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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 juin 1996

.1840

[Traduction]

La présidente: Le comité reçoit ce soir le représentant de l'Association canadienne de police, Neal Jessop, son président, qui est aussi de Windsor, un bon point pour lui - Windsor, Ontario, madame Clancy.

M. Ramsay (Crowfoot): Où est-ce?

La présidente: Monsieur, Windsor, Ontario, est au centre de l'univers.

Grant Obst est vice-président et il vient de Saskatoon. Et Scott Newark est le directeur administratif de l'association.

Sergent d'état-major Jessop.

M. Neal Jessop (président, Association canadienne de police): Merci, madame la présidente. C'est toujours un plaisir que de témoigner devant le Comité de la justice.

Vous avez notre mémoire devant vous. Je crois qu'il vous a été remis hier après-midi. Nous critiquons le projet de loi dans notre mémoire, c'est le moins qu'on puisse dire, et je crois qu'il reflète bien ce que nous en pensons.

Je vais réitérer d'emblée la position que nous avons toujours prise à ce sujet, à savoir que l'article 745 doit être abrogé. De toute évidence, on ne l'abrogera pas; on se contentera de le modifier. Telle est la position du gouvernement, madame la présidente, d'après ce que nous avons compris.

M. Newark vous posera quelques questions, je l'espère, afin de clarifier à tout le moins les dispositions transitoires du projet de loi. Je peux vous dire que nous ne cesserons de réclamer l'abrogation de l'article 745. Mais nous tenons à avoir une discussion franche. Nous avons déjà tenu des discussions au sein de notre propre association, dans la mesure du possible. Aux législateurs qui nous demanderont notre avis, nous conseillerons de voter pour ces amendements. Nous le dirons clairement. Cependant, nous n'aurons pas de cesse de faire valoir notre position tant et aussi longtemps que notre association et nombre d'associations représentant les victimes n'auront pas obtenu satisfaction.

En conscience, cependant, nous pensons que certaines personnes qui sont actuellement incarcérées ont le droit de faire une demande en vertu de cet article, ou à tout le moins, de faire réviser leur dossier en vertu du même article.

Je tiens à vous dire ce que nous pensons du programme de votre gouvernement en matière de justice. Récemment, du fait de mon engagement au sein de l'association et de ma participation à une autre organisation où le gouvernement m'a nommé, j'ai été à même de constater les difficultés que pose la réglementation en matière d'armes à feu et le retrait de ces armes. Cette situation, à mon avis, madame la présidente, indique bien comment le ministère de la Justice réagit aux grands enjeux de l'heure. Et j'espère que lorsque j'en aurai terminé, vous saurez ce que nous pensons de ces questions.

Nous savons maintenant qu'il faut reprendre la réglementation en matière d'armes à feu. C'est une chose qui retarde la mise en oeuvre du projet de loi C-68; c'est une chose qui est importante pour nous, et nous, qui devons mettre en oeuvre cette réglementation, en avons besoin tout de suite. Nous en avons besoin de façon raisonnable, attentive et conséquente pour mettre en oeuvre cette loi. Nous savons qu'il y a beaucoup de gens qui veulent miner cette loi. Nous demandons aux membres du Comité de la justice de remettre les choses sur la bonne voie.

Pour ce qui concerne l'article 745 et les personnes qui sont reconnues coupables de meurtre, nous avons demandé il y a longtemps une banque d'empreintes génétiques. En raison des arguments enfantins qu'on a fait valoir à la Chambre des communes, nous n'avons obtenu qu'un projet de loi autorisant le prélèvement d'empreintes génétiques ou une modification à cet effet de la loi existante. C'était insuffisant. On n'y trouve pas de dispositions autorisant la création de cette banque.

.1845

Comme vous le savez, je suis un agent de police actif. Vous avez ici six photos d'un enfant de six ans qui a été assassiné il y a 25 ans. Je suis maintenant chargé de cette affaire. Il faut que vous me donniez cette banque d'empreintes génétiques et ce n'est pas une tâche insurmontable. Allez en Grande-Bretagne ou dans n'importe quel État américain, voyez le programme qu'on a là-bas, mettez le processus en marche, parlez à vos amis au Parlement et donnez-moi ce dont j'ai besoin pour résoudre cette affaire.

Si vous voyiez ces photos, vous ne retrouveriez pas le sommeil tant et aussi longtemps que vous ne nous auriez pas donné satisfaction, croyez-moi. Le gouvernement a l'obligation de créer une banque d'empreintes génétiques pour les citoyens de son pays, et il a manqué à cette obligation. Ce n'est pourtant pas difficile à faire. Ce sera le point de mire de notre prochaine campagne en matière de justice. Nous n'aurons de cesse de la réclamer. Ce n'est pas une intrusion dans la vie privée. Ce n'est pas plus grave que de prendre les empreintes digitales.

Bon nombre d'entre vous sont juristes, certains ont été procureurs de la Couronne, certains ont été avocats de la défense. Je le sais. N'est-ce pas, madame la présidente?

La présidente: Oui, sergent d'état-major.

M. Jessop: Vous n'avez rien fait pour ce qui concerne les contrevenants dangereux. On me dit qu'on ne parle pas ici des contrevenants dangereux parce que ce n'est pas rentable sur le plan politique. À mon avis, c'est le contraire qu'il faut faire. Il nous faut une loi pour les contrevenants dangereux. Il y a quelque chose. M. Newark a siégé au comité. Nous savons tous ce qu'il faut faire. Il faut que ça se fasse avant le congé d'été. J'espère que vous allez proposer une loi en ce sens avant votre départ.

Si je comprends bien ce que vous essayez de faire entre autres choses aujourd'hui, c'est donner aux commissaires de la GRC des pouvoirs presque divins. Il s'agit du projet de loi C-30. L'une des choses dont nous avons le plus besoin dans notre pays, ce sont des agents de police indépendants qui peuvent agir dans le respect de la loi et dont la conduite ne pourra être mise en doute qu'en vertu d'un code de déontologie bien défini, qui donnera à tout agent de police au Canada le droit de se faire entendre. C'est une question de justice. Le projet de loi C-30 limite la capacité de l'agent de police fédérale d'agir indépendamment, dans le respect du droit, et d'être traité avec équité. Cela touche tous les citoyens canadiens. L'heure est venue de jeter aux orties le projet de loi C-30.

Toutes ces situations font que nous sommes très déçus du programme du gouvernement libéral en matière de justice. À mon avis, l'article 745 qu'on propose n'est qu'une nouvelle version de l'ancien article rédigée hâtivement. On a expressément cherché à régler le cas des gens comme Olson et Bernardo sans s'occuper sérieusement des autres personnes qui sont incarcérées et qui sont tout aussi dangereuses, mais dont les noms ne sont pas aussi connus du public canadien.

Cela dit, l'article est un peu mieux qu'avant. Nous avons demandé aux députés fédéraux de voter pour, mais ne vous attendez pas à ce que nous cessions d'insister sur cette question. Mon ami, M. Obst, va vous dire ce que pensent les agents de police canadiens.

M. Grant Obst (vice-président, Association canadienne de police): Madame la présidente, membres du comité, je m'appelle Grant Obst. Je suis agent au Service de police de Saskatoon, et il y a 13 ans que je suis agent de police en Saskatchewan.

.1850

Je considère que c'est un grand privilège pour moi que de pouvoir vous dire un peu ce que les agents de police du Canada pense de ce qui se passe à Ottawa, au gouvernement. Je vous avoue que ces lieux m'impressionnent. Je me sens un peu comme un poisson hors de l'eau.

J'ai pensé qu'il serait bon que je vous dise d'où je viens, où je travaille et ce que cela signifie. Il y a une partie de mon travail qui n'est pas très jolie. Je vois des gens qui souffrent beaucoup. C'est un monde saturé de drogue et d'alcool. C'est un monde de couteaux et d'armes à feu. C'est un monde où l'on voit circuler toutes les armes imaginables, même inimaginables. Dans ce monde où mes collègues et moi travaillons, les rues sont souillées de sang. C'est un monde où nous sommes constamment en bute à des gens qui ont peu de respect pour la vie ou le bien d'autrui.

C'est un monde où, malheureusement, il m'arrive de devoir annoncer à une épouse que son mari est mort, annoncer à une mère que son fils est mort, annoncer à un frère que sa soeur est morte.

C'est un monde de douleur, de souffrance et de deuil. C'est un monde où les gens subissent de lourdes pertes, des définitives, des pertes qui ne durent ni 15 ans, ni 25 ans, mais qui laissent des blessures qui ne guérissent jamais. C'est un monde où mes collègues et moi-même devons très souvent assister aux funérailles de nos collègues qui sont frappés par d'autres êtres humains alors qu'ils exerçaient leur fonction.

Il y a un élément du monde où je vis qui est le meurtre, et l'article 745 est lié directement à cela.

Il m'est impossible de vous décrire fidèlement la scène d'un meurtre. Quand on n'a pas été soi-même sur place, il est impossible de se faire une idée l'horreur de ce que nous devons voir et entendre ou des odeurs écoeurantes qui caractérisent la scène d'un crime.

Je suis certain que vous êtes nombreux à avoir perdu des êtres chers à la suite d'une maladie ou d'un accident, et vous avez donc ressenti une telle perte. Dans le monde où je vis, je rencontre des victimes à qui on a arraché ceux qu'ils aiment en commettant le crime le plus répréhensible qu'on puisse commettre contre l'humanité: le meurtre.

C'est une perte dont ils ne se remettront pas de toute leur vie. Ce n'est pas une chose qui dure 25 ans ou 15 ans, il n'y a pas de révision judiciaire ou d'article 745 pour les victimes des meurtriers ou pour leur famille. Pour eux, il n'y a pas de deuxième chance. Rien ne peut leur restituer la plénitude de leur vie. Il n'y a pas dans le Code criminel un article qui allège leur douleur.

J'ai assisté aux audiences sur l'article 745 dans ma localité, et j'ai eu l'occasion de me lier d'amitié avec la famille d'une victime. J'ai vu les effets de ces audiences sur cette famille. J'ai parlé avec des officiers de police, des collègues de tout le pays, et c'est presque unanime, ils pensent tous que l'article 745 doit disparaître. C'est l'opinion de ceux d'entre nous qui ont une expérience directe du meurtre, des meurtriers et des victimes.

Je ne parle pas des victimes d'agressions conjugales, qu'elles soient mentales ou physiques, qui sont accusées de meurtre. Il ne s'agit pas d'un meurtre avec circonstances aggravantes. On considère que c'est un meurtre avec circonstances atténuantes ou quelque chose de moins grave. Je ne parle pas non plus des homicides involontaires, ni des gens qui tuent quelqu'un alors qu'ils conduisaient avec des facultés affaiblies.

Je vous parle des gens qui planifient, qui calculent et préméditent un meurtre. C'est ça le premier degré. Il est difficile d'obtenir une telle condamnation de nos jours, mais mes collègues et moi-même continuons à travailler, à recueillir des preuves qui serviront à mettre ces meurtriers derrière les barreaux pour essayer de protéger le reste de la société.

Dans les services correctionnels, il y a très peu de gens qui sont coupables d'un meurtre avec circonstances aggravantes. Ils représentent probablement moins de 10 p. 100 des détenus, et par conséquent, l'article 745 ne touche pas tellement de gens.

Les officiers de police ne pensent pas que la solution de tous les crimes est d'enfermer tout le monde à tout jamais et de jeter la clef. Nous sommes très actifs dans le domaine de la réhabilitation, nous travaillons avec des jeunes, etc. Je tiens à préciser que je parle des meurtres avec circonstances aggravantes.

.1855

L'article 745 n'est absolument pas conforme à l'article 742 du Code criminel. Évidemment, d'après l'article 742, la peine pour un meurtre avec circonstances aggravantes est l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Voilà ce qu'on répète depuis des années à mes collègues et aux gens que nous servons.

Récemment, on s'est aperçu que ce n'était pas le cas. Je peux vous assurer que tous ces gens là se sentent trahis. À cause de l'article 745, on se méfie du système de justice criminelle. Dans une large mesure, mes collègues et moi-même avons de plus en plus de mal à défendre le système dont nous faisons partie, un système auquel nous croyons et auquel nous voulons croire.

Lorsque ces audiences commencent, les familles des victimes dans tout le pays sont absolument horrifiées; ce n'est peut-être pas quotidien, mais c'est très fréquent. On leur avait dit que la peine était un emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

Vous devez rétablir la confiance des gens dans le système de justice criminelle. Vous devez apporter des changements qui nous permettront à nous, officiers de police, de défendre le système. Il n'existe pas de meilleur système. Nous le savons. Les gens que nous servons doivent absolument reprendre confiance dans le système, mais l'article 745 est un gros obstacle.

Le projet de loi actuel, bien qu'édulcoré, est un pas dans la bonne direction. Tout commeM. Jessop l'a dit, nous essaierons de le faire accepter par le plus grand nombre de gens possible, car à notre avis, c'est un pas dans la bonne direction. Nous considérons depuis toujours que l'article 745 doit être supprimé entièrement. Nous ne cesserons pas de le répéter. Nous vous demandons de réétudier la question. Merci beaucoup.

M. Scott Newark (directeur exécutif, Association canadienne de police): Si j'ai bien compris le mandat du comité, vous étudiez actuellement le projet de loi C-45 et en même temps le projet de loi de M. Nunziata, et par conséquent, si vous le souhaitez, vous avez l'option de recommander l'abrogation de l'article 745.

Éternel optimiste que je suis, je vais essayer une dernière fois de vous démontrer pourquoi il serait logique d'abroger cette disposition, plutôt que de la modifier.

Il est certain que, comme mes collègues ici présents, je considère que ces amendements sont des améliorations. En effet, pour nous, si le projet de loi C-45 est adopté, le système sera sans aucun doute meilleur.

Traditionnellement, notre système de justice adopte des principes en ce qui concerne la détermination de la peine. Il suffit de s'adresser à une Cour d'appel dans n'importe quelle province pour y trouver l'énoncé de ces principes. Ils comprennent la réhabilitation, mais ce n'est pas le seul élément. Il y a aussi les facteurs de dissuasion d'ordre général et d'ordre particulier. Les avocats qui sont parmi nous connaissent ces principes aussi bien que moi. Il y a également la dénonciation. Toute sentence, qu'il s'agisse de vol à l'étalage ou de meurtre avec circonstances aggravantes, combine ces principes. À la Cour d'appel de l'Alberta, on disait jadis que c'était un sage mélange de ces principes. Chaque peine que nous imposons est constituée de cette façon-là: elle combine ces différents principes.

Dans certains cas et pour certains types de crimes, avec le temps des paramètres se précisent en ce qui concerne cette combinaison. Par exemple, pour les infractions avec déclaration sommaire de culpabilité pour avoir provoqué des désordres, on ne considère pas que l'emprisonnement à vie soit justifié. On impose donc des limites, on décide que les principes en jeu sont tels que la sentence ne doit pas dépasser un certain niveau. On tient toujours compte de ces principes, mais on fixe un niveau maximum.

À l'inverse, cela fonctionne également pour les gens qui conduisent en état d'ivresse et qui récidivent. La Couronne, au nom de la population du Canada s'exprimant par la voix de ses représentants élus, détermine la combinaison des principes dans un tel cas.

C'est précisément ce que nous avons fait dans le cas d'un meurtre avec circonstances aggravantes. Cela semble simpliste, mais c'est littéralement la population canadienne qui, par l'entremise de ses représentants élus, définit comment il faut combiner ces principes. Nous avons déterminé que dans ce cas, la sentence était l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Comme vous le savez, en cas de meurtre, nous avons défini qu'il fallait emprisonner les gens à vie et cela est assorti d'une sorte d'échelle progressive en ce qui concerne l'absence de possibilités de libération conditionnelle. Nous avons également introduit la catégorie de meurtre au premier degré, tout en conservant toujours la notion du doute raisonnable.

.1900

Ensuite, nous, la population, nous avons décidé que telle combinaison était justifiée à titre de facteur dissuasif, un facteur qui doit agir à la fois sur l'accusé et sur d'autres qui pourraient envisager de faire la même chose. Il faut conserver un espoir de réhabilitation, mais en même temps condamner le comportement, et pour cette raison, nous avons choisi 25 ans. Pour être franc, je pense que ce sont vos prédécesseurs au Parti libéral qui ont choisi ce chiffre. Grant a mentionné que cela figurait dans l'article 742, mais trois articles plus loin, cela est contredit.

Par conséquent, je pense que vous devriez envisager d'abroger soit l'article 745, soit l'article 742. Dans les deux cas, vous rétablissez dans une certaine mesure l'intégrité du système de justice criminelle. Je ne saurais trop insister sur le fait que dans cet article, c'est cette contradiction qui est à la racine de tout le problème.

Si vous êtes convaincus que c'est à 15 ans que... N'oubliez pas qu'une sentence à vie est par définition une sentence discrétionnaire. Les gens ne sont pas forcément libérés après 15 ans ou après 25 ans. C'est une commission des libérations conditionnelles qui prend la décision. Elle passe en revue les circonstances et décide s'il faut ou non relâcher l'individu. Si vous choisissez 15 ans, allez-y, et laissez la population du pays et se ranger à votre opinion ou décider que la limite doit être fixée à 25 ans.

L'article 745 porte atteinte non seulement à la confiance du public, mais également aux principes qui, depuis longtemps, servent à étayer notre système de justice criminelle. Bien que les délais soient très courts, vous avez l'occasion de prendre une décision avisée sans vous contenter d'une solution hâtive qui, soyons francs, réglerait le cas de Clifford Olson tout en évitant d'autres problèmes qui se poseront forcément dans le cadre de cette affaire.

J'espère que vous poserez des questions au sujet des principes que j'ai essayé d'expliquer, et cela, que vous choisissiez 15 ans ou 25 ans. Il s'agit du principe que, pour une fois, le système devrait faire ce qu'il prétend faire.

Il y a une chose dont je ne suis pas certain, et j'aimerais y revenir tout à l'heure pendant les questions, madame la présidente. En tout cas, ce dont je suis certain, c'est que ces amendements amélioreraient le système actuel.

J'ai dit que c'était un peu comme donner du tylénol à quelqu'un qui est en train de mourir d'une maladie qui aurait pu être évitée, l'important étant qu'elle aurait pu être évitée. C'est une situation à laquelle nous pouvons faire face. Si, après avoir abrogé l'article 745, le gouvernement décide qu'il est nécessaire de redéfinir les possibilités de libération conditionnelle pour les cas de meurtre, eh bien allez-y, faites-le, et ajoutez cela à votre liste.

Dans les trois jours qui restent, vous avez encore le temps de prendre une décision avisée, et je m'adresse ici plus particulièrement aux députés libéraux. Je vous prie donc instamment d'abroger l'article 745.

Merci. Nous essaierons de répondre à vos questions.

La présidente: Auparavant, je sais que vous avez des inquiétudes au sujet d'un article; pourquoi ne pas nous en parler tout de suite?

M. Newark: Certainement. Il s'agit des articles de transition, et en particulier de l'article 5. Je vois dans la salle quelqu'un du ministère de la justice qui pourra peut-être répondre à ma question. Il s'agit du projet de paragraphe 745.3(1)d) qui porte sur la déclaration de la victime ou l'information sur la victime. Il s'agit d'une liste de critères qui peuvent être utilisés pour le processus de sélection et pour la révision finale.

La présidente: Depuis que j'ai cessé d'exercer, ils se sont mis à imprimer cela en caractères beaucoup plus petits. J'ai du mal à retrouver la page. Il faudrait que quelqu'un la tienne ouverte à l'autre bout de la salle pour que je puisse la lire.

M. Newark: C'est l'article 5 du projet de loi C-45 dont je parle. Il s'agit des clauses de transition. C'est probablement que je les lis mal, mais j'ai l'impression que ces dispositions pourraient empêcher de présenter les informations sur la victime lors des audiences de sélection aux termes de l'article 745, s'il ne s'agit pas de nouveaux délits.

Si c'est bien le cas, c'est contraire à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Swietlinski, et cela contredit également les dispositions du projet de loi C-41. En fait, cela contredit tout ce que M. Rock a jamais déclaré au sujet de son intention de trouver un meilleur équilibre.

.1905

J'espère que je me trompe, car je ne vois vraiment pas pour quelle raison on chercherait à exclure ces informations.

La présidente: Vous êtes la seconde personne à soulever cette question aujourd'hui. Monsieur DeVillers en a parlé tout à l'heure. Nous allons revenir sur cette question pendant l'étude article par article pour nous assurer que nous comprenons bien ce que cela veut dire et que, le cas échéant, ce soit modifié.

M. Newark: Oui. Merci.

La présidente: D'accord. Monsieur Langlois, vous avez 10 minutes.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Bonjour, monsieur Newark. J'ai eu plus de facilité à suivre votre point de vue aujourd'hui. Lors de l'étude du projet de loi C-30, anciennement le projet de loi C-58, qui stipulait que les agents de la Gendarmerie royale ne seraient pas couverts par le Code canadien du travail, mes collègues de l'Opposition officielle et moi avons défendu le droit à la négociation collective et à la syndicalisation. J'ai un peu plus de difficulté à vous suivre dans les demandes que vous formulez, mais elles sont fort légitimes et fort clairement exprimées. Elles démontrent qu'il existe un clivage normal dans la société. Finalement, il y a des choix à faire.

Comme je le disais cet après-midi, fondamentalement, on n'a pas eu d'explications sur l'article 745. Les gouvernements en général n'ont pas expliqué à la population en quoi consistait l'article 745.

Il a été introduit dans le Code criminel un peu à la dernière minute, en échange d'appuis à l'abolition de la peine de mort. Il ne faisait pas vraiment l'objet de longues attentes. En juin 1976, il y a 20 ans, le Parlement était sur le point de rejeter le projet de loi sur l'abolition de la peine de mort. À l'époque, des tractations entre M. Trudeau, certains de ses députés et des députés de l'opposition ont fait en sorte qu'une majorité a été acquise, mais à la condition qu'il y ait une peine plus sévère pour les personnes trouvées coupables de meurtre au premier degré, c'est-à-dire une peine ferme de 25 ans. Il y a donc eu cette espèce d'article un peu hybride; on dirait qu'on a accouplé un hérisson avec un serpent, ce qui a donné une espèce de fil de fer barbelé de 15 ans dans lequel le prisonnier est pris.

De fait, je n'ai jamais trouvé très éloquente la façon dont le tout a été élaboré. Des négociations ont eu lieu dans le fumoir du Parlement, ou probablement ailleurs. Cependant, on vit avec ça depuis 20 ans. C'est peut-être boiteux et ça nécessite peut-être des explications. Les gens ont probablement besoin de comprendre et de savoir qu'il y a fort peu de chances, sinon aucune, qu'un jury raisonnablement éclairé puisse remettre en liberté des criminels notoires, même s'ils ont théoriquement le droit de demander maintenant, bientôt ou dans quelques mois la convocation d'un jury pour étudier leur cas.

Il y a sûrement une tranche de la population qui croit que des personnes comme Clifford Olson pourront être remises en liberté et seront remises en liberté. Je ne doute pas un seul instant que c'est inquiétant pour ces personnes. Je serais moi-même inquiet si je ne connaissais pas cette mécanique un peu compliquée.

L'article 745 manque de simplicité, et nous ne sommes pas sur le point de lui en ajouter. Au contraire, on vient encore le compliquer en ajoutant une première étape de sélection des cas, en exigeant que la décision des jurys soit unanime et en empêchant des gens trouvés coupables de plus d'un meurtre de recourir à l'article 745.

Un des membres de l'Association du Barreau canadien faisait remarquer cet après-midi qu'il y avait probablement des gens qui auraient pu commettre, de façon concomitante, deux meurtres dans le cadre d'un crime familial et qui mériteraient peut-être d'être remis en liberté après 15 ou 20 ans, tandis que d'autres gens qui auraient commis un seul meurtre mais dans des circonstances aggravantes devraient passer leur vie en prison.

Comme nous l'avons dit et répété, il faut aussi reconnaître qu'un emprisonnement à vie est un emprisonnement à vie et qu'une personne qui est remise en liberté l'est toujours sous condition et court toujours le risque d'être remise derrière les barreaux si elle contrevient aux lois de ce pays. Il faudrait que ce soit compris pour que l'économie générale du Code criminel soit mieux acceptée. Il y a sûrement une résistance quelque part, mais je ne pense pas qu'agir de façon précipitée puisse éclairer quoi que ce soit. On ajoute tout simplement de la confusion.

.1910

Si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle, je craindrais la diversité de l'application des règles de droit au Canada. La règle de l'unanimité me fait peur, parce que dans certaines provinces du Canada où il y a moins de résistance relativement à l'article 745, des gens seront quand même remis en liberté, tandis que dans d'autres provinces, ils ne le seront pas. Si la même règle de droit s'applique de façon différente parce que la perception n'en est pas la même, on n'aura pas progressé du tout; on aura même régressé.

Si, en 1976, lors de la présentation et de l'adoption du projet de loi visant à abolir la peine de mort, on n'avais pas inclus à la dernière minute l'article 745, les personnes trouvées coupables de meurtre au premier degré auraient été admissibles à une libération conditionnelle après 10 ans. De fait, la moyenne de l'époque pour les gens condamnés à perpétuité était de 13 ans et quelques mois. On a donc rendu l'article 745 plus sévère. Peut-être est-ce un compromis qui a été fait.

Je ne dirais pas que c'est l'article qui me rend le plus heureux. C'est un article boiteux du Code criminel, mais à défaut de mieux et à défaut de pouvoir le modifier substantiellement au comité, je vais plutôt m'y tenir. Cependant, je vais vous donner une dernière chance de me convaincre.

[Traduction]

M. Newark: Vous avez parlé de Clifford Olson. J'ai l'impression que beaucoup de gens s'inquiètent, non pas de voir Clifford Olson libéré, mais bien de voir le système de justice criminelle accorder cette audience à un individu comme celui-là. Vous avez dit vous-même, monsieur, monsieur Rock me l'a dit également, qu'il ne serait pas libéré. Dans ce cas, pourquoi lui accorder une audience? Pourquoi dépenser tout cet argent pour un tel exercice?

Ce que vous dites au sujet de la peine et de la possibilité de ne rien faire d'autre, je pourrais peut-être même être d'accord avec cela. Vous l'avez dit vous-même, c'est loin d'être clair, et c'est tout ce que nous voulons, nous voulons que ce soit plus clair, sans ambiguïté.

Monsieur Langlois, si vous pensez, et vous avez peut-être raison, que la peine doit être de 15 ans ou de 10 ans, etc., eh bien, laissons la population en décider. Le Parlement peut donner l'exemple et prendre la décision au nom de la population.

Si j'ai bien compris la procédure, vous ne pouvez pas le faire tout de suite, mais vous pouvez au moins supprimer cette ambiguïté. C'est une chose que vous pouvez faire ce soir. Vous pourrez ensuite essayer de convaincre la population, ici même ou dans vos circonscriptions, que votre décision était justifiée. Mais en attendant, pour une fois, les sentences seront fondées sur une vérité.

[Français]

M. Langlois: Je voudrais faire un commentaire. Jamais je ne suggérerai, monsieur Newark, que pour le crime qui m'apparaît être le plus grave dans notre société, soit le meurtre avec préméditation, la peine doive être autre qu'un emprisonnement à perpétuité. Cela étant dit, il faut maintenant prévoir les bémols qui peuvent arriver en cours de route, pendant que la sentence est purgée. C'est comme un musicien qui écrit sa musique et qui commence par faire une portée et qui y met ensuite sa clé, soit la clef de sol, la clef de fa ou la clef de do, puis ajoute les bémols ou les dièses. Nous sommes en train de faire la portée: c'est la peine, l'emprisonnement à perpétuité. Maintenant mettons des bémols. Dans le cas d'un citoyen exemplaire qui a purgé 15 ans de sa peine, dont les chances de récidive sont à peu près nulles, dont le comportement démontre qu'il pourra se réintégrer à la société, il y a toujours un risque à prendre. Est-ce que la société, représentée par son jury, accepte de prendre ce risque? Mais je ne suis pas prêt à réduire la peine qui doit, dans ce cas, être l'emprisonnement à perpétuité.

M. Newark: Il y a un processus maintenant; c'est celui du

[Traduction]

commission des libérations conditionnelles. Cela existe déjà. Pourquoi avons-nous besoin d'un autre processus, de cette révision judiciaire créée par l'article 745?

Vous avez raison. Ces sentences sont discrétionnaires. Ce sont des sentences à vie. Quelqu'un pourrait se retrouver en prison pour le reste de sa vie. Nous avons déjà la Commission nationale des libérations conditionnelles qui a coûté des milliards de dollars; pourquoi ne pas l'utiliser? Pourquoi ajouter cette démarche supplémentaire? Soit dit en passant, cela coûte également beaucoup d'argent. Pourquoi ne pas laisser les choses ainsi?

.1915

D'autre part, ce que vous dites au sujet de la réhabilitation est bien joli, mais c'est ce que j'essayais d'expliquer au début. Quand une sentence est prononcée, je crois avoir essayé d'expliquer dans le mémoire que pendant les 25 premières années de leur sentence, les gens qui sont condamnés pour un meurtre avec circonstances aggravantes sont en prison à cause de ce qu'ils ont fait, et non pas à cause de ce qu'on pense qu'ils sont devenus.

Je reviens à cette idée d'une combinaison de principes. Si on appelle les affaires Regina contre untel, c'est pour une bonne raison, et cela n'a rien à voir avec la Saskatchewan. En effet, c'est parce qu'il y va de l'intérêt public, et les facteurs dissuasifs et la dénonciation sont des éléments à considérer dans cet intérêt public qui est tellement important.

Quand vous parlez d'évaluation du risque, je ne contredis pas ce que vous dites, mais lorsqu'un individu a commis un meurtre avec circonstances aggravantes, il y a bien d'autres considérations en plus de la personne qu'il est devenu pendant son séjour en prison. Nous avons codifié cela, nous avons décidé que c'était un minimum de 25 ans. Si nous voulons remplacer ce minimum par 20 ans, ou par 50 ans, c'est très bien, mais débarrassons-nous de ces compromis que nous faisons sans cesse autour des principes que nous avions adoptés en fixant la limite à 25 ans.

La présidente: Merci, monsieur Langlois.

Monsieur Ramsay, vous avez 10 minutes.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente; merci, messieurs, d'être venus aujourd'hui.

Nous avons reçu une note de M. Newark nous priant instamment d'adopter ce projet de loi. Vous avez eu très peu de temps depuis qu'il a été déposé; avez-vous pu consulter vos membres pour déterminer si une majorité est en faveur de ce projet de loi?

M. Jessop: Monsieur Ramsay, nous en avons déjà parlé.

Nous sommes les représentants élus de 40 000 officiers de police dans tout le pays. Je suis certain que vous ne consultez pas les gens que vous représentez, tous ceux qui ont voté pour vous ou qui n'ont pas voté pour vous, chaque fois que vous prenez position.

Notre position dans ce cas est très simple. Nos membres sont au courant. À notre assemblée générale annuelle en septembre, ils nous applaudiront ou ils nous critiqueront, et ils nous diront si, à leur avis, c'est la bonne position.

Toutefois, nous sommes des gens très pratiques. Tout cela est loin d'être nouveau pour nous. Je vais vous dire à quel point j'ai l'esprit pratique dans ce cas.

Dès le lendemain du jour où un individu a passé 15 ans en prison, il demande une audience. À ce moment-là, c'est un juge de cour de district qui entend la requête, ce qu'on appelait jadis un juge de cour de comté. Dans ce magnifique pays qui est le nôtre, nous faisons confiance à nos juges de cour de district qui, en règle générale, sont très compétents. Comme tout le monde, ils ont des problèmes de temps, et je dois vous avouer, sur le plan purement pratique, que lorsque les juges décident d'accorder ou de ne pas accorder une audience, le détenu est peut-être en prison depuis 16 ans, 16 ans et demi ou 17 ans. Lorsque cette audience a lieu, si le détenu n'a pas commis des meurtres multiples, dans tous les cas, la décision du jury doit être unanime.

Nous avons tous une expérience de ce genre d'affaires. Dans certains cas la libération est accordée, mais dans la plupart des cas, elle est accordée, au plus, par huit voix contre quatre.

Nous sommes convaincus que cette disposition permettra de garder en prison un plus grand nombre de gens qui pourraient être dangereux pour notre société.

C'est une chose dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter. Nous prenons nos responsabilités très au sérieux. Nous consultons nos membres. Nous faisons de notre mieux, mais il ne nous est pas possible, pas plus qu'à vous, de consulter chacun de nos membres individuellement.

Si je me trompe, si mon conseil d'administration se trompe, si M. Newark se trompe en adoptant cette position qui nous semble responsable, l'année prochaine à la même date, je ne serai pas ici et vous parlerez à mon remplaçant. Je connais très bien le processus électoral, je le pratique depuis 20 ans dans le cadre de l'association.

M. Ramsay: Nous venons de voter sur ce projet de loi, et nous avons voté contre. Si nous avons voté contre, c'est à cause de son contenu, et également parce que nos délégués réunis en convention il y a deux semaines ont voté à 98 p. 100 pour l'abrogation de tout cet article.

.1920

Depuis hier, nous entendons des témoins, et le message revient sans cesse: cette étude est trop précipitée. Certains témoins n'ont pas eu le temps de préparer des mémoires et de nous les soumettre. Ils ont témoigné sans présenter un mémoire.

Nous avons entendu les représentants de l'Association du barreau canadien, de l'Association des avocats de la défense de Montréal, du Barreau québécois, et hier soir nous avons entendu également les représentants de l'Association canadienne des chefs de police. Mais plus particulièrement, les témoins que nous avons entendus aujourd'hui, des gens qui ont un esprit de juriste, ont littéralement démoli ce projet de loi. Après les avoir entendus, j'aurais de grandes inquiétudes, même si je n'étais pas contre l'article 745. Dans ces conditions, je m'inquiète d'entendre votre organisme nous demander de voter en faveur de ce projet de loi.

Je n'ai pas beaucoup de temps, mais je vais vous donner un exemple. Nos témoins nous ont dit que, si le projet de loi C-45 entre en vigueur, les tueurs en série ne pourront plus réclamer une révision, et par conséquent, ils devront rester en prison pendant 25 ans. Aujourd'hui, on nous a dit que cela pourrait faire l'objet de contestations en vertu de la Charte parce que c'est une peine cruelle et inhabituelle.

M. Jessop: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais je dois être honnête avec vous, c'est un argument pour lequel j'ai très peu de sympathie. Plus il y aura de tueurs en série derrière les barreaux et plus longtemps ils y resteront, mieux cela vaudra. Si c'est l'effet de ce projet de loi, et à mon avis c'est le cas, qu'ils contestent tant qu'ils voudront.

M. Ramsay: Mais monsieur Jessop, là n'est pas la question. Nous devons tenir compte de la constitutionnalité de la loi. C'est une des choses dont nous devons tenir compte. S'il y a une faiblesse constitutionnelle dans le projet de loi, cela mérite certainement d'être réexaminé.

Je suis du même avis. J'aimerais effectivement que la disposition soit contestée et qu'on détermine si une incarcération de 25 ans avant toute possibilité de libération conditionnelle constitue une peine cruelle et inhabituelle.

M. Newark: Vous me permettez une intervention? C'est probablement évident dans le mémoire... Je suis peut-être naïf, mais j'ai l'impression que, pour la plupart d'entre nous, quelle que soit notre position au sujet de l'article 745 ou de toute autre chose, nous ne pensons pas que le Parlement doit fonctionner de cette façon-là.

J'ai été prévenu lundi, alors que j'étais en fait en Alberta, que le projet de loi serait déposé mercredi. En fait, ce comité est saisi du projet de loi de M. Nunziata, le C-226, depuis décembre 1994, si je me souviens bien. On aurait eu amplement le temps de consulter sur toutes ces questions, et je le dis quel que soit votre point de vue sur l'article 745 ou sur autre chose.

En principe, les comités parlementaires sont censés avoir le temps et les moyens d'analyser les projets de loi. Soyons francs, ces circonstances ne sont pas particulièrement idéales. Toutefois, nous avons décidé de nous pencher sur le contenu de la législation dans un esprit pragmatique. Comme vous le savez, monsieur, pratiquement tout ce qui a des répercussions en ce qui concerne la sécurité du public est contesté en vertu de la Charte tôt ou tard. Par conséquent, on ne peut pas hésiter sous prétexte que cela pourrait être contesté en vertu de la Charte.

Je partage vos frustrations, et en ma qualité de citoyen, mais j'éprouve aussi une certaine indignation quand je vois qu'on précipite les choses de cette façon alors qu'on aurait pu facilement faire du bon travail depuis un an. Cela ne vaut pas seulement pour ce projet de loi, on a vu la même chose l'année dernière au sujet des mandats de perquisition pour les tests sur l'ADN, une autre loi bâclée ne prévoyant pas la création d'une banque d'ADN.

Je partage ces principes, mais après analyse du projet de loi, nos arguments tiennent toujours. En fait, nous considérons que la situation sera meilleure si ce projet de loi est adopté que s'il n'est pas adopté. Cela dit, nous essayons de vous faire comprendre que nous sommes intensément convaincus de la nécessité d'abroger l'article 745, quitte à voir le ministère de la Justice rédiger de nouvelles peines pour le meurtre. J'imagine que c'est à vos collègues de ce côté-ci de la table de faire ce choix.

M. Ramsay: Autre chose; avez-vous une idée de ce que coûtent les appels en vertu de l'article 745?

.1925

M. Newark: Les révisions?

M. Ramsay: Oui.

M. Newark: C'est une excellente question. Évidemment, cela varie selon les cas. J'ai essayé de mesurer cela approximativement en tenant compte du temps que nous avons passé à participer aux audiences et également du temps du SCC.

C'est un chiffre extrêmement approximatif, mais je vois mal comment ce genre de chose pourrait coûter moins. Bref, cela donne quelque chose de l'ordre de 50 000$ à 100 000$ par audience. Et il ne s'agit pas là des audiences les plus sensationnelles, par exemple celle de M. Olson, qui doit coûter des millions de dollars aux contribuables.

M. Ramsay: Certains témoins nous ont dit que ces audiences durent plus longtemps que le premier procès.

M. Newark: Oui, c'est également ce que j'ai constaté.

M. Ramsay: J'ai une dernière question à poser; elle concerne la consultation. Le ministère de la Justice a-t-il consulté l'organisme que vous représentez à l'étape de la rédaction du projet de Loi C-45?

M. Newark: C'est une question à laquelle il m'est difficile de répondre. Nous avons eu... depuis 6 mois, j'ai personnellement eu l'occasion de discuter du projet de Loi avec M. Rock et ses collaborateurs.

Que le ministère ait décider d'apporter des modifications mineures à la loi plutôt que de l'abroger ne me surprend guère. Je ne peux respectueusement décrire les consultations officielles auxquelles nous avons participé avec des fonctionnaires du ministère de la Justice ici présents que comme de la frime puisqu'on ne nous avait pas fourni les documents pertinents. Nous avons donc directement discuté des différents domaines traités dans la loi avec le ministre. Dans le cours de nos discussions, nous l'avons toujours pressé d'abroger ce projet de loi.

La présidente: Je vous remercie, Monsieur Ramsay. Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): Je vous remercie, Madame la présidente.

Monsieur Newark, pensez-vous qu'un condamné à vie devrait être tenu de purger une partie minimale de sa peine avant qu'on lui reconnaisse un droit d'appel? Je ne m'y retrouve vraiment pas dans votre témoignage. Vous semblez penser qu'il devrait peut-être y avoir un débat public quant à la durée minimale de cette peine qui pourrait être soit de 10 ans, 15 ans ou 20 ans. Quelle est vraiment votre position à ce sujet? Pensez-vous qu'il faut refuser tout droit d'appel à quelqu'un qui a commis un meurtre au premier degré?

M. Newark: À cet égard, je considère la disposition 742 du Code criminel parfaitement satisfaisante. Ce que je trouve moins satisfaisant, c'est qu'elle est contredite 3 articles plus loin. Ce serait bien si, lorsque quelqu'un est condamné pour meurtre, le juge pouvait dire la vérité. À l'heure actuelle, Monsieur, lorsqu'un juge condamne quelqu'un à l'emprisonnement à vie sans droit à la libération conditionnelle pendant 25 ans, il ne dit pas la vérité.

Du strict point de vue des principes, ce serait bien si un juge pouvait dire exactement ce qui se passe. Que le délai minimal soit de 15 ans ou de 25 ans - et je crois évidemment qu'il devrait être de 25 ans - , l'important c'est qu'on sache à quoi s'en tenir. Il faudrait supprimer la contradiction au coeur même de l'article 745.

M. Jessop: Heureusement ou malheureusement, j'étais là au moment de l'adoption de cette disposition. En 1976, les gens ne se sont pas vraiment rendu compte de la portée exacte de l'article 745 puisque les premiers détenus qui pourraient l'invoquer ne le feraient que 15 ans plus tard. Entre 1976 et 1991, beaucoup de détenus sont cependant devenus admissibles à l'audience spéciale qui ne s'applique qu'à cet article du Code.

M. Discepola: Mais comme M. Langlois l'a signalé, c'est le compromis qu'il a fallu accepter pour se débarrasser de la peine de mort. Les statistiques sont très claires. Seulement 40 p. 100 des détenus qui pourraient invoquer cet article le font. De ceux qui ont obtenu leur libération au terme de l'article 745, aucun, à ma connaissance, n'a commis par la suite un autre crime grave.

M. Newark: Ce n'est pas réellement vrai. Le taux d'échec est d'environ 20 p. 100. L'une des personnes qui a bénéficié d'une libération au terme de cet article a commis un vol à main armée.

M. Discepola: Donc un cas sur 19. Si cela fait 20 p. 100, très bien.

M. Newark: Non, 26 demandes ont été soumises à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Lors de sa comparution, le président de la Commission nous a dit que 26 détenus avaient été libérés au terme de cet article. Comme l'un d'entre eux est mort, c'est de 25 personnes dont il s'agit. De ce nombre, trois ont été réincarcérées parce qu'ils ont enfreint les conditions de leur libération, une a été accusée de vol à main armée et une autre a disparu de la circulation.

M. Discepola: Supposons que nous abrogions l'article 745. En quoi cela aiderait-il les policiers à mieux faire leur travail?

M. Newark: Je crois que d'entrée de jeu cela rehausserait la crédibilité et l'intégrité de l'ensemble du système de justice pénale.

M. Discepola: Je vous prie de bien vouloir répondre à ma question. Comment l'abrogation de cet article aiderait-elle les policiers à mieux faire leur travail?

M. Newark: Je crois que l'abrogation de cet article confirmerait l'importance qu'on attache à la dissuasion. Celui qui commettrait un meurtre au premier degré, qu'il tue un policier ou quelqu'un d'autre, ou celui qui commettrait un meurtre au second degré punissable de plus de 15 ans saurait exactement à quoi s'en tenir au sujet de sa peine. Voilà ce qu'on appelle la dissuasion.

.1930

M. Discepola: Dans les États américains où la peine de mort existe, les statistiques montrent cependant clairement qu'elle ne dissuade pas ceux qui ont l'intention de commettre un meurtre.

M. Newark: Le taux d'homicide a augmenté au Canada lorsqu'on a aboli la peine de mort. En fait, il a doublé. C'est une statistique sur laquelle le ministère de la Justice n'aime pas beaucoup revenir, mais c'est un fait.

Après 15 ans, le taux d'homicide s'est stabilisé. Il est resté relativement constant. Maintenant, il baisse. Mais il a plus que doublé depuis la dernière exécution d'un criminel. C'est une statistique de Juristat; elle émane du gouvernement canadien.

M. Discepola: Vous semblez cependant dénigrer nos efforts qui sont très réels.

Vous recommandez que les lois traitent tous les criminels de la même façon. Le cas Olson est un cas extrême. Les lois ne peuvent pas être fondées sur ce genre de cas.

M. Newark: C'est pourtant ce que propose ce projet de loi.

M. Discepola: Indirectement peut-être, mais nous renforçons également les dispositions de la loi. Le processus d'évaluation viendra remplacer le recours aux tribunaux auquel vous avez fait allusion. Les appels risquent d'être coûteux.

Le fait que la décision devra être unanime, constitue à mon avis, une bonne mesure de contrôle. Vous préféreriez que la décision incombe uniquement à la Commission des libérations conditionnelles. À mon avis, le fait que 12 jurés doivent approuver unanimement la décision après une audience et que la demande doive également être également approuvée par la Commission nationale des libérations conditionnelles constitue une mesure de contrôle supplémentaire qui ne peut que rassurer le public.

M. Newark: Dans ce cas, pourquoi ne pas fixer la période minimale à 25 ans?

M. Discepola: C'est là-dessus que porte le débat. Vous avez dit avoir discuté de la question avec vos collègues. Je connais les Services correctionnels et j'ai discuté du sujet avec ceux qui sont chargés de faire appliquer la loi. Ils craignent vraiment pour leur sécurité si l'on enlève tout espoir aux condamnés à vie.

M. Newark: J'ai discuté de la question avec mon homologue du syndicat qui représente les gardiens de prison et il m'a dit que cet argument ne tenait pas. En fait, les gardiens n'ont justement aucune crainte pour leur sécurité.

Réfléchissez-y bien. Une condamnation à vie est une peine discrétionnaire. Le condamné n'est pas assuré qu'il aura un jour droit à la libération conditionnelle. Tout ce qu'on fait ici, c'est de ramener la période minimale de 25 à 15 ans. Il est illogique de dire qu'il y a une lueur d'espoir après 25 ans ou après 15 ans. Il faut se faire une idée.

M. Discepola: Plus on suit de près ce débat qui fait appel aux émotions, plus on se rend compte qu'il devrait porter sur deux questions. Il y a d'abord celle du traitement des criminels. Je pense qu'on néglige peut-être aussi les droits des victimes. Je crois qu'il faut faire une distinction entre ces deux questions et les aborder séparément.

Nous devrions examiner la question du traitement des criminels de façon très objective pour pouvoir en arriver à un consensus rationnel sur le sujet. Je crois qu'actuellement on mêle un peu trop les deux questions. La balance pèse un peu trop d'un côté. Vous reconnaissez tous que les victimes sont plus ou moins laissées pour compte.

M. Jessop: Vous avez raison.

Revenons à votre question sur l'impact de la disposition 745 sur notre travail. Soit avant le procès, soit après celui-ci, les victimes s'adressent à ceux d'entre nous qui travaillons sur ce genre de crime pour nous demander combien de temps le coupable sera derrière les barreaux. Je leur réponds qu'il est condamné à vie, mais qu'il purgera au maximum 10 ans de sa peine. Dans d'autres cas, les coupables de meurtre au second degré purgent 15, 17, 18 ou 25 ans de leur peine. Quant aux coupables de meurtre au premier degré, ils ne purgent que 15 ans de leur peine, et les victimes le savent.

Vous avez entendu tous ces gens qui ont comparu aujourd'hui. Je crois que vous vous trompez si vous pensez pouvoir séparer ces deux questions. C'est impossible.

M. Newark: Soit dit en passant, monsieur, ces gens ne purgeront même pas 15 ans de leur peine. Dans le cadre de l'article 746, on commence à tenir compte du temps dès le moment de l'arrestation si la personne est détenue, comme c'est habituellement le cas. Une condamnation à vie, c'est donc 25 ans. Pour une peine de 25 ans, c'est 15 ans. En fait, ce n'est pas vraiment 15 ans, c'est habituellement un peu moins en raison...

.1935

M. Discepola: Permettez-moi de poser quelques questions au sujet de l'ADN.

Supposons, monsieur Jessop, qu'on vous confie un cas non résolu qui remonte à 25 ans. Qu'est-ce qui vous empêche aujourd'hui de recourir à une analyse de l'ADN pour essayer de résoudre le cas?

M. Jessop: Ce cas a été soumis en 1993 au Centre of Forensic Sciences à Toronto. Il s'agit du meurtre, à la suite d'une agression sexuelle, d'une fillette de 6 ans. Le centre a dit qu'il y avait un échantillon qui, dans quelques années, pourra permettre de faire une analyse de l'ADN.

M. Discepola: Un échantillon provenant de la victime ou du suspect?

M. Jessop: Un échantillon de la victime et un cheveu retrouvé sur la scène du crime.

M. Discepola: Dans ce cas, pourquoi ne peut-on pas résoudre le crime si on a un échantillon de la victime ainsi que du...

M. Jessop: Je pourrais le faire si je possédais une banque de données, monsieur Discepola.

M. Newark: Il faut trouver à qui correspond l'échantillon, monsieur.

M. Discepola: Mais vous avez un cheveu du suspect.

M. Jessop: Nous ne savons pas à qui appartient ce cheveu.

M. Discepola: Très bien. Dans ce cas...

La présidente: Je demanderais aux témoins de répondre à tour de rôle. Je sais, monsieur Newark, que vous aimeriez bien intervenir, mais je sais par ailleurs que le sergent d'état-major Jessop est sans doute celui qui est le mieux renseigné sur cette question dans cette salle.

M. Discepola: Vous avez donc un cheveu, mais vous ne savez pas à qui il appartient?

M. Jessop: Non.

M. Discepola: Le problème qui se pose donc au sujet de cette banque de données dont les avantages semblent évidents à tous, c'est qu'on ne sait pas comment la constituer. Une banque de données de ce genre est très coûteuse et, à moins de posséder des milliers et des milliers d'échantillons,... La création d'une telle banque prendra du temps et sera coûteuse.

C'est bien beau de nous critiquer et de dire que nous ne faisons rien pour corriger le problème, mais à tout le moins, grâce aux changements que nous avons adoptés et grâce aux mandats, on peut obtenir des échantillons. De cette façon, les policiers peuvent résoudre certains crimes lorsqu'ils peuvent trouver à qui appartient un échantillon.

Mais s'il fallait remonter dans le temps ou même... Comment créerait-on une banque de données si on décidait de le faire?

M. Jessop: Nous vous avons évidement fait des recommandations à cet égard. J'espère queM. Newark pourra vous dire exactement ce qu'il en est.

C'est très simple. Cela fonctionne comme pour les empreintes. On s'est sans doute aussi demandé comment s'y prendre au début pour les empreintes. Il faut commencer au début. Il faut commencer par prendre un échantillon de la première personne qui sera arrêtée demain, quelle que soit l'infraction dont elle est accusée. Il suffit de prendre deux échantillons au lieu d'un seul. On prendra les empreintes ainsi qu'un échantillon permettant de faire une analyse de l'ADN. C'est ce que font les Britanniques. C'est ce qu'on fait aussi dans bien des États américains.

M. Newark: Je peux vous donner des détails, monsieur. Il y a six mois, nous avons proposé àM. Gray des amendements à la Loi sur l'identification des criminels. On n'a pas encore adopté ces amendements.

Discepola: Je suis d'accord avec vous. Il est impensable de prendre des échantillons de toute la population carcérale. Il faudra commencer par le début comme on l'a fait pour les empreintes.

La présidente: Monsieur, je ne cherche pas à être pointilleuse, mais nous avons consacré 12 minutes à ce témoin et nous nous écartons maintenant du sujet. Je propose que nous entendions maintenant le témoin suivant.

M. Discepola: Très bien.

La présidente: Je vous remercie d'avoir bien voulu comparaître devant le comité. Votre témoignage nous sera utile. Nous vous reverrons bientôt. Merci.

M. Kirby (Prince Albert - Churchill River): J'ai un avis juridique émanant de M. Ian Binnie de l'étude McCarthy Tétrault. Le ministère de la Justice l'a reçu il y a une heure à peine. Il n'a pas encore été traduit, mais on est en train de le faire.

Pourrais-je déposer cet avis rédigé par M. Ian Binnie qui porte sur les amendements proposés à l'article 745. C'est un avocat de renom qui se spécialise dans les poursuites et qui a déjà comparu à plusieurs reprises devant le comité.

M. Ramsay: S'agit-il d'une présentation à titre personnel?

M. Kirby: Oui.

M. Ramsay: Très bien.

La présidente: Je vous remercie.

M. Jessop: Je vous remercie, madame la présidente. Je vous remercie, mesdames et messieurs.

La présidente: Nous ferons une pause de quelques minutes pour permettre à nos témoins suivants de se préparer.

.1939

.1948

La présidente: Nous reprenons la séance. Je prie les témoins suivants de s'installer.

M. Ramsay: Avons-nous le document que Gordon a amené?

La présidente: On est en train de le photocopier.

Monsieur Langlois, avez-vous bien compris qu'on aimerait déposer un avis juridique qui n'a pas encore été traduit mais qu'on est en train de traduire actuellement. Y voyez-vous une objection?

M. Langlois: Non.

La présidente: Je vous remercie. J'en déduis que vous n'y voyez pas d'objection. Très bien.

M. Langlois: Faisons comme si je n'avais rien entendu.

La présidente: Très bien, je vous remercie.

J'ai commis une erreur plus tôt lorsque l'on a établi la liste de témoins. M. Green, qui est ici, avait demandé à comparaître devant le comité. Malheureusement, il ne s'est pas adressé à moi directement et j'ai cru comprendre qu'il voulait simplement déposer une lettre et non pas comparaître. On a dissipé le malentendu. M. Green est ici et la représentante de la Société Elizabeth Fry a accepté de lui céder un peu de son temps.

Je m'en remettrai aux témoins. Nous accueillons donc Mme Kim Pate de la Société Elizabeth Fry et M. Mark Green, stagiaire en droit à Windsor... Windsor est bien le centre de l'univers, mais Ottawa est le centre du pays. Que l'un ou l'autre d'entre vous veuille bien commencer.

.1950

Mme Kim Pate (directrice administrative, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry): Mark va commencer.

Je vous remercie beaucoup, madame la présidente, de nous avoir invités tous deux à comparaître devant le comité et de nous l'avoir fait savoir aujourd'hui pour que nous puissions profiter de cette possibilité. Nous avons pu trouver quelqu'un pour s'occuper de nos enfants assez facilement.

La présidente: Je vous remercie.

Mme Pate: Pour ceux qui ne le sauraient pas, et pour dissiper tout malentendu, j'aimerais dire que Mark est mon partenaire. Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Green.

M. Mark Green (témoigne à titre personnel): J'ai voulu comparaître devant le comité pour vous faire part de quelque chose qui m'est personnellement arrivé il y a quelques années. J'ai été élevé à Peterborough en Ontario et, en 1971, mon père a été tué lors d'un vol à main armée. Il était en partie propriétaire d'un hôtel qu'il exploitait à Peterborough. Il a été tué au travail. J'avais alors 17 ans et, comme vous pouvez bien vous l'imaginer, ce meurtre m'a bouleversé ainsi que toute ma famille. J'ai deux frères plus jeunes et ma mère vivait encore.

Ce qui est arrivé en 1971 explique ce qui s'est produit par la suite dans ma vie. Si je veux vous en parler, c'est que la façon dont j'ai réagi à ce meurtre n'est pas peut-être celle à laquelle on pourrait s'attendre. Je n'ai ressenti ni le désir d'obtenir vengeance, ni celui de châtier les délinquants.

Je suis allé à l'université et j'ai obtenu une maîtrise en criminologie. J'ai ensuite travaillé avec les contrevenants pendant environ 13 ans. J'ai travaillé pendant une courte période au gouvernement de l'Ontario et ensuite au gouvernement de l'Alberta. J'ai ensuite travaillé pendant un certain nombre d'années à la société John Howard que vous connaissez sans doute tous.

Si j'ai décidé de travailler auprès des contrevenants et des prisonniers, c'est que j'ai voulu les aider à ne pas s'enfoncer davantage dans la criminalité et tuer quelqu'un comme on avait tué mon père. Voilà comment j'ai pensé qu'on pouvait aider ceux qui s'adonnaient au crime. Compte tenu de ce qu'on m'avait appris et de ma propre expérience, j'ai pensé qu'on ne réglerait pas le problème de la criminalité en châtiant et en emprisonnant plus de gens. Ce qui m'est arrivé ne m'a pas fait changer d'idée.

Je suppose que je dois attribuer la façon dont j'ai réagi à la façon dont j'ai été élevé par mon père, qui a été victime d'un crime. Il oeuvrait sans relâche dans sa collectivité. Je suis sûr qu'il n'approuverait pas le désir de vengeance qui ressort des discussions portant sur les changements proposés à l'article 745. Je suis sûr que mon père n'aurait pas été favorable à la peine de mort, mais il s'agit là d'une autre affaire.

Le message que je veux vous laisser est qu'il y a des gens qui ont perdu des êtres chers et qui n'estiment pas que le châtiment des contrevenants et des criminels soit la solution au problème de la criminalité. Ceux qui comme moi ont connu une telle épreuve se taisent. Nous avons continué à vivre, nous avons réagi d'une façon ou d'une autre et nous n'en parlons pas. Je n'ai pas vraiment discuté de la question avec beaucoup d'autres gens qui auraient vécu la même expérience que moi, mais je suis tout de même convaincu que, comme moi, bon nombre d'entre eux n'ont pas de désir de vengeance.

Ceux qui ont perdu des êtres chers ressentent certainement un grand chagrin comme celui que j'ai moi-même ressenti pendant longtemps.

Voilà ce que j'avais à dire. Si vous avez des questions à me poser, j'y répondrai volontiers.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Green. Je m'en remets à vous. Préféreriez-vous que nous posions maintenant des questions à M. Green.

Mme Pate: Si vous le voulez ou je peux aussi faire mon exposé, madame la présidente.

La présidente: Peut-être vaudrait-il mieux que nous posions maintenant nos questions àM. Green. Je dois faire un petit calcul. Vous allez entendre mes méninges fonctionner.

Monsieur Langlois, vous avez cinq minutes. Non. C'est vous, monsieur Ramsay, qui avez cinq minutes.

.1955

M. Ramsay: Monsieur Hanger.

La présidente: Monsieur Hanger, vous avez cinq minutes.

M. Hanger (Calgary-Nord-Est): Je n'ai pas de questions à poser pour l'instant, madame la présidente.

La présidente: Très bien.

M. Hanger: Peut-être vaudrait-il mieux que le témoin suivant fasse son exposé.

La présidente: Nous avons décidé de séparer les deux exposés. Si vous avez des questions à poser à M. Green, vous devriez le faire maintenant.

J'en déduis que vous n'avez pas de questions à poser.

M. Hanger: Non, pas pour l'instant.

La présidente: Vous n'aurez plus l'occasion d'interroger M. Green. Si vous avez donc des questions à lui poser, faites-le maintenant.

M. Hanger: Je n'en ai pas.

La présidente: Je vous remercie. Madame Clancy.

Mme Clancy (Halifax): Monsieur Green, j'aimerais vous remercier de votre témoignage.

Permettez-moi de vous dire ce qui me préoccupe comme parlementaire dans toute cette affaire. Je comprends que vous avez été courageux de venir témoigner devant le comité. Vous avez dit que vous n'aviez pas beaucoup parlé du meurtre de votre père et de toutes ces choses qui vous touchent très directement, vous et votre famille. Certaines victimes de crime pensent comme vous et ne tiennent pas au châtiment, mais d'autres voient les choses autrement.

Je vous pose la question suivante parce que vous avez travaillé avec des contrevenants et parce que vous êtes assez téméraire pour vous lancer dans l'exercice du droit. Malgré tout le respect que nous devons aux victimes de crimes, j'ai toujours cru que nous ne devrions pas laisser notre pitié à leur égard exercer une influence sur la façon dont nous légiférons dans ce domaine. Qu'en pensez-vous?

M. Green: Je suis d'accord avec vous. Je ne m'attendrais pas à ce qu'on modifie une loi pour tenir compte de circonstances qui me sont propres. Il faut plutôt légiférer dans l'intérêt général de la société.

Je ne veux pas dire que les gens n'ont pas le droit d'exprimer leurs vues et leurs opinions. On a déjà discuté de la question, mais je crois qu'il faut légiférer non pas en se fondant sur son expérience personnelle ou sur ses émotions, mais plutôt de façon rationnelle.

Ce soir, j'essaie d'être le plus rationnel possible, mais j'aborde le problème sous un autre angle. À mon avis, les législateurs doivent prendre autant de recul que possible et étudier la question de façon rationnelle. J'estime que c'est important.

J'ai beaucoup réfléchi à la question de savoir pourquoi on attribue toujours aux victimes de crime un désir de vengeance. Il serait évidemment intéressant d'avoir pu discuter de la question avec ces mêmes personnes avant qu'elles ne soient victimes d'un crime.

Il s'agit évidemment d'une opinion personnelle, mais je crois que la plupart de ces gens auraient eu auparavant la même attitude que celle qu'ils ont maintenant. Moi, par exemple, avant le meurtre de mon père, je ne croyais pas vraiment beaucoup au châtiment et je n'ai jamais cru à la peine de mort. Ce qui est survenu à mon père ne m'a pas fait changer d'idée.

Je ne sais pas si j'ai fait ressortir un point nouveau.

Mme Clancy: Je crois que oui. Je veux personnellement vous remercier d'être venu exprimer votre point de vue devant le comité.

Je vous remercie, madame la présidente.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): Auriez-vous aimé qu'on vous consulte au moment du prononcé de la peine? Je n'ai pas encore fini de lire votre lettre. Certains témoins nous ont dit qu'ils avaient cru que le contrevenant allait bien purger la peine qui lui avait été imposée, soit la condamnation à vie sans droit à la libération conditionnelle avant 25 ans. Aurait-il fallu que le juge leur explique qu'il était possible que le contrevenant ait droit à la libération conditionnelle en raison de l'article 745. Je crois que c'est ce que semblent dire beaucoup de gens.

L'information fournie à l'époque sur la détermination de la peine était-elle pertinente?

M. Green: Non, pas lorsque mon père a été tué. Je vous rappelle que c'était en 1971. À l'époque, la disposition relative aux 25 ans n'existait pas.

.2000

Je ne me suis pas rendu à l'audience de détermination de la peine. Je me souviens y avoir pensé à l'époque. Notre famille vivait une crise majeure sur le plan émotif. Mon père venait d'être tué quelques mois auparavant. J'avais un frère de sept ans et un autre de douze ans et ma mère vivait une période difficile. Je me souviens d'avoir songé à m'y rendre et des gens me demandaient si j'allais m'y rendre. Après y avoir réfléchi, je me suis dit que ça ne servirait à rien. C'était à peine quelques mois plus tard. Je me suis dit que cela n'allait pas faire revenir mon père ou m'aider de quelque façon que ce soit. J'ai laissé tomber et je me suis concentré sur les problèmes que j'avais à régler, à savoir tenter de gérer l'entreprise familiale, m'efforcer d'être à l'écoute des membres de la famille et continuer à vivre.

Mme Torsney: N'étant pas avocate, je comprends les gens qui nous disent d'éviter de placer le débat sur le plan des émotions. Cependant, il me semble que l'émotion peut être constructive si elle incite au changement.

Nous savons que le système a plutôt malmené certaines victimes et nous avons donc opéré un certain nombre de changements depuis notre entrée en fonction, de manière à l'améliorer. Il me semble que j'entends souvent mes électeurs dire que si les accusés ont des droits, alors les victimes n'en ont pas: les droits étant limités, ceux qui en ont en privent les autres. On tient souvent le même langage dans les partis d'opposition: puisque les droits ne sont pas illimités, le fait que vous jouissiez de certains droits me prive nécessairement des miens. Auriez-vous un commentaire à faire à ce sujet. S'agit-il d'un jeu à somme nulle?

M. Green: Je le crois. Selon moi, il s'agit d'une situation où il n'y a pas de gagnant. Toute victime pourrait vous dire, me semble-t-il, qu'elle souhaiterait surtout ne pas avoir subi cette épreuve. Si nous nous efforcions davantage de veiller à ce que les gens ne soient pas mis dans des situations où il leur semble nécessaire de créer des victimes, de tuer et de voler, alors j'estime que nous serions beaucoup plus avantagés que dans cette situation où on rivalise pour tenter d'assurer des chances égales à tous. On consacre trop d'effort à cet aspect et on n'en consacre pas assez aux aspects préventifs.

La présidente: M. Hanger a des questions. Cinq minutes.

M. Hanger: Merci, madame la présidente.

Je tiens tout d'abord à vous exprimer, à vous et à votre famille, mes condoléances pour la mort de votre père. Même si cela remonte à 1971, je suis conscient du traumatisme que vivent les familles et les collectivités lorsque survient ce genre d'événement. Ayant moi-même été policier, j'ai eu l'occasion de faire enquête au sujet d'événements du genre de ce dont vous parlez dans votre lettre. J'y suis donc sensibilisé.

Vous avez fait, au troisième paragraphe, une déclaration qui m'a frappé. Vous parlez de la suppression de l'article 745. J'ai toujours été pour ma part partisan du débat, et même du débat vigoureux, sur toute question, qu'elle soit controversée ou non. En dépit de la rectitude politique qui sévit par les temps qui courent, il ne faut pas hésiter à aborder, ici à la Chambre, même les sujets les plus controversés. En effet, tous ne sont pas d'accord avec les lois qui sont adoptées et je crois qu'il revient aux députés de débattre de toute question. Ainsi, votre déclaration m'a frappé. Vous y parlez de la suppression de l'article 745.

Croyez-vous que c'est vraiment ce que cherche l'élément conservateur?

M. Green: Dans certains cas, je crois que oui.

M. Hanger: Et vous poursuivez:

Est-ce vraiment ce qui se passe, d'après vous?

M. Green: En effet.

M. Hanger: Croyez-vous que des questions aussi controversées que celles qui concernent l'article 745 doivent être débattues à la Chambre et en public?

M. Green: Oui, je le crois.

M. Hanger: Vous estimez qu'on doit en débattre.

.2005

M. Green: J'estime qu'on doit en débattre, en effet, mais je maintiens ce que j'ai écrit.

M. Hanger: Pour ce qui est des arguments de ce que vous appelez l'élément conservateur et dont les positions semblent être à l'opposé des vôtres, vous ne pouvez pas vraiment les accepter, ni accepter la pensée qui les sous-tend.

M. Green: Je n'accepte pas la position qu'il défend. Je ne pense pas qu'on doive changer la loi et la rendre plus mordante qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. À bien des égards, elle est bien régressive, punitive et contraire à l'optique de la réadaptation. Je ne crois donc pas qu'il faille revenir en arrière et empirer les choses.

Compte tenu de mon expérience auprès de détenus dans des centres correctionnels et à l'extérieur, je ne vois pas comment les changements proposés pour l'article 745 vont me procurer, ou procurer à mes enfants ou à qui que ce soit, un environnement plus sûr.

M. Hanger: Comment en arrivez-vous à cette conclusion?

M. Green: Je m'en remets à mon expérience de travail auprès des détenus. J'ai pu constater que ce n'est pas en incarcérant des gens pour de plus longues périodes qu'on peut les réadapter. Je n'en ai vu aucune preuve dans toutes mes années de travail auprès des détenus dans les établissements carcéraux et à l'extérieur.

M. Hanger: Pourtant, dans la majorité des cas, les statistiques prouvent que la durée d'incarcération diminue au lieu d'augmenter.

M. Green: Ce n'est pas ce qui est proposé dans l'article 745.

M. Hanger: Évidemment, nous proposons 25 ans fermes et sans libération. En réalité, la durée des peines évolue à l'opposé, d'après les statistiques.

M. Green: Je ne saurais vous le dire. Cependant, en dépit de ce que vous pouvez dire à ce sujet, nous sommes ici pour parler de l'article 745. Pour ma part, j'ai perdu un membre de ma famille et ce n'est pas le fait que quelqu'un passe 15 ans, 20 ans, 25 ans ou 10 ans derrière les barreaux qui va faire revenir mon père. Je ne me sentirai pas mieux si la personne purge une peine plus longue.

Il y en a d'autres qui pensent autrement, je le sais...

M. Hanger: La personne qui a tué votre père est-elle encore vivante?

M. Green: Je ne le sais pas. Je sais que la personne qui a été condamnée a bénéficié d'une libération conditionnelle avant de purger sa peine au complet. Je l'ai appris grâce aux contacts que j'avais dans le milieu correctionnel il y a longtemps.

M. Hanger: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Monsieur Maloney, aviez-vous une brève question à poser?

M. Maloney (Erie): Monsieur Green, la mesure qui est devant nous ne vise pas à abroger l'article 745. Elle propose essentiellement de le modifier, même si certains pourront considérer qu'il s'agit effectivement d'une abrogation. Contestez-vous la disposition selon laquelle un juge examinerait les demandes, de manière à rejeter toute revendication frivole ou à protéger la victime d'un processus trop hâtif?

M. Green: J'ai étudié la mesure telle qu'elle existe, assez sommairement, et j'ai eu un bref entretien avec l'un des membres du personnel. Je ne connais pas tous les détails de la mesure. Je me bornerai à dire que, selon moi, il n'y a aucune raison de modifier la disposition actuelle.

Comme je l'ai dit dans ma lettre, il me semble, après un bref examen de la question, que les garanties qui existent sont suffisantes. Un jury détermine si la demande de la personne mérite d'être considérée. Nous confions à un jury toutes sortes de questions autant en matière criminelle que civile et nous respectons les décisions rendues. Alors, pourquoi ne pas laisser à un jury le soin de décider? Pourquoi confier la question à un juge seul? Je suis convaincu qu'il n'y a pas lieu de modifier la disposition.

M. Maloney: On propose une procédure par étapes. Tout d'abord, un juge doit déterminer si une demande est frivole ou non. La question est ensuite soumise à un jury qui, je le suppose, doit prendre une décision unanime, après quoi c'est à la Commission des libérations conditionnelles d'intervenir.

M. Green: C'est exact.

M. Maloney: Pourquoi donc ne pas éviter les coûts des audiences, qui sont de l'ordre de 50 000$ ou de 60 000$, et aussi épargner aux victimes le traumatisme d'avoir à revivre cette situation. En quoi le mécanisme d'examen est-il contestable?

.2010

M. Green: Comme je l'ai déjà dit, j'estime tout simplement que le système actuel comporte suffisamment de garanties. Je ne crois pas qu'il faille le dénigrer ou le modifier dans l'intérêt des victimes.

Tel n'est pas, selon moi, l'enjeu critique à cette étape. Il est malheureux que des victimes aient à revivre des moments pénibles, mais j'estime que, à cette étape, l'objectif consiste à faire en sorte que la personne ne récidive plus, de manière à ce qu'il n'y ait plus de victimes à l'avenir. Voilà l'aspect important.

Nous trouverons les moyens, je l'espère bien, d'épauler les victimes qui ont déjà souffert d'une manière ou d'une autre. Que ce soit un juge ou un jury qui décide... Je ne comprends pas comment ce mécanisme peut être avantageux pour les victimes par rapport à la situation avec laquelle elles doivent composer.

M. Maloney: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Maloney.

Nous accueillons maintenant la Société Elizabeth Fry. Madame Pate.

Mme Pate: Merci beaucoup, je m'appelle Kim Pate. Je travaille auprès des Sociétés Elizabeth Fry et je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de nous recevoir.

Depuis un jour et demi, vous avez entendu de très nombreuses personnes exposer toute une gamme de positions. Je ne suis pas certaine de pouvoir ajouter quelque chose à la discussion, si ce n'est répéter ce que vous avez déjà entendu dire par certains groupes. Essentiellement, les gens parmi nous qui oeuvrent en première ligne aussi bien auprès des victimes que des contrevenants - qu'il s'agisse de femmes qui travaillent dans des centres d'aide aux victimes du viol, dans des refuges ou des maisons de transition, encore dans des prisons auprès des détenus - ont eu, durant les derniers mois au cours desquels la question a été à l'avant-plan, l'occasion d'arriver très nettement à la conclusion que l'effritement des principes de justice et d'équité qui découle des modifications proposées à l'article 745 nous pose à tous un problème de fond.

Nous nous trouvons dans la position désagréable d'essuyer le mépris de ceux qui prétendent que nous proposons la libération des tueurs en série. C'est ce qu'on en disait dans les médias hier et encore aujourd'hui. Pourtant, nous ne souhaitons rien de tel. Nous nous opposons essentiellement à l'effritement des principes de justice et d'équité, pour ce qui est de leur application à certaines personnes. Voilà un aspect.

En deuxième lieu, ceux qui ont proposé le projet de loi y voient un moyen de répondre aux besoins des victimes. D'autres questions sont pertinentes également. Certaines d'entre elles sont chargées d'émotion et ont une signification très concrète pour bon nombre de gens. Mark a exprimé un avis et je sais que, tout comme moi, vous en avez entendu d'autres. Je respecte tous les avis. J'estime néanmoins que, tant que nous n'aurons pas étudié à fond et réaménagé notre système de justice criminelle, notre système s'appuie sur les éléments fondamentaux de la règle de droit. Selon moi, le projet de loi C-45 constitue le point de départ d'un effritement de ce système. Pour bon nombre d'entre nous, il y a là quelque chose de très inquiétant qui va tout à fait à l'encontre de l'idée de protéger les libertés que nous avons à titre de Canadiens. C'est un deuxième aspect.

D'autre part, on prétend que cette mesure correspond aux intérêts des victimes, qui sont surtout des femmes et des enfants. Or, au même moment, on peut constater le manque de services communautaires nécessaires pour empêcher que les femmes et les enfants ne deviennent des victimes.

Également, à une époque où on ne cesse de nous parler de la nécessité de réduire le déficit et d'agir de façon responsable sur le plan financier, voilà qu'on propose de modifier une disposition qui, d'après nous, ne pose pas problème.

À notre connaissance, aucune personne qui a bénéficié d'une révision aux termes de l'article 745 n'a commis de meurtre. L'article 745 n'augmente pas les risques pour la collectivité. Nous savons même que, depuis son entrée en vigueur, la durée moyenne des peines a augmenté de façon spectaculaire. Elle est passée de 13 ans en moyenne à environ 18 ou 19 ans pour les personnes condamnées à perpétuité.

La question que je pose et à laquelle je n'ai pas encore reçu de réponse valable est la suivante: pourquoi étudions-nous en ce moment un projet de loi qui va certainement augmenter les coûts du système et qui vise à régler un faux problème puisque les personnes libérées ne commettent pas d'infractions, et surtout pas de meurtres? À mon sens, la question est plus que pertinente.

.2015

À un moment où on dit aux groupes de femmes qu'il n'existe pas de ressources financières pour les centres d'aide aux victimes de viol, où on annule les prestations aux assistés sociaux, on réduit le financement des programmes d'enseignement et où toute sorte de compressions sont en cours, il semble que nous voulions adopter des dispositions et des modifications à l'article 745 qui vont certainement entraîner une augmentation de coûts. Et ces augmentations de coûts vont venir non seulement de l'application de principes et de procédures qui découleront des modifications, mais aussi des contestations aux termes de la Constitution qui vont certainement en découler.

Nous avons devant nous une initiative qui vise clairement à répondre aux besoins réels et importants des victimes, mais qui n'y répondra pas du tout.

Je me ferai un plaisir de répondre à toute question.

La présidente: Auparavant, pourriez-vous me donner une précision. Pouvez-vous nous dire combien de femmes sont condamnées à perpétuité à l'heure actuelle et si certaines d'entre elles ont été libérées aux termes de l'article 745. Dans l'affirmative, quelle est leur situation?

Mme Pate: Je le puis. J'aurai même d'autres commentaires à faire au sujet des détenues condamnées à perpétuité dans un instant. Je me rends à la prison demain, encore une fois, et l'une des questions à l'ordre du jour consiste à savoir si les groupes de condamnés à perpétuité vont continuer d'exister. Les femmes ont réagi si fortement à cette initiative qu'il y a de quoi se poser de graves questions.

Une femme a fait l'objet d'un examen aux termes de l'article 745. Dans les mêmes circonstances, elle ne serait plus condamnée aujourd'hui. Il s'agit d'une affaire de meurtre imputé. Pour ceux qui ne le savent pas, la disposition pertinente a été abrogée il y a déjà quelque temps. Malheureusement, les personnes tous ceux dont le dossier n'était pas actif à ce moment-là n'étaient pas admissibles à un examen.

Dans le cas de cette femme, elle n'avait pas averti l'agent de police alors qu'il entrait... Son compagnon la maltraitait depuis de nombreuses années. Il la tenait en otage dans une chambre d'hôtel et refusait de la libérer. Elle n'a pas averti les agents de police du fait qu'il avait une arme à feu au moment où ceux-ci sont entrés dans la pièce. Ainsi, elle a été condamnée, comme la chose était possible à l'époque, pour meurtre imputé au premier degré.

L'affaire a fait l'objet d'un examen il y a plus de trois ans. Cette femme s'est vu accorder l'admissibilité immédiate à la libération conditionnelle après 15 ans et vient tout juste de sortir de prison, il y a de cela quelques mois. Il lui a fallu encore trois ans après la réduction de la période d'accès à la pleine admissibilité. Évidement, par la suite, elle a dû faire une demande auprès de la Commission nationale des libérations conditionnelle et se soumettre à une série d'étapes préalables à la libération: permission de sortir avec surveillance, puis sans surveillance, puis séjour dans une maison de transition. Elle vient tout juste de commencer à vivre chez sa fille et sa petite fille.

Il s'agit de la première et, jusqu'à maintenant, de la seule femme à avoir été libérée aux termes de l'article 745. Trois autres femmes seront dans le même cas d'ici un an et demi et elles sont très inquiètes de ce qui risque de leur arriver.

Je vous ai parlé tout à l'heure de groupes de détenues condamnées à perpétuité. Alors même que cette disposition était en voie d'élaboration, nous nous efforcions de créer de l'espoir, et j'ai souvent le sentiment de créer de faux espoirs, notamment... Vous connaissez tous les résultats de l'enquête de Mme la juge Arbour et vous savez tous très bien à quel point on a peu fait par le passé pour les femmes détenues.

Bien des femmes ont réagi tout d'abord en décidant de dissoudre les groupes de condamnées à perpétuité. «À quoi peuvent-ils bien servir?», demandent-elles. Elles conseillent tout simplement aux nouvelles détenues de se donner la mort plutôt que de vivre durant 25 ans en milieu carcéral.

Évidemment, nous faisons tout ce que nous pouvons pour que les femmes détenues choisissent une autre solution mais, de plus en plus, à mesure qu'augmente la brutalité dans les prisons, nous craignions d'en arriver là.

Demain, je prévois rencontrer le groupe des détenues condamnées à perpétuité mais je ne suis pas certaine qu'elles viendront. Leur découragement et leur désespoir sont tout à fait palpables. Vous êtes nombreux à en connaître les conséquences. Vous savez que les femmes réagissent souvent à ce genre de situation en s'attaquant à elles-mêmes au lieu d'exprimer plus ouvertement leur colère et leur frustration.

La présidente: Ainsi, le cas d'une femme a été examiné, celui de trois autres va l'être. Combien d'autres femmes sont condamnées à l'emprisonnement à perpétuité?

Mme Pate: Je crois qu'il y en a 47. Leur nombre est très élevé. Un certain nombre d'entre elles ont demandé l'examen pour motif de défense légitime, mais nous savons fort bien que bon nombre d'entre elles ne seront pas admissibles à cause des circonstances et à cause des limites du critère Lavallée. Nos inquiétudes sont donc considérables.

.2020

Nous savons qu'il est probable que certaines femmes provenant de provinces où l'application de l'article 745 fonctionne bien seront vraisemblablement libérées. Même avant les modifications proposées, même avant toutes ces questions concernant l'article 745, les personnes condamnées à perpétuité s'inquiétaient déjà du fait que, vu les nombreux préjugés qui existent, notamment ceux qui visent les femmes des Premières nations, elles ne réussiraient pas de toute façon devant un jury dominé par sans aucun doute des blancs.

La présidente: Je m'excuse auprès de mes collègues. Je posais ce que je croyais être des questions brèves. J'avais oublié à quel témoin j'avais affaire. Cela dit en toute affection.

Monsieur Langlois, vous disposez de 10 minutes.

[Français]

M. Langlois: Vous avez posé à peu près les questions que j'aurais posées, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Voulez-vous que je récupère le reste de votre temps?

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Je n'ai qu'une question. Qu'y a-t-il dans ce nouveau projet de loi qui a tant découragé les détenues à qui vous avez parlé?

Mme Pate: Je dois reconnaître que je n'ai pas parlé à toutes les femmes condamnées à perpétuité depuis le dépôt du projet de loi, puisqu'il n'a été déposé que la semaine dernière.

Ce qui a découragé les femmes, par rapport à toute proposition de changement de l'article 745, c'est qu'elles y voyaient déjà une dernière chance, un faible espoir de libération possible. Elles ont pu suivre le seul dossier de femme qui ait fait l'objet d'un examen jusqu'à maintenant. Il s'agissait d'un cas idéal du point de vue des services correctionnels du Canada, du point de vue des femmes qui la connaissaient, par rapport à la norme communautaire, et ainsi de suite. Ayant constaté combien il lui a fallu de temps pour sortir de prison malgré l'issue positive de son examen, bon nombre d'entre elles ont vu leur espoir encore plus lointain.

Je n'ai eu la réaction que d'un petit nombre de condamnées à perpétuité depuis le dépôt de la mesure. Comme je vous l'ai dit, je vais les rencontrer demain. Cependant, il est très clair qu'elles craignent que cette mesure ne rende encore plus lointaines leurs chances de libération.

M. Ramsay: Vous avez dit également que le milieu carcéral devient plus brutal pour les détenues. Il me semblait que l'ouverture de cinq nouveaux établissements pour femmes aillait tout au moins changer radicalement les conditions physiques de leur incarcération, à tel point que la chose suscite certaines critiques. Néanmoins, on peut dire que le changement a été spectaculaire si l'on compare, par exemple, le pénitencier de Kingston à l'établissement d'Edmonton et aux quatre autres.

Mme Pate: Le changement devait être radical. J'en conviens. Cependant, en réalité, les femmes ont été soumises à un traitement beaucoup plus punitif et régressif dans les nouveaux établissements, notamment à Edmonton. Et ce à tel point que, encore une fois la semaine dernière, nous avons demandé au commissaire provisoire aux Corrections de faire enlever les fers des détenues à sécurité minimum qui s'apprêtaient à faire une sortie à l'extérieur. Il s'agissait de femmes qui ne présentaient ni risque pour le milieu extérieur, ni risque d'évasion. Pourtant, on les traitait comme des détenues à sécurité maximum alors qu'elles n'avaient causé aucun problème auparavant.

De plus, depuis janvier de cette année, nous faisons valoir aux autorités des Services correctionnels du Canada qu'elles violent leur propre politique ainsi que la loi en effectuant des fouilles à nu des détenues de la prison d'Edmonton. Elles ont réagi en attribuant un risque plus élevé aux détenus.

Par conséquent, la réalité a été tout autre pour la plupart de ces femmes. La plupart d'entre elles ont été incarcérées dans l'unité dite de sécurité accrue. Il s'agit essentiellement d'une unité d'isolement.

Madame la juge Arbour a fait la tournée des nouvelles prisons. Comme elle l'a signalé dans son rapport, aucune des unités n'était acceptable pour des séjours de longue durée et certaines femmes y étaient détenues depuis plus de six mois.

M. Ramsay: Vous voulez dire aucune des nouvelles unités?

Mme Pate: Aucune des nouvelles unités à sécurité accrue.

M. Ramsay: Elles ne sont pas adaptées?

Mme Pate: Non. Les unités à sécurité accrue ne sont pas adaptées au séjour de longue durée.

M. Ramsay: L'établissement d'Edmonton a connu certaines difficultés. Je croyais que la directrice, Jan Fox, avait été choisie tout particulièrement pour inaugurer le nouvel établissement et il y a pourtant eu certaines difficultés. Des agressions ont eu lieu. Une détenue a été tuée. Une autre aurait été accusée de meurtre.

.2025

Cet établissement a donc connu certaines difficultés. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Je suis tout de même étonné de vous entendre dire que, en dépit des sommes considérables investies dans ces cinq établissements, les détenues continuent d'y vivre dans un climat de brutalité.

Mme Pate: Vous en êtes surpris et, pour notre part, c'est avec un désarroi grandissant que nous avons constaté, une fois l'enquête terminée et l'attention du public dissipée, ce qui continuait de se passer dans nos établissements de détention pour femmes. Je suis tout à fait d'accord.

Je m'en voudrais toutefois de vous dire que c'est ce qui se passe partout. Nous n'avons certainement pas constaté des inquiétudes du même ordre à Truro, la nouvelle prison pour la région de l'Atlantique. Tout n'est pas parfait, mais nous n'avons rien pu constater de ce genre au pavillon de ressourcement.

Il importe je crois que le comité garde à l'esprit que ce pavillon accueille des détenues qui appartiennent aux mêmes catégories que certaines de leurs consoeurs d'Edmonton. Or, le pavillon de ressourcement n'est pas clôturé et ne comporte pratiquement aucune des mesures de sécurité statique qui existent à l'établissement d'Edmonton. Pourtant, les autorités ne signalent aucune difficulté. C'est dire à quel point le contexte et l'environnement ont leur importance.

Nous savons depuis longtemps que tous les directeurs d'établissements, à l'exception du Kikawinaw, l'appellation en langue crie du directeur du pavillon de ressourcement, ont été recrutés parmi les rangs des Services correctionnels du Canada. Malheureusement, c'est essentiellement cette organisation qui les a formés, et ils ont eu beaucoup de difficultés à s'adapter à une nouvelle façon de voir. Nous nous efforçons de faciliter la transition.

Certaines des femmes dont on disait qu'elles devaient être détenues dans des établissements à sécurité maximale et qu'elles présentaient des problèmes considérables quand elles étaient à la prison des femmes derrière des murs haut de deux étages vivent maintenant au pavillon de ressourcement sans être soumises à aucune mesure de sécurité de ce genre. Le personnel les décrit même comme des détenues modèles dans ce nouvel environnement et comme des mentors pour leurs codétenues. Elles assument de façon incroyable la responsabilité de leur comportement. La réalité telle que nous la voyons est donc tout autre.

M. Ramsay: Il y a certainement quelque chose qui ne va pas à l'établissement d'Edmonton.

Mme Pate: Je suis d'accord avec vous.

M. Ramsay: En tout cas, merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Y a-t-il d'autres questions? Il nous reste environ quatre minutes - une fois, deux fois, adjugé.

Du côté ministériel, madame Clancy.

Mme Clancy: Non.

Je tiens à remercier Mme Pate d'être venue devant nous et de nous avoir présenté comme toujours un exposé convaincant et exempt d'émotions, mais empreint de compassion, au nom de la société Elizabeth Fry. Je vous remercie.

Mme Pate: Merci à vous.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney: Je veux vous interroger sur quelque chose que vous avez dit tout à l'heure en votre qualité de membre du comité du CCA. Je ne suis pas sûre de vous avoir bien comprise. Je ne savais pas trop si M. Nunziata avait donné à entendre que la décision prise par les femmes des différentes régions du pays qui ont voté sur une résolution présentée au CCA en fin de semaine était attribuable au fait qu'elles étaient mal informées et qu'elles n'avaient pas lu le projet de loi. Je me demande si vous pourriez peut-être nous parler un peu des discussions et des raisons qui vous ont amenée aux conclusions auxquelles vous êtes arrivées.

Mme Pate: Certainement. En tant que membre du Comité canadien d'action, comme vous le savez, je représente mon organisme. C'est l'un des 375 groupes de femmes qui font partie du Comité canadien d'action sur le statut de la femme.

La question a été inscrite pour la première fois à l'ordre du jour du Comité de la justice il y a trois mois, je crois. Elle y avait en fait été inscrite par la présidente du Comité de la justice, qui était venue me voir pour me demander...

La présidente: Je crois que j'ai un trou de mémoire.

Mme Torsney: L'autre comité de la justice.

Mme Pate: Mme Go est venue me vois pour me demander mon opinion sur certaines de ces questions. C'est elle qui avait lancé la discussion. Nous avons donc commencé à travailler sur certaines de ces questions. Je lui ai fourni l'information que nous avions. Elle a aussi consulté les membres de son comité, qui ont consulté les organismes membres dont nous pensions qu'ils seraient les plus touchés. Ces organismes comprennent, bien sûr, les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle ou de viol, les refuges pour femmes et les groupes qui, de manière générale, fournissent des services d'aide aux femmes et aux enfants, victimes de violences quelconques. Après avoir examiné le projet de loi de M. Nunziata, nous avons pris clairement position contre l'abrogation.

Le CCA a ensuite participé aussi à des consultations avec le ministère de la Justice. Quand il est devenu clair qu'il était question d'apporter des modifications, nous avons commencé à nous pencher sur ces modifications. J'utilise le terme «nous» assez librement. Je ne fais pas partie du comité, mais j'ai certainement été en mesure de participer à certaines des discussions.

.2030

Nous avons soumis notre position à deux groupes. Nous l'avons soumise aux groupes de femmes que M. le ministre Rock a rencontrés la semaine dernière pour les consulter sur des questions relatives à la justice, et tous les groupes ont indiqué très clairement qu'ils étaient unanimes à s'opposer aux modifications. Nous avons reçu le projet de loi la veille du jour où nous avons débuté nos consultations. Un certain nombre d'entre nous ont consacré deux soirées ou une journée entière ou presque à examiner le projet de loi. Nous avions bien sûr à la table certaines des juristes canadiennes les plus réputées, qui travaillent dans nos écoles de droit et qui exercent leur activité dans le système judiciaire criminel ou dans le système parajudiciaire, de même que des travailleuses de première ligne.

En même temps qu'il participait à ce processus, le Comité canadien d'action poursuivait ses propres consultations. Une résolution a été présentée à son assemblée annuelle en fin de semaine. La question était perçue comme pouvant miner les libertés de tous les Canadiens à tel point qu'on a décidé d'en faire l'objectif premier des pressions du CCA. Joan Grant-Cummings, la nouvelle présidente, a d'ailleurs présenté la question dans son allocution d'ouverture comme étant d'importance capitale et comme étant susceptible d'entraîner l'effritement des principes fondamentaux de justice et d'équité. Nous craignons de voir s'amorcer l'érosion graduelle de beaucoup des libertés qui nous tiennent à coeur au moment même où nous demandons, non pas l'érosion de ces libertés, mais leur protection par ceux qui ont cette responsabilité, qu'il s'agisse de la police, des tribunaux ou de vous-même.

Voilà donc essentiellement le processus qui a été suivi. C'est avec une vive inquiétude - une inquiétude profonde, mais pas personnelle - que nous nous sommes rendu compte que notre position serait interprétée comme étant un appui au droit de M. Olson de présenter une demande. Nous avons donc résolument pris position à ce sujet et nous avons indiqué que nous assumerions la responsabilité de dire que cet homme en particulier ne sortira jamais, que nous en sommes certaines, mais que nous ne pourrions pas appuyer ni accepter qu'on légifère pour empêcher un homme en particulier de présenter une demande, et cela au nom de toutes les victimes et de nous toutes à titre personnel. C'est la raison fondamentale pour laquelle nous nous sommes opposées au processus.

J'espère avoir répondu à votre question au sujet de la façon dont nous sommes arrivées à cette décision. Nous y sommes arrivées après beaucoup de discussions, beaucoup de débats et aussi, je dois l'avouer, beaucoup d'inquiétude quant à la capacité réduite des groupes de femmes à prendre ainsi position et à se mobiliser dans le contexte actuel où, comme je l'ai indiqué à certains d'entre vous, certaines femmes envisagent de mettre en commun leurs chèques d'assurance-chômage ou d'aide sociale pour pouvoir nourrir leurs enfants. Les moyens financiers dont disposent ces femmes qui travaillent à titre bénévole dans les centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles et dans les refuges pour femmes sont nettement insuffisants.

Bien des personnes ont dit à moi-même ainsi qu'à notre organisme et aux groupes de femmes qu'il faudrait aller rencontrer les représentants du lobby qui appuie la modification de l'article 745, et je tiens à vous dire à cet égard qu'étant donné le peu de ressources dont nous disposons et que, même si nous avions les ressources voulues, nous sommes considérées comme des organismes de charité, nous nous retrouvons encore une fois dans une situation essentiellement défavorisée et marginalisée à propos de cette question comme de beaucoup d'autres.

Je vous suis donc reconnaissante d'avoir posé la question. Je crois qu'il faut savoir que le CCA représente des millions et des millions de femmes et d'enfants de par les membres qu'il regroupe dans toutes les régions du pays. Si la marche contre la pauvreté n'a pas montré cela de façon plus concrète et plus convaincante que je ne peux le faire, vous pourriez peut-être venir rencontrer les représentantes du CCA ou assister à une de nos assemblées pour voir qui sont celles qui sont là et de quoi elles discutent.

Mme Torsney: Et il y a eu débat entre les victimes?

Mme Pate: On a beaucoup discuté de ce que cela signifiait. Ce n'était pas clair. À l'origine, on pensait... d'après ce que j'ai pu constater après avoir parlé à certains députés qui m'ont appelée et qui m'ont demandé des précisions au sujet de ce que nous proposions, on ne comprenait pas très bien ce dont il était question: était-il vraiment question de protection ou était-il plutôt question d'une loi inefficace. L'information demandée leur a donc été fournie. Je tiens à préciser que ce n'est pas moi qui ai fourni l'information, car j'ai clairement indiqué mon parti pris et ma position à cet égard. L'information a plutôt été fournie par des travailleuses des centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles, qui avaient examiné les modifications et qui avaient conclu qu'il y avait matière à préoccupation.

Comme vous pouvez le voir d'après la résolution - c'est celle qui a été proposée, pas celle qui a été adoptée - , il s'agit d'une prise de position qui a été proposée par le Comité de la justice et appuyée par l'ensemble des membres, par le centre d'aide aux victimes d'agressions sexuelles. Il est donc clair que nous avons examiné à fond certaines de ces questions.

.2035

Certaines femmes ont demandé s'il n'y aurait pas moyen d'exiger que les ressources qui auraient été consacrées à la mise en oeuvre de ces modifications aillent plutôt aux centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles, pour que, à tout le moins, ces centres ne soient pas obligés de fermer leur porte.

Dans cette discussion sur les stratégies à mettre en oeuvre, nous nous sommes également interrogées sur la façon d'assurer la survie de ces centres étant donné qu'il n'y a plus d'argent pour les salaires. Le gouvernement pourrait peut-être combler le manque à gagner en donnant aux centres l'argent nécessaire pour acheter les maisons qu'ils occupent afin qu'ils puissent continuer à venir en aide aux femmes qui y cherchent refuge.

La présidente: Merci, madame Torsney.

Mme Torsney: M'accordez-vous une minute Ramsay?

La présidente: Je vous accorde une minute Ramsay.

Mme Torsney: Je n'ai jamais droit à des minutes Ramsay.

Beaucoup de victimes sont venues nous dire aujourd'hui qu'elles n'ont pas la possibilité d'une révision après 15 ans, ni d'une révision après 25 ans; elles sont condamnées à perpétuité. Vous nous dites que vous vous inquiétez des conséquences possibles pour les femmes détenues. Je vous pose la même question que celle que m'a posée une de mes jeunes électrices l'autre jour. Pourquoi devrions-nous nous préoccuper de ce que vit quelqu'un comme Karla Homolka quand Leslie Mahaffy est dans un cercueil?

Mme Pate: On me pose la même question et je me demande toujours comment empêcher des choses comme celle-là de se reproduire. Je vous dirai ce que m'ont dit les condamnées à perpétuité, ou du moins beaucoup d'entre elles.

Une femme qui est maintenant libérée sous condition a été trouvée coupable de meurtre au deuxième degré. Elle ne cesse de dire combien elle souhaiterait pouvoir se sacrifier si elle pouvait ainsi rendre la vie à la femme qu'elle a tuée, sa belle-mère. Ceux qui pensent comme elle s'imaginent qu'en échangeant la vie de quelqu'un qui est vivant pour celle de quelqu'un qui est mort, on peut en quelque sorte compenser. Je ne crois pas que cela soit possible, mais je ne crois pas non plus qu'il faut faire fi des préoccupations des victimes - bien au contraire.

Il ne faut toutefois pas encourager la création dans les prisons d'une situation telle que les actes de brutalité sont susceptibles de se multiplier et qu'il y aura par conséquent plus de victimes, que ce soit de leur propre main ou de la main de quelqu'un d'autre, comme nous l'avons entendu dire.M. Ramsay a évoqué le cas de la femme qui a été tuée dans la prison d'Edmonton et celui de la femme qui s'est tuée elle-même une semaine avant dans la prison des femmes. Nous voulons éviter les deux types de cas.

Je réagis invariablement en me demandant comment cela pourra nous aider à avancer. Certains croient sincèrement, à mon avis, que le fait que telle personne sera sous les verrous pour toujours les aidera à aller de l'avant. Si la personne présente un risque perpétuel pour le public, elle ne sera jamais libérée.

Vous trouverez peut-être intéressant, ou peut-être pas, de savoir que j'ai été élevée dans un milieu très différent et que j'ai milité pendant de nombreuses années pour la peine de mort. C'est grâce à mon travail auprès tant des victimes que des auteurs d'actes de violence que j'en suis venue à une position très différente, car je ne vois pas en quoi le fait d'exiger la punition des contrevenants aide le contrevenant ou la victime à avancer.

Il s'agit essentiellement de savoir dans quel genre de collectivité et de société je veux vivre. La société où je veux vivre est-elle celle où on montre qu'il est mal de tuer en tuant quelqu'un? Non. La collectivité où je veux vivre est-elle celle qui exige qu'on punisse une personne qui a déjà montré qu'elle ne peut pas respecter... ou que pour une raison quelconque, elle est incapable de vivre en société? Non. Ainsi, pour moi, il s'agit vraiment d'essayer de déterminer ce qui nous permettra d'avancer.

Si je reviens maintenant à l'article 745, quand j'y pense, je me dis que beaucoup d'entre nous voudraient que cet article soit abrogé et que nous revenions à des peines minimales moins sévères. Ce n'est toutefois pas de cela qu'il s'agit maintenant. Pour ma part, j'ai du mal à accepter un système qui ne cesserait de faire croître les dépenses et qui multiplierait sans doute les problèmes.

Les millions de dollars qu'il en coûtera pour garder toutes les femmes visées par ces dispositions en prison pendant dix ans encore pourraient être dépensés à bien meilleur escient dans la collectivité. D'après ce qu'on me dit, il en coûte quelques 92 000$ par an pour garder une femme en prison. Si on envisage de les garder en prison au moins dix ans de plus, le coût s'élèverait à près d'un million de dollars, sans compter les coûts de l'aide à l'enfance pour celles qui ont des enfants dont il faudrait s'occuper. Il s'agit donc de montants considérables.

.2040

Dans les discussions que j'ai eues avec des personnes de la collectivité, je leur ai demandé comment elles s'y prendraient si elles pouvaient avoir leur mot à dire dans la façon dont ces montants sont dépensés; j'ai constaté que la plupart disent qu'elles prendraient deux femmes dans la collectivité, deux condamnées à perpétuité, si des sommes correspondantes pouvaient être investies dans des programmes communautaires - certaines disent même qu'elles les prendraient même si ce n'était pas possible.

La présidente: Je tiens à vous remercier toutes les deux d'être venues devant nous. Votre témoignage nous a été utile. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir bien voulu venir même à cette heure tardive.

Nous interrompons la séance pour quelques minutes.

.2041

.2050

La présidente: Nous reprenons la séance. Nous procéderons d'abord à l'étude article par article du projet de loi C-234.

Les articles 1 et 2 sont rejetés

La présidente: Le titre est-il adopté?

Des voix: Non.

La présidente: Le projet de loi est-il adopté?

M. Hanger: Je demanderais un vote inscrit.

La présidente: Le projet de loi est rejeté par sept voix contre deux.

Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je propose que, comme le projet de loi a été rejeté, nous n'en fassions pas rapport à la Chambre.

[Français]

M. Langlois: Madame la présidente, j'aimerais que vous statuiez. Par un ordre de la Chambre, le projet de loi C-226, qui est devenu le C-234, nous a été renvoyé. Nous avons pris une décision. Ne serait-il pas dans l'ordre des choses que la Chambre soit officiellement informée des décisions que nous avons prises quant à ce projet de loi? Il me semble qu'il n'est pas nécessaire d'adopter une motion pour faire rapport à la Chambre. Le greffier pourrait peut-être nous éclairer là-dessus.

Maintenant que nous avons décidé que nous devons retourner auprès de ceux qui nous ont donné le mandat afin de les informer de ce que nous avons fait du projet de loi qu'ils avaient adopté en deuxième lecture, nous n'avons pas à adopter une motion déclarant que l'on fait rapport. Il me semble normal que le comité puisse faire rapport à la Chambre sur ses travaux.

.2055

[Traduction]

La présidente: Merci. Je crois que c'est ce que nous avons fait dans deux autres cas. Dans ces deux cas - je devrais préciser que je ne présidais pas dans un cas, mais que j'ai présidé dans l'autre - , nous avons jugé la motion recevable.

Monsieur Hanger.

M. Hanger: Madame la présidente, pour que ce soit consigné dans le compte rendu, pourquoi ne ferions-nous pas rapport du projet de loi à la Chambre? Pourquoi n'en ferions-nous pas rapport?

La présidente: Monsieur Campbell.

M. Campbell (St. Paul's): Madame la présidente, puisque le projet de loi a été rejeté en comité, nous n'avons rien dont nous pouvons faire rapport à la Chambre selon la procédure telle que je la comprends. Le projet de loi n'a pas passé l'étape de l'étude en comité. Le comité n'a donc pas à en faire rapport. Le projet de loi a été rejeté en comité.

La présidente: Monsieur Gallaway.

M. Gallaway: Comme l'a dit M. Campbell: il n'y a pas d'article 1, pas d'article 2 et pas de titre. Nous n'avons donc qu'une page en blanc dont nous pourrions faire rapport à la Chambre. Dans ce cas-là, nous ne faisons pas rapport à la Chambre. La règle veut qu'il ne soit pas fait rapport d'un projet de loi qui a été catégoriquement rejeté à l'étape de l'étude en comité.

La présidente: Exactement.

Nous passons donc à la mise aux voix. Vous voulez un vote inscrit, Monsieur Hanger?

M. Hanger: Oui.

M. Campbell: Pourrait-on simplement répéter la motion?

La présidente: La motion prévoit que le, projet de loi ayant été rejeté en comité, le comité n'en fasse pas rapport à la Chambre.

M. Ramsay: Puis-je obtenir un éclaircissement, madame la présidente? Avons-nous voté pour que la présidente fasse rapport à la Chambre du projet de loi tel qu'amendé ou tel quel, ce rapport étant le troisième rapport du comité? N'est-ce pas...

La présidente: Je récapitule. Nous avons voté sur l'article 1 et il a été rejeté. Nous avons voté sur l'article 2 et il a été rejeté. Nous avons voté sur le titre et il a été rejeté. Nous avons voté sur le projet de loi et il a été rejeté. Puis, monsieur Gallaway a proposé que le projet de loi ayant été rejeté, nous n'en fassions pas rapport à la Chambre. Voilà la motion dont nous sommes saisis. J'ai décidé qu'elle était recevable et nous demandons maintenant aux membres de se prononcer par un vote inscrit.

La motion est adoptée par 8 voix contre 3

La présidente: Passons maintenant à l'article 1 du projet de loi C-45. Je crois savoir que le Bloc a des amendements à proposer. Je vous demande de bien vouloir nous les présenter.

M. Kirkby: J'ai un court exposé à vous présenter sur l'ensemble du projet de loi. Voulez-vous que je le présente avant ou après, ou me dispensez-vous de le présenter?

Mme Clancy: Qu'on vous en dispense.

La présidente: Voilà qui est clair et net.

M. Kirkby: Nous pouvons aussi nous dispenser du reste.

Mme Clancy: Passons simplement à l'étude article par article.

La présidente: Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: La série d'amendements déposée plus tôt par l'Opposition officielle est divisée en trois parce que le projet de loi lui-même est en trois partie et parce qu'il y a des articles qui sont conditionnels à l'entrée en vigueur du projet de loi C-41. Jusqu'à BQ-6, il n'y a pas de répétition, mais par la suite, ce sont des amendements de concordance puisque le projet de loi lui-même présente des modifications de concordance.

.2100

Les deux premiers amendements, BQ-1 et BQ-2, portent sur la question de savoir si une personne qui a été trouvé coupable de plus d'un meurtre peut s'adresser à un tribunal pour demander l'application de l'article 745. Comme je l'ai dit, je suis en faveur qu'une personne ait ce droit.

Le premier amendement ferait disparaître les mots «Sous réserve du paragraphe (2)», parce que c'est justement le paragraphe (2) qui, à un article ultérieur, interdit à une personne déclarée coupable de plus d'un meurtre de présenter une requête pour remise en liberté.

Donc, BQ-1 et BQ-2 représentent la globalité des amendements à adopter. Il s'agit de maintenir la situation telle qu'elle existe depuis 1976 quant à la possibilité de faire une demande de remise en liberté. Donc, je propose l'amendement BQ-1 et, selon ce qui arrivera à BQ-1...

[Traduction]

L'amendement est rejeté [Voir Procès-verbaux]

La présidente: Amendement BQ-2.

[Français]

M. Langlois: Vous pouvez appliquer le même résultat pour accélérer le processus.

[Traduction]

La présidente: Avons-nous le consentement unanime pour appliquer au BQ-2 le vote sur le BQ-1?

Des voix: D'accord.

L'amendement est rejeté [Voir Procès-verbaux]

La présidente: Amendement BQ-3.

[Français]

M. Langlois: L'amendement BQ-3 traite du procédé de sélection, comme on l'a qualifié. C'est-à-dire que dorénavant, une personne serait obligée de présenter une preuve documentaire. Le paragraphe 745.1(1) proposé dans le projet de loi se lit comme suit:

Donc, mon amendement BQ-3 a pour but de faire en sorte qu'il y ait une audition contradictoire où le détenu, le requérant, le procureur général ou toute autre personne intéressée pourrait faire valoir oralement son point de vue, puisque je propose que, sur réception de la demande, le juge tienne une audition relativement à cette demande.

Le paragraphe (1.1) que je propose précise:

(1.1) Le requérant doit être informé suffisamment à l'avance du lieu, de la date et de l'heure de l'audition et avoir la possibilité de se faire entendre, de contre-interroger les témoins et de présenter des éléments de preuve, soit personnellement ou par procureur.

L'amendement BQ-4 est une conséquence de ceci. La Cour d'appel, qui doit se prononcer après avoir pris connaissance uniquement des documents, ne devrait se prononcer qu'après avoir pris en considération les représentations faites par les parties, par exposé conjoint, par dossier conjoint ou factum qu'elles pourraient transmettre à la Cour d'appel. Donc, je pense que BQ-3 et BQ-4 pourraient être traités de la même façon.

.2105

[Traduction]

La présidente: Bon, alors, nous voterons sur le BQ-3 et, avec votre consentement, nous appliquerons ce vote au BQ-4. C'est d'accord?

Des voix: D'accord.

Les amendements sont rejetés [Voir Procès-verbaux]

La présidente: Nous passons maintenant à l'amendement BQ-6.

[Français]

M. Langlois: L'amendement BQ-6 porte sur un point capital. Il porte sur la question de la majorité des deux tiers. Je n'ai pas besoin de faire le débat devant vous, car je l'ai fait à de multiples reprises devant les témoins. Ils sont souvent venus nous entretenir de la nécessité de maintenir la règle des deux tiers. Personnellement, je vois là une norme nationale parce qu'en adoptant la règle de l'unanimité, on fait indirectement ce qu'on aurait fait directement en adoptant le projet de loi C-234. Comme ce n'est manifestement pas ce que nous avons voulu faire, la seule façon de soumettre les justiciables aux mêmes règles de droit de l'Atlantique au Pacifique est de maintenir la règle des deux tiers.

J'ai expliqué, comme plusieurs autres, que la règle des deux tiers, au niveau d'une décision sur une libération, s'explique par le mode de preuve qu'on utilise, par les considérations qui ne sont pas exclusivement juridiques, qui ont aussi trait à des valeurs. On n'a pas à juger, hors de tout doute raisonnable, en vertu de la Loi sur la preuve. Donc, le jury n'est pas lié par une preuve hors de tout doute raisonnable, comme lorsque vient le temps de la détermination d'un verdict de culpabilité.

Donc, ne serait-ce que pour maintenir la possibilité pour les détenus d'utiliser l'article 745, il serait important que nous modifiions le projet de loi afin qu'un jury puisse efficacement agir. Sinon, à l'ouest de la province de l'Ontario, il deviendra extrêmement difficile sinon impossible pour une personne de se présenter devant un jury pour faire une demande.

[Traduction]

L'amendement est rejeté par neuf voix contre deux [Voir Procès-verbaux]

La présidente: Avant que nous n'examinions l'article 1, je voudrais signaler quelque chose qui est peut-être un peu...

Oui, monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: Madame la présidente, étant donné que les amendements BQ-7 et suivants sont des amendements de corrélation avec les six premiers, il est évident que je ne les proposerai pas. Ce serait faire durer le plaisir et je pense qu'on a assez rigolé jusqu'à présent.

[Traduction]

La présidente: Il s'agit des amendements allant de BQ-7 jusqu'à BQ-17. Ils portent sur l'article 2, n'est-ce pas?

Le greffier du comité: Oui.

La présidente: Quand nous arriverons à cet article, nous nous en occuperons.

Je voudrais simplement soulever un point grammatical au sujet de cet article. Je sais que nous prions à l'autel de la rectitude politique et c'est une coutume à laquelle je me plie généralement, mais il y a ici un pronom pluriel qui ne renvoie à rien. Quelqu'un pourrait-il m'expliquer pourquoi nous faisons cela? Je suppose que c'est parce que nous voulons éviter d'utiliser le terme «his», mais je veux simplement signaler que, quand on essaie de voir à quoi cela renvoie, il n'y a pas de sujet pluriel. Il y a donc là un sérieux manque de cohérence grammaticale.

.2110

Mme Clancy: Bravo.

La présidente: Pas de quoi. Je vois le visage rougeoyant de cette fonctionnaire qui se meurt de m'expliquer cela.

Mme Torsney: Elle n'est pas allée à la même école pour filles que vous.

La présidente: Non.

Mme Ablonczy (Calgary-Nord): Madame la présidente, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous indiquer la ligne en question?

La présidente: Au paragraphe 745(1), le mot «their». Il y a un «their» seulement au paragraphe 1.

M. Ramsay: Dans quelle ligne, madame la présidente?

Mme Torsney: Trois.

La présidente: La troisième ligne. Il me semble que cela vous aurait tout de suite sauté aux yeux, mais je suppose que nous ne sommes pas tous allés à la même école primaire.

Mme Torsney: Les religieuses ont fait du bon travail.

La présidente: Les religieuses ont fait de l'excellent travail en ce qui me concerne, et j'ai beaucoup de mal à accepter cette incohérence.

Mme Clancy: Du moins dans ce cas-ci.

Mme Torsney: Sur cette question.

M. Yvan Roy (premier avocat général, Politique du droit pénal, ministère de la Justice): Tout ce que je puis vous dire, madame la présidente, c'est que la raison que vous avez évoquée est bien celle qui a incité les rédacteurs à opter pour les termes en question. Les spécialistes en rédaction législative du ministère de la Justice nous assurent que c'est la formulation qui convient dans les circonstances.

J'ai moi-même déjà vu dans un texte le mot «themself», qui paraît un petit peu curieux même pour quelqu'un dont la langue maternelle n'est pas l'anglais. Nos spécialistes nous disent toutefois qu'il s'agit d'une formulation qui permet de régler le problème auquel vous avez fait allusion.

Je transmettrai vos observations à nos spécialistes.

La présidente: Il me semble qu'on aurait pu mieux régler le problème par la formulation suivante: «Justice in the province in which that person's conviction took place».

Cela ne changerait rien dans la version française.

M. Ramsay: Je suis du même avis.

La présidente: On respecterait ainsi les règles de la grammaire.

M. Ramsay: J'appuie la motion.

La présidente: Plus loin, le mot «their» figure à l'alinéa 745(1)b), et au lieu de lire «15 years of their sentence has been served», on pourrait dire «that person's sentence». Il en va de même à l'alinéa c).

Cela changerait-il le sens?

Mme Torsney: Je crois que cette question a déjà été soulevée au sujet d'autres projets de loi que nous avons étudiés. Si horrible que cela puisse paraître, nous avons accepté cette formulation dans tous les autres projets de loi que nous avons adoptés. Bien que je sois d'accord avec vous pour dire qu'il serait très simple et très logique de modifier la formulation dans les trois cas que vous avez évoqués, je crois que le ministère a maintenant pour règle d'utiliser «their». Nous nous trouverions donc en fait à établir une nouvelle règle qui ne concorderait pas avec celle que nous avons suivie pour les autres projets de loi que nous avons adoptés.

Dieu me préserve, les religieuses vont me pourchasser.

M. Ramsay: Nous avons un juge en Alberta qui a fait une observation sur le langage utilisé dans le Code criminel. Selon lui, il est tellement compliqué qu'il s'écarte complètement de la réalité.

Je ne veux pas être là jusqu'à minuit, mais ce que vous dites me paraît plein de bon sens.

La présidente: En tant que présidente, je ne suis pas là pour proposer des motions.

Ce n'est pas conforme aux règles de la grammaire. C'est un pluriel. Est-ce dans la Loi d'interprétation?

M. Roy: Non.

La présidente: Nous n'avons donc pas adopté une loi pour rendre cela grammatical. Est-ce bien ce que vous me dites?

M. Roy: Nous ne l'avons pas encore fait.

La présidente: Je suis en train de perdre la tête.

M. Gallaway: Nous pourrions peut-être demander aux membres de notre personnel qui sont ici si le texte a d'abord été rédigé en français ou en anglais.

M. Roy: Je suis désolé; je n'ai pas compris ce que vous avez dit.

M. Gallaway: Le projet de loi a-t-il d'abord été rédigé en français ou en anglais?

M. Roy: Au ministère, nous pratiquons la co-rédaction des projets de loi dans les deux langues officielles. C'est le cas du projet de loi à l'étude, comme de tous les autres projets de loi qui sont envoyés à votre comité. Il n'y a donc pas de version anglaise de l'original français ou la version française de l'original anglais. Les projets de loi sont co-rédigés par deux rédacteurs. Il ne s'agit pas de traductions.

M. Kirkby: Je m'engage à faire part aux fonctionnaires du ministère des préoccupations d'un certain nombre d'entre vous. Elles seront examinées.

La présidente: Si insignifiantes soient-elles. Très bien.

[Français]

M. Langlois: Dans le cas où on maintiendrait la version anglaise comme elle est, il faudrait être logique et dire dans la version française: «une personne peut demander, par écrit, au juge en chef compétent de la province où a eu lieu leur déclaration de culpabilité» et non pas «sa déclaration de culpabilité». Pour moi, il y a quelque chose qui ne va pas là.

.2115

M. Roy: Je me permettrai d'ajouter, monsieur Langlois, que nos experts légistes au ministère de la Justice nous ont indiqué que, par le passé, l'utilisation du mot their ou themself provenait du vieil anglais du XVIIe siècle. C'est la raison pour laquelle on croit possible de l'utiliser dans les versions anglaises que nous avons actuellement.

Dans le cas de la version française, lorsqu'on dit «sa déclaration», on rend très bien le sens de la version anglaise.

M. Langlois: Votre explication en français me convient plus que l'autre.

M. Roy: Plus qu'en anglais?

M. Langlois: Oui.

[Traduction]

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Je présenterai un projet de loi d'initiative parlementaire visant à modifier la Loi d'interprétation afin qu'on respecte les règles de grammaire.

L'article 1 est-il adopté?

M. Ramsay: À la majorité des voix.

L'article 1 est adopté à la majorité des voix

La présidente: En ce qui concerne l'article 2, nous avons les amendements numérotés de BQ-7 à BQ-17. Je crois que nous avons le consentement voulu pour leur appliquer le vote sur l'amendement précédent, de sorte que les amendements allant de BQ-7 à BQ-17 sont rejetés.

Les articles 2 à 9 inclusivement sont adoptés à la majorité des voix

La présidente: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Le projet de loi est-il adopté?

Une voix: Je demande l'appel nominal.

Le projet de loi C-45 est adopté par 7 voix contre 4

La présidente: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre et ce à titre de notre deuxième rapport?

Monsieur Langlois, nous voulons simplement nous assurer que vous avez effectivement proposé les amendements BQ-7 à BQ-17.

[Français]

M. Langlois: Non. De toute façon, s'il est nécessaire de faire des ajustements, faisons-les tout de suite parce que ce n'est pas très long. J'ai dit que BQ-1 à BQ-7 disposaient des questions des deux tiers, de l'audition préalable et des meurtriers répétitifs, alors que le reste n'était que corrélation. Donc, il ne sert à rien de les proposer. Alors, considérons-les comme non proposés ou défaits par le même vote, selon ce que vous déciderez. Je ne serai pas chatouillé.

[Traduction]

La présidente: Bon, les amendements 1 à 7 ont été proposés et rejetés, tandis que les amendements 8 à 17 sont retirés. C'est très bien, merci.

Mme Torsney propose que je fasse rapport à la Chambre du projet de loi sans amendement et ce à titre du deuxième rapport du comité.

Des voix: D'accord.

La présidente: Merci. C'est unanime. Je ferai rapport du projet de loi.

M. Ramsay: [Inaudible - Éditeur].

Mme Clancy: J'ai beau être épaisse, je sais bien que je n'ai pas besoin de votre permission.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Merci beaucoup, chers collègues. La séance est levée.

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