédéral y participe. Ce n'est que par des modifications au projet de loi C-91 que la Colombie-Britannique pourra maintenir son régime d'assurance-médicaments et qu'on pourra créer éventuellement un programme national d'assurance-médicaments viable.
Je recommande donc que le gouvernement fédéral prenne les mesures voulues pour réduire le prix des nouveaux médicaments en limitant la protection accordée aux médicaments d'imitation et en rabaissant le prix de lancement de ceux-ci. Pour que le patient puisse avoir accès plus tôt à des médicaments génériques abordables, le Cabinet devrait supprimer immédiatement la disposition relative au Règlement de liaison sur les avis de conformité et mettre fin à l'abus que constitue le cumul des brevets. Afin de protéger les patients qui ont besoin de pharmacothérapie spécialisée, la réglementation touchant les prix devrait également s'appliquer aux médicaments non brevetés en fournisseur unique.
Cela m'amène maintenant à vous parler de ma deuxième préoccupation d'importance, soit le recours abusif aux médicaments attribuables aux pratiques de commercialisation des sociétés de médicaments multinationales. Le projet de loi C-91 contourne à dessein ce problème qui doit pourtant être réglé par voie législative. L'industrie pharmaceutique canadienne consacre plus d'argent à la commercialisation qu'à la recherche. En 1995, elle a consacré 16 p. 100 de son chiffre d'affaires à la commercialisation contre 12 p. 100 à la recherche et au développement. Elle a donc consacré à la commercialisation 950 millions de dollars. Or, on ne consacre pas autant d'argent aux 16 écoles de médecine au Canada.
Dans son journal, l'Association médicale canadienne rapportait récemment les propos de spécialistes qui disent avoir de sérieuses réserves quant à la façon dont les fabricants de médicament s'auto-réglementent pour ce qui est de la promotion de leurs produits auprès des médecins. Au Canada, les sociétés de médicaments multinationales sont à peu près libres de faire ce qu'elles veulent dans ce domaine et on peut dire qu'il n'y a pas vraiment d'auto-réglementation. À l'heure actuelle, les médecins canadiens obtiennent la plupart de leurs informations au sujet des nouveaux médicaments directement auprès des agents de vente des fabricants de médicaments ou par la publicité qui leur est envoyée. Il suffit de savoir que l'industrie du médicament consacre en moyenne 20 000 $ par médecin aux efforts de commercialisation. J'estime que les médecins ont pourtant besoin d'une information impartiale au sujet des nouveaux médicaments et non d'une information visant à mousser les ventes d'un produit donné. Ils méritent d'ailleurs cette information impartiale. Le fait est que l'industrie du médicament, par ses efforts de commercialisation, vise à encourager un recours accru aux médicaments et pas nécessairement un recours adéquat aux médicaments.
Les pratiques actuelles en matière de commercialisation des sociétés de médicaments multinationales placent vraiment nos médecins dans une situation difficile. À la création du régime d'assurance-médicaments, le médecin type devait connaître au plus 200 médicaments, mais aujourd'hui plus de 2 500 médicaments sont sur le marché, et ce nombre augmente tous les mois.
Afin d'inciter les médecins à adopter leurs produits, les fabricants de médicaments les bombardent littéralement de brochures publicitaires très spécifiques. On les inonde également d'échantillons de médicaments gratuits. À titre d'exemple, les fabricants de médicaments donnent des échantillons gratuits d'antibiotiques puissants, les quinalones, et la distribution de ces échantillons contribue à une augmentation alarmante de la résistance aux antibiotiques.
C'est à la faculté de médecine que doit s'établir une véritable relation professionnelle entre les médecins et les fabricants de médicaments. La faculté de médecine McMaster à Hamilton a créé un important précédent en limitant les activités promotionnelles des sociétés de médicaments auprès des enseignants.
En Colombie-Britannique, nous ne nous inquiétons pas simplement du fait que ces efforts promotionnels visent les médecins. Nous nous inquiétons également de l'incidence de la publicité sur les médicaments visant directement les consommateurs. Les habitants de la Colombie-Britannique souhaitent de l'information sur les médicaments d'ordonnance, mais ne souhaitent pas que cette information soit de nature publicitaire. La publicité sur les médicaments visant les consommateurs n'a qu'un seul but, et c'est celui d'accroître les ventes. Ceux qui prétendraient le contraire défendraient la même position que les fabricants de cigarettes.
Pour se convaincre du fait que tel est bien l'objectif de la publicité visant les consommateurs, il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis. En quelques années, les fabricants de médicaments ont décuplé les sommes consacrées à la publicité visant directement les consommateurs. Nous ne pouvons pas nous permettre cela, et nous ne voulons pas non plus que ce genre de publicité se répande au Canada. Sur le vol de nuit que j'ai pris pour me rendre ici, j'ai lu un magazine acheté au Canada. Voici une annonce publicitaire - que vous retrouverez dans la trousse qui vous a été remise - tirée de Redbook, un magazine américain pour femmes à fort tirage. Les magazines américains vendus au Canada contiennent tous ce genre d'annonces publicitaires. L'annonce fait la promotion de Serevent, un médicament utilisé dans le traitement de l'asthme au sujet duquel notre gouvernement a de sérieuses réserves. Nous l'avons inscrit sur la liste des médicaments qui exigent une autorisation spéciale. Or, on fait la promotion de ce médicament auprès des consommateurs comme s'il s'agissait d'un produit de beauté.
Lorsque je voyage aux États-Unis et que je vois des magazines américains - et je confesse lire les magazines pour femmes lorsque je voyage et que je me détends - je suis étonnée de voir que certains magazines contiennent plus d'annonces publicitaires sur les médicaments que sur les produits de beauté. Les deux types d'annonces établissent un lien entre la jeunesse, la beauté et le bien-être et le produit annoncé. Le seul but de l'annonce c'est de convaincre le consommateur non éclairé qu'il a besoin du produit.
J'aimerais vous expliquer ce que nous faisons en Colombie-Britannique pour fournir aux consommateurs une information scientifique indépendante. Voici les trois moyens que nous avons pris pour offrir aux consommateurs autre chose que la publicité dont les inondent les fabricants de médicaments.
Il y a d'abord l'initiative thérapeutique. Dans le cadre de cette initiative, les médecins et les pharmaciens évaluent de concert les nouveaux médicaments pour en établir l'efficacité clinique. Cette évaluation se fonde sur les données scientifiques les plus crédibles.
La deuxième initiative consiste à évaluer les avantages-coûts des différentes pharmacothérapies. Il ne s'agit pas simplement d'en évaluer les avantages-coûts à court terme. On cherche à établir les avantages-coûts à long terme de ces pharmacothérapies ainsi que de l'ensemble du régime de soins de santé.
Enfin, nous avons mis en oeuvre un projet pilote sur la côte nord du bas de la vallée du Fraser. Il s'agit d'un programme communautaire d'utilisation des médicaments qui offre aux médecins une information impartiale sur les médicaments, qui leur permet de prendre des décisions judicieuses dans ce domaine. Des professionnels de la santé impartiaux rendent visite aux médecins pour leur fournir une information exacte sur les médicaments. Nous attirons les médecins à ces séances d'information en annonçant qu'on leur servira de la pizza, mais une fois sur place, les médecins doivent acheter leur pizza. On ne prend aucun moyen détourné pour les amener à participer aux séances.
Comme pour ce qui est du prix des médicaments, une intervention à l'échelle nationale s'impose dans ce domaine. Je recommande que le gouvernement fédéral réglemente les campagnes publicitaires de l'industrie du médicament qui visent les médecins. Il faut que les initiatives dont nous venons de vous parler comme COHTA soient mises en oeuvre à l'échelle nationale et qu'on adopte aussi des stratégies adéquates visant à bien renseigner les étudiants en médecine sur les médicaments. Il faut interdire la publicité sur les médicaments ciblant directement les consommateurs et limiter aussi les efforts promotionnels des sociétés de médicaments dans les facultés de médecine canadiennes. Ce n'est que de cette façon que l'utilisation des médicaments au Canada sera fondée sur des considérations scientifiques plutôt que sur le désir des fabricants de médicaments d'augmenter leurs ventes. Nous attacherons ainsi plus d'importance aux besoins des patients qu'aux bénéfices des sociétés de médicaments multinationales.
Monsieur le président, je conclus mes remarques en vous rappelant que la Loi sur les médicaments brevetés n'intéresse pas seulement l'industrie. Elle intéresse tous les Canadiens étant donné que c'est leur santé qui est en cause. L'adoption d'un régime national d'assurance-médicaments viable s'impose, mais ce régime ne verra jamais le jour si le projet de loi C-91 demeure inchangé.
Je sais que vous devez soumettre votre rapport sous peu, mais je suis convaincue que vous tiendrez compte de mes observations. Les recommandations que vous formulerez dans ce rapport auront une incidence sur les millions de Canadiens qui ont recours aux pharmacothérapies. Je vous dis donc ceci au nom des habitants de ma province, la Colombie-Britannique, et au nom de tous les Canadiens: prenez position en faveur des patients et en faveur d'un régime national d'assurance-médicaments.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Merci de votre présentation, madame la ministre. Je vais maintenant donner la parole à M. Ménard pour 10 minutes.
M. Réal Ménard: J'ai beaucoup apprécié votre présentation. Je me suis dit que vous étiez certainement de ces ministres qui font bouger les choses. J'apprécie surtout l'humanisme qui se dégage de votre présentation et le parti pris que vous avez pour les consommateurs et les gens malades.
Vous avez présenté plusieurs points plutôt inédits qui n'ont pas été soulevés par d'autres témoins. Je voudrais revenir sur trois aspects de votre présentation à des fins pédagogiques.
Vous avez parlé de Hoffmann-La Roche, dont vous avez déploré le geste. La compagnie s'est soustraite à la réglementation et a abandonné un brevet, ce qui a entraîné des coûts considérables pour les régimes publics. Je voudrais que vous nous disiez très clairement de quoi il s'agit. J'espère que ce sera noté très clairement au compte rendu de notre comité pour que nous puissions partager votre indignation, si tant est qu'on comprend bien ce à quoi vous faites allusion.
[Traduction]
Mme MacPhail: La trousse contient une lettre donnant des détails sur les médicaments auxquels je vais faire allusion, et on se reportera donc à cette lettre si je fais maintenant une erreur. Il s'agit d'une lettre signée par le Dr Nakagawa, un pharmacien.
Cette pharmacothérapie n'est pas nouvelle. Le médicament n'a pas été modifié à l'issue de nouvelles recherches. Il s'agit cependant d'un médicament à fournisseur unique, et le fabricant vient juste d'annoncer...
[Français]
M. Réal Ménard: Dois-je comprendre que le brevet de ce médicament était expiré et que Hoffmann-La Roche n'était pas soumise à l'autorité du Conseil?
[Traduction]
Mme MacPhail: Le fabricant a renoncé au brevet. Il a dit qu'il n'avait pas besoin d'un brevet puisqu'il était le seul à fabriquer ce médicament. Il a donc renoncé au brevet pour éviter d'être assujetti aux décisions du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. De cette façon, le fabricant échappait à tout contrôle. Comme il était le seul à fabriquer ce médicament, il a pris un risque minime en renonçant au brevet. Comme cette société n'est assujettie à aucune réglementation, elle a augmenté le prix du médicament de 500 $.
Qu'on songe à ce que cela signifie pour le patient qui a besoin de ce médicament. C'est vraiment inacceptable. Rien ne justifiait une augmentation de coût. En fait, le fabricant a simplement décidé de demander le prix fort pour son produit.
[Français]
M. Réal Ménard: Monsieur le président, comme moi, vous avez pris bonne note de ce que le témoin nous a dit. J'espère que d'ici la fin de nos travaux, Hoffmann-La Roche trouvera le moyen de s'expliquer. Nous savons qu'à certains égards, elle a été un excellent citoyen corporatif, mais des pratiques comme celles que vous décrivez me sont totalement inacceptables.
Vous avez également parlé d'un autre exemple ou d'un détail technique qui a permis que le Conseil d'examen ne soit pas tenu d'intervenir. Je n'ai pas compris de quoi il s'agissait. Vous avez donné deux exemples, dont le premier concernait Hoffmann-La Roche. Quel était le deuxième?
[Traduction]
Mme MacPhail: Il s'agit du médicament prescrit à ceux qui souffrent de myasthénie. C'est un vieux médicament. Sa découverte remonte à 40 ans, il n'est pas breveté. Il s'agit d'un médicament à fournisseur unique. Son prix n'est donc pas réglementé par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Le fabricant a encore augmenté considérablement le prix de ce médicament.
Nous soutenons qu'il s'impose de réglementer le prix de médicaments à fournisseur unique pour la raison même que le fait que personne d'autre ne fabrique ce médicament fait en sorte qu'il n'y a pas de concurrence sur le marché pour ce qui est des prix. Le patient ne peut se procurer ce médicament qu'auprès de ce fabricant et nous nous trouvons dans la même situation que lui. Comme consommateurs, nous n'avons pas le choix et devons nous approvisionner auprès de ce fournisseur.
[Français]
M. Réal Ménard: Dans ce cas, est-ce que le Conseil d'examen a été incapable d'intervenir parce que le brevet était expiré?
[Traduction]
Mme MacPhail: Oui.
[Français]
M. Réal Ménard: Vous dites donc que lorsque les brevets sont expirés, des pratiques extrêmement odieuses peuvent parfois être mises de l'avant et vous recommandez au comité de se pencher sur cet élément très précis de la réalité au niveau du contrôle des médicaments.
[Traduction]
Mme MacPhail: Seulement pour les médicaments à fournisseur unique puisqu'on ne peut pas se procurer ailleurs le médicament.
[Français]
M. Réal Ménard: D'accord. Vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence de la publicité que font les compagnies pharmaceutiques auprès des médecins. Vous avez dit qu'en moyenne, les compagnies pharmaceutiques investissaient 20 000 $ par médecin pour les convaincre de l'efficacité de tel ou tel produit. Vous avez dit qu'un médecin devait connaître en moyenne 200 produits, mais que la publicité l'inondait de 2 500 produits. Vous nous avez fait voir l'ordre de grandeur et la distorsion qui existe entre ce qu'a besoin de connaître un médecin et la pression qu'il vit au niveau d'une éventuelle prescription de médicaments.
Vous avez dit que parmi les dépenses engagées par les compagnies pharmaceutiques, 16 p. 100 allaient à la commercialisation et 12 p. 100 à la recherche et au développement. Cependant, il faut faire attention. J'aimerais que vous puissiez déposer auprès du comité les sources sur lesquelles vous basez vos affirmations, parce que c'est intéressant. Êtes-vous d'accord avec moi qu'à l'instant où on se parle, il est interdit de faire de la publicité sur les médicaments d'ordonnance?
[Traduction]
Mme MacPhail: Directement aux consommateurs.
[Français]
M. Réal Ménard: Auprès des consommateurs. Ce que vous voulez, c'est que l'on soit...
[Traduction]
Mme MacPhail: Oui.
[Français]
M. Réal Ménard: ...plus sévère quant à la publicité destinée aux médecins. C'est cela que vous souhaitez?
[Traduction]
Mme MacPhail: Je dis d'abord que c'est une illusion de croire qu'il n'y a pas de publicité qui s'adresse directement aux consommateurs. L'annonce publicitaire que je vous ai montrée, figurait dans un magazine acheté au Canada. Vous pouvez vous rendre au bureau de tabac ou au magasin du coin, ici à Ottawa et acheter une dizaine de revues américaines, contenant des annonces publicitaires s'adressant directement aux consommateurs.
Les statistiques portant sur le pourcentage des ventes de médicament, qui est consacré à la publicité ont été établies par un spécialiste canadien de la question, le Dr Joel Lexchin. Son article portant sur la capacité d'autoréglementation des sociétés de médicaments paraissait récemment dans le Journal de l'Association médicale canadienne. Il est un spécialiste de renom.
[Français]
M. Réal Ménard: En tout cas, si jamais c'était possible, j'aimerais que vous déposiez ces renseignements relativement aux médecins auprès de notre comité. Monsieur le président, vous savez comme les documents nous sont précieux. Vous-même, vous les consultez. Je le sais. Vous êtes un homme extrêmement assidu à la lecture.
Vous apportez un point de vue inédit que peu de personnes ont soulevé. Vous avez vraiment une présentation très originale, très intéressante et très avant-gardiste. Je pense que nous devrons, comme membres du comité, intervenir sur un certain nombre de sujets que vous avez portés à notre connaissance, particulièrement le comportement de Hoffmann-La Roche.
Cela étant dit, vous allez reconnaître avec moi qu'il faut souhaiter que les compagnies pharmaceutiques fassent de la recherche et du développement. Par contre, quant à la partie des revenus autonomes que les compagnies pharmaceutiques investissent dans la commercialisation à l'intention des médecins, je crois que c'est leur prérogative. Ne croyez-vous pas qu'il faut faire une distinction entre la publicité que l'on fait auprès des consommateurs et celle que les compagnies pharmaceutiques font auprès des médecins?
[Traduction]
Mme MacPhail: Oui, mais j'aimerais préciser clairement qu'il a été établi que dans notre province, la publicité ciblant les médecins, les amène à prescrire trop de médicaments, sans que cela se traduise par une amélioration de la santé des patients auxquels ils les prescrivent.
J'ai un autre exemple à vous donner. Je ne l'ai pas inclus dans la trousse à votre intention, parce que j'ai moi-même trouvé que cette annonce dépassait les bornes. On lit sur cette annonce «J'ai un rendez-vous avec la mort». On lit plus haut le nom d'une société de médicaments, Coreg, et ensuite: «Appelez et annulez». C'est une annonce qui s'adresse directement aux médecins. Cette annonce ne contient aucune information. C'est une bonne annonce, mais elle ne renseigne pas du tout les médecins sur ce médicament. Elle paraît cependant dans un journal médical. Je ne voulais pas l'inclure dans cette trousse pour étayer mes arguments sur la publicité s'adressant directement aux consommateurs, puisqu'elle s'adresse aux médecins.
Permettez-moi de préciser quel est le pourcentage de la recherche qui aboutit à de nouvelles découvertes. Un pourcentage vraiment minime des fonds de recherche sont affectés à la recherche sur les nouvelles découvertes.
Parlons maintenant des médecins et de fournisseurs de soins de santé...
[Français]
M. Réal Ménard: Vous êtes en voie de déraper un peu.
Faites attention, parce que vous connaissez toute l'importance qu'on accorde à la justesse des faits. En tant que membres de ce comité, nous avons eu accès aux chiffres avancés dans les rapports annuels du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Comme vous le savez - je ne pense pas, à vue d'oeil, que vous ayez beaucoup plus que 35 ans - dans le cadre de ses recommandations qu'elle déposait il n'y a pas tout à fait 10 ans, la Commission Eastman, dirigée par un Canadien d'origine suisse, disait qu'il n'y avait pas d'industrie de recherche autochtone au Canada.
Il faut quand même reconnaître que depuis l'adoption du projet de loi C-91, l'industrie du médicament d'origine a investi près de 600 millions de dollars. Alors, vous ne pouvez quand même pas prétendre qu'il n'y a pas eu de recherche et d'innovation. Je vous invite à faire preuve d'un peu de prudence. Ceci ne veut toutefois pas dire qu'il ne faut pas revoir certains aspects de la réglementation.
Monsieur le président, quand on fait circuler de telles choses, il y a lieu de s'inquiéter. D'ailleurs, je vais vous les montrer, monsieur le président.
Le vice-président (M. Pierre Brien): Ce sera votre dernier commentaire. Je donne la parole à Mme MacPhail et ensuite à M. Hill.
[Traduction]
Mme MacPhail: Pour ce qui est de la publicité destinée aux médecins, il a été établi qu'une fois qu'un médicament coûteux est mis en marché et que les fabricants de médicaments commencent à en faire la promotion auprès des médecins, ceux-ci se mettent à prescrire ce médicament, ce qui coûte très cher au régime d'assurance-médicaments. Cela ne fait aucun doute.
J'ajoute que les médecins eux-mêmes, en particulier les jeunes médecins et les étudiants en médecine avec lesquels je me suis entretenue, réclament une information impartiale au sujet des médicaments. Ils la réclament même désespérément.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Monsieur Hill maintenant.
[Traduction]
M. Grant Hill: Je vous remercie beaucoup.
J'ai lu dans votre mémoire que la marge bénéficiaire des fabricants de médicaments était plus élevée que celle des banques. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet.
Mme MacPhail: D'après Statistique Canada, la marge bénéficiaire des banques est 14 p. 100, et celle des fabricants de médicaments 28 p. 100.
M. Grant Hill: Pourriez-vous me donner votre source?
Mme MacPhail: Oui. Il s'agit des bénéfices avant impôt, et je veillerai à vous donner la source.
M. Grant Hill: Très bien.
L'exemple de la néostigmine, le médicament utilisé pour traiter la myasthénie, m'a beaucoup intéressé. J'ai pratiqué la médecine pendant 25 ans, et je n'ai diagnostiqué que deux cas de myasthénie. Il est vrai que j'étais médecin de famille et non pas neurologue. Pourriez-vous me dire pourquoi Hoffmann-La Roche est la seule société pharmaceutique à fabriquer ce médicament.
Mme MacPhail: Je répète que je ne suis ni économiste ni spécialiste des soins de santé, mais que je m'intéresse de près au régime de santé puisque c'est ma responsabilité.
On me dit que ce médicament est très efficace. Comme vous le faites remarquer, il est vrai qu'il n'est pas très souvent prescrit et il ne serait donc pas rentable pour une autre société pharmaceutique d'investir les fonds nécessaires pour produire un nouveau médicament. C'est la façon dont je comprends les choses.
M. Grant Hill: Disons que l'équipement dont se servait la société pour fabriquer ce médicament était désuet et qu'il y a fallu investir des sommes importantes pour le remplacer. C'était la chose à faire. C'est ce qui est arrivé dans le cas de ce médicament.
Mme MacPhail: Vraiment?
M. Grant Hill: Oui.
Mme MacPhail: Non. Nous nous sommes renseignés auprès des fabricants des deux médicaments à fournisseur unique que je vous ai mentionnés pour voir si l'augmentation du prix du médicament n'était pas attribuable à un facteur de ce genre. Mais ce n'était pas le cas. Nous nous sommes renseignés.
M. Grant Hill: Je ne suis pas sûr que vous ayez bien fait vos recherches, mais quoi qu'il en soit...
Mme MacPhail: Qu'on me reprenne si je me suis trompée.
M. Grant Hill: La question est de savoir si vous ordonneriez le retrait de ce médicament du marché si le fabricant ne pouvait pas le commercialiser efficacement. Ordonneriez-vous son retrait du marché? Feriez-vous en sorte que le produit soit fabriqué dans un autre pays, ce qui signifierait qu'il faudrait l'importer au Canada?
Mme MacPhail: Le médicament est nécessaire.
M. Grant Hill: En effet.
Mme MacPhail: Le médicament est nécessaire et nous admettons que les fabricants de médicaments ont le droit de faire des bénéfices, mais pas de bénéfices excessifs.
M. Grant Hill: Il s'agit de l'une de ces maladies pour lesquelles il n'est pas rentable... Bon nombre des patients qui doivent prendre ce médicament et qui se trouvent dans des régions du pays où il n'y a pas de régime d'assurance-médicaments, l'obtiennent gratuitement. Le fabricant offre le médicament gratuitement.
Mme MacPhail: Nous ne soutenons pas que ce fabricant devrait cesser de produire ce médicament parce qu'il est charitable ou qu'il faudrait le traiter autrement que les fabricants de médicaments brevetés simplement parce qu'il a le monopole du marché. Selon nous, le prix du médicament devrait être réglementé tout comme le prix des médicaments brevetés le sont. Voilà tout.
M. Grant Hill: L'imposition d'une telle réglementation amènerait les fabricants de médicaments à cesser de fabriquer ces médicaments orphelins de telle sorte qu'ils ne seraient plus disponibles pour les deux patients dont je vous ai parlé...
Mme MacPhail: Qu'est-ce qui les amènerait à le faire si on leur permet de faire des bénéfices?
M. Grant Hill: Bien...
Mme MacPhail: Il n'est pas nécessaire d'ouvrir le débat là-dessus.
M. Grant Hill: Je continue à croire que si le prix des médicaments orphelins est réglementé, ils cesseront d'être fabriqués au Canada. C'est surprenant que vous ayez choisi cet exemple. Il s'agit d'un médicament auquel je m'intéresse de près.
Mme MacPhail: Nous nous y intéressons de près également. Nous pouvons aussi présumer que les grandes sociétés de médicaments multinationales ne produisent pas un seul médicament, mais un éventail de médicaments. Il y a donc inter-financement des médicaments. Ils ne produisent pas ces médicaments par altruisme, mais parce que les 2 500 médicaments qui sont sur le marché leur rapportent des bénéfices.
M. Grant Hill: Vous avez fait des remarques plutôt agressives, disant que les médicaments d'imitation, sont vraiment inutiles. Le Dr Hudson hoche la tête, disant que ce n'est pas exact. Vous avez été plutôt ferme dans vos commentaires, disant qu'une commercialisation agressive était la seule raison pour laquelle on utilisait des médicaments qui n'apportaient qu'une infime amélioration.
Mme MacPhail: Il n'y a pas d'augmentation de la valeur thérapeutique.
M. Grant Hill: Il n'y a pas d'augmentation de la valeur thérapeutique?
Mme MacPhail: Je ne dis pas qu'ils sont inutiles.
M. Grant Hill: Je reviens au Dr Hudson, qui hochait la tête la dernière fois qu'on l'a dit. Êtes-vous d'accord?
Dr Rick Hudson (directeur, Unité de soutien clinique, ministère de la Santé et ministère responsable des Personnes âgées, gouvernement de la Colombie-Britannique): Oui, je suis d'accord.
M. Grant Hill: Il n'y a pas d'amélioration?
Mme MacPhail: Il n'était pas d'accord lorsque vous avez dit que, d'après moi, ils étaient inutiles.
M. Grant Hill: S'il n'y a pas d'amélioration sur le plan thérapeutique, disons qu'ils sont inutiles à des fins pratiques. Diriez-vous cela?
Mme MacPhail: Non.
Dr Hudson: Non. Nous savons que ces médicaments se comparent à un placebo plutôt qu'à un traitement normal dans la pratique, et permet au médecin d'éviter habilement toute information comparative. L'initiative thérapeutique entreprise par exemple en Colombie-Britannique, visait à trouver des informations réelles et elles n'existent tout simplement pas dans la documentation scientifique. Je suis persuadé que les sociétés pharmaceutiques peuvent vous fournir des foules d'études internes, mais il n'existe tout simplement pas d'information dans les journaux scientifiques examinés par des pairs. Et même les sociétés, au moment de présenter leur demande au Conseil de recherche médicale, déclarent que leur produit, apporte peu d'amélioration, ou n'en apporte aucune.
M. Grant Hill: C'est une déclaration très générale, et beaucoup trop générale, à mon avis. Il y a des cas pour lesquels vous avez raison, mais je crains que votre déclaration ne soit beaucoup trop générale.
Mme MacPhail: Savez-vous de quoi nous avons besoin, par conséquent, pour vous les médecins? Nous avons besoin d'un groupe indépendant qui nous fournisse les données réelles, tout comme le fait l'initiative thérapeutique. Dans le cadre de cette initiative, on utilise des preuves scientifiques et indépendantes pour déterminer l'avantage thérapeutique d'un médicament. Une initiative économique concernant les produits pharmaceutiques détermine la rentabilité du médicament.
M. Grant Hill: À ce sujet, nous sommes tout à fait d'accord. Je ne pourrais pas être plus d'accord.
Je pense que je vais m'arrêter ici.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Merci. Monsieur Murray, à vous la parole.
[Traduction]
M. Ian Murray (Lanark - Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, je vous remercie beaucoup, vous et vos collègues, de vous être joints à nous. Nous avons attendu longtemps votre visite et nous l'apprécions.
Vous avez lancé toute une attaque contre l'industrie des produits pharmaceutiques de marque. Au début de votre exposé, vous avez mentionné que les Canadiens avaient grandement besoin de recherche fondamentale sur des maladies comme celle de Huntington et la maladie d'Alzheimer, pour lesquelles il n'y a actuellement aucune pharmacothérapie. Êtes-vous au courant des recherches qui sont effectuées par les sociétés de produits pharmaceutiques de marque dans ce domaine? Je me demande seulement ce que vous être au courant de la recherche effectuée au Canada.
Mme MacPhail: Voulez-vous dire en général, par les sociétés de médicaments de marque?
M. Ian Murray: Savez-vous si les sociétés de produits pharmaceutiques de marque, effectuent ou non des travaux de recherche sur ces maladies?
Mme MacPhail: Oui, on en effectue. De fait, une partie de cette recherche, s'effectue en Colombie-Britannique.
M. Ian Murray: Serait-il raisonnable de penser que de telles recherches n'auraient pas lieu si les entreprises de produits pharmaceutiques de marque n'y voyaient pas la possibilité d'un profit, si vous voulez? Ne serait-ce pas alors à l'avantage du Canada? Si nous essayons d'en arriver là, je me demande pourquoi vous n'avez pas dit grand chose de positif dans votre exposé au sujet des entreprises de produits pharmaceutiques de marque.
Mme MacPhail: Je suis totalement en faveur de la recherche pour découvrir des médicaments révolutionnaires. J'appuie totalement ce type de recherche. Dans ma province, nous sommes sur le point de prendre la tête dans la recherche biotechnologique. C'est très enthousiasmant. Je crois que les recherches qui aboutiront à des découvertes dans le traitement de la maladie d'Alzheimer, seront celles qu'effectue un ancien député de la province, le Dr Patrick McGeer. Je suis très en faveur de ce type de recherche.
Je sais également qu'un bon pourcentage des recherches que prétendent effectuer les sociétés de produits pharmaceutiques de marque sont seulement des essais cliniques obligatoires et n'ont rien à voir avec la recherche en vue de faire des découvertes capitales.
Je sais que certains d'entre vous partirez d'ici en disant que nous faisons une guerre sainte aux fabricants de produits pharmaceutiques de marque, mais ce n'est tout simplement pas le cas. J'ai rencontré des fabricants de produits pharmaceutiques de marque le mois dernier et je leur ai demandé de travailler en partenariat, parce que le régime de soins de santé est la question la plus importante pour les Canadiens. Tout ce que nous faisons dans la cadre de notre régime de soins de santé doit se faire en partenariat. Je n'ai cependant pas encore reçu de réponse.
M. Ian Murray: Vous avez mentionné l'industrie biopharmaceutique florissante en Colombie-Britannique. Êtes-vous en désaccord avec ces entreprises qui disent que la protection accordée actuellement par les brevets est essentielle pour encourager les investissements dans cette industrie?
Mme MacPhail: Je ne contesterai certainement pas les brevets de 20 ans et je ne l'ai pas fait au nom de mon gouvernement. J'accepte cette disposition comme faisant partie de nos lois sur les brevets pharmaceutiques. Je suggère cependant que votre comité et par la suite le gouvernement fédéral aient en l'occurrence l'occasion de modifier la prolongation de ce brevet de 10 ans et par conséquent l'accès à un marché exclusif en ce qui concerne le lien avec l'avis de conformité et ce que je considère comme une pratique vraiment abusive de reconduction à perpétuité des brevets. Mais je suis d'accord, en ce qui concerne le principe d'un brevet de 20 ans.
M. Ian Murray: J'ai une courte question à poser - je veux donner une partie de mon temps à mon collègue - au sujet de la commercialisation auprès des médecins.
Vous avez mentionné votre projet dans le cadre duquel des professionnels de la santé impartiaux se rendent chez les médecins pour leur donner des renseignements exacts sur des médicaments, sans faire de baratins publicitaires. Je voulais seulement savoir comment ces spécialistes de la santé sont informés au sujet des médicaments. Lorsque de nouveaux médicaments arrivent sur le marché, où se renseignent-ils à leur sujet?
Mme MacPhail: Ils sont eux-mêmes pharmaciens. Le programme concerne également des recherches indépendantes et l'initiative thérapeutique.
Dr Hudson: Lorsque les médecins ont besoin de savoir comment traiter la pneumonie d'origine communautaire, par exemple, les médicaments de choix sont bon marché, sûrs et génériques. Lorsqu'ils reçoivent la visite d'un représentant d'une société pharmaceutique, on leur dira d'utiliser l'antibiotique dernier cri, la nouveauté dispendieuse et tape-à-l'oeil. Essentiellement, il est difficile pour des médecins pratiquants très occupés d'obtenir une vue d'ensemble du traitement le plus récent, parce que le travail des visiteurs médicaux met l'accent sur un produit. Ces renseignements sont disponibles. L'initiative thérapeutique en Colombie-Britannique publie un bulletin d'information destiné à tous les médecins de la province qui prescrivent des ordonnances, au sujet des connaissances les plus récentes en la matière. Je crois que le comité en a entendu parler. Notre problème vient du fait que les médicaments de premier choix pour la plupart des infections d'origine communautaire sont génériques, et personne ne préconise leur utilisation.
M. Ian Murray: Pour économiser du temps, je cède la parole à mon collègue, monsieur le président.
M. Joseph Volpe: Pour assurer votre survie, vous voulez dire. Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, je vous félicite pour la qualité de votre exposé et pour l'appui que votre personnel vous a donné. Je suppose qu'on peut probablement déceler un indice de la qualité de votre exposé en regardant l'expression sur les visages de certaines personnes dans cette salle, que vous ne pouviez pas voir, tandis que moi je le pouvais. Je pense qu'il y avait une chanson intitulée A Whiter Shade of Pale, dans les années 60.
Mme MacPhail: Vous ne parlez pas de mon maquillage, j'espère.
Des voix: Oh, oh!
M. Joseph Volpe: J'ai écouté votre exposé avec plaisir. Je l'ai trouvé lucide et équilibré, même s'il a peut-être offusqué certaines personnes. Malheureusement, tous mes collègues ne sont pas ici. Cependant, votre exposé sera consigné au compte rendu.
Si vous le permettez, j'aimerais poser une brève question. Au cours des deux dernières années, votre programme a permis au gouvernement d'économiser quelque 74 millions de dollars, et je pense que c'est un chiffre exact. Vous avez dit, je crois, que vous avez réinvesti cet argent dans le système de soins de santé. Avez-vous réinvesti une partie de cet argent dans la R-D fondamentale?
Mme MacPhail: Oui. De fait, nous en avons investi une partie directement dans la recherche dans des domaines liés à la santé ainsi que dans des secteurs de technologie scientifiques qui déborderont sur la biotechnologie, par exemple. J'ai une liste des initiatives de recherches directement financées par notre gouvernement. Ces investissements totalisent presque 50 millions de dollars par an. Je serais heureuse de vous en donner une liste. Il s'agit notamment de recherche fondamentale dans le domaine de la santé, mais aussi de recherche technologique.
M. Joseph Volpe: Certains de ces chiffres peuvent être intéressants. Notre comité a entendu beaucoup de chiffres et de déclarations au sujet des investissements en R-D même si nous ne savons pas exactement où va cet argent. On nous a notamment déclaré que c'est le secteur industriel qui contribue le plus à la R-D mais nous ne savons pas encore exactement s'il s'agit de recherche pure et de développement. Si je me souviens bien des chiffres qui ont été présentés au comité, les 74 millions de dollars représenteraient un montant dépassant les investissements du secteur industriel en recherche pure et développement.
Je me demande si le gouvernement a un plan stratégique visant à réorienter les économies supplémentaires dans ce secteur et à minimiser l'incidence des investissements industriels sur la recherche de base et le développement de sorte que les universités et autres groupes biotechnologiques puissent être libérés des lourdeurs qui accompagnent les investissements ciblés.
Mme MacPhail: Nous nous trouverons peut-être face à cette situation en Colombie-Britannique, non pas par choix, mais parce que nous y sommes obligés. Les fabricants de médicaments brevetés nous ont déclaré que nous ne les intéresserions jamais au même titre que d'autres, pour ce qui est des investissements en R-D tant que nous aurions un programme de médicaments référentiels. Ils nous ont dit de façon très polie et très circonstanciée qu'ils ne bougeraient pas si nous n'éliminons pas notre programme. Nous nous trouverons donc peut-être rapidement dans la situation que vous décriviez.
Nous avons des rencontres régulières avec les universités afin que mon ministère et notre gouvernement puissent coopérer au progrès de la recherche en biotechnologie et en santé. Nous nous sommes engagés à financer cette recherche et je puis vous donner ça comme exemple. D'autre part, l'initiative de thérapeutique et celle de pharmacoéconomie sont partiellement financées directement par mon ministère et sont également appuyées par les universités. Cela va continuer.
M. Joseph Volpe: Merci beaucoup. Mes compliments.
Mme MacPhail: Merci.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): Je vous remercie de votre présentation. Vous êtes le dernier groupe d'une longue série de témoins que nous avons entendus au cours des dernières semaines. Je vous remercie de la qualité de votre présentation et vous souhaite un bon retour en Colombie-Britannique. Encore une fois, merci.
[Traduction]
Mme MacPhail: S'il y a des élections, je vous souhaite bonne chance.
[Français]
Le vice-président (M. Pierre Brien): La séance est levée.