[Enregistrement électronique]
Le lundi 3 juin 1996
[Traduction]
[Difficultés techniques]
... ou qu'un gamin, qui, par ailleurs, est intelligent, s'exprime bien et est issu d'une famille chaleureuse, est pris en train de commettre des dégradations. Le problème est peut-être qu'il souffre de troubles d'apprentissage.
Dans le rapport publié en 1994, à la suite du Sommet sur les difficultés d'apprentissage, on note plusieurs nouvelles données qui sont préoccupantes. Ainsi, 50 p. 100 des élèves enrôlés dans les programmes d'éducation de l'enfance en difficulté souffrent de troubles d'apprentissage, et parmi ces derniers, 35 p. 100 abandonnent l'école - deux fois plus que leurs camarades qui n'éprouvent pas ce genre de difficultés. Par ailleurs, on a découvert que 50 p. 100 des jeunes délinquants testés souffraient de troubles d'apprentissage qui n'avaient pas été décelés.
En outre, Barbara Macrae faisait remarquer, dans un article publié en 1984 dans le bulletin de la John Howard Society of Ontario, que:
- Même si un lien causal direct entre les troubles d'apprentissage et les actes criminels relève
toujours de la spéculation, on reconnaît qu'il existe une relation entre l'échec scolaire, la
délinquance juvénile et la criminalité des adultes.
- Des milliers d'enfants victimes de troubles et de problèmes d'apprentissage continuent leur
progression, année après année, au sein du système scolaire sans que leurs difficultés soient
dépistées. Naturellement, un bon nombre d'entre eux ne vont pas jusqu'au bout et vont encore
grossir les rangs de ceux qui ont échoué en milieu scolaire. Ils abandonnent parce qu'ils sont
gênés et frustrés par leur incapacité à suivre, ou on s'en débarrasse à cause de l'instabilité de leur
comportement, un phénomène qui accompagne habituellement les troubles ou les problèmes
d'apprentissage. Beaucoup de ces enfants se retrouvent éventuellement aux prises avec les
juridictions de la jeunesse. Cela ne veut pas dire que chaque jeune qui souffre de troubles ou de
difficultés d'apprentissage et qui n'est pas soigné deviendra délinquant. Néanmoins, les
dossiers individuels et la documentation montrent clairement que des troubles ou des difficultés
d'apprentissage importants qui ne sont pas dépistés peuvent être à l'origine d'une série
d'événements dévastateurs au bout de quoi l'enfant se retrouve devant les juridictions de la
jeunesse.
La LDA de l'Ontario a toujours prétendu qu'un dépistage précoce des troubles d'apprentissage, accompagné d'une intervention appropriée, est un point de départ capital si l'on cherche quoi faire à partir de maintenant. En outre, la mise en place d'un programme convenable de formation en milieu de travail, pour tout le personnel concerné, est important si l'on veut s'assurer que les troubles d'apprentissage des jeunes délinquants ne passent pas inaperçus et/ou sont soignés. De plus, l'établissement d'un programme pour remplacer la détention dans tout le Canada est particulièrement important pour les jeunes contrevenants et/ou les délinquants primaires. Nous nous attendons à ce que le comité se rende compte des avantages de ce programme, car nous avons noté qu'il a prévu de visiter un établissement où l'on met en oeuvre des solutions de remplacement au programme de garde, à Galt, en Ontario.
En résumé, la LDA de l'Ontario est en faveur d'une action coordonnée de la part des écoles, des juridictions de la jeunesse, des organismes communautaires et des parents, dans le but de mettre en place un programme de dépistage, d'intervention et d'éducation. Le temps et l'argent investis aujourd'hui ouvrent à chacun d'entre nous la perspective d'un avenir meilleur.
Merci.
La présidente: Merci.
Nous commençons les échanges de vues de dix minutes. Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie d'avoir présenté un exposé ce matin et d'être venus nous rencontrer.
Selon l'association que vous représentez, qu'est-ce qu'un trouble d'apprentissage?
Mme Sharon Bell-Wilson (Learning Disabilities Association of Ontario): La vraie définition technique de trouble d'apprentissage est dysfonctionnement neurologique touchant le système nerveux central et ayant des incidences sur la capacité d'accomplir un grand nombre de tâches, qu'il s'agisse de la lecture, de la coordination, de la réflexion mathématique... La liste est longue. Telle est la définition technique.
M. Ramsay: Je vois.
En Alberta, dont je suis originaire, il y a eu des cas où des élèves qui avaient terminé leur douzième année et se préparaient à entrer à l'université ont été déclarés analphabètes. Il faut leur réapprendre certaines des bases qu'ils auraient dû acquérir pendant leurs études secondaires.
Cela tombe-t-il dans la catégorie des troubles d'apprentissage dont vous parlez? Naturellement, cela revient toujours à remettre en question le système scolaire au niveau pré-universitaire. Dans quelle mesure les troubles d'apprentissage dont vous avez parlé dans votre mémoire ce matin ont-ils quelque chose à voir avec ces cas-là?
Y a-t-il des élèves qui obtiennent un diplôme de douzième année alors qu'ils sont incapables de lire et d'écrire correctement, d'analyser une phrase, d'écrire un paragraphe qui se tienne et ainsi de suite? Est-ce attribuable au système éducatif lui-même, ou s'agit-il d'un phénomène qui combinerait le système éducatif et les troubles d'apprentissage des intéressés?
Mme Bell-Wilson: Il y a probablement plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Habituellement, dans les cas de troubles d'apprentissage, si l'on s'en occupe comme il se doit, les manifestations doivent pouvoir être détectées chez un enfant généralement au cours des deux ou trois premières années de scolarité, donc en première ou en deuxième année, à l'âge de six ou sept ans.
On constate souvent que les troubles d'apprentissage sont pris pour des problèmes de comportement: «Ce n'est là, pour cet enfant, qu'une façon de s'extérioriser. Cet enfant n'est pas motivé. Ça lui passera». Encore une fois, la question est de savoir si l'enseignant est suffisamment observateur pour reconnaître les caractéristiques des troubles d'apprentissage.
Si les enseignants en remarquent plusieurs chez un élève, ce dernier devrait être évalué par un psychologue agréé suffisamment versé en la matière pour savoir qu'il s'agit bien de troubles d'apprentissage.
Le phénomène peut commencer à se manifester de très bonne heure. Une des choses les plus regrettables qui soit arrivée, c'est qu'un grand nombre d'élèves, comme je l'ai mentionné dans mon rapport, passent toute leur scolarité sans que le problème soit détecté, et qu'ils deviennent de plus en plus frustrés du fait qu'ils ignorent ce qui ne va pas, que personne d'autre ne semble le savoir non plus et qu'ensuite, on décide souvent de laisser courir.
M. Ramsay: Savez-vous quel est le pourcentage des jeunes contrevenants qui sont rangés dans la catégorie des analphabètes pour l'une des deux raisons que vous avez mentionnées? Autrement dit, ils ont été marginalisés... ou parce qu'ils sont simplement analphabètes, peut-être à cause de troubles d'apprentissage ou parce que le système éducatif les a laissé tomber.
Mme Bell-Wilson: Comme je le disais dans mon rapport, d'après ce que l'on sait grâce aux cas recensés, 35 p. 100 des jeunes contrevenants souffrent de troubles d'apprentissage. C'est, semble-t-il, un pourcentage relativement stable.
Tout dépendant des études auxquelles on se réfère, le pourcentage des jeunes contrevenants qui ont des problèmes d'apprentissage - qu'il s'agisse de véritables troubles d'apprentissage, d'analphabétisme, de déficit de la capacité d'attention ou d'un autre type de besoins particuliers - se situe entre 60 et 80 p. 100. Il s'agit, de toutes façons, d'un pourcentage élevé - que l'on parle de35 p. 100, de 60 p. 100 ou de 80 p. 100.
M. Ramsay: Dans la mesure où le système scolaire est la première juridiction, si je peux m'exprimer ainsi, à laquelle est assujetti un enfant en dehors de la famille, et qu'un dépistage précoce de ce type de problème est effectué au sein du système éducatif, d'après ce que vous avez dit ce matin, il me semble que c'est là qu'il faudrait accorder énormément d'attention au problème, car c'est dans cet environnement que les signes deviennent évidents. S'il s'agit d'un problème qui relève de l'éducation plutôt que de la justice pénale, il faudrait allouer les ressources nécessaires à ce secteur, avant que les enfants en arrivent au point de commettre des crimes et de s'attaquer aux biens et aux vies des autres. N'êtes-vous pas d'accord avec cela?
Mme Bell-Wilson: Votre description correspond effectivement à la façon dont les choses se déroulent généralement. Si le problème n'est pas décelé et qu'il n'existe aucun programme pour prendre en charge l'élève ou le jeune enfant, si l'on ne se rend pas compte qu'il a un véritable problème, le risque est grand que cela mène à des actes de violence ou une conduite criminelle, et on retrouve éventuellement le jeune pris dans le système judiciaire. En revanche, dire que c'est la responsabilité des milieux scolaires... Je ne suis pas complètement en désaccord avec vous, et notre association a été très active auprès des instances judiciaires et dans le secteur de l'éducation.
M. Ramsay: Quel est le pourcentage des enfants qui rencontrent des difficultés au niveau de l'école primaire? Avez-vous des chiffres?
Mme Bell-Wilson: Nous disposons de quelques statistiques pour l'Ontario, évidemment, qui révèlent qu'environ 50 à 80 000 cas ont été dépistés. Ces chiffres ne s'appliquent peut-être qu'à Toronto.
On revient ici encore à la façon dont les troubles d'apprentissage sont détectés. Ce qui se passe, notamment en Ontario, où il n'y a plus un aussi grand nombre de classes réservées aux élèves qui ont des besoins spéciaux, c'est que l'on se retrouve avec des classes de trente élèves. Si l'on part du principe que 10 p. 100 des gens souffrent de troubles d'apprentissage, on en trouvera nécessairement plusieurs dans une classe de trente élèves qui ont diverses difficultés de ce genre. Ce serait beaucoup demander à l'enseignant de repérer, avec tout ce qui se passe dans une classe, les trois élèves qui souffrent de troubles d'apprentissage, les trois autres qui ont d'autres difficultés et les cinq qui ont encore d'autres problèmes.
M. Ramsay: Que faut-il faire, selon vous, si trois élèves sur trente souffrent de troubles d'apprentissage évidents? Que doit-on faire au sein du système scolaire pour régler le problème?
Mme Bell-Wilson: Vous avez remarqué qu'à la fin de mon exposé, j'ai parlé de dépistage, d'intervention et d'éducation. L'éducation prend deux formes. On ne parle pas uniquement d'un programme éducatif destiné à l'élève qui a des troubles d'apprentissage; on parle aussi d'un programme éducatif destiné à ceux qui sont chargés d'instruire tous les élèves, qu'ils aient des troubles d'apprentissage ou pas, pour qu'ils puissent dépister et reconnaître les troubles d'apprentissage. Le même genre de formation interne que nous préconisons pour tout le personnel des juridictions de la jeunesse serait également approprié dans le cas du personnel enseignant. Il faudrait que cela soit obligatoire.
La présidente: Madame Torsney.
Mme Torsney (Burlington): Je vous remercie de l'exposé que vous avez présenté.
J'aimerais préciser quelques points. On ne parle pas ici de quelqu'un qui ne serait pas doué pour quelque chose - un ou une élève qui n'aurait pas très bien maîtrisé les mathématiques, ou qui n'a pas bien écouté; nous parlons d'enfants ou d'adultes qui intervertissent les nombres et les lettres, ce qui fait que certains d'entre eux liront 91, alors qu'il s'agit du chiffre 19. C'est bien cela?
Mme Bell-Wilson: C'est l'une des difficultés en effet; une autre concerne la mise en séquence des idées. Je pense, par exemple, à l'incapacité de mettre en séquence les dates de naissance, ou de distinguer la droite de la gauche. Il s'agit d'un trouble d'apprentissage très commun, particulièrement chez les adultes, qui éprouvent de grandes difficultés à faire ce genre de distinction. C'est un problème de séquencement qui concerne la capacité de se souvenir de n'importe quel type de séries ou de comprendre leur mécanisme.
Mme Torsney: Je ne prends pas la chose à la légère, mais dans notre famille, nous disons souvent en plaisantant - à droite, non l'autre droite - car nous sommes nombreux à avoir de la difficulté à distinguer la droite de la gauche. Certaines personnes peuvent être intelligentes, cultivées et instruites, mais avoir néanmoins des faiblesses au niveau de l'aptitude au calcul. Elles peuvent très bien avoir trouvé elles-mêmes des petits trucs pour remettre les nombres dans le bon ordre. Est-ce que je me trompe?
Mme Bell-Wilson: Nous avons récemment réalisé un vidéo qui montre, sur leur lieu de travail, des adultes qui ont des troubles d'apprentissage. Dans ce même vidéo, nous mentionnons également quelques grands hommes qui souffraient de troubles d'apprentissage. On y parle d'Albert Einstein, de Thomas Edison, de Winston Churchill, de Léonard de Vinci et ainsi de suite. Ils appartiennent tous à la catégorie des gens très intelligents qui pourtant avaient des troubles d'apprentissage.
Mme Torsney: Il faut donc manifestement apprendre aux enfants qui en souffrent des astuces pour remettre en séquence ou reconnaître le problème, leur donner un outil pour qu'ils sachent comment se tirer d'affaire.
Mme Bell-Wilson: Une des choses dont on parle, particulièrement pour les adultes - et c'est aussi très valable pour les enfants - c'est de la notion «d'accommodement». Vous vous rendez compte qu'un enfant a un trouble d'apprentissage et vous faites des accommodements, en fonction de la difficulté qu'il rencontre. Ainsi, s'il s'agit d'un problème de lecture, il peut être nécessaire de lui faire la lecture ou d'utiliser des enregistrements. S'il s'agit d'un problème de vision ou de perception, on peut faire asseoir l'enfant plus près du tableau et lui faire répéter les consignes ou ce qui a été dit, pour s'assurer que le niveau de compréhension est satisfaisant.
Ce n'est pas que les gens qui souffrent de troubles d'apprentissage sont incapables d'apprendre. C'est tout simplement qu'ils apprennent différemment.
Mme Torsney: On pense, bien sûr, au cas de figure dont on parle beaucoup actuellement aux États-Unis où un dyslexique est le premier de sa classe à l'école de droit de l'Université Yale. Sa mère lui lit les leçons. Il a réussi à entrer à l'école de droit de Yale parce que l'établissement a accepté qu'il utilise sa propre méthode de contrôle des connaissances et qu'il peut donner ses réponses oralement et ainsi de suite. C'est un brillant sujet, mais il est incapable de lire une phrase.
Mme Bell-Wilson: Je trouve intéressant que vous mentionniez ce cas. Dans notre vidéo, celui auquel je viens de faire allusion, l'un des intervenants est justement avocat. Il avait, lui aussi, une mère qui repassait ses leçons avec lui, et c'est certainement quelqu'un que vous considéreriez très intelligent. Il est avocat. Ce qui n'est pas mon cas. Bref, là n'est pas le problème.
Mme Torsney: À la page 2 du mémoire que vous intitulez «Where to go from here?», il semble qu'un grand nombre des choses que vous répertoriez concerne la formation. Vous avez souligné que l'on ne tient mal les dossiers, qu'il y a manifestement un problème quand les gens n'enregistrent pas tout ce qui devrait l'être ou quand on perd des informations. Le soutien à l'éducation de l'enfance en difficulté n'est pas suffisant dans les écoles ni au sein des juridictions de la jeunesse. Les responsabilités en la matière sont divisées en Ontario et l'on connaît mal les stratégies appropriées à appliquer aux jeunes contrevenants. Les gens n'ont donc pas la formation nécessaire. C'est, je crois ce que vous voulez dire.
Mme Bell-Wilson: Oui.
Mme Torsney: Alors à qui incombe la responsabilité?
Mme Bell-Wilson: Il ne s'agit pas de pointer du doigt qui que ce soit, ni de dire à qui incombent les responsabilités. C'est d'ailleurs une responsabilité collective. Donc, quand une situation se présente, la responsabilité, particulièrement en ce qui concerne l'éducation...
Peu importe que ce soit le rôle de l'enseignant ou de l'agent de liberté conditionnelle. Ils doivent tous deux recevoir une formation; ils ont tous deux besoin de comprendre et d'être ainsi mieux en mesure de travailler avec le jeune contrevenant, si on en est arrivé là, pour assurer qu'il ne deviendra pas un délinquant adulte.
Mme Torsney: Ne diriez-vous pas que l'aide la plus susceptible d'empêcher les gamins d'avoir affaire au système judiciaire doit être dispensée dans les écoles?
Mme Bell-Wilson: Il est certain que les écoles des responsabilités à prendre, mais comme le montrent certaines des statistiques que j'ai citées, il y a un fort pourcentage d'élèves qui décrochent. Alors dire que tout dépend de l'école... qu'arrive-t-il à l'enfant qui abandonne l'école?
Mme Torsney: Pourquoi décrochent-ils? Parce qu'ils ont des troubles d'apprentissage.
Les futurs enseignants qui suivent des cours de maîtrise ou de baccalauréat en éducation n'apprennent-ils rien au sujet des troubles d'apprentissage?
Mme Bell-Wilson: Manifestement, je ne peux, cette fois encore, parler que de l'Ontario, mais je n'ai pas l'impression que c'est une matière obligatoire.
Mme Torsney: Ah bon! N'est-ce pas un sujet qui est couvert dans le cadre des journées pédagogiques auxquelles participent tous les enseignants du Canada?
Mme Bell-Wilson: Je n'en ai pas non plus l'impression.
Mme Torsney: Êtes-vous en train de me dire que les employés de nos établissements correctionnels n'ont pas, eux non plus, de formation en ce domaine?
Mme Bell-Wilson: Non.
Notre association, au niveau national comme au niveau provincial, a donné des cours de formation, mais il y a de cela plusieurs années. Comme partout, il y a eu un roulement de personnel dans ces établissements, et ceux qui ont suivi une formation il y a cinq ans ne font peut-être plus maintenant partie du système. Et ils peuvent très bien avoir été remplacés par des gens qui sont totalement ignorants en la matière. Il faut un programme interne de manière à ce qu'il y ait une formation régulière, pas seulement tous les cinq ou dix ans.
Mme Torsney: C'est peut-être une des choses dont devrait s'occuper aussi notre comité, voir ce qui se fait à l'Université Queen's, à l'Université de Toronto et dans les autres établissements où l'on forme les enseignants, et pourquoi ce n'est pas une matière obligatoire.
La présidente: À l'université de Windsor.
Mme Torsney: À l'Université de Windsor. Naturellement. J'ajouterais bien Hamilton, mais nous n'avons pas d'école normale. Enfin, c'est...
Mme Bell-Wilson: Je sais que c'est offert, mais reste à savoir si c'est obligatoire. Je sais que dans mon propre cas, quand je préparais mon baccalauréat en psychologie, j'étais déjà très intéressée par les troubles d'apprentissage et j'ai suivi un stage. C'est quelque chose que j'ai moi-même choisi de faire, et si j'avais décidé de faire une maîtrise en éducation, cela aurait été obligatoire, de toutes façons.
Mme Torsney: Pensez-vous que ce serait une bonne idée de tester tous les enfants qui réussissent mal? Comment pourrait-on s'y prendre si l'on décidait de le faire? Devrait-on tester les enfants qui font partie des 20 p. 100 qui réussissent le moins bien ou la deuxième moitié de la classe, pour savoir s'ils ont des problèmes? Je suppose qu'il pourrait y avoir également des problèmes chez les enfants qui sont dans la première moitié de la classe, mais qui ont réussi eux-mêmes à les surmonter.
Mme Bell-Wilson: Là encore, si vous voulez faire au mieux, pour ainsi dire, cela vaudrait sans doute la peine de tester tout le monde à cause de l'éventail de cas susceptibles de se présenter comme vous venez de le faire remarquer.
Un enfant peut être extrêmement intelligent, et c'est l'une des raisons pour lesquelles notre association ne fait jamais le lien entre l'intelligence et les troubles d'apprentissage. L'un n'a rien à voir avec l'autre. Un enfant placé dans une classe pour surdoués peut très bien souffrir de troubles d'apprentissage, ce qui fait que certains de ses besoins seront satisfaits par le système, mais d'autres, non.
Il faudrait peut-être que cet enfant soit testé, pour déterminer s'il a effectivement des troubles d'apprentissage, tout autant que l'enfant qui obtient des résultats inférieurs à ce que l'on est en droit d'attendre à son âge.
Mme Torsney: Savez-vous s'il y a des tests qui sont actuellement administrés dans les écoles?
Je sais qu'il y a tout un débat pour savoir si, lorsqu'on réussit bien, c'est parce que l'on sait s'y prendre ou parce que l'on a bien maîtrisé la matière. Il y a beaucoup d'enfants qui semblent comprendre une matière, mais qui éprouvent des difficultés lorsqu'il s'agit de passer un examen ou de se soumettre à un test du genre SAT ou LSAT. Quand j'étais à l'université, nous avions beaucoup de questions à choix multiples, et c'était une expérience très frustrante pour un grand nombre d'étudiants qui ne réussissaient pas très bien ce genre d'épreuve.
Y a-t-il des tests que l'on administre aux jeunes dans les écoles pour compenser les difficultés que certains éprouvent à s'exprimer par écrit ou à répondre à des questions à choix multiples? A-t-on les moyens de détecter qui réussit mieux ou moins bien en quoi, et qui souffre possiblement de troubles d'apprentissage?
Mme Bell-Wilson: En fait, une véritable évaluation des troubles d'apprentissage devrait prendre en compte beaucoup plus que la capacité de s'exprimer par écrit. Il faudrait examiner plusieurs choses pour déterminer s'il y a effectivement troubles d'apprentissage. Tout ne devrait pas se faire par écrit. Il faudrait aussi s'intéresser à l'expression verbale, pour voir comment les choses sont appréhendées et comprises et comment elles sont ensuite exprimées. Vous avez raison, tout ne devrait pas être fonction de la capacité de bien réussir un test, de bien répondre à des questions à choix multiples ou autre chose du genre.
C'est l'une des raisons pour lesquelles une telle évaluation est habituellement faite par un psychologue agréé qui connaît bien le domaine des troubles d'apprentissage. Je sais que, pour l'instant, il y a encore des écoles qui comptent un psychologue parmi leur personnel.
Mme Torsney: Pour l'instant?
Mme Bell-Wilson: J'ignore ce que l'avenir réserve en ce qui concerne le financement de l'éducation, et c'est la raison pour laquelle je précise «pour l'instant».
La présidente: Madame Torsney, je vous redonnerai la parole plus tard.
Mme Torsney: Parfait.
La présidente: Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Je me pose des questions au sujet de la définition de l'expression «troubles d'apprentissage». Je n'ai jamais pu comprendre l'algèbre. S'agit-il d'un trouble d'apprentissage ou est-ce simplement parce que mon enseignant ne présentait pas la matière d'une façon qui m'aurait permis de la comprendre?
Prenons la méthode phonétique d'apprentissage de la lecture par rapport à la méthode globale. J'ai appris à lire selon la méthode phonétique et ma femme, selon la méthode globale. Aujourd'hui, ma femme est maîtresse d'école, et elle continue d'avoir des problèmes d'orthographe. Comment distingue-t-on un trouble d'apprentissage d'un simple problème causé par la méthode utilisée à l'école?
Il faut bien le dire, on est stigmatisé quand on n'est pas capable de comprendre: je croyais être stupide et mes notes le démontraient. Pourtant, tout ce dont j'avais besoin, c'était d'un enseignant qui se serait mis à mon niveau et m'aurait fait progresser. Il y avait une raison pour laquelle je ne comprenais pas ce que disaient les enseignants, alors qu'autour de moi, la majorité des élèves comprenaient, en tout cas, mieux que moi.
Il y a des troubles réels, comme ceux dont a parlé Mme Torsney, quand les enfants intervertissent l'ordre des lettres ou qu'ils disent des mots à l'envers. Il ne fait pas de doute qu'il s'agit bien de troubles d'apprentissage. Mais faut-il conclure que, juste parce que je ne réussis pas à suivre en algèbre, cela dénote un trouble d'apprentissage selon votre définition?
Mme Bell-Wilson: Ce n'est pas impossible. Ce serait alors une manifestation de dyscalculie, qui est une des formes que prennent les troubles d'apprentissage... Ce qu'il ne faut pas oublier, quand on parle de trouble d'apprentissage, c'est que l'expression ne définit pas une seule et unique chose. L'inversion des lettres, la dyslexie, laquelle est, bien sûr, probablement le trouble d'apprentissage le plus fréquent, n'est habituellement pas la seule difficulté qui soit présente. Il existe probablement au moins dix-sept formes de troubles d'apprentissage, tous dotés de noms extraordinaires qui commencent par la lettre «d». Ne me demandez pas de vous les réciter tous, je n'y arriverai probablement pas.
Ce que l'on appelle trouble d'apprentissage, c'est un révélateur de problèmes multiples. Tout le monde est susceptible d'avoir des difficultés en mathématiques. Mais si ces difficultés s'ajoutent à d'autres déficiences, c'est peut-être révélateur d'un problème plus important, c'est-à-dire un trouble d'apprentissage.
M. Ramsay: Non seulement j'ai du mal en algèbre, mais j'ai aussi parfois des difficultés à comprendre la façon dont le gouvernement envisage le système de justice pénale. Je me demande s'il s'agit là aussi d'un «trouble» quelconque.
Mme Bell-Wilson: Je ne ferai pas de commentaire à ce sujet.
M. Ramsay: Quand on cherche des solutions aux problèmes du secteur de l'éducation dans tout le Canada, naturellement, ni le système de justice pénale, ni ce comité ne peuvent s'en occuper. C'est ce qui me semble souvent faire surface. Si l'on veut aborder les choses dans la perspective d'une justice préventive, il faut commencer par agir à l'extérieur du système. Comme vous l'avez souligné, une partie des jeunes qui ont des démêlés avec la justice pourraient être dépistés entre leur troisième et leur sixième année de scolarité. Que fait-on dans le secteur de l'éducation pour régler ce problème? Que nous recommanderiez-vous de faire? Quelle recommandation ce comité peut-il transmettre au ministre ou au ministère de la Justice, pour que l'on puisse intervenir, si des signes précurseurs de problèmes commencent à se manifester chez un jeune qui risque éventuellement de se retrouver aux prises avec les juridictions de la jeunesse si rien n'est fait?
Mme Bell-Wilson: Là encore, il faut agir sur deux fronts, et il ne s'agit pas nécessairement de mettre le système éducatif dans le collimateur. Il a effectivement des responsabilités. Toutefois, si ces responsabilités, pour quelque raison que ce soit, ne sont pas prises et que les élèves passent à travers les mailles du filet, comme c'est souvent le cas, les responsabilités passent à la justice, devant qui, malheureusement le jeune a fini par aboutir, quelle qu'en soit la raison. S'il existe des dossiers dans lesquels figurent des observations concernant les troubles d'apprentissage, ils devraient être transmis aux tribunaux pour que l'on élabore ou que l'on mette en place un programme adapté à la difficulté d'apprentissage ainsi qu'à la condamnation qui sera prononcée.
Donc, c'est vrai, l'éducation entre en jeu, mais il y a l'éducation au niveau de l'éducation elle-même et l'éducation au niveau de la justice.
La présidente: Monsieur Maloney.
M. Maloney (Erie): Dans votre liste de recommandations vous indiquez qu'en Ontario, la division des compétences en matière de délinquance juvénile fait problème. Pourriez-vous nous expliquer en quoi et, plus important encore, nous indiquer quelles pourraient être les solutions?
Mme Bell-Wilson: Ici encore, la question est de savoir qui est responsable.
Dans le système judiciaire ou dans le cas des tribunaux, il y a certaines règles qui s'appliquent. Dans le secteur de l'éducation, il y a d'autres règles. Il serait bon que toutes les pendules soient à la même heure, pour ainsi dire, de manière à s'assurer que les jeunes qui ont des troubles d'apprentissage ne passent pas à travers les mailles du filet, que ce soit celles du système éducatif ou celles du système judiciaire.
Je ne sais pas si c'est le genre de réponse que vous attendiez.
M. Maloney: Je constate que l'on se retrouve avec deux secteurs d'intervention, la justice et l'éducation. Et ils ne coordonnent pas leurs initiatives.
Mme Bell-Wilson: Non.
M. Maloney: Comment peut-on faire qu'il en soit autrement?
Mme Bell-Wilson: Dans une des réponses que j'ai données, j'ai parlé de l'éducation de ceux qui ont eux-mêmes la responsabilité d'éduquer ou de traiter. Cette éducation devrait être systématique et être dispensée à quiconque travaille avec des enfants, que ce soit dans le secteur scolaire ou judiciaire.
Si vous ignorez ce que vous cherchez, et si vous ne savez pas reconnaître ce qui se fait jour, vous n'allez pas pouvoir dépister ni soigner. Vous allez passer à côté et beaucoup de gens en paieront le prix.
M. Maloney: Passons à autre chose. La plupart de vos suggestions semblent exiger des ressources de qualité, et cela coûte de l'argent. Comment pouvez-vous concilier votre approche avec les coupures gouvernementales, au niveau provincial comme au niveau fédéral? Nous nous trouvons devant un problème dont la solution est coûteuse alors que la philosophie du gouvernement actuel est de réduire les dépenses.
Mme Bell-Wilson: Je suppose qu'il faut se demander ce qui est important et quelles sont les priorités? Il faudra peut-être envisager un transfert de ressources au profit des secteurs prioritaires.
Quand il est question des jeunes, du futur, de ce que cela représente, j'ai l'impression qu'il s'agit d'une priorité. Plus pressante que certaines autres. Donc, plutôt que de se demander comment obtenir plus d'argent, alors qu'il n'y en a pas, mieux vaut peut-être s'interroger sur la façon dont on distribue l'argent ou les ressources dont on dispose?
M. Maloney: Les précisions que vous avez données au sujet des jeunes contrevenants qui souffrent de troubles d'apprentissage sont très frappantes et significatives, mais vous avez aussi mentionné que des gens peuvent vivre des vies tout à fait normales tout en ayant des difficultés d'apprentissage. Existe-t-il des statistiques à ce sujet? Si l'on veut considérer les choses dans leur totalité... Nous nous sommes concentrés sur les jeunes contrevenants. Pourquoi cela est-il jugé représentatif de l'éventail des gens qui souffrent de troubles d'apprentissage? Est-ce un problème très répandu?
Mme Bell-Wilson: Eh bien, les troubles d'apprentissage, pour ce qui est des pourcentages... Je l'ai dit, cela représente 10 p. 100 de la population. Donc vous faites le calcul de ce que représente10 p. 100 de la population au Canada, et vous avez la réponse. Manifestement, tous ces gens-là ne sont pas de jeunes contrevenants ou des délinquants adultes. Un grand nombre, comme vous dites, vivent - je n'aime pas cette expression - des vies normales, sans rencontrer de difficultés, ou sont en tout cas parvenus à s'adapter et maîtrisent bien le problème.
Pourquoi en est-il ainsi dans leur cas alors que pour d'autres, les choses n'ont pas aussi bien tourné? Il y a tant de facteurs qui entrent en jeu, et tant d'études qui ont été faites sur le sujet. J'en ai trouvé qui remontaient aussi loin que le milieu des années 60 où l'on se demandait s'il s'agissait de facteurs ou de problèmes sociaux, ou encore d'ordre économique, émotif, psychologique ou neurologique, ou si c'était une question d'environnement ou de carence biochimique. Certains enfants ont un meilleur régime alimentaire.
La liste des diverses «causes» qui font qu'un enfant souffrant de troubles d'apprentissage évolue d'une façon, alors qu'un autre évolue différemment est probablement l'un des sujets les plus chaudement débattus par les spécialistes qui font des recherches sur les troubles d'apprentissage. À mon avis, personne ne peut dire précisément pourquoi il en est ainsi et pourquoi les choses se passent d'une façon plutôt que d'une autre.
M. Maloney: Je vous remercie.
La présidente: Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Diriez-vous que la majorité des gens qui ont des troubles d'apprentissage peuvent différencier le bien du mal? Sont-ils capables de s'en rendre compte?
Mme Bell-Wilson: Là aussi, les recherches et les statistiques dont nous disposons, notamment sur ceux qui ont eu affaire aux juridictions de la jeunesse ou qui entrent dans ce système, portent à croire que les troubles d'apprentissage touchent principalement les capacités linguistiques et la lecture. Sont-ils conscients de ce qui se passe quand on les présente à un juge? Ce n'est pas sûr.
M. Ramsay: Ce n'était pas ce que j'ai demandé. Je voulais savoir s'ils ressentent quelque chose avant d'attaquer quelqu'un et s'ils savent que c'est mal.
Mme Bell-Wilson: Pas nécessairement.
M. Ramsay: Il se peut qu'ils ne sachent pas que c'est mal.
Mme Bell-Wilson: Pas nécessairement.
M. Ramsay: Quel est le pourcentage, selon vous, des jeunes délinquants qui ne savent pas différencier le bien du mal?
Mme Bell-Wilson: Ils peuvent très bien ne pas se rendre compte, comme nous, que c'est mal de voler une voiture.
M. Ramsay: Se rendent-ils compte que c'est illégal? Sont-ils capables de comprendre un tel concept?
Mme Bell-Wilson: Cela dépend de qui le leur explique.
M. Ramsay: Vous voulez dire qu'il y a des jeunes délinquants de 15, 16 ou 17 ans dans nos rues et dans nos localités qui ne savent pas que ce n'est pas bien de voler une voiture?
Mme Bell-Wilson: Il se peut, là encore, qu'ils n'aient pas la même perception que nous.
M. Ramsay: Mais là n'est pas la question. Je vous demande peut-être quelque chose que je ne devrais pas à cause des nuances de la question. Je ne comprenais pas l'algèbre et je souffrais peut-être d'un trouble d'apprentissage en la matière. Mais j'ai toujours su distinguer le bien du mal et je connaissais les règles. Je connaissais les règles que mon père et ma mère avaient établies chez nous. Je savais ce que disait la loi. Je savais aussi que c'était mal de prendre ce qui appartenait à quelqu'un d'autre. J'étais capable de comprendre cela. Êtes-vous en train de dire que parce qu'ils ont des troubles d'apprentissage, certains individus ne savent pas différencier le bien du mal?
Mme Bell-Wilson: Il y a des cas où cela est possible. Je ne vais pas me lancer dans les spéculations et les statistiques, mais nous disposons d'informations qui nous portent à croire que cela pourrait effectivement être vrai dans certains cas.
M. Ramsay: Quel pourcentage de ceux qui ont des troubles d'apprentissage appartiennent selon vous à la catégorie de ceux qui sont capables de différencier le bien du mal?
Mme Bell-Wilson: Je ne pourrais même pas essayer de deviner.
M. Ramsay: Parfait. C'est tout.
La présidente: Je vous remercie. Cela conclut notre première heure de discussion.
Je voudrais vous remercier de votre exposé, madame Bell-Wilson. J'espère pouvoir l'incorporer à notre rapport final. Merci.
Mme Bell-Wilson: Merci de m'avoir invitée.
La présidente: Nous allons faire une pause de cinq minutes pour permettre aux témoins suivants de prendre leur place.
La présidente: Je crois que nous sommes tous prêts. Reprenons
Je souhaite la bienvenue à l'honorable Charles Harnick, procureur général de l'Ontario et à l'honorable Robert Runciman, solliciteur général et ministre des Services correctionnels de l'Ontario.
Ceux qui me connaissent bien savent que je ne manque jamais l'occasion de parler de Windsor. Il y a dans la salle trois diplômés de la faculté de droit de l'Université de Windsor: M. Gallaway,M. Harnick et moi-même. Même si je n'ai donc aucune autre raison de vous souhaiter la bienvenue, je peux le faire à ce titre.
Cela dit, notre façon de procéder est la suivante: nous écoutons attentivement les exposés puis nous posons des questions. Je peux déjà vous dire qu'il y aura beaucoup de questions non seulement parce que nous avons eu un peu de temps pour prendre connaissance de votre exposé mémoire, mais aussi parce que nous lisons le Globe and Mail. Vous pouvez commencer quand vous voulez.
L'honorable Charles Harnick (procureur général de l'Ontario): Merci, madame la présidente. Je crois comprendre que nous avons une heure à passer ensemble.
La présidente: Oui, bien que nous sachions nous montrer assez souples. Je me trompe, nous avons une heure et demie.
M. Harnick: Une heure et demie?
La présidente: Nous avons jusqu'à 10 h 30.
M. Harnick: Parfait. Je suis vraiment très heureux d'avoir l'occasion de participer à cet examen de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Dans notre déclaration, le solliciteur général et moi-même allons nous concentrer sur des changements précis que le gouvernement de l'Ontario aimerait que l'on apporte à cette loi. Par la même occasion, j'aimerais situer mes observations dans le contexte suivant.
Une des maximes qui ont cours dans les sociétés démocratiques veut que la justice doit non seulement être rendue, mais aussi être perçue comme telle. C'est mon avis et celui du gouvernement de l'Ontario que la Loi sur les jeunes contrevenants ne permet ni l'un ni l'autre.
Pour dire les choses simplement, justice n'est pas rendue. Il n'y a pas de justice lorsque, à cause d'une date de naissance, d'un simple chiffre arithmétique, un jeune contrevenant peut éviter la pleine sanction de la société, une société où la colère monte devant toute cette violence. Je parle de cas réels, de ces trop nombreux jeunes de moins de 18 ans qui commettent des meurtres, des homicides involontaires et des agressions sexuelles. Telle est la réalité à laquelle sont confrontés aujourd'hui les Canadiens.
Il me paraît que c'est cette réalité qui devrait être à la base des délibérations de votre comité - c'est vrai, les jeunes commettent des crimes odieux; c'est vrai, la Loi sur les jeunes contrevenants, telle qu'elle est actuellement, est mal faite pour avoir un rôle dissuasif et ainsi préserver la sécurité de nos collectivités.
La réalité est que la justice n'est pas rendue et n'est pas perçue comme telle non plus. La justice n'est pas rendue lorsque, simplement à cause de leur âge, des jeunes de 16 et 17 ans, qui commettent des crimes d'adultes, peuvent échapper aux conséquences de leurs actes; des actes qui, beaucoup trop souvent, se soldent par un préjudice irrévocable, voire la mort pour un bien trop grand nombre de victimes; des actes qui déchirent des familles et leur imposent des souvenirs horribles; des actes qui, selon notre gouvernement, devraient priver ces contrevenants du privilège d'être jugés ailleurs que par un tribunal pour adultes.
Il est tout aussi inévitable que la justice ne soit pas perçue comme étant rendue. Le sentiment de la population, en général, est que les jeunes ne sont pas tenus responsables de leurs actes criminels. Qu'il s'agisse de petits vols, de vandalisme ou d'intimidation, beaucoup trop de Canadiens pensent que les jeunes ne sont pas tenus de répondre totalement de leurs actions - ni par leurs familles, et certainement pas par le système judiciaire.
Selon moi, aucun d'entre nous dans cette pièce ne peut permettre que ce sentiment persiste. Nous ne pouvons pas permettre que l'on continue de jeter le discrédit sur l'administration de la justice. Nous ne pouvons pas permettre que le système judiciaire soit considéré comme la cause profonde du problème.
Le système judiciaire est le dernier recours. Les gens comparaissent devant les tribunaux quand tout le reste a échoué, les valeurs familiales, l'éducation, les services sociaux, etc. Le système juridique devrait être perçu par le public comme une partie de la solution, et non comme le problème. Avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de suggérer que cela devrait être le point de départ de vos délibérations quand viendra le temps de rédiger votre rapport final.
Lorsque nous avons préparé les commentaires que nous vous présentons aujourd'hui, mon collègue et moi-même avons lu l'exposé de l'honorable Allan Rock, le ministre de la Justice, devant ce comité. M. Rock s'est exprimé éloquemment sur les questions touchant la criminalité des jeunes et sur les questions auxquelles le comité devra éventuellement tenter de trouver une réponse.
Vous trouverez peut-être surprenant que mon collègue et moi-même approuvions bien des déclarations de M. Rock. Nous approuvons l'idée clé sur laquelle repose cette étude. Nous approuvons l'objectif que nous poursuivons tous et qui est de parvenir à une administration de la justice pour les jeunes qui atteigne deux buts, responsabilité et efficacité. Comme l'a déclaréM. Rock:
- En premier, il y a la responsabilité, au sens où les jeunes, comme tous les autres Canadiens, sont
responsables de leur conduite et doivent comprendre que leurs actes ne sont pas sans
conséquences. Et la responsabilité implique le sens de la justice à l'égard des victimes qui ont
subi un préjudice. Elle implique que l'on décourage les récidives et que l'on prenne des mesures
pour veiller à ce que cela ne se produise pas à nouveau. Le deuxième objectif doit être
l'efficacité, l'efficacité dans le sens d'une stratégie globale faisant appel à la fois aux tribunaux
et aux autres ressources, dans le but de réduire le nombre de crimes qui sont commis par les
jeunes et de garantir la sécurité et la protection personnelles et collectives.
En premier lieu, j'aimerais fournir au comité quelques informations générales. En Ontario, nous consacrons une part considérable des ressources de la justice aux crimes commis par les jeunes. Notre province compte le plus fort pourcentage au Canada de cas jugés par les tribunaux pour adolescents. Les statistiques fédérales montrent qu'en 1993-1994, cela représentait 43 p. 100 du total national, soit 50 008 cas sur 115 949, et 47 p. 100 de la totalité des délits avec violence commis par les jeunes au Canada, soit 11 004 sur 23 374.
Je noterai au passage que, selon M. Rock, seul un petit nombre de jeunes Canadiens se livrent à des crimes de violence. Je vous demande de concilier ce commentaire avec le fait qu'en 1993-1994, plus de 11 000 délits avec violence commis en Ontario impliquaient des jeunes. Ce commentaire est incompatible avec la réalité.
En plus des crimes avec violence, on a enregistré, en Ontario, 42 p. 100 du total des infractions contre les biens commises par des jeunes - 25 000 sur 59 138 infractions. En 1994-1995, les statistiques de mon ministère montrent que 20 p. 100 des accusations portées devant les tribunaux criminels provinciaux, abstraction faite des infractions provinciales, impliquaient des jeunes. Sur le total de 515 978 délits relevant du Code criminel, de la Loi sur les stupéfiants et de la Loi sur les aliments et drogues, 105 284 impliquaient des jeunes en 1994-1995.
Notre expérience reflète l'augmentation régulière des crimes commis par les jeunes et du nombre des accusations portées contre eux au Canada. Par exemple, huit ans après l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, la proportion des délits graves commis par des jeunes a doublé. Ce taux de criminalité était resté stable pendant les quatre ans précédant l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il me semble que ces statistiques sont révélatrices. Il est manifeste que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas suffisamment stricte pour dissuader les jeunes de commettre des crimes avec violence, en dépit des nombreux amendements apportés d'une année à l'autre.
Comme je l'ai dit au début de mon exposé, je suis venu faire des recommandations portant sur des changements précis que notre gouvernement considère essentiels pour restaurer quelque peu l'image de la Loi sur les jeunes contrevenants dans la population. Nos propositions s'inscrivent parfaitement dans le cadre défini par M. Rock, et elles permettront d'apporter une réponse adéquate au grave problème que constitue la délinquance juvénile.
Notre première recommandation est que la notion de jeune contrevenant soit redéfinie et soit applicable à une personne de 15 ans ou moins. Jusqu'à l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants en 1984, l'âge limite, en Ontario, en vertu de la Loi sur les jeunes délinquants, était de 15 ans. En droit pénal, les jeunes âgés de 16 et 17 ans étaient considérés comme des adultes.
L'ancienne limite d'âge avait plus de sens. Elle est conforme à l'opinion générale concernant la responsabilité adulte. À 16 ans, on peut légalement conduire, travailler, se marier et fonder une famille. Si, en tant que société, nous reconnaissons qu'un jeune de cet âge est capable de faire des choix importants comme ceux-là, nous devons également reconnaître qu'il est capable, moralement, de comprendre les conséquences d'actions répréhensibles et qu'il doit en être tenu responsable.
Nous reconnaissons que des changements ont été apportés par le projet de loi C-37. Ils étaient souhaitables, mais ne vont pas suffisamment loin. La présomption de renvoi, pour les 16 et 17 ans accusés de meurtre, laisse la possibilité que le délit soit jugé par un tribunal pour adolescents. C'est inacceptable pour notre gouvernement. C'est inacceptable pour la population en général. Cela réduit la force dissuasive de la loi. Notre recommandation reflète une attitude beaucoup plus honnête et beaucoup plus ouverte à l'égard des objectifs poursuivis par la loi. Et elle est beaucoup plus conforme aux standards que la population s'attend à voir appliquer.
Puisqu'il est question de standards clairs et uniformes - standards demandés voire exigés par la population - nous suggérons que le comité réfléchisse à la possibilité d'autoriser les poursuites dans les cas exceptionnels, quand un jeune de moins de 12 ans est accusé d'avoir commis un crime grave, tel qu'un meurtre.
Il y a eu des cas, dans d'autres juridictions, où des enfants de neuf ou dix ans ont sciemment commis des crimes odieux. Nous devrions pour le moins envisager une action de caractère pénal dans de telles situations, en complément des initiatives des services sociaux qui sont actuellement chargés du cas lorsqu'un enfant commet un acte odieux, tel qu'un meurtre.
De même, comme l'a justement souligné M. Rock, le public souhaite voir une mesure de responsabilisation. Les gens souhaitent que les jeunes contrevenants soient tenus responsables de leurs actes, ainsi que leurs parents. Comment est-il possible de concilier ce désir de responsabilisation avec des dispositions qui tendent à absoudre les familles des jeunes délinquants de toute responsabilité financière à l'égard des actes de leurs enfants?
Il y a eu de nombreux cas où des jeunes accusés d'avoir commis une infraction ont demandé à bénéficier de l'aide juridique et où cela leur a été refusé parce qu'on a jugé que leurs familles ou les jeunes eux-mêmes étaient suffisamment à l'aise pour payer des consultations juridiques. Pourtant, un grand nombre de ces jeunes accusés se présentent devant les tribunaux et leur demandent, en vertu de l'article 11(4), de nommer un avocat pour leur défense. Comme vous le savez, les tribunaux sont actuellement tenus d'obtempérer.
Cela doit changer, car c'est l'antithèse de la responsabilisation dont M. Rock juge nécessaire d'imprégner la loi. Nous recommandons la modification de l'article 11(4) de la loi pour que les juges des tribunaux pour adolescents soient tenus de prendre en compte les normes d'admissibilité à l'aide juridique, avant de nommer un avocat quand on le leur demande.
Nous prions le comité de ne pas s'en tenir à cela et d'examiner plus à fond le rôle des parents. Nous croyons que la loi doit être renforcée dans ce domaine. En ce qui nous concerne, nous étudions la possibilité de faire en sorte que les jeunes délinquants et leurs parents soient passibles de poursuites devant les tribunaux civils. On pourrait, par exemple, invoquer la responsabilité civile pour compenser les victimes d'un acte criminel.
Nous pensons qu'il doit y avoir une responsabilité civile des jeunes contrevenants et de leurs parents. Dans de nombreuses situations, des jugements civils permettent d'obtenir des dommages et intérêts. En réalité, il y a très peu de chances que ces jugements soient exécutés.
À la récente conférence fédérale-provinciale et territoriale, plusieurs provinces, à l'initiative du Manitoba, ont suggéré qu'il y ait, au niveau national, une loi qui imposerait une responsabilité civile aux parents qui peuvent payer une somme due en vertu d'un jugement, et qui leur laisserait la responsabilité de prendre les dispositions nécessaires vis-à-vis leurs enfants.
Nous voudrions aussi demander au comité d'envisager des améliorations comme l'allégement des contraintes en matière de preuve énoncées à l'article 56. Selon nous, l'article 56 permet trop facilement que les déclarations spontanées soient jugées irrecevables pour des raisons techniques.
Par exemple, il exige que la renonciation d'une jeune personne à ses droits soit faite par écrit ou sur vidéo. Les formulaires utilisés par la police sont parfois longs et compliqués. Si un jeune oublie de signer à l'un des nombreux endroits où cela est nécessaire, la renonciation peut être jugée sans valeur bien que la déclaration ait été faite spontanément.
Je tiens à le dire clairement, nous comprenons l'importance de l'article 56 afin de protéger les droits des jeunes et d'éviter tout risque de voir admise comme preuve une déclaration qui n'a pas été faite spontanément. Nous ne préconisons pas que ce principe soit édulcoré, de quelque manière que ce soit; nous souhaitons simplement que les tribunaux puissent avoir une plus grande marge de manoeuvre quand il s'agit d'examiner des vices de forme en vertu de cet article. Nous souhaitons que les tribunaux puissent se concentrer sur le délit, plutôt que d'être accaparés par des querelles d'ordre technique.
Les recommandations que je viens de faire exigent d'importants changements à la loi. Mon collègue en suggérera d'autres.
Ces importants changements sont nécessaires pour restaurer la confiance de la population dans la manière dont on traite les infractions commises par des jeunes ainsi que les contrevenants. La Loi sur les jeunes contrevenants devrait être perçue comme un puissant moyen de dissuader les jeunes de commettre des crimes. Tant qu'il n'en sera pas ainsi, on fera fi des droits des victimes et de la sécurité de nos collectivités.
Telles que sont les choses actuellement, les statistiques montrent que la Loi sur les jeunes contrevenants leur laisse le champ libre pour commettre des crimes graves et violents. Bien que nous suggérions des changements majeurs, nos recommandations sont conformes aux principes fondamentaux de la justice. Elles touchent le besoin de flexibilité, de clarté et, ce qui est peut-être le plus important, la responsabilité, au sens à la fois sociétal et individuel, dans la façon dont nous traitons la criminalité juvénile.
Vous êtes comme nous des législateurs, et je vous demande instamment de réfléchir à vos obligations à l'égard de la population canadienne. Écoutez ce qu'elle vous dit. Les gens souhaitent que leurs collectivités soient plus sûres; ils souhaitent que l'on s'occupe de la criminalité juvénile. Par-dessus tout, ils souhaitent que de véritables changements soient apportés à la Loi sur les jeunes contrevenants.
J'ai rencontré ce matin Tom Ambas qui, si je comprends bien, viendra témoigner devant ce comité jeudi. Tom Ambas est porteur d'une pétition forte de plus de 500 000 signatures. Je vous demande instamment d'écouter ce que réclament les Ontariens.
Pour donner un peu la vedette à ma propre circonscription de Willowdale, le conseil de North York demande au gouvernement fédéral de se montrer sévère envers les enfants qui commettent des crimes graves. «Si l'on est assez vieux pour commettre un crime, on est assez vieux pour en subir les conséquences», a déclaré le maire Mel Lastman, lorsqu'il a demandé, mercredi, l'appui du conseil pour sa motion enjoignant le gouvernement fédéral de modifier certains articles de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est ce que dit le maire de ma localité. Je prends cela très au sérieux. Cela reflète, à n'en pas douter, l'opinion des gens qui vivent dans la circonscription de Willowdale, que je représente.
Je vous prie instamment de ne pas priver la population de la justice qu'elle réclame. Demandez à M. Rock d'apporter les changements que nous préconisons.
Nous avons écouté les habitants des collectivités ontariennes. Nous vous demandons d'en faire autant.
Je vous remercie.
La présidente: Monsieur Runciman.
L'honorable Robert W. Runciman (solliciteur général et ministre des Services correctionnels, gouvernement de l'Ontario): Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue. Permettez-moi tout d'abord de définir comme il se doit le contexte dans lequel s'inscrivent mes observations.
Comme le savent fort bien les membres du comité, au cours de la dernière décennie, la criminalité parmi les jeunes a suscité une inquiétude toujours croissante. C'est surtout la Loi sur les jeunes contrevenants qui a été au centre de ces préoccupations.
Étant donné que ce sentiment d'inquiétude est fort répandu et que, sur le plan politique, la question est explosive, il est important de souligner que ce n'est pas la première fois que le gouvernement de l'Ontario la soulève. Bien des préoccupations dont le procureur général et moi-même faisons état aujourd'hui ont été signalées aux autorités fédérales il y a 14 ans, par le gouvernement de William Davis.
En 1982, M. Norm Sterling, qui est actuellement ministre de la Consommation et du Commerce et qui, à l'époque, était secrétaire de la province à la Justice, a écrit à l'honorable Robert Kaplan, alors solliciteur général fédéral, pour lui signaler les réserves du gouvernement de l'Ontario à propos de la Loi sur les jeunes contrevenants que l'on se proposait d'adopter, et pour lui dire à quel point il trouvait funeste que des modifications aussi profondes soient introduites, sans que l'on ait consulté la plus grande province du pays.
Je vous transmettrai copie de la lettre de M. Sterling. J'espère sincèrement que les députés trouveront le temps d'en prendre connaissance.
Je souligne que cette lettre, qui a été écrite il y a 14 ans, prévient très exactement le gouvernement fédéral de s'attendre à bien des problèmes auxquels nous faisons effectivement face aujourd'hui. Le plus triste, c'est que pratiquement aucune de ces réserves ni de ces recommandations n'a été prise en compte. Il faut espérer que l'histoire ne se répète pas.
Je constate les résultats de l'absence de consultations, à l'époque, et de l'obstination à ne pas répondre de façon appropriée à l'inquiétude croissante de la population lorsque je compte les victimes des jeunes contrevenants, par exemple, l'adolescent qui a été poignardé dans un escalier de l'école qu'il fréquentait, ou l'employé d'une épicerie de quartier que l'on a abattu d'une balle dans la tête avec un fusil à canon scié. Je vois le résultat dans les yeux des proches de ceux et celles qui sont victimes des jeunes contrevenants.
Certaines de ces personnes ont comparu devant le comité, et l'une d'entre elles est ici aujourd'hui. Elle représente des centaines de milliers de Canadiens qui ont signé des pétitions et écrit des mémoires, pour demander des peines plus strictes pour les jeunes contrevenants.
Je vois le résultat dans les larmes de la famille de ce jeune de dix-huit ans qui a été battu à mort avec un bâton de baseball. Je le vois dans le deuil de la mère d'une jeune fille de seize ans, abattue alors qu'elle tenait un bébé dans ses bras. Je le vois dans la peine des parents d'un jeune homme tué au cours d'une stupide querelle d'adolescents. Je le vois dans la mort d'un jeune homme, poignardé alors qu'il essayait de secourir une jeune femme attaquée par de jeunes gangsters. Je le vois dans toutes ces vies auxquelles de jeunes criminels, par leurs attaques sauvages, ont coupé court.
Comme vous le savez, tous ces gens-là, toutes ces victimes, ne représentent que la pointe émergée de l'iceberg. En Ontario, en 1994, nous avons placé 2 100 jeunes contrevenants en milieu fermé parce qu'ils étaient coupables de crimes avec violence. Cela comprenait 42 jeunes détenus pour meurtre, 782, pour infractions graves avec violence, 325, pour infractions relatives aux armes, 176, pour importation ou trafic de drogue et 145, pour délits sexuels avec violence.
Comme nous le savons tous, les statistiques sur la criminalité peuvent ne pas être très fiables. Mais ce qui est clair et incontestable, c'est que nous avons reconnu 2 100 jeunes coupables de crimes avec violence dans cette province. Sur ce nombre - et encore une fois, cela est clair et incontestable - seules 21 affaires ont été renvoyées aux tribunaux pour adultes, au plus, environ la moitié des homicides.
Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Cela représente une terrible menace qui pèse sur la sûreté et la sécurité des Ontariens.
La violence parmi les jeunes menace les fondements mêmes de ce à quoi nous accordons de la valeur au sein de notre société. Récemment, certains membres de mon personnel ont rencontré les représentants d'un grand service de police chargés d'enquêter sur les crimes commis par des jeunes. On leur a dit que les jeunes contrevenants considèrent que les dispositions de la loi sont risibles. «Personne ne prend cela au sérieux. Nous pouvons nous amuser jusqu'à dix-huit ans» était une remarque courante. Les agents de police constatent que les jeunes contrevenants n'ont aucun remords et ne respectent aucunement ni leurs parents, ni leurs enseignants, ni la police, ni la population. Les tribunaux renforcent simplement leur attitude négative. Comme l'a dit un agent de police: «Ces gosses entrent dans la salle d'audience le sourire aux lèvres et en ressortent en rigolant».
D'après la police, c'est parmi les enfants de moins de 12 ans que l'attitude est la pire. D'après ce qu'ils peuvent constater, ces jeunes - on ne peut les appeler des contrevenants, la loi ne le permet pas - savent qu'ils sont intouchables.
Tout récemment - je suis sûr que vous en avez tous entendu parler - un jeune de 11 ans a été soupçonné d'avoir violé une jeune fille de 13 ans. D'après la police, il sait que l'on ne peut pas porter d'accusations contre lui. Il leur a dit qu'il était trop jeune, qu'on ne pouvait rien contre lui, que, selon la loi, on ne peut engager de procédure criminelle contre les garçons et filles qui n'ont pas 12 ans.
Cet examen doit, je crois, aboutir à ce que les jeunes cessent de considérer que la Loi sur les jeunes contrevenants est une mesure dont ils peuvent se moquer, un simple obstacle à leurs activités criminelles. L'examen que vous avez entrepris doit aboutir à un changement, à un changement important et immédiat. Mesdames et messieurs, comme on dit dans les milieux sportifs, il est temps que, nous tous, «joignions le geste à la parole». Je vous suggère, comme premier geste, comme point de départ de vos délibérations, de rendre plus sévères les sanctions prévues par la loi pour punir les crimes graves.
Bien des intervenants, au sein des juridictions de la jeunesse, s'inquiètent du fait que les jeunes contrevenants reconnus coupables de crimes très graves passent relativement peu de temps sous garde, même ceux qui sont traités comme des adultes et qui sont jugés par des tribunaux pour adultes. Le renvoi du jugement aux tribunaux pour adultes en cas d'infractions graves ne résout pas le problème que pose l'imposition de peines inadéquates aux jeunes contrevenants. Cela ne suffit pas pour remédier aux lacunes de la loi.
Par exemple, l'été dernier, un juge de Toronto a condamné un jeune reconnu coupable d'un crime particulièrement horrible. Le meurtrier, qui avait 16 ans à l'époque, avait tué un innocent dont le seul crime était de ne pas avoir d'argent sur lui lorsqu'il a été détroussé. Il s'agissait d'une affaire grave et elle a été traitée avec tout le sérieux qui s'impose par les juridictions de la jeunesse. Le meurtrier a été condamné à huit ans de prison en juillet dernier. En juillet de cette année, il devient admissible à la semi-liberté. En juillet prochain, il a droit à la libération conditionnelle.
Vous pouvez imaginer quelle a été la réaction de la famille de la victime à cette nouvelle. Malheureusement, cette situation n'est pas rare.
En juillet prochain, un jeune contrevenant, qui a été reconnu coupable et condamné à la suite d'une fusillade au volant d'une voiture, pourra faire valoir ses droits à la semi-liberté, environ onze mois après sa condamnation. En juillet 1997, il sera admissible à la liberté conditionnelle, moins de deux ans après avoir été condamné.
Les modifications incluses dans la loi promulguée en décembre dernier tentent de redresser cette situation, mais elles ne vont pas assez loin. En tout premier lieu, il faut intégrer à notre système des mesures véritablement énergiques pour régler le sort des jeunes contrevenants qui font preuve d'un mépris éhonté à l'égard des lois qui nous gouvernent tous. Si nous manquons de le faire, nous manquons à notre devoir. Nous manquons à nos engagements envers les gens que nous représentons tous. Nous manquons à nos obligations à titre de législateurs et de ministres de la Couronne. En bout de ligne, nous manquons également à nos engagements envers les jeunes, car nous ne les prévenons pas, de façon claire et cohérente, qu'on leur demandera des comptes et que leurs actes criminels ne seront pas tolérés. Une loi que l'on outrage n'est pas un moyen de dissuasion.
Nous croyons également que la loi doit être révisée afin de souligner que les parents sont responsables de la façon dont leurs enfants agissent, comme l'a mentionné plus tôt le procureur général. La déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants stipule que les parents ont la responsabilité de s'occuper et de superviser leurs enfants, mais aucune mesure concrète n'est prévue pour faire appliquer ce principe. De notre point de vue, c'est là une sérieuse lacune. Nous croyons que les parents devraient être tenus responsables de ce que font leurs enfants. La loi devrait comprendre des articles stipulant clairement quelle est la responsabilité financière et morale des parents.
La province du Manitoba envisage des mesures législatives destinées à délimiter la responsabilité civile des parents. Nous appuyons cette initiative et nous croyons que la Loi sur les jeunes contrevenants devrait refléter ces notions.
La recommandation que nous proposons ensuite découle de la nécessité de redonner à la population confiance en la loi. Si l'on veut s'assurer que le public a l'impression que justice est rendue, et si l'on prend en considération la sécurité publique, on ne devrait pas préserver l'anonymat des auteurs de crimes graves parce qu'ils n'ont pas 18 ans. L'Ontario souhaite que la loi soit modifiée afin d'autoriser la divulgation du nom des jeunes reconnus coupables d'infractions graves. La question évidente qui se pose est la suivante: les droits de qui devrions-nous protéger? La réponse, qui est tout aussi évidente pour nous, est que nous devrions protéger les victimes et leurs familles, et non les auteurs de crimes graves.
J'aimerais maintenant passer aux questions qui touchent l'étape finale du processus judiciaire, c'est-à-dire ce qui se passe une fois que la peine a été prononcée.
Il existe dans la loi trois dispositions qui entraînent des problèmes opérationnels énormes, ainsi que de nombreuses dépenses inutiles: les options dont disposent les tribunaux pour décider du sort des jeunes qui doivent être mis sous garde, les mesures régissant le transfèrement des jeunes contrevenants dans un établissement correctionnel pour adultes lorsque le moment est venu de le faire et les dispositions concernant la tenue de dossiers appropriés sur les jeunes contrevenants.
Sans trop entrer dans les détails, nous voulons que la loi soit modifiée afin que les décisions concernant le type de garde qui convient le mieux à un contrevenant soient prises par des représentants de l'administration pénitentiaire, comme c'est le cas pour les adultes. Ces personnes savent quelles sont les ressources et les programmes dont les contrevenants peuvent se prévaloir, et cela nous donne plus de latitude pour utiliser au mieux des ressources de plus en plus limitées.
Nous voulons que l'on modifie les dispositions concernant le placement de jeunes contrevenants dans des établissements pour adultes. À l'heure actuelle, un jeune contrevenant reconnu coupable d'une infraction grave commise à l'âge de 17 ans pourrait fort bien se trouver encore dans un établissement réservé aux jeunes à l'âge de 24 ans. Il n'est pas souhaitable de mettre en contact de jeunes adolescents reconnus coupables d'infractions mineures et des hommes plus âgés qui ont commis des crimes plus graves. Nous voulons laisser ce genre de décisions aux spécialistes du système correctionnel. Il est temps de les laisser faire leur travail et de faire disparaître les contraintes que représentent les mesures législatives.
Quant à la conservation des dossiers, c'est tout simplement une suite de chinoiseries administratives. Ceux qui connaissent les articles de la loi qui se rapportent à cela conviennent qu'il faut absolument les modifier.
Cela m'amène au dernier point concernant les peines qui sont prononcées, je veux parler de la déjudiciarisation - l'idée que l'on devrait traiter le cas de plus de jeunes contrevenants en dehors du système judiciaire officiel et des établissements correctionnels. Nous sommes d'accord avecM. Rock pour dire que l'on devrait trouver le moyen d'éviter d'envoyer en prison les jeunes contrevenants qui ont commis des crimes sans violence, car cela est dans leur intérêt tout en se révélant avantageux pour le système.
Ce que coûtent les jeunes contrevenants joue un rôle dans ces considérations. Au total, les dépenses engagées par notre province au titre de la détention des jeunes contrevenants et des programmes qui leur sont destinés s'élèvent à environ un quart de milliard de dollars par an. Cela nous coûte près de 100 000$ par an pour garder un jeune contrevenant en milieu fermé. Ce serait moins cher de leur payer une chambre ici, au Chelsea, pendant un an et de les envoyer dans une école privée que de les enfermer dans un établissement correctionnel pour les jeunes.
Par comparaison, la supervision des jeunes contrevenants au sein des collectivités coûte de 5 à 6$ par jour. Ce que nous préférons est évident, mais à cause de la législation actuellement en vigueur, il est difficile de tirer pleinement profit de ces mesures de rechange.
De notre point de vue - et je crois que M. Rock et d'autres ont exprimé des avis semblables - avant de faire bénéficier de jeunes contrevenants de programmes de rechange, il faut faire certaines distinctions fondamentales entre les crimes graves et les infractions non violentes. Le cas d'un adolescent reconnu coupable de vol à l'étalage ou de vandalisme doit être traité de façon appropriée et sérieuse dans le cadre du système judiciaire. Toutefois, ce système doit être assez souple pour que ce genre d'infraction ne soit pas traitée de la même façon qu'un crime grave comportant de la violence.
Nous voulons tous un système qui permettrait de limiter la détention dans le cas d'infractions mineures. Parallèlement, nous voulons tous un système où les peines imposées en cas de crime violent sont plus sévères.
J'ai laissé ce sujet presque pour la fin, pour souligner la difficulté majeure à laquelle nous faisons face lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des programmes de déjudiciarisation; je veux parler du fait que la population n'a pratiquement aucune foi dans la Loi sur les jeunes contrevenants, ce à quoi mon collègue a fait allusion plus tôt. Il est difficile de promouvoir la déjudiciarisation dans le cas d'infractions mineures, lorsque la population n'est pas convaincue que les infractions graves sont punies comme il se doit.
Nous devons nous assurer que le système permet aux tribunaux de faire des distinctions - même dans les cas d'infractions moins graves - entre les contrevenants qui expriment de vrais remords et ceux qui se moquent de la loi. C'est le seul moyen de convaincre la population que les jeunes contrevenants seront traités de façon appropriée dans chaque cas. Telle est la base de l'appui donné par notre gouvernement à la déjudiciarisation.
Toutefois, nous estimons que c'est à nous, et non aux instances fédérales, de décider comment la contribution fédérale au coût des programmes destinés aux jeunes contrevenants doit être utilisée.
Dans le mémoire qu'il a présenté au comité, M. Rock a déclaré que le gouvernement dont il fait partie veut renégocier les ententes fédérales-provinciales relatives à la contribution du gouvernement fédéral aux juridictions de la jeunesse. Il souhaite que ces fonds servent presque exclusivement à financer des programmes remplaçant l'incarcération, notamment pour les contrevenants qui n'ont pas commis d'actes de violence.
Le problème, c'est que la contribution fédérale au coût des programmes destinés aux jeunes contrevenants, en pourcentage du coût total, est constamment en baisse. En outre, cette contribution n'atteint pas les niveaux annoncés auparavant. À l'origine, le gouvernement fédéral s'était engagé à financer 50 p. 100 des coûts des programmes destinés aux jeunes contrevenants. Un maximum a été fixé à cette contribution en 1989, et à l'heure actuelle, les fonds alloués par le gouvernement fédéral représentent environ 30 p. 100 des dépenses réelles.
Depuis l'imposition d'un maximum, l'Ontario a reçu, au cours des cinq dernières années, environ 200 millions de dollars de moins que ce que les instances fédérales s'étaient engagées à verser. Au cours du présent exercice, le manque à gagner, par rapport aux sommes promises, est d'environ 45 millions de dollars.
Étant donné ces antécédents, notre gouvernement veut mettre très clairement les choses au point. C'est la province qui est responsable de gérer les programmes à l'intention des jeunes contrevenants. C'est nous qui sommes responsables de décider comment les fonds sont répartis. Nous avons l'intention de faire valoir ces prérogatives, afin de mettre en place un système «fait en Ontario» qui répond à nos besoins et correspond à notre optique.
Madame la présidente, ce sont là les principaux points que je souhaite souligner. Si on les considère dans la foulée des changements proposés par le procureur général, c'est une véritable refonte des juridictions de la jeunesse que nous présentons.
Il serait logique que vous demandiez si tout cela est véritablement nécessaire; si le système est vraiment aussi mauvais que cela. Il y a 14 ans, lorsque mon collègue, Norm Sterling, a comparu devant un comité tel que le vôtre, et qu'il l'a prévenu que la mesure législative devenue depuis la Loi sur les jeunes contrevenants aurait des conséquences néfastes sur les juridictions de la jeunesse en Ontario, certains membres du comité l'ont accusé d'être alarmiste. Aujourd'hui, nous savons qu'il n'a pas sonné l'alarme assez fort. Tout ce contre quoi il avait mis vos prédécesseurs en garde est arrivé: engorgement des tribunaux pour adolescents, augmentation du nombre des jeunes qui aboutissent dans les établissements correctionnels, chinoiseries administratives à n'en plus finir et enfin, instauration d'un système qui ne permet pas de réhabiliter les jeunes qui ont commis des infractions mineures, d'empêcher les jeunes de commettre des actes criminels graves ni d'assurer la protection du public.
La population n'a guère confiance dans les juridictions de la jeunesse, et elle a raison. Telle qu'elle est aujourd'hui, la Loi sur les jeunes contrevenants, même avec les modifications que l'on y a apportées et qui ont été promulguées en décembre dernier, ne se révèle pas adéquate. Elle ne protège pas la population, elle ne punit pas les coupables et elle ne décourage pas le crime. C'est le message que vous ont transmis la plupart des gens qui ont comparu devant vous. Il reflète le sentiment de millions de Canadiens qui constatent que le système ne fonctionne tout simplement pas.
Le comité a l'occasion de commencer à redresser la situation. Vous avez la possibilité de remettre en état un système qui en a bien besoin. Je souhaite que vos délibérations soient fructueuses et que vous puissiez mener à bien cette entreprise. Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes.
M. Ramsay: Je tiens à vous remercier chaudement d'avoir comparu devant le comité et de nous avoir présenté un exposé.
Je suis membre du Parti réformiste. Nous avons certaines réserves fondamentales à propos de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a quatre ou cinq points qui nous inquiètent et vous en avez soulevé au moins trois. Nous aimerions que l'âge minimum passe de 12 à 10 ans, au moins; que l'on rende public le nom des jeunes coupables d'infractions avec violence, notamment les récidivistes; et nous sommes évidemment en faveur de tenir les parents financièrement responsables des actes criminels commis par leurs enfants, lorsqu'un certain manque de vigilance de leur part a contribué à ces infractions.
Vous avez évoqué ces quatre points. J'aimerais vous poser la question suivante: lorsque l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants était en vigueur, on y traitait d'une infraction qui était l'incitation d'un mineur ou d'un jeune à la délinquance. Non seulement cela donnait-il à la police un moyen de protéger les enfants, mais pour les parents, c'était aussi une mesure de protection.
Seriez-vous prêt à dire au comité aujourd'hui que vous aimeriez voir rétablies dans la loi des dispositions concernant l'incitation d'un jeune à la délinquance dont un adulte peut se rendre coupable?
M. Runciman: Monsieur Ramsay, ce n'est pas une chose que nous avons prise en considération, même si, lorsque j'étais simple député de l'opposition, un certain nombre de parents ainsi que des agents de police qui estimaient que cela serait utile m'ont parlé de cela. Ce n'est pas une chose à laquelle j'ai assez réfléchi, mais il est certain que si je me fie aux opinions que j'ai pu recueillir, qui ne sont pas très nombreuses, je l'admets, et à l'avis d'au moins deux agents de police en retraite, il semble bien que cela soit considéré utile.
Un agent de police, notamment, qui avait des problèmes avec l'un de ses propres enfants, trouvait exaspérant de ne pouvoir faire quoi que ce soit car, comme vous l'avez mentionné, cette disposition n'existait plus, et les possibilités qui s'ouvraient à lui n'étaient guère nombreuses si l'enfant décidait - c'était une fille - de quitter la maison et de vivre dans des conditions qui, selon lui, allaient l'entraîner sur la mauvaise pente. Il trouvait exaspérant, en tant que parent, de constater que les possibilités d'intervention étaient extrêmement limitées.
M. Harnick: Il faut aussi considérer un autre aspect de la question: nous savons - c'est une remarque que j'ai entendue dans tous les forums sur la criminalité organisés dans la province - que les gens considèrent la Loi sur les jeunes contrevenants comme une mesure qui manque de fermeté et, pour cette raison, notamment parmi les trafiquants de drogue, il est très facile pour un adulte d'inciter un jeune à écouler pour lui la marchandise. Si vous allez dans les quartiers où il y a un problème de drogue, les commerçants, les habitants, des gens que vous pourrez rencontrer autour des écoles vous diront que c'est le problème numéro un. Les jeunes croient que le pire qui puisse arriver, c'est d'être pris, et que cela s'arrêtera là. Les jeunes ont été enrôlés par des adultes pour vendre de la drogue, tout simplement parce que les peines prévues par la loi sont si peu sévères.
M. Ramsay: Lorsque nous étions dans la région de l'Atlantique, j'ai posé la même question à un témoin, et certains membres du comité ont laissé entendre qu'il existait dans le Code criminel des chefs d'accusation contre un adulte qui pousse un jeune au crime, qu'il s'agisse d'un adulte qui se promène avec une jeune fille de 15 ans dans une voiture où il y a de l'alcool...
[Difficultés techniques]
M. Harnick: Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, le système judiciaire, c'est le dernier recours. C'est l'étape du processus à laquelle on parvient lorsque l'école, la famille, l'église et les services sociaux ont tous essayé d'apporter leur aide, sans succès. Quand on en arrive à ce dernier recours, une accusation est portée et vous vous retrouvez devant un tribunal.
Si l'étape du dernier recours ne fait pas partie de la solution au problème, au moins en constituant un moyen de dissuasion, alors, le système ne marche pas comme il se doit. C'est là où est le problème aujourd'hui, je crois.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Monsieur Harnick, j'aimerais partir du tout début de la page un de votre mémoire. Lorsque vous dites que les jeunes de 16 et 17 ans qui commettent les mêmes crimes que des adultes peuvent ne pas subir les conséquences de leurs actes, prétendez-vous qu'un jeune de 17 ans qui commet un meurtre ne subit pas les conséquences de son acte, lorsqu'il fait dix ans de prison?
M. Harnick: En réalité, il ne fait pas dix ans de prison. Comme l'a souligné mon collègue,M. Runciman, en donnant un ou deux exemples, des gens qui ont été condamnés à huit ans de détention bénéficient de la semi-liberté un an plus tard et, après deux ans, se retrouvent libres au sein de la société.
Qu'est-ce que cela démontre, numéro un, sur le plan de la dissuasion et, numéro deux, aux victimes?
Ce sont là des exemples parfaits pour illustrer les lacunes du système et j'espère que vous en parlerez dans votre rapport et que vous proposerez des recommandations afin que cela cesse d'être la règle du jeu.
M. Gallaway: Si l'on accepte votre raisonnement et qu'on le pousse un peu plus loin, est-ce que les adultes reconnus coupables d'actes criminels ne devraient pas bénéficier de la libération conditionnelle? Disons que vous avez été condamné à huit ans, vous pouvez être libéré au bout de quatre ans et demi. Doit-on appliquer votre raisonnement à cette situation?
M. Harnick: Les deux choses ne sauraient se comparer, je pense.
Je crois - je l'entends dire souvent - qu'au sein des collectivités, ce qui inquiète les gens, c'est la vitesse à laquelle on peut bénéficier de la libération conditionnelle, la vitesse à laquelle un contrevenant qui a commis des actes de violence peut, par exemple, en bénéficier. Au moins, le système prévoit certaines dispositions, par exemple, celles qui s'appliquent aux délinquants dangereux, et maintenant, il va y avoir des mesures particulières pour les contrevenants condamnés à de longues peines. Donc, du moins en ce qui concerne les adultes, ces problèmes sont pris en compte.
Ce que l'on ne fait pas, dans le cas des jeunes, c'est imposer des mesures qui les dissuadent véritablement de commettre des crimes de violence. Les statistiques sont là pour le prouver.
M. Gallaway: Vous notez également qu'à cause d'une date de naissance, d'un simple chiffre, un jeune contrevenant peut échapper à la pleine sanction de la société. Vous faites remarquer que les gens peuvent se marier, travailler... Pousseriez-vous plus loin ce raisonnement? Ce que vous nous encouragez à penser ou ce que vous dites, semble-t-il, c'est que, étant donné qu'il n'est pas inhabituel de voir des jeunes de 16 ans se marier ou travailler, et que les gouvernements, à quelque niveau que ce soit, reconnaissent tacitement que cela est tout à fait acceptable, nous allons devoir traiter les jeunes de 16 ans comme des adultes. C'est bien cela, n'est-ce pas?
M. Harnick: Non. Je pense qu'il va de soi que, arrivé à l'âge de 16 ou 17 ans... Quand on compare les chiffres correspondant aux périodes où s'appliquait, d'une part, la Loi sur les jeunes délinquants et, d'autre part, la Loi sur les jeunes contrevenants, l'augmentation des crimes de violence commis par des jeunes de 16 et 17 ans est énorme. En Ontario, il y a chaque année 11 000 crimes de violence commis par de jeunes contrevenants.
C'est trop, et ce que je vous presse de faire, c'est de mettre en place une Loi sur les jeunes contrevenants qui ait une force dissuasive agissante pour que les jeunes de 16 et 17 ans n'aient pas l'ombre d'un doute sur les conséquences de leurs actes.
En Ontario, notamment dans la région métropolitaine de Toronto, on a vu grimper beaucoup trop le nombre des crimes de violence commis par des jeunes de 16 et 17 ans. Si vous examinez les chiffres correspondant à la période d'application de la Loi sur les jeunes délinquants, où l'âge limite était de 15 ans, par rapport à la période d'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, vous verrez que l'augmentation de la criminalité parmi les jeunes de cet âge est énorme.
Je vous demande simplement de trouver un moyen pour qu'il n'y ait plus 11 000 crimes de violence commis chaque année, un moyen d'introduire dans le système des mesures de dissuasion énergiques pour que les jeunes contrevenants cessent de se soucier de la loi comme de leur première chemise parce que vous eux, l'enfreindre n'entraîne que des conséquences vraiment minimes.
M. Gallaway: Vous avez parlé de la loi qui était en vigueur avant la Loi sur les jeunes contrevenants. En fait, on a recueilli très peu de statistiques sur l'application de cette loi, parce qu'elle était administrée à l'échelle des comtés ou des régions, et que l'on ne tenait pas les dossiers de façon aussi scientifique qu'on le fait aujourd'hui. En réalité, la hausse dont vous parlez, l'augmentation du nombre d'accusations qui sont portées, reflète une attitude plus sévère de la part de la police et, plus important encore, le recours à un système où les dossiers sont tenus de façon plus stricte qu'à l'époque précédant l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Ne pourriez-vous donc admettre qu'en réalité, il est possible que l'augmentation dont vous parlez soit due au fait que les comptes sont mieux tenus?
M. Harnick: Là n'est pas la question. Il ne s'agit pas de tenir les comptes. Ce qui est important, c'est que 11 000 infractions comportant de la violence sont commises chaque année en Ontario. C'est à peu près la moitié de toutes les infractions de ce genre qui sont commises dans ce pays. Je vous le dis tout net, c'est une situation dans laquelle je ne veux pas vivre. Cela contribue à rendre les collectivités peu sûres. Si l'on pense aux victimes, cela leur impose un énorme fardeau, et nous devons unir nos forces, nous qui sommes tous chargés de légiférer, pour faire baisser ces chiffres. Selon moi, la première étape est d'intégrer à la Loi sur les jeunes contrevenants des mesures dissuasives qui soient véritablement agissantes.
M. Gallaway: Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais la question que je vous pose est la suivante: y a-t-il eu une augmentation de la criminalité?
M. Harnick: Qu'il y ait eu une augmentation ou une baisse négligeable, cela ne change rien au fait que 11 000 crimes de violence, ou à peu près, sont commis dans cette province. Je me fonde sur vos propres statistiques.
M. Gallaway: Oui.
M. Harnick: Il s'agit des dernières statistiques publiées par le gouvernement fédéral dont je dispose, et elles concernent la période 1992-1993 ou 1993-1994. Comme statistiques, je n'ai pas mieux à ma disposition. Je n'ai pas à comparer la situation actuelle et ce qui a pu se passer il y a dix ans ou ce qui pourra arriver dans dix ans. Ce nombre est tout simplement trop élevé.
Le fait qu'en Ontario, on compte chaque année 11 000 jeunes contrevenants qui commettent des actes de violence rend les collectivités peu sûres. Au nom du maire de North York, du maire de ma propre collectivité et des gens de Willowdale que je représente, j'insiste pour que nous tous, qui sommes des législateurs, fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour tenter de mettre en place un système qui dissuadera les jeunes de commettre des crimes de violence.
M. Gallaway: Monsieur Runciman, vous avez suggéré que nous appliquions aux jeunes de 16 ans reconnus coupables de crimes de violence les mesures prévues pour les adultes, et que nous autorisions les instances chargées d'administrer ces mesures de les envoyer là où il y a des places disponibles ou là où certains programmes sont offerts. Bien, mais savez-vous que dans les établissements pénitentiaires fédéraux, par exemple, les gens les plus jeunes sont âgés de 35 à 36 ans? Voulez-vous vraiment placer en détention des jeunes de 16 ans avec des gens qui en ont 35?
M. Runciman: Je pense que ce qui entre en ligne de compte, c'est la façon dont est géré le système fédéral. Il est assez souple pour que vous ayez la latitude de faire passer les gens d'un établissement à l'autre. Il peut y avoir, au sein d'un établissement fédéral, des unités conçues pour recevoir des gens qui appartiennent à un groupe d'âge particulier, par exemple. Je ne considère donc pas cela comme un problème insurmontable, pas du tout.
En ce qui a trait aux statistiques et aux déclarations du procureur général, j'ai ici une donnée. Elle porte sur l'année 1994 et a été publiée par le Centre canadien de la statistique juridique. Vous l'avez sans doute devant vous, mais juste au cas, depuis 1986, les crimes de violence commis parmi les jeunes ont plus que doublé et ont atteint 124 p. 100. C'est un chiffre qui se fonde sur les données recueillies depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants.
M. Gallaway: J'ai ici des statistiques qui laissent penser que le taux des homicides commis par les jeunes baisse. De fait, il a baissé de 3 p. 100 entre 1992 et 1993. Je ne veux pas me battre à coups de statistiques...
M. Runciman: Nous avons aussi examiné ces chiffres, comme ceux qui s'appliquent aux adultes, d'ailleurs. Il pourrait y avoir d'autres explications, comme les progrès qui ont été faits dans le traitement des traumatismes et qui nous permettent maintenant de sauver la vie de victimes qui, il y a dix ans, seraient peut-être décédées.
M. Gallaway: Passons. Vous avez également parlé de jeunes contrevenants, disons, d'une douzaine d'années, qui font partie de gangs spécialisés dans les vols de voitures. D'autres témoins nous ont parlé de cela et de jeunes de 12 ans impliqués dans le trafic de drogue. Vous avez, entre autres, suggéré d'abaisser l'âge auquel les dispositions de la loi s'appliqueraient. Seriez-vous donc d'accord, à un moment donné, pour porter des accusations contre un jeune de 11 ans qui agit comme passeur pour des trafiquants de drogue? Est-ce que vous tiendriez compte du fait qu'un jeune de 11 ans peut être facilement influencé, ou est-ce que vous le puniriez?
M. Runciman: Je ne vais pas vous dire aujourd'hui à quelle aune on devrait se référer pour justifier que des accusations soient portées contre un jeune de 11 ans. Je ne pense pas non plus que ce soit là ce que nous proposons. Nous pensons toutefois que les tribunaux devraient avoir assez de latitude, lorsqu'ils doivent juger l'auteur d'un crime particulièrement odieux, pour pouvoir au moins considérer la possibilité de porter des accusations contre quelqu'un qui n'a pas 12 ans. Tout ce que nous proposons, c'est que l'on donne aux tribunaux la latitude nécessaire pour qu'ils puissent prendre ce genre de décision.
M. Harnick: Juste pour bien mettre les choses au point à ce propos, j'ai dit qu'à tout le moins, nous devrions considérer la possibilité d'un recours pénal, qui s'ajouterait à l'intervention des services sociaux, c'est-à-dire le recours qui existe actuellement, lorsque des enfants commettent des actes odieux et qu'ils n'ont pas atteint l'âge qui les ferait tomber sous le coup de la loi.
Je n'ai certainement pas de réponse toute prête, et je ne pense pas que quiconque dans cette salle en ait une. Mais ce qui se passe habituellement aujourd'hui, c'est que, dans le cas d'enfants de 12 ans et moins, la justice n'intervient pas directement, ni d'ailleurs le système judiciaire dont une des fonctions est le maintien de l'ordre. Les services sociaux interviennent, mais pas le système judiciaire. Je pense qu'il faut que nous fassions preuve d'un peu d'imagination pour déterminer comment la justice peut être utilisée pour compléter les mesures prises par les services sociaux.
En toute honnêteté, je n'ai pas de réponse toute faite. Personne n'en a, je crois. Mais j'estime que c'est une question qui devrait être sérieusement et immédiatement étudiée.
La présidente: Merci, monsieur Gallaway. Nous essayerons de vous redonner une autre chance d'intervenir.
Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: M. Bala a comparu devant le comité et, lui aussi, a recommandé d'abaisser la limite d'âge à dix ans. J'ai considéré cela comme un avertissement, même si d'autres membres du comité ont pu interpréter cette observation autrement. Pour moi, c'était un avertissement donné au comité, au système judiciaire et au ministère de la Justice, pour signaler que, si un jeune de dix ou onze ans commet un meurtre - d'après le professeur Bala, ce n'est pas encore arrivé au Canada - le système judiciaire ne peut rien faire. Si les parents veulent enrôler cet enfant dans un programme donné aux États-Unis ou ailleurs, et déclarer au ministère des Services sociaux que des mesures appropriées ont été prises, il n'y a absolument rien que l'on puisse y faire. Pourtant, cela serait extrêmement mal accueilli par la population d'un bout à l'autre du pays.
Je vois, à la page 4 de votre mémoire, que vous proposez dans votre première recommandation de définir un jeune contrevenant comme une personne de moins de 15 ans. Notre parti recommande d'abaisser l'âge minimum de douze à dix. Vous n'avez pas de minimum. Pourriez-vous donner au comité une idée de ce que cela pourrait être?
M. Harnick: Il serait approprié, je pense, que le système judiciaire soit conçu pour répondre à toutes les situations qui peuvent se présenter. À l'heure actuelle, il y a une limite d'âge fixée arbitrairement qui empêche de faire jouer le système judiciaire parallèlement aux services sociaux. En toute franchise, je ne pense pas qu'il y ait un chiffre magique. Mais, à mon avis, il faut réviser le système judiciaire afin d'en faire un complément des services sociaux. Autrement dit, si la Société d'aide à l'enfance se charge d'un jeune enfant dont le comportement anti-social pose de graves problèmes, alors, je pense qu'il nous faut un système judiciaire offrant un recours qui vienne compléter ce que fait la Société d'aide à l'enfance.
Je n'ai pas de solution toute faite et je ne sais pas quelle forme cela devrait prendre, mais, à l'heure actuelle, il n'y a, dans le système judiciaire, rien qui permette une intervention complétant celle des services sociaux, et je pense que c'est inapproprié. D'autant plus que des enfants qui ont atteint l'âge de 11 ou 12 ans comprennent, parce qu'ils vont à l'école et qu'ils ont commencé à s'instruire, que ce qu'ils font n'est pas bien. Ils comprennent aussi que cela n'entraîne aucune conséquence.
M. Ramsay: Oui, dans l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, on ne faisait évidemment allusion à aucun minimum. Elle commençait de s'appliquer à partir de sept ou huit ans.
J'aimerais passer à une autre question avant que mon temps de parole soit épuisé. Il s'agit de l'idée voulant que la punition soit un moyen de dissuasion. Nous avons entendu des témoins qui ont comparu devant le comité, non seulement au cours de notre examen de la Loi sur les jeunes contrevenants, mais à propos d'autres lois, dire sans équivoque que punir n'est pas un moyen de dissuasion, qu'imposer des peines plus sévères pour une infraction n'a pas de force dissuasive. Qu'avez-vous à répondre à cela?
M. Runciman: Je ne suis pas d'accord, évidemment. Il est certain que dans bien des cas, la loi actuelle n'a pas de force dissuasive. Les agents de police vous le diront, c'est une chose dont ils se rendent compte tous les jours, et au cours de l'année écoulée, il y a eu des crimes particulièrement tragiques qui ont été commis dans cette province et dont les auteurs démontraient qu'ils connaissaient parfaitement la loi et les risques, ou plutôt l'absence de risques, qu'ils couraient. Nous estimons que cela doit changer. Il faut instaurer des mesures de dissuasion claires et énergiques pour décourager un jeune de commettre un crime particulièrement violent et grave. Cela n'existe pas à l'heure actuelle.
Comme l'a indiqué le procureur général, au cours des trois dernières années, nous avons parcouru cette province et nous avons écouté ce que les gens qui sont préoccupés par la sécurité publique avaient à dire, et c'est leur préoccupation numéro un, sans conteste, dans toute la province; je soupçonne que cela reflète le sentiment du reste de la population. En règle générale, les Canadiens estiment que la force dissuasive de la loi, dans sa forme actuelle, n'est tout simplement pas adéquate et ne remplit pas son office.
La présidente: Madame Torsney.
Mme Torsney: Monsieur Runciman, je veux juste attirer votre attention sur une remarque que vous faites à la page 12 de votre mémoire, lorsque vous déclarez que nous voulons tous un système qui permette de réduire la détention des jeunes qui ont commis des infractions mineures, et que nous voulons tous un système où les peines imposées dans le cas de crimes de violence soient plus sévères. J'aimerais simplement signaler, aux fins du compte rendu, que je veux, en premier lieu, faire baisser le nombre des crimes qui sont perpétrés, et aussi faire baisser le nombre des personnes qui deviennent des victimes. Cela m'inquiète donc quelque peu de ne voir ici ni le ministre de l'Éducation ni le ministre des Services sociaux.
Je pense que M. Harnick a fait un vibrant éloge du travail accompli par les sociétés d'aide à l'enfance de la province, et je suis sûre que cela sera évoqué au sein du Cabinet lorsque vous prendrez des décisions à propos de certains budgets. Naturellement, dans le secteur de l'éducation, nous pouvons constater que lorsque les conseils scolaires de la province effectuent des coupures, les gens qui en sont victimes sont les psychologues, les phoniatres, les spécialistes qui s'occupent des enfants handicapés; et d'après ce que nous avons entendu ce matin, ce sont ces enfants-là qui, parfois, ont maille à partir avec la loi, parce que leurs perspectives sont limitées et qu'ils ne sont pas intégrés dans la vie sociale normale. Je pense donc que c'est fantastique que vous songiez à recommander une augmentation des fonds alloués à ces secteurs et des initiatives plus efficaces, pour empêcher ces enfants d'avoir des démêlés avec la justice et pour réduire le nombre de ceux qui deviennent leurs victimes.
Mais je voulais vous demander, monsieur Harnick, parce que vous êtes avocat - vous avez grandi au temps où l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants était en vigueur - quand avez-vous eu connaissance de l'existence de la Loi sur les jeunes délinquants ou de la Loi sur les jeunes contrevenants?
M. Harnick: Je ne saurais vous le dire. Aucune date ne me vient à l'esprit. Mais je peux dire...
Mme Torsney: En cinquième année, en sixième année?
M. Harnick: Je peux dire ceci: je constate avec grand plaisir que vous avez étudié le budget que nous avons présenté récemment. L'Ontario a pris un virage, ce jour-là, lorsque nous avons indiqué qu'un financement plus généreux que jamais dans l'histoire de la province serait accordé cette année à l'aide à l'enfance, et que nous allions prochainement augmenter de 20 millions de dollars les fonds réservés aux enfants qui souffrent de troubles d'apprentissage.
Je suis très heureux que vous ayez pris le temps d'examiner notre budget révolutionnaire, et que vous appuyiez notre décision d'investir dans les services conçus pour protéger et aider les enfants.
Nous avons investi cinq millions de dollars dans notre programme de petits déjeuners, comme vous le savez puisque vous avez lu notre budget...
Mme Torsney: En quelle année parle-t-on aux enfants de la Loi sur les jeunes contrevenants, monsieur Harnick?
La présidente: Observez le Règlement; laissez-le finir.
Mme Torsney: Il pourrait peut-être répondre à la question.
M. Harnick: Je ne peux pas vous dire en quelle année on explique aux enfants les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je peux vous dire, en revanche, qu'il existe une obligation dont, je crois, les parents, les enseignants et les directeurs d'école essaient de se décharger, c'est celle d'apprendre aux enfants à distinguer le bien du mal et de leur transmettre les valeurs dont ils auront besoin en grandissant.
Écoutez, je ne suis pas ici à titre de spécialiste de l'éducation ni des services sociaux, mais ma femme est enseignante, et je sais pertinemment que c'est là une des principales fonctions qu'elle est appelée à remplir dans le cadre de son travail, vous le savez aussi bien que moi. Nous essayons de faire au mieux pour transmettre ces valeurs aux enfants mais, parallèlement, il faut que nous sachions qu'il existe un système judiciaire qui constitue une force dissuasive.
J'ai pris bien soin, dans mon mémoire, de vous indiquer que le système judiciaire est le dernier recours. C'est là où l'on aboutit lorsque les services sociaux, les services de santé et le système éducatif n'ont pas eu les effets hautement bénéfiques que nous attendons d'eux ou lorsque les valeurs normalement transmises au sein de la famille ne le sont pas. En bout de ligne, il faut un système judiciaire pour trouver une solution.
Ce que je veux dire, c'est que pour traiter les crimes de violence, il nous faut une Loi sur les jeunes contrevenants qui comporte des moyens de dissuasion.
Mme Torsney: Cependant, monsieur Harnick, votre exposé repose sur l'idée que ces jeunes, dont l'école et les parents font l'éducation et qui connaissent extrêmement bien la Loi sur les jeunes contrevenants, s'en soucient comme d'une guigne en toute connaissance de cause, puisqu'ils comprennent toutes les dispositions et tous les articles de la loi.
Permettez-moi de vous dire - et vous n'avez pas besoin de me répondre - qu'ils n'en sont pas nécessairement tous là.
J'ai une autre question qui s'adresse à M. Runciman.
M. Harnick: Eh bien, permettez-moi de faire observer à ce propos...
La présidente: Monsieur Harnick, veuillez au moins respecter les subtilités qui donnent ici à la présidence le contrôle des débats. Je pense que madame veut poser cette question pour que vous puissiez y répondre en même temps qu'à la précédente. Pourrions-nous donc procéder ainsi, s'il vous plaît?
Mme Torsney: Monsieur Runciman, je veux vous poser des questions bien précises sur les cas dont vous parlez à la page 9 et à la page 10. Vous dites que les juridictions de la jeunesse n'ont pas traité ces deux meurtres de façon appropriée. Ma question est très précise: ces deux affaires ont-elles été jugées par les tribunaux pour adolescents ou par un tribunal pour adultes? Je vous rappelle que dans le système qui s'applique aux adolescents, on ne prévoit pas de libération conditionnelle.
La présidente: Merci, madame Torsney.
M. Runciman: Premièrement, il est clair...
La présidente: Monsieur Runciman, je vous en prie. C'est à M. Harnick de donner sa réponse en premier.
M. Runciman: Oh, très bien.
M. Harnick: Je veux juste très brièvement dire que vous pouvez bien me poser des questions... J'ai déjà joué à ce petit jeu-là auparavant, parce que j'ai déjà occupé un fauteuil comme le vôtre et que, moi aussi, j'ai été celui qui posait les questions.
Vous pouvez me demander à quel moment les jeunes contrevenants commencent à connaître la loi, si ses dispositions sont expliquées dans les écoles et si tout cela est vraiment nécessaire. Moi, je peux vous dire ceci: en bout de ligne, ce que je sais, c'est ce que le public, notamment dans ma circonscription et dans la province, me dit. Et ce que le public me dit, c'est que 11 000 infractions avec violence par an, c'est un problème sur lequel ils veulent que ce comité se penche. J'espère que vous le ferez.
La présidente: Monsieur Runciman.
M. Runciman: Je pense qu'une des affaires a été jugée par un tribunal pour adolescents et une autre, par un tribunal pour adultes. J'ai fait remarquer dans mon exposé que cela avait été traité avec tout le sérieux qui s'imposait et que la peine n'était pas légère.
Je voulais simplement prendre deux minutes pour...
Mme Torsney: Mais les deux accusés ont obtenu une libération conditionnelle. Je ne comprends pas cela.
La présidente: Madame Torsney, un instant.
Allez-y.
M. Runciman: Vous avez soulevé quelque chose d'important plus tôt, à propos du système d'éducation et de toutes ces questions connexes. Je voulais simplement vous indiquer qu'il existe un éventail de programmes offerts par mon ministère, et en collaboration avec le ministère de l'Éducation, le bureau du procureur général et le ministère des Services sociaux et communautaires.
Je ne veux pas entrer dans les détails, mais il y a un partenariat entre les services de police et les écoles. Nous avons ce qui s'appelle le Projet VIP - valeurs, influences et relations avec ses pairs. Nous avons une politique dont l'objet est d'éliminer toute violence dans les écoles. Nous avons un groupe de travail sur la sécurité en milieu scolaire. Nous collaborons, dans les écoles, avec les représentants du projet Échec au crime. Il existe un programme de surveillance des écoles, ainsi qu'un programme d'encadrement en milieu scolaire. Il y a le programme Partenaires pour la sécurité publique et nous collaborons avec les Élèves ontariens contre l'ivresse au volant. Je peux vous donner des détails sur toute une série d'initiatives que nous avons lancées et que nous essayons d'améliorer autant que faire se peut au niveau provincial.
La présidente: Monsieur Ramsay, cinq minutes.
M. Ramsay: Vous savez, on entend dire des choses qui reflètent la mentalité dont notre système judiciaire a été imprégné au cours des 20 à 25 dernières années. On entend cela dans la bouche de certains témoins et de certains membres du comité. Et cela n'aboutit à rien. La population estime que cela n'aboutit à rien. Moi aussi, je pense que cela n'aboutit à rien.
Il y a un fait - que j'ignorais jusqu'ici... En 1982, comme l'actuel ministre de la Consommation et du Commerce, qui était alors secrétaire de la province à la Justice, l'indique à la page 7 de votre mémoire, l'Ontario n'a pas été consulté lorsque le gouvernement fédéral a pris la décision d'apporter des modifications à la Loi sur les jeunes délinquants et d'en faire la Loi sur les jeunes contrevenants. Je comprends difficilement pourquoi les choses se sont passées ainsi.
Je voudrais vous poser une question précise à propos des mesures de rechange. Vous avez indiqué dans votre exposé que de votre point de vue, ceux qui ont commis une infraction avec violence ne devraient pas pouvoir bénéficier de mesures de rechange. Bien entendu, les membres de mon parti et moi-même, ainsi, je pense, qu'un bon nombre de mes collègues à la Chambre sont d'accord avec cela.
J'aimerais vous poser une question à propos du projet de loi C-41, qui modifiait le Code criminel en introduisant des mesures de rechange pour les adultes. Naturellement, nous étions fort préoccupés du fait que l'on n'avait prévu aucune exception à la règle pour ceux qui avaient commis des infractions avec violence. De fait, M. Nunziata, dans le cadre du débat qui a eu lieu à la Chambre, a souligné que quelqu'un pourrait se rendre coupable d'un viol et ne jamais, absolument jamais, comparaître en cour parce qu'aucune exception n'était prévue dans le projet de loi C-41.
Pourrais-je savoir ce que vous pensez de cela? Nous constatons que non seulement les mesures de rechange ne sont pas réservées à ceux qui ont commis des infractions sans violence, dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants, mais aussi que le principe s'applique également aux adultes, par le biais du Code criminel, modifié en vertu du projet de loi C-41.
M. Harnick: En Ontario, nous essayons de régler de façon appropriée tous les dossiers qui nous sont transmis, et il faut, pour cela, déterminer le moyen qui permet le mieux de régler chaque cas. Nous n'avons pas l'intention de décriminaliser les infractions ni d'abandonner les poursuites. Ce que nous devons explorer, c'est la façon dont nous pouvons continuer à engager des poursuites contre les auteurs de tous les actes criminels graves dont nous sommes saisis, et régler de façon appropriée tous les autres dossiers.
Vous êtes sans aucun doute au courant des problèmes que nous avons eus en Ontario. C'est en 1990, je crois, que 70 000 dossiers, dont un bon nombre portait sur des affaires très graves, ont été largués du système parce que nous n'avions pu satisfaire à l'obligation qui nous était imposée en vertu de la Charte de les juger dans les délais requis. Nous ne voulons pas que cela arrive à nouveau; par conséquent, nous nous intéressons à des solutions de rechange appropriées. Ces mesures deviennent donc très importantes, mais nous ne voulons pas qu'elles remplacent les poursuites dans le cas d'actes criminels très graves. Nous nous intéressons aux moyens de traiter de façon appropriée les actes criminels de moindre importance, afin d'être mieux en mesure d'assurer que tous les auteurs d'infractions graves font l'objet des poursuites qui s'imposent, et ce, pour ne pas nous retrouver confrontés à une autre affaire Askov. C'est la ligne que nous suivons en tentant d'élaborer un système plus moderne et efficace.
M. Ramsay: Il me semble que cela vous poserait des problèmes si une mesure législative donnait automatiquement aux délinquants adultes, comme aux jeunes contrevenants, la possibilité d'obtenir un règlement hors cour, alors qu'ils ont commis une infraction avec violence.
M. Runciman: Oui, effectivement; et nous avons souligné dans notre mémoire qu'à moins de pouvoir traiter avec tout le sérieux qui s'impose les infractions graves, il nous serait très difficile de lancer des initiatives de déjudiciarisation dans le cas d'infractions mineures, parce que le public ne nous fait tout simplement pas confiance.
C'est en tout cas l'opinion que nous exprimons ici aujourd'hui. Je tiens à souligner que ce n'est pas une attaque contre le gouvernement fédéral, ni une critique. Nous transmettons des points de vue qui nous ont été donnés, à Charles et à moi-même, ainsi qu'à notre parti qui est maintenant au gouvernement, au cours des dernières années. Ces changements, à notre avis, sont souhaités par la grande majorité des Ontariens, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
La présidente: Monsieur Maloney.
M. Maloney: Monsieur Harnick, vous avez cité des statistiques impressionnantes sur la montée de la criminalité parmi les jeunes, sur l'augmentation du nombre de crimes de violence commis par les jeunes. Vous avez également déclaré que le système judiciaire est le dernier recours, et que les gens se retrouvent là lorsque tout le reste - par exemple, le système d'éducation et les services sociaux - a échoué. Doit-on constater la faillite de notre système d'éducation et des services sociaux, et est-ce que cela va continuer étant donné les compressions qui sont effectuées dans ces secteurs - par nécessité, peut-être? Comment peut-on concilier...
M. Harnick: Vous pouvez bien sortir vos griffes et faire de ce débat une bataille politique partisane. Ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous sommes ici pour collaborer et offrir des idées allant dans le sens d'une amélioration du système judiciaire.
M. Maloney: C'est précisément de cela qu'il est question.
M. Harnick: Je ne suis pas ici pour m'étendre sur ce que vous tenez à décrire comme des coupures, parce que, comme je l'ai fait remarquer, il existe en Ontario des services sociaux appropriés auxquels on a, en fait, apporté des améliorations sur le plan des sommes qui y sont investies. Si vous voulez vraiment donner à ce débat un caractère politique, permettez-moi de vous dire que vous vous aventurez sur un terrain glissant, parce que votre gouvernement a réduit les paiements de transfert de 43 p. 100 et que, parallèlement, vous avez coupé vos propres dépenses de 1,3 p. 100. Je ne pense pas que cela soit juste, mais je ne vais pas m'étendre là-dessus.
Ce que je dis, c'est qu'en bout de ligne, il y a - et il y aura toujours, parce que nous ne vivons pas dans un monde idéal - des gens qui veulent enfreindre la loi, quelle que soit la raison. Le système d'éducation tente, autant que faire se peut, de transmettre aux jeunes les valeurs qui devraient leur être enseignées, et nous espérons que ces valeurs leur sont aussi transmises au sein de leur propre famille.
Nous avons des programmes destinés à aider les parents en ce domaine, par exemple, un système de garderie digne de ce nom, dont on vient d'augmenter le financement, ainsi que tous les programmes que mon collègue vient de citer. Le 11 juin, je dois assister à une cérémonie organisée dans le cadre du Projet VIP à l'école intermédiaire Willowdale, qui a très activement participé à cette initiative.
Je ne pense pas que les établissements scolaires faillissent à leur tâche. Ceux qui oeuvrent en ce domaine font tout ce qu'ils peuvent. Mais il y aura toujours des gens qui vont enfreindre la loi. Je préconise de mettre en place un système judiciaire qui appuie ce que l'on tente de faire dans le milieu scolaire - un système qui intègre le genre de mesures dissuasives que l'on nous demande d'instaurer. Nos éducateurs et les responsables de nos services sociaux nous demandent d'instituer un système qui appuie la tâche qu'ils doivent accomplir. C'est cela que je vous prie de nous aider à faire, et je sais que nous allons travailler de concert pour en arriver là.
M. Maloney: Si, comme vous le suggérez, nous définissons, en gros, un adulte comme une personne de 16 ans et plus, comment conciliez-vous cela avec la position que nous adoptons en ce qui a trait à la délivrance du permis de conduire par étapes, à l'âge légal pour consommer des boissons alcoolisées et pour avoir le droit de vote? Si, en gros, nous ne considérons pas les jeunes comme des adultes dans un cas, comment pouvons-nous le faire dans un autre?
M. Harnick: Encore une fois, je ne pense pas qu'il y ait de comparaison possible, aucune commune mesure. Nous essayons de rendre la société plus responsable en intégrant à la Loi sur les jeunes contrevenants des mesures de dissuasion pour qu'elle reflète les normes qui existent au sein de la collectivité.
Après tout, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici - pour transmettre des recommandations. Mon collègue et moi-même vous présentons les recommandations des collectivités ontariennes. Nous tentons de faire en sorte que la Loi sur les jeunes contrevenants reflète la même prudence que celle qui a inspiré l'instauration du permis de conduire par étapes. Nous essayons de lui donner une force dissuasive.
Je trouve que c'est très bien que l'on dise désormais aux jeunes à qui on a délivré ces permis de conduire par étapes que lorsqu'ils prennent le volant, le degré d'alcool autorisé est zéro, et que s'ils ne respectent pas cette règle, ils vont perdre leur permis et ne pourront plus conduire. Voilà un exemple de mesure dissuasive, et je vous demande de collaborer avec nous pour instaurer, à l'intention des jeunes contrevenants, un système qui ait ce genre de force dissuasive.
M. Maloney: Monsieur Runciman, vous avez indiqué dans votre exposé que vous aimeriez instituer un programme à l'intention des jeunes contrevenants qui soit «fait en Ontario». Pourriez-vous nous dire brièvement quelles caractéristiques vous prévoyez lui donner?
M. Runciman: Chose certaine, nous voulons avoir plus de latitude pour administrer les programmes instaurés dans le cadre de notre système. Nous pensons que cela peut se révéler très efficace pour les jeunes contrevenants, et tout à fait rentable du point de vue des contribuables.
Vous savez sans doute, je pense, que nous nous intéressons au principe de la stricte discipline. J'ai nommé, en automne dernier, un groupe de travail qui doit remettre son rapport dans une semaine ou deux, je crois. Je présenterai des recommandations dans la foulée de ce rapport, sur la façon d'incorporer au système ontarien le principe de la stricte discipline, que ce soit dans le secteur des services sociaux et communautaires, qui est responsable des jeunes de 12 à 15 ans, ou du côté de l'administration des services correctionnels, qui est chargé des jeunes de 16 et 17 ans.
Je le répète, grâce aux moyens limités dont nous disposons au niveau provincial, nous espérons bien faire comprendre aux jeunes que les récidivistes et les auteurs d'actes de violence qui sont envoyés dans un établissement correctionnel ne doivent pas s'attendre à pouvoir tranquillement passer leur temps à jouer au Nintendo dans une atmosphère propice à la détente.
Parallèlement, nous voulons reconnaître que le but ultime est de renvoyer dans la société des gens qui ne vont pas continuer à commettre des actes criminels. Nous n'allons pas faire grimper le taux de récidivisme car, avec un peu de chance, en bout de ligne, les initiatives que nous espérons annoncer un peu plus tard cette année vont nous permettre d'atteindre un taux de récidivisme beaucoup moins élevé.
M. Maloney: Merci.
La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Je n'ai pas d'autres questions à poser, mais j'aimerais simplement faire une observation. Peut-être voudrez-vous la commenter.
Deux choses ont émergé très clairement de l'examen de la Loi sur les jeunes contrevenants que nous avons entrepris il y a maintenant quelques semaines. Tout d'abord, nous devons accorder plus d'attention à la détection précoce et aux mesures préventives, et je félicite votre gouvernement d'investir plus de ressources dans les services sociaux conçus à ces fins.
Vous avez clairement indiqué dans votre mémoire que lorsque tous les autres systèmes ont échoué - lorsque ni la famille, ni l'église, ni l'école, ni d'autres organismes comme les guides ou les scouts n'ont réussi à convaincre les enfants de la nécessité de respecter la loi tant et si bien qu'ils ne commettent pas d'infraction - il faut qu'ils réalisent que leurs actes ne sont pas sans conséquences. Nous nous intéressons donc aux tenants et aux aboutissants du processus - les mesures de prévention pour une détection précoce, d'une part et, d'autre part, les dispositions à prendre dans le cas des 5 à 8 p. 100 de jeunes contrevenants violents pour lesquels ces mesures se sont avérées inefficaces et qui sont devenus des dangers pour la société.
Il faut que nous puissions rassurer le public et le convaincre que le système judiciaire est conçu pour assurer sa protection. Jusqu'ici, nous avons pu constater une baisse de confiance chez la plupart des gens à qui nous avons parlé, dans le cadre des réunions qui ont été organisées dans tout le Canada et auxquelles nous avons assisté. Ils nous ont fait part de leur manque de confiance dans le système judiciaire et nous ont dit douter que la Loi sur les jeunes contrevenants puisse accomplir cela.
Dans le système qui s'applique aux adultes, on constate que les principes sur lesquels reposent les mesures législatives aboutissent automatiquement à rendre la liberté aux contrevenants après qu'ils ont accompli seulement les deux tiers de leur peine. En dépit du fait que selon les autorités, le risque de récidivisme est élevé, ces contrevenants se retrouvent dans la rue et commettent à nouveau viol et meurtre. Melanie Carpenter et Mme Salter d'Edmonton figurent parmi les plus récentes victimes de cette façon d'envisager les choses et de ce type de législation. Je pense qu'il est temps que nous nous penchions sur ce qu'il est advenu de notre système judiciaire au cours des 25 dernières années et que nous envisagions les changements fondés sur le bon sens que souhaite la majorité de la population canadienne.
Je vous remercie de votre mémoire et des recommandations que vous avez faites. Les quatre que j'ai trouvées dans votre document correspondent exactement à ce que nous recommandons nous-mêmes au gouvernement et figureront probablement dans le rapport minoritaire quand nous en aurons terminé avec nos travaux.
La présidente: Monsieur Gallaway.
M. Gallaway: Monsieur Harnick, je voudrais aborder brièvement certaines des observations que vous avez faites dans une de vos réponses, à propos de l'instauration, au sein de la société, de mesures de mise en garde ou de dissuasion à l'intention des jeunes contrevenants qui ont commis un crime de violence. Je pense que nous commettons l'erreur de ne pas faire la distinction entre les crimes de violence et les crimes non violents. Si l'on se fonde sur le contenu de votre mémoire, on peut conclure, je pense, qu'environ 80 p. 100 des crimes de violence sont commis par des adultes et 20 p. 100, par des gens qui ne le sont pas encore.
Autre chose: les gens me disent - et on l'a répété en de nombreuses occasions ici, au comité - que la loi actuelle qui s'applique aux contrevenants adultes ne les dissuade pas de commettre des crimes violents. De fait, leur nombre reste constant.
Si l'on s'inspire de vos suggestions, pourquoi devrait-on, pour dissuader les jeunes contrevenants, accorder autant de crédit à la loi qui s'applique aux adultes alors qu'en fait tout semble indiquer qu'elle n'est aucunement dissuasive?
M. Harnick: Je ne crois pas être entièrement d'accord avec quand vous dites que le système judiciaire n'est pas dissuasif. Je pense que les gens savent qu'il existe des lois et que si vous y contrevenez, cela ne sera pas sans conséquences. En soi, cela constitue une forme de dissuasion.
Je ne sais qui sont les spécialistes que vous écoutez. Je rejette l'idée que le système judiciaire ne constitue pas une forme de dissuasion. Si c'est ce que vous essayez de me dire, je crois que c'est très dangereux, car cela revient à dire que nous avons un système judiciaire qui ne joue pas son rôle. La clé de voûte de tout le système judiciaire - et je pense à ce qu'a déclaré M. Rock devant le comité - c'est la responsabilisation. Sans cette responsabilisation... vous dites que le système judiciaire ne fonctionne parce que notre droit pénal ne joue pas son rôle dissuasif. Ce n'est pas mon avis. Mais alors, pas du tout. Ce serait l'anarchie dans notre société, ce qui n'est pas le cas.
Les chiffres qui me préoccupent, en ce qui concerne l'Ontario, c'est que les jeunes représentent un peu plus de 10 p. 100 de la population, et qu'ils sont à l'origine de 20 p. 100 des actions criminelles dans cette province. Ils commettent donc un nombre disproportionné de délits. C'est la raison pour laquelle je me réjouis que ce comité s'attaque à ces questions difficiles, qu'il essaie de résoudre les problèmes d'ordre systémique auxquels il faut trouver des solutions pour que nos collectivités soient plus sûres.
M. Gallaway: S'il fallait accepter vos arguments voulant que la dissuasion soit le principal facteur qui entre en jeu dans le processus de détermination des peines, quel est le rôle de la punition ou de la réhabilitation dans ce processus?
M. Harnick: Vous savez, lorsque vous dites que la dissuasion est le facteur clé, il y a deux composantes majeures dans le système judiciaire et dans le processus de détermination des peines, vous y faites d'ailleurs allusion dans votre question. La première est la dissuasion - dissuader à jamais un contrevenant de récidiver, et par ailleurs, dissuader tous les autres qui seraient portés à commettre le même délit et qui se trouvent à même de constater la peine qui est infligée.
Le deuxième aspect de la procédure de détermination des peines est la réhabilitation. Mon collègue a évoqué plusieurs domaines où nous pensons qu'il doit y avoir une plus grande marge de manoeuvre dans les divers établissements, afin d'assurer que la composante «réhabilitation» est accessible aux jeunes contrevenants.
M. Gallaway: Si la dissuasion est ce que je qualifierais de facteur primaire ou d'importance capitale au niveau de la détermination de la peine, pourquoi lorsqu'on regarde ce qui passe dans d'autres juridictions, aux États-Unis, par exemple, où des condamnations plus sévères sont prononcées - notamment en matière de meurtre et d'affaires de drogue - ne constate-t-on pas une baisse de la criminalité? Où est la différence?
M. Harnick: Je ne suis pas criminologue et je ne peux pas répondre à votre question sur ce qui se passe ou ce qui pourrait se passer. Je pense qu'il est dangereux de procéder de la sorte et de s'en tenir à des généralités.
J'en reviens toujours à ce que je considère comme le point de départ de toute notre discussion. Au départ, nous écoutons ce que disent nos électeurs. Ceux de ma circonscription et de toutes les autres parties de la province m'ont dit, à l'occasion de mes déplacements et de mes rencontres avec les représentants des diverses communautés - le solliciteur général a d'ailleurs été très précis à ce sujet - que leur préoccupation numéro un, quand on parle de sécurité au sein de leur collectivité, c'est la délinquance juvénile. Je pense qu'en tant que législateurs, nous devons tenir compte de ce que nous disent les gens, car c'est là que se trouvent la vérité et les véritables réponses.
M. Gallaway: Nous souhaitons éviter de tomber dans les généralités, mais il faut reconnaître que c'est à cela que la population s'en tient parfois.
Monsieur Runciman, qu'a fait l'Ontario jusqu'ici pour s'attaquer au mythe voulant que les enfants de moins 12 ans qui commettent des crimes graves n'ont rien à craindre de la justice?
M. Runciman: Que fait-on? Je ne pense pas qu'il s'agit d'un mythe, quand on considère ce qui, du point de vue de la population, est la façon dont nous réagissons concrètement. Je ne veux pas me laisser entraîner à parler de cas particuliers, mais prenons celui d'un jeune qui commet un acte très violent, qui est confié, par exemple, à la garde de la Société d'aide à l'enfance où il bénéficie de counseling, de traitements et ainsi de suite, et qui se moque du système judiciaire et de son incapacité à régler le sort des individus de son espèce, je ne pense pas que, de façon générale, la population va considérer qu'il s'agit d'une réaction appropriée à un acte criminel violent. C'est, en tout cas, le genre de feedback que nous recevons: c'est-à-dire que les mécanismes actuellement en place pour traiter les auteurs de crimes particulièrement odieux ne sont pas suffisants pour apaiser les inquiétudes de la population.
M. Gallaway: Je parle d'enfants de moins de 12 ans.
M. Runciman: Moi aussi.
M. Gallaway: Pensez-vous que la législation ontarienne relative à l'aide à l'enfance est adaptée au problème que constituent les crimes de violence commis par des enfants de moins de12 ans?
M. Runciman: Je répète que je ne suis pas un expert en la matière. Je suis au courant de cas qui nous ont été signalés, et aussi de cas récents, mais le sentiment général est que la façon dont nous traitons ce genre de problème est effectivement inadéquate. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé que les tribunaux aient une plus grande marge de manoeuvre, afin qu'il soit au moins possible que certains crimes de nature particulièrement problématique puissent être également jugés dans le cadre du système judiciaire.
M. Gallaway: Dans ces conditions, si le tribunal refuse de juger des enfants de moins de 12 ans, que fera l'Ontario pour fournir des établissements où des personnes que, par ailleurs vous considérez comme des criminels puissent être gardées en milieu fermé?
M. Harnick: C'est justement un point dont nous espérons que ce comité, après avoir entendu la population du Canada, délibère, afin de proposer des mécanismes qui permettront de s'attaquer au problème que les gens et d'autres secteurs de nos services sociaux ont signalé, le fait qu'il existe des failles dans le système, et que la justice devrait être impliquée dans le processus pour que le filet de sécurité sociale remplisse son office et que l'on vienne à bout de ces comportements intolérables, d'une manière plus compatible avec les autres composantes du système.
La présidente: À titre de présidente, je vais poser une question pour mon propre compte, ce que je fais rarement.
Ayant travaillé dans le système en Ontario, et ayant entendu ici, à Ottawa, des experts d'organismes d'envergure nationale, et aussi sur la côte est, il me semble qu'une chose est claire et manifeste - et cela va quelque peu à l'encontre de certaines des suggestions que vous avez faites - c'est qu'en fait, la Loi sur les jeunes contrevenants est plutôt flexible. Elle est assez flexible pour déjudiciariser les cas où la garde ne devrait pas être considérée, et également pour faire face au type de circonstances qui préoccupent, je le sais, la province de l'Ontario, non seulement sur le plan des coûts, mais au plan de la prévention des crimes et autres.
Cela dit, certains juges auxquels j'ai parlé trouvent que la loi est suffisamment flexible, mais qu'il n'y a pas d'endroits où envoyer ces mineurs - il n'y a aucune garantie, quand ils déterminent la peine, qu'il existe un endroit où ils peuvent être envoyés; les juges disent aussi que les procureurs de la Couronne adoptent maintenant une attitude beaucoup plus sévère, non seulement en Ontario mais aussi dans les autres provinces. Avez-vous des observations à cet égard?
M. Runciman: Nous pourrons peut-être vous répondre tous les deux.
Une des suggestions qui figure dans notre mémoire est de supprimer la distinction entre les établissements de garde en milieu fermé et les établissements de garde en milieu ouvert. On aurait certainement ainsi une bien plus grande marge de manoeuvre, dans l'administration des services correctionnels pour les enfants, pour évaluer les risques et autres et assurer que les jeunes délinquants sont placés dans des établissements appropriés et bénéficient des services que nécessite leur situation individuelle. Cette marge de manoeuvre n'existe pas actuellement. Et nous vous encourageons à vous pencher sur la question.
La présidente: Je ne veux pas ergoter, mais je pense qu'il s'agit manifestement d'un domaine où les gouvernements provinciaux et fédéral devraient collaborer; toutefois, s'il y a bien un point qui semble faire l'unanimité au Canada, c'est que nous dépensons beaucoup trop d'argent dans le secteur correctionnel, en mettant beaucoup trop de monde en détention, qu'il s'agisse de garde en milieu fermé ou en milieu ouvert, monsieur Runciman - et trop peu d'argent pour la prévention et le dépistage des problèmes pendant l'enfance. Malheureusement, ce sur quoi je ne vous entends rien dire - peut-être à cause de la façon dont j'ai formulé ma question - c'est la politique de l'Ontario ou de n'importe quelle autre province qui vous permettrait de vous servir de la flexibilité de la Loi sur les jeunes contrevenants pour régler le sort des gosses qui se font prendre pour la première ou la deuxième fois, des gamins qui n'ont commis que des infractions mineures contre les biens d'autrui.
Je suis en train de regarder des statistiques qui montrent que sur les plus de 80 000 infractions commises dans la province de l'Ontario en 1992, seules 6 200 l'ont été par des jeunes, et 4 200 n'étaient que des voies de fait du premier degré. Par voies de fait du premier degré, on entend, par exemple, les bousculades dans une cour d'école. Un coup sur la tête d'un copain. Voilà ce qui commence à faire surface dans le système.
Je me rends compte qu'en 1992, vous ne gouverniez pas, mais aujourd'hui, c'est le cas. Et ces proportions restent valables aujourd'hui encore.
Ne vous serait-il pas possible de vous servir de la Loi sur les jeunes contrevenants telle qu'elle est? Ne vous serait-il pas possible de donner certaines directives à vos procureurs? Ne vous serait-il pas possible de vous assurer que la magistrature provinciale compte un suffisamment grand nombre de juges, qu'il y a suffisamment de personnel en place pour pouvoir régler toutes ces questions, et qu'il existe des programmes dont peuvent se prévaloir les juges?
M. Harnick: Les juges sont certainement assez nombreux, et c'est vrai aussi des procureurs de la Couronne. Ils procèdent à une sélection entre les cas et recourent, quand il en existe, à un programme de déjudiciarisation. Il me semble que le solliciteur général a indiqué clairement et fermement qu'il fallait améliorer le traitement des délits commis par les jeunes, être en mesure de soustraire ces cas au système et s'en occuper correctement, afin de pouvoir mieux gérer les cas de crimes violents qui menacent la sécurité de nos collectivités. Tel est, selon moi, l'objet du présent examen. C'est en tout cas, ce que nous disent les gens dans tout l'Ontario.
Je ne pense pas que nous soyons en désaccord sur ce point. Nous voulons venir à bout du problème que représente la criminalité chez les jeunes en trouvant les moyens de protéger nos collectivités, mais aussi des procédures appropriées pour les délits moins graves - des procédures qui offrent les solutions de rechange auxquelles nous aspirons, mais qui nous permettent parallèlement de veiller à la sécurité au sein de nos collectivités.
La présidente: Je vous remercie.
J'ai retrouvé mon marteau; nous allons en profiter pour interrompre la séance pendant cinq minutes.
Je vous remercie de nous avoir consacré autant de temps. Nous vous en sommes reconnaissants.
La présidente: Nous accueillons maintenant le London Citizens' Committee on Youth Detention, représenté par Brian Kellow, Margaret McGee, Doris Miller et Margaret Sullivan.
Je vous souhaite la bienvenue. Je sais que vous voulez commencer par des déclarations, alors, si vous voulez bien faire votre exposé, nous vous poserons des questions par la suite.
M. Brian Kellow (président, London Citizens' Committee on Youth Detention): Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Brian Kellow. Je suis président du comité de citoyens qui s'intéresse depuis quatre ans aux conditions réservées aux jeunes délinquants au palais de justice de London. Mais j'ai aussi une occupation à temps plein. Je suis professeur d'anglais, un simple soldat du système éducatif. Imaginez ma réaction face au labyrinthe byzantin des ministères et des bureaucraties chargés des jeunes contrevenants au palais de justice de London.
Ce palais de justice est la propriété de l'unité de gestion des biens du gouvernement provincial. Il est administré par le procureur général. Suite à une loi adoptée en 1990, les délinquants qui sont incarcérés dans les cellules sont placés sous la supervision d'employés du secteur privé embauchés par la police de London. Les contrevenants de niveau un, comme vous le savez certainement, relèvent du ministère des Services sociaux et communautaires. Le procureur général est responsable des délinquants de niveau deux.
Il y a tellement de gens qui interviennent dans la gestion des affaires des jeunes contrevenants au sein du système judiciaire que pour un simple soldat du système éducatif comme moi, il faut deux ou trois ans pour découvrir qui a le pouvoir de prendre une décision ou qui peut accepter une responsabilité quelconque.
Les problèmes ont véritablement commencé en 1990, avec le projet de loi 187 qui attribuait la responsabilité de la sécurité dans les tribunaux aux municipalités. Aucune augmentation du budget de la police n'était prévue. On s'attendait à ce que la police assure la sécurité des jeunes avec le personnel en place. Les jeunes sont placés dans des cellules qui se trouvent dans le sous-sol du palais de justice, des locaux utilisés pour la garde de délinquants adultes.
Quelqu'un pourrait-il allumer le rétroprojecteur? Je voudrais vous faire voir à quoi ressemble la partie du sous-sol où se trouvent les cellules d'une seule section. En haut, à gauche, ce sont les cellules pour les hommes adultes et le lazaro. Le local des surveillants est à votre gauche. Ici, ce sont les cellules pour les femmes adultes et le lazaro.
Les cellules ont été construites pour accueillir une seule personne. Aujourd'hui il y a parfois jusqu'à 28 jeunes délinquants entassés dans ces six cellules. Ce qui rend la chose encore plus complexe, c'est que les délinquants de niveau un et de niveau deux doivent être tenus à l'écart les uns des autres, et les hommes à l'écart des femmes. Quand une jeune délinquante est présente, cela entraîne un entassement incroyable dans les autres cellules. Elles font quatre pieds sur six.
Comme vous pouvez le constater, aucune intimité n'est possible. L'odeur d'urine pénètre partout, et bien que la police fasse de son mieux, je sais que la supervision est insuffisante.
Vous voyez, juste à droite du quartier de détention des jeunes, le parloir, avec les clients d'un côté et les avocats de l'autre. Là non plus, aucune disposition n'a été prise pour séparer les délinquants de niveau un des délinquants de niveau deux, ni pour tenir les adolescents à l'écart des adultes. Ce qui se produit, c'est que les cigarettes et autres passent des délinquants adultes aux jeunes, en contravention totale à la loi et à toutes les résolutions et chartes internationales en la matière.
Voilà pour ce qui concerne les lieux. Je pense qu'on en a terminé pour l'instant avec ce matériel. Je vous remercie.
Vous voulez intervenir? Allez-y.
Mme Margaret Sullivan (membre, London Citizens' Committee on Youth Detention): C'est ici que se trouvent les gardes municipaux qui sont embauchés par la police pour surveiller les jeunes contrevenants. Ils regardent les images prises par les caméras dans le bloc cellulaire. Il y a deux gardes: un d'entre eux est chargé d'amener les prisonniers - adultes ou jeunes - du bloc cellulaire à la salle d'audience. Cela fait qu'à de nombreuses reprises au cours d'une journée, il ne reste qu'un seul garde pour surveiller les images prises par toutes les caméras, y compris celles de la cellule des jeunes contrevenants.
M. Kellow: Ce qui devait arriver est arrivé. J'ai avec moi une liste d'incidents, qui n'est d'ailleurs pas exhaustive. Le 1er février 1990, un jeune contrevenant a été placé avec un membre adulte du gang des Outlaws, et ils ont discuté des conditions d'adhésion au gang. En avril 1990, une jeune délinquante a donné son soutien-gorge et ses shorts à un adulte. Le 8 avril 1991, un jeune en a forcé un autre à boire de l'eau des toilettes dans sa chaussure. Le 5 octobre 1994, il y eu une agression sexuelle dégradante. En janvier 1996, un jeune a donné à un autre un coup de poing dans la figure et a déchiré ses vêtements. Il y a trois ou quatre semaines, un jeune contrevenant s'est présenté en retard devant le juge de paix. Son avocat s'est excusé en expliquant qu'il avait dû passer à l'hôpital pour faire plâtrer le bras de son client, parce qu'on le lui avait cassé dans le bloc cellulaire.
La Loi sur les jeunes contrevenants stipule que les jeunes doivent être placés dans un endroit séparé et à l'écart des adultes. Au palais de justice de London, on est loin de compte en la matière. Nous pensons que cela contrevient au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Canada est signataire et qui stipule que: «Les jeunes délinquants doivent être séparés des adultes et recevoir le traitement approprié à leur âge et à leur statut légal.» Ces pratiques sont outrageantes pour les adolescents. Elles les dévaluent au lieu de répondre à leurs besoins.
Laissez-moi vous expliquer ce qui a été fait pour essayer d'améliorer ces conditions. Le juge Genest a déclaré que les contraventions à la Loi sur les jeunes contrevenants et aux normes communautaires étaient une forme d'exploitation des enfants. Il a ordonné que les jeunes ne soient plus placés dans les cellules du tribunal. Mais alors, que peut-on en faire? Dans un cas, un jeune est resté seul dans une pièce fermée à clé, sans accès aux toilettes. Un autre a été laissé seul, enfermé dans un panier à salade, dans le noir, pendant plusieurs heures. Le 17 juillet 1991, la Cour d'appel de l'Ontario a suspendu les accusations contre trois jeunes, à cause des conditions dans lesquelles ils avaient été détenus. La John Howard Society a tenté de régler la question en communiquant avec la police et les ministères concernés.
Il est très difficile, comme je l'ai dit au début de mon intervention, de découvrir qui est responsable et qui a l'autorité d'intervenir. C'est au procureur général de donner le feu vert pour que des changements soient apportés au niveau des locaux, mais ce sont les services sociaux et communautaires qui doivent autoriser l'embauche d'un employé qui aura pour tâche de s'occuper des jeunes au palais de justice.
Notre comité de citoyens a été formé en juin 1992. Nous avons rencontré toutes sortes d'hommes politiques et de comités. En Ontario, nous avons rencontré l'ancien gouvernement néo-démocrate et l'ancien procureur général. Nous avons rencontré le ministre des Services sociaux et communautaires. Nous avons rencontré des fonctionnaires à ne plus savoir où donner de la tête. Il y a beaucoup d'accusations qui sont lancées, beaucoup de gens qui disent que quelqu'un d'autre est responsable de la situation, et bien sûr, il n'y a pas d'argent.
Nous proposons un train de recommandations dans notre mémoire. Je ne vous ennuierai pas en vous les énumérant, mais j'espère que vous les lirez. Elles sont importantes.
Une des choses que nous souhaitons, c'est qu'une loi stipule à qui revient la responsabilité d'héberger et de superviser les jeunes contrevenants qui attendent de passer en cour. Il faut que quelqu'un puisse être tenu entièrement responsable de ce qui se passe pendant ce temps-là.
Une salle de détention, au deuxième étage du palais de justice de London, avait été réservée aux adolescents de 12 à 15 ans qui attendaient de comparaître. Et que s'est-il passé après que nous nous furent battus pendant deux ans et rendus à Toronto, le centre de l'univers, pour participer à je ne sais combien de réunions...
Une voix: Windsor est le centre de l'univers.
M. Kellow: L'ancien centre de l'univers.
Quoi qu'il en soit, nous sommes venus ici participer à je ne sais combien de réunions. Tout ce que nous sommes parvenus à obtenir, après deux ans de correspondance et de coups de poing sur la table et de gesticulations, c'est 10 000$ pour la rénovation de la salle du deuxième étage. C'est du procureur général que nous l'avons obtenu.
Du ministère des Services sociaux et communautaires, nous avons obtenu une promesse - qui a éventuellement été tenue - qu'un jeune travailleur du centre de détention - le centre de garde en milieu fermé pour les délinquants de niveau un - vienne travailler dans la salle auprès des adolescents. Cet employé a été supprimé en novembre dernier, et les délinquants de niveau un qui attendent dans la salle de passer en cour sont retournés dans les cellules du sous-sol. Donc, après presque quatre ans de démarches fébriles, nous étions revenus à la case départ.
Il faut que cette salle du deuxième étage soit réouverte. Il faut que les services sociaux et communautaires détachent un travailleur pour s'en occuper. Éventuellement, il faudrait que l'on construise, dans les plus brefs délais, des locaux séparés, adjacents au palais de justice, pour les jeunes contrevenants. Et toutes ces installations doivent avoir du personnel compétent pour s'occuper d'adolescents en crise.
C'est peut-être là, en fait, l'aspect critique de tout le problème. Il n'est pas correct de détenir, notamment, des jeunes délinquants de niveau un dans un bloc cellulaire qui n'est pas supervisé ni administré par des délégués à la jeunesse. Si je comprends bien la Loi sur les jeunes contrevenants - et je ne suis pas sûr de la comprendre totalement, loin de là - nous devons tenir ces jeunes responsables de leurs actes, tout en continuant de les traiter de façon appropriée au fait que ce sont des enfants. Il n'est pas approprié que de jeunes contrevenants soient détenus dans des blocs cellulaires avec des délinquants adultes. Il n'est pas approprié que de jeunes délinquants se retrouvent dans une pièce où ils peuvent être tranquillement recrutés par un homme qui fait du prosélytisme pour une bande de motards.
Je pense que finalement, ce que j'essaie de vous dire, c'est que vous pouvez faire ce que vous jugerez éventuellement le plus judicieux au sujet de la loi elle-même; je serai honnête avec vous, je n'ai pas beaucoup de critiques à formuler contre la loi. Mais j'en ai de très sérieuses à propos de la façon dont elle est appliquée au palais de justice de London, Ontario. Il faut faire quelque chose, non seulement pour protéger la vie de ces jeunes, mais également pour protéger notre collectivité. Si l'on permet que les jeunes contrevenants continuent d'être exploités pendant qu'ils sont sous la responsabilité des divers organismes gouvernementaux, nous allons créer des délinquants adultes qu'il sera énormément plus difficile de contrôler.
La présidente: Je vous remercie.
D'autres membres de votre groupe souhaitent-ils faire des remarques liminaires?
Mme Sullivan: Je voudrais juste ajouter que nous avons entendu des rumeurs voulant que la même situation existe à Kingston. Il n'y a pas non plus, là-bas, de locaux de détention adéquats. Je dis cela uniquement pour que vous sachiez que le problème n'existe pas seulement à London; il ne s'agit pas d'un simple problème régional. C'est probablement la même chose dans toute la province.
La présidente: Je vous remercie.
Je commence par donner la parole à M. Ramsay pour dix minutes.
M. Ramsay: Je veux d'abord vous remercier d'être venus témoigner devant le comité. Il s'agit de questions très préoccupantes.
Je regarde les sept recommandations que vous avez présentées. D'abord, monsieur Kellow, vous avez dit qu'il faut deux à trois ans pour savoir qui est en position de prendre une décision, autrement dit pour pouvoir obtenir une réponse. Est-ce que cela prend vraiment aussi longtemps?
Mme Sullivan: En réalité, cela prend plus longtemps, car nous n'avons toujours pas obtenu de réponse.
M. Ramsay: En fait, alors, ce que vous dites, c'est que vous n'obtenez jamais de réponse. À qui posez-vous vos questions?
M. Kellow: À tout ce qui bouge.
Des voix: Oh, oh!
M. Kellow: Nous nous sommes adressés aux hauts fonctionnaires du palais de justice de London eux-mêmes. Nous avons parlé à de hauts fonctionnaires du ministère des Services sociaux et communautaires à London. Nous avons parlé aux responsables de l'établissement correctionnel de Goderich. À l'époque du NPD, nous avons parlé au procureur général, au ministre des Services sociaux et communautaires et au président du Conseil de gestion du gouvernement.
À qui d'autres avons-nous parlé? Je ne me rappelle pas de tous les gens à qui nous avons parlé. Allez-y, Margaret, je vous en prie.
Mme Margaret McGee (membre, London Citizens' Committee on Youth Detention): Nous avons tout récemment rencontré deux juges du tribunal de la famille de London, qui étaient vraiment très peu au courant de ce que nous vous avons raconté sur les conditions qui règnent dans les cellules du sous-sol. C'était la première fois qu'ils en entendaient parler. Ils sont maintenant au courant, et nous espérons rencontrer le barreau de London pour voir si, là aussi, nous pouvons faire quelque chose.
Nous voulons absolument aboutir à quelque chose; nous nous sommes donnés trop de mal pour sortir les jeunes des cellules de ce sous-sol et les faire transférer au deuxième étage pour accepter que tout cela n'ait servi à rien. Avec les conditions qui règnent dans ces cellules provisoires, il faut s'attendre à ce que quelque chose arrive d'un moment à l'autre qui pourrait avoir de si graves répercussions qu'un jeune pourrait poursuivre tous les niveaux de gouvernement.
Il nous semble qu'il y a tellement de gens qui sont impliqués que si quelqu'un voulait entreprendre des poursuites, on pourrait porter un grand nombre d'accusations, probablement même contre le gouvernement fédéral car il est chargé, en bout de ligne, de l'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants.
M. Ramsay: L'application de la Loi sur les jeunes contrevenants relève des provinces. Avez-vous contacté le solliciteur général ou le procureur général au sujet de ce problème?
Mme McGee: Oui.
M. Kellow: Oui, tous autant qu'ils sont. Récemment, j'ai envoyé une lettre très directe àMM. Harnick et Tsubouchi, à laquelle j'attends toujours une réponse. La lettre a été envoyée début mars. Je n'arrive même pas à obtenir un rendez-vous avec eux. Je n'arrive même pas à obtenir une réponse à ma lettre, pas même un simple accusé de réception. C'est très frustrant.
M. Ramsay: Pour commencer, avez-vous recensé les contraventions aux dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants?
M. Kellow: Absolument.
M. Ramsay: Qu'avez-vous fait de ces observations?
M. Kellow: Nous les avons transmises à tous les gens à qui nous avons parlé. Le mémoire que vous avez entre les mains a également été transmis à toutes ces autres parties prenantes. Nous les avons informées des contacts entre les jeunes contrevenants et les adultes. Nous les avons informées des contacts entre les contrevenants de niveau un et de niveau deux. Nous les avons informées des agressions qui se sont produites dans le bloc cellulaire.
Je pense que Margaret a très bien formulé le problème: il faut s'attendre à une catastrophe.
M. Ramsay: Les conditions dans lesquelles sont détenus ces jeunes sont-elles contraires à la Loi sur les jeunes contrevenants?
Mme McGee: Oui, tout à fait.
M. Kellow: Oui.
M. Ramsay: Avez-vous constitué un dossier sur ces conditions?
M. Kellow: Oui.
M. Ramsay: Les pièces justificatives figurent-elles dans votre mémoire?
M. Kellow: Oui.
M. Ramsay: Avez-vous reçu une correspondance quelconque des autorités auxquelles vous avez fait part de la situation?
M. Kellow: L'équivalent de deux classeurs. J'ai dû acheter un nouveau classeur la semaine dernière pour mettre les derniers documents.
M. Ramsay: Je ne vois aucune réponse ici.
M. Kellow: Non, elles ne sont pas ici.
M. Ramsay: Je serais intéressé de connaître les réponses des autorités provinciales, si elles se trouvent en contravention à la loi.
M. Kellow: Il n'y a eu aucune réponse des autorités provinciales portant spécifiquement sur ce que nous considérons être non conforme à la loi.
M. Ramsay: Avez-vous obtenu un avis juridique concernant ce que vous considérez être une contravention à la loi?
M. Kellow: Nous venons tout récemment seulement de discuter de la question.
M. Ramsay: Alors, qui a conclu qu'il y avait violation de la Loi sur les jeunes contrevenants?
M. Kellow: Nous.
M. Ramsay: C'est donc selon vous qu'il s'agit de contraventions à la Loi sur les jeunes contrevenants?
M. Kellow: Oui, mais c'est aussi l'avis d'un grand nombre d'autres personnes qui travaillent pour les juridictions de la jeunesse.
Mme McGee: Notre comité regroupe de nombreux membres, et l'un d'eux est un avocat qui s'occupe des jeunes. Il nous a donné des informations. Je pense que nous ne nous avançons pas trop quand nous parlons de contravention à la loi à propos de cette situation.
L'ancien gouvernement néo-démocrate avait reconnu, par la voix de son procureur général, qu'il était exposé à des poursuites si quelque chose de grave se produisait. Il l'avait reconnu. Mais nous avons perdu du terrain quand le gouvernement a changé et le nouveau n'a pas réagi du tout à nos préoccupations.
M. Ramsay: J'aurais pensé que n'importe quel gouvernement aurait réagi. Il leur incombe de faire quelque chose immédiatement si les lois ne sont pas observées, s'il y a contravention aux lois.
Le gouvernement néo-démocrate ou le gouvernement actuel ont-ils reconnu, d'une manière quelconque, que la façon dont on héberge les jeunes est effectivement en contravention à la Loi sur les jeunes contrevenants?
Mme McGee: En tout cas, pas le gouvernement actuel. L'ancien, oui. Le ministère des Services sociaux et communautaires ainsi que le procureur général sont venus avec nous visiter les locaux pour constater personnellement la façon dont les jeunes étaient détenus. Nous avions obtenu leur soutien pour les locaux du deuxième étage. On espérait même, à cette époque, obtenir d'autres locaux dans l'édifice, pour les contrevenants un peu plus âgés, mais cela est maintenant tombé à l'eau.
M. Ramsay: Est-ce que certains membres de votre comité ont visité les installations?
Mme McGee: Nous y avons tous été.
M. Ramsay: Et vous vous y êtes rendus en diverses circonstances?
M. Kellow: Beaucoup d'entre nous y sont allés deux ou trois fois, et nous avons aussi visité le centre de garde en milieu fermé. De fait, une de nos stratégies est de nous rendre dans ces établissements aussi souvent que possible, car ainsi, nous passons pour des enquiquineurs, mais cela semble être la seule façon d'attirer l'attention des gens sur le problème.
Mme Doris Miller (membre, London Citizens' Committee on Youth Detention): J'aimerais indiquer que j'étais membre du groupe d'experts chargé des inspections des institutions d'assistance publique, ce qui explique que je suis devenue membre de ce groupe. C'était en 1991.
Quand nous avons visité les cellules, c'était tôt le matin. C'était l'une de nos premières visites, et elle a laissé une impression durable à chacun d'entre nous. Nous avions lu les rapports de précédents groupes d'experts chargés de ces inspections sur le problème de la détention des jeunes contrevenants dans cette situation. Quand nous avons fait l'inspection des locaux, c'était très tôt le matin, et nous n'avons donc pas vu certaines des conditions difficiles qui règnent au moment où l'endroit est plus fréquenté. Je dirais pourtant que pour moi, à l'époque, c'était le pire endroit où j'aie jamais été.
Au moment de la visite, naturellement, les cellules pour adultes et celles des jeunes contrevenants étaient occupées. Il vaudrait peut-être la peine que je vous dise ce que j'ai vu.
On entendait des grossièretés, les gens fumaient, il n'y avait pas de supervision directe et les détenus étaient entassés les uns sur les autres. Dans une cellule, il y avait une adolescente âgée de 14 ou 15 ans. Dans cet environnement, elle se comportait comme elle pensait qu'il était approprié de le faire. C'était une enfant de la rue, une dure, et elle allait nous le faire voir.
L'après-midi nous avons visité le centre de détention pour adolescents de la rue Oxford où l'on a retrouvé la même gamine. Son attitude et son comportement étaient tellement différents que ce n'était pas croyable. Elle se montrait responsable, polie et bien élevée, car elle était dans un environnement où c'était ce que l'on attendait d'elle et où c'était elle qui était responsable de son comportement.
Naturellement, en théorie, j'étais déjà consciente de l'influence de l'environnement sur le comportement des gens, mais je m'en suis vraiment rendu compte après cette visite. C'est la raison pour laquelle je me suis impliquée dans ce groupe et que j'ai continué d'y participer au cours des cinq dernières années. Je continuerai jusqu'à ce que nous parvenions à faire quelque chose au sujet de cette situation.
La présidente: Monsieur Gallaway.
M. Gallaway: Dans le cadre de la révision de la Loi sur les jeunes contrevenants, l'un des problèmes que nous rencontrons constamment est la séparation des compétences entre les gouvernements fédéral et provincial. Je ne sais pas si vous avez entendu les commentaires du solliciteur général et du procureur général de l'Ontario, mais je pense que vous avez fait ressortir d'une façon très émouvante les conséquences de cette séparation des compétences.
Vous réclamez une responsabilisation au niveau de l'étape précédant l'entrée des jeunes contrevenants dans le système; bien qu'ils aient été l'objet d'une accusation, leur cas n'est pas nécessairement réglé. Pourtant, en ce qui concerne ceux qui ont été condamnés, nous venons d'entendre le solliciteur général demander que l'on autorise les responsables des prisons et des établissements pénitentiaires du Canada à décider où iront les jeunes contrevenants. Il a fait cette recommandation.
Après avoir entendu cela, quel espoir avez-vous de voir des changements apportés à ce niveau dans le système, sachant que la province de l'Ontario est déjà intervenue, par le biais de la loi 187, et a adopté des mesures législatives portant sur la façon dont seront traités les jeunes contrevenants au moment où ils entrent dans le système?
M. Kellow: Je ne sais pas ce que nous pouvons espérer. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous travaillerons sans relâche et que nous tenterons d'attirer l'attention des responsables de tous les secteurs sur cette situation. Une des cartes que nous n'avons pas encore abattues et que nous n'avons pas l'intention d'utiliser, c'est la carte des médias, pour la simple raison que cela aurait un effet éphémère; cela durera une demi-journée ou une journée, c'est tout.
Je suppose que si nous nous manifestons suffisamment à tous les niveaux et que nous faisons suffisamment de bruit, nous réussirons à parler à quelques personnes en position d'autorité et à faire appel à leur sens de la logique. Si nous parvenons à faire valoir l'aspect économique des choses, si nous réussissons à résoudre quelques-uns des problèmes qui se posent dès le départ, ce sera énormément moins coûteux que d'essayer de régler les problèmes qui surgissent en bout de ligne. Nous affirmons catégoriquement que l'un des facteurs qui contribuent le plus à faire grossir les problèmes tout au long du processus, c'est la façon dont les jeunes contrevenants sont détenus avant même qu'ils passent en cour.
Souhaitez-vous dire quelque chose?
Mme Sullivan: Je voulais, entre autres, commenter l'observation de M. Harnick concernant l'inversion du processus de classement des adolescents dans une catégorie, une décision qui serait prise a posteriori, en fonction du délit qu'ils ont commis, plutôt qu'a priori. Supprimer la distinction entre la garde en milieu fermé et la garde en milieu ouvert, c'est tout simplement tenter le diable.
Notre comité cherche, entre autres, à prendre de vitesse une bombe à retardement, je veux parler du fait que l'on risque fort de voir mourir un enfant sous la garde du système judiciaire. Quelque chose finira par se produire et les conditions actuelles seront changées. Il s'agit d'enfants âgés de 12 à 15 ans. Je ne prétends pas que ce sont des anges. Loin de là. Beaucoup d'entre eux ont commis des crimes et ils ne sont pas très gentils. Mais c'est encore bien pire quand ils ressortent de là.
On ne sépare pas ceux qui sont en milieu fermé et ceux qui sont en milieu ouvert. Dans les cellules, ils sont séparés en fonction de leur sexe, mais parfois, ils se voient. Avec six blocs cellulaires dans le sous-sol, on peut avoir des contrevenants de toute catégorie. Il y en a de toutes sortes: ceux qui sont en garde en milieu fermé et ceux qui sont en garde en milieu ouvert, certains de sexe masculin et d'autres de sexe féminin, des contrevenants de niveau un ou de niveau deux. Cela fait huit groupes différents. Il n'est pas possible de les séparer dans ce bloc cellulaire. On les met donc à l'école du crime pendant qu'ils sont sous la garde du système judiciaire canadien.
Quelles que soient les personnes qui en sont responsables et quelles que soient celles qui, sur le papier, ont des comptes à rendre, elles n'assument pas cette responsabilité et cette obligation, et cela met en danger tous les niveaux de gouvernement, de l'administration municipale au gouvernement fédéral. Tout le monde aura un problème si un enfant meurt dans cette cellule.
M. Gallaway: Permettez-moi de relever deux ou trois autres choses. Je ne pense pas les sortir de leur contexte.
M. Harnick a déclaré qu'ils veulent que l'on s'occupe de la criminalité des jeunes - je sais que M. Kellow, qui est professeur d'anglais, n'aurait pas construit sa phrase comme cela «Ils», en l'occurrence étant les Canadiens. Il a dit: ne refuser pas à la population la justice qu'elle désire. Ce que vous nous avez décrit est en fait un système qui ne reflète pas la justice. Précisément, que demandez-vous à notre comité de faire? Simplement de faire la recommandation que l'on s'implique dans le dossier d'un jeune contrevenant, dès qu'il a fait l'objet d'une accusation?
Manifestement, si M. Harnick pense que la population de l'Ontario veut que des changements profonds soient apportés à la façon dont nous traitons les jeunes contrevenants, je crois comprendre, d'après ce que vous avez dit ce matin, que vous ne faites pas partie de la population dont il parle.
Notre comité se doit de présenter des recommandations. Quelles sont celles que vous souhaiteriez que nous fassions?
M. Kellow: Vous avez posé plusieurs questions. Pour commencer, je ne pense pas que la population de l'Ontario qui demande que l'on fasse quelque chose ait la moindre idée de la façon dont le système judiciaire traite les jeunes contrevenants. La population est au courant des cas qui ont fait sensation et réclame, à cor et à cri, que les choses changent. Je pense qu'il serait tout à fait inapproprié pour le corps législatif de se plier à une opinion qui n'est pas vraiment fondée.
En ce qui concerne ce que vous pouvez faire, manifestement, vous êtes mieux placé que moi pour le savoir. Vous comprenez la séparation des pouvoirs et des responsabilités bien mieux que moi. Il doit y avoir un moyen pour qu'un organisme unique ait la responsabilité des jeunes contrevenants, un organisme qui traiterait les jeunes contrevenants à partir du moment où ils ont affaire à la police jusqu'au moment où ils sont relâchés dans la société, si l'on peut dire, de manière à ce que les divers groupes d'intervention puissent garder un oeil sur la situation et savoir où s'adresser quand des améliorations sont nécessaires.
Il existe, en vérité, un incroyable embrouillamini de bureaucraties dans le même immeuble, dans le même bloc cellulaire. Naturellement, quand il y autant d'intervenants, chacun rend quelqu'un d'autre responsable et plus personne ne l'est. Il semble que cela pourrait être pris en compte par la législation.
Je ne sais pas s'il est possible d'agir au niveau des paiements de transfert pour régler ce genre de problème. J'en doute, mais vous pouvez peut-être faire quelque chose à ce niveau. Le gouvernement fédéral pourrait-il, par l'entremise de la Loi sur les jeunes contrevenants, intervenir grâce à des programmes de financement? Le gouvernement fédéral pourrait-il, en se servant de la législation sur les jeunes contrevenants, intervenir grâce à des subventions pour les immobilisations - un centre de détention, ou un bloc cellulaire? Serait-il possible que la loi stipule que, de temps à autre, le gouvernement peut allouer un million de dollars et faire construire des locaux séparés, la justification étant qu'en dépensant un million aujourd'hui, nous économiserons 60 millions au cours des prochaines décennies, si nous parvenons à éviter que ces jeunes contrevenants deviennent des adultes criminels? Voilà des choses à examiner.
M. Gallaway: Madame Miller, vous avez dit que vous faisiez partie d'un groupe d'experts chargés de l'inspection des institutions d'assistance publique.
Mme Miller: C'est exact.
M. Gallaway: Ma circonscription est juste à côté de London, un autre centre de l'univers.
Mme Miller: [Inaudible - Éditeur].
M. Gallaway: Les groupes d'inspection des institutions publiques sont une sorte d'anomalie, un vestige du passé. En ce qui concerne vos recommandations, qu'elles aient porté sur cet établissement ou sur d'autres que vous avez inspectés, y a-t-il eu des suites?
Mme Miller: Non, je ne pense pas... En réalité, une des recommandations, celle qui portait sur la réouverture des locaux du deuxième étage, a connu des suites. Mais il est intéressant de noter que lorsque nous avons pris connaissance du précédent rapport comme le fait chaque groupe d'inspection, parmi ce qui avait été relevé par nos prédécesseurs, particulièrement en ce qui concerne les locaux que nous devions inspecter - à savoir ceux où des gens sont détenus - on mentionnait que les réponses obtenues étaient tout simplement que le rapport était à l'étude. D'ailleurs, je me suis intéressée aux rapports qui ont suivi. Comme vous le savez, en 1993, la loi a été abrogée et il ne nous a pas été possible d'aller plus loin, mais le problème a continué d'exister après cette date.
Notre groupe avait des idées si fermement arrêtées à cet égard, que nous avons demandé à la presse d'être présente lorsque nous avons présenté notre rapport au juge. Nous avons aussi demandé à rencontrer le juge Genest, et il nous a suggéré de continuer à poursuivre nos démarches et à faire sentir notre présence même après la dissolution de notre groupe. C'est pourquoi je peux dire que je le représente ici.
Avant que notre groupe soit formé, de l'argent avait été mis de côté par le palais de justice pour la rénovation de la salle du deuxième étage, qui était vide. Je crois me rappeler qu'à l'époque, il n'existait pas de toilettes pour ceux qui étaient gardés dans ce local, et c'est la raison pour laquelle on les plaçait dans les cellules.
Par la suite, comme l'a indiqué Brian, pendant un court laps de temps, les contrevenants de niveau un furent détenus dans cette salle du deuxième étage. Cela semblait plutôt donner satisfaction, sauf que les crédits nécessaires n'étaient pas accordés. C'était considéré comme une sorte de solution intérimaire. Les organismes pour la jeunesse qui détachaient du personnel ne recevaient pas de crédits supplémentaires et devaient envoyer, pour travailler dans ce local, des employés qui occupaient normalement des postes réguliers dans leur établissement. Toutefois, cela a semblé marché raisonnablement bien sur une base intérimaire.
En réalité, lorsque nous avons visité le palais de justice avec le précédent procureur général et que nous avons jeté un coup d'oeil à cette salle, nous avons tous été impressionnés. Cela ressemblait à n'importe quelle autre pièce d'un immeuble à bureaux. C'était propre, il n'y avait pas de graffiti sur les murs et il était manifeste que les individus qui séjournaient là respectaient l'endroit où on les détenait. Ils bénéficiaient d'une supervision appropriée, exercée par des gens compétents pour s'occuper d'adolescents de cet âge. Cela semblait donc bien fonctionner sur une base intérimaire, mais malheureusement, cela aussi a disparu.
La présidente: Merci, monsieur Gallaway.
Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Je suis préoccupé par les cas qui sont décrits aux pages 8 et 9 de votre rapport. Comment avez-vous recueilli cette information? A-t-elle été vérifiée? Qui l'a vérifiée?
Mme Sullivan: Nous en avons été informés, je crois, par la Family Court Clinic.
M. Ramsay: Par qui de la Family Court Clinic? Y a-t-il eu une enquête d'effectuer pour vérifier ce que vous avancez aux pages 8 et 9?
Mme Sullivan: Une enquête par...?
M. Ramsay: Par n'importe qui. C'est vous qui le mettez dans le mémoire que vous nous soumettez.
Mme Sullivan: C'est exact.
M. Ramsay: Certains de ces incidents, d'après ce que vous dites ici, sont des infractions criminelles.
M. Kellow: Ces infractions nous sont signalées par diverses personnes, des gens qui travaillent pour la Société d'aide à l'enfance ou au centre de détention et qui escortent les jeunes dans la cellule et les accompagnent au tribunal. Ils restent dans la cellule jusqu'à ce que le jeune soit appelé; ils peuvent donc y rester six ou sept heures. Lorsque les jeunes en ont fini avec le tribunal, le représentant du ministère des Services sociaux et communautaires qui travaille au centre de détention les ramène. C'est souvent ce travailleur ou son supérieur qui nous signale l'incident.
Ce que vous suggérez, en fait, c'est qu'en cas de crimes ou de présumés crimes, des accusations devraient être portées. Les jeunes ne portent pas plainte, car la personne qui les a agressés se retrouvera fort probablement plus tard au centre de détention avec eux. Vous voyez ce que je veux dire?
M. Ramsay: Les personnes qui vous signalent ces incidents ne les signalent-elles pas également aux autorités qui pourraient faire quelque chose? J'essaie de voir si l'on peut vérifier ce que vous dites. Vous êtes tout à fait sûr de ces faits, sans quoi vous ne les auriez pas mentionnés dans votre mémoire.
M. Kellow: Oui, nous sommes tout à fait sûrs.
M. Ramsay: Comment peut-on le vérifier? Ces incidents ne sont-ils pas signalés aux autorités pour qu'une enquête soit faite?
M. Kellow: Mais c'est justement là le problème. Tout d'abord, il n'y a personne à qui l'on peut donner cette information. Deuxièmement, les jeunes, même ceux qui sont agressés, ne veulent pas coopérer avec la police pour porter plainte.
Il est intéressant de noter ce qui se passe dans la cellule. S'il y a une agression, comme nous le disons ici, les responsables de la cellule appellent la police. La police vient constater les faits et porter des accusations. Dès qu'ils essaient de le faire, la victime de l'agression se tait, car elle risque probablement de rencontrer l'agresseur quelque part dans un centre de détention.
M. Ramsay: Cela s'est-il produit dans les cas cités dans votre mémoire? La police a-t-elle fait une enquête pour apporter la preuve de ce que vous indiquez ici? Il est difficile d'accorder du crédit à de simples rumeurs. Des preuves ont-elles été apportées et signalées aux autorités appropriées? Si un travailleur ou un membre du personnel est témoin d'une agression, il s'agit d'une preuve évidente et acceptable par un tribunal.
Mme Sullivan: Mais il n'y a jamais personne.
M. Ramsay: Dans ce cas, comment savez-vous -
Mme Sullivan: Il n'y a personne pour surveiller les jeunes.
Comment le sait-on? Lorsqu'un enfant se retrouve devant le juge avec un bras cassé et que l'avocat présente des excuses pour son retard à se présenter, voilà une preuve. Et c'est ce que nous a raconté un juge. Nous pourrions aller à l'hôpital et confirmer en consultant les dossiers...
M. Ramsay: Pourquoi ne pas le signaler à la police pour qu'elle fasse une enquête?
Mme Sullivan: Parce que la police ne peut rien faire lorsque les jeunes contrevenants ne veulent pas admettre ce qui s'est passé. Si on leur demande pourquoi ils ont le bras cassé, ils répondent qu'ils sont tombés. Comment peut-on porter des accusations dans ce cas?
M. Ramsay: Dans le troisième paragraphe de la page 7, sous le numéro un, vous dites que c'est une jeune femme qui vous a fourni le plus de renseignements sur ce qui s'est produit. Cette personne était-elle présente dans la cellule au moment de l'incident avec les autres jeunes contrevenants?
M. Kellow: Elle était de l'autre côté de la cellule.
M. Ramsay: Elle était elle-même incarcérée?
M. Kellow: En effet.
Pour confirmer ce que je dis, lorsqu'une pupille de la Société d'aide à l'enfance est en cause dans l'un de ces incidents, la Société elle-même fait enquête, puis nous en rend compte.
Il est difficile d'expliquer tout cela de façon rationnelle. Nous ne rendons pas de comptes; nous sommes simplement des gens qui refusons de nous taire. C'est pourquoi certaines personnes nous racontent parfois des incidents car elles veulent que l'on y donne suite. Et parfois, c'est nous qui devons aller à la pêche pour avoir des informations.
La question de savoir si ces affirmations sont vraies reste toujours, à la limite, hypothétique. Il y a tellement d'intervenants en cause, enquêtant et consignant tellement d'incidents, qu'il ne serait pas possible, même pour nous - et nous ne sommes que de simples citoyens - de faire enquête sur pratiquement tous ces cas nous-mêmes. Nous ne pouvons pas le faire.
M. Ramsay: Non, mais vous pouvez signaler ces preuves et ces plaintes aux autorités appropriées pour qu'elles fassent enquête.
La présidente: M. Ramsay, nous en sommes à sept minutes environ.
M. Ramsay: Merci, nous y reviendrons.
M. Maloney: Il y a évidemment un problème de surpopulation.
De quand date ce palais de justice?
M. Kellow: De 1970, je crois.
La présidente: Je peux vous dire qu'ils ont obtenu le leur alors que Windsor de l'a pas eu. Au moins, ils ont un palais de justice.
M. Maloney: Combien de jeunes contrevenants sous garde comparaissent-ils à cet endroit au cours d'une journée typique?
M. Kellow: Cela varie. Les lundis sont les plus achalandés en raison du nombre de jeunes qui sont interpellés par la police pendant la fin de semaine.
M. Maloney: Mais quel est le chiffre le plus élevé?
M. Kellow: Le premier chiffre que l'on nous a donné était 28. Quelqu'un, qui n'a pas voulu être cité, nous a dit qu'une fois, il y a deux semaines, 35 jeunes ont été détenus dans ces six cellules. Même s'il s'agit de 28...
M. Maloney: De quel secteur parlez-vous - est-ce la ville de London? Cela va-t-il jusqu'àSt. Thomas également?
M. Kellow: Il s'agit de London, Sarnia et St. Thomas.
M. Maloney: Jusqu'à Sarnia?
M. Kellow: Oui. Il existe un système de renvoi par vidéo. C'est un peu compliqué. Une des raisons pour lesquelles les jeunes sont détenus dans la cellule pendant si longtemps, c'est que bon nombre d'entre eux doivent y revenir plusieurs fois, simplement pour comparaître devant un juge de paix et voir leur cas renvoyé. C'est pourquoi le procureur général du NPD a envisagé ce système de renvoi par vidéo qui permet aux jeunes de comparaître devant un juge de paix à partir du centre de détention, en particulier quand ils sont dans des endroits aussi éloignés que Sarnia; sans quoi ils doivent être transportés de Sarnia au centre de détention de London, puis au palais de justice, avant de retourner au centre de détention et à Sarnia.
Ce système par vidéo est donc intéressant, sauf que les jeunes ne l'utilisent pas. Ils ne veulent pas l'utiliser pour deux raisons. Premièrement, il n'y a pas d'endroit dans ce vieux palais de justice pour que les clients aient une consultation privée avec leur avocat. Deuxièmement, bon nombre des jeunes qui se trouvent dans un centre de détention vous diront qu'au moins, s'ils n'utilisent pas le système de vidéo, ils ont l'occasion d'aller au palais de justice et de passer la journée à l'extérieur. Ils font un petit voyage et peuvent acheter des cigarettes.
Mme Sullivan: Et ils peuvent acheter des cigarettes et de l'alcool et diverses autres choses auprès des délinquants adultes qu'ils voient dans la salle où ils consultent leur avocat; et parfois, en violation directe de la Loi sur les jeunes contrevenants, on les laisse seuls et sans supervision avec des délinquants adultes dans cette salle: avant que les avocats n'arrivent, après que les avocats furent partis, avant que les gardes municipaux ne viennent les chercher.
Mme Miller: Le juge Campbell a soulevé un autre point. Il a indiqué que le tribunal unifié de la famille, qui semble avoir assez bien réussi à faire fonctionner ce système, devait compter une moyenne de 5,8 juges; or, on en a nommé quatre pour voir si cela allait marcher. Il a fait remarquer qu'un jeune contrevenant qui souhaite plaider coupable n'a pas le temps de le faire. J'ai donc dressé l'oreille quand le procureur général a dit qu'il y avait beaucoup de juges, car selon le juge Campbell, les jeunes qui souhaitent plaider coupables n'ont pas le temps de le faire. D'ailleurs, selon le juge Marchand, la priorité est de passer au stade du procès et de faire comparaître les témoins, etc.; elle n'a pas le temps de faire comparaître les jeunes contrevenants qui souhaitent plaider coupable. Donc, parce qu'il n'y a pas suffisamment de juges pour s'occuper rapidement de ces cas, les jeunes contrevenants risquent d'autant plus de se retrouver dans cette cellule.
M. Kellow: J'aimerais ajouter quelque chose. Mme Miller parlait de notre conversation avec les juges du tribunal unifié de la famille, qui s'inquiètent d'ailleurs beaucoup de ce problème. Il est clair qu'en raison de leur position, ils ne peuvent vraiment pas savoir ce qui se passe. Pendant que je leur parlais, il m'est soudain apparu tout à fait évident que, dans cet énorme système judiciaire très complexe destiné aux jeunes contrevenants, les divers intervenants fonctionnent en vase clos. Il me semble que notre comité qui est composé de simples citoyens en sait plus sur l'ensemble du processus que n'importe lequel des intervenants, car la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite. C'est tout à fait étonnant.
M. Maloney: Vous avez mentionné que ce problème existe dans d'autres centres, en particulier à Kingston. Avez-vous établi un réseau avec la John Howard Society ou autres - plus qu'avec Sudbury, St. Catharines ou Cornwall?
M. Kellow: Nous y travaillons. Nous avons eu des contacts avec le groupe de défense des enfants et nous cherchons à établir un réseau avec d'autres groupes dans d'autres centres.
Nous ne sommes pas un comité John Howard, mais un comité de citoyens. À ce que je sache, il n'y en a pas d'autres. Je ne le souhaiterais pas à une autre collectivité, de toutes façons.
La présidente: Je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui. Les incidents dont vous parlez - et je sais que vous êtes au courant - ces plaintes - et ce n'est pas mon intention de leur retirer de l'importance en les appelant ainsi - sont principalement du ressort de l'administration, qui est provinciale. Mais il est très important que vous veniez nous parler - car nous voyons là les conséquences pratiques des problèmes fédéraux-provinciaux, ce qui, je pense, fait partie de notre mandat, notamment pour ce qui est de savoir comment les choses se passent à ce niveau si important, c'est-à-dire le niveau auquel les jeunes entrent dans le système, et comment on s'occupe d'eux.
Il me semble que je parle beaucoup aujourd'hui.
De toutes façons, madame Miller, j'ai trouvé très intéressantes - et je pense que mes collègues seront d'accord avec moi - vos observations sur la différence de comportement de cette jeune femme qui n'était pas la même dans la cellule de détention et lorsqu'elle était dans un autre environnement où les attentes étaient différentes à son égard.
Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir comparaître aujourd'hui. Nous vous en remercions sincèrement.
Nous allons maintenant entendre le témoignage de quelqu'un que vous connaissez tous très bien, quelqu'un qui est assis dernière vous et qui hoche la tête. Il s'agit du Dr Leschied, de la London Family Court Clinic.
M. Kellow: Merci.
La présidente: Si vous voulez entendre les autres témoignages, nous vous invitons à rester.
La présidente: Je suis très heureuse d'accueillir le Dr Alan Leschied, de la London Family Court Clinic.
Comme d'habitude, monsieur Ramsay, je vais vous dire que M. Leschied vient de Windsor, et que son frère et moi-même avons travaillé dans le même cabinet d'avocats. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle il est ici.
M. Ramsay: Je ne sais pas ce que je suis censé faire de cette information, madame la présidente.
La présidente: Vous devez simplement la mémoriser et vous rappeler que Windsor est le centre de l'univers.
M. Leschied, vous avez la parole.
Dr Alan W. Leschied (directeur adjoint, London Family Court Clinic): Merci beaucoup. Comme je l'ai dit à la présidente avant la présentation, je demande au comité de m'excuser de ne pas lui avoir fourni de copies de mon exposé, mais je le ferai plus tard.
J'aimerais parler de certaines des questions précises auxquelles le comité doit réfléchir, puis je répondrai volontiers à vos questions.
Je suis certain que le comité a déjà entendu des exposés dans tout le pays sur le fait que la criminalité en général, et la criminalité des jeunes, en particulier, continuent d'être parmi les principales préoccupations des Canadiens. Dans une récente étude réalisée par la London Family Court Clinic, en collaboration avec l'Université de Toronto, nous avons déterminé que les médias ont parlé de crimes commis par des jeunes aussi souvent, au cours des dix dernières années, que les principaux journaux canadiens ne l'ont fait pendant toute la période où la Loi sur les jeunes délinquants était en vigueur, de 1908 à 1984.
Il ne serait pas exagéré de dire que la criminalité des jeunes, certains des malentendus qui y sont liés, et dont je vais parler plus tard, ainsi que la crainte que suscitent les jeunes, en sont arrivés à dominer la pensée de bien des gens dans notre pays. En raison de mon travail à la London Family Court Clinic, j'ai eu l'occasion de voyager énormément dans tout le pays pour parler de criminalité et en particulier, de la criminalité des jeunes. Là encore, vous ne serez pas surpris d'apprendre que bon nombre de nos collectivités sont pratiquement paralysées par leurs craintes et leurs préoccupations à l'égard de la criminalité des jeunes.
Avant de parler de cela, j'aimerais expliquer un peu en quoi consiste mon travail. La London Family Court Clinic est un centre de soins de santé mentale pour enfants financé partiellement par le ministère des Services sociaux et communautaires. Depuis 22 ans, nous offrons des services au tribunal de la jeunesse, en vertu de la Loi sur les jeunes délinquants et de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Plus précisément, nous effectuons des évaluations, en vertu de l'article 13 de la Loi sur les jeunes contrevenants, et offrons également un soutien clinique aux établissements de garde en milieu fermé et de détention dans le sud-ouest de l'Ontario. Nous participons également aux programmes de prévention de la violence dans le système scolaire secondaire. Avec l'appui de Santé Canada et d'un certain nombre d'organismes communautaires, nous avons produit un document destiné aux écoles, sur la façon dont les éducateurs peuvent mettre en oeuvre des mesures de prévention de la violence dans le cadre du programme scolaire. De même, nous aidons les jeunes victimes d'agression, notamment d'agressions sexuelles, les enfants qui ont été brutalisés et doivent comparaître comme témoins.
Notre action est donc très vaste. Nous voyons les enfants avant qu'ils ne commettent un crime, dans les écoles secondaires, grâce à nos programmes de prévention. Nous voyons les victimes de crimes qui doivent témoigner en cour contre leurs agresseurs présumés. Et nous voyons les jeunes après qu'ils ont été formellement reconnus coupables d'une infraction.
En plus de ce travail clinique, nous participons activement à des travaux de recherche et d'évaluation sur tous les aspects des services que nous offrons. Le comité sera peut-être intéressé notamment par notre participation aux recherches sur les jeunes contrevenants.
Récemment, nous avons réalisé, pour le ministre des Services sociaux et communautaires de l'Ontario, une recherche approfondie sur les prévisions concernant les jeunes susceptibles de commettre un crime et leur évaluation. Plus précisément, nous avons examiné un grand nombre d'études réalisées dans le domaine des traitements qui se sont révélés efficaces pour les jeunes. Par conséquent, mes remarques se fondent non seulement sur notre intervention directe auprès des enfants et des familles, mais également sur notre recherche. J'aimerais également inscrire l'information que je donne au comité dans le contexte des mythes qui se sont développés au sujet de la criminalité des jeunes.
Le premier mythe dont j'aimerais parler veut que les crimes perpétrés par les jeunes sont apparemment commis à l'aveuglette et que nous ne semblons pas capables de reconnaître les conditions particulières qui font que certains jeunes risquent de commettre un crime.
Notre aptitude à déceler ce risque repose sur notre capacité de faire des prévisions et d'évaluer de façon significative les caractéristiques qui différencient les jeunes susceptibles de commettre un crime des autres.
Le comité ne sera pas surpris d'apprendre qu'en général, les jeunes entrent en conflit avec leur communauté parce qu'ils sont incapables de socialiser et d'adopter des attitudes et des valeurs pro-sociales. Les recherches menées en Amérique du Nord, en Grande-Bretagne et en Australie suggèrent que la façon dont les enfants sont socialisés dans leur culture joue un rôle essentiel pour comprendre ce qui rend les enfants susceptibles de commettre un crime. Essentiellement, les enfants sont socialisés au sein des familles, par leurs pairs et à l'école.
Par exemple, un certain nombre d'enfants que nous voyons à la clinique et qui peuvent être accusés d'infractions violentes ont été eux-mêmes victimes de violence ou ont été exposés longtemps à la violence entre adultes chez eux. Un enfant est plus susceptible d'être brutalisé par quelqu'un qu'il connaît que par quelqu'un qu'il ne connaît pas.
Je suis sûr que le comité est au courant du cycle de violence qui, malheureusement, caractérise bon nombre de nos familles. C'est pourquoi, pour comprendre tout ce qui a trait à la violence chez les jeunes, nous devons mieux comprendre la nature de la violence familiale et l'effet de modèle qu'elle a sur nos jeunes. Essentiellement, la réhabilitation des jeunes qui font preuve de violence doit tenir compte du rôle que jouent les familles, et d'ailleurs du rôle des médias, par le biais des modèles présentés et de la rétribution de cette violence.
Le deuxième mythe dont j'aimerais parler est celui qui repose sur l'idée erronée que l'on ne peut pas vraiment réhabiliter les jeunes contrevenants chroniques et violents. Il est facile de continuer de croire que nous ne pouvons rien faire, que les jeunes finiront par perdre leurs valeurs anti-sociales ou que la grande majorité des jeunes qui enfreignent la loi finiront dans le système de justice criminelle pour les adultes.
Pourtant, nous avons maintenant toute une série de normes bien établies qui peuvent servir de principes directeurs pour orienter la nature des programmes et les rendre plus efficaces. Il n'y a pas de secret sur ce que constitue un programme efficace. Il s'agit de la mise en oeuvre systématique de facteurs propres à rendre un service efficace, ce que les recherches ont identifié.
Le comité sait peut-être qu'au Canada, on incarcère un jeune sur trois qui passent devant un tribunal. Ce taux d'incarcération de 34 p. 100 place le Canada parmi les pays où l'on enferme le plus de jeunes contrevenants par habitant. Seuls les États-Unis et la Grande-Bretagne incarcèrent davantage de jeunes de cet âge que nous. Nous croyons fermement à l'effet dissuasif de la détention pour de longues périodes.
La recherche menée dans le domaine de la dissuasion et des sanctions est très claire. En fait, le vécu de la majorité des jeunes qui commettent des crimes de façon chronique ne les rend pas nécessairement sensibles à l'effet dissuasif de l'incarcération et des mesures conçues pour les mettre hors d'état de nuire. De fait, une bonne partie de la recherche dans ce domaine suggère que la dissuasion peut avoir un effet d'intensification ou criminogène et pousser le jeune à voir s'il peut éviter de se faire prendre. Cela fait partie du jeu dont on parle parfois au sujet des jeunes qui commettent des crimes pour voir jusqu'où ils peuvent aller.
Prendre des risques va avec l'adolescence. C'est une caractéristique particulière de bon nombre des jeunes qui commettent des crimes. La dissuasion a peu ou pas d'effet sur les jeunes qui commettent des crimes de façon chronique et persistante. C'est pourquoi, comme nos voisins du Sud l'attesteraient, le fait de placer un nombre croissant de jeunes en prison pour de longues périodes n'a pas l'effet souhaité, qui est d'améliorer la sécurité de la collectivité. Nous devons faire autre chose.
C'est pourquoi le comité doit envisager sérieusement, par le biais de la Loi contre les jeunes contrevenants, d'encourager la mise en oeuvre de stratégies efficaces passant par la réhabilitation. J'apprécie le fait que, dans le projet de loi C-37, on soit allé jusqu'à intégrer la réhabilitation dans la déclaration de principes, mais il y a suffisamment de marge pour des décisions judiciaires, des politiques gouvernementales et la mise en oeuvre de programmes qui ne vont pas dans le sens de la recherche sur les services efficaces.
Cela m'amène au troisième mythe dont j'aimerais parler, à savoir qu'il existe, quelque part, une solution miracle qui permettra de régler rapidement le problème des contrevenants chroniques, persistants et violents.
Actuellement, la mode est aux camps de redressement. Le Manitoba, l'Alberta et maintenant l'Ontario prévoient d'adopter le concept des camps de redressement, même s'il n'existe aucune preuve de leur efficacité. En fait, j'ai fait une recherche pour notre comité sur le groupe de travail ontarien sur la stricte discipline, il y a environ deux mois, et j'ai constaté que près de 100 études ont été réalisées sur les camps de redressement aux États-Unis par des évaluateurs indépendants. Les décideurs de notre pays essaient à nouveau de trouver une solution miracle. Les camps de redressement ne sont pas une solution miracle.
Il me semble ironique que, dans la déclaration de principes du projet de loi C-37, on essayait de faire de la réhabilitation des jeunes un objectif lié à la sécurité des collectivités, alors que la discussion et l'application de programmes dont la recherche montre qu'ils ne donnent rien se poursuivent.
Le quatrième et dernier mythe répandu parmi les Canadiens est l'idée que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas assez rigoureuse. Comme je l'ai déjà dit, le Canada accorde une importance considérable à l'incarcération. En dehors du Québec, 34 p. 100 de tous les jeunes qui ont eu affaire au système de justice criminelle au Canada finissent pas être incarcérés pour des périodes de longueurs diverses.
Les données fournies par la clinique et par le professeur Tony Doob, de l'Université de Toronto, laissent à penser que pour le même type d'infraction, un jeune est beaucoup plus susceptible d'être incarcéré qu'un adulte qui aurait les mêmes antécédents. Pourtant, les Canadiens ont toujours l'impression que nous ne sommes pas assez sévères.
J'aimerais montrer au comité la logique erronée qui sous-tend cette perception. On pense en effet que si seulement nous imposions une peine suffisante, adaptée à la nature de l'infraction que le jeune commet dans le contexte des antécédents criminels, nous allons éventuellement trouver la mesure dissuasive précise qui nous permettra d'améliorer la sécurité communautaire. J'aimerais dire au comité que si l'on examine le nombre considérable de documents qui ont été produits sur les interventions efficaces, cette logique ne tient pas.
J'aimerais brièvement donner au comité quelques sujets de réflexion. Premièrement, le Canada consacre 80 p. 100 du financement réservé aux jeunes contrevenants à leur logement dans diverses installations de détention; 80 p. 100 des paiements de transfert sont consacrés à la détention. Le comité doit envisager sérieusement d'appuyer la réaffectation des fonds à des programmes, conformes à la recherche dans le domaine des services efficaces, mais où l'on n'a pas nécessairement recours, comme on le fait encore continuellement, à l'incarcération. Il existe un certain nombre d'autres solutions communautaires qui ont montré qu'elles étaient non seulement efficaces, mais également économiques.
Le comité doit envisager sérieusement d'endosser et d'appuyer des programmes qui peuvent améliorer considérablement la sécurité des collectivités, mais qui vont à l'encontre de la tendance actuelle à l'incarcération qui, à bien des égards, comme l'intervenant précédent l'a dit, crée des écoles du crime pour de nombreux contrevenants présentant des risques faibles à modérés.
Dans une récente étude que nous avons réalisée à la clinique, nous avons analysé le cas de 634 jeunes contrevenants gardés en milieu ouvert. De ce nombre, les deux tiers étaient des contrevenants à faible risque, c'est-à-dire qu'avant d'entrer dans ces établissements, la probabilité qu'ils récidivent était très faible. Or, la moitié de ces deux tiers de contrevenants à faible risque était passée à un stade de risque au moins modéré et, pour certains, élevé lorsqu'ils sont sortis. On peut donc en conclure que notre système est en fait criminogène, tout simplement parce que nous plaçons tant de jeunes contrevenants à faible risque dans ces établissements.
J'aimerais parler maintenant de la documentation sur les prévisions et le dépistage précoce des enfants qui courent le risque d'adopter un comportement antisocial.
Vous êtes maintenant dans une province qui, tout en envisageant d'adopter le concept des camps de redressement, prévoit également des coupures qui élimineront la possibilité de répondre aux besoins des apprenants à haut risque au sein du système d'éducation. Ceux-ci sont caractérisés par une forme ou une autre de troubles d'apprentissage, de troubles de la parole ou du langage ou d'une inaptitude à socialiser de façon utile et pro-sociale. L'ironie de cette situation est trop évidente pour être passée sous silence.
Nous avons maintenant la capacité de dépister rapidement les apprenants à haut risque afin d'interrompre le cycle qui mène bon nombre d'entre eux à un comportement antisocial. La Family Court Clinic, en collaboration avec le Dr Paul Steinhauer de l'Université de Toronto et grâce au financement du Conseil national de la prévention du crime, a récemment présenté un modèle de dépistage et de prévention précoces pour les enfants risquant d'adopter un comportement antisocial et leur famille. Ce rapport a été publié la fin de semaine dernière dans l'Île-du-Prince-Édouard. Il est intitulé «Preventing Crime by Investing in Families».
Ce document suggère simplement qu'il existe un modèle qui permet le dépistage et la prévention précoces et qui peut servir d'étalon, si vous voulez, pour aider les collectivités à mettre en oeuvre des politiques et des programmes conformes à la recherche dans le domaine de la prévention de la criminalité. Les meilleures techniques de prévention soutiennent les familles de différentes façons, non seulement en faisant appel à l'école pour le dépistage et la participation à des programmes comme Bon départ, mais également en se concentrant sur la nutrition des mères pendant la grossesse et le soutien communautaire aux jeunes enfants à haut risque, en offrant des possibilités de socialisation et de loisirs dans les voisinages à haut risque et en abordant les questions liées à la pauvreté.
En conclusion, je me rends compte que ma présentation est très condensée et je remercie le comité de son attention. Ce que je souhaite que le comité retire de ma présentation, c'est que de graves questions sont en jeu. Elles ont trait non seulement aux besoins et au vécu des jeunes à haut risque et de leurs familles, mais également à la sécurité des collectivités canadiennes. Nous pouvons faire beaucoup mieux qu'à l'heure actuelle. Je crois que ce que le public canadien exige, c'est non seulement la justice, mais également la sécurité.
Je crois qu'en partie, il faut apprendre à la population canadienne ce qu'est un programme efficace et non simplement accroître les peines. Je crois qu'il faut sérieusement réfléchir au mythe prédominant qui veut qu'en dehors de l'incarcération, on ne peut pas faire grand chose pour interrompre le cycle de la criminalité. Ce n'est pas sans espoir. La recherche et l'expérience passée peuvent guider le comité dans ses délibérations, et je suis sûr que cela mènera à une contribution utile à la politique sur les jeunes contrevenants de notre pays.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Leschied.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je ne suis pas d'accord avec certaines des conclusions auxquelles vous arrivez. Cela ne sera pas rare, je présume, au cours de notre périple.
J'aimerais simplement vous dire ce qui me pose problème dans ce que vous avez déclaré au comité ce matin. Pourtant, je veux vous remercier de votre présentation, car elle fera certainement partie intégrante de tout ce que nous allons prendre en compte par la suite.
Vous avez suggéré que la dissuasion n'a pas d'effet du tout et vous dites qu'il existe des preuves montrant que les moyens de dissuasion, dans la mesure où ils créent peut-être un défi, encouragent la criminalité chez les jeunes.
M. Leschied: Voulez-vous que je vous donne des éclaircissements, monsieur Ramsay?
M. Ramsay: Puis-je poser la question? Si je vous ai mal cité, c'est que je ne vous ai pas bien entendu ou que je vous ai mal compris.
Si c'est vrai, si les mesures dissuasives n'ont pas d'effet, pourquoi ne pas hausser l'âge minimum à 14 ou à 16 ans? Peut-être allons-nous dans la mauvaise direction. Pourquoi ne pas prendre l'autre voie, pour que les infractions violentes commises par des jeunes de onze et de dix ans, sur lesquels le système judiciaire n'a aucune prise pour protéger la société, puisque l'on ne peut prendre aucune mesure après les faits...? Si ce que vous dites est vrai, pourquoi ne pas hausser l'âge minimum?
M. Leschied: J'aimerais revenir sur la question que vous avez d'abord soulevée, c'est-à-dire la raison pour laquelle la dissuasion n'a pas d'effet, ce que l'on constate chez les jeunes contrevenants que nous voyons récidiver continuellement. Le fait de les placer en détention pour des durées de plus en plus longues n'est pas, en soi, une solution efficace.
Huit pour cent des jeunes de 12 à 17 ans passent devant un tribunal pour adolescents. Par définition, 92 p. 100 des jeunes respectent la loi, en partie grâce aux valeurs qui leur sont inculquées, mais également en raison de la dissuasion. Ils savent que s'ils sont pris, il y aura des conséquences. Pour les 8 p. 100 qui passent devant un tribunal et un plus petit pourcentage encore qui y revient constamment, le simple fait de les incarcérer sans offrir un service quelconque, un programme de gestion de la colère, un programme d'éducation culturelle, un programme d'aptitude à la vie quotidienne... Sans l'intégration de ces programmes au processus principal, la simple réincarcération de ces jeunes à titre de dissuasion ne fonctionne pas.
C'est ce que je voulais dire.
M. Ramsay: Dans les établissements que nous avons visités jusqu'à présent, il semble bien que des programmes de réhabilitation soient offerts. On a suggéré qu'une peine de deux mois pour une infraction comportant de la violence ne donne pas suffisamment de temps pour mettre en oeuvre un programme de réhabilitation qui ait de l'effet sur le jeune contrevenant.
Que faut-il faire? Que devons-nous recommander à notre ministre de la Justice en ce qui concerne les infractions violentes commises par ces 8 p. 100 de jeunes? Devons-nous lui dire qu'il faut garder les jeunes en prison plus longtemps, qu'il ne faut pas les garder plus longtemps, qu'il faut les relâcher dans la société, même s'il est très probable qu'ils commettront une autre infraction violente? Quelle est la réponse?
M. Leschied: La réponse est de demander au ministre de s'assurer qu'il existe des normes permettant d'offrir des programmes efficaces dans les établissements. Ces programmes peuvent être également offerts à l'extérieur de façon tout aussi efficace pour certains jeunes. C'est à ceux qui offrent le service d'en juger. Il ne suffit pas de loger les jeunes.
Je visite de nombreux établissements réservés aux jeunes contrevenants et, franchement, pour certains d'entre eux, il leur suffit d'avoir trois repas par jour - le gîte et le couvert, comme ils disent - c'est parfois ce que représente l'incarcération. Ce n'est pas suffisant. Nous devons offrir aux jeunes en détention des programmes qui s'attaquent aux raisons pour lesquelles il y a eu un problème au départ.
M. Ramsay: Je ne suis pas en désaccord avec vous, et je pense que personne ici ne le serait. Mais qu'en est-il de la suggestion voulant qu'un jeune contrevenant devrait peut-être être condamné non pas à une peine d'emprisonnement mais à un programme d'emprisonnement?
M. Leschied: Je peux vous donner un exemple précis. Il n'existe toujours pas de programmes spécialisés dans les juridictions de la jeunesse, mais il y en a dans le secteur des soins de santé mentale. C'est pourquoi dans notre évaluation, nous demandons parfois aux juges de placer les jeunes sous garde, mais de leur accorder une mise en liberté provisoire pour qu'ils puissent résider dans une unité pour adolescents à l'Hôpital psychiatrique de London, où ils peuvent bénéficier, par exemple, d'un programme conçu pour les auteurs d'infractions sexuelles. Cela ne fait pas partie du mandat du système pénitentiaire, mais c'est du ressort du système de soins de santé mentale.
Nous essayons d'être créatifs dans notre façon d'utiliser la Loi sur les jeunes contrevenants afin d'avoir accès à ce genre de programmes. Ce genre de créativité est très intéressante, et c'est ce que nous essayons de faire. Mais je dois dire que certains juges ne sont pas du tout à l'aise avec cette solution.
M. Ramsay: Vous avez utilisé le terme «solution miracle». Je ne connais personne qui soit pour les solutions miracles car il est très difficile de changer les comportements. C'est là le défi des programmes de réhabilitation, qu'il s'agisse des jeunes contrevenants ou des adultes. Il s'agit de modifier le comportement d'une personne.
Lorsque vous parlez de «solutions miracles», pardonnez-moi si j'ai tort, mais je pense que vous enfoncez des portes ouvertes. Je ne crois pas que quiconque puisse penser qu'il existe une méthode simple pour résoudre la criminalité chez les jeunes. Les jeunes contrevenants ont été élevés de telle façon qu'ils ont glissé sur la mauvaise pente, que ce soit à l'école... C'est ce que l'on nous a dit aussi ce matin. On nous l'avait déjà dit auparavant. Le Dr Carrigan, qui a comparu devant notre comité à Halifax, a fait remarquer que tant que les parents n'enseigneront pas les valeurs et la morale à la maison, et que ces valeurs et cette morale ne seront pas renforcées à l'école et à tous les niveaux de la société, nous serons dans une impasse. C'est ce qu'il nous a dit, et je crois qu'il a tout à fait raison.
Si l'on réfléchit au rôle du système judiciaire, au rôle traditionnel du système judiciaire, je pense que le solliciteur général et le procureur général ont indiqué assez clairement qu'une fois que tous les programmes mis en place par la société ont échoué et que quelqu'un commet un crime violent, le rôle du système judiciaire est essentiellement triple: premièrement, protéger la société; deuxièmement, avoir un effet dissuasif; et troisièmement, offrir la possibilité de réhabiliter la personne par le biais des peines et des sanctions imposées.
Lorsque je vous entends dire que les mesures dissuasives n'ont aucun effet et qu'elles peuvent même encourager les jeunes à commettre des infractions, j'en arrive à penser que l'un de nous deux se trompe et que peut-être, nous devrions songer à éliminer le concept de dissuasion.
M. Leschied: Deux points, monsieur Ramsay. Le premier est que les mesures dissuasives à elles seules, pour les jeunes qui repassent plusieurs fois par le système judiciaire, ne sont pas suffisantes. La sanction, la mesure dissuasive, doit être accompagnée d'un service ou d'un programme à visage humain, d'un programme d'éducation ou de réhabilitation qui fasse partie de ce que le système judiciaire peut offrir. C'est de la «dissuasion seule» dont je voulais parler, au cas où cela n'était pas assez clair. La dissuasion agit très efficacement chez 92 p. 100 des jeunes.
Le deuxième point a trait à ce que j'ai appelé la «solution miracle». Je crains en effet tout ce qui est à la mode, qu'il s'agisse de camps de redressement ou de programmes de discipline très durs. Le public adopte le concept et pense que c'est ce qu'il faut faire. Nous devons être vigilants à ce sujet. C'est ce que je voulais dire.
M. Ramsay: Oui, et nous cherchons des solutions de rechange pour le système judiciaire. Sans quoi, le comité ne ferait pas cet examen, 12 ans après l'entrée en vigueur de la loi. C'est pourquoi, dans la mesure où les gens pensent à ces autres solutions et que les gouvernements les mettent en oeuvre, la...
C'est un peu ce que nous a dit le Dr Shamsie l'autre jour. Il nous a dit que peu lui importait ce qui fonctionne. Il a averti le comité que les changements doivent s'appuyer sur des preuves et des faits scientifiques. Il nous a dit que si les camps de redressement fonctionnent, il les appuiera. Si le fouet donne des résultats, il sera pour le fouet. Mais les changements que nous envisageons doivent être fondés sur des preuves et des faits scientifiques. Donc, si les camps de redressement n'ont aucun effet, nous le saurons.
J'aimerais savoir ce que vous recommanderiez pour ces 8 p. 100 de jeunes contrevenants, en particulier ceux qui sont violents. Quelles mesures recommanderiez-vous au comité pour protéger la société contre eux?
M. Leschied: J'aimerais que le comité s'assure, comme dirait le Dr Shamsie, d'avoir de bonnes preuves scientifiques pour évaluer l'effet de certains programmes précis de gestion de la colère et de ceux où l'on aide les enfants à voir les choses du point de vue des victimes dans le cadre de leur détention ou de leur garde, si c'est nécessaire. Utilisez les programmes qui se sont révélés efficaces et non ceux qui ont échoué.
Mais je me demande ce que M. Ramsay répondrait à la question suivante: pourquoi les camps de redressement, qui ne se sont pas révélés efficaces, sont-ils si attirants? Pourquoi sommes-nous si séduits, ou presque, au point de croire que les camps de redressement doivent faire partie des services, alors qu'ils ne se sont jamais révélés efficaces?
Cela fait partie de mon rôle, en raison des connaissances et de l'expérience que j'ai accumulées en 19 ans de fréquentation des juridictions de la jeunesse au Canada, de dire que certaines choses fonctionnent et d'autres non. Investissons notre énergie dans ce qui est efficace.
M. Ramsay: Où en suis-je?
La présidente: Votre temps de parole est écoulé, mais votre tour reviendra, j'en suis sûre.
M. Ramsay: D'accord.
M. Gallaway: Merci, M. Leschied, d'être venu.
J'entends parler de science et de faits. M. Runciman est venu nous dire que le public avait peu confiance dans les juridictions de la jeunesse. Le public a raison: le système ne protège pas la population, ne punit pas les coupables et ne dissuade pas les criminels. Avez-vous des observations à faire là-dessus?
M. Leschied: Si vous étiez un homme d'affaires et que vous examiniez les résultats de votre investissement dans le système que nous avons actuellement, et si vous saviez que le taux de récidive se situe, après une année, autour de 80 p. 100, vous vous demanderiez ce que nous faisons, n'est-ce pas? C'est exactement où nous en sommes actuellement. C'est pourquoi, à certains égards,M. Runciman a raison et le public ne devrait pas avoir confiance dans le système actuel.
Mais voici ce que je contesterai dans les conclusions que tire M. Runciman de l'opinion du public: il nous faut plus de mesures dissuasives, peut-être plus d'incarcérations; il faut abaisser l'âge pour que davantage de jeunes se retrouvent dans le système de justice criminelle pour adultes, où il y a encore moins de possibilités de se prévaloir de services d'éducation et de réhabilitation.
Cette logique ne tient pas. Nous pouvons donner à la population une plus grande confiance dans la justice en rendant les collectivités plus sûres. Nous le ferons en offrant des services qui amélioreront la sécurité. C'est ce qui découle de la recherche, des évaluations, des projets qui donnent des résultats et de ceux qui ne fonctionnent pas. Franchement, le taux croissant d'incarcération est une de ces choses qui ne nous mènent nulle part.
Au cours des 15 dernières années, certains États américains ont adopté un système d'incarcération pour les jeunes qui ait que l'on dépense davantage d'argent pour cela que pour le système d'éducation. Je suis sûr que vous entendrez beaucoup parler de cela si ce n'est déjà fait. La sécurité aux États-Unis n'est d'ailleurs pas meilleure pour autant.
Il y a quelque chose de faussé dans la logique qui procède de ce genre de réflexion. C'est pourquoi, je dirais à M. Runciman ou au public que cette logique n'est peut-être pas la bonne.
Peut-être n'avons-nous pas besoin de plus, mais de moins ou de mesures différentes de celles auxquelles nous sommes habitués.
Ma mère avait l'habitude de faire pousser des violettes africaines. Elle pensait que si elles dépérissaient, il fallait les arroser. Si elles dépérissaient, elle leur donnait plus d'eau. Jusqu'à ce que je lui dise qu'elle les arrosait peut-être à mort. C'est une analogie.
M. Gallaway: C'est une analogie intéressante.
Continuons. M. Harnick ou M. Runciman a recommandé que nous examinions - ce que nous faisons - toute la question de l'abaissement de l'âge et le modèle qui a été présenté par la province de l'Ontario ce matin, qui consiste à donner aux juges le pouvoir de décider si un jeune, de moins de12 ans présumément, devrait être traité par le système judiciaire. Quels sont vos commentaires sur l'abaissement de l'âge?
M. Leschied: Je dirais simplement, pourquoi faire? Allons-nous introduire des enfants plus jeunes dans un système de garde qui contamine déjà les services que nous offrons? Mais si nous faisons entrer des jeunes de 11 ans, en raison de qui ils sont et de ce qu'ils ont fait, dans un système qui peut mobiliser des ressources humaines et s'assurer que des programmes existent, alors, c'est une bonne idée. Peut-être ces enfants ne reçoivent-ils pas les services dont ils ont besoin actuellement.
Nous avons tous confiance dans les services d'aide à l'enfance et dans le secteur des soins de santé mentale pour enfants. Mais il est possible que s'il y a des jeunes qui commettent des crimes si odieux, ce soit la preuve que le système ne fonctionne pas pleinement. C'est pourquoi, si le système judiciaire devait contribuer à offrir ces services, ce serait formidable. Mais si l'objectif est d'intégrer ces enfants dans un système où l'incarcération sera la seule réponse à leurs actes, je ne sais pas trop où cela nous mènera.
M. Gallaway: Vous avez parlé des récidivistes, en particulier de ceux qui ont été reconnus coupables de crimes violents.
M. Leschied: Oui.
M. Gallaway: L'incarcération ou la mise sous garde ne les dissuade pas. L'incarcération ou la crainte de la punition, en général, ont-elles un effet sur les jeunes qui entrent dans le système pour la première fois?
M. Leschied: Pour les contrevenants à faible risque, comme nous les appelons, qui n'ont pas vraiment un mode de vie criminogène, le spectre de la mise sous garde ou d'une nouvelle comparution devant un tribunal a effectivement un certain effet. Mais, au départ, ces jeunes n'avaient probablement pas besoin de passer par le système judiciaire. C'est là où les programmes de déjudiciarisation et les interventions communautaires jouent un rôle.
Ce qui fait vraiment grimper les coûts de notre système, c'est que nous avons tendance à faire entrer ces enfants dans le système. Nous ratissons plus large, autrement dit, et nous amenons dans le système les contrevenants à faible risque qui ne devraient pas y être et qui ont compris la leçon. Nous les plaçons sous garde parce que nous sentons que le public nous juge trop laxistes.
Nous devrions trouver d'autres moyens pour ces jeunes, comme les ordonnances de service communautaire et des mesures qui sont vraiment efficaces pour eux. Nous pourrions alors prendre les ressources investies dans des jeunes qui n'en ont pas besoin, et les concentrer sur les contrevenants violents à haut risque. Il existe de nombreux programmes de qualité. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue. Ils existent déjà et ils sont efficaces. Ils sont offerts sous bien des formes et donnent des résultats.
M. Gallaway: M. Harnick était presque obsédé, si j'ose dire, par le chiffre 11 000, qu'il n'arrêtait pas de citer comme étant le nombre des crimes violents commis par de jeunes contrevenants dans la province de l'Ontario au cours de la plus récente année sur laquelle nous avons des statistiques.
Croyez-vous que les crimes de violence augmentent parmi les jeunes contrevenants ou pensez-vous que le seuil de tolérance a baissé dans la police?
M. Leschied: C'est une très bonne question, monsieur Gallaway. En Ontario, par exemple, nous avons une politique de tolérance zéro dans les conseils scolaires. Je peux vous dire que dans la ville de London, les bagarres qui avaient lieu dans les cours d'école et qui étaient résolues dans la communauté conduisent maintenant au tribunal. Je suis un peu sceptique en ce qui concerne cette augmentation des infractions violentes, car ce qui est considéré comme une infraction violente dans la saisie des données va de la simple agression, c'est-à-dire une bousculade dans la cour d'école, au meurtre, le crime violent le plus odieux. Il n'y a pas de différence.
Mais je peux vous parler d'un phénomène vraiment perturbant. C'est le nombre de jeunes femmes qui ont commis des crimes violents. En fait, M. Ramsay a participé à une émission de télévision que nous avons faite mercredi soir dernier, à London. Le chef de la police de London, M. Fantino, a révélé certaines données montrant qu'au cours des cinq dernières années, le taux des crimes violents qui avait le plus augmenté était celui qui s'applique aux jeunes femmes. C'est encore une proportion relativement faible par rapport à tous les crimes violents, mais cela est perturbant. Il y a, de toute évidence, un nouveau phénomène.
Mais la tolérance zéro au sein des conseils scolaires et la façon dont cela est géré ont grossi les chiffres artificiellement.
M. Gallaway: Vous avez dit au début que les médias ont parlé des crimes commis par des jeunes plus souvent au cours des dix dernières années qu'ils ne l'ont fait avant l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants.
M. Leschied: Oui.
M. Gallaway: Pourquoi, selon vous? Nos enfants sont-ils en fait pires qu'ils ne l'étaient il y a 20 ans?
M. Leschied: Il est difficile de le savoir. Et il est difficile de savoir pourquoi les médias s'y intéressent tellement.
Mais il y a une chose qui est réellement fascinante. Encore une fois, le professeur Doob, de l'Université de Toronto, a fait une étude très intéressante. Après que nous eûmes recensé tous les reportages sur les crimes, il a examiné les détails concernant ceux qui étaient couverts. Deux tiers des crimes couverts étaient des crimes violents impliquant des enfants. Pourtant, les crimes violents commis par des jeunes ne représentent qu'entre 10 et 12 p. 100 du total.
Il n'est donc pas surprenant que les Canadiens croient qu'il y a une augmentation incroyable des crimes commis par les jeunes. S'ils lisent les journaux, leur principale source d'information, ils en arrivent à croire que nous sommes submergés par une vague de crimes violents. Mais le nombre de ces reportages est disproportionné par rapport au nombre de crimes commis. Il faut donc faire très attention.
M. Gallaway: Je m'intéresse également au taux des mises en accusation. J'ai lu des articles où l'on disait que, par exemple, un Noir du district de Columbia a 92 p. 100 de chances d'être accusé de quelque chose à un moment donné. Pourtant, le taux de culpabilité n'est pas plus élevé parmi ce groupe que parmi la population blanche.
Pensez-vous que ce qui semble être représenté dans les médias comme une vague de crimes commis par les jeunes a en fait plus à voir avec la tolérance zéro qu'avec la réalité?
M. Leschied: Franchement, je pense que la tolérance zéro vis-à-vis des cas qui, il y a deux ans, n'auraient jamais abouti devant les tribunaux, a beaucoup à voir avec cela, et il s'agit uniquement de notre juridiction. Nous avons un grand nombre de renvois en vertu de l'article 13 - ils viennent tous de London. Nous voyons des jeunes qui en sont à leur première infraction, des jeunes à très faible risque, qui sont accusés d'agression parce qu'ils se sont battus dans la cour d'école.
Ce n'est pas que j'approuve, d'ailleurs. Mais en tant que société, nous avons décidé de changer notre façon de réagir, c'est pourquoi nous les faisons passer devant les tribunaux plutôt que de résoudre les problèmes dans la communauté et dans les écoles avec les directeurs, etc. Je pense que, ce faisant, nous y perdons.
M. Gallaway: Je sais qu'il y a des différences entre les forces policières en ce qui concerne la formation, mais pensez-vous que la police ontarienne est bien équipée, en moyenne, pour juger spontanément si tel ou tel acte justifie d'envoyer son auteur devant les tribunaux plutôt que de résoudre le problème à l'école ou à la maison ou ailleurs?
M. Leschied: C'est une très bonne question. Nous avons eu un comité à London qui a examiné quel degré de jugement exerçait un agent de police lorsqu'il était appelé dans une école. Actuellement, les policiers ont toute la discrétion voulue, mais presque dans tous les cas où ils sont appelés à propos d'un jeune de plus de 12 ans, ils portent des accusations, car les politiques en matière d'éducation en Ontario les poussent à le faire. Étant donné que la violence a attiré l'attention des médias, ces cas passent devant les tribunaux. Je dirais donc que même si l'agent de police a toute latitude, il a plutôt tendance à porter des accusations que le contraire.
La présidente: M. Gallaway, nous reviendrons à vous tout à l'heure.
Cinq minutes, monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je ne crois pas que nous ayons des opinions aussi opposées sur ce qu'il faut faire dans ce domaine, à mesure que vous avancez et éclaircissez certains des points que vous avez présentés.
Il existe des conseils de détermination de la peine et non seulement cela - il y a des programmes ou des conseils communautaires qui suivent, je suppose, le même principe. Le contrevenant admet son infraction et fait face à la victime. Un ancien juge, qui a travaillé avec les conseils de détermination de la peine en Saskatchewan, a comparu devant le comité et nous a dit très clairement que la période de deux ou trois heures pendant laquelle le contrevenant fait face à la victime, aux membres de sa famille et à la communauté est une expérience très émouvante. Cela permet au processus de guérison de commencer des deux côtés, non seulement chez la victime, mais également chez le contrevenant, car il s'est nui à lui-même.
Pourtant, d'autres gens nous ont dit que la honte, le remords ou la douleur devraient être évités, qu'un jeune contrevenant ne devrait pas être soumis à la honte que la divulgation de son acte dans les médias pourrait susciter. Ces questions me préoccupent, et je me demande si vous avez des observations à faire.
Je tiens à souligner que 42 personnes, si les chiffres sont exacts, seront assassinées au cours des 12 prochains mois par de jeunes contrevenants. Ce sont des statistiques horrifiantes. Peu importe que le chiffre soit élevé ou faible. Ce sont d'horribles statistiques et il faut que notre société réagisse d'une façon ou d'une autre.
C'est peut-être la raison pour laquelle l'expression «solution miracle» a été adoptée. Je ne pense pas qu'on l'utilise correctement et, avec tout le respect que je vous dois, je ne pense que vous l'ayez utilisée de façon appropriée aujourd'hui, en tout cas, pas si je me fie à ce que disent les responsables qui sont confrontés au problème. Ce comité ne croit pas qu'il existe de solution miracle. Sans quoi, nous ne prendrions pas six à huit mois pour nous déplacer dans tout le pays et chercher une réponse. Je ne pense pas que cela existe.
De toute façon, j'aimerais vous poser une question. En vertu de l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, les tribunaux avaient accès à d'autres traitements. Lorsque la nouvelle loi a été adoptée, ils se sont retrouvés avec l'option d'augmenter les peines, mais avec moins d'options en matière de traitement. Je pense que c'est ce dont vous parlez.
Si je vous comprends bien, la police avait un dossier assez épais sur le jeune de 11 ans qui a été accusé de cette terrible agression. À plusieurs reprises, on a eu la preuve qu'il avait enfreint la loi. Il y avait là des signes qui indiquaient à la police et à la société que ce jeune garçon avait besoin d'aide, du genre de réhabilitation dont vous parlez. Et pourtant, rien n'a pu être fait.
Ils ont pu le confier à la Société d'aide à l'enfance sans passer par le système judiciaire. Selon l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, il aurait probablement fini au même endroit, à la Société d'aide à l'enfance, mais pas avant d'être passé devant un juge du tribunal pour enfants qui aurait examiné toutes les circonstances et déterminé ce qui était dans le meilleur intérêt du contrevenant et de la société. Nous n'avons plus cette possibilité.
Si nous avions abaissé l'âge, ce jeune garçon aurait pu obtenir l'aide et l'attention dont il n'a pas pu disposer jusqu'à ce qu'il commette cette très grave infraction.
Que recommanderiez-vous dans ces circonstances et face à ces conditions qui sont maintenant évidentes dans notre système judiciaire?
M. Leschied: J'aimerais aborder deux points. Premièrement, si je vous ai donné l'impression que je crois aux solutions miracles, ce n'est pas le cas.
M. Ramsay: Non. Ce n'est pas ce que je pensais.
M. Leschied: Deuxièmement, comme le ministère de la Justice le sait, les cliniques des tribunaux de la famille ont été à l'avant-garde en demandant que l'article 22 sur le consentement au traitement soit retiré. Je ne crois pas que les jeunes qui passent devant les tribunaux devraient avoir la possibilité de prendre une décision sur le traitement. Nous nous sommes opposés à un certain nombre de gens à ce sujet, mais je pense que beaucoup étaient d'accord.
Si l'objet du système judiciaire pour la jeunesse est, en partie, d'offrir des programmes de traitement appropriés, cela devrait être du ressort du tribunal et non des jeunes qui comparaissent. Nous sommes d'accord là-dessus.
Je n'ai pas vraiment réfléchi à la question de savoir à quel âge minimum l'enfant est responsable. Je dirais simplement que si l'accès aux services est facilité par le processus judiciaire, il faut en tenir compte.
Par ailleurs, je pense qu'il est malheureux que le système judiciaire pour les jeunes soit utilisé à cette fin. Mais si c'est un mécanisme qui permet d'offrir des services appropriés aux enfants à risque, nous devons y réfléchir.
La province du Québec s'est dotée d'une Loi sur la protection de la jeunesse qui prévoit que les jeunes peuvent bénéficier de programmes de traitement qui sont de compétence provinciale, sans qu'il faille recourir à la Loi fédérale sur les jeunes contrevenants. Nous devons examiner de près pourquoi et comment le Québec peut procéder ainsi et pourquoi et comment le reste du pays ne semble pas en mesure de le faire.
Malheureusement, les lois provinciales tendent, à certains égards, à éviter d'offrir des services plutôt qu'à offrir un moyen de les fournir.
M. Maloney: J'aimerais parler de la question de la confidentialité dans le traitement des jeunes contrevenants. Les gens semblent penser que nous sommes allés trop loin en essayant de protéger les jeunes contrevenants. J'aimerais savoir si vous pensez que c'est une bonne chose ou une mauvaise chose ou si l'on peut faire un compromis...
M. Leschied: Je pense que nous en sommes arrivés à un compromis en autorisant l'accès aux dossiers des jeunes contrevenants uniquement lorsqu'un établissement d'enseignement a besoin de certains renseignements après avoir été mis au courant de la présence d'une personne qui peut présenter des risques pour les autres. C'est le principe de la sécurité à l'école. Le directeur peut avoir besoin de savoir qui se trouve dans ses locaux.
Je suis d'accord tant que l'information est traitée de façon responsable par les éducateurs.
Je ne suis toujours pas vraiment d'accord pour que l'on publie le nom d'un jeune contrevenant dans les journaux, où la publicité et le fait d'être étiqueté comme jeune contrevenant peuvent, en fait, avoir un effet criminogène. La recherche sur la bonne vieille théorie de l'étiquetage montre bien que l'on tend à devenir ce que l'on dit que vous êtes. Si l'on vous dit suffisamment souvent que vous êtes comme ci ou comme ça, vous allez agir en conséquence.
C'est le principe sur lequel repose la confidentialité, et il semble que ce soit un bon principe. Mais je crois également dans l'accès limité à l'information. Si un jeune est un contrevenant sexuel réhabilité qui peut présenter un risque modéré de récidive, et si mon enfant se trouve dans cette école, je pense que j'aimerais que le directeur le sache, afin de pouvoir prendre les précautions nécessaires.
M. Maloney: Qu'en est-il des enseignants? Où établissons-nous la limite?
M. Leschied: J'en ai déjà parlé au moment de l'examen du projet de loi C-37. Nous avons dit comment, en tant que professionnel responsable, un enseignant doit pouvoir gérer l'information. Lorsqu'un incident s'est produit en Ontario, c'est que l'accès à l'information était trop large et qu'elle n'était pas traitée de façon responsable.
C'est pourquoi en ce qui concerne les professionnels de l'éducation, les enseignants et les directeurs, cela semble logique, mais il faut agir de façon professionnelle.
M. Maloney: Pour ce qui est des écoles, les directeurs me disent que tous les élèves connaissent la personne en question; pourquoi imposer alors la confidentialité, lorsque tout le monde le sait à l'école alors que le voisin immédiat n'est pas au courant?
M. Leschied: Pourrais-je vous donner un exemple plus récent? Nous avons évalué un jeune qui avait commis une infraction sexuelle très grave. De fait, il avait été mis sous garde en milieu fermé pendant trois ans. Il venait d'un quartier situé au nord de London. Il a donc comparu au tribunal à London. Il a purgé sa peine. Il a également participé au programme pour les contrevenants sexuels de l'unité pour adolescents de l'Hôpital psychiatrique de London.
Lorsqu'il a été libéré, il a pris un appartement à deux maisons d'une garderie. Il avait été pédophile. Il l'était toujours. Cela a fait tout un drame car plusieurs personnes qui le connaissaient à la clinique avaient des enfants à cette garderie et nous savions que ce jeune, bien qu'il ait tout fait pour se réhabiliter, représentait toujours un risque et allait vivre seulement à deux maisons de là.
Il s'agissait de savoir quelle information donner dans le voisinage immédiat. Bien entendu, nous ne pouvions rien dire. Mais en fait, les voisins étaient au courant de la présence de ce jeune au bout d'une semaine. C'est la façon dont les choses se passent.
Je crois que c'est un vrai dilemme. C'est un dilemme sur le plan personnel et professionnel. L'accès aux dossiers est une question très difficile à résoudre d'un point de vue personnel. Nous préconisons un accès réservé à des professionnels responsables de l'information.
M. Maloney: Et il y a toujours la question de la sécurité publique: la réhabilitation d'une personne et son droit à ne pas être stigmatisée par rapport à...
M. Leschied: Dans les cas où le jeune continue de présenter un risque modéré à élevé de récidive, même s'il est libéré, il faut diffuser certains renseignements pour que la communauté puisse assurer sa sécurité.
M. Maloney: Que pensez-vous de ces programmes de déjudiciarisation dès le départ, lorsque le jeune entre dans le système, si bien qu'il pourrait être renvoyé devant un tribunal communautaire, par exemple, plutôt que devant un tribunal judiciaire?
M. Leschied: J'ai toujours fortement préconisé la déjudiciarisation avant le procès, la déjudiciarisation absolue pour certains contrevenants à faible risque - les voleurs à l'étalage, ceux qui en sont à leur première infraction - le genre de choses où le processus judiciaire n'aide pas à accéder à un programme approprié, car cela peut être fait directement au moyen d'un OPC ou de mesures de rechange qui sont très efficaces. Une évaluation des programmes de la St. Leonard's Society à London a montré que 94 p. 100 de ces enfants, une fois qu'ils sont passés par ces programmes, n'ont plus jamais revu les portes d'un palais de justice. Mais par définition, en tant que contrevenants à faible risque, il ne fallait pas grand chose pour qu'ils ne recommencent pas. C'est donc une bonne chose que nous ayons utilisé cette méthode.
Je pense que la déjudiciarisation avant inculpation serait un objectif très important. En Ontario, nous n'avons pas cette option. Je ne connais pas très bien la situation dans le reste du pays.
M. Maloney: D'après vous, qui devrait prendre la décision de la déjudiciarisation - la police?
M. Leschied: La police, sur demande du procureur de la Couronne, peut examiner les cas et sélectionner les jeunes qui n'ont pas besoin de passer par le processus judiciaire.
La présidente: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Vous avez mentionné les contrevenants à faible risque et vous avez parlé auparavant des bagarres dans les cours d'école qui peuvent faire l'objet de poursuites, ce qui augmente le nombre des infractions. Lorsque j'allais à l'école, si je poussais quelqu'un dans la cour et que l'enseignant ou le directeur l'apprenait, on me faisait rentrer et le problème était réglé rapidement et officieusement. Ce n'est plus le cas. Bien des gens disent que si ce n'est plus le cas, c'est que nous avons accordé des droits aux jeunes en vertu de la Charte. Les enseignants et les directeurs ne vont pas intervenir parce qu'ils ne veulent pas finir devant un tribunal et mettre leur emploi en jeu. Ils disent simplement qu'ils vont appeler la police.
Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un problème de tolérance zéro. Une bagarre est une bagarre. Nous savons que cela se produit naturellement de temps à autre. Ce n'est pas acceptable, mais nous nous attendons à ce que les niveaux inférieurs d'autorité s'en occupent. Or, ils ne le font plus.
Comme je l'ai dit plus tôt, lors des rencontres auxquelles nous participons à travers le Canada, quand nous disons que les parents devraient être tenus au moins financièrement responsables si leur négligence contribue à la délinquance de leurs enfants, les parents nous rétorquent que ce serait parfait, à condition de leur redonner l'autorité nécessaire pour élever leurs enfants. Ainsi, quand on dit aux enfants qu'ils doivent être rentrés à 9 heures ou à 10 heures, qu'ils ne puissent pas dire «Nous avons des droits. Nos professeurs nous ont dit que nous avions des droits et que vous ne pouvez pas les enfreindre.»
Cela mine l'autorité des parents, l'autorité du directeur et l'autorité de l'enseignant. Cela mine l'autorité des gens qui jusqu'ici, ont fait en sorte que les enfants ne soient pas poursuivis.
Avez-vous des observations à faire?
M. Leschied: J'aurais une question. Quelle est cette autorité que les parents voudraient et qu'ils n'ont pas déjà?
M. Ramsay: J'ai donné l'exemple de la mère qui voulait que sa fille de 15 ans nettoie sa chambre. Elles se sont disputées et la fille s'est adressée aux services sociaux qui lui ont donné son propre appartement et 800 ou 900$ par mois. C'est le genre de chose qui mine l'autorité des parents.
M. Leschied: Il est intéressant de noter que lorsque cette question d'autorité parentale a été soulevée mercredi soir dernier, lors de cette tribune téléphonique à London, on en est vite venu à parler de châtiments corporels. S'il s'agit de savoir si les parents doivent utiliser les châtiments corporels pour élever leurs enfants, tout ce que je peux dire c'est que...
M. Ramsay: Mais ce n'est pas la question que je pose aujourd'hui.
M. Leschied: Eh bien, c'est pourquoi je vous demande ce que vous voulez dire. Quel genre d'autorité parentale voulons-nous? De quelle autorité les parents ont-ils besoin qu'ils n'ont pas déjà?
M. Ramsay: L'autorité d'imposer à leur fils de 14 ou 15 ans un couvre-feu qui soit respecté.
M. Leschied: Et quelle autorité qu'ils n'ont pas déjà les parents devraient-ils avoir pour imposer cela?
M. Ramsay: Ce n'est pas la question. La question c'est que le jeune croit maintenant qu'il n'a pas à respecter l'autorité de ses parents.
M. Leschied: Que peut faire un parent pour qu'il soit stipulé dans la loi qu'ils ont maintenant le droit d'élever leurs enfants comme ils veulent?
M. Ramsay: Laissez-moi vous donner un exemple très souvent cité. Un parent découvre que son fils a chapardé une tablette de chocolat dans le magasin où ils faisaient des courses. Que se passe-t-il? Traditionnellement, le parent ramène le garçon, rend la tablette de chocolat, la paie et présente ses excuses. Que se passerait-il si un avocat apparaissait et disait au jeune garçon: «Tu n'as pas à faire cela. Tu as des droits»?
M. Leschied: Je ne suis pas sûr d'être en mesure de pouvoir vraiment répondre à...
M. Ramsay: Mais c'est là la question.
M. Leschied: C'est la question - trop de droits pour les jeunes, un accès trop facile à une opinion juridique?
M. Ramsay: Et cela a miné l'autorité des parents, a enlevé au père le pouvoir de ramener son fils sur les lieux du crime et de lui donner une leçon dont il se rappellera toute sa vie.
Un député libéral a raconté cette même histoire à la Chambre des communes; il a parlé de la leçon qu'il en avait tirée pour le reste de sa vie. Il est maintenant adulte et se rappellera toujours cette histoire, comme il nous l'a dit.
Le fait est que nous avons miné l'autorité des directeurs d'école en les poussant à ne plus s'occuper des bousculades qui se produisent dans la salle de classe et dans les couloirs. Nous avons miné le pouvoir décisionnel des agents de la paix, et je peux en parler en connaissance de cause car je l'ai été pendant quatorze ans.
Notre travail consistait à éviter que les jeunes passent par le système officiel dans la mesure du possible. Seules les infractions les plus graves passaient par le système judiciaire, car nous n'avions pas le droit de prendre de décision. Cela devait passer par les instances appropriées pour qu'un juge puisse décider les mesures à prendre.
La présidente: Monsieur Ramsay, peut-être pourriez-vous laisser le M. Leschied parler, car le temps nous presse.
M. Leschied: Je ne suis pas sûr d'avoir grand chose à dire, sinon que je prends note de ce que vous avez dit. C'est une préoccupation qui est exprimée fréquemment. Les parents et les directeurs d'école pensent qu'ils n'ont pas la même autorité qu'autrefois. Est-ce une dynamique générale de la culture qui fait que les jeunes ont maintenant tellement de droits que les parents estiment ne plus pouvoir être respectés?
Mais vous savez quoi? J'ai des enfants et je n'ai aucun problème à faire preuve d'autorité sur eux. Je ne crois pas que la Loi sur les jeunes contrevenants ait miné mon autorité en tant que parent.
M. Ramsay: C'est la même chose chez moi, mais...
La présidente: Monsieur Ramsay, veuillez laisser finir M. Leschied.
M. Leschied: Franchement, quant à moi, il me semble que le fait que certaines personnes parlent de cette façon relève plus de la façon dont ils perçoivent la situation que de la réalité.
La présidente: Merci, monsieur Leschied. Nous vous remercions de votre contribution aujourd'hui. Je sais que vos serez de retour cet après-midi avec un autre panel, la table ronde multidisciplinaire, et j'espère que nous aurons l'occasion de vous entendre à nouveau.
M. Leschied: Merci beaucoup.
La présidente: Je tiens à souligner que le M. Leschied a également apporté un livre qu'il a édité avec Peter Jaffe et Wayne Willis de la London Family Court Clinic. Nous n'allons pas manquer de le distribuer aux membres du comité.
Merci encore.
M. Leschied: Merci.
La présidente: Nous allons faire une pause jusqu'à 13 h 45 plutôt que 13 h 30 pour reprendre notre souffle. La séance est levée jusque là.