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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 3 juin 1996

.1348

[Traduction]

La présidente: Je vous souhaite la bienvenue. Nous voici à la table ronde multidisciplinaire sur la révision globale de la Loi sur les jeunes contrevenants (étape II) du Conseil du développement social de l'Ontario. C'est long à dire.

Nous recevons, outre le président Brian Scully, plusieurs personnes. Je peux vous présenter tous ou je peux vous laisser le soin de le faire lorsque vous prendrez la parole, ce qui vaut mieux, à mon avis, parce que, très franchement, nous nous intéressons beaucoup plus à ce que vous avez à dire qu'au protocole.

Nous sommes très heureux de vous recevoir. J'en suis moi-même ravie. Ce n'est pas souvent qu'un comité parlementaire entend des témoignages de cette façon, mais cela nous donne la possibilité de profiter de votre expérience et de vos recherches, et c'est pourquoi nous sommes très heureux de pouvoir procéder ainsi.

Il est également inhabituel pour une parlementaire comme moi, qui a réussi à décrocher le poste de présidente du Comité de la justice, de céder sa place. Alors je vais vous demander, monsieur Scully, comme nous en avons convenu à l'avance, de diriger la séance à compter de maintenant et de donner la parole à votre groupe.

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M. Brian Scully (président, Comité de la justice pour les jeunes, membre du conseil d'administration, Conseil du développement social de l'Ontario): Merci, madame la présidente.

D'abord, je tiens à vous remercier, vous et votre comité, de nous avoir invités aujourd'hui. Le Conseil du développement social de l'Ontario a témoigné à deux reprises devant votre comité, mais c'était à Ottawa.

Notre organisation existe depuis 88 ans; nous nous intéressons à la politique sociale et nos membres sont des bénévoles des quatre coins de l'Ontario.

Depuis 1984, nous nous intéressons tout particulièrement à la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous avons tenu trois conférences à ce sujet au cours de cette période.

Je tiens aussi à remercier les personnes qui ont pris le temps de venir ici aujourd'hui. Vous remarquerez, d'après leurs états de service professionnel, qu'ils représentent tous divers secteurs du système de justice pour les jeunes. Ils vont partager avec vous une expérience colossale.

Je vais demander à tous ceux qui vont prendre la parole de s'en tenir à cinq minutes afin d'avoir ensuite le temps de répondre aux questions. Je vous demanderai de prendre sur vous et de poser vos questions après que nous en aurons terminé avec les exposés, afin d'être justes envers ceux qui parleront les derniers, sans quoi nous allons les oublier.

Nous allons tout de suite passer à notre premier intervenant, Alan Leshied. Je crois que vous avez entendu Alan ce matin.

M. Alan Leshied (directeur, Services aux jeunes contrevenants, directeur adjoint, Clinique du tribunal de la famille de London): Brian m'a demandé de faire des observations précises sur la déclaration, et c'est un grand honneur. Comme je veux m'en tenir à mes cinq minutes, je vais vous lire un petit texte.

J'aimerais faire quelques observations précises sur les révisions qu'on apporte à la déclaration dans le projet de loi C-37. De plus, je tiens à commenter les nouvelles dispositions importantes prévues dans ce projet de loi concernant la place de la réadaptation dans l'instauration de la sécurité communautaire.

Comme je l'ai dit au comité ce matin, la recherche confirme que les jeunes personnes peuvent se réhabiliter et réintégrer la société. Il est donc réconfortant de constater qu'on a souligné dans le projet de loi C-37 l'importance de la réadaptation dans l'optique de l'instauration de la sécurité communautaire.

Toutefois, j'invite votre comité, dans sa révision de cette partie de la déclaration, à encourager la concrétisation de la notion de réadaptation par la promotion de programmes innovateurs dont l'efficacité a été prouvée par la recherche. Plus précisément, je parle de programmes qui permettent de réduire la criminalité tout en étant efficaces.

Comme je l'ai dit ce matin, le taux d'incarcération des jeunes contrevenants dans notre pays, là encore à l'exclusion du Québec, est d'un sur trois. Les coûts sont devenus prohibitifs, 80 p. 100 de tous les crédits au titre des jeunes contrevenants étant absorbés par les institutions de garde.

Il faut que votre comité soutienne activement les mesures de rechange qui vont remplacer les services traditionnels aux jeunes contrevenants, lesquels sont devenus trop coûteux et inefficaces. La déclaration souligne la réadaptation, il faut maintenant passer à la phase suivante et soutenir les programmes qui valorisent la réadaptation.

Deuxièmement, je tiens à attirer l'attention du comité sur cet aspect important de la déclaration du projet de loi C-37 relativement à la prévention. Là encore, la recherche nous apprend que bon nombre des jeunes qui aboutissent devant nos tribunaux de la jeunesse peuvent être identifiées très tôt en raison des diverses circonstances et conditions qui socialisent ces jeunes à l'intérieur de la famille, de leurs écoles et de leur milieu.

Récemment, la clinique du tribunal de la famille, en collaboration avec le Conseil de la prévention du crime du Canada, a mis au point un projet pilote de prestation des programmes de prévention dont le titre provisoire est Preventing Crime by Investing in Family. Ce projet peut servir de modèle à la mise en oeuvre de stratégies de prévention qui réduiront les coûts financiers et sociaux de la criminalité juvénile.

Dans les quelques minutes qui me sont accordées pour l'examen de cette partie de la déclaration, je vais souligner deux points importants.

Premièrement, il faut consolider l'intégrité de cette déclaration en encourageant la réadaptation par des moyens pratiques. Sans ce soutien, les programmes qui ne sont pas efficaces, par exemple les camps de type militaire, vont prendre de l'expansion. Il est possible d'énoncer des normes nationales pour la mise en oeuvre de services efficaces. Votre comité devrait envisager l'établissement de normes nationales.

Deuxièmement, votre comité doit aussi valoriser l'importance de la prévention et de l'identification précoce au sein des familles et des milieux à risques élevés, afin de réaffecter les fonds qui sont alloués à l'extrémité pénale du système vers les secteurs où l'on peut faire beaucoup pour réduire le nombre de jeunes qui ont des démêlés avec la justice.

Merci.

M. Scully: Merci, Alan.

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Avant d'aller plus loin, j'aimerais dire un mot. Vous avez remarqué, d'après la liste des personnes qui vont faire des exposés aujourd'hui, que certaines d'entre elles viennent de divers ministères. Il va sans dire qu'elles sont ici pour exprimer leur point de vue personnel et nous faire part de leur expérience du système, et non pour défendre les politiques gouvernementales. Il faut le mentionner pour être juste envers tout le monde.

Je cède maintenant la parole à Michele Peterson-Badali.

Mme Michele Peterson-Badali (professeure adjointe, département de psychologie appliquée, Institut des études en éducation de l'Ontario): Je suis psychologue à l'Institut des études en éducation de l'Ontario. Depuis que je suis entrée aux études supérieures, c'est-à-dire depuis 11 ans, j'étudie la compréhension qu'ont les enfants, les adolescents et les adultes du système juridique. Je suis également membre du conseil d'administration de la Canadian Foundation for Justice for Children and Youth; vous allez entendre son directeur administratif un peu plus tard. Je suis également membre du Youth Justice Education Partnership. J'espère que vous allez entendre cet organisme lorsque vous irez dans l'Ouest. Je pense qu'il témoignera devant le comité.

À mon avis, bon nombre des problèmes que le comité va examiner dans sa révision de la Loi sur les jeunes contrevenants et du système de justice pour les jeunes émanent des problèmes de développement avec lesquels les enfants et les adolescents sont aux prises. J'aimerais en souligner quelques-uns. Ma perspective à moi est celle d'une psychologue en développement humain. Je vous parlerai aussi un peu des résultats de certaines recherches que nous avons faites.

Je pense que ces problèmes ont un lien avec des éléments comme les limites d'âge prévues par la loi, l'instauration de garanties supplémentaires qui protègent les droits des jeunes personnes, le traitement des jeunes dans le système de justice pénale, l'opportunité et l'efficacité de diverses mesures de rechange qui permettent de prévenir le récidivisme, et bien d'autres. Ce qui me préoccupe le plus, c'est cette perception apparente selon laquelle les enfants et les adolescents sont en quelque sorte des adultes miniatures; ils sont ni plus ni moins des petits adultes, et par conséquent, ils devraient être traités comme des adultes, avec le même genre de système et ainsi de suite. Bien sûr, l'une des raisons pour lesquelles nous avons un système de justice séparé pour les jeunes, c'est parce que les enfants et les adolescents sont très différents des adultes à maints égards.

L'adolescence est une période de transition particulièrement complexe. Les adolescents conservent certaines caractéristiques de l'enfance alors qu'à certains égards, ils agissent davantage comme des adultes. Par exemple, les adolescents aspirent à plus d'indépendance et d'autonomie. D'un autre côté, ils aiment bien aussi avoir certaines limites et la sécurité du foyer. Comme nous le savons tous, l'entourage exerce une influence profonde sur leur comportement.

Même si les jeunes ressemblent parfois à des adultes - et c'est une chose que nous avons étudiée - ils ont tendance à avoir une perspective temporelle plus courte que celle des adultes. Ils ne songent pas aux conséquences à long terme comme les adultes le font. Ils raisonnent différemment sur certains points. Même s'ils possèdent les mêmes informations que les adultes, ils les voient différemment. Ils sont plus vulnérables aux rapports de force qui s'expriment dans les relations humaines, à la coercition, etc.

C'est en raison de ces caractéristiques et de la complexité de l'adolescence, qui est une phase de développement, qu'on tient les jeunes responsables de leur comportement à diverses étapes. Par exemple, nous permettons aux jeunes de conduire à 16 ans, mais on ne les laisse pas conduire seuls le soir. Il leur faut attendre d'avoir 19 ans pour acheter des cigarettes ou boire de l'alcool. Ils n'ont pas le droit de vote avant 18 ans. Toutes sortes de limites s'imposent aux jeunes à des âges différents, et je crois que cela tient au fait que cette période de la vie qu'on appelle l'adolescence est chargée de complexité et de contradiction. C'est parce qu'on reconnaît que l'adolescence est une période complexe et contradictoire dans la vie des gens qu'on a créé un système de justice séparé pour les jeunes.

J'aimerais maintenant prendre un instant pour parler de la compréhension qu'ont les jeunes du système juridique et de ce que la recherche nous a appris.

Les jeunes ont beaucoup de mal à comprendre certains principes juridiques fondamentaux et certains concepts de notre système de justice pénale, par exemple, le rôle de l'avocat de la défense et le principe selon lequel l'avocat défend son client, qu'il soit coupable ou non. Bon nombre de jeunes, de jeunes contrevenants, pensent que les avocats sont là pour défendre les innocents, mais non les coupables. Ils ne comprennent pas ce qu'est la présomption de l'innocence. Ils ne comprennent pas le principe de la relation privilégiée avocat-client, ni ce que cela veut dire de plaider non coupable. Cela défavorise les jeunes dans le système.

C'est le même problème chez les adultes, mais ces derniers répondent mieux que les enfants lorsqu'on leur pose des questions au sujet de ce genre de choses.

Les jeunes ont également beaucoup de mal à comprendre la fonction et la signification de la Charte des droits, par exemple, le droit de garder le silence et d'être représenté par un avocat. Ils peuvent paraphraser ou répéter certains droits, mais si on leur demande ce que cela veut dire, on voit qu'ils ne comprennent pas les conséquences qui les attendent s'ils renoncent à leurs droits.

Quant à la connaissance du public et à son opinion sur la Loi sur les jeunes contrevenants, le gouvernement a en l'occurrence un vrai problème de relations publiques. Beaucoup semblent très mécontents de la loi. Je crois toutefois que l'opinion publique au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants et du système de justice pour les jeunes se fonde sur beaucoup de préjugés et sur un certain nombre de fausses conceptions quant au fonctionnement de la loi. À mon avis, le mécontentement des gens tient à la conception qu'ils se font du fonctionnement du système de justice pour les jeunes, mais dans bien des cas, le système ne fonctionne pas comme ils le pensent. Il y a beaucoup d'ignorance et de fausses conceptions à ce sujet.

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Par exemple, le public tend à surestimer la fréquence de la criminalité juvénile. Je suis sûr que le professeur Doob vous dira dans quelques instants que l'opinion que le public a de la Loi sur les jeunes contrevenants se fonde sur l'image du jeune récidiviste violent, image qui n'est pourtant pas typique. En règle générale, les infractions commises par les jeunes ne sont pas violentes; ce sont habituellement des infractions contre des biens. Donc lorsque les gens disent, par exemple, que la Loi sur les jeunes contrevenants est trop douce, trop indulgente, ou qu'elle n'en fait pas assez pour les jeunes, c'est parce qu'ils ont à l'esprit ce jeune récidiviste violent qui n'est pourtant pas le type de jeune contrevenant le plus courant.

De même, le public connaît fort mal la Loi sur les jeunes contrevenants. La plupart des gens ignorent les limites d'âge prévues par la loi. Ils ne comprennent pas comment fonctionne le système des casiers judiciaires des jeunes. Ils sous-estiment la fréquence des dispositions de garde pour les jeunes.

On ignore si une meilleure connaissance donnerait au public une opinion plus favorable de la loi, mais je crois pour ma part qu'il faut commencer à éduquer sérieusement le public, pour lui faire comprendre la loi et le système de justice pour les jeunes, au lieu de modifier la loi en vue de satisfaire une opinion publique mal informée.

Je pense que certaines remarques que j'ai faites ont un lien avec bon nombre d'éléments qui vous intéressent dans votre examen.

Tout d'abord, au sujet de l'âge minimum et maximum prévu dans la Loi sur les jeunes contrevenants, je suis convaincue qu'il ne faut pas y toucher. Les enfants de moins de 12 ans comprennent moins bien le système juridique que les jeunes de plus de 12 ans, surtout en ce qui a trait à la question essentielle de la représentation par un avocat. À mon avis, si vous descendez en dessous de la barre des 12 ans, de sérieuses questions se poseront quant à la compétence des enfants dans bien des cas. Vous allez soumettre des enfants encore plus jeunes à des formalités qui ont été conçues pour des adultes. La perspective de faire juger un enfant par un jury est plutôt ridicule. Il convient de réfléchir à ce que les enfants comprendraient ou pourraient faire s'ils étaient jugés par un jury.

Il convient également de souligner qu'il existe des systèmes qui s'occupent des enfants de moins de 12 ans dont le comportement est criminel. Il existe déjà des lois à cette fin, la loi sur l'aide à l'enfance de l'Ontario, la Loi sur les services à l'enfance et à la famille.

Pour ce qui est des procédures qui protègent les droits des jeunes personnes, l'article 56 par exemple, d'après les recherches que mes collègues et moi avons faites, je pense qu'il y a lieu de les consolider et sûrement pas de les affaiblir. Les enfants ne comprennent pas la signification et la fonction de leurs droits. Ils sont plus vulnérables à la coercition, aux rapports de force, que les adultes, et chose certaine, les agents de police n'ont pas de mal, en règle générale, à obtenir des renonciations de la part des enfants. Les enfants renoncent souvent à leurs droits et ne s'en rendent même pas compte. Ils font des déclarations dont ils ne comprennent même pas le sens. Ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils ont fait. Et comme je l'ai dit auparavant, les enfants ont également tendance à penser au court terme et non aux conséquences à long terme de leurs actes.

Je crois que le gouvernement fédéral doit aussi faire comprendre aux gens que l'heure est à la décriminalisation et qu'il faut valoriser la prévention primaire, la déjudiciarisation et la réadaptation. À mon avis, le gouvernement fédéral doit se servir de la Loi sur les jeunes contrevenants pour faire passer ce message si l'on veut façonner l'intervention provinciale, la mise en oeuvre provinciale de la loi. Nous savons que les dispositions de garde ne dissuadent pas les criminels. Les enfants ne commettent pas des actes criminels parce qu'ils pensent que la Loi sur les jeunes contrevenants est impuissante. Ils le font pour une foule d'autres raisons, et prévoir davantage de dispositions punitives pour les jeunes ne va pas réduire le taux de criminalité juvénile.

En outre, le contact qu'ont les jeunes avec le système judiciaire est un bon indicateur de récidivisme. Si l'un fait entrer les jeunes dans le système judiciaire, ils risquent fort d'y rester. C'est pourquoi il faut éviter ce contact et favoriser la déjudiciarisation qui prévient le récidivisme.

À mon avis, bon nombre de deuxièmes infractions et d'infractions subséquentes sont liées à l'administration de la justice. Par exemple, un enfant fait un mauvais coup, il est reconnu coupable et mis en probation, et l'une des conditions de la probation est le respect du couvre-feu. Le jeune enfreint le couvre-feu et se retrouve devant le tribunal pour contravention aux conditions de la probation. Les autres enfants dont l'ordonnance de probation ne comporte pas cette condition particulière ne commettent pas d'infraction, mais du fait que cet enfant-là n'est pas chez lui à neuf heures du soir, il a enfreint les conditions de sa probation et il se retrouve devant les tribunaux.

Je pense qu'abaisser de 12 à 10 ans la limite d'âge prévue par la loi va intensifier ce genre de chose parce qu'on va ainsi englober toutes sortes d'infractions mineures. Les infractions graves sont tellement rares que vous allez ratisser des milliers et des milliers de jeunes qui commettent des petits larcins, et vous allez les enfoncer plus avant dans le système, plus tard dans leur adolescence. À mon avis, s'en tenir à la prévention primaire, à l'intervention précoce, à la déjudiciarisation, aux mesures de rechange et aux solutions autres que la mise sous garde est beaucoup plus sensé, tant sur le plan humain que financier, et j'ai la certitude que d'autres vous en diront autant.

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J'ai aussi une brochure. Je sais que je parle très vite, mais je veux que tout cela soit mis sur papier pour consultation future.

M. Scully: Je cède maintenant la parole à Ken Jeffers.

M. Ken Jeffers (directeur, Programme des mesures de rechange, Harriet Tubman Community Organization): Je m'appelle Ken Jeffers, et je suis le fondateur de ce que l'on appelle la Harriet Tubman Community Organization, l'un des premiers organismes communautaires multiservices s'adressant aux Noirs de Toronto.

Nous travaillons avec de jeunes Afro-Canadiens depuis plusieurs années. Je tiens seulement à partager certaines de nos expériences avec vous afin que vous puissiez comprendre ce qu'il advient des jeunes Afro-Canadiens dans le système de justice pénale.

Nous offrons à l'heure actuelle deux grands programmes. L'un est le programme de counselling patrimonial, sous l'égide du ministère des services correctionnels. Ce programme existe depuis cinq ans. Nous avons mis au point une méthode de counselling auprès des jeunes qui combine des formes traditionnelles d'orientation et la compréhension du racisme et du patrimoine et de leurs effets sur la vie de ces jeunes, afin de les aider à surmonter les obstacles qui les empêchent de progresser.

Dans le cadre du programme des travailleurs judiciaires, nous travaillons dans quatre tribunaux de la région métropolitaine de Toronto.

Les expériences que nous avons vécues avec les jeunes illustrent la nécessité de réviser la Loi sur les jeunes contrevenants et d'en faire, non pas un obstacle, mais un moyen qui nous permettra de travailler avec nos jeunes.

Le comité sur le racisme systémique, dont vous avez peut-être entendu parler, vient d'achever une étude sur le taux d'incarcération des jeunes Afro-Canadiens dans le système de justice pénale. Les jeunes noirs, tout comme les jeunes autochtones, présentent le plus fort taux d'incarcération. La preuve est faite que les jeunes Afro-Canadiens sont criminalisés à cause de leur race, et que le préjugé raciste de la justice n'était pas un fantasme émotif du militantisme noir. Toute stratégie de prévention doit remédier à cela.

L'organisation Tubman a lancé un programme qui était financé par le ministère du Procureur général à l'été de 1993. Dans le cadre du système judiciaire, nous fournissions des services de soutien et de réadaptation aux jeunes contrevenants et à leur famille: nous les aidions à trouver des avocats, du travail, etc.

Notre expérience a clairement démontré que les jeunes sont ignorants et qu'ils ont parfois très peur de ce système où ils sont absolument perdus. Par exemple, des jeunes nous ont dit que le système judiciaire est mauvais parce qu'ils se retrouvent trop souvent devant des juges à la peau blanche. Les avocats sont blancs, ils sont arrêtés par des agents de police blancs, et ils se sentent persécutés.

Là encore, nous intervenons auprès des familles pour aider ces jeunes à comprendre ce qui se passe dans leur vie.

Il n'est pas besoin d'un gros effort d'imagination pour déterminer les conditions qui produisent ces jeunes contrevenants. Nous savons depuis quelque temps que la pauvreté est souvent propice au comportement criminel. Et il est terrifiant de voir comment les jeunes noirs se voient; on songe par exemple à ce T-shirt qu'on voit souvent et qui dit «Homme noir - espèce en voie d'extinction».

Comme l'indique le rapport sur le racisme systémique, les policiers sont plus prompts à arrêter, à fouiller et à emprisonner les jeunes Afro-Canadiens que n'importe quelle autre catégorie de personnes.

De même, ces difficultés croissantes ont un effet de domino, de plus en plus de jeunes ayant du mal à trouver du travail et leurs parents aussi. On constate aussi l'absence de mentors. Il n'y a pas de modèle positif qui intervient dans leur vie.

Je suis intervenu après l'émeute de la rue Yonge il y a quatre ans. J'ai siégé à un comité où les quatre paliers de gouvernement étaient représentés. Nous avons demandé à un certain nombre de jeunes de venir nous dire ce qu'ils pensaient du système de justice pénale. Ils en ont parlé avec émotion et passion. Ils n'avaient pas confiance dans les adultes. Ils n'entrevoyaient aucun espoir et ils disaient que leur communauté devait réagir vivement pour remédier aux problèmes qu'ils éprouvent.

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Nous avons proposé plusieurs solutions d'intervention précoce auprès des jeunes Afro-Canadiens. Nous croyons qu'il faut mettre au point un nouveau modèle de formation qui tienne compte des caractéristiques de ces jeunes, en qui on voit souvent de jeunes gangsters et qui sont souvent associés à des stéréotypes criminels.

Nous croyons que les professionnels communautaires qui sont formés à cette nouvelle compréhension doivent faire partie intégrante du système scolaire afin de venir en aide aux enseignants et aux autorités scolaires. Nous voyons devant les tribunaux trop de jeunes qui se battent dans la cour de l'école, et c'est à ce moment-là que le processus de criminalisation commence. Nous croyons que les autorités scolaires abdiquent leurs responsabilités et sont incapables, souvent, de comprendre ces nouveaux jeunes, comme nous les appelons.

Les jeunes Afro-Canadiens qui troublent l'ordre et qui sont dysfonctionnels devraient être obligés d'assister à des séances individuelles et collectives, comme celles qu'offrent les groupes communautaires qui sont au fait des méthodes de counselling qui donnent des résultats. Il faudrait rétablir les programmes de loisirs communautaires qui donnent à des mentors formés de belles occasions de rencontrer des jeunes gens dans un milieu convivial.

Nous avons constaté que les compressions provinciales ont eu pour effet de mettre fin aux programmes où les adultes et les mentors sont en mesure d'influencer un bon nombre de ces jeunes. Nous sommes donc aux prises avec ce sentiment d'aliénation, comme je l'ai dit plus tôt, qui est devenu un problème grave dans cette communauté.

Il faut organiser une campagne massive de sensibilisation du public qui aidera les jeunes à comprendre leurs droits et leurs responsabilités à l'intérieur du système de justice pénale. Il faut des méthodes de rechange qui permettront aux pairs et aux aînés de recommander et de superviser des mesures pour ceux qui commettent des infractions mineures. Ce serait également plus rentable.

À titre de méthode d'intervention précoce, il faudrait que des travailleurs sociaux aient pour responsabilité d'entrer en contact avec les jeunes dans les endroits qu'ils fréquentent. On développerait ainsi de nouveaux rapports qui permettraient à ces travailleurs de conseiller les jeunes dans un cadre convivial. Il faut sensibiliser tous les intervenants du système de justice pénale aux méthodes actuelles de prévention et aux solutions de rechange.

À notre avis, il ne faut pas abaisser la limite d'âge. Nous croyons que l'intervention précoce fait partie intégrante de toute solution. J'ai ici de la documentation qui explique les constatations que nous avons faites au cours de notre travail dans le système judiciaire, et j'aimerais vous la laisser lorsque nous en aurons terminé.

Merci.

Mme Catherine Beamish (avocate, représentante de Sioux Lookout au Comité de justice pour les jeunes et au conseil d'administration, Conseil de développement social de l'Ontario): Mesdames et messieurs, je pratique le droit dans la localité de Sioux Lookout, dans le nord-ouest de l'Ontario. C'est une ville d'environ 5 000 habitants. J'aimerais vous dire certaines choses que j'ai apprises au cours de mes 16 années d'exercice.

Tout d'abord, je représente plusieurs jeunes contrevenants dans ma petite localité. Il faut savoir que ce sont des enfants comme ceux que je représente qui sont probablement les plus gros clients du système de justice pour les jeunes en vigueur dans notre pays. Ces enfants pourraient être vos voisins.

Or d'après mes observations de ce groupe, je crois que nous surcriminalisons probablement le comportement des jeunes qui font partie de cette catégorie. Il n'est pas nécessaire de criminaliser chaque bagarre dans la cour d'école, chaque vitre cassée, chaque vol à l'étalage au Wal-Mart. Ce qu'il faut faire pour ces jeunes, c'est plutôt enrichir les programmes communautaires qui sont offerts, notamment les mesures de rechange.

L'autre groupe auquel je consacre la plus grande partie de mon temps, ce sont les jeunes autochtones. Sioux Lookout est le centre de service régional pour une trentaine de localités autochtones du Nord, la plupart accessibles seulement par avion. Le tribunal s'y rend régulièrement en avion pour y rendre la justice.

Les jeunes qui comparaissent devant ces tribunaux ont été durement éprouvés par la vie. La majorité ont un grave problème de toxicomanie. Ils respirent de la colle, boivent de la laque à cheveux, ce sont des enfants qui ont un très grave problème avec les solvants ou l'alcool. De plus, beaucoup d'entre eux vivent dans une famille et une communauté dysfonctionnelles. Ce ne sont pas vraiment des criminels au sens habituel du terme. Ce sont des enfants en difficulté, mais ce dont ils ont essentiellement besoin, c'est d'un traitement pour acquérir un sentiment d'identité plus solide et pour leur offrir des choix.

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Je signale que c'est ce même groupe de jeunes dont il est question presque chaque année dans les médias à cause de son taux élevé de suicides. L'une des localités que je visite s'appelle Pikangikum. Dans ces villages, la situation ressemble beaucoup à celle de Davis Inlet. Les enfants souffrent d'une accoutumance prononcée aux solvants et ont grandement besoin de programmes de traitement.

Le système de justice pénale n'a vraiment rien à apporter à ces enfants. Les travailleurs des installations de garde me disent constamment: ces enfants-là n'ont rien à faire ici; ce ne sont pas des criminels; ce qu'il leur faut vraiment, ce sont des traitements; ils n'ont même pas besoin d'être mis sous garde.

Je voudrais vous dire un mot de la façon dont le système fonctionne dans les villages autochtones.

Le système contradictoire ne convient vraiment pas pour les collectivités autochtones. La valeur fondamentale traditionnelle en matière de justice dans les collectivités autochtones, c'est ce qu'on appelle la «justice restauratrice». Elle vise à restaurer l'harmonie dans la collectivité. Le processus contradictoire qui caractérise notre système de justice criminelle est vraiment l'antithèse des valeurs culturelles de cette communauté.

J'encourage fortement le comité à envisager le recours aux mesures de rechange au sein de la communauté autochtone, des manières différentes de faire les choses. Nous n'utilisons pas dans notre région l'expression «cercle de détermination de la peine», mais c'est à peu près ce que nous faisons. Nos magistrats sont devenus très sensibles aux besoins de la communauté autochtone. Quand le tribunal siège dans la majorité des villages autochtones, l'avocat en chef, les anciens, la famille, l'enfant, les avocats, la police, tout le monde en fait, s'assoit vraiment dans le grand cercle et chacun y va de son intervention avant le prononcé de la sentence contre un jeune, et même dans le cas des adultes. Je pense que ces méthodes différentes de réagir aux problèmes de criminalité conviennent particulièrement à la communauté autochtone et je vous incite à y recourir.

Je tiens à préciser une chose. On ne peut pas s'attendre à ce que ce genre de programmes communautaires surgissent instantanément dans la communauté. Il faut faire du travail de défrichage, du travail communautaire, et il faut du financement pour aider les collectivités à élaborer ces programmes. Une fois que les programmes sont sur pied, leur coût est relativement faible. Je vous exhorte donc à envisager la possibilité d'injecter de l'argent pour faciliter l'établissement de programmes communautaires de rechange.

Je voudrais vous dire un mot des bandes de jeunes à Winnipeg. La ville où j'exerce est à seulement quatre heures de Winnipeg. Les jeunes qui font partie de ces bandes de Winnipeg sont les cousins de mes clients; ce sont des gens qui ont quitté leur réserve du Nord pour aller à la ville, à la recherche d'une vie meilleure. Nous devrions suivre attentivement ce qui se passe à Winnipeg. Vous en entendrez sûrement parler quand vous vous déplacerez à travers le Canada.

Je vous renvoie à un article publié récemment dans le Globe and Mail. Le 18 mai, ce journal a publié un article de David Roberts sur les bandes de jeunes à Winnipeg. Ce texte m'a beaucoup frappée. Je cite:

Cette simple phrase résume parfaitement la situation de la communauté autochtone. Si nous ne nous attaquons pas dès maintenant aux facteurs fondamentaux qui provoquent dans la communauté autochtone l'apparition d'adolescents aussi gravement perturbés, les jeunes autochtones, dont la population est en pleine croissance, continueront à remplir nos prisons pendant une période indéterminée.

M. Scully: Merci beaucoup, Catherine.

Je donne maintenant la parole à Edmund Duarte.

M. Edmund Duarte (travailleur communautaire auprès des jeunes, Central Toronto Youth Services): Je suis travailleur communautaire pour les jeunes au Central Toronto Youth Services. Je tiens à remercier M. Scully de m'avoir invité au comité.

Je ne vais pas vous accabler de statistiques. Je pourrais peut-être injecter une petite dose de réalité, parce que quand j'aborde ces enfants, ils sont déjà passés par le système, du moins la plupart d'entre eux. Ils sont déjà passés par les travailleurs sociaux, les conseillers, et Dieu sait quoi. Mon plus grand défi, c'est toujours d'essayer d'établir le contact avec eux et d'obtenir qu'ils me fassent confiance.

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Je travaille essentiellement dans la communauté portugaise de la ville de Toronto. Je ne m'occupe pas seulement des jeunes, mais des familles. Nous essayons de ne pas les isoler. Notre communauté est très unie. L'aspect religieux est important. La culture aussi, mais elle se perd en grande partie quand il se crée un fossé entre les générations. Il y a un grand choc culturel.

Notre communauté vient au deuxième rang pour le taux de décrochage scolaire de la ville de Toronto, après la communauté afro-américaine. En conséquence, notre taux de criminalité a augmenté de façon directement proportionnelle. J'ai personnellement le sentiment, en travaillant avec beaucoup de ces jeunes, que ce qu'il faut faire, c'est de la prévention par l'éducation et la participation des jeunes à des programmes positifs dans la collectivité, programmes qui souvent sont inexistants.

Le système scolaire de la ville de Toronto a trop souvent tendance à abandonner ces enfants qui me sont finalement confiés. L'un des plus grands problèmes, actuellement, c'est l'absence de responsabilités de la part des conseils scolaires quand il s'agit de s'occuper des jeunes qui semblent sur le point de sombrer dans la criminalité ou de s'écarter du droit chemin. Il y a beaucoup de surcriminalisation dans la cour de l'école, comme on l'a déjà dit. Quand je vois un enfant qui est mis sous garde pour six mois pour avoir fait tomber quelqu'un de sa bicyclette, cela me chagrine, parce que la victime s'est relevée aussi sec et lui a flanqué une raclée. Il a reçu une bonne volée et s'est retrouvé sous les verrous pour six mois.

Au sujet des familles, je constate souvent qu'il y a absence de communication entre l'enfant et sa famille. Bien souvent, les parents ne parlent absolument pas l'anglais et les enfants ne parlent pas un mot de portugais; c'était le cas dans l'affaire dont je viens de parler. Je suis certain que cela arrive dans d'autres communautés. Il y a incapacité de communiquer entre les parents et les enfants dès que cela devient plus complexe que «j'ai faim», «je veux que tu repasses mon pantalon» ou «je vais rendre visite à grand-mère». Cela vient démolir bien des théories au sujet de la responsabilité parentale lorsqu'il s'agit des jeunes contrevenants. L'incapacité de ces gens à communiquer entre eux exclut toute possibilité de ce côté.

Les juges et les administrateurs judiciaires devraient faire preuve de plus d'imagination pour la mise en oeuvre de la Loi sur les jeunes contrevenants sous sa forme actuelle. Ils sont évidemment limités par le petit nombre d'organismes qui offrent des services. C'est un cercle vicieux. Leur marge de manoeuvre est mince parce que les ressources sont limitées et cette même absence de ressources fait que les jeunes se retrouvent devant les tribunaux qui ne peuvent pas faire grand-chose.

Dans ma communauté, il nous faudrait absolument un système de guichet unique de services sociaux, de manière à venir en aide non seulement au jeune en difficulté, mais aussi à sa famille. Nous ne pouvons pas séparer les deux, en tout cas pas dans ma communauté, compte tenu du sentiment religieux très fort chez nous.

Évidemment, dans la région métropolitaine de Toronto, la situation est peut-être différente. Il y a beaucoup de préjugés culturels, beaucoup de jeunes mécontents. Dans mon cas particulier, et aussi pour d'autres communautés, je trouve qu'il serait grandement préférable que les services soient assurés par des travailleurs qui ont le même bagage culturel et social et qui peuvent comprendre les subtilités culturelles qui causent parfois l'aliénation de ces jeunes et les propulsent dans le système judiciaire, ce qui fait qu'ils deviennent, sinon des victimes, du moins assujettis à la Loi sur les jeunes contrevenants telle qu'elle existe actuellement.

Je ne vous retiendrai pas beaucoup plus longtemps. En deux mots, ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut jamais oublier que nous avons affaire à des enfants. Nous ne devons pas laisser les médias dicter la politique. Vous pouvez examiner les statistiques sur les jeunes contrevenants violents. Il y a des dispositions pour s'occuper d'eux car il en existe. Il y en a peut-être plus maintenant qu'il y a 20 ans, mais c'est encore la minorité.

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La majorité des jeunes avec lesquels je travaille ont seulement besoin d'un peu d'attention, ils ont besoin qu'on leur consacre un peu de temps. Cela revient à la prévention, à la détection précoce des problèmes; il faut que ceux qui s'occupent quotidiennement de ces enfants fassent preuve d'un peu plus de responsabilité, et il s'agit essentiellement du système scolaire.

Nous ne devons pas oublier... J'ai un enfant de 11 ans. Hier, il a passé toute la journée à jouer avec un jouet Tonka. Il avait mis une petite pierre comme chauffeur et il a recouvert d'herbe un petit morceau de fer blanc qui était son garage, parce qu'il ne voulait pas qu'il rouille. Je ne peux pas imaginer que cet enfant puisse se retrouver devant un tribunal, jugé par un jury, parce qu'il a frappé son frère et que ce dernier lui a cogné la tête, ou quoi que ce soit. C'est absurde.

Nous devons être réalistes dans tout ce que nous faisons. Des enfants peuvent commettre ce que nous considérons comme des crimes d'adultes, c'est vrai. Mais nous avons quand même affaire à des enfants. Ils n'assimilent pas l'information de la même manière que nous. Ils voient les choses différemment. Pour un jeune, un petit bouton sur la figure, c'est la fin du monde. Pour nous, ce n'est qu'un petit problème dermatologique qui va disparaître. Nous devons donc tenir compte de ce fait incontournable: les gens à qui nous avons affaire sont des enfants.

Dans tout ce que nous faisons, n'oublions jamais cela.

M. Scully: L'intervenant suivant est le professeur Tony Doob.

M. Tony Doob (Centre de criminologie de l'Université de Toronto): Merci beaucoup.

Votre rapport peut être un point tournant dans l'approche adoptée au Canada en matière de criminalité chez les jeunes. Vous avez l'occasion de choisir entre deux approches très différentes face à ce problème. Vous pouvez souscrire à un point de vue simpliste sur la criminalité des jeunes et le système de justice pour les jeunes, selon lequel il suffit d'apporter de simples changements à la loi pour réduire le nombre d'infractions commises par des jeunes au Canada; ou bien vous pouvez donner suite aux suggestions que vous ont faites beaucoup d'intervenants avant moi, c'est-à-dire que vous pouvez exhorter le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et de façon générale les collectivités canadiennes à s'attaquer aux véritables problèmes qui sont à la source de la criminalité chez les jeunes.

Il me semble que nous pouvons probablement nous entendre tous sur deux points. Le premier est que nous sommes désireux de réduire le nombre d'infractions commises par des jeunes et par des adultes dans notre collectivité. Le deuxième est que les jeunes devraient subir les conséquences de leur mauvaise conduite.

Comme beaucoup d'intervenants avant moi l'ont déjà dit, il devient de plus en plus évident que pour s'attaquer au problème de la criminalité des jeunes, il sera plus efficace d'agir à l'extérieur du système de justice pour les jeunes que de resserrer le système de justice pénale ou d'apporter des changements à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Les données qui émanent de certaines évaluations ne laissent aucun doute. Les chercheurs ont posé la question suivante: combien de crimes graves peut-on éviter par million de dollars dépensés? La réponse, presque invariablement, est que les programmes offerts à l'extérieur du système de justice pour les jeunes et du système de justice pénale sont plus rentables, plus efficaces, que tous les efforts visant à renforcer le système de justice pénale, à rendre plus sévère la justice pour les jeunes, à renforcer la loi.

Le problème à cet égard est que la justice pour les jeunes et la criminalité chez les jeunes sont des phénomènes très complexes qui, en fait, diffèrent totalement. Il ne faut pas supposer que les problèmes liés à la criminalité des jeunes sont automatiquement décrits par les données qui émanent du système de justice pour les jeunes. Comme vous le savez sûrement, il y a d'énormes écarts d'une province à l'autre pour ce qui est du recours au système de justice pour les jeunes.

Je vais vous donner deux exemples.

Au Québec, de tous les jeunes en âge d'être des jeunes contrevenants, un sur 57 se retrouve devant les tribunaux. Imaginez 57 jeunes québécois qui ont l'âge visé par la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est-à-dire de 12 à 17 ans, et un seul d'entre eux va se retrouver devant un tribunal pour les jeunes. En Ontario, le chiffre correspondant est un sur 17.

Je trouve difficile à croire que les jeunes ontariens soient tellement pires que les jeunes québécois.

Cet écart correspond aux différences dans la manière dont on se sert du système de justice pour les jeunes. Rien ne permet de croire qu'il y a un écart dans le comportement des jeunes eux-mêmes. Enfin, d'une province à l'autre, on constate que le recours au système de justice pour les jeunes ne correspond pas tellement au taux déclaré de criminalité. Ce qui semble varier énormément d'une province à l'autre, c'est la façon dont on traite les jeunes après leur arrestation.

Dans ce contexte, il faut s'interroger et voir plus loin que les chiffres qui vous ont été fournis ce matin par le Procureur général et le Solliciteur général de la province.

Je crois avoir remis ce document à un membre du personnel du comité. J'ai préparé à votre intention des statistiques qui, en un sens, ont été compilées de la même manière que celles qu'on vous a présentées ce matin. Malheureusement, j'ai utilisé des données de 1994 et 1995 qui ont été publiées il y a deux ou trois mois, tandis que le ministre vous a présenté des statistiques datant d'il y a un an. Il y a une différence d'un ou deux pour cent entre les chiffres, mais le tableau général est le même.

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Pour comprendre ce qui se passe en Ontario, il faut se rappeler que cette province abrite36 p. 100 des enfants canadiens en âge d'être des jeunes contrevenants. Le ministre avait absolument raison de dire que nous poursuivons devant les tribunaux un nombre disproportionné de cas de crimes violents. Le chiffre pour 1994-1995 était de 46 p. 100. Rappelez-vous, nous avons 36 p. 100 des enfants et nous traduisons devant les tribunaux 46 p. 100 des auteurs de crimes violents... On dirait bien que nous avons un grave problème en Ontario.

Notre problème, en Ontario, réside dans la manière dont nous traitons la violence. Les chiffres sont tout à fait clairs. Dans notre province, en comparaison du reste du pays, nous traduisons devant les tribunaux un nombre disproportionné d'affaires mineures. Nous avons en Ontario 51 p. 100 des agressions mineures.

La question se pose donc de savoir ce qu'il advient des cas plus graves, des cas qui nous préoccupent tous et qui devront probablement se retrouver devant les tribunaux pour adolescents. Il se trouve que parmi ces cas plus graves, nous en traduisons devant les tribunaux un nombre tout à fait proportionné. Nous avons 36 p. 100 des jeunes dans notre province et nous poursuivons environ 37 p. 100 des cas d'agressions graves, des crimes graves avec violence... On pourrait citer des statistiques du même genre pour les crimes contre les biens. C'est absolument vrai qu'en comparaison avec les autres provinces, nous amenons devant les tribunaux une part disproportionnée de crimes contre les biens, mais c'est entièrement attribuable aux cas les moins graves de ce genre d'infraction et pas du tout aux cas les plus graves, à savoir les vols avec effraction.

Par conséquent, à mon avis, ce que nous faisons dans la province et aussi dans d'autres provinces, c'est que nous n'utilisons pas très judicieusement nos ressources. Quand on entend divers intervenants parler de l'utilisation des ressources, je pense qu'il faut se rappeler que nous devrions les utiliser de façon différente et consacrer une partie de ces ressources à la lutte contre le crime.

À l'heure actuelle, les Canadiens vous blâment, vous les législateurs et les juges, parce que vous êtes le groupe le plus visible de gens qui administrent la loi pour les jeunes. En effet, ils se sont fait dire et répéter à satiété que pour lutter contre la criminalité des jeunes, il faut appliquer la loi et les conséquences juridiques qui s'ensuivent quand un jeune est trouvé coupable par un tribunal pour adolescents. Cette importance accordée à la loi comme moyen de contrôler le crime est essentiellement erronée et cela va sans nul doute à l'encontre du but recherché.

Si votre rapport met l'accent sur de nouveaux changements à la loi, il ne servira qu'à renforcer le point de vue du public, à savoir que le meilleur moyen de nous protéger contre le crime des jeunes, c'est de modifier encore la loi. Je vous exhorte plutôt à mettre l'accent dans votre rapport sur les véritables problèmes de la criminalité des jeunes. Merci beaucoup.

M. Scully: Merci Tony. J'invite maintenant Michael Cushing à intervenir.

M. Michael Cushing (directeur exécutif, Conseil de planification sociale de Halton; membre, Comité de justice pour les jeunes; et ancien président, Conseil du développement social de l'Ontario): Je m'exprime aujourd'hui en mon nom personnel. Dans la documentation que vous avez en main, on dit que je suis associé professionnellement à certaines organisations de notre province et à titre de bénévole au Conseil du développement social de l'Ontario. Je tiens à ce qu'il soit bien clair que les opinions que je vais exprimer aujourd'hui me sont propres.

Le message du Conseil de développement social de l'Ontario est que la Loi sur les jeunes contrevenants n'a pas beaucoup changé au fil des années. Le Conseil a commencé à s'occuper de ce dossier, comme je l'ai fait moi-même à titre de bénévole, au début des années 80, alors qu'il est devenu trop évident que l'Ontario ne se préparait pas à la mise en oeuvre de la loi, étant plutôt préoccupé par les questions de l'âge et de l'obligation de se plier à la volonté fédérale. Il est triste de constater, comme les manchettes d'aujourd'hui le confirment, que cette préoccupation mal placée n'a pas beaucoup changé.

Par contre, le Conseil du développement social de l'Ontario a continué de s'intéresser aux questions de justice pour les jeunes depuis 1983-1984 et a continué d'affirmer certains principes, à savoir que la justice des jeunes était et demeure une très importante question de justice sociale. Ces principes sont d'une importance fondamentale pour l'avenir de notre province et de notre pays. Il faut apporter aide et soutien aux collectivités et aux familles, et cet appui doit venir de professionnels qui travaillent de façon interdisciplinaire; en outre, les collectivités doivent se voir accorder l'aide dont elles ont besoin pour résoudre leurs problèmes.

Nous comptons sur les institutions et sur la famille pour élever nos enfants, pour guider nos adolescents, et pour les ramener dans la bonne voie quand ils s'en écartent. Un vieil adage me revient à l'esprit: élever un enfant, c'est l'affaire de toute la collectivité. Nous comptons donc sur la collectivité, nous comptons sur les familles. Nous savons que tous nos jeunes, à un moment donné, ont besoin d'aide, ont besoin d'être remis sur la bonne voie.

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Il y a un livre dont je recommande la lecture aux membres du comité permanent, si l'on n'a pas déjà attiré leur attention là-dessus. Je veux parler de l'ouvrage du professeur Schissel, de l'Université de la Saskatchewan, intitulé Social dimensions of Canadian Youth justice, dans lequel, entre autres choses, l'auteur a très bien compilé des données internationales sur ce que je pourrais appeler le comportement déviant ou délinquant des jeunes.

De 90 à 95 p. 100 de nos jeunes commettent à un moment ou l'autre un acte quelconque pour lequel, à l'heure actuelle, en Ontario, ils pourraient être accusés aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants et leur comportement serait criminalisé.

Même si nous comptons sur les collectivités et sur les familles, nous ne cessons de saper leurs moyens et nous exacerbons un problème déjà difficile. Nous savons que nous traversons une période d'évaluation sociale profonde et rapide. Les familles sont déstabilisées par ce changement, par le chômage, par l'insécurité économique, même si elles ont la chance de travailler, et aussi par les problèmes de la pauvreté. Les familles, qui sont de plus en plus conscientes des besoins spéciaux de leurs enfants, doivent se passer des services qu'elles cherchent.

À une époque plus prospère, il y a 10 ans, une étude sur la santé des enfants nous a appris qu'en moyenne, de 15 à 20 p. 100 des enfants de l'Ontario souffrent d'un problème psychiatrique diagnosticable, bien souvent des troubles de comportement. Dans le sud-ouest de l'Ontario, où j'habite, le taux était de 19 p. 100. Mais surtout, cette étude sur la santé des enfants en Ontario nous a appris que même en période de vaches grasses, dans la plupart des cas, ces enfants n'obtenaient pas de services. Les familles n'avaient pas d'aide. Aujourd'hui, cette aide est réduite encore davantage.

Quand on parle de la prétendue stratégie d'aide à l'enfance pour lutter contre les problèmes de délinquance, en Ontario, les organismes visés sont les Sociétés d'aide à l'enfance et les centres de santé mentale pour enfants. On parle aussi de services d'éducation spéciale des conseils scolaires. En matière de prévention et d'intervention précoce, dans certains cas, cela met en cause les services de garde, les garderies.

Voyons maintenant ce qui se passe dans notre province: tous ces services que je viens d'énumérer sont en train de s'effondrer. Comme M. Doob l'a dit, nous devons nous tourner vers des institutions extérieures au système de justice. Je tiens à attirer votre attention sur ce que deviennent ces ressources.

Au moment même où le gouvernement provincial prêche la responsabilité familiale et exploite à des fins politiques la situation des familles qui font souvent de leur mieux, mais qui ne peuvent venir à bout de leurs enfants, au moment même où cette exploitation politique se poursuit, ce même gouvernement est en train de saper les systèmes d'aide aux familles. J'espère que le gouvernement fédéral ne cédera pas aux appels que vous avez entendus ce matin de la part des représentants provinciaux.

C'est triste à dire, mais je crois qu'il faut être réaliste; il y a eu une déperdition de l'influence fédérale. Une conséquence imprévue de la lutte contre le déficit fédéral a été une baisse des paiements de transfert aux provinces. La suppression du Régime d'assistance publique du Canada a causé beaucoup de tort. On a perdu l'effet de levier. J'espère tout au moins que vous n'acquiescerez pas aux demandes assez cyniques formulées par notre gouvernement.

Dans la deuxième partie de mon intervention, je pose la question de savoir si nous avons vraiment un système de justice pour les jeunes dans la province de l'Ontario. Mon domaine est celui de la planification communautaire; j'essaie de systématiser des services qui sont souvent isolés.

Dans le domaine de la justice pour les jeunes, il y a beaucoup de gens, beaucoup d'organismes, beaucoup de services qui font de leur mieux, mais je dis qu'il n'existe pas vraiment de système en tant que tel. La mise en oeuvre de la Loi sur les jeunes contrevenants comportait dès le départ de graves lacunes en Ontario. S'il fallait y voir un projet pilote, je dirais que la démonstration n'est pas très convaincante.

Dans cette province, aucun gouvernement, de quelque parti soit-il, car ils ont tous eu la chance de s'y attaquer au cours des 12 années de mise en oeuvre de la Loi sur les jeunes contrevenants, aucun gouvernement donc n'a vraiment pris conscience de la nécessité de créer un véritable système. Par système, j'entends quelque chose de cohérent. Peut-être pourrait-on commencer par mettre en pratique les principes qui sous-tendent la Loi sur les jeunes contrevenants.

Ce que j'entends par système, c'est l'absence de fragmentation. La manifestation la plus flagrante de l'échec de l'Ontario pour ce qui est de la fragmentation, c'est le fait que la compétence continue d'être partagée entre deux ministères; en effet, les membres du comité n'ignorent sûrement pas que deux ministères différents s'occupent respectivement des jeunes âgés de 12 à 15 ans et de 16 et 17 ans.

J'entends par système la continuité des services. Au lieu de placer sous garde un trop grand nombre de jeunes, au lieu de les arracher à leur famille et aux services communautaires, comme le font souvent des services d'éducation spéciale, des organismes différents, au lieu de les arracher et de les jeter ainsi dans cette discontinuité, ce qu'il nous faut, c'est assurer la continuité des services. Ce qu'il faut, c'est venir en aide aux enfants à la maison, dans leur collectivité, et il nous faut beaucoup plus de suivi quand les enfants sont enlevés de leur milieu pour être placés sous garde.

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Un vrai système serait capable de mesurer ses propres résultats. Il serait engagé dans la voie de l'amélioration.

Pour en donner un autre exemple spectaculaire, je signale que l'Ontario n'a pas participé au Centre fédéral de statistiques juridiques avant 1991, à peu près. Quand le Centre du développement social de l'Ontario s'est fait entendre il y a deux ans dans le cadre de l'examen de la justice provinciale, les gens ont trouvé apparemment surprenant que le taux d'incarcération soit aussi élevé. C'était il y a 10 ans et les services étaient très coûteux. Je dirais qu'en Ontario, nous n'avons jamais eu de système de justice pour les jeunes, en dépit des efforts réels de bon nombre de gens.

Le plus important, peut-être, est que tout système coûteux s'efforcerait de réduire le nombre de personnes susceptibles d'être visées par un tel système, afin de réduire les dépenses. Le message que d'autres essaient de transmettre à propos de la prévention semble essentiellement ne pas avoir été entendu en Ontario.

Un dernier mot sur la priorité à accorder aux enfants et aux jeunes. Il y a environ 25 ans, je suis entré dans les services à l'enfance, en quelque sorte. On m'a dit alors que les besoins des enfants et des jeunes ne seraient jamais une priorité parce que les enfants ne votent pas. Je pensais que c'était assez superficiel et cynique, mais j'en suis pratiquement arrivé à le croire.

Ce qui est intéressant, toutefois, c'est que nous pouvons utiliser les enfants lorsque les organismes gouvernementaux veulent s'attirer une bonne publicité. Le gouvernement fédéral a signé la déclaration du Sommet mondial pour les enfants en 1990 selon laquelle tous les pays signataires promettaient que les enfants auraient priorité sur les ressources de la nation, aussi bien en période difficile qu'en période de croissance. Au Canada, nous devions donner priorité aux droits des enfants, à leurs moyens d'existence, à leur protection et à leur développement afin d'assurer le bien-être de toutes les sociétés du monde.

L'année précédente, la Chambre des communes avait voté à l'unanimité que le Canada s'engageait à éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici à l'an 2000.

M. Scully: Je suis désolé, mais je vais devoir vous demander de conclure.

M. Cushing: Vingt secondes.

M. Scully: D'accord.

M. Cushing: Ce que je voulais dire, c'est que nous ne traduisons pas nos paroles en actes. Nos actes sont insuffisants si l'on considère les besoins des enfants, des jeunes et, en particulier, des jeunes contrevenants. Le débat qui s'impose ici et dans l'ensemble du pays, et auquel je serais très avide de participer, porte sur l'avenir de nos ressources les plus importantes. Ce débat ne devrait alors pas être limité à un comité de la justice. C'est le comité des Finances, c'est la Chambre des communes, c'est l'ensemble de la nation qui doit y prendre part.

M. Scully: Merci, Michael.

Nous commençons à manquer de...

La présidente: Je peux vous aider car j'ai à la fois une montre et un marteau. Si vous le voulez, je pourrais indiquer à vos intervenants qu'il ne leur reste plus qu'une minute.

M. Scully: J'ai également ma montre, ici, et je me montrerai plus rigoureux. Merci, madame la présidente. Je sais que nous -

La présidente: Je vous en prie.

M. Scully: Bien.

Je donne maintenant la parole à David Day.

M. David Day (Directeur de la recherche et de l'évaluation, Service d'aide à l'enfance et à la famille de Earlscourt): Je m'appelle David Day, je suis psychologue et directeur de la recherche et de l'évaluation au Centre d'aide à l'enfance et à la famille de Earlscourt, un service de santé mentale pour les enfants à Toronto. Je suis également directeur d'un programme de liaison avec les écoles pour les enfants qui vivent dans les abris de Toronto et qui ont assisté à des scènes de violence familiale.

J'aimerais revenir sur deux questions qui me semblent importantes. D'une part, les facteurs qui, très tôt, font qu'un enfant risque de se livrer à des activités criminelles et, d'autre part, la prévention du crime.

Si nous voulons nous attaquer au problème de la criminalité chez les jeunes, nous devons considérer les facteurs de risque précoces qui peuvent empêcher les enfants de faire face à des circonstances difficiles dans la vie.

Beaucoup d'adolescents dans le système de justice pour les jeunes, en particulier les délinquants chroniques, auraient commencé tôt à se rendre coupables d'infractions. Des études ont révélé que des garçons qui commettent leur première infraction avant 12 ou 13 ans, en commettent deux fois plus que ceux qui commencent plus tard.

Dès quatre ou cinq ans, les enfants à risques connaissent de gros problèmes en matière d'agressions. De plus, étant donné que le meilleur indicateur du comportement futur est le comportement passé, un enfant qui est agressif à l'âge de cinq ans risque fort, si l'on n'intervient pas, de continuer à être aussi agressif à 14 ans.

Parmi les autres problèmes que connaissent les enfants à risques, il y a la tendance à mal interpréter les intentions d'autrui qui sont ambiguës ou tout à fait inoffensives. Aussi, quand on a l'impression que les autres ont des intentions hostiles vis-à-vis de soi, on est plus porté à réagir agressivement, c'est-à-dire à se venger de quelque chose qui n'existait pas.

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Pour certains enfants, cette hypervigilance à l'hostilité est une bonne stratégie face à l'agression, à la violence ou au harcèlement sexuel qu'ils ont connu dans la famille. Un autre résultat malheureux de cette tendance est qu'ils se trouvent rejetés par leurs pairs et se retrouvent avec un groupe de jeunes à problèmes. Vers neuf ou dix ans, en particulier lorsque ce groupe comprend des jeunes plus âgés, cela peut accélérer le processus et entraîner des comportements divers de délinquance sérieuse. Cela augmente encore le risque de démêlés avec la police, et même peut-être avec les tribunaux pour enfants.

Les enfants à risques ont aussi des problèmes scolaires, en particulier en lecture. Des études ont révélé que dès la deuxième année, 45 p. 100 des enfants antisociaux sont en retard en lecture. Ceci peut résulter de problèmes d'élocution et de langue, de problèmes d'apprentissage ou d'une trop grande impulsivité, d'hyperactivité ou d'autres problèmes d'attention. Le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention, ou THADA, coexiste chez 45 à 70 p. 100 des enfants souffrant de troubles chroniques.

Donc, les difficultés liées à un tempérament agressif, à des problèmes scolaires et aux problèmes qu'ils ont dans leurs relations avec leurs semblables font que beaucoup d'enfants à risques se font suspendre ou expulser de l'école et se trouvent ainsi encore plus marginalisés par rapport aux institutions normales avec lesquelles ils n'ont jamais eu tellement d'affinités.

Enfin, certains facteurs familiaux associés au développement de la délinquance incluent les tensions familiales et la discorde dans le ménage; les problèmes financiers et de logement; la pauvreté, la psychopathologie des parents, en particulier la dépression; les comportements criminels des parents, la toxicomanie, la multiplicité des partenaires et le manque de stabilité chez ceux qui s'occupent de ces enfants; il y a aussi le fait de vivre dans des quartiers à fort taux de criminalité. Tous ces facteurs vont à l'encontre des bonnes pratiques que l'on recherche chez les parents.

Les parents d'enfants à risques renforcent souvent par inadvertance le comportement agressif de leurs enfants par une interaction coercitive. En outre, ces parents ont souvent recours à des techniques de discipline très dures, punitives et inconséquentes, à une façon de résoudre les problèmes inefficace et très conflictuelle, à une mauvaise surveillance parentale et à un manque d'intérêt et de sentiments vis-à-vis de l'enfant.

Si l'on veut prévenir le crime, il faut agir sur ces facteurs de risque précoces qui mettent les enfants sur une trajectoire de comportement antisocial et même d'activité criminelle.

M. Scully: Une minute.

M. Day: D'autre part, plus nous intervenons rapidement avec de nombreux services, plus nous aurons de chances de réussir. Ces facteurs de risque et ces indicateurs de comportement délinquant doivent nous suggérer des stratégies d'intervention spécifiques et si nous savons beaucoup de choses sur les facteurs de risque en matière de criminalité chez les enfants, nous savons aussi que ceux-ci sont très variés. Aussi, tout effort de prévention du crime exige un large éventail de services tenant compte de la complexité et de la diversité du problème.

Merci, David.

M. Scully: Merci.

Je donne maintenant la parole à Sheena Scott.

Mme Sheena Scott (directrice générale, Fondation canadienne pour la justice pour l'enfant et la jeunesse): Bon après-midi, je m'appelle Sheena Scott, je suis avocate et directrice générale du service juridique Justice pour l'enfant et la jeunesse.

Notre organisme existe depuis 1978. Nous offrons des services d'entraide locale et notamment des services d'assistance juridique aux jeunes; nous les représentons, en tant qu'avocats, devant les tribunaux pour enfants, nous nous occupons des familles, de l'assistance sociale des enfants, d'éducation. Nous savons donc très bien comment les divers systèmes fonctionnent. Nous élaborons aussi des prises de position dans tous ces domaines.

J'essaierai d'être assez brève et de faire simplement ressortir certaines tendances que nous avons constatées parce que je comparais de nouveau devant vous jeudi.

Je voudrais d'abord vous expliquer qui sont les jeunes auxquels nous avons affaire. Nous en avons vu énormément qui ont des démêlés avec le système de justice pour enfants. Dans la majorité des cas, comme le disait Mme Beamish, ce sont des enfants comme on en rencontre tous les jours. Les autres sont des enfants qui ont des difficultés d'apprentissage, des problèmes de santé mentale ou des jeunes qui sont à l'assistance publique. Des jeunes qui devraient peut-être être pris en charge par le système autre que celui de la justice et c'est justement ce que nous essayons de faire.

Ces jeunes ne sont pas nécessairement mauvais. On considère toujours que les jeunes sont intrinsèquement bons ou mauvais. Ils ne peuvent donc pas gagner, quelle que soit la façon dont on les considère, ils ne satisferont jamais à nos attentes.

Certaines des infractions dont les jeunes ont été accusés témoignent de la tendance de ces dernières années à la surcriminalisation. Pensons à un jeune qui était accusé de tentative de vol de jus d'orange - et le procureur de la Couronne a refusé de déjudiciariser ce jeune - ou à celui qui a été accusé d'agression à main armée pour avoir frappé un autre jeune avec un sac de gymnastique. Nous avons aussi vu un jeune accusé de port d'armes dangereuses pour l'ordre public après avoir utilisé une carabine à air comprimé dans une zone protégée d'un petit parc. Voilà certains des crimes qui entrent dans nos statistiques, violentes ou autres. On a vraiment tendance à accuser les jeunes alors qu'il s'agit de bagarres de cour d'école.

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Je voulais également traiter un instant de la façon dont l'Ontario applique la Loi sur les jeunes contrevenants. Depuis le premier jour, on observe une très forte résistance. Au Québec, ce n'est pas la même chose et le Québec n'a pas tellement de problèmes en ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants. L'Ontario, par exemple, a répugné à mettre sur pied un programme de mesures de rechange. Il a fallu un procès, auquel notre organisme a participé, pour que la province en adopte un. C'est donc assez pénible.

Si l'on considère les messages que fait passer l'Ontario à propos de cette loi et ceux que transmettent les médias, il n'est pas étonnant que la population veuille que l'on change la loi. Ce qu'elle ne sait pas, c'est ce que l'on peut faire en vertu de cette loi. On entend simplement dire qu'on ne peut pas faire ceci ni ou cela, que ceci ne peut arriver à tel individu. On n'entend pas dire tout ce que l'on peut faire et il serait dommage de changer une loi qui donne des résultats simplement parce que les gens sont mal informés. Je n'entrerai pas trop dans les détails, mais c'est très important et il ne faut pas l'oublier.

À propos des programmes de mesures de rechange, je voulais vous parler de la médiation par les pairs. Nous avons travaillé avec plusieurs écoles secondaires de la région de Toronto et commençons maintenant à Newmarket en espérant aller à Brampton mettre sur pied des projets de médiation par les pairs. Ceux-ci permettent en effet aux jeunes de traiter avec d'autres jeunes pour essayer de parvenir à des solutions appropriées. C'est un moyen de traiter de certains problèmes efficacement sans passer par le système de justice pénale et d'apprendre aux jeunes à assumer leurs responsabilités et à respecter autrui. Il faudrait insister davantage sur ce genre de programme et moins sur la criminalisation.

Je laisserai maintenant Mark Persaud qui s'occupe de l'un de ces projets de médiation vous donner plus de détails à ce sujet. Merci.

M. Mark Persaud (élève de 12e année, participant du programme de médiation par les pairs, Institut collégial Emery): Je m'appelle Mark Persaud et je représente l'Institut collégial Emery.

À Emery, nous avons un cours intitulé médiation par les pairs. Il y a un ou deux médiateurs qui travaillent avec deux ou plusieurs élèves qui ont des problèmes. Le problème peut nous être signalé par la direction ou la police.

Nous nous occupons des effets juridiques de ces problèmes. Nous devons passer par la police avant d'obtenir l'autorisation de nous imposer un médiateur. En cas d'inculpation, la police peut refuser et nous dire qu'il s'agit d'un problème pour lequel nous ne sommes pas qualifiés, qu'il est question d'armes ou de drogue. S'il y a eu une bagarre physique ou verbale, la police peut dire à nos professeurs d'en parler au groupe de médiation par les pairs.

Je suis moi-même médiateur. Cela nécessite une formation. On nous apprend ce qu'est que le langage corporel, le ton de voix, le contact visuel et toutes les choses qui nous permettent de mieux comprendre une personne et d'interpréter son comportement.

Nous écoutons les parties opposantes sans intervenir. Nous sommes là pour maintenir la paix. Nous les laissons s'expliquer. Nous les laissons décider ce qu'ils veulent faire. Nous leur donnons simplement la possibilité de parler et d'entendre les arguments de part et d'autre afin qu'ils sachent ce qui s'est réellement produit. Ce n'est pas, oh, je pensais ceci ou cela. C'est ce qui s'est passé réellement qui ressort de sorte que tout le monde comprend bien ce qui s'est passé.

Les deux parties doivent convenir de recourir à la médiation. Sans ça, nous ne pouvons rien faire et nous devons les renvoyer à la police.

La médiation par les pairs est une mesure préventive. Je veux dire par là que nous sommes là pour essayer d'éviter l'incident avant qu'il ne se produise. Plutôt que laisser deux personnes se disputer à l'école et recommencer à se battre après l'école pour en venir finalement aux mains, nous sommes là pour essayer d'arrêter le combat afin qu'ils puissent discuter du problème avant qu'il ne soit trop tard, avant que la situation n'empire.

Sur les 25 médiations auxquelles nous avons pris part jusqu'ici, il y en a qui n'ont pas abouti. Cela dépend des gens. C'est confidentiel. On insiste beaucoup sur le caractère confidentiel de la médiation. Les intéressés peuvent parler très ouvertement aux médiateurs en sachant que tout ce qui est dit sera gardé confidentiel. Ils n'entendront pas le lendemain leur meilleur ami leur dire: «J'ai appris que tu as dit ceci ou cela.» C'est une question de confiance. Tout est là. Ils nous font confiance. Nous sommes là pour les aider. Nous ne sommes pas là pour aggraver les choses.

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La médiation par les pairs aide beaucoup. Cela aide parce que cela aide aussi les médiateurs. Cela nous apprend l'autodiscipline, le respect, la confiance et nous finissons par vraiment mieux connaître les gens. C'est essentiellement cela, se comprendre mutuellement.

Merci.

M. Scully: Merci beaucoup, Mark.

Je demanderais maintenant à Ben Moss de prendre la parole.

M. Ben Moss (président, Justice pour l'enfant et la jeunesse): Bon après-midi. Je m'appelle Ben Moss. J'ai récemment obtenu mon diplôme de travailleur social et je suis également président de Justice pour l'enfant et la jeunesse. J'ai au cours de mes études eu la possibilité de travailler à la fois dans le secteur de la justice pour les jeunes, dans un centre de garde en milieu ouvert et dans le domaine de la santé mentale des adolescents dans le cadre d'un programme d'hospitalisation.

À peu près tout ce que je vais vous dire cet après-midi ne fera que confirmer ce que l'on vous aura déjà dit. Essentiellement, j'aimerais insister sur deux points qui me semblent très actuels, à savoir l'âge minimum, dans le conteste de la Loi sur les jeunes contrevenants et la responsabilité des parents.

Commençons par la responsabilité des parents. Je suis tout à fait favorable à maintenir les parents dans le processus mais j'estime que rendre un parent responsable du comportement de son enfant adolescent, à savoir criminellement responsable, c'est aller complètement à l'encontre de la Loi sur les jeunes contrevenants. On retire alors la responsabilité à ce jeune et l'on déclare que ce sont ses parents qui sont responsables, qui doivent payer l'amende ou supporter les conséquences de son comportement. Ceci me semble contraire à ce que nous essayons de faire. Comme on l'a dit, les enfants ont déjà du mal à voir les conséquences à long terme de leur comportement. Si, en plus, on rend leurs parents responsables de leur comportement, ce sera encore plus difficile.

Je répète qu'il est important que les parents soient impliqués dans le processus et je crois que c'est prévu dans la loi mais cela peut parfois poser des problèmes, du moins en Ontario. Je sais que parfois la police et dans certains cas les services de garde ne tiennent pas tellement à ce que les jeunes parlent à leurs parents ou aient autant de contacts qu'il serait nécessaire ou juste.

On a également dit que si nous voulons que les parents soient impliqués et aient effectivement une influence sur le comportement du jeune en question, il fallait aider les familles et les parents et les gens qui sont importants pour ce jeune, quelle que soit la composition de la famille. Ceci doit commencer dès le début, même avant, de préférence, que le jeune n'ait maille à partir avec le système de justice pénale.

Il faut expliquer aux parents ce qui se passe. Très souvent, les parents en savent même moins que leurs enfants en matière de justice pénale, que ce soit l'accusation qui a été portée contre leur enfant, ses droits, les différentes options, etc. Pour une part, il s'agit d'éducation juridique du grand public. Mais c'est aussi une question de ressources.

À propos de l'âge minimum, à mon avis, il s'agit là surtout de bricolage. Comme on l'a déjà dit, le comité a la possibilité d'examiner de façon beaucoup plus large la criminalité chez les jeunes. Jouer avec les chiffres - même lorsqu'il s'agit de la détermination de peine - ne va pas vraiment changer grand-chose. Si nous avons un système de justice spécial pour les jeunes, il faut fixer la limite d'âge quelque part; or étant donné ce qu'ont dit certains psychologues et d'après ce que j'ai entendu dire, il semble que 12 ans soit un bon âge; ceux qui sont beaucoup plus jeunes sont en fait vraiment des enfants et pas encore des jeunes.

Il me semble qu'il existe des façons plus appropriées de traiter avec des enfants de cet âge. Il est rare que des enfants de moins de 12 ans commettent des infractions graves. Quand cela se produit, c'est horrible, mais je ne crois pas que ce soit la justice pénale qui puisse régler cela. Nous avons déjà les dispositions concernant le bien-être et la santé mentale des enfants qui sont beaucoup plus axées sur le traitement. Alors que tout le monde se veut très prudent en matière financière, un système aussi coûteux que le système de justice pénale devrait être considéré comme un dernier recours, sachant surtout que nous avons vu que ce n'est pas forcément la façon la plus efficace de prévenir le crime. En fait, ce système ne peut pas prévenir parce qu'il est réactif plutôt que proactif et qu'il ne va pas dissuader d'autres jeunes de 11 ans de commettre des infractions ni quiconque d'autre d'ailleurs.

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Sachant donc que les ressources sont rares, celles-ci seraient mieux utilisées, tout d'abord, en essayant de prévenir les comportements semblables, en traitant les problèmes à la base car je ne crois pas que des jeunes commettent de graves infractions parce qu'ils s'ennuient. Je ne pense pas que les enfants normaux le fassent. Si vous avez un jeune de 11 ans qui fait cela, ce n'est pas en le mettant en prison que vous réglerez ses autres problèmes. Il est bien préférable d'utiliser l'argent que nous mettrions à l'entreposer dans un centre de garde pour essayer de s'attaquer à certains de ces problèmes.

Comme Sheena, j'aurai l'occasion de vous reparler jeudi et je m'arrêterai donc ici. Si vous avez toutefois des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.

M. Scully: Jim Worling.

M. Jim Worling (directeur, Éducation de la famille sur les abus sexuels et programme de traitement, Thistletown): Je suis psychologue clinicien au Programme SAFE-T. Cela signifie Programme sur l'abus sexuel, l'éducation de la famille et le traitement. Il s'agit d'un programme de traitement externe des abus sexuels qui fait partie du Centre régional de Thistletown pour les enfants et les adolescents, ici à Toronto. C'est exploité et financé directement par la province de l'Ontario. Du moins ça l'était ce matin quand je l'ai quitté.

J'insisterai simplement sur le fait que je ne parle pas au nom du gouvernement ontarien. Je parle à titre de psychologue qui travaille avec des délinquants sexuels adolescents depuis plusieurs années et non pas comme employé d'un ministère.

J'ai à l'origine été embauché il y a huit ans pour un projet pilote. Celui-ci devait durer trois ans. Il en est à sa neuvième année. Il s'agit d'une collaboration entre les services de probation en Ontario et le programme SAFE-T qui, comme je le disais, est un programme de consultation externe. D'autre part, le budget qui avait été à l'origine alloué à ce projet pilote a été progressivement augmenté et intégré à notre budget général.

Pour un coût moyen annuel d'environ 128 000$, nous traitons et évaluons 24 délinquants sexuels adolescents et leurs familles. Nous offrons des stages supervisés pour des travailleurs sociaux, des étudiants en psychologie et des étudiants se spécialisant dans les soins aux enfants. Nous avons des ateliers trimestriels pour les agents de probation à Toronto. Nous effectuons des recherches sur le problème de l'agression sexuelle chez les adolescents. Nous organisons également des ateliers locaux, nationaux et internationaux. Cela ne coûte pas plus cher qu'entreposer un délinquant sexuel adolescent dans une de nos prisons locales sans traitement spécial pour délinquance sexuelle. Je voulais simplement signaler que ce pourrait être une solution de rechange intéressante à certains des autres programmes.

Autre chose, parce que je travaille de l'autre côté de la Loi sur les jeunes délinquants - je m'occupe du traitement, comme certains autres ici - le traitement est extrêmement important. Depuis huit avant que je travaille avec des délinquants sexuels, j'ai probablement rencontré environ 150 jeunes délinquants sexuels et le jeune garçon que j'ai en face de moi lors d'une consultation a15 ans, il a en général été lui-même victime d'exploitation sexuelle ou physique, il a beaucoup de mal à exprimer sa colère, il est très impulsif, il ne sait pas trop se comporter en société, il a très peu de relations étroites et il a des fantasmes et intérêts sexuels anormaux. J'ai beaucoup de mal à voir, en tant que clinicien, comment ne rien faire, ce qui arrive parfois, ou donner une peine de prison de12 mois sans traitement pourrait servir à quoi que ce soit et permettra à ce jeune de changer et d'éviter ainsi de récidiver.

Surtout, il est important que les familles continuent à s'intéresser au problème. Je sais que nous avons beaucoup entendu parler de l'implication des familles mais c'est également essentiel dans le traitement. Vous pouvez avoir un programme de traitement des délinquants sexuels très perfectionné et très coûteux pour des adolescents mais dès qu'ils reviennent dans leurs milieux familiaux - milieux qui ont contribué à leur comportement - il ne faut pas se surprendre qu'ils récidivent.

Une étude a été publiée cette année aux États-Unis sur la comparaison de jeunes qui avaient reçu un traitement individuel... on les a suivis pendant quatre ans et 71 p. 100 d'entre eux ont récidivé alors que seulement 22 p. 100 de ceux qui ont reçu une thérapie multiple avec la participation de la collectivité et des familles ont récidivé. Je voulais simplement souligner cela.

Enfin, je dirais que dans mon travail de clinicien, le plus décourageant dans tout le système pour les jeunes délinquants, quand je lis des dossiers sur des jeunes de 15 ans, c'est le nombre de fois où des rapports très biens rédigés avec pièces à l'appui donnent des signes de préalerte sans que l'on n'ait jamais rien fait à ce sujet.

Le meilleur système pour les jeunes délinquants c'est de ne pas en avoir. J'espère que nous travaillons tous dans ce sens. Merci.

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M. Scully: Merci beaucoup, Jim.

Maintenant, Paula Teeter, s'il vous plaît.

Mme Paula Teeter (Agent de probation, Services d'aide à la libération anticipée, Service central de la jeunesse de Toronto): Bonjour, je m'appelle Paula Teeter. Je suis agent de probation pour les jeunes contrevenants de 12 à 15 ans. J'ai 12 ans d'expérience comme agent de probation. Je surveille les jeunes et m'occupe de gestion de cas pour les jeunes sous garde. J'ai également été agent de liaison avec les tribunaux. Je suis actuellement détachée aux Services des jeunes du Centre de Toronto comme coordonnatrice des programmes de soutien pour libération anticipée. Ce programme supervise et aide les jeunes qui sont libérés sous caution. J'ai des descriptions de programme, si cela vous intéresse.

C'est un honneur que de participer à ces audiences. Je vous remercie. J'aimerais répéter avant de commencer que tous mes commentaires sont personnels et viennent de mon expérience personnelle et ne reflètent pas la position du ministère ni nécessairement celle de mes collègues.

J'ai divisé mes observations en trois catégories: la criminalité chez les jeunes, le système de justice pour les jeunes et le fonctionnement et la mise en application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je vous donnerai le résultat de mon expérience et de ma réflexion sur ces trois sujets.

Tout d'abord, la criminalité chez les jeunes. Comme beaucoup l'ont déjà dit, même si les crimes comme le cambriolage et les crimes avec violence augmentent, il semble que l'on inculpe de plus en plus de jeunes pour des infractions qui n'auraient pas été considérées comme des infractions autrefois - vol à l'étalage ou bagarre dans la cour d'école, par exemple. Il ne fait aucun doute que le crime et la violence chez les jeunes font les manchettes, ce qui influence évidemment l'opinion publique. J'estime qu'il faut avoir des programmes de prévention pour les jeunes qui commencent très tôt et continuent jusqu'à l'adolescence.

L'ensemble de notre société doit assumer la responsabilité de nos enfants et de leur avenir dans l'espoir d'empêcher qu'ils ne participent plus tard à des activités criminelles. La communauté et les parents doivent donc participer à ces programmes dans la mesure du possible. Les programmes doivent aussi être disponibles à la maison ou dans les milieux communautaires. Sinon, il devient facile de confier la responsabilité des adolescents au système de justice criminelle quand ils deviennent plus âgés et commettent des actes illégaux.

Il importe de fournir aux autres secteurs qui sont chargés par la loi ou autrement de travailler avec les jeunes, notamment les écoles, les organismes d'aide à l'enfance et les services de santé mentale, l'appui et les outils nécessaires pour offrir de bons services de prévention aux enfants et à leurs familles.

Même si le comportement de certains enfants est parfois plus difficile à contrôler à notre époque, il semble que les besoins et les problèmes des adolescents restent les mêmes. La plupart acceptent le changement et les conseils s'ils sont fournis de façon efficace et compréhensive.

En deuxième lieu, vient le système de justice. Comme les adolescents ont des besoins distincts et particuliers, ils doivent être traités différemment des adultes. Il importe que le système de justice soit bien compris par les adolescents et qu'il tienne compte de leur capacité cognitive et émotionnelle. Dans le cas des adolescents, il faut que le comportement ait des conséquences immédiates et naturelles. Il est donc essentiel d'avoir des délais assez courts pour le renvoi devant les tribunaux. Il importe aussi d'obtenir la participation de la communauté et de la famille. Lorsque c'est approprié, les mesures de rechange ou la déjudiciarisation doivent prévoir la participation des victimes du crime.

Il semble que de plus en plus de gens sont incarcérés de nos jours. Cela peut avoir des conséquences négatives pour certains adolescents. Par exemple, la vie scolaire et familiale peut être interrompue. Les programmes comme celui dont je m'occupe maintenant, soit le Programme d'appui pour la libération anticipée, peuvent aider à réduire le taux de récidivisme tout en économisant le coût de la détention une fois que l'adolescent est renvoyé dans sa communauté.

Il est évident que, vu le comportement de certains adolescents dans la communauté et la gravité de leur crime, l'incarcération dans leur cas pour une période assez longue est nécessaire pour protéger la communauté. Les récents amendements apportés à la Loi sur les jeunes contrevenants s'attaquent à ce problème. Il faut cependant plus de temps pour évaluer les conséquences de ces changements. Les rapports entre les systèmes de bien-être de l'enfance, d'enseignement et de justice criminelle doivent être productifs et cohésifs.

En troisième lieu, il y a le fonctionnement et l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. La loi est vaste et variée et offre bien des possibilités. Ses conséquences dépendent de la façon dont elle est interprétée et appliquée. Si les autres systèmes offraient davantage de programmes de prévention, ce ne serait pas nécessaire de diminuer l'âge de la responsabilité criminelle. Les besoins des moins de 13 ans sont tout à fait particuliers et les services offerts à ces enfants devraient donc l'être aussi.

Il faut maintenir un certain équilibre entre les services de rétribution et de réadaptation. À titre de contrôleur judiciaire, j'ai constaté que nos charges de travail et nos responsabilités ont augmenté au cours des années. Nous disposons de moins de temps pour nous occuper de tous les besoins des jeunes. Si l'on tient davantage d'adolescents responsables de leurs actions aux yeux de la loi, cela ne fera qu'accroître davantage notre charge de travail. Il faudrait donc plus de programmes de prévention, que ce soit au niveau communautaire ou bien dans les systèmes de garde, pour équilibrer cette augmentation et favoriser un changement productif.

Merci.

M. Scully: Merci, Paula.

Je voudrais maintenant donner la parole à Mavin Wong. Je tiens à préciser que Mavin a été coauteure de l'ouvrage Defending Young Offender Cases non pas en 1984, elle n'était pas presciente à ce point, mais plutôt en 1994.

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Mme Mavin Wong (avocate, coauteure, Defending Young Offender Cases, 1994): Je suis avocate au criminel depuis 10 ans et je m'occupe surtout des adolescents. C'est d'ailleurs le volet de mon travail qui me procure le plus de satisfaction.

Le public a toujours été et est encore mal informé à propos de la Loi sur les jeunes contrevenants. Lors de mes déplacements, j'ai entendu les gens imputer le blâme de presque tous les malheurs de la société à la Loi sur les jeunes contrevenants. Dès qu'on parle d'une augmentation du taux de criminalité ou même du fait qu'on ait enlevé la prière dans les écoles, on trouvera quelqu'un pour dire que c'est à cause de la loi. J'ai entendu dire aussi que les adolescents sont très futés et au courant, qu'ils connaissent leurs droits et qu'ils savent comment avoir raison du système. Je voudrais bien rencontrer ces adolescents brillants et bien informés parce que ce ne sont pas eux que je représente. Selon moi, les médias, les politiques et les groupes représentant certains intérêts ont répandu dans le passé toutes sortes de mythes au sujet de la Loi et continuent de le faire. Selon moi, la Loi sur les jeunes contrevenants est une mesure complète et bien équilibrée. On ne devrait pas lui faire de retouche.

Le premier mythe, c'est qu'on devrait se débarrasser de l'article 56, que les adolescents connaissent leurs droits et que le fait d'avoir à respecter l'article 56 nuit aux enquêtes policières. Comme vous le savez sans doute, l'article 56 prévoit certaines sauvegardes pour garantir que, avant qu'un adolescent fournisse une déclaration à une personne en position d'autorité, il ait le droit de consulter un avocat, son père ou sa mère, un parent adulte ou un autre adulte. Un point c'est tout. Cela ne veut pas dire que le policier ne peut pas accepter de déclaration de la part d'un adolescent ou que l'on fait obstacle d'une façon quelconque à l'enquête policière.

Dans la région de Toronto, la police a préparé un questionnaire de quatre ou cinq pages qui explique les dispositions de l'article 56. Le policier commence à la page 1 et lit le questionnaire. Il pose des questions d'ordre général à l'adolescent, comme son nom, son âge, sa date de naissance, et ainsi de suite, et lui explique ensuite en termes très clairs et faciles à comprendre qu'il a le droit de parler à l'une des personnes que j'ai déjà mentionnées. L'adolescent reçoit ensuite ce qu'on appelle les avertissements primaires et secondaires et on lui demande s'il veut faire une déclaration. Si la réponse est oui, il ne fait que signer le formulaire. Tout cela est très simple et, si c'est bien fait, cela ne prend pas plus de 10 à 15 minutes.

La plupart des agents du bureau de la jeunesse à Toronto vous diront qu'il est très facile de convaincre un jeune contrevenant de remplir une formule de renonciation et d'accepter de faire une déclaration. À titre d'avocate de la défense, je peux vous dire qu'il est très difficile de soutenir plus tard que le client n'a pas compris ses droits, quand on sait combien ces formulaires sont complets.

À mon avis, le public a l'impression que les adolescents connaissent leurs droits, comme si c'était, soit dit en passant, quelque chose de mauvais ou de négatif. Qu'il s'agisse d'adultes ou de jeunes contrevenants, tous devraient être informés de leur droit de ne rien dire et de leur droit de retenir un avocat. C'est la loi. C'est cependant une chose de connaître ce droit et une autre de le comprendre. C'est très bien de savoir que vous avez le droit de parler à un avocat, mais encore faut-il savoir comment exercer ce droit.

Je vais vous donner un excellent exemple de ce problème qui montre très bien le genre d'adolescents que je représente. J'étais un jour au tribunal de la jeunesse à North York. Un adolescent de 16 ou de 17 ans est venu me demander si j'avais vu son avocat. J'ai répondu: «Qui est ton avocat?» C'était Brian Scully. Je lui ai dit: «Non, je ne l'ai pas vu, mais pourquoi ne lui téléphones-tu pas?» Il m'a répondu qu'il n'avait pas son numéro de téléphone. J'ai dit: «Pourquoi ne consultes-tu pas l'annuaire?» J'ai donc envoyé l'adolescent à la cabine téléphonique près de la porte d'entrée pour qu'il consulte l'annuaire.

Pas mal plus tard, je passais devant les cabines téléphoniques et j'ai vu le même adolescent qui regardait dans l'annuaire. Je lui ai demandé s'il avait téléphoné à Brian et il m'a dit qu'il ne trouvait pas son numéro. J'ai trouvé cela étrange et je suis allée l'aider. Il cherchait sous la lettre «B». Je suis certaine que, si cet adolescent se trouvait au poste de police à 3 heures du matin, il aimerait mieux ne pas téléphoner à son avocat pour demander ses conseils qu'avouer à un policier qu'il ne sait pas comment se servir d'un bottin.

Le deuxième mythe, c'est qu'on devrait abaisser l'âge de la responsabilité et que des enfants d'à peine 10 ans peuvent commettre un meurtre et se soustraire à la justice. Le problème, si l'on modifie la loi pour rabaisser l'âge de la responsabilité à cause de cas d'enfants de 10 et 11 ans qui ont fait les manchettes récemment après avoir commis des crimes graves, c'est que peu importe les changements apportés, il y aura toujours des exceptions. L'enfant de 11 ans qui a fait les manchettes des journaux dernièrement n'a pas été renvoyé chez lui, mais placé en lieu sûr dans une institution psychiatrique. Il y a d'autres mesures législatives qui permettent de s'occuper de ces enfants. Le problème, c'est que si l'on réduit l'âge de la responsabilité et que l'on intègre des enfants de plus en plus jeunes dans le système, ce sera de plus en plus difficile de les en faire sortir.

Par exemple, une de mes clientes avait 12 ans quand elle a été accusée d'avoir causé des dommages pour moins de 1 000$. Elle avait été placée dans un foyer par l'aide à l'enfance parce qu'elle avait été agressée sexuellement par son père. Au foyer, elle avait été mêlée à une bataille dans une salle de bain. Elle et deux autres adolescentes avaient fait déborder la baignoire et cela avait endommagé le plancher et le plafond. Elle a donc été accusée d'avoir causé des dommages matériels et mise en liberté surveillée. Comme condition, elle devait habiter le foyer où l'avait placée le directeur provincial.

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Mais l'une des raisons pour lesquelles elle était dans ce foyer, c'est qu'elle s'enfuyait constamment de chez elle. Elle s'est donc enfuie du foyer et a été accusée de n'avoir pas respecté les conditions fixées. Elle a ensuite été libérée sur cautionnement, mais elle s'est encore enfuie et a été accusée d'avoir violé les conditions de sa libération. Elle ne s'est pas présentée au tribunal le jour prévu parce qu'elle était encore en fuite et elle a donc été accusée de cela aussi.

Sans exagérer, cette adolescente avait un dossier d'une page alors que sa seule infraction était d'avoir été mêlée à une bataille dans une salle de bain.

Je ne suis vraiment pas convaincue que l'on peut empêcher quelqu'un de commettre de crimes graves simplement en réduisant l'âge de la responsabilité. Je crains que l'on ne criminalise les jeunes contrevenants plus tôt et que l'on dépense des milliers de dollars pour arrêter, poursuivre et incarcérer ces enfants. Il serait préférable de dépenser cet argent pour des programmes de traitement à l'intention de ces enfants au lieu de les incarcérer.

Le troisième mythe, c'est qu'on n'envoie pas d'enfants en prison et que, si on le fait, ils pensent que c'est une plaisanterie. S'il m'arrive de voir un client qui préfère la prison à la maison, cela en dit d'habitude plus long sur sa vie au foyer que sur le confort de la prison.

Les clients que je vois ont d'habitude une vie familiale défavorisée où il y a souvent des scènes de mauvais traitements physiques, psychologiques ou sexuels, où les parents assument mal leurs responsabilités, où le niveau d'instruction est faible et où l'on manque de soutien.

J'ai déjà eu un client appelé Perry. Il avait 13 ou 14 ans et il avait été accusé de trafic de cocaïne, ce qui est un crime très grave dans la plupart des centres métropolitains. Perry avait une famille typique. Sa mère prenait du crack. Il recevait très peu de soutien. Sa demande de libération sous caution avait été refusée. Pendant que nous attendions son procès, il m'appelait tous les jours duSt. John's Training School, un établissement de garde en milieu fermé, pour me supplier de l'en faire sortir parce qu'il détestait cet endroit. Je disais à Perry qu'il pourrait sans doute quitter cet établissement, mais qu'il devrait peut-être aller dans un foyer de garde ouverte, si je réussissais à convaincre le juge de l'y envoyer au moment de la détermination de sa peine. Le lendemain, je recevais le même genre d'appel.

Enfin, le 21 décembre, est venu le moment de la détermination de la peine et nous sommes passés devant le juge. J'ai présenté tous mes arguments et j'ai soutenu que Perry ne devrait plus rester dans un établissement de garde en milieu fermé parce qu'il détestait cela, qu'il y avait d'autres considérations et qu'il devrait être placé en garde ouverte.

Le juge s'est tourné vers Perry et lui a demandé: «Que veux-tu faire, Perry?» Il a répondu: «Je veux rester à St. John's.» J'ai eu l'air bien bête!

J'ai obtenu une suspension de la procédure pour demander à Perry ce qui se passait: «Cela fait trois mois que tu me demandes de te faire sortir de cet endroit. Pourquoi veux-tu y rester?» Perry m'a répondu que les pensionnaires de l'établissement accumulaient des points pour des cadeaux de Noël et des privilèges pour Noël. Il n'avait jamais fêté Noël et il voulait rester là où on allait le célébrer.

Voilà le genre de client que je représente.

M. Scully: Fern Weinper, s'il vous plaît.

Mme Fern Weinper (procureur de la Couronne adjoint, ministère du procureur général, gouvernement de l'Ontario): J'ai présenté le programme élargi de mesures de rechange au nom du procureur général en 1994-1995 et j'étais aussi chargé d'appliquer le projet de loi C-37 en Ontario. Je vais vous parler de ma propre expérience à titre de procureur de la Couronne dans le domaine des jeunes contrevenants. Ce ne sont pas nécessairement les opinions du procureur général.

Je vais parler plus particulièrement de certains problèmes reliés à l'application et au fonctionnement de la Loi sur les jeunes contrevenants selon les lignes directrices et je vais aussi faire certaines suggestions quant à la façon dont on pourrait modifier la loi.

Les programmes de mesures de rechange reconnaissent qu'il y a beaucoup d'adolescents qui commettent des infractions relativement mineures et dont on peut s'occuper rapidement et efficacement en dehors du système de justice pénale. À notre époque de restrictions économiques graves, ce n'est plus rentable qu'un procureur de la Couronne comme moi passe toute une journée à présenter des arguments pour un cas de vol à l'étalage. Il faudrait plutôt utiliser ces ressources pour les poursuites dans les cas de crimes graves commis par les adolescents, surtout les crimes avec violence.

Après l'élargissement du programme de mesures de rechange au début de 1995, on a constaté en Ontario une augmentation marquée du nombre de cas où l'on recourait à ces mesures. Cependant, depuis un an, le nombre de cas a diminué et l'on a eu tendance à s'écarter du programme tel qu'il existe maintenant en Ontario.

Nous avons maintenant en Ontario un système qui nous permet de nous pouvons demander au greffier du tribunal de noter qu'il y a une suspension d'instance à la première comparution.

Récemment, des agents judiciaires m'ont téléphoné pour me dire que, à cause des délais pour la reprise des poursuites dans le cas des quelques rares adolescents qui ne respectent pas les sanctions imposées comme mesures de rechange, les adolescents de la région de York ne pourront plus profiter des programmes de mesures de rechange. Nous allons donc punir la majorité des adolescents à cause d'un problème de logistique futur.

À mon avis, il faudrait renforcer l'article 4 et songer à prévoir l'utilisation des mesures de rechange comme premier recours.

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Je propose aussi qu'on modifie l'article 3, la déclaration de principe, surtout à l'alinéa 3(1)d), pour reconnaître la déjudiciarisation pré-inculpation de même que les projets de médiation par les pairs pour donner un peu plus de force aux dispositions à cet égard. Nous avons constaté dans la province que les programmes de déjudiciarisation pré-inculpation et de médiation par les pairs ont eu un effet salutaire et je voudrais donc qu'on modifie la loi à cet égard.

Je recommande aussi un changement au paragraphe 20(8) pour que les dispositions de rehaussement de la peine du projet de loi C-41 puissent s'appliquer aux jeunes contrevenants. D'après le profil de ceux qui commettent des crimes motivés par la haine, des adolescents peuvent commettre de tels crimes, qu'ils soient ou non visés par la Loi sur les jeunes contrevenants.

À mon avis, il n'y a aucune raison de faire des distinctions pour les adolescents qui sont visés par la Loi sur les jeunes contrevenants. Le crime motivé par la haine doit toujours être un facteur dans la détermination de la peine. Cependant, selon moi, le fait d'incorporer les dispositions d'augmentation de la peine du Code criminel à la Loi sur les jeunes contrevenants aurait un effet dissuasif général.

Pour ce qui est du transfert présomptif au tribunal pour adultes, nous n'avons bien sûr pas encore eu le temps de voir comment cela fonctionnait. Je note cependant qu'il n'y a aucune limite de temps prévue expressément dans l'amendement dans les cas où un adolescent de 16 ou 17 ans accusé de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire ou d'agression sexuelle avec circonstances aggravantes voudrait demander que son cas soit entendu par le tribunal pour adolescents. On peut donc dire que rien dans l'amendement n'empêcherait un adolescent de présenter une telle demande aux termes de l'alinéa 16(1.01).

Il pourrait par exemple y avoir un problème au beau milieu de l'audience préliminaire dans le procès, quand toutes les preuves ont été présentées. Il faudrait un amendement pour fixer des délais dans les cas de demandes de ce genre.

Relativement à l'article 56, bien sûr, ma perspective des déclarations faites par les jeunes est celle d'un procureur de la couronne. Selon le libellé actuel, c'est vraiment tout ou rien. Cela montre bien les conséquences qu'il y a à prévoir dans la Loi sur les jeunes contrevenants, les mêmes sauvegardes officielles et de procédures que pour les adultes. Dans bien des cas, des accusations graves sont rejetées parce qu'on n'a pas respecté un aspect de l'article 56. À mon humble avis, l'article 56 donne aux adolescents l'impression qu'ils sont simplement de jeunes contrevenants et qu'ils peuvent donc s'en tirer indemne et que rien ne risque de leur arriver.

À mon humble avis, l'article 56 est trop restrictif, surtout dans le cas d'adolescents de 16 et17 ans. Quelle différence y a-t-il entre un adolescent de 17 ans qui tue sa mère, son père et sa soeur la veille de ses 18 ans et fait ensuite une déclaration avouant sa culpabilité, laquelle est jugée par la suite inadmissible, et le même contrevenant un jour plus tard?

Selon moi, le comité devrait songer sérieusement à permettre une analyse aux termes de la charte, conformément au paragraphe 24(2), avant qu'un juge puisse rejeter ou accepter une déclaration aux termes de l'article 56, au lieu que ce soit tout l'un ou tout l'autre.

Pour ce qui est de la protection de la vie privée des adolescents, le paragraphe 38(1.13) nous permet maintenant de divulguer des renseignements, surtout aux conseils scolaires, pour s'assurer que les conditions d'une libération sous caution, d'une mise en liberté surveillée ou d'une libération conditionnelle avec surveillance soient respectées ou encore pour garantir la sécurité du personnel, des étudiants et d'autres personnes. Cependant, pour une raison ou une autre, l'amendement ne s'applique pas aux autres genres d'ordonnance. Cela veut dire que nous ne pouvons rien faire. Nous ne pouvons pas avertir l'école si le tribunal rend une ordonnance d'interdiction pour la possession d'arme, une ordonnance de service communautaire à l'école, une ordonnance de non- communication, et ainsi de suite. Nous ne pouvons rien faire et je voudrais qu'on modifie la loi à cet égard.

Enfin, à cause du libellé des dispositions sur la divulgation des dossiers à l'article 44.1, la Couronne ne peut pas divulguer des renseignements sur le dossier au tribunal pour les jeunes d'un coaccusé ou d'un témoin qui a un casier judiciaire. L'arrêté de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. contre Stinchcombe, de même que le rapport du comité Martin de l'Ontario sur les pratiques de la Couronne avant le procès établissent que c'est le genre de renseignements que nous devrions fournir à l'avocat de la défense. Ce serait très simple de modifier l'article 44.1 pour nous autoriser à divulguer ces renseignements sans être obligés de prier l'avocat de la défense de demander au tribunal une autorisation de divulguer ces renseignements quand il ne sait pas du tout de qui nous voulons parler.

Je vais m'arrêter là. Cela fait probablement cinq minutes.

M. Scully: Merci beaucoup, Fern.

Comme nous manquons de temps, je serai très bref. C'est difficile pour un avocat de la défense de parler après un procureur de la couronne aussi éloquent. Je ne suis certes pas d'accord avec certaines des choses que Fern vous a dites.

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Je voudrais parler de l'article 56 et de ce que le Parlement fédéral pourrait faire pour éduquer le public au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants. J'espère bien que votre comité recommandera un programme pour renseigner le public sur les réalités du système. Et il ne s'agit pas seulement du public, mais malheureusement aussi des professionnels qui travaillent au sein du système lui-même.

Fern vous a dit que certains cas graves sont rejetés parce que les dispositions de l'article 56 qui a trait aux aveux ne sont pas respectés. J'ai moi-même constaté que cela se produit uniquement pour les policiers qui ne traitent pas régulièrement de cas reliés à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Il est vraiment consternant de constater l'ignorance des policiers à l'égard de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je vais vous en donner un bon exemple.

Je représentais un adolescent de 16 ans accusé d'un crime très grave, soit d'une agression avec circonstances aggravantes et de vol. Il avait passé trois mois sous garde avant son procès et il avait ensuite été condamné à 15 mois sous garde, neuf mois en milieu fermé et six mois en milieu ouvert. Il a finalement été libéré après avoir purgé 11 mois de cette peine de 15 mois. Sa peine était tout à fait appropriée pour ce qui était un crime très grave.

En quittant la salle du tribunal, la victime ne considérait certainement pas une peine de 15 mois comme étant appropriée. Elle n'avait jamais pu parler à mon client et comprendre son point de vue.

Relativement à l'imposition des peines, j'espère que nous pourrons à un moment donné avoir un système qui permettra la participation de la communauté et qui permettra aussi aux victimes, après les vérifications appropriées, de dire ce qu'elles ressentent en présence de l'accusé et à l'accusé de parler aussi aux victimes.

Pour revenir à mon exemple, un policier qui avait 17 ans d'expérience dans le service a dit à la victime: «Bien sûr, si ce jeune homme avait tué votre mère, votre père et tous les membres de votre famille, la peine maximale qui aurait pu lui être imposée selon la Loi sur les jeunes contrevenants aurait été de seulement trois ans.» C'était il y a deux ans.

Nous plaisantions un peu lui et moi à propos du système de justice plus tard, comme cela arrive souvent à des professionnels, et il m'a dit la même chose. Je lui ai demandé pourquoi il avait dit cela quand ce n'est évidemment pas vrai. Il m'a demandé ce que je voulais dire et j'ai mentionné l'article 16. Il m'a demandé ce qu'était l'article 16 et je lui ai répondu que c'était l'article de la Loi sur les jeunes contrevenants prévoyant le transfert au tribunal pour adultes. Il m'a demandé de quoi je voulais parler. Après 17 années d'expérience, il était gêné de reconnaître qu'il avait arrêté peut-être un millier d'adolescents depuis 1984 et qu'il n'était même pas au courant de l'article de la Loi sur les jeunes contrevenants qui permet le transfert au tribunal pour adultes.

Il m'a ensuite dit que cela l'inquiétait parce qu'il avait l'impression que bon nombre de ses collègues ne comprenaient pas la loi et ne la connaissaient pas.

À mon avis, c'est justement pour cela qu'il peut arriver qu'un policier qui s'occupe normalement d'adultes arrête un adolescent sur la rue, accepte ce qu'il croit être une déclaration, ne respecte pas les dispositions de la loi et voie ensuite la déclaration rejetée.

Comme l'a dit Mavin, il n'y a rien de compliqué aux déclarations selon l'article 56. Il s'agit simplement de remplir les espaces en blanc; cela prend cinq minutes et cela garantit que l'adolescent comprend ses droits.

J'ai peut-être critiqué les policiers, mais ce n'était pas mon intention. Il y a aussi énormément d'ignorance parmi les avocats de la défense, les avocats de la Couronne et même les juges qui n'ont pas l'habitude du tribunal pour les adolescents. Selon moi, le gouvernement fédéral pourrait vraiment jouer un rôle important en collaborant avec les provinces pour renseigner non pas seulement les professionnels, mais aussi et surtout le public sur la réalité du système.

Je voudrais parler d'une autre question sur laquelle je pense que vous pourriez vous pencher. Il s'agit du placement.

Selon les amendements qui ont été proposés à la Loi sur les jeunes contrevenants, un adolescent pourrait être condamné à jusqu'à dix années d'emprisonnement pour meurtre. Selon l'article 16, après le transfert au tribunal pour adultes, un adolescent pourrait être renvoyé au système pour les adolescents, au système provincial ou au système correctionnel pour des périodes pouvant varier.

Il me semble que cela impose des dépenses considérables aux provinces à cause du placement. Cela coûte très cher d'avoir un adolescent dans le système pour jeunes pendant sept ou dix ans par opposition au coût d'un système correctionnel. Il me semble que le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les provinces et prévoir des installations de placement tout à fait spéciales pour les rares adolescents qui feraient partie de cette catégorie.

Je voudrais vous parler d'une réussite qui a suivi une épouvantable tragédie. Je devais représenter l'adolescent qui avait tué une jeune fille d'un coup de fusil au travers d'une porte dans la région de Parkdale à Toronto. Il avait été transféré au tribunal pour adultes, ce qui veut dire, sans doute, que ceux qui sont d'accord avec de tels transferts jugeront que le système avait bien fonctionné dans ce cas-là.

.1530

Dans son cas, il y a eu renvoi au tribunal pour adultes. Il a plaidé coupable à une accusation d'homicide involontaire et il a reçu une peine de 12 ans. On lui a défalqué une année de sorte qu'il devait purger 11 ans.

Il a obtenu son diplôme d'école secondaire pendant qu'il était à Bluewater - car nous avions réussi à l'envoyer là-bas. Pour la deuxième fois, un jeune était placé dans un établissement pour adolescents après être passé par un tribunal pour adultes. L'automne prochain, il fréquentera un collège communautaire car vendredi dernier il a obtenu sa semi-liberté.

Évidemment, nous ne pourrons jamais réparer le tort causé à la famille de la jeune fille tuée mais je vous donne ce cas à titre d'exemple. Je voudrais que vous y réfléchissiez sérieusement car voilà une jeune personne que nous avons gardée dans les établissements pour adolescents et qui s'est réadaptée, qui a confronté son problème de violence et qui s'est attelée à ses études. Tout le monde à Bluewater, le personnel responsable du service correctionnel comme le personnel enseignant, a appuyé sa libération.

Il ne faut jamais oublier que ces jeunes gens vont un jour ou l'autre réintégrer la collectivité. Si nous avions envoyé ce jeune dans un pénitencier, il n'aurait pas eu accès à un traitement - car il n'y a qu'un seul programme pour les délinquants sexuels, à Warkworth - et je prétends qu'il aurait été relâché dans 10, 12 ou 15 ans et qu'il aurait constitué une menace pour la société. Dans ce cas-ci, nous pouvons au moins nous dire que ce jeune se réinsérera dans la société et qu'il ne constituera pas une menace pour elle. À mon avis, nous avons gagné quelque chose.

Diane, voulez-vous faire quelques remarques?

Mme Diane Mandell (directrice des programmes et des communications, Conseil du développement social de l'Ontario): Je suis sûr que vous serez très soulagés quand je vous aurai dit que je serai très brève.

Tout d'abord, au nom des membres du Conseil de développement social de l'Ontario, je tiens à remercier les membres du comité de nous avoir invités. Les greffiers du comité m'ont fourni de l'aide et je les en remercie et je remercie tout particulièrement Brian qui a présidé la table ronde pour son appui indéfectible au fil des ans. Je tiens aussi à remercier tous ceux qui ont participé à cette table ronde. Nous sommes tous d'accord, je pense, l'expérience a été très enrichissante.

Permettez-moi de vous faire part d'une réflexion personnelle. Elle m'est venue quand j'ai entendu le nom de la salle de réunion, la salle de bal Winston Churchill. Permettez-moi de paraphraser cet homme illustre. Aujourd'hui, nous vous avons demandé de nous fournir les outils nous permettant de faire notre travail, mais j'espère que cette ouverture est une avenue à deux voies et que notre rencontre vous aura donné les outils nécessaires pour faire votre travail également, c'est-à-dire préparer un rapport qui va réaffirmer les principes qui sous-tendent la loi, un rapport où l'on mettra de l'avant la prévention, l'appui aux enfants et à leurs familles, les mesures de réadaptation et de traitement en cas de récidivisme. Merci beaucoup.

La présidente: Merci.

Cette séance a été assez intense et nous avons obtenu une grande quantité de renseignements. Je sais qu'il y aura beaucoup de questions et que nous devons entendre un autre groupe. Voilà pourquoi je vais prendre une décision unilatérale et réduire le temps de parole à sept minutes afin que les trois partis puissent s'exprimer.

Madame Venne.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): N'ayez aucune crainte dans mon cas, madame la présidente. Ce sera peut-être à ma gauche que vous aurez des problèmes.

Je m'excuse, mais mon avion était un peu en retard et je n'ai pas pu entendre les quatre premières personnes.

Somme toute, d'après ce que j'ai entendu, vous nous dites que, dans certains cas, il n'y a pas de système judiciaire pour les jeunes. D'autres sont venus nous dire que les jeunes devaient être traités comme des jeunes. D'autres disent qu'ils ne veulent pas que les jeunes de 10 ans soient inclus dans la loi et d'autres encore, qu'ils ne veulent pas que les jeunes de 16 et 17 ans en soient exclus.

.1535

Par contre, si je me reporte à ce que j'ai lu dans le Globe and Mail de ce matin et à ce que vous avez probablement entendu ici, vos deux ministres ont des points de vue presque diamétralement opposés au vôtre. Comment allez-vous faire pour vous ajuster à ce que vous avez entendu ce matin et comment allez-vous réagir dans les faits, puisque les ministres vous ont dit et nous disent qu'ils veulent évidemment couper les dépenses? On sait qu'ils veulent faire changer la loi, mais pas dans le même sens que vous; ils seraient même d'accord pour en réduire l'âge d'application. Somme toute, ce n'est vraiment pas le même portrait. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Scully, pouvez-vous décider quelle réponse pourrait nous être utile? Je constate qu'il y a environ 30 personnes qui veulent répondre.

M. Scully: Tony propose que je m'y essaie.

Je voudrais dire deux ou trois choses. Tout d'abord, je vais m'en tenir à ce que je peux lire dans le journal le Globe and Mail car je n'étais pas là ce matin quand les ministres sont venus témoigner. Il y a une contradiction flagrante dans la position de Runciman. D'une part, il dit qu'il vous faut vous pencher sur la façon dont on pourrait éviter d'incarcérer les contrevenants non-violents mais, d'autre part, il répète la bonne vieille rengaine qu'il faut être sévère à l'endroit des jeunes.

Tant que l'on ne cessera pas de penser qu'il faut punir en incarcérant, que c'est le traitement qui s'impose, il sera très difficile de convaincre les juges de se tourner vers autre chose que cette notion de garde. Il faut un renversement total de l'attitude que nous adoptons à l'égard des jeunes. Les contrevenants violents dangereux devraient être incarcérés. Encore une fois, il y a le placement en établissement. Nous devrions être prêts à dépenser un peu d'argent pour améliorer ces installations.

Voici la contradiction: Il dit qu'il faudrait que les contrevenants non violents ne soient pas mis sous garde mais l'autre ministre, le procureur général, avec lequel il est associé, propose une réduction du programme de mise en liberté. Or, ce programme vise précisément les contrevenants non violents que l'on veut faire sortir des établissements.

Il semble qu'il n'y ait pas d'approche globale. Ce qui est tout à fait frustrant dans cette province c'est que d'un côté on dit une chose alors que les politiques adoptées bien souvent la contredisent. Personne n'essaie de cerner le tableau d'ensemble, de calculer le coût de la garde, de songer à des programmes de remplacement pour que les gens puissent continuer de travailler et de vivre au sein de leurs familles - et je parle ici autant des jeunes que des adultes.

Je ne sais pas si cela répond à votre question. Nous espérons que le comité ne se rendra pas à leur requête. C'est ce que je souhaite et je pense que la majorité des gens autour de cette table le souhaitent également. Je ne peux toutefois pas me prononcer au nom de Fern qui a peut-être une opinion différente.

Mme Weinper: Permettez-moi de vous donner mon opinion personnelle. Récemment, on s'est beaucoup inquiété des infractions commises par de très jeunes enfants. J'exhorterais le comité, plutôt que de recommander de rabaisser l'âge, à envisager un moyen terme, c'est-à-dire à confier la décision au cas par cas à la discrétion du procureur général. Je ne sais pas si vous envisagez d'abaisser l'âge et je ne pense pas que ce soit nécessairement la solution. Toutefois, si vous y songez, réfléchissez à la possibilité de laisser au procureur général le soin de décider s'il poursuivra des enfants de 10 et 11 ans, plutôt que d'imposer un mécanisme rigide.

La présidente: Madame Venne, il vous reste deux minutes.

[Français]

Mme Venne: Ma dernière question porte sur les médias. Je ne vous ai pas beaucoup entendu parler des médias, et pourtant ce sont eux qui influencent la population et qui, souvent, montent en épingle les cas et font en sorte que les gens réagissent assez défavorablement à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Est-ce qu'on ne pourrait pas essayer de les orienter autrement? Ils prennent toujours les cas les plus scabreux pour leurs papiers, pour leurs cotes d'écoute, pour la vente de leurs journaux. Selon vous, est-ce qu'on peut faire quelque chose face aux médias?

.1540

[Traduction]

M. Scully: Je pense qu'il vaudrait mieux que je laisse à quelqu'un d'autre la chance de répondre. Voulez-vous le faire?

Le professeur Doob: Oui. Je pense que la question de l'intervention des médias est très importante. Voici d'où vient en partie la difficulté: Les médias se concentrent sur des cas particuliers et d'après les études qui ont été faites, du moins ici à Toronto, on constate que les médias se concentrent sur un très petit nombre de crimes très graves. En fait, et c'est ironique, si les gens pensent que les dispositions sur la Loi sur les jeunes contrevenants ne sont pas assez sévères, c'est parce qu'ils ne sont absolument pas renseignés par les médias sur ce qui se passe dans les tribunaux pour adolescents, de sorte que la conviction générale est que les tribunaux pour adolescents ne sont pas assez sévères.

Par exemple, à Toronto, l'été dernier, on a beaucoup entendu parler de la criminalité chez les jeunes. Dans les trois quotidiens, on a pu lire sur une période de trois mois, 12 articles sur les décisions prises au tribunal pour adolescents. Dans la plupart des cas, il s'agissait de meurtres et dans tous les cas de crimes violents. Si les gens ont donc une opinion sur les tribunaux pour adolescents et s'ils croient qu'ils ne sont pas assez sévères, je crains que ce soit à cause de ce qu'ils entendent dire par bien des gens à propos des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants. On aboutit donc à une piètre analyse de l'information car les gens ne font que répéter ce qu'ils entendent. Si on leur demande pourquoi ils croient que les décisions des tribunaux pour adolescents sont trop indulgentes, ils répondent que c'est parce que tout le monde le dit. Il ne s'agit donc pas vraiment d'une opinion fondée sur quoi que ce soit.

Nous avons fait un travail préliminaire ici à Toronto et nous avons constaté qu'en fait les gens étaient beaucoup plus favorables qu'on ne le croyait aux décisions prises par le tribunal pour adolescent.

La présidente: Merci, madame Venne.

Monsieur Ramsay, vous avez sept minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier tous ceux qui participent à cette table ronde cet après-midi.

Je poursuis dans la même veine que Mme Venne, la question des médias.

Je ne pense pas qu'il faille blâmer les médias. Ce qui inquiète dans le cas de la criminalité des jeunes, c'est la souffrance qu'elle laisse au sein de la famille immédiate des victimes et dans la collectivité. Les médias rapportent un accident un jour mais le lendemain, la suite ne fait pas la une. À mon avis, ce n'est pas ce qui est inquiétant... Certains ont rappelé aujourd'hui - d'autres témoins nous l'avaient dit - que les médias ont tendance à créer des mythes.

Non, ce que l'on retient, c'est la véritable souffrance causée par les 42 meurtres commis l'année dernière. Si les statistiques se révèlent justes, il y en aura 30 ou 40 autres commis par de jeunes contrevenants cette année. Voilà pourquoi le public s'est tellement inquiété de la criminalité chez les jeunes et voilà pourquoi il réclame qu'on y mette un terme.

Quand, au comité directeur, nous avons songé à une discussion table ronde de ce genre, je voulais que nous abordions trois sujets: tout d'abord le dépistage et l'intervention précoce; d'autre part, bien entendu, les mesures de rechange dans le cas de contrevenants non violents...

La présidente: Puis-je vous interrompre? Je voudrais apporter un complément d'information, monsieur Ramsay.

Au comité directeur, nous avons parlé d'un forum national et nous n'en sommes pas encore là.

M. Ramsay: Excusez-moi. Effectivement, c'est au forum national... Nous allons tenir un forum national sur la question. J'espère qu'à cette occasion nous disposerons de plus de temps que cet après-midi car j'aimerais beaucoup m'entretenir plus longuement avec vous, mesdames et messieurs.

Quoi qu'il en soit, quand il s'agit de dispositions législatives visant les jeunes, il faudrait avant tout songer au dépistage et à la prévention précoce. C'est ce qui se fait au Québec. Là-bas, on consacre les ressources financières nécessaires à ces aspects-là et on constate une différence. Nous devrions donc y songer. Il y donc les infractions non violentes commises par des jeunes et la possibilité de recourir à des mesures de rechange, d'offrir de l'aide aux jeunes contrevenants, comme ce jeune de 11 ans qui est accusé d'avoir violé une jeune fille de 13 ans. D'après les rapports de police que nous avons pu lire dans la presse, le comportement de ce jeune avait été signalé à maintes reprises, mais les autorités ne pouvaient rien faire dans son cas.

.1545

Je préconise de rabaisser l'âge. En fait, le vice-doyen de la faculté de droit de l'Université Queens, le professeur Bala, recommande également que l'on rabaisse l'âge. Ce n'est pas que nous voulions que les jeunes gens soient gardés en milieu fermé mais plutôt parce que nous souhaitons réunir les conditions nécessaires pour cerner les besoins d'un sujet en particulier et garantir qu'il obtiendra l'aide lui permettant de se réadapter.

Bien sûr, ce n'est qu'un petit pourcentage de jeunes qui commettent des crimes violents. Que faire dans ces cas-là? Que faire au bout de trois années quand le sujet doit être relâché sans avoir été réadapté, et que, de l'avis des professionnels, il est susceptible de récidiver et de blesser quelqu'un, de l'assassiner ou de l'attaquer?

Voilà certains des problèmes que le comité doit aborder dans ses recommandations. J'ai pris autant de notes que je le pouvais au cours de la discussion et bien entendu, nous pouvons toujours consulter le compte-rendu. Nous allons nous y reporter au moment de la rédaction de notre rapport mais je pense que sont là les questions majeures.

Il faut se garder d'établir un mécanisme rigide pour tenir compte d'un petit pourcentage de jeunes contrevenants violents car cela ne saurait s'appliquer qu'aux contrevenants non violents ou encore aux jeunes qui sont les laissés pour compte du système d'éducation, ceux qui perdent l'estime de soi et qui commettent des méfaits à l'école et ailleurs, ce qui les amène tôt ou tard à commettre des crimes. Selon moi, il est absolument futile de discuter et de s'opposer à une cause que nous devrions tous embrasser.

J'aurais beaucoup de questions à vous poser, mais je n'en ai pas le temps. Je tenais toutefois à faire ces remarques-là. Je pense que nous devrions nous pencher sur ces trois aspects en particulier. Ces 10 milliards de dollars que nous dépensons en fin de parcours, nous devrions songer à les consacrer à des mesures de prévention afin d'empêcher que les jeunes commencent à avoir des démêlés avec la justice.

On nous a présenté certains programmes qui me permettent d'être très optimistes. Je songe notamment à celui de l'installation minière de Sydney, en Nouvelle-Écosse. Ce programme en particulier connaît énormément de succès et aide véritablement les jeunes qui se sont écartés du droit chemin et qui ont eu des démêlés avec la police. Comme nous quittions ces installations-là, j'ai demandé très rapidement au responsable, - car nous sommes toujours bousculés - ceci: «Si le programme connaît beaucoup de succès, il y aura beaucoup de résistance de la part des autres composantes du système de justice pénale car on ne verra pas d'un bon oeil les changements au statu quo, puisque les empires qui se sont créés, les emplois et le gagne-pain de certaines gens en dépendent.» Il m'a répondu: «Oui, cela commence déjà à se faire sentir».

Nous allons donc faire face à de véritables difficultés quand nous voudrons modifier l'industrie judiciaire - et je songe tout autant au système pour adultes ici - qui représente 10 milliards de dollars par année. Il faut changer les attitudes, la façon d'aborder le problème. Mais selon moi, les trois secteurs que j'ai cités sont ceux où il faut se concentrer et c'est là qu'il faut consacrer nos ressources.

Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Ce matin, nous avons entendu le témoignage deMM. Harnick et Runciman. Vous n'étiez pas là mais vous êtes nombreux à avoir lu l'article paru dans le Globe and Mail ce matin. Même s'il n'est pas exhaustif, il résume assez bien ce qui a été dit ce matin.

Par votre intermédiaire, monsieur Scully, je voudrais savoir si vous pensez que ce que nous avons pu lire dans le Globe and Mail de ce matin concernant les rapports du procureur général et du solliciteur général reflète la position des fonctionnaires, des experts qui travaillent à leur ministère respectif à Queen's Park? Pensez-vous au contraire que ce qu'ils affirment va à l'encontre de ce que les experts pensent, voire ce que les responsables politiques affirment?

.1550

M. Scully: La question est difficile et je vous répondrai que j'ai effectivement lu l'article du Globe and Mail ce matin. J'étais au tribunal, ici en ville, et j'ai rapporté à cinq procureurs de la Couronne, dont deux ont une certaine ancienneté, ce que leur ministre était censé vous dire aujourd'hui. Aucun d'entre eux n'était d'accord quant à l'âge et à l'autorité des parents et tous ont déploré le fait qu'il semble que le programme de mise en liberté soit sur le point d'être abandonné.

Je ne vous donnerai pas leur nom. Je reviens à ce que je disais tout à l'heure. J'ai l'impression qu'il n'y a pas de vision globale de la question et que l'on se soucie davantage de supprimer un programme après l'autre sans toutefois se soucier des conséquences. On l'a dit dans le cas du programme de mise en liberté, la surveillance ne coûte à peu près rien et les jeunes restent au sein de leur famille. Ils restent dans la collectivité.

Paula Teeter et son organisation s'occupent des enfants dont les familles ont besoin d'appui. Dans le cas de certaines familles, elles hésitent à reprendre leur enfant car elles estiment qu'il a besoin de counselling et de surveillance et elles veulent pouvoir compter sur une certaine aide. C'est l'organisation de Paula qui s'en occupe, et ce avec beaucoup de compétence.

Je pense qu'il serait tout à fait regrettable que les politiques que les ministres vous ont présentées soient reprises par le comité.

M. Gallaway: D'accord, mais permettez-moi d'insister. Je vais citer les paroles mêmes deM. Runciman - tirées de son discours - par lesquelles il signale l'insuffisance des peines imposées aux jeunes contrevenants:

Êtes-vous d'accord avec lui?

M. Scully: Le professeur Doob pourrait très bien vous prouver que les tribunaux pour adolescents imposent aux jeunes des peines plus longues que les tribunaux pour adultes qui jugent des adultes coupables de la même infraction.

Est-ce que quelqu'un a demandé si l'un ou l'autre de ces témoins-là étaient déjà allés à un tribunal pour adolescents? Je pense que la question aurait été intéressante. Je pense que si ceux qui critiquent le système allaient au tribunal, ils constateraient qu'un grand nombre de jeunes s'y présentent tous les jours et que nombreux sont ceux qui sont placés sous garde. C'est renversant. C'est là le problème, et non pas l'inverse, les jeunes qui bénéficient de peines indulgentes.

M. Gallaway: Je peux vous dire que M. Harnick, à plus d'une reprise, nous a dit que c'était le maire Lastman qui le renseignait. Vous ne savez pas qui sont ceux qui renseignent M. Runciman?

M. Scully: Non. Certainement pas. Je ne pense pas que qui que ce soit autour de cette table...

M. Gallaway: Excusez-moi si mes questions semblent tendancieuses.

Madame Weinper, vous-même, comme Mme Beamish et d'autres avocats, avez parlé de la criminalisation à outrance du comportement des jeunes. Je ne sais pas si c'est vous qui avez dit cela précisément. Comme procureur de la Couronne, vous impose-t-on des consignes quant à ce qui est tolérable, à la limite entre accusation et non-lieu? Je pense que c'est vous qui avez dit qu'au cours de l'année dernière, il semble que le nombre de jeunes contrevenants à avoir des démêlés avec la justice avait augmenté.

Mme Weinper: Il faut vous dire qu'il appartient à la police de déterminer s'il y aura accusation ou non. Il appartient à la police de porter des accusations quand elle estime avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise. Toutefois, quand le ministère public revoit une question dans le but de déterminer si des mesures de rechange s'imposent, il faut se reporter à un manuel de politiques et de procédures - à la rédaction duquel j'ai participé - et les consignes qui s'y trouvent s'appliquent à l'échelle de la province. Cela a été fait par souci d'uniformisation dans la province.

Ce que l'on dit concernant les mesures de rechange à l'intention des jeunes contrevenants reflète sans doute l'attitude qui prévaut dans la collectivité et cela influence le ministère public quand il examine une affaire. Néanmoins, il existe bien un manuel de politiques et de procédures que nous devons suivre.

.1555

M. Gallaway: Ma dernière question porte sur les droits des jeunes. Certains témoins nous ont dit que les jeunes étaient très impertinents. Quelqu'un ce matin nous a dit que les jeunes riaient de la police car ils savaient que rien ne pouvait leur arriver. Essentiellement, les jeunes se disent que s'ils n'ont pas 18 ans, rien ne peut leur arriver.

Quelqu'un a aussi signalé que les jeunes ne comprenaient pas bien la Charte des droits et qu'ils avaient du mal à comprendre les dossiers du tribunal pour adolescents. Et pourtant, de ce côté-ci de la table, nous entendons beaucoup parler de l'industrie juridique, l'industrie des avocats, de l'industrie de la justice. On nous exhorte à changer le système du tout au tout pour que toute une série de droits conférés aux adultes soient modifiés dans le cas des jeunes.

Que pensez-vous de cela? C'est notre premier témoin qui a signalé que le questionnaire de15 minutes, utilisé par la police régionale de Toronto, n'était pas difficile ou long à remplir.

M. Scully: C'est Marvin qui a parlé des droits et je pense que Michele aussi en a parlé. Michele sait ce que les enfants comprennent de leurs droits.

Mme Wong: Nous entendons dire cela. Je suis renversée, sidérée. D'où tirent-ils cela? Nous avons affaire à des enfants tous les jours. Tous les jours un nouveau client se présente à mon bureau.

Pour ce qui est de rire de la police, quant à moi, je n'en rencontre pas beaucoup au tribunal qui rient de la police. Ils viennent peut-être en tenue décontractée, avec des casquettes de baseball, arborant un air buté, que parfois nous trouvons menaçant, mais il n'en demeure pas moins qu'ils ont été arrêtés et que la procédure suit son cours. Beaucoup de ces jeunes sont sous garde et s'ils sont relâchés, leur libération est assortie de nombreuses conditions. Pour ma part, je n'ai pas constaté cela, honnêtement.

Ils se tournent vers moi pour obtenir des conseils et c'est parfois exagéré. Il faut être très prudent avec les jeunes car ils sont facilement influençables. Il faut que je m'assure que ce qu'ils me disent vient bien d'eux-mêmes.

Je ne sais pas où vous prenez ces idées là. Du point de vue du policier ou du parent, il y a peut-être un problème d'attitude mais quant à moi je n'en vois pas.

Pour ce qui est de l'aspect «industriel», je vous dirai que la plupart des avocats ont choisi cette profession parce qu'ils voulaient bien servir leurs clients. Je ne pense pas que ceux qui ont choisi de représenter des jeunes clients l'aient fait parce qu'ils trouvent cela lucratif, pour s'enrichir. Nous le faisons parce que nous nous préoccupons de cette clientèle là, parce que nous nous préoccupons des jeunes.

Tous ceux qui sont présents aujourd'hui ont mis le temps qu'il fallait pour découvrir le beau côté des jeunes. Je trouve qu'il est difficile de défendre des jeunes quand on ne les aime pas. Parfois il faut fouiller pour découvrir le beau côté d'une jeune personne mais parfois cela n'est pas nécessaire. Moi aussi j'ai entendu les mêmes remarques que vous mais je ne sais pas d'où elles viennent.

M. Scully: Peut-on donner la parole à Michele Peterson-Badali? Je pense que grâce à sa recherche, elle sait ce que les jeunes comprennent de leurs droits.

Mme Peterson-Badali: Je voulais dire tout à l'heure que c'est bien beau de décliner ses droits à un jeune, ou même de lui expliquer ce qu'on vient de lui lire, mais les adolescents ont beaucoup de mal à comprendre la fonction et la signification des droits. En d'autres termes, quand un jeune renonce à son droit au silence, il ne comprend pas toujours que la police va immédiatement prendre une déposition. Il faut donc que les jeunes comprennent mieux leurs droits dans un contexte plus général.

Quant à ce que vous disiez du fait qu'ils se rient de la police, je suis d'accord avec Mavin. Je ne pense pas que ce soit très courant. Même quand cela se produit, nous disons, nous psychologues, que bien souvent les enfants effrayés réagissent de façon très inattendue. Ce qu'ils montrent à l'extérieur n'a pas souvent grand chose à voir avec ce qui se passe à l'intérieur et en réalité, ils sont très effrayés.

Nous avons fait une étude avec des enfants qui venaient de quitter le tribunal après avoir entendu la décision d'un juge du tribunal pour adolescents. Nous avons demandé ce qu'était la décision dans leurs cas. Ils nous ont demandé ce qu'était une décision. Voilà ce qu'ils comprennent de la situation. Ils nous ont dit que la partie la plus effrayante de tout le processus était la comparution au tribunal. Ils ne traitent donc pas cela à la légère et voilà pourquoi je pense que c'est un mythe. Les gens aiment à raconter cela.

.1600

Mme Wong: Je passe en entrevue tellement de clients qui n'ont aucune connaissance de leur casier judiciaire. Je demande à un jeune ce qui s'est passé lors de son dernier procès, et il dit qu'il s'en est sorti. Je lui demande, qu'est-ce que tu veux dire? Il répond qu'il a été mis sous probation.

Les conditions sont assez approfondies et complètes. Je ne crois pas qu'ils s'en servent pour contourner le système, pour s'en sortir, mais ils ne comprennent pas la différence entre la garde en milieu ouvert, la probation, une peine de substitution, une amende, et l'absolution sous condition, telles qu'elles existent en ce moment. Je crois que leur capacité de décrire ce processus est limité par leur perception, et non par leur arrogance ou parce qu'ils pensent avoir réussi à contourner le système. On leur assigne un agent de probation, et ils ont donc un couvre-feu. Ils n'ont certainement pas réussi à s'esquiver.

Le président: J'aimerais vous remercier beaucoup de votre participation. J'ai l'impression que les membres vont se précipiter pour vous poser des questions particulières à votre sortie, et donc on va leur laisser faire. Mme Torsney me foudroie du regard, et je sais qu'elle a quelques questions à poser.

Le prochain groupe arrive, et nous allons devoir libérer la salle, mais j'aimerais vous remercier de tout coeur. Cette semaine, et plus tard aussi, nous allons en entendre d'autres parmi vos collègues. Merci encore.

La séance est levée.

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