[Enregistrement électronique]
Le mardi 11 juin 1996
[Traduction]
La présidente: Je tiens à souhaiter la bienvenue au commissaire à la magistrature fédérale,M. Goulard, ainsi qu'au sous-commissaire à la magistrature fédérale, M. Guay. André Gareau est-il là lui aussi?
M. Guy Goulard (commissaire à la magistrature fédérale): Oui, il est là à titre d'observateur.
La présidente: Je vous souhaite la bienvenue.
Je crois savoir que vous avez un exposé à faire. Vous pourriez peut-être nous le présenter, mais nous vous saurions gré de nous laisser du temps pour vous poser des questions.
M. Goulard: Vous pouvez en être sure.
Madame la présidente, honorables députés, je suis le Commissaire à la magistrature fédérale, depuis deux ans environ. Je suis accompagné de maître Denis Guay qui est sous-commissaire depuis 1989.
Nous sommes heureux et honorés d'avoir l'opportunité de vous informer du mandat, de la mission et de l'organisation de notre Bureau. Je propose donc de vous faire une présentation assez courte concernant notre Bureau et nos activités, après quoi nous serons heureux de répondre à vos questions. Plus précisément, M. Guay répondra à vos questions concernant directement les traitements et les indemnités payés aux juges de même que notre programme de formation linguistique. Je répondrai moi-même aux autres questions.
[Français]
Notre bureau tel que décrit à l'article 74 de la Loi sur les juges a une triple mission.
Premièrement, nous voyons à l'application de la Partie I de la Loi sur les juges, qui comporte l'administration, et les traitements et indemnités payés aux juges de nomination fédérale.
Deuxièmement, nous avons le mandat d'établir le budget et de prendre les mesures d'ordre administratif qui s'imposent pour la Cour fédérale, la Cour canadienne de l'impôt et le Conseil canadien de la magistrature.
Finalement, la loi prévoit que le bureau accomplit les missions que le ministre lui confie dans le cadre de la compétence du ministre pour la bonne administration de la justice au Canada.
Notre bureau est responsable de l'administration d'une enveloppe budgétaire d'environ250 millions de dollars, ce qui représente en grande partie les traitements et indemnités des juges de nomination fédérale ainsi que les montants octroyés à leurs survivants et aux juges à la retraite. Nous avons un effectif d'environ 40 employés répartis dans cinq divisions.
Premièrement, il y a le Secrétariat des nominations à la magistrature.
La loi exige des candidats à la magistrature qu'ils soient membres en règle du barreau d'une province ou d'un territoire depuis au moins 10 ans. Cela peut comporter quelques-unes de leurs années en tant que juges de nomination provinciale. Les intéressés doivent remplir la Fiche du candidat, document fourni par notre bureau à cet effet.
Les candidats sont par la suite évalués par un des 15 comités à travers le Canada. Ces comités ont été créés par le ministre de la Justice en 1989.
Un comité est établi dans chaque province et chaque territoire, et il y a deux comités additionnels pour l'Ontario et un comité additionnel pour la province de Québec. Ces comités additionnels ont été créés parce qu'il y a un grand nombre de demandes de candidats dans ces provinces et aussi afin d'assurer une meilleure représentation régionale dans le processus d'évaluation.
Chaque comité est formé de sept membres: un juge, trois avocats et trois membres représentant la communauté, qui ne sont pas des juristes.
Dans chaque province, le juge en chef, le procureur général, le barreau de la province ainsi que la division provinciale de l'Association du Barreau canadien sont invités à fournir une liste de noms. Le ministre choisit un candidat dans chacune de ces quatre catégories et ajoute trois autres candidats à sa discrétion. Deux des non-juristes ainsi qu'un des avocats sont choisis par le ministre.
Les membres de ces comités, qui agissent à titre de bénévoles, se rencontrent régulièrement. Après avoir consulté les membres de la magistrature, le Barreau et le public en général, ils évaluent les candidats d'après une liste de critères. Ces critères sont principalement la compétence en droit, l'expérience juridique, le caractère du candidat ainsi que son tempérament.
Les comités font un rapport au ministre sur ces candidats; les candidats sont fortement recommandés, recommandés ou ne font l'objet d'aucune recommandation. Le ministre s'est engagé à nommer seulement des candidats qui ont été fortement recommandés ou recommandés.
À titre d'information, pendant l'année 1995, nous avons reçu 519 demandes d'avocats qui désiraient poser leur candidature à la magistrature; les comités se sont réunis à 57 reprises;268 candidats ont été recommandés, soit hautement recommandés, soit seulement recommandés; 376 des candidats n'ont pas été recommandés. Cela indique que 42 p. 100 des candidats ont été positivement évalués et que 58 p. 100 n'ont pas fait l'objet d'une recommandation. En cette même année, il y a eu 72 nominations à la magistrature fédérale.
[Traduction]
Notre deuxième section est celle des services administratifs à la magistrature. Cette section s'occupe de tout ce qui concerne les juges de façon personnelle. Ceci inclut la préparation de tous les documents pour les arrêtés en conseil concernant les nominations, les mises à la retraite, les congés et les périodes additionnelles nécessaires pour les allocations de transfert. Cette section s'occupe également de toute question financière relative aux juges, c'est-à-dire les traitements, les indemnités, à la suite notamment d'audiences, de conférences ou de séances de formation.
La troisième section, celle des services des politiques et gestion. Les divisions du personnel, des finances, des services informatiques et de l'administration font partie de la Direction des services des politiques et gestion. Cette section est responsable de l'élaboration de nouvelles politiques et de nouveaux programmes, tels que notre nouveau projet-pilote de réseau électronique pour la magistrature ainsi que de la mise en oeuvre du programme national de consultation pour la magistrature. Je vous donnerai une meilleure description de ces programmes dans un moment.
La quatrième section est celle des arrêts de la Cour fédérale. Cette section s'occupe de la préparation des motifs de jugement rendus par la Cour fédérale du Canada en vue de leur publication, soit en version intégrale soit en version résumée. Nous sommes mandatés pour publier les recueils des arrêts de la Cour fédérale depuis 1978. Je me dois de mentionner que les recueils de la Cour fédérale seront disponibles sur l'Internet cet automne. Ils iront donc rejoindre les arrêts de la Cour suprême du Canada, qui sont disponibles sur le réseau depuis l'an dernier.
Il convient de signaler qu'au cours du dernier exercice financier nous avons reçu 1 701 arrêts de la Cour, comparativement aux 821 arrêts que nous avions reçus cinq ans plus tôt. Le nombre des arrêts a donc presque doublé en cinq ans.
Nous avons publié 95 arrêts en version intégrale depuis deux ans. La proportion d'arrêts publiés en version intégrale a donc chuté de 13,7 p. 100 à 5,6 p. 100. De même, 440 arrêts ont été publiés en version résumée, comparativement à 607 auparavant. Ainsi, il y a cinq ans, nous publiions les trois quarts des arrêts, soit 74 p. 100, alors que la proportion n'était que de 26 p. 100 l'an dernier. Le nombre de pages est passé de 2 548 à 2 822. Les délais entre le moment où le jugement est rendu et le moment où l'arrêt est publié a été ramené de neuf mois en moyenne il y a cinq ans à 5,3 mois l'an dernier.
L'effectif a par ailleurs été ramené de dix à neuf. Nous sommes donc très fiers du fait que, malgré les compressions budgétaires et la réduction de personnel, nous avons pu réduire le délai, même si, malheureusement, nous avons également dû réduire le pourcentage des arrêts publiés.
La cinquième section est celle de la formation linguistique. Ce programme fut créé en 1978 lorsque la formation linguistique des juges a été transférée de la Commission de la fonction publique à notre Bureau.
L'objectif principal de la formation linguistique consiste organiser des cours destinés à permettre aux juges d'améliorer leurs connaissances des deux langues officielles. Le programme comprend trois genres de cours: formation en anglais juridique pour les juges francophones; la formation équivalente en français juridique pour les juges anglophones; et un troisième programme destiné à aider les juges qui sont francophones mais qui ont reçu leur formation dans les provinces de common law et qui ont généralement été formés uniquement en anglais. Ce programme vise à les familiariser avec la terminologie juridique en français.
En 1995-1996, 253 juges au total ont participé à ce programme, soit 186 juges de nomination fédérale et 67 de nomination provinciale. C'était un bref sommaire de nos domaines d'activités.
J'aimerais maintenant ajouter quelques précisions concernant des projets entrepris récemment afin d'augmenter nos services destinés aux membres de la magistrature fédérale. Le premier vise à assurer l'exploitation optimale de toutes les nouvelles technologies qui sont maintenant à la disposition des tribunaux.
Le Bureau du Commissaire a conçu et mis au point, avec l'aide de l'ATG, l'Agence des télécommunications gouvernementales et le Réseau électronique de la magistrature informatisé, connu sous le nom de REMI, ou de JAIN en anglais. Ce réseau sert de projet pilote en vue d'un réseau bien plus étendu de communication qui devrait éventuellement relier tous les juges nommés par le gouvernement fédéral à travers le pays.
Ce projet est actuellement utilisé par un peu plus de 125 juges et s'est révélé un moyen précieux d'échanges d'informations confidentielles entre eux. Au cours de sa première année d'exploitation, le réseau a permis aux juges de constituer des groupes de discussion sur des sujets d'un grand intérêt pour la magistrature. Il y a notamment été question des recommandations au jury, de l'administration des tribunaux, de la sécurité et d'un certain nombre d'autres questions importantes dont les juges des différentes régions du pays n'auraient pas pu discuter autrement.
Le réseau met également à la disposition des juges un service de courrier électronique confidentiel.
La nouvelle se répand vite au sein de la magistrature et notre Bureau doit faire face à une forte demande tant du point de vue du niveau de service que du nombre des participants. Nous étudions en ce moment les diverses options et le coût nécessaire pour faire passer REMI et un niveau supérieur de technologie.
Nous avons travaillé de concert avec les autorités fédérales et provinciales compétentes à la mise au point du système de vidéoconférences, dont l'utilisation pourra réduire considérablement le coût des déplacements des juges, en temps et en argent. En sa qualité d'intervenant, le Bureau du Commissaire s'est associé avec certaines provinces pour entreprendre des essais de vidéoconférence au prétoire. Nous avons coordonné les efforts de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et des provinces en vue de passer à un stade d'essai qui permette de recueillir des données solides sur les économies qu'une utilisation générale de cette technologie pourrait produire.
Si en fait les économies sont substantielles, comme nous nous y attendons, nous avons l'intention d'en communiquer les résultats à diverses juridictions administratives et judiciaires. Un certain nombre de tribunaux fédéraux ont déjà manifesté leur intérêt pour le projet.
[Français]
La restructuration des services communs centralisés: Nous avons engagé des pourparlers avec des tiers en vue de l'exploitation en commun d'un service central de voyage pour les juges. Ce système consisterait à assurer les services de voyage, y compris les billets d'avion, les réservations d'hôtel et le transport terrestre.
Nous étudions aussi la possibilité d'obtenir pour les juges une carte de crédit de voyage qui leur permettrait d'obtenir des avances en espèces au guichet automatique. Le but de notre implication est de réduire ou éliminer la nécessité pour notre bureau de verser des avances de voyage. Ces initiatives devraient se traduire par des économies substantielles grâce aux économies d'échelle et aussi par des économies directes attribuables à la réduction du coût de financement des avances permanentes et des avances de voyage faites aux juges. En tout temps, environ 900 000$ circulent sous forme d'avances permanentes ou de voyage.
Dans le cadre de cette même stratégie, nous avons conclu avec deux petits organismes ou agences fédérales un accord de prestation de services spécialisés qui leur permettra de tirer profit de notre expérience et de notre expertise et qui leur donnera la possibilité de réduire au minimum les frais administratifs.
Chacun de ces accords, qui prévoient la prestation de services moyennant le recouvrement de fonds, se traduira par des dépenses de fonctionnement plus faibles que si les organismes en question avaient à fournir leurs propres services. L'avantage global proviendra des économies d'échelle. De son côté, notre bureau en tire l'avantage d'être à même d'accroître ses effectifs et, en conséquence, de renforcer certaines de ses sphères vulnérables.
[Traduction]
En ce qui concerne les mesures relatives à la sécurité, j'estime que nous avons de la chance au Canada de ne pas avoir connu ces derniers temps des incidents graves mettant en cause la sécurité, mais il y a quand même eu des menaces. À la demande de certains juges en chef, des discussions ont été engagées au sujet de la sécurité du lieu de travail des juges nommés par le gouvernement fédéral. La GRC s'est engagée à prêter son concours dans la planification des mesures de sécurité, et à faire des exposés en la matière aux juges.
Nous nous sommes mis en rapport avec trois provinces et avec la GRC en vue d'obtenir leur aide dans ce domaine. Nous avons obtenu et distribué aux juges en chef des provinces le Court Security Guide rédigé par le National Center for State Courts, de Williamsburg.
Enfin, il ne fait aucun doute que le stress auquel sont soumis les membres de la magistrature s'accroît. Pour leur venir en aide, nous avons travaillé de concert avec la Conférence canadienne des juges afin d'en arriver à un accord tripartite entre notre Bureau, la Conférence et Corporate Health Consultants Limited qui met à la disposition de tous les juges nommés par le gouvernement fédéral un programme d'aide aux employés. Ce programme, entré en vigueur en juillet dernier, a été bien accueilli par les juges.
Enfin, le juge en chef du Canada nous a demandé de coordonner la participation des juges nommés par le gouvernement fédéral aux programmes et missions de coopération internationale. Il est prévu que le ministre de la Justice approuvera cette intervention en vertu de l'article 74 de la Loi sur les juges.
À la demande de l'Agence canadienne de développement international ou ACDI, notre Bureau a élaboré un projet concernant la participation canadienne aux efforts de réforme judiciaire de l'Ukraine.
Nous vous remercions une fois de plus, madame la présidente, de nous avoir donné l'opportunité de rencontrer les membres du comité aujourd'hui. Monsieur Guay et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup. Madame Venne, vous avez dix minutes.
[Français]
Mme Venne (Saint-Hubert): Monsieur Goulard, plus tôt, alors que je vous parlais, vous m'avez dit qu'environ 1 000 juges étaient visés par la Loi sur les juges. J'aimerais savoir combien de ces 1 000 juges sont des femmes.
M. Goulard: Nous avons actuellement un total de 987 juges dont 805 qui siègent à temps plein et 182 qui sont surnuméraires. De ce nombre, il y a 157 femmes, soit à peu près 15 p. 100.
Mme Venne: Nous avons du rattrapage à faire.
M. Goulard: Oui, mais on en a déjà fait beaucoup.
Mme Venne: Il en reste encore à faire.
Dans la Partie III du Budget des dépenses principal pour 1996-1997, aux pages 18 et 19, on parle du Conseil canadien de la magistrature. On y dit que le Conseil a pour but de promouvoir l'efficacité et l'uniformité et d'améliorer la qualité des services judiciaires dans les cours supérieures et à la Cour canadienne de l'impôt.
On dit également que le Conseil atteint ses objectifs par quatre grands moyens, dont l'éducation continue des juges. L'éducation continue des juges comporte-t-elle un volet de sensibilisation des juges aux problèmes de justice typiquement féminins?
Il y a aussi la catégorie du traitement des plaintes portées contre des juges nommées par le fédéral. Est-il déjà arrivé qu'on destitue un juge nommé par le gouvernement fédéral? Est-il déjà arrivé qu'on recommande sa destitution?
Si je me souviens bien, selon la Loi sur les juges, on ne peut que recommander de suspendre ou de destituer un juge. J'aimerais avoir des précisions à cet égard.
Je ne me souviens pas exactement de ce qu'on peut faire après qu'un juge est passé devant le Conseil de la magistrature. Quelle serait la sentence, si on peut appeler cela une sentence, ou plutôt la recommandation? Quelle recommandation fait-on normalement? Je ne pense pas qu'on soit allé jusqu'à la destitution, mais j'aimerais que vous me le confirmiez.
M. Goulard: Pour ce qui est de la formation, le Conseil de la magistrature a le mandat de promouvoir et d'encourager la formation des juges. Nous avons au Canada depuis tout près de 10 ans l'Institut national de la magistrature qui est l'organisme principal de formation.
La grande majorité des programmes dispensés par l'intermédiaire de l'Institut et d'autres organismes sont d'abord approuvés par le comité d'éducation du Conseil canadien de la magistrature. Cet organisme a le mandat de vérifier la qualité des programmes. Pour ce qui est de programmes spécifiquement axés sur l'égalité raciale, des sexes ou autre, l'Institut a déjà offert des programmes et le Conseil de la magistrature a commandité l'an dernier une étude spécifique sur ce problème.
Le rapport a été soumis au Conseil et on est train de mettre sur pied un programme qui sera donné à tous les juges du pays par l'Institut de la magistrature afin de promouvoir l'équité et l'égalité et de donner de la formation en cette matière. Ce programme est en voie de développement.
Pour ce qui est du rôle du Conseil de la magistrature dans le domaine de la discipline, notre bureau n'a absolument rien à voir avec toute la question de la discipline des juges. Cela relève entièrement du Conseil. Par contre, je peux répondre à vos trois questions spécifiques.
La loi prévoit la destitution d'un juge seulement à la recommandation du ministre de la Justice, après une investigation du Conseil, par une adresse conjointe à la Chambre des communes et au Sénat. Il n'y a jamais eu de recommandation à cet effet. Donc, il n'y a jamais eu de destitution d'un juge canadien de nomination fédérale.
Mme Venne: Connaissez-vous la moyenne d'âge de vos 987 juges?
M. Goulard: Je ne voudrait pas vous faire perdre de temps, mais c'est quelque chose qu'on pourrait vous donner.
Mme Venne: Oui, s'il vous plaît.
Mon autre question porte sur le projet de loi C-42 dont nous sommes actuellement saisis et qui sera apparemment mis aux voix avant la fin de la semaine. Les choses avancent assez rapidement. Cela concerne une modification à la Loi sur les juges.
Trouvez-vous cela vraiment essentiel et urgent? D'après ce que je vois, on trouve qu'il est urgent d'adopter ce projet de loi. Pensez-vous qu'il y a une urgence quelque part sur le plan international? D'après ce qu'on voit, dans ce projet de loi, on vise le plan international. J'aimerais que vous nous disiez ce qui est vraiment visé, et que vous nous parliez de l'urgence de cela, si urgence il y a.
M. Goulard: Pour répondre à votre première question, oui, il y a urgence. La loi telle qu'elle est écrite maintenant prévoit qu'un juge ne peut s'absenter de son travail pour une période de plus de30 jours à moins d'obtenir un décret lui permettant de s'absenter. Quelle que soit la raison, maladie, congé de maternité ou congé d'étude, nous devons obtenir un décret.
La loi prévoit aussi qu'un juge ne peut être rémunéré pour son travail d'aucune autre façon que par son salaire prévu par la Loi des juges. Ce qui est urgent ici, c'est qu'une de nos juges, Mme la juge Louise Arbour de la Cour d'appel en Ontario, est invitée à contribuer aux efforts du Tribunal pénal international des crimes de guerre à La Haye, en Hollande. C'est un honneur pour le Canada qu'un de ses juges soit invité à servir comme procureur principal à ce tribunal, mais la loi actuelle ne le permet pas parce qu'elle devrait être payée par les Nations unies. Si la loi n'est pas modifiée, cela ne sera pas possible.
Il est important que le Canada puisse contribuer à ces efforts et qu'on puisse permettre à l'une de nos juges d'y aller. Pour ce faire, on doit modifier la loi.
Deuxièmement, actuellement, nous devons passer à travers le processus de décret. Je crois que c'est un abus du processus dans le cas d'un congé de maladie, d'un congé de maternité ou d'un congé d'études. Il est proposé que le juge en chef d'une province ou d'une cour puisse permettre à l'un ou l'une de ses juges de s'absenter pour une raison valable. Ce sera à lui de gérer sa cour de manière à permettre le congé en question.
Il y a aussi quelques autres amendements plus mineurs. Les deux amendements dont je viens de parler sont les principaux.
[Traduction]
La présidente: Très efficace. Monsieur Gallaway.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, madame la présidente.
Monsieur Goulard, je veux discuter avec vous des juges de la Cour fédérale qui sont actuellement en poste. Je crois savoir que le juge qui est en déplacement n'est soumis à aucune limite quant aux dépenses qu'il peut engager pour les hôtels et les repas. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est? Vous avez dit que les juges reçoivent pour 900 000$ d'indemnités.
M. Goulard: Je laisserai à maître Guay le soin de répondre à cette question, même si je voudrais bien le faire moi-même puisque nous avons une bonne réponse à cette question.
M. Denis Guay (sous-commissaire à la magistrature): Il y a en fait des limites aux frais de déplacement des juges. En règle générale, nous ne payons pas plus de 150$ la nuitée. La limite se situe entre 75$ et 150$, selon la localité canadienne et selon les circonstances, notamment les taux de vacance. Il existe aussi des limites pour les repas.
M. Gallaway: Quelles sont ces limites?
M. Guay: Le per diem va de 50$ à 85$.
M. Gallaway: À quoi sert ce per diem?
M. Guay: Il sert à payer les repas et toutes les autres dépenses de la journée.
M. Gallaway: Et le kilométrage? Ils doivent certainement se servir de leurs voitures dans certaines régions de l'Ontario.
M. Guay: Nous appliquons les mêmes lignes directrices que le Conseil du Trésor applique à tous les fonctionnaires. Je n'ai pas les chiffres ici, mais pour un juge qui a une voiture immatriculée au Québec, nous payons 38c. le kilomètre. En Ontario, le montant est un petit peu différent. Les lignes directrices du Conseil du Trésor s'appliquent à tous les fonctionnaires.
M. Gallaway: Si vous deviez envoyer un juge au centre ville de Toronto, quel serait le per diem pour les repas?
M. Guay: Je répète, Il va de 50$ à 85$.
M. Gallaway: Puis-je supposer que le montant serait de 85$ pour Toronto?
M. Guay: Oui, il pourrait être de 85$ à Toronto.
M. Gallaway: Si je pose la question, c'est que, la semaine dernière, nous avons eu droit, en tant que députés, à un per diem de 47,20$, si je ne m'abuse. Il est donc très intéressant de savoir que les juges reçoivent près du double de ce montant.
M. Goulard: Si vous le permettez, je préciserai que la majorité des juges ne demandent à être remboursés que pour les frais qu'ils engagent effectivement. Une minorité de juges ont recours au per diem, et la plupart d'entre eux se limitent à un montant allant de 60$ à 70$. Dans certains cas, le per diem a atteint 85$. Les frais qui doivent être engagés en période estivale dans des villes comme Vancouver, par exemple, sont très élevés; aussi nous acceptons que le per diem aille jusqu'à 85$.
À Toronto, nous maintenons le maximum à 150$ la nuitée. Je le répète, il s'agit d'un maximum. Maître Guay et moi disons aux juges, chaque fois que nous en avons l'occasion, qu'ils doivent être conscients de la situation économique dans laquelle se trouve le pays. Notre chef, le ministre, prêche par l'exemple, et nous devrions suivre son exemple.
M. Gallaway: Je veux vous interroger au sujet du processus de sélection des juges, car c'est une question que les politiques sont souvent appelés à discuter, notamment dans leurs circonscriptions. Il semble que ce processus soit entouré d'un certain mystère, aussi je suis heureux que vous soyez ici aujourd'hui.
Je crois savoir que, quand un membre du Barreau souhaite qu'on envisage sa candidature pour la magistrature, il ou elle présente une demande. Le comité se réunit et examine la demande. Je voudrais que vous me disiez si le comité fait savoir de quelque façon à ceux qui présentent une demande s'ils ont été recommandés.
M. Goulard: Non, le comité fait simplement savoir aux demandeurs s'il est arrivé à une décision, laquelle peut être fortement recommandée, recommandée ou sans recommandation, et qu'il a envoyé la recommandation au ministre. On ne leur dit pas quelle a été la recommandation.
M. Gallaway: Le candidat ou la candidate ne saurait pas dans laquelle des trois catégories il ou elle se retrouve. C'est bien cela?
M. Goulard: C'est cela.
M. Gallaway: Les candidats sont-ils informés de leurs faiblesses s'ils se retrouvent dans la catégorie «sans recommandation»?
M. Goulard: Comme ils ne sont pas informés du résultat, ils ne peuvent pas non plus être informés de leurs faiblesses possibles.
M. Gallaway: Je dois donc supposer qu'il n'existe pas de procédure d'appel.
M. Goulard: C'est juste.
M. Gallaway: Vous avez parlé de ces comités. Je suis moi-même de l'Ontario, alors vous voudrez bien m'excuser. En Ontario, il y a plus d'un comité qui s'occupe des intérêts régionaux. Quel mécanisme de contrôle existe-t-il pour empêcher qu'un membre du comité qui aurait peut-être un parti pris contre un candidat ou une candidate en particulier ne cherche pas à faire rejeter sa candidature? Beaucoup des critères que vous avez énumérés sont quelque peu subjectifs et très difficiles à mesurer. Comment peut-on éviter ce genre de choses?
M. Goulard: Nous devons nous en remettre au professionnalisme des membres des comités. Il n'existe pas de mécanisme pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de parti pris, mais les opinions qui sont exprimées et les jugements qui sont portés le sont après des consultations exhaustives. Dans certains cas, les membres du comité prennent contact avec des dizaines de personnes, par téléphone ou par quelque autre moyen.
J'ai moi-même été secrétaire de quelques comités. Il arrive que les membres de ces comités, parce qu'ils ont des liens d'amitié avec le candidat ou la candidate ou parce qu'ils plaident contre le candidat ou la candidate dans une cause en particulier, se désistent d'eux-mêmes et quittent la salle pendant que la candidature est examinée. D'après ce que j'ai pu constater, les membres des comités s'acquittent de leurs fonctions de façon très professionnelle.
M. Gallaway: Si je vous disais - je ne veux pas laisser entendre qu'il en est toujours ainsi - qu'il existe des factions, des camps ou des divergences d'opinion entre les membres du barreau dans une région donnée, vous n'iriez-pas vérifier? Si, par exemple, je vous écrivais - je ne le ferai pas - pour vous dire que le processus de sélection qui se déroule dans une ville quelconque au Canada est en fait... certains candidats sont écartés ou ne sont pas recommandés, parce que le comité est peut-être soumis à la dominance de certains intérêts, en seriez-vous préoccupé? Que feriez-vous en conséquence?
M. Goulard: J'en serais très préoccupé. Cela ne s'est jamais produit comme tel. Il est toutefois arrivé à deux reprises que le comité soit dans l'impasse ou tout près d'être dans l'impasse, et il y avait manifestement des problèmes. Les deux fois, j'ai donc assisté aux réunions avec le secrétaire afin de souligner à quel point il importe que le processus de sélection soit confidentiel et que l'évaluation soit juste et pour rappeler les critères que j'ai énumérés, à savoir compétence, caractère et tempérament. Tous ces critères sont très importants.
M. Gallaway: Qui s'occupe de faire les appels? Vous avez dit qu'on appelait certaines personnes pour évaluer les candidatures. Qui fait ces appels? Sont-ils faits par les membres du comité ou par des membres du personnel du comité?
M. Goulard: Les appels sont faits uniquement par les membres du comité. Il n'y a pas de personnel comme tel, sauf le secrétaire ou moi, qui sommes là uniquement pour jouer le rôle de secrétaire. Mais nous ne participons aux discussions. Nous ne votons certainement pas. Nous n'exprimons pas d'opinion. Nous prenons simplement des notes et nous rédigeons un précis qui est approuvé par le comité, et c'est à partir de cela que le rapport au ministre est ensuite rédigé.
M. Gallaway: Arrive-t-il que le comité - je connais, bien sûr, la réponse à cette question - interview les candidats?
M. Goulard: Non. Nous prévoyons la possibilité que les candidats soient interviewés, mais depuis deux ans c'est-à-dire depuis le début de mon mandat et du mandat des comités actuels, aucun candidat n'a été interviewé.
M. Gallaway: Y a-t-il déjà eu des candidats qui ont été interviewés dans la période antérieure aux deux dernières années?
M. Goulard: Je crois qu'il y a déjà eu à un moment donné, en Nouvelle-Écosse, quelques entrevues. Il est possible que nous ayons des entrevues à l'avenir, mais il n'y en a pas eu depuis deux ans.
M. Gallaway: Je crois également savoir que, dans le cas d'un candidat ou d'une candidate qui se retrouve dans la catégorie «sans recommandation», il est entendu que le ministre ne nommera pas la personne. Est-ce juste?
M. Goulard: C'est juste. Le ministre s'engage à ne pas soumettre au cabinet le nom d'un candidat qui n'a pas été recommandé.
M. Gallaway: Avez-vous déjà eu des plaintes à ce sujet?
M. Goulard: Non.
M. Gallaway: Ne pourrait-on pas dire qu'en prenant cet engagement envers un comité qui doit lui rendre des comptes, mais qui est plutôt invisible, en réalité, le ministre d'une certaine manière limite sa liberté d'action dans le processus de nomination?
M. Goulard: Une fois que les comités se sont acquittés de leurs tâches, qui consiste essentiellement à faire un tri plutôt qu'à recommander la nomination des personnes jugées recommandables, alors le processus devient carrément politique. Le ministre fera une recommandation au Cabinet, qui prendra alors la décision, laquelle sera confirmée par le gouverneur en conseil. C'est une demande politique.
M. Gallaway: Croyez-vous qu'il serait possible, dans cette société hautement litigieuse dans laquelle nous vivons, que quelqu'un exige un examen judiciaire parce qu'un de ses amis qui siégeait au comité lui a dit que son nom figurait parmi ceux des personnes non recommandées?
M. Goulard: C'est tout à fait possible.
M. Gallaway: Si cela se produisait, comme réagirait votre Bureau?
M. Goulard: Il y aurait alors un examen judiciaire, et nous deviendrions sans doute des témoins dans ce processus. C'est tout ce que nous pourrions faire.
M. Gallaway: Au bout du compte, ceux qui nomment les juges deviendraient des témoins devant les juges?
M. Goulard: Oui. Ce serait, du point de vue d'un avocat, une cause très intéressante.
M. Gallaway: Oui, seulement ceux qui sont nommés. C'est exact.
La présidente: Monsieur Gallaway, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole.
Madame Venne.
[Français]
Mme Venne: Après combien d'années de service les juges nommés par le gouvernement fédéral sont-ils autorisés à prendre leur retraite?
M. Guay: En vertu de l'article 42 de la loi, un juge peut prendre sa retraite quand il a 15 ans de service et 65 ans. À ce moment-là, il reçoit une pleine retraite, soit les deux tiers de son salaire.
Mme Venne: Les deux tiers de son salaire.
M. Guay: Les deux tiers de son salaire au moment où il prend sa retraite.
Mme Venne: Il me semble avoir entendu dire que les provinces accordaient d'autres avantages aux juges nommés par le gouvernement fédéral, comme des voitures, des allocations de voiture, des allocations de participation à des conférences, des allocations d'achat de manuels, des allocations pour l'achat de leur robe de magistrat, etc. Quels avantages les provinces accordent-elles aux juges nommés par le gouvernement fédéral?
J'aimerais également connaître les différences d'une province à l'autre, s'il y en a. Si vous ne pouvez pas me donner ces renseignements maintenant, j'aimerais que vous les fassiez parvenir au greffier du comité pour qu'il puisse les distribuer aux membres. Pouvez-vous répondre partiellement à ma question?
M. Guay: Oui, partiellement. En fait, cela varie beaucoup d'une province à l'autre. Par exemple, les provinces fournissent l'ameublement du juge. Quand vous parlez des livres de droit, des toges, etc., c'est payé à même l'allocation pour les frais accessoires accordée par le gouvernement fédéral.
Mme Venne: Les allocations de voiture existent-elles?
M. Guay: Dans certaines provinces, les allocations de voiture existent pour les juges en chef des différentes cours. Cela varie beaucoup d'une province à l'autre. Nous pouvons essayer d'obtenir des renseignements additionnels, mais c'est la responsabilité des provinces et non la nôtre.
Mme Venne: Je le sais, mais comme c'est en surplus des avantages qu'ils ont déjà, il serait intéressant de le savoir.
M. Guay: Madame Venne, c'est très limité dans plusieurs provinces. Les juges nommés par le gouvernement fédéral sont payés par le fédéral et obtiennent les allocations, les indemnités, les pensions, etc. du fédéral. Ils reçoivent très peu des provinces.
Mme Venne: Donc, si vous obtenez des renseignements...
M. Guay: Il nous fera plaisir de les fournir au greffier.
[Traduction]
La présidente: Madame Torsney.
Mme Torsney (Burlington): Les juges fédéraux sont-ils répartis équitablement dans tout le pays, ou se retrouvent-ils surtout dans quelques grands centres?
M. Goulard: Ils sont répartis de façon assez égale. C'est la loi provinciale qui dicte le nombre de postes de juges dans chaque province. La province de l'Ontario fixe le nombre de juges à la Cour d'appel et à la Division de première instance. C'est la même chose dans toutes les provinces. Ensuite, le gouvernement fédéral fixe le nombre de postes de juges en application de la loi. Généralement, leur nombre est fonction du nombre d'habitants.
Mme Torsney: Il y a donc de nombreux juges en Ontario. Où se trouvent-ils physiquement? À Ottawa, à Toronto?
M. Goulard: L'Ontario a divisé la province en régions judiciaires. Au sein de ces régions, les juges sont affectés à différentes villes. Ainsi, l'Ontario a...
Mme Torsney: Il y a donc un juge à Hamilton...
M. Goulard: Hamilton a ses juges. L'Est de l'Ontario est une région dont les juges travaillent à Ottawa, Kingston, Cornwall, Pembroke, L'Orignal. Ils sont donc assez accessibles à la population en général.
Mme Torsney: Je crois comprendre que la formation des juges, notamment les programmes de sensibilisation aux différences entre les sexes, relèvent de l'Institut national de la magistrature, à qui vous prodiguez des conseils. Je suppose qu'il y a une certaine corrélation.
M. Goulard: Essentiellement, nous sommes les trésoriers. L'institut, pour sa part, assure la formation. Le conseil judiciaire approuve les programmes en vertu de l'article 41 de la Loi. Nous assumons les dépenses liées à la participation à ces programmes, soit par l'Institut national de la magistrature, soit par les tribunaux eux-mêmes ou par l'Institut canadien d'administration de la justice.
Mme Torsney: Ces cours sont facultatifs?
M. Goulard: Oui.
Mme Torsney: Avez-vous fait des entrevues de départ avec des juges qui ont décidé de quitter la magistrature? Gardez-vous des statistiques au sujet des personnes qui quittent la magistrature?
M. Goulard: Avant la retraite?
Mme Torsney: Oui.
M. Goulard: Il y en a eu très peu.
La présidente: Un sur un million.
M. Goulard: C'est une bonne question. En fait, il y en a très peu. Récemment, un juge de la Colombie-Britannique a quitté son poste. Mais il est très rare qu'un juge quitte son poste sans pension de retraite.
Cela se produit de temps à autre. Il y a eu un cas à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique récemment.
Mme Torsney: Vous venez de vous doter d'un programme d'aide aux employés tout récemment, en 1995. Étant donné qu'il y a seulement 15 p. 100 de femmes magistrats maintenant et qu'il y en avait sans doute moins encore récemment - malgré les efforts considérables de notre gouvernement pour faire en sorte qu'il y en ait davantage - il pourrait quand même survenir des problèmes liés aux différences entre les sexes en milieu de travail. Je songe par exemple aux installations, à l'uniforme des juges qui est peut-être fourni uniquement dans les tailles d'hommes, etc. Je me demande si vous faites un suivi, si vous vous intéressez à ces questions. Si c'est le cas, vous avez sans doute relevé des choses qu'il convient d'améliorer et qui devraient faire partie de la formation des juges. Puisque vous financez cette formation, vous voudrez peut-être avoir votre mot à dire à ce sujet. Vous êtes en mesure de faciliter ou de compliquer énormément la vie de certaines personnes. Essayez-vous de savoir quels sont les problèmes des employés, les employés étant les juges?
M. Goulard: Non. C'est une condition de l'entente. Naturellement, le programme doit être d'une discrétion absolue. Les services en question sont offerts par une entreprise privée. Les juges ont accès à un numéro sans frais.
Au sujet de la formation des juges, comme je l'ai mentionné, le conseil a commandé un rapport pour voir quels étaient les besoins en formation. Dans la foulée de ce rapport, on met au point en ce moment un programme de formation qui sera offert à tous les juges, et non seulement aux juges fédéraux, étant donné que les juges nommés par les autorités provinciales et fédérales ont tous accès aux programmes de l'Institut national de la magistrature.
Mme Torsney: Prenons l'exemple d'un juge ayant de jeunes enfants qui doit voyager. Prévoit-on de l'aide pour le gardiennage, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme? Ces questions ont-elles déjà été soulevées?
Manifestement, il s'est passé quelque chose dans les années 90, plus précisément en 1995, pour que vous décidiez de mettre sur pied un programme d'aide aux employés. Y a-t-il d'autres questions? Essayez-vous d'améliorer la qualité du milieu de travail des magistrats? C'est ce que j'essaie de savoir.
M. Goulard: C'est la Conférence des juges qui nous a demandé de mettre sur pied ce programme. La Conférence des juges est l'association des juges et un dirigeant de la conférence,M. le juge Vancise, de la Cour d'appel de la Saskatchewan, a fait un sondage auprès des juges. Il en est ressorti un consensus en faveur d'un tel programme, et on nous a demandé notre aide. Nous avons simplement fourni une aide financière.
Cela dit, nous conservons des dossiers des demandes de congé pour raisons de santé. En 1995, nous avons constaté une augmentation considérable du nombre de juges qui ont demandé un congé pour raisons de santé. Certaines n'avaient rien à voir avec le stress, mais par ailleurs si l'on passe d'une moyenne de quatre ou cinq par an pendant les quatre ou cinq années précédentes à 21 en 1995, comme cela s'est produit, c'est un signe qu'il y a quelque chose qui cloche et qu'il faut s'en occuper. L'une des façons de le faire a été d'offrir ce programme.
M. Ramsay (Crowfoot): Je m'excuse d'être en retard auprès de mes collègues et de nos témoins d'aujourd'hui.
J'ignore quelles questions on vous a posées, mais je lirai le procès-verbal pour connaître l'information que vous nous avez communiquée jusqu'ici.
Je crois savoir que votre Bureau est responsable de l'administration du Conseil canadien de la magistrature. Est-ce exact?
M. Goulard: Nous lui fournissons des ressources, mais notre rôle s'arrête là.
M. Ramsay: Pourriez-vous nous dire comment fonctionne le Conseil canadien de la magistrature, comment il traite les plaintes, qui peut déposer une plainte auprès de cet organisme et quels sont ses pouvoirs à l'égard des juges qui relèvent de sa compétence et de son autorité?
M. Goulard: Le public peut déposer des plaintes ou encore le ministre de la Justice ou le procureur général d'une province peut demander une enquête. Une fois saisi d'une plainte, le conseil fait enquête. Il a établi ses propres règles en la matière et il fait une distinction claire entre son rôle d'enquêteur et son rôle de fournisseur de services administratifs.
M. Ramsay: Le Conseil canadien de la magistrature peut-il intervenir en l'absence d'une plainte?
M. Goulard: Je ne le crois pas. Il faudrait poser la question à un membre du conseil, mais je ne vois pas comment le conseil pourrait amorcer une enquête en l'absence d'une plainte.
M. Ramsay: Ne pourraient-ils pas décider d'agir sur la foi de renseignements qu'ils auraient glanés dans les médias, par exemple?
M. Goulard: Une demande d'enquête présentée par un citoyen devient une plainte.
M. Ramsay: Autrement dit, avant d'agir, le Conseil canadien de la magistrature doit-il, être saisi d'une plainte en bonne et due forme présentée par quelqu'un?
M. Goulard: Je le crois.
M. Ramsay: Il s'ensuit donc qu'il ne peut agir à moins d'avoir reçu une plainte?
M. Goulard: Je le crois.
M. Ramsay: D'accord. Merci.
[Français]
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Dans votre mémoire, il est dit que la formation linguistique est l'outil principal pour permettre aux juges d'améliorer leur connaissance des deux langues officielles. Votre bureau fait-il des suivis pour déterminer si les juges, après la formation, sont capables de diriger des procès dans les deux langues officielles? L'objectif est-il qu'ils soient mieux en mesure de diriger les procès dans les deux langues?
M. Guay: Il y a plusieurs séries de tests. La participation au programme de formation linguistique est volontaire.
Lorsqu'un juge s'inscrit au programme, il doit subir un test d'aptitudes pour savoir s'il a les aptitudes nécessaires pour apprendre le français dans le cas d'un anglophone ou l'anglais dans le cas d'un francophone. S'il en a les aptitudes, on l'inscrit au cours. Le programme comprend quatre étapes: le niveau de base, le niveau intermédiaire, le niveau avancé et le niveau de perfectionnement. À chaque étape, le juge doit subir des tests.
Vous me demandez quand un juge anglophone peut présider un procès en français, par exemple. Notre bureau peut aviser le juge en question ou son juge en chef quand il considère qu'il peut présider un procès en français. Je peux vous dire qu'un grand nombre d'anglophones qui suivent nos cours sont en mesure de présider des procès en français.
M. DeVillers: Quel montant annuel est-ce que cela représente?
M. Guay: Le programme de formation linguistique coûte 1,5 million de dollars de dollars cette année.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur DeVillers.
Monsieur Maloney.
M. Maloney (Erie): Évalue-t-on les préjugés que pourraient avoir les candidats à la magistrature envers les femmes, les citoyens de race ou d'orientation sexuelle différentes, etc.? Sont-ils évalués à cet égard avant d'être nommés?
M. Goulard: Ils ne sont pas évalués et, à notre connaissance, il n'existe pas d'instruments pour évaluer ce genre de choses. Ils ne sont pas évalués.
M. Maloney: Une fois nommés, ils ont accès à des ateliers de sensibilisation. Ne devrait-il pas y avoir un mécanisme antérieur à la nomination, peut-être pour éviter de nommer à la magistrature quelqu'un qui aurait des préjugés très ancrés à certains égards?
M. Goulard: La seule évaluation relève du processus de consultation. Si un candidat a la réputation d'avoir des préjugés contre un sexe ou une race en particulier, le fait pourrait ressortir à cette étape. Dans un tel cas, il est fort probable que la personne en question ne sera pas recommandée. Et le seul mécanisme dont nous disposons, c'est cette consultation.
M. Maloney: Offrez-vous une formation linguistique dans des langues autres que les deux langues officielles? Qu'en est-il de l'italien, de l'ukrainien ou des langues autochtones?
M. Guay: Non. Nous ne le faisons pas.
M. Maloney: Devriez-vous en offrir? Devrait-on le recommander, selon l'endroit où le juge est nommé?
M. Guay: Eh bien si le Parlement ou le gouvernement formulait une recommandation en ce sens, nous serions prêts à l'envisager. Je songe par exemple à certaines langues indiennes, à l'Inuit ou à d'autres langues.
M. Goulard: Ce serait un défi très intéressant. À ce sujet, je signale que notre programme de formation linguistique fait l'envie d'autres pays. L'année dernière et l'année d'avant, avant que j'occupe le poste de commissaire, le bureau a été invité à aider la République tchèque et la République slovaque à mettre sur pied cette formation, ces cours.
Cette année, nous avons reçu une demande de l'Ukraine, plus récemment, une demande de la Russie, en vue d'offrir l'aide technique nécessaire pour mettre sur pied cette formation. Il s'agit d'une formation en terminologie juridique française et anglaise. Cela dit, ce serait un défi fascinant que d'être invités à offrir une formation dans d'autres langues canadiennes.
M. Maloney: Accepteriez-vous de le relever?
M. Goulard: Nous l'accepterions volontiers si l'on nous fournissait les fonds pour le faire.
La présidente: [Inaudible - la rédaction] pour entendre cela aujourd'hui.
M. Goulard: Jusqu'ici, chaque fois qu'il y a eu une demande de service de la part des juges, nous avons toujours jugé bon d'y accéder. Dans le cas de programmes comme le programme d'aide aux employés et le Réseau électronique de la magistrature informatisée, notre approche a été la suivante. Nous offrons le programme, et ensuite, nous nous battons pour obtenir les fonds.
À tout le moins, nous avons pu maintenir notre budget et trouver des fonds en améliorant nos services. Par conséquent, si l'on nous demandait d'offrir une formation dans une autre de nos langues nationales, nous ferions assurément tout notre possible pour offrir le service.
M. Maloney: J'ai une dernière question. Les membres du comité consultatif qui examinent les candidatures pour les nominations à la magistrature sont-ils rémunérés pour leurs services?
M. Goulard: Ils ne le sont pas. Seules leurs dépenses sont payées.
M. Maloney: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Maloney.
Madame Torsney, voulez-vous dire quelque chose?
Mme Torsney: Je voulais vous laisser savoir qu'on m'a dit dans ma circonscription - et je sais que d'autres députés ont eu le même problème, que certaines personnes ont été averties qu'elles faisaient partie du groupe de candidats recommandés. Cela a pour effet d'exercer certaines pressions sur nous tous. Qu'il s'agisse de fuites ou d'autres choses, vous avez un problème sur les bras. Les gens sont mis au courant du fait qu'ils ont franchi les étapes du processus.
M. Goulard: Nous le savons. Nous avons eu des problèmes et nous réitérons constamment l'importance de la confidentialité. Cela dit, nous comptons sept membres, dont certains ont été recommandés par des politiques. Il y a aussi des politiques qui sont très curieux de connaître l'issue du processus. Nous ne vivons pas dans un monde idéal. Mais de façon générale, le processus s'est avéré valable et il est demeuré très confidentiel. Malheureusement, il y a eu quelques exceptions à la règle.
Mme Torsney: Je ne suis pas sûre si la personne à laquelle je pense ne s'attendait pas à obtenir ce genre de renseignements, si elle ne considérait pas que cela faisait partie du processus. C'était aussi direct que cela. Du genre, oui, j'ai franchi toutes les étapes parce qu'on me l'a dit. Or, cela est censé être confidentiel. Ce n'est certainement pas moi ou n'importe qui d'autre qui s'était enquis du résultat. Pour l'intéresser, ce qui comptait pour eux, ce n'est pas tellement d'avoir reçu une information qui ne leur était pas destinée, mais d'avoir reçu la bonne information.
Il y a peut-être des problèmes dans ce domaine.
M. Goulard: Il y a eu quelques cas pires, où certaines personnes ont su qu'elles n'avaient pas été retenues.
Mme Torsney: Oh, et ils l'avaient été?
M. Goulard: Non, ils ne l'avaient pas été. Comme vous pouvez l'imaginer, ils ont fait des pieds et des mains pour essayer de faire rouvrir le processus, mais cela ne s'est jamais produit.
La présidente: Il y a deux choses auxquelles je voudrais consacrer un petit moment. Une est une question et l'autre est une information susceptible de vous être utile.
Comme j'ai pratiqué longtemps dans le sud-ouest de l'Ontario, je connais bien les juges itinérants et, officieusement, ils se plaignent parfois d'être obligés de voyager et des dépenses que cela implique et qui, d'après ce qu'on m'a dit, s'établissent à 900$ par semaine en moyenne. Il y a de nombreux juges dans le sud-ouest de l'Ontario, et je vous dirai franchement qu'il me semble vraiment ridicule d'affecter un juge de London à Windsor, ou un juge de Windsor à London. Je suppose que nous n'avons aucun contrôle là-dessus.
Est-ce un élément qui contribue à l'indépendance de la magistrature? Mis à part le fait que je pense que c'est ridicule... n'existe-t-il pas d'autre solution?
M. Goulard: Non. Cela relève de...
La présidente: C'est effectivement un problème, ceci dit sans vouloir porter de jugement.
M. Goulard: Je ne pense pas que ce soit un problème sérieux. Il y a la question des coûts, mais par ailleurs, il est avantageux d'avoir différents juges disponibles dans certaines régions.
La présidente: Oui.
M. Goulard: J'ai aussi pratiqué dans le nord de l'Ontario, à North Bay, à une époque où il n'y avait qu'un seul juge. Il était bon à l'occasion d'accueillir un juge de l'extérieur, nonobstant le fait que notre juge était compétent.
Il est aussi bon pour le juge d'avoir l'occasion de rencontrer un collègue d'un Barreau différent. Le coût est raisonnable.
Un certain nombre de juges préféreraient ne pas voyager, particulièrement s'ils ont fait plusieurs tournées déjà, mais cela fait partie de leurs fonctions.
La présidente: Je vous signale que dans l'État du Michigan, tout près de Windsor, ma ville natale, on se sert énormément du courrier électronique pour faire des conférences. Le juge qui a organisé le système, le juge Kirkendall, du tribunal successoral du Michigan, déploie énormément d'efforts pour unifier tous les niveaux de la magistrature. Il est aussi actif dans le domaine de l'éducation des juges. C'est une mine de renseignements et je vous fournirai volontiers ses coordonnées si cela vous intéresse.
M. Goulard: Assurément.
J'ajoute que nous communiquons étroitement avec nos homologues américains. Nous avons visité le Federal Judicial Center, à Washington, de même que le National State Court Center, à Williamsburg.
La présidente: Vous devriez aller au collège de la magistrature à Reno.
M. Goulard: Je n'y suis pas encore allé.
Nous communiquons constamment avec eux, et ils sont toujours d'un grand secours.
La présidente: Merci beaucoup. Cela a été très instructif, et je pense que nous avons certaines obligations, comme on le dit dans la profession. C'est avec plaisir que nous recevrons votre information.
Faisons une courte pause pendant que nos prochains témoins s'installent. La séance est interrompue.