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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 mars 1997

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La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor - Sainte-Claire, Lib.)): Bonjour. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-46. Du

[Français]

le Regroupement québécois des CALACS, nous recevons Michèle Roy et Claudette Vandal.

[Traduction]

Bienvenue. Je crois que vous avez une présentation à faire. Je vous cède donc la parole. Nous vous poserons ensuite des questions.

[Français]

Mme Claudette Vandal (Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel): J'aimerais apporter une petite précision. Les CALACS sont le centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Vous comprendrez qu'on parle souvent des CALACS afin de ne pas alourdir le texte.

Notre organisation regroupe 17 centres d'aide de toutes les régions du Québec qui viennent en aide chaque année à des milliers de femmes et d'adolescentes victimes d'agression à caractère sexuel. Le travail des CALACS auprès des victimes consiste à informer les femmes des recours qui s'offrent à elles, à les aider à traverser les conséquences de l'agression qu'elles ont vécue, à composer avec le fait d'avoir été agressées sexuellement, à reprendre du pouvoir sur leur vie et, finalement, à les accompagner dans les démarches qu'elles décident d'entreprendre aux niveaux médical, judiciaire ou autres.

L'intervention des centres d'aide est guidée par le souci de défendre le droit des femmes au respect de leur intégrité, au bon traitement et à la justice. Dans leur rôle d'accompagnement des femmes pendant le processus judiciaire, les CALACS tentent de faciliter leur cheminement à travers les différentes étapes de celui-ci. Les centres d'aide sont également préoccupés par la prévention et la sensibilisation et travaillent à changer les conditions qui font qu'il y a des agressions à caractère sexuel.

Le premier rôle du Regroupement québécois des CALACS est de soutenir ses membres en leur fournissant des lieux d'échange, de ressourcement et de formation. Le Regroupement travaille d'autre part à mobiliser les personnes et les groupes dans la lutte contre la violence faite aux femmes, notamment par le soutien à l'implantation de nouvelles ressources partout dans la province et en collaborant avec les organismes qui travaillent à améliorer les conditions de vie des femmes.

Le Regroupement poursuit également des objectifs de changement. Il s'est donné pour mission de sensibiliser la population à la violence faite aux femmes, mais aussi d'informer les autorités concernées au sujet des impacts de leurs décisions sur les victimes d'agression sexuelle. C'est à ce titre que nous sommes ici aujourd'hui pour le projet de loi C-46.

En ce qui a trait aux demandes d'accès aux dossiers personnels des victimes d'agression à caractère sexuel, plusieurs décisions récentes de la Cour suprême du Canada ont permis à des accusés d'infractions d'ordre sexuel d'avoir accès aux dossiers personnels de leurs victimes, notamment à la suite des jugements O'Connor, Beharriell et Carosella. Cela nous fait craindre que les demandes de production de dossiers personnels ne deviennent une pratique courante et que l'accès à ceux-ci ne devienne de plus en plus aisé.

Le Regroupement québécois des CALACS croit que cette pratique porte atteinte aux droits des femmes, tout comme plusieurs groupes représentant les victimes d'agression sexuelle l'ont déjà démontré devant la Cour suprême et devant ce comité. Le Parlement doit donc établir sans plus tarder un encadrement juridique et procédural qui rétablisse un réel équilibre entre les droits des femmes à la sécurité, à l'intégrité et à la vie privée et ceux des accusés à une défense pleine et entière.

Le Regroupement québécois des CALACS salue donc l'initiative du ministre de la Justice, l'honorable Allan Rock, de déposer le projet de loi C-46 sur la communication de dossiers dans les cas d'infractions d'ordre sexuel. Nous accueillons favorablement cette initiative, car ce projet veut limiter et baliser les conditions d'accès aux dossiers personnels des victimes. De façon générale, nous appuyons le projet de loi. Nous demandons toutefois certaines améliorations, que nous expliquerons plus en détail plus loin.

Notre appui au projet de loi doit cependant être compris et et mis dans le contexte des décisions rendues par les tribunaux, décisions qui ont ouvert largement la porte à une pratique discriminatoire à l'égard des femmes. Le projet de loi C-46 tente de refermer partiellement une porte qui, selon nous, n'aurait jamais dû être ouverte de cette façon. En d'autres mots, nous aurions souhaité que les tribunaux ne rendent jamais de décisions accordant à des accusés l'accès aux dossiers personnels des victimes et qu'il ne soit pas nécessaire aujourd'hui d'interpeller le législateur pour qu'il adopte un projet de loi afin de limiter l'accès aux dossiers personnels.

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Le système de droit criminel n'avait pratiquement pas eu recours à cette pratique jusqu'à tout récemment. Mais voilà que depuis quelques années, les demandes d'accès aux dossiers personnels pleuvent. Les avocats de la défense prétendent ne plus pouvoir garantir une défense pleine et entière à leurs clients si on ne leur permet pas l'accès aux dossiers, et les tribunaux de tous les niveaux leur donnent raison assez souvent. Étranges coïncidences, d'autant plus que ces demandes sont dirigées quasi exclusivement contre des plaignantes victimes d'agression sexuelle. Notre regroupement déplore un tel état de fait et presse le législateur de mettre fin à cette situation rapidement par une prise de position claire contre les dimensions discriminatoires évidentes d'une telle pratique.

Au Québec, les demandes d'accès aux dossiers personnels des victimes d'agression sexuelle ne semblent pas très courantes encore. Ce phénomène n'a pas la même incidence que dans d'autres provinces, particulièrement la Nouvelle-Écosse, l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Île-du-Prince-Édouard. Rien ne garantit cependant que ce phénomène ne se répandra pas jusqu'au Québec. Les décisions rendues par les tribunaux dans ces provinces ont eu pour effet d'inquiéter sérieusement les centres d'aide du Québec. Ils craignent qu'un tel mouvement ne vienne porter atteinte aux femmes qu'ils aident et au travail qu'ils font auprès d'elles.

Tout comme les centres d'aide des autres provinces, plusieurs CALACS du Québec possèdent des dossiers contenant des renseignements à propos des femmes qui viennent chercher de l'aide. Ces dossiers peuvent dans certains cas ne contenir que des renseignements de type nominatif qui permettent d'identifier la personne afin qu'on puisse prendre contact avec elle tout au long de la démarche d'aide. Ces dossiers peuvent aussi contenir dans certains cas - cela dépend des procédures que chaque centre décide d'adopter - des renseignements plus détaillés sur la démarche de suivi, par exemple sur les besoins exprimés par la personne, le soutien et l'aide apportés, le plan de travail proposé, les difficultés rencontrées et les améliorations survenues en cours de démarche, ainsi qu'une appréciation globale de l'aide apportée. Il peut s'agir de dossiers individuels ou de groupes, selon les formes d'aide reçue. La forme et le contenu des dossiers varient d'un centre d'aide à l'autre et d'une femme à l'autre, selon les politiques du centre, les besoins et les volontés des femmes. Les dossiers sont utiles et pertinents au travail de soutien et de suivi des intervenantes.

Les femmes qui viennent dans les centres d'aide communiquent aux travailleuses des renseignements d'ordre très personnel sur leur vécu avant, pendant et après l'agression, sur les souffrances physiques et mentales qu'elles traversent et sur les efforts déployés pour faire face aux émotions qu'elles ressentent. Elles communiquent ces renseignements dans le cadre d'une démarche d'aide. Le sentiment de confiance, indispensable entre une intervenante et une femme, est favorisé par une entente de confidentialité et de respect.

Les centres travaillent avec les femmes sur leurs émotions, les répercussions de leur agression et leur façon d'y faire face. Ce sont les femmes qui décident des sujets abordés. Elle ne sont nullement tenues, par exemple, de dévoiler les circonstances de l'agression dont elles ont été victimes. Les centres d'aide n'enquêtent pas sur les faits, ne font pas d'interrogatoires, ne gardent pas de notes concernant les informations détaillées sur les agressions. Même si les femmes ont accès en tout temps à leur dossier, les notes prises par les intervenantes ne sont pas lues, vérifiées, révisées et signées systématiquement par les femmes qui consultent. Les centres ne visent pas à rapporter intégralement dans leurs dossiers tout ce qui se dit en entrevue, par exemple. Les dossiers sont un des instruments de travail entre la femme et l'intervenante; ils ne sont absolument pas construits dans le but d'être communiqués à de tierces personnes.

Conséquemment, nous nous interrogeons sérieusement sur les motifs qui guident les demandes d'accès aux dossiers et le bénéfice réel rattaché au fait de les utiliser lors des procès par opposition aux conséquences possibles d'un tel usage.

Les femmes qui ont vécu une agression sexuelle ont toutes le sentiment d'avoir été atteintes au plus profond d'elles-mêmes par les actes sexuels portés contre elles. Souvent, les travailleuses des CALACS sont leurs premières et parfois leurs seules confidentes à propos des agressions qu'elles ont vécues. Elles seront aussi souvent leur seul soutien lors des démarches judiciaires si la femme décide d'en entreprendre.

Les CALACS et le Regroupement sont donc solidaires des femmes qui ont dû ou qui risquent de subir une intrusion dans leur vie privée en raison des décisions de certains tribunaux d'accorder à des accusés l'accès à leurs dossiers personnels. Conscients des répercussions que ces jugements ont eues sur le travail des centres d'aide dans tout le Canada, les CALACS du Québec appuient les démarches que les centres ont dû faire pour appuyer ces femmes et contester l'impact discriminatoire des autorisations d'accès.

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Mme Michèle Roy (coresponsable, Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel): L'accès aux dossiers: pourquoi? Dans quel but la défense veut-elle avoir accès à des dossiers personnels? Pourquoi une telle recrudescence de cette pratique dans les dernières années? Pourquoi ne vise-t-on que les dossiers personnels des femmes qui portent des accusations d'agression sexuelle?

Les raisons officiellement évoquées pour demander l'accès aux dossiers personnels s'appuient sur le droit des accusés à une défense pleine et entière. Les avocats de la défense invoquent qu'ils doivent pouvoir vérifier si la femme dit vrai, si elle n'a pas inventé, en tout ou en partie, l'histoire de l'agression, si elle n'a pas l'intention malicieuse de se venger de l'accusé, de porter une fausse plainte dans le but de culpabiliser un homme innocent. La défense dit aussi qu'elle doit pouvoir vérifier la crédibilité de la plaignante ou des témoins ou leur capacité de témoigner.

Bref, l'idée est de passer à la loupe ses intentions, un examen sans pareil qui repose sur ce qui semble être une présomption de culpabilité à l'égard de la victime. Il faut trouver la preuve d'une quelconque responsabilité de sa part quant au crime qui a été commis contre elle ou aux circonstances qui s'y rattachent. Tout cela donne un tableau curieux et inquiétant: d'une part, cette présomption de culpabilité à l'égard de la victime et de l'autre, la présomption d'innocence qui est reconnue à l'accusé par la Charte et reflétée dans les pratiques judiciaires. Pourtant, la Charte reconnaît la présomption d'innocence à toutes les parties en présence. S'agit-il de deux poids, deux mesures?

Les demandes d'accès aux dossiers personnels des victimes de la part des avocats de la défense reposent souvent sur des préjugés voulant que les femmes mentent et fabulent, particulièrement lorsqu'elles accusent un homme d'agression sexuelle. On justifie cette pratique en prétendant que les avocats de la défense doivent pouvoir chercher dans les dossiers des femmes la vraie vérité, c'est-à-dire les mensonges, les contradictions, les fabulations et autres fausses accusations que les femmes ont faites, pour assurer à leur client une défense pleine et entière.

Un autre argument avancé est que les femmes se sont fait imposer ou proposer par une thérapeute l'idée qu'elles auraient été agressées, ce qu'on appelle le syndrome de la fausse mémoire dont vous avez parlé plus tôt. Bien que les fondements de ce syndrome ne soient aucunement reconnus scientifiquement et soient largement contestés par plusieurs experts, ils sont de plus en plus allégués en cour et ils ont donné accès aux dossiers personnels de plusieurs femmes déjà. Les avocats invoquent ce syndrome pour avoir accès aux dossiers psychologiques des femmes, histoire de voir si les thérapeutes ne les ont pas influencées.

Cet argument est particulièrement utilisé quand les accusations portées se rapportent à des actes commis dans l'enfance et que les victimes consultent plusieurs années plus tard et déposent leurs accusations par la suite. Dans ces cas, on soutient que des intervenants ont convaincu ces femmes qu'elles avaient été agressées sexuellement et qu'ils leur ont fabriqué des souvenirs, des symptômes.

Tout porte à croire qu'on soupçonne les femmes d'être ou bien menteuses et manipulatrices, ou bien folles, influençables et peu crédibles dans la vie en général, particulièrement lorsqu'elles disent avoir été agressées sexuellement. Ou alors, dans l'éventualité où ce sont des femmes de bonne foi, ce sont alors d'autres femmes, des intervenantes, qui sont des féministes fanatiques dans certains cas, qui tenteraient d'en faire des victimes à tout prix.

La demande d'accès de plus en plus systématique aux dossiers est visiblement une tactique d'intimidation des victimes. Ces dernières vivent déjà avec la peur, à cause de l'agression, et elles devront dorénavant supporter en plus la peur que l'on perquisitionne encore dans leur intimité, que leur vie privée soit dévoilée publiquement à l'agresseur, cela à tout moment pendant le procès. Dans ce contexte, demander de l'aide devient une arme contre les femmes parce qu'on utilise leurs dossiers contre elles.

L'impact de l'accès aux dossiers sur les femmes: L'accès aux dossiers personnels a incontestablement un impact majeur sur les victimes d'agression. Il porte une atteinte grave à leurs droits à la sécurité, à l'intégrité, à la vie privée et à l'égalité, qui sont des droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. L'accès aux dossiers limite également leur droit d'avoir recours au système judiciaire et leur droit de demander de l'aide en toute confiance et avec une garantie de confidentialité.

Les agressions sexuelles touchent une grande partie de la population, surtout et en majorité des femmes et des enfants. Peu importent les formes que prennent les agressions, elles impliquent souvent que la vie des victimes a été en danger, que leur intégrité physique et psychologique a été bafouée. Cela implique également que leur intimité a été blessée. Lors d'une agression sexuelle, la sexualité est une arme et l'intimité sert de cible à la violence.

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Lorsqu'une femme agressée sexuellement met sa confiance dans le système judiciaire et porte plainte, elle est contrainte de s'adapter à des règles de procédure et d'enquête qui sont conçues et établies en fonction d'intérêts autres que les siens. Elle doit relater dans le détail, à plusieurs reprises et précisément les événements et les circonstances rattachés au crime dont elle a été victime. Elle doit exposer aux policiers, au procureur de la Couronne, à l'avocat de la défense, au juge et aux membres du jury les faits et gestes qui ont fait violence à son intimité. Encore aujourd'hui, il est possible que ces interrogatoires et contre-interrogatoires se fassent dans un contexte et d'une manière qui ne sont pas dénués de préjugés et de valeurs discriminatoires à l'endroit des victimes. En soi, c'est déjà une expérience éprouvante que d'avoir à tout dévoiler.

Si, de surcroît, le juge accorde à l'accusé l'accès à certaines dimensions de sa vie présente ou passée, telles que relatées dans les dossiers personnels, s'il lui permet de fouiller dans l'aide thérapeutique qu'elle a reçue dans une ressource, c'est un outrage de plus qui s'ajoute à celui subi lors du crime et un pas de plus dans la fouille de son intimité, déjà bafouée et mise à jour lors des démarches judiciaires. Cela constitue une injustice renouvelée et supplémentaire.

Les mythes à propos des agressions sexuelles et les préjugés sexistes envers les femmes sont tenaces et portent atteinte à toutes les femmes. Ils font obstacle tout d'abord au dévoilement et à la dénonciation des agressions sexuelles. On sait que les agressions sexuelles sont parmi les crimes les moins dévoilés aux policiers et au système de justice. Ces mythes restreignent la possibilité pour les victimes de s'en remettre en toute confiance au système judiciaire pour obtenir réparation des torts causés, pour obtenir protection et pour empêcher d'autres actes criminels. Ils font également obstacle au traitement juste et équitable des victimes, car ils sont malheureusement encore présents dans notre système.

Certaines catégories de femmes sont encore plus pénalisées par cela. Les femmes sont plus vulnérables, plus marginalisées. L'accès quasi automatique aux dossiers, comme c'est le cas actuellement, accroîtra la discrimination envers ces femmes qui présentent plus de vulnérabilité en regard de certains aspects de leur vie ou de problèmes particuliers qu'elles vivent. En effet, plus les femmes ont eu besoin d'aide ou ont eu recours aux services et institutions, que ce soit sur une base volontaire ou non, par exemple si elles ont eu affaire avec la Direction de la protection de la jeunesse, si ce sont des femmes qui ont déjà été criminalisées, etc., plus elles possèdent de dossiers personnels ou plus il existe de dossiers personnels portant sur elles, plus elles deviennent des cibles idéales pour ces «parties de pêche» improvisées.

La décision de donner accès aux dossiers personnels a aussi des impacts sur les services et le système judiciaire. Les décisions déjà rendues par les tribunaux ont certains impacts sur les services offerts aux victimes. Par exemple, des centres d'aide ont hésité à inclure une plaignante dans un groupe d'aide parce qu'ils craignaient que les renseignements contenus dans le dossier ne soient un jour réquisitionnées, occasionnant une intrusion dans la vie privée de toutes les participantes du groupe. Un peu comme on le disait plus tôt, quand on assigne les 19 participantes d'un groupe à venir témoigner de ce qu'une d'elles a dit, chacune se retrouve en cour. Plusieurs centres ont dû faire face à des dépenses énormes et imprévues pour défendre leur droit à la confidentialité des dossiers.

Plusieurs personnes qui offrent des services aux victimes craignent maintenant d'avoir à témoigner sur leurs dossiers personnels et refusent cette intrusion dans leur pratique. Certaines se montrent parfois réticentes à offrir de l'aide à des victimes d'agression sexuelle pour éviter le trouble et modifient leurs pratiques pour éviter ce genre de clientèle.

Nous risquons de retourner à l'époque où des médecins, par exemple, refusaient d'examiner des femmes violées parce qu'ils n'avaient pas de temps à perdre en cour. Il arrive aussi que pendant le procès, des intervenantes qui sont obligées de témoigner ne puissent plus assurer de soutien à la personne qu'elles aidaient parce qu'elles sont maintenant témoins.

Mme Vandal: Nous allons maintenant vous présenter nos commentaires et propositions sur le projet de loi C-46, du moins les principales propositions.

Tout d'abord, parlons de l'introduction d'une déclaration de principes.

Le projet de loi C-46 propose dans son préambule des valeurs et des choix de société face à la violence sexuelle. Ceux-ci nous apparaissent essentiels pour mettre fin à la discrimination envers les victimes d'agression sexuelle. Nous demandons au Parlement de les réinscrire dans une déclaration de principes claire, forte et intégrée dans la loi, telle que celle intégrée dans la Loi sur les jeunes contrevenants, à l'article 3.

Nous demandons au Parlement de donner dans cette déclaration de principes des indications très claires sur les objectifs visés par la loi pour en garantir le pouvoir d'interprétation à toutes les étapes d'application.

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Nous proposons que cette déclaration de principes reprenne les affirmations du préambule déjà inscrit dans le projet de loi C-46, qui réaffirme que cette loi veut contrer certains effets discriminatoires qui se sont développés à travers les ans et qui ont été sanctionnés par les décisions de la Cour suprême du Canada.

Elle devrait aussi réaffirmer que le Parlement entend continuer de combattre les mythes et les préjugés sexistes encore présents dans le système de justice. Cette déclaration de principes devrait aussi se positionner face aux victimes de multiples discriminations. Dans ce sens, nous appuyons la proposition de déclaration de l'Association nationale des femmes et le droit présentée devant ce comité.

En ce qui a trait à l'article 278.1 proposé, qui porte sur la définition des dossiers, nous apprécions que la définition proposée soit assez large. Nous croyons que la loi doit répondre à l'abus systémique de demandes d'accès à des dossiers personnels en tout genre. Rappelons que dans le passé, toute une gamme de dossiers ont déjà fait l'objet de demandes devant les tribunaux, que ce soit des bulletins d'école, des dossiers d'employeurs, des dossiers de cliniques de planning ou des dossiers d'adoption.

Si le législateur accepte l'idée que les «parties de pêche» auxquelles nous avons assisté devant les tribunaux ces dernières années constituent un procédé discriminatoire visant à impressionner et à harceler les victimes et à tenter d'attaquer leur crédibilité, il importe alors que la notion de «dossier» protège largement les renseignements à caractère privé que les plaignantes ou les témoins ne voudraient pas voir transmis à des personnes qu'elles n'auraient pas choisies.

La définition de «dossier» doit donc viser à protéger contre la discrimination et l'intimidation autant que le caractère «privé normalement attendu». Cela est encore plus important pour les femmes victimes de multiples discriminations. Comme nous l'avons déjà dit précédemment, certaines catégories de femmes sont désavantagées par leur couleur, leur handicap, leur statut économique ou leur orientation sexuelle. Elles font face à davantage de préjugés de la part des intervenants et intervenantes des institutions avec lesquels elles ont des contacts.

Éventuellement, ces préjugés font partie intégrante des dossiers que ces personnes ou institutions ont faits «sur elles ou contre elles». Donner accès à ces renseignements sous prétexte qu'il ne s'agit pas de dossiers protégés par la loi, puisqu'il n'y avait pas le caractère privé normalement attendu, risquerait d'aggraver la discrimination dont elles souffrent déjà.

Par ailleurs, nous désirons attirer l'attention du législateur sur l'inclusion du journal intime dans la définition de «dossier». Rappelons que l'emploi du terme «notamment» dans la définition nous renvoie à une définition non exhaustive. Donc, toute demande de dossiers d'autres types que ceux prévus dans la définition serait évaluée par analogie aux types de dossiers décrits dans la loi.

Nous tenons à exprimer nos inquiétudes quant au risque que l'inclusion du journal intime n'ouvre la porte à des demandes de dossiers de même nature, c'est-à-dire tenus par les personnes elles-mêmes et donc de nature plus «domestique» contrairement à des dossiers institutionnels.

Par exemple, on parlait hier de cette notion de journal intime. Chaque fois qu'on lisait la définition de «dossier», il y avait quelque chose qui accrochait. Le journal intime, ce n'est pas un dossier tenu par des tiers, mais un dossier tenu par la personne elle-même. Si on l'inclut dans la définition, il se pourrait que des accusés demandent des dossiers qui ne sont pas des journaux intimes, mais qui sont de même nature. On pourrait dire que ce sont des dossiers semblables à un journal intime, et ils pourraient être considérés comme un dossier. Donc, on voyait là un danger.

Une autre modification a trait au paragraphe 278.2(1) proposé, qui concerne la communication d'un dossier à un accusé. Nous apprécions que ce texte législatif reconnaisse que l'accès aux dossiers est actuellement demandé quasi exclusivement dans des cas d'agressions à caractère sexuel et qu'il est nécessaire de pallier à ce problème.

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Toutefois, dans le but d'éviter que cette pratique ne se développe pour d'autres types d'accusations où les victimes sont majoritairement des femmes, par exemple en violence conjugale et en harcèlement criminel, ou appartiennent à un groupe précis qui peut être victime de discrimination, qu'il s'agisse de racisme ou de discrimination en raison de leur orientation sexuelle ou de leur condition physique, le législateur devrait envisager d'effectuer une étude sur la communication du dossier personnel des plaignantes dans les procédures criminelles pour des infractions de voies de fait, d'harcèlement criminel ou d'autres crimes contre la personne afin d'être à même de réagir plus rapidement si jamais des pratiques semblables se développaient.

Une autre modification que nous demandons a trait au paragraphe 278.3(4) proposé et porte sur l'insuffisance des motifs. La loi doit être très claire sur ce que sont les motifs inacceptables et inadmissibles pour demander l'accès aux dossiers. La défense doit savoir clairement que les motifs de sa demande doivent être très spécifiques et fondés. De plus, les juges doivent avoir des balises strictes pour décider de la pertinence d'accorder ou de refuser l'accès aux dossiers.

La formulation actuelle de cet article n'insiste pas assez sur l'obligation faite à l'accusé de convaincre la cour du bien-fondé de sa demande d'accès. Dire que des affirmations ne suffisent pas en soi à démontrer qu'un dossier est «vraisemblablement pertinent» laisse supposer que ces affirmations, si elles sont argumentées et démontrées, justifient l'accès. Cela réduit par le fait même le critère du «vraisemblablement pertinent».

Ainsi, même si un accusé ne sait pas ce qu'il y a dans un dossier, il peut présumer de son contenu et argumenter dans le sens de ses hypothèses. En d'autres mots, il peut plaider le faux pour avoir du vrai. Par conséquent, il enclenche quand même le processus de recherche et fait un premier pas dans l'intimidation de la victime. C'est pourquoi nous demandons le retrait du terme «en soi».

D'autre part, pour éviter que les conséquences soient davantage préjudiciables aux femmes, la demande doit non seulement faire la preuve que le dossier est vraisemblablement pertinent, mais aussi qu'il est nécessaire à la défense pleine et entière de l'accusé.

C'est pourquoi nous proposons la formulation suivante:

(4) Les motifs ci-après, individuellement ou collectivement, ne suffisent pas à démontrer que le dossier est vraisemblablement pertinent et nécessaire à sa défense pleine et entière:

Cette formulation devrait aussi être ajoutée à d'autres articles correspondants où on utilise le même terme.

Nous proposons également l'ajout d'un motif qui se lirait comme suit:

k) il y a un rapport temporel étroit entre la création du dossier et la décision de déposer une plainte contre l'accusé.

Une autre modification aurait trait au paragraphe 278.5(2) proposé et porterait sur les facteurs à considérer.

Nous accueillons très favorablement le fait que le législateur réitère, à cette étape de l'évaluation des motifs par le juge, l'importance de prendre en considération les effets bénéfiques et préjudiciables qu'entraînera sa décision, d'une part sur le droit de l'accusé à une défense pleine et entière, et d'autre part sur le droit à la vie privée et à l'égalité de la plaignante ou du témoin. Cette étape de la procédure est conséquente avec la volonté du législateur d'atteindre un réel équilibre entre les droits constitutionnels des uns, soit les accusés, et ceux des autres, les plaignantes.

Nous tenons cependant à rappeler qu'on ne doit absolument pas adopter une approche hiérarchique lorsque des droits prévus par la Charte entrent en conflit et ainsi présumer d'une préséance de certains droits sur d'autres. Les récentes décisions des tribunaux semblent avoir adopté une telle approche hiérarchique en accordant un droit de regard virtuellement automatique aux dossiers, octroyant ainsi un poids prépondérant au droit de l'accusé à une défense pleine et entière. Cela équivaut à sanctionner une inégalité et une discrimination systémique envers les victimes, qui sont des femmes dans 99 p. 100 des cas.

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Si le Parlement protège les droits de la société, il doit réagir et réaffirmer les droits inscrits dans la Charte pour encourager les victimes à porter plainte. Le devoir de l'État est établir des lois et des procédures qui respecteront les droits de tous les individus à l'égalité, la sécurité et la vie privée.

Nous avons aussi un certain nombre d'autres demandes plus techniques en ce qui a trait au projet de loi. Certaines concernent, par exemple, toute la question de la signification de la demande. Nous remettons en question la procédure prévue qui demande que des démarches soient faites par subpoena et qu'à la première étape, on demande aux personnes qui sont en possession de dossiers de les déposer.

Nous suggérons que cette démarche se fasse plutôt sous forme d'une demande produite selon la procédure prévue par l'accusé, qui est envoyée au procureur de la Couronne et transmise à la femme et aux autres personnes concernées, que cette demande formelle les autorise à témoigner et à se faire entendre si elles le désirent, mais que personne ne soit assigné à comparaître, parce que cela implique des dépenses considérables en termes de temps et d'argent alors qu'à cette étape, le juge n'est pas censé faire autre chose qu'entendre les points de vue et se faire une idée sur la chose. Une fois que la décision sera prise de demander d'avoir accès aux dossiers, ceux-ci pourraient être produits pour l'étude de la deuxième étape.

Nous apprécions que les personnes visées par le paragraphe (2) n'aient pas de frais à assumer pour ces démarches, mais nous pensons que la cour, dans certains cas, pourrait ordonner que l'accusé assume des dépens s'il était prouvé que sa demande n'avait aucun fondement et que ses motifs et intentions étaient frivoles ou vexatoires.

Nous voulons aussi réaffirmer qu'à l'audience de la deuxième étape, l'accusé ne devrait pas être présent au moment où le juge étudie les dossiers pour en voir la pertinence et décider de l'équilibre entre les droits de l'accusé et ceux de la plaignante et ne devrait pas voir les dossiers.

En ce qui a trait aux conditions de transmission des dossiers, une fois qu'un juge a décidé qu'il accepte de transmettre certains dossiers, les conditions devraient prévoir le moins d'intrusion possible et on devrait essayer de respecter la confidentialité au maximum. On propose que les conditions suggérées dans la loi deviennent obligatoires.

Selon l'article 278.7 proposé, qui a trait à la communication du dossier, une fois que le juge a accepté de communiquer des parties de dossier à l'accusé, il peut refuser de les transmettre à la plaignante et à la Couronne s'il estime que ce n'est pas dans l'intérêt de la justice. On se demande quel intérêt on pourrait avoir à permettre à l'accusé, mais non à la victime concernée, de voir les dossiers, à moins qu'il y ait des déclarations autoincriminantes contre elle.

À la toute fin, il y a quelques propositions d'ajouts à la loi. Nous proposons qu'on mette à la disposition des plaignantes et des responsables de dossiers un fonds de soutien financier pour les aider à faire face aux demandes d'accès aux dossiers. En cas d'autorisation d'accès aux dossiers, si le juge reconnaît à l'accusé le droit d'avoir accès aux dossiers personnels et qu'une femme décide qu'elle ne veut plus maintenir son témoignage et sa poursuite, elle pourra se retirer des procédures de poursuite et ne pas avoir à témoigner, cela sans être passible de poursuite pour outrage au tribunal, ce qui a déjà été suggéré par la juge L'Heureux-Dubé.

Finalement, nous demandons que la loi s'applique dès maintenant et couvre tous les dossiers qui sont déjà en instance.

Avez-vous des questions sur notre présentation ou sur certains points particuliers?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Madame Gagnon, dix minutes.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci pour votre mémoire. Bien sûr, il faut limiter l'accès aux dossiers afin d'éviter les demandes frivoles. On sait tout l'impact que cela a sur les femmes et surtout sur les groupes de femmes qui aident les femmes victimes d'agression.

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Plusieurs points ont été soulevés par les autres intervenantes. Par contre, on n'a pas beaucoup parlé du soutien financier qui pourrait être accordé. C'est un problème. Si les organismes ou les femmes elles-mêmes ont à se défendre pour intervenir à la cour, n'y aurait-il pas lieu d'instituer un fonds pour cela? Si, pendant l'année, vous n'étiez pas interpellées et n'aviez pas à produire certains documents ou à vous présenter vous-mêmes en cour, vous ne seriez pas admissibles à ce fonds. Quelle forme prendrait ce fonds? Ce qui me tracasse, c'est que le gouvernement puisse penser à une certaine forme d'indemnisation quand la demande s'avère frivole et que toutes les démarches ont été entreprises.

C'est un projet de loi qui, je pense, est souhaitable, mais on aurait préféré qu'il n'y ait pas cette ouverture aux dossiers des victimes quand on sait que l'impact d'une telle chose est majeur. Je crois que le préambule est une bonne façon de sensibiliser les juges. Comme madame le soulignait plus tôt, ces derniers ont été formés à une certaine école et ont plein de préjugés. Je ne veux pas préjuger de cela, mais le vécu est souvent là pour nous rappeler une certaine réalité.

Mme Roy: Je pourrais répondre brièvement en ce qui a trait au fonds de soutien. Actuellement, on n'a aucun mécanisme pour baliser l'accès aux dossiers, et cela donne lieu à n'importe quelle demande et donc à des dépenses importantes pour les groupes et les individus.

Je suis sûre que si la loi est appliquée de façon stricte, cela va réduire considérablement ces demandes, je pense, parce que les accusés et leur avocat vont y penser à deux fois avant de déposer des demandes sans fondement ou qui reposent sur des dimensions très discriminatoires et pleines de préjugés. Les «parties de pêche» devraient être limitées.

Par contre, dans certains cas, cela va encore se produire, et les femmes qui ont entrepris une démarche pour porter une plainte d'agression à caractère sexuel ne s'attendent pas forcément à devoir défrayer des coûts pour se défendre. Donc, il devrait y avoir un fonds d'aide juridique qui leur soit accessible. En général, c'est l'avocat de la Couronne qui fait l'ensemble des démarches pour son procès et les femmes ne devraient pas normalement avoir de frais à payer.

Maintenant la situation est différente. La femme doit défendre ses intérêts personnels et protéger sa vie privée. Ce n'est pas que l'avocat de la Couronne ne peut le faire mais, dans certains cas, il peut y avoir une différence d'intérêt par rapport à cela ou la femme souhaite vraiment être représentée. Donc, je pense que la première démarche à faire est d'instituer un fonds d'aide pour les femmes qui en auraient besoin et, dans certains cas, pour les organismes qui vont les accompagner et les appuyer dans leurs démarches.

Mme Christiane Gagnon: Plus tôt, j'essayais de voir quel type de demandes pourraient être faites et dans quel cas ces demandes seraient faites. L'accusé pourrait-il supposer que la victime a des choses à cacher? Avez-vous fait une enquête ou une analyse pour établir les types de demandeurs? Pourquoi un accusé voudrait-il avoir accès à des témoignages ou à des dossiers pour préparer sa défense? Est-ce le cas, par exemple, d'un agresseur qui connaît sa victime et sait qu'elle a certaines faiblesses? Quels sont les motifs des demandes?

Mme Vandal: Ce qu'on connaît, ce sont les demandes qui ont été faites dans les autres provinces. Comme on le dit dans le mémoire, ce type de demande n'est pas très courant au Québec encore. Les femmes qui font partie de notre regroupement n'ont pas vraiment eu des demandes de ce type-là. Cependant, vous soulignez fort à propos que dans les cas où les femmes connaîtraient leur agresseur... Il faut se rappeler que dans la majorité des agressions sexuelles, les victimes connaissent leurs agresseurs. Donc, les agresseurs sont au courant d'un certain nombre de choses. Cela peut aller d'un lien de confiance nouveau jusqu'à une relation qui dure depuis quelques années ou quelques mois. Les femmes victimes d'agression sexuelle connaissent leur agresseur dans une très large proportion des cas.

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On peut donc présumer qu'ils connaissent certains aspects de la vie de la femme qui peuvent leur permettre de présumer un certain nombre de choses au niveau de leur crédibilité ou leur donner une piste pour aller à la pêche, pour voir si elles ont consulté un centre d'aide.

Même si un accusé n'a pas toute l'information sur le genre d'aide qu'une victime a reçue dans un centre d'aide, quiconque connaît ce que fait un centre d'aide sait quels genre de services ce centre offre en général, peut en déduire que la femme a entrepris telle ou telle démarche et peut essayer de plaider cela pour essayer d'obtenir du vrai.

Mme Roy: Si on admet que c'est une stratégie d'intimidation pour ébranler sa crédibilité et laisser entendre qu'elle a peut-être a menti, etc., il n'a pas forcément besoin de lui faire peur pour l'inciter à retirer sa plainte. Les motifs sont souvent de cet ordre-là. Il s'agit de l'ébranler. Ce n'est pas facile de porter plainte et de s'embarquer dans tout ce système-là en sachant qu'il va falloir révéler à tout le monde tout ce qui s'est passé, etc. Le fait de devoir dire à tout le monde qu'elle est déjà allée dans une clinique de désintoxication va ébranler la confiance de la victime et lui faire peur. Elle sera mise à nu devant tout le monde. Il y a toutes sortes de dimensions personnelles de notre vie qu'on n'a pas envie de raconter à tout le monde.

Je pense que ce sont là les motifs. Je ne suis pas sûre qu'il y ait un portrait type de l'utilisateur de cette stratégie. Cela se développe de plus en plus. Il y en a probablement beaucoup qui se disent: Je vais l'ébranler, remettre en question sa crédibilité et montrer à tout le monde qu'elle est ceci ou cela. C'est souvent basé sur des préjugés. Elle est allée dans tel milieu, elle a fait telle chose, etc. Le fait qu'elle est déjà allée en désintoxication fait supposer à beaucoup de gens qu'elle a déjà été comme ceci ou comme cela.

Mme Vandal: Un agresseur qui connaît plus ou moins une victime ou qui connaît un peu quelques composantes de sa vie veut trouver quelque chose que la victime ne veut pas mettre à jour pour défaire sa crédibilité.

Il ne s'agit pas de secrets. Il s'agit de présumer qu'elle a déjà menti parce qu'elle a déjà été pincée pour un autre délit et qu'elle n'est donc pas une personne très fiable. Il s'agit toujours de mettre en doute la crédibilité d'une victime lors de procès pour agression sexuelle. Cela se faisait avant qu'il y ait des demandes d'accès aux dossiers. On leur donne une entrée de plus.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Avez-vous d'autres commentaires à formuler?

Mme Christiane Gagnon: Je m'excuse, mais je vais devoir partir presque tout de suite. Je vais donc lire attentivement votre mémoire. Vous êtes très claires: vous voulez que le projet de loi soit amélioré. Comptez sur moi pour examiner cela attentivement. J'espère que l'on va pouvoir modifier le projet de loi à certains égards, mais c'est quand même un pas dans la bonne direction, compte tenu de la situation actuelle.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Je remercie les témoins pour leur mémoire. Il est très clair et on a beaucoup à lire.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Rideout.

M. George Rideout (Moncton, Lib.): Je n'ai pas de questions.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Y a-t-il d'autres commentaires?

Mme Roy: Je voudrais réaffirmer qu'on ne remet pas en question la présomption d'innocence dont bénéficie l'accusé. Cependant, on exige que la victime puisse en avoir autant, qu'elle puisse aussi être présumée innocente au départ, qu'on lui reconnaisse la même présomption d'innocence au lieu de chercher à prouver sa culpabilité en allant fouiller dans toutes sortes de renseignements qui, souvent, ne sont pas pertinents et qui n'ont pas été colligés dans le respect des règles de la preuve.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): J'aime bien l'expression «partie de pêche» qui est maintenant entrée dans notre vocabulaire.

[Français]

Mme Roy: Oui. Mme L'Heureux-Dubé a beaucoup employé cette expression.

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Mme Vandal: On doit cette expression à la juge de la Cour suprême, Mme Claire L'Heureux-Dubé. Il faut donner à César ce qui appartient à César.

[Traduction]

M. Paul DeVillers: Il s'agit d'aller à la pêche, d'interroger à l'aveuglette.

Le vice-président (Mme Paddy Torsney): Je n'emploie pas très souvent cette expression imagée en français. Merci de nous l'avoir rappelée.

[Français]

Merci beaucoup.

[Traduction]

La séance est levée jusqu'à cet après-midi.

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