[Enregistrement électronique]
Le mardi 28 mai 1996
[Traduction]
La présidente: Bienvenue.
À notre ordre du jour, nous avons le Budget des dépenses principal du Bureau de l'enquêteur correctionnel sous la rubrique Solliciteur général. Notre témoin est Ron Stewart, l'enquêteur correctionnel accompagné de collaborateurs, de beaucoup de collaborateurs.
Soyez les bienvenus. Monsieur Stewart, je sais que vous avez une déclaration. Si vous voulez bien la lire, ensuite nous passerons aux questions.
M. Ron L. Stewart (enquêteur correctionnel du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente. C'est avec grand plaisir que je comparais encore une fois cette année devant le comité, dans le cadre de l'examen du Budget des dépenses principal.
Certes, le fait de témoigner dans ce contexte à titre de programme distinct renforce l'indépendance de notre Bureau, ainsi que sa responsabilité spécifique vis-à-vis du Parlement. Cela me procure également une occasion supplémentaire de rencontrer les législateurs et de passer en revue avec eux les principales sources de préoccupation émanant de nos enquêtes. Celles-ci sont précisées dans mon rapport annuel de 1994-1995 qui a été déposé devant la Chambre des communes par le solliciteur général le 25 octobre 1995. Mon rapport annuel de 1995-1996 sera soumis au ministre d'ici les 30 prochains jours.
Le Cabinet de l'enquêteur correctionnel a le mandat d'agir comme un ombudsman au niveau du système correctionnel fédéral. La fonction spécifique du Cabinet tel qu'explicité à l'article 167 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, est «d'enquêter sur les problèmes des délinquants liés aux décisions, recommandations, actes ou omissions qui proviennent du commissaire du Service correctionnel fédéral ou d'une personne sous son autorité exerçant des fonctions en son nom qui affecte les délinquants individuellement ou en groupe».
Accomplir cette fonction d'ombudsman exige que le Cabinet maintienne un processus d'enquête attentif et minutieux qui soit - et qui soit perçu comme tel - objectif et indépendant du Service correctionnel fédéral et du ministère.
Au cours d'une année, le Cabinet reçoit environ 6 500 plaintes et le personnel enquêteur passe en moyenne 260 jours dans des pénitenciers fédéraux et réalise plus de 2 000 entrevues avec les détenus et 1 000 autres avec le personnel des pénitenciers et des administrations régionales.
L'enquêteur correctionnel, en vertu de l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, remet un rapport annuel au ministre sur les activités du Cabinet, lequel doit en retour le déposer devant chaque Chambre du Parlement.
Le rapport annuel conjointement avec le détail des activités du Cabinet, présente des observations et des recommandations particulières sur les politiques et procédures du Service reliées aux plaintes individuelles pour assurer que les préoccupations systémiques sont déterminées et font l'objet d'une intervention appropriée.
En plus, l'enquêteur correctionnel en vertu de l'article 193 de la loi peut soumettre au ministre un rapport spécial qui traite d'urgence ou d'un sujet important. Mon rapport spécial au sujet de l'enquête sur certains incidents survenus à la prison des femmes a eu, je crois, une certaine influence sur la décision d'établir la Commission d'enquête Arbour. Le rapport en question a été déposé conformément à l'article 193 de la loi; une copie de ce rapport spécial est incluse dans l'annexe à mon rapport annuel de 1994-1995 qui, je crois, a été distribué aux membres du comité.
Sur le plan opérationnel, la fonction première de l'enquêteur correctionnel est d'enquêter sur les cas individuels des délinquants et de les régler. L'environnement dans lequel cette fonction est remplie, présente un certain nombre de défis liés les uns aux autres.
La tension inhérente entre le gardien et le gardé présente un environnement qui génère un haut niveau de méfiance. L'accroissement de la population de détenus sous responsabilité fédérale se traduit par un surpeuplement, fait monter les tensions institutionnelles et aggrave de nombreuses préoccupations, tant du système que des individus, connues depuis longtemps. L'ouverture de quatre nouveaux établissements carcéraux fédéraux pour les femmes a augmenté le nombre d'établissements à visiter et le nombre d'administrations avec lesquelles nous devons traiter.
La Commission d'enquête Arbour a clairement attiré l'attention sur l'incapacité du Service correctionnel d'assumer, de manière raisonnable, ses responsabilités face aux femmes condamnées à une peine fédérale. Pour répondre au défi présenté par l'environnement correctionnel fédéral, on doit noter que ce cabinet n'a virtuellement aucun contrôle sur le nombre de plaintes ou la portée des préoccupations qui entraînent une enquête et que les recommandations de l'enquêteur correctionnel, comme c'est le cas pour toutes les fonctions traditionnelles d'un ombudsman, ne sont pas exécutoires.
Ainsi, l'efficacité du Cabinet à apporter des solutions dans des domaines de préoccupation dépend, en grande partie, de la réceptivité du Service correctionnel.
Bien que la population carcérale fédérale ait augmenté de façon significative au cours des dernières années, tout comme les ressources du Service correctionnel en réponse tant à l'augmentation de la population qu'à l'ouverture de nouvelles installations, les ressources consacrées à ce Cabinet ont diminué.
Avec un personnel professionnel de huit enquêteurs et de deux directeurs, l'examen de plus de 6 000 plaintes de quelque 50 établissements et cinq régions, le Cabinet a réalisé que, pour éviter d'être dépassé par le volume, il devait concentrer davantage son attention sur les préoccupations systémiques, en espérant que le règlement raisonnable de ces questions aiderait à répondre plus efficacement aux préoccupations particulières des individus.
Afin de maintenir un processus d'enquête approfondi et efficace, qui soit - et qui soit perçu comme tel - objectif et indépendant, le Cabinet a mis en oeuvre, ou est sur le point de le faire, les stratégies suivantes:
- Établissement de procédures pour assurer que les préoccupations systémiques telles que le processus de grief des détenus, la préparation des cas, les transfèrements, les enquêtes internes, la discipline et la ségrégation, soient examinées à chaque rencontre avec la haute direction de l'établissement et du comité des détenus.
- Augmentation du contact entre ce Cabinet et l'administration régionale du Service correctionnel du Canada pour assurer que les préoccupations systémiques sont déjà déterminées et qu'on y ait répondu dans un contexte régional.
- Restructuration à l'intérieur du Cabinet, qui fera en sorte qu'un enquêteur sera responsable de la coordination interrégionale des plaintes individuelles et des examens systémiques permanents aux niveaux régional et national.
- Détermination d'un poste d'enquêteur dont le titulaire aura la responsabilité de toutes les femmes purgeant une peine fédérale et sera chargé de la coordination des changements proposés dans le rapport de la Commission d'enquête Arbour.
- Établissement de comités de travail, avec le personnel de l'administration régionale du Service correctionnel du Canada, dont les travaux porteront sur des préoccupations systémiques particulières, dans le but d'assurer que les questions pertinentes reliées à ces préoccupations et les cas particuliers qui ont conduit à l'étude de ces préoccupations soient examinés.
Le premier objectif des opérations de ce Cabinet a traditionnellement été, et continuera d'être, l'individu et son domaine particulier de plaintes. Un des facteurs clés de l'efficacité de ce Cabinet a été l'acceptation, tant par la population carcérale que par ceux qui travaillent dans le domaine de la justice criminelle, du niveau d'objectivité du Cabinet, de sa rigueur et de son indépendance.
L'efficacité des stratégies expliquée plus haut pour assurer que ce Cabinet exécute son mandat dépend en partie de la réceptivité du Service correctionnel du Canada face aux observations et recommandations soulevées au nom de la population des détenus et de la volonté du ministre et du Parlement de permettre aux mesures correctrices d'être entreprises lorsque le Service ne réussit pas à répondre raisonnablement à ces observations et à ces recommandations. Il dépend en outre, bien évidemment, de la capacité de ce Cabinet de déterminer clairement et de poursuivre les solutions aux préoccupations systémiques qui répondent raisonnablement aux préoccupations des détenus particuliers.
Même s'il y a un peu de progrès en ce qui a trait aux préoccupations particulières détaillées dans mon dernier rapport annuel et même si les réponses reçues du Service correctionnel demeurent tardives, défensives et évasives, je me présente ici aujourd'hui en étant raisonnablement certain qu'il y aura des changements positifs.
Les rapports du vérificateur général et du juge Arbour, récemment rendus publics, ont confirmé l'importance des préoccupations que mon Cabinet a soulignées au cours des quatre dernières années. Je crois que le rapport Arbour offre, à ceux qui oeuvrent dans le domaine correctionnel fédéral, une chance et une direction précises pour entreprendre les changements nécessaires.
La clé pour que ces changements soient apportés dépend, en grande partie, des mesures qui seront prises pour changer la déplorable culture défensive du Service correctionnel. Cette culture examinée en détail dans le rapport de la commission d'enquête est qualifiée par le juge Arbour de syndrome du refus de toute erreur, du rejet de toute critique et d'attitude défensive à tout prix même au prix de la vérité. C'est diamétralement opposé à l'énoncé de la mission du Service correctionnel, qui promet une gestion caractérisée par une attitude ouverte et intègre. L'acception de ces valeurs est nécessaire si l'on veut régler les problèmes très réels du domaine correctionnel.
En conclusion, je dois vous informer que dernièrement j'ai rencontré le Commissaire par intérim, M. John Tait. Je suis certain qu'il reconnaît le besoin d'apporter des changements. En outre, je suis persuadé que si l'administration du Service correctionnel accepte d'appuyer à fond les énoncés de sa mission, une bonne entente serait établie entre le service et les agences gouvernementales et non gouvernementales. Avec cette entente, les opérations du Service répondront sûrement aux besoins de la population qu'il dessert, tout en respectant les lois qui le gouvernent.
J'ai avec moi aujourd'hui M. Todd Sloan qui est enquêteur en plus d'être notre avocat,M. Jim Hayes et M. Georges Poirier, directeurs des enquêtes, et M. Ed McIsaac, directeur exécutif. Je suis heureux de vous informer que Mme Nathalie Spicer, qui a déjà comparu devant votre comité et qui est responsable des questions qui touchent les femmes sous sentence fédérale, peut être des nôtres aujourd'hui. Ensemble, nous tenterons de répondre à vos questions.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous avons pour habitude pour le premier tour de dix minutes de commencer par le Bloc. Avez-vous des questions?
[Français]
M. St-Laurent (Manicouagan): C'est la troisième fois, au cours de ce mandat, qu'on reçoit le rapport de l'enquêteur correctionnel. Ces deux dernières années, je m'étais amusé à faire ressortir une recommandation que contenait chacun des rapports depuis 1982. Je ne le ferai pas cette année parce que c'est assez long. Il faut compter dix bonnes minutes ou presque.
Il est question de surpopulation. À chaque année, depuis 1982, le rapport de l'enquêteur correctionnel recommande d'enrayer la surpopulation pour toutes sortes de raisons, bien évidentes d'ailleurs. Cette année, on lit à la page 32 du document français:
- On compte actuellement quelque 5 000 détenus sous responsabilité fédérale qui doivent
partager des cellules construites à l'origine pour loger un seul détenu.
- il est inhumain de mettre deux personnes dans une cellule d'isolement, conçue pour une seule...
Qu'est-ce qu'il faudrait faire, monsieur Stewart, pour qu'on corrige la situation de la double occupation qui prévaut depuis 15 ans et que je qualifierais de scandaleuse? Je ne parle pas d'une double occupation qui serait saine - cela peut arriver - , mais de la double occupation pourrie. Que faudrait-il faire, monsieur Stewart?
[Traduction]
M. Stewart: Les problèmes de surpopulation sont restés pratiquement les mêmes et les détenus continuent de se plaindre. La surpopulation a une incidence sur pratiquement tout ce qui se passe à l'intérieur d'un établissement fédéral. Plus il y a de détenus, plus les listes d'attente sont longues et plus il est difficile d'avoir accès aux divers programmes. Son incidence se fait ressentir à tous les niveaux du système carcéral.
J'ai pour fonction de porter les problèmes des détenus à l'attention du ministre et, par l'intermédiaire du ministre, au Parlement, et c'est ce que je fais. Si la surpopulation ou tout autre chose continue à être un problème, j'ai pour fonction de le porter à l'attention du ministre et à l'attention du comité parlementaire au moment du dépôt de mon rapport par le ministre auprès de deux Chambres du Parlement.
Comme je le dis dans mon exposé, nous sommes ouverts à toute suggestion pour régler ces problèmes. Votre comité ou le Parlement voudra peut-être s'y intéresser et nous faire des suggestions.
Comme vous l'avez dit, c'est une recommandation que nous faisons régulièrement depuis quelques années, et la situation semble ne pratiquement pas changer. Je crois cependant que le Service correctionnel est en train de prendre certaines initiatives pour essayer de corriger ce problème de surpopulation. Je ne peux pas parler au nom du Service correctionnel mais...
Pour commencer, selon le Service correctionnel, c'était un problème qui se situait en amont et qui lui échappait car il n'exerçait aucun contrôle sur le nombre de prévenus condamnés à des peines d'emprisonnement par les tribunaux. Nous n'en étions pas tout à fait sûr. Selon le Service, les juges imposaient des peines plus longues, ce qui avait une incidence au niveau de la population. Nous avons un peu travaillé sur la question et je crois que la situation s'est un peu améliorée.
Je crois que c'est en aval que se situe le problème. Nous ne libérons pas assez de détenus non violents. M. John Edwards, l'ancien Commissaire, a déclaré il n'y a pas deux mois qu'ils étudiaient la question. Ils ont gardé beaucoup trop de détenus non violents dans les établissements fédéraux au-delà de la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Ils essaient de trouver des solutions.
Je ne peux pas parler au nom du Service correctionnel, je ne sais pas exactement où ils en sont. Mais cela continue à être un problème pour les détenus. Comme je l'ai dit tout à l'heure, son incidence se fait sentir partout dans les établissements et, comme c'est toujours un problème, je continue à le signaler dans mon rapport annuel.
[Français]
M. St-Laurent: À moins que j'aie mal compris, vous avez mentionné tout à l'heure que vous aviez le pouvoir, au besoin, de faire un rapport spécial ou encore de mettre sur pied un comité spécial pour étudier des événements précis. Vous avez fait allusion, notamment, à ce qui s'est passé à la prison pour femmes de Kingston. Vous vous êtes beaucoup servi, à ce moment-là, de vos droits de faire des rapports spéciaux et de mettre sur pied des comités spéciaux. J'estime que cela fut bien fait.
Ne pourriez-vous pas faire la même chose dans le cas de la surpopulation carcérale au pays, comme mesure de dernière instance, pour souligner au ministre l'importance du dossier de la surpopulation? Selon les chiffres que vous nous présentez dans votre rapport, la population des prisons a plus que doublé depuis 1990 et la tendance est toujours à la hausse. Je vous demanderais également de nous dire quand vous croyez que cela va s'arrêter et si vous avez une solution.
N'avez-vous pas le pouvoir de mettre sur pied un comité spécial ou de faire un rapport spécial et, si oui, allez-vous le faire?
[Traduction]
M. Stewart: Madame la présidente, il n'est nulle part question dans notre mandat de la création de comités spéciaux. Par contre, nous avons certainement le pouvoir de rédiger des rapports spéciaux.
Le problème, bien qu'il soit important, existe depuis longtemps. Les rapports spéciaux sont là pour répondre à des situations urgentes qui ne peuvent attendre le rapport annuel pour que le ministre et le Parlement en soient informés. C'est la raison pour laquelle, dans le cas de la prison pour femmes, nous avons rédigé un rapport spécial. C'est pour cette raison. Mais pour ce qui est de la surpopulation, cela fait déjà un certain nombre d'années que nous en parlons dans nos rapports et le problème reste le même. Je suppose que je pourrais faire un rapport spécial sur cette question, et c'est peut-être une idée à envisager.
[Français]
M. St-Laurent: Oui, mais vous le mentionnez. Vous dites ici que vous faites un rapport dans des situations particulières, du genre de celle qui sévissait à la prison pour femmes de Kingston, par exemple.
Quand on est rendu à 5 000 incarcérés, qui représentent 20 p. 100 de la population, est-ce qu'il ne s'agit pas d'une situation particulière? Est-ce que votre rôle ne vous impose pas de prévoir que dans quelques années, le surpeuplement chronique des prisons entraînera une catastrophe?
[Traduction]
M. Stewart: Je conviens que ce problème ne disparaîtra pas de lui-même et qu'il empire.
Je crois que le Service correctionnel cherche une solution au problème. Ce n'est pas facile. Ils me disent qu'ils prennent des initiatives visant à réduire au minimum ces problèmes de surpopulation. Mais d'après eux, c'est un problème dans tous les pays du monde et le Canada n'est pas le seul à en souffrir. Dans la majorité des pays occidentaux, les problèmes de surpopulation sont une réalité quotidienne et partout on trouve plusieurs détenus par cellule, des lits superposés, etc. C'est un problème chronique dans tous les pays du monde plutôt qu'un problème local qui pourrait faire l'objet d'un rapport spécial.
Encore une fois, nous sommes patients et nous espérons que le Service correctionnel, surtout avec la nouvelle administration qui arrive, pourra s'occuper du problème et peut-être y trouver une solution plus efficace.
La présidente: Votre tour est terminé.
Monsieur Ramsay, pour le Parti réformiste, dix minutes.
M. Ramsay (Crowfoot): Monsieur Stewart, j'aimerais vous remercier de votre présente parmi nous aujourd'hui et de votre exposé ainsi que de la présence de vos collaborateurs.
Vers la fin de votre mémoire vous dites:
- Cette culture examinée en détail dans le rapport de la commission d'enquête
- ...bien entendu, vous parlez du rapport Arbour...
- est qualifiée par Madame le juge Arbour de syndrome du refus de toute erreur, du rejet de toute
critique et d'attitude défensive à tout prix même au prix de la vérité.
J'ai été surpris d'apprendre que tous les témoins, y compris les quatre détenus impliqués dans l'attaque initiale contre les gardiens, n'ont pas été entendus sous serment. Ancien policier, j'ai du mal à comprendre que des recommandations aient pu être faites sans que l'on ait entendu tous les témoins. Cela soulève plusieurs problèmes.
Un des plus importants, selon moi, est le fait que ce rapport révèle que l'enquête a démontré que le premier rapport sur l'émeute de Kingston soumis aux autorités correctionnelles et au ministre passait sous silence certains éléments. L'auteur du rapport semble ne pas voir la gravité de cette action et déconseille des mesures disciplinaires contre les responsables. Pour moi, c'est tout simplement incompréhensible. Bien entendu, je n'attends pas de réactions de votre part, mais c'est incompréhensible.
Nous nous souvenons tous de ce qui est arrivé à Nixon. Ce n'est pas l'entrée avec effraction dans les bureaux de Washington qui a provoqué sa chute, c'est que cette action ait été couverte.
Il est inimaginable que des commissions d'enquête puissent ignorer ce genre d'action. Cela me choque. Quoi qu'il en soit, je n'en dirai pas plus.
J'aimerais vous poser la question suivante. Est-ce que votre rôle se cantonne aux plaintes des détenus contre le Service correctionnel ou inclut-il aussi les plaintes de détenus contre d'autres détenus? Avez-vous le pouvoir d'enquêter en cas de plainte d'un détenu contre un autre détenu?
M. Stewart: Il est certain que cela nous concerne aussi. C'est difficile à apprécier. Il est possible que, dans certains cas, notre mandat ne nous permette pas d'intervenir, mais nous pouvons toujours informer les autorités concernées, et le problème peut être réglé soit par la police soit par le Service correctionnel.
M. Ramsay: Si je vous comprends bien, votre mandat ne vous permet pas de mener une enquête dans le cas de ce genre de plainte: vous pouvez simplement la transmettre aux autorités compétentes?
M. Stewart: Non, les plaintes de détenus contre d'autres nous concernent aussi.
M. Ramsay: Est-ce que vous recevez beaucoup de ce genre de plaintes? Il semble, d'après votre réponse, que vous n'en recevez pas beaucoup.
M. Stewart: Non.
M. Ramsay: Très bien. Laissez-moi vous poser la question suivante. Lors de nos visites dans les établissements fédéraux, nous avons constaté que le trafic de drogue représentait un grave problème. Si nous arrivions à éradiquer la drogue et le trafic de drogue dans ces établissements, est-ce que vous auriez moins de travail et est-ce que vous recevriez moins de plaintes?
M. Stewart: Je n'ai pas de boule de cristal. Je ne peux pas vraiment vous répondre. Tout milieu dans lequel circule la drogue est source de violence. La surpopulation contribue certainement à la violence et je suis certain que le trafic de drogue fait aussi partie du problème. Mais je ne pense pas que l'élimination en partie de ce problème dans ces établissements entraînerait une réduction conséquente de notre charge de travail.
M. Ramsay: La toxicomanie dans ces établissements n'est-elle pas un facteur qui contribue au nombre élevé de plaintes que vous recevez de détenus.
M. Stewart: C'est possible quand certains détenus obligent d'autres détenus ou leurs familles à les fournir en drogue. Il y a ce genre de problème. Mais il est évident que les détenus ne se plaignent pas auprès de notre bureau de ne pas pouvoir se fournir suffisamment en drogue, par exemple, et ils ne se plaignent pas de la toxicomanie de leurs congénères. Cela arrive, mais très rarement. Cela crée des problèmes au sein des établissements, mais ce n'est pas le genre de plaintes que reçoit notre bureau.
M. Ramsay: La toxicomanie dans les établissements pénitentiaires n'est donc pas un facteur qui contribue au nombre de plaintes que vous recevez. Je peux voir que vous en recevez un nombre assez important mais vous nous dites qu'aucune de ces plaintes, ou seulement une toute petite partie de ces plaintes résulte de... la toxicomanie n'est pas responsable de ces plaintes.
M. Stewart: Encore une fois, elle peut avoir un effet indirect sur les plaintes de certains détenus.
M. Ramsay: Est-ce que je peux vous demander si vous avez une idée du pourcentage? Vous avez cité un chiffre. Vous recevez des milliers de plaintes chaque année. Est-ce que vous en avez fait le décompte? Savez-vous quel facteur dominant est à l'origine de la majorité de ces plaintes et quel facteur dominant à l'origine d'une minorité de ces plaintes?
M. Stewart: Vous avez le détail par région et par catégorie dans notre rapport annuel.
M. Ramsay: Très bien. Dans ce cas, puis-je vous poser la question suivante. Considérez-vous que le trafic de drogue est un problème dans ces établissements?
M. Stewart: Oui.
M. Ramsay: Seriez-vous dans ce cas prêt à appuyer des mesures autorisant une limitation des droits des détenus, peut-être des droits de visite puisque c'est souvent par ce canal que la drogue est introduite dans ces établissements? Accepteriez-vous que ces droits soient réévalués et, si une limitation de ces droits permet de réduire l'introduction de drogue dans ces établissements, seriez-vous prêt à soutenir une telle initiative?
M. Stewart: Je ne suis pas là pour appuyer ou ne pas appuyer la politique du Service correctionnel en matière de drogue ou la position des détenus concernant cette politique. Je suis là pour m'occuper des plaintes des détenus et je laisse au Service correctionnel le soin d'appliquer sa propre politique en matière de drogue et de voir quel effet elle a sur les détenus. Je ne suis pas là pour défendre un camp ou un autre en matière de drogue.
M. Ramsay: Mais vous êtes là pour faire respecter les droits des détenus et si les droits de visite, d'après ce que nous croyons savoir, permettent d'introduire la grande majorité des drogues dans ces établissements, ce sont des droits que vous voulez que les détenus conservent. Il faudrait parvenir à un compromis. Si c'est grâce à ces droits de visite que la drogue pénètre dans les établissements pénitentiaires, il faudra les réduire si l'on veut réduire l'usage de la drogue. Cela vous concerne au premier chef et cela relève de votre mandat, d'après moi.
Je veux savoir si l'on peut trouver un compromis acceptable permettant de réduire l'introduction de drogues dans les établissements tout en ne portant pas de manière démesurée atteinte aux droits de visite de ceux qui ne sont pas mêlés à ce genre d'activité. Il me semble que c'est une proposition très simple, à laquelle le Service correctionnel, notre comité et notre gouvernement devraient réfléchir.
M. Stewart: M. Todd Sloan, notre conseiller, aimerait peut-être vous répondre.
M. Todd Sloan (conseiller, Bureau de l'enquêteur correctionnel): Oui, merci, madame la présidente.
D'après moi, c'est justement un tel compromis que permet la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Elle réglemente les visites et les autres contacts avec la collectivité, y compris les membres de la famille, et elle en fait un droit qu'on peut limiter à la demande du Service à condition qu'il en démontre la nécessité pour des raisons de sécurité. Notre bureau estime que l'introduction de drogue, le trafic de drogue et l'usage de drogue dans les établissements peut être considéré comme un risque pour la sécurité.
Je pourrais également ajouter que cela fait déjà quelques années que, dans le cadre de nos enquêtes et d'une manière générale, nous menons avec le Service correctionnel des consultations qui portent précisément sur ce genre de compromis. Je crois que vous trouverez dans les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition la réponse à votre question.
M. Ramsay: Merci, madame la présidente. Je vois que mon temps est terminé, à moins que vous n'ayez décidé d'être indulgente aujourd'hui - n'est-ce pas?
La présidente: Seulement avec vous.
Madame Torsney.
Mme Torsney (Burlington): Qui aime bien châtie bien, n'est-pas?
La présidente: Exactement. Pour Jack, c'est trop tard. Nous lui donnons toujours un petit peu plus.
Mme Torsney: J'ai deux questions à vous poser.
Je sais que vous donnez les détails concernant toutes ces plaintes, par catégorie, à la page 5 de votre rapport annuel. Est-ce que parmi ces 6 799 plaintes, vous en avez 17, par exemple, qui sont du même auteur? Est-ce que vous avez, comme la majorité des députés peuvent en témoigner, des gens qui ont tendance à se plaindre plus souvent que d'autres, et même parfois en permanence? Ou s'agit-il de plaignants différents dans chaque cas, répartis dans toute la population carcérale?
M. Ed McIsaac (directeur exécutif, Bureau de l'enquêteur correctionnel): Tout comme les députés, j'en suis sûr, nous avons un certain nombre de gens qui se plaignent en permanence. Ils nous envoient de très nombreuses plaintes.
D'une manière générale, on peut dire que ces quelque 6 000 plaintes émanent de 4 000 à5 000 détenus. Il n'y a pas un groupe particulier de détenus qui nous envoie une proportion plus petite ou même plus grande du nombre total de plaintes. C'est représentatif de...
Mme Torsney: Toute la population.
M. McIsaac: ...de quatre à cinq mille, oui.
Mme Torsney: Je crois qu'un certain nombre de mes électeurs, à la vue de ces plaintes, diraient: «Vous avez commis un crime, pourquoi devriez-vous bénéficier d'une faveur quelconque?» La vie est déjà trop belle pour vous. Pourquoi vous plaindre de votre nourriture ou de votre travail? Grand Dieu, vous avez causé assez de souffrances dans nos communautés. Pourquoi devrions-nous avoir même un bureau comme le vôtre?
Que répondez-vous à ces gens?
M. McIsaac: Eh bien, je commencerais par leur dire qu'à mon avis, la période d'incarcération ne doit pas donner lieu à des excès au niveau du châtiment. Je crois que le fait d'être séparé de la société et d'être condamné à purger une peine est déjà un châtiment.
Pour ce qui est de la nourriture, les plaintes ne concernent ni la qualité ni le nombre de calories. Il s'agit surtout de plaintes concernant certaines coutumes religieuses en matière de nourriture, qui ont été autorisées soit par l'aumônier soit par le bureau régional et qui ne sont pas respectées, ou de régimes pour des raisons médicales autorisés par le personnel médical et qui, encore une fois, soit ne sont pas respectés ou ne correspondent pas exactement à ce qui a été demandé.
Le problème dans les établissements, et c'est une des conséquences de l'engorgement, c'est l'absence d'emplois valorisants. Il n'est pas bon que des détenus restent oisifs en permanence.
Dans bien des cas, les plaintes que nous recevons concernant l'emploi proviennent de détenus qui ne peuvent pas trouver de travail à temps plein ou encore un travail qui, espèrent-ils, leur permettra d'acquérir une qualification qu'ils pourront utiliser une fois réintégrés à la société.
Voilà donc le genre de plaintes que nous recevons. On ne peut pas les qualifier de peu sérieuses ou de contrariantes.
Mme Torsney: Y a-t-il ici des plaintes absolument injustifiées? Tous autant que nous sommes, nous souhaiterions, si possible, choisir dans quelle cellule habiter, ou avoir accès à des programmes de counselling. Les gens de ma circonscription font aussi face à des difficultés. Tous les jours on me demande pourquoi les détenus auraient droit à plus d'égards.
M. McIsaac: Je vais prendre les choses une à une.
Très souvent, nous avons affaire à des détenus qui veulent qu'on les retire d'une cellule d'isolement après avoir été placés en isolement protecteur, ou encore qui demandent un changement de cellule pour des raisons de sécurité tout à fait valables.
Excusez-moi, j'ai oublié votre deuxième question.
Mme Torsney: Il s'agissait de la santé, ou de la santé mentale avec accès à des services de counselling.
M. McIsaac: C'est d'habitude à la demande d'un agent de cas du Service correctionnel qu'un détenu a accès à ce genre de programme. Si un détenu ne peut pas avoir accès à un programme donné, il y a en général deux conséquences: d'une part, son incarcération s'en trouve prolongée car pour le Service car comme pour la Commission des libérations conditionnelles, il n'est pas considéré comme prêt à être libéré. Si, à la date où il doit être libéré en vertu de ce qui est prescrit par la loi, il n'a pu avoir accès à une forme quelconque de counselling, cela signifie que quelqu'un est relâché sans avoir en fait résolu les difficultés qui l'avaient mené en prison.
Bien entendu, le Service a pour mandat de relâcher les détenus qui ne constituent plus une menace pour la société.
Mme Torsney: J'ai l'impression que nous abordons des cas particuliers. J'essaie de comprendre le tableau d'ensemble. Vous constatez que le volume de votre travail augmente et que vos budgets diminuent. Il y aura une augmentation de 50 p. 100 du volume de... De quoi déjà?
D'après les statistiques sur la croissance de la population carcérale, en date de mai 1996, établies pour les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice, il y aura une augmentation de 50 p. 100 de la population carcérale à moins que l'on réduise le nombre de ceux qui sont incarcérés et que l'on diminue la longueur de leurs peines.
Voici ce que je veux savoir: devrait-on dépenser de l'argent pour loger ces gens et supprimer ce que vous faites? Quelle est l'importance de la fonction que vous remplissez? Certains de mes électeurs se demandent pourquoi ces gens qui ont enfreint la loi auraient des droits? Pourquoi ils auraient accès à un service comme celui que vous offrez?
M. McIsaac: Les détenus ont des droits et continuent d'en avoir quand ils sont en prison. C'est la loi. Ainsi, quand ils entrent dans un établissement fédéral, ils conservent les mêmes droits que les autres citoyens, sauf ceux qui leur sont retirés expressément du fait qu'ils sont incarcérés.
Je suppose que la vaste majorité des Canadiens souhaite avoir l'assurance que les autorités qui contrôlent les pénitenciers le font en respectant les règles, les lois et les règlements et qu'il n'y a pas d'abus, c'est-à-dire que le régime établi est en fait juste, raisonnable et humain.
Nous savons bien que les abus sont toujours possibles. Il y en a. Une société démocratique comme la nôtre a tout intérêt à veiller à ce que ces droits soient respectés et sauvegardés dans la mesure du possible.
Mme Torsney: Je vais sans doute poser ma dernière question.
La présidente: Il vous reste une minute.
Mme Torsney: Monsieur Stewart, ma question s'adresse à vous et à vos collaborateurs. Vous demande-t-on de parler en public du travail que vous faites? Le Club Rotary, par exemple, les organisations communautaires, vous invitent-ils à faire une communication sur notre système carcéral et à expliquer qu'il existe un mécanisme de poids et de contrepoids? Expliquez-vous au grand public votre raison d'être?
M. Stewart: Au fil des ans, je l'ai fait assez souvent mais actuellement, beaucoup moins. Quand nous nous rendons dans les établissements, nous nous entretenons avec les fraternités autochtones et les comités de détenus. On nous demande toujours de parler de notre rôle. Nous nous entretenons également avec les représentants d'autres groupes qui ont accès aux pénitenciers, comme la Société Elizabeth Fry et la Société John Howard.
Nous aimerions faire davantage sur le plan de l'information, mais nous n'avons pas les ressources financières pour le faire, pas plus que les ressources humaines, car notre charge de travail est lourde. Avec ce que nous avons, nous continuons de contacter les détenus, en groupes essentiellement, pour leur expliquer ce que fait notre bureau.
Mme Torsney: J'ai l'impression qu'il vous faudrait communiquer davantage avec la collectivité, ceux qui ne sont pas vos clients immédiats, car à vrai dire, j'ai posé certaines questions qui peuvent sembler incongrues...
Tous les jours, on me téléphone pour me dire qu'on ne devrait pas traiter les criminels aussi bien et que ce que vous faites n'a pas lieu d'être. Dans ce climat, le Canadien moyen pense que les pénitenciers sont des endroits luxueux, que tous les détenus ont accès à un enseignement universitaire alors que lui n'y a pas accès, que la nourriture est succulente, etc.
Peut-être que vous auriez accès à des budgets plus considérables si les gens savaient ce que vous faites et appuyaient votre travail. Il ne faut pas négliger l'aspect politique.
La présidente: Merci.
M. Jim Hayes (directeur des enquêtes, Bureau de l'enquêteur correctionnel): Madame la présidente, permettez-moi de répondre.
La présidente: Allez-y.
M. Hayes: Monsieur Stewart ne le sait peut-être pas, mais le Collège Fanshawe, d'Oshawa, m'a invité...
La présidente: Vous voulez dire de London.
M. Hayes: C'est cela.
La présidente: Ici, nous sommes un groupe de députés du sud-ouest de l'Ontario et ce genre d'inexactitude nous frappe.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Il n'est peut-être pas aussi bon que ceux d'Oakville, de Windsor et de Sarnia, mais vous êtes de London, donc passons.
Des voix: Oh, oh!
M. Hayes: Quoi qu'il en soit, le collège m'a invité pour parler de certaines de ces questions.
En effet, un des professeurs a constaté un virage vers la droite dans sa classe. Comme ancien policier, il sait bien qu'il y a deux côtés à toute médaille. Comme je l'ai rencontré à l'occasion d'une communication que j'ai donnée, il m'a invité. Il dit que cela promet d'être intéressant car le public auquel je m'adresserai est très conservateur quand il s'agit du traitement des gens qui ont été condamnés et du traitement qu'on leur offre une fois leur peine purgée.
Je vais certainement me rappeler de ce que vous venez de dire et tacher de m'en tirer. Si on nous en donne l'occasion, nous présenterons plus de conférences de ce genre car je suis d'accord avec vous.
Mme Torsney: J'aimerais recevoir une copie de ce que vous direz, si toutefois vous mettez quelque chose par écrit.
M. Hayes: Volontiers.
La présidente: Merci beaucoup.
La parole est à M. St-Laurent, du Bloc. Vous avez cinq minutes.
[Français]
M. St-Laurent: Monsieur Stewart, quels sont vos critères d'évaluation des priorités et des plaintes? Selon votre rapport, vous avez dû en traiter 1 800 sur environ 7 000. Vous avez donc dû vous servir d'un modèle pour établir un choix, laisser tomber la majorité d'entre elles et conserver les principales. Selon quels critères avez-vous décidé qu'une était plus importante que l'autre? Est-ce fondé sur le nombre de détenus affectés par la plainte ou sur la menace qui pourrait peser sur la vie à l'intérieur des institutions? Quels sont vos critères dans ce domaine?
[Traduction]
M. Stewart: Les statistiques fournies dans le rapport annuel comportent une rubrique sur les suites données à une plainte. Tout d'abord, toutes les plaintes déposées font l'objet d'une enquête, mais il vaudrait peut-être mieux dire qu'elles sont «évaluées». Il est impossible de déterminer si une plainte est justifiée sans l'avoir examinée, sans avoir porté un jugement.
Certaines plaintes ne relèvent pas de nous. L'administration de la justice relève des provinces, de sorte que si un détenu se plaint de son avocat, du jury ou du juge, nous devons lui répondre que ces questions ne relèvent pas de nous. Dans de tels cas, nous sommes fixés tout de suite, car la décision est facile.
Très souvent, nous recevons des plaintes prématurées, auxquelles il est trop tôt pour donner suite. Quand un détenu veut savoir si sa demande de transfert est instruite, nous devons lui répondre: «Le délai n'est pas encore expiré. Contactez-nous de nouveau dans vingt jours.», Il faut allouer le temps nécessaire. Voilà un exemple de plainte prématurée.
Il arrive parfois que les plaintes ne soient pas fondées. Il arrive qu'elles soient retirées. Nous prenons le temps d'expliquer au détenu la politique du Service correctionnel afin qu'il comprenne qu'un gardien ne fait que son travail. Dans ces cas-là, il retire sa plainte.
Parfois nous aidons le détenu et parfois nous parvenons à régler sa plainte. Tous les dossiers que nous avons à notre bureau sont évalués, font l'objet d'une enquête. Nous n'établissons pas d'ordre prioritaire. Si un détenu demande la permission de sortir pour assister aux funérailles de sa mère, bien entendu nous téléphonons au directeur pour que les choses aillent plus vite et pour voir s'il répond aux critères. Dans ce cas-là, c'est une urgence plutôt qu'une priorité.
Tous les dossiers sont étudiés au fur et à mesure qu'ils nous parviennent. Certains exigent plus de temps que d'autres. Si dans une région, dans un établissement, nous constatons que plusieurs plaintes portent sur le même problème, par exemple les transferts à l'échelle régionale, nous allons sur place et nous essayons de les résoudre toutes par téléphone par exemple. Si c'est une question de santé dans un établissement donné et que c'est la politique qui est en cause, nous pouvons régler la situation en demandant des renseignements.
Les plaintes sont inscrites au fur et à mesure qu'elles nous parviennent. Il n'y a pas d'ordre prioritaire.
[Français]
M. St-Laurent: Toujours à propos des plaintes, enquêtez-vous aussi dans le cas d'une plainte qui concerne l'administration d'un pénitencier, une plainte à caractère plutôt administratif, ou si votre rôle se limite à l'exécution du mandat de garder les détenus? Est-ce que vous pouvez faire des enquêtes sur les administrations ou seulement sur l'administration du pénitencier, c'est-à-dire du côté des détenus?
[Traduction]
M. Stewart: Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question. Parlez-vous des gens qui travaillent dans un établissement et qui auraient des plaintes concernant l'administration?
Nous ne nous occupons que des plaintes des détenus qui peuvent porter sur la politique ou l'administration dans un établissement donné. Le dossier est étudié, effectivement. Je pense que j'ai raté...
[Français]
M. St-Laurent: Je vous donne un exemple. Si je vous dis qu'il se produit une irrégularité entre le directeur et la personne en charge des finances - ce qui n'implique aucun détenu - , est-ce que vous pouvez recevoir une telle plainte? Est-ce que vous pouvez faire enquête à ce sujet ou est-ce quelqu'un d'autre qui en a le mandat?
[Traduction]
M. Stewart: Je peux décider de faire une enquête de mon propre chef. Je ne suis pas limité à une plainte en provenance d'un détenu. Si nous constatons que quelque chose ne va pas du côté de la politique - par exemple, en matière de santé dans un établissement donné - nous contestons cette politique. Nous nous adressons au directeur ou aux autorités régionales pour résoudre ce que nous considérons être un problème. Dans la plupart des cas, ce sont les plaintes qui déclenchent notre intervention, celles des détenus, mais je peux agir de mon propre chef.
Ai-je répondu à votre question?
[Français]
M. St-Laurent: Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
M. Stewart: Merci.
La présidente: Monsieur Maloney, vous avez cinq minutes.
M. Maloney (Erie): Parlons du surpeuplement. Le problème existe-t-il d'un bout à l'autre du pays ou est-il confiné à la région de l'Est, les Maritimes, ou à celle de l'Ouest?
M. McIsaac: Il est général. Depuis quelques années, nous constatons qu'il s'est aggravé en Ontario et dans les Prairies.
M. Maloney: Comment définissez-vous le surpeuplement? Par exemple, il y a Collins Bay ou Joyceville - se sert-on encore du pénitencier de Kingston? Quelle est la capacité maximum de ces établissements et combien de détenus y logez-vous en fait?
M. McIsaac: Chaque établissement a une capacité fixée par le Service correctionnel. En général, c'est déterminé par le nombre de cellules disponibles. Nous déclarons qu'il y a un problème quand deux détenus doivent partager une cellule conçue pour un seul. Quand un établissement a été construit pour loger 400 détenus et qu'il en loge 600, on peut dire qu'il y a un problème.
M. Maloney: Combien en coûterait-il pour construire une nouvelle prison pour 400 détenus par exemple?
M. McIsaac: Je n'en sais rien. Des dizaines de millions, assurément.
M. Maloney: Combien coûterait l'administration d'un tel établissement?
M. McIsaac: Encore une fois, je ne peux que conjecturer. Il vous faudrait demander cela aux responsables du Service correctionnel.
M. Maloney: J'ai proposé comme solution de relâcher les contrevenants non violents, les délinquants primaires. Pour remplacer l'incarcération, quelles seraient les solutions de rechange? Que proposeriez-vous?
M. McIsaac: Le surpeuplement est devenu un problème en 1991-1992, quand on en est arrivé, d'un bout à l'autre du pays, à loger de 500 à 800 détenus à raison de deux par cellule. Actuellement, le problème touche de 4 500 à 5 000 détenus.
Il y a de moins en moins de contrevenants qui sont relâchés en semi-liberté ou en libération conditionnelle totale. En outre, la peine purgée dans un établissement est plus longue même pour ceux qui bénéficient d'une libération conditionnelle.
Il faut ajouter à cela le fait que, depuis deux ou trois ans, les révocations de libération conditionnelle ou de semi-liberté se sont multipliées à cause de violations plutôt qu'à cause de récidives.
Autrement dit, si, contrairement à il y a quatre ou cinq ans, pour les peines de même durée, on constate, depuis trois ou quatre ans, une augmentation de la population carcérale, c'est dû presque exclusivement au fait que les détenus purgent une plus grande partie de leur peine en établissement. Le nombre de révocations augmente considérablement. Donc, en ajoutant ceux que l'on garde en prison à ceux dont la libération conditionnelle est révoquée, et il s'agit surtout de non-récidivistes, on peut expliquer le nombre de cellules en occupation double.
Vous me demandez s'il y a une solution. Nous pourrions réduire considérablement la population carcérale si le Service correctionnel pouvait effectivement offrir les programmes nécessaires en temps opportun, de sorte que les cas pourraient être présentés à la Commission des libérations conditionnelles qui pourrait prendre une décision raisonnable et libérer ainsi des détenus sous surveillance obligatoire.
Récemment, dans son rapport, le vérificateur général a constaté l'absence des programmes communautaires qui pourraient prendre la relève des programmes disponibles en établissement actuellement. Si l'on constate un si grand nombre de révocations actuellement, c'est à cause de l'absence de programmes communautaires, l'absence d'organismes qui pourraient accueillir ces détenus. Dans ces conditions, la Commission comme les agents de surveillance des libérés conditionnels n'ont pas le choix et doivent renvoyer le contrevenant au pénitencier. Je pense que l'on pourrait trouver une meilleure façon, une façon certainement moins coûteuse d'agir dans ces cas-là.
Voilà donc une combinaison de solutions qui pourraient résoudre le problème.
M. Maloney: Aux États-Unis, on parle de privatiser les prisons. Est-ce une solution au surpeuplement?
M. McIsaac: Je suppose que si les prisons étaient privatisées, les administrateurs du secteur privé auraient tout intérêt à ce qu'elles restent remplies, prennent de l'expansion, pour faire grossir leurs bénéfices, n'est-ce pas?
La présidente: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je voudrais poursuivre dans la même veine que Mme Torsney.
Mme Torsney: Je me méfie toujours quand j'entends cela.
M. Ramsay: Les droits des détenus sont prescrits par la loi, n'est-ce pas? Ils peuvent être accrus, restreints, par la loi et également, je suppose, par la politique adoptée dans le cadre des lignes directrices prévues par la loi.
Dans le rapport Arbour, on n'explique pas pourquoi il y a eu voies de fait et émeute. En d'autres termes, si les détenus n'avaient pas eu le droit de se déplacer comme c'était le cas, d'entrer en contact avec les gardiens comme c'était le cas, l'occasion de s'attaquer à quatre gardiens ne se serait pas présentée. Un gardien a été attaqué à l'arme blanche et les autres ont été frappés, étouffés, ce genre de choses.
Si les droits des détenus menacent la sécurité et le bien-être physique du personnel, comme on a pu le constater, il me semble qu'il incombe au comité de trouver une façon de régler cela.
Je songe en particulier au trafic de drogue. Quand on pose la question aux directeurs, ils nous expliquent que la drogue entre dans un établissement essentiellement au moment où le détenu se prévaut de son droit de visite. Un directeur nous a dit que la quasi-totalité de la drogue entrait dans les établissements de cette façon. C'est un droit qui est accordé. Je ne suis pas tout à fait d'accord quand j'entends les réponses qu'on m'a données à ce propos. Les directeurs nous disent que si on abolissait le droit d'avoir des contacts physiques, il n'y aurait plus de trafic de drogue dans les établissements pénitentiaires.
Ici encore, il faut un équilibre entre les droits d'un détenu en particulier et ceux des autres détenus qui doivent pouvoir purger leur peine à l'abri du danger, sans être menacés par le fait que dans l'établissement certains détenus s'adonnent au trafic et à la consommation de drogue.
Il s'agit d'un crime: la possession, l'usage et le trafic de drogue constituent des crimes. Ces crimes sont perpétrés à l'intérieur des établissements et, d'après les directeurs, du fait que les détenus exercent leur droit d'avoir des contacts physiques avec leurs visiteurs.
Voici ma question: si nous parvenions à supprimer le trafic de drogue, à le réduire de moitié ou à le supprimer totalement, quelle incidence cela aurait-il sur le nombre de plaintes? Je vous demande votre avis d'après l'expérience que vous avez de ces questions-là. Vous dites recevoir quelque8 000 plaintes par année. Si nous pouvions réduire... Cela poserait-il une difficulté? N'y a-t-il pas de plaintes à cause de cela. Une réduction de ce côté-là ne conditionnerait-elle pas une réduction des plaintes en provenance des détenus?
M. Stewart: Si le Service correctionnel adoptait une nouvelle stratégie concernant la drogue et sévissait davantage, à mon avis le nombre de plaintes que nous recevrons augmenterait. On supprimerait les visites aux détenus qui recevraient de la drogue de leurs visiteurs, de sorte qu'il y aurait une augmentation des plaintes de la part des détenus privés de visites.
M. Ramsay: Je comprends bien, mais si la politique changeait, ces droits disparaîtraient, et les plaintes ne seraient plus fondées.
M. Stewart: Vous avez raison.
M. Ramsay: C'est là que je voulais en venir.
Tout à l'heure, je parlais de compromis. Si nous le pouvions, ne vaudrait-il pas la peine de supprimer tout trafic de drogue en refusant aux détenus le droit qui précisément constitue la porte d'entrée de la drogue dans un établissement? Avez-vous réfléchi à cela? Peut-être que non.
Selon les directeurs de prison, nous ne pouvons pas gagner sur les deux tableaux: nous ne pouvons pas permettre le contact physique et supprimer le trafic de drogue. Si nous retirons aux détenus le droit d'avoir des contacts physiques, près de 80 p. 100 du trafic de drogue va disparaître. C'est ce que nous ont dit les directeurs. Avez-vous réfléchi au compromis qu'il faudrait trouver à cet égard? Pensez-vous qu'il faut laisser les choses telles quelles?
M. Stewart: C'est une tâche qui incombe aux législateurs, mais il appartient au Service correctionnel de décider quelles politiques adopter à cet égard dans sa stratégie de lutte contre la drogue. Quant à moi, j'ai pour mandat d'instruire les plaintes des détenus et non pas de dicter au Service correctionnel d'être plus sévère dans sa politique de lutte contre la drogue qui entre dans un établissement.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay. Si nous en avons le temps, nous reviendrons à vous.
Madame Torsney.
Mme Torsney: Manifestement, vous recevez des plaintes parce que certains détenus n'ont pas accès aux visites auxquelles ils ont droit en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Quels pourraient être les motifs invoqués en faveur des visites? Quels sont les avantages de ces visites? Vaut-il mieux que les détenus n'aient pas de contacts avec le monde extérieur pendant toute la durée de leur peine?
M. Hayes: D'après mon expérience, la vaste majorité de ceux qui rendent visite à des détenus ont un effet bénéfique.
C'est indéniable, il existe un problème de drogue. Dans certains établissements, la situation est tout à fait différente, et pourtant, ils ont le même niveau de sécurité, ce qui fait que nous devrions peut-être regarder du côté des procédures. Assurément, la vaste majorité des détenus considèrent que les visites, l'échange de lettres, un contact avec la rue, un contact avec l'extérieur, tout cela les aide à purger leur peine, qu'il s'agisse de deux ans ou de la perpétuité, 25 ans. Il faut qu'ils puissent avoir ce genre de contact, et c'est probablement ce qui est le plus fondamentalement humain quand on est en établissement. Si je dis cela, c'est parce que bien des détenus purgent de longues peines et sont donc là pour longtemps. Pour la vaste majorité, l'expérience est certainement positive et bénéfique.
Il y a bien des années, quand on a commencé les visites familiales privées, on s'est dit que le programme serait très difficile à gérer à cause de toutes sortes d'inconvénients. Il s'agit des visites où les détenus passent un certain temps tout à fait en privé avec les membres de leurs familles, leurs femmes ou leurs enfants. Ils peuvent passer deux ou trois jours ensemble, vivre normalement, préparer leurs propres repas, faire leur lessive, regarder la télévision aussi tard qu'ils le souhaitent, s'approcher le plus possible d'une existence normale.
Le programme a donné d'excellents résultats et il fait partie des visites auxquelles les détenus ont droit. Bien franchement, si l'on choisissait de supprimer les visites, cela provoquerait un remous considérable. Je pense que c'est ce qui permet le mieux d'apaiser la tension. C'est l'un des meilleurs programmes de thérapie. Ce programme est assurément bénéfique pour les personnes qui entrent en contact avec notre bureau au nom de leurs fils, de leurs maris, de leurs pères. D'après ce que j'ai pu constater, c'est un programme extrêmement positif.
Mme Torsney: Bien entendu, quand on étudie le dossier d'un détenu pour le mettre en liberté conditionnelle, on regarde s'il peut retourner dans sa famille. En l'absence de tout contact pendant des années, il peut se révéler très difficile de se réinsérer dans la collectivité.
M. Hayes: Tout à fait.
Mme Torsney: Quand nous sommes allés dans les prisons, on nous a dit qu'en raison de la diminution de personnel et de l'absence de surveillance périmétrique, les détenus pouvaient ramasser des choses lancées par-dessus le mur d'enceinte. Dans certains cas, les gardiens eux-mêmes s'adonnent à ce petit commerce. Au lieu de supprimer complètement les visites comme le préconisent certains directeurs - ce que M. Ramsay rappelait tout à l'heure - nous pourrions réfléchir aux problèmes qui se posent précisément lors des visites.
Voilà essentiellement le point que je voulais soulever et la question que je voulais vous poser.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Discepola.
M. Discepola (Vaudreuil): En ce qui concerne les plaintes, avez-vous des données statistiques quant aux types de plaintes que déposent les délinquantes par rapport aux délinquants? Recevez-vous généralement les mêmes types de plaintes des deux groupes, ou les besoins sont-ils différents dans l'ensemble?
Mme Natalie Spicer Nault (enquêteur, Bureau de l'enquêteur correctionnel): Proportionnellement, il n'existe aucune différence entre les femmes et les hommes quant aux types de plaintes. Les plaintes des femmes tombent généralement dans les mêmes catégories que celles des hommes et concernent la préparation du dossier, les soins de santé et les transferts. Il n'existe pas de tendance particulière chez les délinquantes.
M. Discepola: Le juge Arbour a recommandé la nomination d'un enquêteur qui s'occuperait expressément des questions touchant les femmes. Est-ce une bonne recommandation selon vous, ou croyez-vous qu'il n'y ait pas lieu d'y donner suite?
Mme Nault: En fait, j'ai moi-même été nommée en février 1996, avant la publication du rapport Arbour, comme enquêteur chargé des questions touchant les femmes purgeant une peine dans un établissement fédéral ainsi que dans les nouveaux établissements qui ont ouvert leurs portes récemment et ceux qui doivent le faire prochainement.
M. Discepola: Merci.
[Français]
M. St-Laurent: J'ai seulement deux questions. Monsieur Stewart, vous n'en êtes pas à vos premières armes en tant qu'enquêteur correctionnel. Selon vous, le nombre de détenus augmente en milieu carcéral et celui des agents du Service correctionnel diminue. En conséquence, les services à la population carcérale diminuent. Or, selon moi, qui dit diminution de services dit automatiquement augmentation de la tension.
Selon vous, pourrait-on améliorer la situation, qui va s'aggravant dans les pénitenciers, en augmentant, non pas de façon draconienne, mais sensiblement, le nombre d'agents de Service correctionnel dans les pénitenciers? Est-ce que cela aiderait quelque peu la cause?
[Traduction]
M. Stewart: Pourriez-vous jeter un peu plus de lumière sur ce que vous venez de dire et m'expliquer ce que vous entendez par «agents du Service correctionnel»? Vous voulez parler du personnel?
[Français]
M. St-Laurent: Je parle des agents qui travaillent auprès des détenus. Je ne parle pas des gens dans les bureaux.
[Traduction]
Les gardiens, les agents.
M. Stewart: Vous avez dit dans le préambule de votre question que le nombre de détenus augmentait et que le nombre d'agents ou de gardiens diminuait.
[Français]
M. St-Laurent: Exactement.
[Traduction]
M. Stewart: Voulez-vous parler de l'ensemble du système carcéral? Je ne savais pas que le nombre d'agents diminuait de façon si considérable.
[Français]
M. St-Laurent: Le nombre des détenus augmente plus vite, c'est-à-dire pas dans la même proportion, que le nombre d'agents. Plus ça va, moins il y a d'agents pour servir le même nombre de détenus, par exemple.
[Traduction]
M. Stewart: Excusez-moi. Je comprends maintenant la question.
Je ne crois pas que ce soit tellement le nombre d'agents, mais que ce sont plutôt les installations qui font problème. Nous avons déjà parlé de l'hébergement. Nous pourrions aussi parler des soins de santé, des programmes et des activités récréatives.
Quand on a 600 détenus dans un espace qui a été conçu pour en accueillir 400 - la routine du pénitencier ressemble un peu, si vous voulez, à celle du pensionnat: à 8 heures, c'est une chose et à9 heures, c'en est une autre. Si, par exemple, vous voulez amener les détenus aux douches et que vous n'avez que tant de minutes pour qu'ils se lavent, si le nombre de détenus est de moitié plus élevé que ce qu'il devrait être, il est impossible de terminer à l'heure fixée, peu importe le nombre de gardiens dont on dispose. Ce sont donc les installations qui font problème, pas le nombre d'agents.
[Français]
M. St-Laurent: Vous n'avez jamais travaillé dans une prison, monsieur Stewart. Ce n'est pas une question.
Voici ma deuxième et probablement ma dernière question, madame la présidente. Vous écrivez à la page 31:
- En réalité, le Service possède actuellement moins de données fiables à ce sujet qu'il y a un an,
parce qu'il (le ministère) a cessé, en septembre 1993, de produire chaque mois son rapport
national...
[Traduction]
M. McIsaac: Il n'y a pas eu d'amélioration. Dans l'extrait du rapport que vous citez, si je me souviens bien, il est question du nombre d'abandons et de reports, ou peut-être du nombre de détenus qui se trouvent en occupation double dans une cellule de ségrégation. Le Service a suspendu, pour une raison que j'ignore, la collecte de données sur ces deux aspects. Ce n'est pas tellement que nous avons besoin de données; c'est plutôt que le Service en a besoin pour pouvoir mesurer les domaines de préoccupation que nous avons repérés.
Au cours des trois ou quatre dernières années, les données concernant divers éléments sont toutes recueillies pêle-mêle. On nous dit, comme on nous l'a déjà dit par le passé, que le service s'améliore graduellement. Le problème tient au fait que quand les données seront finalement présentées sous forme améliorée ou vérifiable, nous n'aurons plus de point de repère qui nous permettrait de savoir s'il y a effectivement eu amélioration dans les domaines de préoccupation visée.
Ainsi, si vous me permettez de récapituler ce que je viens de dire en réponse à votre question, je dirai que l'information qui nous est fournie ne répond toujours pas aux préoccupations précises que nous avons soulevées.
La présidente: Merci. C'est tout le temps que nous avions pour cela.
Je n'ai pas vu de mains levées du côté des libéraux, alors je donne la parole à M. Hanger pour cinq minutes, et je crois, sous réserve de ce que décideront mes collègues, que ce tour de questions sera le dernier.
M. Hanger (Calgary-Nord-Est): Je demande aux membres du comité et aux témoins de bien vouloir excuser mon retard. J'étais pris ailleurs.
Je suis très curieux au sujet de toute cette question du rôle de l'enquêteur correctionnel. Il ne fait aucun doute que la drogue constitue un problème considérable dans les établissements pénitenciers. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec des agents antidrogue du système carcéral, qui se plaignent généralement tous de la même chose.
Ils disent que plus ils sont vigilants dans leurs efforts pour lutter contre la drogue, plus il y a de plaintes qui sont déposées contre eux, et plus il y a de plaintes déposées contre eux, plus l'enquêteur correctionnel est appelé à intervenir. Plus il y a d'enquêtes faites par les enquêteurs correctionnels, plus les agents sentent la pression de la part du SCC.
L'agent a l'impression, lui, de faire un bon travail et il a les documents pour le prouver, mais l'enquêteur correctionnel semble vouloir lui mettre des bâtons dans les roues et entraver son travail avec les rapports qu'il fait au SCC, qui lui cause ensuite des difficultés.
Que pensez-vous de cette affirmation?
M. Stewart: Il faudrait que je connaisse les détails des plaintes déposées contre les agents correctionnels.
M. Hanger: Je dis qu'il s'agit là d'une affirmation générale que j'entends de la part de beaucoup d'agents antidrogue.
M. Stewart: Dès que quelqu'un de l'extérieur arrive dans un établissement pénitencier, il est considéré comme un intrus. Les agents correctionnels se considèrent sans doute comme les spécialistes pour tout ce qui touche aux services correctionnels. Ils tolèrent la présence de personnes de l'extérieur, mais ils se disent: «C'est nous les spécialistes et c'est nous qui savons comment gérer cet établissement.»
La partie III de la loi nous habilite à enquêter sur les plaintes des détenus. Si les détenus portent plainte, nous devons donner suite à leurs plaintes. Si la plainte se révèle sans fondement, nous l'indiquons au détenu. Si elle se révèle fondée, nous prenons alors des mesures pour tenter de corriger la situation.
M. Hanger: Ainsi, vous ne pensez pas que les rapports que font vos enquêteurs correctionnels à la suite des plaintes déposées par les détenus pourraient à un moment donné se traduire par des pressions qui seraient exercées sur un ou deux agents correctionnels en particulier, en raison du nombre de plaintes...? Vous ne présenteriez pas un rapport négatif à leur sujet au SCC?
M. Stewart: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce que vous dites.
M. Hanger: Voici ce que je veux savoir. Dans les rapports que vous faites au sujet des plaintes déposées contre un ou deux agents d'un établissement en particulier, vous ne donneriez pas nécessairement une mauvaise note à ces agents dans les rapports que vous faites au SCC si le nombre de plaintes déposées contre eux était beaucoup plus élevé que la normale?
M. McIsaac: Je vais tenter de répondre à la question. Quand un détenu dépose une plainte contre un agent en particulier, nous commençons d'abord par enquêter sur la plainte. Puis, avant de quitter l'établissement, nous soulevons la question soit avec le directeur soit avec son adjoint.
Naturellement, la gestion du personnel relève, non pas de notre bureau, mais de la direction de l'établissement. Nous ne ferions pas de recommandation précise au sujet des mesures qui devraient être prises à la suite de la plainte. Nous remettrions simplement l'information recueillie au directeur de l'établissement pour qu'il prenne les dispositions voulues.
Nous devons entendre la plainte. Si le directeur estime qu'il y a lieu d'y donner suite, c'est là une décision qui lui appartient.
M. Hanger: Je ne veux pas nécessairement parler des plaintes habituelles contre les gardiens et les détenus. Je veux parler de l'agent qui tient à bien faire son travail et qui exerce ses fonctions avec diligence, à tel point qu'il se distingue de beaucoup des autres agents. Il fera toutefois l'objet de nombreuses plaintes de la part des détenus.
Donnerez-vous alors une mauvaise note à cet agent dans le rapport que vous ferez? Ferez-vous un rapport négatif au SCC, demandant qu'on prenne des mesures à l'endroit de cet agent parce qu'il saisit dix fois plus ou peut-être quatre fois plus de drogue que tous les autres agents? Comment présentez-vous la chose au juste?
D'après ce que me disent ces agents qui ont d'excellents états de service dans la lutte antidrogue, le SCC s'en prend à eux en raison des rapports qui sont faits par les enquêteurs correctionnels qui s'occupent tout particulièrement des questions des problèmes de drogue.
M. McIsaac: Je suis le directeur exécutif du bureau, et je ne suis au courant d'aucun rapport de ce genre qui aurait été envoyé par notre bureau à un directeur d'établissement ou à une administration régionale.
La présidente: Merci, monsieur Hanger.
Je tiens à vous remercier d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui. Bonne journée.
La séance est levée.