[Enregistrement électronique]
Le mardi 16 avril 1996
[Traduction]
La présidente: Bienvenue. Nous reprenons notre étude de la Loi sur les jeunes contrevenants et du système judiciaire pour la jeunesse au Canada.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons M. Steve Sullivan, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, et des représentants de Victims of Violence International, à savoir M. Robert McNamara, vice-président, M. Victor Desroches, Mme Theresa McCuaig et Mme Carole Maheux-Leduc.
Soyez les bienvenus.
Vous êtes nos seuls témoins ce matin, et je vais donc pouvoir vous laisser déterminer la durée de vos exposés, mais n'oubliez pas que les députés des trois partis vont ensuite vous poser des questions. Nous voulons tous avoir l'occasion de vous mettre à l'épreuve.
Qui va commencer?
M. Steve Sullivan (directeur exécutif du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): C'est moi, madame la présidente.
La présidente: Très bien, je vous remercie.
M. Sullivan: Je voudrais remercier le comité de nous permettre de comparaître ici aujourd'hui pour parler du système judiciaire pour la jeunesse. Nous attendions cette occasion depuis longtemps, et même si le sujet d'aujourd'hui n'est pas celui dont nous aurions voulu parler, il est néanmoins important.
J'en profite également pour féliciter Mme la présidente des fonctions qui lui ont été confiées. Nous espérons bien avoir d'autres occasions de comparaître devant le comité.
Avant de commencer, je dois dire que je me demande si le moment est bien choisi pour tenir ces audiences. Je crois savoir que c'est à la demande du ministre que la phase II de vos travaux se déroulent après l'adoption du projet de loi C-37. On peut se demander s'il n'aurait pas été préférable de les tenir avant la rédaction du projet de loi C-37, mais c'est le ministre qui en a décidé ainsi.
Cela étant dit, je me demande s'il ne serait pas préférable de reporter ces audiences, de façon que le comité ait le temps d'examiner les effets qu'a eus le projet de loi C-37 jusqu'à maintenant, et qu'il aura à l'avenir.
Son adoption ne remonte qu'à cinq mois, mais je peux vous dire que les effets du projet de loi C-37 se sont déjà fait sentir au moins auprès d'une famille que je connais. En 1992, Isaac Deas, âgé de 16 ans, a poignardé à mort Jesse Cadman, également âgé de 16 ans, pour la simple raison qu'il n'aimait pas le chapeau de Jesse. Deas a été transféré à un tribunal pour adultes, condamné pour meurtre au deuxième degré et condamné à la prison à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans. Cette condamnation est intervenue en 1993, soit deux ans avant l'adoption du projet de loi C-37.
Pourtant, récemment, la Cour suprême de Colombie-Britannique a été saisie de l'appel de M. Deas, et compte tenu des nouvelles dispositions du projet de loi C-37, M. Deas peut désormais bénéficier d'une libération conditionnelle au bout de sept ans, soit trois ans plus tôt.
Comme vous l'imaginez, la famille Cadman a bien du mal à comprendre tout cela, et se demande si c'est bien l'effet recherché dans le projet de loi. Si tel n'est pas le cas, comme je le pense, elle devrait recevoir les excuses de M. Rock au nom du gouvernement fédéral, de la même façon que M. Gray s'est excusé auprès des détenues de la Prison de femmes.
C'est là l'un des effets concrets du projet de loi C-37, et il n'est donc pas tout à fait inutile de demander qu'on attende de voir les effets d'une mesure législative adoptée récemment avant d'amorcer un processus qui risque de susciter l'adoption de mesures législatives supplémentaires.
Comme le comité a déjà été saisi de mesures législatives importantes qui étaient restées en attente pendant plus d'un an, il y aurait lieu de retarder la procédure actuelle. Je ne veux nullement laisser entendre qu'il ne s'agit pas d'une mesure importante, j'exige plutôt que les choses soient faites correctement. Quoi qu'il en soit, nous sommes à la merci du comité en ce qui concerne l'ordre de priorité accordé à l'étude des questions importantes et des projets de loi.
Dans votre mémoire, dont vous avez tous reçu un exemplaire, nous essayons d'aborder les questions que le comité va étudier, et c'est pourquoi mon exposé sera bref.
Cet exposé peut donner l'impression que nous soulevons plus de questions que nous n'apportons de réponses. Nous avons quelques propositions de changements, mais nous proposons également un certain nombre de points plus généraux que le comité pourrait aborder dans ses travaux.
Lorsque nous discutons du système judiciaire pour la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants en particulier, il faut avoir à l'esprit un certain nombre d'éléments. Il s'agit d'une mesure législative qui met l'accent sur les droits, mais elle doit également servir à protéger les victimes éventuelles; on aurait tort de négliger cet élément.
Comme les victimes des jeunes contrevenants sont le plus souvent des jeunes, il convient de déterminer quels droits doivent avoir priorité. Les jeunes ont le droit d'aller à l'école sans craindre de se faire malmener. Ils ont le droit de se promener dans la rue sans craindre de se faire taxer ou dépouiller. Ils ont le droit de dire non et d'exiger le respect. Ils ont des droits tout aussi importants que ceux qui sont accusés d'un acte criminel.
Par ailleurs, on se demande bien souvent si la criminalité juvénile est en augmentation ou non. Certains prétendent qu'elle semble augmenter du seul fait que, désormais, la police porte plus souvent des accusations contre les jeunes. En définitive, on ne parvient pas à mesurer véritablement la criminalité juvénile, car bien souvent, elle ne fait l'objet d'aucune déclaration, et malgré tout, les policiers ne portent pas d'accusation contre tous les jeunes auxquels ils ont affaire.
La véritable question est non pas de savoir si le taux de criminalité est resté ce qu'il était au moment de l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, mais plutôt de savoir s'il a diminué depuis cette adoption. S'il n'y a pas eu diminution, on est en droit de s'interroger sur l'efficacité générale de cette mesure.
Certains ont tendance à reprocher aux médias de faire du sensationnalisme avec la violence chez les jeunes et de créer dans l'opinion publique une fausse impression à ce sujet; tel n'est pas notre avis. Il est bien certain que les meurtres commis par les jeunes font les manchettes dans l'ensemble du pays, mais je ne voudrais pas vivre dans une société où les journaux ne considéreraient pas comme une nouvelle importante le fait que deux jeunes aient battu à mort une vieille femme. C'est lorsque ce genre de fait divers devient ordinaire ou routinier qu'il faut commencer à s'inquiéter.
On se méprendrait sur la société en supposant que les gens acceptent sans se poser de question tout ce qu'ils lisent ou qu'ils entendent dans les médias. Si quelqu'un est consterné par le fait qu'un jeune commet un crime violent, il n'exigera pas pour autant que tous les jeunes délinquants soient emprisonnés à perpétuité. L'opinion publique mérite d'être mieux considérée.
Cela étant dit, je me sens obligé de dire que les solutions susceptibles d'empêcher les jeunes de tomber dans la criminalité ne se trouvent pas dans le système judiciaire actuel. La Loi sur les jeunes contrevenants est un outil de réaction. Les programmes de mesures de remplacement, même les meilleures, ne peuvent s'appliquer à un jeune qu'après qu'il a enfreint la loi. Évidemment, dans de trop nombreux cas, il est trop tard.
Nous ne sommes sans doute pas les premiers à le dire, mais c'est surtout avant qu'un jeune ne franchisse les portes du tribunal qu'il faudrait agir. En résumé, il est essentiel d'intervenir le plus tôt possible. Bon nombre des réponses que nous envisageons ne relèvent pas du Comité de la justice. On semble miser sur ce comité pour trouver des réponses, et c'est peut-être là le signe qu'on ne s'y prend pas de la bonne façon, toute déférence gardée envers le comité, ses aptitudes ou ses intentions.
Bien que la Loi sur les jeunes délinquants ait été sévèrement critiquée à bien des égards, ses principes sous-jacents n'étaient pas mauvais. Par rapport à la Loi sur les jeunes contrevenants, qui est plus axée sur les droits, la Loi sur les jeunes délinquants appliquait davantage aux jeunes la notion de parens patriae.
On ne résoudra pas le problème en accordant aux jeunes les mêmes droits qu'aux adultes. Si l'exercice vise à affirmer que les jeunes ne sont pas des adultes, ne les considérons pas comme tels.
Si l'un des objectifs de la Loi sur les jeunes contrevenants est d'amener les jeunes à assumer la responsabilité de leurs gestes, on peut s'interroger sur l'importance accordée aux droits techniques, qui risquent de n'avoir pour effet que d'apprendre aux jeunes à éluder leurs responsabilités. Nous avons relevé une contradiction manifeste entre ces deux intérêts concurrents dans l'énoncé de principe de la Loi sur les jeunes contrevenants.
L'un des meilleurs exemples de cette réalité, et ce qui constitue pour les autorités d'application de la loi l'élément le plus frustrant de cette mesure législative, c'est son article 56. On y annonce les mesures que doit prendre un agent de police auprès de l'accusé avant d'enregistrer sa déclaration. Si les membres du comité n'ont jamais vu d'exemplaires de la longue feuille où figurent les instructions que doit suivre le policier pour que la déclaration d'un jeune soit accueillie en preuve au tribunal, je les invite à en obtenir un. Nous estimons que le système judiciaire pour adultes comporte un nombre largement suffisant de mesures de protection pour un jeune.
Nous avons trouvé un autre exemple; c'est le recours plus fréquent aux avocats depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants. Leur présence et leur intervention embarrassent souvent les parents qui incitent leur enfant à assumer la responsabilité de ses gestes. Un avocat aura davantage tendance à insister sur les droits du jeune. Encore une fois, l'équilibre est essentiel, mais si les parents s'estiment tenus à l'écart d'un processus qui devrait favoriser leur présence, cela pose un véritable problème, qu'il convient d'examiner.
Des solutions possibles consisteraient à donner une formation particulière aux avocats de la défense qui s'occupent d'enfants, pour bien leur faire comprendre l'objet de la Loi sur les jeunes contrevenants, ou à créer un service d'avocats commis d'office pour assurer le fonctionnement du système judiciaire pour les jeunes.
À l'inverse, il existe des parents qui ne s'intéressent pas à leur enfant. La responsabilité des parents envers leurs enfants ne se termine pas lorsqu'ils arrivent au secondaire. Il s'agit de faire en sorte que les parents se sentent responsables de l'enfant. Le comité pourrait envisager deux possibilités: faire payer les parents qui peuvent prendre en charge les honoraires de l'avocat de leur enfant, et conférer au juge le pouvoir d'ordonner le recours obligatoire au counselling familial. Si l'on veut apprendre aux enfants le respect et la responsabilité, il faut commencer par enseigner les mêmes valeurs à leurs parents.
Dans le même ordre d'idées, le comité devrait prêter attention à l'article 7.1, qui traite du parent ou de l'adulte responsable d'un enfant libéré sous caution. Pour la personne qui assume une telle responsabilité, le fait de ne pas respecter le contrat constitue une infraction, mais cette disposition est rarement invoquée. Nous souhaitons qu'elle soit appliquée de façon que la personne qui se porte responsable ne le fasse pas simplement pour obtenir que l'enfant soit libéré de prison et qu'il puisse s'adonner de nouveau aux activités qui sont à l'origine de sa condamnation. Le père d'Isaac Deas était responsable de son fils, et Jesse Cadman a été assassiné à une heure du matin.
Nous sommes favorables aux mesures de remplacement pour les jeunes, mais nous en reconnaissons les limites. Le problème se pose non pas quant à leurs principes, mais quant à leur mise en oeuvre. C'est une question de crédits, que certaines provinces refusent d'accorder. Ce genre de programme devient inefficace si on n'y consacre pas les moyens nécessaires.
Si le taux d'incarcération des jeunes est si élevé, c'est surtout, à mon avis, à cause du manque de solutions de remplacement. La protection de la société est pour nous une priorité absolue, mais nous ne sommes pas favorables à l'incarcération des jeunes contrevenants non violents, qu'il est inutile d'emprisonner. La difficulté consiste à distinguer les jeunes dangereux de ceux qui ne le sont pas, mais une fois que cette distinction est faite, on devrait avoir le choix entre plusieurs options.
Nous sommes favorables à l'abaissement de l'âge limite, mais à certaines conditions. La seule raison pour laquelle nous pouvons envisager qu'il passe de 12 ans à 11 ans ou à 10 ans, c'est l'absence de toute autre formule applicable aux enfants de cet âge qui enfreignent la loi, et il en existe un certain nombre. Nous savons que, dans ce domaine, la solution relève de la législation provinciale sur la protection de l'enfance, et non pas de la Loi sur les jeunes contrevenants, mais à défaut de véritables moyens d'intervention auprès de ces jeunes, il vaut sans doute mieux s'en remettre à la Loi sur les jeunes contrevenants qu'au statu quo. Voilà un autre thème que le comité pourrait aborder.
Quant à l'abaissement de l'âge maximal à 17 ou à 16 ans, il aurait certainement pour effet de soustraire un grand nombre de cas au système judiciaire pour les jeunes, mais si l'on abaisse l'âge maximum à 17 ans, ne risquons-nous pas de devoir reprendre le même débat l'année prochaine? Il faut bien fixer une limite quelque part. Cependant, le comité pourrait envisager une formule dans laquelle le jeune de 17 ans qui commet une infraction ordinaire continuerait à relever du tribunal de la jeunesse, alors que celui qui commet une infraction plus grave serait transféré devant un tribunal pour adultes.
En terminant, nous estimons que l'un des sujets les plus sérieux dont le comité puisse se saisir, c'est le sort réservé à un jeune venant d'un milieu familial malsain, qui a purgé sa peine et que l'on renvoie tout simplement dans le même milieu familial. Comment s'étonner que, par la suite, ce jeune se retrouve de nouveau devant un tribunal? Pour résoudre le problème de la criminalité juvénile, il faut le plus souvent résoudre les problèmes des jeunes. Si leur environnement familial fait partie de leurs problèmes, même si cela n'excuse pas leur délinquance, pourquoi les renvoyer chez eux?
Je vous demande de considérer que tout ce que j'ai dit ici et tout ce qui figure dans notre mémoire doit être interprété en tenant compte du fait que la protection de la société reste pour nous une priorité absolue. Tant pis si la réhabilitation du jeune passe au second rang. Heureusement, il est rare qu'on tombe sur un jeune trop dangereux pour être remis en liberté, mais quand on en trouve un, il faut que toutes les mesures nécessaires au traitement de son cas soient disponibles, et qu'on n'hésite pas à les utiliser coûte que coûte.
Je cède maintenant la parole à Robert McNamara, de Victims of Violence.
M. Robert McNamara (vice-président de Victims of Violence International): Merci, Steve.
Tout d'abord, je vous prie de m'excuser de ne pas vous avoir fait parvenir mon mémoire suffisamment tôt pour qu'il puisse être traduit. J'ai pris du retard dans mes travaux. Par ailleurs, le mémoire comporte une erreur. Il y est question de Sylvain Leduc, dont le cas est devant les tribunaux. J'aurais donc dû employer la formule «prétendus tueurs».
Je suis accompagné par Mme Theresa McCuaig, la grand-mère de Sylvain Leduc, qui a été tué ici même, à Ottawa, l'automne dernier, et de sa mère, Carole, qui ne participera pas aux délibérations d'aujourd'hui, mais qui nous tient compagnie. Nous avons également avec nous Victor Desroches, dont la fille Mélanie a été battue à mort à Kemptville.
Victims of Violence est un organisme national qui a été créé en 1984 par des parents de victimes de meurtre. Nous ne recevons pas de fonds publics et nous n'en sollicitons pas. Notre budget est tiré de la communauté et il provient de quêtes ou de ventes de t-shirts ou autres produits.
Victims of Violence propose une assistance et un soutien directs aux familles de victimes de meurtre et d'enfants disparus de même qu'aux victimes de crime violent.
Il s'agit d'un organisme à vocation éducative, qui vise à obtenir une réforme législative susceptible d'assurer une meilleure protection de la société. Les réactions très positives et l'appui que nous a réservé la communauté jusqu'à maintenant montrent bien que nos objectifs peuvent être atteints.
Pour ceux d'entre nous qui ont des enfants, comme pour ceux qui viennent de quitter l'enfance, il est difficile de concevoir qu'un jeune puisse tuer quelqu'un ou l'agresser brutalement pour une casquette de base-ball, mais de tels comportements existent, et nous pensons que la situation ne fait que s'aggraver.
La plupart des adultes peuvent dire qu'ils ont enfreint la loi lorsqu'ils étaient jeunes. Certains ont pu boire de l'alcool à un très jeune âge, ou participer à une bagarre à l'école. De telles infractions sont bien anodines par rapport à ce qu'on peut observer chez les enfants d'aujourd'hui, qui peuvent, par exemple, apporter des armes à l'école, faire feu à partir d'une voiture ou commettre une agression sexuelle sous la menace d'un fer à friser, et arracher même, ce faisant, des morceaux de chair. Pourquoi ces jeunes sont-ils à ce point violents?
Il n'est pas étonnant de constater que les jeunes délinquants sont souvent victimes de sévices physiques, sexuels ou émotionnels. Chez eux, l'attitude des parents a souvent un effet négatif. Bon nombre d'entre eux éprouvent des difficultés scolaires. En outre, on mentionne souvent la violence à la télévision et au cinéma comme autre cause de violence chez les jeunes. Une influence des pairs est certainement très forte dans la criminalité collective, de même que celle de la consommation de drogue et d'alcool. Mais aucun de ces éléments ne constitue une excuse, ou ne peut justifier qu'un jeune enfreigne la loi au point, par exemple, d'affliger des tortures sexuelles ou de battre quelqu'un à mort. Cependant, ils peuvent parfois expliquer un comportement.
Tout d'abord, il faut dégager davantage de ressources pour empêcher les enfants de tomber dans la criminalité, mais qu'on le veuille ou non, il faut par ailleurs punir les jeunes qui commettent ces crimes horribles. Il faudrait faire une distinction plus précise entre les jeunes qui commettent des crimes ou qui font des erreurs, auxquels on peut appliquer des mesures de remplacement, et ceux qui commettent des crimes d'une telle violence qu'on ne peut les laisser en liberté.
Vous verrez nos recommandations dans notre mémoire. Je vous demande d'en prendre connaissance. Comme l'a dit Steve, nous aimerions revenir devant ce comité pour parler de l'article 745, des banques de données d'ADN et des contrevenants à risque élevé, c'est-à-dire des sujets qui figurent en tête des priorités de notre organisme.
Cela étant dit, je cède la parole à Victor Desroches, qui voudraient vous soumettre quelques commentaires.
M. Victor Desroches (représentant de Victims of Violence International): Tout d'abord, je vous remercie de me donner l'occasion de parler de mon cas.
Pendant votre campagne de consultation, vous allez entendre toutes sortes d'avis et de recommandations d'experts. Ils vont faire appel à toutes sortes de statistiques bien choisies pour vous convaincre de ne rien changer à la Loi sur les jeunes contrevenants. Theresa, sa fille et moi-même sommes ici pour mettre des visages sur ces statistiques de la criminalité juvénile.
J'ai intitulé mon bref exposé «Plaidoyer pour la justice». J'espère que vous allez comprendre comment et pourquoi j'ai choisi cette formule.
Le 9 juillet 1993, en plein jour, dans un parc public d'une petite ville située au sud d'Ottawa, appelée Kemptville, en Ontario, ma fille a brutalement et sauvagement été battue à mort par un jeune de 14 ans, très perturbé. Il venait de fêter son anniversaire le jour même. Ma fille et lui étaient dans la même classe depuis la garderie. Ce garçon avait des problèmes psychologiques très sérieux et il a déversé sa colère sur ma fille en lui assenant férocement 68 coups à la tête avec une clé à molette - non pas un coup, ou deux, ou dix, mais 68 coups.
Un an plus tard, malgré un dossier psychiatrique établissant clairement que la réhabilitation pouvait durer cinq ans et qu'il n'y avait aucune garantie de succès, un juge a rejeté notre demande de renvoi de ce cas devant un tribunal pour adultes, en se fondant essentiellement sur l'âge du jeune contrevenant. Il venait d'avoir 14 ans. Ce jeune a par la suite plaidé coupable à une accusation de meurtre au second degré et s'est vu imposer une sentence maximale de trois ans de garde en milieu fermé et deux ans de garde en milieu ouvert. Je sais que les dispositions ont été modifiées récemment, mais pas beaucoup. La loi prévoit désormais quatre ans de garde en milieu fermé en cas de meurtre au second degré.
Pendant l'année d'épreuves où nous nous sommes trouvés confrontés à la Loi sur les jeunes contrevenants, il est devenu évident, pour nous, que la vie de notre fille, son avenir, ses droits et tout ce que cela représentait pour nous n'avait plus aucun sens. Aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, le contrevenant, ses droits, sa liberté et sa réhabilitation sont jugés prioritaires. Comment peut-on estimer que la réhabilitation d'un jeune est plus importante que la vie d'un autre enfant? Comment peut-on dévaluer à ce point la vie dans notre société? Trois ans pour un meurtre au second degré, est-ce bien ce que vaut la vie de nos enfants? Comment peut-on qualifier cela de justice?
Le délinquant passe ces trois ans dans ce que je considère comme la meilleure école privée au pays, avec des enseignants spécialement formés, les meilleurs services psychiatriques et les meilleurs services de loisirs. Dans notre cas, le juge a beaucoup insisté sur les services de loisirs destinés à ces jeunes. Tout cela est aux frais du contribuable. Alors que la plupart de nos enfants fréquentent d'énormes écoles surpeuplées où on leur accorde très peu d'attention et très peu d'aide psychologique, une telle situation est-elle équitable? Peut-on qualifier cela de justice?
L'injustice de la Loi sur les jeunes contrevenants ne se limite pas au procès. L'automne dernier, ma femme et moi avons appris que la loi prévoit une révision obligatoire du dossier d'un jeune contrevenant lorsque la sentence dépasse un an. Pourquoi? Nous avons affaire à un meurtrier qui a été condamné. Pourquoi dépenser encore de l'argent pour le ramener devant un tribunal - en l'occurrence, à 300 milles de distance - pour qu'un juge détermine s'il y a eu ou non des progrès après un an d'emprisonnement? N'aurait-on pas pu consacrer cet argent à des programmes de conscientisation et de prévention de la violence dans les écoles?
Je ne vais pas tout lire. Je veux simplement conclure.
Dans un an et demi, le jeune homme qui a tué ma fille aura 18 ans et, à toutes fins utiles, il sera libre, libre de refaire sa vie. Ma fille n'aura pas ce privilège. Elle n'aura pas de deuxième chance. Ses parents n'auront pas leur fille et son frère n'aura pas sa soeur pour le reste de leur vie. Je m'excuse, mais nous avons été condamnés à perpétuité.
Au nom de Mélanie, de Sylvain et des milliers de victimes innocentes de violence au Canada, je vous supplie de changer cette loi injuste et cruelle en adoptant les propositions que vient de vous faire Rob. Je vous en prie, rendez-nous la justice. Faites votre devoir. Rétablissez dans notre système pénal un certain nombre de valeurs fondamentales, un certain sens commun et surtout un véritable sens de responsabilité sociale. N'attendez pas qu'une autre victime, qu'un autre enfant innocent soit tué. Merci.
La présidente: Merci, monsieur Desroches.
Mme Theresa McCuaig (témoignage à titre personnel): Bonjour, je m'appelle Theresa. Je suis la grand-mère de Sylvain.
J'ai promis à Sylvain, alors qu'il était dans son cercueil, de tout faire pour que d'autres jeunes comme lui, ses amis, ne connaissent pas la même fin. J'essaierai de remplir cette promesse jusqu'à ma mort. Je ne vous lâcherai pas tant que vous n'aurez pas apporté ces modifications car elles sont désespérément nécessaires.
J'ai écrit cette lettre au ministre de la Justice, qui nous a reçus. Je ne savais pas qu'elle finirait par atterrir sur vos bureaux et on m'a demandé de vous la lire. C'est donc ce que je vais faire. Elle est un peu longue mais je compte sur votre indulgence car c'est un cri du coeur, de mon coeur, de celui de ma fille et de toute notre famille.
- Le 25 octobre 1995, ma vie a été changée pour toujours. C'est le jour où ma fille m'a appelé
pour me dire que mon petit-fils, Sylvain, était mort. «Il a été battu à mort par les membres d'une
bande», m'a-t-elle dit. Mes genoux se sont dérobés sous moi et je me suis évanouie. J'ai hurlé
cette nouvelle horrible et incroyable à mon mari, qui s'est écrié «Mon Dieu, non!». Nous
sommes immédiatement allés chez elle - ce trajet en voiture a été le plus long de ma vie. Nous
nous tenions par la main pour nous soutenir mutuellement. C'est étrange, mais pendant tout le
trajet toutes les images importantes de sa courte vie se sont déroulées devant mes yeux: le bébé,
l'enfant, l'adolescent, ses joies, ses peines, son beau visage, le bleu brillant de ses yeux, ses
dents à la blancheur parfaite, son merveilleux sourire. Je refusais d'y croire. «Ce n'est pas vrai,
ce n'est pas vrai»... Je tremblais violemment à l'intérieur. Je n'arrêtais pas de penser. Mon Dieu
comment son frère Dan va-t-il le prendre? Que va faire ma fille qui aime tant ses fils? Comment
survivrons-nous à cette épreuve? Si c'est vrai, je veux mourir avec lui. Enfin nous sommes
arrivés. Les médias étaient là. Mon coeur s'est arrêté de battre car je savais que leur présence
confirmait ce que mon cerveau continuait à refuser. Je suis entrée chez elle et j'ai pris ma fille et
Danny dans mes bras et nous avons pleuré, nous avons ragé et nous avons prié ensemble.
Ce que je vais vous dire maintenant ne figure pas dans la lettre. Sylvain était complètement innocent. Il était là où il aurait dû être, chez lui, en train de regarder un film avec un ami. Certains disent qu'il est dommage qu'il se soit trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Qu'ils aillent au diable. Il était au bon endroit, au bon moment, là où il aurait dû être, chez lui. Quatre jeunes noirs sont entrés, l'ont kidnappé pour la seule raison qu'il se trouvait là. Ils cherchaient les deux filles. Il ne faisait pas partie de cette bande.
Je tenais simplement à préciser qu'ils étaient, lui et son ami, complètement innocents.
Je continue:
- Une des peines les plus douloureuses est de savoir que son enfant est couché nu et froid dans un
tiroir de la morgue...
- Mon petit-fils est resté à la morgue pendant trois jours. J'étais transpercée de froid; je n'arrivais
pas à me réchauffer. Je suis restée pendant trois jours dans la baignoire remplie d'eau chaude.
J'ai refusé de le voir tant qu'on ne l'avait pas rhabillé.
- Mon coeur est une pompe qui fait circuler le sang dans mes veines. Il y a un endroit spécial et
sacré qui se trouve juste sous mon estomac. Certains lui donnent le nom de «force d'âme» - je
l'appelle tout simplement mon âme. C'est là que sont réunis l'amour, l'espoir, la haine, le
courage, la foi, l'humour, la colère, la compassion, le bonheur, la conscience et Dieu. C'est
cette partie de moi qui quittera mon corps quand je mourrai avec toutes les expériences et tous
les souvenirs de ma vie. C'est cela que je présenterai à Dieu - mon esprit et mon âme. Le
meurtre horrible de mon petit-fils a rendu mon âme malade. Par moment, elle est comme morte,
à d'autres elle est sans ressort. Elle a perdu son désir de vivre. Elle n'a plus aucun intérêt pour les
banalités quotidiennes. Elle a perdu son goût pour la nourriture, le sexe, la joie, les voyages, la
lecture, etc. Il y a un vide à cet endroit, un trou qui ne sera jamais rempli. Mon petit-fils en
quittant cette terre en a emporté une partie.
- Les regrets... la haine, la vengeance et la folie remplissent désormais mon âme. Il n'y a aucun
remède. L'horreur et la peur y vivent aussi. Ce sont les meurtriers de Sylvain qui en sont
responsables. Je ne peux plus regarder la télévision car n'importe quelle forme de violence me
rappelle sa mort. Lorsque je lis les journaux, je vis la douleur de toutes les victimes et de leurs
familles. Il y a des jours où je suis tellement enragée que j'ai envie de tuer. Mon cerveau ne peut
maîtriser ces crises de rage qui me donnent de terribles migraines. On me fait des piqûres
intraveineuses pour contrôler cette douleur. L'heure du coucher me hante. Quand tout est
calme, je ne peux empêcher mon cerveau d'imaginer la douleur et l'horreur qu'a connues
Sylvain avant de mourir. Les somnifères arrivent parfois à atténuer ces images horribles.
Autrement, je passe mes nuits à me relever et à me recoucher. Je me sens tellement coupable de
ne pas avoir été là pour le sauver.
- Je suis un traitement psychiatrique mais j'ai du mal à parler de Sylvain au passé. L'énergie que
cela nécessite est énorme. Je trouve tout cela tellement inutile. J'ai l'impression d'être une fleur
morte qui vient d'être piétinée. J'ai l'impression d'avoir été volée.
- Aujourd'hui je me surprends à reculer partout où je vois un rassemblement de jeunes. Ce n'est
pas normal mais je ne peux pas m'en empêcher. L'instinct est plus fort que la logique. Je ferme
maintenant mes portes et mes fenêtres 24 heures sur 24. Je ne me sens jamais en sécurité nulle
part sachant que certains de ces gens sont encore en liberté. Je ne connais pas leurs noms, je ne
sais pas à quoi ils ressemblent, ils sont protégés. C'est la Loi sur les jeunes contrevenants qui les
protège. Je ne sais jamais qui peut venir chez moi. Je ne peux pas rester seule même chez moi.
Nous n'arrêtons pas d'être menacés, encore la semaine dernière, par des jeunes de 14, 15, 16 ans. Ils sont plus grands que mon mari. Ils se déplacent avec des bâtons de base-ball. Ils n'arrêtent de tourner autour de notre maison. Nous vivons constamment dans la peur. Ce sont des enfants qui nous menacent... des enfants.
Je continue:
- Les amis et la famille ne viennent plus nous voir. Ils ont peur de dire ce qu'il ne faut pas. Je sais
qu'ils ont aussi peur d'entendre des détails horribles, mais qui peut le leur reprocher? Nous nous
sentons tellement isolés. Il n'y a que les victimes de violence qui puissent comprendre notre
douleur. Je ne peux pas me laisser aller à la folie ou à la dépression. Je dois rester forte pour mes
autres enfants, pour mon mari et ma famille. Je ne dois pas me laisser aller. Je ne peux plus
entendre de musique. Ce qui avant me faisait du bien déchire aujourd'hui mon âme. Cela me
rappelle Sylvain. Le sang et la rage me montent au cerveau quand j'entends le mot pardon. Je ne
peux pas pardonner et je ne pardonnerai pas.
- J'ai un mal fou à me concentrer. Je suis comme un robot, je n'arrive pas à me concentrer. Mon
esprit vadrouille en permanence. Nous suivons toutes les audiences du tribunal car je veux que
tout le monde sache que nous aimions notre petit-fils et qu'il nous manque terriblement. Je
veux aussi croire en la justice. J'enrage d'apprendre tous les droits dont bénéficient ces jeunes
délinquants. Je lutte pour ne pas vomir quand je les vois et quand je les entends. Je n'ai jamais vu
une larme, un regret ou un remord. Au contraire, ils semblent être fiers d'être les vedettes du
spectacle. Ce crime horrible a été commis par des jeunes qui étaient en liberté surveillée et à qui
on avait refusé la mise en liberté sous caution. Comment se peut-il qu'ils aient le droit de faire
appel? On leur donne le droit de gaspiller notre temps et notre argent - l'assistance juridique
est gratuite.
- On leur donne le droit de gaspiller notre temps et notre argent - l'assistance juridique est
gratuite. J'ai été stupéfaite d'apprendre que personne n'informe les services de bien-être ou des
allocations familiales quand un jeune est envoyé en prison. Les contribuables paient pour qu'ils
soient logés et nourris, paient les honoraires de leurs avocats pendant que ces chèques
continuent à être envoyés à leurs parents.
Veuillez poursuivre et nous excuser.
Mme McCuaig: J'aimerais vous expliquer autre chose qui ne figure pas dans cette lettre.
Sylvain est mort pendant la nuit du 25 au 26 octobre. Le 28 octobre ma fille a été appelée par le bureau du bien-être pour l'informer qu'étant donné que son fils était mort, le chèque qu'elle devait recevoir le 30 pour le mois de novembre serait diminué en conséquence. Les allocations familiales l'ont appelé pour lui dire qu'ils diminueraient son chèque pour le mois de novembre. Mesdames et messieurs, pas même une grâce d'un mois pour enterrer son fils? Rien. Les services d'indemnisation ne veulent rien faire même si elle remplit les conditions pour l'aide d'urgence. J'espère qu'un jour vous aurez à les appeler. Vous verrez le mépris avec lequel ils vous traitent au téléphone. Ces gens sont malsains. Où est le corps? Pouvez-vous prouver que cet enfant est mort? Nous avions seulement appelé pour un formulaire. On nous a dit que pour cette aide il y avait une période d'attente de deux ans. Nous avons appelé le bien-être; nous avons appelé partout. Nous en sommes maintenant à mendier.
Les funérailles ont ajouté un coût de plus dans le budget de Carole. Malheureusement, le père de notre enfant est un bon à rien. On ne peut pas compter sur lui. Nous n'avons pas d'autres revenus que les allocations familiales qui ont été réduites de moitié.
Quand on enterre son enfant, c'est la dernière fois qu'on le voit. On veut être certain qu'il est vêtu correctement. N'est-ce pas? Ils nous ont dit qu'ils ne payaient pas pour ça, que c'était notre problème. Notre famille a fait une collecte. C'était pour acheter à Sylvain une urne et des vêtements corrects. Si nous ne l'avions pas fait...
Carole avait emménagé dans cette maison - oui, c'est cher - mais les deux filles qui vivaient avec elle avaient promis de rester pendant un an et elles s'en seraient occupé. Les services du bien-être l'auraient payé pour garder ses filles. Elles se sont toutes installées dans cette grande maison pour avoir suffisamment de place. Quinze jours plus tard, survient la mort tragique et horrible de son fils et bien entendu tout le monde s'en va. Elle se retrouve avec le loyer de 900$ par mois, elle se retrouve avec la facture de l'hydro, et tous les services nous disent qu'ils ne peuvent rien faire pour nous. Je vais au tribunal et je vois ces enfants qui bénéficient d'une assistance juridique gratuite... de toutes sortes d'installations de loisirs... Comme Victor l'a si bien dit, l'établissement Hay - j'aimerais y vivre, c'est tellement bien. Ils bénéficient de soins psychiatriques et de soins médicaux... Et pour la victime? Rien. Ce n'est pas juste. Ce n'est pas juste. Cela m'enrage.
Je continue:
- J'enrage de savoir que des ententes sont conclues sans notre permission, sans notre avis ou
même sans que nous le sachions.
- Savez-vous que le corps de votre enfant mort est la propriété de la police? Elle en fait ce qu'elle
veut. Elle négocie et elle marchande avec les prévenus, et ces négociations et ces marchandages
ne nous regardent pas - ce n'est que notre enfant. Nous n'avons pas à nous en mêler. C'est
absolument inadmissible.
- ... nous ne sommes pas avisés des dates du procès et nous devons les demander nous-mêmes.
Les victimes ne comptent pas. J'enrage que les jeunes de 16 ans ne passent pas devant un
tribunal pour adultes. J'enrage d'apprendre que la peine maximum pour ce genre de crime
odieux est de trois ans dans une prison trois étoiles pour «enfants». Il ne faut pas s'étonner que
les jeunes d'aujourd'hui n'aient peur de rien.
- Il y a un sérieux manque de respect pour les familles des victimes. Les familles qui ont la
douleur de perdre un enfant veulent que tous les faits entourant sa mort leurs soient rapportés
correctement et avec dignité par des personnes qualifiées. Nous prenons connaissance de ces
détails horribles dans une salle de tribunal sans aucun avertissement. Les noms des jeunes
contrevenants devraient être publiés afin que nous puissions nous protéger contre eux.
Combien de crimes un jeune peut-il commettre avant qu'il ne finisse par être châtié? Cinq? Six?
Sept? C'est inacceptable. Ces contrevenants peuvent toujours recommencer leur vie. Mon
petit-fils, lui, non. Il n'est pas étonnant que les couples qui perdent un enfant de cette manière
divorcent. La rage et le sentiment d'injustice qui les habitent en permanence les poussent à se
dresser l'un contre l'autre. Certains ne le supportent pas et s'en vont pour pleurer tout seuls. Je
tremble de savoir que ces jeunes seront pratiquement relâchés immédiatement et pourront
rejoindre leurs bandes. D'après ce qu'on m'a dit, la facture des services médicaux, des
funérailles, des services juridiques et pénaux dépassera largement le million de dollars. C'est un
énorme prix à payer pour une nuit d'événements tragiques provoqués par un groupe
d'adolescents. Pourquoi les parents de l'enfant tué n'ont-ils pas le droit d'être présents lors des
audiences préliminaires? Pourquoi les familles des victimes de ces crimes, qui se retrouvent
avec de gros problèmes financiers, ne bénéficient-elles pas d'une aide immédiate? La période
d'attente pour l'indemnisation des victimes de crimes est de... deux ans.
- La Loi sur les jeunes contrevenants est, à mon avis, beaucoup trop indulgente. Les jeunes
aujourd'hui n'ont pas peur d'aller en prison. D'après ce que j'ai pu voir, ils adorent ce
vedettariat et cette notoriété. Les prisons trois étoiles dans lesquelles ils sont envoyés ne les
effraient certainement pas. Les jeunes assument souvent la responsabilité de crimes commis par
leurs complices adultes. Ils savent très bien qu'ils peuvent commettre jusqu'à six ou sept délits
avant d'être envoyés en prison, et les chefs de bandes adultes se servent d'eux. À une époque, la
société fermait les yeux lorsque les jeunes commettaient des délits. Généralement, il ne
s'agissait que de petits larcins, de rodéos automobiles, d'absorption d'alcool avant l'âge, etc.
Mais tout a changé d'une manière radicale. Les jeunes aujourd'hui commettent des actes de
violence extrême, y compris le meurtre. Les bâtons de base-ball, les couteaux et les revolvers
sont devenus leurs instruments de travail favoris. Le proxénétisme, le trafic et la prostitution
sont devenus la mode. Ils ont découvert que travailler en bandes est plus profitable et leur
permet de contrôler, d'intimider et de manipuler de plus jeunes qu'eux. Cela leur donne un
certain pouvoir dans notre société. Ce sont des gens très dangereux qui n'ont aucun respect pour
la loi. Ils terrorisent le public et très souvent tuent simplement pour le plaisir.
- Il nous faut reconquérir le contrôle de nos communautés et de nos villes. Sinon, je prédis que
d'ici cinq ans, les adultes n'auront plus suffisamment de courage pour se promener dans les rues
la nuit. Nous devons envoyer un message fort à ces jeunes. Notre société en a plus qu'assez de
ces jeunes contrevenants et désormais elle ne tolérera plus la violence. Des changements
radicaux sont nécessaires pour nous donner aussi à nous, les victimes, des droits.
- Sylvain n'est plus là, rien ne le fera revenir. Il ne faut pas que sa mort reste une simple
statistique. Il faut au contraire que sa mort nous serve à apporter à la Loi sur les jeunes
contrevenants des changements qui sont désespérément nécessaires. L'argent que nous
gaspillons actuellement en frais juridiques et administratifs pourrait largement servir à financer
des centres pour les jeunes.
- Il est à espérer que lorsque Sylvain a présenté son âme à Dieu, il a pu dire qu'il avait sacrifié sa
vie pour protéger les enfants de demain.
La présidente: Merci beaucoup.
M. McNamara: J'aimerais simplement ajouter, après ces témoignages, que lorsque vous entendez parler de jeunes contrevenants ou que vous réfléchissez aux problèmes des jeunes contrevenants, souvent vous pensez à des gentils jeunes de 16 et 17 ans qui commettent des crimes.
Dans le cas des assassins de Sylvain, il ne s'agit pas d'enfants; ce sont des voyous de 17 ans, trafiquants de drogue ou proxénètes qui ont fait subir les sévices les plus odieux à une fille. Ils ont battu Sylvain. L'autre jeune garçon n'a pas survécu. J'espère que vous ne l'oublierez pas lorsque vous réfléchirez au cas de ces jeunes contrevenants et que vous n'oublierez pas les douleurs et les souffrances qu'ils imposent à tous les Canadiens.
La présidente: Je vous remercie de ces exposés très éloquents. Nous passons maintenant aux questions des membres du comité.
[Français]
M. de Savoye (Portneuf): J'ai été très touché par vos témoignages. Vous avez mis en relief les souffrances que vous avez connues par suite de la perte d'un être cher et à cause de l'inhumanité du système.
C'est difficile, bien sûr, de trouver une solution qui empêcherait une répétition de ces affreux malheurs à l'avenir. C'est pourquoi vous avez mis en relief dans votre mémoire des aspects préventifs et dissuasifs.
Vous avez également et à juste titre indiqué que les personnes qui, comme vous, ont à affronter une situation aussi horrible devraient trouver au sein des organismes gouvernementaux un appui pour pouvoir traverser, dans le respect et la dignité humaine, un événement comme celui que vous avez vécu.
Vous dites dans votre présentation, monsieur McNamara, que vous considérez que la Loi sur les jeunes contrevenants est un outil réactif. «The YOA is a reactive tool,» dites-vous.
Même les meilleurs programmes alternatifs ne peuvent affecter la vie d'une jeune personne délinquante après qu'elle a enfreint la loi. Il est alors trop tard pour le délinquant et trop tard pour la victime.
Vous mentionnez aussi que plusieurs des réponses que vous cherchez pourraient se trouver à l'extérieur du Comité permanent de la justice et des questions juridiques et que le fait de se fier à ce comité pour trouver ces réponses pourrait être une indication que nous abordons mal le problème.
Je me demande alors quelle pourrait être la bonne façon.
[Traduction]
M. Sullivan: En fait, je crois que vous vous référez à mon exposé. Nous disons que confier cette tâche au Comité de la justice est peut-être le signe que nous faisons fausse route. Nous parlons de prévention, car la meilleure protection pour notre société est que, en premier lieu, ces enfants ne commettent pas ces crimes, et, s'ils les commettent, de modifier leur comportement.
Si notre objectif est la prévention, il faut s'attaquer à ces problèmes le plus tôt possible. L'école, les parents ont donc à l'évidence un rôle à jouer. Pour être honnête, je n'ai pas la compétence suffisante pour vous en parler avec plus de précision, mais je crois ne pas me tromper en disant que c'est à ce niveau que nous trouverons des solutions à nombre de ces problèmes.
D'une manière traditionnelle, le Comité de la justice est chargé d'étudier des lois comme la Loi sur les jeunes contrevenants. Il reste que toute loi de ce genre est réactive; elle n'entre en jeu qu'une fois le crime commis. Les autres mesures dont je parle peuvent être prises bien avant, et c'est la raison pour laquelle je dis que confier à ce comité le soin de trouver des solutions à ce genre de problèmes n'est peut-être pas la meilleure solution.
[Français]
M. de Savoye: Suggérez-vous que ce comité synchronise son action avec celle d'autres organismes qui pourraient agir au niveau de la prévention? Auriez-vous quelques suggestions concrètes sur la manière d'effectuer cette synchronisation?
[Traduction]
M. Sullivan: Je suppose que vous entendrez d'autres témoins qui pourront peut-être vous faire des suggestions concrètes.
Je ne connais que quelques comités parlementaires. S'il y a des comités qui sont chargés des questions d'éducation, par exemple, il sera peut-être bon de consulter leurs membres ou de travailler en collaboration avec eux. En grande partie, ce sont des problèmes qui relèvent du provincial. Il y a probablement d'autres comités qui sont un peu plus spécialisés dans les responsabilités sociales des parents, dans les services sociaux et les services éducatifs. Nous ne disons pas que votre comité n'a pas les outils nécessaires pour étudier ce genre de questions, mais les comités qui entendent de manière régulière des témoins sur ce genre de questions sont peut-être mieux équipés pour proposer des solutions.
M. McNamara: À mon avis, il y a une chose que votre comité peut faire au niveau de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je veux parler de l'âge minimum. Si les agences de services sociaux du pays ne s'occupent pas de ces jeunes, il faut que quelqu'un le fasse, peut-être en supprimant cet âge minimum. Certains ne seront peut-être pas d'accord. Je ne préconise pas de jeter ces enfants en prison, de les enfermer, mais plutôt un système...
Par exemple, dans mon mémoire je parle d'un garçon de 9 ans et d'un garçon de 11 ans de Regina qui ont kidnappé un garçon de 8 ans et un autre jeune. Ils les ont fait monter sur un toit plat au-dessus de l'immeuble de bureau où se trouvait le garçon de 8 ans, les ont liés avec une chaîne de bicyclette à un tuyau de climatisation et les y ont laissés pendant deux heures. Quand ils sont revenus, ils ont battu ces deux jeunes garçons, les ont obligés à faire de la bicyclette tout nus et les ont obligés à se livrer à des actes sexuels entre eux y compris des fellations.
Le jeune de 9 ans et le jeune de 11 ans se sont fait prendre par la police et tout ce que la police a pu faire, c'est les ramener chez eux. Il y a quelque chose qui ne va pas. On pourrait les confier à des agences sociales, et je crois qu'il y a un seuil à partir duquel la police pourrait faire autre chose que simplement les ramener chez eux.
[Français]
M. Desroches: Vous avez tout à fait raison de décrire la situation comme étant très complexe. Mais ne voyez-vous pas que la Loi sur les jeunes contrevenants empire la situation? Les jeunes le savent, qu'ils aient 18, 16 ou 17 ans. Quand il s'agit de crimes horribles comme des meurtres, quelle différence cela peut-il faire que les jeunes soient à la veille de leurs 18 ans ou de leurs 17 ans? La valeur de la vie ne change pas du soir au lendemain, et la Loi sur les jeunes contrevenants empire la situation.
Vous vous demandez ce que vous pouvez faire pour aider. Oui, synchronisez-vous avec les autres comités, mais faites aussi votre travail, qui est de modifier la loi afin qu'elle soit plus juste.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier les témoins de leur déposition. Je vous sais gré d'être venus.
Je ne crois pas qu'il puisse y avoir de témoignage plus poignant que celui-ci. Nous siégeons ici tous les jours... et je regarde les photos sur les murs, les photos qui représentent les chefs de certains des gouvernements qui ont dirigé le pays pendant les 25 dernières années, au minimum. Je me souviens de la déclaration de Pierre Goyer - elle était citée dans un article du Reader's Digest il y a quelque temps - à l'époque où il était solliciteur général en 1971. Il avait dit que de plus en plus le système pénal viserait plus à réinsérer les délinquants qu'à protéger la société.
J'estime, ainsi que les membres de mon caucus et les membres du parti que je représente depuis un certain temps, que nous n'avons plus besoin d'entendre de témoignage à propos de la Loi sur les jeunes contrevenants. Le jury doit délibérer. Je crois que nous savons ce qu'il faut faire. Il s'agit de savoir si nous en avons ou non la volonté, de savoir si le gouvernement actuel en a la volonté.
Je crois que le rôle traditionnel de la justice a été tellement modifié au cours des 25 dernières années qu'il en a fait complètement oublier l'objet. La justice n'est pas là pour régler le problème des familles dysfonctionnelles. Il y a d'autres programmes du gouvernement pour trouver des solutions à ce genre de problèmes. La question que je me pose c'est: Pourquoi ces quatre personnes qui sont entrées dans une maison et qui ont battu à mort un jeune garçon après l'avoir kidnappé circulaient en toute liberté alors qu'on savait qu'elles se livraient à des activités illégales, à des activités de proxénétisme, de prostitution et de trafic de drogue? Je connais la réponse. Il suffit de poser la question à n'importe quel agent de police pour avoir la réponse. C'est parce qu'ils ont les mains liées, c'est parce qu'à force de répéter que ces personnes ont des droits, on finit par ne plus pouvoir rien faire parce qu'ils sont protégés par la Loi sur les jeunes contrevenants.
J'aimerais vous poser la question que je pose à pratiquement tous les témoins qui comparaissent devant notre comité et pour laquelle j'obtiens rarement une réponse. Elle est simple. Quelle devrait être, selon vous, la juste sentence d'une personne qui tue délibérément un innocent? Quelle devrait être, selon vous, la juste sentence pour un tel acte?
M. McNamara: En ce qui me concerne, mon frère a été assassiné. Il avait 30 ans.
Je ne pense pas qu'on puisse choisir un chiffre arbitrairement. Je ne pense pas qu'on puisse décider que ce sera disons, 15, 25, 30 ans ou même la peine de mort. Le gouvernement a décidé, par exemple, que ce serait 25 ans pour les meurtres commis par des adultes mais, dans la réalité, ils sortent au bout de 15 ans. Au nom des victimes, nous aimerions simplement que ces chiffres soient respectés. Qu'un condamné à 10 ans de prison reste 10 ans en prison. Qu'un jeune contrevenant condamné à cinq ans fasse ses cinq ans. Qu'il ne fasse pas deux ans derrière les barreaux, un an en foyer et deux ans en liberté surveillée. Qu'il fasse cinq ans. Je crois que c'est le problème de notre point de vue, nous voulons la vérité des chiffres.
M. Ramsay: Pensez-vous alors qu'une peine de cinq ans est suffisante dans le cas d'un jeune délinquant qui a sciemment pris la vie d'une personne innocente?
M. McNamara: Je pense qu'il faut offrir cette option au juge qui prononcera la sentence, celui qui entend tous les témoignages.
Par exemple, dans le cas des présumés meurtriers de Sylvain, d'après certains, une peine de 25 est insuffisante. Pour certains d'ailleurs, une peine de 50 ans serait insuffisante. Mais, dans d'autres cas, pour le juge qui a entendu tous les témoignages et qui va prononcer la sentence, une peine de cinq ans serait peut-être suffisante.
M. Ramsay: Comme législateurs, nous adoptons des lois pour dire aux tribunaux comment procéder dans certaines circonstances. J'aimerais avoir certaines directives des témoins que nous allons entendre, y compris vous-mêmes, y compris la population, et pas uniquement les représentants des groupes d'intérêts spéciaux qui sont nombreux à faire partie d'une industrie de la justice pénale en pleine expansion. J'aimerais que des gens comme vous nous disent quelles instructions nous devons donner aux tribunaux pour ce qui est de leurs décisions sur la durée de l'emprisonnement ou sur la peine à imposer lorsque quelqu'un a pris une vie innocente de façon délibérée et préméditée. Voilà ce que j'aimerais.
Je ne veux pas vous imposer cette responsabilité, mais si vous voulez nous faire des suggestions et les consigner au procès-verbal, j'en serais heureux.
Mme McCuaig: Dans notre cas, il s'agit de trois adultes. Onze personnes étaient présentes. Nous ne savons toujours pas tout à fait qui a fait quoi, à qui. Nous savons que trois adultes ont horriblement battu Sylvain. Nous ne savons pas aujourd'hui à quel point les autres jeunes ont frappé Sylvain aussi. Toutefois, à mon avis, les plus jeunes ont livré Sylvain à ses meurtriers sur un plateau d'argent. Ils ont placé des sacs à ordures dans un débarras pour y placer ensuite les corps. C'était leur intention de les tuer tous les quatre et de les laisser ensuite dans le débarras dans des sacs à ordures.
Il s'agit là d'un meurtre prémédité commis de sang froid. Je ne sais pas quelles sont vos conclusions. Toutefois, j'espère que les adultes seront condamnés à 25 ans s'ils ne s'en tirent pas grâce à l'article 745. Quoi qu'il en soit, nous espérons que les adultes purgeront 25 ans.
Si j'étais juge, quiconque a participé à l'enlèvement, à l'agression et à la torture de ma nièce avec un fer à friser serait condamné à une peine de sept à dix ans de prison.
Il faut envoyer un message clair... Ce que vous ne comprenez pas, c'est qu'à l'heure actuelle, à Ottawa, il y a environ cinq groupes de - je regrette - jeunes noirs qui cherchent à attirer des enfants dans leur groupe en les comblant de présents, etc., en les invitant à des fêtes et en leur offrant des drogues gratuites.
Une fois embarqués, ces jeunes deviennent des esclaves. On les marque avec des briquets. Ils portent une marque, personne ne les touche. Ils appartiennent à ces gens. On les utilise comme prostitués et comme vendeurs de cocaïne. S'ils ne remplissent pas leurs quotas, on les tabasse. Vous verrez cela bientôt dans les journaux.
Voilà donc ce qui se produit. C'est vraiment très dangereux. On utilise des tout jeunes parce que rien ne leur arrivera une fois devant les tribunaux. Ils peuvent commettre huit, neuf ou dix infractions, parce qu'ils ne seront condamnés qu'à la liberté surveillée. «Nous vous verrons demain matin parce qu'on va vous relâcher et vous pourrez continuer à travailler.»
Ils travaillent à partir du domicile de leurs parents parce qu'ils sont trop jeunes pour louer une chambre. Ils vivent avec papa et maman et font ce qu'on leur dit. Les enfants ont peur.
Je rencontre les enfants dans les écoles. Ils me disent qu'ils ont peur maintenant. Ils veulent qu'on change la loi parce qu'ils ont peur d'être enlevés par ces bandes et forcés à faire toutes sortes de choses. S'ils racontent ce qu'ils savent, on les tue en les rouant de coups.
Il faut que cela change. Cet âge magique de 18 ans, voilà comment ils l'appellent. On peut faire tout ce que l'on veut jusqu'à l'âge de 18 ans.
Il faut ramener cet âge à 16 ans. Protégeons au moins la société pendant deux ans. Si un jeune délinquant sait qu'à 16 ans il sera envoyé au pénitencier, il y pensera deux fois avant de se joindre à une bande. Actuellement, il y a abus. Ce sont les adultes qui utilisent les enfants.
J'ai fait quelques propositions, par écrit, sur la façon de peut-être changer la société et sur ce qu'il faudrait. Je ne vais pas en parler maintenant, mais si vous en avez l'occasion, peut-être pourrez-vous lire mes recommandations.
M. Desroches: Je serai très bref. C'est une excellente question. Quel est le chiffre magique dans le cas de meurtre? Distinguons entre les petits larcins et les crimes graves et violents tels que le meurtre et le viol. Je vais vous poser la question, renverser les rôles.
Vous êtes le père d'une fille qui a été assassinée brutalement. Quelle devrait être la peine à votre avis? Évidemment, rien ne peut la remplacer, mais soyons réalistes. Nous avons défini dans le régime adulte, comme l'a dit Rob, qu'une peine de 25 ans était appropriée. Il s'agit d'un meurtre. Je me répète, mais le meurtre, c'est le meurtre. Pourquoi faire une distinction au niveau de la peine parce que ce meurtre a été commis par une personne de 18 ans moins un jour?
J'aimerais ajouter qu'au moment du prononcé de la sentence, si l'accusé, le meurtrier, ne se fait pas soigner, il demeure incarcéré jusqu'à ce qu'il soit jugé apte à être libéré et à devenir un membre productif de la société.
M. Ramsay: Merci.
M. McNamara: J'aimerais ajouter quelque chose. J'ai essayé de déterminer d'où vient ce chiffre magique de 18 ans. J'ai cherché dans les anciens fascicules du comité. À l'époque de la Loi sur les jeunes contrevenants, le chiffre variait de province en province; par exemple en Ontario, l'âge de majorité était de 16 ans; au Québec et au Manitoba, de 18 ans et en Colombie-Britannique de 17 ans.
Le comité a décidé de choisir 18 ans afin d'uniformiser l'âge pour tout le pays. À cause de la charte des droits, tous les gens devaient être égaux. On choisirait donc le chiffre le plus élevé. Ils ont ainsi ajouté une autre de ces soupapes de sécurité pour lesquelles ce comité est reconnu. S'il s'agissait d'un crime grave, on pouvait traduire un jeune devant les tribunaux pour adultes.
À Barry's Bay, il y a eu l'affaire de la mort de Ann Marie Bloskie. Un jeune homme, à six semaines de ses 18 ans, a suivi cette adolescente de 16 ans, lui a assené une vingtaine de coups à la tête avec une pierre, a violé son cadavre, l'a enterrée dans une fosse peu profonde, est revenu, a violé le cadavre à nouveau. Et il ne répondait pas aux critères du tribunal pour adultes. Je ne sais pas comment un crime pourrait être plus grave. Ce fou - c'était avant le projet de loi C-37 - a passé trois ans en garde en milieu fermé. Il est maintenant en liberté et nous ne savons pas qui il est.
Quelque chose ne va pas. On parle de réadaptation, mais j'ai lu certains des témoignages des professionnels. Je pense qu'il s'agissait de l'institut pénal au Québec. Il faudrait des années et des années pour tenter de réhabiliter ce type, mais notre régime pénal le relâche au bout de trois ans, voilà, vous êtes libre, vous êtes bien. À mon avis, ça ne va pas. Ce que je veux et ce que veulent les victimes de violence, c'est que l'on abaisse l'âge à 16 ans.
À notre époque, le régime qui vise les adultes comporte les mécanismes nécessaires pour faire face à tous les genres de crime. On prévoit des mesures de rechange qui peuvent aller jusqu'à 25 ans en prison. Ce qu'il faudrait peut-être, c'est établir à 21 ans l'âge adulte et de réserver des institutions propres aux jeunes de 16 à 21 ans. Ils ne seraient pas incarcérés avec la population adulte, mais ils seraient assujettis aux peines prévues dans le Code criminel pour les adultes.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay, votre temps est écoulé; mais pas à tout jamais.
Monsieur Gallaway.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, madame la présidente. Je souhaite la bienvenue aux témoins. J'aimerais poser mes questions à M. McNamara puisqu'il a déjà comparu devant le comité.
M. McNamara: C'est l'ami de M. Ramsay.
M. Gallaway: Je sais bien que, placés comme nous le sommes de ce côté-ci de la table, nous ne pouvons pas prétendre comprendre votre situation. Il est parfaitement clair que nous ne pouvons même pas commencer à comprendre ce que vous avez vécu et ce que vous vivez encore, les choses qui vous ont marqués. Les témoignages de ce matin ont été des plus émouvants, et nous ne pouvons pas commencer à comprendre vraiment votre situation. Mais nous pouvons vous écouter. À un certain niveau, nous pouvons comprendre, mais nous ne le vivons pas - et nous ne voulons pas le vivre.
J'aimerais que nous laissions de côté l'aspect anecdotique pour passer à vos recommandations, qui, à mon avis, ont un certain mérite. Toutefois, j'aimerais quelques précisions.
La recommandation numéro un est au sujet de la publication des noms des jeunes délinquants. Vous recommandez de publier leurs noms si les délinquants ont été reconnus coupables d'infractions à caractère violent. Dans le cas d'un jeune délinquant, il peut s'agir d'une bagarre dans la cour d'une école ou des crimes les plus horribles.
M. McNamara: En effet.
M. Gallaway: Je voudrais savoir si votre recommandation vise toutes les situations ou si en fait, vous visez un type particulier de comportement criminel.
M. McNamara: C'est à dessein que j'ai laissé cela vague, car je ne voulais pas exclure quoi que ce soit de la catégorie des crimes violents.
Si deux jeunes se bagarrent dans la cour d'une école et que l'un saigne du nez, il y a violence, mais le lendemain, les caméras ne seront pas là pour filmer le petit Johnny qui en est responsable. Je n'ai donc pas précisé, parce que je ne veux rien exclure de la catégorie des gestes violents.
La deuxième partie vise la Loi sur le contrôle des stupéfiants et la Loi sur les aliments et drogues. Au Canada, les parents devraient avoir le droit de savoir qui sont les vendeurs que fréquentent leurs enfants. Si un jeune qui habite à trois portes a été arrêté 14 fois pour vente de cocaïne, vous avez le droit de le savoir.
M. Gallaway: Donc, vous voulez que ce soit tous les crimes violents.
M. McNamara: Oui.
M. Gallaway: Très bien.
Mme McCuaig: Puis-je ajouter quelque chose?
M. Gallaway: Oui, certainement.
Mme McCuaig: Lorsque l'on inculpe quelqu'un pour meurtre, meurtre involontaire, enlèvement, etc., le nom n'est pas publié dans les journaux. Je parle au moment où les accusations sont portées.
Évidemment, ils n'ont pas tous été inculpés. Certains étaient libres, libres de venir proférer des menaces inquiétantes à l'endroit de notre famille. Nous ne savions pas qui rechercher. Nous ne savions pas qui étaient ces gens ni de quelle couleur ils étaient.
J'ai une grande famille. Maintenant, nous vivons tous derrière des portes verrouillées à double tour. Nous avons peur de nous rendre au centre commercial. Nous avons peur de sortir parce que nous ne savons pas qui sont ces gens. Ils pourraient habiter la maison d'à côté.
Si un jeune délinquant était inculpé pour meurtre involontaire ou meurtre, publiez son nom dans le journal afin que les voisins le sachent. S'il est reconnu coupable, parfait, il sera reconnu coupable. Sinon, il sera exonéré, mais nous saurons qu'il a été inculpé. Je crois que cela réveillerait aussi quelques parents, qui diraient: «Quoi! Mon fils fait cela!»
M. Gallaway: Donc, on vous a menacé. La police est-elle intervenue? La police peut-elle vous aider?
Mme McCuaig: Si demain je commets un crime, on va écrire dans les journaux: «Theresa McCuaig a été inculpée pour tentative de meurtre», et tout le monde le saura. On peut espérer que j'aurai honte. Cela dira certainement à mes voisins qu'ils doivent se protéger, parce que voici une fille qui peut tuer.
Tout simplement pour informer la population. La protéger. Actuellement, nous ne savons pas ce qui nous menace.
M. McNamara: La bande dont on dit qu'elle a participé au meurtre de Sylvain Leduc s'appelle Ace Crew. Il s'agit d'un groupe de jeunes contrevenants. J'aimerais savoir qui sont les membres de cette bande. Notre collectivité a le droit de le savoir. Si j'avais un fils de 15 ans, par exemple, je ne voudrais pas qu'il fréquente un membre de l'Ace Crew.
Mme McCuaig: C'est ça.
M. McNamara: Mais je ne sais pas qui ils sont. Il a des amis. Comment puis-je savoir? J'ai besoin d'informations.
En privant le public d'informations, vous le mettez en danger. La sécurité du public doit être primordiale. L'un des principaux objectifs du système judiciaire est de protéger la population. En refusant de publier des noms, vous causez beaucoup de tort aux Canadiens. Vous les mettez en danger. Theresa est en danger, et ce n'est pas normal.
Mme McCuaig: Maintenant, des accusations ont été portées contre l'un des jeunes. Trois mois avant cet incident, on l'a accusé d'avoir frappé un homme sur la tête avec un fusil et volé son portefeuille, 40$, sa montre et un paquet de cigarettes, sur la rue Nelson en plein jour. Il s'est enfui, mais un policier est arrivé et l'a arrêté immédiatement.
Si l'on avait rapporté l'incident dans le journal, mes petites nièces qui fréquentent cette bande se seraient dit: «Eh, ils commencent à publier les noms dans les journaux».
M. Gallaway: Je veux parler de la recommandation trois, qui porte sur l'âge minimum qui s'applique actuellement. Vous avez recommandé que le seuil de 12 ans soit supprimé et que l'on ne fixe pas d'âge. Cela signifierait, dans certains cas de ce que vous appelez «crime violent» ou récidivisme chronique, que des accusations pourraient être portées. Savez-vous si cette thèse est fondée sur des preuves tangibles, ou s'agit-il simplement...?
M. McNamara: Dans le mémoire de la police d'Edmonton, on parle du récidivisme chez les jeunes de 10 et 11 ans. D'après ce que m'ont dit des agents de police, je sais qu'à Toronto, il y a un enfant de 11 ans qui a volé et abîmé dans des accidents je ne sais combien de voitures. La police l'arrête et le ramène à la maison. Il faut faire quelque chose. Cet enfant va tuer quelqu'un. Mais la Loi sur les jeunes contrevenants stipule qu'il faut le ramener chez papa et maman.
M. Gallaway: Monsieur McNamara, dans le cas que vous venez de mentionner, celui du voleur chronique de voitures, entre autres, il a commencé à huit ou neuf ans environ. Il sait évidemment comment bricoler les fils des voitures pour les faire démarrer. À partir de quel moment cela devient-il une affaire judiciaire, et comment établir la différence entre une personne issue d'une famille désespérément négligente... et quand cela devient-il une affaire criminelle? Où faut-il fixer la limite?
M. McNamara: Je pense que nous devons faire confiance à nos organismes sociaux. Je sais qu'ils font un bon travail. Toutefois, il arrive un moment où le vol d'une voiture devient un crime relevant du Code pénal. L'enfant en question vole des voitures. Si personne ne réagit, il incombe à notre système judiciaire de le faire. En tant que représentant de ce système, vous devez l'arrêter. Si personne d'autre ne le fait, les lois du pays doivent être appliquées. Il faut faire quelque chose.
M. Gallaway: Que feriez-vous d'un enfant de neuf ans qui a un penchant chronique pour le vol des voitures? Quelle serait la sentence appropriée dans ce cas?
M. McNamara: Je ne pense pas qu'il soit question de l'incarcérer ou de lui imposer une peine semblable, mais il faut faire quelque chose. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais peut-être le juge qui suit l'affaire... et si les experts en la matière formulent des recommandations. Chaque jour, cet enfant pourrait peut-être suivre un cours pour prendre conscience de ses méfaits. Je ne connais pas ce domaine. Je sais simplement que quelqu'un doit faire quelque chose. Cela ne peut pas continuer. Il enfreint la loi. Dans de tels cas, le système judiciaire est le dernier recours.
M. Gallaway: Je passe à votre quatrième recommandation concernant la tenue des dossiers; vous proposez qu'un jeune contrevenant ait un casier judiciaire, je présume à vie.
M. McNamara: Oui.
M. Gallaway: Que feriez-vous d'un enfant de neuf ans qui vole des voitures, qui a des antécédents terribles et qui vient d'une famille absolument pourrie? Supposons qu'on l'arrête et qu'on le mette dans un foyer d'accueil qui réussit à le redresser. L'accableriez-vous d'un casier judiciaire pour le reste de sa vie?
M. McNamara: Je ne sais pas si j'utiliserais le verbe «accabler», mais je pense que, d'après de nombreux témoignages que vous avez entendus par le passé, ces enfants-là commencent à un jeune âge et s'endurcissent graduellement jusqu'à la trentaine et la quarantaine, âge auquel ils deviennent de grands criminels. À mon avis, ce n'est pas normal de rejeter une partie du casier judiciaire, de l'effacer, car le cheminement des gens est très important. Toutefois, je ne parle pas... La police conserve les dossier, les services sociaux aussi.
Je ne voudrais pas que ce soit comme une grande tache noire dans son dossier, mais je pense que nous devons conserver les dossiers.
M. Desroches: Si vous avez douze ans et si vous savez que vous conserverez ce dossier pendant le reste de votre vie, cela ne vous inciterait-il pas un tout petit peu à être sage et à ne pas commettre de crime? Actuellement, cet incitatif n'existe pas.
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
[Français]
Monsieur de Savoye, cinq minutes.
M. de Savoye: Dans votre recommandation numéro 5, monsieur McNamara, vous dites que les parents des jeunes contrevenants devraient être tenus économiquement responsables des gestes de leurs enfants et donner une compensation ou une restitution à la famille de la victime lorsque c'est faisable.
Qu'arrivera-t-il si les parents sont trop pauvres? Les gouvernements devraient-ils assumer cette compensation pour qu'il n'y ait pas deux catégories de victimes, celles des enfants de parents riches et celles des enfants de parents pauvres?
[Traduction]
M. McNamara: Une fois de plus, ça dépend évidemment de la situation financière des parents. Toutefois, si mon fils casse une fenêtre, je crois que je devrai payer le propriétaire de la maison dont la fenêtre a été cassée si j'en ai les moyens. Je devrai lui acheter une nouvelle fenêtre. C'est mon fils qui l'a cassée. Je ne crois pas que je devrais manquer totalement à mes responsabilités parentales et faire payer sa compagnie d'assurance pour la fenêtre que mon fils a cassée; cela ferait augmenter toutes nos primes d'assurance à cause de mon fils. Je dois également assumer certaines responsabilités pour mon fils.
Permettez-moi de signaler qu'au Canada, sur 13 000 infractions violentes, huit seulement ont fait l'objet de réparation. En ce qui concerne les infractions liées à la propriété - bris de fenêtres, vol et introduction par effraction - il y a eu 41 000 décisions et 217 cas de réparations seulement.
Dans le cas de Theresa et de Sylvain, la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels attendra deux ans avant de leur accorder peut-être 3 500$. Je connais un cas - dont j'ai déjà parlé au comité - qui s'est déroulé à Peterborough, celui de Robert Land, dont le jeune garçon a été tué avec un fusil de chasse. En enterrant son enfant, il pensait que la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels l'indemniserait. Les funérailles ont coûté 6 000$. Il a reçu 3 500$ et il est maintenant poursuivi en justice par la maison funéraire qui veut récupérer la différence.
Je pense que les parents du tueur, s'ils ont de l'argent, doivent contribuer à l'enterrement de Sylvain. Pourquoi devrais-je payer? Pourquoi tous les autres contribuables doivent-ils assumer le coût des actes criminels quand les criminels eux-mêmes peuvent le faire?
Par exemple, j'ai parlé à Theresa un peu plus tôt aujourd'hui. Hier, il y avait 14 avocats au Palais de justice. Qui paye tout cela? C'est nous qui payons. Si les parents en ont les moyens, ils doivent payer leur propre avocat.
[Français]
M. de Savoye: Est-ce que vous iriez jusqu'à recommander que le gouvernement mette à la disposition des victimes des montants plus raisonnables et perçoive ensuite des parents qui en ont les moyens les sommes déboursées par l'État?
[Traduction]
M. McNamara: Eh bien, je vous dirai que c'est bien beau, mais nous sommes tombés dans ce piège en Ontario, où l'on a institué une suramende compensatoire. Les tribunaux ontariens imposent cette amende, qui est versée dans le trou noir qu'est le trésor de la province. Les victimes n'ont pas obtenu un sou.
Dans bien des cas, les victimes ne veulent pas d'argent. Ce que je préconise - pour Theresa ou pour les membres des familles des victimes de meurtre - c'est qu'ils aient la possibilité d'obtenir une aide psychologique gratuite. C'est peut-être un début, et ça leur éviterait de payer 350$ de l'heure pour obtenir cette aide. Je pense à la pauvre Debbie Mahaffy. C'est un autre cas, mais les problèmes et la douleur qu'elle éprouve, de même que les dépenses qu'elle paie de sa poche...
Excusez-moi. Parfois, je suis si furieux de cette injustice. Je ne veux pas enlever grand-chose aux jeunes contrevenants, mais je pense que le système pourrait être un peu plus équilibré pour aider les victimes.
Cela me rappelle quelque chose. Victor parlait des installations de loisirs. Il y a quelque chose qui m'est toujours resté en travers de la gorge à ce sujet. Je n'ai rien contre le basket-ball et beaucoup d'autres sports qu'ils pratiquent, mais je ne comprends pas l'haltérophilie. Dans bien des cas, ce sport consiste uniquement à créer des voyous plus gros et plus méchants. Qu'ils fassent de la danse aérobique.
La présidente: Madame Bethel, vous avez cinq minutes.
Mme Bethel (Edmonton-Est): Merci, madame la présidente. Je ne pense que ça va durer aussi longtemps.
Monsieur Sullivan, vous avez dit que l'une des choses les plus frustrantes, c'est ce que le policier a besoin d'examiner avec l'accusé, et qu'il faut modifier l'article 56. En quoi doit-il consister, à votre avis?
M. Sullivan: Quand je discute avec des policiers, ils me disent souvent qu'il est très difficile d'obtenir une déclaration admissible de la part de jeunes. Nous préconisons simplement que l'on abroge l'article 56 pour donner aux jeunes les mêmes droits que l'on donne aux adultes en ce qui concerne les dépositions, mais en ajoutant peut-être qu'un parent ou un tuteur peut être présent si cela est nécessaire.
Les agents doivent suivre une longue procédure, que vous avez peut-être déjà vue.
Mme Bethel: Oui, j'en ai entendu parler.
M. Sullivan: Je pense que c'est tout à fait inutile. La protection que nous accordons aux adultes suffit largement aux jeunes aussi.
Mme Bethel: Si nous ajoutions un parent à la...
M. Sullivan: C'est déjà dans la loi, et je ne vois aucun inconvénient à ce que l'on conserve cette disposition.
Mme Bethel: Vous dites que vous appuyez l'idée de baisser l'âge des jeunes contrevenants et d'imposer certaines conditions. Je comprends votre raisonnement. Évidemment, le problème le plus grave se pose quand l'environnement familial est mauvais. Quelle solution de rechange proposez-vous? De plus, quel genre d'appui les provinces offrent-elles, puisqu'elles s'occupent du bien-être des enfants? Étant originaire de l'Alberta, où l'on est en train de privatiser la protection de la jeunesse, il me semble qu'il y aura un vrai patchwork.
M. Sullivan: Je ne suis pas expert dans le domaine du bien-être des enfants, mais je pense qu'il est très difficile pour un travailleur social de retirer un enfant de chez lui si c'est malheureusement nécessaire. Je pense que, dans bien des cas, c'est peut-être ce qu'il y a de mieux pour l'enfant, ne serait-ce qu'à titre temporaire, mais c'est très difficile à cause des exigences juridiques inhérentes à la procédure.
Quand je parle de conditions... si nous voulons laisser les choses telles qu'elles sont - et il s'agit évidemment d'une responsabilité provinciale - et si les provinces ne veulent pas renforcer les lois relatives au bien-être des enfants, alors le statu quo est inacceptable, car nous avons des enfants de 10 et 11 ans qui commettent des crimes. Souvent, ils le font pour des personnes plus âgées, car les jeunes plus âgés savent qu'on ne va pas les punir parce qu'ils ne peuvent pas être touchés par la Loi sur les jeunes contrevenants. Si nous voulons simplement laisser les choses telles qu'elles sont, et si les provinces ne veulent rien faire, la LJC est peut-être, dans une certaine mesure - une fois de plus, sans mettre les jeunes en prison - ce que nous avons de mieux à offrir. Bien entendu, il serait préférable de renforcer les lois relatives au bien-être des enfants pour les rendre plus efficaces.
Mme Bethel: Ma question se rapporte au travail que vous avez fait avec les provinces pour communiquer ce message, car la LJC ne suffit pas.
M. Sullivan: De quel travail parlez-vous précisément? Quand nous entendons parler des cas, nous écrivons des lettres, etc. Pour ce qui est de rencontrer les comités des gouvernements provinciaux, nous n'en avons pas encore eu l'occasion.
M. McNamara: Nous sommes un organisme de bienfaisance. Nous sommes là pour aider des gens comme Theresa, Victor et Carole. Nous ne sollicitons pas les organismes gouvernementaux - à l'exception de ce comité.
Mme Bethel: Enfin, je voudrais demander des précisions concernant la recommandation no 4. Je suis nouvelle au sein du comité et je ne suis pas certaine de bien comprendre votre point de vue lorsque vous dites qu'il faudrait modifier toutes les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants concernant le casier judiciaire pour le rendre identique à celui d'un adulte en ce qui concerne la restitution et l'indemnisation.
M. McNamara: Les restitution et l'indemnisation?
Mme Bethel: Vous dites, à la recommandation no 4, qu'il faudrait modifier toutes les dispositions pour que le casier judiciaire soit identique à celui d'un adulte.
M. McNamara: Ce que je dis essentiellement, c'est qu'un jeune qui commet un crime va avoir un casier judiciaire, qu'il va conserver par la suite.
Si vous consultez l'Association canadienne de police, la police d'Ottawa, un service de police municipale ou les agents du service correctionnel, vous verrez qu'on peut déterminer si un individu risque de récidiver d'après son casier judiciaire. S'il a commis plusieurs fois les mêmes infractions, vous pouvez être à peu près certaine qu'il va récidiver.
Quoi qu'en disent les devins de l'administration pénitentiaire, la meilleure façon de prévenir la récidive est de consulter les casiers judiciaires. Si vous effacez toutes les infractions commises par un jeune avant l'âge de 18 ans, vous ne pouvez plus en tenir compte lorsqu'il devient adulte, et vous n'aurez pas une image fidèle de sa personnalité.
Mme Bethel: Est-ce que vous parlez de tous les jeunes contrevenants, ou seulement des cas les plus sérieux?
M. McNamara: De tous les jeunes contrevenants. Je ne vois pas quel problème peut poser le casier judiciaire. C'est une atteinte à la réputation, mais je suis désolé, il s'agit de jeunes qui ont commis un crime. Ils ont engagé leur responsabilité. S'ils ne veulent pas avoir de casier judiciaire, qu'ils ne commettent pas de crime.
Mme Bethel: Merci.
La présidente: La salle est réservée à un autre sous-comité.
Monsieur Ramsay, je vous donne un crédit de cinq minutes.
M. Ramsay: C'est à eux qu'il faut le donner.
La présidente: Oui. Il y a une autre séance prévue dans cette salle et nous devons donc partir.
Mais avant, je voudrais dire que vous nous avez exposé un problème très précis: la Loi sur les jeunes contrevenants est la seule loi qui traite partiellement des problèmes dont vous vous occupez, mais par ailleurs, le gouvernement vient de constituer un groupe de travail sur la jeunesse, que vous pouvez joindre par l'intermédiaire du service de M. Bevilacqua. Je ne peux pas m'engager en son nom. Je ne connais pas le mandat de ce groupe de travail, mais il pourrait vous donner l'occasion d'intervenir, ce qui pourrait être utile pour tout le monde.
M. McNamara: Madame la présidente, je voudrais vous poser une question. Nous avons comparu aujourd'hui devant le comité et vous avez recueilli les témoignages d'autres groupes mais la Loi sur les jeunes contrevenants est déjà adoptée. Est-ce qu'il va y avoir une nouvelle loi sur les jeunes contrevenants, ou sommes-nous en train de perdre notre temps?
La présidente: Je ne pense pas que vous perdiez votre temps. Le ministre s'est engagé à faire réviser la loi et nous a demandé de présenter au gouvernement un rapport à partir duquel on envisagera de nouvelles mesures législatives.
M. McNamara: On peut donc s'attendre à une nouvelle loi?
La présidente: Je ne sais pas. Vous pouvez vous attendre à un rapport de ce comité, qui devrait, à mon avis, amener le gouvernement à agir, évidemment en fonction de nos recommandations.
M. McNamara: Merci.
La présidente: Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence et de leurs excellents exposés.
La séance est levée.