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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 avril 1997

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[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor - Sainte-Claire, Lib.)): Veuillez excuser mon retard. J'ai dû m'occuper d'une question intéressant des personnes âgées de mon comté - des tas de personnes âgées - et je sais que vous voudrez bien m'excuser.

Souhaitons la bienvenue à M. White, dont la motion est le sujet de nos travaux.

Nous recevons aujourd'hui, du ministère de la Justice, Mme Catherine Kane, avocate à la Division de la politique en matière de droit pénal.

Madame Kane, j'ai eu l'occasion de vous parler l'autre jour; je sais donc que vous avez un exposé à faire. Mais vous m'avez dit alors que vous aviez accumulé beaucoup de renseignements sur ce sujet. Pourriez-vous prendre quelques secondes pour nous dire comment vous avez acquis votre compétence en la matière? Je sais que vous n'aimez pas parler à la première personne, mais nous aimerions mieux vous connaître.

Mme Catherine Kane (avocate, Politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Oui, je peux certainement expliquer pourquoi je suis aujourd'hui le témoin du ministère de la Justice.

Quand je suis entrée au ministère de la Justice en 1982, ma première tâche a été d'explorer le rôle de la victime dans le système de droit pénal, ainsi que les dispositions du Code criminel qui se rapportent aux victimes d'actes criminels. J'ai participé au groupe de travail fédéral-provincial dont les travaux étaient en marche à l'époque, et j'étais leur «femme à tout faire». On m'a demandé d'aider le groupe de travail, de toutes les manières possibles pour moi.

Depuis, j'ai suivi de près la question des victimes d'actes criminels au nom du ministère de la Justice et j'ai participé à divers groupes de consultation, avec d'autres ministères fédéraux et avec les provinces, alors que nous nous penchions sur les questions intéressant les victimes, au cours des15 dernières années.

Lorsque je disais que j'avais beaucoup de renseignements, je parlais de documents qui remontent au début des années 80, des copies des rapports de groupes de travail, des rapports de mise en oeuvre, etc. Je serais ravie de les transmettre au comité si vous pensez que cela peut vous être utile.

Pour ce qui est de mon exposé, je m'en remets à vous, selon ce que vous jugerez utile. Je peux vous présenter un bref survol des mesures qui ont été prises, ou simplement répondre à vos questions, selon ce qui vous paraîtra le plus avantageux.

La présidente: Je vais donc poser cette question à mes collègues.

Chers collègues, serait-il utile que Mme Kane nous présente un survol des mesures prises par les gouvernements fédéral et provinciaux, de manière générale?

Mme Kane: D'une manière générale.

La présidente: Nous serons alors tous au même point.

Mme Kane: Bien.

La présidente: Merci.

Mme Kane: Tout d'abord, laissez-moi vous présenter le contexte. Il faut d'abord expliquer le partage des compétences en matière de droit pénal entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le ministère fédéral de la Justice est responsable de la mise en oeuvre et des réformes du droit pénal, c'est-à-dire du Code criminel et d'autres lois fédérales. Les provinces veillent à l'application et à l'administration du droit pénal sur leur territoire. L'application de la loi, les poursuites des contrevenants et l'administration générale de la justice sont de compétence provinciale.

Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, la GRC offre les services policiers, et le procureur général du Canada s'occupe des poursuites.

À cause du partage des responsabilités en matière de justice pénale, depuis toujours, du moins autant que je me souvienne, la collaboration avec les provinces et leur consultation ont été très bonnes. Lorsqu'on envisage des modifications au droit pénal, nous consultons les provinces; elles nous signalent aussi leurs préoccupations, lorsqu'elles voient des failles dans le droit pénal.

Pour les victimes d'actes criminels, c'est particulièrement vrai. Depuis le début des années 80, nous consultons les provinces sur les façons de nous occuper des problèmes des victimes. Certaines de ces questions relèvent des provinces, d'autres du gouvernement fédéral, et d'autres sont de compétence partagée.

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J'ai un bon exemple, qui est à mon avis le point de départ d'une réaction au problème des victimes: un groupe de travail fédéral-provincial a été mis sur pied en 1981 par les ministres responsables de la justice. Il a présenté en 1983 un rapport comportant 79 recommandations portant sur tous les types de besoins des victimes. Ces recommandations étaient destinées aux services sociaux, aux services de santé, de justice, de police, aux procureurs généraux - à toute une gamme d'intervenants auprès des victimes.

Tout le monde a alors pu constater qu'il y avait beaucoup de pain sur la planche et qu'un seul organisme ne saurait s'en charger à lui seul. Il fallait une coordination du travail. On ne faisait qu'effleurer la surface, même si on avait pris soin d'écouter les victimes préciser leurs besoins. À l'époque, il n'y avait pas de groupes de victimes organisés comme aujourd'hui. Le groupe de travail a constaté qu'il lui faudrait écouter davantage les victimes.

Par conséquent, un autre groupe de travail fédéral-provincial de suivi a été mis sur pied pour approfondir la question des besoins des victimes, pour formuler des commentaires et des recommandations sur la mise en oeuvre concrète du rapport.

En 1983, le ministère de la Justice et le solliciteur général du Canada ont émis des directives à l'intention des policiers et des procureurs des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon au sujet des accusations et des plaintes d'agression par un conjoint, les exhortant à mener rapidement une enquête et à porter des accusations lorsqu'il était raisonnable et qu'il y avait des raisons probables de croire qu'une agression avait bel et bien eu lieu.

À peu près à la même époque, des mesures ont été prises pour modifier la Loi sur l'agression sexuelle. Le projet de loi C-27 est entré en vigueur en janvier 1983. Il modifiait substantiellement l'ancienne Loi sur le viol, introduisant de nouveaux niveaux d'agression sexuelle et des dispositions relatives à la preuve.

En 1984, le rapport du Comité sur les infractions sexuelles à l'égard des enfants et des jeunes, aussi appelé le rapport Badgley, a été présenté aux ministres de la Justice et de la Santé, et des modifications ont été apportées au Code criminel en réaction à ces recommandations relatives aux agressions sexuelles contre les enfants. Ces modifications sont entrées en vigueur en janvier 1988.

De 1984 à 1986, le ministère de la Justice et le ministère du Solliciteur général ont mis des fonds à la disposition des provinces pour des démarches visant à mieux comprendre les besoins des victimes et à mettre sur pied des services à leur intention. Il s'agissait de projets pilotes destinés à prouver la nécessité de programmes permanents. Il y avait habituellement une participation financière de la province et du gouvernement fédéral.

Dans le cadre de ces projets, par exemple, de nombreux modèles de déclarations d'incidence pour les victimes ont été envisagés. On a compris qu'il fallait beaucoup de souplesse. Ce qui fonctionnait dans une région pouvait ne pas fonctionner ailleurs, et même, dans la même région, on a jugé bon de conserver divers modèles de déclarations.

En 1984, le ministère du Solliciteur général a ouvert un Centre de ressources national pour les victimes qui servirait à recueillir et à disséminer l'information relative à la recherche sur les victimes, à l'élaboration des programmes et à l'évaluation des services et des programmes destinés aux victimes. Ce centre de ressources a été transféré au ministère de la Justice en 1988, puis la cueillette d'informations a été confiée au Centre national d'information sur la violence dans la famille.

Le ministère a maintenant le Réseau d'accès à la justice, un service d'information en direct comprenant une page d'accueil pour les victimes. Il s'agit d'une excellente source d'information pour tous ceux qui ont accès au réseau. Ce réseau a beaucoup de potentiel comme source d'information pour les victimes au sujet des services ou des personnes avec lesquels elles pourraient vouloir communiquer. L'administrateur du réseau affirme que le réseau reçoit 12 000 visiteurs par jour qui veulent obtenir de l'information sur des questions relatives à la justice.

En 1987, le ministère de la Justice et le solliciteur général ont ensemble commencé l'élaboration d'une stratégie plus complète au sujet des victimes d'actes criminels, qui comprenait la préparation de la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels, en réaction à la déclaration semblable des Nations Unies.

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Nous avons négocié une nouvelle entente de partage des frais avec les provinces pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Nous avons créé un fonds d'assistance aux victimes qui représente une contribution par personne aux provinces afin de leur permettre de mettre sur pied des services qu'elles ne pourraient autrement fournir.

Nous avons fait adopter des modifications au Code criminel en ce qui concerne les victimes. C'est la loi C-89, qui a été adoptée en 1988 et qui a été proclamée en plusieurs étapes depuis. Cette série de modifications contenait des dispositions concernant la possibilité pour une victime de faire une déclaration au tribunal pour l'informer des répercussions qu'elle a eu à subir, des dispositions visant la restitution rapide de biens, une amélioration des dispositions concernant la restitution, des interdictions de publication de l'identité des victimes et des témoins dans les cas d'infraction sexuelle et des dispositions concernant la suramende compensatoire imposée en plus à quiconque est condamné aux termes du Code criminel.

D'autre part, en 1988, les gouvernements fédéral et provinciaux ont approuvé la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels dont vous avez tous, je crois, reçu copie, si je ne m'abuse. Du fait de cette déclaration de 1988, qui devait orienter l'élaboration des politiques et des textes législatifs, toutes les provinces et les territoires ont maintenant adopté des lois qui portent sur la prestation de services et l'assistance aux victimes d'actes criminels. Plusieurs provinces ont également inclus la suramende compensatoire et la création d'un fonds d'assistance aux victimes. Le Manitoba est la première province à avoir adopté une loi concernant les victimes d'actes criminels, en 1986, et l'Ontario a récemment adopté sa charte des droits des victimes d'actes criminels, en 1995, charte qui a été proclamée en juin dernier.

D'autres initiatives spéciales ont été prises pour certaines catégories particulières de victimes. Par exemple, pour les cas d'agression sexuelle d'enfants; je parle du rapport Badgley. Le projet de loi C-15 contenait des dispositions expresses visant à protéger les enfants contre des comportements sexuels abusifs et à faciliter leurs témoignages.

Le projet de loi C-15 a ensuite été révisé, par votre comité, je crois, et d'autres amendements ont été apportés dans le projet de loi C-126 afin d'accroître encore ces protections pour les enfants, notamment des amendements visant à faciliter les témoignages, à interdire le contre-interrogatoire personnel des témoins et à permettre aux témoins ou à l'enfant de se faire aider devant le tribunal. Ces dispositions assuraient des protections additionnelles, telles que l'utilisation de vidéocassettes, qui, si elles sont adoptées par le tribunal, pourraient représenter le témoignage de l'enfant, et l'utilisation d'écrans et de télévisions en circuit fermé.

En mars 1992, il fut mis fin à l'entente fédérale de partage des frais pour l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Au cours des dernières années de cette entente, toutefois, le gouvernement fédéral avait contribué 25c. par personne, ou 50 000 $, selon le montant le plus élevé, jusqu'à concurrence de 50 p. 100 du total des indemnisations versées. Des ententes spéciales existaient pour les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon, où la contribution fédérale était supérieure.

Le projet de loi C-41, Loi sur la détermination de la peine, a été proclamé en septembre 1996. J'avais parlé des dispositions concernant la restitution incluses dans l'ancien projet de loi C-89 en 1988. Ces dispositions n'ont pas été proclamées, et c'est ainsi que le projet de loi C-41 traite les questions de restitution de façon un peu différente.

Quant à la proclamation du projet de loi C-41, Loi sur la détermination de la peine, les dispositions concernant la restitution ont été améliorées dans le Code criminel. La restitution peut être considérée comme une peine supplémentaire sur motion de la cour. Auparavant, une victime devait présenter une demande de restitution. Cette ordonnance peut être rendue pour des pertes ou dommages que l'on peut raisonnablement évaluer ou pour des dommages et intérêts pécuniaires occasionnés par des blessures corporelles. C'est toujours à la victime de veiller à ce que la restitution se fasse.

Je pourrais également vous renvoyer à d'autres textes législatifs, mais je crois que le comité est tout à fait au courant des récentes initiatives qui ont été prises. Je ne m'arrêterai donc pas là-dessus, mais je pourrais répondre à vos questions, si vous le souhaitez.

Les dispositions spéciales du Code criminel qui étaient incluses dans le projet de loi C-89 en faveur des victimes d'actes criminels incluent des dispositions concernant la déclaration de la victime qui, à l'origine, permettait au tribunal et maintenant exige que le tribunal considère une déclaration de la victime sur les répercussions qu'elle a subies au moment où il détermine la peine du contrevenant lorsqu'une telle déclaration existe. En général, les tribunaux ont accepté diverses formes de déclarations de la part des victimes, que cela soit précisé ou non dans la province.

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Une autre disposition est la suramende compensatoire. Durant toutes les consultations avec les provinces, un des principaux problèmes nous a toujours paru être le financement des services destinés aux victimes. Les priorités du gouvernement peuvent changer périodiquement, et les fournisseurs de services aux victimes s'inquiètent du fait que ce qu'ils sont en mesure d'offrir aujourd'hui ne sera peut-être plus possible demain, faute de fonds. Nous avons toujours discuté - de la solution que l'on pourrait trouver pour avoir une source de financement stable, et la suramende compensatoire a semblé être une bonne solution pour financer ces services et pour que les contrevenants réparent d'une certaine façon le mal causé aux victimes.

Le Code criminel incluait la suramende compensatoire du projet de loi C-89. C'est imposé en plus de toute autre peine. Les recettes de cette suramende sont laissées à la province ou au territoire où elle est imposée et doivent servir à fournir une assistance aux victimes d'actes criminels, selon les indications du lieutenant gouverneur de la province. Cet argent ne revient pas directement aux victimes. C'est habituellement versé à un fonds.

La plupart des provinces ont maintenant un fonds spécial pour toutes les recettes de la suramende compensatoire, et c'est le lieutenant gouverneur qui décide de la façon dont ces fonds sont utilisés. En fait, certaines lois provinciales précisent les critères à suivre dans ce cas et établissent un comité qui reçoit les demandes de subventions pour les services aux victimes. Le comité distribue alors ces fonds en fonction de tels critères. En outre, plusieurs provinces ont également institué une suramende imposée pour les infractions provinciales, et ces deux suramendes sont versées au fonds provincial d'assistance aux victimes.

Le montant de la suramende fédérale est fixé dans les règlements du Code criminel, qui stipulent que la suramende maximum ne doit pas dépasser 15 p. 100 lorsqu'il s'agit d'une amende. Lorsque la peine n'est pas une amende, on peut imposer une suramende pouvant atteindre 35 $. Nous examinons actuellement la possibilité de réviser le montant de ces suramendes avec les provinces, parce qu'elles nous ont signalé que celles-ci semblent insuffisantes.

En ce qui concerne la restitution, comme je l'ai déjà indiqué, les dispositions incluses dans le projet de loi C-89 étaient assez complexes. Elles incluaient des dispositions concernant la mise en application et n'ont pas été proclamées parce qu'une analyse de rentabilité avait par la suite indiqué que leur mise en application coûterait plus cher que cela ne rapporterait aux victimes.

Les dispositions du projet de loi C-41 ont maintenant par contre été proclamées. Nous ne savons pas si elles sont utilisées souvent, mais nous allons suivre la chose.

D'autres dispositions du Code criminel devraient faciliter le rassemblement d'éléments de preuve ou le témoignage des victimes. Par exemple, il y a des dispositions qui permettent au juge d'exclure certains membres du public de la salle d'audience. Il y a des dispositions qui interdisent la publication de l'identité des victimes d'agression sexuelle et de certains témoins. Les jeunes victimes peuvent se faire accompagner de quelqu'un lorsqu'elles comparaissent au tribunal. Elles peuvent témoigner derrière un écran ou en circuit fermé. De façon générale, l'accusé ne peut contre-interroger une jeune victime. Si l'accusé n'est pas représenté par un avocat, le tribunal peut nommer quelqu'un pour procéder au contre-interrogatoire, afin qu'une jeune victime ne soit pas tenue de confronter l'accusé.

Pour ce qui est de la déclaration des droits des victimes, la question a été examinée avec les provinces au milieu des années 80 et plus récemment. La Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels, qui a été approuvée par toutes les provinces et par le gouvernement fédéral en 1988, a été conçue comme une solution de rechange à une telle déclaration des droits des victimes afin d'orienter l'élaboration des politiques et des textes législatifs provinciaux.

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À l'époque, on avait déclaré que la loi fédérale ne pouvait toucher convenablement à tous les besoins et à toutes les préoccupations des victimes, et ce, pour des raisons pratiques et pour des considérations de compétence. Par exemple, si une victime a besoin de renseignements sur l'évolution de l'enquête ou du procès, ou sur les services disponibles, seul le personnel provincial peut répondre, qu'il s'agisse de la police ou de la Couronne.

Nos collègues provinciaux se sont également préoccupés de la notion de «droits». Ils s'inquiétaient du fait que si l'on déclare que les victimes ont des droits et qu'on ne peut les satisfaire, le résultat sera encore pire pour la victime. On se demandait ainsi comment l'on pourrait faire appliquer vraiment ces droits. D'autre part, les provinces s'inquiétaient beaucoup du fait que la plupart des questions dont traiterait une déclaration des droits des victimes serait de compétence provinciale. Or, elles en étaient déjà à mettre au point des lois provinciales à ce sujet.

Donc, comme je le disais tout à l'heure, toutes les provinces et les deux territoires ont maintenant adopté sous une forme ou une autre une loi portant sur les droits des victimes. Ces lois ne sont pas identiques, mais il y a certainement des similitudes dans les lois provinciales.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Madame Kane, votre exposé est-il bientôt fini? Nous allons manquer de temps.

Mme Kane: Cela peut durer encore cinq minutes, ou je puis m'arrêter tout de suite afin que l'on passe aux questions.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Bien.

Est-ce que nous revenons?

Chers collègues, nous revenons après le vote. C'est désolant d'être obligés de laisser notre témoin comme cela, mais...

Mme Kane: Cela n'a pas d'importance.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Le timbre ne doit retentir que 15 minutes; il nous reste donc environ huit minutes pour aller là-bas, mais je sais que vous marchez vite, et j'ai pensé qu'il était préférable d'entendre d'abord l'exposé de Mme Kane.

Mme Kane: Voulez-vous que j'en finisse? Je peux terminer rapidement. Ou est-ce que vous préférez que j'attende?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Non. Nous reviendrons et nous vous donnerons les cinq minutes dont vous avez besoin.

Mme Kane: Bien.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

Nous suspendons la séance jusqu'après le vote.

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La présidente: Nous revoici. Vous deviez poursuivre, Catherine.

Mme Kane: Je crois que je parlais des lois provinciales qui traitent des droits des victimes sous diverses formes. Comme je le disais, ces lois ne sont pas identiques, mais présentent plusieurs similarités. Par exemple, certaines dispositions s'appellent déclarations de principes dans les lois du Manitoba, du Nouveau- Brunswick, de Terre-Neuve, de l'Ontario et de l'Île-du-Prince- Édouard. La déclaration des droits des victimes de l'Ontario inclut aussi un préambule qui contient ces principes.

Les Territoires du Nord-Ouest s'y prennent différemment. Ils prévoient que leur Comité d'assistance aux victimes prône, entre autres choses, le traitement courtois et compatissant des victimes.

La loi du Yukon est assez similaire, stipulant que l'objet de son fonds de services aux victimes est de promouvoir et d'offrir des services et de publier des renseignements sur les besoins des victimes et sur les services existants.

La Loi sur les victimes d'actes criminels de la Saskatchewan inclut aussi un énoncé d'objectifs qui vise à créer un fonds à utiliser pour promouvoir plusieurs principes, notamment que les victimes devraient être traitées avec courtoisie, compassion et respect de leur dignité et de leur vie privée; que l'on doit tenir compte de leurs points de vue; et que les renseignements nécessaires et l'assistance voulue doivent leur être offerts durant toute la procédure et conformément aux dispositions normales du droit pénal et de la procédure pénale.

La Loi sur les victimes d'actes criminels de la Colombie- Britannique fait allusion aux droits des victimes aux articles 2 à 8, comme la Loi de la Nouvelle-Écosse sur les droits des victimes et les services qui leur sont offerts.

Même si la terminologie varie, la majorité des lois provinciales incluent des dispositions qui énoncent très clairement qu'il n'y a pas de motif d'action dans la loi pour quoi que ce soit qui aurait été fait ou omis. Autrement dit, il n'est pas spécifié de recours quand on ne peut respecter ces droits ou principes énoncés dans la loi.

La loi de la Colombie-Britannique, dont je crois vous avoir fourni certains extraits, énonce tout un éventail de droits pour les victimes d'actes criminels et confie la responsabilité à diverses instances judiciaires, comme la Couronne, le commissaire des services correctionnels, ou le procureur général. L'avocat de la Couronne est tenu de veiller à ce qu'une victime ait une possibilité raisonnable de présenter au tribunal une déclaration concernant les répercussions du crime telles qu'elle les perçoit, avant la détermination de la peine. Un autre article stipule que le personnel judiciaire doit donner à la victime certains renseignements sur le système judiciaire, les services aux victimes, la Loi concernant les droits des victimes et la Loi concernant la protection des renseignements personnels.

La loi de la Nouvelle-Écosse énonce les droits absolus des victimes, notamment le droit d'être traité avec courtoisie, compassion et dignité et le droit à la restitution des biens. Elle énonce également les droits limités des victimes, sous réserve des ressources disponibles et de toute autre limite raisonnable dans les circonstances. Notamment le droit à l'information sur l'accusation portée, sur l'évolution du procès et sur les services ou recours existants.

La déclaration des droits des victimes de l'Ontario énonce toute une série de principes concernant le traitement des victimes, notamment qu'elles devraient être traitées avec courtoisie, compassion et respect et être protégées contre toute intimidation. Elle précise également qu'elles devraient avoir accès aux renseignements nécessaires concernant les services, l'évolution de l'enquête et de la poursuite, les dates des audiences, la peine imposée et les conditions de libération.

Une partie de la motion de M. White de l'année dernière, motion qu'a appuyée le ministre de la Justice, demandait au ministre d'entamer des consultations avec les provinces afin de parvenir à une norme nationale en matière de déclaration des droits des victimes. En mai, les ministres se sont réunis à Ottawa, et notre ministre a soulevé la question auprès de ses collègues et distribué le texte de cette motion et de la déclaration des droits des victimes proposée par M. White.

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À l'époque, les autres provinces s'interrogeaient aussi sur la question des victimes. Le Manitoba avait demandé que la question soit mise à l'ordre du jour et proposait que tous les gouvernements examinent le rôle des victimes dans le système judiciaire.L'Île- du-Prince-Édouard avait aussi soulevé la question, demandant au gouvernementfédéral d'examiner les dispositions du Code criminel sur la suramende.

Toutes ces questions ayant été portées à l'attention du ministre, il fut convenu que les hauts fonctionnaires fédéraux et provinciaux examineraient tout un éventail de questions liées aux victimes d'actes criminels, notamment la question de la suramende compensatoire, la façon de mieux coordonner les services aux victimes et la notion de déclaration des droits des victimes, ou, sinon, l'élaboration d'une déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice concernant les victimes d'actes criminels.

Un comité fédéral-provincial s'est réuni en juin 1996, et toutes les provinces et les territoires ont convenu de participer à un forum fédéral-provincial sur ces questions. Depuis lors, tout le monde a nommé des représentants. En novembre, ce groupe s'est réuni à Regina à l'occasion d'une conférence sur les services aux victimes parrainée par la division des services aux victimes de la Saskatchewan. La Saskatchewan avait organisé cette conférence en quelque six mois. Elle avait d'autre part organisé une réunion de tous les directeurs provinciaux des services aux victimes. À ma connaissance, c'était la première fois que toutes les provinces réunissaient leurs directeurs des services aux victimes.

Cela a permis de donner et d'échanger beaucoup de renseignements et de constater qu'il y avait pas mal de problèmes communs. On a décidé que le groupe se réunirait régulièrement avec ce que l'on appelle maintenant le groupe de travail chargé de la question des victimes, afin de discuter de toutes ces questions. Ce groupe sera présidé par la province du Manitoba et le ministère fédéral de la Justice.

À l'origine, nous avions prévu une autre réunion en juin, en même temps qu'une conférence sur la violence familiale organisée par le Manitoba, mais je crois que cette rencontre aura maintenant lieu à l'automne.

C'est là que se termine mon résumé des initiatives qui ont été prises ces dernières années et plus récemment. Si vous avez des questions à poser, je serai heureuse d'y répondre.

[Français]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Est-ce qu'il y a des questions de la part du Parti réformiste?

[Traduction]

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): En anglais, c'est Madam Chair.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Ne dites pas chairman.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, Jack. Je savais que vous le remettriez à sa place.

M. Randy White: Madam Chairwoman.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Madam Chair suffit.

M. Randy White: Madam Chairperson, vous comprenez.

J'ai quelques questions à poser. Pourquoi supposez-vous qu'il y a tant de victimes et tant de groupes de défense des droits des victimes qui demandent aujourd'hui de tels droits? Pouvez-vous me donner une idée?

Mme Kane: Comme je viens de le dire, quand nous avons commencé à nous pencher sur la question, il y avait déjà de nombreux groupes de défense des droits des victimes qui se plaignaient du système de justice pénale. Plusieurs de leurs représentants continuent aujourd'hui à réclamer des réformes. Gary Rosenfeldt est l'exemple classique de ces lobbyistes infatigables. Je crois qu'il conviendrait qu'il y a eu des progrès, mais je sais qu'il faut faire encore plus.

Beaucoup de ces groupes sont devenus plus organisés avec les années. Ils méritent le crédit qui leur revient, et nous continuons à essayer de répondre à leurs attentes en améliorant le système. Ils rappellent sans cesse des problèmes qui sans eux risqueraient d'être négligés.

M. Randy White: Permettez-moi de vous donner une idée de ce que je considère comme des illogismes - par exemple, le statut des détenus. Si quelqu'un est incarcéré pour un délit condamné par le Code criminel fédéral et que la victime veut connaître son statut, sa date de sortie, par exemple, souvent elle s'entend répondre par l'administration provinciale que ce genre de renseignement est couvert par la Loi sur la protection de la vie privée de la province ou que cela relève de l'administration fédérale. Si quelqu'un est incarcéré dans un pénitencier fédéral, la victime encore une fois s'entend souvent répondre que c'est couvert par la Loi sur la protection de la vie privée de la province ou par la Loi fédérale sur la vie protection des renseignements personnels. Ou bien on lui répond carrément: ce n'est pas notre problème, adressez-vous ailleurs. La pauvre victime se retrouve ballottée d'un service à l'autre.

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Je pourrais vous citer toute une litanie d'exemples de ce genre. Je crois que c'est la raison pour laquelle ils demandent une déclaration des droits qui supplanterait toute autre disposition, tant au plan provincial qu'au plan fédéral. Ce problème a certainement été évoqué au cours de vos discussions.

Mme Kane: Le problème de la coordination de l'accès des victimes à ce genre d'information est revenu sans cesse dans nos discussions. Cependant, que je sache, il y a aujourd'hui dans toutes les provinces des services à la disposition des victimes et des témoins. Ils devraient être des centres de référence où les victimes souhaitant avoir des informations - qu'elles concernent la Commission nationale des libérations conditionnelles, le Service correctionnel du Canada ou les administrations provinciales responsables des établissements carcéraux de la province - pourraient contacter la personne pouvant les leur fournir. Je sais que la Commission des libérations conditionnelles a une ligne téléphonique d'information pour les victimes et que le Service correctionnel a fait de gros efforts pour s'assurer que sont communiquées aux victimes les informations dont elles ont besoin quand elles les réclament.

M. Randy White: Il y a d'énormes différences en fonction de la ville, du village ou de la province où on habite.

Mme Kane: Je ne sais pas si mettre ce droit par écrit mettrait fin à ce genre de différences. Les victimes ont toujours réclamé ces services, elles veulent ce genre d'information et elles veulent des mesures effectives en leur garantissant l'accès. Je ne sais si une déclaration des droits des victimes constituerait une garantie.

M. Jack Ramsay: Madame la présidente, est-ce que je peux prendre le temps qui reste?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Il reste environ six minutes.

M. Jack Ramsay: Merci.

C'est ce groupe de travail avec les autorités provinciales qui m'intéresse.

Mme Kane: Le groupe de travail est composé de responsables provinciaux et de responsables fédéraux qui partagent leurs informations. Il comprend aussi tous les directeurs provinciaux de services aux victimes. Ils ont énormément d'information à leur disposition sur ce qui existe dans leurs propres administrations. L'objectif est de partager ces informations.

M. Jack Ramsay: Ils doivent se rencontrer cet automne?

Mme Kane: Ils se réuniront de nouveau cet automne.

M. Jack Ramsay: Sont-ils au courant du contenu de la motion 168?

Mme Kane: Oui. Nous l'avons portée à leur attention. C'est une des raisons de la création de ce groupe de travail. Le ministre s'était engagé à aborder la question avec ses collègues provinciaux. Il l'a fait en mai dernier, et en conséquence un groupe de travail a été constitué pour examiner certains des problèmes juridictionnels et pratiques d'une déclaration des droits des victimes ou d'autres mesures visant à régler les mêmes problèmes.

M. Jack Ramsay: C'est le texte de la motion 168?

Mme Kane: Oui, je crois que cette motion demande au ministre d'étudier avec ses collègues provinciaux les problèmes de responsabilité commune ou de responsabilité provinciale.

M. Jack Ramsay: Connaissez-vous le statut des lois provinciales au niveau des services réclamés dans cette motion?

Mme Kane: Oui, j'ai dans mon bureau un classeur avec toutes les lois provinciales. Certaines de ces lois semblent répondre à nombre des attentes de cette proposition de déclaration des droits des victimes alors que d'autres optent pour une approche différente. Comme je l'ai dit tout à l'heure, certaines lois provinciales parlent d'une déclaration de principes, certaines parlent de «droits», certaines confient la tâche de faire respecter ces droits ou de faire appliquer ces principes à des responsables particuliers du système de justice pénale, alors que d'autres en font une tâche collective et la confient à l'ensemble du personnel du système de justice pénale.

M. Jack Ramsay: Pensez-vous qu'il serait utile d'examiner les lois provinciales pour déterminer si elles contiennent les lacunes énoncées dans la motion?

Mme Kane: À mon avis, il serait utile d'examiner avec les victimes elles-mêmes, avec les groupes qui défendent leurs droits et avec les provinces leur interprétation des besoins des victimes et les lacunes dans les services existants.

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Je ne me sens pas qualifiée pour déterminer si un type différent de loi serait préférable ou pour conjecturer sur ces lacunes. Je crois qu'il est indispensable d'examiner ces questions avec les victimes pour déterminer avec exactitude ce qui satisferait leurs besoins.

M. Jack Ramsay: Très bien. Combien de temps me reste-t-il?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Un peu moins de trois minutes.

M. Jack Ramsay: Merci. C'est fou comme le temps passe vite quand le sujet est passionnant, Paddy.

Je crois savoir qu'avant le projet de loi C-41 les victimes n'avaient pas automatiquement le droit de faire une déclaration. C'était à la discrétion du tribunal. N'est-ce pas?

Mme Kane: Votre interprétation est juste. Cependant, d'après nos renseignements, la majorité des juges recevaient une déclaration de victime. Le code leur permettait de recevoir une déclaration de victime s'il y en avait une, mais ne les y obligeait pas. Toujours d'après nos renseignements, dans la majorité des tribunaux il y avait toujours une déclaration de victimes proposée sous une forme ou une autre. Elle n'était pas forcément sous la forme souhaitée par la victime... par exemple, si la victime souhaitait faire une déclaration orale et que la coutume voulait que dans ce tribunal particulier les déclarations de victimes soient versées au dossier de la Couronne, c'était la Couronne qui s'en chargeait. Mais d'une manière générale les tribunaux canadiens ne se sont jamais opposés aux déclarations de victimes.

M. Jack Ramsay: Bien entendu, c'est devenu automatique à la suite de l'adoption du projet de loi C-41.

Mme Kane: Oui. Le projet de loi C-41 exige désormais des juges qu'ils tiennent compte de ces déclarations quand il y en a. Ce n'est pas une obligation pour les victimes. Certaines peuvent ne pas vouloir. C'est leur décision.

M. Jack Ramsay: Savez-vous que le projet de loi C-45 risquait d'éliminer ce droit et qu'en conséquence il a été modifié?

Mme Kane: Que je sache, le projet de loi C-45 ne concernait que l'utilisation des déclarations de victimes lors d'audiences d'admissibilité à la libération conditionnelle anticipée.

M. Jack Ramsay: Conformément à l'article 745.

Mme Kane: Oui. Il ne concernait pas les déclarations de victimes utilisées lors du procès. À ce niveau, rien ne changeait.

M. Jack Ramsay: Voyez-vous une lacune dans les dispositions sur les déclarations de victimes, dans la mesure où il n'y a pas automatiquement de déclaration orale?

Mme Kane: Comme je l'ai déjà dit, selon mon expérience, les victimes ne veulent pas toutes préparer le même genre de déclaration. Pour certaines, une simple déclaration écrite peut suffire. Elles peuvent ne pas vouloir témoigner et risquer d'être contre-interrogées. D'autres peuvent préférer faire une déclaration orale. Cela dépend des cas et des victimes.

Ce que ces projets pilotes de modèles différents de déclarations de victimes du milieu des années 80 dont je vous ai parlé tout à l'heure nous ont fait découvrir, c'est la nécessité de faire preuve de souplesse. Les victimes ne voulaient pas qu'on leur impose telle ou telle forme de déclaration écrite ou orale. Elles voulaient que le système puisse s'adapter à leurs besoins.

M. Jack Ramsay: La loi d'aujourd'hui le permet-elle?

Mme Kane: Oui. Selon l'article concerné, une déclaration de victime peut être reçue si elle revêt la forme approuvée - je paraphrase - par le programme entériné par le lieutenant- gouverneur de la province. Cela implique donc plus ou moins une norme provinciale. Cependant, le paragraphe suivant stipule que le tribunal peut recevoir des déclarations de victimes sous n'importe quelle forme. Il y a donc cette souplesse.

M. Jack Ramsay: Merci.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, monsieur Ramsay. Vous avez réussi à grignoter une minute.

Nous donnons maintenant la parole à Mme Cohen pour dix minutes; elle sera suivie deM. Telegdi.

Mme Shaughnessy Cohen: Merci.

J'aimerais éclaircir un ou deux points sur lesquels j'ai buté en me préparant pour aujourd'hui. Le premier est que le ministre, M. Rock, nous a fait parvenir un énoncé, ou une déclaration, de principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels, dont vous nous avez parlé. J'ai contacté son bureau pour lui poser certaines questions à ce sujet et j'ai cru comprendre - et j'aimerais simplement en avoir la confirmation ou la clarification - que cet énoncé de principes fondamentaux se fonde sur un document des Nations Unies et qu'il a été présenté aux ministres fédéral, provinciaux et territoriaux en 1988 par le gouvernement précédent.

Mme Kane: C'est exact.

.1705

Mme Shaughnessy Cohen: Et qu'il a été adopté par tous les ministres, par tous les procureurs généraux du Canada, mais qu'il n'a eu aucune suite. En d'autres termes, le ministre de la Justice de l'époque n'a pas demandé à ses collègues du Cabinet de l'adopter comme principe directeur. Et il n'y a pas eu de motion ou de résolution de la Chambre pour l'adopter.

Mme Kane: C'est exact. En 1985, le Canada était l'un des coparrains de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels des Nations Unies. À cette époque, en tant que parrains nous croyions nous conformer à la Déclaration des Nations Unies. Mais de retour au Canada, ayant informé nos homologues provinciaux que cette motion avait été adoptée par les Nations Unies, tous les gouvernements ont exprimé le désir de faire quelque chose de plus pour assurer que ces principes sont reflétés dans les faits.

L'énoncé canadien a donc été préparé pour servir de référence pour la future politique au niveau fédéral et pour les futures lois au niveau provincial. Une fois qu'il a été entériné par tous les procureurs généraux, provinciaux et fédéral, on n'a pas fait beaucoup de publicité sur son existence. Nous nous y sommes certes reportés au cours des huit dernières années comme référence pour l'élaboration de notre propre politique, mais il reste assez méconnu. Je le reconnais volontiers.

Mme Shaughnessy Cohen: Très bien. Madame Kane, étant donné que divers ministres, y compris le ministre de la Justice de l'époque, l'ont adopté, je suppose que votre ministère doit en tenir compte dans la rédaction des lois. N'est-ce pas?

Mme Kane: C'est exact.

Mme Shaughnessy Cohen: Mais rien n'y oblige le gouvernement. Je me demande simplement si d'autres mesures devraient être prises. Devrait-on le faire adopter par le Cabinet? Devrait-il faire l'objet d'une résolution ou d'un texte adopté par la Chambre? Comment pourrions-nous lui donner plus d'importance, pour commencer, mais aussi plus de poids?

Mme Kane: Je crois que vous avez déjà suggéré certaines idées qui méritent d'être étudiées. Je suis certaine qu'il y a moyen de valoriser ou de mieux exposer les positions canadiennes. Il pourrait y avoir une motion déposée à la Chambre, voire une publication à plus grande diffusion indiquant que c'est l'énoncé qui guide le travail quotidien réalisé sous la responsabilité du ministère de la Justice et sous la responsabilité de nos collègues du ministère du Solliciteur général.

Mme Shaughnessy Cohen: Le ministère de la Justice a-t-il un énoncé de mission?

Mme Kane: Oui.

Mme Shaughnessy Cohen: Est-ce qu'il inclut ce principe?

Mme Kane: Je ne le crois pas.

Mme Shaughnessy Cohen: A-t-il été publié sous une forme ou sous une autre, comme par exemple les jolies petites cartes qu'on distribue dans les tribunaux?

Mme Kane: Non.

Mme Shaughnessy Cohen: Très bien. C'est ce qu'ils font. Il faut fréquenter les prétoires. Il y a toutes sortes de jolies petites cartes qui sont distribuées, et il me semble... Je ne prétends pas un instant que c'est la solution à ce problème, mais si le gouvernement l'adoptait et si les gens le savaient, ils pourraient demander au gouvernement de le faire mieux respecter, car ils le verraient écrit noir sur blanc ou vert sur jaune, peu importe.

Je veux vous poser une ou deux autres questions.

Si nous décidions de dire au ministère de la Justice ou à un autre ministère: «Montrez-nous d'autres lois dans lesquelles nous pourrions recommander des changements afin de garantir les droits des victimes, le respect de droits qui existent déjà...» Il est évident que certains de ces droits existent déjà. Je pense à une note de service. Si je pense à tout cela, c'est parce que quelque chose est arrivé sur mon bureau la semaine dernière en provenance du ministère du Solliciteur général à propos des pardons. C'était toute une brochure. On nous demande de temps en temps notre avis sur certains pardons. J'ai reçu cette note de service qui disait: «Nous sommes en train de changer notre politique - et je ne pouvais pas croire que ce n'était pas déjà leur politique - en cas de non-respect d'une ordonnance de dédommagement, désormais nous n'accorderons plus de pardon.»

Si quelqu'un fait une demande de pardon, mais doit une réparation pécuniaire ou autre à une victime, il ne peut bénéficier d'un pardon. Il me semble qu'il devrait être impossible de bénéficier d'un pardon quand une ordonnance de service communautaire comme condition de probation n'a pas été respectée. Je sais que cela pose un problème de double condamnation, mais j'essaie de comprendre.

Il ne serait peut-être pas mauvais d'examiner nos lois sur la faillite pour voir si nous ne pourrions pas au moins empêcher certains d'esquiver des ordonnances de dédommagement en se déclarant en faillite.

.1710

Je sais que nous avons facilité la procédure des ordonnances de dédommagement avec le projet de loi C-41, mais avons-nous vraiment fait tout ce qu'il fallait pour qu'elle soit respectée?

Mme Kane: Le respect de ces ordonnances a toujours causé de gros problèmes aux victimes d'actes criminels. À l'origine, dans le projet de loi C-89 nous avions inclus certaines dispositions d'exécution pénale pouvant aboutir à l'incarcération pour non- respect d'une ordonnance de dédommagement. Mais la procédure de justification était très longue. Nous nous sommes tous rendu compte que ce n'était pas ce qui permettrait aux victimes de récupérer leur dû.

De manière analogue, il y a d'autres recours susceptibles d'encourager le versement de ces réparations, mais rien ne peut garantir que les victimes finissent par récupérer cet argent. Votre suggestion mérite d'être étudiée, mais je ne suis pas certaine que les bénéficiaires de ces ordonnances de dédommagement y trouvent leur compte.

Le recours aux ordonnances de dédommagement n'est pas aussi fréquent qu'on pourrait le penser, car malheureusement les délinquants ont tendance à ne pas avoir les ressources suffisantes pour honorer ces ordonnances.

Mme Shaughnessy Cohen: Je trouve qu'il faut reconnaître l'existence de ces problèmes, mais il me semble que s'il y a dix obstacles qui s'opposent au dédommagement et si l'un de ces obstacles est que le type ou la femme en question a fait faillite, pourquoi ne pas supprimer au moins cet obstacle-là, afin que l'on puisse faire preuve de créativité et trouver un autre moyen de mettre la main sur les biens?

Enfin, le fait d'examiner diverses possibilités dans le domaine de compétence fédérale ne cause pas de problèmes constitutionnels.

Mme Kane: Non.

Mme Shaughnessy Cohen: Alors pourquoi ne pas faire ce que nous avons tenté de faire dans le dossier des pensions alimentaires? On pourrait par exemple empêcher quiconque est visé par une ordonnance de dédommagement d'obtenir le moindre permis fédéral. On pourrait interdire à une personne qui est dans cette situation de s'enregistrer légalement, lui refuser la permission d'avoir un fusil, un permis d'exportation ou une foule d'autres permis. Pourquoi pas?

Mme Kane: Je suis certaine que l'on pourrait examiner la chose. Il faudrait partager les renseignements avec les provinces, lesquelles seraient mieux placées pour savoir si une ordonnance de dédommagement est en vigueur, ou bien une ordonnance de service communautaire ou une pénalité quelconque. Cela pourrait assurément être examiné de près.

Mme Shaughnessy Cohen: Et la Loi sur les produits de la criminalité? Je viens de tomber là-dessus. Sauf erreur, quand on a remanié la Loi sur les produits de la criminalité, les provinces avaient des objections à ce que cet argent soit réservé à une fin précise. Mais si la GRC saisit une voiture très coûteuse, comme une Porsche, pourquoi ne pas verser une partie de cet argent dans un fonds pour les victimes?

Mme Kane: Je ne suis pas compétente pour me prononcer sur le programme actuel concernant les produits de la criminalité, mais je sais que cette recommandation a déjà été faite et examinée dans le passé. D'après mes renseignements, un régime détaillé est en place pour dépenser l'argent provenant de la criminalité, et actuellement pas un sou n'est versé dans un fonds pour les victimes.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Randy White.

M. Randy White: À mes yeux, cette question met en cause des principes, des lignes directrices, des questions qui restent sans réponse, du moins dans l'esprit des gens, des problèmes de manque d'uniformité ou des problèmes qui se posent localement. Cela ne va certainement pas disparaître. On dirait que le dossier est de plus en plus d'actualité, à mesure que les groupes intéressés prennent de l'ampleur et que des crimes continuent d'être perpétrés.

.1715

J'ai trouvé intéressante votre observation de tout à l'heure. Au sujet des droits, je pense que vous faisiez allusion à l'un des groupes de travail qui ont dit que si l'on ne pouvait respecter les droits des victimes, ces dernières n'en seraient que plus frustrées. Il m'a semblé que c'était en effet le cas. Mais quand j'examine la question dans son ensemble - et j'ai étudié cette question passablement à fond depuis trois ans et demi - je constate qu'il y a énormément de frustration parce que cela ne se fait pas, si vous voyez ce que je veux dire. Alors, d'où viendra la solution? Comment résoudre ce problème? Faut-il rejeter une déclaration des droits des victimes parce que ces dernières pourraient en être frustrées, ou bien est-ce précisément parce qu'il n'existe pas de déclaration des droits des victimes que ces dernières sont frustrées?

Mme Kane: Ce qu'il faut, c'est s'assurer que nous répondons effectivement aux besoins des victimes. Quand on a d'abord examiné la possibilité d'une déclaration des droits des victimes, il n'y avait pas autant de services qu'actuellement pour les victimes. Toutes les provinces ont dit clairement qu'elles n'avaient que des ressources limitées à consacrer aux victimes et elles veulent s'assurer que leurs efforts sont le plus efficaces possible. On estimait qu'il pourrait être nuisible de légiférer en vue de créer certains droits si l'on n'était pas en mesure de faire respecter ces droits à cause de l'absence de services efficaces. Les autorités provinciales veulent donc mettre en place les services avant de dire que les victimes ont des droits ou d'énoncer des principes applicables aux victimes.

M. Randy White: Je vous remercie de répondre à ces questions avec beaucoup de franchise.

Au fond, l'information joue un rôle très important dans toute cette question de droits. Si vous jetez un coup d'oeil sur le document que j'ai présenté et vous rappelez ce dont la plupart des victimes nous ont parlé aujourd'hui, vous verrez que les victimes manquent d'information. Pourtant, beaucoup de gens dans les milieux juridiques sont tout à fait contre l'idée de faire participer les victimes de plus près à tout ce qui touche à l'information en provenance et à destination d'un tribunal. Comment voyez-vous cette interaction? À votre avis, cela deviendrait-il plus compliqué si les victimes disposaient de cette information?

Mme Kane: Les renseignements dont les victimes disent avoir besoin sont habituellement des renseignements sur le fonctionnement général du système de justice pénale - lesquels ne sont nullement secrets et ne peuvent qu'être utiles aux victimes - ainsi que des renseignements spécifiques sur leur propre affaire, c'est-à-dire qu'est-ce qui va se passer et quand, à quelle date l'accusé va-t-il comparaître, à quelle date est l'audience sur la caution, à quelle date l'affaire a-t-elle été ajournée, quand la sentence sera-t-elle prononcée...

M. Randy White: La négociation du plaidoyer.

Mme Kane: ... des renseignements des procureurs sur les accusations qui seront portées et à quelle fin, etc.

Il y a 10 ou 15 ans, on semblait hésiter beaucoup à diffuser ces renseignements dans l'appareil judiciaire, mais je crois qu'aujourd'hui on n'a plus la moindre hésitation. On semble dire plutôt qu'il faut la collaboration des victimes parce qu'elles sont des témoins essentiels dans le système de justice pénale et que sans leur collaboration le système ne pourrait pas fonctionner. Il faut donc examiner toutes les possibilités susceptibles de faciliter cette coopération.

M. Randy White: En fait, je trouve qu'il y a en ce moment même beaucoup de répugnance à cet égard, et bien des victimes pourraient vous le confirmer.

Mme Kane: Je devrais peut-être m'exprimer autrement. Je ne vais pas en cour tous les jours. Je discute de ces questions avec des procureurs et d'autres adjoints du procureur général, qui se montrent très enthousiastes à ce sujet. Maintenant, j'ignore ce qu'auraient à dire les représentants des accusés au sujet de la participation des victimes.

M. Randy White: Alors comment voyez-vous le rôle du Parlement dans tout cet exercice?

Mme Kane: Je crois que le rôle du Parlement est d'explorer la question et de voir ce que le législateur fédéral peut faire dans le cadre de son mandat. Il est possible de régler de nombreuses questions au moyen du Code criminel, et on l'a fait souvent. Je sais que la Commission des libérations conditionnelles et le Service correctionnel ont pris des initiatives, et le comité pourrait entendre des représentants de ces organisations. Ils pourraient mieux vous expliquer les mesures qui ont été prises pour répondre aux préoccupations des victimes. Chose certaine, je crois que le Parlement du Canada jouerait le rôle qui est le sien en faisant mieux connaître les préoccupations des victimes.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, monsieur White. Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente.

.1720

La semaine dernière, en écoutant le témoignage des groupes de représentants des victimes, j'ai été frappé par les témoignages de Mme Mahaffy et de Mme McCuaig, toutes les deux de la même province, l'une ayant reçu de bons services et l'autre un service épouvantable. C'est pourtant la même province, et cela m'inquiète.

Une autre chose me préoccupe au sujet des victimes. Il faut être réaliste: nous consacrons énormément de ressources à notre système judiciaire. Vous avez dit qu'il était très important d'obtenir la collaboration de la victime pour que le système judiciaire fonctionne bien. Pourtant, la confrontation met en cause la Reine contre l'accusé, et, à part le fait qu'il faut la collaboration de la victime comme témoin, les victimes n'ont pas grand-chose à dire dans tout cela. Je songe au grand nombre de gens dans les tribunaux qui sont chargés d'établir la culpabilité, de décider de la détention avant procès, de l'arrestation, par exemple les procureurs, les juges de paix et les juges. Il me semble raisonnable de s'attendre à ce que, dans un palais de justice comportant de nombreuses salles d'audience, on puisse trouver des ressources pour des services destinés spécifiquement aux victimes. Je trouve qu'il est important de sensibiliser tous les intervenants du système de justice au traitement des témoins.

Nous reconnaissons également qu'ils sont surchargés de travail et qu'ils doivent probablement s'occuper de cas dont ils ne devraient pas se charger en droit pénal, ce qui alourdit parfois le système jusqu'au point de rupture. Il y a tellement de choses aléatoires dans le fonctionnement d'un tribunal de droit pénal. Parfois, le procureur et l'avocat de la défense concluent un marché, et l'instant d'après ils se retrouvent dans un tribunal en train de plaider coupable. Si nous essayons de ralentir ce processus, les tribunaux ne pourront plus fonctionner à cause d'un trop grand nombre d'affaires. Je pense donc qu'il faut essayer de détourner certaines affaires des tribunaux. J'en ai très nettement l'impression.

Par ailleurs, il faut qu'il y ait au moins une personne chargée du service aux victimes dans les tribunaux où un grand nombre de gens défilent. Pour chaque accusé, on a une ou plusieurs victimes. Je sais que c'est un problème de ressources, mais il y a tellement d'effectifs de l'autre côté et si peu du côté de la victime. En fin de compte, il s'agit donc de trouver les ressources.

Je crois que nous pourrions légiférer en modifiant le Code criminel et d'autres lois. Nous pourrions essayer d'avoir l'appui des provinces pour élaborer une norme commune.

Mme Kane: Le problème des ressources suffisantes pour les victimes d'actes criminels été pointé du doigt comme étant une préoccupation grave. Il n'y a jamais assez d'argent. C'est pourquoi, comme solution partielle à ce problème, nous avons ajouté au Code criminel, en 1988, la disposition sur la suramende compensatoire, dont les revenus servent à financer les services aux victimes.

D'autres provinces en ont fait autant. L'automne dernier, j'ai rencontré les directeurs des services aux victimes de toutes les provinces, et ils m'ont tous confirmé que leurs services d'aide aux victimes sont financés grâce aux recettes provenant de la suramende compensatoire. À ce moment-là, aucune autre ressource gouvernementale n'était consacrée à ces services. C'était entièrement financé grâce aux suramendes compensatoires, mais même avec ce montant très limité on faisait d'excellentes choses.

Pour ce qui est des services aux victimes qui doivent témoigner, on trouve dans la plupart des grandes villes un coordonnateur des témoins victimes d'actes criminels. Évidemment, cela n'existe pas dans les petites villes. Je sais qu'en Ontario, par exemple, on est en train d'établir une ligne téléphonique accessible dans les endroits où il n'existe pas dans les palais de justice des responsables pour les victimes. Ce n'est peut-être pas suffisant pour aider le grand nombre de victimes qui défilent chaque jour dans un tribunal et pour répondre à tous leurs besoins, mais c'est du moins un début.

.1725

Je crois que si le comité doit entendre des représentants des services provinciaux d'aide aux victimes, ces derniers pourront fournir plus d'information sur ce qui existe actuellement, le coût de ces services et la façon de les financer.

M. Andrew Telegdi: J'ai quasiment le goût d'en entendre davantage sur l'affaire Mahaffy et l'affaire McCuaig, afin d'essayer de tirer au clair pourquoi les autorités provinciales ont raté leur coup dans ces affaires. Il n'y a aucun doute que l'affaire McCuaig est une histoire à faire dresser les cheveux sur la tête et que cela ne devrait pas arriver. Une personne dans cette situation devrait en fait pouvoir compter sur une personne qui lui serait affectée en exclusivité pendant un certain temps, pour l'aider à surmonter le choc qu'elle et toute sa famille ont subi à la suite de la perte d'un être cher. Je sais qu'au Canada nous croyons à l'assurance et au partage des risques...

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Telegdi, pourriez-vous terminer rapidement?

M. Andrew Telegdi: Oui. Il faut mettre des ressources à la disposition des victimes. Il ne s'agit pas seulement de sauver les apparences, madame la présidente, il faut aussi composer avec toutes les retombées du crime. Peut-être que la suramende compensatoire, ce n'est pas suffisant. Peut-être que les provinces et nous devons trouver l'argent nécessaire.

Mme Kane: Je serais très étonnée que les montants provenant de la suramende compensatoire soient suffisants, mais il semble bien qu'actuellement ce soit la seule source de fonds sur laquelle on puisse compter pour les services aux victimes.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci. Vos ressources sont épuisées, monsieur Telegdi.

C'est maintenant le tour du Parti réformiste. Vous avez un déficit d'une vingtaine de secondes parce que j'ai ajouté du temps.

M. Jack Ramsay: Je ne pense pas que j'aurai besoin de ces 20 secondes, madame la présidente.

Je voudrais avoir une précision. Le groupe de travail sur les victimes est-il fédéral-provincial?

Mme Kane: Oui.

M. Jack Ramsay: Il compte donc des représentants des autorités fédérales.

Mme Kane: Oui.

M. Jack Ramsay: Je voudrais poursuivre dans le sens des observations de M. Telegdi. Il a raison. S'il y a inégalité dans l'application des services ou dans les droits, j'en conclus que ce ne sont pas du tout des droits et qu'il faudrait que ce soit inscrit dans la loi. Si c'est inscrit dans la loi et que ces droits sont refusés aux victimes, alors quelqu'un a des comptes à rendre. Mais il faudrait que ce soit légiféré. Si ces droits inscrits dans les diverses lois provinciales ne sont pas vraiment des droits, mais simplement des politiques - par exemple si le procureur de la Couronne ou la police peuvent informer la victime s'ils le veulent, mais qu'il n'y a aucune répercussion s'ils n'ont pas envie de le faire - alors ce ne sont pas du tout des droits, et la loi n'atteint pas son objectif.

Des membres de notre caucus ont assisté à des audiences portant sur des demandes présentées aux termes de l'article 745, audiences durant lesquelles les déclarations faites par les familles des victimes ont été expurgées par le juge. Ce dernier a littéralement supprimé des parties - ce passage est inutile, disait-il, et nous allons le retrancher - de sorte que la version finale ne représentait pas du tout ce que la personne voulait vraiment présenter au jury.

Si nous voulons faire les choses comme il faut, il faut légiférer et il faut dire aux tribunaux, au procureur de la Couronne et à la police ce qu'ils sont tenus de faire aux termes d'une loi que nous aurons adoptée. S'il y a une macédoine de lois provinciales diverses d'un bout à l'autre du pays, les services ne sont pas assurés. Compte tenu des demandes présentées à cor et à cri par divers groupes qui réclament ces droits, il semble bien que les lois provinciales ne renferment aucun droit. Les renseignements sont fournis au gré des diverses autorités de l'appareil judiciaire. Ce que les groupes nous disent, c'est que ce n'est pas satisfaisant.

Comme M. Telegdi l'a signalé, il y a eu dans la même province deux affaires parallèles, l'une des victimes obtenant un excellent service, tandis que l'autre n'a eu aucun service. Pourquoi? Pourriez-vous répondre à cela? Quelle en est la raison?

Mme Kane: Je ne peux pas répondre à cette question parce que je ne suis pas une fonctionnaire de la province d'Ontario, mais j'attire votre attention sur le fait que ces deux affaires sont arrivées dans une province où il existe une déclaration des droits des victimes.

.1730

Ce que j'essayais de faire comprendre, c'est que c'est une chose de dire que la victime a des droits et c'en est une autre de s'assurer que ses droits sont respectés en fait. Telle était la préoccupation formulée initialement: le simple fait de les appeler des droits n'en fait pas pour autant des droits.

Quel serait le recours en cas d'atteinte aux droits d'une personne ou d'abrogation de ses droits? J'ignore si vous y avez réfléchi. Je ne sais pas comment m'attaquer à cela. Si une victime n'a pas réussi à obtenir des renseignements en temps voulu, quel est le recours? Je conviens que cela ne devrait pas être laissé à la discrétion des procureurs, mais il me semble que la plupart d'entre eux sont bien intentionnés et que, bien souvent, quand des renseignements ne sont pas fournis, c'est à cause d'un oubli ou de la surcharge de travail, ou quoi que ce soit. Habituellement, ce n'est pas intentionnel.

M. Jack Ramsay: Eh bien, nous savons en tout cas quel est le recours quand les droits du contrevenant ne sont pas respectés. Nous savons bien quel est le recours. Je suppose que ce que nous recherchons, c'est un recours qui constituerait plus ou moins une garantie que les diverses composantes de l'appareil judiciaire fourniront les renseignements voulus aux victimes. S'ils ne le font pas, il faudrait qu'il y ait une sanction quelconque.

Mme Kane: Je comprends que cela puisse être un objectif à atteindre, mais je crois que c'est aux victimes qu'il faut poser la question. Quelle réparation voudraient-elles si ces principes ne sont pas adéquatement appliqués? Je serais étonnée qu'elles veuillent repasser par un autre procès. Après un certain temps elles veulent tourner la page. Les réparations doivent être adaptées à chaque situation.

M. Jack Ramsay: Merci.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Il vous reste encore six secondes.

M. Randy White: Je peux m'en prévaloir?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): J'ai le sentiment que cela prendrait plus de six secondes.

C'est une sonnerie de 15 minutes, et Mme Cohen m'a fait savoir qu'elle veut intervenir, et M. Telegdi aussi. On pourrait peut-être prendre cinq minutes.

Mme Shaughnessy Cohen: Est-ce qu'on pourrait tirer quelque chose d'efficace de cela? J'invite mes collègues à faire preuve de créativité. Comme M. White l'a dit, il faudrait peut-être procéder à une consultation à l'échelle nationale.

On pourrait parler de la formule - pas nécessairement aujourd'hui - comme des voyages, des vidéoconférences ou une conférence nationale, comme on l'a fait pour le forum national sur la Loi sur les jeunes contrevenants, qui rassemblerait les intéressés, qui pourraient être subdivisés en petits groupes. On pourrait y consacrer deux jours, en compagnie de professionnels de divers milieux et de gens qui ont réfléchi à la question, comme des gens de services de pastorale, tous sur un pied d'égalité. C'est une idée. On pourrait le recommander dès maintenant.

Est-ce qu'il serait possible de demander au ministère de la Justice de compiler les lois fédérales où se trouvent des droits que l'on pourrait limiter dans le cas de quelqu'un qui a été trouvé coupable d'une infraction? La restitution semble être la voie de l'avenir. Je pense à la Loi sur la faillite, aux permis, aux passeports et à la pension alimentaire pour enfants. Est-ce que cela demanderait plus d'une journée et demie de travail? Vous n'avez rien d'autre à faire, n'est-ce pas?

Mme Kane: C'est faisable. Pas en une journée et demie, mais ce serait un excellent projet d'été pour un étudiant.

Mme Shaughnessy Cohen: Vous pourriez y affecter quelqu'un.

Mme Kane: Oui, et ce serait prêt à l'automne, ou...

Mme Shaughnessy Cohen: Vous pourriez remettre la compilation au comité.

Mme Kane: Tout pourrait être remis au comité.

M. Randy White: Notre gouvernement la recevra à l'automne.

.1735

Mme Shaughnessy Cohen: Je sais, Randy. Si j'étais à votre place...

M. Randy White: Vous feriez la même chose.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Ne vous en faites pas, Randy, il reste encore beaucoup de temps.

Mme Shaughnessy Cohen: Randy, si j'étais à votre place, j'en ferais autant. J'essaye de mettre quelque chose en marche.

Madame la présidente, j'aimerais demander à mon collègue d'en face - dont j'essaie en vain de déchiffrer la cravate noire et blanche - s'il accepterait cette proposition pour mettre les choses en branle.

M. Randy White: Oui, je pense...

Mme Shaughnessy Cohen: Et si je mets cela par écrit demain...

M. Randy White: Nous sommes ouverts à ces idées. Il y a une distinction entre les droits et les privilèges; on a eu de bonnes discussions là-dessus.

Mme Shaughnessy Cohen: Je veux...

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Les deux dernières minutes de la séance appartiendront à M. Telegdi.

Mme Shaughnessy Cohen: Ce que vous pouvez être dictatoriale, vous, alors! Heureusement que vous n'occupez pas le fauteuil tout le temps.

Des voix: Oh, oh!

M. Andrew Telegdi: Cela m'inquiète beaucoup qu'Olson puisse communiquer avec ses victimes. Je n'en reviens pas. Le juge aurait très bien pu le lui interdire. Moi, je dirais le contraire: à moins que le juge ne dise que vous en avez le droit, cela vous est interdit. Cela me dépasse.

Je pense qu'il devrait aussi y avoir des consultations nationales. Pour que le comité comprenne bien, je pense qu'il faudrait faire venir des gens de l'affaire Mahaffy et de l'affaire McCuaig et commencer à poser des questions aux autorités provinciales. Il faut démêler cette affaire. Quand ce sera fait, nous pourrons préparer des recommandations majeures. Et s'il faut une loi, je serai pour.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Il nous reste 30 secondes. Pour quelque chose d'aussi complexe, où il faut comprendre tous les points de vue, il faudrait essayer de rassembler tous les intéressés, parce que nous avons déjà entendu Mme Mahaffy.

La difficulté, c'est qu'il nous vient une idée que l'on ne présente jamais à la personne qui a comparu la veille. Si on réunissait tout le monde, nous pourrions tous en débattre et nous entendre sur la direction à prendre. Ce n'est que mon avis à moi.

M. Randy White: J'hésiterais à rencontrer uniquement les Mahaffy et les McCuaig...

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Non, je ne voulais pas dire...

M. Randy White: Il y a quantité de gens à qui quelque chose de semblable est arrivé, presque exactement la même chose...

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): On peut faire venir des représentants. Je voulais seulement dire que l'échantillon devrait être représentatif.

Il nous reste moins de 10 secondes.

Je remercie beaucoup le témoin, qui a encore une fois fait du travail éblouissant.

Mme Shaughnessy Cohen: Prévenez le ministère de ce qui s'en vient.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Oui, et trouvez de l'argent pour un étudiant cet été. Randy n'aura peut-être rien d'autre à faire cet été.

Des voix: Oh, oh!

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Faites bien attention à vous.

La séance est levée.

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