[Enregistrement électronique]
Le lundi 22 avril 1996
[Traduction]
La présidente: À l'ordre. La séance est ouverte.
Ce matin, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable Alan Buchanan, ministre des Affaires provinciales et procureur général du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard; et à Phil Arbing, conseiller provincial de la justice correctionnelle de l'Agence de la santé et des services communautaires.
La façon dont nous procédons habituellement, c'est que nous écoutons d'abord votre présentation, puis nous posons des questions. Mais aujourd'hui, nous avons votre présentation et nous n'avons qu'une heure.
Je vous laisserai planifier votre temps en conséquence, monsieur le ministre. Bienvenue.
L'hon. Alan Buchanan (ministre des Affaires provinciales et procureur général, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard): J'aimerais alors aborder au moins certains des points saillants de la présentation. Je ne vous ferai donc pas un exposé détaillé mais je présenterai plutôt les points les plus pertinents. Nous pourrons alors avoir ensuite une discussion plus générale.
Comme vous l'avez indiqué, Philip Arbing m'accompagne cet après-midi. Philip est notre conseiller provincial en matière correctionnelle et de justice pénale. Il fait partie de notre Agence de la santé et des services communautaires, qui est responsable d'administrer non seulement la Loi sur les jeunes contrevenants mais aussi le système correctionnel pour adultes dans la province ainsi que le système de libération conditionnelle.
Bien qu'il existe un certain nombre de provinces où, d'après ce que je crois comprendre, le système des services sociaux est responsable de l'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants, nous sommes la seule qui soit responsable des services correctionnels aux adultes dans le cadre du système de la santé et des services sociaux.
J'ai l'intention de demander à Phil de répondre à toutes les questions difficiles aujourd'hui. Par conséquent, si vous avez des questions difficiles et techniques à poser, Phil se chargera d'y répondre car il fait carrière dans ce domaine depuis 20 ou 25 ans. Je suis sûr qu'il pourra répondre à toutes vos questions.
Tout d'abord, madame la présidente, je tiens à vous remercier ainsi que les membres du comité de nous avoir offert l'occasion de faire cette présentation ce matin dans le cadre de votre examen du système judiciaire pour les jeunes au Canada. Nous sommes extrêmement heureux que votre comité tienne des séances partout au pays et dans la région de l'Atlantique. Je suis particulièrement heureux que vous soyez à Charlottetown aujourd'hui, qui marque la première étape de votre tournée du pays. Au nom du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard et de la population de l'Île-du-Prince-Édouard, je tiens à vous souhaiter la bienvenue dans notre province.
J'espère que les efforts que vous avez déployés pour tenir des audiences d'un bout à l'autre du pays amélioreront la qualité de cet examen général et permettront de s'assurer que les conclusions qui en découleront sont un reflet fidèle de la situation qui existe à l'échelle nationale. À cet égard, j'estime important que l'on tienne compte dans le cadre de ce processus des expériences, des vues et des préoccupations des petites villes et des régions rurales du Canada.
Comme vous le savez, nous avons transmis à votre comité certains commentaires écrits en prévision de cette réunion ainsi qu'une lettre datée du 17 octobre 1995. Aujourd'hui, mes commentaires reprendront certains des points soulevés dans ces documents. Ils seront surtout de nature générale bien que nous reconnaissions que le mandat de votre comité est assurément très vaste.
La question de l'approche à privilégier à l'égard des adolescents mêlés à des activités criminelles et délinquantes est, de toute évidence, complexe. Les raisons pour lesquelles ces jeunes participent à de telles activités et les facteurs personnels et sociaux qui favorisent leur comportement sont encore plus complexes. Je constate que votre étude portera également sur ce deuxième aspect.
Bien que cela puisse sembler évident, j'estime important que nous reconnaissions dès le départ que le Code criminel du Canada et la Loi sur les jeunes contrevenants ne sont pas directement à l'origine des comportements criminels ou délinquants. Ils définissent plutôt ce qui constitue un comportement inacceptable et déterminent les mesures à prendre à l'égard de ces comportements une fois qu'il a été déterminé qu'une réaction formelle de la part de la société s'impose.
Il semble qu'au cours des trois dernières années, les discussions relatives à la Loi sur les jeunes contrevenants ont porté principalement sur les crimes violents commis par de jeunes contrevenants qui pour la plupart étaient plus âgés - si cela n'est pas une contradiction dans les termes. Il est malheureux de limiter ainsi le débat. Il y aurait peut-être lieu de chercher plutôt des solutions à la problématique plus vaste de la violence dans la société.
J'aimerais indiquer que l'Île-du-Prince-Édouard vient d'approuver une stratégie provinciale sur la prévention de la violence familiale qui comporte diverses mesures destinées à remédier au problème de la violence. Plus tard, nous pourrons peut-être vous renseigner davantage à ce sujet.
Par ailleurs, au cours des discussions, on a trop insisté sur les soi-disant lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants et du système judiciaire pour les jeunes, sans en avoir examiné sérieusement les avantages, l'utilité et l'efficacité. Votre comité sera sans doute la tribune tout indiquée pour l'examen et la discussion de ces aspects.
La perpétration de crimes violents par des adolescents est une question préoccupante mais il reste à déterminer si les mécanismes d'application ou d'administration de la législation actuelle, même sans les changements prévus par le récent projet de loi C-37, permettent d'y donner suite de façon efficace. À moins que les dispositions de la loi actuelle, son orientation, les principes qui la sous-tendent, ainsi que la souplesse qui la caractérise soient effectivement respectés dans chaque cas, l'adoption de mesures encore plus restrictives pour juger un nombre relativement faible de cas, qui n'en sont pas moins graves, risquerait de frustrer encore davantage la population et les victimes.
Nous devons également prendre garde à ne pas donner l'impression de vouloir adopter une approche plus coercitive à l'égard de l'ensemble des jeunes contrevenants. Il me semble que la Loi sur les jeunes contrevenants, le Code criminel canadien et les lois qui s'y rattachent nous offrent des moyens suffisants de donner suite au problème de la criminalité chez les jeunes.
L'adoption de nouvelles mesures à l'égard de contrevenants plus âgés qui commettent des infractions plus graves risque fort de modifier indûment l'orientation et les objectifs de la Loi sur les jeunes contrevenants ainsi que les principes qui la sous-tendent. Ces changements pourraient aboutir à la création d'un troisième type de système judiciaire à l'intention des adolescents plus âgés. De l'avis du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, ce système serait inefficace et coûteux et probablement peu satisfaisant sur le plan des programmes et des possibilités de réadaptation. Il serait en outre peu susceptible d'accroître la sécurité du public. Je pense que nous devrions plutôt dans certains cas recourir aux dispositions actuelles de la Loi sur les jeunes contrevenants pour que les adolescents soient jugés par un tribunal pour adultes plutôt que par un tribunal pour adolescents.
Nous espérons que les changements apportés récemment aux dispositions relatives au transfert, qui prévoient que les jeunes de 16 et 17 ans accusés d'une infraction grave doivent être jugés par un tribunal pour adultes, à moins que la Cour estime que le tribunal pour adolescents est en mesure de traiter le cas de façon satisfaisante, ne nuiront pas indûment à l'administration de la justice et n'entraîneront pas des coûts supplémentaires pour les tribunaux, le procureur de la Couronne et les services d'aide juridique, occasionnés par des retards, des audiences, des examens et même des appels supplémentaires.
Lors de l'élaboration de possibilité d'actions et de propositions législatives, il importe de tenir dûment compte de leurs incidences financières, opérationnelles et administratives car comme vous le savez, elles touchent surtout les provinces. Autrement, cela entravera nos efforts en vue d'établir un système judiciaire pour les jeunes plus efficace et moins coûteux.
Nous convenons que le système judiciaire pour les jeunes doit être à la fois efficace et abordable. Lorsque la Loi sur les jeunes contrevenants a été adoptée en 1984, l'Île-du-Prince-Édouard n'avait pas encore établi d'orientation précise à l'égard des délinquants juvéniles et ne possédait pas de système particulier pour les juger. La nouvelle loi a donc obligé la province à concevoir et à mettre sur pied un ensemble de services destinés aux jeunes contrevenants, depuis des programmes de mesure de rechange jusqu'à la détention en milieu fermé, en passant par l'adoption de solutions élaborées par la collectivité. Je crois savoir que votre comité se rendra à Summerside pour y visiter l'un de nos établissements pour jeunes.
Plusieurs dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants ont eu un impact important sur les programmes de la province et sur les coûts qui s'y rattachent. Le fait que les jeunes de 16 à 17 ans tombent maintenant sous le régime de la loi a notamment eu des conséquences importantes. De fait, depuis que ce changement a été apporté, bon nombre de jeunes de plus de 18 ans profitent des programmes destinés aux jeunes contrevenants.
Par contre, il semble que ce groupe plus âgé ait eu l'occasion de bénéficier de programmes de bonne qualité qui ne sont pas habituellement offerts dans le système pour adultes. Comme les modifications récentes sont axées sur certaines infractions graves commises par des jeunes de 16 et 17 ans, nous convenons qu'il y a lieu de maintenir à 17 ans l'âge maximum actuel de responsabilité pénale.
Les petites provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard doivent fournir toute une gamme de services, et pris individuellement, chaque cas et chaque programme s'avèrent souvent plus coûteux. Nous avons tenté de régler le problème mais les coûts demeurent très élevés. C'est pourquoi il importe que le soutien du gouvernement fédéral et le partage des coûts soient maintenus. De fait, nous considérons que le gouvernement fédéral devrait prévoir des ressources supplémentaires qui favoriseraient l'adoption de solutions novatrices permettant d'établir un meilleur équilibre entre la prévention, la participation de la collectivité et l'intégration avec d'autres services sociaux et pour la jeunesse.
Comme le gouvernement fédéral a réduit sa contribution aux services destinés aux jeunes contrevenants, il est important que les nouvelles modifications à la loi, en particulier celles qui n'ont pas l'appui de la majorité des provinces, ne diminuent pas davantage notre capacité de fournir des programmes et des services satisfaisants. Au cours des sept dernières années environ, la contribution financière du gouvernement fédéral, qui représentait 50 p. 100 des coûts de nos programmes communautaires et de garde, est passée à environ 35 p. 100.
Nous appuyons les changements apportés à la loi ces dernières années pour aider les victimes d'actes criminels, mais nous croyons qu'il y a lieu d'envisager des changements supplémentaires qui tiendront davantage compte des besoins des victimes. À titre d'exemple, la suramende compensatoire, qui fait partie des modalités de règlement prévues par le Code criminel à l'égard des adultes, ne figure pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants. La plupart des jeunes contrevenants qui sont appelés à comparaître en cour sont plus âgés. Beaucoup d'entre eux ont un emploi, du moins à temps partiel et sont capables de payer. Comme il est prévu dans le Code criminel, le tribunal pourrait supprimer cette exigence si l'adolescent se trouve dans une situation difficile. Nous proposons que la Loi sur les jeunes contrevenants et le système judiciaire pour les jeunes prévoient l'imposition d'une telle amende.
Je signale que les adolescents accusés d'avoir commis une infraction provinciale dans cette province sont tenus, en vertu de la loi provinciale, de payer une suramende compensatoire. Pendant que nous sommes sur le sujet, j'estime qu'il y aurait lieu d'examiner également la prescription concernant la suramende compensatoire prévue par le Code criminel et de la réviser à la hausse.
En ce qui concerne les programmes de garde, les changements proposés par le projet de loi C-37 ont réglé en partie les difficultés pratiques que pose le placement sous garde d'un adolescent ou son envoi dans un établissement dont le niveau de sécurité diffère. Nous aimerions avoir une plus grande latitude pour effectuer les transferts entre les établissements de garde en milieu fermé et les établissements en milieu ouvert, de manière à faciliter la planification de la libération, les évaluations supplémentaires et la révision des plans de programmes, ou pour répondre à d'autres besoins liés au programme. Par ailleurs, des périodes de liberté provisoire d'au moins 30 jours plutôt que de 15 cadreraient davantage avec les programmes de traitement et de formation ou avec les autres mesures de réadaptation.
Bien que les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants portant sur la diffusion de renseignements et sur les dossiers aient soulevé des questions dans diverses régions du pays, elles ne nous posent pas de difficultés particulières. Lorsque des règles communes ont été établies, l'information a pu être utilisée par les services éducatifs, les services de protection de l'enfance, les services de santé mentale, les services correctionnels pour adultes et d'autres services connexes ainsi que par les victimes. La communication de ces renseignements a servi à planifier la gestion des cas, a donné accès à des services et ainsi de suite. Ces règles communes prévoient notamment qu'il faut obtenir une autorisation pour diffuser des renseignements.
Toutefois, ce n'est pas tâche facile de retracer l'information une fois qu'elle a été diffusée et de voir à ce qu'elle soit utilisée de façon responsable et aux fins prévues. Les modifications apportées récemment à la Loi sur les jeunes contrevenants accordent une importance plus grande à la déclaration de principe, qui appelle à une plus grande participation de la collectivité à la prévention de la criminalité. Cette orientation doit cependant se concrétiser par la mise en oeuvre de mesures énergiques et par l'adoption d'une politique nationale.
C'est d'ailleurs l'orientation que privilégie le Conseil national de prévention de la criminalité, qui axe plus particulièrement ses efforts sur les enfants et les adolescents. À titre d'information, le conseil exécutif de notre province a approuvé en juin 1995 une stratégie à long terme visant à prévenir la criminalité et à rendre les collectivités plus sûres. Le point de vue et les préoccupations des adolescents ont été pris en compte dans l'élaboration de cette stratégie. Lorsqu'on décidera des projets à réaliser pour la mettre en oeuvre, on examinera de façon plus approfondie les besoins des adolescents. La province a également approuvé une stratégie pour la jeunesse qui servira à orienter la mise en place de services destinés aux enfants et aux adolescents.
Je crois comprendre que votre comité entendra une présentation sur la stratégie provinciale visant à prévenir la criminalité et à rendre les collectivités plus sûres et rencontrera certains des membres du comité consultatif provincial chargé d'orienter cette stratégie. Je leur laisserai le soin de vous fournir plus de précisions sur leurs programmes et activités.
Dans le cadre de la réorganisation du gouvernement de cette province et en particulier des réformes effectuées dans le domaine de la santé, des services sociaux et des services communautaires connexes, on s'efforce d'intégrer les services destinés aux enfants, aux adolescents et aux familles, de confier dans toute la mesure du possible la prestation des services à des organismes locaux ou communautaires et de répondre aux besoins des personnes qui ont besoin de services. La restructuration est axée principalement sur le développement communautaire, la promotion de la santé et la prévention. On considère effectivement qu'il appartient principalement aux familles de voir à leurs besoins et de résoudre leurs difficultés. Une orientation semblable sous-tend certaines dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants. De nombreuses collectivités et de nombreux services publics, dont les services policiers, devront examiner leurs responsabilités et leurs activités dans le cadre de cette nouvelle initiative.
Cette nouvelle approche intégrée permettra d'offrir un plus grand nombre de solutions de rechange aux jeunes contrevenants, tant ceux accusés d'avoir commis des infractions que ceux qui sont susceptibles d'en commettre, afin d'intervenir plus rapidement et de façon plus appropriée, et d'examiner les possibilités de placement en se fondant sur une évaluation des besoins et des risques.
Par ailleurs, cette approche intégrée permettra une intervention plus rigoureuse auprès du petit nombre d'enfants de moins de 12 ans qui font preuve d'inconduite grave. Il n'y a donc pas lieu d'envisager un abaissement de l'âge minimum de responsabilité, établi actuellement à 12 ans. En ce qui concerne les jeunes de 12 à 14 ans, nous devrions élaborer de meilleures options communautaires, moins formelles et non criminelles, axées sur le soutien, l'orientation et l'encadrement.
En ce qui concerne les mesures de rechange au processus judiciaire pour les jeunes, notre expérience à cet égard a été positive jusqu'à présent. Une évaluation récente du programme de mesures de rechange, effectuée dans la province avec l'aide de Justice Canada, a proposé certains remaniements et favorise un recours accru aux mesures de rechange. Cette approche s'est avérée efficace et efficiente, comparativement au processus officiel utilisé pour traiter des cas semblables.
La quantité et la qualité de l'information fournie au tribunal pour aider à la détermination de la peine sont d'une importance capitale, en particulier lorsqu'un verdict de culpabilité est rendu à l'égard d'un acte criminel de moindre gravité et que l'on souhaite opter pour une solution de rechange à la détention. De fait, il faudrait prévoir davantage de ressources pour que l'on puisse recourir à d'autres formes de placement et à des dédommagements, et imposer des peines de service communautaire qui tiennent compte des besoins des victimes. Là encore, la province aura besoin pendant un certain temps de l'aide du gouvernement fédéral pour mettre en place de nouveaux programmes et adopter des solutions faisant appel à la participation de la collectivité. Les établissements à sécurité minimale doivent cependant être maintenus pour les adolescents qui commettent des infractions graves.
Nous tâcherons d'accroître la collaboration entre divers organismes, pour favoriser une intervention précoce, pour évaluer et élaborer des options de placement appropriées, tant avant la mise en accusation et la détermination de la peine qu'au moment de la libération et du suivi. Cette initiative aura toutefois des incidences financières.
Plutôt, on a mentionné brièvement la frustration exprimée par la population et par les victimes. Au cours des premières années de la mise en oeuvre de la Loi sur les jeunes contrevenants, nous avons fait un assez bon travail dans le domaine de l'éducation juridique et de la communication de l'information, mais ces efforts semblent ne pas avoir été soutenus. Il existe donc une certaine confusion en ce qui a trait à la nature de la loi, aux possibilités qu'elle offre et à ses limites.
Il est également possible qu'on ait négligé les occasions de mieux informer la population par le biais des médias. Ces derniers se sont plutôt attachés à présenter des aspects particuliers ou inusités de certains cas, sans en faire une véritable analyse, ni fournir de l'information pertinente provenant du système judiciaire pour les jeunes. Par conséquent, il semble qu'une nouvelle campagne nationale d'information et d'éducation en matière juridique s'impose pour mieux sensibiliser le public à la Loi sur les jeunes contrevenants et au système judiciaire pour les jeunes. Cette campagne devrait également viser à mieux informer les intervenants du système judiciaire pour qu'ils soient à même de renseigner et de sensibiliser le public. Nous considérons que le gouvernement fédéral a un rôle de premier plan à jouer à cet égard en coopération avec les provinces et les territoires.
Nous avons effectué l'an dernier un vaste sondage auprès de la population afin de mieux comprendre les attitudes et les perceptions des résidents de l'Île en ce qui avait trait aux problèmes associés à la criminalité et à l'appareil de justice pénale. Comme on pouvait s'y attendre, étant donné l'attention que les médias avaient récemment portée à cette question, un certain nombre de problèmes et de questions ont fait ressortir le problème de la délinquance juvénile et de la violence chez les jeunes.
Sur une note plus positive, le sondage a fait ressortir un très fort appui pour la prévention du crime et la répression criminelle et, ce qui est encore plus encourageant, la plupart des répondants se sont dits d'avis qu'il incombait à la population de prévenir le crime. Lorsqu'on a demandé aux répondants comment ils dépenseraient l'argent s'ils étaient responsables du système de justice, un tiers d'entre eux ont répondu qu'ils l'affecteraient à des programmes destinés aux jeunes alors qu'un quart préférerait se tourner du côté des programmes à l'intention des contrevenants. Tandis qu'un autre quart attribuerait les sommes à la prévention du crime, un dixième se tournerait vers l'amélioration de l'organisation judiciaire et un autre dixième vers l'aide aux victimes.
La conclusion la plus importante pour nos discussions d'aujourd'hui c'est que 75 p. 100 des gens qui ont participé au sondage déclaraient vouloir être informés davantage sur l'appareil de justice pénale.
Ainsi, vous constatez que le sondage effectué à l'Île-du-Prince-Édouard fait ressortir le fait que des efforts supplémentaires s'imposent pour sensibiliser la population à l'appareil de justice pénale. Comme je l'ai dit plus tôt, nous voyons le gouvernement fédéral comme un chef de file à cet égard. Un projet de ce genre doit inclure des discussions sérieuses avec les provinces de même qu'avec l'organisme communautaire pertinent non seulement en ce qui a trait à son élaboration, mais aussi à sa mise en oeuvre.
Des représentants de notre province seraient heureux de faire part de leur expérience du domaine des jeunes contrevenants, de la justice pour les jeunes et d'autres secteurs de programme relevant du ministère de la Justice, ainsi que des progrès accomplis jusqu'à maintenant dans les domaines de la santé et des services sociaux. Il est important que dans ses travaux, le comité parlementaire tienne compte de l'expérience des petites provinces essentiellement rurales comme l'Île-du-Prince-Édouard.
Il importe enfin que nous prenions connaissance des solutions qui donnent de bons résultats. J'ai bon espoir que les exposés que vous entendrez plus tard aujourd'hui viendront compléter certaines des questions dont j'ai parlé. Je suis convaincu qu'ils permettront de repérer d'autres problèmes importants alors que nous devons nous attacher à offrir la meilleure qualité de vie possible à nos jeunes gens et, en même temps, à fournir un moyen efficace pour aider ceux qui sont aux prises avec des problèmes sociaux et criminels.
Je veux de nouveau vous remercier de l'occasion que vous nous offrez de contribuer à l'examen et je suis impatient, de même que M. Arbing, de répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser sur notre mémoire.
La présidente: Merci, monsieur le ministre.
Madame Venne.
[Français]
Mme Venne (Saint-Hubert): Je vais tout d'abord faire une première remarque sur les médias. Vous dites qu'il devrait y avoir une campagne d'information, et je suis bien d'accord. Mais je me dis que ça ne donne rien de faire une grande campagne d'information à travers le Canada et les provinces si les médias se mettent à monter en épingle le moindre incident, comme ils le font chaque fois.
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, mais je vous avoue que la mienne est déjà passablement faite sur les médias.
[Traduction]
M. Buchanan: Nous ne pouvons d'aucune manière contrôler les médias, mais ce dont je suis sûr, c'est que la Loi sur les jeunes contrevenants y a fait l'objet d'accusations montées de toutes pièces dans une certaine mesure. Au Canada, on a créé une sorte d'hystérie en ce qui concerne le crime, et je pense tout particulièrement à la criminalité chez les jeunes, même si d'après les statistiques celle-ci diminue. Que vous écoutiez pour ainsi dire n'importe quel bulletin de nouvelles, les quatre ou cinq manchettes sont presque invariablement reliées à des crimes. Je crois que si l'on n'essaie pas de sensibiliser les médias, ceux-ci vont continuer à alimenter l'hystérie et la crainte qui habite la population.
[Français]
Mme Venne: Ma question suivante sera plutôt une constatation. Je remarque que vous faites trois propositions en vue de modifier la loi, l'une sur l'amende compensatoire, une autre sur le délai qui passerait de 15 à 30 jours pour la liberté provisoire, et une troisième qui donnerait plus de latitude pour les transferts entre les établissements de garde en milieu fermé et les établissements de garde en milieu ouvert.
Ce sont les trois propositions fermes que je vois dans votre mémoire. Je pense, personnellement, que si vous n'avez que ces trois propositions à faire sur la loi, vous devez être passablement satisfait.
[Traduction]
M. Buchanan: Oui.
[Français]
Mme Venne: Ces propositions sont intéressantes mais mineures. Donc, vous devez en être passablement satisfait. Ai-je tort ou raison?
[Traduction]
M. Buchanan: Je crois que vous avez tout à fait raison.
Je ne crois pas que nous devrions nous lancer dans un exercice qui viserait à changer quelque chose qui dans l'ensemble fonctionne assez bien. Comme nous avons l'habitude de dire, nous ne devrions pas pêcher par excès de zèle. Je crois que la Loi sur les jeunes contrevenants contient suffisamment de dispositions pour nous permettre d'y apporter les changements requis pour l'améliorer.
Je crois que fondamentalement la philosophie et les principes qui sous-tendent la Loi sur les jeunes contrevenants continuent d'être valables et solides. D'après l'expérience que j'ai acquise à des conférences antérieures de ministres où nous avions l'occasion de discuter de la Loi sur les jeunes contrevenants, l'enthousiasme quant aux changements à apporter à la loi est directement lié à la proximité d'élections dans chaque province. Je ne crois pas que les élections devraient servir de fondement aux changements à apporter à une mesure législative importante, surtout une mesure qui porte sur nos jeunes.
[Français]
Mme Venne: C'est tout pour l'instant, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie madame la présidente de même que vous messieurs d'être ici ce matin pour présenter ce mémoire à notre comité.
J'aimerais poser un certain nombre de questions directes, sans trop d'entrée en matière.
Vous vous dites contre l'abaissement de l'âge minimum de responsabilité qui est établi à 12 ans, à ce que je constate dans votre mémoire. Êtes-vous contre la publication des noms des jeunes récidivistes violents ou contre la suppression de l'exigence relative à la divulgation qui empêchent les médias de publier ces noms?
M. Buchanan: Je n'ai pas traité de cette question dans le mémoire et ce n'est pas une question sur laquelle je me suis attardé longuement.
J'estime que la réadaptation devrait être le principe sous-jacent de la loi et que nous devrions offrir à nos jeunes la plus grande chance possible de réadaptation, même ceux qui sont aux prises avec un problème persistant. Il peut y avoir des circonstances particulières où cela s'impose, mais en règle générale je dirais que le caractère confidentiel reste un élément important de la loi.
Je ne crois pas que la publication des noms détourne de la criminalité ni nécessairement qu'une mesure législative peut constituer un moyen de dissuasion pour les criminels. Lorsque j'avais 14 ou 15 ans, ce n'était pas de la loi dont j'avais peur. Ce qui me dissuadait le plus de me faire le complice de quelque crime que ce soit, c'était le désappointement que cela susciterait chez mes parents. Je crois que cela ne peut être remplacé en aucune façon par la loi.
À mon avis, nous devons reconnaître pour ce qu'ils sont les jeunes gens qui posent des gestes criminels. La plupart du temps, il s'agit de jeunes qui ont des problèmes d'adaptation, peut-être parce qu'ils vivent dans une famille perturbée ou qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas établi le genre de système valeurs dont ils ont besoin. C'est là, je crois, que nous devons canaliser nos efforts. Les punir simplement en publiant leur nom et en les exposant à la moquerie n'est pas en règle générale la façon la plus efficace d'amorcer la réadaptation.
M. Ramsay: Ce problème peut être appréhendé de deux façons. Toute l'idée de révéler l'identité de ceux qui ont démontré par leur comportement qu'ils peuvent commettre des crimes violents permet également aux gens de repérer ces personnes au sein de leur collectivité. D'une part, celles-ci peuvent avoir besoin de l'aide du voisin ou de la collectivité et, d'autre part, on leur fournit l'information leur permettant de prendre des précautions pour se protéger contre le jeune contrevenant.
Il faut toutefois établir un équilibre entre la considération que vous avez expliquée et l'autre plus importante, selon moi, qui renforcerait la sécurité de la collectivité. Il y a des contrevenants violents qui récidivent et nous ne savons pas qui ils sont à moins d'en entendre parler parfois par le téléphone arabe. Dans les régions plus urbaines, il peut arriver que vous ne sachiez pas que la personne qui vit à deux pas de chez vous a été condamnée plus d'une fois pour un crime violent.
Vous n'avez pas l'information qu'il faut pour faire l'une des deux choses ou les deux choses, c'est-à-dire venir en aide de quelque manière à cette famille et à cette personne et protéger en même temps vos propres enfants, votre propre famille et votre propre collectivité, en prenant toutes les précautions qu'il faudrait pour vous protéger vous-mêmes contre quelqu'un qui a démontré par son comportement qu'il pourrait constituer une menace pour votre propriété ou pour vos enfants.
Ne voyez-vous pas un déséquilibre si l'on maintient l'exigence relative à la divulgation qui empêcherait de publier les noms?
M. Buchanan: Une fois de plus, je suppose qu'il nous faut considérer les principes sous-jacents à la Loi sur les jeunes contrevenants de même qu'à la philosophie qui a mené à son adoption. Je crois toujours en la solidité des principes et de la philosophie et que, dans certaines circonstances, la divulgation puisse être appropriée. Je ne penserais pas, toutefois, qu'en règle générale il faille modifier la loi pour autoriser la divulgation dans le cas d'un récidiviste violent.
Je n'ai pas vraiment d'expérience précise dans ce domaine. Il y a peu de chances qu'une telle situation se produise à l'Île-du-Prince-Édouard, où les communautés sont petites et où tout le monde se connaît, et aussi parce qu'il n'y a pas tellement de jeunes contrevenants violents qui commettraient un nouveau crime. Ce n'est pas une question à laquelle j'ai beaucoup réfléchi.
M. Arbing aurait peut-être quelque chose à ajouter. Il connaît mieux que moi les statistiques de la province.
M. Philip Arbing (conseiller provincial, Justice correctionnelle, Agence de la santé et des services sociaux, Île-du-Prince-Édouard): Merci. Je n'ai que deux observations à faire, dont une sur les communautés et les contrevenants qui y vivent.
De plus, en ce qui concerne les récentes modifications apportées à la loi, surtout celles qui ont trait aux délinquants de 16 ou 17 ans qui commettent des infractions graves, il semble que le renvoi présomptif de certains contrevenants aux tribunaux pour adultes répond, en partie, à vos préoccupations. Au cours des dix dernières années, trois contrevenants ont été accusés d'homicide dans la province, et tous ont été jugés devant un tribunal pour adolescents, une fois tous les arguments, demandes et facteurs pris en considération.
La disposition sur le partage de renseignements entre services connexes, qui a été ajoutée à la loi l'année dernière, semble avant tout répondre à un besoin urgent ou, si vous voulez, aux attentes des services connexes qui s'occupent des jeunes contrevenants.
Il y a quelques années, trois jeunes ont volé un chauffeur de taxi. Les compagnies de taxi estimaient qu'il fallait divulguer leur identité. Les trois jeunes ont eux aussi été jugés devant un tribunal pour adolescents.
Donc, l'équilibre auquel fait allusion le ministre laisse entendre que l'objectif peut-être atteint, en partie, par le biais des dispositions sur le renvoi à la juridiction normalement compétente, la communication des dossiers et le partage de renseignements.
M. Ramsay: Je présume donc qu'il faut continuer de cacher au public l'identité des contrevenants dangereux et violents qui vivent au sein de la collectivité. Vous dites qu'il y a un avantage à ne pas divulguer le nom du contrevenant. Or, si le nom était divulgué, les deux parties en tireraient profit: le contrevenant, qui bénéficierait de l'appui des gens qui seraient mis au courant de sa situation et qui seraient prêts à l'aider ou du moins à lui offrir le genre de soutien dont il a besoin, et le public qui, conscient de l'existence d'un danger, serait en mesure de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour se protéger. C'est ainsi que j'interprète votre position sur cette question.
M. Buchanan: En règle générale oui, je crois que les principes qui sous-tendent la loi devraient être maintenus et que nous devrions pencher pour les jeunes. Il peut y avoir des circonstances atténuantes dans des cas précis où une telle approche s'impose. Toutefois, de façon générale, j'estime que la communication de renseignements nuirait à la rééducation des jeunes. Si l'on veut faire de nos jeunes contrevenants des délinquants adultes, il suffit de les exposer le plus possible au système correctionnel pour adultes et aux sanctions qu'on impose habituellement aux adultes.
M. Ramsay: Mon temps de parole est écoulé. Je poserai d'autres questions plus tard.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay. Monsieur Gallaway.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci beaucoup pour votre exposé fort intéressant.Mme Venne a cité les trois amendements de forme, si je peux les appeler ainsi, que vous proposez. Mais ce que vous dites, en fait, c'est que si le système fonctionne, pourquoi le changer.
Je n'ai que quelques questions à vous poser. Vous avez bien résumé la question. Comme vous le savez, nous avons eu l'occasion d'entendre des témoins à Ottawa. Or, voici maintenant que nous avons des témoins qui viennent nous parler non seulement des jeunes contrevenants de 16 et de 17 ans, mais également des jeunes de 12 ans. Ils veulent qu'on abaisse l'âge de la responsabilité pénale. Quel avantage y aurait-il à soumettre un jeune de 11 ans au système de justice pénale?
M. Buchanan: Je ne vois pas dans quelles circonstances un jeune de 11 ans devrait être soumis au système de justice pénale. Je sais qu'il y a des cas très rares où des jeunes de cet âge agissent de façon répréhensible, mais il s'agit là d'un problème qui exige une solution différente de celle qu'est en mesure de fournir le système de justice pénale.
M. Gallaway: J'aimerais poser la même question à M. Arbing.
Avez-vous déjà été confronté à un cas où un jeune de moins de 12 ans aurait dû, à votre avis, être soumis à l'application du droit pénal?
M. Arbing: Nous avons eu très peu de cas de ce genre. Un seul a été jugé très grave. Nous avons fait appel aux services de protection de l'enfance et de santé mentale.
Nous nous sommes penchés sur cette question dans le cadre de l'étude nationale sur les services offerts aux jeunes de moins de 12 ans, qui a été menée il y a quelques années. À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons consulté les services policiers qui avaient certaines préoccupations. Lorsque nous leur avons demandé de nous fournir des précisions, ils ont répondu que, eh bien, les jeunes traînaient dans les centres commerciaux. Dans un cas, ils nous ont expliqué que les jeunes enjambaient les amas de glaces flottantes près du port et autre chose de ce genre, et qu'ils causaient des dommages. Mais il ne s'agissait pas de cas qui seraient considérés comme des actes criminels si, en fait, la loi s'appliquait aux moins de 12 ans.
En 1984-1985, nous avons modifié notre loi sur la protection de l'enfance en y ajoutant une disposition qui précise que les policiers peuvent intervenir auprès des jeunes de moins de 12 ans si ces derniers s'adonnent à des activités qui seraient considérées comme étant criminelles s'ils avaient plus de 12 ans, et de prendre certaines mesures, comme par exemple les reconduire à la maison ou les confier aux services de protection de l'enfance pour qu'ils mènent une enquête, interviennent dans le dossier, assurent un suivi, ainsi de suite. Encore une fois, je ne crois pas qu'ils utilisent cette disposition très souvent.
Le ministre a indiqué que la province s'efforce d'intégrer les services, en particulier les services de santé, communautaires et sociaux destinés aux enfants et aux adolescents. Nous espérons qu'une fois cette intégration amorcée, cette disposition s'avérera encore moins utile.
Nous avons pensé que même avec les jeunes de 12 et 13 ans, il faudrait mettre davantage l'accent sur les services d'aide à l'enfance, les mesures de rechange, pour aider les jeunes qui ont commis des crimes. Mais statistiquement, très peu de jeunes ont été touchés par cette disposition sur une période de 10 ans.
M. Gallaway: J'ai une autre question à vous poser, monsieur le ministre. Dans certaines régions du pays, on semble croire que les jeunes sont, en général, plus violents et plus susceptibles de s'adonner à des activités criminelles, qu'ils commettent plus de crimes que dans le passé.
Est-ce le message que vous transmettent les électeurs de votre province? Est-ce le message que vous entendez en tant que politicien provincial?
M. Buchanan: J'ai parlé plus tôt du sondage d'opinion publique que nous avons mené dans la province. C'est ce que semble croire une partie des électeurs. Mais, fait intéressant, lorsque nous leur avons demandé dans quels domaines il fallait faire de la prévention, mettre sur pied des programmes - nous leur avons demandé de répartir les ressources - , ils ont attribué moins de ressources aux programmes pour jeunes contrevenants.
Je ne sais pas si cela veut dire que cette question n'est pas perçue comme un problème réel. Toutefois, comme je l'ai mentionné plus tôt, je crois qu'il existe une sorte d'hystérie dans le pays. C'est pourquoi votre comité est si important. C'est pourquoi vous devez, en tant que législateurs, aborder cette question avec prudence, ne pas vous laisser emporter par ce mouvement, essayer de trouver le meilleur moyen de lutter contre le crime.
En ce qui concerne l'abaissement de l'âge, j'aimerais ajouter un commentaire à ce que j'ai déjà dit et aux observations faites par M. Arbing. Je ne crois pas qu'un jeune de 11 ans se réveille un lundi matin et décide subitement de commettre un crime. Il y a un changement de comportement qui se produit sur une certaine période. Nous devons, en tant que législateurs et responsables des services sociaux et d'éducation, repérer ces enfants et s'attaquer aux problèmes avant qu'un crime ne soit commis.
M. Gallaway: Monsieur Arbing, avez-vous des statistiques qui indiquent que le nombre de crimes violents, surtout chez les jeunes de 16 et de 17 ans, augmentent à l'Île-du-Prince-Édouard?
M. Arbing: De manière générale, au cours des trois ou quatre dernières années, le nombre de crimes, surtout les crimes contre les biens, a diminué dans la plupart des régions. Ces statistiques sont compilées à partir des crimes qui sont signalés aux services policiers et par ces derniers.
On a enregistré une légère hausse du nombre de crimes violents ou de crimes contre la personne. Cette situation est en partie attribuable au fait qu'on intervient davantage dans les cas de violence familiale et sexuelle. En effet, on nous signale maintenant des cas de violence sexuelle qui sont survenus il y a 10, 15 ou 25 ans.
Pour ce qui est des crimes commis par les jeunes contrevenants, il m'est impossible de répondre à votre question. Nous pourrions effectuer des recherches ou peut-être communiquer avec le Centre canadien de la statistique juridique. Il serait peut-être en mesure de répondre à votre question. Nous n'avons aucun indice nous permettant de croire que le nombre de crimes commis par ce groupe est à la hausse. Je n'ai aucune statistique à ce sujet.
La présidente: Monsieur Kirby.
M. Kirby (Prince Albert - Churchill River): Vous dites dans votre mémoire que vous aimeriez adopter des solutions novatrices permettant d'établir un meilleur équilibre entre la prévention, la participation de la collectivité, les solutions de rechange et les mécanismes habituels de l'appareil judiciaire pour les jeunes.
Croyez-vous que, en raison du manque de ressources, vous misez trop sur l'incarcération, les amendes et autres mesures de ce genre? Aimeriez-vous pouvoir proposer d'autres solutions?
M. Buchanan: La question des ressources pose toujours un problème. Nous avons toujours besoin de ressources.
Nous avons eu beaucoup de chance à l'Île-du-Prince-Édouard, encore une fois à cause du caractère nouveau et de l'ampleur du problème, de la dimension pratique de notre fonction publique, du fait que nous avons été en mesure de franchir bon nombre des obstacles institutionnels et ministériels qui, habituellement, empêchent les échanges entre un ministère et un autre.
Nous avons, par exemple, transféré la responsabilité des services correctionnels et de probation au système des services de santé et communautaires. Il s'agit d'un changement positif qui s'avérera bénéfique à long terme.
Nous avons constaté, par exemple - et ce n'est certes pas une surprise - , que la grande majorité des contrevenants dans nos établissements correctionnels, des établissements pour jeunes contrevenants et délinquants adultes, s'y trouvaient pour des raisons d'ordre social ou éducationnel. Ils avaient des problèmes d'apprentissage et de consommation de drogues, venaient de familles dysfonctionnelles, étaient incapables de maîtriser leur colère. La violence pour eux constituait la seule façon de régler leurs problèmes.
Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il s'agissait avant tout de problèmes sociaux, non pas des problèmes intéressant la justice. Si nous voulions y venir à bout, nous devions en confier la responsabilité à l'appareil judiciaire.
En plus des changements institutionnels, comme M. Arbing l'a signalé, nous avons pris des mesures interministérielles dans le but d'amener les jeunes à collaborer avec les services de protection de l'enfance et le système scolaire pour qu'ils puissent régler leurs problèmes avant qu'ils ne deviennent graves. Il est difficile de prévoir l'effet qu'auront ces mesures sur le plan politique et sur celui de la planification.
J'ajouterais que, du point de vue politique, il est difficile de faire accepter un tel principe. Il est beaucoup plus facile de punir le délinquant, de prolonger les peines, d'abaisser l'âge ou de renvoyer le contrevenant au tribunal pour adultes.
Du point de vue politique, il est beaucoup plus facile de prendre des mesures de ce genre que d'adopter une stratégie à long terme qui nous permettra - peut-être pas à l'intérieur du mandat de ce gouvernement-ci, mais qui nous permettra... Malheureusement, pour les politiciens, le long terme, c'est quatre ans. Lorsqu'il est question de délinquance juvénile, il faut regarder beaucoup plus loin dans le temps. En effet, il faudra attendre avant de connaître les résultats de nos efforts. Mais, nous croyons que, à la longue, ces efforts porteront fruit.
La présidente: Monsieur Kirby, je m'excuse, mais c'est tout le temps que nous avons.
Mais je me demande, monsieur le ministre, si vous ne pourriez pas nous fournir les trois documents suivants. Les deux premiers sont mentionnés dans votre mémoire. Il y a d'abord votre évaluation des programmes de mesures de rechange.
Nous l'avons déjà? Vous faites de l'excellent travail.
Il y a ensuite votre sondage d'opinion publique sur la criminalité.
M. Buchanan: Ces renseignements figurent dans le document intitulé... Non, nous n'avons que les résultats du...
La présidente: Merci. C'est parfait.
Et si nous pouvions avoir une copie de la loi provinciale sur la protection de l'enfance, surtout les dispositions qui accordent aux policiers le pouvoir d'intervenir auprès des jeunes, cela nous serait très utile.
M. Buchanan: D'accord. M. Arbing ne les a pas avec lui. Nous vous les fournirons plus tard aujourd'hui.
Nous avons, je crois, une copie de la stratégie sur la prévention du crime.
La présidente: Très bien. Merci beaucoup. Merci, monsieur le ministre et monsieur Arbing.
M. Buchanan: Merci.
La présidente: Nous allons prendre une pause de cinq minutes pour permettre aux autres témoins de s'installer.
La présidente: J'aimerais souhaiter la bienvenue à Irene Dawson, Diane Barnes, Frances Pickle et Giselle Gallant-Bernard du Provincial Advisory Council on Crime Prevention and Community Safety.
Nous avons environ quatre-vingt-dix minutes pour entendre les témoins et ensuite leur poser des questions.
Nous avons votre mémoire. Je vous invite à faire vos déclarations. Les membres du comité vous poseront quelques questions à la fin.
Mme Diane Barnes (représentante, Provincial Advisory Council on Crime Prevention and Community Safety): Merci.
Bonjour, madame la présidente et messieurs et mesdames les membres du comité. Nous vous souhaitons la bienvenue à l'Île-du-Prince-Édouard.
Nous sommes très heureuses d'avoir l'occasion de vous présenter nos vues sur cette question importante qu'est la délinquance juvénile et le système de justice pour les jeunes.
Je m'appelle Diane Barnes et je suis la coordinatrice du service des ressources juridiques. Je m'occupe actuellement de la mise en oeuvre de la stratégie provinciale qui vise à rendre les communautés de l'Île-du-Prince-Édouard plus sûres. Nous appelons notre plan d'action Crime Beat P.E.I.
Quatre membres du comité m'accompagnent ce matin. Jeannette Gallant remplaceGiselle Gallant-Bernard, de Jeunesse acadienne. Giselle ne pouvait être ici ce matin et elle vous transmet ses regrets.
Mme Irene Dawson est la présidente du comité. Elle représente la Fédération des municipalités de l'Île-du-Prince-Édouard.
Mme Frances Pickle fait partie du comité et représente les groupes consultatifs communautaires des services policiers, qui sont des organisations provinciales. De façon plus précise, elle est l'ex-présidente de la West Prince Crime Prevention Association, dont elle est membre, un des groupes les plus actifs de la province qui s'intéresse à la prévention du crime. Caroline Landry fait également partie de ce groupe.
Je vous décrirai d'abord brièvement le programme Crime Beat P.E.I. Je donnerai ensuite la parole à Mmes Pickle, Gallant et Dawson.
Je tiens à vous rappeler que le programme Crime Beat est relativement nouveau. Le comité consultatif a tenu sa première réunion en novembre dernier, et ne s'est réuni qu'à deux reprises depuis.
Nous vous présenterons dans nos exposés le point de vue des organisations que représentent ces femmes. Toutefois, des thèmes communs se dégageront de ces exposés, ce qui peut vous paraître un peu étonnant.
Lorsque nous avons commencé à aborder des questions complexes, comme les jeunes contrevenants et le système de justice pour la jeunesse, nous avons été fort surpris du degré de consensus que l'on retrouvait parmi nos divers groupes.
Comme je l'ai dit plus tôt, Crime Beat est un plan d'action pour la prévention du crime et la sécurité des collectivités de l'île. S'il a été mis en oeuvre, c'est parce que de plus en plus de personnes considéraient la sécurité des collectivités comme une question prioritaire et également, de santé. Bien que l'I.-P.-É. continue à être un endroit relativement sûr au Canada, il semble que beaucoup de Prince-Édouardiens ne se sentent parfois pas en sécurité au sein de leurs collectivités. Ce sentiment sous-jacent est ressorti d'une série de consultations, d'entrevues et de questionnaires auxquels ont participé près de 400 Prince-Édouardiens.
Alors que les Prince-Édouardiens n'ont pas toujours été en mesure de définir exactement pourquoi leur île est un endroit où il fait bon vivre, ils ont pu décrire ce qui, d'après eux, amenuise leur sentiment de sécurité, comme par exemple l'effritement des valeurs du respect de soi-même, d'autrui et des biens matériels; la crainte de sortir seul; la crainte d'être victime de vol, d'agression ou de voies de fait; la violence familiale et la violence générale dans la société; le fait de ne pas connaître ses voisins; la crainte des étrangers; la crainte d'être persécuté en raison de sa différence; l'abus de l'alcool; l'alcool au volant; le sentiment de désespoir chez les jeunes; le stress et les pressions d'un avenir incertain, à cause du manque d'emplois essentiellement.
Toutes ces observations nous ont indiqué que les Prince-Édouardiens reconnaissaient certaines des causes sous-jacentes de la criminalité et qu'ils étaient prêts à adopter une approche préventive, axée sur des solutions à long terme, approche qui s'appuie sur la participation de la collectivité, définit directement les problèmes, trouve des solutions, applique et évalue des programmes visant à accroître la sécurité et à diminuer la peur.
Crime Beat cherche à favoriser et à appuyer la participation communautaire et la prévention du crime en offrant un soutien qui comprend l'accès à l'information, l'éducation, la formation et les ressources. Nous nous organisons pour aider les collectivités qui travaillent avec divers paliers de gouvernement et diverses organisations de prévention du crime.
Parmi les principaux éléments de notre stratégie, citons un programme d'éducation du public, que nous offrons actuellement, et un programme d'exploitation des talents, que nous allons bientôt lancer. Nous voulons faire en sorte que les Prince-Édouardiens aient une image précise de la criminalité à l'I.-P.-É. et une compréhension globale des questions et qu'ils possèdent les compétences nécessaires pour passer de la théorie à la pratique.
Dans le cadre du programme d'éducation du public, nous préparons actuellement une série télévisée visant à instaurer un dialogue avec les Prince-Édouardiens à propos de la criminalité sur l'île. Je crois que vous avez la copie jaune. C'est l'émission de télévision Crime Beat. Nous espérons dialoguer avec les Prince-Édouardiens au sujet des faits, des mythes, du système de justice, des questions, des causes du crime, de la prévention du crime, tout en leur donnant des conseils sur la façon d'assurer leur propre sécurité.
Nous espérons que Crime Beat I.-P.-É. permettra d'une part, d'augmenter la participation du public dans le domaine de la prévention du crime en général et au sein de la collectivité et, d'autre part, de prévenir le crime grâce à une approche commune de résolution de problèmes qui s'attaque aux causes profondes de la criminalité.
Étant donné que ce genre d'approche exige un fort degré de participation communautaire, nous espérons que le public sera de plus en plus appelé à jouer un rôle important dans l'administration du système de justice pénale. Au bout du compte, nous essayons de faire disparaître toute crainte de victimisation et d'assurer une meilleure sécurité au sein des collectivités de l'Île-du-Prince-Édouard.
Merci.
Mme Frances Pickle (représentante, Provincial Advisory Council on Crime Prevention and Community Safety): Bonjour, madame la présidente et membres du comité; je vous souhaite la bienvenue à l'Île-du-Prince-Édouard.
Je ne sais pas si vous avez reçu cette brochure. A-t-elle été distribuée? D'accord.
Elle sert à deux choses: faire de la publicité écrite et vous indiquer la région dont je parle, West Prince essentiellement. Si vous ouvrez cette brochure, vous y trouverez une petite carte. Nous sommes le plus à l'ouest de l'île; je vais vous parler de la région du fleuve Mill.
Je vis donc dans une petite collectivité, le plus à l'ouest de l'I.-P.-É. Il y a cinq ans, j'ai commencé à vraiment m'inquiéter de la vitesse de la circulation et de la manière dont les jeunes gens conduisaient dans ma région.
Une de mes soeurs qui habite Boston passe habituellement l'été chez moi; elle m'a toujours dit qu'à son avis, ses enfants étaient plus en sécurité dans la ville animée de Boston que là où je vis à l'Île-du-Prince-Édouard. Elle m'a toujours dit qu'à Boston, on s'arrête au feu rouge.
Un autre de mes parents est venu nous rendre visite, du Nouveau-Brunswick. Alors qu'un soir nous étions assis sur le patio, il m'a dit, après avoir observé la vitesse effrénée de la circulation, que chez lui, personne n'admettrait pareille chose.
Je me suis beaucoup inquiétée au sujet de mes propres enfants et de tous les enfants du voisinage; je craignais que quelque chose n'arrive à l'un d'entre eux à cause de la conduite dangereuse dans notre rue. J'imagine que c'est à ce moment-là que j'ai commencé à m'intéresser à la prévention du crime. Je ne pouvais pas me contenter d'assister à ce qui se passait, les bras croisés.
Finalement, plusieurs personnes de West Prince ont formé un groupe de prévention du crime, issu d'un groupe consultatif qui existait depuis probablement cinq ou six ans. C'était le premier groupe de prévention du crime à West Prince.
Les suggestions que je vous donne aujourd'hui au sujet de la prévention du crime - et certaines visent le système de justice pour la jeunesse - proviennent essentiellement de West Prince et de professionnels qui travaillent dans le domaine judiciaire, qui sont des conseillers scolaires mais qui, pour la plupart, sont des Canadiens auxquels la sécurité tient à coeur.
Voici nos suggestions. Premièrement, lorsqu'un jeune comparaît devant un tribunal, il faudrait obliger ses parents à suivre un cours de formation au rôle de parents d'adolescents. Les jeunes intervenants peuvent obtenir de l'aide, mais s'ils retournent dans le même milieu, nous allons à l'encontre du but recherché.
Deuxièmement, nous avons besoin de plus de travailleurs auprès des jeunes pour conseiller ceux-ci. Nous n'en avons qu'un pour toute la région de West Prince.
Troisièmement, nous avons besoin d'un conseiller en toxicomanie auprès des jeunes. Les besoins en matière de counselling des jeunes gens victimes d'abus d'intoxicants sont différents de ceux des adultes. Selon des statistiques récentes recueillies à West Prince, 80 p. 100 des contrevenants sont victimes d'abus d'intoxicants.
Quatrièmement, il faudrait plus de cours de préparation à la vie quotidienne dans le cadre du programme d'études scolaires.
Cinquièmement, les jeunes gens de West Prince pensent qu'il est normal de boire avant 19 ans. Nous avons besoin de plus d'éducation dans les écoles dans ce domaine et d'un contrôle plus strict de l'accessibilité des jeunes à l'alcool.
Sixièmement, le nom des jeunes contrevenants ne devrait pas paraître dans les journaux pendant ou après leur comparution au tribunal. Cela ne se fait pas actuellement. Il est question que cela se fasse, et nous proposons de ne pas le faire.
Septièmement, nous croyons qu'un juge spécialisé dans le domaine des jeunes contrevenants accélérerait le processus judiciaire et uniformiserait davantage la détermination de la peine.
Huitièmement, si les jeunes contrevenants de 16 ans et plus ne payent pas les amendes, on devrait leur retirer leur permis de conduire; par ailleurs, les plus jeunes devraient également assumer les conséquences du non-paiement des amendes.
Neuvièmement, les parents et les collectivités doivent assumer plus de responsabilités à l'égard de leurs jeunes.
Dixièmement, les enseignants doivent acquérir quelques compétences en matière de counselling pendant leurs études et il faudrait assurer une formation en milieu de travail pour ceux qui sont déjà dans le système.
J'ai également une autre page de suggestions et de points de préoccupation.
Tout d'abord, pourquoi les jeunes contrevenants devraient-ils se voir infliger des contraventions aux termes de la Loi sur la réglementation des alcools si les tribunaux n'émettent pas de mandat pour non-paiement des amendes.
Deuxièmement, lorsqu'un jeune contrevenant est arrêté et que les parents négligent de l'aider, il faudrait tenir ces derniers responsables, jusqu'à un certain point. Si les parents savaient qu'ils vont être tenus responsables civilement, peut-être auraient-ils plus de contrôle.
Troisièmement, le travail communautaire devrait permettre non seulement de dissuader les jeunes de toute activité criminelle, mais aussi de sensibiliser les autres jeunes de la collectivité. S'ils endommagent la propriété d'autrui, ils devraient la réparer.
Quatrièmement, les droits des jeunes contrevenants âgés de 16 ans devraient être identiques à ceux des adultes, en fonction de leur capacité mentale et de la nature de l'infraction.
Cinquièmement, il faudrait modifier la Loi sur les jeunes contrevenants, la Loi provinciale sur les services à l'enfance et à la famille et le système de justice pénale de manière à avoir accès à l'un, lorsque l'autre n'a pas d'effet. Ainsi, les jeunes qui continuent à avoir des problèmes d'abus d'intoxicants pourraient faire l'objet d'une ordonnance de probation, sans avoir à comparaître devant un tribunal correctionnel. Cette ordonnance pourrait rendre un traitement obligatoire et englober également la famille de manière à assurer un soutien adéquat, puisque la famille devrait avoir sa part de responsabilité.
Sixièmement, il faudrait adopter un programme de mesures de rechange pour les jeunes qui ont eu des démêlés avec la justice, sans pour autant qu'ils aient à passer par le processus judiciaire, ce qui immobilise la police et les procureurs de la Couronne. Il faudrait donc régler le problème au niveau du tribunal de la famille.
Septièmement, la Loi sur les services à l'enfance et à la famille, ou la Loi sur les jeunes contrevenants, devrait prévoir une participation du système scolaire dans le domaine de la détention et de la prévention en cas d'abus d'intoxicants ou de problème de comportement.
Tout comme dans le cas d'exploitation d'enfants, si un enseignant détecte des symptômes d'abus, il devrait immédiatement s'en occuper et obligatoirement le signaler. Le conseiller scolaire et le conseiller de service familial devraient aborder l'élève, discuter de la question et responsabiliser la famille. Il faudrait prévoir un appui pour résoudre le problème. Il faudrait suivre chaque cas et si aucun progrès n'apparaît, il faudrait demander au tribunal de la famille de rendre une ordonnance semblable à une ordonnance de probation qui rendrait le traitement obligatoire, de manière que l'élève puisse recevoir l'aide dont il a besoin avant qu'il ne soit trop tard.
Huitièmement, les programmes actuels comme AA, Al Anon et autres, qui permettent de régler ces problèmes, devraient être offerts à tous, et non seulement à ceux qui en ont immédiatement besoin. Peut-être que le système scolaire, conjointement avec les services à l'enfance et à la famille, pourrait offrir des programmes à l'intérieur de l'école afin que les élèves qui ne connaissent peut-être pas de problèmes actuellement, mais qui risquent d'y être confrontés plus tard, sachent exactement ce que cela représente. Mieux vaut prévenir que guérir.
Je vous remercie de m'avoir écoutée et j'espère que mes commentaires vous auront intéressés. Merci.
La présidente: Merci. Y a-t-il d'autres exposés?
Madame Gallant.
[Français]
Mme Jeannette Gallant (Provincial Advisory Council on Crime Prevention and Community Safety): Bonjours, mesdames et messieurs. Je représente Jeunesse Acadienne à la place de Giselle Gallant, et je suis venue vous parler notre de organisation. Nous travaillons avec les jeunes au sujet de la prévention des crimes.
Tout d'abord, Jeunesse Acadienne est une association provinciale qui a été créée en 1976 pour regrouper des jeunes Acadiens et aussi des jeunes qui parlent le français à l'Île-du-Prince-Édouard.
Sa mission est de permettre aux jeunes de vivre en français. Elle a pour buts de promouvoir l'identité acadienne et francophone, d'aider à développer des activités en français, d'aider les jeunes à devenir responsables de leurs actions et de promouvoir et développer des méthodes de communication pour les jeunes.
Je vais vous énumérer certains de nos règlements habituels. Nous organisons souvent des activités de fin de semaine ou d'une journée, et nous avons des règlements que tous les jeunes connaissent bien car c'est la première chose que nous leur donnons. On ne peut apporter ni consommer de boisson alcoolique ni de drogue, il n'y a pas de cohabitation, on respecte les autres et leur propriété, et on parle le français puisque ce sont des activités pour promouvoir le français.
Jeunesse acadienne organise de nombreuses activités sur la prévention des crimes. Nous avons des personnes qui viennent passer une partie de la fin de semaine avec nous pour nous faire part de certaines expériences. Un homme, par exemple, est venu parler de son séjour en prison. Nos jeunes ont pu visiter la prison pour les jeunes à Summerside, et cela leur a permis de voir comment était la vie dans les prisons et ce qui arrive quand on sort du droit chemin. Nous pensons qu'il est important que les jeunes aient la possibilité de voir et de toucher pour comprendre ce qu'il ne faut pas faire.
Nous avons eu, cette fin de semaine, notre réunion annuelle de Jeunesse acadienne, qui était surtout axée sur l'antitabagisme. Des conférenciers sont venus. Il y a eu des débats sur le pour et le contre avec des jeunes qui s'étaient préparés à la dernière minute. Il a été très intéressant de les voir s'organiser pour y participer. Ils ont fait des affiches à la fin de l'activité, ce qui a été aussi vraiment intéressant.
Je voudrais dire un mot sur la façon dont Jeunesse Acadienne met l'accent sur les activités non criminelles. J'ai amené un groupe de jeunes magasiner et nous sommes allés dans quatre différents magasins pour voir si des jeunes de moins de 19 ans pouvaient acheter des cigarettes. Un magasin sur quatre nous en a vendu. Au cours de cette activité, nous avons amené les jeunes à prendre ensemble la décision sur ce qu'il fallait faire dans le cas des magasins qui avaient contrevenu à la loi en vendant des cigarettes à des jeunes de moins de 19 ans. Le même jour, nous avions reçu un policier qui était venu nous parler de ce que les jeunes devaient faire dans un tel cas, et cela a permis aux jeunes de discuter ensemble.
Il y avait différents points de vue, mais les jeunes ont finalement décidé d'envoyer une lettre à ces magasins. On a toujours un peu peur de donner une mauvaise réputation à son groupe. C'est comme si le fait de rapporter de tels incidents pouvait inciter les jeunes à ne pas adhérer à notre organisation. Mais les jeunes ont quand même décidé d'envoyer cette lettre aux magasins qui leur avaient vendu les cigarettes.
On essaie de leur faire prendre la responsabilité de leurs actes en leur montrant ce qui se passe autour d'eux afin de les aider à mener une vie meilleure.
Jeunesse acadienne a aussi organisé des pièces de théâtre avec le groupe SADD que tout le monde connaît, je crois, pour insister sur le fait qu'on ne doit pas consommer de boissons alcoolisées. Nos groupes sont vraiment actifs dans la communauté francophone. Nous voulons donc aider nos jeunes à être responsables de leurs actions pour qu'ils vivent dans un monde meilleur.
Je crois que Giselle voudrait aussi que je dise qu'il ne faut pas faire des victimes de nos jeunes. En effet, on parle toujours des jeunes qui font de mauvaises actions alors qu'on devrait plutôt mettre l'accent sur les jeunes qui sont gentils et qui participent aux activités pour promouvoir leur sens des responsabilités. On devrait cibler ce côté positif pour changer l'image négative des jeunes.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Y a-t-il d'autres exposés?
Mme Irene Dawson (présidente, Provincial Advisory Council on Crime Prevention and Community Safety): Bonjour, madame la présidente.
D'après Émile Thérien, président du Conseil canadien de la sécurité, il faut prévenir le crime avant qu'il ne se produise. Il déclare également que l'on peut diminuer l'incidence des crimes de situation en prenant des mesures de sécurité, mais que, à long terme, il faut cibler les causes profondes de la criminalité, comme la violence familiale, la négligence, l'analphabétisme, la préparation inadéquate à la vie quotidienne et la culture de la criminalité.
Même s'il n'existe pas de solutions simples, il est possible de cerner les facteurs de risque et c'est à la collectivité de sensibiliser tout un chacun à cet égard.
Quelle approche recommander? Une approche fondamentale, compréhensible, souhaitable, efficace, qui n'impose pas de contraintes financières, qui vise le long terme et qui est durable. Peut-être plus important encore, une approche qui mette l'accent sur les causes profondes du comportement.
D'après l'ordre de renvoi du Comité permanent de la justice et des questions juridiques relatif à la révision globale du système judiciaire pour la jeunesse, le comité doit se pencher sur les questions suivantes à propos de la criminalité chez les jeunes: premièrement, la nature et les facteurs déterminants du crime contre les biens et contre les personnes, la violence dans les écoles et les bandes de jeunes; deuxièmement, les incidences directes et indirectes de la criminalité chez les jeunes sur la collectivité en matière de coûts sociaux; troisièmement, les mesures de prévention de la criminalité chez les jeunes; quatrièmement, les facteurs de dissuasion de la criminalité chez les jeunes; cinquièmement, la responsabilité de la famille dans le domaine de la criminalité chez les jeunes; sixièmement, les connaissances et l'opinion des adultes et des jeunes au sujet du système de justice pour la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants; septièmement, les risques et les besoins des jeunes de moins de 12 ans qui se comportent comme de jeunes contrevenants.
Ce qui m'inquiète, c'est que la responsabilité des familles dans le domaine de la criminalité chez les jeunes n'arrive qu'au cinquième rang et les connaissances et l'opinion des adultes et des jeunes etc., arrivent au sixième rang d'une liste de sept questions. Peut-être que l'ordre dans lequel sont présentées ces questions n'a pas d'importance particulière, mais j'aimerais souligner qu'à moins que nous ne placions le mot «famille», le concept de famille et la participation de la famille, au premier rang de toute liste, nous n'arriverons pas à faire régner la justice, que ce soit par des lois ou par d'autres moyens.
Lorsque l'on me parle de l'irrespect, de la criminalité et de la violence chez les jeunes, j'aime répondre ceci: montrez-moi un jeune qui ne vaut rien et je vous montrerai deux parents qui ne valent rien. L'insémination artificielle n'existait pas à mon époque.
On nous dit qu'il s'agit d'un problème de criminalité chez les jeunes. Comment y réagissons-nous? Allons au fond du problème.
On nous dit que les jeunes n'ont pas d'endroit où aller. Allons au fond du problème.
On nous dit que nos écoles devraient enseigner les réalités de la vie. Allons au fond du problème.
On nous dit que des participants d'écoles secondaires demandent plus de supervision parentale dans un bon milieu familial. Allons au fond du problème.
On nous dit que l'on a besoin de centres d'éducation familiale et de programmes internes et externes. Allons au fond du problème.
On nous dit également - ce serait une nécessité - qu'il faut prévoir des programmes de compétences parentales à l'usage des nouveaux parents... Devons-nous aller au fond du problème?
Qui nous dit tout cela? S'agit-il du jeune visé par cette révision globale, du jeune qui cause tous nos problèmes? Pourquoi alors est-il si difficile d'instaurer des programmes dans les écoles, les collectivités et les provinces? C'est parce que nous tendons à oublier qu'au tout début, nous ne sommes pas allés au fond du problème.
Ce qu'il faut faire avant tout, c'est ajouter un mot important à la Charte des droits et libertés - le mot responsabilité. Bien entendu, chaque droit et chaque liberté s'accompagnent d'une responsabilité. Mais n'oublions pas que l'exemple donné par autrui est habituellement ce dont nous nous souvenons le plus longtemps.
À mon avis, tout le temps et tous les efforts consacrés à la justice pour la jeunesse, aux questions connexes, etc., pourraient donner des résultats beaucoup plus concrets et positifs si la famille était le centre d'attention. Souvent, c'est comme si l'enfant venait juste d'arriver et décidait à l'âge de 7, 9 ou 12 ans de s'attacher à une famille, lui causant ainsi des problèmes.
Devinez quoi! Tant que nous ne comprendrons pas que la famille et les enfants de cette famille - le fondement de tout - sont de la première importance, nous n'en finirons pas d'essayer de régler le problème de la justice pour la jeunesse et de la Loi sur les jeunes contrevenants. Tant que nous ne tiendrons pas les parents, cause du problème, responsables, nous ne verrons pas le bout du tunnel. Tant que nous ne formerons pas une famille communautaire unie poursuivant les mêmes buts dans les domaines du travail, de l'enseignement et des soins en général, nous n'arriverons pas à régler le problème.
Il faut offrir des cours de droit dans les écoles élémentaires, primaires et secondaires. Il s'agit aussi de mettre en place des directives pour enseigner les parents ou pour prendre d'autres mesures nécessaires, y compris l'intervention et le retrait de l'enfant. Il faut mettre l'accent sur l'éducation à partir de la petite enfance jusqu'à l'âge de 7, 9 et 12 ans. Il s'agit de responsabiliser à nouveau les parents.
Ce n'est qu'à ce moment-là que les modes de vie, les valeurs humaines s'amélioreront, mettant ainsi un terme à ce cycle infernal. Remanier la loi n'apporte pas de réponse ni de solution; c'est une mesure coûteuse et habituellement inefficace.
Enfin, il s'agit d'enseigner aux professionnels du droit - les avocats, les juges, etc. - la manière d'appliquer la loi. La loi, notamment la Loi sur les jeunes contrevenants, n'a de valeur que si elle est appliquée.
Permettez-moi de conclure en citant un article de l'Express, magazine de l'ACP, publié à l'automne de 1995 et intitulé: «Portrait d'une collectivité bouleversée», à propos de deux meurtres récemment commis à Beaconsfield:
- «Peu importe le nombre de mots que vous inscrivez dans la loi ou le nombre de virgules que
vous modifiez, la loi n'aurait pas permis de prévenir ce crime,»...
- ... c'est aux parents et au système scolaire de faire en sorte que de tels crimes ne se reproduisent
plus.
La présidente: Merci.
Nous passons maintenant aux périodes de questions de dix minutes, en commençant parMme Venne.
[Français]
Mme Venne: Tout d'abord, je remarque que vous êtes cinq femmes, ce que tout le monde a dû remarquer, et je me demande si cela veut dire que les hommes ne s'impliquent pas dans la prévention du crime à l'Île-du-Prince-Édouard.
[Traduction]
Mme Barnes: Non, ce n'est pas cela. Notre groupe consultatif compte quelques hommes. Ils n'ont tout simplement pas pu venir aujourd'hui. Chaque organisme respectif compte aussi des hommes.
[Français]
Mme Venne: Je m'en doutais bien, mais je voulais vous le faire dire parce que c'était étonnant de voir cinq femmes ensemble.
J'aimerais vous parler de la responsabilité des parents que vous mentionnez à deux reprises dans vos présentations. J'aimerais d'abord savoir si vous êtes toutes d'accord sur ce principe de responsabiliser les parents davantage, parce que, selon moi, ils le sont déjà. Comment, concrètement, pensez-vous les responsabiliser? Je voudrais que vous me donniez des exemples. Et je me demande aussi si ce n'est pas déresponsabiliser les jeunes que de mettre tout ou une grande partie des problèmes sur le dos des parents. C'est ma première question.
Mme Gallant: Je vais commencer par donner l'exemple de l'école. Un professeur veut démontrer à un jeune les conséquences de ses actes et, pour y parvenir, il besoin de l'aide d'un parent mais ce dernier refuse de l'appuyer. Il faut responsabiliser les parents à cet égard.
Mme Venne: Cela veut-il dire que vous allez poursuivre ces parents au civil? Est-ce que vous allez les poursuivre aussi au criminel?
Mme Gallant: On ne peut pas poursuivre des parents. Il faut faire des commentaires, essayer d'aller chercher des parents, faire des annonces et essayer de les responsabiliser. Et si cela se passe à l'école, nous devons essayer d'aller les voir, de dialoguer avec eux et de voir s'il y a un problème spécial chez l'enfant.
Mme Venne: J'aimerais également que les deux personnes qui ont mentionné cela dans leurs mémoires répondent à ma question pour que nous sachions de quelle façon elles pensent responsabiliser les parents.
[Traduction]
Mme Pickle: J'ai parlé à un conseiller auprès des jeunes à West Prince la semaine dernière. D'après lui, les parents de tout jeune qui a des démêlés avec la justice, ou qui est probablement sur le point d'en avoir, devraient suivre un cours de compétences parentales. J'ai pensé que ce serait un début.
J'ai un fils de 15 ans qui invite souvent trois ou quatre jeunes à la maison. Ils arrivent à 9 heures du matin et restent jusqu'à 10 heures du soir. Personne ne téléphone pour savoir où ils se trouvent ou ce qu'ils font.
À mon avis, les parents doivent assumer leurs responsabilités dans ce domaine. Je sais que beaucoup d'entre eux sont des parents uniques ou qu'il y a des problèmes à la maison, mais je ne peux pas croire que cela justifie la liberté totale dont jouissent leurs enfants qui peuvent aller et venir où et quand ils veulent. Beaucoup de parents ne savent pas comment maintenir la discipline ou guider leurs enfants. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut les éduquer dans ce domaine.
[Français]
Mme Venne: Si j'ai bien compris, pour vous, responsabiliser les parents veut dire les impliquer davantage, leur faire prendre conscience de leurs responsabilités et non pas les poursuivre au civil ou au criminel comme certains autres groupes l'avaient laissé entendre.
[Traduction]
Mme Pickle: C'est exact. Je ne pense pas que le système judiciaire soit la réponse qui convienne pour la plupart des enfants. Le conseiller que j'ai rencontré m'a dit que nos jeunes avaient un tel potentiel positif que j'en ai conclu que le système judiciaire ne peut absolument pas être la solution, à moins que l'infraction en question ne soit vraiment grave.
[Français]
Mme Venne: Merci. Et pour vous, madame Dawson, est-ce la même chose?
[Traduction]
Mme Dawson: À mon avis, si nous pensons à mobiliser les parents seulement lorsque le jeune doit comparaître devant un tribunal, nous n'avons pas compris ce qu'est la responsabilité parentale. Cet enfant n'arrive pas de nulle part et ne se colle pas comme une sangsue à une famille à l'âge de 12 ans. Sa mère lui a donné naissance. Si nous ne commençons pas l'intervention et la prévention du crime à partir de la naissance jusqu'à l'âge de 9 ans, il ne sert à rien de poursuivre ce parent au moment où l'enfant atteint l'âge de 15 ans.
Je pense que la collectivité doit être mobilisée dès le début. Si c'est une famille à risques... tout le monde sait si la famille de son voisin est à risques. Peut-être pas «tout le monde», mais en général, il y a toujours des indices qu'il faudrait, à mon avis, examiner pour trouver une solution.
Il faut parler également de la contribution des familles; il faudrait dire aux parents d'amener leurs enfants. Nous lançons actuellement un programme de jeunes dans notre collectivité. Certains de nos jeunes à risques souhaitaient une activité en soirée. Ils n'ont pas ce qu'il y a de mieux chez eux, peut-être, et ne veulent donc pas s'y trouver à 22 heures pour regarder un film. Dans beaucoup de cas, la violence est présente. Nous avons donc eu l'idée d'organiser une partie de basket-ball à minuit. Il faut, toutefois, qu'un parent accompagne le jeune. Nous les accepterons à partir de l'âge de 9 ou 10 ans. Cela n'est pas encore décidé.
C'est de cela dont je veux parler, la mobilisation des parents dès le début, car après, c'est trop tard.
[Français]
Mme Venne: J'aimerais vous demander si, sur l'Île-du-Prince-Édouard, il y a un problème de gangs de jeunes. Je parle de gangs organisés, de groupes de jeunes organisés comme il en existe dans certains grands centres, dans d'autres provinces.
[Traduction]
Mme Barnes: Pas à ma connaissance. L'expérience d'autres personnes est peut-être différente...
Mme Pickle: Dans notre collectivité, nous en avons justement parlé la semaine dernière. J'ai appris beaucoup de choses la semaine dernière, lorsque je préparais tout cela. On nous a dit que dans un certain sens, il n'y en a pas, mais il y en a malgré tout. Il arrive qu'un groupe d'adolescents se réunisse et aille dans un autre endroit pour se battre avec d'autres jeunes. C'est déjà arrivé à l'occasion dans West Prince. Ce n'est pas un phénomène répandu, mais c'est apparemment arrivé il y a deux semaines. Je sais que cela s'est produit à divers moments, mais ce n'est pas un grand problème.
Mme Dawson: J'aimerais intervenir et dire que oui, nous avons des bandes de jeunes. Elles existent depuis 25 ans. Nous avons des affrontements entre bandes dans les écoles. Je pense que l'on ne s'en rend pas compte, en raison de nos réalités géographiques et démographiques. Lorsque nous parlons de bandes, nous parlons de 12 ou 20 jeunes peut-être. À Montréal, il s'agit plutôt de 200 jeunes. À Fredericton, au Nouveau-Brunswick, il s'agit de bandes composées de 300 jeunes. Donc, oui, nous connaissons ce problème, mais à moindre échelle.
[Français]
Mme Venne: Ma dernière question portera sur les fameuses statistiques que nous avons tous et toutes en main. Dans certains cas, on dit que la criminalité violente a augmenté, qu'elle est commise davantage au hasard, et qu'elle est devenue plus grave ces dernières années. D'autres statistiques et d'autres personnes soutiennent que la société est devenue moins tolérante envers les jeunes en particulier et que, par conséquent, on rapporte plus d'agressions mineures à la police, ce qui fait augmenter le nombre d'arrestation pour infractions. J'aimerais connaître votre point de vue là dessus.
Est-il exact que la société devient intolérante vis-à-vis des jeunes, et est-ce que ce sont des statistiques auxquelles on peut se fier?
Mme Gallant: Est-ce que la société est devenue intolérante ou est-ce que la société n'a plus le temps nécessaire? Les choses ont vraiment changé ces dernières années. La plupart du temps, les deux parents travaillent et ne rentrent pas à temps lorsque les enfants reviennent de l'école. Alors on peut se demander si c'est parce que la société n'a pas le temps, ne prend pas le temps ou est intolérante. C'est une question que je me pose aussi personnellement, en tant que parent.
Mme Venne: Est-ce que vous avez toutes la même opinion? Il me semble que oui. Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Venne.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je tiens à vous remercier d'être parmi nous. Vous parlez avec beaucoup de bon sens, comme tous les Canadiens qui s'inquiètent de la criminalité et que nous rencontrons en notre qualité de députés.
Je pense que nous savons tous que le système de justice ne peut pas régler la question des familles perturbées. Le rôle traditionnel du système de justice consiste à protéger la société de ceux qui ne sont pas directement intéressés à respecter la loi, que ce soit chez eux, dans la rue, à l'école, etc., ou qui ne voient pas pourquoi ils devraient s'y intéresser.
J'ai passé 14 ans à la GRC. Nous appliquions alors l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants et nous avions le pouvoir, en vertu de cette loi et du Code criminel, de régler le cas de tout enfant qui commettait un acte criminel, même s'il n'avait que sept ou huit ans. Nos agents de la paix n'ont plus ce pouvoir - pas plus que notre système de justice. Dans certains endroits, les enfants de 10 et 11 ans sont utilisés par les plus âgés pour commettre des crimes, car ils savent que la police et le système de justice ne pourront rien contre eux. Ils se sentent à l'abri, car ils savent que même s'ils commettent de multiples infractions violentes, ils ne risquent pas de voir leurs noms apparaître dans les journaux.
J'ai quelques inquiétudes à cet égard et bien que vous ayez indiqué, Madame, qu'à votre avis, il ne faudrait pas publier leur nom, je crois que nous devons... et je ne pense pas non plus qu'il faille les publier, sauf lorsque c'est pour assurer la sécurité du public. Comment puis-je décourager mes enfants de fréquenter des jeunes qui font du trafic de drogues et qui risquent de les attirer dans ce genre d'activités? Comment puis-je le faire si je ne sais pas qui sont ces jeunes et si la loi empêche les journaux de publier cette information et, par conséquent, de me la transmettre.
En tant que députés, nous avons des préoccupations et des points de vue différents sur la façon de réagir par l'entremise de la loi.
Ceci étant dit, il ne fait aucun doute dans mon esprit que Mme Irene Dawson a parfaitement raison en ce qui concerne la responsabilité. D'après mon expérience, je sais que faire comparaître des enfants devant un tribunal n'a jamais vraiment réglé la situation. En tant qu'agent de la paix, j'ai toujours pensé, ainsi que mes collègues, que nous devions éviter qu'ils ne comparaissent devant les tribunaux, si nous le pouvions, et nous en avions les moyens, ainsi que le pouvoir discrétionnaire. Ce pouvoir n'existe plus, en partie à cause de la Charte des droits et libertés qui stipule maintenant que tout jeune contrevenant arrêté par un agent de police pour une infraction criminelle doit être représenté par un avocat.
Les représentants de l'Association des chefs de police nous ont dit la semaine dernière qu'il est impossible d'obtenir une déclaration d'un jeune contrevenant au tribunal à cause des obstacles juridiques. La police avait auparavant le pouvoir de régler officieusement beaucoup de ces cas et elle avait constamment l'appui de la loi et du système judiciaire. Si les agents de police ne pouvaient pas régler ces cas-là officieusement, ils devaient bien sûr en saisir les tribunaux, mais le recours au système judiciaire était un outil important pour les agents de police, ainsi qu'un risque éventuel dans l'esprit du jeune contrevenant. Si l'on ne peut plus aller voir le propriétaire du magasin dont vous avez brisé la vitre pour voler quelque chose... si l'on ne peut pas régler le problème officieusement, il faut en saisir le tribunal. Je sais bien que dans de trop nombreux cas, l'action judiciaire n'a rien donné, puisque je n'ai pas observé de changements dans la conduite de ces jeunes gens après leur comparution devant un tribunal.
En raison du peu de temps dont nous disposons, je ne pourrai probablement pas vous poser une autre série de questions. Je vous pose donc à tous les questions que voici. Avant l'entrée en vigueur de la modification de la Loi sur les jeunes contrevenants, les gouvernements provinciaux avaient le pouvoir de décider si des jeunes de 16 et de 17 ans qui avaient commis certains délits pouvaient être traduits devant des tribunaux pour adultes. Nous avons maintenant en place un système pour traiter de certaines infractions avec violence. Les jeunes de 16 et de 17 ans peuvent être traduits devant des tribunaux pour adultes et ils peuvent présenter une requête expliquant pourquoi ils ne devraient pas l'être et pourquoi ils devraient plutôt être entendus par un tribunal de la jeunesse ou un tribunal pour jeunes contrevenants.
J'aimerais savoir si, selon vous, le procureur de la Couronne doit avoir d'office le pouvoir discrétionnaire lorsque le jeune a commis un crime avec violence comme des voies de fait, un viol ou un meurtre. Le procureur de la Couronne devrait-il avoir le pouvoir de renvoyer ces causes devant un tribunal pour adultes? Qu'en pensez-vous? J'aimerais que vous reveniez à la question des récidivistes violents et des trafiquants de drogue. Devrait-on publier leurs noms afin de protéger la société, de savoir qui représente une menace pour nos familles et la collectivité, ou vaut-il mieux préserver les possibilités de réadaptation du contrevenant?
J'aimerais que vous disiez au comité ce que vous pensez de l'idée de tenir les parents financièrement responsables des actes criminels de leurs enfants et de l'idée de réinscrire dans la loi l'infraction qui consiste à contribuer à la délinquance d'un jeune. Aux termes de l'ancienne loi, soit de la Loi sur les jeunes délinquants, commettait une infraction quiconque contribuait à la délinquance d'un juvénile et il pouvait en être inculpé. Cette infraction a été abolie. Elle ne figure plus au Code criminel. Elle ne fait plus partie de la Loi sur les jeunes contrevenants.
J'aimerais bien avoir votre opinion à ce sujet.
Mme Dawson: Je prendrai la parole la première, monsieur Ramsay.
En ce qui concerne la publication des noms dans les journaux, selon le crime commis, il conviendrait selon moi de publier non seulement le nom du jeune contrevenant, mais aussi celui des parents. S'ils sont responsables, leur nom devrait aussi être publié.
Le crime violent, les jeunes de 16 et de 17 ans, un tribunal pour adulte ou pas? Si l'enfant est suffisamment désensibilisé pour pouvoir commettre un crime violent, ce n'est plus un enfant. Le seul moyen de traiter d'une telle situation est le tribunal pour adultes.
Pour ce qui est des récidivistes violents, encore une fois, le dommage est fait. Il faut constater l'échec, reconnaître que nous avons manqué à nos obligations envers la famille et que nous nous sommes laissés tomber nous-mêmes. Nous ne sommes pas intervenus assez rapidement auprès de la jeunesse du pays, si elle récidive.
Quant au trafic répété de la drogue et au trafic de la drogue en général, jusqu'à ce que les Canadiens se rendent compte qu'il s'agit d'un crime grave et qu'ils le traitent comme tel, jusqu'à ce qu'ils cessent de simplement faire des remontrances selon qui vous êtes et qu'ils proclament haut et fort dans le journal ce qui se passe et qui l'a fait... C'est illégal au Canada. Pourquoi agit-on comme si ce n'était pas très grave? Je ne suis pas d'accord avec cette attitude.
Pour ce qui est de tenir les parents financièrement responsables des actes de leurs enfants, je n'oublierai jamais mon réveil, un certain matin. Moi qui croyais si bien faire! Un de mes fils, âgé de 7 ans, a brisé la fenêtre du voisin. Il est venu me l'annoncer. Je lui ai répondu que nous nous en occuperions. Les voisins n'étaient pas à la maison et, après tout, il s'agissait d'un accident. Mes enfants jouaient à la balle dans la cour, et il avait simplement frappé plus fort qu'il ne s'en croyait capable.
À leur retour, les voisins ont téléphoné à la police, parce qu'il y avait des dommages. Entre temps, j'avais moi-même appelé la police pour les avertir que, si M. et Mme Untel, de retour chez eux à telle adresse, appelaient pour se plaindre d'une vitre cassée, c'était mon fils le responsable et que nous attendions leur retour pour régler à l'amiable. Les policiers ont accompagné le voisin chez moi. Quand mon fils s'est rendu compte qu'il faudrait payer la réparation, ce fut fini. Il n'a plus jamais brisé de vitres. Il était convaincu de ne pas pouvoir frapper si fort. Il faut qu'il y ait une certaine responsabilité financière.
Quant à l'ancienne loi... nous avons raté le coche lorsque nous avons aboli cette infraction. Je pourrais vous en parler durant des heures et des heures. Quiconque travaille dans le secteur de la vente au détail... les magasins sont les cibles de choix des voleurs, particulièrement en ce qui concerne les articles les plus chers. Les adultes font le tour du magasin et disent à l'enfant ce qu'ils veulent obtenir. Celui-ci, caché sous les manteaux de fourrure par exemple, en prend un et s'enfuit. Les adultes agissent ainsi parce qu'ils savent que l'enfant n'aura pas de grands démêlés avec la justice et que l'adulte qui l'a incité au crime n'en subira pas les conséquences. Nous n'aurions jamais dû abolir cette infraction. Il faut la réinsérer et rendre cette disposition encore plus musclée.
Mme Caroline Landry (représentante, Provincial Advisory Council on Crime Prevention and Community Safety): Je souhaitais aussi vous parler d'une question qui a fait l'objet de discussions à nos réunions: les crimes sexuels. Si un jeune de 15 ans est jugé coupable d'un crime sexuel quelconque - je parle davantage de pédophilie peut-être - , lorsqu'il atteindra l'âge de 18 ou de 19 ans, il pourra aller vivre ailleurs et trouver peut-être du travail dans une garderie. Nul n'aura le droit de s'informer de ses antécédents criminels. Cela me fait vraiment peur. Il faut pouvoir protéger notre jeunesse.
C'est l'une des préoccupations exprimées. Je suis d'accord que, parfois, il faut rendre ces choses publiques.
La présidente: C'est tout le temps dont nous disposons pour cette série de questions.
Monsieur Kirkby.
M. Kirkby: Madame Dawson, vous avez parlé d'adultes qui encouragent des jeunes à commettre des crimes pour leur bénéfice. Pouvez-vous nous donner des exemples précis de cas où cela s'est produit ou est devenu un grave problème à l'Île-du-Prince-Édouard?
Mme Dawson: Oui, le problème est grave à l'île, mais il frappe peu importe où vous vous trouvez; il y en a autant à Edmonton et à Charlottetown.
La présidente: Monsieur Wells.
M. Wells (South Shore): Je vous remercie de votre exposé. Il était fort bien fait.
Mettons de côté la responsabilité des parents et parlons de la responsabilité des écoles ou, peut-être, des enseignants. Je crois que c'est Frances qui en a parlé.
Avez-vous été témoin de cas illustrant la façon dont les écoles ont réagi à la Loi sur les jeunes contrevenants ou comment les enseignants traitent de criminalité chez les jeunes?
Mme Pickle: Non, je ne peux pas dire que j'aie moi-même travaillé avec de jeunes contrevenants.
M. Wells: Parmi vos suggestions et idées, lorsque vous parlez de faire participer les écoles et de former les enseignants en counselling, et ainsi de suite... Pouvez-vous être un peu plus précise quant à ce que pourrait être, selon vous, le rôle de l'école et de l'enseignant?
Mme Pickle: Je peux vous donner un exemple de la compétence des enseignants en la matière. La semaine dernière, je m'entretenais avec un conseiller auprès des jeunes qui m'a parlé d'un étudiant de 12e année. Celui-ci éprouvait bien des difficultés avec une enseignante. Le conseiller lui a proposé de s'expliquer avec l'enseignante. L'étudiant a répondu qu'il était incapable de le faire. Le conseiller lui a ensuite suggéré de le faire par écrit, ce que l'étudiant a accepté de faire. Il a donc écrit à l'enseignante pour lui expliquer ses sentiments. Quelques jours plus tard, l'enseignante est venue lui murmurer à l'oreille qu'elle avait lu sa lettre. Point final. Fin de la communication. Les choses ont changé depuis lors. Je suppose que ce que je voulais faire remarquer, c'est que cette enseignante n'avait aucune aptitude en communication; elle s'est contentée de dire qu'elle avait lu la lettre.
Bien des enseignants commencent maintenant, je crois, à faire appel à des conseillers ou à d'autres professionnels, à cause du nombre de jeunes en difficulté dans leurs salles de classe et de leur propre sentiment d'impuissance. Armés de quelques compétences en counselling, ils pourraient peut-être faire quelque chose. Après tout, ils côtoient ces jeunes tous les jours.
J'ai oublié l'autre partie de votre question.
M. Wells: Je crois que vous y avez essentiellement répondu.
J'aimerais simplement savoir si l'un d'entre vous travaille auprès d'une commission scolaire ou d'un autre organisme en rapport avec le milieu scolaire. Ma question s'adresse peut-être plus particulièrement à Frances.
Travaille-t-on avec les commissions scolaires et à la façon dont elles réagissent à ce genre de situation? Je sais que bien des écoles offrent des services de counselling aux jeunes toxicomanes, peut-être plus que l'école dont vous avez parlé. Vous l'avez également mentionné dans un de vos exposés.
Quelqu'un est-il en rapport avec les commissions scolaires à ce sujet?
[Français]
Mme Gallant: Nous, de la communauté francophone, travaillons beaucoup là-dessus. Nous nous intéressons plus à la prévention qu'aux problèmes existants. Nous faisons beaucoup de prévention et ce, dès la première année. Nous espérons qu'en commençant à travailler sur les tout jeunes, nous allons pouvoir constater une évolution. Nous espérons que lorsque ces jeunes vieilliront un peu, ils seront capables de prendre des responsabilités, de se sentir responsables de leurs actions. Nous commençons donc quand ils sont plus jeunes en espérant que le travail va se poursuivre. Nous travaillons aussi sur les plus âgés avec l'aide de personnes de la GRC.
À la commission scolaire francophone, nous travaillons beaucoup à cela.
[Traduction]
M. Wells: Vous-même, travaillez-vous avec une commission scolaire? Je n'ai pas compris plus tôt lorsque vous avez parlé de votre association avec... Lorsque vous dites «nous», parlez-vous des enseignants, des écoles ou des commissions scolaires?
[Français]
Mme Gallant: Oui. Je parle des professeurs, de tout le personnel enseignant et aussi d'agents comme moi. Nous travaillons tous ensemble afin d'aider les jeunes et de les responsabiliser. Les professeurs suivent des cours pour mieux comprendre les jeunes.
[Traduction]
M. Wells: Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?
Mme Dawson: Je voudrais simplement ajouter qu'ayant moi-même enseigné, bien que je ne m'occupe pas directement de commissions scolaires pour l'instant... Pour boucler la boucle... À mes débuts comme enseignante, nous travaillions de près avec les jeunes et leurs parents. Les comités de parents et les comités d'école y prenaient aussi part, de même que les commissions scolaires, parce que ces organismes étaient alors plus petits. À mesure que nous prenons de l'expansion, nous nous éparpillons, tout comme nos efforts.
Je ne suis pas d'accord pour dire que les enseignants sont peut-être la solution. Certes, les enseignants peuvent dépister les problèmes. Ils peuvent alors les signaler à la commission scolaire, au comité de parents ou au comité d'école pour qu'il prenne les mesures qui s'imposent. Les commissions scolaires attendent, je crois, qu'on leur dise quoi faire, et c'est là une des grosses lacunes du système actuel.
Mme Pickle: Je peux peut-être donner des précisions à ce sujet. Je fais partie du comité d'école d'une polyvalente de l'ouest de l'île. Elle a une clientèle d'environ sept cents enfants.
L'an dernier, j'ai assisté à diverses réunions. Le directeur a souligné que le plus grand problème, à l'école, était la violence verbale et physique répandue. On en était au stade où l'école déclarerait, cette année, qu'elle ne tolérerait plus aucune forme de violence. Récemment, à l'une de nos réunions, il a annoncé que l'école n'adopterait pas le programme de tolérance zéro à l'égard de la violence parce que, cette année, le problème n'est plus la violence, mais le suicide. Six ou sept élèves se sont suicidés, ce qui est énorme dans un établissement aussi petit. Il faut se concentrer sur les enfants qui ont affirmé vouloir se suicider. C'est le problème actuel.
M. Wells: Me reste-t-il du temps?
La présidente: Oui, il vous reste environ trois minutes et demie.
M. Wells: J'aimerais aborder une autre question. Certains d'entre vous ont parlé de programmes d'intervention immédiate qui, selon moi, sont très importants.
Que fait l'Île-du-Prince-Édouard et que faites-vous individuellement en vue de modifier le comportement antisocial dès ses premières manifestations? Je ne parle pas forcément du travail fait dans les écoles; il peut s'agir d'organismes de services sociaux, par exemple. Que fait-on à l'Île-du-Prince-Édouard à cet égard?
[Français]
Mme Gallant: Il existe un programme qui s'appelle «Il n'y a personne de parfait» et, en anglais, «Nobody is perfect». Ce programme s'adresse principalement aux parents à risque plutôt qu'aux jeunes à risque. La formule «à risque» ne fait pas nécessairement référence aux abus sexuels ou physiques. Elle s'applique plutôt aux parents qui habitent en dehors, qui sont seuls, qui n'ont aucun soutien de leur famille. C'est à cause de ces éléments qu'on les classe ainsi. On essaie de ne pas employer la mention «à risque», parce qu'à un moment ou l'autre, probablement que tous les parents pourraient être considérés à risque.
Ce programme vise les enfants de 0 à 6 ans et il est offert en français et en anglais. Nous suivons les parents dans des sessions qui durent de 10 à 12 mois. Il y a même des sessions qui se sont poursuivies pour fournir un appui à certains parents. Plusieurs d'entre eux sont seuls, chefs de familles monoparentales. Les gens qui travaillent à ce programme travaillent beaucoup et très fort. Ce sont pour la plupart des bénévoles. Elles le font pour aider ces parents.
On recrute ces bénévoles, soit par le circuit des programmes sociaux, soit par le bouche à oreille, ce qui est une des meilleures façons d'intéresser ces personnes à participer à nos programmes pour aider les jeunes et les parents. Plusieurs offrent un service de garde, ce qui permet aux parents de suivre plus facilement nos sessions.
[Traduction]
Mme Barnes: J'aimerais mentionner deux initiatives qui ont été prises dans la province. L'une, appelée Children Come First, a été prise par le service provincial de santé et d'action communautaire. Tout récemment, elle a permis de financer 20 projets différents. L'un des critères est que le projet doit avoir une composante d'intervention immédiate.
Une autre initiative prise par le ministère du Service à l'enfance et à la famille dans une de nos régions - car nous avons des régions, à l'Île-du-Prince-Édouard - s'appelle le Supermom Program. Dans le cadre de celui-ci, on met en contact une adolescente enceinte avec une famille très fonctionnelle. L'adolescente vit avec cette famille et apprend ainsi comment assumer sa charge de parent. Il s'agit en réalité d'un tout nouveau programme.
Je tenais simplement à dire qu'en tant que groupe consultatif, notre participation à cette initiative consiste à gagner des appuis et à soutenir l'élan de manière à convaincre les autorités d'affecter des ressources à l'intervention immédiate. Cela fait partie de notre mandat. Nous ne participons pas vraiment à la mise en oeuvre des programmes d'intervention immédiate. Par contre, nous voulons effectivement les soutenir et leur gagner des appuis.
M. Wells: Estimez-vous qu'il faut que l'Île-du-Prince-Édouard fasse davantage dans ce domaine pour bien maîtriser la situation, c'est-à-dire qu'il faut encore y investir davantage?
Mme Barnes: Non. Nous n'avons pas la situation bien en main. Nous sommes dans la bonne voie, mais nous ne sommes certes pas arrivés à nos fins. En réalité, la mission du groupe est de faire progresser ce dossier.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Venne, vous avez cinq minutes.
[Français]
Mme Venne: En général, on nous dit qu'il existe trois types de prévention du crime.
Le premier, qu'on appelle primaire, consiste à prévenir les infractions. Le deuxième consiste à repérer les jeunes à risque et leur famille, et à intervenir afin de modifier le comportement antisocial. Le troisième type d'intervention concerne les mesures de réadaptation.
J'aimerais savoir quelles mesures de prévention des deux premiers types se sont révélées les plus efficaces à long terme. Si on parle du premier type, soit la prévention des infractions, quelle a été la meilleure façon de le faire? Que préconisez-vous? Dans le cas du deuxième type de prévention, j'aimerais savoir également ce que vous préconisez. Il s'agit, dans ce cas-là, de repérer les jeunes et d'intervenir auprès des familles.
Pour ce qui est de la réadaptation, eh bien là, c'est ouvert. Que préférez-vous? Évidemment, je vois déjà très clairement quelles sont vos orientations. Cependant, il serait peut-être bon de les préciser, comme pour chacun des autres types.
[Traduction]
Mme Pickle: Du côté de la prévention, je crois avoir mentionné que, même si les parents ne se rendent pas compte que l'enfant a un problème, le système scolaire le décèlera peut-être. À partir de là, les enseignants peuvent recommander que les services sociaux - un conseiller, par exemple - s'occupent de l'enfant.
Je viens de West Prince. Dans ma région, on projette d'essayer de mettre sur pied, au sein du système scolaire, un groupe de personnes qui travailleraient de concert avec l'enseignant. Si l'enseignante a un élève qui a, à son avis, des difficultés dont elle ne peut s'occuper, elle ferait appel à ce groupe de professionnels. Le groupe comprendrait quatre ou cinq personnes peut-être. Tous s'assoiraient à la même table, discuteraient du cas et essayeraient de trouver la meilleure solution. Si tous ces gens travaillent avec l'enfant, on devrait pouvoir prévenir la commission d'infractions.
Quant aux jeunes à risque, je proposerais des séances de counselling très rapprochées. Il s'agirait assurément d'une intervention. Ce serait le principal moyen que je propose.
Pour ce qui est de la réadaptation, je proposerais encore une fois des séances très rapprochées de counselling, beaucoup de counselling pour la famille et beaucoup de travail communautaire pour essayer d'aider le jeune. Si le crime est réellement grave, il faudrait envisager une punition beaucoup plus sévère. On parle beaucoup, actuellement, des camps de type militaire. Quelqu'un a dit qu'ils sont peut-être valables pour ceux qui commettent des crimes vraiment graves. Toutefois, lorsqu'ils sont libérés, ces jeunes ont encore besoin de beaucoup de counselling pour pouvoir se réadapter. Une personne m'a dit qu'elle demandait toujours à l'enfant pourquoi il avait fait ce qu'il avait fait et qu'elle revenait constamment à la charge jusqu'à ce qu'elle obtienne la réponse, parce qu'il y a toujours une raison. Si vous creusez assez longtemps et que vous posez toujours la même question, vous finirez par obtenir la réponse. C'est alors que peut débuter la réadaptation.
Je vous remercie.
[Français]
Mme Venne: Est-ce que d'autres voudraient s'exprimer sur le sujet?
Mme Gallant: Je voudrais commenter ce que Mme Pickle vient de dire. Pour faire rencontrer un jeune avec les professeurs et les parents, il faut que le problème soit important. On tente donc de le responsabilier en ne le laissant pas à l'extérieur en décidant tout pour lui.
Il est engagé dans la décision de ce qu'on entreprend, de la façon dont nous allons fonctionner. S'il n'est plus capable de fonctionner, on lui présente les différentes options entre lesquelles il faut choisir et sur lesquelles nous allons travailler. Le jeune est présent et participe à la décision. Il n'attend pas à la porte; il participe.
Mme Venne: Merci.
[Traduction]
La présidente: Madame Venne, je vous remercie. Monsieur Ramsay, vous disposez de cinq minutes.
M. Ramsay: Parce que vos exposés de ce matin, celui non seulement d'Irene Dawson, mais d'autres également, insistaient tant sur la responsabilité des parents, j'aimerais vous lire l'article 172 du Code criminel:
- 172. (1) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans
quiconque, là où demeure un enfant, participe à un adultère ou à une immoralité sexuelle, ou se
livre à une ivrognerie habituelle ou à toute autre forme de vice, et par là met en danger les
moeurs de l'enfant ou rend la demeure impropre à la présence de l'enfant.
- (3) Pour l'application du présent article, «enfant» désigne une personne qui est ou paraît être
âgée de moins de 18 ans.
- (4) Aucune poursuite ne peut être intentée sous le régime du paragraphe (1) sans le
consentement du procureur général...
Mme Dawson: Je suppose que j'en ignorais l'existence, certes dans sa totalité, tel que vous venez de le lire. J'ai toujours cru que les parents étaient responsables de leurs enfants jusqu'à l'âge de 18 ans; par conséquent, ils doivent aussi répondre de l'exemple qu'ils donnent et de leur participation à l'acte.
Je ne me rappelle pas d'une affaire particulière dans laquelle le procureur général aurait donné son consentement.
Je puis vous dire d'expérience qu'au fil des ans, il y a eu des cas où les enfants ont dû être retirés de leur foyer pour leur propre bien. J'ignore si on l'a fait sur ordre donné par le procureur général en vertu d'une loi antérieure, d'une loi donnant ce pouvoir à la GRC, ou si les policiers ou les travailleurs d'aide à l'enfance auraient eu le pouvoir de le faire de leur propre chef.
M. Ramsay: Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter au sujet de cet article particulier?
Pour mieux responsabiliser certains parents, croyez-vous qu'il serait avantageux de leur faire connaître l'existence de cet article?
J'essaie de dire, en fait, que, pendant des années, depuis que je connais le Code criminel, celui-ci a toujours comporté un article visant à empêcher que des fillettes et jeunes filles soient incitées à l'immoralité sexuelle et à s'adonner à des activités sexuelles. Il s'agissait de l'ancien article relatif au viol, selon lequel quiconque a des relations sexuelles avec une fille de moins de 14 ans commet un acte criminel le rendant passible de peines très sévères.
Des cas comme ceux-là, on en voit partout au pays. J'ai fait remarquer à de nombreuses personnes que des accusations ne sont pas très souvent portées. Il y a de la prostitution enfantine au Canada, des mères de moins de 14 ans, ce qui prouve qu'il y a eu infraction à cet article. Pourtant, j'ai rarement vu appliquer la loi qui vise à protéger ces enfants. Avez-vous des commentaires ou des réflexions à faire à ce sujet?
Mme Pickle: Je suis d'accord avec vous. Nous sommes allés trop loin: nous nous préoccupons trop du sort de ceux qui commettent les crimes. J'irais presque jusqu'à dire que le système protège celui qui commet le crime et que c'est la victime qui est laissée pour compte.
Nous avons vécu une telle expérience dans ma famille. Je puis certes sympathiser avec la souffrance de la victime. Celui qui commet le crime, lui, s'en tire à bon compte.
Je suis donc d'accord avec vous. Il faut commencer par faire respecter la loi, particulièrement dans le cas des adultes. Les jeunes contrevenants sont presque devenus des victimes de notre société. Il faut que les adultes commencent à vraiment assumer les conséquences de leurs actes.
M. Ramsay: Je vous remercie. Il ne me reste plus de temps. Je ne pourrai pas vous poser d'autres questions, mais je tiens à vous remercier énormément du travail que vous effectuez. La solution à la criminalité chez les jeunes se trouve, à mon avis, dans ce que vous faites dans ce domaine. Il faut régler le problème avant qu'il n'aboutisse devant les tribunaux. Nous ne pouvons compter sur ceux-ci pour le faire. Nous ne pouvons adopter des lois qui protègent adéquatement la société.
La présidente: Monsieur Ramsay, je vous remercie. Monsieur Gallaway, c'est votre tour.
M. Gallaway: Bonjour. L'un d'entre vous - j'ignore lequel au juste - a dit qu'il faut se faire une idée exacte du crime.
J'aimerais vous poser des questions au sujet de vos collectivités. Je sais que vous n'êtes pas là pour tenir de la statistique, mais dans les collectivités que vous représentez, y a-t-il une augmentation de la criminalité chez les jeunes ou est-ce simplement une impression due à l'amélioration et à la croissance des moyens de communications dans le monde? La criminalité chez les jeunes a-t-elle, en fait, augmenté?
Mme Dawson: Moi, j'ai quelque chose à ajouter. Je ne crois pas que ce soit moi qui aie dit cela, parce que je ne crois pas qu'on puisse se faire une idée exacte du crime. On ne peut le faire qu'après sa commission.
La criminalité chez les jeunes a augmenté à cause de la désensibilisation aux valeurs, de l'incitation à l'éclatement de la famille, de l'invasion de toute la violence que nous tous, nous-mêmes comme nos enfants, subissons à la télévision et partout ailleurs chaque jour. Notre société n'a plus de valeurs. Celles-ci ne veulent plus rien dire. Par conséquent, oui, la criminalité a augmenté à tous les niveaux, dans toutes les régions et, de plus, les jeunes ne respectent plus rien.
M. Gallaway: Je vous remercie. J'ignore si quelqu'un d'autre veut répondre.
Madame Dawson, vous avez fait une proposition très intéressante, soit d'élargir le concept de la responsabilité aux familles, c'est-à-dire aux parents. Vous êtes en train d'innover en matière de droit criminel. Certes, je suis d'accord avec vous, en ce sens que nos lois ont toujours tenu la personne responsable de ses actes. Cependant, le droit criminel surtout n'est jamais allé au-delà de l'individu. C'est peut-être différent en droit civil; il faut avoir eu l'intention de commettre l'infraction.
Vous êtes en train de proposer que nous élargissions le cercle de manière à y inclure les parents, qui sont peut-être satisfaits de leur vie, mais qui ignorent absolument ce que font leurs enfants.
Je tenais seulement à le préciser. Par exemple, si un jeune contrevenant était accusé de vol d'automobile, d'avoir volé une automobile pour s'amuser, accuseriez-vous aussi les parents ou préconisez-vous plutôt de faire en sorte qu'ils fassent partie intégrante du système judiciaire et qu'ils soient présents lorsque leur enfant sera traduit devant les tribunaux?
Mme Dawson: Je ne suis pas sûre que j'ai réfléchi à ce genre de question, pas plus qu'à d'autres, d'ailleurs. Il s'agit d'un concept relativement étranger à bien des théories et pratiques. Il n'est certes pas connu du système judiciaire actuel. J'hésite à vous répondre par un oui inconditionnel, mais il me répugnerait encore davantage de vous répondre par un non catégorique.
Le simple fait que nous en arrivions à dire que les parents se lavent les mains de ce que font leurs enfants illustre le problème. Par conséquent, si un enfant est accusé de vol d'auto ou de quoi que ce soit, les premiers responsables sont les parents. Qu'ils soient accusés en bonne et due forme ou qu'ils fassent partie de ceux qui se disent indifférents, ils devraient être obligés de s'inscrire à un programme de compétences parentales.
M. Gallaway: J'aimerais faire une petite comparaison. C'est Mme Pickle qui a apporté le mémoire daté d'aujourd'hui. Là où il est question de suggestions et d'idées, on peut y lire qu'il ne faut pas publier le nom des jeunes contrevenants dans les journaux durant leur procès ou après.
Madame Dawson, je crois vous avoir entendu dire qu'il devrait l'être.
Pourriez-vous toutes les deux m'expliquer votre raisonnement.
Mme Pickle: La principale raison pour laquelle j'estime que ces noms ne devraient pas être publiés durant le procès ou après, c'est que cette publication à la une de tous les journaux nuirait au processus de réadaptation. Dès lors, où qu'ils aillent, ces jeunes seraient considérés comme des criminels. Il n'y aurait plus de réadaptation possible.
Si le jeune a commis un crime vraiment grave, je ne suis pas opposée à l'idée. Par contre, pour un crime moins grave, je ne crois pas que son nom devrait être publié.
M. Gallaway: Vous êtes donc en train de dire qu'il faudrait prévoir des exceptions.
Mme Pickle: Oui, dans le cas des crimes généralement commis par des adultes.
M. Gallaway: Proposez-vous qu'on publie leurs noms?
Mme Dawson: Non, ce n'est pas ce que je dis. La raison pour laquelle j'estime que les noms devraient être publiés, c'est qu'encore une fois, nous encourageons la société à pencher en faveur du contrevenant et à dissimuler sa faute. Si quelqu'un ne m'a pas vu le faire, ne le lui dites pas. Il ne le saura jamais. Il saura que quelque chose s'est produit, mais il ignorera qui en est responsable.
En ce qui concerne la publication des noms de jeunes, si mon enfant vole une tablette de chocolat, je ne crois pas que son nom devrait être publié dans les journaux. Mais si mon enfant de 14 ans bat son petit voisin de 10 ans, je pense que cela devrait être dans les journaux. Donc, les crimes contre la personne sont peut-être traités différemment des crimes contre la propriété, bien qu'à mon avis la ligne de démarcation soit très mince.
M. Gallaway: J'aurais une dernière question. Elle concerne les jeunes qui font partie du groupe le plus jeune. Les enfants de 12 ans relèvent du système de justice mais pas ceux de 11 ans. J'aimerais connaître l'opinion de votre groupe à ce sujet. Faudrait-il assujettir des enfants de 11 ans à un système judiciaire ou à un système d'aide sociale très formel?
Mme Dawson: Cela revient un peu à la réponse que je voulais donner à Mme Venne à propos de la prévention primaire, c'est-à-dire déterminer entre autres les risques. Pour moi, la prévention primaire débute à la naissance et la détermination des risques au moment où l'enfant commence à fréquenter l'école. Je vous donnerai un petit exemple.
Avant hier, je rentrais de voyage vers 2 h 30 du matin. Il y avait deux jeunes dans la cour d'un voisin avec une lampe de poche, qui regardaient par la porte. Ces enfants avaient 12 et 14 ans. Ils habitent dans un quartier tout ce qu'il y a de plus respectable. Ces enfants, qui vivaient à plus d'un mille de là, avaient réussi à sortir de chez eux à l'insu de leurs parents pour aller rendre visite à leurs deux copains de 14 ans qui dormaient sur le plancher du salon. C'était tout organisé d'avance. Ils avaient décidé de sortir la nuit faire un tour.
Cela m'a dérangée. Les deux jeunes m'ont vue sur le seuil de ma porte en train de les regarder et ils sont venus me rassurer et me dire que je n'avais rien à craindre, qu'ils voulaient simplement aider leurs amis à sortir de la maison en cachette et aller juste faire un petit tour.
J'ai averti la GRC. J'ai expliqué aux jeunes ce qui risquait de leur arriver et ils ont déguerpi. Le jour suivant, je suis allée parler aux parents des enfants que leurs copains avaient essayé de faire sortir. Ils étaient absolument horrifiés à l'idée que leurs enfants aient voulu sortir et soulagés que leurs copains n'aient pas réussi à les réveiller.
Donc, si on regarde la situation d'ensemble, la prévention du crime et de la délinquance est effectivement possible si l'enfant est encadré et qu'on lui impose une heure pour rentrer à la maison. Si une collectivité décide que les enfants de moins de 12 ans ne doivent pas être sortis après 22 heures, nous n'aurons pas à craindre que des enfants de 12 ans pénètrent par effraction au Canadian Tire et commettent des vols à main armée, n'est-ce pas?
La présidente: Merci, monsieur Gallaway.
Merci beaucoup de votre présentation.
Irene, si j'avais 14 ans, j'hésiterais à m'en prendre à vous.
Des voix: Oh, oh!
Mme Dawson: Non, mais vous pourriez venir me voir pour que je vous aide.
La présidente: C'est évident mais je comprends pourquoi votre fils de sept ans était bouleversé d'avoir cassé la fenêtre.
Merci beaucoup, votre témoignage nous a été très utile.
Nous allons faire une pause de quelques minutes pendant que nos nouveaux témoins se joignent à nous.
La présidente: À l'ordre, je vous prie.
Nous avons avec nous la directrice exécutive de la Community Legal Information Association de l'Île-du-Prince-Édouard, Ann Sherman, et Kerry Chappell. Je vous souhaite la bienvenue. Je vois que vous avez amené du renfort et nous sommes très heureux de tous vous accueillir.
Mme Ann Sherman (directrice exécutive, Community Legal Information Association of Prince Edward Island): Nous voici donc. Nous sommes un peu nerveuses. Il est donc bon d'avoir notre petit groupe de sympathisants dans le fond de la salle.
La présidente: C'est la même chose en politique. Nous sommes toujours accompagnés de notre petit groupe de sympathisants. Il n'y a pas de quoi être nerveuses.
Comme nous avons empiété un peu sur votre temps, nous en tiendrons compte. Nous avons environ une heure et nous vous demanderions de procéder de la manière qui vous convient le mieux. Nous avons un exemplaire de votre mémoire mais nous aimerions entendre votre présentation. Les députés vous poseront ensuite des questions.
Mme Sherman: Merci beaucoup, madame la présidente. Nous avons fait circuler des exemplaires du mémoire au comité permanent ainsi que des exemplaires d'une autre consultation que nous avons faite pour le Youth Justice Education Partnership. Je m'excuse de ne pas avoir broché ces deux documents ensemble. J'ai eu un peu de problèmes avec la photocopieuse ce matin. Comme toujours quand on est pressé, les choses prennent deux fois plus de temps que prévu.
Je tiens à vous remercier de nous offrir l'occasion de comparaître devant le comité permanent pour aborder cette question importante.
Le mémoire que nous allons vous présenter ce matin est le fruit de la collaboration de jeunes et d'adultes. C'est l'aboutissement du travail dont s'est occupé la Community Legal Information Association. Les trois jeunes qui ont contribué à rassembler cette information pour vous sontTrevor Clements et Roy Larouche, qui n'ont pas pu être ici aujourd'hui et Kerry Chappell qui m'accompagne ce matin.
La Community Legal Information Association de l'Île-du-Prince-Édouard - CLIA, sous sa forme abrégée - est un organisme de charité enregistré à but non lucratif dont la mission est de sensibiliser le public aux questions juridiques et de lui fournir de l'information.
Notre objectif est de fournir aux habitants de l'Île-du-Prince-Édouard des renseignements compréhensibles et utiles sur nos lois et notre système de justice. Nous participons à l'heure actuelle à un projet de lutte contre l'alcool et les drogues, axé sur la jeunesse, appelé Legal Information and Youth - Alcohol and Drugs. L'année dernière, ce projet a pu compter sur la collaboration de jeunes, membres d'un autre groupe de Charlottetown, l'Adventure Group, dans le cadre duquel ils ont élaboré un cours R.O.P.E.S. Cette année, les participants au projet L.A.W. qui sont ici pour nous appuyer ce matin, participeront également à la distribution des documents que nous publions dans le cadre de ce projet.
L'année dernière, la CLIA a également organisé une rencontre de dix jeunes de l'Île-du-Prince-Édouard avec les membres du Comité de la justice pour les jeunes du Conseil national de prévention du crime. Je siège au conseil en tant que représentante de l'Île-du-Prince-Édouard.
Les jeunes qui ont pris la parole devant le conseil nous ont dit avoir l'impression d'être exploités par les adultes. Ils ont indiqué que les trafiquants de drogues s'arrangent pour les rendre accros et souvent se servent d'eux pour vendre de la drogue aux jeunes de leur âge. Ils disent avoir l'impression d'être sous-estimés par une société qui n'est absolument pas intéressée à investir dans les jeunes à moins qu'ils soient doués pour les études. Ils se sentent isolés par une société qui ne veut rien savoir d'eux comme groupe.
Par exemple, ici à Charlottetown, les jeunes essayent depuis un certain nombre d'années de trouver un endroit acceptable pour faire de la planche à roulettes. Lorsqu'ils trouvent un endroit qui leur convient, ils sont chassés par les propriétaires et la police et lorsqu'ils vont s'installer dans de nouveaux quartiers ou lorsqu'on propose d'installer un planchodrome dans un certain quartier, d'autres propriétaires protestent.
Les planchistes ne sont pas des jeunes qui ont des démêlés avec la justice. Ils s'habillent bizarrement. Ils ont l'air bizarre. Ils sont bruyants, exubérants et plein de l'énergie propre à la jeunesse mais la pratique de la planche à roulettes n'est pas une activité nocive ou criminelle. En fait, c'est une activité saine et divertissante si vous avez jamais eu l'occasion de les observer. Mais à Charlottetown, cette activité n'est pas acceptée par la société.
C'est maintenant le quatrième été au moins que persiste le problème des planchistes au centre-ville et ils n'ont toujours pas d'endroit où aller. Ces jeunes ont travaillé très dur pour essayer de trouver d'autres endroits. Certains adultes aussi. Les progrès sont très lents. Nous finirons par avoir un planchodrome mais des générations d'adeptes de la planche à roulettes auront grandi et abandonné le sport avant que ces plans se concrétisent. Les jeunes et les adultes ont une conception très différente du temps.
En février de cette année, la CLIA a également entrepris une consultation auprès des jeunes pour le Youth Justice Education Partnership, une coalition de groupes communautaires et d'organismes gouvernementaux qui cherche à sensibiliser le public à la Loi sur les jeunes contrevenants et au système de justice pour les jeunes.
Nous avons rencontré 99 jeunes ici à l'Île-du-Prince-Édouard. Certains étaient placés sous garde, d'autres étaient à l'école et d'autres oeuvraient dans la collectivité. J'ai annexé le compte rendu de ces consultations au mémoire de ce matin.
L'un des messages clairs sur lequel ont insisté les divers groupes, c'est que les jeunes veulent pouvoir parler aux décideurs. Ils estiment que les politiciens devraient les écouter. Le personnel de la CLIA s'est donc chargé d'encourager les jeunes qui avaient participé à notre projet pour la jeunesse de vous écrire pour demander à comparaître devant vous. C'était à l'automne dernier. Nous vous remercions de votre réponse positive à cette lettre.
Malheureusement - ou heureusement - à cause de la date de votre visite, seul un membre du groupe qui a collaboré avec moi à la préparation de ce mémoire a pu m'accompagner aujourd'hui. Il s'agit de Kerry. Les deux autres sont au travail. C'est malheureux pour nous mais bon pour eux puisqu'ils ont maintenant tous les deux un emploi rémunéré.
Nous sommes également accompagnés d'un groupe d'autres jeunes qui sont ici pour nous appuyer et pour participer de façon informelle à cet exercice de démocratie participative. J'espère que vous aurez l'occasion de leur parler après notre présentation, surtout si nous ne prenons pas toute l'heure prévue.
Les jeunes qui ont travaillé à ce mémoire ont effectué un sondage informel auprès des jeunes avec qui ils sont entrés en contact.
Mme Kerry Chappell (représentant, Community Legal Information Association of Prince Edward Island): Ils ont constaté que de nombreux jeunes avec qui ils se sont entretenus avaient eu une certaine expérience du système de justice pour les jeunes ou avaient des amis ou des connaissances qui avaient eu affaire au système de justice. Cela souligne la nécessité de mettre à la disposition des jeunes des renseignements complets, clairs et exacts à propos de la Loi sur les jeunes contrevenants et du système de justice pour les jeunes afin que ces renseignements soient désormais intégrés au réseau d'information qui leur est destiné.
La plupart des jeunes estiment que s'ils avaient eu un endroit où se réunir, cela aurait changé bien des choses pour eux. Il existe peu d'endroits pour les jeunes à Charlottetown. Les Clubs de garçons et filles s'adressent surtout aux plus jeunes. Certains jeunes vont au YMCA. Le Eclipse Youth Centre, qui offrait aux jeunes un lieu de rencontre, a fermé ses portes. Les jeunes se réunissent donc dans la rue, au Centre Confed, chez des amis, dans les centres commerciaux, à la maison et dans les stationnements.
Les jeunes se font continuellement importuner et chasser, même des parcs publics, mais on ne leur offre aucun lieu où ils peuvent se réunir. On se méfie des jeunes en groupe parce qu'on craint qu'ils fassent des mauvais coups. Il s'agit d'une idée préconçue. Lorsque des incidents effectivement se produisent, au lieu de s'occuper du fauteur de troubles et de le punir pour l'exemple, les propriétaires, les commerçants, les parents s'en prennent à l'ensemble du groupe.
Mme Sherman: Les jeunes ont insisté sur la nécessité d'établir des centres de traitement pour les jeunes, ouverts et accessibles, sans aucun lien avec quelque système que ce soit, un endroit auquel les jeunes prêts à demander de l'aide auraient accès directement. Certains répondants ont indiqué qu'il était préférable d'adopter des solutions à long terme plutôt que de recourir à des expédients. Ils considèrent que des programmes comme Katimavik, Services Jeunesse Canada et des services comme la ligne d'aide en train d'être élaborée par le YMCA ici à Charlottetown en collaboration avec d'autres groupes communautaires et des organismes gouvernementaux, sont des solutions positives aux besoins des jeunes.
Nous constatons qu'il existe une grande confusion à propos des conséquences. Dans certains cas, les jeunes ne pensent pas ou ne comprennent pas qu'ils seront tenus responsables de leurs actes. On a donné entre autres l'exemple d'un jeune homme qui avait un emploi et qui voulait plus d'argent même s'il recevait un salaire suffisant. Il a commis une fraude, a été pris et s'est retrouvé dans l'engrenage de la justice pénale. Il a perdu sa liberté, il a perdu son emploi et ne pourra pas avoir de références pour un emploi futur. Je crois que c'est l'exemple d'un jeune qui n'a pas compris les conséquences de ses actes.
Il existe un mythe très répandu selon lequel la Loi sur les jeunes contrevenants traite les jeunes avec indulgence. Nous savons que ce n'est pas le cas, surtout lorsqu'il s'agit de crimes contre la propriété et de crimes comme la fraude. Ce jeune homme n'avait aucune idée des graves conséquences auxquelles il s'exposait.
Ici encore, cela souligne la nécessité de fournir une information claire et exacte à propos des conséquences d'activités criminelles.
Mme Chappell: Les jeunes reconnaissent et comprennent la nécessité d'assumer la responsabilité de leurs actes. Les dispositions prises par les tribunaux pour adolescents préoccupent beaucoup d'entre eux et les rendent perplexes. Ils aimeraient que des conséquences sérieuses soient prévues qui tiennent les jeunes clairement responsables de leurs actes; que l'on mette l'accent sur la réadaptation et que l'on fasse preuve d'une certaine souplesse à l'égard des approches envisagées en réservant le placement sous garde aux jeunes qui sont violents ou qui ne peuvent pas être réadaptés sans structure et traitement précis; et qu'au lieu d'essayer de les briser, on offre aux jeunes des choix qui leur permettront de se développer.
Or, même lorsque le placement sous garde est une option qui convient à certains jeunes, nous courons le risque de les institutionnaliser. La vie en placement sous garde est routinière, sûre et tranquille. Il y a peu de stress pour la survie. Certains ont trouvé que c'était un bon endroit où passer l'hiver.
Le placement sous garde doit être une mesure de dernier recours dans les cas où elle s'impose pour protéger la société. Lorsque les jeunes contrevenants sont libérés, ils se retrouvent souvent dans la même situation qui avait abouti à leur incarcération. Des jeunes ont indiqué avoir besoin d'un programme de suivi pour les aider à changer leur mode de vie une fois qu'ils sont libérés.
Avoir un revenu est un facteur important. Les jeunes qui travaillent savent qu'ils sont des membres productifs de la société. Cela les aide à développer un sentiment d'estime de soi et leur prouve qu'ils peuvent être indépendants et jouer un rôle au sein de la collectivité.
L'alcoolisme et la toxicomanie sont des facteurs très importants qui font que les jeunes peuvent aboutir devant le tribunal pour adolescents, non seulement à cause de cette accoutumance qu'ils doivent satisfaire mais aussi à cause du mode de vie criminel qui s'y rattache. Pour les enfants qui vivent à la maison, c'est une autre histoire. Ils essaient d'éviter les contacts et de cacher les indices de leur toxicomanie ou de leur alcoolisme.
Les jeunes considèrent qu'il faudrait traiter les jeunes toxicomanes ou les jeunes alcooliques avant qu'ils aboutissent dans le système de justice, et non une fois qu'ils y sont, et qu'ils aient facilement accès à des possibilités de traitement pour pouvoir obtenir de l'aide lorsqu'ils en ont besoin.
Les jeunes conviennent que la consommation d'alcool et de drogues est assez généralisée à l'Île-du-Prince-Édouard et considèrent que l'abus de drogues est un problème plus grave que l'abus d'alcool. Ils nous ont indiqué que les drogues deviennent de plus en plus populaires et que la stigmatisation qui s'y rattache diminue. Ils ont exprimé un certain cynisme à propos du fait que la consommation d'alcool et l'usage du tabac deviennent légaux à partir d'un certain âge et que les drogues soient illégales. En ce qui concerne la lutte contre les drogues et l'alcool, ils veulent avoir des preuves concrètes et réelles du tort que les drogues causent aux gens et de leur nocivité pour les jeunes.
Mme Sherman: En conclusion, nous avons constaté qu'une bonne partie de ce qui est considéré comme un problème pour les jeunes concerne davantage la société dans son ensemble que le système de justice. Le système de justice ne crée pas des criminels bien qu'il étiquette les jeunes comme criminels. Le système de justice ne peut pas changer la société. Il s'agit d'un problème plus vaste qui doit être traité comme un tout.
Lorsque nous avons recueilli des renseignements pour ce mémoire, nous avons constaté un certain défaitisme parmi les jeunes, l'impression que la vie n'a pas grand sens et pour bien des jeunes l'impression qu'ils n'ont aucun avenir. C'est une condamnation éloquente de notre société. Il faut que nous nous occupions de l'avenir de nos jeunes afin d'apporter des changements positifs à leur intention et de réduire la criminalité chez les jeunes.
Je vous remercie de votre attention, madame la présidente.
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Venne, vous avez dix minutes.
[Français]
Mme Venne: Dans la lettre d'intention que nous avions reçue et qui était signée par Greg Trainor, Greg Wilson et Johnny Thompson, on disait à plusieurs reprises que les jeunes ne connaissaient pas la Loi sur les jeunes contrevenants et aimeraient bien la connaître pour savoir ce à quoi ils devront faire face en cas d'infraction à la loi.
Je vous avoue que cela m'a surprise, parce qu'il faut toujours connaître les lois. C'est parce que ces jeunes-là ont eu à y faire face qu'ils veulent savoir ce qu'il y a là-dedans. Normalement, un jeune n'a pas à se préoccuper de la Loi sur les jeunes contrevenants à moins d'être obligé d'y avoir recours pour se défendre. Cela veut-il dire qu'on souhaite que tous les jeunes soient mis au courant à l'école de cette loi et de ses effets?
J'aimerais aussi savoir de quelle façon vos jeunes se sont sentis lésés par cette loi, s'ils se sont sentis lésés.
[Traduction]
Mme Sherman: La plupart de ces renseignements figurent dans le rapport fourni en annexe, qui a été préparé par le Youth Justice Education Partnership. Les jeunes connaissent mal la Loi sur les jeunes contrevenants, tout comme d'ailleurs bon nombre d'adultes. Lorsque nous avons rencontré des jeunes pour discuter de cette question, ils ont laissé entendre que, oui, tous les jeunes devraient être sensibilisés à la Loi sur les jeunes contrevenants et au système de justice pénale, et ce, dès le primaire.
Ils nous ont dit aussi que les jeunes commencent trop tard, soit en onzième ou en douzième année, à être sensibilisés à la Loi. Cette éducation, à leur avis, devrait débuter beaucoup plus tôt. Certaines études, dont le rapport Hunter-Turner aux États-Unis, indiquent que la sensibilisation à la loi a un effet positif sur la société et qu'elle en facilite le respect.
En ce qui concerne votre deuxième question, si j'ai bien compris, madame Venne, vous voulez savoir de quelle façon les jeunes se sentent négligés par la Loi sur les jeunes contrevenants.
[Français]
Mme Venne: Pas négligés mais lésés.
[Traduction]
Mme Sherman: Il existe peu de renseignements sur la Loi sur les jeunes contrevenants. En fait, nous avons de la difficulté à tenir un dossier à jour, à obtenir de l'information juridique pour le public. Dès que des changements sont apportés à la Loi, les documents d'information deviennent périmés et ils ne sont pas remplacés. Le groupe Youth Justice Education Partnership a été mis sur pied il y quelques années pour renseigner le public sur la question. Le ministère fédéral de la Justice vient de publier une petite brochure sur la Loi sur les jeunes contrevenants qui s'attaque à certains mythes entourant la Loi, que nous avons mis en lumière lors de travaux de recherche effectués pour le compte du YJEP.
Le Youth Justice Education Partnership a demandé à comparaître devant le comité. Il sera en mesure de mieux vous renseigner sur la question de l'éducation des jeunes.
Toutefois, il est étonnant de voir à quel point cette loi est mal comprise, non seulement par les jeunes, mais aussi par les adultes.
[Français]
Mme Venne: Plus précisément, y a-t-il des façons de procéder ou d'appliquer la loi qui sont injustes pour les jeunes? C'est dans ce sens-là que je pose ma question. Y a-t-il quelque chose dans l'application de la loi actuelle qui est vraiment intolérable pour les jeunes? Évidemment, l'application de la loi relève des provinces.
[Traduction]
Mme Sherman: Certaines dispositions ne sont pas appliquées de la même façon par les provinces. Par exemple, l'Île-du-Prince-Édouard ne dispose pas de comités de justice pour la jeunesse. À mon avis, la création de tels comités aurait permis de mieux appliquer la loi et de mieux sensibiliser le public à celle-ci. La population dans son ensemble l'aurait ainsi mieux acceptée. Je ne sais pas si cela aurait changé quelque chose, mais au moins, on aurait fait comprendre aux jeunes que la collectivité s'intéresse à eux.
Malheureusement, comme il est interdit de publier les noms des contrevenants, la population, de manière générale, se préoccupe peu de ce qui arrive aux jeunes contrevenants. Nous n'entendons parler que des cas extrêmes. Nous ne portons aucune attention à la grande majorité des jeunes qui sont traduits devant les tribunaux pour adolescents. Leurs noms ne sont pas publiés. Les journalistes chargés d'assurer la couverture des affaires jugées par les tribunaux très souvent ne font état de ce qui se passe devant un tribunal de la jeunesse que lorsqu'il s'agit d'une cause grave ou d'une cause qui retient l'attention du public. Dans un sens, la population tourne le dos aux jeunes délinquants. Nous ne connaissons pas leur identité. Dans bien des cas, nous ne savons pas ce qu'ils font. Cela équivaut à de l'indifférence.
Les jeunes nous ont aussi clairement laissé entendre qu'ils se sentaient rejetés par la collectivité. Elle leur tourne le dos alors qu'ils désirent vivement jouer un rôle au sein de celle-ci.
Si l'on jette un coup d'oeil sur les autres responsabilités des provinces, comme les programmes de mesures de rechange à la détention, encore une fois, on constate que ces programmes ne sont pas appliqués de la même façon. L'efficacité des mesures et la nature des programmes destinés aux jeunes délinquants varient grandement d'une province à l'autre.
Dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, le programme pourrait être amélioré. Il est fondé sur des systèmes au lieu d'être axé sur la collectivité. Encore une fois, je crois que nous avons en quelque sorte manqué l'occasion d'inviter la collectivité à appuyer plus concrètement les initiatives de ce genre, à organiser des activités pour les jeunes contrevenants qui participent à des programmes de mesures de rechange à l'incarcération.
Souvent, une des premières choses qu'on demande aux délinquants primaires de faire, lorsqu'ils ne peuvent bénéficier de mesures de rechange, c'est de rédiger une dissertation sur la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce n'est pas très utile. Il serait plus profitable de les encourager à participer à des activités au sein de la collectivité. Il serait peut-être plus utile de leur demander d'exécuter des tâches qu'ils trouvent peu intéressantes, de les sensibiliser aux conséquences de leurs gestes que de les encourager à rédiger une dissertation sur la Loi sur les jeunes contrevenants.
[Français]
Mme Venne: Dans la lettre d'intention, on dit que les peines ne sont pas proportionnelles aux infractions.
[Traduction]
Mme Sherman: J'ai de la difficulté à entendre les interprètes.
[Français]
Mme Venne: Je parlais de la lettre d'intention dans laquelle on dit que les peines ne sont pas proportionnelles aux infractions. Je vais vous lire ce qui y est écrit:
- Une petite tape sur les doigts sous prétexte que nous sommes jeunes et qu'une erreur est
excusable nous fait plus de tort que de bien. Nous comprenons ainsi qu'il n'est pas grave de
commettre un crime - comment pourrait-il en être autrement quand les conséquences sont
aussi négligeables?
[Traduction]
Mme Sherman: Cette opinion découle, en grande partie, de ce que publient les médias et des informations qui sont transmises de façon informelle. Il existe beaucoup de confusion entourant le fait que vous pouvez recevoir la même peine pour un vol à l'étalage, si vous en êtes à votre deuxième ou troisième infraction, que pour un acte d'agression. Il existe beaucoup de confusion entourant le fait que les jeunes qui commettent une infraction qui, à leurs yeux, paraît très grave, reçoivent souvent la même peine que pour une infraction moins grave.
De plus, les journalistes, du fait qu'ils ont peu de renseignements, ne sont pas tellement au courant des circonstances qui entourent la perpétration d'un crime. Donc, ils se contentent de rédiger un article d'une cinquantaine de mots. Et très souvent, la situation du délinquant qui se trouve devant les tribunaux est passée sous silence.
Ce que j'ai constaté en parlant aux jeunes, c'est que si vous leur soumettez une étude de cas qui décrit clairement la situation du délinquant et les circonstances entourant le crime et que vous leur demandez de fixer une sentence, celle-ci correspond davantage aux peines que les juges imposent à l'heure actuelle qu'à celles qu'ils infligeraient s'ils se basaient uniquement sur les faits essentiels.
Nous avons tous tendance à prendre des décisions irréfléchies en nous fondant uniquement sur les faits essentiels. Dans bien des cas, il est plus facile d'agir ainsi que d'analyser les raisons qui ont poussé le contrevenant à commettre un crime.
Personnellement, je crois que ce n'est qu'à partir du moment où nous nous attaquerons au fond du problème, aux conditions qui encouragent la criminalité, que nous serons en mesure d'apporter des changements au système de justice pour les jeunes et d'enrayer la délinquance juvénile. Une des causes mentionnée dans ce mémoire est le sentiment d'aliénation que ressentent les jeunes. Il y a de nombreux autres problèmes auxquels nous devons, en tant que société, nous attaquer si nous voulons vraiment réduire le nombre de crimes commis.
Je m'excuse, mais j'ai eu du mal à entendre les interprètes.
La présidente: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Merci, madame la présidente.
Je vous remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. J'ai trouvé intéressants bon nombre des points que vous avez soulevés.
J'ai toujours trouvé que les législateurs avaient tort de ne pas vouloir divulguer l'identité des récidivistes violents. Si je dis cela, c'est parce que j'estime que le système de justice pénale ne peut fonctionner à long terme si nous cachons la vérité. À mon avis, le système de justice est fondé sur la vérité. Je ne veux pas manquer de respect à l'égard de ceux qui ne partagent pas mon point de vue, mais l'adoption de lois qui protègent les individus contre les conséquences de leurs gestes, y compris la divulgation de leur identité, tient à une compassion déplacée, à défaut de trouver une meilleure expression. Nous voudrions tous que le jeune contrevenant soit réhabilité et qu'il ne commette jamais plus les gestes qui l'ont amené devant les tribunaux.
J'ai toujours pensé que, si ce n'avait été de la douleur que j'ai ressentie lorsque j'ai touché l'élément chaud de la cuisinière, alors que ma mère m'avait bien dit de ne pas le faire, j'aurais brûlé mon doigt. Chaque geste entraîne donc des conséquences. Nous ne permettons pas aux jeunes de 15, 16 et 17 ans, même aux jeunes de 14 ans, qui savent distinguer le bien du mal, de subir pleinement les conséquences de leurs actes.
Vous avez bien dit dans votre exposé que bon nombre des jeunes ne sont pas conscients des conséquences que peuvent entraîner leurs gestes du point de vue juridique, et surtout du point de vue de la Loi sur les jeunes contrevenants.
J'aimerais avoir votre opinion au sujet d'une question que nous avons à peine effleurée, à savoir l'influence qu'exerce la consommation d'alcool et de drogues sur le taux de délinquance juvénile. Autrement dit, si nous pouvons éliminer, non pas l'alcool, mais l'abus d'alcool... je crois que les jeunes qui consomment de grandes quantités d'alcool... c'est un abus, parce que la loi interdit la consommation d'alcool avant un certain âge. La consommation de la marijuana et de drogues dures constitue aussi une violation de la loi et encourage la criminalité.
Croyez-vous que nous devrions, en tant que société, consacrer plus de ressources à l'éducation? Est-ce que nos enseignants, nos écoles, nos directeurs, ainsi de suite, devraient mettre l'accent sur les conséquences qu'entraîne la consommation d'alcool et de drogues? Si je vous pose cette question - et c'est évident - , c'est parce que je fais allusion à mon expérience personnelle.
Nous avons quatre enfants, deux filles, qui sont adultes, et deux garçons, des jumeaux, qui auront 18 ans à la fin de ce mois-ci. Un de mes garçons, alors qu'il était en cinquième année, nous a raconté un jour que son professeur leur parlait beaucoup des conséquences qu'entraîne la consommation de drogues ou d'alcool. Il leur a parlé aussi des effets de la cigarette sur leurs poumons, ainsi de suite. Il a très bien expliqué les conséquences, et je lui en suis très reconnaissant. Cela a produit toute une impression sur mon fils, et renforcé les valeurs que nous avons essayé d'inculquer à nos enfants à la maison.
Pour revenir à ma question, dans quelle mesure parviendrait-on à réduire le taux de délinquance juvénile si l'on sensibilisait nos jeunes, dans les écoles et ailleurs, aux dangers qui sont liés à la cigarette? Physiquement, cela pose un problème... Et, bien entendu, la consommation d'alcool et de drogues, qui agit d'une manière telle sur la force morale de l'homme, lui fait perdre toutes ses inhibitions, le rend coupable de perversion sexuelle, fait éclater sa colère, ainsi de suite. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, madame Sherman.
Mme Sherman: Lorsque le groupe a rencontré les jeunes pour discuter avec eux, il a constaté que la consommation d'alcool et de drogues influait sur le comportement des jeunes. Ils nous ont dit très clairement que lorsqu'on les sensibilisait non seulement aux dangers de la drogue, mais aussi au système de justice, ils voulaient des faits concrets, des données concrètes. Ils ont très clairement indiqué qu'ils voulaient entendre le point de vue de personnes qui avaient eu des problèmes et qui s'en étaient sorties. Ils voulaient entendre le point de vue de jeunes contrevenants qui avaient eu des démêlés avec la justice et qui avaient réussi à s'en sortir, à changer leur vie pour le mieux.
Ils ont également dit qu'ils voulaient entendre parler des effets réels de la consommation de drogues et d'alcool. Ils devraient avoir accès à ces renseignements, ils devraient connaître tous les faits, toutes les conséquences. Ils ont été très clairs à ce sujet.
Je voudrais revenir aux commentaires que vous avez faits au sujet des récidivistes, des délinquants violents, de la nécessité de divulguer leurs noms. Ce que je trouve encore plus inquiétant, c'est que nous avons maintenant la possibilité d'envoyer les jeunes délinquants de plus de 14 ans dans des prisons pour adultes, de les juger, en fait, devant un tribunal pour adultes.
L'idée d'envoyer des jeunes délinquants dans des prisons pour adultes m'inquiète, car je ne crois pas que nous serons en mesure de les protéger une fois qu'ils seront incarcérés. Je ne sais pas comment nous arriverons à assurer leur protection, parce qu'il s'agit là, à mon avis, d'une responsabilité très importante, une responsabilité que le Canada devra assumer. Je crois comprendre que la Convention relative aux droits de l'enfant, que nous n'avons pas signée, précise que les jeunes contrevenants ne doivent pas être incarcérés avec des délinquants adultes.
Si nous envisageons d'imposer aux jeunes contrevenants des peines plus longues qu'ils devront purger dans des prisons pour adultes, nous devons alors trouver un moyen de protéger ces jeunes contre les délinquants adultes. C'est un problème qui me préoccupe.
Deuxièmement, je comprends pourquoi les peines maximales prévues dans la Loi sur les jeunes contrevenants, la peine maximale de trois ans prévue à l'origine, ont été dénoncées par un grand nombre de personnes qui se disaient insatisfaites de la loi. Toutefois, j'estime que si nous imposons des peines plus longues - en vertu des dernières modifications, nous pouvons imposer des peines maximales de 10 ans - , nous devons alors mettre sur pied des programmes de traitement efficaces. Si vous imposez une peine de 10 ans à un jeune de 15 ans qui sort de prison à l'âge de 25 ans, s'il a été agressé pendant son incarcération... Je ne voudrais pas me retrouver face à ce jeune de 25 ans, qui pense probablement qu'il s'est aliéné non seulement la société, mais également toute personne susceptible de lui venir en aide.
Nous devons faire preuve de prudence pour ce qui de l'imposition de peines plus longues parce qu'il y aura toujours des jeunes qui auront besoin de notre aide. Nous devons éviter qu'ils se retrouvent davantage malmenés par le système. Cette question me préoccupe beaucoup.
Nous devons trouver des solutions positives, et non pas simplement punitives. Comme je ne suis pas une spécialiste de la question, je ne peux, malheureusement, vous donner une réponse plus précise. Je ne peux me fier qu'à mon instinct. Mais je crois qu'il faudrait expliquer plus clairement aux jeunes les conséquences que peuvent entraîner leurs gestes. Nous devrions leur expliquer plus clairement la loi en général.
Il faudrait leur expliquer les conséquences en termes clairs. Ils devraient être en mesure de comprendre pourquoi on leur impose une peine particulière pour un crime précis.
Le conseil a recommandé entre autres - je sais que le comité, ou l'ancien comité, a rencontré le Conseil national de la prévention du crime - , de donner plus de pouvoirs aux policiers. Très souvent, nous constatons que les policiers connaissent bien leur communauté. Ils connaissent les jeunes qui ont des démêlés avec la justice. S'ils avaient plus de pouvoirs, ils pourraient exercer une influence positive sur la vie de ces jeunes. Ils mettent à profit les connaissances qu'ils ont acquises dans la rue. Il y a de merveilleux programmes où les policiers conseillent des jeunes qui ont eu des démêlés avec la justice.
Si nous pouvons encourager les policiers et les autres intervenants à exercer leurs pouvoirs et ainsi nous doter d'un système qui ne traite pas tous les jeunes de la même façon, mais qui propose des solutions adaptées à leurs besoins, qu'il s'agisse de mesures punitives ou de travaux communautaires... Je crois que cela est très important.
La présidente: Merci.
Je vous remercie monsieur Ramsay. Monsieur Gallaway.
M. Gallaway: Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de votre très intéressant exposé.
Je veux parler d'éducation et de l'impact de la Loi sur les jeunes contrevenants. Pour ce qui est de la population en général, son éducation se fait par les médias. On a l'impression, je crois, que les jeunes gens d'aujourd'hui sont d'une certaine manière pires qu'ils ne l'étaient à un certain moment, que ce soit il y a cinq ou dix ans.
Je crois aussi qu'un certain nombre de mots à la mode, si je peux m'exprimer ainsi, émaille notre vocabulaire. J'ai entendu ce matin des gens parler des jeunes adultes comme étant des jeunes de 14, 15, 16 et 17 ans alors qu'à mon avis il s'agit de jeunes de 18, 19, 20 ou 21 ans.
D'aucuns exercent des pressions pour abaisser l'âge auquel intervient l'appareil judiciaire pour adultes. En même temps, nous ne reconnaissons pas les jeunes de 15 ans, dans la plupart des provinces de ce pays, comme étant en mesure de conduire, de voter, de boire et de poser toutes sortes de gestes d'adultes. Pourtant, nous voulons leur imposer des sanctions réservées aux adultes. Il m'arrive de trouver cela quelque peu irréfléchi et déroutant.
Je veux que nous parlions d'éducation. Vous avez parlé d'une tendance vers l'éducation des jeunes axée sur le système de justice pénale en général. Croyez-vous que cela a un effet positif ou pro-social dans cette collectivité?
Mme Sherman: Je le crois. J'estime que le mode d'éducation revêt de l'importance. Kerry pourrait probablement mieux que moi répondre à cette question, à savoir quelle forme devrait revêtir l'éducation pour que les jeunes gens captent l'information transmise.
Lorsque nous avons procédé à la consultation pour le Youth Justice Education Partnership, l'une des choses que l'on nous a dites très clairement, c'était d'oublier les saynètes, les discours moralisateurs, les vidéos: les jeunes veulent qu'on leur donne de l'information authentique, qu'on les amène dans les tribunaux, qu'on les laisse assister à des procès dans des tribunaux pour adolescents, qu'on les amène dans des établissements correctionnels pour qu'ils voient ce qu'il en est et qu'on leur permette de parler à de jeunes contrevenants pour qu'ils sachent en quoi consiste vraiment la vie dans ces établissements.
Ces messages se passaient de commentaires. Les jeunes à qui nous avons parlé, qui étaient alors en établissement de correction, à l'école ou dans la collectivité après avoir décroché, nous ont dit qu'ils croyaient que l'école était l'endroit tout désigné pour amorcer cette éducation. Ils ont entre autres dit, et cela m'a pris surpris, qu'il fallait commencer à l'élémentaire.
Ils m'ont ensuite dit qu'il fallait ensuite poursuivre l'éducation dans la collectivité par l'entremise de programmes d'éducation non traditionnelle et de programmes éducatifs qui seraient offerts dams des endroits fréquentés par les jeunes. Cela pourrait se faire dans un centre pour les jeunes, s'il existe un centre adéquat, ou peut-être au centre commercial.
L'un des groupes avec qui nous avons parlé nous a dit qu'à peu près n'importe quel centre commercial disposait d'un local vide et que les jeunes qui flânent au centre commercial pose un véritable problème. On les oblige à se déplacer, on les enquiquine. Pourquoi ne pourrait-on pas leur offrir cet espace vide pour y installer un centre de dépannage pour les jeunes lorsqu'il n'est pas utilisé à des fins commerciales?
On pourrait y organiser selon les soirs un éventail de programmes. Par exemple, le mardi soir, des infirmières de la santé publique pourraient donner de l'information sur la santé. Le mercredi soir, des étudiants d'université pourraient faire du tutorat. Le vendredi soir, deux ou trois avocats pourraient donner gratuitement de leur temps et renseigner les jeunes dans un endroit où ils se sentent à l'aise et où ils peuvent passer lorsqu'ils en sentent le besoin.
On nous a fait beaucoup de suggestions créatrices de ce genre en matière d'éducation. Nombreux sont ceux qui ont souscrit aux programmes d'éducation non traditionnelle offerts ici et que l'on devrait offrir ailleurs, c'est-à-dire des programmes de stages pour les jeunes dans le cadre desquels ceux-ci passent une partie de la journée à l'école et l'autre partie au travail. Les programmes d'éducation non traditionnelle sont tout à fait indépendants de l'école. Il y a des choses de ce genre.
Personne ne nous a dit de ne pas les renseigner au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants, personne ne nous a dit qu'ils ne voulaient rien savoir ou n'étaient pas intéressés. Nous n'avons pas non plus entendu d'enfants nous dire de ne pas leur parler de leurs responsabilités. Ils n'ont pas lésiné sur les mots. Les jeunes, dans l'ensemble, sont prêts à accepter leurs responsabilités si nous pouvons leur en expliquer le fondement.
M. Gallaway: Vous avez recommandé, je crois, que l'on confère aux agents de police un grand pouvoir discrétionnaire lorsqu'ils ont affaire à des jeunes. Mais je remarque dans la partie supérieure de la page 2 de votre mémoire que, dans le cadre de vos consultations auprès des jeunes, ceux-ci ont attiré votre attention sur le fait que l'agent de police réagit souvent en fonction de l'apparence physique de la personne. Ainsi, si celle-ci a les cheveux très longs, d'une étrange couleur ou qui sait si elle n'a pas de cheveux, l'agent de police réagit en fonction de l'apparence physique. Comment songez alors à conférer un plus vaste pouvoir discrétionnaire aux agents de police, en sachant que ceux-ci peuvent être tout à fait subjectifs et ne se fonder que sur l'apparence physique de la personne avec qui ils ont affaire?
Mme Sherman: Je crois que nous devons être plus ouverts au fait que nous réagissons tous instinctivement à l'apparence d'une personne. C'est tout simplement humain. Mais il faut que nous en arrivions à voir au-delà. Et bien sûr les jeunes ont tout à fait raison de dire que les représentants de l'appareil judiciaire réagissent à ce dont ils ont l'air plutôt qu'à ce qu'ils sont. Mais je crois qu'il y a beaucoup d'agents de police qui ne sont pas capables d'aller au-delà de l'apparence des gens. C'est une question très personnelle. Il est difficile de répondre parce que la réaction est tout à fait propre à chacun.
Logiquement, nous acceptons probablement tous qu'il faut aller au-delà de l'apparence, mais intuitivement et pratiquement, ce n'est pas facile, surtout pour un agent de police qui se trouve dans une situation où il ou elle doit réagir rapidement à une situation. Les agents de police ne réagissent pas toujours de la façon la plus douce et la plus aimable dans une situation de ce genre, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne pourraient pas faire preuve de discernement.
L'an dernier, en ville, nous avons eu des problèmes avec la question de la planche à roulettes et de l'intervention policière. Les agents de police et les amateurs de planche à roulette en sont venus aux poings. Si l'on prend le temps d'examiner cette situation sans parti pris, en portant un jugement après coup, douze mois plus tard, on peut voir ce que l'on aurait pu faire pour empêcher qu'un agent de police soit victime d'agressions et qu'un jeune se retrouve devant les tribunaux. Tant les jeunes gens que les policiers auraient pu prendre des décisions différentes. Des médiateurs ou des intervenants adultes auraient été très utiles dans cette situation. Mais nous n'avons pas les ressources. Nous étirons à la limite celles dont nous disposons.
Dans le cadre d'un programme d'emploi d'été l'été dernier, nous avons affecté, le soir, dans la rue, des travailleurs auprès des jeunes pour qu'ils puissent les conseiller. Ce projet à long terme a reçu un très bon accueil. Nous n'avons pu le faire que par l'entremise d'un programme d'emploi pour les étudiants à court terme. Nous devrions offrir un programme de ce genre en permanence mais nous ne pouvons le faire que pendant les mois d'été.
M. Gallaway: À la troisième recommandation de votre liste de la page 2, vous parlez de la disponibilité du traitement. Vous avez peut-être vu le rapport qui a paru dans le Globe and Mail samedi dernier où l'on mentionne qu'un très fort pourcentage d'adultes qui sont incarcérés ne reçoivent aucun traitement quel qu'il soit. Il s'agit là d'une situation très difficile et c'est probablement encore plus décourageant de penser qu'il y a des jeunes gens dont la vie pourrait basculer si un traitement n'était pas mis à leur disposition. Est-ce que ce problème se pose de façon générale ici à l'Île-du-Prince-Édouard, c'est-à-dire qu'aucun programme n'est accessible et qu'il n'existe aucun établissement de traitement?
Mme Sherman: Il est très difficile d'obtenir un traitement si vous n'avez pas déjà eu des démêlés avec la justice. Par exemple, j'ai un fils de 18 ans moi, aussi. Si je croyais qu'un problème se pose et que je voulais obtenir un traitement pour lui, je trouverais cela très difficile. Une fois qu'un jeune a eu des démêlés avec la justice, c'est plus facile d'avoir accès au traitement.
Nous avons en fait un cas ici sur l'Île, qui s'est produit l'an dernier. Il s'agit d'une jeune fille dont la vie est une histoire d'horreur. Elle a été agressée sexuellement, a grandi dans des circonstances très malheureuses et s'est retrouvée devant le tribunal pour les jeunes. Elle y a comparu pour une accusation de voies de fait. Le juge l'a condamnée à purger sa peine dans un centre pour les jeunes. Il l'a condamné à purger sa peine dans un centre de garde en milieu fermé parce qu'elle y pourrait y obtenir le traitement dont elle avait besoin. C'était la seule façon selon lui d'assurer qu'elle obtiendrait ce traitement. C'est très malheureux.
Je crois que le traitement devrait être facilement accessible aux jeunes lorsqu'ils en ont besoin. Bien sûr, si nous condamnons des jeunes, nous espérons que la réadaptation sera l'objectif principal de la détermination de la peine étant donné qu'ils ne passeront pas le reste de leurs jours en milieu de garde. Il est très important qu'ils aient le traitement dont ils ont besoin pour être réadaptés. Je crois que c'est primordial.
La présidente: Merci. Cela conclut la partie officielle de notre discussion.
Je sais que vos supporters et les personnes qui vous apportent le soutien moral sont ici. Je crois que probablement tous les membres désirent rester un peu pour bavarder avec eux.
Je tiens à dire aux gens qui sont ici que jusqu'à maintenant nous sommes très contents de notre visite à Charlottetown.
Nous avons terminé nos audiences ici. Cependant, cet après-midi nous nous rendrons à Summerside pour nous familiariser avec le Family Committee Young Offenders Custody Program avant de quitter Charlottetown pour Sydney.
Au nom de notre comité, je remercie les résidents de l'Île-du-Prince-Édouard de nous avoir donné ce point de vue. Je tiens à remercier plus particulièrement ce groupe de leur excellent exposé. Nous avons beaucoup aimé vous écouter.
La séance est levée.