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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 8 mai 1996

.1617

[Traduction]

La présidente: Nous sommes en retard à cause du vote. Nous avons un autre vote à 17 h 30.

Nos témoins d'aujourd'hui sont Les Horne, directeur général de Defence for Children International et John Topping, président, Youth Participation Committee de la Coalition canadienne pour les droits des enfants.

Je tiens à vous souhaiter la bienvenue à tous les deux et à vous présenter nos excuses. Nous devons voter sans quoi les lois ne sont pas adoptées et voilà pourquoi nous commençons en retard. Cela n'a rien à voir avec l'intérêt que nous portons à votre témoignage. Nous nous ferons un plaisir de vous entendre. Je vous demanderais seulement de nous laisser un peu de temps pour poser des questions à la fin.

M. Les Horne (directeur général, Defence for Children International): Merci beaucoup. Nous serons aussi brefs que possible.

Je suis le directeur général de Defence for Children International - Canada, section anglophone.

DCI est un organisme international qui a son siège social à Genève. Chaque section est autonome. Nous avons une cinquantaine de sections nationales. Nous travaillons dans le monde entier depuis 1979, c'est-à-dire depuis la Déclaration des droits de l'enfant, à la préparation et à la mise en oeuvre des droits des enfants et nous avons joué un rôle assez important dans l'élaboration de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Je dois vous expliquer que le mémoire que vous avez reçu et qui s'intitule: «La Loi sur les jeunes contrevenants - Pour la rendre juste pour les enfants» a été préparé par John. John est le coordonnateur de la jeunesse de la Coalition canadienne pour les droits des enfants. Au départ, la Coalition canadienne, dont je suis le vice-président, devait présenter un mémoire, mais nous nous sommes aperçus que deux de nos membres avaient adopté une position légèrement différente de la nôtre. Comme nous n'avions pas de solution de rechange, nous avons décidé de procéder ainsi.

Pour ce qui est de notre exposé d'aujourd'hui, je possède une certaine expérience pratique dans ce domaine. Je travaille auprès des jeunes depuis 1950. J'ai dirigé des services qui s'occupaient des bandes de jeunes, à Londres. Je suis ensuite venu au Canada où j'ai été le directeur d'un centre d'éducation surveillée pour les enfants en Ontario, de 1965 à 1975. J'ai ensuite été intercesseur pour les enfants de la province de l'Ontario, avec George Thomson, que vous êtes nombreux à connaître. J'ai exercé ces fonctions pendant 15 ans.

Le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui est très spécifique. En effet, j'ai lu un bon nombre des mémoires que vous avez déjà vus et dont certains ont été présentés au cours de la dernière session. J'ai constaté qu'ils ne prêtaient pas beaucoup attention au fait que le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, que toute la Coalition canadienne pour les droits des enfants considère comme l'un des documents les plus importants de ce siècle. Le Canada l'a signé et, ce faisant, il a accepté certaines responsabilités dont il s'écarte selon nous en proposant certains changements à la Loi sur les jeunes contrevenants.

.1620

Cette convention impose des obligations aux pays qui l'ont ratifiée. Ces pays doivent comparaître, deux ans après la signature et ensuite tous les cinq ans devant le Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant. Le Canada a comparu en juin 1995 afin d'indiquer comment il comptait mettre en oeuvre les articles de la convention. Le rapport du comité a été publié en juin et le comité a demandé qu'il soit largement diffusé. J'ignore à quel point il l'a été.

À l'époque, le comité avait déjà remarqué certaines lacunes dont une réserve à l'égard du paragraphe 37c) de la convention portant qu'un enfant a le droit de ne pas être détenu avec des adultes. La raison d'être de cette réserve vous paraît sans doute évidente, mais le comité s'attend à ce qu'elle soit supprimée. D'après ce que nous pouvons voir, les chances qu'elle le soit sont plus faibles que jamais étant donné les changements proposés.

Dans notre mémoire, nous passons en revue certains articles de la convention concernant le traitement des jeunes contrevenants et nous donnons notre opinion sur les mesures proposées au Canada à la suite de l'inquiétude croissante du public. Nous craignons que cette inquiétude croissante du public...

La convention a un long passé. Il a fallu examiner attentivement la question pendant 30 ans en consultant des experts du monde entier pour en établir le libellé. Ce serait un dangereux précédent que de compromettre la convention en cédant à l'opinion publique et cela sur une courte période, très souvent sans avoir vraiment compris les vrais problèmes. C'est déjà arrivé au cours de l'histoire et c'est un très dangereux précédent.

Le gouvernement canadien a ratifié la convention des Nations Unies en décembre 1991. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 affirmait la nécessité de reconnaître des droits spéciaux aux enfants. La Déclaration des droits de l'enfant de 1959 était un document consultatif qui a été le point de départ d'une initiative de 30 ans dans laquelle le Canada a joué un rôle tout comme Defence for Children. Cela a donné lieu à l'adoption, en 1989, de la convention des Nations Unies.

La convention prévoit l'élection d'un Comité des droits de l'enfant auquel les pays doivent soumettre leur rapport. Le comité a publié ses conclusions en juin 1995 en recommandant qu'elles soient largement diffusées. Notre mémoire met en lumière certaines des préoccupations du comité et nous y soulignons que, comme les 180 autres États qui ont ratifié la convention, le Canada devrait adhérer aux accords internationaux dont il est signataire et ne surtout pas renier les promesses qu'il a faites à ses enfants.

Vous avez la copie de notre mémoire sous les yeux. Nous pourrions lire certains extraits de la convention, mais ils figurent tous dans le mémoire et je ne veux pas vous faire perdre votre temps en citant des documents que vous avez. Restons-en là et vous pourrez nous poser des questions.

La présidente: Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Topping?

M. John Topping (président, Youth Participation Committee, Defence for Children International): Non, pas pour le moment.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): J'aimerais tout d'abord savoir ce que vous pensez de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

.1625

Vous savez évidemment que le comité est ici pour étudier cette application. Cette loi est en vigueur depuis dix ans, et le ministre nous a demandé d'en évaluer le pour et le contre, ni plus ni moins. J'aimerais savoir quels sont les véritables objectifs de ce comité. Pouvez-vous me dire ce que vous en savez? Quelles sont vos évaluations à cet effet?

[Traduction]

M. Horne: Je vous dirai dans un instant ce que j'en pense personnellement.

Nous sommes vraiment désireux de savoir si le gouvernement et le Parlement canadien, considèrent qu'ils ont des comptes à rendre au comité des Nations Unies pour ce qui est de l'application de la convention. Si c'est le cas, il faudrait vérifier si chaque loi qui est adoptée respecte les droits que le Parlement a déjà accordés aux enfants canadiens en signant et ratifiant la convention.

À part cette question essentielle, en tant qu'intercesseur pour les enfants de l'Ontario, personnellement, je me suis toujours opposé, dans pratiquement tous les cas, à ce que les enfants soient transférés dans le système pénal pour adultes.

À mon avis, la Loi sur les jeunes contrevenants est devenue de plus en plus punitive comme si nous voulions punir nos enfants pour ce que nous leur avons appris ou laissé apprendre.

Pour ce qui est de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est très clair dans la convention, ce principe a été peu à peu édulcoré par les tribunaux canadiens et remplacé par l'intérêt supérieur de la société. À notre avis, l'intérêt supérieur de la société veut que l'on tienne compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et il faudrait voir les choses ainsi.

[Français]

Mme Venne: Je vous dirai que ce n'est pas à moi, en tant que membre d'un parti de l'opposition, de répondre à la question que vous posez. Ce serait plutôt aux membres du gouvernement de le faire tout à l'heure.

Quant à savoir de quelle façon on applique l'article 37 de la Convention, je pense que vous pourrez le demander tout à l'heure aux membres du gouvernement, mais normalement, ce devrait être à nous de poser les questions.

Par contre, puisque vous semblez être un spécialiste de la Convention, je voudrais vous demander où vous placeriez le Canada, sur une échelle de 1 à 10, en ce qui concerne le respect de la Convention sur les droits de l'enfant.

[Traduction]

M. Horne: Si vous posez la question en ce qui concerne les principes correctionnels s'appliquant aux enfants, je dirais que le Canada était très en avance par rapport à de nombreux pays occidentaux il y a dix ans encore. Il a perdu du terrain depuis.

J'aimerais également savoir quelle est l'attitude des partis de l'opposition vis-à-vis de la convention, s'ils sont prêts à appuyer le gouvernement en disant que la convention est un document important qu'il faut appliquer.

Ce n'est donc pas uniquement ce dont je parlais. Dans son rapport de 1994 aux Nations Unies, le gouvernement canadien disait appuyer entièrement la convention.

Mais, comme vous l'avez dit, je ne devrais pas poser la question.

[Français]

Mme Venne: Si vous le voulez, nous pourrons avoir une conversation plus tard là-dessus. Pour l'instant, je n'ai plus de questions.

.1630

[Traduction]

La présidente: Merci.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci. Bien entendu, j'obtiens le temps que Mme Venne n'a pas utilisé, n'est-ce pas?

La présidente: Non, pas exactement. Cela ne marche pas tout à fait ainsi.

M. Ramsay: Non?

Mme Venne: Non, pas du tout.

La présidente: Si vous voulez céder votre temps au gouvernement, nous l'accepterons.

M. Ramsay: Je le ferai peut-être. Comme je dois aller à la Chambre pour faire un discours plus tard j'utiliserai donc la totalité de mes dix minutes et nous verrons après, madame la présidente.

Je vous remercie d'être venus. Estimez-vous que certaines dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants vont à l'encontre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant?

M. Horne: La loi telle qu'elle est ou les amendements?

Je ne suis pas avocat et je ne pratique donc pas le droit juvénile. J'ignore où intervient la décision concernant l'inversion du fardeau de la preuve, mais c'est certainement contraire à la Convention relative aux droits de l'enfant pour ce qui est des dispositions relatives au transfert.

Quant à l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est une autre question. Il s'agit là d'un principe général énoncé dans la convention et, comme je l'ai dit, il a été supplanté par d'autres intérêts.

M. Ramsay: J'éprouve certaines inquiétudes quant à l'obligation du Canada de se conformer aux conventions des Nations Unies. En effet, une fois qu'une convention est établie, si nous sommes tenus de l'appliquer, ce ne sera peut-être pas nécessairement dans notre intérêt. J'ai donc certaines inquiétudes à ce sujet.

À cet égard, si je me reporte aux pages 8 et 9 de votre mémoire, l'alinéa 40(2)b) porte ceci: «À ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit aux garanties suivantes» et au sous-alinéa (iv) il est dit: «Ne pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable».

Notre Loi sur les jeunes contrevenants prévoit des mesures de rechange, mais seulement pour ceux qui avouent leur culpabilité. S'ils ne l'avouent pas, quelle est l'autre possibilité? Aller devant le tribunal pour y affronter tout ce que cela peut représenter dans l'esprit du jeune contrevenant. On pourrait considérer que c'est une forme d'incitation ou de coercition de la part du gouvernement et de la loi pour l'amener à avouer.

Je suis pour les mesures de rechange, surtout dans le cas d'infractions non violentes. Si cette disposition peut être considérée comme une violation de la convention, je n'aime pas beaucoup l'idée que le gouvernement soit obligé d'appliquer les conventions des Nations Unies. J'ai de sérieuses réserves à ce sujet. Je voudrais savoir si selon vous cela ne viole pas cette disposition de l'article 40 de la convention selon laquelle l'enfant ne doit pas être contraint de témoigner ou de s'avouer coupable.

Nous avons établi une procédure que nous pensons être dans l'intérêt supérieur des enfants qui ont commis des infractions non violentes. Nous les traitons de façon à amener une réconciliation entre le délinquant et la victime, à favoriser le remords sur lequel repose l'aveu de culpabilité ou qui résulte de ce processus.

Nous avons entendu des témoignages au sujet des cercles de détermination de la peine qui adoptent ce même principe. Cela donne de bons résultats dans certains cas où le contrevenant a avoué sa culpabilité.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Pensez-vous que ces mesures de rechange qui sont prévues non seulement dans la Loi sur les jeunes contrevenants, mais également dans le projet de loi C-41, je crois, qui modifiait le Code criminel et qui s'applique aux adultes, sont contraires au sous-alinéa 40(2)b(iv)?

M. Horne: Je n'ai jamais entendu dire que cela violait la convention, car je ne pense pas que ce soit coercitif. C'est incitatif, mais pas coercitif.

.1635

M. Ramsay: La nuance est plutôt subtile, n'est-ce pas?

M. Horne: Non, je crois que cela reste un choix volontaire, que vous admettiez ou non votre culpabilité ou que vous plaidiez coupable ou non.

M. Ramsay: Excusez-moi, mais s'il n'y avait qu'une solution, ce serait très bien, mais il y en a une autre et cela peut être considéré comme une incitation ou une coercition.

M. Horne: La deuxième solution est d'aller devant le tribunal et si vous...

M. Ramsay: Oui, quelles qu'en soient les conséquences... le traitement et l'expérience ne seront peut-être pas les mêmes qu'avec les mesures de rechange. Je crains donc que les articles de cette Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant ne puissent nuire à l'intérêt supérieur de l'enfant.

M. Horne: Je n'ai jamais entendu dire qu'il y avait là une contradiction ou une contravention et je ne pense pas que Cynthia Price Cohen, qui a sans doute fait le meilleur commentaire juridique de la convention aux États-Unis, ait fait valoir cet argument. Quelqu'un l'a peut-être fait, mais je ne dirais certainement pas ce genre de choses.

Je suis allé en Nouvelle-Écosse étudier les mesures de rechange que cette province a adoptées longtemps avant l'Ontario et j'en suis revenu en recommandant que l'Ontario suive son exemple, car c'est certainement dans l'intérêt de l'enfant.

M. Ramsay: Je vous remercie de ce que vous avez dit au sujet de mes inquiétudes à cet égard.

Dans votre mémoire, et vous l'avez aussi mentionné je crois dans votre exposé, vous dites ne pas croire qu'il faudrait renvoyer les adolescents devant les tribunaux pour adultes. Si un jeune de17 ans commet un meurtre, pensez-vous qu'il soit inacceptable de le faire juger par un tribunal pour adultes comme la loi en prévoit la possibilité? Pensez-vous que ce soit répréhensible et qu'il faudrait modifier la loi et, dans l'affirmative, pourquoi?

M. Horne: Je crois qu'il est contraire à la convention signée par le Canada que des jeunes contrevenants... La question de l'âge, que ce soit 16, 17 ou 18 ans, a toujours posé un problème dans la jurisprudence canadienne du fait que l'âge diffère d'une province à l'autre et que la Loi sur les jeunes contrevenants a établi l'âge à 18 ans. Comme vous le savez, l'Ontario a beaucoup hésité à adopter cette norme et se sert toujours d'un système à deux paliers.

La convention des Nations Unies fixe l'âge à 18 ans. Il a été suffisamment démontré que le développement joue un rôle important jusqu'à l'âge de 18 ans. J'ai rencontré suffisamment de jeunes de 17 et même de 16 ans qui étaient de vraies terreurs pour me demander si l'on pouvait encore nourrir le moindre espoir à leur endroit. Mais je crois quand même qu'ils ont droit à la protection de la loi jusqu'à l'âge de 18 ans et qu'on doit considérer qu'ils peuvent encore changer.

M. Ramsay: Dans ce cas, la Loi sur les jeunes contrevenants viole cette disposition de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

M. Horne: En effet.

M. Ramsay: Estimez-vous qu'en raison de la convention nous devrions modifier la Loi sur les jeunes contrevenants afin qu'elle s'y conforme?

M. Horne: Je me rangerai du côté des autres témoins qui vous ont dit que la plus grosse lacune au Canada était le manque de ressources.

Quand j'ai dirigé un centre d'éducation surveillée pour les jeunes de moins de 12 ans, la Loi sur les jeunes délinquants nous permettait de placer les jeunes de 12 ans dans des établissements correctionnels. Les besoins terribles de ces enfants dépassaient tout ce que ces établissements pouvaient faire. On avait besoin d'un éducateur par enfant. Ces jeunes étaient tellement marqués, comme l'a dit un de mes amis l'autre jour à propos de certains enfants des rues, qu'il était difficile de leur témoigner de l'affection.

C'est ce que nous devons reconnaître. Quand les enfants ont été blessés comme la plupart de ceux qui arrivent dans les établissements correctionnels, nous devons chercher un moyen de les faire repartir du bon pied. Nous devons soigner leur esprit et leur conscience sociale. Il faudra pour cela que la Loi sur les jeunes contrevenants prenne des engagements bien réels que la société n'est pas prête à prendre pour le moment.

.1640

M. Ramsay: D'après les témoignages que nous avons entendus jusqu'ici, il faudrait consacrer beaucoup plus de ressources à la prévention de la criminalité chez les jeunes. Cela préoccupe très sérieusement les gens, du moins dans certaines régions du pays. Nous devons trouver un moyen de traiter le petit pourcentage de contrevenants très violents qui, après avoir purgé leur peine, ne montrent aucun signe de réinsertion sociale. S'ils sont libérés, ils menacent la vie et le bien-être physique des membres de la société.

Il faut donc trouver des solutions à ce problème. Ma préoccupation est la suivante. Comme nous disposons de peu de temps, je me limiterai à ceci. Je vois de sérieuses objections à ce que notre pays soit tenu d'appliquer des décisions prises à l'étranger. Autrement dit, nous ignorons comment régler les problèmes de notre société. Cela m'inquiète sérieusement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Horne: Je comprends ce que vous dites. Je crois que ces décisions ont été prises ici. Je pense que nous en avons discuté à la Chambre.

M. Ramsay: Dans ce cas, pourquoi y a-t-il une contradiction entre la Loi sur les jeunes contrevenants et la convention des Nations Unies pour ce qui est du renvoi devant un tribunal pour adultes?

M. Horne: C'est également la question que je me pose. Je ne comprends pas. Je crois que la convention des Nations Unies a été ratifiée et chaudement accueillie par tous les partis au Canada, tant ici qu'à l'Assemblée législative de l'Ontario. J'étais là quand c'est arrivé. Tout le monde a applaudi. On a ensuite mis la convention de côté et on n'en a pas tenu compte pour élaborer la loi.

L'autre question que vous avez soulevée concernait les jeunes qui réintègrent la société alors qu'ils sont encore dangereux et posent de hauts risques. Nous avons pu constater, dans les établissements correctionnels, que ce qui leur arrivait au centre n'avait pas d'influence. Ce qui comptait vraiment c'était ce qui leur arrivait lorsqu'ils quittaient le centre et réintégraient une société qui les voyait toujours d'un oeil négatif et ne leur donnait pas la moindre chance. Les ressources dont ils disposaient une fois de retour dans la société étaient beaucoup plus importantes que tout ce que nous pouvions faire d'autre. Et nous avons pourtant fait beaucoup.

M. Ramsay: Merci.

La présidente: Nous allons donner la parole à M. Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, madame la présidente. Monsieur Horne, merci d'être venu aujourd'hui. Je voudrais éclaircir toute cette question de la convention des Nations Unies.

Monsieur Horne, vous avez commencé à travailler dans les années 1950. Vous étiez le directeur d'un centre provincial pour jeunes délinquants au milieu des années 1960. Ne diriez-vous pas que la façon dont on traite les jeunes aujourd'hui est radicalement différente de ce qu'elle était il y a 30 ans?

M. Horne: Toute la société est radicalement différente de ce qu'elle était il y a 30 ans. Cela ne fait aucun doute.

M. Gallaway: Pour ce qui est de la convention des Nations Unies, en 1991, le Parlement canadien a ratifié une Convention relative aux droits de l'enfant. Je suppose que votre groupe, Defence for Children International, est au courant de la situation. Pourriez-vous me dire quelles sont les dispositions d'application prévues en cas de non-respect de la convention de 1991?

M. Horne: Pour le moment, il n'y a pas vraiment d'application.

M. Gallaway: Très bien.

M. Horne: Il y a un Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant. Il est composé de dix experts de renom dont la compétence est reconnue dans ce domaine et qui sont élus pour entendre les rapports des divers pays. Chaque pays doit présenter son rapport tous les cinq ans.

M. Gallaway: Oui.

M. Horne: Ce comité pose des questions à la délégation du gouvernement comme il l'a fait en juin dernier pour la délégation canadienne. Il exige des réponses et il y a deux jours d'audience.

M. Gallaway: Par conséquent, quand M. Ramsay dit qu'une autre instance exerce un contrôle sur le Parlement canadien, ce n'est pas tout à fait...

M. Horne: Il n'y a pas de contrôle.

M. Gallaway: Non, il n'y en a pas. Très bien.

Pour ce qui est de ce document de 1991, ne convenez-vous pas qu'il faudrait le lire à la lumière du contexte social actuel? Autrement dit, si vous l'aviez lu en 1965 quand vous étiez le directeur d'une institution provinciale, n'aurait-il pas été à l'encontre de l'attitude sociale qui prévalait à l'époque à l'égard du traitement des jeunes?

.1645

M. Horne: Si. Les droits se heurtent toujours à une certaine opposition. À l'époque où je dirigeais l'institution, on a accordé aux enfants le droit de recevoir du courrier sans qu'il soit ouvert. Nous pensions que c'était très dangereux. De nos jours, on ne penserait jamais à ouvrir le courrier par respect pour la vie privée.

M. Gallaway: Je vous pose des questions très tendancieuses...

M. Horne: Pas de problème.

M. Gallaway: Sans vouloir vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, ne croyez-vous pas qu'il y a tout un cadre idéologique en fonction duquel il faudrait juger les lois concernant les jeunes?

M. Horne: Ce n'est pas un simple cadre idéologique. Ce qui est exigé des États signataires me paraît clairement énoncé si vous examinez certaines dispositions de la convention. Il y est dit que les États parties doivent prendre des mesures pour empêcher que des enfants soient conduits et gardés illégalement à l'étranger; qu'ils doivent reconnaître que chaque enfant a le droit inhérent à la vie; qu'ils doivent respecter les responsabilités, les droits et les obligations des parents et prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres voulues pour faire respecter les droits reconnus dans la convention.

M. Gallaway: Je comprends ce que vous dites. Cela étant, je voudrais passer à l'une des déclarations que vous faites à la page 11 de votre mémoire. Vous dites que votre coalition:

Je vous ferai remarquer que, depuis deux semaines je crois, la Cour suprême du Canada - dans une cause civile - a déterminé que si une mère emmenait son enfant avec elle en Australie, c'était dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Il s'agissait d'un couple séparé ou divorcé. Au Canada, certains groupes qui militent pour les droits des conjoints désapprouvent totalement cette décision. Cependant, le juge a déterminé que c'était dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Je poserai la question ainsi. J'ai parlé de cadre idéologique. Il s'agit de simples lignes directrices. N'est-il pas possible que, vu sous un angle différent, ce que vous-même, M. Ramsay ou Mme Venne considérez comme l'intérêt supérieur de l'enfant soit contestable?

M. Horne: Je ne suis pas avocat. J'ai lu cet arrêt de la Cour suprême. Si j'ai bien compris, il rescindait un jugement d'une instance inférieure selon laquelle l'intérêt supérieur de l'enfant ne devait pas l'emporter. La Cour suprême a jugé que l'intérêt supérieur de l'enfant devait primer sur le reste. Elle n'a pas dit que la mère avait raison d'emmener l'enfant en Australie. Si j'ai bien compris, elle a dit que l'intérêt supérieur de l'enfant devait l'emporter.

À la page 11, nous faisons valoir que les intérêts supérieurs de l'enfant doivent être une considération primaire - et non pas absolue - dans toutes les décisions juridiques et administratives concernant les enfants. Cet arrêt de la Cour suprême était donc conforme au libellé de la convention même si je ne crois pas qu'elle ait cité la convention.

M. Gallaway: Par conséquent, quand le Parlement ou le comité formulent des recommandations qu'ils croient dans l'intérêt supérieur de l'enfant, ne reconnaissez-vous pas que votre groupe ou un autre pourrait s'opposer à ces recommandations?

M. Horne: Voilà pourquoi j'ai emmené John avec moi. Je pense que les enfants devraient pouvoir se prononcer eux-mêmes. Ce n'est pas à moi de dire où se situe l'intérêt supérieur de l'enfant. Je ne pense pas être qualifié pour le faire.

M. Gallaway: Voilà qui est intéressant. Je devrais vous demander quel rôle les parents doivent jouer, selon vous, dans la détermination de l'intérêt supérieur de l'enfant.

M. Horne: Tout dépend de l'âge de l'enfant.

M. Topping: C'est une question intéressante. Quelqu'un a très bien résumé le problème. C'était à propos de la définition des droits. Cette personne disait que les droits ne sont pas donnés aux enfants par un gouvernement, un organisme des Nations Unies ou les parents. Dans notre système comme dans toute démocratie libérale, ils font partie inhérente de l'être humain. Selon le libellé de la convention des Nations Unies, lorsque l'enfant grandit, les parents voient évoluer leur rôle qui consiste alors à aider l'enfant à exercer ses droits inhérents.

.1650

Dans ce sens, cela consiste à trouver des mesures de rechange, comme le dit la convention, pour aider les enfants à exercer leurs droits selon leur âge et l'un de ces droits est la participation et le droit de faire connaître son opinion. Il s'agit de trouver des solutions différentes. Bien entendu, on ne peut pas toujours poser directement la question à l'enfant ou à l'adolescent. Ce qui ne convient pas à un certain âge conviendra plus tard.

Il s'agit donc d'aider les enfants à exercer leurs droits inhérents au lieu de leur accorder des droits différents au fur et à mesure qu'ils grandissent. Ils possèdent ces droits à tous les stades de leur développement.

M. Gallaway: Je suis certainement d'accord avec vous, monsieur Topping. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Mais en même temps, notre comité se penche non pas sur une déclaration des droits, mais sur un élargissement du Code criminel. Comme vous le savez, les lois ne sont pas des déclarations des droits. Elles restreignent et interdisent certains types de comportement. Par conséquent, ma question porte sur la convention internationale. Souvent, lorsqu'on parle des droits internationaux de l'enfant, ne peut-on pas s'attendre à ce qu'une interdiction puisse parfois aller à l'encontre de ce qui semble être un droit?

M. Horne: Dans votre déclaration de principe, ne tenez-vous pas compte de la Charte canadienne pour modifier la Loi sur les jeunes contrevenants? Dans ce cas, pourquoi ne pas tenir compte de la convention des Nations Unies?

M. Gallaway: J'écoute. Je ne réponds pas aux questions.

M. Horne: Je le sais. C'était une question purement théorique, pour faire valoir mon point de vue.

M. Topping: En fait, nous préconisons l'uniformité entre les divers documents auxquels le gouvernement canadien donne son aval. Il s'agit d'assurer l'uniformité entre les documents qui existent déjà et ce qui peut nous aider à élaborer des lois.

M. Gallaway: Une dernière question. Envisagez-vous des circonstances où l'intérêt supérieur de la société l'emporterait sur l'intérêt supérieur de l'enfant? Compte tenu de ce document, pourriez-vous envisager un tel concept?

M. Horne: Compte tenu de ce document, la réponse est oui. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être la première considération, mais d'autres considérations peuvent parfois l'emporter, oui.

Je pense particulièrement à un certain meurtrier. J'ai été mêlé à cette affaire à titre de témoin et j'ai recommandé qu'il soit jugé par le tribunal pour adolescents, avec une certaine hésitation, car je ne voyais aucune possibilité... ce jeune était trop marqué.

M. Gallaway: Ne pourrait-on pas, dans certaines circonstances, considérer également de cette façon l'inversion du fardeau de la preuve?

M. Horne: Non, je n'envisage pas cette possibilité.

La présidente: Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: J'ai une courte question, madame la présidente. Vous savez que les gens sont de plus en plus craintifs vis-à-vis de la violence. Ils croient même qu'il y en a davantage maintenant qu'auparavant, ce que les statistiques ne confirment pas.

Qu'est-ce que vous leur répondez quand ils vous disent qu'on n'est pas assez sévère avec les jeunes, qu'on devrait avoir des lois plus sévères, qu'on devrait les encadrer et même les enfermer davantage? Quelle est votre réponse et comment faites-vous pour rassurer ces gens qui ont vraiment peur?

[Traduction]

M. Horne: Quand les gens éprouvent une peur hystérique, il est difficile de rassurer qui que ce soit. Mais l'expérience me porte à croire qu'on ne rend pas une personne moins dangereuse en la traitant durement, en la punissant et en lui faisant du mal. On ne fait que la marginaliser davantage, la rejeter de la société.

.1655

Tous les enfants avec lesquels j'ai travaillé voulaient avoir leur place quelque part et un bon nombre d'entre eux n'avaient aucune place dans la société avant d'arriver dans un centre de rééducation qui avait leurs intérêts à coeur. Je peux me vanter que c'est ce que nous leur avons apporté.

En fait, ce centre de rééducation fait l'objet d'une enquête à cause d'une plainte qui date d'il y a plus de dix ans. L'enquêteur m'a dit qu'il avait été sidéré de voir que pratiquement chacun des200 enfants qu'il était allé interroger aux États-Unis et au Canada lui avait dit qu'il avait passé là les meilleurs moments de sa vie; c'est là qu'il avait sa place.

Je crois vraiment que nous pouvons changer la façon dont nous traitons les enfants et rendre le monde beaucoup plus sûr, mais il faut que chacun fasse sa part. Cette tâche n'incombe pas seulement à quelques professionnels et quelques personnes. La société doit changer la façon dont elle fait face au comportement criminel des enfants.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): Je voudrais d'abord vous remercier d'être venus aujourd'hui, car nous ne devons pas oublier que nous donnons l'exemple sur la scène internationale et au sein des Nations Unies. Nous travaillons dans de nombreux pays et nous les jugeons en fonction de ce genre de convention. Néanmoins, nous oublions parfois de regarder ce qui se passe chez nous. Je vous remercie donc d'être venus pour nous rappeler nos obligations et informer également certains d'entre nous.

Monsieur Topping, je voudrais que vous nous parliez des droits inhérents et indivisibles que nous possédons tous du simple fait que nous sommes nés sur cette terre. Également, que devrions-nous faire d'autre pour appliquer la loi, ce qui n'est pas vraiment de notre ressort? Malheureusement, nous nous contentons d'établir les lois, mais nous ne les appliquons pas dans chaque province. Néanmoins, que devrions-nous faire sur une base proactive et quels sont les changements que vous souhaiteriez nous voir apporter pour aider les enfants à réaliser leur plein potentiel?

M. Topping: Je pense pouvoir surtout parler du point de vue de l'éducation, car c'est la question à laquelle la Coalition canadienne pour les droits des enfants s'est intéressée. Nous avons éprouvé nous-mêmes certaines difficultés. Quand j'ai dit tout à l'heure qu'il fallait trouver des moyens de savoir ce que les jeunes pensent de la Loi sur les jeunes contrevenants et de leurs droits, cela pose un problème, car on ne peut pas toujours leur poser directement la question. L'un des objectifs de notre coalition est donc de trouver des moyens de mieux éduquer le public au sujet des droits des enfants.

Nos travaux seront publiés dans une huitaine de jours. Il s'agit d'une version écrite par des jeunes de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Mme Torsney: Très bien!

M. Topping: Quand nous recherchions l'opinion des jeunes pour préparer notre mémoire - nous voulions y ajouter une partie indiquant ce que les jeunes pensent de la Loi sur les jeunes contrevenants - nous avons constaté qu'ils ne connaissaient pas leurs droits et qu'ils n'avaient pas les connaissances voulues pour donner une opinion éclairée.

Par conséquent, pour appliquer une loi, une convention ou un document international qui correspond à ce que les gens vivent ou sentent, à des droits qui sont inhérents et qui ne sont pas seulement concédés ou imposés par les Nations Unies, il faut d'abord avoir le sentiment que ces droits vous appartiennent et qu'ils ne vous sont pas donnés. C'est par là qu'il faut commencer si l'on veut qu'une loi soit efficace.

Mme Torsney: Je fais également valoir aux jeunes de ma circonscription, à tous les gens de ma circonscription que, malheureusement ou heureusement, les droits s'accompagnent de certaines responsabilités.

M. Topping: C'est exact.

Mme Torsney: L'une de leurs responsabilités consiste à exprimer leur opinion. Autrement, nous n'en tenons pas compte.

Monsieur Horne, je sais que vous pouvez constater certaines contradictions ou que certains d'entre nous aimeraient que les choses soient différentes. Mais en réalité, nous fonctionnons dans un environnement politique où certaines forces nous demandent d'éliminer complètement la Loi sur les jeunes contrevenants. Les gens ne veulent pas que les jeunes votent, mais si des jeunes enfreignent les règles de la société, ils veulent les traiter comme des adultes. Il y a des jours où je me demande si l'on ne préconise pas la peine de mort pour certains jeunes. Cela devient insensé.

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Il faut donc parfois se demander s'il ne vaut pas mieux sauver le maximum ou le meilleur en adaptant la loi afin de pouvoir la préserver, tout en reconnaissant que la société en est arrivée au point où elle est prête à oublier toutes les conventions et autres préoccupations et à rejeter tout cela.

Nous devons, par l'entremise de vos deux organismes, reconsidérer la situation et prendre conscience du fait, comme gouvernement, comme leaders de l'opinion publique, que nous considérons les jeunes comme notre bien le plus précieux, mais que nous ne semblons pas prêts à leur consacrer les ressources nécessaires. Lorsqu'ils enfreignent la loi, nous voulons les enfermer pour le reste de leurs jours si c'est ce que nous croyons être la solution à court terme.

M. Horne: Je suis entièrement d'accord avec vous. Encore une fois, l'expérience m'a montré que les attentes étaient très importantes. Personne ne s'attend à ce que la société se soucie vraiment des enfants. Ceux qui parlent d'abolir la Loi sur les jeunes contrevenants obtiennent en fait davantage d'appuis. Personne ne se prononce avec force contre de telles idées.

Il faut tirer la leçon de l'histoire. Vous pouvez étudier l'histoire de chaque pays pour voir quelles sont les conséquences de ce genre d'attitude. Remontez à l'Angleterre du XVIIIe siècle ou l'Australie de la période coloniale. Est-ce là ce que nous voulons ou considérons-nous les enfants comme de précieux atouts et sommes-nous prêts à les traiter comme tels en n'épargnant aucun effort? Allons-nous les chérir?

Mme Torsney: Que s'est-il passé exactement en Angleterre et en Australie?

M. Horne: Il y a eu des pendaisons et toutes sortes de châtiments odieux pour des délits mineurs. L'enfant est devenu l'ennemi de la société. Parfois, quand je lis les journaux, j'ai l'impression que l'enfant est l'ennemi de certaines sociétés chez nous au Canada.

Mme Torsney: Parce qu'ils représentent un changement?

M. Horne: Parce qu'ils font peur. Vous répondez à la peur par la peur et vous suscitez davantage de peur.

Mme Torsney: C'est tout un défi.

M. Horne: Oui.

La présidente: Merci, madame Torsney.

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

À propos de peur, si les statistiques sont exactes, au cours des 12 prochains mois, 42 personnes seront assassinées par des jeunes contrevenants. Cela suscite des inquiétudes d'un bout à l'autre du pays. Entre 1962 et 1992, le nombre de jeunes impliqués dans des infractions criminelles a beaucoup augmenté.

Que peuvent faire le Comité de la justice, le gouvernement et la société face à ces meurtres commis par des jeunes? Que recommandez-vous? Faudrait-il mettre entièrement l'accent sur la réinsertion sociale et dire que le jeune ne doit pas être puni pour avoir tué une personne innocente parce qu'il est lui-même victime de la société et que sa réinsertion est la seule solution? Faudrait-il supprimer entièrement les châtiments? Le recommanderiez-vous?

M. Horne: Pour le moment, le châtiment est l'incarcération.

M. Ramsay: Seriez-vous prêt à la supprimer?

M. Horne: Non, car cette personne s'est comportée de façon très dangereuse et la première règle qui s'applique aux adultes comme aux jeunes est qu'il faut assurer la sécurité tant de l'individu que de la société.

Pour ce qui est de la réinsertion sociale, comme on l'a déjà fait valoir au comité, peut-être lors de la dernière série d'audiences, le mot «réinsertion» est mal choisi étant donné qu'un grand nombre de ces jeunes n'ont nulle part où aller. Ils n'ont jamais été insérés dans la société. Vous ne pouvez donc pas les réinsérer. Vous devez reconstruire ou bâtir une personnalité et un sens des valeurs qui n'existent pas, ce qui prend beaucoup de temps, beaucoup de soin et beaucoup de patience.

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Pour les jeunes enfants, nous l'avons fait avec des ours en peluche. Personne n'avait jamais pensé à leur donner des ours en peluche. Ils n'en avaient jamais vu de leur vie. Ils n'avaient jamais appris à jouer. Ils étaient de petits adultes depuis l'âge de quatre ou cinq ans.

Il y a toutes sortes de façons d'aborder le problème, mais tout ce que vous faite doit tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Autrement, vous apprendrez à un jeune à devenir quelqu'un d'horrible lorsque vous le relâcherez, comme vous devrez le faire un jour.

M. Ramsay: Comme je l'ai déjà dit, il y a deux choses qui préoccupent les gens. L'une est la possibilité d'éviter qu'un plus grand nombre de jeunes aient maille à partir avec la justice en consacrant davantage de ressources aux programmes de prévention. Pour ce qui est de l'autre, il s'agit des mesures à prendre quand tout cela échoue, y compris la façon d'élever les enfants lorsque l'école qu'ils fréquentent n'arrive pas à leur inculquer suffisamment le sens des responsabilités pour qu'ils obéissent à la loi et qu'ils deviennent une menace.

Il faut regarder les deux aspects du problème et c'est ce que nous faisons. Nous devons formuler des recommandations. Ou bien la Loi sur les jeunes contrevenants est satisfaisante et devrait rester telle quelle ou bien il faudrait la modifier.

Vous venez témoigner devant le comité - je m'adresse à ces deux messieurs - et ce que nous recherchons, c'est une solution qui sera efficace. Si c'est efficace, peu nous importe ce que c'est.

Si cela permet d'assurer la sécurité du public... Avant le projet de loi C-37, un jeune qui était reconnu coupable de meurtre passait trois ans en milieu fermé. Apparemment, il y a des jeunes qui se trouvent actuellement dans cette situation, dans nos établissements de garde en milieu fermé dont ils sortiront au bout de trois ans, que leur réinsertion ait donné ou non des résultats, qu'ils continuent ou non à représenter une menace pour la société.

Que pouvons-nous faire pour remédier à cette situation?

Il y a des solutions, mais quant à savoir si ce sont les bonnes, c'est une autre question.

Comment pouvons-nous remédier au fait que l'on n'enseigne plus le sens des valeurs à la maison et que l'enfant n'est pas préparé?

Quand le professeur Carrigan a comparu devant le comité, à Halifax, il a dit que nous nous leurrions - c'est du moins l'impression que m'a donnée son témoignage - et qu'il fallait commencer par insister pour que les valeurs et la morale soient enseignées à la maison et à l'école ainsi qu'à tous les niveaux de la société.

Quand nous écoutons les témoins qui comparaissent devant le comité, nous recherchons des solutions. Nous recherchons des idées qui nous donneront des réponses.

M. Horne: En venant ici, je voulais surtout parler de la convention en fonction de mon expérience personnelle.

Je voudrais en revenir au problème que posent ces enfants lorsqu'ils sont libérés. J'ai placé de nombreux enfants. Je travaillais avec Steven Truscott il y a bien des années. C'était un de mes premiers cas de meurtre. J'ai travaillé avec plusieurs autres depuis. J'ai placé des enfants du Nouveau-Brunswick qui avaient commis des meurtres en Ontario. Je dois reconnaître que la population l'ignorait. Ils n'ont pas récidivé.

Je crois que la question de la réinsertion est d'une importance capitale. Comme je l'ai dit, ce n'est pas tant ce que vous faites dans l'établissement ou la durée de leur séjour qui compte, car il est possible de détruire leur volonté quand ils sont là, mais c'est ce que vous faites d'eux lorsqu'ils réintègrent la société qui importe. C'est la façon dont vous garantissez leur avenir et vous tenez compte de leur intérêt supérieur lorsque vous les réintégrez dans la société.

Et c'est là que nous ne sommes pas du tout à la hauteur de la tâche, particulièrement en ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants.

C'est une chose que cette loi a repris de la Loi sur les jeunes délinquants qui l'a précédée et les changements en Ontario l'ont mise en lumière.

Notre société perd de vue la nécessité pour les gens de se rencontrer face à face pour dialoguer.

Mais c'est une question idéologique.

La présidente: Monsieur Wells.

M. Wells (South Shore): J'essaierai de limiter mes questions au sujet de la convention. J'ai apprécié votre exposé, car il examinait le problème sous un angle différent, comme vous l'avez mentionné au départ.

À quel âge la convention s'applique-t-elle et comment définit-elle un «enfant»?

M. Horne: Jusqu'à l'âge de 18 ans.

M. Wells: Y a-t-il un âge minimum?

M. Horne: Non, de nombreux articles de la convention s'appliquent à l'enfant dès sa naissance. En fait, on a essayé de l'appliquer avant la naissance étant donné que le Vatican l'a ratifiée.

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M. Wells: Si vous avez suivi le débat - et je sais que vous l'avez fait - vous avez entendu certaines personnes préconiser d'abaisser en dessous de 12 ans l'âge mentionné dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Cela serait-il contraire à la convention? L'âge actuel, l'âge minimum, est-il contraire à la convention?

M. Horne: À ma connaissance, aucun âge minimum n'est spécifié dans la convention. Je m'opposerais vivement à ce que l'âge soit abaissé, car pour avoir travaillé auprès des enfants... Il vaut beaucoup mieux pour eux qu'ils soient traités dans des circonstances différentes et ils ne devraient jamais... la pire chose que nous ayons faite a été de les enlever de chez eux. L'expérience a été désastreuse.

M. Wells: Presque tout le monde sera d'accord là-dessus. J'essaie seulement de faire le parallèle avec la convention.

M. Horne: Oui. À ma connaissance, je ne pense pas qu'il y ait d'âge minimum dans la convention.

M. Topping: Je ne peux pas le trouver, mais je peux continuer à chercher. Aucun âge précis n'est mentionné, mais, si je peux trouver le passage, il est dit que les États parties doivent établir l'âge minimum auquel la responsabilité pénale ne s'applique pas.

M. Horne: Aucun âge n'est précisé dans la convention.

M. Wells: D'après votre expérience, êtes-vous satisfait de l'âge de 12 à 17 ans?

M. Horne: Oui.

M. Topping: C'est à l'article 40, paragraphe 3:

M. Wells: Il serait utile que nous ayons tous un exemplaire du texte complet... est-ce dans le document?

Mme Torsney: C'est là. C'est à la page 9 du mémoire.

M. Horne: Si vous voulez, je peux vous envoyer un exemplaire de notre document qui est joliment illustré.

M. Wells: J'ai une dernière question. Vous avez dit au début - je ne suis pas certain du contexte - que deux des membres de votre organisme avaient une position différente sur certaines questions.

M. Horne: Elles ont déjà été présentées au comité, à la dernière session.

M. Wells: Voulez-vous parler de deux membres de Defence for Children International?

M. Horne: Non, ils étaient de la Coalition canadienne. Ils représentaient des groupes d'enseignants. Leur position n'était pas très différente. C'était avant tout une question de... j'ai les mémoires quelque part ici. Il était question de la tolérance zéro et de choses de ce genre avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord. J'ai tous les mémoires quelque part ici.

M. Wells: Par conséquent, là où leur opinion différait était...

M. Horne: Ils étaient membres de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et de la Fédération canadienne des associations foyer-école et parents-maîtres.

M. Wells: Ces divergences d'opinion ont déjà été émises.

M. Horne: Oui, et comme je l'ai dit, elles ne sont pas très marquées. À première vue, j'ai pensé qu'elles l'étaient. J'ai cru que ces personnes étaient pour la réserve à l'égard du paragraphe 37c, parce que c'est ce qu'elles m'avaient dit.

M. Wells: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup.

Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus aujourd'hui.

M. Horne: C'était un plaisir.

La présidente: Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage qui nous a présenté les choses sous un angle légèrement différent de ce que nous avons entendu depuis le début. Merci beaucoup.

M. Horne: Merci.

M. Topping: Merci.

La présidente: Nous nous ajournons jusqu'à demain.

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